Délibérations du comité sénatorial spécial
de la
Sécurité des transports
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 9 juin 1999
Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 12 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.
Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous sommes réunis ici ce soir pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada, tant celle qui prévaut à l'heure actuelle que celle qui devrait exister dans 10 ou 15 ans.
Nous sommes très heureux d'accueillir Mme Kathy Fox, directrice de la sécurité et de la qualité chez NAV CANADA. J'imagine que son collègue, le directeur des relations de travail, est très occupé à mettre la touche finale à ce qui semble être une conclusion fructueuse à la dernière ronde de discussions avec les contrôleurs de la circulation aérienne. Au nom de tous ceux qui se préparent à voyager, je remercie Dieu que nous ayons pu éviter une grève et je félicite les deux parties.
Mme Kathy Fox, directrice, sécurité et qualité, NAV CANADA: Compte tenu que l'entente est intervenue il y a quelques heures à peine, M. Veltheim n'a pu venir témoigner avec moi ce soir. Il est très occupé en ce moment. Je suis heureuse de pouvoir être ici et d'avoir l'occasion de vous fournir des renseignements à jour sur les activités liées à la gestion de la sécurité à NAV CANADA.
[Français]
Je vous ferai une courte présentation d`environ quinze minutes et par la suite, je pourrai répondre à vos questions.
[Traduction]
NAV CANADA est une société privée sans capital-actions, qui a été constituée en mai 1995. Les responsabilités liées à la propriété, à la gestion et à l'exploitation du système de navigation aérienne au Canada ont été transférées à NAV CANADA le 1er novembre 1996. NAV CANADA est une entité financièrement autonome qui est tout à fait indépendante du gouvernement. Nous fournissons principalement des services de contrôle de la circulation aérienne, d'information de vol, et d'aides électroniques à la navigation.
Nous sommes une entreprise commerciale et nous fonctionnons en fonction des pratiques commerciales. Cela dit, tout surplus est réinvesti dans le système, notamment pour financer de nouvelles technologies, soutenir la R-D, ou réduire les frais d'usagers, conformément aux dispositions de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile.
Je veux insister sur trois aspects dans le cadre de mon exposé. Le premier est le contexte de réglementation auquel nous sommes soumis. Le deuxième est nos réalisations au cours de la période de deux ans allant du début de 1997 à la fin de 1998. Le dernier est notre plan global de sécurité.
La séparation, en novembre 1996, du fournisseur de services et du régulateur est l'un des plus grands changements survenus dans les services de navigation aérienne au pays. À cela s'ajoute le fait qu'une nouvelle réglementation sur l'aviation civile a été adoptée il y a quelques semaines à peine afin de régir la prestation des services de navigation aérienne. Cette réglementation renferme des éléments de la réglementation traditionnelle, mais est fondée sur la performance. Autrement dit, les buts sont fixés par Transports Canada, à titre de régulateur, et il incombe à NAV CANADA de déterminer comment atteindre ces buts.
Notre approche en matière de réglementation et de sécurité est axée sur le partenariat. Je copréside le Comité mixte de contrôle de la sécurité de NAV CANADA/Transports Canada, qui se penche sur les questions de sécurité.
L'une des dispositions de la partie VIII de la réglementation aérienne canadienne stipule que NAV CANADA est tenue de mettre en place un programme global qui assurera une surveillance indépendante à l'interne. Ce programme doit relever d'un gestionnaire qui est directement comptable au président du conseil de direction. C'est le rôle qui m'incombe. En vertu de la réglementation, je suis responsable de faire en sorte que l'on effectue des évaluations des risques liés aux politiques, plans et procédures opérationnels. Je suis aussi responsable de la cueillette et de l'analyse des données liées aux risques.
Le diagramme à la page 3 du document qui vous a été distribué décrit le rôle des divers intervenants dans la gestion de la sécurité.
[Français]
En fait, certains bureaux de la sécurité des transports sont responsables, comme agent indépendant, de surveiller la sécurité aérienne au Canada, non pas seulement les services de navigation aérienne mais aussi enquêter sur les accidents et les incidents.
[Traduction]
La page 3 du document sur la gestion de la sécurité de NAV CANADA renferme un diagramme qui donne un aperçu du rôle des divers intervenants dans la gestion de la sécurité.
[Français]
Transport Canada agit comme régulateur et fait la surveillance sur la sécurité. A l`intérieur de NAV CANADA, nous avons un comité de la sécurité du conseil d`administration. Mon bureau se rapporte directement au président et chef de la direction.
[Traduction]
Les activités courantes de la société qui sont liées à la sécurité relèvent véritablement des vice-présidents des divers services, notamment l'exploitation, l'ingénierie et ainsi de suite. Comme je l'ai dit, mon rôle consiste avant tout à assurer une surveillance de la sécurité, de façon à avoir une idée globale de la situation. J'ai le mandat d'examiner cet aspect de l'entreprise, de façon à voir comment celle-ci gère ses activités en matière de sécurité.
La commercialisation nous a permis de faire certaines réalisations précises de 1996 à 1998. Nous avons accru le niveau de surveillance de la sécurité en ce qui a trait aux services de navigation aérienne au Canada, parce que maintenant Transports Canada assume avant tout le rôle de régulateur et surveillant de la sécurité. Comme je l'ai mentionné, il y a un comité de la sécurité relevant du conseil d'administration et il y a mon propre poste. En outre, de nouveaux postes de gestionnaires régionaux de la sécurité ont été créés.
Nous avons rétabli le programme de formation périodique pour notre personnel d'exécution, c'est-à-dire les contrôleurs de la circulation aérienne et les spécialistes de l'information de vol. Ce programme avait subi des compressions sous Transports Canada, en raison des restrictions budgétaires.
Des vérifications annuelles de la compétence sont faites conformément à la réglementation. Nous nous servons de ces tests pour vérifier la compétence et la fiabilité de notre personnel d'exécution. Nous avons augmenté la fréquence de nos vérifications de la sécurité et des évaluations de la sécurité dans nos installations d'exploitation, et nous avons adopté de nouvelles méthodes simplifiées afin de faciliter la réparation et le déploiement opportuns de nouveaux systèmes et équipements.
En outre, NAV CANADA effectue une étude aéronautique avant d'apporter des changements au niveau de service dans une région. Cette étude se fonde sur la norme Q850 de l'Association canadienne de normalisation, intitulée: «Cadre de la gestion des risques pour prise de décision».
Ce processus a été mis sur pied par NAV CANADA. En vertu de la réglementation, le ministre peut exiger que NAV CANADA effectue une étude aéronautique. Notre politique est de faire une telle étude chaque fois que nous apportons un changement à un niveau de service. De même, nous exigeons que chaque nouveau projet -- qu'il s'agisse d'un nouveau système, d'un nouvel équipement ou d'un changement organisationnel -- soit assorti d'un plan de la gestion de la sécurité.
Nous effectuons un examen de la sécurité opérationnelle pour tout changement organisationnel ou opérationnel important apporté par NAV CANADA, et ce avant la mise en oeuvre. L'an dernier, nous avons mis sur pied un programme confidentiel de rapport sur la sécurité qui permet à tous nos employés de signaler à la haute direction, de façon confidentielle, toute préoccupation liée à la sécurité. Nous publions régulièrement un bulletin de sécurité destiné au personnel d'exploitation, de façon que les leçons tirées de divers incidents soient communiquées à tout le personnel d'exécution. Le fait de partager cette information permet à nos employés de tirer profit des leçons apprises.
Nous avons adopté des procédures de gestion de la qualité. Ces procédures sont inscrites dans la norme ISO 9000 applicable et sont appliquées à nos activités d'entretien des aides électroniques pour les systèmes de navigation, de l'équipement pour les services d'information aéronautique, et de notre système de formation.
Nous avons entrepris de dispenser à tous nos gestionnaires une formation en gestion de la sécurité et en gestion des risques. En novembre dernier, nous avons publié notre premier Plan de sécurité annuel. À notre connaissance, c'est la première fois qu'un fournisseur de services de navigation aérienne n'importe où dans le monde publie un plan de sécurité. Ce plan triennal définit notre orientation en matière de gestion de la sécurité. Il nous permet d'élaborer un cadre qui fera en sorte que les activités au sein de NAV CANADA soient coordonnées et réfléchies. Ce plan est véritablement la pierre angulaire d'un cadre réglementaire basé sur la performance plutôt que sur des règles normatives.
Le plan de 1998-1999 renferme un avant-propos du chef de la direction, un compte rendu de nos réalisations en matière de sécurité, ainsi qu'une description de nos buts et objectifs en matière de sécurité. Ce plan inclut aussi des objectifs précis pour l'année 1998-1999 qui nous permettraient d'atteindre les buts fixés pour la période de trois ans.
Permettez-moi de vous mentionner les buts que nous nous sommes fixés pour les trois prochaines années. Nous n'avons pas modifié nos six buts originaux, mais nous avons fixé certains objectifs précis pour l'année 1999-2000. Ces objectifs incluent les initiatives suivantes: intégrer la planification de la gestion de la sécurité dans notre cycle de planification des affaires; intégrer la gestion de la sécurité dans la planification des nouveaux projets; introduire des pratiques complémentaires dans la conduite des affaires et des opérations dans les secteurs de l'ingénierie et des ressources humaines afin d'assurer la sécurité; et, enfin, travailler avec Transports Canada afin de renforcer l'utilisation d'un système de gestion de la sécurité en tant que base du cadre de réglementation.
NAV CANADA a mis en oeuvre un certain nombre d'initiatives stratégiques visant à améliorer l'efficience du système et à mieux répondre aux besoins de sa clientèle. Nous sommes conscients du fait que le changement peut avoir une incidence sur la sécurité, et c'est pourquoi nous avons élaboré un plan de transition qui nous permet de gérer ces changements de façon sûre. D'une façon plus précise, notre plan n'est pas seulement un plan de sécurité avant la mise en oeuvre, mais comporte aussi un suivi sous la forme d'un examen de la sécurité effectué après coup, de façon à nous permettre de tirer profit de toute leçon apprise.
Notre troisième but en matière de sécurité pour la période allant de 1998 à 2001 est d'appliquer systématiquement les facteurs humains aux activités de NAV CANADA. Nous savons que les facteurs humains sont responsables de la plupart des lacunes en matière de sécurité, ainsi que des accidents et incidents qui se produisent. Nous voulons nous assurer que nous appliquons les meilleures méthodes aux facteurs humains dans toutes nos activités -- qu'il s'agisse de la conception de l'équipement, de la formation du personnel d'exploitation, ou de faire en sorte, lorsqu'un incident se produit, que soient rassemblées les données appropriées, afin d'intervenir au moyen de mesures correctives appropriées.
Le quatrième but stratégique est de gérer les risques associés au défi de l'an 2000 ou A2M. Tous nos systèmes et notre équipement ont été certifiés en ce qui a trait au défi A2M, et nous sommes en train de finaliser nos plans d'urgence pour le cas où des problèmes imprévus se manifesteraient. Il va de soi que nous nous occupons aussi des interfaces, c'est-à-dire des autres fournisseurs de services avec lesquels nous faisons affaire.
Nos deux derniers buts s'échelonnent sur une période de trois ans. Le premier consiste à mettre en place un programme de mesure de la sécurité. Dans le secteur de l'aviation, nous avons traditionnellement eu tendance à considérer les incidents et les accidents comme un indice de la performance sur le plan de la sécurité, et à croire qu'étant donné qu'une fois que ces incidents se sont produits il est trop tard pour intervenir, nous pouvons en tirer des enseignements, mais nous ne pouvons les prévenir. Il faut trouver des façons plus proactives d'évaluer l'efficacité de notre gestion de la sécurité. Nous collaborons très étroitement avec d'autres fournisseurs internationaux de services de navigation aérienne, particulièrement au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, afin de définir des indicateurs et de partager les meilleures pratiques.
Enfin, étant donné que notre système repose fortement sur la technologie et l'équipement, nous nous efforçons de gérer systématiquement les risques en matière de sécurité associés à l'introduction de nouveaux systèmes tels que le Système canadien automatisé de la circulation aérienne, le CAATS, et les autres outils d'aide à la décision en matière de contrôle de la circulation aérienne.
Nous sommes fiers d'avoir pu élaborer un plan global de sécurité. Celui-ci nous permet de s'assurer que nos activités en matière de sécurité soient coordonnées, ce qui est en quelque sorte un énoncé de l'engagement que nous avons pris en matière de sécurité. Ce plan nous permet de mesurer nos propres progrès, tout en favorisant l'amélioration continue.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président: À la page 2 de votre note documentaire sur la sécurité de la navigation aérienne, vous dites:
L'injection de 600 millions de dollars au cours des cinq prochaines années dans l'achat de nouveaux systèmes et technologies dont le but premier est d'améliorer la qualité des informations transmises aux pilotes ainsi que la sécurité.
Pourriez-vous fournir plus de précisions relativement à ce point et nous fournir un exemple de situation où l'information transmise aux pilotes n'est pas tout à fait adéquate? Comment allez-vous dépenser ces 600 millions de dollars? Ce montant représente plus de 120 millions de dollars par année. Qu'est-ce que cette dépense englobe?
Mme Fox: Un certain nombre de systèmes sont en train d'être mis en place -- par exemple, en ce qui a trait à la communication des renseignements météorologiques, nous sommes en train d'examiner les technologies les plus récentes, telles que l'imagerie radar-satellite. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que les pilotes n'obtiennent pas des renseignements fiables. L'information qui leur est communiquée est fiable. Toutefois, nous voulons profiter des nouvelles technologies et des progrès effectués afin de fournir de meilleurs renseignements que dans le passé, lorsque nous ne disposions pas de cette technologie.
Nous nous orientons maintenant beaucoup plus vers des outils tels que la technologie des satellites, la navigation par satellite et les communications directes contrôleur-pilote. Ces technologies permettent aux ordinateurs de communiquer les uns avec les autres, ce qui atténue des problèmes tels que l'encombrement des fréquences, réduisant ainsi le risque d'erreurs attribuables à des communications mal comprises. Nous ne disposions pas de tels systèmes il y a cinq ou dix ans.
Le président: Ce n'est donc pas pour faire quelque chose au sujet du Système automatique d'observation météorologique, le AWOS?
Mme Fox: Comme vous le savez peut-être, Transports Canada a levé le moratoire en 1998. Notre position est que l'on ne veut pas se servir du AWOS comme d'un système autonome, à moins que nos clients ne veulent qu'on le fasse. Même dans ce cas, nous ne le ferions qu'après une étude aéronautique comme celle à laquelle j'ai fait allusion, soit une étude qui examine toutes les répercussions au niveau de la sécurité. En outre, la mise en oeuvre du AWOS serait assujettie à une étude climatologique effectuée par Environnement Canada.
Le président: Cette technologie peut-elle être développée au point où elle serait fiable, ou devrions-nous plutôt nous tourner vers d'autres technologies?
Mme Fox: Je ne suis peut-être pas la personne la mieux en mesure de répondre à cette question d'ordre technique.
Le président: Vous l'êtes parmi les personnes auxquelles nous avons parlé.
Mme Fox: Lorsqu'il est établi qu'une technologie améliore le système, que ce soit en tant qu'outil pour le contrôleur, le spécialiste de l'information de vol, ou le pilote, il va de soi que nous devrions adopter celle-ci. Cela dit, nous avons toujours été prudent face aux technologies, jusqu'à ce que celles-ci aient fait leurs preuves du point de la sécurité. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté la position susmentionné relativement à l'utilisation du système AWOS.
Le président: Le montant de 600 millions de dollars est-il principalement destiné à l'achat de matériel et de programmes d'ordinateur?
Mme Fox: Oui. Une partie de cette somme doit servir à la mise en oeuvre du CAATS, mais il y a aussi d'autres systèmes. Par exemple, nous sommes en train d'améliorer nos systèmes de traitement des données radar. Nous avons mis en place un nouveau commutateur de communication vocale très perfectionné. Nous sommes aussi en train de mettre en service des systèmes à jour qui peuvent être utilisés dans un environnement où nous n'avons pas de couverture radar. Un certain nombre de systèmes sont donc en train d'être mis en oeuvre.
Le président: Je vous souhaite bonne chance avec ce système. C'est un investissement important. Celui-ci est-il payé à même vos recettes?
Mme Fox: Oui. Toutes nos dépenses, tant d'exploitation que d'investissement, sont payées en se servant des recettes tirées des frais d'utilisation.
Le président: Cet argent vient de ma poche, mais je ne m'y oppose pas. Si vous faites en sorte que le système soit sécuritaire, je suis prêt à payer.
Le sénateur Roberge: J'ai lu un article de journal au sujet de votre intention de fermer la station d'information de vol et de données météorologiques de Robertville, au Québec. Les stations de Mont-Joli et de Baie-Comeau ont récemment été fermées. Un appareil s'est écrasé en Gaspésie il n'y a pas longtemps et cet accident a fait quatre victimes. Selon l'Association des pilotes de brousse du Québec, il est extrêmement important que cette installation reste ouverte, parce que les pilotes n'ont absolument aucune façon de communiquer, à moins de s'élever au-dessus de 5 000 pieds. Êtes-vous au courant de ce dossier?
