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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Forger de nouvelles relations :

L'autonomie gouvernementale des Autochtones au Canada


Comité sénatorial permanent des peuples autochtones

Président : L’honorable Charlie Watt

Vice-présidente: L’honorable Janis Johnson

Février 2000


COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES 

L'honorable Charlie Watt, président
L'honorable Janis G. Johnson, vice-présidente

et

Les honorables sénateurs

Raynell Andreychuk
Jack Austin
* Bernard Boudreau, c.p., (ou Daniel Hays)
Thelma Chalifoux
Ione Christensen
Mabel DeWare
Aurélien Gill
* John Lynch-Staunton (ou Noël Kinsella)
Landon Pearson
Nick G. Sibbeston
Gerry St. Germain 

* Membres d'office

Les honorables sénateurs Willie Adams, Gérald Beaudoin, Eric Berntson, Gerald J. Comeau, Rose-Marie Losier-Cool, Frank Mahovlich, Brenda Robertson et David Tkachuk ont aussi participé, à divers moments, aux travaux du comité.

La greffière du Comité
Jill Anne Joseph


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 16 décembre 1999 :

L'honorable sénateur Pearson, au nom de l’honorable sénateur Watt, propose, appuyée par l'honorable sénateur Mahovlich,

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 24 novembre 1999, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (document parlementaire no 2/35-508) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes :

  1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvernement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
  2. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
  3. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles;

Que le comité soit autorisé à déposer son rapport final au plus tard le 16 février 2000, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu’au 29 février 2000; et

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 24 novembre 1999 :

L'honorable sénateur Watt propose, appuyé par l'honorable sénateur Mercier,

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (document parlementaire no 2/35-508.) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes :

  1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvernement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
  2. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
  3. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones durant la première session de la trente-sixième législature soient déférés au comité;

Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 16 décembre 1999, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenu dans son rapport final et ce jusqu’au 24 décembre 1999; et

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Extrait des Journaux du Sénat du mardi 9 décembre 1997 :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (document parlementaire no 2/35-508.) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes:

  1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvenement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
  1. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
  1. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 30 novembre 1999.

La motion, mise aux voix, est adoptée. 

Paul C. Bélisle
Greffier du Sénat


TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos du président

INTRODUCTION
Le mandat du Comité pour cette étude et l’organisation du travail du Comité

PARTIE I
ÉTABLIR LES BASES DES NOUVELLES RELATIONS

1. Points relevés dans les témoignages devant le Comité
2. Les conclusions et recommandations du Comité
3. Implications de nos recommandations

PARTIE II
QUESTIONS RELATIVES À L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE

1. Les formules de gouvernement autochtone
2. Le financement des gouvernements autochtones
3. La création de capacités gouvernementales autochtones
4. Les femmes autochtones et l’autonomie gouvernementale
5. Les jeunes autochtones et l’autonomie gouvernementale

CONCLUSION

RECOMMANDATIONS

LISTE DES TÉMOINS


AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

En 1997, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones décidait d’entreprendre, avec l'approbation du Sénat, une étude sur la fonction gouvernementale autochtone. Il voulait en particulier concentrer son attention sur les recommandations formulées à ce propos par la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport de 1996.

L’exercice du pouvoir par les Autochtones recouvre des questions complexes et difficiles. Les opinions divergent sur ce qu’est l’autonomie gouvernementale autochtone et sur la meilleure façon de la mettre en œuvre. La tâche semble parfois écrasante. Le Comité considère cette étude comme un mécanisme pourrait faire avancer le débat sur l’autonomie gouvernementale. Nous espérons que notre travail constituera une étape vers l’établissement d’une relation de respect mutuel et de coexistence entre les peuples autochtones et non autochtones au Canada.

Au fil du travail s’est manifesté l’urgent besoin de nouvelles structures pour la négociation et la mise en place des relations. Par conséquent le Comité a décidé de se concentrer sur les aspects structurels et de formuler des recommandations constructives pour aider à la négociation et à l’application des traités et des ententes.

Ce n’est pas la première fois qu’un comité parlementaire examine ces questions. Dans son rapport de 1983 connu sous le nom de rapport Penner, le Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens avait soumis un certain nombre de recommandations pour la reconnaissance et la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale des Premières nations. Même si d’importants progrès ont été enregistrés depuis, nous sommes néanmoins contraints, 15 ans plus tard, de faire plusieurs recommandations qui reprennent celles du rapport Penner. Nous sommes très préoccupés par ce manque d'initiative politique et de volonté de mettre en place ces recommandations.

Au nom de tous les membres du Comité, je veux remercier ceux qui nous ont fait part de leurs opinions et leurs idées, dans leurs témoignages ou leurs mémoires. Avec ferveur, ils ont montré qu'ils avaient à cœur de trouver des solutions pour vivre dans une coexistence pacifique au Canada.

Je désire en outre exprimer la reconnaissance du Comité envers les dirigeants des organisations autochtones, les chefs traditionnels et héréditaires ainsi que les Mères de clan et les Aînés, qui n’ont pas ménagé leur temps ou leurs efforts. Des remerciements spéciaux à tous ceux qui ont dû parcourir de longues distances pour assister aux séances à Ottawa.

Enfin, je tiens à dire ma gratitude aux membres du Comité pour leur travail et leur dévouement au cours des longues heures passées en délibérations. Je sais gré également aux membres du Sous-comité du programme et de la procédure qui se sont joints à moi dans cette difficile mais exaltante entreprise.

 Le président
du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones,
Charlie Watt, sénateur


INTRODUCTION

Le mandat du Comité pour cette étude et l'organisation du travail du Comité

En novembre 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) publiait son rapport final en cinq volumes. Bon nombre de ses recommandations avaient trait à la fonction gouvernementale autochtone et aux relations entre les gouvernements autochtones et les pouvoirs publics au Canada. En janvier 1998, le gouvernement fédéral déposait Rassembler nos forces, sa réponse au rapport de la CRPA dans laquelle il s’engageait à restructurer ses relations avec les peuples autochtones et leurs gouvernements.

C’est dans ce contexte que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a décidé d’entreprendre, avec l'approbation du Sénat, cette étude pour faire le suivi de plusieurs questions clés examinées dans le rapport de la CRPA. Le Comité est conscient que la restructuration des relations représente une tâche complexe et urgente, et il espère que son étude réussira à faire avancer le débat sur l’instauration de rapports neufs et renouvelés. Nous avions et avons toujours comme objectif de servir de tribune à un débat public et de formuler des recommandations pour aider le gouvernement fédéral ainsi que les organisations et communautés autochtones à mettre en place ces relations, notamment en ce qui concerne les mécanismes de l’autonomie gouvernementale. Nous espérons également aider les collectivités autochtones à établir leurs gouvernements et à acquérir la capacité d’exercer le pouvoir.

Le Comité a invité des représentants des collectivités et des organisations autochtones du Canada, de même que d’autres parties intéressées, à l’assister dans son travail. Les témoins étaient invités à commenter quatre grandes questions :

  • les nouvelles relations structurelles à établir entre les peuples autochtones, leurs gouvernements et les pouvoirs publics au Canada;
  • les principes et diverses formes d’autonomie gouvernementale autochtone;
  • la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale autochtone;
  • les stratégies de financement et d’appui des institutions et des gouvernements autochtones, afin qu’ils soient efficaces, peu coûteux et répondent aux besoins des peuples autochtones.

Outre les nombreux mémoires qu’il a reçus, le Comité a tenu, entre novembre 1998 et juin 1999, une série de séances publiques au cours desquelles ont comparu plus de 100 témoins. Il a obtenu ainsi un vaste échantillon de témoignages venant de personnes, de collectivités et d’institutions tant autochtones que non autochtones.

En marge de nos audiences, les dirigeants d’organisations autochtones nationales, des aînés et des chefs traditionnels ont été invités à prendre part à l’étude en participant à une table ronde avec des membres du Comité. Ce mécanisme marque un précédent : c’était la première fois qu’un comité sénatorial invitait des personnes de l’extérieur du Sénat à participer à des délibérations sur des questions clés avec les sénateurs membres du Comité. Nous y voyons un exemple de partenariat avec les peuples autochtones au Canada.

Tout au long de l’étude, les témoins ont abordé une foule de questions complexes concernant la fonction gouvernementale autochtone, ce qui a permis au Comité d’en mieux comprendre la portée et la complexité.

La Partie I du rapport couvre les sujets sur lesquels le Comité souhaite formuler des recommandations. Nous nous intéressons particulièrement aux structures et mécanismes de négociation et de mise en œuvre des traités et des ententes. Bon nombre de témoins ont dit clairement aux membres du Comité que les institutions et les mécanismes existants ne convenaient pas. Leur témoignage met en évidence le besoin de réformes législatives et institutionnelles. Nous approfondissons ces questions dans la partie Un et formulons des recommandations en vue de l’adoption de mesures pratiques et concrètes, susceptibles d’aider les parties à établir leurs relations.

Dans la Partie II, nous nous intéressons à d’autres questions liées à l'autonomie gouvernementale des Autochtones qui ont été soulevées par les témoins. Cette partie constitue donc un résumé de ce que nous avons entendu . Elle met en lumière plusieurs questions, problèmes et propositions, notamment des modèles ou formules de gouvernement. Pour le moment, le Comité n’a pas examiné ces questions assez longuement pour formuler des recommandations précises.


PARTIE I
ÉTABLIR LES BASES DE NOUVELLES RELATIONS 

Dans la présente partie du rapport, le Comité se concentre sur les obstacles structurels à la formation et au fonctionnement de relations avec les peuples autochtones. Ce qui nous amène à formuler des recommandations de réformes visant à mettre en place une base solide pour la négociation et l’application des traités et ententes(1), d’une façon opportune, qui s’applique à tous les peuples autochtones et qui respecte l’état actuel du droit canadien régissant les droits ancestraux et issus de traités. Si on y donne suite, nous estimons que cela aidera les gouvernements et les peuples autochtones dans leurs efforts pour forger de nouvelles relations de partenariat et de coexistence.

Nous croyons que bon nombre de nos recommandations pourront être mises en œuvre sans que le Canada n’ait à engager de ressources financières importantes. Dans certains cas, elles nécessiteront toutefois la réaffectation de ressources existantes. À long terme, elles devraient procurer des économies : les ententes seront conclues plus rapidement et méthodiquement, les obligations juridiques de la Couronne seront dûment exécutées, les structures administratives du gouvernement du Canada seront réorientées de façon à favoriser des relations politiques fondées sur le partenariat plutôt que sur la dépendance, et les parties autochtone et gouvernementale auront moins recours aux tribunaux comme moyen privilégié pour résoudre leurs différends.

 

1. Points relevés dans les témoignages devant le Comité

Lors des audiences, ainsi que dans les mémoires que nous avons reçus, les témoins autochtones ont fait état d’obstacles structurels et institutionnels qui nuisent à la négociation et à l’application des traités et ententes. Il se dégage des témoignages et mémoires plusieurs thèmes communs concernant les principaux obstacles.

Premièrement, des témoins ont attiré notre attention sur le fait que, bien que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que les Indiens, les Inuits et les Métis constituent les peuples autochtones du Canada, ils n’ont pas dans les faits les mêmes possibilités de négocier leurs rapports avec le Canada ou d’exercer l’autonomie gouvernementale.

Deuxièmement, des témoins ont traité de l’incompatibilité entre l’objectif annoncé du gouvernement concernant l’établissement de nouvelles relations de partenariat avec les peuples autochtones et l’attribution de la responsabilité de leur négociation à l’intérieur de la structure administrative du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ils ont aussi noté qu’une fois conclus, les traités et les ententes ne sont pas appliqués rapidement et qu’il n’existe pas de mécanisme pour s’assurer que la Couronne s’acquitte comme il se doit des obligations juridiques qui en découlent.

Troisièmement, les témoignages font état de problèmes découlant du manque de volonté politique dans la négociation et l’application des traités et des ententes, d’une façon qui soit conforme aux déclarations, politiques et autres engagements du gouvernement et respectueuse des principaux arrêts du droit jurisprudentiel canadien relatif aux droits ancestraux et issus de traités. Des témoins autochtones ont parlé de la nécessité de structures indépendantes ne relevant pas des tribunaux ordinaires, capables de s’occuper des griefs des peuples autochtones et de surveiller la négociation et la mise en œuvre de relations entre ces peuples et le Canada.

Enfin, certains nous ont fait part de leurs réserves concernant l'incapacité du système judiciaire canadien de se prononcer sur les affaires de droits ancestraux et issus de traités et de rendre des décisions conséquentes, rapides et exécutoires, obligeant la Couronne à s’acquitter de ses obligations.

Nous présentons ces thèmes dans les sections qui suivent et les témoignages que nous avons entendus à leur propos.

 

1.1 Possibilités de négocier et d’exercer l'autonomie gouvernementale

Un point important soulevé par les témoins est la possibilité, pour tous les peuples autochtones, de négocier et d'exercer leur autonomie gouvernementale. Plusieurs aspects de cette question ont été évoqués très clairement lors des audiences : la compétence du gouvernement fédéral en ce qui concerne les peuples autochtones, la désignation d'entités capables d'exercer le pouvoir et de représenter les peuples autochtones lors des négociations, et l'application pratique de la notion de statut de nation.

Une préoccupation de longue date, qui a été soulevée lors de nos audiences, touche la responsabilité fédérale, du point de vue constitutionnel, à l’égard des peuples autochtones. En vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens » relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. S’il est vrai que ce dernier est responsable au premier chef des Indiens inscrits des réserves et des Inuits, il rejette habituellement toute responsabilité à l’égard des Métis et des Indiens non inscrits et hors réserve. On nous a dit que, parce que le gouvernement fédéral ne se reconnaît pas responsable des peuples autochtones hors réserve, nombre d'entre eux se voient refuser la possibilité de négocier l'autonomie gouvernementale, ce qui rend beaucoup plus difficile l’application du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et la mise en œuvre de modèles novateurs en la matière.

Ken Noskey, président du Metis Settlements General Council, signale l’incohérence entre la politique du gouvernement fédéral qui reconnaît le droit inhérent de tous les peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale, et le fait qu’il refuse de fournir les ressources nécessaires aux négociations avec une partie importante des peuples autochtones au Canada :

Le gouvernement fédéral a pris la responsabilité des Indiens et des Inuits, mais nous les Métis ne sommes nulle part. On dit qu'on nous reconnaît comme peuple autochtone mais qu'il n'y a ni ressources ni programmes qui sont spécialement destinés aux Métis comme c'est le cas pour les Premières nations. (Fascicule 13, 18 novembre 1998, p. 11.)

