Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Pêches
Fascicule 25 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 15 juin 1999
Le comité sénatorial des pêches s'est réuni aujourd'hui à 8 h 30 pour examiner les dépenses projetées aux crédits 1, 5 et 10 des Pêches et Océans contenues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: L'honorable David Anderson, ministre des Pêches et des Océans, est parmi nous ce matin. Il arrive de Norvège et il a tout récemment terminé la négociation du Traité sur le saumon du Pacifique avec les États-Unis. Ce document sera ce matin le sujet de discussion, en conformité avec le mandat qui nous a été confié.
Juste avant d'inviter le ministre à faire ses observations préliminaires, je tiens à lui souligner la possibilité que les membres du comité soient dans une situation légèrement désavantageuse. Le comité ne s'est pas rendu sur la côte ouest depuis 1986, et sa composition a beaucoup changé depuis cette époque. Peut-être n'y a-t-il plus qu'un ou deux membres qui faisaient partie du comité en 1986.
Le sénateur Stewart: Je ne me suis certes pas rendu sur la côte ouest, monsieur le président.
Le sénateur Robertson: J'y suis allée.
Le président: Nous avions prévu nous rendre sur la côte ouest ce printemps pour en apprendre davantage au sujet des problèmes liés à la pêche mais, malheureusement, notre demande de crédits budgétaires n'a même pas été étudiée. Nous devrons nous contenter de moyens limités pour nous renseigner au sujet de la côte ouest.
Le sénateur Stewart: On nous a dit en effet à quel point les pêches ne sont pas importantes.
Le président: Nous ne sommes absolument pas d'accord avec le point de vue selon lequel les pêches ne sont pas importantes. Nous estimons que cette question revêt une grande importance et nous y reviendrons bien sûr dans l'avenir.
Cela étant dit, nous prierons le ministre, s'il le veut bien, de faire ses observations préliminaires.
L'honorable David Anderson, ministre des Pêches et des Océans: Monsieur le président, j'espère que l'hérésie voulant que les pêches ne soient pas importantes sera rapidement dissipée, soeur Peggy étant en mesure de préciser le nombre d'apôtres qui étaient en réalité des pêcheurs et le nombre de références à la pêche dans la bible. Il y a aussi le miracle de la multiplication des pains et du poisson. De plus, ce n'est pas que dans la religion chrétienne que le poisson revêt de l'importance. Dans la religion bouddhiste, le poisson est symbole d'abondance. Je pourrais poursuivre encore longtemps, mais en présence de soeur Peggy, je serai très prudent dans mes commentaires sur la théologie. Je pourrais très rapidement me trouver dans une situation qui dépasse l'étendue de mes connaissances.
Il me fait plaisir d'être de nouveau parmi vous. Il serait très utile que vous vous rendiez sur la côte ouest. Si ma frêle voix pouvait être d'une aide quelconque dans le concert de ceux qui s'opposent à la décision, je serais heureux d'affirmer que je crois que c'est important. J'ai certes apprécié les occasions de vous rencontrer les autres fois et les questions perceptives que vous m'avez posées.
Je parlerai aujourd'hui de l'accord que nous avons conclu avec les États-Unis il y a environ deux semaines. Il arrive fort à propos.
En guise de préambule, je souligne que ces arrangements sont intervenus dans le cadre du Traité sur le saumon du Pacifique, qui a été signé en 1985 par le président des États-Unis, M. Reagan, et le premier ministre du Canada, M. Mulroney, à l'occasion de ce qu'il est convenu d'appeler le Sommet irlandais. L'accord comprenait des annexes qui s'appliquaient à la pêche pendant un certain nombre d'années. Les annexes sont devenues caduques, et on a tenu pour acquis que des annexes seraient renégociées dans le cadre du Traité. J'insiste sur ce point parce que nous n'avons pas négocié un nouveau traité. Dans les faits, nous avons négocié techniquement des accords en vertu de l'Annexe IV du Traité. Il y a eu une certaine méprise à ce sujet dans les médias.
C'est la première fois en sept ans que nous aboutissons à un accord avec les États-Unis, et c'est certes un événement marquant. Au cours des années précédentes où il n'y avait pas d'ententes avec les États-Unis, le Canada, qui est en aval de l'Alaska, n'obtenait que ce que ceux-ci voulaient bien lui laisser. Parallèlement, dans le sud, si le poisson s'éloignait de l'Île de Vancouver, il passait dans le fleuve Fraser et était intercepté par l'État de Washington. Nous n'obtenions alors que ce qu'ils n'avaient pas capturé. Dans le sud, à une époque donnée de l'histoire, les Américains capturaient 60 p. 100 des poissons du sud ayant le fleuve Fraser comme destination. Dans le Nord, les Américains ont souvent fait des prises qui nous ont placés dans une situation où un nombre relativement peu élevé de poissons sont parvenus jusqu'à nous. Nous savons qu'ils sont nécessaires pour la reproduction dans la rivière. Par conséquent, on ne peut avoir de possibilités de pêche pour les pêcheurs canadiens. Les Américains n'ont absolument pas diminué leurs prises, alors que nous avons dû réduire les possibilités de pêche pour les fins de la conservation.
Je mentionne ces deux aspects parce que nous ne devrons pas perdre de vue l'importance de l'accord, qui vise premièrement à assurer la conservation, soit le partage égal du fardeau à cet égard, et, deuxièmement, à offrir des perspectives de pêche aux pêcheurs canadiens. Il va de soi que ces objectifs se recoupent, mais il faut à l'occasion les analyser individuellement afin de ne pas les oublier.
À mon avis, monsieur le président, ces dispositions marquent le début d'une nouvelle ère de conservation et l'amorce d'un partage plus équitable de la ressource précieuse que représente le saumon. Au moment de la signature du Traité, en 1985, les stocks de saumon étaient relativement abondants et, naturellement, les deux pays étaient concentrés sur l'interception des pêches de leur voisin. Le principal enjeu consistait simplement à maximiser la part de capture.
Toutefois, l'univers, et en particulier l'océan Pacifique, a changé depuis ce temps. Au cours des dernières années, le saumon de la côte ouest a connu des conditions ambiantes instables, de mauvaise conditions de survie et une dégradation de son habitat, tant dans l'océan que dans les aires de frai, et il a fait l'objet d'une surpêche. Ce sont là tout autant d'éléments qui ont entraîné une diminution grave et inégale des stocks.
Nous avons cherché, et je crois que nous avons réussi, en collaboration avec nos homologues américains à moderniser le Traité et à l'adapter au nouvel environnement que je viens de mentionner. Grâce à ces dispositions, nous pouvons avoir la certitude ou la quasi-certitude que les exigences en matière de conservation seront respectées, que les deux pays partageront le fardeau de la conservation et les avantages en découlant, et que le partage sera plus équitable de part et d'autre de la frontière.
Les nouvelles dispositions en matière de pêches fondées sur la conservation se traduiront manifestement par une plus grande stabilité et un meilleur climat de certitude. Ce sont non seulement les stocks qui bénéficieront de ce nouveau climat, mais également les collectivités vivant de la pêche et les pêcheurs eux-mêmes.
Il est important de souligner que l'accord que nous avons conclu comprend aussi plusieurs mesures qui améliorent nos ententes institutionnelles de coopération en matière d'habitat, de gestion des stocks et de sciences. Une gestion responsable des ressources repose manifestement sur un recours judicieux aux sciences. Le saumon ne reconnaissant pas les frontières, les sciences ne devraient pas s'en encombrer non plus. Le renforcement des fondements institutionnels de la coopération contribuera, faut-il l'espérer et s'y attendre, à faire en sorte que la bonne volonté dont témoignent ces accords continue de se manifester dans les années à venir.
Dans les grandes lignes, ce nouvel accord reconnaît que les administrations des deux pays, et j'utilise le terme «administrations» parce qu'il est ici question d'administrations régionales et d'une administration autochtone, ainsi que de l'administration fédérale des États-Unis, doivent faire plus que de gérer simplement la récolte. Il faut protéger et restaurer l'habitat, approfondir notre connaissance du saumon et améliorer la coopération entre les deux pays pour le bien de leurs ressources et de leurs pêcheurs.
À mon avis, l'accord reconnaît ces responsabilités et marque l'adoption de mesures concrètes en vue de s'en acquitter. Je reviendrai plus longuement sur les fonds de dotation, qui en sont un exemple.
L'histoire nous apprend que la conclusion de l'accord avec les États-Unis est toute une réalisation. De nouveau, si nous faisions appel à leur expérience, je suis convaincu que les membres du comité sauraient nous rappeler la longue période de difficultés en ce domaine. Le partage des stocks de saumon migratoire est un point de discorde entre le Canada et les États-Unis depuis le tournant du siècle, depuis cent ans, en réalité. On a mis 15 ans à négocier l'accord de 1985 qui a été signé comme je l'ai mentionné plus tôt par le premier ministre et le président.
Pendant cette période ainsi que depuis ma venue comme ministre il y a deux ans, des gens des deux côtés de la frontière ont appelé à la confrontation. Il peut arriver que des tactiques moins classiques soient utiles. Toutefois, nous avons accompli des progrès parce que nous avons parlé aux Américains directement. Nous ne nous sommes pas exprimés pour les caméras de la télévision ou pour faire la manchette des journaux du lendemain matin. Le processus de négociation a été ardu. Certains critiquent le processus, mais il nous a fallu admettre qu'en raison des échecs connus dans le passé nous devions adopter des tactiques différentes.
Nous avons maintenant un accord qui accorde la priorité au poisson, et c'est beaucoup plus qu'une simple promesse. Je vous rappelle, monsieur le président, que nous sommes à un point tournant, tant en ce qui concerne le poisson que nos relations avec nos voisins américains. Nous commençons à corriger les erreurs du passé. Nous essayons maintenant de ne plus nous disputer âprement au sujet d'une ressource qui diminue et d'améliorer plutôt la situation pour l'ensemble d'entre nous. Je sais qu'il ne sera pas facile de suivre cette voie mais, si nous y arrivons et que nous travaillons dans un esprit de collaboration, nous et les membres des générations futures cueillerons les fruits d'une gestion responsable.
Monsieur le président, ce sont là des propos d'ordre très général. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Pat Chamut, qui était membre de l'équipe de négociation, ainsi que du Dr McCrae et de M. Paul Sprout. M. Chamut vous communiquera tous les détails techniques relatifs aux accords. Ils sont fort techniques et portent sur 14 espèces différentes de saumon. Chaque accord comprend toute une série de volets. J'ai demandé à M. Chamut de donner un bref aperçu de 12 à 15 minutes de tout le Traité. Si le besoin de poser des questions se fait sentir à quelque moment que ce soit, je suis convaincu que nous saurons vous accommoder.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui car l'accord conclu avec les Américains marque un important changement d'attitude et met littéralement fin, à mon avis, à des décennies, voire même à un siècle de controverse et de confrontation.
Le président: Il serait utile que M. Chamut passe en revue les détails techniques. Si vous avez des questions pendant la présentation de M. Chamut, veuillez les poser en vous adressant à moi. J'imagine que pour la plupart d'entre nous, la situation sera plus compliquée qu'à l'occasion de nos réunions ordinaires.
M. Pat Chamut, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: Monsieur le président, tout comme le ministre, je suis heureux d'être ici ce matin pour expliquer l'accord que nous avons négocié avec les États-Unis. Je vous donnerai un aperçu des ententes qui ont récemment été conclues.