Mme Fox: Nous avons encore une installation à Mont-Joli et il n'est pas question de fermer celle-ci. Transports Canada a fermé la tour de Baie-Comeau en 1994. Toutefois, nous fournissons, depuis Mont-Joli, un service consultatif d'aéroport éloigné pour Baie-Comeau. À l'heure actuelle, nous n'avons pris aucune décision relativement à la station d'information de vol de Robertville. Tant à cet endroit qu'à d'autres, nous sommes en train de voir si le service fourni est approprié. Cette évaluation est faite dans le cadre de ce que nous appelons une étude aéronautique. Nous effectuons une analyse des risques liés à tout changement apporté au niveau de service. Nous avons aussi des consultations poussées avec tous les intervenants -- les usagers et les autres -- avant de prendre quelque décision que ce soit.
En bout de ligne, les recommandations formulées au terme de l'étude sont étudiées par Transports Canada, qui prend la décision finale en ce qui a trait aux répercussions sur la sécurité.
Nous voulons fournir un niveau de service approprié à cet endroit précis, et il y a différentes façons de le faire. Dans certains cas, il peut être nécessaire d'avoir une tour de contrôle. Dans d'autres cas, une station d'information de vol peut s'avérer nécessaire. Dans d'autres cas encore, le service requis peut tout aussi bien être fourni à distance, depuis un endroit central.
Le sénateur Roberge: Vous dites avoir parlé aux intervenants. Avez-vous parlé à des représentants de l'Association des pilotes de brousse du Québec?
Mme Fox: Lorsque nous effectuons une étude aéronautique, nous lançons un vaste filet afin de rejoindre le plus grand nombre d'usagers possible. Je ne peux vous dire si l'association est sur la liste, mais je pense que oui. Je peux vérifier si c'est le cas lorsque je retournerai à mon bureau.
Le sénateur Roberge: L'article auquel j'ai fait allusion dénonçait assez vivement la fermeture possible de ce bureau d'information.
Mme Fox: Comme je l'ai dit, aucune décision n'a encore été prise. Nous annonçons d'abord que nous allons procéder à une étude du niveau de service. Nous effectuons ensuite cette étude en se servant du cadre de gestion des risques de l'Association canadienne de normalisation. Nous consultons tous ceux qui ont des choses à nous dire, et nous faisons un effort pour communiquer avec tous ceux qui peuvent être touchés.
Le sénateur Roberge: Mais il s'agit d'une question liée à la sécurité.
Mme Fox: Nous examinons d'abord le niveau de service, puis nous nous assurons que tout changement au niveau de service n'aura pas une incidence négative sur la sécurité.
Le sénateur Roberge: Nous verrons ce qui arrivera plus tard.
Je veux vous parler du bogue de l'an 2000. Quel pourcentage de vos systèmes ont été homologués?
Mme Fox: Tous nos systèmes ont été homologués relativement au défi de l'an 2000. En d'autres mots, ils ont été testés, modifiés au besoin et homologués afin de confirmer qu'ils sont prêts pour l'an 2000.
Le sénateur Roberge: Par qui ont-ils été homologués?
Mme Fox: Par nos propres services internes.
Le sénateur Roberge: Avez-vous fait appel aux services d'experts-conseils de l'extérieur?
Mme Fox: Oui, nous l'avons fait.
Le sénateur Roberge: Ceux-ci ont-ils confirmé l'homologation de vos systèmes?
Mme Fox: Ils sont venus voir les méthodes que nous utilisons. Ils ont été particulièrement utiles au niveau des systèmes de l'infrastructure, entre autres. Des gens de l'extérieur sont donc venus voir ce que nous faisions.
Nous systèmes sont prêts pour l'an 2000. Ils ont fait l'objet d'essais. Nous avons effectué des tests opérationnels à Vancouver, Edmonton et Montréal. Nous avons fait avancer nos systèmes dans le temps, jusqu'à l'an 2000, et nous les avons fait fonctionner de cette façon durant des périodes allant de quelques jours à une semaine, de façon à nous assurer qu'il n'y aurait aucun problème.
Le sénateur Roberge: Pourriez-vous nous fournir plus de précisions sur votre plan d'urgence? De quoi s'agit-il au juste?
Mme Fox: Même si nous avons confiance que nos systèmes n'éprouveront aucun problème en passant du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000, nous devons nous préparer à la possibilité qu'il se produise quelque chose que l'on ne peut anticiper à l'heure actuelle. Par conséquent, nous mettons en place des plans d'urgence pour chaque système individuel. Si le système ne fonctionnait pas correctement, qu'est-ce qui serait touché et comment faudrait-il réagir? C'est dans cette optique que l'on se penche sur chaque système individuel. Un plan d'urgence est élaboré afin que l'on puisse se passer du système ou se servir d'autres systèmes. Il va de soi que nous consultons aussi les transporteurs aériens afin de déterminer les procédures opérationnelles que nous mettrions en place cette nuit-là pour assurer la sécurité aérienne.
Le sénateur Roberge: Nous pouvons voler?
Mme Fox: Oui.
Le sénateur Roberge: Nous vous croyons sur parole.
La dernière fois que nous avons parlé à des représentants de NAV CANADA et du syndicat, il y avait beaucoup de discussions au sujet des heures supplémentaires, des longues heures de travail et du manque de personnel.
Quel pourcentage de l'effectif total des contrôleurs de la circulation aérienne est en place, et combien de personnes vont prendre leur retraite au cours de la prochaine année? Dans l'un de vos rapports, vous mentionnez qu'un grand nombre de personnes prennent leur retraite. Quels sont vos plans face à cette situation?
Mme Fox: D'une façon typique, nous avons un taux d'attrition qui se situe entre 4 p. 100 et 5 p. 100. Cette attrition est le résultat de personnes qui prennent leur retraite ou qui quittent pour diverses autres raisons.
Le niveau de dotation varie d'une installation à l'autre. Certaines installations ou unités ont un effectif complet, tandis que d'autres fonctionnent avec 90 p. 100 de l'effectif qu'elles devraient avoir. Nous sommes conscients qu'il existe une pénurie de personnel, et nous avons mis sur pied un programme de formation très proactif. Nous intégrons de nouveaux stagiaires au sein de notre réseau. À toutes les quatre à six semaines, nous commençons un nouveau cours afin de combler l'écart entre les niveaux de dotation actuels et les niveaux requis.
De même, notre capacité à mettre sur pied des horaires de postes plus efficaces va nous permettre de réduire notre dépendance au surtemps, d'ici à ce que les nouveaux employés soient pleinement formés. À l'heure actuelle, on compte environ 200 stagiaires à l'échelle nationale. Ceux-ci sont à diverses étapes de la formation qui leur permettra d'atteindre le niveau requis pour devenir des contrôleurs.
D'ici deux ou trois ans, nous comptons avoir doté -- en fait de façon excédentaire -- nos principales installations, tous nos centres de contrôle régional et nos principales tours à 105 p. 100. Autrement dit, nous espérons avoir une réserve afin de tenir compte du taux d'attrition de 4 p. 100 à 5 p. 100 que nous anticipons.
Le sénateur Roberge: Que faites-vous relativement au problème de la fatigue? Nous sommes au courant de la fatigue des pilotes et du fait que des efforts sont faits au niveau de l'aménagement des horaires afin de combattre ce problème. Que faites-vous en ce qui a trait aux horaires?
Mme Fox: Nos horaires sont conçus en fonction de certains paramètres inscrits dans nos conventions collectives. Par exemple, nous avons des limites quant au nombre maximum de jours de travail, au nombre maximum d'heures qui peuvent être travaillées, et au minimum de temps de repos entre des postes de travail. Nos conventions collectives renferment des paramètres conçus pour limiter le plus possible la fatigue.
Le sénateur Roberge: Y a-t-il un roulement de votre personnel d'un quart à l'autre, ou est-ce que ce sont toujours les mêmes personnes qui font le poste de nuit?
Mme Fox: Nous effectuons un roulement de notre personnel d'un quart à l'autre. D'une façon générale, les employés préfèrent qu'il en soit ainsi. Nous offrons des services sept jours par semaine, 24 heures par jour et 365 jours par année. Il est impossible de ne pas travailler par postes. Toutefois, lorsque nous aménageons les horaires, nous respectons les paramètres définis dans nos conventions collectives, afin de s'assurer que les contrôleurs jouissent du temps de repos minimum prévu entre les quarts de travail, et ainsi de suite.
Le sénateur Adams: J'aimerais parler des droits d'atterrissage. Auparavant, les petites pistes appartenaient à Transports Canada et au gouvernement du Canada, mais elles sont maintenant la propriété de NAV CANADA.
Je vis dans l'Arctique et il en coûte très cher pour faire transporter du fret jusqu'à notre collectivité. Les droits d'atterrissage pour un petit aéronef sont sensiblement les mêmes que pour un 737. Or, un appareil 737 peut transporter jusqu'à 10 000 livres, avec en plus des passagers. Les petits aéronefs ne peuvent transporter autant de fret et de passagers, de sorte que le poids total est moins élevé. Selon NAV CANADA, le droit d'atterrissage est de 64 $ pour tout appareil de plus de deux tonnes, et quelque part entre 80 $ ou 100 $ pour un 737. Pourquoi y a-t-il aussi peu de différence entre les droits à payer pour un petit et un gros aéronef?
Mme Fox: Les droits imposés pour les gros jets sont fonction du poids et de la distance parcourue, tandis que les petits aéronefs -- c'est-à-dire ceux qui servent principalement à des fins récréatives -- doivent acquitter un tarif annuel uniforme. En fait, il existe une différence passablement grande entre les frais imposés, qui sont beaucoup plus proportionnels au poids des appareils.
Dans le Nord, là où nous avons des installations dotées d'employés, l'imposition des frais d'aéroport qui devraient normalement être perçus a été reportée pour une période d'au moins deux ans. La première phase commencera en novembre 1999, et la deuxième en novembre 2000. Nous avons reporté l'imposition de ces droits, qui ne s'appliquent qu'aux endroits où nous avons une tour de contrôle de la circulation aérienne, ou une station d'information de vol.
Pour ce qui est de notre proposition sur les changements dans les services nordiques, nous avons pleinement consulté les usagers dans le Nord au sujet des changements récents apportés à la prestation des services, et nous sommes en train d'améliorer le niveau de service dans le Nord. D'une façon plus précise, nous augmentons le nombre d'heures d'exploitation et le nombre de stations radio de contrôle d'aérodrome.
NAV CANADA n'impose pas de droits pour l'utilisation de ces aéroports. Les seuls droits imposés aux gros aéronefs sont donc les frais liés aux services de navigation aérienne en route. Il n'y a pas de droits d'aéroport lorsque ces aéronefs atterrissent à un aéroport doté d'une station radio de contrôle d'aérodrome. En fait, nous avons amélioré le niveau de service dans le Nord en augmentant les heures de service et en ajoutant un plus grand nombre d'installations pour lesquelles nous n'imposons pas de droits.
J'espère que cela clarifie la situation en ce qui a trait aux gros et aux petits aéronefs. Les droits imposés aux gros aéronefs sont fonction du poids et de la distance parcourue. Par conséquent, les droits imposés dans le cas d'un 737 sont beaucoup plus élevés que pour un petit monomoteur ou bimoteur.
Le sénateur Adams: Pourquoi des droits d'atterrissage ne sont-ils pas imposés aux aéronefs d'évacuation sanitaire?
Mme Fox: NAV CANADA n'impose pas de droits aux aéronefs EVASAN dans le Nord. Il existe peut-être une certaine confusion relativement aux frais de services d'aéroport ou aux droits d'atterrissage.
NAV CANADA n'est pas responsable des aéroports. Nous sommes uniquement responsables des services de navigation aérienne. Les exploitants d'aéroports imposent des droits afin de recouvrer leurs coûts à titre de propriétaires privés des aéroports. Toutefois, ce volet est distinct de NAV CANADA. Nous n'exploitons pas les aéroports et, par conséquent, nous n'imposons pas de droits d'atterrissage pour l'utilisation des aéroports. Nous imposons uniquement des droits relativement aux services de navigation aérienne que nous fournissons.
Le sénateur Adams: Supposons qu'un particulier possède deux aéronefs et a un contrat d'exploitant d'EVASAN qui représente 2 ou 3 millions de dollars annuellement pour l'ensemble de la collectivité. Cette personne peut utiliser un aéronef pour fournir des services d'affrètement à une autre collectivité, et se servir de l'autre appareil pour l'évacuation sanitaire. Comment faites-vous la différence?
Mme Fox: Nous avons des moyens d'identifier les appareils d'évacuation sanitaire. Ceux-ci s'identifient volontairement et ils sont aussi identifiés au moyen du plan de vol que nous produisons. Notre système de facturation est établi de telle sorte que les droits qui seraient autrement perçus ne sont pas imposés aux aéronefs qui effectuent des évacuations sanitaires.
Le sénateur Roberge: Je reviens à ma question sur la fatigue. La fatigue éprouvée par un contrôleur de la circulation aérienne est sûrement différente de celle que ressent une personne effectuant un travail normal, même si les deux travaillent par postes. Avez-vous fait des études sur ce genre de fatigue?
Mme Fox: La fatigue est le plus souvent associée au travail par postes. Indépendamment de la nature des tâches effectuées par les travailleurs de poste, ceux-ci ressentent certains effets en raison du rythme circadien.
Le sénateur Roberge: Certains types d'emploi sont toutefois plus exigeants que d'autres.
Mme Fox: Nous nous sommes penchés sur le travail par postes et sur le surtemps. Transports Canada a fait une étude sur l'incidence du travail par postes et du surtemps sur la fatigue. La première étape de l'étude a été effectuée sous la direction de Transports Canada. Le deuxième volet a commencé sous Transports Canada, mais a été achevé sous NAV CANADA. Nous sommes en train de terminer la troisième étape. Nous avons entrepris d'examiner ces questions avec l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien et avec le régulateur, afin de s'assurer que nous utilisons les meilleures données et les meilleures pratiques disponibles, à la lumière des recherches faites. Toutefois, nous constatons que même la recherche est contradictoire pour ce qui est de savoir ce qui est préférable. Au bout du compte, les personnes s'adaptent de façon différente au travail par postes.
Le sénateur Roberge: Êtes-vous au courant d'études qui auraient été faites dans des pays tels que les États-Unis ou la Grande-Bretagne?
Mme Fox: Un certain nombre d'études ont été effectuées. Nous avons étudié les résultats de ces études dans le contexte de notre propre étude interne sur l'incidence qu'ont le travail par postes et le surtemps sur les employés.
Le sénateur Roberge: Le comité pourrait-il avoir accès à vos études?
Mme Fox: Je peux certainement m'organiser en conséquence.
Le président: Ce serait bien. Ces études pourraient être remises au greffier.
Mme Fox: Je vais m'en occuper.
M. Bruce Carson, attaché de recherche principal du comité: Je veux aborder une question dont le comité a souvent discuté et qui a trait au fait que le transport aérien au Canada est relativement sécuritaire. Nous avons fait allusion à cette question dans notre premier rapport.
Nous avons aussi parlé de régions du monde où le transport aérien n'est pas aussi sécuritaire. NAV CANADA a-t-il participé à des efforts afin d'exporter dans ces régions la technologie dont nous disposons ici ou d'améliorer la situation, afin que les Canadiens qui voyagent en avion à l'étranger soient aussi en sécurité que lorsqu'ils le font au Canada?
Mme Fox: Vous comprendrez qu'étant donné que nous n'en sommes qu'à nos toutes premières années en tant que compagnie privée, nous concentrons nos efforts sur la prestation de services sécuritaires de navigation aérienne chez nous.
Un organisme appelé l'Organisation des services civils de la navigation aérienne a été créé il y a environ deux ans et regroupe des fournisseurs commerciaux de services de navigation aérienne du monde entier. L'un des buts de cet organisme est de tirer profit de l'expérience des autres et de partager les meilleures pratiques. Ainsi, nous pouvons non seulement apprendre des initiatives des autres et améliorer celles-ci, mais les autres peuvent aussi tirer parti de l'expérience canadienne. Cet échange entraîne une amélioration globale de la sécurité et de l'efficacité de la navigation aérienne dans le monde. Nous pensons que cet organisme est une très bonne tribune le partage des expériences et de l'information.
Le président: Certains témoins étaient très préoccupés par la perte d'espacement dans le ciel. Le nombre d'incidents a-t-il augmenté au cours des cinq dernières années? Si c'est le cas, le nombre de ces incidents est-il demeuré proportionnellement le même, compte tenu que le nombre d'aéronefs augmente de jour en jour, ou existe-t-il d'autres facteurs qui interviennent?
Mme Fox: La définition donnée à la perte d'espacement est très large. Chez NAV CANADA, nous avons l'une des définitions les plus rigoureuses au monde de cette notion. Bien que nous tenions un compte annuel du nombre total d'incidents, il est plus important de regarder le taux par 100 000 mouvements ou selon le débit de circulation. De cette façon, nous sommes à même de voir l'incidence de l'augmentation de la circulation aérienne.
En 1998, le nombre total de pertes d'espacement a diminué de 17 p. 100 et le taux de perte d'espacement a baissé légèrement comparé à l'année antérieure. Ce taux est demeuré relativement stable ou a diminué faiblement en 1998, par rapport à la moyenne pour la période de cinq ans.
Le président: Est-ce là une tendance ou une situation que vous pouvez maintenir?
Mme Fox: Il va de soi qu'il faut regarder la situation à long terme et il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter outre mesure s'il y avait un soubresaut au niveau des statistiques pour une année donnée. Il faut regarder la situation à long terme. Nous avons lancé certaines initiatives afin de réduire le nombre de pertes d'espacement, et les compagnies aériennes sont confrontées à la même réalité en ce qui a trait au taux d'accidents.