Le Native Council of Prince Edward Island a rencontré des problèmes semblables dans ses efforts pour réaliser l’autonomie gouvernementale :

Le ministre des Affaires indiennes rejette toute responsabilité à l’égard des Indiens qui ne vivent pas dans une réserve. Nous avons beau clamer l’inconstitutionnalité de la politique, celle-ci économise de l’argent et permet au gouvernement du Canada de se décharger d’une partie de sa responsabilité sur le dos des provinces. Elle permet aussi de retarder indéfiniment l’avancement des discussions touchant l’autonomie gouvernementale. En résumé, ce n’est pas le cadre ni le processus qui nous fait piétiner depuis 12 ans, mais la politique véritable du gouvernement qui est de ne pas vraiment favoriser l’autonomie gouvernementale.(2)

Marc Maracle, de l’Association nationale des centres d’amitié, nous a dit que « le gouvernement fédéral a très certainement la responsabilité, lorsqu'il organise des tribunes qui intéressent les autochtones, de s’assurer qu’il réunit des gens représentatifs ». (Fascicule 23, 17 mars 1999, p. 49.)

Des représentants des Inuits de Nunavik ont dit craindre que le gouvernement fédéral refuse d’assumer la négociation et la mise en œuvre des ententes d’autonomie gouvernementale avec les Inuits dans la province de Québec. D’autres groupes autochtones qui ont témoigné ont fait écho à ces sentiments.(3)

Les concepts de statut de nation, de représentation et de composition sont au cœur des questions portant sur la nature de l’entité ayant un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et la capacité de l'exercer par l’habilitation des gouvernements autochtones. Dans son rapport final, la CRPA en est venue à la conclusion que ce sont les « nations » autochtones qui sont les instances aptes à exercer ce droit en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon la CRPA, une nation autochtone possède les caractéristiques suivantes :

elle a un sentiment collectif d’identité nationale dont témoignent une histoire, une langue, une culture, des traditions, une conscience politique, des lois, des structures gouvernementales, une spiritualité, une ascendance et des terres natales en commun;

elle a une taille et une capacité suffisantes pour lui permettre d’assumer et d’exercer concrètement les pouvoirs et les responsabilités découlant du droit à l’autodétermination;

elle constitue la majeure partie de la population permanente d’un territoire ou groupe de territoires et, à l’avenir, exercera ses activités à partir d’une assise territoriale définie.(4)

La CRPA affirme que seule la nation peut exercer le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale; il serait donc inacceptable de négocier l’exercice de ce droit avec chaque collectivité. Certes, une collectivité autochtone peut obtenir des pouvoirs délégués, mais la CRPA a conclu que le droit inhérent autochtone ne saurait être réalisé que par le biais d’initiatives et de traités conclus avec des nations.

Lors de nos audiences, des témoins ont laissé entendre que les conclusions de la CRPA n’étaient peut-être ni réalistes ni conformes aux règles et aux protocoles autochtones traditionnels concernant l’autonomie politique des bandes et tribus. L’Indigenous Bar Association (IBA) a affirmé qu’il faut tenir compte des antécédents et usages historiques de chaque peuple autochtone afin de déterminer où réside son droit à l’autonomie gouvernementale. David Nahwegahbow l’explique ainsi :

À ce sujet, les diverses nations autochtones ont des lois, des coutumes et des pratiques qui leur sont propres. Par exemple, pour bon nombre d’Indiens en Colombie-Britannique, la souveraineté réside essentiellement au niveau de la nation. Le Comité aura donc remarqué qu’en conséquence, lorsque les Indiens de la Colombie-Britannique emploient le terme « Première nation », il désigne la nation plutôt que la bande. Par contre, dans certaines régions du Canada à l’est de la Colombie-Britannique, par exemple, dans le cas de la nation Anishnabek […] le terme « Première nation » renvoie généralement à la bande ou à la collectivité. Cela s’explique par les différences dans les cultures, le droit coutumier et les pratiques du peuple Anishnabek. Les Anishnabek considèrent que la bande locale, ou la tribu, est le niveau d’organisation sociale où résident les aspects résiduaires de la souveraineté, sauf dans les secteurs qui sont expressément réservés au niveau de la nation. (Fascicule 21, 2 mars 1999, p. 7.)

L’IBA a noté que bon nombre des traités numérotés et autres ont été signés par des chefs de bande ou leurs représentants, plutôt que par des nations centralisées, ce qui indique un important degré d’autonomie politique au niveau des bandes. L’IBA suggère au Comité d’examiner les nouvelles normes internationales à cet égard.

Cette question a aussi été abordée par des témoins commentant les formules de gouvernement autochtone urbain. Ainsi, l’Association nationale des centres d’amitié et la Commission de réforme du droit du Canada (ANCA-CDC) ont déclaré qu’il n’y a aucune raison logique de supposer qu’une communauté autochtone urbaine, même si elle est hétérogène, ne peut pas affirmer son droit de régir des questions fondamentales d’intégrité autochtone(5). Elles craignent que l’idée abstraite de « nation » empêche de répondre aux besoins réels des peuples autochtones dans leurs rapports entre eux et dans leur désir de s’autogouverner, et elles se demandent si les peuples autochtones sont capables de reconstituer des nations traditionnelles afin de pouvoir appliquer l’approche axée sur la nation. Elles ont aussi souligné les difficultés pour les associations de se réformer en fonction de nations. (Fascicule 23, 17 mars 1999.)

Les auteurs du mémoire de l’ANCA-CDC ont indiqué qu’il pourrait se révéler utile de mettre l’accent sur la notion de communauté lorsqu’il s’agit de gouvernement urbain :

Une communauté autochtone peut très bien être fondée sur la nationalité, mais elle peut également être ancrée dans un endroit ou être associée à certaines fonctions culturelles et sociales cruciales comme l’éducation. Il semblerait qu’il y a peu à gagner à tenter de classer ces associations dans une hiérarchie trop rigide ou codifiée. Que ce soit en milieu urbain, rural ou éloigné, les Autochtones vivent en communauté. Qu’il s’agisse de formations sociales établies depuis longtemps ou toutes nouvelles, ces communautés ont leur propres normes, méthodes et traditions en ce qui touche à la prise des décisions.(6)

La question de l’appartenance au groupe est étroitement liée à celle de la représentation. Elle constitue un aspect fondamental de l'autonomie gouvernementale. Ce sont les règles en la matière qui établissent qui est représenté lors des négociations, qui participe aux fonctions essentielles d'exercice du pouvoir (déléguer des pouvoirs et demander des comptes aux gouvernements autochtones, p. ex.), qui est admissible aux programmes et services et qui est assujetti aux lois des gouvernements autochtones et des autres instances.

Nous avons entendu divers points de vue sur l'absence d'universalité des initiatives d'autonomie gouvernementale des Autochtones et sur les inégalités au sein des groupes et entre eux. Les difficultés pour les personnes vivant hors des réserves d’accès aux services offerts par les bandes ont également été évoquées. Un certain nombre de groupes ont demandé que le statut de membre soit accordé de façon plus universelle, et insisté que tous les membres d’une Première nation devraient pouvoir débattre des questions importantes qui touchent l’ensemble de la Première nation. À cet égard, la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere c. Canada, selon laquelle les membres vivant hors des réserves ne peuvent être totalement exclus des élections de bandes, cadre avec ce point de vue.

Nous avons aussi été mis au fait de préoccupations concernant le rôle des organismes de service autochtones, particulièrement hors des réserves. Selon des témoins, le financement devrait être confié à l’organisme politique représentant le peuple autochtone dans une région donnée plutôt qu’à un organisme de services spécialisé. Il leur semble plus conforme aux principes de gouvernement et d’autonomie autochtones d’acheminer les fonds par l’intermédiaire d’organismes politiques, qui seraient alors chargés de fournir des programmes en fonction des besoins de leur clientèle.

 

1.2 Responsabilité administrative de la négociation et de l’application d’ententes

Un thème qui revient souvent dans les témoignages est le rôle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) dans la négociation et l’application des traités et ententes. Le ministère a pour mission d’appliquer la Loi sur les Indiens ainsi que les politiques, programmes et services qui y sont associés. Il lui incombe aussi de négocier et d’appliquer, au nom du gouvernement du Canada, les traités et les ententes connexes conclus avec les Premières nations et les Inuits. Le MAINC s’acquitte des obligations de la Couronne découlant de ces ententes de même que de ses obligations fiduciaires à l’égard des peuples autochtones. Parallèlement, l’interlocuteur fédéral pour les Indiens non inscrits et les Métis a la responsabilité d’entretenir des rapports avec ces peuples.(7)

Pour bien des raisons, le MAINC n’est pas considéré comme l’organisme indiqué pour faciliter des relations de confiance et de partenariat entre les peuples autochtones et le Canada. Des témoins autochtones ont dit combien il leur était difficile de négocier des ententes d’autonomie gouvernementale et des rapports fondés sur des traités avec un ministère structuré pour appliquer le régime de la Loi sur les Indiens. Nombreux sont ceux qui proposent de retirer au MAINC la responsabilité de négocier les traités et les ententes.

En tant que peuples autochtones, nous avons les mains liées. Nous devons négocier notre liberté avec des ressources qui nous viennent, paradoxalement, de nos interlocuteurs. C’est un cercle vicieux. Nous ne pouvons pas invoquer les dispositions de la Loi sur les Indiens pour tenter de nous défaire de cette loi.(8)

D’autres témoins ont noté l’incapacité du MAINC de mettre en œuvre les traités, l’autonomie gouvernementale et les autres ententes comme il se doit, une fois que ceux-ci sont conclus, et la tendance des fonctionnaires du ministère à en aborder l’application comme s’il s’agissait d’une question de politique à caractère discrétionnaire. Cette situation est perçue comme étant de nature à compromettre la capacité du gouvernement du Canada de respecter ses obligations juridiques et, au bout du compte, de préserver l’honneur de la Couronne dans ses rapports avec les peuples autochtones. Voici les commentaires de la Commission crie-naskapie à ce propos :

[…] Les […] Affaires indiennes […] voient la mise en application des dispositions de traités comme un aboutissement de la politique sur les Affaires indiennes. Cette politique peut bien entendu varier selon les critères budgétaires et d’autres conditions. Par conséquent, les activités liées à l’application des dispositions de traité ressemblent essentiellement à d’autres processus de prise de décisions, d’établissement de priorités et des fonctions du gouvernement dans la gestion des programmes. […] Les gouvernements n’ont jamais voulu comprendre que les obligations issues de traités sont exécutoires, qu’il existe des règles pour les interpréter et qu’ils ne peuvent pas invoquer d’« options politiques » concurrentes.(9)

Dans son rapport au Parlement de 1998, le vérificateur général relève aussi de sérieuses lacunes quant à l’application des ententes sur les revendications territoriales globales par le MAINC et laisse entendre que d’autres mesures devraient être prises pour intégrer les plans d’exécution à l’intérieur du cadre juridique régissant les traités et ententes.(10)

Pour remédier à ces problèmes, la Commission crie-naskapie a recommandé au Comité la création d’un secrétariat d’application des traités, qui serait indépendant du MAINC et qui serait chargé de veiller à ce que le gouvernement remplisse ses obligations aux termes des traités et des ententes.(11)

Il faudrait instaurer un secrétariat chargé de la mise en œuvre […] dont l’effectif proviendrait des années-personnes du ministère des Affaires indiennes [et qui fonctionnerait] parallèlement à la structure du ministère. Il aurait pour tâche d’appliquer les conventions et les traités après leur négociation et leur signature. Il serait complètement séparé des fonctions d’élaboration des lignes directrices, d’établissement des priorités de dépenses et de prise de décisions. Ce serait un organisme de mise en œuvre. (Richard Saunders, Commission crie-naskapie, fascicule no 11, 3 novembre 1998, p. 14.)

Les préoccupations concernant le rôle du MAINC dans la négociation et l’application des traités et des ententes et dans les rapports avec les peuples autochtones ont déjà été relevées dans des études antérieures. En 1983, le Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens signalait que :

Le passé des relations entre le gouvernement fédéral et les Indiens a légué un héritage de méfiance et de soupçons qui diminuerait gravement l’aptitude du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à créer des nouvelles relations au nom du gouvernement fédéral.(12)

Dans son rapport, la Commission royale sur les peuples autochtones conclut que le MAINC ne saurait contribuer à créer une assise solide au sein du gouvernement du Canada pour les nouveaux rapports envisagés.(13)

 

1.3 Absence de cadre juridique pour la négociation et l’application des ententes

Bon nombre de témoins ont évoqué le manque de volonté du gouvernement du Canada pour ce qui est d'engager des négociations sérieuses et de concrétiser les engagements symboliques contenus, par exemple, dans la Politique sur le droit inhérent et dans Rassembler nos forces. Au cours de ses audiences, le Comité a pris connaissance de certains problèmes découlant de l’absence de cadre juridique traduisant de façon uniforme la politique du gouvernement relativement à la négociation et à la gestion de ses relations avec les peuples autochtones du Canada ainsi que son engagement de reconnaître et d’appliquer le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Il n’y pas de loi pour orienter de façon uniforme et stratégique les fonctionnaires responsables de la négociation et de la mise en œuvre des traités et ententes, ni de cadre prévisible et cohérent qui permettrait aux peuples autochtones de savoir à quelles actions s’attendre de la part de la Couronne. L’Indigenous Bar Association a abordé cette question dans son témoignage devant le Comité.

Premièrement, il ne s’agit que d’une politique [relative au droit inhérent]. C’est-à-dire qu’elle prête à interprétation et peut être modifiée aisément. […] Deuxièmement, même si la politique fédérale sur le droit inhérent dit bien que l’on reconnaît le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, l’expérience à la table de négociation nous a appris que cette reconnaissance est limitée et sans valeur. […] On dit aux peuples autochtones de s’adresser aux tribunaux s’ils veulent faire reconnaître spécifiquement le fait qu’ils possèdent le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.(14)

Les témoignages recueillis par le Comité donnent à penser qu’il y a une grande frustration chez les peuples autochtones en raison du manque d’uniformité dans l’application des politiques du gouvernement canadien concernant les nouvelles relations avec les peuples autochtones et le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. La Société régionale inuvialuit et Conseil tribal des Gwich’in affirment sont d’avis que les négociations souffrent d’un manque d’harmonisation au niveau des politiques et des processus gouvernementaux internes.(15) Le Conseil tribal du territoire akaitcho a parlé des problèmes que le manque d’uniformité dans l’application du cadre stratégique et l’absence de volonté politique suffisante risquent de poser pour l’autonomie gouvernementale autochtone.