Le ministre vous a déjà expliqué que le Traité proprement dit correspond au cadre bilatéral prévoyant les modalités de gestion commune du saumon par le Canada et les États-Unis. Comme le saumon des États-Unis et le saumon du Canada migrent ensemble, et non séparément, la coopération entre les deux pays est nécessaire si nous voulons réussir à atteindre nos objectifs dans le cas du saumon du Pacifique. Le Traité ratifié en 1985 prévoit diverses modalités. Essentiellement, cependant, il établit le processus ou le cadre de la collaboration entre le Canada et les États-Unis. Un des aspects importants du Traité est qu'il comprend une partie portant l'appellation d'annexe IV, soit les ententes précises de gestion des pêches intervenues entre le Canada et les États-Unis.
La difficulté que nous avons éprouvée tient au fait que, depuis 1992, il y avait un différend au sujet de la répartition des parts de capture. Nous étions incapables de revoir les ententes précises qu'exige le déroulement des pêches. Ce différend a été très pénible et acrimonieux au cours des dernières années, et il a donné lieu à un profond conflit, en plus d'exercer une influence considérable sur la ressource elle-même.
Le Canada s'était donné trois objectifs dans le cadre de ces négociations. Le premier et le plus important était de veiller à ce que les ententes négociées prévoient des mesures bilatérales réelles de conservation. Nous voulions des régimes de pêche dans le cadre desquels le poisson a prépondérance. Deuxièmement, nous désirions restreindre les interceptions par les pêcheurs américains et déplacer le poisson vers le Canada. Troisièmement, nous désirions une meilleure collaboration avec les États-Unis en matière de sciences et de gestion du saumon.
Comme le ministre l'a souligné, ces objectifs sont le reflet de la situation actuelle dans le secteur des pêches. L'abondance a diminué, et des stocks sont à risque. On a entrepris la restructuration de la flottille au Canada et, manifestement, l'univers a beaucoup changé depuis 1985, année de l'entrée en vigueur du Traité.
Nos objectifs témoignent de la situation actuelle et visent à mieux tenir compte de nos principaux intérêts nationaux. Conformément aux recommandations figurant dans un rapport présenté au premier ministre et au président en janvier 1998, les négociations se sont déroulées cette fois-ci de gouvernement à gouvernement et ont mis en présence des représentants des gouvernements des États-Unis et du Canada, ainsi que des États de Washington, de l'Oregon et de l'Alaska.
L'accord porte sur quatre éléments principaux, dont l'un a trait à l'adoption de ce qu'il est convenu d'appeler de meilleures mesures institutionnelles. Celles-ci visent à améliorer notre capacité de travailler ensemble. Un deuxième élément concerne la protection de l'habitat. Troisièmement, on a créé le Fonds de dotation pour le saumon du Pacifique. Enfin, le gros du document a trait aux accords de pêche à long terme qui ont été renégociés en vertu de l'annexe IV du Traité. Je passerai rapidement en revue chacun de ces accords afin que vous saisissiez bien ce dont il a été convenu.
En ce qui concerne l'instauration de meilleures mesures institutionnelles, nous avons adopté des moyens qui nous permettront de travailler en collaboration avec les États-Unis. Dans le passé, la Commission du saumon du Pacifique, organisme chargé de superviser la mise en oeuvre du Traité, n'a pas fonctionné efficacement. Elle n'a pas réussi à former véritablement une institution. Par conséquent, nous avons convenu d'établir une nouveau comité de collaboration scientifique qui vise à améliorer ou à corriger la situation dans certains des secteurs marqués par des différends d'ordre technique. Si nous réussissons à conclure des ententes techniques, nous pourrons résoudre certains des plus difficiles problèmes nous ayant compliqué la vie au cours des dernières années. Le comité sera aussi chargé de faire examiner des rapports techniques par des pairs et héritera aussi de la nouvelle responsabilité de rédiger à l'intention des gouvernements des avis relatifs aux activités de protection de l'habitat au sein de chaque sphère de compétence.
Nous avons aussi convenu qu'il y aurait des règles et procédures qui seront élaborées à l'égard d'un volet du Traité concernant le règlement des différends techniques. Encore là, cette mesure devrait nous aider à surmonter certains des problèmes que nous avons connus dans le passé. Ces mesures contribuent, à notre avis, à améliorer nettement notre capacité de nous acquitter conjointement de nos responsabilités partagées en matière de protection du saumon.
Le deuxième élément de l'accord porte sur la protection de l'habitat. La protection de l'habitat du saumon en eau douce est un élément clé de notre capacité à sauvegarder et à maintenir les populations de saumon. Cette disposition est nouvelle et se fonde sur le fait que la simple gestion de la pêche au saumon ne contribuera pas à elle seule à rétablir les stocks en vue d'obtenir une production optimale. Dans le cadre de l'accord, nous avons pris l'engagement de protéger et de reconstituer l'habitat conformément aux objectifs bilatéraux. Les parties au Canada et aux États-Unis recevront un rapport annuel traitant des problèmes particuliers liés à la protection de l'habitat. Nous estimons que les deux fonds de dotation créés et le nouvel engagement de protéger et de reconstituer l'habitat conformément aux objectifs bilatéraux amélioreront de façon marquée les perspectives à long terme en ce qui concerne l'avenir du saumon du Pacifique.
Le troisième élément dont je parlerai porte sur la création de deux nouveaux fonds de dotation. L'un tient compte des questions d'intérêt dans le Nord, le long de la frontière que nous partageons avec l'Alaska et l'autre, des questions d'intérêt dans le Sud, le long de la frontière qui nous sépare de l'État de Washington. Les deux fonds sont financés par les États-Unis qui verseront au total environ 209 millions de dollars canadiens. Ces fonds marquent la reconnaissance du déséquilibre qui a caractérisé dans le passé les interceptions survenues au Canada et aux États-Unis. C'est pourquoi ce sont les États-Unis qui versent les sommes d'argent qui serviront dans les deux pays à accroître la production de saumon et à mieux comprendre les activités scientifiques liées au saumon. Les fonds seront fournis par le Congrès américain après le 1er octobre, qui marque le début de son exercice. L'argent sera affecté progressivement, de sorte que le plein montant de 209 millions de dollars aura été versé au bout de quatre ans.
Les éléments les plus complexes des négociations avaient trait à la conclusion d'accords de pêche à long terme en vertu de l'annexe IV du Traité. L'annexe comprend six chapitres précis portant sur ce qu'il est convenu d'appeler les «pêches d'interception». À titre d'exemple, si l'Alaska capturait ses propres poissons et, parallèlement, ceux qui sont destinés à la Colombie-Britannique, il y aurait alors des pêches d'interception. Il nous a fallu trouver de nouvelles dispositions s'appliquant au déroulement des pêches d'interception au Canada et aux États-Unis.
Les nouveaux accords diffèrent effectivement de ceux que l'on a connus dans le passé, alors qu'il y avait des plafonds fixes. En d'autres mots, la partie intéressée pêchait jusqu'à ce qu'elle ait atteint un chiffre donné sans tenir compte de la santé des stocks. Certaines années, cette pratique était à l'origine de problèmes importants, le plus souvent dans le cas du Canada, parce que les pêcheurs canadiens héritaient du fardeau de la conservation. Si la pêche est fonction d'un plafond donné et que celui-ci est trop élevé compte tenu de l'abondance relative des stocks, on se retrouve alors dans une situation où le plein fardeau de la conservation échoit au Canada.
Nous avons adopté de nouvelles dispositions fondées sur l'abondance. Elles prévoient un meilleur partage du fardeau de la conservation et fixent des limites des interceptions. Elles sont adaptées à la santé des stocks et abordent ce qu'il est convenu d'appeler la «mortalité totale par pêche». En d'autres mots, nous ne nous arrêtons pas uniquement au nombre de poissons capturés et nous cherchons à contrôler le nombre de poissons tués. C'est ce qui est important pour assurer la remonte des poissons dans les rivières du Canada.
Les accords conclus seront en vigueur pendant dix ans, à l'exception de celui concernant le saumon rouge du Fraser, qui s'appliquera pendant douze ans. Comme les accords s'étendent sur une longue période, ils permettront d'instaurer un climat de stabilité et de confiance et d'éviter en grande partie le conflit annuel entourant les parts de capture dont nous avons été témoins au cours des dernières années.
Le premier chapitre de l'annexe IV touche les pêches de saumon rouge et de saumon rose du Nord. Ce sont des pêches qui se déroulent en Alaska. Les pêches dans les districts 104 et 101 sont celles où est intercepté le saumon rouge du Canada en Alaska. La pêche au filet dans la zone 3 et la pêche à la ligne traînante dans la zone 1 ont trait à l'interception du saumon rose du Nord. Je n'entrerai pas ici dans les détails et je me contenterai de dire que nous avons convenu d'une gestion fondée sur l'abondance. Les limites fixées restreignent les possibilités d'interception des stocks canadiens par les pêcheurs de l'Alaska et nous accordent aussi une protection qui nous aidera à conserver nos propres stocks dans le Nord.
Ces accords, par exemple, restreindront les interceptions de saumon rouge par les pêcheurs de l'Alaska et protégeront le saumon rouge du Canada lorsqu'il est faible en abondance, comme c'est le cas en 1999. Ainsi, en 1999, les captures de saumon rouge par les pêcheurs de l'Alaska à l'île de Noyes seront d'environ 20 000 en vertu du nouvel accord. En 1997, c'est-à-dire avant la conclusion de l'accord, les pêcheurs de l'Alaska ont capturé 571 000 saumons rouges du Canada. Cet accord comprend donc des retombées complémentaires. Il signifie qu'un plus grand nombre de poissons remonteront dans les rivières du Canada dans l'avenir. De plus, les captures de saumon rose par les pêcheurs canadiens peuvent être plus abondantes que par le passé.
Le saumon coho du Nord présente pour le Canada un problème de conservation particulier. Il y a très peu de saumon coho qui remonte dans la rivière Skeena. Dans le passé, le nombre de captures de saumon coho par les pêcheurs de l'Alaska n'était pas limité. Nous avons maintenant adopté une nouvelle disposition restreignant les captures par les pêcheurs de l'Alaska lorsque l'abondance générale du stock est faible.
Comme vous pouvez le constater, les accords sont liés à des indicateurs des pêches de l'Alaska sur lesquels je ne m'étendrai pas. Je peux fournir des explications supplémentaires si vous le désirez mais, dans l'ensemble, pour ce qui est de ce secteur, les fermetures permettront de mieux protéger le saumon coho de la Skeena lorsque l'abondance du stock est faible. Je tiens à préciser qu'il n'y aura pas chaque année fermeture de la pêche en vertu des présents accords. Les fermetures surviendront lorsque l'abondance est faible. Nous bénéficierons ainsi d'un soutien supplémentaire dans nos efforts de conservation les années où les conditions de fermeture sont réunies, mais celles-ci ne le seront pas tous les ans.
Les cours d'eau transfrontaliers font l'objet d'un autre chapitre du Traité. Ce sont des cours d'eau qui sont principalement situés au Canada mais qui se jettent dans la mer par l'enclave de l'Alaska. Le poisson du Canada qui se trouve dans la partie canadienne de ces cours d'eau et les dispositions relatives aux captures revêtent beaucoup d'importance pour les Premières nations du Canada et d'autres gens auxquels s'offrent des perspectives de pêche commerciale dans ces secteurs.