Nous ne voulons pas nous contenter de maintenir le taux de perte d'espacement, nous voulons le faire baisser. Par conséquent, nous avons pris un certain nombre d'initiatives liées entre autres aux facteurs humains, à la formation et à la sensibilisation aux situations, aux communications et au travail d'équipe pour les contrôleurs de la circulation aérienne et les spécialistes de l'information de vol. Nous nous efforçons, par l'entremise de notre bulletin sur la sécurité, de faire part des leçons tirées d'incidents, de façon que d'autres personnes évitent de commettre les mêmes erreurs. Nous avons joué un rôle très proactif en essayant de déterminer les causes de ces incidents, de façon à pouvoir appliquer des mesures correctives appropriées pour réduire leur nombre.
Le président: La question que je vous pose est difficile, parce que même si vous avez probablement la base de statistiques la plus large, en un sens ce secteur ne relève pas de votre responsabilité. Néanmoins, je me dois de vous demander si l'industrie est satisfaite du système de rapport? Les pilotes signalent-ils tous les incidents qui devraient l'être? Le chiffre est-il 5 000, 1 000, ou devrait-il être 20 000?
Mme Fox: Je ne suis pas en mesure de faire des remarques sur les rapports des pilotes. Il va de soi que les employés de NAV CANADA doivent signaler toute irrégularité et que nous les encourageons à le faire. Nous avons un système de déclaration non punitif qui fait en sorte que nos employés signalent de tels incidents. Par ailleurs, en vertu de la réglementation canadienne sur l'aviation, NAV CANADA est tenu de consigner les incidents impliquant un aéronef, une erreur commise par un pilote, des problèmes mécaniques subis par un aéronef, et ainsi de suite, afin d'en informer Transports Canada, qui effectue ensuite une analyse appropriée afin de déterminer s'il existe des préoccupations liées à la sécurité relativement à certaines compagnies ou à certains pilotes en particulier.
Nous nous efforçons aussi, dans la mesure du possible, de partager l'information avec nos clients, afin d'apprendre les uns des autres. Les compagnies aériennes sont en train de mettre sur pied des systèmes de rapports confidentiels sur la sécurité ou des systèmes de collecte de données qui leur permettront d'examiner les procédures d'exploitation interne et de voir les améliorations qui pourraient être apportées aux procédures de contrôle de la circulation aérienne. Nous nous efforçons de partager l'information avec toute l'industrie, afin d'améliorer la sécurité.
Le président: Procédez-vous bilatéralement ou si vous appliquez un programme multilatéral ayant recours, par exemple, à l'Organisation de l'aviation civile internationale?
Mme Fox: Nous essayons de procéder de façon multilatérale, mais il faut penser qu'il y a aussi des questions touchant la vie privée et la confidentialité. Dans la mesure du possible, nous partageons les renseignements sans fournir la moindre précision sur l'identification, même si, au bout du compte, nous poursuivons tous le même objectif, qui est d'améliorer la sécurité du système. Chaque fois que nous pouvons partager avec les lignes aériennes des renseignements susceptibles d'améliorer la sécurité et nos services, nous le faisons et les lignes aériennes font de même.
Le sénateur Roberge: NAV CANADA est relativement jeune, comme vous d'ailleurs. Où travailliez-vous avant de vous joindre à NAV CANADA et que faisiez-vous?
Mme Fox: J'ai été à l'emploi de Transports Canada de 1974 jusqu'au transfert à NAV CANADA, en 1996. J'ai suivi la formation de contrôleur de la circulation aérienne opérationnel. J'ai travaillé à Sept-Îles, Baie-Comeau et Dorval. Ayant mon brevet de pilote, j'ai exploité une école de pilotage et un service de frètement près de Montréal.
Mais c'est surtout à titre de contrôleur aérien que j'ai de l'expérience. Avant d'assumer mon poste actuel, j'étais responsable, au sein de NAV CANADA, des enquêtes sur les incidents et des évaluations des unités, secteur qui se charge de la vérification de nos installations opérationnelles. Auparavant, j'accomplissais des tâches semblables à Transports Canada.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Vous avez répondu à des questions auxquelles nous attachons une grande importance.
Je ne peux m'empêcher d'espérer que vous n'avez pas dû accepter une baisse de salaire trop forte. Vous n'avez pas répondu à cette question.
Nos prochains témoins représentent la Air Line Pilots Association.
M. Bob Perkins, président adjoint pour la sécurité aérienne du conseil d'administration canadien, Air Line Pilots Association: Monsieur le président, permettez-moi d'abord de présenter des excuses au nom du capitaine Lynch. M. Lynch est président du conseil d'administration canadien pour la Air Line Pilots Association. On l'a appelé hier soir pour une affaire urgente qu'il ne pouvait pas remettre et il vous prie de l'excuser.
Je suis président assistant pour la sécurité aérienne pour ALPA. Pilote d'Air Ontario, je suis basé à Toronto. M. Keith Hagy est gérant de l'ingénierie et des enquêtes d'accident pour la Air Line Pilots Association International, dont les bureaux sont à Herndon, en Virginie. M. Jim Stewart est le tout dernier -- il a été nommé ces deux derniers jours -- de nos trois coordinateurs de la sécurité aérienne à la ALPA. Actuellement en poste à Ottawa, M. Stewart se concentre surtout sur les questions touchant les lignes aériennes. Le capitaine Lynch, qui est absent, est président du conseil d'administration canadien. Il est capitaine de 767 pour les Lignes aériennes Canadien International.
Monsieur le président, honorables sénateurs, au nom de la Air Line Pilots Association, nous tenons à vous dire que nous sommes heureux de comparaître devant votre comité. En outre, nous félicitons les membres de votre comité pour le progrès qu'ils ont réalisé jusqu'à maintenant dans l'étude de ce vaste et complexe dossier de la sécurité aérienne. Votre comité semble avoir consacré énormément de temps et d'effort pour comprendre la myriade d'éléments que, collectivement, nous plaçons sous l'appellation «sécurité aérienne».
La Air Line Pilots Association, International, ou ALPA, représente plus de 53 000 pilotes de lignes aériennes au Canada et aux États-Unis. Sur ce nombre, 3 300 sont des Canadiens au service de 11 lignes aériennes différentes. Nous représentons également le Canada au sein de la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne, ou FIAPL.
La ALPA est un syndicat, mais un syndicat particulier. Nos membres sont tous des pilotes professionnels. Nos travailleurs sont tous bénévoles, à l'exception de nos employés de soutien administratif. Nos comités sont reconnus partout dans le monde comme étant spécialistes dans le domaine. Environ 30 p. 100 du budget annuel de notre association est consacré au perfectionnement de la sécurité aérienne. À la ALPA, la sécurité aérienne, on y voit.
On nous a invités à comparaître devant votre comité pour faire des observations sur la fatigue des pilotes, nous vous fournirons des détails là-dessus. Nous voulons aussi attirer votre attention sur d'autres questions ainsi que sur plusieurs points du rapport intérimaire que votre comité a présenté en janvier 1999 qui nous préoccupent.
Abordons d'abord la fatigue des pilotes. Le corps humain est une créature d'habitudes. Il s'ajuste et s'adapte constamment à son environnement. La nuit, le jour, l'été, l'hiver et les phases de la lune exercent tous des effets sur le corps humain, mais comme les changements s'effectuent lentement, le corps a le temps de s'adapter normalement.
Quand il perd ce rythme circadien, le corps commence à réagir étrangement. Les voyages par avion, en particulier ceux que l'on fait en jet sur une longue distance, perturbe ce rythme en accélérant les changements du monde environnant au point où le corps ne peut pas suivre. Toute personne qui traverse plus de trois fuseaux horaires, soit vers l'Est ou vers l'Ouest, ressent le décalage horaire. Plus on voyage loin, plus l'horloge interne est désynchronisée et le décalage horaire, prononcé.
Les symptômes que manifeste le voyageur incluent notamment l'insomnie, la fatigue, une baisse de concentration et une dégradation de l'habileté de raisonnement et de l'habileté motrice. Le corps finit par s'ajuster au nouvel environnement et peut de nouveau fonctionner normalement. Cette période d'ajustement dépend du degré de désynchonisme que l'horloge interne subit, exigeant environ un jour de récupération par fuseau horaire traversé. Voilà seulement une partie du problème.
Ces dérèglements de l'horloge interne du corps humain peuvent se produise sans qu'il y ait un changement de fuseau horaire. Seulement en perturbant l'horaire d'une journée de travail normal, le même effet peut se manifester. Des études ont montré que, au cours d'une journée normale, l'efficacité du corps humain atteint un sommet du milieu à la fin de l'avant-midi, chute radicalement dans l'après-midi et a un léger regain au début de la soirée avant de rechuter plus tard dans la soirée.
Le pattern de ces hausses et de ces baisses d'efficacité change peu, qu'on se lève tôt ou tard. Par exemple, si on se lève à trois heures du matin, il faudra un bon bout de temps avant que l'on se sente en pleine possession de ses moyens. À l'inverse, le fait de veiller tard, même quand on y est préparé, entraîne de la somnolence et une faible efficacité corporelle jusqu'à une heure très tardive. Bien sûr, si l'on se conditionne de manière à adapter l'horloge biologique, par exemple, en se levant toujours à trois heures du matin, on réduit les effets. Malheureusement, ce n'est habituellement pas le cas dans l'aviation.
À la section A du chapitre VIII du rapport intérimaire de votre comité, on trouve le passage suivant: «Les témoins estiment que les heures de vol dans le Nord n'ont pas à être les mêmes que dans le Canada méridional.»
Le comité pourrait-il me dire si ces témoins ont expliqué en détail comment les pilotes pouvaient mettre de côté ou éliminer la perturbation de leur rythme circadien? La vie dans le Nord recèle-t-elle un secret auquel le Canada méridional n'a pas droit? Les pilotes dans le Nord sont-ils des surhommes en uniforme? Je connais déjà les réponses. Ce ne sont pas des surhommes. Ils sont soumis aux mêmes effets du monde environnant que n'importe qui d'autre. Les exploitants dans le Nord veulent tirer avantage des longues périodes de jour au cours des mois d'été, mais ils doivent tenir compte de la composante humaine du système de transport aérien et éviter d'en abuser.
On peut éprouver des craintes similaires pour les pilotes qui travaillent dans le sud du Canada. Les équipages qui commencent un vol ou une série de vols tard dans la journée, en particulier en direction de l'Ouest, peuvent s'attendre à devoir travailler pendant leur période d'efficacité moindre de la soirée. Les règlements actuels ne tiennent pas compte de l'heure à laquelle commence une période de travail, de sorte que les membres d'un équipage peuvent partir d'Halifax à 21 heures, juste au moment où le corps subit une perte d'efficacité, et être tenus de travailler au maximum de leurs capacités pendant les 14 heures qui suivent, soit pendant toute la période où l'efficacité corporelle est au minimum. S'ajoute à cela le fait que, le soir, la cabine est nécessairement sombre et chaude, qu'il y a le bourdonnement constant des moteurs et qu'il y a très peu d'activité physique pendant les longs vols où il faut surveiller les systèmes de contrôle automatique de vol. Tout cela contribue à accentuer l'effet du cycle de ralentissement et rend encore plus difficile le maintien de l'état de promptitude mentale qui est nécessaire pendant de longues périodes.
La ALPA recommande de songer à un système progressif concernant les règlements sur les périodes de travail, comportant des réductions du temps de travail liées à l'heure du début du travail, ainsi que le nombre et le type de secteurs à exploiter. De tels systèmes sont en place ailleurs dans le monde et la FIAPL les préconise. Il faudrait mettre l'accent sur les programmes d'augmentation de membres d'équipage sur les vols de longue distance et garantir l'existence de bonnes installations de repos avant d'envisager d'allonger les périodes de travail. Les normes s'appliquant aux équipages de réserve devraient être soigneusement étudiées afin de prévoir des périodes de repos appropriées et éviter que cela ne donnent pas lieu à des risques d'accident.
Je voudrais commenter brièvement le système automatique d'observation météorologique, ou AWOS, qu'on installe d'un bout à l'autre du Canada. Nous partageons les inquiétudes exprimées par le B.C. Aviation Council, mais nos craintes ne se limitent pas à la côte ouest. La technologie de détection du AWOS en est encore à ses débuts et, à mesure qu'elle se perfectionnera, la fiabilité du système s'améliorera sûrement. Tant que cette technologie ne permettra pas de détecter avec certitude les orages, par exemple, et de définir constamment et correctement les conditions existantes, elle ne devrait pas être envisagée comme principal système d'observation météorologique.
La détection du niveau de visibilité donne aussi lieu à de graves problèmes. D'une façon générale, les unités actuelles surestime le niveau de visibilité en cas de brume et de brouillard. Quand les conditions changent, pour le mieux ou pour le pire, il faut absolument que le renseignement soit communiqué correctement et à temps au public voyageur. Cela peut faire la différence dans la décision entre atterrir dans le brouillard ou dans l'orage ou diriger l'avion vers un autre aéroport. Ces changements, quand on les connaît, peuvent faire la différence entre un vol réussi et un accident. Puisque le AWOS est le seul moyen de signaler les conditions météorologiques à un autre aéroport, la précision du niveau de visibilité est critique.
Nous sommes d'avis que le principal système d'observation météorologique ne devrait pas reposer sur cette technologie telle que nous la connaissons aujourd'hui. Pour l'instant, l'observation humaine, avec toutes les subtilités et les précisions qu'elle suppose, demeure au coeur du système.
Nous avons une observation à formuler sur la troisième recommandation de votre rapport intérimaire, qui vise à autoriser l'industrie des transports à effectuer des tests obligatoires et aléatoires de dépistage d'alcool et de drogue. Il est dangereux de recourir à une déclaration trop générale sur le besoin de mettre en oeuvre un tel programme. Bien sûr, il y a de nombreux domaines dans le secteur des transports et je ne peux parler que pour l'industrie de l'aviation.
Comme je l'ai dit dans mon mot d'ouverture, nos membres sont des pilotes professionnels. En tant que membres de l'industrie de l'aviation, nous devons nous soumettre à des tests beaucoup plus rigoureux que ceux qui exercent d'autres carrières. Chaque année, nous devons subir au moins un examen médical exhaustif -- deux quand on a plus de 40 ans --, y compris un électrocardiogramme. Nous devons nous soumettre à au moins un, voire plutôt deux vols de vérification compétence et trois sessions d'entraînement type vol de ligne, ou LOFT, si l'employeur a un tel programme. Des vérifications de compétence, des écoles de formation au sol et de la formation sur les procédures d'urgence sont prévues. Il y a aussi la formation concernant la gestion dans le poste de pilotage. Les règlements prescrivent tous ces tests obligatoires. Les carrières individuelles exigent d'autres programmes de formation. L'échec à une partie de ces programmes de formation peut mettre fin à la carrière d'un pilote.
Mon argument, c'est que, en tant que pilotes professionnels, nous avons déjà l'impression d'être assujettis à une lourde réglementation. À moins que la nécessité d'un tel programme soit prouvée, il ne devrait pas s'ajouter à la batterie de tests auxquels nous devons nous soumettre chaque année. En tant que groupe, nous prenons nos responsabilités très au sérieux. Des méthodes de détection et de contrôle plus efficaces et plus économiques sont disponibles et sont utilisées dans l'industrie de l'aviation. Des programmes d'aide et de surveillance par des pairs permettent de déceler rapidement et d'aider le pilote qui éprouve des difficultés à cet égard. Évidemment, la collaboration de l'employeur et du responsable de l'observation des règlements sont nécessaires. Ces programmes obtiennent déjà du succès aux États-Unis et au Canada.
En tant qu'association, nous ne sommes pas opposés à l'administration de tests quand il le faut, mais nous le sommes fermement en ce qui concerne les tests obligatoires et aléatoires de dépistage d'alcool et de drogue.
Dans votre rapport intérimaire, un commentaire sur la sécurité des aéroports me préoccupe beaucoup. Ce passage, qui se trouve vers la fin de la section C, est le suivant:
On ne saurait trop insister sur la sécurité des aéroports aux États-Unis et en Europe à cause du risque élevé d'attaque terroriste dans les grands aéroports de ces pays.
Cette observation laisse entendre qu'il existe une attitude voulant que la sécurité ne soit pas une préoccupation aussi grande au Canada qu'ailleurs dans le monde. Malheureusement, parce que la sécurité y semble relâchée, le Canada est devenu un refuge et une zone de transit pour les terroristes. En fait, la plupart des groupes terroristes connus ont une base au Canada. Nous n'avons aucune raison de nous féliciter, parce que, pour changer cette situation, il ne serait même pas nécessaire d'imposer des mesures de sécurité spéciales. Il suffirait de fermer les échappatoires en matière de sécurité pour que le Canada n'offre plus un accès facile aux États-Unis par l'intermédiaire de son système de transport aérien.
Presque dissimulé dans le rapport intérimaire, parmi diverses questions de sécurité, il y a un seul passage sur la sécurité des aéroports. Tout d'abord, je tiens à signaler que notre association, entre autres, se penche actuellement sur de nombreuses questions de sécurité. Les incitatifs pour améliorer la capacité des aéroports, notamment en matière de lutte contre l'incendie, de signalisation et de marquage dans les aéroports, d'atterrissage et d'attente à l'écart, ou LAHSO, ainsi que de normes d'espacement réduit, ne font qu'aborder le problème. Le rapport ne mentionne aucun de ces incitatifs. Par contre le rapport traite du risque que constitue l'impact d'oiseau, mais il laisse entendre que ce problème de sécurité ne se présente qu'à l'aéroport de Vancouver.