Quand il est question de mettre en œuvre des modèles d’autonomie gouvernementale ou de régie dans ce pays, le plus gros problème qui se pose, ce n’est pas l’élaboration même des modèles, parce que les Autochtones ont essayé de trouver des moyens de régler ces questions, mais leur mise en œuvre. Les bonnes paroles ne suffisent pas pour lancer le processus. Voilà où nous en sommes actuellement. Nous essayons de mettre en œuvre quelque chose. Nous avons un modèle qui existe déjà depuis longtemps, soit depuis près de 100 ans, mais nous ne pouvons le mettre en œuvre en raison d’un manque de volonté politique. […] Chaque fois que nous essayons d’aller de l’avant, nous sommes freinés par une politique qui a été élaborée ailleurs par quelqu’un d’autre. Voilà le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés. (Sharon Venne, Conseil tribal du territoire akaitcho, fascicule no 17, 2 février 1999, p. 2.)

À maintes reprises, nos témoins ont attiré notre attention sur le fait que, malgré l’importante évolution du droit régissant les droits ancestraux et issus de traités et la résolution de bon nombre de principes fondamentaux, la législation et les politiques gouvernementales sont en retard sur la jurisprudence actuelle. Ainsi, les tribunaux se sont déjà prononcés sur bon nombre de questions cruciales et de notions constitutionnelles relatives aux droits ancestraux et issus de traités concernant, par exemple, le titre autochtone, la nature et le statut des traités, les règles d’interprétation des traités, la recevabilité de la preuve orale et le rôle fiduciaire de la Couronne. Nos témoins nous ont donné la preuve que, malheureusement, ce domaine changeant du droit canadien échappe à la compréhension des dirigeants gouvernementaux, des législateurs et des nombreux fonctionnaires chargés de gérer les relations de la Couronne avec les peuples autochtones. C’est ce qui explique que les peuples autochtones et les gouvernements persistent à recourir principalement aux tribunaux pour résoudre leurs différends même si, de leur côté, les tribunaux continuent à inciter les parties à engager des négociations politiques constructives. Dans son mémoire au Comité, le Conseil tribal Mamuitun commente la situation en ces termes :

[…] Ce manque de leadership du politique doit être comblé quelque part et c’est pour ça que nous devons fréquemment évoquer les décisions de la Cour suprême pour ramener dans la mesure du possible les gouvernements à l’ordre. Il y a donc un vacuum politique qui doit être comblé par le juridique.(16)

 

1.4 Accès à des organismes de surveillance indépendants

Certains témoins autochtones ont évoqué la nécessité de créer un organe indépendant qui serait habilité à exercer diverses fonctions en vue notamment de faciliter la négociation de traités, de l’autonomie politique et d’autres questions, de superviser les relations entre les Autochtones et le gouvernement, et de protéger les droits ancestraux et issus de traités. À quelques reprises, les Autochtones se sont dits en faveur des recommandations déjà faites à ce sujet par d’autres organismes d’enquête, y compris la CRPA.

Dans notre mémoire, nous parlons de la recommandation que la Commission royale sur les peuples autochtones a formulée en vue de la création d’une administration indépendante pour superviser les relations et les négociations entre les peuples autochtones et les gouvernements fédéral et provinciaux […] Nous reconnaissons que l’intervention d’une partie indépendante est absolument nécessaire pour nouer des relations positives. (Vera Pawis-Tabobondung, Ontario Federation of Indian Friendship Centres, fascicule 23, 17 mars 1999, p 30.)

L’Indigenous Bar Association a recommandé de créer un bureau sur le modèle de celui du Procureur général, chargé expressément de protéger et maintenir les droits ancestraux et issus de traités garantis par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.(17) D’autres témoins, comme le grand chef Perry Bellegarde de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, se sont dits favorables à l’idée d’un commissaire des traités nommé par le Parlement et agissant en toute indépendance du gouvernement (fascicule 28, 5 mai 1999). Mark Dockstator, de l’Université Trent, a souligné « l’importance et la pertinence de disposer d’une sorte d’interface entre la population autochtone et la majeure partie de la population canadienne lorsque l’on se penche sur les problèmes d’autonomie gouvernementale ». (Fascicule 25, 13 avril 1999, p. 36.)

Plusieurs structures dont les fonctions et responsabilités s’apparentent à celles évoquées par nos témoins ont déjà été créées en application de lois fédérales. Ces structures intéressent les processus relatifs aux traités à l’échelle régionale, les revendications globales et particulières et les ententes sur l’autonomie gouvernementale. Ce sont la B.C. Treaty Commission, le Bureau du Commissaire aux traités de la Saskatchewan, la Commission d’étude des revendications, la Commission des Indiens de l’Ontario et la Commission crie-naskapie.

Chacun de ces organismes a un but précis. Cependant, ils ont en commun d’être tous investis d’un mandat relativement délimité, axé sur la facilitation de la négociation ou du processus de mise en œuvre ou encore sur la surveillance et la présentation de rapports sur les mesures d’application d’ententes spécifiques. Si ces organismes sont généralement tenus en haute estime par les peuples autochtones, ils ne sont pas considérés comme équipés pour veiller à ce que les doléances des Autochtones soient examinées et réglées de façon adéquate. Bref, ces organismes n’ont pas suffisamment de pouvoir pour exercer avec efficacité une surveillance sur les relations entre le gouvernement et les Autochtones. Leur degré d’indépendance par rapport au gouvernement se trouve réduit du fait que la plupart d’entre eux reçoivent leur financement du MAINC et qu’ils rendent des comptes au ministre.

 

1.5 Capacité judiciaire

Dès les premiers contacts, les différents entre les peuples autochtones et les gouvernements ont marqué leurs rapports. La principale tribune pour la résolution de ces conflits a été le système judiciaire canadien, qui applique la common law et le droit civil. Les témoins autochtones se sont montrés critiques à l’endroit du système judiciaire, en particulier de son incapacité à prendre en compte le point de vue des Autochtones sur le contenu des droits ancestraux et issus de traités, de même que sur les mécanismes utilisés pour rendre justice, dans les cas où ces droits sont revendiqués.

D’autres témoins ont laissé entendre que les tribunaux n'ont peut-être pas la capacité et les connaissances nécessaires pour se prononcer sur les aspects uniques que soulèvent de tels cas, ou ne connaissent pas assez bien la législation autochtone canadienne pour l'appliquer de façon cohérente et prévisible. Cela est attribuable en partie à la nouveauté de la jurisprudence autochtone et au fait que bien des juges ont reçu peu de formation, voire aucune. À preuve, la Cour suprême du Canada a renversé bon nombre de décisions des cours d'appel et des cours inférieures concernant les peuples autochtones et leurs droits.

L'examen des arrêts Badger, Sioui et Sparrow ainsi que d'une vingtaine d'autres importantes affaires concernant les droits ancestraux et issus de traités révèle que la première décision du tribunal est généralement défavorable aux Autochtones. Elle est donc renvoyée en appel et, d'un tribunal à l'autre, l'affaire va jusqu'à la Cour suprême.

On s'aperçoit que, très souvent, même les cours d'appel errent, ce qui est rare dans la jurisprudence canadienne. De manière générale, les jugements unanimes des cours d'appel sont justes et confirmés par la Cour suprême. Dans le cas des affaires autochtones, cependant, la tendance ne semble pas être la même. Cela vient du fait qu'un droit nouveau est en cours d'élaboration. (Richard Saunders, Commission crie-naskapie, fascicule n11, 3 novembre 1998, p. 15.)

En l’absence d’une législation appliquée de façon cohérente, les parties autochtone et gouvernementale continuent d'avoir recours à des procès pour résoudre leurs différends plutôt que d’opter pour la négociation politique.

On s'est interrogé également sur la capacité des tribunaux canadiens de trancher les conflits découlant des nouveaux rapports politiques. Pour que les peuples autochtones soient des partenaires de plein droit dans la société canadienne, l’instance servant à régler les différends qui surgissent entre ces peuples et la société doit refléter ce partenariat. Des témoins nous ont dit que l’idée d’un partenariat et d'un partage des responsabilités en matière d’administration de la justice n’est pas neuve. Elle a ses racines dans les premiers pactes entre les peuples autochtones et le gouvernement canadien. Par exemple, la plupart des traités numérotés contiennent des dispositions qui reconnaissent ce partenariat. Le juge Linton Smith a déclaré au Comité :

Le gouvernement du Canada et les fondateurs des nations indiennes d’aujourd’hui ont convenu que nos deux peuples travailleraient ensemble pour maintenir la paix et assurer la justice dans toute l’étendue des terres cédées au Canada par le biais des traités. J’estime que nous sommes liés par les engagements qu’ont pris nos ancêtres les uns envers les autres d’établir des programmes de justice fondés sur la coopération, la consultation et le partenariat sur une vaste échelle.(18)

Par le passé, les peuples et les organisations autochtones, de même que les nombreuses commissions d'enquête qui se sont penchées sur l'administration de la justice à l’égard des peuples autochtones, ont prôné soit l'établissement de systèmes de justice et de tribunaux distincts et parallèles pour les Autochtones, soit la création, dans le système judiciaire canadien, de tribunaux administratifs spécialisés. Une formation plus poussée pour les juges, le personnel de la cour et les avocats a également été recommandée afin qu’ils soient au courant de l’évolution du droit autochtone et conventionnel et, ainsi, mieux équipés pour tenir compte des dimensions et des cultures autochtones dans les procédures judiciaires.

 

2. Conclusions et recommandations du Comité

Cette partie du rapport porte surtout sur les mesures que nous croyons nécessaires pour surmonter les obstacles structurels et institutionnels qui nuisent à la négociation et à l’application des traités et des ententes.

 

2.1 Le droit à l'autonomie gouvernementale

Des témoins autochtones nous ont expliqué de façon convaincante les motifs de division qui existent au sein de leur collectivité, que ce soit le sexe, les distinctions d’ordre juridique imposées, etc. Ils ont fait remarquer que ces divisions sont parfois attribuables aux mécanismes d’autonomie gouvernementale et, en particulier, à la façon dont ils sont structurés et financés. Le Comité comprend que ces divisions et les différends qu’elles déclenchent ont des causes multiples. Il s’agit non seulement de la Loi sur les Indiens, mais également des politiques passées et présentes du gouvernement fédéral relativement à la portée de sa responsabilité aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et des processus de négociation et de mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale.

Le Comité craint que les questions de compétence non résolues nuisent à l’exercice de l’autonomie gouvernementale pour bien des peuples autochtones. Il estime que, de ce fait, bon nombre de peuples autochtones n’ont pas accès à des mécanismes d’autonomie gouvernementale qui tiennent compte de leur situation, de leurs aspirations et de leurs intérêts particuliers. Qui plus est, en limitant les possibilités offertes à certains groupes d’autochtones, le gouvernement du Canada n’agit peut-être pas en conformité avec l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou avec sa propre politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

Les questions de statut de nation, de représentation et de statut de membre sont au cœur du principe de l’autonomie gouvernementale et concernent les peuples autochtones et les gouvernements également. Pour les premiers, ces questions ont une incidence particulière sur la façon dont ils s’organisent pour mener leurs initiatives d’autonomie gouvernementale. Pour le gouvernement fédéral, ces questions sont également pertinentes pour ce qui est des stratégies organisationnelles et des politiques en matière d’autonomie gouvernementale. Elles ont notamment des implications pour ce qui est du choix des parties autochtones avec lesquelles le gouvernement fédéral devrait engager des négociations d’autonomie gouvernementale et de la façon dont elles devraient être menées et financées.

Aux fins de l’autonomie gouvernementale, les questions de représentation, de participation et de statut des nations soulèvent manifestement la controverse, et peuvent être des ferments de discorde. Le Comité s’est fait dire que la notion de statut de nation peut être applicable dans de nombreux cas où les peuples autochtones recherchent l’autonomie gouvernementale. Il a toutefois appris que les nations autochtones ne représentent pas le seul moyen d’obtenir l’autonomie gouvernementale ni, parfois, le moyen le plus réaliste, compte tenu de la situation de nombreux peuples autochtones, situation qui est façonnée par des distinctions géographiques, juridiques, culturelles, sociales et politiques.

 

Recommandation 1

Le Comité recommande, compte tenu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, que le gouvernement fédéral adopte, dans la négociation de l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, une approche qui soit souple, globale et sensible à la diversité passée et présente des peuples autochtones et de leurs aspirations. Le Comité estime que l’autonomie gouvernementale est un droit pour les Premières nations, les Inuits et les Métis et recommande que les processus de négociation et de mise en œuvre tiennent compte des revendications et des intérêts respectifs de ces peuples.

 

2.2 Négociation et mise en œuvre – la responsabilité au gouvernement fédéral

Les témoignages entendus par le Comité donnent à penser que les peuples autochtones, sont largement favorables à l’attribution à une instance autre que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) de la responsabilité administrative concernant la négociation et la mise en place des relations. Le Comité estime lui aussi que le MAINC ne constitue pas la structure administrative indiquée pour assumer cette responsabilité. Il ne serait pas non plus approprié de lui confier l’exécution des obligations de la Couronne découlant de traités et d’ententes conclus avec les Autochtones.

Le Comité est donc intimement convaincu de la nécessité de retirer au MAINC toutes les responsabilités liées à la négociation et à la mise en place des relations avec les Premières nations et les Inuits et de retirer en même temps à l’Interlocuteur fédéral ces responsabilités vis-à-vis les Métis et les Indiens non inscrits. Celles-ci devraient relever d’un niveau plus élevé de la structure administrative fédérale de manière à permettre au Canada d’engager les Autochtones dans les négociations sérieuses qu’exigent les nouvelles relations et de négocier et mettre en œuvre les traités et ententes avec la crédibilité, la conscience professionnelle et la rigueur nécessaires pour sauvegarder l’honneur de la Couronne

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral établisse par une loi un nouveau Bureau des relations avec les Autochtones, chargé de négocier et de mettre en place des relations avec tous les peuples autochtones. Ce bureau serait établi hors du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le Comité recommande également que le Bureau se compose de deux entités distinctes : une Division de la négociation des traités et ententes et un Secrétariat à l’application des traités et ententes.

La Division de la négociation des traités et ententes serait responsable au premier chef de négocier au nom du gouvernement du Canada avec tous les peuples autochtones, notamment les Premières nations, les Inuits et les Métis. Elle pourrait être dirigée par un haut fonctionnaire, faisant fonction de négociateur des traités et ententes avec les peuples autochtones.