La Taku, la Stikine et l'Alsek sont les principales rivières dans lesquelles se déroule la pêche. Nous avons conclu des accords de pêche améliorés qui donneront aux pêcheurs canadiens de nouvelles possibilités de captures et, parallèlement, nous avons convenu avec les États-Unis de poursuivre la mise en valeur des cours d'eau transfrontaliers au bénéfice des pêcheurs canadiens.
L'autre élément important tient au fait que nous avons établi une nouvelle commission sur les pêches pour les cours d'eau transfrontaliers. Cette commission sera chargée de superviser le déroulement des pêches dans ces secteurs et relèvera de la Commission sur le saumon du Pacifique. Cet organisme servira de porte-parole à de nombreuses Premières nations qui, auparavant, ne pouvaient participer aux travaux de la commission en raison de l'absence de toute tribune ou de toute mesure institutionnelle leur permettant de le faire.
Le quatrième chapitre porte sur le saumon kéta (Sud). Un nouvel accord permettra d'accroître le niveau des prises du Canada. En vertu de cette nouvelle entente, des prises canadiennes dont le plafond se situe à 280 000 poissons autorisent les États-Unis à en capturer 20 000. Dans le passé, le niveau des prises du Canada était de 225 000. C'est donc dire que le plafond a été haussé. Des prises canadiennes se situant entre 280 000 et 745 000 poissons autorisent les États-Unis à en capturer 120 000. Lorsque les prises canadiennes sont supérieures à 745 000 poissons, les États-Unis peuvent en capturer 140 000. Bref, ces mesures permettent aux pêcheurs canadiens de capturer plus de poissons avant que les États-Unis soient autorisés à faire des prises qui, bien sûr, sont en grande partie constituées de stocks canadiens.
Le saumon coho (Sud) revêt pour le Canada une priorité particulière parce que cette espèce présente de sérieux problèmes de conservation. Nous avons adopté un nouveau régime de gestion fondé sur l'abondance des stocks qui remplacera les anciens plafonds fixes de prises. C'est un système de gestion moderne et très savant dont nos techniciens procèdent actuellement à la mise au point. Lorsqu'il sera en place, nous pourrons compter sur des mesures bilatérales de contrôle très efficaces qui nous permettront d'assurer la conservation du saumon coho. Les stocks sont en très mauvais état au Canada et dans le sud des États-Unis. Il est très important que nous collaborions à leur rétablissement. Cet accord, lorsqu'il sera mis en oeuvre en l'an 2000, nous permettra de contrôler les captures de telle manière que les stocks de saumon coho reviennent à leurs anciens niveaux d'abondance.
Le saumon rose et rouge du Fraser représente la plus importante possibilité à exploiter sur le plan de la pêche commerciale. Nous avons convenu avec les États-Unis qu'une part fixe de 16,5 p. 100 s'appliquera. Les prises des États-Unis, et cela remonte au tournant du siècle, ont correspondu à plus de 60 p. 100 du saumon rouge du Fraser. Nous avons progressivement réduit leur part de récolte et ils ont maintenant convenu d'une part de 16,5 p. 100, ce qui représente une nette réduction dont bénéficieront directement les pêcheurs canadiens, qu'il s'agisse du secteur commercial ou des Premières nations. La part des États-Unis est de beaucoup inférieure aux niveaux de récolte traditionnels, ce qui profitera beaucoup aux pêcheurs canadiens. Pour bien illustrer la valeur qui se rattache à ce changement, je vous signale que chaque point de pourcentage représente près de 300 000 saumons rouges sur une période de quatre ans. En d'autres mots, la réduction par rapport au niveau de 24,9 p. 100 qui avait cours l'an dernier signifie que de 2 à 2,5 millions de saumons rouges remonteront au Canada à la suite de cet accord.
Une entente très complexe a été conclue en ce qui concerne le saumon quinnat. Cette nouvelle mesure prévoit des captures fondées sur l'abondance, remplace le régime des plafonds fixes et réglemente le taux global de mortalité. Nous avons également convenu d'objectifs qui sont essentiels à l'atteinte du rendement maximum durable en matière d'échappée, ce qui correspond au nombre de poissons adultes qui reviennent pour frayer.
Cette annexe, en particulier, est très complexe. Les diapositives renferment beaucoup plus de détails qu'il n'est nécessaire d'en donner ici. Toutefois, j'insiste sur le fait que nous avons convenu de parts de capture correspondant à des pourcentages précis pour les pêches en Alaska, dans le nord de la Colombie-Britannique et sur la côte ouest de l'Île de Vancouver. Dans le cadre des accords, nous avons accepté de réduire de 40 p. 100 la pêche à la traîne sur la côte ouest de Vancouver et la pêche sportive en dehors de l'île pour assurer la réalisation des objectifs en matière de conservation et de rétablissement des stocks. Cette mesure se traduira par la capture de 150 000 à 200 000 saumons quinnat, total qui correspond en gros aux niveaux récents de prises. Cette réduction de 40 p. 100 semble onéreuse, mais elle n'affecte pas nos pêches parce que nous avons adopté au cours des dernières années des restrictions qui excèdent déjà ce niveau. On obtient ainsi l'assurance qu'il y aura un rétablissement des stocks au Canada et dans le Sud des États-Unis.
Parallèlement, on a réduit d'autres pêches de 36,5 p. 100 dans le Sud de la Colombie-Britannique et de 40 p. 100 dans le Sud des États-Unis. Comme vous pouvez le constater, ce sont là des volets essentiels d'un accord très compliqué qui, au cours des prochaines années, assurera l'avenir du saumon quinnat, dont la survie avait été mise en péril en raison de la surpêche.
Une évaluation des nouvelles dispositions semble ici utile. On estime qu'il convient de juger de leur pertinence en fonction d'une absence d'entente, des ententes passées et de la réalisation des objectifs du Canada dans le cadre des négociations, que j'ai énoncés au départ.
Les nouveaux régimes limitent de façon marquée la capacité des États-Unis d'intercepter nos stocks. En l'absence d'une entente, rien ne limiterait la quantité de poisson que les pêcheurs de l'Alaska peuvent intercepter dans le Nord et rien ne viendrait restreindre les captures américaines dans la région sud, où le saumon rouge peut être intercepté par les États-Unis. Les nouvelles dispositions offrent des avantages marquants et sont supérieures aux dispositions antérieures du Traité. De plus, elles répondent aux trois objectifs fixés au départ.
D'abord et avant tout, la conservation est assurée. On accorde effectivement la prépondérance au poisson, tant dans nos relations intérieures que dans nos relations bilatérales. Divers aspects de ces dispositions permettront d'assurer la conservation des stocks. Les régimes sont fondés sur l'abondance et les taux de récolte ont été réduits. Des mesures ont été adoptées pour garantir la protection des stocks faibles. On tient désormais compte du taux global de mortalité par pêche, plutôt qu'uniquement du taux de prise. Des restrictions sont imposées pour la première fois à la pêche à la traîne en Alaska. Des engagements mutuels ont été pris en vue de protéger l'habitat et constituent un volet important de nos programmes respectifs. Enfin, le financement dans le cadre des fonds de dotation permettra de veiller à ce que la protection de l'habitat et la mise en valeur de la ressource contribuent au bien-être à long terme des stocks.
Le deuxième objectif visait à restreindre les interceptions par les pêcheurs américains et à déplacer le poisson vers le Canada, et nous croyons l'avoir atteint. En particulier, dans le cas du Fraser, les dispositions prévoient une réduction marquée des interceptions par les États-Unis et le déplacement d'une plus grande quantité de poisson vers le nord et le sud du Canada. Les accords conclus ne satisfont pas aux intérêts précis de chaque particulier du milieu de la pêche, mais ils favorisent le Canada de façon très marquée en ce qui concerne l'avenir, tant sur le plan de la conservation que sur celui des captures.
Le dernier objectif consistait à tenter d'avoir une meilleure collaboration bilatérale. Bon nombre des dispositions adoptées se traduiront par une collaboration améliorée et un meilleur contexte de travail avec les États-Unis. Les nouvelles dispositions représentent une amélioration marquante par rapport aux dispositions précédentes. Nous avons convenu de règles bilatérales pour l'exploitation des pêches.
Dans le passé, il y a eu surpêche concurrentielle, et nous savons que cette situation ne sert pas les intérêts de qui que ce soit. Des dispositions ont été adoptées en vue d'accorder une marge de certitude et de stabilité aux flottilles. Elles restreignent la capacité d'interception de nos stocks par les Américains et elles garantissent du poisson pour les Canadiens. D'abord et avant tout, ces dispositions représentent une modernisation d'un accord qui était désuet et qui ne correspondait plus aux intérêts de nos ressources halieutiques ni aux intérêts de nos flottilles. Ces dispositions donneront lieu à une amélioration des mesures de conservation et de la coopération qui, à notre avis, est nécessaire si nous voulons être en mesure d'assurer l'avenir de nos ressources de saumon sur la côte ouest. C'est un accord historique qui se traduira pour nous par des avantages marquants dans l'avenir.
[Français]
Le président: Je vous remercie de nous avoir remis les documents dans les deux langues officielles. Les membres du comité ont apprécié votre geste.
[Traduction]
Le sénateur Robertson: Je vous remercie de votre présentation. Auriez-vous l'obligeance de préciser l'espèce de saumon jugée la plus importante sur le plan de la pêche sur la côte ouest?
M. Anderson: Je laisserai M. Chamut répondre à cette question. Cela dépend du point de vue. Le pêcheur sportif, vous dira le saumon quinnat; tandis que le pêcheur commercial vous répondra le saumon rouge. Il se peut cependant que je me trompe dans les deux cas. Je m'en remets donc au spécialiste.
M. Chamut: Votre réponse est parfaitement exacte, monsieur le ministre. De toute évidence, il s'agit ici de savoir où se trouve la personne le long de la côte et de connaître ses intérêts précis. Une personne se livrant à la pêche commerciale dans le Nord dirait probablement que le saumon rouge de la Skeena représente une des espèces ou des pêches les plus importantes à protéger. Quelqu'un se trouvant dans le Sud soutiendrait certainement que le saumon rouge du Fraser est la principale priorité. La perspective change cependant de façon radicale lorsqu'il s'agit d'un pêcheur sportif qui s'intéresse, par exemple, à la pêche dans le détroit de Géorgie. Les priorités seraient alors le saumon coho et le saumon quinnat, les deux principales espèces capturées dans le cadre de la pêche sportive.
Je pourrais rendre le tableau encore plus compliqué en évoquant l'autre élément de la dynamique, soit l'importance que revêt le poisson pour les autochtones. Ramener les stocks de poisson à un niveau suffisant pour satisfaire à leurs besoins culturels et alimentaires constitue pour eux une très importante priorité.
Bref, la notion d'importance varie selon l'endroit où vous vous trouvez et vos intérêts particuliers. À mon avis, tous conviendraient que tous les saumons sont importants, particulièrement en Colombie-Britannique, où ils sont un symbole de la culture et du mode de vie et où ils offrent à de nombreuses collectivités de très grandes perspectives de développement économique.
