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SAF2 - Comité spécial

Sécurité des transports (spécial)

 

Délibérations du comité spéciale de la
Sécurité des transports

Fascicule 4 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 3 juin 1999

Le comité sénatorial spécial de la sécurité des transports se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Le comité sénatorial spécial de la sécurité des transports étudie l'état de la sécurité des transports au Canada. Nous sommes ici pour examiner la situation passée, présente et à venir, et pour essayer de déterminer où nous en serons dans 15 à 20 ans.

Nous entendrons aujourd'hui des témoins de la Division du transport aérien du SCFP: Mme Denise Hill, la présidente de la division, et M. Richard Balnis.

Bienvenue à vous deux. Ce n'est évidemment pas la première fois que vous comparaissez devant un comité parlementaire, mais c'est la première fois que nous vous rencontrons. Je vous invite donc à être aussi francs et aussi ouverts que vous le voulez, ou que vous le pouvez. Nous avons besoin de comprendre les difficultés que vous éprouvez dans votre milieu de travail et nous souhaitons entendre vos suggestions sur les moyens à prendre pour améliorer la situation. L'important, c'est la sécurité, et en particulier la mise en place d'une culture axée sur la sécurité.

Vous pouvez commencer.

Mme Denise Hill, présidente, Division du transport aérien, SCFP: Merci de nous inviter à nous montrer francs et ouverts, quoique ce ne soit généralement pas un problème pour nous, comme vous l'aurez compris quand nous aurons terminé notre présentation.

Nous sommes ici aujourd'hui pour exprimer notre opinion sur l'état de la sécurité de l'aviation au Canada et nous espérons que nos commentaires vous aideront à faire des recommandations qui garantiront un haut niveau de sécurité à l'arrivée du nouveau millénaire. C'est une tâche bien nécessaire à notre avis, et le moment est bien choisi pour s'y attaquer.

La Division du transport aérien représente actuellement quelque 9 000 agents de bord de dix compagnies aériennes différentes: Air Alliance, Air Canada, Air Nova, Air Ontario, Air Transat, Calm Air, les Lignes aériennes Canadien, Les Lignes aériennes Canadien régional, First Air et Inter-Canadien. Nous avons aussi présenté une demande d'accréditation pour environ 1 200 autres agents de bord de Royal Airlines, de Canada 3000 et de la section de Cathay Pacific à Vancouver. Avec ces nouvelles accréditations, nous représenterions environ 95 p. 100 des agents de bord du Canada.

Je voudrais tout d'abord vous présenter les vues de mon syndicat sur la question de la déréglementation économique et de la sécurité aérienne. Nous ne partageons pas l'optimisme des représentants de l'Association du transport aérien du Canada, d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien, qui affirment que la déréglementation n'a eu aucun effet sur la réglementation de la sécurité au Canada.

Dans le mémoire que nous avons soumis le 22 juillet 1987 au comité sénatorial des transports, qui étudiait à ce moment-là les projets de loi C-18 et C-19 visant à déréglementer l'industrie canadienne du transport aérien, nous disions:

Malgré l'engagement théorique du gouvernement fédéral à maintenir des normes de sécurité satisfaisantes, nous estimons que la déréglementation constitue une menace pour la sécurité des Canadiens. Quel que soit le nombre de règles de sécurité que le gouvernement pourra adopter, et même tenter d'appliquer, la sécurité aérienne a toujours été tributaire d'une industrie financièrement stable, capable de dépasser les normes minimales au chapitre de la maintenance, de la formation des équipages et du remplacement du matériel. L'impératif économique de la déréglementation et les efforts de réduction des coûts entraîneront sans aucun doute une baisse des dépenses dans ces domaines, au détriment de la sécurité du transport aérien.

Alors que les transporteurs étaient en mesure de dépasser les normes établies par Transports Canada sous le régime de la réglementation économique, les mesures de réduction des coûts qu'a entraînées la déréglementation économique les forcent maintenant à ne pas s'écarter de la marge de sécurité autorisée par les organismes de réglementation.

Nous avons réitéré notre position dans une présentation que nous avons faite en mars 1997 au ministre des Transports de l'époque, David Andersen, dans un mémoire soumis conjointement avec les TCA-Canada, l'Association internationale des machinistes et les Teamsters Canada.

Je ne vous lirai pas cette présentation, mais j'encourage les sénateurs à le faire. Je vais me contenter de vous en citer quelques phrases que nous jugeons particulièrement essentielles.

M. le juge Moshansky a déclaré au cours de l'enquête sur l'écrasement de Dryden que le manque de ressources d'Air Ontario, combiné au manque d'expérience de sa direction -- qui bénéficiait encore à ce moment-là du soutien d'Air Canada, une compagnie beaucoup plus grosse --, avait produit un environnement opérationnel propice au contournement de la loi, qui avait pu encourager le pilote à empiéter sur la marge de sécurité, entraînant ainsi la mort de 24 personnes dont trois membres d'équipage.

M. le juge Moshansky avait ceci à dire au sujet du lien entre la déréglementation du transport aérien, la politique gouvernementale de réduction du déficit et la sécurité de l'aviation canadienne:

L'effet de la réforme de la réglementation économique, combiné à celui de la réduction du déficit, a créé une synergie qui, d'après ce que je déduis des témoignages présentés devant la commission, a eu des conséquences négatives sur l'application efficace des normes de sécurité.

Nous sommes entièrement d'accord avec lui.

La commission a également fait des commentaires plutôt sévères sur le fait que le rôle premier de Transports Canada, à savoir la protection du public voyageur, est compliqué par quelque chose qu'on ne peut que qualifier de lassitude bureaucratique et de laxisme dans certaines divisions de Transports Canada. La commission a ensuite eu des mots particulièrement durs au sujet de ce problème potentiellement dangereux.

Elle a indiqué que la haute direction de Transports Canada lui avait semblé dans certains cas particulièrement sensible aux demandes de l'industrie relativement à l'abolition des modifications réglementaires touchant la sécurité, malgré les avis contraires des experts techniques du ministère lui-même, ajoutant que les fonctionnaires responsables du développement et de la mise en oeuvre de ces modifications à Transports Canada devaient par conséquent se montrer vigilants pour veiller à ce que les dispositions de la loi portant sur la sécurité ne soient pas diluées ou neutralisées par les pressions de l'industrie.

Nos rapports directs avec Transports Canada après la publication du rapport de M. le juge Moshansky, d'abord dans le cadre du projet de mise en oeuvre des recommandations de la commission Dryden et ensuite au sein du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne, ont confirmé nos pires craintes au sujet de la sécurité au Canada. C'est bien simple: nous sommes actuellement très pessimistes quant à l'avenir de l'aviation canadienne, à moins que des mesures correctives ne soient prises.

Je voudrais illustrer nos conclusions en vous énumérant brièvement les dix principales préoccupations des agents de bord du Canada au chapitre de la sécurité. À cet égard, nous nous inspirons du U.S. National Transportation Safety Board, qui publie depuis 1990 une liste annuelle des dix améliorations les plus souhaitables sur le plan de la sécurité.

Il y a premièrement l'approche du coût minimum en matière de sécurité. Malgré les grandes phrases contenues dans ses énoncés de vision et de mission, Transports Canada a adopté une approche fondée sur le coût minimum dans le domaine de la sécurité aérienne, sous les pressions de l'industrie du transport aérien et en particulier de son groupe de lobbying, l'ATAC.

Transports Canada harmonise explicitement ses normes de sécurité à la baisse, en fonction du plus bas dénominateur commun, souvent après une étude ou une analyse superficielle et parfois même en deçà des normes minimales de l'OACI -- c'est le cas par exemple des exigences relatives au carburant --, uniquement pour permettre aux transporteurs d'économiser de l'argent.

Toute l'élaboration de la réglementation canadienne touchant l'aviation -- sous la gouverne de l'ancien directeur général de la réglementation de l'aviation, Don Spruston, qui a par la suite posé sa candidature à la présidence de l'ATAC -- se caractérisait par le manque d'analyse, de données comparatives et d'information, et par l'absence d'analyse complète des coûts et des avantages. Notre expérience contredit complètement ce que vous ont affirmé les témoins d'Air Canada, à savoir que l'introduction de la déréglementation économique au Canada n'a entraîné aucune modification ni aucune dilution du cadre réglementaire sévère qui est souhaitable dans le domaine de la sécurité aérienne.

Deuxièmement, les responsables de la réglementation sont à la merci de ceux qui sont visés par cette réglementation. Sous prétexte de consultation de l'industrie, le processus du CCRAC est devenu le véhicule parfait pour permettre aux lobbyistes des compagnies aériennes de «kidnapper» les agences de réglementation. Au cours des rencontres dominées par les compagnies aériennes, les règles et les normes sont sans cesse réécrites, encore une fois dans le but de les harmoniser en fonction du moindre coût.

Quand ces initiatives soulèvent de l'opposition, sous forme d'opinions dissidentes, la décision revient aux hauts fonctionnaires de Transports Canada au cours des réunions à huis clos du comité de la réglementation. Les motifs des décisions de ce comité, de même que du rejet des opinions dissidentes, sont plutôt flous -- quand ils ne sont pas carrément passés sous silence; et, quand ils sont mentionnés, ce n'est souvent qu'un an plus tard, dans le procès-verbal des réunions.

Il y a troisièmement la Réglementation aérienne canadienne, ou RAC. Air Canada affirme que la nouvelle RAC représente une amélioration dans la gestion globale de la sécurité aérienne. Transports Canada chante aussi ses louanges et la présente comme une réglementation moderne fondée sur le rendement. Bien que la RAC représente effectivement un progrès important, puisqu'elle a permis de rationaliser les Ordonnances sur la navigation aérienne et le Règlement de l'Air qui existaient jusque-là, elle ne comporte pas toujours d'objectifs de rendement précis, par exemple dans le cas de l'équipement de survie placé à bord des avions.

La RAC repose également davantage sur des «normes validées», des documents contenant du matériel réglementaire qui est actuellement contrôlé en exclusivité par Transports Canada sans qu'il soit nécessaire de publier des avis dans la Gazette du Canada. Ces normes sont ensuite modifiées par le CCRAC, qui est dominé par les compagnies aériennes. Depuis la promulgation de la RAC, en octobre 1996, environ 750 modifications ont été proposées dans le cadre du CCRAC.