Le Secrétariat à l’application des traités et ententes exécuterait et administrerait les obligations de la Couronne, notamment les obligations financières découlant des traités, de l’autonomie gouvernementale et des ententes connexes. Il serait chargé de coordonner les responsabilités en matière de mise en œuvre partagées par les ministères et organismes gouvernementaux ainsi que de consulter les peuples autochtones et de coopérer avec eux sur toute question relative à l’application des traités et ententes. Comme il aurait une vocation opérationnelle, il pourrait être dirigé par un haut fonctionnaire assumant les responsabilités de Secrétaire. Un haut fonctionnaire ayant rang de sous-ministre devrait être chargé de la responsabilité globale de l'administration et des activités du Bureau des relations avec les Autochtones.

Nous estimons qu'il est possible d'établir et faire fonctionner le Bureau des relations avec les Autochtones en lui attribuant les ressources financières consacrées à l'exercice des responsabilités fédérales en matière de négociation, de mise en œuvre et d'administration des traités et ententes, qui sont prévues au budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord.

Compte tenu de ses liens étroits avec le Cabinet du premier ministre, le Bureau du Conseil privé serait, à notre avis, le lieu idéal où situer le nouveau Bureau. Le Conseil privé a le profil et l'orientation stratégique souhaitables pour se charger des relations avec les Autochtones. Il possède une expérience pratique des affaires et des politiques concernant les Autochtones et a déjà secondé le gouvernement lors de négociations avec eux. Actuellement, il appuie le ministre des Affaires intergouvernementales dans la conduite des relations de gouvernement à gouvernement au sein de la fédération, qui comprend désormais le nouveau territoire du Nunavut.

Il serait également envisageable d'établir un nouveau ministère des relations autochtones, selon le modèle proposé par la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA). Le Comité souscrit à l’orientation générale préconisée par la CRPA pour une réorganisation au sein du gouvernement, mais il n’est pas convaincu que le gouvernement est disposé en ce moment à entreprendre des réformes en profondeur. Cependant, faute d’une impulsion suffisante pour réaliser cette réforme, il ne faudrait pas que soit retardée la réorganisation des responsabilités spécifiques liées à la négociation et à la mise en place des relations avec les peuples autochtones, au moyen de traités, d’ententes d’autonomie et d’ententes connexes. De fait, sans cette réorganisation, il sera impossible au gouvernement de réaliser l’objectif d’établir de nouvelles relations de partenariat avec les peuples autochtones dont il est question dans Rassembler nos forces.

Le jour où le gouvernement fédéral confiera la gestion de tous les aspects des affaires autochtones à une nouvelle structure administrative sur le modèle de celle recommandée par la CRPA pour le ministère des Relations avec les Autochtones, par exemple, les fonctions, responsabilités et attributions du Bureau des relations avec les Autochtones pourront être transférées à ce nouveau ministère.

Nous prévoyons que le MAINC conservera pour un temps son rôle et ses responsabilités traditionnels, notamment en matière de prestation des programmes et services et d’administration et de gestion des relations dans le cas des Premières nations qui choisiront de continuer de relever de la Loi sur les Indiens. À long terme, toutefois, il nous apparaît possible que le MAINC soit entièrement démantelé et remplacé par un seul organisme fédéral, rationalisé, qui serait chargé d’assumer les obligations juridiques, fiduciaires, constitutionnelles et autres de la Couronne découlant des traités et ententes signés avec tous les peuples autochtones.

 

2.3 Cadre législatif de la négociation et de la mise en œuvre des nouvelles relations

Le Comité croit que, sans un cadre législatif officiel, il sera difficile de traduire en mesures tangibles les engagements symboliques du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones et d’établir avec eux de nouvelles relations de partenariat. En l’absence d’un tel cadre, l’application fragmentée et incohérente des politiques continuera d’empêcher la conclusion de traités et d’ententes. Une fois ces traités et ententes mis en place, leur interprétation continuera d’incomber à des fonctionnaires jouissant d’une grande latitude. En bout de ligne, l’impression que le gouvernement du Canada considère ses obligations découlant des traités comme une affaire discrétionnaire plutôt que comme une obligation se perpétuera, réduisant encore davantage la crédibilité du gouvernement aux yeux de ses partenaires autochtones.

Le Comité est donc d’avis qu’une nouvelle loi, avalisée par les peuples autochtones, est nécessaire pour donner un cadre et un fondement législatifs larges à la politique du gouvernement sur ses rapports avec les peuples autochtones et pour en appuyer la négociation et la conduite. Une telle loi aiderait en premier lieu le gouvernement du Canada à s'organiser aux fins de la négociation et de la gestion de ses relations avec les peuples autochtones. Elle fournirait également un cadre législatif officiel qui servirait de guide à cet égard aux fonctionnaires, aux gouvernements, aux peuples autochtones et à d’autres parties.

Mais il faut dire que cette loi ne prescrirait pas les formes précises que prendra l’autonomie gouvernementale des Autochtones. Comme à l’heure actuelle, une autre loi fédérale serait requise pour mettre en œuvre les diverses ententes, relations et institutions connexes, y compris celles établies à l’échelle régionale. La Loi sur les Indiens continuerait de s’appliquer aux Premières nations qui choisiraient de relever d’elle à court et à moyen terme.

 

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral adopte une loi ayant un large cadre législatif propre à orienter le gouvernement dans la négociation et la mise en place des relations prévues dans les traités et autres ententes conclus avec les peuples autochtones. Le ministre responsable du nouveau Bureau des relations avec les autochtones serait chargé de l’application de cette loi.

Le Comité propose que la nouvelle loi prévoit ce qui suit :

  • L’établissement de principes pour guider le gouvernement du Canada dans ses relations avec les peuples autochtones. Il pourrait s’agir par exemple, de la reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; du statut des traités et des règles régissant leur interprétation; de la représentation des Autochtones aux négociations; et de l’engagement du gouvernement à faire preuve de bonne foi dans la négociation et la mise en œuvre de traités et d’ententes avec tous les peuples autochtones.
  • La reconnaissance par le gouvernement de l’engagement à participer à divers processus pour instaurer et mettre en place des relations avec tous les peuples autochtones du Canada. Cela pourrait viser la mise en œuvre, le renouvellement et la négociation de traités et ententes, ainsi des mécanismes pour l’exercice du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, dans le cadre d’un traité ou autrement. La loi devrait préciser que tous les peuples autochtones du Canada auraient également accès à ces mécanismes ou processus, qui pourraient être assez souples pour répondre aux différents besoins, aspirations et préférences des Autochtones.
  • La définition des types d'instruments ou mécanismes qui pourraient servir à la mise en place des relations, en fonction des préférences des peuples autochtones. Il pourrait s'agir, par exemple, de traités, d’ententes sur l’autonomie gouvernementale et les revendications territoriales globales, d’ententes-cadres, d’accords ou de mesures législatives.
  • L’établissement d’une orientation et d’un cadre larges pour les processus relatifs aux traités et à l’autonomie gouvernementale, visant l’instauration et la conduite des relations entre les peuples autochtones et le gouvernement. Le cadre pourrait couvrir des questions comme les ententes de financement nécessaires pour appuyer la participation autochtone, l’autorisation des représentants autochtones, les processus régionaux et ceux qui sont spécifiques à des groupes de peuples autochtones.
  • L’énumération des sujets pouvant être examinés dans le cadre de ces processus, comme les questions des terres et des ressources, la fonction gouvernementale, les compétences, les arrangements financiers, les ententes relatives à la prestation et à la gestion de programmes et services.
  • L’établissement d’un cadre pour orienter la négociation et la conclusion d’ententes financières, de même que l’administration, la gestion et l’exécution des obligations et des responsabilités financières du gouvernement du Canada découlant des traités des ententes d’autonomie gouvernementale et d’ententes connexes.

Pour s’assurer que la nouvelle loi suit l’évolution du droit régissant les droits ancestraux et issus de traités, il faudra prévoir un législatif périodique. Par exemple, la loi pourrait faire l’objet d’un examen tous les cinq ans, qui permettrait de proposer les modifications qu’il convient d’y apporter.

 

2.4 Un organe de surveillance indépendant

Compte tenu du grand nombre recommandations formulées lors d’enquêtes antérieures quant à la nécessité de créer, à l’échelon national, des organismes indépendants, ayant l’autorité et des pouvoirs réels de surveillance sur les relations entre les Autochtones et le gouvernement, le Comité s’étonne du peu de structures établies à ce jour. Le Comité Penner, par exemple, a recommandé la création d’une agence de surveillance ou d’un ombudsman, comptable au Parlement et chargé de veiller à ce que le gouvernement fédéral respecte ses responsabilités à l’égard des Premières nations.(19)

La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé l’établissement de commissions de traités, indépendantes et impartiales, pour créer un contexte favorable au renouvellement des relations découlant des traités et à l’établissement et à la mise en place de relations nouvelles(20). La CRPA a également recommandé l’établissement d’une Commission d’examen de la situation des peuples autochtones, comptable au Parlement et chargée de suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre des traités et dans la réalisation de l’autonomie gouvernementale, par exemple(21). Le Tribunal des terres et traités autochtones est l’élément central des nouvelles structures recommandées par la CRPA pour veiller sur la négociation et la mise en place de relations nouvelles et renouvelées. Cet organe aurait de multiples fonctions, notamment celle de surveiller et d’assurer la bonne foi des parties dans les activités de négociation et de mise en œuvre. En tant que tribunal administratif indépendant, il trancherait les questions qui, autrement, devraient être soumises aux tribunaux ordinaires.(22)

Le Comité est d’avis qu’une institution indépendante, relevant du Parlement, pourrait favoriser grandement l’harmonie dans les rapports de partenariat avec les peuples autochtones. L’organisme devrait avoir les pouvoirs nécessaires pour bien s’acquitter de son mandat de superviseur indépendant des relations entre les Autochtones et le gouvernement.

Les recommandations de la CRPA en faveur d’une Commission d’examen de la situation des peuples autochtones, de commissions des traités et d’un Tribunal des traités et des terres autochtones, ainsi que celle du Comité Penner pour un ombudsman/organisme de surveillance indépendant, constituent des points de repère utiles pour établir le mandat d’un tel organisme. La Commission canadienne des droits de la personne et le Commissaire aux langues officielles peuvent aussi servir de modèle pour la structure, l’organisation, les pouvoirs et les attributions de cet organisme.

La CRPA a recommandé qu’un grand nombre de fonctions soient réparties entre plusieurs institutions. Le Comité est d’avis que ces fonctions devraient plutôt être regroupées dans une même structure. Plusieurs raisons nous amènent à penser ainsi. Premièrement, un grand nombre de ces fonctions ne sont pas incompatibles. Deuxièmement, notre recommandation (voir la section suivante) de mesures visant à accroître la capacité judiciaire du Canada à instruire des affaires de droit conventionnel et de droit autochtone rend moins nécessaire un tribunal spécialisé et distinct. Troisièmement, le gouvernement du Canada ne s’est pas montré disposé à entreprendre le genre de réformes et de réorganisations institutionnelles qui s’imposeraient si plusieurs nouveaux organes du genre recommandé par la CRPA étaient créés.

Le Comité croit qu’une nouvelle institution, une Commission d’examen de l’application des droits ancestraux et issus de traités, répondrait au besoin d’un organisme de surveillance national et indépendant. Sur demande, elle aiderait les parties autochtone et gouvernementale à régler les aspects politiques de leurs rapports, et les inciterait à respecter leurs obligations juridiques. Elle constituerait aussi un centre d’information sur les relations autochtones-gouvernement pour les peuples, dirigeants et organisations autochtones et pour les dirigeants politiques non autochtones, les parlementaires et le public canadien.

Une telle Commission pourrait se voir confier le large mandat de superviser les rapports politiques de manière à promouvoir, à respecter et à maintenir les droits ancestraux et issus de traités, l’honneur de la Couronne, de même que l’esprit et la lettre des traités, des ententes d’autonomie gouvernementale et de la législation et des ententes connexes. Elle n’interviendrait pas, toutefois, dans les aspects essentiellement politiques des relations entre les peuples autochtones et la Couronne. Au sujet du mandat, la Commission pourrait aussi exercer plusieurs fonctions et les pouvoirs correspondants. Elle pourrait jouer divers rôles : rapporteur et éducateur public, enquêteur, facilitateur des relations entre les Autochtones et le gouvernement. L’étendue éventuelle de ces rôles de la Commission et les pouvoirs correspondants sont examinés ci-après.

Le rôle de rapporteur et d’éducateur public

La Commission pourrait établir chaque année un rapport qui serait remis aux organisations autochtones ainsi qu’à la Chambre des communes et au Sénat. Ce rapport :

  • ferait le bilan des activités menées par la Commission dans le cadre de ses attributions;
  • ferait des recommandations générales aux parties et aux représentants des gouvernements et des Autochtones, le cas échéant;
  • ferait état des mesures prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les rapports antérieurs.

La Commission mènerait des activités pour sensibiliser le public aux droits ancestraux et issus de traités protégés par la Constitution, aux traités, à l’autonomie gouvernementale autochtone, aux rapports entre les Autochtones et les gouvernements ainsi qu’à la législation relative aux peuples autochtones. Elle pourrait aussi faire office d’agent de liaison entre les organisations, communautés et institutions autochtones, les comités parlementaires, les ministères et les organismes du gouvernement.

 

Le rôle d’enquêteur

Le rôle d’enquêteur de la Commission pourrait comprendre deux fonctions connexes : une de type ombudsman et une autre de contrôle de la conformité. Dans son rôle d’ombudsman des peuples autochtones, la Commission examinerait les plaintes et, le cas échéant, ferait enquête et rapport sur les présumées infractions aux traités, aux ententes d’autonomie gouvernementale, aux ententes et textes de loi connexes (dont la nouvelle loi sur les relations entre les Autochtones et le gouvernement), aux droits ancestraux et issus de traités ainsi qu’aux obligations fiduciaires de la Couronne. Dans son rôle d’enquêteur, la Commission pourrait aussi, dans des circonstances précises, être habilitée à mener des enquêtes indépendantes et à faire des « vérifications » ou contrôles de la conformité à cet égard.

Le rôle de facilitateur

 

La Commission pourrait aussi jouer un rôle actif de promotion et de facilitation du débat entre les Autochtones et le gouvernement, les aidant à aborder dans un esprit non antagoniste les questions litigieuses qui se posent dans les négociations et dans leurs rapports. Sur demande, elle guiderait les parties dans leurs discussions en appliquant des normes de conduite équitables et appropriées.