Le sénateur Robertson: J'aimerais que vous répondiez aux questions suivantes, même si c'est plus tard si jamais vous n'avez pas ici l'information voulue. Quelle est la valeur monétaire des diverses pêches au saumon? Quelle est l'incidence financière de ces pêches en Colombie-Britannique? Quel sera le nombre de pêches dont se verront priver les diverses flottilles et l'industrie de la pêche par suite de l'adoption de cet accord?
M. Chamut: Dans le passé, la valeur annuelle de la pêche commerciale s'est située entre 200 et 300 millions de dollars. C'était à l'époque où la ressource était beaucoup plus abondante qu'elle ne l'est maintenant. L'an dernier, la valeur de la pêche commerciale a été de l'ordre de 50 millions de dollars. Ce montant est le reflet de l'abondance réduite et aussi de la valeur à la baisse du saumon sur les marchés.
L'accord prévoit une restriction des pêches du Canada dans certaines régions. Toutefois, cette disposition n'exigera pas une réduction immédiate des captures par rapport aux niveaux des deux dernières années, car le Canada a déjà réduit ses pêches de façon marquée afin de réaliser ses objectifs intérieurs en matière de conservation. Par conséquent, la réduction de 40 p. 100 des captures que j'ai évoquée dans le cas du saumon quinnat sur la côte ouest de l'île de Vancouver ne signifie pas qu'il y aura une réduction immédiate des prises, car il nous a déjà fallu restreindre cette pêche pour réaliser nos objectifs en matière de conservation. Aucune nouvelle restriction ne vient s'ajouter dans quelque secteur que ce soit par suite de la conclusion de cet accord. Au contraire, l'accord ouvre de nouvelles perspectives.
Le sénateur Robertson: Ces perspectives se trouvent-elles quelque part?
M. Chamut: Il y aura de nouvelles perspectives dans des secteurs précis.
M. Anderson: Nous parlons expressément du saumon lorsqu'il est question des 50 millions de dollars.
Le sénateur Stewart: J'ai une série de questions qui ne semblent pas liées. Toutefois, je tiens d'abord à souligner que les observations préliminaires du ministre et l'exposé de M. Chamut ont été des modèles de clarté et se révéleront très utiles pour les membres du comité et les personnes qui liront le compte rendu de la réunion.
Je suis convaincu que certains lecteurs et peut-être même des membres du comité voudront se renseigner brièvement, au sujet de la raison pour laquelle les États de l'Alaska, de Washington et de l'Oregon ont été mêlés aux négociations, étant donné qu'ils n'ont pas de personnalité juridique en droit international.
M. Anderson: J'essayerai de répondre à la question sans faire référence au droit constitutionnel. Toutefois, il faut se reporter à la Constitution des États-Unis qui accorde aux États le pouvoir de régir l'exploitation des pêches dans la limite des trois milles. En cas de pêche d'interception près d'un fleuve ou d'une rivière ou de pêche d'une espèce comme le saumon, où le poisson s'approche du rivage après sa migration et longe la côte en direction sud, on se trouve souvent dans la limite des trois milles. De fait, certains des poissons canadiens se trouvant en Alaska sont capturés à l'aide de filets dont une des extrémités se trouve sur le rivage et l'autre, sur le bateau. Les pêcheurs sont donc très près du rivage.
Au-delà de la limite des trois milles, c'est le gouvernement fédéral des États-Unis qui exerce sa compétence. Toutefois, il se contente normalement d'appliquer simplement le même plan de pêche qu'un État adjacent. C'est là la situation en ce qui concerne les dispositions applicables en vertu de la Constitution américaine.
Le paquet surprise, et je ne devrais sans doute pas utiliser cette expression étant donné qu'il s'agit d'un élément très important, ce sont les tribus du fleuve Columbia et de l'État de Washington. Sur le plan constitutionnel, en vertu des lois comme des traités, les tribus de Washington ont droit à 50 p. 100 des pêches au sein de l'État de Washington. Ils ont une position constitutionnelle très différente des autres. M. Chamut et M. McCrae ont eu la tâche très intéressante et, de fait, très stimulante de négocier avec un groupe non coordonné des États-Unis qui comprenait des représentants de cinq provenances différentes ne partageant pas les mêmes objectifs. La plupart du temps, monsieur le sénateur, nous faisions alliance avec les États de l'Oregon et de Washington ainsi qu'avec les tribus. Parfois, c'était avec les tribus. En d'autres occasions, c'était avec l'Alaska. Enfin, il arrivait aussi que nous soyons isolés. C'était vraiment une situation de négociations multilatérales.
Le gouvernement américain avait nommé à la tête de son équipe un coordonnateur vraiment impeccable en la personne de M. Cutler. Je souligne qu'il est âgé de 81 ans et que ceux d'entre vous qui pensent que la retraite obligatoire à 75 ans n'a probablement pas sa place pourraient en juger en voyant un homme de cette compétence. Il a été remarquable. Cependant, il a aussi été limité par les intérêts divergents des États et des tribus. C'est pourquoi, au cours des deux dernières années, il fut particulièrement important que je passe beaucoup de temps à Juneau, en Alaska, et à Olympia, dans l'État de Washington. De même, M. Chamut et M. McCrae ont été aux prises avec une situation de négociation très complexe dans le cadre de laquelle les positions américaines étaient souvent conflictuelles. Nous avons même parfois été appelés à concilier des intérêts américains opposés afin de chercher à aboutir au consensus nécessaire.
Je suis donc très sincère lorsque je dis que M. McCrae et M. Chamut ont accompli un travail remarquable dans le cadre des négociations. Cette tâche n'avait absolument rien de facile, outre les complications de nature biologique dont vous avez pris connaissance pendant la présentation de M. Chamut. Les complications d'ordre constitutionnel étaient tout simplement énormes.
Le sénateur Stewart: Il a été question des stocks de l'Alaska, des stocks de la Colombie-Britannique et des stocks du sud des États-Unis. Je suppose que le sud des États-Unis correspond aux États de Washington et de l'Oregon. Ma question est très superficielle car elle ne tient pas compte des différents types de saumon. En gros, quelle est en pourcentage la répartition du stock global de saumon entre ce que vous appelez le stock de l'Alaska, le stock de la Colombie-Britannique ou du Canada et le stock des États du sud?
M. Anderson: Je laisserai M. Chamut répondre à cette question.
M. Chamut: Un stock, c'est une population de saumon qui fraie dans un cours d'eau donné. Pour vous donner une idée de la complexité de la question, je vous signale l'existence d'environ 14 000 stocks de saumon distincts dans le nord-ouest du Pacifique, qui comprend l'Alaska, la Colombie-Britannique, Washington et l'Oregon. Des stocks sont très abondants, comme celui du saumon rouge du Fraser qui peut comprendre 20 millions de poissons, et d'autres sont très limités et comprennent parfois moins de 100 poissons. Tous ces stocks sont mêlés, et leur gestion est très complexe.
En Alaska, et j'entends ici uniquement dans le sud-est de l'Alaska, soit dans la partie de l'enclave qui se rend jusqu'à la frontière avec le Canada, les pêcheurs capturent généralement de 50 à 60 millions de saumons. Il s'agit en grande partie de saumon rose. En Colombie-Britannique, dans le passé, la récolte a été de 20 à 30 millions de saumons. Dans les États du sud, soit ceux de Washington et de l'Oregon, on dénombre en règle générale environ 3 millions de prises. Comme vous pouvez le constater, l'abondance diminue en ce qui concerne le nombre total de prises au fur et à mesure que l'on progresse du nord vers le sud.
Le sénateur Stewart: Il se peut que ma question semble hors zone, comme on le dit à l'OTAN. Vous avez mentionné plus tôt que l'accord avait notamment réussi à assurer la protection de l'habitat. Comme vous le savez, je viens de la Nouvelle-Écosse. Selon les journaux locaux, on pense que les pesticides et la pulvérisation pourraient être à l'origine de la baisse des stocks de saumon dans certains des cours d'eau du versant Atlantique. Ce problème se pose-t-il en Alaska, en Colombie-Britannique ou dans les États du sud?
M. Anderson: À proprement parler, il n'existe pas de problème en Alaska. On y relève un certain ruissellement, mais c'est surtout de l'essence de térébenthine naturelle venant des pins, et elle n'affecte pas nécessairement les cours d'eau.
Il existe certes un problème lié aux pratiques agricoles en vigueur en Colombie-Britannique, en particulier en ce qui concerne le pâturage dans les zones élevées, où se rendent les poissons qui fréquentent la partie supérieure des cours d'eau. La province connaît certes un problème de dégradation liée à l'exploitation forestière. Il y a aussi manifestement un problème de pollution directe des eaux côtières, en raison de la très grande urbanisation des côtes. Je pense ici aux cours d'eau des basses terres continentales, par exemple.
Dans l'État de Washington, les mêmes problèmes se manifestent, mais avec encore plus d'acuité. En ce qui concerne le fleuve Columbia, l'habitat est étroitement lié aux barrages. Les États-Unis ont créé un des plus vastes réseaux hydroélectriques dans le monde, soit la Power Authority de Bonneville, et ils ont dépensé à peu près inutilement des sommes énormes pour transporter le poisson en amont à l'aide de camions ou de barges.
Il existe différents problèmes d'habitat, mais le problème de pesticides que connaît le Canada Atlantique n'est pas de ce nombre parce que l'on n'y procède pas de la même façon à la destruction des tordeuses de bourgeons par pulvérisation.
Je dois cependant reconnaître que la question que vous avez soulevée m'intéresse au plus haut point. Il y a moins d'une semaine, j'ai conclu un accord avec le ministre des Pêches du Groenland au sujet de l'interception en mer du saumon de l'Atlantique. Il ne sert pas vraiment à grand chose de conclure des accords visant à réduire la pression qui s'exerce sur les pêches si la cause réelle du problème est l'habitat.
Sénateur, vous venez sans doute de faire ressortir l'importance d'une démarche coordonnée. Les gens qui ne s'attachent qu'à un problème perdent parfois de vue l'ensemble du tableau. Il ne serait pas sage de croire que les restrictions entourant les pêches peuvent résoudre les problèmes que pose le saumon de l'Atlantique. Il ne faudra rien négliger. On me dit qu'il y a très peu de poissons adultes et que leur nombre se situe entre 80 000 et 100 000. C'est là un nombre ridicule de poissons comparativement à ce qu'il y avait dans le passé. Si nous ne réussissons pas à inverser la tendance, la situation risque d'être catastrophique.
Le sénateur Robertson: Pour avoir lu les journaux de la côte ouest et avoir parlé à des amis de cette région au moment de la conclusion de votre Traité, monsieur le ministre, je sais qu'il semblait y avoir d'énormes préoccupations. Je vous poserai des questions au sujet de certaines d'entre elles.
Selon les critiques de votre Traité, la plus grand lacune de celui-ci tient sans doute au fait qu'il n'a pas fait l'objet d'un processus de consultation publique. D'après ce que j'ai lu et entendu dire, l'absence d'un processus de consultation publique va à l'encontre des dispositions des accords de pêche internationaux et de la Loi sur les océans. Il se peut que vous ayez donné suite à une recommandation de ne pas amorcer le processus de consultation des intervenants; toutefois, selon mes informations, qui peuvent être inexactes, les intervenants n'ont pas été consultés et ont été tenus dans l'ignorance totale. C'est là toute une différence. Auriez-vous l'obligeance de nous éclairer à ce sujet?