Il y a quatrièmement la réglementation par exemptions. Alors que la RAC devait à l'origine permettre de rationaliser et de codifier toutes les pratiques de l'industrie afin d'établir des règles de sécurité uniformes pour tout le monde, Transports Canada continue de se servir des vastes pouvoirs que lui confère le paragraphe 4.9(2) de la Loi sur l'aéronautique pour réglementer à coups d'exceptions. Cette disposition autorise le ministre à accorder des exemptions dans certaines circonstances, si l'intérêt public l'exige ou si cela ne risque pas de nuire à la sécurité aérienne. Les fonctionnaires délégués de Transports Canada accordent couramment des exemptions de ce genre pour réduire le nombre d'agents de bord dans les avions, pour permettre à des avions de décoller même si une porte ou une glissoire ne fonctionne pas, pour autoriser l'enlèvement des vestes de sauvetage sur un trajet donné vers une île ou pour réduire l'équipement de sauvetage à bord, souvent sans que les circonstances le justifient vraiment.

Il y a aussi, cinquièmement, la règle du «1 pour 50». Le Groupe de travail sur l'inspection des transporteurs aériens, composé de représentants de Transports Canada et des compagnies aériennes, s'est réuni derrière des portes closes en 1991 et a réduit le nombre d'agents de bord présents dans tous les avions canadiens. La règle en vigueur à l'époque exigeait un agent de bord pour 40 passagers; elle n'est maintenant plus que d'un agent pour 50 passagers.

Le 17 décembre 1993, Transports Canada a proposé une exemption générale qui équivalait dans les faits à abolir la règle du «1 pour 40». Un groupe de travail composé de représentants de Transports Canada, des compagnies aériennes et du SCFP a été constitué pour examiner les répercussions de ce changement; mais, avant même que le groupe puisse se réunir, Transports Canada accordait une exemption pour les avions de transport régional à réaction d'Air Canada le 24 juin 1994, puis pour ses Dash 8 et ses ATR-42 le 28 juillet 1994, et permettait à ces avions de voler avec seulement un agent de bord pour 50 passagers, sous réserve de certaines restrictions d'ordre opérationnel.

Après le lancement d'une vigoureuse campagne d'information publique par le SCFP en 1995, avec la participation de députés et de sénateurs, Transports Canada a abandonné la formule des exemptions générales, mais au cours d'une rencontre à huis clos, le Comité de la réglementation a maintenu l'exemption pour les avions de 50 places et l'a incorporée à la nouvelle RAC. Ce comité était présidé par Don Spruston. Depuis lors, une contradiction dans la RAC même a entraîné le retrait des conditions particulières rattachées à l'exemption d'origine parce qu'il existe une liste d'équipement minimum qui prime les autres dispositions et qui exige des systèmes d'interphone et de communications en état de marche et un siège de service fonctionnel.

Contrairement à ce que vous ont dit les représentants d'Air Canada, il existe un parallèle inquiétant avec un accident survenu aux États-Unis, qui a entraîné des pertes de vies évitables parce qu'il n'y avait qu'un agent de bord dans le petit avion en question. Le 7 juin 1971, l'écrasement d'un Allegheny Convair 580 à New Haven, Connecticut, tuait 28 passagers, dont deux bébés, et le seul agent de bord. Un important incendie s'était déclaré après l'impact, ne laissant que la porte arrière accessible pour l'évacuation. Cependant, cette porte n'a pas été ouverte parce que les passagers ne savaient pas comment le faire. Même si l'avion avait 50 places et que la règle de la FAA exigeait à ce moment-là un agent de bord pour 44 passagers -- ce chiffre a par la suite été porté à 50 passagers, en 1972 --, l'avion avait pu décoller avec un seul agent de bord grâce à une exemption accordée par la FAA.

Dans la conclusion de son enquête, le National Transportation Safety Board des États-Unis avait souligné qu'il aurait peut-être pu y avoir plus de survivants s'il y avait eu un deuxième agent de bord dans l'avion. Cette conclusion a été reprise plus tard par le président du NTSB, James B. King, dans le témoignage qu'il a présenté le 6 avril 1981 devant le sous-comité des activités gouvernementales du comité des activités gouvernementales et des transports de la Chambre américaine des représentants, qui examinait les normes de sécurité applicables au personnel présent dans les cabines d'avions.

L'enquête a révélé que le transporteur avait été autorisé à faire voler cet avion avec un seul agent de bord, en vertu de l'exemption no 1108B, plutôt qu'avec les deux qu'exigeait la règle 14 CFR 121.391. L'enquête a aussi établi que l'hôtesse avait probablement subi au moment de l'impact des blessures qui l'avaient empêchée d'ouvrir la porte de service à l'arrière de l'avion. La plupart des occupants qui n'ont pas survécu à l'écrasement se trouvaient près de cette porte. Il est effrayant de penser que 15 des 28 passagers qui n'ont pas survécu sont morts asphyxiés ou brûlés au cours d'un accident qui aurait pu ne pas leur être fatal dans d'autres circonstances.

Il y a sixièmement la question des portes et des glissoires défectueuses. Transports Canada a accordé en 1994 une exemption générale de deux ans à cet égard, sur une base expérimentale, pour les avions canadiens à fuselage étroit. Aux États-Unis, en revanche, cette exemption n'a pas été accordée pour les avions à fuselage étroit, mais seulement pour les avions à fuselage large. Malgré des données montrant que les transporteurs abusent de cette exemption, qui ne visait à l'origine qu'à permettre de ramener les avions aux postes de maintenance pour les réparations nécessaires, cette mesure d'exception demeure en vigueur encore aujourd'hui.

Le SCFP a demandé plus d'information et s'est même rendu jusqu'au sous-ministre des Transports, mais sa requête a été rejetée sous prétexte de la protection des renseignements protégés des fabricants et des compagnies d'aviation. Cette requête a également révélé que Transports Canada accordait des exemptions sans aucune uniformité entre les diverses régions du pays. Le ministère veut maintenant faire de cette exemption sans précédent touchant les portes et les glissoires défectueuses un élément permanent de la RAC.

Permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste cette exemption. Quand on monte dans un avion, la porte est mécanique; si la glissoire placée à l'intérieur de cette porte est défectueuse, l'avion peut quand même décoller avec des passagers à bord. Il suffit que la porte soit scellée. Mais il n'y a aucune mise en garde permettant aux passagers de savoir que la porte ne fonctionne pas.

Un des éléments qui nous préoccupent tout particulièrement, c'est que, quand il y a des accidents -- c'est bien connu --, au moins 50 p. 100 des issues sont hors d'usage à cause de l'impact. Ceux d'entre vous qui ont regardé les informations hier soir au sujet de l'accident d'American Airlines savent qu'il y avait une seule porte utilisable au moment de l'accident.

Le sénateur Roberge: Mais vous avez dit qu'aux États-Unis, les avions n'étaient pas autorisés à décoller si leur porte était défectueuse.

Mme Hill: C'est exact. Cependant, c'est autorisé au Canada pour les avions à fuselage large. Or, c'est un avion à fuselage étroit qui s'est écrasé hier soir. S'il avait eu une porte défectueuse, il aurait ne pas y avoir d'autre issue utilisable au moment de l'accident.

Il y a septièmement la qualité de l'air. La mauvaise qualité de l'air à bord des avions demeure un problème pour les agents de bord du Canada et du monde entier. C'est pour eux une question de santé et de sécurité au travail. C'est également un problème pour les passagers, surtout ceux qui prennent l'avion souvent. Une tentative pour examiner la qualité de l'air à bord des avions au Canada a avorté en 1990 à la suite des pressions des transporteurs aériens, qui ont convaincu Don Spruston d'abandonner le projet.

Et, aujourd'hui, les transporteurs résistent énergiquement à la plus récente tentative pour confier l'examen scientifique de la question à un groupe de travail sur la sécurité et la santé au travail dans le secteur de l'aviation, malgré des preuves scientifiques de plus en plus nombreuses sur les risques associés à la piètre qualité de l'air à bord des avions. On ne sait pas encore comment Transports Canada va réagir aux protestations des compagnies aériennes.

Il y a huitièmement la question de la lutte contre les incendies dans les aéroports. L'ATAC a proposé en 1994 qu'il y ait des pompiers sur les lieux dans seulement 28 aéroports canadiens. Même si c'était inférieur à la norme américaine, Transports Canada a appuyé cette initiative.

Les aéroports non désignés ne peuvent maintenant compter que sur les pompiers de l'extérieur, parfois basés dans des municipalités situées à des distances pouvant aller jusqu'à 30 milles. Quand on sait que les premières minutes suivant un écrasement sont cruciales pour la survie des occupants de l'avion, il est clair que les règles actuelles prévues dans la RAC ne sont pas sécuritaires. De plus, la plupart des petits aéroports qui n'auraient pas de service de sauvetage et d'extinction des incendies sont ceux-là mêmes où le nombre d'agents de bord dans les avions est en train d'être réduit. Ils desservent surtout de petits avions comme les Dash 8 et les avions de transport régional à réaction; par conséquent, si l'agent de bord est incapable d'intervenir, les passagers sont laissés à eux-mêmes. Or, on a vu qu'ils n'étaient tout simplement pas capables d'ouvrir les portes en cas d'urgence grave.

Mais il était essentiel de réduire ces exigences pour que Transports Canada puisse se défaire de ces aéroports au profit des autorités locales, qui sont souvent à cours d'argent.

Neuvièmement, il y a la question de la réglementation sur les heures de vol et la période de service. Contrairement à ce qui se passe pour les pilotes, il n'y a aucune règle de sécurité limitant le nombre d'heures pendant lesquelles un agent de bord peut être en service. Le gouvernement a modifié la Loi sur l'aéronautique en 1991 afin d'autoriser Transports Canada à réglementer cet aspect-là, mais le groupe de travail chargé d'établir ces limites se trouve actuellement dans une impasse.

La dernière proposition -- si on peut appeler ça une proposition -- à avoir été mise sur la table a été rédigée par Transports Canada, avec l'appui de l'ADAC. Elle prévoyait les conditions suivantes:

Premièrement, aucune limite mensuelle, trimestrielle ou annuelle touchant les heures de vol des agents de bord, contrairement à ce que prévoit la réglementation visant les pilotes.

Deuxièmement, jusqu'à 292 journées de 12 heures de service, soit 3 504 heures de service par année. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, 52 semaines de 40 heures par semaine font 2 080 heures par année.

Troisièmement, jusqu'à 1 750 heures de vol, soit à peu près 50 p. 100 de plus que la règle des 1 200 heures par année applicable aux pilotes, qui est déjà la plus permissive au monde.

Quatrièmement, la possibilité de faire travailler les agents de bord pendant 17 journées consécutives de 12 heures avant qu'ils aient droit à trois jours de congé. Il serait donc possible de demander à un agent de bord de faire le trajet Toronto-Heathrow-New Delhi, avec seulement un siège en classe économique pour se reposer, avant de pouvoir rentrer à la maison.

Le groupe de travail ne s'est pas réuni depuis le dépôt de ce projet de réglementation tout à fait inacceptable en mai 1998.