Dans l’exercice de ces rôles, le mandat de la Commission d’examen de l’application des droits ancestraux et issus de traités pourrait englober :

  1. la nouvelle loi visant à aider le gouvernement du Canada à négocier et à mettre en place des relations avec les peuples autochtones, comme il est proposé dans la recommandation 3;
  2. la négociation et la mise en place de rapports au moyen de traités, d’ententes d’autonomie gouvernementale, d’ententes connexes et de textes de loi;
  3. la reconnaissance et le respect des droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada;
  4. la relation fiduciaire et l’exécution des obligations fiduciaires du gouvernement du Canada à l’égard des peuples autochtones.

Quant à sa structure, son organisation et sa composition, la Commission d’examen de l’application des droits ancestraux pourrait se composer d’un commissaire en chef et de membres nommés par le gouverneur en conseil. Le commissaire en chef pourrait être nommé par résolution de la Chambre des communes et du Sénat, avec l’accord des organisations représentant les peuples autochtones. La nomination des membres devrait se faire à partir des candidatures soumises par les organisations nationales représentant les peuples autochtones, y compris les femmes autochtones et les communautés urbaines autochtones. Un ou plusieurs membres devraient être nommés par le gouvernement du Canada.

L’indépendance de la Commission par rapport au gouvernement serait assurée par le mode de nomination, la présentation de rapports et la liberté qu’elle aurait de recruter son propre personnel et de fixer les conditions d’emploi.

À la lumière des témoignages reçus et de nos conclusions sur la nécessité d’une institution indépendante chargée d’orienter l'établissement et la gestion des rapports entre les peuples autochtones et le gouvernement :

Recommandation 4

Le Comité recommande qu’avec l’accord des peuples autochtones et de leurs représentants, le gouvernement du Canada établisse, par une loi, une Commission d’examen de l’application des droits ancestraux et issus de traités, qui servirait d’organe indépendant chargé de surveiller les rapports entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada et qui serait responsable devant le Parlement.

Le Comité recommande que le mandat de ladite Commission comporte trois rôles principaux :

  1. un rôle de rapporteur et d’éducateur public;
  2. un rôle d’enquêteur comprenant une fonction d’ombudsman et une fonction de contrôle de la conformité;
  3. un rôle de facilitateur.

En tant que nouvelle institution indépendante assumant des fonctions de surveillance pour les rapports entre les Autochtones et le gouvernement, la Commission d’examen pourrait être créée dans le cadre de la nouvelle loi proposée dans la recommandation 3. Le texte de loi définirait le rôle, les pouvoirs, les fonctions et la structure de la Commission, tel que décrits ci-dessus.

2.5 Le système judiciaire au Canada

Les causes concernant les droits ancestraux ou issus de traités soulèvent des questions complexes, qui doivent être tranchées à la lumière de doctrines s’appliquant spécifiquement aux peuples autochtones et à leurs droits.

Il demeure impératif d'améliorer la capacité du système judiciaire de fournir des services aux peuples autochtones. À cet égard, nous estimons nécessaire que les juges de tous les échelons de l'appareil judiciaire, les hauts fonctionnaires de la cour et les avocats aient l'occasion de recevoir une formation interculturelle continue, pour être mieux au fait des droits ancestraux et issus de traités, de l'évolution du droit autochtone ainsi que des dimensions, cultures et traditions autochtones, et des problèmes sociaux et juridiques des Autochtones.

Nous sommes d'avis que l'amélioration de la capacité de l'appareil judiciaire d'arbitrer les causes concernant les droits ancestraux et issus de traités permettra aux peuples autochtones de bénéficier décisions et recours cohérents, rapides, ayant force exécutoire et faisant autorité.

Recommandation 5

Le Comité recommande de donner aux juges, hauts fonctionnaires et avocats à tous les échelons du système judiciaire canadien l’occasion d’acquérir une formation interculturelle de nature à les sensibiliser aux droits ancestraux et issus de traités, à l’évolution du droit autochtone, ainsi qu’aux dimensions, cultures et traditions autochtones et aux problèmes sociaux et juridiques des Autochtones.

 

3. Implications de nos recommandations

Nos recommandations ont des implications pour chacun des trois organes de gouvernement. L’exécutif est invité à modifier son organisation pour ce qui concerne la gestion de ses rapports avec les peuples autochtones. Le Parlement deviendra un intervenant plus actif dans les dossiers des droits ancestraux et issus de traités et des relations entre les Autochtones et le gouvernement avec la création - directement sous son autorité mais indépendante de lui - d’une Commission d’examen de l’application des droits ancestraux et issus de traités. L’organe législatif du gouvernement aura aussi un rôle permanent à jouer, celui d’examiner l’application de la nouvelle loi qui guidera le gouvernement fédéral dans ses rapports avec les Autochtones et de participer aux débats portant sur les modifications à y apporter. Enfin, nous recommandons que soient prises des mesures visant à améliorer la capacité du système judiciaire de rendre des décisions concernant les peuples autochtones en temps opportun, de manière cohérente et faisant jurisprudence.

Nous croyons que la participation de tous les organes de gouvernement ainsi que des peuples autochtones à ces réformes s’impose, étant donné les implications symboliques et pratiques des nouvelles relations pour la concrétisation d’une réconciliation et d’un partenariat entre Canadiens autochtones et non autochtones.

Nous croyons également que les peuples et les organismes autochtones doivent être des partenaires à part entière du gouvernement dans l’application de ces recommandations. Leur accord est nécessaire pour mettre en place les mécanismes recommandés.

Nos recommandations visent à surmonter les obstacles systémiques et structurels qui nuisent à la négociation et à l'application rapides et efficaces des nouvelles relations. Nous croyons que l’application de nos recommandations de réforme institutionnelle et législative aidera à la fois les gouvernements et les peuples autochtones dans leur effort pour établir des relations de partenariat et de coexistence. Mais surtout, le Comité espère que ses recommandations contribueront à créer un climat propice à la concrétisation des diverses formules, originales et prometteuses, que les Autochtones conçoivent et préconisent en matière de gouvernement autochtone et de relations avec le gouvernement.

Certes il faudra réaffecter des ressources et en consacrer de nouvelles pour donner suite à nos recommandations, mais nous pensons qu'avec le temps des économies seront possibles à l'échelle de tout le système, à mesure que les traités, les ententes et les rapports entre peuples autochtones et gouvernement seront négociés et appliqués plus rapidement, et d'une manière uniforme et prévisible. Des économies seront également rendues possible avec la réorientation des structures administratives du gouvernement en faveur de relations de partenariat et non de dépendance, et lorsque les Autochtones et le gouvernement seront moins portés à recourir aux tribunaux pour régler leurs différends grâce à une meilleure exécution des obligations juridiques de la Couronne et à la supervision des relations par des organes de surveillance neutres et indépendants.

Dans sa réponse à la CRPA, Rassembler nos forces : Le plan d’action du Canada pour les questions autochtones, le gouvernement indique sa volonté de renouveler les partenariats avec les peuples autochtones. Le Comité reconnaît que la clé de l’établissement de nouvelles relations réside dans la volonté politique du gouvernement au pouvoir. Nous espérons que nos recommandations donneront « un coup de pouce » à la réalisation des engagements pris par le gouvernement du Canada à l’égard des peuples autochtones dans Rassembler nos forces.

Nous signalons enfin qu’au cours de nos travaux, nous avons été amenés à nous intéresser au Rapport final du rapporteur spécial des Nations Unies sur les traités, accords et autres arrangements constructifs entre les États et les populations autochtones. Nous remarquons que bon nombre de nos recommandations de changements structurels s’apparentent à celles du rapporteur spécial. Celui-ci recommande par exemple la création d’un organisme consultatif de règlement des conflits, l’établissement d’un nouvel ordre législatif et la mise en place de structures administratives et judiciaires pour gérer les relations entre Autochtones, non-Autochtones et gouvernements(23). Le Comité estime que les gestes posés par le Canada doivent s’harmoniser avec les normes et principes internationaux en matière de droits humains qui concernent les peuples autochtones.


PARTIE II

QUESTIONS RELATIVES À L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE

Au cours de nos audiences, des témoins ont souvent discuté avec nous de questions importantes relatives à notre mandat – l’étude de la fonction gouvernementale autochtone. Dans la Partie I, le Comité a examiné les bases structurelles et institutionnelles que nécessitent de nouvelles relations axées sur le partenariat. Nous avons recommandé des mesures pour améliorer les rapports entre les Autochtones et le gouvernement. C'est là une dimension de l'autonomie gouvernementale des Autochtones.

Dans la présente partie du rapport, notre réflexion se porte sur d’autres aspects de l'autonomie gouvernementale, notamment la structure, les pouvoirs et le financement des gouvernements autochtones et le renforcement des capacités. Comme notre rapport porte surtout sur les changements structurels et institutionnels, nous avons décidé de ne pas formuler de recommandations sur d’autres questions. Toutefois, nous croyons qu’il est important de signaler certains des problèmes et solutions qui nous ont été présentés. Voici donc un aperçu des témoignages que nous avons entendus.

 

1. Les formules de gouvernement autochtone

Compte tenu des données démographiques de la population autochtone - selon un document de l’Association nationale des centres d’amitié et de la Commission du droit du Canada, plus de la moitié des Autochtones vivent dans les centres urbains(24)- , nous étions particulièrement intéressés par les formules de gouvernement en milieu urbain et hors réserve.

Des témoins, venant de partout au pays, ont abordé des questions comme les structures de gouvernement, les pouvoirs et responsabilités, le statut de membre, dans le cadre de formules très diverses. D’ailleurs, les présentations aussi étaient très diverses. Certaines formules prenaient en compte les distinctions entre vie sur et hors réserve et les divisions créées par la Loi sur les Indiens et les politiques fédérales et, dans certains cas, tentaient de surmonter ces divisions. Tout en faisant montre de créativité, ces modèles font voir les défis que comporte l’application de ces différentes formules. Des témoins nous ont répété qu’il n’existait pas de « modèle unique » et que les formules d’autonomie gouvernementale doivent tenir compte de la diversité et être évolutives. Ils ont également indiqué qu’il ne conviendrait pas que les modèles d’autonomie gouvernementale soient dictés par le gouvernement fédéral ou les provinces.

Diverses structures d'autonomie gouvernementale ont été présentées : le gouvernement public, où les peuples autochtones représentant la majorité sur un territoire donné partagent un gouvernement commun avec tous les habitants; le gouvernement à niveaux multiples ou à niveau simple et propre à un groupe ou une nation autochtone; le gouvernement panautochtone hors réserve, et diverses formules de gouvernement en milieu urbain. Le Comité est conscient que ce n’est là qu’une petite portion des nombreuses approches d'autonomie gouvernementale, envisagées ou élaborées par les peuples autochtones. Pour l’instant, nous nous limiterons à quelques-unes d’entre elles et à leurs caractéristiques novatrices.

 

1.1 Gouvernement public

Depuis la création du Nunavut, les Canadiens connaissent assez bien le concept de gouvernement public où les Autochtones forment la majorité de la population. Au cours des audiences, les témoins ont parlé des modèles de gouvernement public préconisés par les Inuits du Nunavik (nord du Québec) et les Inuvialuit et Gwich’in de la région de Beaufort-Delta dans les Territoires du Nord-Ouest. Les Inuits du Nunavik souhaitent réunir les entités publiques de cette région, dont plusieurs ont été créées en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, sous la compétence d’un gouvernement unique et d’une assemblée du Nunavik, élue par tous les habitants de la région, tant autochtones que non autochtones. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Inuvialuit et les Gwich’in cherchent à former un gouvernement public régional. Ces administrations auraient des pouvoirs similaires à ceux d’un gouvernement pour toutes les questions locales et, dans certains cas, des pouvoirs rappelant ceux des gouvernements provinciaux, mais qui seraient assujettis aux nomes fédérales et territoriales.

1.2 Gouvernement métis territorial

Les huit établissements métis situés en Alberta ont ceci d’unique que ce sont les seules collectivités métisses du Canada à avoir obtenu un territoire pour leurs membres. En 1989, la province de l’Alberta et la Federation of Metis Settlements ont conclu un accord qui donnait aux Métis un territoire protégé dans la constitution de l’Alberta et une quantité importante de pouvoirs pour se gouverner(25). Selon l’accord, le Metis Settlements General Council (MSGC) détient les terres en fief simple au nom des huit établissements métis(26). Les pouvoirs de réglementation énoncés dans le Metis Settlements Act portent sur des questions qui relèvent normalement des municipalités ou, dans certains cas, du gouvernement provincial. Chaque établissement est doté d’un conseil local chargé des affaires locales. Les cinq membres de tous les conseils locaux constituent le Metis Settlements General Council, qui a compétence dans les domaines d’intérêt commun des huit établissements. Cette formule est un exemple intéressant de la façon dont un système « fédéral » de gouvernement autochtone peut fonctionner.

Pour régler les différends liés à la législation sur les établissements métis, dans un cadre efficace et sensible aux particularités culturelles, et à l’extérieur du système judiciaire, le Metis Settlements Appeals Tribunal a été créé. Ce tribunal a une compétence exclusive pour tous les différends relatifs aux terres et au statut de membre, peut servir de médiateur ou d’arbitre en vertu de l’Arbitration Act, et exercer sa compétence dans n’importe quel différend avec l’accord des parties concernées.

Autre caractéristique intéressante, l’accord prévoit une phase de transition de sept ans durant laquelle certaines fonctions gouvernementales sont exercées par une commission de transition destinée à aider les conseils d’établissement métis et le conseil général à assumer des responsabilités grandissantes dans la direction des établissements métis. L’accord prévoit également un financement au cours de la même période pour rendre l’infrastructure physique et administrative de ces établissements comparable à celle des gouvernements municipaux et ruraux de l’Alberta. On nous a dit qu’une telle période de transition devrait permettre de développer l’infrastructure, la formation et le soutien technique et administratif tout en permettant à toutes les parties de s’adapter à un nouveau cadre administratif.

 

1.3 Modèle fondé sur une nation ou un traité

Le New Brunswick Aboriginal Peoples Council, qui représente les Autochtones vivant hors réserve, a proposé une forme intégrée d’autonomie gouvernementale à plusieurs paliers. Le premier palier, la tribu, exigerait la reconstitution des gouvernements tribaux des Micmacs et des Malécites. Les Micmacs et les Malécites seraient citoyens de leur gouvernement tribal quels que soient leur lieu de résidence ou leur statut d’après la Loi sur les Indiens. Le gouvernement tribal aurait compétence sur certaines questions touchant la nation, comme les revendications territoriales, les droits ancestraux et issus de traités, l’appartenance à la tribu, la culture, la langue, la spiritualité et l’histoire. Le deuxième palier serait constitué d’organismes de services dans des domaines comme le logement, le développement économique et la formation professionnelle. Ces organismes serviraient tous les citoyens de la nation. Le troisième palier prévoirait la participation des nations Micmacs et Malécites aux assemblées législatives fédérale et provinciale. Le NBAPC a proposé que des sièges soient réservés au Parlement et à l’assemblée législative pour les représentants autochtones élus par tous les membres de la nation quel que soit leur lieu de résidence.