M. Anderson: Avec plaisir. Vous avez raison, sénateur, de souligner que les négociations ne se sont pas déroulées selon l'ancien processus de consultation des intervenants, qui englobait tout le monde. Je me rappelle qu'il y a à peine deux ans, 140 personnes se sont réunies dans sept pièces différentes, à Portland, et ont cherché à négocier un accord. Ce fut l'enfer. Par exemple, si vous ou moi représentons un petit groupe précis de pêcheurs, nous avons très peu de marge de manoeuvre. Il est presque impossible d'aboutir à un accord global si de petits groupes peuvent exercer un droit de veto à l'égard du processus. Nous avons vécu ce problème.
Le deuxième problème, c'est que nous avions fortement impliqué le gouvernement provincial dans le processus. Nous avons éprouvé des difficultés avec le gouvernement provincial, il y a deux ans, lorsque je suis devenu ministre. Qu'il suffise de dire que le gouvernement provincial a appuyé un blocus auquel a été soumis le traversier de l'Alaska.
L'an dernier, je pensais faire preuve d'une certaine magnanimité lorsque j'ai déclaré que la province pouvait jouer un rôle aussi grand ou aussi réduit qu'elle le désirait. Le Canada avait une équipe de huit négociateurs, dont deux qui étaient des fonctionnaires provinciaux. À un moment délicat des négociations, qui par hasard avaient de nouveau lieu à Portland, le premier ministre provincial a fait sortir de la salle de réunion les deux membres de la délégation canadienne, les a renvoyés à Victoria, a dénoncé le négociateur en chef et a rendu publics des documents propres à la délégation canadienne.
Cette année, j'ai dû me poser la question suivante: vais-je encore agir de la même façon après l'expérience des deux dernières années? Je ne suis pas la personne la plus prompte au monde mais, ayant été échaudé deux fois, j'étais trois fois plus prudent dans ma façon d'envisager la situation. En qualité de ministre, j'avais donné deux fois à la province la possibilité d'agir, peut importe ce qui s'était produit auparavant. L'accord est important pour la conservation du poisson. Je me suis rendu compte que la situation deviendrait plus difficile si nous comptions dans nos rangs des gens n'agissant qu'en fonction des manchettes du lendemain ou des nouvelles télévisées de fin de soirée. J'ai délibérément pris la décision d'exclure la province du processus en raison de son comportement au cours de la dernière année.
J'ai pris cette décision à regret, mais je me sentais obligé de la prendre. Malheureusement, cependant, celle-ci m'a forcé à prendre une autre décision qui ne me plaisait pas. J'estimais que si je voulais exclure la province, je devais aussi exclure tous les autres intervenants, car je ne pouvais me permettre d'être sélectif. Je ne pouvais empêcher la province de participer au processus et autoriser un autre groupe plus amical à y prendre part. Vous voyez d'ici le genre de dilemme auquel j'aurais eu à faire face. Il fallait ouvrir ou fermer la porte à tous. Nous avons donc modifié le processus. Je souligne en passant que nous avons agi selon les instructions de M. Strangway de M. Ruckelshaus, dont la première recommandation était de ne pas reprendre le processus de consultation des intervenants, les mots «ne pas» étant d'ailleurs soulignés.
Nous suivions les recommandations des deux sages nommés par le président et le premier ministre pour nous guider dans le cadre de nos négociations et nous avons pris des décisions fondées sur notre expérience antérieure avec le gouvernement provincial. Je précise cependant, sénateur, que ce fut une décision difficile. J'aurais préféré ne pas avoir à la prendre mais, à mon avis, elle s'imposait.
Il est malheureux que je n'aie pas pu consulter largement les dirigeants autochtones. Bien qu'ils n'aient pas été présents dans la salle de négociation ou qu'ils n'aient pas été mêlés au processus de négociation, c'est leur position qui a été mise de l'avant par les négociateurs canadiens. Après toutes les années écoulées, nous connaissons leur point de vue. Nous les avions consultés cette année, et leur point de vue n'avait pas changé. Les objectifs demeuraient les mêmes. Nous avons fait de leurs objectifs notre position de négociation. Par exemple, la création d'un fonds de 209 millions de dollars canadiens découle directement des recommandations faites il y a deux ans par les intervenants du Nord. Il est ironique de constater que des intervenants du Nord ont rapidement dénoncé ce fonds et ne se sont arrêtés que lorsque j'ai mentionné que nous avions lutté pour les obtenir parce que c'était ce qu'ils voulaient deux ans auparavant. Ils ont été exclus des négociations de la même façon qu'une équipe de négociation syndicale empêche d'autres membres du syndicat de participer aux activités, mais nous avons cependant fondé notre démarche sur leur point de vue.
J'ai tardé à prendre cette décision et je m'en excuse, monsieur le président, mais c'est une décision que j'ai prise à regret. Après coup, compte tenu de la conclusion de l'accord et de l'importance qu'il revêt pour les pêcheurs du Canada, ainsi que, bien sûr pour le poisson, je suis toujours d'avis qu'il était absolument nécessaire d'agir de la sorte.
Le sénateur Robertson: Dans ce cas-là, monsieur le ministre, pensez-vous qu'il sera un jour nécessaire d'apporter des amendements à certains des accords de pêche internationaux et à la Loi sur les océans?
M. Anderson: Non, car nous menons avec eux des négociations. La différence essentielle devient un peu technique. Ont-ils le droit de faire partie de l'équipe de négociation? C'est vraiment là la question à trancher. Il ne s'agit pas de savoir s'ils participent à la préparation de l'information ou encore s'ils sont exclus de la discussion ou incapables de faire connaître leur point de vue. Si vous me permettez l'analogie, il s'agit de déterminer s'ils peuvent aller devant un tribunal et s'asseoir à la table avec l'avocat. Il va de soi que c'est là ce que nous avons rejeté.
J'ai demandé aux fonctionnaires de mon ministère d'effectuer une analyse très attentive, et ils ont été incapables de trouver un exemple où cela contrevient aux dispositions de l'accord. À cet égard, il n'y a qu'une exception, soit une mention du gouvernement provincial dans le rapport Strangway-Ruckelshaus, et j'ai été obligé de ne pas en tenir compte en raison de l'expérience que j'ai vécue.
Le sénateur Robertson: Dans le communiqué du 3 juin, vous dites que le traité correspond à une approche axée sur la conservation, ce qui est excellent, et un partage plus équitable des captures de saumon entre le Canada et les États-Unis. Ces mesures semblent très bien, et nous sommes conscients de la somme de travail que vous et vos fonctionnaires avez consacrée à ce Traité.
Ma première intervention a trait au partage plus équitable des captures de saumon. Peut-être suis-je un peu pointilleux, mais l'expression «plus équitable» me préoccupe un peu. Je ne vois pas comment une chose peut être plus équitable ou plus juste. Corrigez-moi si je me trompe, mais elle est équitable ou juste, ou le contraire.
J'aborde maintenant la question du saumon coho de la Colombie-Britannique, dont vous devez certainement être las d'entendre parler. L'an dernier, afin de favoriser la survie optimale de l'espèce, aucun saumon coho de la Colombie-Britannique n'a été capturé par les pêcheurs de la province, ce qui cadre avec la question de la conservation. Parallèlement, les pêcheurs de l'Alaska ont capturé environ 800 000 saumons coho de la Colombie-Britannique. Cette année, si j'ai bien compris, les pêcheurs de la Colombie-Britannique ne captureront pas de saumons coho menacés. Toutefois, les pêcheurs de l'Alaska en captureront pendant les dix prochaines années. Quel est le sort qui attend le saumon coho? Comment peut-on conserver l'espèce si un groupe capture 800 000 poissons et l'autre, aucun? Où se situe l'équité dans cette disposition?
M. Anderson: En ce qui concerne un partage plus équitable, il va de soi qu'aucun d'entre nous ne sait ce que l'avenir nous réserve sur le plan de l'abondance. Étant donné que l'abondance influera sur la part de capture, comme l'a expliqué M. Chamut, on ne peut vraiment déterminer ce qui se passera dans l'avenir. On peut cependant se pencher avec précision sur le passé et dire combien de poissons de plus les pêcheurs du Canada auraient pu capturer si ces dispositions étaient entrées en vigueur en 1985, année où le Traité a été signé pour la première fois par le premier ministre Mulroney. Le chiffre auquel nous sommes arrivés n'est absolument pas contesté par qui que ce soit, car nous avons été très conservateurs, et j'utilise le terme dans un sens positif, dans nos évaluations. Il s'agit pour le Canada de 8 millions de poissons supplémentaires, dont au moins la moitié est du saumon rouge du Fraser, l'espèce qui revêt de la valeur sur le plan de la pêche commerciale. Il est tout simplement indéniable que ces dispositions accordent au Canada un plus grand nombre de poissons.
Pour ce qui est de votre commentaire concernant la possibilité ou non qu'une chose soit plus équitable, il m'amène à reconnaître que votre connaissance de la langue est très précise. Une meilleure expression aurait sans doute pu être utilisée. Toutefois, l'idée était ici de souligner que c'est une amélioration par rapport au passé.
Concernant le saumon coho du Nord, qui fait l'objet d'un des 14 chapitres expliqués plus tôt aujourd'hui par M. Chamut, il ne fait pas de doute que la réduction du nombre de prises de saumon coho par les pêcheurs de l'Alaska ne saura compenser la mesure que j'ai eu le malheur, si je peux dire, de devoir adopter l'an dernier pour protéger les stocks de saumon coho. C'est exactement là pourquoi l'accord est si important. C'est la première fois dans l'histoire que les pêcheurs de l'Alaska ont reconnu l'importance de limiter dans quelques circonstances que ce soient la capture du saumon coho se dirigeant vers les cours d'eau canadiens. Ils n'ont jamais accepté auparavant de limiter leurs captures. Ils ont maintenant convenu qu'il pourrait y avoir un problème de conservation et que, dans telles et telles circonstances, ils seraient disposés à interrompre la pêche peut-être dans toute la partie sur de l'enclave pendant une période maximale de trois semaines.
Il est certainement vrai qu'un pêcheur de la Colombie- Britannique pourrait, comme moi, à titre de ministre, dire: «Si seulement ils avaient été disposés à faire davantage.» Mais il y a toute une marge entre ne faire absolument rien en prétextant que c'est leur problème, que cela ne nous concerne pas, que le droit international dit que nous pouvons prendre le poisson dans nos eaux, et déclarer: «Oui, nous sommes d'accord pour adopter des démarches communes et pour dire que, dans certaines circonstances, nous devons limiter nos prises afin de protéger les stocks dans les cours d'eau canadiens.»
J'estime qu'une sorte de fossé s'est creusé. Il ne fait pas de doute que nous pouvons améliorer la situation. Puis on entend l'observation suivante: «C'est une entente de dix ans. Comment peut-on l'améliorer?» On peut toujours l'améliorer si l'Alaska et le Canada ou Washington et le Canada se mettent d'accord dans des circonstances particulières. Mais au moins nous comblons le fossé en disant: «Quand le poisson est dans nos eaux, c'est notre poisson.» Soeur Peggy et moi sommes peut-être en désaccord là-dessus -- c'est le poisson de Dieu --, mais quand il est pris, il devient du poisson d'Alaska ou du poisson canadien.