Les oiseaux et la faune sont un risque pour les avions pratiquement partout au Canada et dans le monde, et ils sont la cause de réparations et d'immobilisations au sol qui coûtent plus de 500 millions de dollars par an. Transports Canada mérite des félicitations pour avoir lancé un programme de niveau mondial pour cerner l'ampleur du problème, le signaler à l'industrie et trouver des moyens pour l'atténuer. Malheureusement, il n'existe pas de solution miracle, parce que le problème se pose différemment selon les endroits.
Quelle est l'ampleur du problème? En 1996, un avion d'alerte avancée de l'armée américaine a traversé une volée d'oies au décollage de la base d'Elmendorf, en Alaska. L'avion a perdu deux moteurs, a culbuté et s'est écrasé. Vingt-quatre soldats sont morts et l'avion a été complètement détruit. En 1986, un bombardier B1 a été descendu par un seul pélican américain. Cet avion coûtait 215 millions de dollars US.
Les normes imposées actuellement pour l'octroi des licences, même pour les tout derniers avions, soit les Boeing 777, permettent seulement l'ingestion d'un oiseau de 2,5 livres. Même à ce compte, le moteur ne continue de fournir de la puissance que pendant 20 minutes. Tout obstacle plus gros risque d'endommager suffisamment le moteur pour l'empêcher de tourner. Une oie pèse 12 livres et la population aviaire augmente à un rythme effarant. Les anciens appareils, tels que les DC-9 ou ceux des séries 100 et 200 des Boeing 737, sont encore largement utilisés par les principaux transporteurs au Canada. Les normes étaient encore moins rigoureuses lorsque les licences de ces avions ont été octroyées.
Un 747-400 de la British Airways qui avait manqué son approche à Montréal l'an dernier a traversé une volée d'oies dans la nuit. Deux moteurs ont été détruits. Heureusement, l'avion a réussi à atterrir en sécurité. Le problème ne se pose pas uniquement à Vancouver. En fait, en 1998, de tous les aéroports situés au Canada, c'est l'aéroport Pearson de Toronto qui a signalé le plus grand nombre d'impacts d'oiseau.
La Airline Pilots Association appuie entièrement la poursuite d'activités visant à réduire le péril aviaire aux aéroports du Canada et du monde entier, et elle y collabore.
Je m'en voudrais de ne pas parler de la situation ayant trait à la lutte contre l'incendie dans les aéroports canadiens, parce que je passe beaucoup de mon temps comme bénévole à siéger au comité technique III du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne, ou CCRAC. Ce comité formule les nouveaux règlements et normes.
En vertu des règlements actuels, seulement 28 grands aéroports au Canada sont tenus d'assurer sur place un service de lutte contre l'incendie. Autrement dit, les avions qui transportent plus de deux millions de passagers payants font des décollages et des atterrissages à des aéroports où il n'existe aucune aide en cas d'incident.
Même aux 28 aéroports qui ont un tel service, ce dernier donne lieu à de graves inquiétudes, en particulier dans les aéroports plus petits. Pour sauver des vies, l'intervention doit être efficace -- c'est-à-dire que du matériel et du personnel suffisants doivent être disponibles sans délai. Toute réaction qui se fait à plus de trois minutes de distance devient une opération de nettoyage, en cas d'incendie grave. En intervenant en moins de trois minutes -- deux de préférence, selon les recommandations de l'OACI --, on peut sauver des vies. Le Canada n'en est pas là. La Airline Pilots Association s'oppose officiellement aux règlements et aux normes actuels en matière de lutte contre l'incendie.
Sur une note positive, rappelons que le ministre des Transports a récemment annoncé une série de règlements qui s'appliqueraient aux aéroports non désignés. Même si le Canada n'en est qu'aux balbutiements de la réglementation, cette annonce signifie que le ministre de Transports Canada s'engage à rapprocher nos normes de celles qui sont reconnues partout dans le monde. Je crains qu'il n'y ait encore de l'opposition de la part des exploitants d'aéroport, qui prétextent les coûts qui incomberaient aux autorités aéroportuaires locales, ainsi que des transporteurs aériens, qui devront payer pour le service accru.
Un autre aspect du dossier de la sécurité dans les aéroports porte sur l'élaboration de procédures et des normes s'appliquant à l'utilisation simultanée de pistes sécantes, ou SIRO. Ce programme visant à améliorer la capacité des aéroports est mieux connu aux États-Unis sous le sigle LAHSO, qui traite d'atterrissage et d'attente à l'écart. Même si le Canada n'utilise pas autant que son voisin du Sud sa version du programme, ou SIRO, les exploitants utilisent SIRO pour accroître la capacité de leurs aéroports. Les règlements actuels ne permettent pas de s'attaquer comme il faut à nos problèmes en matière de sécurité.
Le problème consiste à élaborer des procédures et des normes pour empêcher que deux avions arrivent simultanément au même point. Il s'agit au fond d'un exercice de géométrie et d'un calcul des distances. Imaginons un moment deux pistes formant un T. Si un avion peut atterrir sur une piste en même temps qu'un autre avion décolle sur l'autre piste, la capacité de l'aéroport s'en trouve nettement améliorée. Bien sûr, cela suppose que l'avion qui atterrit soit tenu à l'écart de la piste du décollage. De toute évidence, la piste doit être assez longue pour qu'un pilote de compétence moyenne puisse y parvenir. Mais que se passe-t-il si, pour une raison ou une autre, l'avion qui atterrit ne peut arrêter à temps ou manque son approche?
Supposons maintenant que les deux avions se rencontrent au point d'intersection. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela, par exemple: un erreur de calcul à l'atterrissage de sorte qu'il y a un dépassement, une panne de freins ou du dispositif antidérapant, du vent soufflant par rafales, une capacité d'arrêt réduite parce que la piste est mouillée ou glissante, ou simplement un atterrissage juste un peu trop loin sur la piste.
Il est urgent de songer à établir des règlements régissant notamment les distances de freinage liées aux types d'avions, en particulier sur des pistes mouillées. Il faut également penser à donner aux membres d'équipage et aux contrôleurs des cours de géométrie tenant compte d'aéroports particuliers -- de manière à pouvoir faire virer l'appareil pour éviter une collision au cours d'une approche manquée --, à établir des procédures de contrôle aérien, à assurer une bonne signalisation et, pour les opérations de nuit, à installer des systèmes d'éclairage du point d'attente à l'écart.
La Airline Pilots Association International continue à préconiser une sécurité de niveau mondial, tant pour ses membres que pour le public voyageur.
L'aviation est un secteur dynamique des transports. Il y a constamment des changements à mesure que la technologie évolue, que les aéroports grossissent, et que les transporteurs répondent aux besoins croissants des voyageurs en offrant de nouveaux services et en achetant de nouveaux appareils. Au cours de cette période de changements constants, il ne faut pas perdre de vue l'objectif ultime de la sécurité, qui est de sauver des vies.
L'organisme américain Federal Aviation Administration, ou FAA, a déclaré qu'il voulait réduire à zéro le taux d'accidents sur son territoire. Ce serait un exploit, compte tenu de l'expansion sans précédent de l'aviation dans ce pays. En fait, si le taux d'accidents actuel restait inchangé, il pourrait y avoir une importante perte de coque tous les sept à dix jours dans le monde, d'ici 2010.
Nous devons parler haut et fort en faveur de la sécurité dans l'aviation. Nous savons que notre industrie fait face à des compressions financières, mais nous maintenons notre engagement qui consiste à voir à ce que le secteur de l'aviation au Canada soit le plus sûr possible pour nos membres et pour le public voyageur.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis prêt à répondre à des questions.
Le sénateur Roberge: Vous dites que votre association représente les pilotes de 11 lignes aériennes au Canada. Y a-t-il de grandes lignes aériennes qui ne sont pas représentés? Je pense à Canada 3000 et à des lignes aériennes du genre.
M. Perkins: Nous ne représentons pas First Air ni Royal Airlines. Ce sont les plus grandes. Les autres sont des transporteurs de deuxième catégorie -- de petits transporteurs.
Le sénateur Roberge: Les pilotes de Royal et de First Air font aussi de longs vols et sont aussi sujets à la fatigue. Ces pilotes sont-ils protégés aussi bien que vos membres?
M. Perkins: Les pilotes de First Air ont leur propre association. Je ne suis pas au courant de la situation chez Royal.
Le sénateur Roberge: Vous dites que de nouveaux règlements concernant la lutte contre l'incendie pour les autres aéroports sont en voie d'élaboration. Est-ce que vous participez à ces travaux, ou êtes-vous au courant de ces règlements?
M. Perkins: Oui, je participe aux travaux du comité qui est chargé de les élaborer.
Le sénateur Roberge: Aimeriez-vous que certaines lignes directrices soient en place?
M. Perkins: Transports Canada a rédigé une série de propositions. Ces dernières ont été remises au comité technique III en mai. Nous allons les étudier au cours des prochains mois. Nous devons nous réunir en septembre pour en discuter et élaborer la version finale des règlements. Dans le passé, ce processus prenait plusieurs mois. Je suppose que, vers la fin de 1999, nous devrions en arriver à l'étape de la parution dans la partie 1 de la Gazette.
Le sénateur Roberge: Le zéro existe-t-il Canada?
M. Perkins: Oui.
Le sénateur Roberge: À quels aéroports?
M. Perkins: On l'utilise beaucoup à trois aéroports, soit ceux de Vancouver, Calgary et Toronto. On voudrait l'étendre officiellement -- jusque dans 18 aéroports.
Le sénateur Roberge: Qui est responsable de la décision à cet égard: l'autorité portuaire locale ou NAV Canada?
M. Perkins: À l'heure actuelle, si quelqu'un veut l'appliquer, il peut le faire. La réglementation impose très peu de contraintes.
Le sénateur Roberge: Qui est chargé d'acheter le système?
M. Perkins: Ce n'est pas un système que l'on peut acheter, mais plutôt une procédure. C'est d'ailleurs une partie du problème. Nous sommes d'avis que ce devrait être davantage un système. Il devrait comporter du matériel. Il devrait supposer de la signalisation et des systèmes d'éclairage particuliers. Il devrait y avoir des procédures spéciales de contrôle du trafic aérien et de formation de pilote. Tout cela devrait faire partie d'un ensemble qu'on puisse utiliser efficacement en toute sécurité. Il n'y a rien de tel actuellement.
Le sénateur Roberge: Vous n'avez pas parlé de passagers turbulents.
M. Perkins: Non.
Le sénateur Roberge: Y a-t-il une raison précise pour que vous n'en parliez pas? Pourriez-vous fournir des explications à cet égard?
M. Perkins: Je ne voulais pas accaparer une demi-heure pour faire ma présentation.
Le sénateur Roberge: C'est pourtant une question qui prend de plus en plus d'importance.
M. Perkins: En fait, récemment un vol de la Delta Airlines partant d'Atlanta vers l'Europe a dû être détourné sur Bangor. Deux agents de bord sont hospitalisés à cause d'un passager turbulent.
Le problème devient grave, tant au Canada qu'aux États-Unis.
Le sénateur Roberge: Je sais que nous ne pouvons rien faire pour corriger la situation dans un autre pays, mais êtes-vous satisfait des lois et des règlements que nous avons au Canada?
M. Perkins: Pour l'instant, nous allons dans la bonne direction en nous dirigeant vers une situation où le passager qui refuse de se plier aux directives de l'équipage ou qui perturbe le vol se verra imposer une peine. Pas une seule ligne aérienne ne voudrait mettre un passager en prison. Mais les lignes aériennes considèrent de plus en plus souvent que ce sont des infractions très graves et elles agissent en conséquence, ce qui est très bien.
Le sénateur Perrault: En faisant vos remarques, vous avez dit que la Airline Pilots Association s'opposait officiellement aux règlements et aux normes en matière de lutte contre l'incendie. Pouvez-vous citer un ou deux exemples particuliers?
M. Perkins: En vertu des règlements, les délais d'intervention sont de trois minutes du centre jusqu'à la piste la plus éloignée. Malheureusement, ce n'est pas là que les accidents se produisent. D'après les statistiques, les accidents -- 85 p. 100 des accidents -- ont lieu à l'extrémité des pistes. De toute évidence, il faut plus de temps pour s'y rendre et tout délai de plus de deux minutes est critique.
Le sénateur Perrault: Vous tracez un tableau absolument sinistre et terrifiant de l'avenir. Toutefois, les reportages sur l'écrasement survenu aux États-Unis l'autre jour indiquaient que c'était le premier écrasement majeur en deux ans. Si c'est exact, nous allons plutôt vers une amélioration. Se pourrait-il qu'une faute professionnelle ait été un facteur de cet écrasement?
M. Perkins: Il est trop tôt pour faire le moindre commentaire sur cet écrasement. Dans l'ensemble, l'industrie est très sûre; je ne peux rien dire de plus. Or, le taux d'accidents reste pratiquement inchangé. Nous avons du mal à abaisser ce taux. Même s'il reste constant, le nombre des opérations augmentent de jour en jour, une année après l'autre.
Le sénateur Perrault: Ce serait donc la recette pour qu'il y ait plus d'incidents?
M. Perkins: C'est exact. Le taux reste constant, mais il y a de plus en plus de risques.
Le sénateur Perrault: Je suis de Vancouver. On dit que l'aéroport est très exposé au péril aviaire. Or, il semble que les faucons soient très efficaces. Si je comprends bien, on en dresse actuellement pour aider à corriger le problème. Est-ce exact?
M. Perkins: C'est la vérité. Il existe divers programmes qui consistent à dresser des faucons et des chiens, à laisser l'herbe pousser, à traiter les champs avec des produits chimiques qui éloignent les oiseaux et même à chasser les oiseaux. Aucun de ces programmes n'est une solution miracle.
Le sénateur Perrault: N'y a-t-il aucun un programme faisant appel à l'électronique ou au laser?
M. Perkins: La technologie en ce domaine évolue constamment. J'ai assisté à une conférence sur le péril aviaire à Vancouver, le mois dernier. Il était notamment question d'un fusil laser. L'idée est de cibler l'oiseau et ce dernier s'enfuit de peur. C'est magnifique, mais dans la mesure où l'on ne touche aucun avion du même coup. Cela nous inquiète. J'ai envoyé de la documentation sur le sujet à notre spécialiste du laser, parce que l'association entre le laser et les avions nous rend toujours un peu nerveux.
Un peu partout au Canada, on applique divers programmes, qui se révèlent efficaces. Ils donnent de bons résultats, mais il n'y en a pas un seul qui fonctionne toujours. Nous devons constamment changer et évoluer selon les populations d'oiseaux qui changent aussi. Certaines solutions sont excellentes face à une espèce d'oiseaux, mais pas à une autre.
Le sénateur Perrault: Pour ce qui est de la conduite inconvenante de passagers, est-ce que ces derniers ont des problèmes d'ordre psychiatrique ou si leur comportement est attribuable à l'alcool? J'étais sur un vol de la United Airlines et je n'en croyais pas mes yeux. Des gens qui rentraient d'un congrès ont insisté pour servir les repas à tous les passagers. Ils ont dit aux agents de bord de se retirer, parce qu'ils avaient décidé d'être des agents de bord ce jour-là. Au bout du compte, cet incident a été signalé aux actualités et ces gens ont dû se présenter devant les autorités.
M. Perkins: Je ne voudrais pas me lancer dans l'évaluation psychiatrique de certains passagers que j'ai vus. D'une façon générale, je dirais que c'était des gens relativement normaux, que quelque chose avait dérangés.
Le sénateur Perrault: Ils avaient peut-être pris un verre de trop?
M. Perkins: Peut-être.
Le sénateur Perrault: C'est certainement un risque.
M. Perkins: C'est un risque à plusieurs égards. De toute évidence, il y a le risque d'agression physique, d'agression sexuelle et de harcèlement. De plus, il y a un risque physique pour l'avion et le reste des passagers, sans compter les membres d'équipage.
Le sénateur Perrault: Si vous étiez parlementaire et que vous constatiez tout à coup qu'il y a des millions de dollars à dépenser, par où commenceriez-vous? Quelle serait votre première priorité?
M. Perkins: Pour améliorer la sécurité?
Le sénateur Perrault: Pour améliorer toute l'industrie aérienne. La sécurité en ferait partie, mais quelle serait la première mesure que vous prendriez?
M. Perkins: Il semble que l'un de nos plus graves problèmes, c'est que l'industrie soit complètement engagée à l'égard de la privatisation des aéroports d'un bout à l'autre du Canada. Bien souvent, il y a un problème quand cela se produit, et le problème est très apparent en ce qui concerne la lutte contre l'incendie, du fait que l'aéroport avait l'habitude de relever du gouvernement, ou du moins pouvait compter sur les subventions ou le financement du gouvernement.
Quand un aéroport est remis à une autorité aéroportuaire locale, cette dernière assume les activités et le financement de l'aéroport. Elle tient à son autonomie financière. En d'autres termes, elle doit faire de l'argent ou, à tout le moins, atteindre le seuil de rentabilité.
C'est ainsi qu'un grand nombre des exploitants d'aéroports agissent ou fonctionnent. Une des meilleures choses à faire avec ces millions de dollars dont vous parliez serait d'essayer de corriger la situation en créant un programme à l'intention des petits aéroports. Les aéroports de Toronto, Vancouver et Ottawa sont rentables; ce sont des aéroports autonomes.
Le sénateur Perrault: Vous pensez à ces 24 ou 28 autres aéroports?