Le Congrès des peuples autochtones (Saskatchewan) et le Treaty Four Governance Committee ont présenté un modèle fondé sur un traité. Ils ont proposé un modèle d’autonomie gouvernementale organisé au sein du territoire du Traité no 4. Les 33 Premières nations du Traité no 4 constitueraient le conseil de régie (assemblée législative) du territoire, qui serait composé de membres vivant à l’intérieur et à l’extérieur de la réserve.

 

1.4 Gouvernement urbain

Dans plusieurs villes au Canada, des peuples autochtones sont en train d’élaborer des institutions et des modèles de gouvernement urbain. Nous avons appris que certaines formules visent des Autochtones d’origines diverses tandis que d’autres sont fondées sur l’appartenance à une seule nation. Des témoins ont expliqué que dans les régions urbaines, le gouvernement autochtone pouvait prendre diverses formes. Selon eux, l’autonomie gouvernementale doit englober une vaste gamme de modalités structurelles, de formules d'exercice du pouvoir et de types de responsabilités. Ils ont souligné également que les formules d’autonomie gouvernementale pour les Autochtones en milieu urbain doivent être particulièrement souples.

La Commission du droit du Canada et l’Association nationale des centres d’amitié ont lancé un projet conjoint visant à réévaluer les formules de gouvernement autochtone en milieu urbain. Dans un document remis au Comité, les deux organisations examinent trois formules principales : la formule fondée sur la nation, la formule fondée sur la communauté urbaine et la formule fondée sur le territoire ou la majorité.(27)

  • Le modèle fondé sur la nation regrouperait des Autochtones urbains de descendance commune. Le document de l’ANCA-CDC indique que les initiatives spécifiques à une nation pourraient prendre une forme extra-territoriale où les membres urbains participent à des gouvernements territoriaux et seraient directement ou indirectement servis par ceux-ci, ou encore qu’elles pourraient rassembler des Autochtones urbains de descendance commune qui décident de mettre sur pied leur propre gouvernement autonome. Cette formule spécifique à chaque nation a été jugée conforme à la recommandation de la CRPA voulant que l’autonomie gouvernementale s’effectue au niveau de la nation.
  • Selon le modèle fondé sur la communauté urbaine, les Autochtones d’une localité urbaine – sans égard au statut, au traité, à la nationalité ou à d’autres critères –formeraient un gouvernement commun doté de certaines institutions ou compétences.
  • Le modèle fondé sur le territoire ou la majorité consisterait à créer des communautés ou réserves autochtones distinctes en milieu urbain afin d’exercer les pouvoirs d’un gouvernement autonome. Ce modèle pourrait s’appliquer à une ou plusieurs nations.

Des témoins de la Commission et de l’Association ont indiqué que chacun de ces modèles avait ses avantages et ses inconvénients. Marc Maracle de l’Association a souligné l'absence de tribune adéquate où discuter de la question du gouvernement urbain et indiqué qu’il fallait que les gens viennent discuter de l'autodétermination et de ce qui leur convient en tant qu’individus, familles ou collectivités.

Vera Pawis Tabobondung, de l’Ontario Federation of Indian Friendship Centres, a indiqué que, quel que soit le modèle, les gouvernements urbains autochtones ne devraient pas être le miroir des gouvernements municipaux. Elle a expliqué que les caractéristiques démographiques des Autochtones en milieu urbain exigent qu’on « mette au point un modèle d’autonomie gouvernementale nouveau et novateur pour la communauté autochtone urbaine ». (Fascicule 23, 17 mars 1999, p.30.)

 

1.5 Le cadre et l'exercice du pouvoir gouvernemental autochtone

Les témoins avaient des vues semblables sur le cadre et l’exercice du gouvernement autochtone. Pour eux, l’autorité du gouvernement autochtone englobait pour l’essentiel le pouvoir d’établir et structurer le gouvernement, de déterminer le statut de membre et la citoyenneté, de contrôler les terres et les ressources, de protéger et promouvoir la langue et la culture, et d’assurer le développement et le bien-être social et économique par l’exercice du pouvoir dans divers champs de compétence. Selon un point de vue entendu fréquemment, le pouvoir autochtone dépasse largement les questions de nature purement locale et déborde sur des champs de compétence qu’occupent actuellement les gouvernements fédéral et provinciaux.

Les groupes autochtones qui ont entrepris des négociations ou des initiatives d’autonomie gouvernementale ont confirmé que les peuples autochtones cherchent à faire reconnaître leur capacité et leur droit de gouvernance dans une multitude de domaines et de champs de compétence.

De nombreux témoins ont dit au Comité que l’accès aux terres et ressources et leur maîtrise étaient un élément juridictionnel déterminant dans le financement de gouvernements autochtones autonomes.

D’autres intervenants ont signalé l’importance capitale de tenir compte des buts et objectifs visés par l’exercice du gouvernement autonome. La B.C. Aboriginal Women’s Council, par exemple, a indiqué que les gouvernements autochtones devaient être en mesure de s’attaquer aux problèmes de développement économique et social et d’apporter des changements tangibles dans des domaines comme les services sociaux, la participation au marché du travail et la formation.

Le grand chef Joseph Tokwiro Norton du conseil mohawk de Kanawake a indiqué que le pouvoir juridictionnel devait être exercé d’une manière compatible avec les traditions, les coutumes et la culture du peuple, même si une harmonisation avec les lois et les textes provinciaux et fédéraux s’impose ou est souhaitable.

Lors d’un exposé conjoint, le Treaty Four Governance Committee et le Congrès des peuples autochtones (Saskatchewan) ont fait leur la position de la CRPA sur la portée du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. Selon la CRPA, ce droit concerne « les questions se rapportant à la bonne gestion des affaires autochtones et aux intérêts des Autochtones et de leurs territoires », et l’exercice de ce pouvoir se décompose en deux parties : le centre et la périphérie. Au centre se trouvent toutes les questions cruciales pour la vie et le bien-être du peuple autochtone, sa culture et son identité; à la périphérie, les questions pouvant avoir un important impact sur les gouvernements voisins et nécessitant de ce fait une coordination étroite avec d’autres gouvernements.

Quant à l’étendue du pouvoir autochtone, le Conseil tribal Mamuitun s’est déclaré favorable, dans son mémoire, à des propositions semblables à celles contenues dans l’Accord de Charlottetown. Le Conseil y recommande que :

Le gouvernement du Canada confirme et réitère que l’exercice du droit à l’autonomie gouvernementale comprend le pouvoir des organes législatifs dûment constitués par les Premières nations d’adopter des lois afin de préserver leurs langues, leurs cultures, leurs économies, leur identité, leurs institutions et leurs traditions et de veiller à leur épanouissement; de développer, maintenir et renforcer leurs liens avec leurs terres, leurs eaux et leur environnement afin de déterminer et de contrôler leur développement en tant que peuples selon leurs propres valeurs et priorités et d’assurer l'intégrité de leurs sociétés.(28)

Les témoins autochtones étaient bien conscients de la grande diversité des peuples et nations autochtones, chacun ayant une histoire et une culture propres. Particuliers et organisations ont hésité à proposer une analyse unique de l’étendue du pouvoir de gouverner qui pourrait s’appliquer à toutes les situations.

Les témoins ont également souligné que les pouvoirs à exercer devront évoluer avec le temps, à mesure que les peuples autochtones développeront leurs pouvoirs et capacités de gestion. Cette évolution pourra se faire en concertation avec les gouvernements concernés. Une approche graduelle permettrait de tenir compte des différences d’expérience, d’histoire et de niveau de capacité de chaque groupe de peuples autochtones nation.

 

2. Le financement des gouvernements autochtones

L’autonomie gouvernementale ne pourra se réaliser si elle ne s’appuie pas sur des ententes financières solides et efficaces. En parlant des ententes actuelles – en particulier celles conclues par le MAINC avec les conseils de bande et de tribu constitués aux termes de la Loi sur les Indiens –, des témoins les ont jugées inadéquates, lourdes et, par-dessus tout, fondées sur des principes qui ont peu à voir avec les besoins réels des communautés.(29) Harold Calla, directeur des finances pour la nation squamish, a formulé les commentaires suivants :

[L]es gouvernements des Premières nations sont probablement les seuls à se limiter à des périodes de planification de 12 mois, puisque c'est tout ce qu'autorise le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous agissons en fonction non pas de nos besoins, mais des fonds mis à notre disposition. Nous devons commencer à définir nos besoins réels et à les présenter de façon à refléter l'apport réel en ressources qui sont nécessaires au fonctionnement de notre gouvernement. Nous […] avons enduré trop longtemps la relation des accords de contribution avec le gouvernement fédéral, qui agit par l'entremise de son ministère des Affaires indiennes. (Fascicule 16, 2 décembre 1998, p. 9.)

Les gouvernements ou organisations autochtones qui sont financés autrement ont fait état de préoccupations semblables. On nous dit, par exemple, que le financement des projets des Métis ne reflète en rien les besoins par habitant.

Quelques principes d’ententes financières se dégagent des témoignages :

  • Les gouvernements autochtones doivent pouvoir compter sur les fonds nécessaires pour assurer des services comparables à ceux qu’offrent les gouvernements non autochtones voisins, conformément à leurs responsabilités. Des représentants de la Federation of Saskatchewan Indian Nations ont insisté sur le fait que les ententes financières doivent permettre aux gouvernements autochtones de fournir un niveau comparable de programmes et services, tout en tenant compte de l’écart que les communautés autochtones doivent combler au chapitre du développement économique et social de base par rapport au reste de la province ou du Canada.
  • Un cadre de politique financière pour le financement des gouvernements autochtones s’impose. Dans un mémoire commun, la Société régionale inuvialuit et le Conseil tribal des Gwich’in ont réclamé un tel cadre, soulignant qu’autrement, les groupes autochtones devront négocier des ententes d’autonomie gouvernementale sans garantie d’obtenir les ressources nécessaires. La Federation of Saskatchewan Indian Nations a formulé des recommandations semblables concernant la nécessité d’approches globales et d’un financement assuré.
  • Il faut supprimer les entraves à l’autonomie financière afin de favoriser les possibilités de recettes autonomes. De nombreux témoins ont indiqué que les entraves à l’autonomie financière et au développement économique prennent leur source dans la Loi sur les Indiens. La Commission consultative de la fiscalité indienne et d’autres intervenants nous ont parlé du potentiel de création de recettes par l’exercice des pouvoirs de taxation des gouvernements autochtones. L’Indigenous Bar Association a fait remarquer qu’il valait la peine d’examiner d’autres instruments financiers quant aux possibilités d'application aux gouvernementaux autochtones. De nombreux intervenants ont parlé de leur expérience d’initiatives et d’institutions de développement économique autochtone qui fonctionnent au profit des communautés autochtones. Leur témoignage a confirmé que les initiatives de développement économique constituent une source précieuse de fonds qui peuvent servir à diverses fins, au choix des peuples autochtones et de leurs gouvernements.
  • Pour de nombreux témoins, le financement d’un gouvernement autochtone est lié à un territoire et à une base de richesses naturelles. Ils ont insisté sur l’importance d’un meilleur accès aux terres et aux ressources, et de pouvoir les gérer dans le respect des traditions autochtones d’intendance et de propriété collectives. Nous avons aussi entendu des appels en faveur d’un partage plus équitable des avantages économiques découlant de l’utilisation, de la mise en valeur et de l’exploitation des terres et des ressources sur les territoires traditionnels. Et le conseil de la nation Atikamekw a parlé du pouvoir d’un gouvernement autochtone de faire des lois relatives aux terres et ressources à des fins de financement
  • Enfin, les ententes financières doivent prévoir l’obligation de rendre compte aux membres de la communauté. Certains témoins autochtones se sont dits préoccupés par les mécanismes de reddition de comptes et les pratiques de gestion financière de leurs gouvernements et organisations. Nous avons appris que des changements sont en cours à cet égard au niveau des communautés et dans le cadre de forums réunissant des gouvernements autochtones et non autochtones pour discuter de nouveaux arrangements financiers et de principes de gestion financière.

En Saskatchewan, le gouvernement fédéral et la Federation of Saskatchewan Indian Nations participent à des discussions bilatérales à une Table des traités (où la province siège comme observateur). La Table des relations financières, qui relève de la Table des traités, a été mise sur pied afin de discuter des relations financières entre gouvernements. L’Indigenous Bar Association a indiqué qu’une table nationale des relations financières pourrait faciliter la discussion sur les solutions de financement des gouvernements autochtones.(30)

Le Comité estime que les mesures prises pour discuter des moyens d'améliorer les relations financières constituent un grand pas en avant et devraient être adoptées par d’autres régions et provinces ou à l'échelle nationale.

 

3. Renforcer les capacités de gouvernance autochtone

Tout comme il est nécessaire d'apporter des réformes institutionnelles et législatives pour bien asseoir la négociation et l'exercice de nouvelles relations, il faut adopter des mesures pour aider les peuples autochtones à renforcer leur capacité de gouverner. La colonisation et des décennies d'administration extérieure ont eu un effet dévastateur sur des peuples autrefois souverains et indépendants. On nous a dit que l’aptitude des communautés autochtones à se gouverner elles-mêmes passait par l'acquisition d’habilités et la capacité interne à gérer efficacement de nouveaux arrangements. Comme l'a affirmé au Comité le grand chef Perry Bellegarde de la Federation of Saskatchewan Indian Nations : « Nous devons rétablir l’autonomie de gouvernement en nous dotant de moyens et en devenant responsables ».