Le fait est que ce poisson n'a jamais été protégé avant. Nous devions littéralement prier les pêcheurs de l'Alaska de faire des changements parce que nous n'avions aucun fondement juridique ni aucune entente pour le faire. Il est vrai que cela aurait été une bonne chose s'ils avaient pu faire plus.
L'autre aspect que nous oublions parfois au Canada, c'est que dans aucune de ces ententes, les pêcheurs de l'Alaska n'ont augmenté leurs prises, à l'exception peut-être du saumon quinnat à de très hauts niveaux d'abondance. À de très hauts niveaux d'abondance, nous n'avons pas de problèmes avec le quinnat, ils en prenaient plus. Ils en auraient donc pris plus en vertu des arrangements précédents. Nous ne prévoyons pas que ce sera le cas pour de nombreuses années à venir. Dans tous les autres secteurs, ils ont accepté une réduction ou le statu quo.
Je ne suis pas ici pour défendre la position de l'Alaska. Nous avons discuté âprement avec eux. Comme dans toutes choses, il y a un revers de la médaille. Les gens avec qui nous avons négocié ont défendu une position qui n'était absolument pas sans fondement. Ils estimaient avoir le droit international de leur côté et avoir fait des concessions. Pour comprendre leur position, nous devons reconnaître qu'il ne s'agissait pas simplement pour nous d'obtenir ces arrangements.
Il ne faut pas comparer ces 14 dispositions dans l'absolu. Il faut les comparer aux solutions de rechange. Or, il n'y avait pas de solutions de rechange. Encore une fois, comme on dit en politique et comme vous le savez sans doute, ne me comparez pas à la perfection. Ne me comparez pas à tous ces experts. Ne me comparez qu'à l'opposition. Telle est la situation. La solution de rechange, c'est rien. La solution de rechange, c'est la poursuite d'un déclin amorcé il y a six ans où l'idée qu'ils ont droit de prendre tout le poisson qu'ils veulent s'ancrait de plus en plus dans l'esprit des pêcheurs de l'Alaska, qui sont des gens déterminés. Nous avons laissé ce déclin se poursuivre. Cela remonte aux arrangements initiaux et à la question pour laquelle il était si important pour M. Mulroney d'obtenir la conclusion de ce traité.
Nous sommes situés en aval et si nous ne mettons pas en place un système de façon intelligente en étant actifs, compétents et persuasifs, nous serons exclus. Encore une fois, je n'en veux pas soulever la question de l'Alaska. Je veux simplement souligner que c'est bien mieux que la solution de rechange. Ce n'est pas la perfection. Dans toutes négociations, on doit décider si le verre est à moitié plein ou à moitié vide ou, dans le cas où il n'y a rien, s'il est complètement vide. D'aucuns pensent peut-être que c'est insuffisant, mais je leur demande de comparer l'accord, en toute équité, à la solution de rechange.
Le sénateur Butts: Je voudrais revenir aux fondements. Je ne m'adonne même pas à la pêche récréative. Les dispositions de 1985 n'ont pas mis fin à cette dernière. Elle devait se poursuivre. Qu'est-ce qui n'allait pas dans ces dispositions et qu'avez-vous corrigé en particulier? Était-ce des règles désuètes ou le fait que l'on ne respectait pas les règles?
M. Anderson: Sénateur, l'entente de 1985, à l'annexe IV, prévoyait des plans de pêche échelonnés sur sept ans. Ainsi, le cadre du traité qui a été conclu comprenait des plans de pêche. Le traité reconnaissait que les circonstances pouvaient changer et qu'à la fin de cette période le Canada et les États-Unis auraient dû avoir négocié d'une année à l'autre. Nous avons échoué totalement pendant sept ans. Par conséquent, cette fois-ci, nous avons adopté des dispositions d'une durée de dix ans, reprenant l'idée du traité initial voulant qu'il y ait une stabilité à long terme.
Pour ce qui est des changements en particulier, je céderai la parole à M. Chamut, mais je tiens à souligner que le traité initial renfermait une annexe prévoyant un plan de pêche d'une durée de sept ans. Ce que nous avons maintenant après cet échec de sept ans, c'est un plan de pêche de dix ans pour toutes les pêches, à l'exception du sockeye du Sud, qui est de douze ans.
M. Chamut: Honorable sénateur, le traité adopté en 1985 nécessitait certaines modernisations, et c'est ce que nous avons fait dans le nouveau traité. Par exemple, dans le traité de 1985, on gérait de multiples pêches en établissant des plafonds de captures fixes pour certaines espèces. Autrement dit, aux termes du traité initial, le Canada avait le droit de prendre 1,8 million de saumons coho. C'était un nombre fixe. Toutefois, l'abondance du poisson augmente et diminue en fonction de la productivité dans l'océan et d'autres facteurs. Nous avons constaté que l'établissement d'un plafond fixe ne convient absolument pas quand la productivité océanique est très faible, car cela incitait les pêcheurs à prendre ce qu'ils considéraient comme leur quota garanti.
À mon point de vue, nombre de problèmes que nous éprouvons actuellement avec le coho sont attribuables à l'établissement d'un nombre fixe, ce qui s'est inévitablement traduit par une récolte garantie. Les pêcheurs veulent prendre ce qu'ils considèrent comme le quota fixé pour eux. Il est clair que cela ne convenait pas, compte tenu des fluctuations survenues dans les pêches, notamment depuis 1995. C'était une condition clé qui devait être fixée.
L'une des dispositions clés que nous avons ajoutées, c'est que chacune des parties aura droit à un pourcentage de l'abondance. Certaines années, quand les stocks seront faibles, cette proportion pourrait s'élever à 20 000. En période de plus grande abondance, il pourrait s'élever à 80 000. Ce qu'il importe de souligner, c'est que le pourcentage variera en fonction des fluctuations de la population piscicole. C'est une méthode qui nous permettra de mieux réagir à l'abondance et qui reflète mieux nos pratiques de gestion actuelles dans nos pêches. C'est un mode de gestion bien plus sensé et fondé sur la conservation. Je me réjouis personnellement que nous ayons réussi à éviter certains des graves problèmes que nous nous sommes infligés à nous-mêmes, compte tenu du niveau de connaissances et de la capacité d'en venir à une entente en 1985.
Dans le traité initial, nous n'avions souvent aucune disposition pour pénaliser quiconque ne se conformait pas aux dispositions du traité. Je pourrais vous donner quelques exemples. Ainsi, le traité ne prévoyait aucune compensation si un pêcheur prenait plus que son quota.
Cette fois-ci, nous nous sommes mis d'accord sur des dispositions en vertu desquelles toute partie ayant pris plus que son quota une année donnée doit compenser l'autre l'année suivante. Ce sont deux dispositions clés. Il y a d'autres points plus techniques dont je pourrais parler, mais ces dispositions sont importantes.
Le sénateur Butts: Peut-on dire qu'on fera davantage appel aux scientifiques pour évaluer les populations de poissons?
M. Anderson: Oui, absolument, soeur Peggy. Les scientifiques et le travail scientifique deviendront bien plus importants. Il sera également important d'avoir des dispositions communes pour ne pas qu'il y ait des différences scientifiques, ce qui pourrait être parfaitement légitime, selon les différents critères sur lesquels ils se fondent, devenant des problèmes politiques au sommet. C'est une observation fort pertinente. Cela ne va que si on est prêt à faire le travail.
Le sénateur Butts: Vous avez parlé de la Pacific Salmon Commission. Qui fait partie de cette commission?
M. Anderson: Elle est composée de groupes d'experts canadiens et américains. Il y a des gens du nord et du sud. C'est très technique.
Le sénateur Butts: Sont-ce des intervenants ou de simples citoyens?
M. Anderson: Ce sont des intervenants. J'ai tenté d'élargir un peu la composition de la commission pour qu'elle comprenne non seulement des pêcheurs, mais aussi d'autres intéressés. Je dois dire qu'il y a également des représentants des autochtones. J'essaie de recruter des gens qui s'intéressent au poisson de façon générale, sans que les tuer fasse partie de leur profession.
M. Chamut: La Pacific Salmon Commission est un organisme composé de huit Canadiens et de huit Américains. Du côté américain, le président désigne deux représentants venant de l'Alaska, un, de l'État de Washington, un, de l'Oregon, deux, des peuples autochtones des États de Washington et de l'Oregon, et deux, du gouvernement fédéral.
Du côté canadien, les huit représentants sont nommés par le ministre. Deux d'entre eux viennent du gouvernement fédéral, et je suis l'un d'eux. Il y a également un gestionnaire des pêches de Vancouver. En outre, il y a deux représentants autochtones, un du Nord et un du Sud. Nous avons un représentant du Fisheries Council de la Colombie-Britannique, un représentant de la flotte de pêche commerciale, un représentant des milieux environnementalistes et, enfin, un représentant du secteur des sports. Des huit représentants canadiens, six sont ce que vous considérez comme des intervenants à divers égards du secteur des pêches de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Butts: Vont-ils continuer de fonctionner dans le cadre de ce nouveau régime?
M. Chamut: Oui.
Le sénateur Butts: Si j'ai bien compris, vous instituez un autre comité pour leur dire quoi faire parce qu'ils n'ont pas bien fait leur travail. Est-ce exact?
M. Chamut: Pas tout à fait.
Le sénateur Butts: Je pense que la diapositive dit les informer.
M. Chamut: La commission elle-même sera responsable de la mise en oeuvre de l'entente. Dans le cadre des dispositions sur lesquelles nous nous sommes entendus, nous avons établi un comité qui s'occupera spécifiquement des questions scientifiques. Dans votre intervention précédente, vous avez dit que les sciences serviront de compas pour guider les activités de la commission. Nous essayons de nous assurer que les conseils scientifiques soient fournis de manière plus efficace à la commission. Nous essayons également de trouver un moyen d'éviter les différends que nous avons eus dans le passé où, pour l'essentiel, les scientifiques des parties intéressées se fondaient sur la position nationale plutôt que sur un point de vue scientifique. Le comité évitera certains de ces écueils.
Le sénateur Butts: Qui sont les membres de ce comité?
M. Chamut: Nous nous sommes mis d'accord dans le nouveau traité pour que le comité soit composé de six Canadiens et de six Américains. Le comité comprendrait des experts du ministère. Nous avons une foule de gens très compétents qui donnent des avis scientifiques sur la gestion du saumon du Pacifique. Des experts de l'extérieur se joindront à eux. Nous n'avons encore nommé personne parce que c'est tout nouveau, mais je m'attends à ce que nous nommions trois scientifiques du ministère étant des experts reconnus, aussi bien que trois personnes indépendantes de l'extérieur qui pourront nous fournir une perspective plus globale.
Le sénateur Butts: Je voudrais bien savoir comment vous avez réussi à convaincre les Américains de financer totalement eux-mêmes deux fondations. Ils consacreront des fonds à ces initiatives même s'ils perdent des millions de poissons. C'est un miracle.
M. Anderson: Sénateur, le gouvernement fédéral américain reconnaît sûrement -- et je dirais que cela comprend les membres de la Chambre des représentants, les sénateurs et les administrateurs à qui nous avons parlé -- qu'il y avait auparavant un déséquilibre en leur faveur.
Quant à la raison de notre succès dans les négociations, j'ai déjà dit que nous avions une excellente équipe. Mais si vous voulez attribuer notre succès à l'intervention divine, je ne vous contredirez pas non plus. Notre succès a quelque chose d'exceptionnel.