Dixièmement, il y a la norme de formation des agents de bord. La Commission d'enquête Moshansky, sur l'accident d'Air Ontario à Dryden, avait recommandé notamment d'améliorer la formation des agents de bord, ce à quoi toutes les compagnies aériennes s'étaient opposées, du moins au début. Mais la norme canadienne en matière de formation est maintenant utilisée par les organismes de réglementation du monde entier comme modèle pour l'élaboration de leurs propres règles à cet égard.

Devant l'insistance des lignes aériennes, Transports Canada a créé un groupe de travail et déclaré que la chasse était ouverte. Tout abaissement de cette norme est inacceptable et menace sérieusement notre rôle de professionnels de la sécurité à bord.

Je suis désolée d'être la porte-parole d'une vision aussi pessimiste de la sécurité de l'aviation canadienne, mais c'est une réalité que nous vivons tous les jours. Nous allons poursuivre notre lutte pour maintenir et améliorer tous les acquis dans tous ces secteurs. Nous aurons peut-être même besoin de votre aide sur certains points précis, par exemple l'imposition de limites réalistes au sujet des bagages de cabine et des règles touchant les passagers agités. Entre temps, nous espérons avoir éclairé votre lanterne et vous avoir suggéré des questions à inclure dans vos délibérations en vue du dépôt de recommandations visant à assurer un haut niveau de sécurité dans les transports au Canada.

Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre franchise. Soit dit en passant, je suis très étonné que vous vous contentiez de parler de «passagers agités» après ce que nous avons entendu dire hier soir au cours de nos discussions sur l'efficacité des lois à cet égard. On nous a parlé d'un cas relativement sérieux. En quelques mots, il s'agissait d'un passager qui avait pris l'avion en Jamaïque et qui avait causé tellement de problèmes que le pilote avait dû se poser à Miami, où on lui avait dit de poursuivre son vol parce que le présumé coupable n'était pas un citoyen américain, que l'incident ne s'était pas produit dans l'espace aérien américain, que l'avion n'était pas immatriculé aux États-Unis et qu'il n'était qu'en transit. Je suppose que l'avion a dû repartir avec le passager en question. Quant à savoir s'il y a été gardé en détention préventive, avec les menottes de plastique que vous avez à bord, je n'en sais rien.

Je voyage en avion depuis une quarantaine d'années. Bien franchement, j'espérais entendre des choses un peu plus positives, pas seulement au sujet des lois, mais aussi au sujet de la formation requise pour venir à bout des passagers agités. Les gens n'ont généralement pas un comportement de ce genre simplement à cause de ce qu'ils ont bu à bord; c'est le plus souvent à cause de ce qu'ils ont consommé avant d'embarquer. On ne fait peut-être pas assez attention à cet aspect-là de la question.

Quoi qu'il en soit, voilà quelques-unes des questions qui me préoccupent. Nous avons beaucoup apprécié votre mémoire et nous avons certainement des questions à vous poser.

Mme Hill: Je voudrais faire un commentaire au sujet des passagers agités. Nous participons aux travaux d'un groupe de travail sur la question, avec Transports Canada et les transporteurs, depuis environ 14 mois. Nous sommes en fait assez contents de l'orientation de ce groupe de travail. Nous nous sommes réunis pendant deux jours cette semaine et nous avons conclu nos travaux hier en élaborant un certain nombre de recommandations dont notre syndicat est satisfait, et que nous sommes prêts à accepter, notamment sur la modification du Code criminel de manière à ce que les agents de la paix puissent s'occuper plus facilement des passagers agités qui ne sont pas citoyens canadiens, et sur des changements à la Réglementation aérienne canadienne afin de permettre à un transporteur de refuser de prendre quelqu'un à bord.

Les transporteurs se demandaient notamment s'ils étaient tenus de ramener chez lui un passager qui aurait agressé un agent de bord pendant un vol, en raison du droit de ce passager au transport, ce qui obligerait l'agent de bord -- ou un autre équipage -- à subir de nouveau le comportement agressif du passager pendant le vol de retour. Nous en sommes arrivés hier à une entente selon laquelle il devrait y avoir un règlement permettant aux transporteurs de refuser de transporter quelqu'un si cela constituait un risque pour la sécurité; dans un cas de ce genre, le transporteur pourrait refuser de prendre un passager à bord pendant une période donnée, selon la gravité de l'incident. Il pourrait s'agir par exemple d'un délai de 24 heures pour permettre au passager de se dégriser, ou d'un bannissement à vie dans le cas d'un incident grave.

À l'heure actuelle, il n'existe aucune disposition permettant aux transporteurs de refuser de prendre quelqu'un à bord. Ils le font quand même à l'occasion. Air Canada l'a déjà fait, Canadien aussi, et les poursuites intentées contre ces deux compagnies n'ont pas abouti. Mais la compagnie Canada 3000 l'a fait elle aussi et elle a été poursuivie avec succès. Donc, les transporteurs cherchaient vraiment un moyen qui leur permettrait de prendre une mesure de ce genre en toute légalité, sans risquer de poursuites judiciaires. Nous croyons que ce changement aidera les transporteurs et, par ricochet, les agents de bord.

Le président: C'est certainement une question difficile. Je n'envie pas les transporteurs qui doivent abandonner quelqu'un dans un pays étranger, pour quelque raison que ce soit. Ce ne sera pas un problème facile à résoudre et, un jour ou l'autre, les transporteurs devront bien amener ces passagers à la destination indiquée sur leur billet ou leur carte d'embarquement.

Quoi qu'il en soit, nous voulons recueillir vos vues dans toute la mesure du possible pour satisfaire les intérêts de notre comité, qui est d'envergure nationale et qui compte des membres qui -- nous l'espérons -- se préoccupent de la sécurité dans les transports.

Le sénateur Maloney: Nous avons déjà parlé longuement des passagers agités. Je voudrais vous poser une question au sujet des bagages de cabine parce que je n'aime pas voir autant de bagages placés dans les compartiments supérieurs, souvent n'importe comment. Je le sais par expérience parce qu'un de ces compartiments s'est ouvert un jour et qu'un sac m'est tombé sur le bras.

Il y a maintenant des gadgets dans les aéroports qui permettent de déterminer si les sacs sont assez petits pour être apportés dans la cabine; les passagers sont censés placer leurs sacs dans ce dispositif. Tout le monde devrait avoir à le faire. Combien de sacs devrait-on être autorisé à apporter? J'ai déjà vu des gens embarquer avec quatre pièces de bagages. Je ne sais pas comment le transporteur peut déterminer le poids de l'avion, avec tous ces bagages apportés dans les cabines. Je m'y oppose vigoureusement. Est-ce qu'il y a quelque chose à faire pour empêcher cela?

Mme Hill: En fait, c'est une de nos grandes préoccupations. Un des principaux problèmes, c'est qu'il y a une règle en vigueur à cet égard au Canada et que les transporteurs doivent l'accepter; ils doivent donc établir une politique au sujet des bagages de cabine. Le problème, c'est que cette politique n'est pas appliquée de façon constante.

Vous avez tout à fait raison de dire que les préposés des aéroports ne se servent pas des cages permettant d'établir les dimensions des bagages. Souvent, des passagers qui arrivent des États-Unis -- parce que les règles sont appliquées moins sévèrement là-bas -- montent à bord avec quatre sacs; l'agent de bord leur dit: «Excusez-moi, mais vous ne pouvez pas apporter tous ces bagages avec vous. Conformément aux règles canadiennes, ils doivent être placés dans la soute; nous ne pouvons pas les garder ici.» Ce à quoi les passagers répondent: «Mais je les ai gardés avec moi la dernière fois, vous savez. On m'a permis de les garder. J'avais amplement d'espace pour les ranger.» Et c'est là que les passagers se montrent difficiles.

Le problème des bagages de cabine est en fait un des principaux éléments qui entraînent de l'agitation chez les passagers et de l'agressivité envers les agents de bord. C'est un problème que notre syndicat cherche à résoudre depuis des années. Nous allons réviser la règle en vigueur actuellement. L'engagement pris par Transports Canada, c'était que nous allions examiner la règle et en évaluer l'efficacité après deux ans. Or, notre évaluation, c'est qu'elle n'est pas efficace. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Maloney: Vous avez mentionné l'écrasement de Dryden; c'est un dossier que je connais très bien. Êtes-vous satisfaits des changements apportés à la formation des agents de bord à la suite de cet accident? Je sais qu'un des principaux problèmes soulevés, c'est que les agents de bord n'avaient pas reçu une formation suffisante.

Mme Hill: Absolument. Nous étions extrêmement satisfaits de la nouvelle norme de formation. Même le ministre des Transports de l'époque en avait fait l'éloge. Il s'était d'ailleurs présenté devant l'OACI pour vanter le rôle exceptionnel des agents de bord dans l'élaboration de cette merveilleuse norme de formation, Le problème, maintenant, c'est que les transporteurs veulent faire abaisser cette norme sous prétexte qu'elle coûte trop cher à appliquer, puisqu'il faut maintenant prévoir trois jours pour la formation périodique. Donc, plutôt que de se dire que nos agents de bord comptent maintenant parmi les mieux formés au monde et que les gens peuvent donc voyager avec les professionnels de la sécurité les plus efficaces qui soient, ils disent qu'ils ne veulent pas leur donner une formation de ce niveau-là; ils veulent plutôt réduire cette formation.

Nous avons engagé une lutte à finir avec Transports Canada, les employeurs et les membres d'un groupe de travail qui a un effet pervers, parce qu'il cherche à réduire les coûts plus qu'autre chose. Il y a des années, quand les gens achetaient des voitures d'occasion, ils voulaient la plus racée et la plus rapide, mais ce qu'ils recherchent maintenant, c'est la voiture la plus sécuritaire munie des plus gros sacs gonflables. C'est ce que les compagnies aériennes canadiennes ne comprennent pas. Elles devraient vanter le haut niveau des professionnels de la sécurité à bord de leurs avions plutôt que de dire qu'elles veulent réduire ce niveau.

Le sénateur Maloney: Y a-t-il une liste des aéroports où il n'y a pas de pompiers sur les lieux?

Mme Hill: Oui, il y en a une; il s'agit de tous les aéroports sauf 28.

Le sénateur Maloney: Et les gens peuvent consulter cette liste s'ils le désirent?

Mme Hill: Absolument. Elle figure dans la Réglementation aérienne canadienne. Si vous voulez la voir, nous nous ferons un plaisir de vous en faire parvenir une copie.

Le sénateur Roberge: D'après le ton de votre présentation, j'ai l'impression qu'il n'y a pas eu d'améliorations depuis 1989 au chapitre de la sécurité des compagnies aériennes au Canada. Est-ce que je me trompe?