La création d'un institut autochtone chargé d'aider à l'acquisition de compétences de gouvernance est une des recommandations clés de la Commission royale sur les peuples autochtones. La Commission a invité le gouvernement fédéral à établir, de concert avec les organisations autochtones nationales, un centre de transition vers le gouvernement autochtone dont le mandat serait :

    1. d'examiner, d'élaborer et de cordonner avec d'autres établissements des initiatives et des études pour aider les peuples autochtones dans la transition vers l'autonomie gouvernementale autochtone;
    2. d’élaborer et de fournir, par les moyens appropriés, des programmes de formation et d'acquisition de nouvelles compétences pour les dirigeants communautaires;
    3. de faciliter l'échange d'informations entre animateurs et dirigeants communautaires et tous ceux qui participent à la reconstruction des nations autochtones.(31)

Les témoignages entendus sont venus confirmer le besoin pressant d'un tel institut. Par exemple, le grand chef Bellegarde a insisté sur la nécessité d’une formation pour les chefs et administrateurs des gouvernements autochtones. Il a d'ailleurs décrit un projet d’institut que prépare la Federation of Saskatchewan Indian Nations :

L'institut de gouvernement sera un lieu de formation et d'enseignement, d'élaboration de constitutions et de lois sur la citoyenneté, de tout ce dont ont besoin les conseils et les chefs des Premières nations, qu'il s'agisse de droits inhérents, de coutumes ou de lois. Il s'agit d'un projet des Premières nations visant à dispenser une formation professionnelle aux chefs et aux administrateurs des Premières nations dans trois domaines : formation des dirigeants, des chefs et des conseils, des cadres de direction et des administrateurs des bandes; discussions et engagements communautaires pour rebâtir les gouvernements; enfin, élaboration de modèles de codes de citoyenneté, de constitutions, de cadres législatifs et d'instruments de politique ainsi que d'autres outils de gouvernement. (Fascicule 28, 4 mai 1999, p. 31.)

Les représentants de la Société régionale inuvialuit et du Conseil tribal des Gwich'in ont fait valoir que le renforcement des capacités doit se faire pendant la négociation des ententes sur l'autonomie gouvernementale afin que les communautés soient prêtes à assumer leur nouveau rôle. John Graham, de l'Institut sur la gouvernance, qui voit le développement des capacités gouvernementales comme un processus lent dont la période de démarrage est très longue, a fait écho à ce point de vue.

Dans sa présentation, l'Indigenous Bar Association a exhorté les gouvernements à faciliter la reconstitution des capacités des peuples autochtones à se gouverner eux-mêmes d'une manière conforme à leur propre culture. L'IBA appuie la recommandation de la CRPA concernant un centre de transition vers le gouvernement autochtone et se dit disposée à jouer un rôle important dans sa mise en œuvre, étant donné son approche autochtone et sa compétence en matière de droit et de gouvernance.

Plusieurs témoins ont parlé de leur expérience de l'autonomie gouvernementale. Les représentants du Metis Settlements General Council, par exemple, ont évoqué certaines leçons qu'ils avaient tirées de leur expérience dans la mise en œuvre d'une telle structure au cours des dix dernières années. Ils ont parlé d'aspects pratiques comme la durée des mandats, les règles administratives, les processus décisionnels. De telles expériences et connaissances pourraient et devraient être partagées.

L’obligation de rendre des comptes est elle aussi étroitement liée au développement de capacités et de bonnes pratiques de gouvernance. Nous savons que c’est là une forte préoccupation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des communautés autochtones, et avons entendu des témoignages troublants à ce sujet.

Des représentants de la First Nation Accountability Coalition (FNAC) se sont dits très préoccupés par les pratiques de gestion financière qui ont cours au sein de leurs communautés. Comment, se sont-ils demandé, ceux qui vivent de telles situations peuvent-ils souhaiter une autonomie gouvernementale et une latitude financière accrues, si certains chefs abusent déjà des pouvoirs limités que leur confère la Loi sur les Indiens. Leona Freed, présidente de la FNAC (Manitoba), a recommandé la nomination d’un ombudsman autochtone auquel pourraient s’adresser les membres qui estiment que leur gouvernement gère mal les fonds de la bande.

À notre avis, un institut de gouvernance peut jouer un rôle significatif dans l'établissement de gouvernements responsables par la formation, l'élaboration d'outils de gestion et de mécanismes de contrôle appropriés au sein des administrations et par le partage de saines pratiques de gestion.

Le Comité croit que le développement des capacités gouvernementales est un élément essentiel au rétablissement et au développement de gouvernements autochtones. Le gouvernement fédéral s’est déjà prononcé en faveur d’initiatives en ce sens. Dans Rassembler nos forces, le gouvernement se dit « disposé à étudier, avec les Premières nations, la possibilité d’établir des centres de ressources pour l’exercice des pouvoirs »(32). Plus récemment, le MAINC a indiqué son intention d'établir des centres de transition qui feraient connaître les meilleures pratiques et tireraient profit de la mise en commun des expériences et des compétences.(33) Le Comité applaudit toute initiative de ce genre, mais certains témoins s’inquiètent du fait que le gouvernement fédéral est lent à agir.

Le Comité demande au gouvernement fédéral de donner suite à l'engagement pris dans Rassembler nos forces d’aider les peuples autochtones à développer leurs capacités de gouvernance. Nous croyons fermement qu'il est temps d'agir, au moment où de nombreux gouvernements autochtones se reconstituent et assument de nouveaux pouvoirs.

Le Comité est d’accord en principe avec l’idée d’une institution nationale proposée par la CRPA. Son rôle s’apparenterait à celui décrit par la CRPA, les FSIN et d’autres : recherche et partage d’informations sur la fonction gouvernementale autochtone; formation et acquisition de compétences pour les dirigeants communautaires; élaboration de modèles de codes de citoyenneté, d’instruments législatifs et autres outils de gouvernement; mise en commun des meilleures pratiques et de fonctions connexes.

À notre avis, un ou plusieurs instituts impartiaux et indépendants du gouvernement fédéral sont la meilleure formule pour dispenser des capacités gouvernementales. Dans la pratique, des centres régionaux, reliés à un réseau national, pourraient mieux répondre aux besoins des communautés autochtones. Cet institut devra être dirigé et géré par les peuples autochtones et respecter les diversités culturelles entre eux. Les organisations autochtones nationales, l’Indigenous Bar Association et d’autres instances autochtones possédant une expertise en matière de capacités gouvernementales et de responsabilisation devraient être invitées à participer à l’élaboration d’options et de stratégies de mise en œuvre.

 

4. Les femmes autochtones et l’autonomie gouvernementale

Les organisations de femmes autochtones qui ont témoigné devant le Comité ont parlé de l’importance de veiller à ce que la voix des femmes soit entendue dans les initiatives d’autonomie gouvernementale. Comme l’a dit Veronica Dewar, « nous ne pouvons pas voler ensemble s’il y en a une qui a l’aile brisée ».

Des représentantes de ces organisations nous ont dit que les femmes autochtones, en particulier, sont exclues de toute participation utile aux initiatives de gouvernement autonome et autres. Cela s'explique par leurs conditions sociales et économiques marginales et du fait qu’elles sont nombreuses à vivre hors réserve avec leurs enfants et, de ce fait, exclues des décisions de la communauté. Dans son exposé, le B.C. Aboriginal Women’s Council a signalé que les désavantages, la frustration et l’exclusion que vivent les femmes découlent du fait qu’elles ne sont pas au courant des activités d’autonomie gouvernementale des dirigeants autochtones et qu’elles ont peu d’occasions d’être consultées.

Des témoins autochtones, et pas uniquement des représentantes des femmes autochtones, ont signalé le rôle influent et utile de la femme dans les traditions de nombreuses sociétés autochtones, notamment en matière de gouvernance, ainsi que sur le plan économique et social. Ils ont parlé de la nécessité d’inclure les femmes dans les structures et mécanismes politiques dans le respect de ces traditions et d’une manière qui honore et valorise les femmes.

Veronica Dewar, présidente de Pauktuutit, a invité le gouvernement fédéral à jouer un rôle de chef de file en matière d’égalité des sexes dans les négociations sur l’autonomie gouvernementale. Des représentantes du Metis National Council of Women (MNCW) ont rappelé la recommandation de la CRPA voulant que le gouvernement fédéral finance des organisations de femmes autochtones pour faciliter leur participation aux mécanismes d’autonomie gouvernementale et de reconstruction. Elles ont signalé que le gouvernement fédéral n’avait pas consenti de fonds supplémentaires pour répondre à ce besoin, malgré son insistance sur l’importance de cette participation dans le document Rassembler nos forces.

Des témoins ont également parlé des droits des femmes autochtones. Veronica Dewar, présidente de Pauktuutit, et Marilyn Buffalo, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, ont toutes deux réclamé l’application de la Charte des droits et libertés aux ententes d’autonomie gouvernementale. Mme Dewar a affirmé :

Je suis fermement convaincue que tous les Canadiens autochtones, hommes et femmes, voudraient avoir le même genre de protection et d'égalité que garantit la Charte. Par exemple, qui peut contester l'article 7, qui dit que chacun a le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit de ne pas en être privé conformément aux principes de justice fondamentale? (Fascicule 25, 13 avril 1999, p. 46.)

D’après ce que nous ont dit les témoins, nous croyons que de sérieux efforts doivent être faits pour assurer la participation des femmes autochtones à l’élaboration, à la négociation et à la mise en œuvre des initiatives autochtones d’autonomie gouvernementale. Ces initiatives profiteront grandement de leur contribution.

Outre la participation des femmes aux initiatives d’autonomie gouvernementale, nous avons entendu des préoccupations plus générales sur le rôle et le traitement des femmes autochtones. Le B.C. Aboriginal Women’s Council a parlé d’équité en emploi pour les femmes autochtones, de leur pleine participation aux initiatives de guérison et, plus généralement, du taux disproportionné de chômage, de sous-scolarisation, de pauvreté, d’aide sociale et de difficultés économiques qu’on a constaté chez elles. Les organisations de femmes autochtones ont aussi demandé plus d’aide financière du gouvernement pour soutenir divers programmes et initiatives.

 

5. Les jeunes autochtones et l’autonomie gouvernementale

Le Comité a écouté avec beaucoup d’intérêt le point de vue des jeunes autochtones et la description de leur situation dans le contexte de l’autonomie gouvernementale. Dans son témoignage, Stacey Hill, présidente du Conseil des jeunes autochtones de l’Association nationale des centres d’amitié, a attiré l’attention sur la démographie de la population autochtone et a insisté sur l’importance de faire participer les jeunes aux discussions sur la fonction gouvernementale. Les témoins ont parlé des obstacles à une participation constructive des jeunes aux initiatives d’autonomie gouvernementale, mais aussi des différents moyens utilisés par les groupes autochtones pour favoriser cette participation.

Veronica Dewar, de Pauktuutit, a parlé de la pénurie d’emplois pour les jeunes dans les communautés autochtones du Nord. Elle a donné l’exemple d’une jeune élève du secondaire qui lui a dit qu’elle n’avait pas d’avenir à cause du manque d’emplois dans la collectivité. Bien qu’elle ne souhaitait pas quitter sa famille, elle se voyait obligée de quitter son village pour trouver du travail.

Un document de l’Association nationale des centres d’amitié fait le point sur les jeunes en milieu urbain :

De nos jours, les jeunes représentent la principale source d’espoir pour ce qui est du renouvellement des sociétés et des cultures autochtones, dont bon nombre sont terriblement morcelées. Et pourtant, les jeunes autochtones en milieu urbain font face à des niveaux de pauvreté absolument terribles. Tous les problèmes liés à l’alcoolisme et à la toxicomanie, à la violence sexuelle et physique et à l’éclatement familial menacent de nouvelles générations de parents et d’enfants et risquent de les handicaper, de les défavoriser et de créer des conditions sociales destructives. En l’absence d’un gouvernement autochtone efficace, les jeunes cherchent d’autres structures et institutions pour donner un sens à leur vie, comme les gangs de jeunes.(34)

Ces exemples nous montrent qu’il faut faire davantage pour amener ces jeunes à s’investir de façon constructive. Le Comité est d’avis qu’il faut de toute urgence accroître les efforts pour faire véritablement participer les jeunes aux décisions.

Mais tout n’est pas noir. Des organisations autochtones commencent à intégrer les jeunes dans leurs institutions et leurs structures de gestion. Par exemple, nous avons appris avec plaisir que l’Association nationale des centres d’amitié prend des mesures pour donner aux jeunes voix au chapitre dans son mouvement, et que l’Association et la Commission de réforme du droit mènent ensemble des études sur la jeunesse et le gouvernement autochtone en milieu urbain. L’Association est dotée d’un Conseil des jeunes autochtones qui fait partie intégrante de sa structure. Elle est d’ailleurs une des seules délégations à faire comparaître des jeunes devant le Comité. Stacey Hill, présidente du Conseil des jeunes autochtones, est un exemple qui montre bien comment le fait d’associer les jeunes aux décisions politiques les responsabilise et leur permet d’agir de façon constructive.

D’autres témoins ont aussi parlé des initiatives d’autonomie gouvernementale visant la jeunesse. Par exemple, les représentants du Conseil tribal Mamuitun nous ont expliqué qu’ils ont établi des conseils de jeunes et utilisent les écoles pour faire participer les jeunes au processus de consultation sur leur projet d’accord de principe.

La participation des jeunes aux initiatives d’autonomie gouvernementale est une bonne chose pour les collectivités autochtones et qui ne peut qu’aider à promouvoir des idées constructives et novatrices pour faire avancer l’autonomie gouvernementale. Le Comité trouve très encourageants les efforts comme ceux de l’Association nationale des centres d’amitié pour faire participer les jeunes. Nous exhortons les gouvernements à aider les organisations et les gouvernements autochtones à encourager une telle participation.

 

CONCLUSION

Le Comité est fermement convaincu que la création et le renouvellement des relations, fondées sur un partenariat avec les peuples autochtones, passent nécessairement par une réforme législative et institutionnelle. Avec les mesures que nous recommandons, les gouvernements et les peuples autochtones seront mieux outillés pour bâtir ces relations. Le Comité espère qu’elles aideront aussi à créer un climat favorisant diverses approches à l’autonomie gouvernementale autochtone. Nous constatons une fois encore que l’élément absolument essentiel est la volonté politique. Le gouvernement du Canada doit agir — d’abord en mettant en application les recommandations de notre Comité, et celles d’autres instances, et ensuite en donnant suite à son engagement de forger de nouvelles relations, fondées sur le partenariat et le respect.

 

RECOMMANDATIONS

Recommandation 1

Le Comité recommande, compte tenu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, que le gouvernement fédéral adopte, dans la négociation de l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, une approche qui soit souple, globale et sensible à la diversité passée et présente des peuples autochtones et de leurs aspirations. Le Comité estime que l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones est un droit pour les Premières nations, les Inuits et les Métis et recommande que les processus de négociation et de mise en œuvre tiennent compte des intérêts et revendications respectifs de ces peuples.

 

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral établisse par voie législative un nouveau Bureau des relations avec les Autochtones, chargé de négocier et de mettre en place des relations avec tous les peuples autochtones. Ce bureau serait établi hors du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le Comité recommande également que ce Bureau soit composé de deux entités distinctes : une Division de la négociation des traités et ententes et un Secrétariat à l’application des traités et ententes.