Enfin, je tiens à souligner que l'argent n'a pas encore été versé, car le processus d'obtention des crédits est assez byzantin aux États-Unis. Nous pensions qu'une partie des crédits seraient tirés du projet de loi de crédits relatif aux opérations au Kosovo. Cela nous a semblé étrange, mais il faut croire que cela ne l'est pas pour les Américains. Malheureusement, tellement de gens ont eu l'idée de tirer des crédits de ce projet de loi que tout en a souffert.
Le président a annulé des dépenses de 60 millions de dollars dans d'autres secteurs pour pouvoir faire la première contribution de 60 millions de dollars, ce qui témoigne très clairement de sa détermination.
Le sénateur Stevens de l'Alaska est président du comité des crédits du Sénat américain et le troisième Républicain en importance à Washington. Je n'ai sans doute pas besoin de dire aux sénateurs que leurs homologues américains sont très puissants. Le fait que ce sénateur se soit engagé à nous aider est un excellent signe. C'est le mieux que je puisse dire, compte tenu de ma connaissance limitée de la politique américaine.
Le sénateur Mahovlich: J'étais sur le point de poser une question au sujet de la représentation des autochtones canadiens, mais vous avez dit que vous les représentez et que vous connaissez leurs problèmes.
Il semble qu'il y ait maintenant plus de baleines qu'il y a cinq ou six ans. J'ai lu dans le journal il y a un mois environ qu'un groupe d'autochtones avait tué une baleine, comme le voulaient, semble-t-il, leurs croyances et leurs coutumes, et cela a causé beaucoup de remous. S'il y a des baleines en abondance, n'ont-ils pas le droit de revenir à leurs coutumes?
M. Anderson: Sénateur, vous voulez parler de la chasse Makah qui se déroule directement en face de l'île de Vancouver, dans l'État de Washington. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a des baleines en abondance. Le nombre de baleines grises était tombé à 3 000 ou 4 000 il y a quelques décennies, mais il est remonté à quelque 23 000 depuis. Ce chiffre est considéré comme un niveau d'abondance sans précédent. Nous pouvons dénombrer facilement les baleines grises parce que les baleineaux se trouvent dans les lagunes au Mexique et que les troupeaux se déplacent du nord au sud le long de la côte.
Le sénateur Mahovlich: Descendent-ils jusqu'en Basse- Californie?
M. Anderson: Oui. Les Makahs ont rétabli une coutume et vous avez tout à fait raison de dire que cela a profondément choqué les gens qui estiment cruel de tuer un si magnifique et énorme animal.
Le sénateur Mahovlich: La mise à mort de phoques provoque la même réaction.
M. Anderson: La situation n'est guère différente en ce sens qu'une bonne partie des objections contre la chasse au phoque se fonde sur le principe qu'il ne convient pas que l'homme tue ces animaux.
Le sénateur Mahovlich: Mais les baleines ont-elles un effet sur notre saumon?
M. Anderson: Non, aucun. Elles se nourrissent généralement en ratissant les fonds marins, de crustacés. Une baleine grise vivait dans une anse. Elle ratissait le fond, puis elle roulait sur le côté et émettait un jet. Si vous pensez que les baleines sont des créatures propres et nettes, vous vous trompez. L'odeur nauséabonde du jet des baleines est vraiment spéciale. Elles le font exprès. Elles vous arrosent dans votre bateau de sorte que devez laver et le bateau et vos vêtements avant de rentrer au port. Les baleines font cela pour s'amuser. Ce sont des créatures très attachantes et c'est pourquoi elles sont si populaires.
Au Canada, nous autorisons qu'une baleine boréale soit tuée dans l'Arctique oriental une année sur deux, et une dans l'Arctique occidental l'autre année sur deux. Ainsi, une seule baleine peut être tuée dans les eaux canadiennes par les autochtones de l'Arctique tous les ans. Il n'y a pas de chasse à la baleine sur la côte ouest.
Pour être franc, je ne puis vous donner l'avis juridique correct quand à savoir si les Nuu-Chah-Nulth devraient demander un permis s'ils décidaient de reprendre la chasse à la baleine après 73 ans d'interdiction, parce que, comme vous l'avez souligné, il y a maintenant des baleines en abondance, et ils ont droit à une pêche de subsistance.
Le sénateur Cook: Je vous remercie de cette surabondance d'informations ce matin. Compte tenu de ma connaissance limitée des pêches de la côte ouest, deux pensées me viennent à l'esprit. Je ne vois pas comment le traité sera renforcé. Le traité sera en vigueur pendant dix ans. Prévoit-il un processus d'examen et d'évaluation?
M. Anderson: La mise en application sera faite par les gouvernements nationaux. Le traité ne renferme aucun mécanisme de sanctions, mais M. Chamut a bien parlé de la question des excédents et des déficits, qui surviennent assez souvent de mauvaise foi. Parfois, on prend plus de poissons parce que les bateaux sont en mer et qu'on ne sait qu'au retour combien de poissons ont été pris. On peut offrir une compensation l'année ou les années suivantes. Nous n'avons pas de mécanisme pour les appels. Le traité prévoit bien un mécanisme de règlement des différends, mais nous n'avions rien renégocié à cet égard.
M. Chamut pourra vous donner de plus amples détails là-dessus.
Le deuxième point que vous avez mentionné a trait au renouvellement. Nous n'avons pas prévu de renouvellements particuliers. Compte tenu de notre expérience et des relations de travail étroites que nous voulons tisser avec les États de l'Alaska, de Washington et de l'Oregon ainsi qu'avec les peuples autochtones, nous nous attendons à ce que tous aient une idée assez juste quand viendra le temps de commencer à parler de ce qui arrivera à la fin de cette période de dix ans. Nous ne nous sommes pas entendus de façon officieuse, mais je ne doute pas que tout ira bien.
M. Chamut: Sénateur, le traité a été négocié de bonne foi. Les deux parties s'attendent à ce que chacune d'entre elles respecte ses responsabilités énoncées dans le traité.
Aux États-Unis, si un État ne se conforme pas au traité, une loi fédérale permettra au gouvernement américain d'intervenir pour garantir l'observation des conditions du traité. À ma connaissance, cela est arrivé une fois aux États-Unis lorsqu'un peuple autochtone s'est adonné à une pêche non autorisée dans le traité. Dans ce cas-là, le gouvernement américain a invoqué son pouvoir pour émettre un décret interdisant cette pêche. Du côté américain, il existe des pouvoirs raisonnables pour garantir l'observation des dispositions du traité. Du côté canadien, nous nous sommes engagés à respecter ces dispositions et nous disposons des pouvoirs nécessaires pour veiller à leur observation.
L'article 12 traite des différends d'ordre technique. Si un différend survient entre le Canada et les États-Unis au sujet de l'interprétation d'une disposition d'ordre technique, le traité prévoit la convocation d'un comité de règlement des différends. Ce comité serait formé d'une personne nommée par le Canada, d'une personne nommée par les États-Unis et d'un tiers jugé acceptable par les deux parties, qui ferait office de président. Le comité recevrait des mémoires et rendrait ensuite une décision qui lierait essentiellement la commission chargée de la mise en oeuvre du traité.
À mon avis, nous essayons de créer un arrangement fondé sur la bonne foi et l'engagement des deux parties de respecter leurs obligations. J'ai la conviction que le traité donnera de bons résultats et qu'il sera bien plus efficace que celui de 1985.
Le sénateur Cook: La documentation renferme des informations qui montrent que les dépenses annuelles n'excéderont pas les recettes annuelles tirées du principal investi du fonds.
M. Anderson: C'est exact. C'est un fonds perpétuel. Comme tous les fonds de ce genre, la stratégie d'investissement déterminera combien il rapportera. Nous nous attendons à ce que ce soit un fonds géré commercialement et à ce qu'il produise des recettes raisonnables. Celles-ci varieront, c'est évident.
Les gestionnaires du fonds, qui sont trois Canadiens et trois Américains, décideront en fait comment l'argent sera dépensé. Les recettes varieront, comme elles le font pour les gens qui tirent des revenus fixes de leurs investissements.
Le sénateur Cook: Avez-vous une idée du montant des recettes annuelles?
M. Anderson: J'empiète sur le domaine du ministre des Finances, mais si le taux d'intérêt est de 6 p. 100, 209 millions de dollars nous donneraient environ 12 millions de dollars. C'est une évaluation raisonnablement prudente, mais rien ne nous empêcherait de majorer le fonds grâce à quelque événement fortuit. Les gouvernements le font parfois -- le Conseil des arts en est un exemple. Ou encore, en raison d'une baisse de recettes une année donnée, les gouvernements pourraient décider que cela est malheureux en regard de la nature continue des dépenses et accorder un montant supplémentaire pour l'année en cours. Nous pourrions le faire.
Ce revenu d'investissement s'ajoutera aux autres dépenses faites par les divers États et le Canada. Je demanderais encore à M. Chamut de bien vouloir vous donner le chiffre exact, mais je pense ne pas me tromper en disant que nous consacrerons 33 millions de dollars à l'amélioration de l'habitat et à la mise en valeur sur la côte ouest.
M. Chamut: Dans notre programme combiné, nous consacrerons 27 millions de dollars par an à l'amélioration de l'habitat et à la mise en valeur, en plus de fonds supplémentaires de 7 à 8 millions de dollars, mais cela variera d'une année à l'autre. Nous dépenserons quelque 35 millions de dollars dans ce domaine. Cet argent représente un très important supplément qui, nous l'espérons, entraînera des investissements d'autres sources. La valeur de ces fonds serait sans doute supérieure au montant qu'on obtiendrait sous forme d'intérêts.
Il importe de souligner que cela se poursuivra. À notre avis, la collaboration se poursuivra au-delà de la période de dix ans du traité. Cela nous permettra de garantir le financement des besoins en matière de conservation et de travailler de façon bien plus coopérative avec les États-Unis à long terme. Nous nous sommes entendus sur un certain nombre d'importantes dispositions.
M. Anderson: Au risque de donner trop de détails, je voudrais ajouter que nous avons également un fonds de restructuration de 400 milliards de dollars, dont j'ai déjà parlé. De cette somme, 100 millions de dollars serviront à l'habitat, et 30 millions de dollars de ce montant seront versés dans un fonds distinct. En outre, avant de créer le fonds dont nous parlons maintenant, le fonds de 209 millions de dollars, le président américain a établi un fonds de 100 millions de dollars pour les quatre États que sont la Californie, Washington, l'Oregon et l'Alaska, qui reçoivent chacun une part à peu près égale. L'État de Washington et l'Alaska toucheront un supplément d'environ 25 millions de dollars chacun. Il existe un certain nombre de fonds différents. Celui-ci, toutefois, est un fonds mixte, qui sera géré conjointement par trois Canadiens et trois Américains. Les dépenses sera gérées par un comité mixte canadien et américain.
Le sénateur Cook: Merci de votre explication. Je voulais seulement inscrire ce fonds de dotation dans son contexte.
Le sénateur Stewart: Est-ce que je me trompe en disant que le Traité du saumon du Pacifique de 1985 est vraiment un traité et, par conséquent, qu'il fait partie des lois américaines et s'applique aux États de l'Oregon, de Washington et de l'Alaska? Nous avons maintenant conclu cette entente. Cette dernière aura-t-elle toutes les conséquences juridiques qu'elle aurait eues si elle avait fait partie du traité de 1985?