Mme Hill: Il y a eu des améliorations à certains égards, et nous en étions satisfaits; mais maintenant que nous commençons à appliquer véritablement la Réglementation aérienne canadienne -- et la norme de formation est un bon exemple --, les transporteurs se rendent compte qu'il en coûte un peu plus cher pour augmenter le niveau de sécurité. Donc, ils commencent à protester. Ils ne sont pas contents de l'orientation que prend la situation.

Le sénateur Roberge: Est-ce que vous participez aux discussions sur la réglementation, ou est-ce que vous avez déjà été invités à y participer?

Mme Hill: Nous siégeons au comité du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne. Notre principale frustration, c'est que nous sommes les seuls de notre côté de la table, à défendre le point de vue de la sécurité publique. Les transporteurs parlent toujours du plus petit dénominateur commun, et Transports Canada aussi, bien franchement. Chaque fois que nous émettons des objections, ils disparaissent, et nous ne savons jamais ce qu'il est advenu de ces objections ni pour quelle raison elles ont été rejetées.

Le sénateur Roberge: Et les autres syndicats? Est-ce que le syndicat des pilotes ne participe pas lui aussi aux discussions sur la réglementation, et est-ce qu'il n'est pas du même côté que vous?

Mme Hill: La plupart du temps, les pilotes sont avec nous. Ils ne participent pas à toutes les discussions, mais ils nous accordent généralement un excellent soutien, tout comme nous l'avons fait pour eux au sujet des nouvelles règles applicables à leurs heures de vol et de service.

Le sénateur Roberge: Je voudrais revenir à la question des portes. Vous voulez dire qu'il y a des avions qui quittent les aéroports avec des portes défectueuses?

Mme Hill: Il ne peut y avoir qu'une seule porte défectueuse, pas plus.

Le sénateur Roberge: Dans les petits avions?

Mme Hill: Les avions les plus petits qui puissent bénéficier d'une exemption sont ceux de 100 places.

Le sénateur Roberge: À votre avis, pourquoi ces portes seraient-elles défectueuses?

Mme Hill: Il peut y avoir toutes sortes de raisons, par exemple un mauvais fonctionnement de la glissoire ou un problème mécanique dans la porte elle-même. L'intention, quand cette exemption a été autorisée, c'était que l'équipage puisse sceller la porte s'il se produisait un problème loin du port d'attache de l'avion, pour pouvoir le ramener à un poste de maintenance afin de le faire réparer. Mais nous constatons que beaucoup d'avions passent par des postes de maintenance et qu'ils repartent sans que les réparations aient été faites. Par exemple, un avion d'Air Canada a volé pendant trois jours avec une porte défectueuse, même s'il avait fait escale à un poste de maintenance.

Le sénateur Roberge: Quel est le problème au sujet de la qualité de l'air? Est-ce que c'est à cause des radiations?

Mme Hill: Il ne s'agit pas des radiations, quoique ce soit un problème sur lequel nous nous sommes penchés aussi. Le problème se rattache plutôt à la ventilation et aux contaminants présents dans l'air.

Le sénateur Roberge: De quel type de contaminants voulez-vous parler?

M. Richard Balnis, agent de recherche, Division du transport aérien, SCFP: L'air qui circule dans la plupart des avions relativement récents est de l'air de reprise. Les avions plus anciens prenaient uniquement de l'air frais de l'extérieur, mais pour économiser de l'argent et du carburant, on fait maintenant recirculer l'air dans des compresseurs situés près du moteur. Donc, il peut y avoir toutes sortes de contaminants provenant du carburant contenu dans le moteur, qui entrent dans les compresseurs et restent dans l'avion. Il y a aussi des fluorocarbures et divers autres contaminants, par exemple d'importants niveaux de dioxyde de carbone. Une des suggestions que nous avons présentées consisterait à augmenter le débit d'air, pour le porter à 20 pieds cubes à la minute, ce qui aiderait à dissiper ces contaminants.

Au niveau international, nous travaillons en collaboration avec la Fédération internationale des employés du transport. Nous siégeons également à un comité de l'ASHR, l'American Society of Heating and Refrigeration, qui examine l'ensemble de la question en vue d'élaborer une norme avec les syndicats auxquels nous sommes affiliés aux États-Unis. Mais, pour le moment, nous nous concentrons sur les contaminants et la ventilation.

À la dernière réunion du groupe de travail, nous avons invité M. Doug Walkenshaw, qui est devenu un expert dans ce domaine. Il nous a présenté une analyse de 45 pages sur les problèmes liés à la qualité de l'air. Le représentant de l'employeur, qui est le médecin d'Air Canada, a carrément rejeté toutes nos préoccupations et n'était pas prêt à entreprendre une étude scientifique sur l'aviation canadienne afin de déterminer exactement quel est le niveau des contaminants et quels sont les problèmes à cet égard.

C'est la position habituelle des transporteurs. Ils ne veulent tout simplement rien savoir. Malheureusement, pour les agents de bord, qui peuvent passer 25 à 30 ans de leur vie à bord des avions, et aussi pour les voyageurs qui prennent l'avion toutes les semaines, par exemple, il serait important de connaître les conséquences des divers facteurs liés à la qualité de l'air dans les cabines.

La faible humidité et la pression partielle de l'oxygène sont d'autres problèmes techniques que nous aimerions voir étudiés, mais pour l'instant, nous nous concentrons sur le débit d'air et les contaminants.

Le sénateur Roberge: Vous dites qu'il n'y a encore rien de prouvé, mais vous voulez qu'il y ait une étude préliminaire pour vous assurer que ces contaminants ne sont pas dommageables pour la santé humaine?

M. Balnis: En fait, M. Walkenshaw a pu avoir accès à des avions et y effectuer des tests, et il est en train de découvrir...

Le sénateur Roberge: Il s'agit d'un seul expert.

M. Balnis: C'est un expert, oui, et il dit: «Il faut procéder systématiquement. Développement des ressources humaines Canada possède l'équipement nécessaire pour analyser l'air. Il est tout à fait prêt à le faire. Nous voulons simplement qu'il établisse le protocole scientifique nécessaire.» Mais les transporteurs disent: «Nous ne sommes pas intéressés. Allez-vous en.»

Le sénateur Roberge: Êtes-vous satisfaits de la sécurité dans les aéroports? Je veux parler par exemple des services de commissariat de bord et des questions de sécurité. Avez-vous réfléchi à cet aspect de la question?

Mme Hill: Nous avons participé aux travaux à ce sujet-là et nous avons essayé de faire valoir nos vues. Mais il est très difficile de faire des commentaires sur un certain nombre de points différents parce qu'il y a beaucoup d'information protégée à laquelle nous ne pouvons pas avoir accès. C'est donc difficile à juger.

Quand il a été question de changer les détecteurs de métaux pour augmenter leur sensibilité à certains métaux, nous avons demandé ce qu'ils permettraient de détecter. On nous a dit que cette information était protégée et qu'il s'agissait d'une question de haute sécurité. Nous n'avons pas donné suite, et c'est probablement notre faute si nous avons laissé tombé ce dossier.

Le président: C'est absolument ridicule. Il ne faut pas les laisser se défiler.

Mme Hill: Ils sont prêts à nous fournir cette information si nous les rencontrons en privé, mais nous n'avons pas encore eu l'occasion de le faire. La réglementation est en train d'être remaniée, et nous allons suivre l'affaire.

Le président: Ne les laissez pas se défiler. J'ai le droit de le savoir, et vous aussi.

Mme Hill: Ils nous disent que cette information n'est pas du domaine public.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que les agents de bord devaient s'occuper de 40 passagers chacun, n'est-ce pas? Il arrive que je sois assis à côté de la sortie de secours, au-dessus des ailes, mais les agents de bord ne nous expliquent pas comment ouvrir les portes principales ni les sorties de secours au cas où il leur arriverait quelque chose.

Je voyage le plus souvent avec First Air, dans des 737 et des 727, où la porte est à l'arrière. C'est une grosse porte. La plupart du temps, les agents de bord expliquent qu'il y a une issue au-dessus des ailes. Est-ce que c'est la principale sortie d'urgence? Vous avez parlé de gens qui avaient essayé d'ouvrir la porte arrière, mais qui n'ont pas réussi et qui ont été emprisonnés dans l'avion. Est-ce que ces portes sont actionnées par un système hydraulique qui fait que plus rien ne fonctionne quand l'avion arrête?

Mme Hill: Dans bien des cas, les portes sont tordues. Il y a une manivelle pour les portes de ce genre, mais vous ne seriez pas capable de vous en servir en cas d'accident. Vous avez raison de dire qu'il faudrait fort probablement utiliser les issues situées au-dessus des ailes, et nous montrons maintenant aux passagers comment s'en servir. Ce règlement est entré en vigueur il y a environ deux ans. Quant à savoir s'il est efficace, cela reste à déterminer.

Un des problèmes que nous avons, cependant, c'est qu'une fois que nous avons informé les passagers, ils sont très curieux de savoir -- comme la plupart des gens le seraient à leur place -- s'ils seraient capables d'ouvrir les portes. Il est arrivé plusieurs fois que des passagers essaient d'ouvrir l'issue de secours au-dessus des ailes pendant que l'avion roulait sur la piste, ce qui a obligé le pilote à faire demi-tour. En fait, il a déjà fallu annuler des vols parce que ces portes doivent être replacées dans une position donnée, sans quoi elles s'ouvriraient pendant le décollage. Mais on peut évidemment se demander comment les passagers pourraient sortir de l'avion en cas d'accident si les portes étaient toutes tordues.

Le sénateur Adams: Vous dites qu'il y a un seul agent de bord pour assurer la sécurité de 40 à 50 passagers. Est-ce que les agents de bord ont trop de travail, puisqu'ils doivent servir le café et tout le reste? Dans le temps, on ne nous servait pas de café. Mais de nos jours, chaque fois qu'on décolle, il faut qu'on nous apporte du café ou des boissons gazeuses. Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus?

Mme Hill: Ce qui nous préoccupe le plus, c'est la sécurité. Bien franchement, nous nous en fichons pas mal si vous n'avez pas votre café. Ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir vous sauver la vie en cas d'accident. Notre principal rôle à bord des avions, c'est d'assurer la sécurité. Nous suivons une formation poussée. Nous suivons six semaines de formation de notre employeur quand nous sommes embauchés, et nous devons démontrer chaque année que nous sommes en mesure d'accomplir nos tâches en matière de sécurité. Nous devons participer à un programme de formation continue tous les ans, de même qu'à un cours de lutte contre les incendies et à un cours de premiers soins tous les trois ans.

Ce qui nous inquiète, au sujet de la réduction du nombre d'agents de bord, c'est qu'avant l'exemption -- qui est maintenant la règle --, il y avait toujours deux agents à bord des avions comme les ATR-42 ou les Dash 8-300; s'il y avait plus de 40 passagers dans l'avion, il y avait deux agents de bord.