M. Perkins: Oui. Je fais allusion à ceux qui ne sont peut-être pas rentables, mais qui fournissent un service essentiel à la collectivité. En d'autres termes, les aéroports qui permettent la venue de nombreux touristes et de gens d'affaires, ainsi que la multiplication des recettes pour les entreprises de la collectivité. Cela n'est pas inscrit dans la structure financière de l'exploitation des aéroports, mais devrait l'être.
M. Keith Miller, consultant en matière de transports auprès du comité: Pour revenir à ces millions de dollars dont parle le sénateur Perrault, on a beaucoup parlé d'un fonds fiduciaire de l'aviation, qui utiliserait les recettes provenant des taxes d'accise sur l'essence, à l'intention des petits aéroports; nous avons entendu plusieurs témoignages à cet égard. Seriez-vous en faveur d'un tel fonds?
M. Perkins: Tout programme susceptible de fournir des fonds pour améliorer la sécurité des aéroports, que ce soit les 28 petits aéroports ou non, serait bien accueilli.
M. Miller: Le dernier paragraphe de votre mémoire donne un aperçu de vos opinions sur les besoins urgents et ils semblent tous concerner la réglementation. Est-ce exact?
M. Perkins: Oui.
M. Miller: Pour l'instant, nous n'avons pas le moindre règlement ayant trait aux pistes mouillées ou à la formation des membres d'équipage et des contrôleurs, entre autres. Il n'existe aucun règlement. C'est ce que je veux faire comprendre.
M. Perkins: À l'heure actuelle, il y a bien peu de règlements sur le SIRO, au Canada. Ce programme ne fait l'objet d'aucun élément de formation, que ce soit pour les membres d'équipage ou pour les contrôleurs. Les exigences en matière de signalisation ne sont pas respectées, ni celles en matière d'éclairage. Pour ce qui est des distances de freinage de l'avion, il y a des erreurs dans le tableau que nous utilisons maintenant.
En fait, il existe quelques renseignements au sujet des pistes mouillées. Ce qu'on dit essentiellement, c'est qu'on peut atterrir sur des pistes mouillées, mais pas sur des pistes contaminées, c'est-à-dire couvertes de neige ou de neige fondante. C'est à peu près tout. C'est ce que disent actuellement les textes réglementaires au Canada.
M. Miller: Tous vos équipages de bord reçoivent sûrement une formation de vos lignes aériennes membres, puis obtiennent une licence de Transports Canada. Quelles autres mesures proposez-vous au sujet de la formation des équipages de bord?
M. Perkins: Cela dépend de la procédure et de l'aéroport.
Permettez-moi de vous présenter un scénario. Nous nous approchons d'une piste, et un avion qui décolle d'une piste transversale va nous croiser. Nous devrions être atterris, mais cet avion est en train de décoller. Pour quelque raison que ce soit, un véhicule circule sur la piste sur laquelle je dois atterrir, et il m'est désormais impossible d'atterrir. Je dois contourner le véhicule. L'autre avion est déjà dans les airs et je me dirige droit sur lui.
Je suis alors très occupé, car je dois faire remonter l'avion. Il faut que je rentre le train, que je remonte les volets, que je règle la puissance, alors que je me dirige tout droit vers l'autre avion. Je serai sur lui dans environ cinq secondes. J'ai besoin d'instructions, qu'il s'agisse de tourner immédiatement dans une direction précise, de redresser l'avion pendant que l'autre prend de l'altitude, ou je ne sais quoi.
Quelles que soient les instructions, je dois pouvoir les suivre sans trop réfléchir. La situation est la même lorsque j'ai une panne de moteur. Je n'ai pas le temps de réfléchir, car j'ai reçu une formation pour agir instinctivement. Une fois le problème réglé, je retourne et confirme que j'ai suivi toutes les instructions correctement. Cependant, la réaction initiale doit provenir d'instructions mémorisées que je dois appliquer sur-le-champ.
Le sénateur Roberge: J'ai une question complémentaire à poser à cet égard. Pourquoi arrive-t-il que des pilotes atterrissent lorsque la visibilité est mauvaise? Est-ce parce que nos règlements et nos instructions ne sont pas assez rigoureux? Prenons l'exemple de Fredericton. On peut parler aussi de ce qui s'est produit récemment en Arkansas, où la visibilité était mauvaise, d'après ce qu'on a dit.
M. Perkins: Cette question en soulève une autre. Il s'agit de l'interdiction d'approche. Au Canada, la visibilité d'approche minimale est très précise. Elle se situe à 1 200 pieds horizontaux, si on approche d'un aéroport doté d'un système d'atterrissage aux instruments, d'un ILS, comme à Fredericton. Dans le même genre d'aéroport, aux États-Unis, par exemple, la visibilité doit être d'au moins 1 800 pieds. Les visibilités minimales sont légèrement plus élevées aux États-Unis.
Au Canada, la visibilité minimale se situe à 1 200 pieds. Si Fredericton n'était plus doté de ce système d'atterrissage aux instruments, les exigences en matière de visibilité minimale disparaîtraient également, de sorte que je pourrais essayer d'y atterrir même si la visibilité est nulle.
Le sénateur Roberge: N'y a-t-il aucun règlement à ce sujet?
M. Perkins: Il n'y en a aucun.
Le sénateur Roberge: Êtes-vous en train de dire que nos règlements devraient être plus rigoureux et plus stricts?
M. Perkins: Assurément. Nous devrions disposer de règlements qui interdisent aux pilotes d'essayer de se faire une idée des possibilités d'approche. Il devrait y avoir un règlement disant que, si on n'a pas une visibilité minimale précise -- et elle peut varier selon le genre d'approche et le genre d'avion -- il est interdit, en vertu de la loi, de tenter une approche.
Le sénateur Roberge: Au sujet des IFR, ou règles de vol aux instruments, estimez-vous que nos règlements devraient se rapprocher de ceux des États-Unis?
M. Perkins: Dans l'intérêt strictement de l'harmonisation, je dirais que oui. Cependant, je n'irai pas jusqu'à affirmer que les règlements américains sur les meilleurs au monde. C'est possible, mais peut-être que non.
M. Miller: Dans votre mémoire, vous réclamez assez énergiquement des règlements dans une grande diversité de domaines. Je voulais le confirmer.
Avez-vous lu le rapport du Bureau de la sécurité des transports du Canada au sujet de l'accident qui s'est produit à Fredericton?
M. Perkins: Je l'ai lu.
M. Miller: Il me semble que ce rapport traite de certains de ces domaines. Ses recommandations sont les mêmes que les vôtres. L'avez-vous remarqué?
M. Perkins: Oui.
M. Miller: Nous avons beaucoup entendu parler des accès de rage de passagers à bord d'avions. Nous commençons à penser qu'il existe deux solutions au problème. Tout d'abord, nous devons modifier le Code criminel au Canada et, ensuite, agir par l'entremise de l'OACI pour régler les incidents à bord de lignes aériennes internationales. Pourriez-vous faire une observation à ce sujet?
M. Perkins: Je vais utiliser les États-Unis comme point de référence. Je crois savoir qu'une proposition en ce sens est actuellement examinée par la FAA. Elle voudrait réviser la loi afin d'établir un système d'amendes et de sanctions contre les passagers turbulents.
M. Miller: Plus tôt, vous avez fait remarquer que les lignes aériennes ne voulaient pas envoyer certains de leurs passagers en prison. Cependant, s'il faut régler ce problème, c'est probablement ce qu'il conviendra de faire.
M. Perkins: Vous avez raison. J'ai moi-même eu un passager qui a été retiré de l'avion par la GRC, et des accusations ont été portées contre lui.
M. Miller: Je voudrais soulever un point mineur aux fins du compte rendu, quoi qu'il ne soit pas tellement mineur pour le comité. Plus tôt, dans votre exposé, vous avez donné à penser qu'on vous interrogeait spécifiquement sur le repos ou la fatigue de l'équipage. Le comité s'intéresse vivement à toutes les facettes de la sécurité du transport aérien. Vous avez traité de cette question plus loin dans votre rapport et, à mon avis, vous en avez bien traité. Je n'ai pas d'autres questions à poser, monsieur le président.
Le président: En signalant les difficultés qui surgissent lorsqu'il faut s'occuper de passagers turbulents, l'Association des pilotes d'Air Canada a raconté l'histoire d'un passager dont la conduite s'est tellement aggravée que l'avion a dû atterrir à Miami, après avoir quitté la Jamaïque, pour tenter de le faire descendre à Miami. Cependant, les autorités de Miami n'ont pas voulu s'en charger. Il n'était pas citoyen américain. L'infraction ne s'était produite ni en territoire américain ni dans l'espace aérien américain. Elles ont déclaré que cela n'était pas leur problème. Cette situation soulève un très grave problème de sécurité. Je ne sais pas comment on pourra le régler, mais nous exhorterons fortement le Canada à donner le ton dans ce dossier.
Nous avons été tellement alarmés par cette situation que nous avons demandé qu'on entame aujourd'hui une enquête. La solution consisterait peut-être à conclure un traité international, et les organismes directeurs internationaux comme l'OACI pourraient faire de leur mieux pour convaincre les pays de signer ce traité. Cette question relève du droit pénal, et non de la procédure. S'il s'agissait simplement de procédure, on pourrait recourir à un grand nombre de moyens simples pour régler la situation. Un traité est peut-être une des solutions à retenir.
Les histoires d'horreur que racontent certains agents de bord sont terrifiantes. Personne ne devrait être obligé de tolérer cela. Si la situation est grave à ce point et qu'elle s'envenime, il faudrait peut-être envisager d'autres mesures sévères. Par exemple, nous pourrions devoir songer à poster des policiers à bord d'avions qui empruntent des routes que les agents de bord estiment habituellement difficiles.
Que pensez-vous de cette question concernant la protection, non seulement de vos agents de bord, mais aussi des autres passagers et de l'équipage de bord? Préoccupe-t-elle beaucoup l'ALPA? Comment y réagissez-vous?
M. Perkins: Pour répondre simplement à votre question, oui, cette question nous préoccupe beaucoup. La mesure dans laquelle une ligne aérienne ou un équipage est exposé à un tel comportement dépend souvent de la destination.
Il semble qu'un grand nombre de transporteurs locaux de la Floride aient des difficultés à cet égard, particulièrement ceux qui font la navette entre certaines des îles, car beaucoup de personnes y sont expulsées. D'après les derniers rapports que j'ai entendus, la police amène une personne à l'aéroport, fers aux pieds et menottes aux poings, la fait monter à bord de l'avion et demande à l'équipage de s'en charger. Elle n'a aucune escorte, aucun accompagnateur. Cette personne ne veut pas aller là où l'avion doit l'amener et a tendance à s'en prendre à l'équipage ou aux agents de bord. Cette situation est tout à fait intenable.
Faire la navette entre Timmins et Sudbury ne pose probablement pas autant de problèmes. Dans bien des régions, cependant, le problème est très réel. Si je ne me trompe, aux États-Unis, la politique exige que la cabine de pilotage soit verrouillée en cours de vol. Au Canada, cette règle n'existe pas encore. Si la situation perdure, cependant, je prévois qu'elle sera imposée à un certain moment.
M. Miller: À mon avis, une ballerine pourrait enfoncer cette porte même sans ses chaussures.
M. Perkins: Vous avez probablement raison.
Le président: Je voudrais que ce soit le cas. Je ne voudrais pas que vous restiez coincé dans cette cabine, quelles que soient les circonstances.
M. Perkins: J'aimerais demander à Keith Hagy d'ajouter quelques mots à cela. Il connaît probablement mieux que moi l'aspect qui concerne les États-Unis.
M. Keith Hagy, directeur des enquêtes d'accident, Air Line Pilots Association: L'association estime que tout passager turbulent à bord d'un avion devrait être soumis à l'application de la loi dans toute sa rigueur. C'est là notre avis. L'association participe à certaines activités en ce sens aux États-Unis et au Canada.
Comme l'a mentionné un des membres du comité, il est proposé de réviser le Code criminel au Canada, afin d'accroître la sévérité des peines imposées aux passagers turbulents et intraitables. Vous avez également souligné qu'il fallait conclure un traité. Un traité s'impose assurément. C'est le rôle que doit assumer l'OACI, pour éviter des problèmes comme celui auquel Air Canada a dû faire face, un de ses avions ayant dû atterrir à Miami. Les agents ont tenté de faire descendre un passager qui menaçait la sécurité des autres passagers et de l'équipage. Cependant, comme il n'existait aucun traité, les autorités de Miami ne savaient que faire de ce passager, puisqu'il n'était pas citoyen américain et ne relevait pas de leur compétence.
Le président: Quelle est la situation à bord d'un transporteur des États-Unis? Si un problème survient au-dessus de l'Atlantique à cause d'un passager qui se rend en Turquie, par exemple, les autorités britanniques à l'aéroport de Heathrow vont-elles prendre ce passager en charge? Existe-t-il des protocoles à cet égard entre les transporteurs, ou encore, des ententes ou des accords entre les gouvernements?
Si on se rend de Chicago à Milwaukee ou de Toronto à Ottawa, il n'y a pas de problème sérieux. On est parti il y a une demi-heure, on atterrira dans une demi-heure, et on vole au-dessus d'un pays où les autorités ont la compétence voulue pour agir. Même si un passager non canadien est à bord d'un avion qui fait la navette entre deux aéroports canadiens, on n'aura aucun problème à le faire descendre, et les autorités décideront de son cas plus tard. Quelle est la situation lorsqu'un avion se rend en Europe?
M. Perkins: Je ne suis au courant d'aucun protocole établi à cet égard. Je prendrai mes renseignements et pourrai vous les communiquer.
Le président: Collaborez-vous de quelque manière que ce soit avec des syndicats d'agents de bord? Si oui, discutez-vous de cette question de temps à autre au cours d'ateliers?
M. Perkins: Les syndicats participent aux groupes de travail qui examinent ces questions. Le SCFP au Canada et les syndicats d'agents de bord aux États-Unis participent à leurs propres ateliers dans leur pays respectif.
Le président: Aux États-Unis, avez-vous un groupe qui représente les agents de bord?
M. Hagy: Oui, monsieur, il en existe deux. L'Association of Flight Attendants représente les groupes d'agents de bord dans 15 ou 16 lignes aériennes aux États-Unis, et l'Association of Professional Flight Attendants représente les agents de bord de la compagnie American Airlines. Il s'agit des deux principales associations.
Le président: Si la situation évoluait au point où des propositions utiles commençaient à voir le jour et auraient besoin d'être appuyées, nous serions tout disposés à les examiner et à les promouvoir, en cas de nécessité.
Comme vous le savez peut-être, l'actuelle Loi sur l'aéronautique a près de 70 ans. Elle nous a bien servis, mais il est maintenant temps de la mettre de côté et d'en élaborer une nouvelle. Notre comité ambitionnait d'en faire la pièce maîtresse de son rapport, mais l'étude a été beaucoup plus large. Le temps passe si rapidement, et il y a tant de choses à comprendre et à apprendre que, pendant les trois premières années, nous en sommes restés là. Cependant, nous sommes convaincus de la nécessité d'une nouvelle loi sur l'aéronautique.
Estimez-vous que la codification actuelle, le CARS et tous les efforts qui sont déployés sont désormais quelque peu ponctuels, que vous les appliquez au fur et à mesure? Lorsque vous avez un problème, vous adoptez une procédure pour y remédier, tout cela sans disposer d'un fondement législatif. Il existe plutôt un fondement, en ce sens que la solution est utile et logique, et que les gens l'appuieront tant qu'elle donnera de bons résultats. C'est cependant le seul appui qu'elle recevra.
Pensez-vous qu'une nouvelle loi sur l'aéronautique constituerait un document utile pour le Canada, au moment où il entre dans le prochain millénaire? Elle serait probablement en vigueur pendant assez longtemps.
M. Perkins: Je pense certainement que le document actuel nous a bien servis. Il nous a guidés depuis l'arrivée des frères Wright et du Silver Dart jusqu'à aujourd'hui. À mon avis, un nouveau document ne serait pas forcément la solution à retenir. Il y aurait beaucoup de mérite à tout simplement moderniser entièrement la loi actuelle.
Le président: Quelle est la différence? Il faudrait commencer par le titre.
M. Perkins: Permettez-moi de passer en revue la façon dont on a modifié les règlements au cours des dix dernières années. Nous avions déjà un règlement de l'air, mais on nous a essentiellement remis le nouveau règlement de l'air au Canada. On a élaboré un tout nouveau processus pour l'établir, on a demandé plusieurs fois l'opinion des usagers de l'industrie, puis on a commencé à rédiger toute une série de nouveaux règlements. Malheureusement, ils n'ont pas fonctionné. Nous avons passé les trois dernières années à rédiger à nouveau tous les règlements que nous venions d'élaborer, car ceux que nous avions rédigés à l'origine ne faisaient pas l'affaire. Ils ne réussissaient pas à bien exposer le problème et à améliorer la sécurité du système.
Je crains fort que recommencer à élaborer une loi sur l'aéronautique, sans bonne base de départ, nous conduirait dans la même direction.
Le président: C'est une chose de codifier vos lois, mais c'en est une autre de tenter de codifier les règlements. Lorsque des règlements ne sont plus applicables, on ne les invoque tout simplement plus, mais ils continuent d'exister. Ils nuisent à la capacité générale d'un organe de réglementation d'améliorer la sécurité. Autrement dit, si un avion est sur le point d'entrer en collision avec le mien dans cinq ou six secondes, j'ai un remède sous la main. Je sors le rosaire que je garde dans ma poche. Cette situation est très difficile.