M. Anderson: Oui. À ma connaissance, c'est le cas. C'est une annexe du traité et, par conséquent, elle en a tout le poids.
Le sénateur Stewart: On a fait allusion durant les témoignages, soit à la page 8 des diapositives, à du poisson «tué et non capturé». On a également fait allusion à la mortalité totale par pêche. Quel pourcentage du poisson qui disparaît, de la mortalité totale par pêche, représente le poisson qui est tué, mais non capturé?
M. Anderson: Cela varie. Je demanderai à M. Chamut de donner des exemples. Le problème avec la mesure de conservation interdisant la pêche au saumon coho, par exemple, c'est que dans le genre de pêche pratiquée sur la côte ouest, on capture de façon fortuite d'autres espèces que l'espèce permise. Si une espèce ne peut être capturée, les pêcheurs rejettent les prises à l'eau. Ces prises ne sont jamais ramenées ni enregistrées. Il pourrait s'agir d'un nombre non négligeable. C'est pourquoi nous faisons souvent le choix difficile de les ramener à terre et de les vendre pour que l'on sache au moins combien de ces poissons sont tués. Quand on les jette par-dessus bord, on ne peut pas les enregistrer et on ne saura donc jamais à combien s'élève le nombre de poissons ainsi tués et qui pourrait être très élevé. Le nombre variera d'une pêche à l'autre, et M. Chamut vous en donnera des exemples.
M. Chamut: Sénateur, le meilleur exemple que je puisse vous donner concerne la pêche à la traîne de saumon quinnat en Alaska. Dans cette pêche, les pêcheurs de l'Alaska partent pour 10 ou 12 jours afin de prendre leur quota.
Pendant ces 10 ou 12 jours, ils capturent et conservent des saumons quinnats jusqu'à concurrence de leur quota. Ensuite, ils pêchent d'autres espèces et, ce faisant, ils peuvent capturer d'autres saumons quinnats, qui devront être rejetés à l'eau. Nombre de ces poissons survivront. Ils seraient pris, rejetés à l'eau et survivraient. Cependant, 30 p. 100 d'entre eux mourraient. Il y aurait donc un taux de mortalité élevé des saumons quinnats capturés, mais non conservés.
Nous avons convenu de compter tous ces poissons par rapport à une limite de mortalité totale. C'est un autre exemple de ce que nous considérons comme une méthode bien plus moderne et adaptée en matière de conservation du saumon quinnat. Dans le passé, quand on mettait l'accent sur les captures, on perdait beaucoup de poisson à cause d'autres formes de mortalité. Cela entraîne des restrictions et pousse les gens à réduire le nombre de poissons tués parce que, en définitive, cela détermine combien de poissons reviendront aux ruisseaux et combien reviendront au Canada pour y être capturés.
Le sénateur Stewart: Qui s'assurera de l'exactitude des données fournies par les bateaux et qui s'assurera qu'il n'y a pas d'écrémage?
M. Anderson: Cela dépendra des organismes chargés de l'application de la loi de chaque État. L'écrémage peut être un problème, mais si les pêcheurs font preuve d'une certaine autodiscipline, et nous pensons qu'ils le feront parce qu'ils prendront conscience de l'importance que cela représente pour tous, nous croyons qu'il sera relativement facile de démasquer les tricheurs parce que leurs captures présenteront des anomalies. Elles seront différentes de celles des autres pêcheurs.
Le sénateur Stewart: On a fait allusion au déclin de la valeur du saumon sur le marché. Pouvez-vous nous l'expliquer?
M. Anderson: En 1988, le prix du poisson a atteint un sommet. Il était trois fois plus élevé que l'an dernier. Vous venez de soulever un point qui compte parmi ceux qui sont le plus rarement soulignés et qui sont les plus importants dans les pêches sur la côte ouest. Le secteur de l'aquaculture a fortement progressé, ce qui a entraîné une baisse des prix en raison de l'augmentation du volume de poissons sur le marché. Il y a également des facteurs relatifs à la qualité, notamment. Néanmoins, le prix a chuté. Cela constitue peut-être la principale cause de l'âpre concurrence que se livrent les diverses flottes et de l'animosité qui règnent entre elles. Leurs captures n'ont pas augmenté -- elles ont même diminué -- et le prix est tombé au tiers de ce qu'il était il y a trois ans. Leurs dépenses ont augmenté. Le nombre de bateaux a diminué, mais pas assez pour tenir compte de la baisse de leurs revenus.
Les pêcheurs sont des gens généreux. Quand ils le peuvent, ils sont généreux et ils partagent. Mais quand ils s'inquiètent à propos de leur hypothèque, quand ils savent qu'ils n'ont pu éponger les dépenses de leur bateau, ils deviennent comme le reste d'entre nous, ils défendent leur position. C'est une des raisons qui explique l'animosité qui règne sur la côte ces dernières années. Le prix du poisson est tombé. Le revenu des pêcheurs a diminué, de même que leur capacité de subvenir aux besoins de leurs enfants. Leur situation est identique à celle des pêcheurs de la côte est.
Le sénateur Robertson: Parlez-nous un peu des répercussions sociales de la baisse des prix, de la baisse des prises dans bien des secteurs côtiers. Les médias en font état, mais on entend parler davantage de la côte est. La situation est-elle comparable?
M. Anderson: Sénateur, il ne fait pas de doute que la baisse des prix, la baisse des prises et la diminution du nombre de pêcheurs ont modifié en partie la structure sociale de ces collectivités. Certes, moins de gens se partagent les revenus, mais s'il n'y a pas un certain nombre d'enfants, il n'y a pas d'école secondaire. Il n'y a pas ceci, il n'y a pas cela. C'est une répercussion sociale.
La différence entre la côte est et la côte ouest, c'est que dans une foule de secteurs de la côte est, la pêche est la seule activité économique. Quant aux localités côtières de la Colombie- Britannique, elles peuvent compter sur l'exploitation forestière, qui est en général deux fois plus importante que la pêche. Un grand nombre de travailleurs sont actifs dans les deux industries. Seuls les autochtones font exception, car la pêche constitue vraisemblablement leur seule activité économique.
Il y a des similitudes, mais aussi des différences. Cela montre qu'il faut adopter une démarche plus holistique en ce qui concerne les collectivités côtières et non pas penser uniquement à la pêche. Compte tenu du prix du poisson, la pêche ne peut venir à la rescousse des populations. Si nous travaillons avec le secteur forestier, si nous essayons de promouvoir une nouvelle industrie, une nouvelle activité économique, nous ferons plus que dire simplement à ces collectivités: «La pêche était votre principale activité économique. Pourquoi ne faites-vous pas en sorte qu'elle le redevienne?» C'est impossible à cause du prix du poisson.
Le sénateur Robertson: M. Chamut a parlé de la capture et de la remise à l'eau de saumons quinnats et du fait que 30 p. 100 d'entre eux meurent. Quel est le taux de décès relativement à la pratique de la capture et de la remise à l'eau dans la pêche récréative?
M. Anderson: Il est de 10 à 12 p. 100 environ. Dans un type de pêche à la traîne où le bateau avance très lentement et où la ligne est appâtée d'un morceau de hareng ou d'un hareng dont on a coupé la tête, ce qui fait que l'appât tourne très lentement sur lui-même, le taux de mortalité a tendance à être plus élevé parce que le poisson avale l'appât tout entier au lieu de le prendre dans sa bouche. Le taux de mortalité pourrait ainsi s'élever à 20, 22 ou 23 p. 100. Mais c'est matière à débat, et les gens choisissent le chiffre qui fait leur affaire. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il s'élève à au moins 10 p. 100. Selon le type de leurre que l'on utilise, on peut faire varier le taux de mortalité des poissons remis à l'eau.
Le sénateur Robertson: J'ai eu d'intéressantes discussions avec mes amis de la région de l'Atlantique qui ont recours à la technique de la capture et de la remise à l'eau du saumon, et je me suis toujours demandé quel était le taux de mortalité.
M. Anderson: Cela dépend du pêcheur. Si le pêcheur fait durer le plaisir, qu'il fatigue le poisson, l'accumulation d'acide lactique sera telle que le taux de mortalité sera beaucoup plus élevé.
Quand je pêche le saumon Steelhead, ce que je n'ai pas fait depuis très longtemps hélas, j'utilise un avançon très léger. Une fois que le poisson a mordu à l'hameçon, en général, je coupe l'avançon avant que le poisson soit ramené au bord afin de pouvoir remettre ce dernier à l'eau. Les hameçons sont faits d'acier ordinaire et non d'acier galvanisé, de sorte qu'ils rouillent très rapidement. La chose à ne pas faire, c'est fatiguer le poisson. Le poisson qui est capturé par des bateaux à des fins commerciales et qui reste plus longtemps sur la ligne avant d'être embarqué, puis remis à l'eau, affiche un plus haut taux de mortalité que le poisson pris par les pêcheurs sportifs qui, de façon générale, utilisent des lignes plus légères et remettent le poisson à l'eau plus rapidement. Ce qui est amusant, c'est de tromper le poisson, pas l'amener au bateau.
Le sénateur Robertson: Merci. J'ai maintenant de meilleures munitions pour mes pêcheurs de saumon qui remettent à l'eau leurs captures.
M. Anderson: Sénateur, vous devez le faire vous-même. Rien ne vaut l'expérience personnelle.
Le président: J'ai appris une nouvelle technique de pêche à la traîne, ce matin. Je pensais que c'était une technique utilisée uniquement par les adolescents, mais j'apprends aujourd'hui que les adultes le font aussi.
Je voudrais remercier le ministre qui a pris le temps, malgré un horaire très chargé, de venir nous parler de cette très importante entente qui vient tout juste d'être conclue.
Le document intitulé «Vue d'ensemble des éléments techniques: Traité sur le saumon du Pacifique: L'accord négocié» qui a été présenté par M. Pat Chamut ce matin sera déposé auprès du greffier du comité. Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Je voudrais remercier M. Chamut, qui a pris des dispositions spéciales et modifié son horaire afin de pouvoir comparaître devant nous ce matin.
Il n'y aura pas d'autres réunions avant l'ajournement de l'été. Je voudrais donc saluer tous nos membres qui partiront pour l'été. Monsieur le ministre, vous n'étiez pas présent à la dernière réunion quand nous avons remis un petit poisson à soeur Peggy à titre de souvenir. Soeur Peggy va nous quitter, et la séance d'aujourd'hui sera sa dernière. Vous pourriez faire appel à elle comme négociatrice lors de futurs pourparlers. Elle pourrait vous apporter l'inspiration divine.
M. Anderson: Ce fut un plaisir de discuter avec soeur Peggy au cours de mes trois récentes comparutions devant le comité et même avant. J'ai bien dit que Lloyd Cutler, le coordonnateur en chef américain, avait 81 ans et j'ai bien fait allusion à la règle plutôt arbitraire qui oblige les sénateurs canadiens à prendre leur retraite à l'âge de 75 ans. Je suis convaincu que soeur Peggy aurait pu nous consacrer encore de nombreuses années n'eût été de cette règle plutôt stupide. Merci, sénateur, de votre travail.
Le président: Sénateur Butts, vous nous manquerez au sein du comité. Avez-vous des observations à faire avant que nous partions?
Le sénateur Butts: Continuez votre bon travail.
La séance est levée.