Je vous parle d'après mon expérience personnelle, parce que j'ai déjà travaillé à bord d'un ATR-42. Il y avait une issue à l'arrière, qui était la sortie principale, et une autre à l'avant, au-dessus des ailes; en fait, ce n'était pas vraiment au-dessus des ailes, mais il y avait un hublot à l'avant qui s'ouvrait en cas d'urgence. Quand nous étions deux agents de bord et que l'avion était plein -- avec 50 passagers --, un d'entre nous pouvait ouvrir l'issue avant et l'autre la porte arrière, et diriger la circulation. Autrement dit, si une porte avait été abîmée ou s'il y avait une fissure dans le fuselage, il y avait un deuxième agent de bord capable de diriger la circulation. Quand nous donnons nos ordres d'une voix forte et très ferme, les passagers les suivent tout de suite.

Mais ce n'est plus le cas. À bord des ATR-42 et des Dash 8, il n'y a maintenant plus qu'un seul agent de bord pour 50 passagers, qui dirige la circulation dans une seule direction. Si l'issue est bloquée ou que l'agent de bord est incapable de faire son travail, les passagers sont complètement désorientés; ils ne savent pas où aller. Ils ne sont pas aussi habitués à l'avion que les agents de bord. Comme nous sommes très souvent à bord, nous savons même dans l'obscurité où se trouvent toutes les portes et l'équipement d'urgence; mais nous ne pouvons plus compter sur un deuxième agent de bord, ni sur la possibilité de diriger la circulation à deux endroits.

Le sénateur Adams: Est-ce qu'il y a des règlements au sujet du nombre d'heures de vol que vous pouvez faire seuls avec 40 ou 50 passagers?

Mme Hill: Il n'y aucune réglementation au sujet des heures de travail des agents de bord. Les seules dispositions à cet égard se trouvent dans les conventions collectives. Donc, les agents qui ne sont pas couverts par une convention collective peuvent, en théorie, devoir voler indéfiniment.

D'après nos règles, d'après nos conventions collectives, les agents de bord peuvent travailler de 12 à 13 heures, et faire jusqu'à huit atterrissages en une même journée. C'est long. Et c'est fatiguant quand il n'y a qu'un seul agent de bord parce que nous devons non seulement servir le café et les repas, mais aussi nous assurer constamment que tout le monde est en sécurité dans la cabine et qu'il ne se passe rien d'anormal. Nous devons toujours être aux aguets pour être certains que tout se passe bien.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé de la qualité de l'air. Quand je me rends dans le Nord, je constate très souvent que l'avion est surchauffé. Il y a une bouche d'aération au-dessus de nos têtes, mais nous transpirons quand même. Avez-vous un mécanisme de commande quelconque qui vous permet de régler la température ou si vous devez demander au pilote de baisser la température?

Mme Hill: Dans la plupart des cas, ce sont les pilotes qui contrôlent la température, pas les agents de bord. Richard peut vous donner plus de détails sur le débit d'air à bord des Airbus. Les agents de bord doivent souvent demander plus d'oxygène ou un meilleur débit d'air dans la cabine, et ils se le font souvent refuser. Ce n'est pas automatique. Les pilotes ne sont pas obligés de dire oui. Chez Air Canada, ils le font maintenant. La compagnie a émis une directive selon laquelle, quand un agent de bord le demande, les pilotes doivent augmenter le débit d'air; mais nous savons qu'ils ne l'augmentent généralement pas longtemps et qu'ils le ramènent après quelques instants au même niveau qu'avant.

Richard peut vous fournir plus de détails.

M. Balnis: Denise a parlé des deux aspects de la question. Le premier, c'est que la température est contrôlée par les pilotes, tout comme les appareils de ventilation, qui ont généralement une commande à deux ou trois niveaux. Mais l'augmentation du débit d'air augmente également la consommation de carburant, ce qui coûte plus cher; donc, malgré les directives d'Air Canada, les pilotes ne le font que quand il y a des plaintes. Autrement, ils fonctionnent à bas régime. Nous volons aujourd'hui à 35 000 ou 40 000 pieds, ce qui est plus haut qu'il y a cinq ou dix ans. Les agents de bord qui volent depuis 25 ans disent que, quand on atteint 39 000 pieds, on approche de l'altitude maximum. Plus on monte, moins la résistance de l'air est forte, mais on commence à le sentir dans l'avion.

Un sénateur nous a demandé tout à l'heure comment étaient nos rapports avec les pilotes. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec eux. Malheureusement, certains pilotes gardent le débit d'air au minimum pour maintenir la valeur des actions de la compagnie. Il y a des programmes qui incitent les pilotes à économiser le carburant, et nous sommes en conflit avec eux sur ce point. S'ils étaient ici, nous ne nous gênerions pas pour le dire.

La règle générale qu'appliquent les transporteurs, c'est que, si un passager se plaint, s'évanouit, a des étourdissements ou doit recevoir de l'oxygène, l'agent de bord se rend au poste de pilotage et demande aux pilotes d'augmenter le débit d'air. Mais ils ne le gardent pas longtemps à haut régime parce que leur niveau minimal de carburant est tellement bas que cette consommation supplémentaire peut les empêcher d'atteindre leur destination première. Cela se produit même en Amérique du Nord.

Le sénateur Maloney: Je voudrais vous poser une question sur les détecteurs par lesquels nous passons dans les aéroports. Sont-ils tous réglés à des niveaux différents ou s'ils sont censés être tous pareils? Je trouve toujours très étrange qu'il ne se passe rien quand je prends l'avion à Toronto, même si je porte 14 bracelets et 12 colliers, tandis que la machine peut devenir complètement folle à un autre moment alors que je porte seulement un bracelet.

Mme Hill: Vous avez raison; les détecteurs ne sont pas tous réglés au même niveau d'un bout à l'autre du pays.

Nous avons protesté contre l'enlèvement des détecteurs et des autres mesures de sécurité dans les aéroports des communautés du Nord. Nous avons demandé pourquoi cela avait été fait. On nous a répondu que ce n'était pas nécessaire dans les petites communautés, où il n'y avait jamais eu de problème sauf dans deux aéroports. J'ai demandé quel était le problème à ces deux endroits et on m'a dit que quelqu'un avait été pris avec une arme à feu en passant dans un des détecteurs installés à Fort Frances. Pourtant, Fort Frances était sur la liste des aéroports où les détecteurs devaient être enlevés. Ce n'est pas logique.

Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle les détecteurs sont réglés à des niveaux différents, mais j'ai constaté la même chose que vous. Parfois, on passe avec ses clés comme si de rien n'était, et à d'autre moments, tout sonne même s'il n'y a rien.

Le sénateur Maloney: Mon mari a une plaque de métal dans la hanche et il prend l'avion au moins deux fois par semaine. Le seul endroit où la machine s'est déclenchée, c'est à Londres. J'ai bien pensé que je l'avais perdu pour de bon parce qu'il a disparu; on l'a emmené dans une salle pour essayer de trouver ce qui avait déclenché la machine. Mais aucune autre machine au monde n'avait détecté cette plaque de métal, et c'est ce qui me fait peur.

Mme Hill: Les niveaux de sécurité sont plus élevés qu'ici dans un certain nombre d'aéroports du monde. En m'en venant ici, j'ai lu dans le Aviation Daily que les Américains dépensaient des millions et des millions de dollars pour resserrer la sécurité dans un certain nombre d'aéroports, en bonne partie à la suite de l'écrasement de la TWA. C'était intéressant. L'article disait que, malgré les affirmations selon lesquelles il y avait eu une explosion dans les réservoirs, il y avait toujours des rumeurs voulant qu'il y ait eu un missile ou une bombe à bord. Donc, les Américains dépensent des centaines de millions de dollars pour resserrer leurs mesures de sécurité.

Le président: J'aimerais que nous parlions de l'amélioration de la sécurité des Canadiens à bord des avions. Quand nous réfléchissons à la question, ce sont le plus souvent les pays du tiers monde ou les pays autres que l'Europe de l'Ouest, les États-Unis, le Canada, peut-être le Japon et quelques autres qui nous viennent à l'esprit en premier. Ailleurs, la situation est souvent assez difficile, en particulier en ce qui concerne le contrôle de la circulation aérienne et les autres questions de ce genre.

Avez-vous quelque chose à nous dire sur le transport aérien dans ces autres parties du monde, que ce soit de votre point de vue d'employés d'une compagnie ou de celui des personnes dont votre transporteur a la charge, c'est-à-dire les passagers? Est-ce que c'est une question dont vous discutez de temps à autre?

Mme Hill: Oui. Nous avons souvent des discussions sur le transport aérien dans les différentes régions du monde. Nous suivons la situation de très près quand des agents de bord se rendent dans des régions où il y a par exemple des tensions politiques. Nous ne représentons pas les agents de bord de Royal, même s'ils ont demandé leur accréditation, mais ils ont effectué récemment 28 vols au Kosovo, dans le cadre d'un contrat du gouvernement; or, ils n'avaient reçu au préalable aucune information sur les problèmes médicaux potentiels. On ne leur a pas demandé s'ils avaient été vaccinés. Ce sont des choses qui nous préoccupent, et nous avons tenté de résoudre le problème de notre mieux avec les agents de bord. Nous en avons parlé à des inspecteurs de la santé et de la sécurité au travail, qui en ont parlé à leur tour aux compagnies, lesquelles ont évidemment répondu qu'il n'y avait pas de problèmes.

Au fil des années, nous sommes allés dans toutes sortes de régions secouées par les tensions politiques. Par exemple, les agents de bord des Lignes aériennes Canadien allaient à une certaine époque à Lima, au Pérou. Nous avons fini par obliger le transporteur à suspendre cette liaison parce que la sécurité posait un problème.

À l'aube du nouveau millénaire, au moment où tout le monde s'inquiète du bogue de l'an 2000, il est intéressant de constater que nous avons moins d'appréhensions pour certains des pays qui ne sont pas tellement avancés dans le domaine de la navigation aérienne parce qu'ils font les choses à la main de toute façon. Leurs ordinateurs ne peuvent donc pas tomber en panne. Quand nous parlons à des agents de bord de partout dans le monde, ils nous disent tous la même chose, à savoir que la situation est particulièrement inquiétante dans les pays très avancés, qui comptent uniquement sur les systèmes informatiques. Si nous devons nous rendre dans une région où tout se fait encore à la main, le système ne pourra pas tomber et les gens pourront atterrir en toute sécurité.