 

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral adopte une loi créant un large cadre législatif propre à orienter le gouvernement du Canada dans la négociation et la mise en place des relations prévues dans les traités et autres ententes conclus avec les peuples autochtones. Le ministre responsable du nouveau Bureau des relations avec les autochtones serait chargé de l’application de cette loi.

 

Recommandation 4

Le Comité recommande qu’avec l’accord des peuples autochtones et de leurs représentants, le gouvernement du Canada établisse, par une loi, une Commission d’examen de l’application des droits ancestraux et issus de traités, qui servirait d’organe indépendant chargé de surveiller les rapports entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada et qui serait responsable devant le Parlement. 

Le Comité recommande que le mandat de ladite Commission comporte trois rôles principaux :

i. un rôle de rapporteur et d’éducateur public;

ii. un rôle d’enquêteur comprenant une fonction d’ombudsman et une fonction de contrôle de la conformité;

iii.    un rôle de facilitateur.

 

Recommandation 5

Le Comité recommande de donner aux juges, hauts fonctionnaires et avocats à tous les échelons du système judiciaire canadien l’occasion d’acquérir une formation interculturelle de nature à les sensibiliser aux droits ancestraux et issus des traités, à l’évolution du droit autochtone, ainsi qu’aux dimensions, cultures et traditions autochtones et aux problèmes sociaux et juridiques des Autochtones.


ANNEXE A

Liste des témoins

Le mardi 3 novembre 1998

Commission crie-naskapie :
    Richard Saunders, président intérimaire
    Philip Awashish, commissaire
    Robert Kanatewat, commissaire

Le mercredi 4 novembre 1998

Campbell River First Nations :
   Chef John Henderson

Native Brotherhood of B.C. :
   Christine Hunt, première vice-présidente

Laxgal'Sap Nisga'a Fishersmen's Commission :
   Chef Hubert Haldane

Kwaitul First Nation :
   Chef Alfred Hunt

Allied Tribes Tsimshian Nation :
    Victor Kelly, porte-parole

Gitxsan Wet'suwet'en :
   Richard Morgan

Namgis First Nations :
   Greg Wadhams, conseiller

United Fishermen and Allied Workers' Union :
   John Radosevic, président

Le mercredi 18 novembre 1998

Metis Settlements General Council :
   Ken Noskey, président

Le mercredi 25 novembre 1998

Association nationale du logement autochtone :
   Mel Buffalo, président

Le mercredi 2 décembre 1998

Première nations Squamish de la Colombie Britannique :
    Harold Calla, directeur des finances
    Jason Calla

Le mardi 2 février 1999

Conseil tribal Mamuitun :
    Rémy "Kak'wa" Kurtness, négociateur en chef
    Chef René Simon
    Chef Denis Ross
    Chef Clifford Moar

Congrès des peuples autochtones (Saskatchewan) :
    Jim Sinclair, président
    Jake Falcon, membre du conseil

Traité 4 :
   Ron Crowe, Traité 4
    Tony Côté, Traité 4

Conseil Tribal du Territoire Akaitcho :
   Chef Jonas Sangris, communauté des Dénés Yellowknives (Dettah)
    Chef Don Balsillie, Deninu K’ue
    Sharon H. Venne, négotiateur en chef

Banque de Montréal :
   Ron Jamieson, Vice-président principal

Le mercredi 3 février 1999

O.I. Group of Companies :
   Roger Obonsawin, président

Aboriginal Women’s Council :
   Leonie Rivers, gestionnaire intérimaire
    Lynne Widdows, technicienne, Sko’mish

Commission d’établissement du Nunavut :
    John Amagoalik, commissaire en chef

Le mardi 9 février 1999

Commission consultative de la fiscalité indienne:
   Chef Clarence «Manny» Jules

À titre personnel:
   Martin Dunn, consultatif

Forum des Premières nations :
   Sol Sanderson, président
    Chef Eddy Head
    Chef Roy Head

Le mercredi 10 février 1999

Société Makivik:
   Pita Aatami, président
    Harry Tulugak, adjoint administratif du président
    Johnny Peters, vice-président
    George Berthe, secrétaire général

Métis National Council of Women:
   Sheila Genaille, présidente
    Alma Adams, vice-présidente
    Marie Anne Piché, directrice

Le mercredi 10 février 1999 (suite)

Conseil national des autochtones du Canada :
   Dorris Ronnenberg, présidente
    Richard Long, directeur exécutif
    Keith Chiefmoon, directeur, région sud (permanent)
    Barbara Wendt, conseillère élue (Première nation Beaver - High Level Alberta)

Le mardi 16 février 1999

Bande Michel :
   Gilbert Anderson, chef et président
    Caren Buss, conseillère juridique

Indian Council of First Nations of Manitoba :
   Andrew Kirkness, grand chef
    Raymond Chartrand, chef
    David Brant, chef

New Brunswick Aboriginal Peoples Council :
   Betty Anne Lavallée, présidente
    Gary Gould, secretaire trésorier

Le mardi 2 mars 1999

Indigenous Bar Association :
   David Nahwegahbow, président
    Don Worme, ancien président
    Helen Semaganis, secrétaire trésorière
    Diane Corbiere, membre

First Nations Accountability Coalition :
   Rita Galloway, présidente (Saskatchewan)
    Leona Freed, présidente (Manitoba) 

Le mardi 9 mars 1999

À titre personnel :
   Fred Martin, Ackroyd, Piasta, Roth & Day

Alberta Metis Settlements:
   Ken Noskey, président du Conseil général 

Le mercredi 10 mars 1999

À titre personnel :
   Raoul Mackay, historien

Le mardi 16 mars 1999

Syncrude Canada Ltd. :
   Robert Loader, Directeur, Affaires autochtones
    Beverley Davies, Coordinatrice, Programme de dévelopment des Autochtones

Le mercredi 17 mars 1999

Ontario Federation of Friendship Centres:
   Vera Pawis-Tabobondung, président
    Tim Thompson, directeur exécutif

Association nationale des centres d'amitié :
   Wayne Helgason, président
    Marc Maracle, directeur exécutif
    Stacy Hill, Représentante des jeunes, vice-présidente, Aboriginal Youth

Council
Rod MacDonald, président, Commission du droit du Canada

Le mercredi 24 mars 1999

Réserve d'Akwesasne :
   Mike Mitchell, grand chef
    Peter Garrow, directeur de l’éducation
    Micha Menczer, conseiller juridique, Conseil des Mohawk
    Russell Roundpoint, agent de liaison intergouvernementale
    Vaughn Phillips, chef
    Raymond Mitchell, portefeuille de la police
    Lucy Papineau, directrice de la santé

Le mercredi 24 mars 1999 (suite)

Réserve de Kahnawke :
   Russell Roundpoint, agent de liaison intergouvernementale

Le 13 avril 1999

Assembly of Manitoba Chiefs :
   Rod Bushie, grand chef
    Michael Lawrenchuk, chef   
    Harvey Nepinak, chef

Métis Nation of Alberta:
   Audrey Poitras, présidente
    Lorne Gladue, directeur des initiatives fédérales-provinciales
    Bruce Gladue, conseiller en recherche et développement

À titre personnel :
    Dr Mark Dockstator

Paukuutit :
   Veronica Dewar, présidente
    Tracy O'Hearn, directrice exécutive

Le 20 avril 1999 :

Cour provinciale de la Saskatchewan :
   L'honorable juge Linton J. Smith

Aboriginal Council de Winnipeg:
   John Graham (Institut sur la gouvernance)
    Erica Ballentyne
    Naomi Handel 

Le 21 avril 1999

Paul Chartrand Consulting Services:
   Paul Chartrand 

Le 28 avril 1999

Université Laurentienne :
   Herb Nabigon, professeur

Affaires étrangères et Commerce international Canada :
   Mary Simon, ambassadrice aux Affaires circumpolaires 

Le 4 mai 1999 :

Inuvialuit Regional Corporation :
    Nellie J. Cournoyea, PDG
    Richard Nerysoo, président, Gwich'in Tribal Council
    Bob Simpson, négociateur en chef, Bureau de negociation de l'autonomie, gouvernement Beaufort/Delta
    Charles Hunter, conseiller juridique

Federation of Saskatchewan Indian Nations :
   Grand chef Perry Bellegarde
    Chef Tom Littlespruce
    Chef Delbert Wapass
    Chef Miller Nawakayas

Le mercredi 2 juin 1999

Conseil de la nation Atikamekw :
Ernest Awashish, président
Marc Dubé, negociateur en chef

Mohawk Council of Kahnawake :
    Joseph "Tokwiro" Norton, grand chef
    Frank Vieni, négociateur fédéral
    Arnold Goodleaf, directeur, équipe des rélations intergouvernmentales


NOTES

1- Dans ce rapport, « traités et ententes » s’entendent des relations et des différents instruments d’entente historiques et contemporains entre les peuples autochtones et les gouvernements. Ils englobent les traités, les ententes d’autonomie gouvernementale, les règlements de revendications territoriales globales et les accords.

2- Native Council of Prince Edward Island, mémoire de janvier 1999, p. 3.

3- Voir les mémoires du New Brunswick Aboriginal Peoples Council, 16 février 1999, et celui du Native Council of Canada (Alberta), 9 février 1999.

4- Rapport de la CRPA, volume 2, p. 202-203.

5- ANCA-CDC, Urban Aboriginal Governance : Re-Fashioning the Dialogue Focus Paper, février 1998, p. 14. Document remis au Comité lors de la présentation conjointe des auteurs le 17 mars 1999.

6- Ibid., p. 28.

7- L’Interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits est un ministre désigné comme agent de liaison pour ces groupes, comme peur porte-parole au sein du Cabinet et comme responsable de la participation du gouvernement fédéral aux négociations tripartites sur l’autonomie gouvernementale. Ce poste a été créé par décret en 1985. L’Interlocuteur fédéral dispose de fonds limités, de sorte qu’il est restreint dans son appui aux initiatives d’autonomie gouvernementale et d’autodétermination des Métis. Le titulaire actuel est l’hon. Ralph Goodale, ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé.

8- Roger Obonsawin, Groupe d’entreprises O.I., mémoire, 3 février 1999, p. 2.

9- Commission crie-naskapie, Rapport de la Commission crie-naskapie de 1998, 1998, p. 4-6.

10- Vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, Chapitre 14, Affaires indiennes et du Nord canadien – Les revendications territoriales globales, septembre 1998, par. 14.3 et 14.71.

11- Commission crie-naskapie, Pour une loi de mise en œuvre des traités avec les Autochtones, 1er mars 1999, p. 8.

12- Chambre des communes, Comité spécial sur l’autonomie politique des Indiens, L’autonomie politique des Indiens au Canada, Rapport du Comité spécial sur l’autonomie politique des Indiens, 1983, p. 65 (ci-après : le rapport Penner, d’après le nom du président Keith Penner).

13- Les recommandations de la CRPA prévoient notamment l’abolition du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la création de deux nouveaux ministères - le ministère des Relations avec les Autochtones s’occuperait de la négociation et de la mise en œuvre des traités, de l’autonomie gouvernementale, des revendications et des ententes connexes, et le ministère des Services aux Indiens et aux Inuits serait chargé de gérer les autres relations découlant de la Loi sur les Indiens, d’autres lois fédérales et des ententes sur la prestation de programmes et services. Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, Volume 2 : Une relation à redéfinir, 1996, p. 390-392 et 401 (ci-après : le rapport de la CRPA).

14- Indigenous Bar Association, mémoire, p. 3.

15- Société régionale inuvialuit et Conseil tribal des Gwich’in, mémoire, p. 4.

16- Conseil tribal Mamuitun, mémoire 1999, p. 8.

17- Mémoire de l’Indigenous Bar Association, p. 8 et 9. Comme l’a expliqué l’IBA, cette structure fonctionnerait, à l’égard des peuples autochtones et de leurs droits, de la même façon que les bureaux des procureurs généraux du gouvernement fédéral et des provinces. Elle pourrait aussi servir à résoudre les problèmes découlant des conflits d’intérêts apparents, inhérents à la responsabilité pour la Couronne de respecter ses obligations fiduciaires à l’égard des peuples autochtones tout en veillant à protéger l’intérêt public au profit de l’ensemble des Canadiens.

18- Le juge Linton Smith, mémoire, 20 avril 1999, p. 4.

19- Le Comité a aussi recommandé la création d’un secrétariat indépendant pour faciliter et servir de tribune neutre à la conduite des négociations, d’un bureau de défense des droits qui représenterait les intérêts des Premières nations dans les différends juridiques relatifs à leurs droits et d’un tribunal spécial qui trancherait les litiges concernant les ententes entre les Premières nations et les gouvernements. Rapport Penner, p. 68, 73, 136 et 137.

20- Comme l’a suggéré la CRPA, les commissions de traités faciliteraient les négociations, mèneraient des enquêtes et régleraient les différends, par décision exécutoire ou non.

21- Rapport de la CRPA, Recommandations 2.2.15-16 et 5.1.2.

22- Selon l’idée de la Commission royale, cet organe pourrait délivrer des ordonnances et des décisions exécutoires et apporter des redressements appropriés en ce qui concerne l’établissement, la mise en œuvre et le renouvellement des traités, ainsi que le règlement des revendications particulières. Rapport de la CRPA, volume 2, p. 672-673.

23- Voir Miguel Alfonso Martinez. Rapport final : Étude des traités, accords et autres arrangements constructifs entre les États et les populations autochtones, sans date, p. 69.

24- ANCA et CDC, Re-fashioning the Dialogue, février 1998, p. 5.

25- L’accord comprend une entente entre les Métis et le gouvernement de l’Alberta ainsi que quatre lois de mise en application : le Metis Settlements Act, le Metis Settlements Land Protection Act, le Metis Settlements Accord Implementation Act, et le Constitution of Alberta Amendment Act.

26- Les huit établissements font environ 1,25 million d’âcres.

27- ANCA-CDC, Re-Fashioning the Dialogue. Ce texte s’inspire de documents existants, dont le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.

28- Mémoire du conseil de la tribu Mamuitun, février 1999, p. 8-9.

29- Voir: Sol Sanderson, fascicule 19, 9 février 1999, et Harold Calla, fascicule 16, 2 décembre 1998.

30- Indigenous Bar Association, mémoire du 2 mars 1999.

31- Rapport de la CRPA, volume 2, p. 365.

32- Rassembler nos forces, p. 17.

33- Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Rapport sur les plans et les priorités, 1999-2000.

34- ANCA et CDC, Re-Fashioning the Dialogue, p. 28-29.


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