Passons à la réforme de la réglementation aérienne. Maintenant que nous avons examiné les facteurs économiques et que nous disposons de l'accord Ciels ouverts, il m'a semblé naturel de penser que nous aurions peut-être besoin d'une nouvelle loi. Cependant, nous devrions peut-être attendre que les choses redeviennent normales. Quand allons-nous commencer à penser plus loin ou, au contraire, allons-nous construire davantage de pistes? Peut-être ne devrions-nous pas être pressés d'élaborer une loi, car nous n'avons pas tous les éléments en main.
Cependant, j'en suis arrivé à la conclusion que nous n'aurons jamais tous les éléments en main. La technologie, la science et les techniques de vol évoluent constamment. J'avais l'habitude de penser que nous devrions attendre, et j'avais remarqué que Transports Canada partageait le même sentiment.
Je ne crois plus que nous devrions attendre. J'estime que nous avons besoin de faire table rase et d'élaborer une loi claire. Si vous préférez ne pas bouger et consulter vos comités pour que soient élaborés des règlements réactionnels, pouvez-vous expliquer pourquoi vous privilégiez cette façon de faire, au lieu de la protection que confère une mesure législative?
M. Perkins: Pour les mêmes raisons que vous avez mentionnées au début de votre intervention. La loi actuelle date d'environ 70 ans et, selon vous, elle n'est pas satisfaisante, quelle qu'en soit la raison.
Le président: Quand avez-vous jeté un coup d'oeil sur la Loi sur l'aéronautique pour la dernière fois?
M. Perkins: Cela fait plusieurs années.
Le président: Je sais ce que vous voulez dire.
M. Perkins: Je ne vois pas de raison d'incorporer ces mesures dans la loi plutôt que dans les règlements.
Le président: Je ne dit pas qu'il faut supprimer les règlements. C'est ainsi qu'on régit les choses. Je dis que la sécurité s'en trouve améliorée quand les règlements s'appuient sur un tel pouvoir de réglementation. Avec la loi, cependant, on ne peut qu'être plus assuré de la force des règlements ainsi que des peines sanctionnant les infractions aux règlements.
La plupart des gens à qui nous avons parlé jusqu'à présent semblent être d'avis que le temps est peut-être venu de nous doter d'une nouvelle Loi sur l'aéronautique. Ils croient qu'une loi pourrait permettre d'assurer plus de force et de protection. Il faut travailler tous les jours, et tous les jours on fait une entorse au règlement. Il faut faire face aux conséquences. On se sentirait beaucoup plus en sécurité si on savait que ce règlement avait force de loi, car on comprendrait ce que la loi veut dire et on se servirait du règlement pour s'acquitter de son travail.
Merci, messieurs. Nous vous savons gré de vous être présentés devant nous aujourd'hui.
Notre prochain témoin est M. Ken Johnson, du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Nous sommes heureux de vous revoir. Votre témoignage antérieur avait été très fructueux et très instructif.
M. Ken Johnson, directeur exécutif du Bureau de la sécurité des transports du Canada: Bon nombre des membres du comité connaissent bien le bureau. Je ne pense pas avoir déjà vu le sénateur Perrault ici, cependant. Je vous ai rencontré pour la première fois il y a plus de 30 ans, quand vous êtes devenu député à la place de Tommy Douglas.
Le principe de l'enquête indépendante sur les accidents de transport a mis du temps à s'établir au Canada. Plusieurs études ont été effectuées au cours des 20 ou 30 dernières années. Quand il était député, le sénateur Forrestall avait présenté un projet de loi visant à instaurer des enquêtes indépendantes, et il y a eu un projet de loi C-40, qui devait créer la fonction de commissaire aux enquêtes sur les accidents de transport, chargé de s'occuper des accidents mortels dans tous les modes de transport. Ce projet de loi est mort au Feuilleton il y a longtemps.
En 1978, un appareil de la Pacific Western Airlines s'est écrasé à Cranbrooke, en Colombie-Britannique. L'enquête a suscité des critiques. On a reproché aux enquêteurs de manquer de compétence et d'objectivité. On les a accusés de détruire ou de dissimuler de l'information.
Par la suite, le juge Dubin a été chargé de faire une étude, qui a duré près de deux ans, sur la sécurité aérienne au Canada. Il a proposé la création d'un organisme indépendant, le Bureau de la sécurité aérienne, chargé de s'occuper uniquement de ce mode de transport. Cet organisme a été institué en 1984 et a connu de grands succès initiaux. Il était fondé sur des principes qui avaient été très soigneusement élaborés et qui continuent de s'appliquer à la loi que nous avons aujourd'hui.
Le bureau devait être indépendant du ministère des Transports ou de tout autre ministère du gouvernement, aussi indépendant que possible du processus judiciaire, indépendant des transporteurs, indépendant des syndicats, et il devait exercer sa mission au nom des Canadiens. Il devait être objectif, et toutes sortes de mesures avaient été prévues dans la loi pour tâcher d'assurer son indépendance. Le bureau devait fonctionner de façon ouverte. Là encore, il y avait beaucoup de dispositions dans loi pour assurer la transparence de son fonctionnement. Ses processus devaient être équitables.
Puis, il y avait la priorité que le Parlement avait accordée à la sécurité. Il avait prévu des mesures spéciales pour inciter les gens à parler aux enquêteurs et pour que l'information en matière de sécurité soit rendue publique plus rapidement que cela pourrait se faire autrement. En cas de conflit entre ce que cherchait à découvrir l'enquêteur sur un accident et ce que cherchait à établir l'inspecteur chargé de faire respecter le règlement, l'information devait être confiée à l'enquêteur sur les accidents car le Parlement estimait plus important de remédier aux problèmes de sécurité que de punir ceux qui avaient pu commettre des fautes.
Les enquêteurs étaient investis de très grands pouvoirs, beaucoup plus grands que ceux des policiers, car ils étaient chargés de révéler les problèmes de sécurité, et les résultats de leur travail n'avaient pas pour effet de priver des gens de leur emploi ni de les jeter en prison. Ces pouvoirs ne présentaient évidemment pas de caractère très menaçant, car ils avaient en réalité pour objet de faire connaître très rapidement l'information concernant la sécurité.
La coopération était de rigueur. Le bureau est tenu par la loi de coopérer avec d'autres organismes, avec les coroners, et avec les autres personnes chargées de travailler dans le domaine de la sécurité des transports. Son travail était prescrit dans la loi par un énoncé de mission qui précisait qu'il devait procéder à des enquêtes indépendantes sur les faits aéronautiques afin de dégager leurs causes et les autres facteurs en jeu pour constater les manquements à la sécurité, et qu'il devait en rendre compte dans des rapports publics. Voilà un mandat beaucoup plus général que celui que peut avoir n'importe quel autre organisme d'enquête sur les accidents de n'importe quel autre pays.
Notre loi est clairement la meilleure au monde. Certains autres pays réexaminent actuellement leur loi à cet égard. La Nouvelle-Zélande vient de le faire, et des examens sont en cours au Royaume-Uni et en Australie. Dans tous les cas, ces pays songent à des dispositions qui rendront leur loi nationale plus semblable à celle que nous avons déjà.
J'ai vraiment de la chance de pouvoir travailleur dans un secteur que j'aime et, en même temps, d'avoir le meilleur mandat qui se puisse trouver n'importe où au monde pour effectuer le travail dont nous avons été chargés.
Le travail qui a été accompli par le Bureau de la sécurité aérienne a été jugé un succès par le gouvernement, qui a vite décidé de mettre sur pied le bureau d'enquête sur les accidents dans tous les modes de transport que nous avons aujourd'hui. Le travail pour en arriver là avançait très lentement lorsque le conflit a éclaté à propos de l'écrasement d'avion survenu à Gander il y a quelques années et dans lequel des soldats américains avaient trouvé la mort. Cela a incité le gouvernement à présenter une nouvelle loi plus rapidement, et c'est ce qui s'est fait.
Le nouveau bureau a connu un début prudent en 1991 et il est devenu graduellement de plus en plus compétent et de mieux en mieux accepté par les Canadiens. Le véritable fait déterminant a été la tragédie du vol 111 de la Swissair. Cet accident a mis à l'épreuve nos compétences, nos ressources et les principes de la loi. Nous sommes convaincus que l'outil qu'on nous a donné pour effectuer notre travail est encore très bon. Nous constatons également, à la suite de ce travail, qu'il y a des mesures auxquelles nous pouvons songer, maintenant et pour l'avenir.
La mission du Bureau de la sécurité des transports est très claire, et nous en sommes satisfaits. Nous sommes associés à un secteur où les changements technologiques sont très rapides. Les règlements régissant les transporteurs aériens partout dans le monde évoluent très rapidement, et il ne fait aucun doute que la loi actuelle a besoin d'être révisée de temps à autre pour la mettre à jour.
La dernière modification à la loi a été adoptée il y a environ un an, et elle nous a certes apporté des améliorations. Depuis, les autorités britannique ont institué une ou deux mesures auxquelles nous n'avions pas songé, et la Nouvelle-Zélande examine deux mesures que nous n'avions pas envisagées.
Il y a aussi des mesures que nous n'avons pas réussi à obtenir, dont celle nous autorisant à procéder à des examens médicaux après l'accident permettant notamment d'effectuer des prises de sang. Nous ne voulons pas nous engager dans un travail de policier pour vérifier si quelqu'un avait les facultés affaiblies d'après la loi. Nous voulons vérifier ce que les gens ont dans leur organisme pour établir s'ils ont absorbé des médicaments en vente libre ou d'ordonnance qui ont pu influer sur leur performance, ou s'ils ont été incommodés par des émanations dans le poste de pilotage ou des vapeurs ou quoi que ce soit. Il s'agirait là d'une addition utile. Nous savons très bien que ce genre d'examen suscite beaucoup d'objections, mais nous aimerions faire valoir nos arguments encore une fois.
Nous constatons qu'à partir du moment où nous commençons à examiner la loi et à proposer des modifications, il faut compter environ cinq ans pour les faire adopter. Par conséquent, un an après l'adoption de la dernière modification, il est probablement temps de commencer à réfléchir à ce que nous proposerons ensuite.
Les normes de l'organisme sont en quelque sorte fixées par la loi. Les normes de fonctionnement sont très bien définies. On ne peut cependant en dire autant pour les normes morales et éthiques, et je suppose qu'on ne peut probablement pas les définir dans la loi. Cependant, le caractère des enquêteurs constitue probablement l'aspect le plus important de notre travail. Ils doivent être très consciencieux. Ils doivent être tenaces. Ils doivent être prêts à défendre leur position quand ils sont contestés par les grands fabricants d'avion ou les grandes compagnies aériennes, qui aimeraient leur faire changer légèrement d'avis de sorte que la situation soit plus reluisante pour eux. Ils doivent donc résister aux pressions. Par ailleurs, ils doivent être assez sages pour changer d'avis quand on leur démontre qu'ils font erreur.
L'élément humain de notre organisme a affaire à une technologie qui évolue très rapidement, et les enquêteurs font l'objet de grandes pressions pour accomplir leur travail rapidement, et avec précision. De plus, leur travail est continuellement contesté.
Nous avons des employés très compétents et extrêmement consciencieux, mais nous n'en avons pas suffisamment dans notre organisme pour s'occuper de très graves accidents comme celui de la Swissair, pas plus d'ailleurs qu'aucun autre pays. Même les Américains, qui sont beaucoup plus gros que nous, ont bénéficié d'une certaine aide de notre part, de la part des Français et de la part des Britanniques dans leur enquête sur l'accident du vol 800 de la TWA au large de New York. Nous avons certainement employé ou accepté l'aide qui nous avait été offerte par le Royaume-Uni, par la France, par les États-Unis et par d'autres pays au cours de notre enquête sur l'accident de la Swissair.
Nous aurons recours aux experts commerciaux de l'extérieur quand nous aurons l'occasion de le faire. Dans un pays aussi petit que le Canada, cependant, il est difficile de trouver des gens qui sont suffisamment experts pour ajouter de la valeur aux genres d'enquêtes que nous effectuons sans qu'ils ne soient déjà au service de l'industrie ou en situation de conflit d'intérêts parce qu'ils représentent d'autres intérêts en même temps.
À mesure que nous entrons dans l'avenir, nous nous préoccupons de plus en plus de questions comme l'hygiène et la sécurité au travail. Nos enquêteurs sont dotés d'appareils de détection de radiations. Ils ont des combinaisons spéciales pour pénétrer dans des secteurs contaminés. À mesure que les matériaux changent, cependant, passant de l'aluminium à des matériaux de plus en plus à base de fibre de carbone et ce genre de chose, de nouveaux risques surgissent tout le temps. Dans le secteur de l'aviation, nous nous inquiétons toujours à propos de ces matériaux, comme on s'en inquiète également dans le secteur pétrolier et gazier ainsi que dans celui de la navigation.
La formation que nous donnons à nos employés constitue un élément très important de notre budget. Elle l'a toujours été et doit toujours le demeurer. Nous devons nous maintenir à la hauteur des exigences que présenteront à nos employés les changements technologiques qui apparaissent de semaine en semaine. Nous avons toujours figuré parmi les cinq premiers organismes quant aux dépenses consacrées à la formation par employé. Cela doit toujours rester vrai, sinon nous disparaîtrons très rapidement du groupe des chefs de file en la matière.
Nous nous préoccupons parfois des traitements payés dans la fonction publique. Ils semblent être faibles par rapport au genre de personnes dont nous avons besoin pour effectuer ce travail. Quand nous cherchons bien, cependant, nous semblons toujours pouvoir recruter, et nous trouvons des employés qui aiment le travail et qui décident de rester chez nous. Je ne sais pas si cela durera toujours, mais cela va bien pour le moment.
Les rapports que nous avons avec le public obéissent à de nouvelles exigences. L'élément communications des enquêtes sur les accidents a complètement changé depuis l'apparition de CNN, de Sky News et de toutes ces chaînes de radio et de télévision consacrées exclusivement aux nouvelles. L'enquêteur chargé d'un dossier fait l'objet de fortes pressions pour aller s'exprimer devant les micros. Le président de notre organisme trouve utile d'aller devant les caméras faire savoir dès le début que notre organisme est vraiment responsable de l'enquête. Tous nos enquêteurs doivent recevoir une formation intense en relations avec les médias, car ils se font interroger avec beaucoup d'insistance.
Il y a dix ans à peine, quand une enquête mobilisait 50 personnes, cela nous paraissait un nombre élevé. Or, à son plus fort, l'enquête sur l'écrasement de l'avion de la Swissair en a mobilisé environ 5 000, si l'on compte les bénévoles qui patrouillaient les plages et qui ramassaient des débris pour nous, ou environ 3 000 si l'on compte nos employés et ceux de divers services, et tous les autres sur le terrain.
Les communications deviennent par conséquent un travail pour un cadre possédant une très bonne formation en communication, de même qu'une formation technique, ce qui est très différent de ce pour quoi nous étions formés il y a un certain nombre d'années. Nous avons réussi à conduire raisonnablement bien le dossier de la tragédie du vol 111 de la Swissair, mais cela a certes mis toutes nos ressources à l'épreuve. Il est onéreux de maintenir cet arrangement de communications, mais cela devient de plus en plus important car les Canadiens voyagent partout dans le monde.
Au Canada, nous jouissons de plus d'indépendance dans notre travail et nous entretenons des relations que des organismes similaires dans d'autres pays n'ont pas. Nous parlons au nom du Canada à l'Organisation de l'aviation civile internationale sur des questions liées aux enquêtes sur les accidents. Nous parlons au nom du canada sur des questions liées aux enquêtes sur les accidents de navigation à l'Organisation maritime internationale. Les États-Unis y envoient leur garde côtière, et le NTSB américain n'y a pas vraiment grand-chose à dire. Nous avons réellement un bon système. Nous avons bien un organisme de réglementation avec lequel nous échangeons parfois des coups de tête, mais il s'agit tout compte fait d'un organisme de réglementation très éclairé par rapport à ce que nous voyons généralement dans les autres pays.
Nous travaillons beaucoup avec d'autres organismes d'enquête sur les accidents. Nous avons conclu une entente avec l'OACI, par laquelle nous prêtons notre assistance aux pays qui ont moins de ressources. Il est important de pouvoir le faire étant donné que nous avons de grands constructeurs comme Bombardier, dont les avions volent partout dans le monde.
Une enquête compétente doit découvrir quels sont les problèmes de sécurité, et une enquête compétente s'impose pour veiller à ce qu'un constructeur canadien n'écope pas à cause d'une enquête bâclée. C'est là un aspect important de notre travail.
Nous travaillons avec le gouvernement de Taiwan depuis quelque temps, et nous avons conclu une entente. Les Taiwanais ont un taux d'accidents d'environ sept accidents par million de départs, contre environ un accident par 2 millions de départs en Amérique du Nord. Ils ont donc un gros problème. Ils y ont consacré beaucoup de ressources. Ils ont des gens formidables qui y travaillent. Beaucoup d'entre eux sont rentrés chez eux après avoir enseigné dans des universités américaines et britanniques, et ils devraient réussir à s'en sortir.
Pour l'avenir, nous devons certes être continuellement prêts à affronter un grand désastre, que cela touche un avion comme celui de la Swissair, un navire de croisière, un train transportant beaucoup de marchandises dangereuses ou un productoduc. L'organisme dont s'est doté le Canada pour s'occuper de la sécurité dans tous les modes de transport constitue un système qui existe uniquement dans quelques rares pays et qui présente beaucoup d'avantages pour rester prêt à ce genre d'éventualités.