Le président: Nous entendons beaucoup parler de «moindre coût» et de «plus petit dénominateur commun». Vous avez mentionné la question du carburant; je considère que vous portez là une accusation très sérieuse. Vous nous dites que Transports Canada harmonise explicitement ses normes de sécurité à la baisse, en fonction du plus petit dénominateur commun, parfois même en deçà des minimums établis par l'OACI et souvent après s'être contenté d'une étude ou d'une analyse superficielle. Vous dites que les exigences relatives au carburant ont été établies de manière à faire économiser de l'argent aux transporteurs. Pourriez-vous nous donner un exemple?

M. Balnis: Je vais vous en donner un, quoique la personne la mieux placée pour vous parler de cette question -- je ne sais pas s'il a déjà comparu devant vous -- soit le capitaine Peter Foreman, de la section canadienne de l'ALPA, qui s'est déjà prononcé énergiquement sur cette question-là.

La question des exigences relatives au carburant se rapporte spécifiquement à la quantité de carburant supplémentaire dont un avion a besoin s'il doit modifier son trajet. L'exemple cité par Transports Canada lors d'une séance d'un comité présidé par Merlin Preuss, qui est maintenant directeur du service de l'aviation commerciale et d'affaires -- une séance à laquelle participaient les compagnies aériennes --, portait sur la réduction de la quantité de carburant supplémentaire nécessaire par exemple pour se rendre à Mexico. Ce à quoi Peter et moi-même nous sommes opposés vigoureusement. Peter a dit: «Je vais à Mexico et j'ai besoin de ce carburant supplémentaire.» La proposition a été adoptée même si nous avons lu la norme de l'OACI aux gens qui participaient à cette rencontre. On nous a répondu que l'OACI serait saisie de la question. J'ai gardé mes notes sur cette séance, à laquelle j'ai assisté. Il a fallu environ un an, mais la mesure a été adoptée. Comme les transporteurs ne comprenaient pas la règle, M. Preuss leur a dit à un moment donné: «Je vous donne la règle que vous souhaitez.» Je l'ai regardé et je lui ai dit: «Voilà une déclaration tout à fait étonnante, monsieur.»

Dans d'autres cas, par exemple quand nous discutons des conséquences des mesures touchant l'équipement de sécurité pour les agents de bord, les gens de Transports Canada dénichent toujours la norme la moins sévère. Par exemple, même si les normes européennes ou les règles canadiennes en vigueur sont plus strictes, ils nous disent: «C'est ce qui se fait aux États-Unis.» Et quand nous demandons: «Pourquoi? Quel effet cela a-t-il sur la sécurité?», ils nous répondent: «Eh bien, tout va bien aux États-Unis, non?» Voilà ce que nous entendons par des études «superficielles».

J'ai participé personnellement au projet de mise en oeuvre des recommandations de la Commission Dryden pendant trois ans et j'ai aussi siégé au CCRAC, en compagnie de Denise et d'autres représentants de la Division du transport aérien du SCFP, depuis sa création en 1995. En moyenne, jusqu'à l'an dernier, nous avons eu entre trois et six jours de rencontres avec Transports Canada. J'ai un classeur à trois tiroirs, plein des notes que j'ai prises lors de ces rencontres et j'ai dit aux fonctionnaires de Transports Canada qu'à la prochaine enquête sur un écrasement -- il y a eu Dubin en 1981, Moshansky en 1990 et il y en aura sûrement une autre bientôt --, j'allais apporter toutes mes notes et dire à tout le monde ce que j'avais vu pendant ces rencontres. Bien franchement, je crois que ces gens-là fonctionnent en deçà des normes professionnelles d'évaluation et qu'ils se contentent souvent de faire les quatre volontés des compagnies aériennes.

Je sais que je suis sévère, monsieur, mais je suis tout à fait prêt à monter sur n'importe quel podium avec mes notes et à révéler tout ce qui s'est dit là-bas. Je sais que les gens de Transports Canada vont lire le compte rendu de la séance d'aujourd'hui et qu'ils savent qui je suis. Je suis prêt à défendre mes déclarations devant eux et devant l'ADMA.

Ils nous ont suggéré par exemple des règlements qui contenaient trois changements, mais ils ne nous en ont expliqué qu'un. Quand j'ai demandé en quoi consistaient les deux autres, ils m'ont répondu qu'ils avaient décidé de changer ces deux éléments, tout simplement. Et quand je leur ai demandé pourquoi, ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas à me fournir de raison. J'ai répliqué: «Monsieur, ce comportement est tout à fait condamnable.» Les changements ont quand même été adoptés.

Nous trouvons nos alliés où nous le pouvons; parfois, ce sont les pilotes. Mais quand on a affaire à des lobbyistes qui se font payer 150 000 $ à 200 000 $ et qui sont d'anciens fonctionnaires de Transports Canada, c'est difficile. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour assister tous les jours à des séances publiques, mais nous savons de toute façon qu'il y a d'autres rencontres où tout se décide avant la tenue des séances publiques.

Nous suivons la situation depuis sept ans et nous avons perdu nos illusions, mais nous sommes encore présents tous les jours parce que nous savons que, si nous n'y étions pas, les choses pourraient être pires. Si nous n'avions pas été là en mars 1994, le ministère aurait réduit par une simple directive le nombre d'agents de bord présents dans tous les avions. Nous nous sommes opposés à cette mesure et nous avons soumis la question à un groupe de travail. Nous sommes allés voir les députés et les sénateurs, et nous avons obligé le ministère à reculer. Mais, si nous n'avions pas été là ce jour-là, le nombre d'agents de bord aurait été réduit dans tous les types d'avions au Canada, sauf un.

Nous sommes donc résolus, mais la bataille est difficile. Nous avons décidé de vous présenter une déclaration très claire parce que nous avons lu les témoignages des gens qui nous ont précédés. Nous avons lu ce qu'ont dit les gens de l'ATAC, et aussi ceux d'Air Canada, en particulier Jeff Elliott. Nous avons lu ce qu'ont dit M. Jackson et M. Laflamme. Nous savons que vous leur avez laissé toute une liste de questions auxquelles ils devront répondre, et nous aimerions bien jeter un coup d'oeil sur leurs réponses parce que nous voudrons sans doute réfuter une bonne partie de leurs affirmations, si jamais ils vous répondent. Ces questions ont été posées le 4 mars, je pense. Nous sommes prêts à défendre tout ce que nous avons dit sur cette question devant un tribunal ou devant n'importe quel comité. C'est ce que nous avons vécu.

Le président: Nous accordons la priorité absolue à la question de l'augmentation du nombre de vols. Le président des États-Unis a maintenant engagé environ 250 ou 260 millions de dollars à ce chapitre, après un engagement initial de 40 millions il y a deux ans, et il n'y a pas de limite aux montants qui seront dépensés pour éviter que nous nous retrouvions une fois par semaine avec un gros transporteur au bout d'une piste. Avec l'augmentation de la circulation, si nous gardons la procédure actuelle, il va y avoir plus d'accidents. Nous avons fait d'importants progrès -- je suis sûr que vous en conviendrez --, mais ce n'est pas suffisant.

Par exemple, le refus de vous fournir de l'information est de la pure hypocrisie. Cela défie toute logique. Quel genre de secret y a-t-il là-dedans?

M. Balnis: Sur la question de l'équipement, par exemple, nous avons demandé à voir les dessins des avions indiquant les parcours d'évacuation, pour pouvoir évaluer si la règle établie par les fabricants et les transporteurs -- et approuvée par Transports Canada -- au sujet des portes défectueuses était efficace, mais tout le monde nous a dit que ces dessins étaient secrets. Ils se sont regardés les uns les autres, jusqu'à ce qu'un fonctionnaire plus franc que les autres admette: «Nous avons examiné les dessins et nous nous sommes rendu compte que nous accordions des approbations différentes pour les différents transporteurs, dans les différentes régions du pays.» Cela se passait il y a quatre mois. Je n'aurai jamais l'occasion de voir ces dessins, ni de répliquer. La sous-ministre, Mme Bloodworth, nous a écrit une lettre dans laquelle elle nous promettait de nous faire parvenir ces renseignements, mais nous n'avons encore rien reçu.

Ils dessinent le plan d'un avion, avec l'emplacement des issues, et ils examinent ce qui se passerait si une des portes était défectueuse ou bloquée; ils essaient de voir comment se ferait la circulation vers les autres issues pour assurer un niveau de sécurité équivalent. Nous nous opposons fortement à cette méthodologie. Nous avons découvert, en regardant les dessins et en examinant l'endroit où se trouvent les agents de bord et leur équipement de sécurité, que les gens de Transports Canada n'ont pas tenu compte du fait que les agents ne pourraient pas diriger la circulation des passagers, comme Denise l'a souligné.

Nous avons pu signaler ce problème quand nous avons examiné le nombre d'agents de bord présents dans les avions. Nous avons produit des dessins en couleurs, à l'échelle, pour leur montrer ce que ça signifierait s'il y avait moins d'agents de bord. Ils savent qu'ils ne peuvent pas nous redonner ces dessins parce que nous pourrions alors les critiquer de nouveau. Nous travaillons à bord de ces avions et nous savons ce que ça veut dire quand nous ne sommes pas capables de parvenir à notre équipement de sécurité parce que nous ne sommes pas à la porte qui nous assignée, ou pour une autre raison de ce genre.

M. Keith Miller, conseiller en transports auprès du comité: Toujours sur cette question de la circulation des passagers en situation d'urgence, pourriez-vous expliquer au comité où se trouve l'agent de bord dans un Dash 8-300 et dans un ATR-42? Est-il posté à l'avant ou à l'arrière de l'avion? En situation d'urgence, est-ce qu'il dirigerait les passagers vers l'avant ou vers l'arrière de l'avion? Quelle procédure suivez-vous?

Mme Hill: À bord des ATR, l'agent de bord se poste à côté de l'issue principale, c'est-à-dire la porte arrière. Quand à savoir dans quelle direction nous dirigerions les passagers, tout dépendrait de l'accident. Si l'avion s'était écrasé sur la gauche, nous leur dirions de sortir à droite. S'il s'était posé dans l'eau, volontairement ou non, nous nous servirions normalement des issues situées au-dessus des ailes pour que les gens soient plus haut. Les agents de bord sont formés pour réagir instantanément, et nous savons où diriger les passagers.

Dans le Dash 8, l'agent de bord se poste près de la porte d'entrée principale. Dans le Dash 8-300, on monte à bord à l'avant de l'appareil; c'est donc là que l'agent de bord s'assoit. Nous ne sommes vraiment pas certains que les passagers assis à l'arrière de l'avion réussiraient à sortir. Je suis sûr que vous avez déjà pris un Dash 8-300; c'est un avion très long.

M. Miller: Devons-nous en conclure que 50 passagers devraient se déplacer dans la même direction pour évacuer l'avion?

Mme Hill: Tout dépendrait du genre d'accident. En général, en vertu de l'ancienne règle, il y avait deux agents de bord pour diriger les 50 passagers, un à l'avant de l'avion et un à l'arrière, de façon à mieux répartir la circulation.