Un petit groupe de cadres dirigent tout l'organisme. Nous avons des normes communes, quel que soit le mode de transport dont nous nous occupons, de sorte que les Canadiens peuvent compter sur une enquête d'un degré similaire de compétence, peu importe le mode de transport en cause dans l'accident. Nous pouvons, jusqu'à un certain point, faire appel aux gens affectés à d'autres modes. C'est ainsi que des enquêteurs sur les accidents de navigation nous ont prêté main forte dans notre enquête dans la région de Peggy's Cove. En fait, ils ont été presque indispensables car nous avons vraiment eu besoin de leurs conseils et de leur compétence pour la location de barges et de dragues et pour toutes ces choses que de vieux aviateurs ne connaissent pas très bien.
Au Canada -- et rares sont les pays qui ont cela -- nous avons un système de signalement confidentiel, permettant aux gens aux prises avec des problèmes de sécurité, qu'il n'est pas obligatoire de signaler, de les signaler quand même au bureau. Nous constatons que nous pouvons prendre des mesures de sécurité à partir de ces signalements, et je crois qu'il nous faut bâtir sur cette base.
Prenons par exemple un mécanicien qui travaille sur un moteur et qui pose une pièce à l'envers. Cela n'a peut-être pas eu d'importance pendant les heures de vol de l'avion, mais le mécanicien se rend compte qu'il a placé la pièce à l'envers et adresse une note au bureau. Il écrit: «Je ne veux pas avouer à personne que j'ai commis une erreur, mais la pièce peut se poser à l'endroit ou à l'envers; vous pourriez peut-être revoir la conception de la pièce de sorte qu'on puisse la poser d'un côté seulement.» Nous transmettons ensuite l'information au ministère des Transports, qui prend les mesures nécessaires. C'est un système très éclairé. Il fonctionne raisonnablement bien dans le secteur de l'aviation. Il se développe un peu dans le secteur ferroviaire. Il se développe très lentement dans le secteur de la navigation et nous ne l'avons même pas encore essayé dans le secteur des productoducs.
Nous croyons que l'analyse de divers genres de données nous permettra de faire beaucoup de travail de sécurité. Il y a un gros problème de données dans le domaine des transports partout dans le monde. Les définitions ne sont pas cohérentes. La collecte n'est pas cohérente. La qualité des données dans les banques de données n'est pas cohérente. Il y a un certain nombre d'initiatives en cours dans le cadre desquelles des gens tâchent de remédier à ces problèmes. C'est un des domaines auxquels nous devons consacrer des efforts accrus à l'avenir si nous voulons que notre organisme demeure un chef de file dans ce genre d'activité.
Nous devons prendre toutes sortes de mesures pour tâcher de conserver notre indépendance. Nous avons de bons employés qui aiment leur travail, mais il y a dans l'industrie d'autres employés qui sont bons et qui aiment leur travail. Il y en a aussi au ministère des Transports. Il est très facile pour un organisme important comme notre organisme de réglementation de devenir insatisfait des choses que nous faisons ou que nous ne faisons pas aussi rapidement que nous le pourrions, et de décréter qu'il les fera à notre place.
Que je sache, le Canada est le seul pays à avoir maintenu cette franche séparation entre l'organisme de réglementation et l'organisme d'enquête sur les accidents. Le Parlement a décidé que le Bureau de la sécurité des transports ferait enquête sur les accidents et sur les incidents à des fins de sécurité. C'est ce que nous avons fait, et à 100 p. 100.
Aux États-Unis, la Federal Aviation Administration compte plus d'enquêteurs sur les accidents que l'organisme qui est chargé d'enquêter sur les accidents. La garde côtière américaine compte elle aussi plus d'enquêteurs sur les accidents que l'organisme chargé d'enquêter sur les accidents. En Nouvelle-Zélande, l'organisme de réglementation participe aux enquêtes sur les accidents. C'est dommage. Nous avons la chance d'avoir une relation d'affaires avec notre organisme de réglementation: il accomplit son travail, et nous accomplissons le nôtre. Dans le cadre de l'entente qui nous lie, s'il croit que quelque chose doit faire l'objet d'une enquête mais que nous avons décidé de ne pas enquêter à ce sujet, il peut nous demander de faire enquête, et nous le ferons. Cette entente entre nous a bien fonctionné.
Le dossier des familles et de l'aide aux familles est nouveau. Il est presque aussi important que les communications. Quand les gens ont de leurs parents qui sont morts, blessés ou portés disparus à la suite d'accidents de transport, cela crée une forte demande d'information. Même dans les accidents de moindre importance, nous passons de plus en plus de temps à veiller à ce que les familles soient tenues au courant et, si quelque chose mérite d'être signalé dans les nouvelles, nous veillons à ce que les familles soient mises au courant la veille du jour où nous le rendons public.
L'aide aux familles a beaucoup d'importance. Nous y participons dans une certaine mesure. La GRC y participe elle aussi dans une large mesure, et elle le fait très bien. Les agents de la GRC rassemblent tous les objets de valeur et les effets personnels et ils les cataloguent. Ils font ensuite de leur mieux pour les rendre à quiconque devrait en prendre possession. Le coroner joue lui aussi un grand rôle en communiquant avec les familles, notamment à propos de l'identification.
Il y a donc plusieurs organismes qui ont un rôle à jouer en matière d'aide aux familles, mais il n'est pas vraiment établi clairement qui fait quoi et qui devrait faire quoi. Il est cependant très clair que, s'il devait se produire une très grande tragédie et si les arrangements en matière d'aide aux familles n'étaient pas bien définis, il y aurait tellement de problèmes qu'il serait impossible de mener une enquête méthodique.
L'enquête dans le cas de la tragédie de la Swissair s'est bien passée à cet égard, car le monde avait tiré les leçons de la tragédie de la TWA aux États-Unis. De plus, la Delta Airlines avait donné une formation à un très grand nombre de ses employés -- environ 1 600 d'entre eux. Cette société avait un contrat avec la Swissair et, dès le moment de l'écrasement, Delta, au nom de Swissair, a mis en branle le processus d'aide aux familles. Nous n'avons vraiment pas eu de problèmes sérieux avec les familles.
S'il se produisait une situation où l'aide aux familles n'était pas disponible, cependant, ce serait le chaos. Pour le moment, nous n'avons pas encore établi définitivement qui devrait faire quoi aussi bien que nous aurions dû le faire. Je ne pense pas qu'un organisme devrait à lui seul faire tout le travail. Il y a des gens, comme l'Office national des transports, qui pourraient être responsables du système, en laissant à d'autres le soin de s'occuper d'éléments particuliers. Nous avons commencé à en discuter, mais nous n'avons pas encore réussi à définir les diverses responsabilités. Cela est certainement une des choses qu'il nous est très urgent de faire, et bien.
La question des enregistreurs de vol est passablement importante. Une conférence internationale a été consacrée à ce sujet récemment aux États-Unis. Nous avons préparé un document sur les enregistreurs de bord, qui imposerait une contrainte d'utilisation pour les avions, les navires, les trains et les productoducs. Nous voulions faire en sorte d'obtenir la même qualité et le même volume d'information enregistrée, même si les données réellement enregistrées étaient très différentes dans chaque cas. Nous tâchons de faire accepter cela dans les divers secteurs. Ce sera une chose utile.
Si je puis me permettre de revenir à l'aide aux familles, la question, aux États-Unis, a été associée entièrement au secteur de l'aviation. Nous croyons que cela est également important pour les accidents touchant les navires de croisière, les trains de voyageurs et tout le reste.
Les normes technique que nous avons sont généralement bonnes. Comme je l'ai dit, nous avons besoin de beaucoup de formation pour garder nos gens à jour. Il y a une grande différence entre la façon dont fonctionne notre système et la façon dont fonctionne le système aux États-Unis. Il y existe un système de parties permettant aux représentants des constructeurs et des transporteurs et autres de se joindre véritablement à l'équipe d'enquête et d'en faire partie. Ici, nous effectuons le travail nous-mêmes ou nous embauchons des spécialistes qui ne sont pas en situation de conflit d'intérêts. Nous permettons à ces autres personnes de jouer un rôle d'observateur, et elles nous fournissent certainement beaucoup d'information.
Je crois comprendre que le système de parties fera bientôt l'objet de critiques aux États-Unis, car il n'est tout simplement pas suffisamment indépendant pour effectuer les genres d'enquêtes qu'exigent les Nord-Américains, qu'ils soient Canadiens ou Américains.
Bon nombre des problèmes que nous constatons lors des enquêtes sur les accidents dépassent de beaucoup le poste de pilotage de l'avion, la cabine de la locomotive ou la passerelle du navire. Nos enquêteurs reçoivent une formation accrue à propos des facteurs humains, des questions de gestion et des questions financières, car il nous faut très souvent remonter en arrière et examiner ce qui a provoqué l'accident. Nous préparer à ce genre d'activité constituera un élément important de ce que nous aurons besoin de faire à l'avenir.
Nous tâchons de garder à jour les connaissances des enquêteurs au sujet du mode de transport dont ils s'occupent, mais cela à tendance à coûter cher si nous devons leur faire piloter des avions ou des navires. Nous cherchons des moyens de le faire de façon plus efficace, mais cela continuera de nous coûter de l'argent.
Nous avons continuellement besoin d'acheter de l'équipement technologique -- comme le matériel de laboratoire -- et d'en apprendre toujours davantage à ce sujet. Nous tâchons d'inculquer aux enquêteurs les principes de l'enquête scientifique. Voilà en quoi consiste ce genre de travail. Il s'agit d'une mise en application des principes de l'enquête scientifique. Il ne s'agit pas de science occulte ou d'un art à la Sherlock Holmes. Il s'agit tout simplement de travailler dur à la recherche de la vérité, et il faut le faire.
Nous constatons qu'il y a des domaines où nous ne sommes pas aussi forts que nous aimerions l'être. Si nous voulons demeurer un des pays d'avant-garde en la matière, nous devrons nous renforcer. Beaucoup de nouveaux avions entrent en service, dotés de ces systèmes de commandes de vol électriques et personne, sauf les constructeurs, ne les comprend très bien. Il n'est pas bon pour l'analyste de la sécurité d'en savoir moins que les constructeurs. Nous avons du travail à faire dans ce domaine.
Les pays occidentaux semblent avoir un problème en commun. Ils ont tous commencé à manquer d'argent il y a quelques années, si bien que les gouvernements ont cessé d'embaucher, puis ont commencé à réduire leurs effectifs. Tandis que les employés plus âgés restaient en place, il manquait de jeunes pour assurer la relève. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec un effectif âgé et hautement qualifié, qui partira à la retraite d'ici trois à cinq ans en laissant de nombreux postes vacants. Nous devons trouver une solution et, notamment, une façon de remédier à cette perte de ressources intellectuelles. J'en ai parlé avec mes homologues du Royaume-Uni, d'Australie et des États-Unis. Nous sommes tous aux prises avec le même problème. La situation est la même à la grandeur de l'industrie, chez Boeing et Airbus entre autres.
Le président: Monsieur Johnson, je suis heureux que vous ayez pris le temps d'aborder la question; cela figure maintenant au compte-rendu.
Je voudrais revenir à la question des familles des victimes. Je crois comprendre, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, qu'aussi longtemps que la question de l'accident n'est pas complètement résolue, il incombe à la commission de prendre les mesures immédiates qui s'imposent dans les minutes et les heures qui suivent, sans attendre des jours et des semaines pour agir.
J'ai l'impression que la Croix-Rouge pourrait se doter de ce genre d'expertise. De nombreux employés de la Croix-Rouge nationale ont suivi les cours de formation des deux ou trois compagnies aériennes qui offrent des cours de gestion. Les réactions qui suivent immédiatement un accident peuvent avoir des effets décourageants. Comme certains d'entre vous le savent, les proches des quelque 200 personnes qui manquent à l'appel peuvent loger, en très peu de temps, entre 60 000 et 80 000 appels téléphoniques.
Quel genre de fardeau cette responsabilité imposerait-elle au bureau le gouvernement lui demandait de s'en charger?
M. Johnson: Tout dépend de ce qu'on nous demanderait de faire. Nous avons de toute évidence un rôle à jouer à cet égard et nous devons tenir les gens au courant de ce que nous faisons. Dans le cas d'un accident qui ferait 200 ou 300 victimes, où nous devrions affecter deux ou trois personnes pour aider la famille de chaque victime, le nombre de conseillers requis atteindrait rapidement le millier. Nous comptons 250 employés; nous ne disposons pas de 1000 personnes. Il nous serait impossible de faire tout le travail seuls et il est peu probable que nous disposions jamais d'un tel effectif.
Le président: Le bureau pourrait se charger du rôle de surveillance et des mesures d'intervention prioritaires en ayant recours à des organismes comme la Croix-Rouge. Mme Dole avait abordé la question au cours de cette conférence il y a deux ans. Elle estimait alors, mais je présumes qu'elle a d'autres préoccupations aujourd'hui, que ce rôle pouvait être attribué à son organisme.
M. Johnson: Si nous décidions de jouer un rôle accru à cet égard, nous pourrions certainement assurer la coordination, la planification et d'autres tâches semblables. Toutefois, si quelqu'un ne fait pas ce qu'il est censé faire, cette situation appelle une action coercitive et ce n'est certainement pas notre rôle. Nous n'aimerions pas avoir à pourchasser des gens et je crois que le public n'aimerait pas nous voir jouer ce rôle. D'autres sont beaucoup plus compétents que nous pour ce genre de travail.
À condition d'avoir les ressources suffisantes, nous pourrions assurer la coordination et la planification tout en laissant à d'autres l'application des mesures coercitives. Nous ne pourrions cependant pas appliquer directement les meures et je ne crois pas que le rôle de coercition nous convienne.
Le sénateur Perrault: Nous avons assisté ce soir à un exposé très instructif, à en juger par le nombre de questions.
Vous parliez de la pulvérisation des aéronefs. La première fois que je suis allé en Australie, je me suis senti comme un melon ou un pamplemousse. On nous a dit de rester assis et le personnel est arrivé avec cet appareil. Vous rappelez-vous?
M. Johnson: Oui, j'ai vu ce genre de chose, mais ce n'est pas ce que je tentais d'expliquer. Je parlais d'épandage aérien et de pulvérisation agricole.
Le sénateur Perrault: Oui, je sais, mais vos paroles m'ont ramené ce souvenir à l'esprit. Y a-t-il encore des compagnies aériennes qui pulvérisent les passagers avant de descendre?
M. Johnson: La dernière fois que cela m'est arrivé, c'était aux Antilles il y a six ou sept ans, mais j'ignore si cette pratique existe encore.
Le sénateur Perrault: Nous sommes très satisfaits de la façon dont les autorités canadiennes ont fait les choses lors du désastre de Peggy's Cove. Le mérite en revient en grande partie à votre organisme et aux autres qui sont intervenus.
Comment se fait le partage des coûts d'une opération de ce genre? Les coûts sont-ils partagés de manière à compenser le coût très élevé de l'enquête effectuée par nos gens?
M. Johnson: La province et les services du coroner ont remarquablement bien coopéré, de même que d'autres services du gouvernement fédéral, comme la Garde côtière. Les forces armées ont également offert une excellente collaboration.
Le sénateur Perrault: Tout le monde obtient une excellente note.
M. Johnson: Tout à fait. Les intervenants canadiens ont partagé les coûts, mais pas ceux de l'extérieur du Canada. La compagnie Swissair a fait une contribution financière importante.
Le sénateur Perrault: Est-ce une de nos responsabilités internationales?
M. Johnson: Effectivement.
Le sénateur Perrault: Si un aéronef canadien s'était écrasé en Suisse...
M. Johnson: Ce serait l'inverse. Le pays où survient l'accident effectue l'enquête.
Le sénateur Perrault: Vous disiez que nous aurons besoin d'une nouvelle main-d'oeuvre bien formée et éduquée pour assurer le relève. Quel genre de formation le personnel reçoit-il? Y a-t-il une formation officielle? Existe-t-il une école ou un établissement spécialisé qui dispense la formation voulue?
M. Johnson: Un certain nombre de nos enquêteurs ont une formation de pilote d'avion, de capitaine, de mécanicien de navire, et cetera. Nous comptons également plusieurs psychologues qui ont reçu une formation en performances humaines, ainsi que des ingénieurs et des métallurgistes professionnels. Ils ont tous acquis leur formation à l'université ou dans le cadre de cours de formation au sein de l'industrie.
Par ailleurs, une formation est également offerte à l'Université Southern California, à l'Université Embry-Riddle, sur des campus en Arizona et en Floride, ainsi qu'à Cranfield, au Royaume-Uni, et en Suède.
Le sénateur Perrault: Sera-t-il possible de dispenser la formation requise?
M. Johnson: Certainement, mais il faut du temps. Chez nous, le personnel reçoit beaucoup de formation sur place au sujet des diverses méthodologies que nous utilisons dans les enquêtes.
Le sénateur Perrault: Vous parliez de Sky Channel. Je n'ai pas compris ce que vous avez dit à ce sujet.
M. Johnson: Je parlais de CNN, de Sky Channel, c'est-à-dire toutes les chaînes d'information de télévision et de radio en général. Elles envahissent les lieux des accidents et sont équipées d'une cinquantaine d'antennes paraboliques qui relient les journalistes à leur station de radiodiffusion par le relais d'un satellite.
Le sénateur Perrault: Est-ce que cela présente un danger?
M. Johnson: Je ne crois pas que leur présence ait jamais créé un danger.
Le sénateur Perrault: Les conditions sur le terrain ne sont pas toujours faciles. Qui décide qui peut y aller?
M. Johnson: Les gens se présentent tout simplement sur place. Nous pouvons, comme la police, installer un périmètre de sécurité. Les services de police sont très efficaces quand il s'agit de préserver les lieux, mais où que l'on fixe la limite, les gens vont toujours un peu au-delà.
Le sénateur Perrault: Cela pose donc un problème pratique.
M. Johnson: Les journalistes demandent des entrevues et, en cas de refus, ils pointent leurs microphones directionnels de manière à capter les conversations.
Le sénateur Perrault: Voulez-vous dire que leur présence peut nuire au déroulement de l'enquête dans certains cas?
M. Johnson: Nous devons leur laisser de la place, sinon ils entraveront le déroulement de l'enquête. Ils viennent sur les lieux pour y rester. Nous devons nous y faire.
Le sénateur Roberge: Quels sont vos deux principales préoccupations en matière de sécurité pour les deux modes de transport?
M. Johnson: Nous classons habituellement les choses comme importantes ou non importantes, sans leur attribuer de rang. J'éprouve quelque difficulté à penser de cette manière, mais je m'y efforcerai.
Dans l'ensemble du secteur des transports, nous posons certaines prémisses que nous supposons vraies. En général, les gens qui oeuvrent dans le secteur des transports aiment ce qu'ils font. Ils y restent habituellement longtemps et sont généralement fiers de ce qu'ils font. La réglementation et les mesures coercitives n'y sont donc pas aussi nécessaires que dans la plupart des autres industries. Cela dit, il subsiste des lacunes et des problèmes de sécurité.
Dans le secteur ferroviaire, nous accordons beaucoup d'importance à la sécurité des passagers. La seconde préoccupation concerne les déraillements et les collisions frontales sur les voies principales.
Dans le secteur maritime, ce serait probablement le guet et la navigation. Un autre problème concerne les bateaux de pêche qui prennent le large par mauvais temps et ceux qui sont surchargés. Il se peut que le gouvernement contribue à ce problème dans une certaine mesure, compte tenu de la brièveté des périodes de pêche qui sont établies par les autorités. Si le pêcheur n'a pas le temps d'effecteur plus de deux voyages, il aura tendance à surcharger son bateau. Il doit y avoir une solution plus intelligente et nous examinerons la question.
Dans le secteur de l'aviation, la maîtrise des nouvelles technologies et les performances humaines représentent des facteurs de grande importance. Les aéronefs sont complexes et rapides. Ils doivent être dotés d'équipages compétents, vigilants et hautement qualifiés et si tout fonctionne bien, il n'y a pas de problème. Dans le cas contraire, il y a des problèmes. Je ne suis pas certain que tous les modèles tiennent compte de toutes les erreurs qu'est susceptible de commettre un personnel bien formé et compétent, qui fait de son mieux, mais comment néanmoins des erreurs. Si les modèles en tenaient compte, il y aurait moins d'accidents.
Dans le cas des pipelines, le principal problème est la fissuration sous contrainte. Comme les accidents sont plutôt rares dans ce secteur, je ne parlerai que de cette question.
Le sénateur Roberge: Êtes-vous maintenant plus satisfaits des délais de production des rapports du Bureau de la sécurité?
M. Johnson: Les rapports qui nous sont envoyés ou ceux que nous publions?
Le sénateur Roberge: Les rapports que vous publiez.
M. Johnson: Je ne serai satisfait que le jour où nous pourrons produire les rapports le jour même d'un accident, mais cela ne se produira jamais.
En général, il s'agit d'un exercice très difficile, qui oppose continuellement rapidité d'exécution et exhaustivité. Par exemple, si un avion moderne équipé d'un bon enregistreur de vol a un accident, nous pouvons faire notre travail très rapidement.
L'industrie maritime est en train d'équiper ses navires d'enregistreurs de données. Cela devrait faciliter le travail dans le cas de certains accidents. Les délais seront toujours plus longs dans le secteur maritime cependant, parce que les propriétaires des navires se trouvent toujours loin du lieu où nous travaillons. Si nous tentons d'obtenir des renseignements en provenance de Monrovia, par exemple, où de quelque autre endroit où le navire a été immatriculé, il faut compter de longes périodes d'attente. Nous éprouvons parfois beaucoup de difficulté à retrouver les propriétaires, à classer les navires, et ainsi de suite. Le cas de la marine est complexe, mais nous réalisons néanmoins des progrès. Les choses n'évoluent pas aussi rapidement que nous le voudrions, mais la situation s'améliore.
Le sénateur Roberge: Je reviens au cas de Taïwan, où nous exportons notre savoir-faire.
M. Johnson: Nous exportons effectivement notre savoir-faire, autrement dit nous le partageons. Beaucoup de Canadiens vont à Taïwan et nous croyons qu'il serait irresponsable de ne pas...
Le sénateur Roberge: Je ne suis pas contre cela. Au contraire, je crois que c'est une façon intelligente de faire les choses. J'espère toutefois que nous demandons un certain prix; dans l'affirmative, est-ce que le Bureau de la sécurité garde les revenus ou est-ce qu'ils sont versés au Trésor?
M. Johnson: Tous nos revenus sont nécessairement versés au Trésor. Nous devons insister là-dessus. Nous le leur rappelons et leur demandons de nous en donner un peu plus. De façon générale cependant, nous ne récupérons pas les coûts des travaux effectués à l'étranger et même lorsqu'ils le sont, nous continuons de payer les salaires de nos employés et l'autre pays assume les frais d'exploitation.
Les programmes informatiques d'analyse des enregistreurs de vol ont été mis au point au Canada et sont maintenant utilisés par les Américains, les Allemands, les Français, les pays nordiques, les Australiens et certains autres pays. Nous avons fait tout le travail initial. Nous avons concédé une licence d'utilisation de cette technologie à ces pays pour un montant symbolique, en spécifiant toutefois que la licence visait à prévenir toute utilisation de la technologie à des fins commerciales. Le programme informatique ne doit pas non plus être utilisé dans des poursuites en justice, où des avocats pourraient tenter de l'améliorer pour étayer leur cause. Nous avons tenu à ce que le programme serve uniquement à des fins d'enquête concernant des accidents.
Chaque année, nous réunissons ce groupe de pays et nous discutons des améliorations qui sont requises. Nous concluons une entente, puis chaque partie paie une cotisation égale en vue des travaux à effectuer. Nous procédons de façon informelle, sans passer par l'imposant processus des accords internationaux et tout fonctionne très bien. Nous partageons donc la technologie jusqu'à un certain point.
Le sénateur Roberge: Vous parliez d'échelle salariale. Avez-vous des données qui permettent de comparer les salaires que vous payez à vos gens et ceux que leur verse l'industrie, ou encore les traitements qu'ils toucheraient dans d'autres pays? Sommes-nous beaucoup plus généreux?
M. Johnson: Je ne crois pas. En moyenne, nous nous situons plutôt vers le bas de l'échelle. Nous éprouvons un certain problème de rétention de la main-d'oeuvre. Nous avons expliqué la chose au Conseil du Trésor. Nous avons obtenu un certain soutien mais nous espérons en avoir encore davantage.
Le président: Reportons-nous maintenant aux cas des forces armées, qui affichent depuis de nombreuses années un excellent bilan en ce qui concerne les enquêtes sur les accidents. Le personnel est maintenant tellement réduit et compte tellement peu de pilotes actifs que tout le monde se connaît. Je ne mets pas en doute l'intégrité ou l'objectivité des officiers qui font enquête à la suite d'un accident, mais il reste que ces personnes se connaissent entre elles et cela favorise à tout le moins une apparence de possibles conflits d'intérêts.
Vous devez toujours éviter les conflits ou les apparences de conflits dans votre travail. Si nous pouvions persuader le gouvernement, par notre charme ou autrement, de vous donner plus d'argent, envisageriez-vous de jouer un rôle de premier plan dans ce genre de situation, afin d'éliminer toute possibilité de conflit d'intérêts? Seriez-vous prêts à le faire, du moins jusqu'à ce que les forces armées disposent d'un personnel suffisamment nombreux pour pouvoir constituer un comité d'officiers qui ne se connaissent pas et qui ne connaissent pas les officier impliqués dans un accident?
M. Johnson: Tout d'abord, nous ne cherchons pas à inclure les militaires dans notre mandat. Si, toutefois, le gouvernement nous demandais de le faire et s'il nous donnait les ressources nécessaires, nous le pourrions sans aucun doute.
Il existe un régime semblable au Royaume-Uni. Je n'en connais pas les modalités précises, mais je crois me souvenir que la Air Accidents Investigations Branch, qui est l'organisme civil chargé d'enquêter sur les accidents d'avion, est responsable des aspects techniques des enquêtes, alors que les forces armées s'occupent des aspects opérationnels. C'est ainsi que les Britanniques ont résolu le problème.
Nous pouvons mener l'enquête indépendamment, l'un ou l'autre organisme peut s'en charger ou ce peut être fait de façon conjointe. Il s'agit de faire un choix. La plupart de nos enquêteurs ont déjà fait partie des forces armées.
Le président: M. Perkins nous a signalé que, selon certaines affirmations, la présence d'oiseaux poserait un problème seulement à l'aéroport de Vancouver. Ce n'est pas tout à fait exact, mais notre rapport intérimaire n'en disait pas davantage à cet égard. À l'exception du personnel de l'aéroport de Vancouver, personne n'a mentionné la présence d'oiseaux. Ce n'est pourtant pas parce qu'il n'y en a pas à Toronto, Montréal, Halifax et Charlottetown. On en trouve partout. Pourriez-vous nous parler brièvement du problème des oiseaux?
M. Johnson: Les oiseaux y sont présents, mais leur présence pose un problème moins aigu qu'autrefois.
Le président: Pourquoi?
M. Johnson: Les moteurs sont aujourd'hui beaucoup plus solides qu'ils ne l'étaient et peuvent absorber les oiseaux sans que cela n'endommage l'aéronef. Les mesures de contrôle des oiseaux sont également plus efficaces. Le personnel des aéroports applique des programmes de contrôle aviaire. On utilise des canons pour effrayer les oiseaux et divers autres moyens sont également utilisés. Le gazon est coupé suffisamment court pour éviter la présence de souris, ce qui permet d'éviter la venues d'oiseaux de proie.
L'immense vasière qui se trouve à l'ouest de l'aéroport de Vancouver attire des milliers de petits bécasseaux. Lorsque la marée monte, ils viennent s'installer sur la digue et en travers de la piste. J'ignore comment on va résoudre ce problème.
Le président: À Charlottetown, les mouettes volent à 150 pieds au-dessus des avions et laissent tomber des coquilles de palourdes pour qu'elles se brisent.
Le problème ne s'aggrave donc pas. S'il s'aggrave, c'est du point de vue du contrôle?
M. Johnson: Oui. On parvient maintenant mieux à couvrir les décharges publiques afin d'empêcher les mouettes d'y aller.
Le sénateur Perrault: On trouve également des faucons coriaces dans cette région.
M. Johnson: Oui, et ils chassent les autres espèces d'oiseaux.
Le sénateur Perrault: Les autorités élèvent ces oiseaux et les utilisent pour chasser les oiseaux.
Le président: La surcharge des bateaux de pêche pose un problème fondamental et il faudrait probablement entre six mois et un an pour y trouver une solution.
Je vous remercie beaucoup et vous souhaite bon succès dans vos efforts à venir. Je vis en Nouvelle-Écosse et j'ai donc pu voir directement le travail fantastique accompli par tous les intervenants dans le cas de l'accident de Swissair. Tout le monde a fait son travail, non seulement le président du bureau, mais l'ensemble du personnel sur place, les agents de la GRC, le personnel infirmier, les aumôniers et les quelque 5 000 à 10 000 personnes dont vous avez organisé le travail.
L'opération était très bien organisée. Les gens ont tous été nourris, vêtus et transportés. Tout a été bien fait. Les choses se sont organisées très rapidement. Des centaines de bénévoles sont venus. Je tiens également à rendre hommage au médecin légiste en chef qui, malgré les tensions considérables qu'il a dû subir, a rencontré chaque famille à au moins une reprise et même plus d'une fois dans certains cas. Par ailleurs, compte tenu des circonstances, le pathologiste à accompli un travail vraiment miraculeux en réussissant à identifier tous les corps. Nous savons les efforts que le personnel a déployés et vous prions de transmettre nos meilleurs sentiments au président, à vos collègues et aux membres de l'équipe qui travaille encore dans ce dossier.
Le sénateur Perrault: Est-ce qu'on sait combien de temps encore durera leur travail? Je suppose que c'est difficile à prévoir.
Le président: Le chef a dit qu'il y en avait encore pour un an à un an et demi. Tout dépend beaucoup du travail d'une grande minutie qui est effectué, comme la reconstitution des ventilateurs. C'est un travail de fond qui exige une très grande minutie.
Le sénateur Perrault: Qu'a-t-on fait de la carcasse de l'appareil? Est-ce qu'on l'a mise dans un entrepôt?
Le président: Elle se trouve à la base militaire de Shearwater. Le bureau a fait preuve d'une grande amabilité et a proposé de permettre à un sénateur ou à un groupe de sénateurs de venir constater le travail accompli. On peut voir la carcasse elle-même à Shearwater et les résultats des travaux techniques et intellectuels à Hull. Je le recommande à tous ceux qui veulent voir le travail remarquable accompli discrètement et en toute modestie par ces Canadiens remarquables et d'un grand professionnalisme.
Le sénateur Watt: Je profite du fait que vous parlez de sécurité.
La semaine dernière, un incident s'est produit dans le Nord. Ce n'est pas la première fois que ce genre de chose se produit, mais nous avons pu déroger à la réglementation, qui est trop restrictive et ne permet pas toujours de secourir une personne dont la vie peut être en danger.
Le président: Vous faites référence à la limite du nombre d'heures de vol autorisées?
Le sénateur Watt: Oui. Je fais allusion à la réglementation aérienne canadienne et, plus précisément, au temps de service en vol. Le 2 juin dernier, j'ai écrit au ministre des Transports.
Le président: Vous devriez peut-être lire la lettre; elle est très explicite.
Le sénateur Watt: D'accord. Permettez-moi d'abord de dresser un tableau général. Je sais l'importance que les compagnies aériennes accordent à la sécurité car j'ai travaillé auprès de plusieurs transporteurs aériens. J'ai été président de compagnies aériennes et j'ai fait partie de leurs conseils d'administration. Je suis conscient de l'importance que revêt la sécurité des pilotes et des passagers.
On oublie parfois que les règles se sécurité qui s'appliquent dans l'intérêt d'un groupe de personnes peuvent avoir des répercussions négatives sur d'autres personnes qui ne disposent d'aucun autre moyen de transport que l'avion. C'est le cas dans le Nord et en particulier dans les communautés reculées ou l'avion est le seul moyen de transport disponible.
Voici ce que j'écrivais dans ma lettre au ministre Collenette:
Monsieur le ministre,
Dans la soirée du 1er juin, il s'est produit une situation urgente, que les restrictions de la réglementation aérienne canadienne concernant le temps de service en vol ont considérablement aggravée. Mme Sarah Ningiuruvik, de Kangirsujuak, au Nunavik, a subi de graves brûlures dans un accident de camp de pêche. En raison des restrictions relatives au temps de vol, aucun des cinq transporteurs aériens qui ont été contactés ne pouvait répondre à l'appel. Mme Ningiuruvik n'a reçu de soins médicaux que dix heures après l'appel lancé aux autorités.
Les services médivac aériens sont le seul moyen de secourir des gens et de sauver des vies, puisqu'il n'y a pas de routes!
Au cours des 18 derniers mois, le principal transporteur aérien de la région, Air Inuit Ltée, a fait parvenir des demandes à Transports Canada et au ministre pour obtenir une levée des restrictions dans les cas d'urgences graves. On m'a dit que le ministère a rejeté ces demandes.
Je vous demande donc de suspendre immédiatement les dispositions réglementaires relatives au temps de vol dans le Nunavik jusqu'à ce que la réglementation ait été modifiée de manière à permettre la prestation de services air-médivac en tout temps.
Je tenais à vous faire part de mes préoccupations à ce sujet. J'ignore si le ministre a l'intention de donner suite à ma demande. Je tente essentiellement de faire valoir que l'application de règles de sécurité dans un cas peut mettre en danger des vies humaines dans d'autres circonstances.
J'en veux beaucoup à NAV CANADA, car le Nord sera frappé beaucoup plus durement que le sud. Les régions moins peuplées écopent plus que les autres.
First Air, par exemple, devra engager des dépenses supplémentaires de 7 millions de dollars par année parce que NAV CANADA prend la relève et que le gouvernement se retire et privatise. NAV CANADA doit trouver des revenus quelque part pour pouvoir mettre en place les mesures dont ses représentants vous ont parlé.
Je m'en tiendrai à cette lettre, quoique j'aurais bien d'autres choses à dire. Le temps nous manque, malheureusement.
Le président: Merci, sénateur Watt. Je suis certain que les honorables sénateurs ont pris bonne note de vos observations. Notre rapport fera état de cette question et je suis sûr qu'elle parviendra également à l'attention du ministre par d'autres voies.
Je remercie tous les témoins de l'intérêt qu'ils portent à cette question.
La séance est levée.