M. Miller: C'était l'ancienne règle.

Mme Hill: En effet. Conformément à la nouvelle règle, il n'y a qu'un seul agent de bord pour diriger la circulation. Nous montrons aux passagers assis à proximité comment ouvrir les hublots servant d'issues d'urgence. Si nous avons le temps, si nous savons qu'il va y avoir un écrasement ou un atterrissage d'urgence et qu'il va falloir ouvrir les issues de secours, nous déplaçons les passagers valides vers ces issues et nous leurs montrons comment le faire. Puis, nous nous croisons les doigts en espérant qu'ils arriveront à les ouvrir et qu'ils ne seront pas pris de panique. Nous leur demandons de diriger la circulation. Et si nous n'avons pas le temps, nous espérons que les passagers assis près de ces issues vont les ouvrir et aider les gens à sortir.

M. Miller: Est-ce que j'ai raison de penser que vous avez déjà dit à ce comité que l'évacuation serait beaucoup plus efficace s'il y avait deux agents de bord, un à l'avant de l'avion et l'autre à l'arrière?

Mme Hill: Absolument. Nous avons présenté des piles et des piles de documents au groupe de travail. Ce ne serait pas nécessairement toujours à l'arrière de l'avion. Il pourrait y avoir un agent de bord à une issue de secours au-dessus de l'aile, ce qui permettrait quand même de répartir les passagers en deux groupes, de manière à ce que les gens de l'arrière de l'avion aient moins de chemin à parcourir. L'ATR, en particulier, a une porte à l'avant et une autre à l'arrière. Nous avons présenté toutes les données que nous avons pu trouver.

Richard, en particulier, a fait énormément de recherche sur la question. Nous avons examiné à peu près tous les écrasements survenus jusqu'ici. Dans bien des cas où il n'y a pas eu de morts, nous avons découvert qu'il y avait des membres d'équipage supplémentaires à bord. C'est la même chose aux États-Unis. Quand il y avait beaucoup de personnel à bord, il n'y avait pas de morts parce que les portes avaient toutes été ouvertes et que les gens avaient pu sortir.

M. Miller: Je voudrais en revenir à la question de la qualité de l'air. Vous dites que les compagnies aériennes ne veulent pas entendre parler d'une étude scientifique à ce sujet-là, mais de toute évidence, vous aimeriez que la question soit examinée. Savez-vous s'il y a eu d'autres études réalisées dans d'autres pays, auxquelles vous ou nous pourrions avoir accès?

M. Balnis: Il y a eu deux études. Je pense qu'une d'elles a été réalisée pour le ministère des Transports par une firme de consultants, mais le protocole n'en était pas suffisamment général pour permettre l'examen de tous les contaminants que nous aurions aimé voir examinés. Il y a eu aussi une étude récente effectuée par l'ASHR elle-même, au sujet du Boeing 777 seulement; dans ce cas-là non plus, le protocole n'était pas satisfaisant.

Quand nous avons fait appel à notre expert, M. Doug Walkenshaw, il a préparé un protocole portant sur l'examen de substances essentielles, mais aussi sur celui de l'effet de «soupe aux pois» créé par la combinaison de divers contaminants. Je pourrais vous faire parvenir une copie de la présentation qu'il a faite devant le groupe de travail de l'ASHR il y a environ trois semaines. Il est ingénieur de formation, mais il explique la question de la qualité de l'air de façon très compréhensible, et son document le reflète très clairement. Je me ferai un plaisir d'envoyer ce document au greffier ou aux sénateurs si ça vous intéresse. M. Walkenshaw y explique ce que doit comporter le protocole pour qu'une étude soit fiable, contrairement aux études précédentes qui n'ont pas tenu compte de tous les aspects de la question. Ce n'est pas de l'information protégée, et il est toujours heureux de la diffuser.

M. Miller: Le comité vous serait reconnaissant de bien vouloir faire parvenir cette documentation au greffier du comité, de même que les deux autres rapports si vous les avez en main.

Mme Hill: Nous nous ferons un plaisir de vous fournir nos documents, de même que les données que nous avons pu recueillir sur les accidents et les avions. Nous avons en fait assemblé ce que nous appelons notre «boîte de pizza». Nous avons réalisé une vidéo dans laquelle nous avons interviewé des agents de bord qui avaient vécu des accidents. Les gens qui l'ont vue ont trouvé la situation plutôt alarmante.

M. Miller: Je voudrais passer maintenant à un autre sujet dont nous avons discuté avec les associations de pilotes; je peux parler du problème des passagers agités. Le président a parlé d'un incident qui est survenu à bord d'un vol entre la Jamaïque et Montréal et qui a obligé le pilote à dévier de sa route pour se poser à Miami. Les agents de la paix américains n'ont pas voulu s'en mêler.

Pensez-vous que, si le Canada adoptait une position ferme à l'OACI, nous pourrions élaborer des règlements qui aideraient à résoudre le problème des passagers agités à bord des vols internationaux?

Mme Hill: Absolument. J'ai été nommée au groupe d'étude chargé de cette question à l'OACI, parce que nous sommes affiliés à la Fédération internationale des ouvriers du transport. Je vais y représenter les agents de bord du monde entier.

Nous sommes d'avis que c'est uniquement par l'intermédiaire de l'OACI, et grâce à la clairvoyance du gouvernement canadien, que nous pourrons obtenir un règlement permettant aux agents de la paix locaux, quand nous nous posons dans un pays étranger, d'amener ces passagers et de les mettre en accusation si la situation l'impose. Nous sommes confiants que le gouvernement canadien va jouer un rôle de premier plan dans ce dossier. Et il peut en être fier parce que c'est un problème pour les agents de bord du monde entier.

D'après les discussions que j'ai eues avec différentes personnes, un peu partout dans le monde, tout le monde espère que le gouvernement canadien va prendre l'initiative dans ce domaine. Nous faisons toutes les pressions possibles -- et nous en avons fait encore hier -- pour faire changer les règles, en espérant que, si le gouvernement canadien peut faire quelque chose, les Américains et les Britanniques lui emboîteront le pas. Nous travaillons énergiquement à ce dossier.

M. Miller: J'ai remarqué à la partie 9 de votre mémoire, au sujet des règlements sur les heures de vol et de service, que vous présentez des chiffres théoriques; je ne dis pas ça pour critiquer. Ces chiffres donnent une idée de ce qui pourrait se passer si les règlements en vigueur au Canada étaient appliqués à la lettre.

Le comité serait cependant plus intéressé à savoir ce que contiennent vos conventions collectives actuelles à ce sujet-là; autrement dit, pendant combien d'heures par mois vos membres doivent-ils travailler, et quels sont les autres détails de vos conventions collectives à cet égard?

Mme Hill: Il y a un certain nombre d'assez gros transporteurs canadiens dont les employés ne sont pas syndiqués; leurs agents de bord seraient donc visés par cette règle. À l'heure actuelle, nous savons que certains agents de bord à l'emploi d'un affréteur ont déjà travaillé jusqu'à 24 heures de suite et n'ont eu droit qu'à quelques heures de repos avant de devoir reprendre le travail. Nous avons eu connaissance d'un cas où un agent de bord avait été en service pendant 20 heures. L'avion avait fait escale à Calgary et l'équipage avait dormi quatre heures à bord avant de reprendre les airs en direction de Toronto. La seule raison pour laquelle l'avion s'était arrêté à Calgary, c'est qu'il ne pouvait pas se rendre directement à Toronto à cause de la règle de minuit.

Nos conventions collectives actuelles varient, mais ça va de 65 heures garanties par mois, qui sont les heures payées, jusqu'à 90 heures environ.

M. Balnis: Il s'agit d'heures de vol, pendant lesquelles l'avion est en déplacement autonome. La règle générale que nous appliquons, c'est qu'une heure de vol égale en moyenne deux heures de travail, ce qui reflète le moment où les employés se présentent au travail. Donc, 75 à 90 heures de vol valent à peu près 150 à 180 heures de service, ce qui fait plus que quatre semaines de 40 heures de travail.

Les agents de bord peuvent avoir à travailler 12 heures tous les jours, sans pause. Il n'y a aucune loi qui oblige les employeurs à nous accorder des pauses, et nous n'avons pas réussi à en obtenir dans la plupart des conventions collectives. Il y a généralement des pauses à bord, mais nous voulons parler des pauses en dehors du travail. Nous travaillons 12, 13 ou 14 heures, parfois jusqu'à 16 heures consécutives pendant les vols long-courrier, par exemple entre Toronto et l'Orient. Dans les cas de ce genre, nous réclamons des membres d'équipage supplémentaires et des compartiments avec des lits pour que les agents puissent se reposer jusqu'à trois heures à bord, mais les transporteurs s'y opposent. Pourquoi? Parce que ces compartiments enlèveraient de l'espace pour les passagers payants. Les pilotes ont des lits près de la cabine de pilotage, mais nous devons rester assis en classe affaires ou en classe économique. C'est un combat très difficile. Les vols long-courrier peuvent durer jusqu'à 16 heures. Je pense que le plus long que nous ayons actuellement dans l'industrie dure 16 heures et 15 minutes.

Quant aux agents de bord qui sont à l'emploi des transporteurs régionaux, ils doivent travailler de 12 à 13 heures avec parfois huit décollages et atterrissages. Il est courant qu'ils fassent Toronto-London, London-Ottawa, et ainsi de suite dans une même journée.

La plupart des conventions collectives obligent les transporteurs à accorder de 10 à 13 jours de congé par mois. Les 13 jours sont pour les agents de réserve, qui travaillent sur appel. Ils ont généralement plus de jours de congé parce qu'ils peuvent par exemple travailler le matin et devoir faire ensuite un vol de nuit. C'est généralement de cette façon-là que s'organisent les horaires quotidiens et mensuels, de même que les jours de congé. Je pense que ce sont les principaux éléments.

M. Miller: Est-ce que ces conventions collectives prévoient des crédits d'heures de vol pour les gens qui passent la nuit à l'extérieur de leur port d'attache et, si oui, en quoi consistent-ils? Par exemple, est-ce une heure pour quatre, une pour cinq ou une pour deux? Quelle est la moyenne?

M. Balnis: La norme est d'une pour quatre. Il n'y a qu'un seul transporteur, parmi ceux dont nous représentons les employés, qui ne l'offre pas encore. Partout ailleurs, nous avons une garantie d'une heure par quatre heures de déplacement. Si je suis à l'extérieur de chez moi pendant 24 heures, j'obtiens un crédit de six heures de vol. Cette mesure oblige les transporteurs à être plus efficaces et à ne pas garder nos gens à leur disposition sans les payer. Nous avons aussi une garantie d'une ou deux heures relativement à la période de service. Si nous sommes en service pendant 12 heures, nous obtenons au minimum six heures de crédits de vol. C'est calculé sur une base quotidienne, mais aussi en fonction de nos déplacements.

M. Miller: Vous avez parlé des réservistes. C'est une question qui préoccupe sérieusement au moins une des associations de pilotes du Canada, mais je remarque que vous ne faites pas de commentaires à ce sujet-là à la page 9. Dois-je en conclure que vous êtes satisfaits des dispositions de la plupart de vos conventions collectives au sujet des réservistes?

M. Balnis: Le fait que quelqu'un doive être disponible à partir de minuit et une minute et puisse être appelé à 19 heures le soir pour une période de service de 14 heures pose effectivement un problème; il y a différentes façons de s'y attaquer. Les pilotes ont eu plus de succès que nous dans la négociation de leurs conventions collectives, pour faire inclure des exigences de préavis ou encore pour essayer d'établir des équipes de réservistes de nuit et de réservistes de jour pour que ces employés puissent au moins planifier leur sommeil. Quand on sait qu'on doit voler en soirée, on devrait pouvoir dormir pendant la journée, même si c'est difficile. La réglementation envisagée pour les pilotes constitue pour nous un modèle à cet égard. Il y a eu des améliorations au sujet des réservistes, mais les progrès ne sont pas considérables. Transports Canada est prêt à appliquer cette partie de la règle à nos membres, mais les transporteurs ne sont pas contents.

Ce qui nous préoccupe, au sujet de notre neuvième point, ce sont les éléments dont nous parlons aux paragraphes a), b), c), d) et e), c'est-à-dire les points sur lesquels nous n'avons pas obtenu la même chose que les pilotes; c'est pourquoi nous nous opposons à cette réglementation. Il n'y aurait aucune limite mensuelle ni annuelle, mais simplement 292 jours de travail de 12 heures. Quand je le leur ai fait remarquer, ils se sont contentés de me regarder. Oui, ce sont des chiffres théoriques, mais la possibilité existe. Il s'agit d'une réglementation en matière de sécurité; ce ne devrait pas être un plafond. Comme vous pouvez le voir, c'est 50 p. 100 de plus que pour les pilotes. Nous avons donc posé la question suivante: «Sur quelles données scientifiques Transports Canada et les transporteurs se fondent-ils pour dire que la physiologie des agents de bord est telle qu'ils peuvent travailler 50 p. 100 plus longtemps que les pilotes sans ressentir la fatigue?» Ils nous ont regardés comme si nous tombions de la Lune. Ils n'ont pas de réponse, mais ils s'en fichent.

M. Miller: En essayant de comprendre ce problème, j'ai l'impression que tout tourne autour du nombre d'heures de préavis dont bénéficient les agents de bord réservistes avant de devoir décoller. Est-ce que c'est là qu'est le problème?

M. Balnis: C'est une façon d'aborder la question. Il y a toujours le problème qui se pose quand la compagnie aérienne appelle un agent à 3 heures du matin pour lui dire: «Retournez vous coucher; nous n'avons pas besoin de vous d'ici 14 heures.» C'est effectivement un problème.

Mais si on me dit que je vais devoir travailler dans l'après-midi et la soirée, je peux me reposer en conséquence. C'est tout à fait logique. C'est ce que font les gens qui travaillent par quarts; ils essaient d'ajuster leur horloge biologique en conséquence. Mais quand on n'a aucun préavis, qu'on est resté debout toute la journée et qu'on se fait appeler à 19 heures pour un vol de nuit, on est à risque quand on rentre à la maison le lendemain matin. Une des caractéristiques de la règle applicable aux pilotes, c'est que les affectations doivent être planifiées à l'avance et que les réservistes doivent recevoir un préavis, ou encore qu'il doit y avoir deux catégories de réservistes. Ce sont deux bonnes façons d'atténuer les problèmes dont vous parlez.

M. Miller: Vous avez soulevé des questions fascinantes et, si le président me le permet, j'aimerais vous poser une autre question.

Le comité connaît très bien le problème lié au fait qu'il n'y a qu'un seul agent de bord, plutôt que deux, par 40 ou 50 passagers. Mais l'incident -- ou le malheureux accident, pour être plus précis -- qui s'est produit à Mirabel mettait en cause un avion qui compte une dizaine de sièges, si je ne me trompe pas, un Metroliner. D'où la question que certains membres du comité m'ont posée: Combien faut-il de sièges dans un avion pour que la présence d'un agent de bord soit obligatoire? Je comprends très bien ce que vous dites pour les avions de 40 ou 50 passagers, mais qu'en est-il pour les avions de 15, 20 ou 30 places?

Mme Hill: Il faut un agent de bord dès qu'un avion compte 19 places ou plus.

Le président: C'est une norme de l'industrie?

Mme Hill: C'est un règlement du ministère des Transports.

M. Bruce Carson, conseiller principal auprès du comité: Comme nous avons entrepris cette odyssée il y a déjà longtemps, le président a évoqué la nécessité d'une nouvelle Loi sur l'aéronautique avec de nombreux témoins. Beaucoup d'entre eux, et notamment les représentants de l'industrie, nous ont dit qu'ils ne se soucient pas tellement de la Loi sur l'aéronautique parce qu'ils sont très satisfaits des règlements.

Il me semble, comme vous nous l'avez dit ce matin -- c'est d'ailleurs un problème endémique au sujet de la réglementation --, qu'il est possible de modifier un règlement par un simple décret du conseil, ce qui ne peut pas se faire dans le cas des lois. Le témoignage que vous nous avez présenté ce matin est la meilleure preuve de la nécessité d'une Loi sur l'aéronautique très complète, qui préciserait de façon concrète une foule de choses qui figurent actuellement dans les règlements; à ce moment-là, si le gouvernement voulait changer ces choses-là, il devrait revenir devant le Parlement plutôt que de pouvoir passer par la porte arrière, c'est-à-dire par les comités ministériels. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Balnis: J'ai deux commentaires à faire. Vous avez parlé de la différence entre la modification des lois, pour laquelle il faut revenir devant le Parlement, et celle des règlements, qui peut se faire par le gouverneur en conseil. À notre avis, c'est ce que Transports Canada a fait dans le cas de la RAC; quand il a créé les normes de la RAC, il a retiré certaines choses des règlements et les a incluses dans des normes qu'il peut changer dans une salle comme celle-ci sans même avoir à publier d'avis dans la Gazette du Canada.

Si vous pouviez faire corriger l'article 4.9 de la Loi sur l'aéronautique, qui porte sur la réglementation par exemptions, et aussi la disposition sur les normes validées, nous vous en serions éternellement reconnaissants. Cette Loi sur l'aéronautique n'est qu'un document général qui accorde énormément de pouvoirs au ministre et aux fonctionnaires de Transports Canada, par le biais de la RAC, de sorte qu'ils peuvent changer des choses entre eux, simplement en mettant un nom sur une liste de distribution. C'est étourdissant.

Je vous demande d'examiner l'article 4.9 et de corriger ce problème, ou au moins d'en parler à vos collègues du comité mixte d'examen de la réglementation pour essayer de comprendre comment cette disposition a pu être adoptée. Elle viole toutes les règles relatives aux avis et à l'application régulière de la loi. Transports Canada adore ça parce que n'importe quel bureaucrate peut faire publier un avis pour proposer une modification. La proposition est alors envoyée aux gens dont le nom figure sur une liste de distribution pour qu'ils l'examinent. S'il s'agit d'une norme, elle est modifiée automatiquement et entre immédiatement en vigueur. Il n'est même pas nécessaire de publier un avis dans la Gazette du Canada, et les parlementaires n'ont pas leur mot à dire.

Le président: Le comité des règlements et autres textes réglementaires n'a probablement pas encore vu ça parce qu'il est très en retard. J'espère que ce n'est pas vrai.

M. Balnis: Il l'a vu, monsieur.

Le président: Mais il n'a pas encore étudié la question, n'est-ce pas?

M. Balnis: Si j'ai bien compris, la nouvelle structure des normes validées a été soumise au comité permanent d'examen de la réglementation. Le comité l'a approuvée; je me demande bien pourquoi. Le Parlement -- comme le gouverneur en conseil, d'ailleurs -- a perdu le contrôle sur plus de 60 à 70 p. 100 de l'activité de réglementation de Transports Canada. Ces pouvoirs sont maintenant délégués aux fonctionnaires de Transports Canada, et je ne sais pas pourquoi.

Je sais que le ministère est satisfait, mais je ne suis pas sûr que l'intérêt public ait été bien servi.

Le sénateur Roberge: Avez-vous des commentaires à faire au sujet de NAV CANADA, en ce qui concerne la sécurité?

M. Balnis: Nous avons les compétences voulues pour faire des commentaires sur certaines questions, mais nous ne voulons pas nous aventurer dans le dossier de NAV CANADA pour le moment. Vous voudrez peut-être interroger les représentants de l'ACCTA. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs collègues, et nous n'avons pas la prétention de pouvoir parler en leur nom. Nous ne prendrons pas position sans avoir bien réfléchi.

Le sénateur Roberge: Que pensez-vous des tests obligatoires de dépistage des drogues et autres substances?

Mme Hill: Nous nous y opposons formellement.

Le sénateur Roberge: Si vous vous inquiétez tellement de votre sécurité et de celle de vos passagers, pourquoi vous y opposez-vous aussi farouchement?

M. Balnis: J'ai lu votre rapport provisoire et je m'attendais à me faire poser cette question. Quand Transports Canada a proposé ces tests pour la première fois, en 1990, notre syndicat est un de ceux qui se sont battus énergiquement contre cette idée; nous avons présenté à ce moment-là des données qui réfutaient les études de Barb Butler. Nous avons cité des exemples, aux États-Unis et ici, pour montrer que les tests de dépistage aléatoires n'étaient pas la meilleure façon de résoudre les problèmes de toxicomanie dans notre industrie. Et rien ne nous a convaincus du contraire jusqu'ici.

Je ne voudrais pas mettre en péril l'appui que vous nous avez accordé aujourd'hui sur d'autres questions, mais j'ai été déçu de trouver cette proposition dans votre rapport. Je n'ai pas l'impression que vous ayez tenu compte des éléments d'information qui avaient été présentés quand Transports Canada a envisagé cette idée, puis l'a rejetée. Nous ne nous y opposons pas seulement au nom de la protection de la vie privée.

Le président: Nous avons examiné cette information.

M. Balnis: Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir notre énoncé de position sur cette question. C'est un document qui date de 1994, et qui se passe de commentaires. Je suis tout à fait prêt à ajouter ça à ma liste de choses à faire.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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