Délibérations du comité spécial sur
Le projet de loi C-20
Fascicule 7 - Témoignages pour la séance du soir
OTTAWA, le lundi 19 juin 2000
Le comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec, se réunit aujourd'hui à 13 h 34 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Cette onzième séance du comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20 est maintenant ouverte. Je vous souhaite à tous et toutes la bienvenue, y compris nos téléspectateurs.
Nous poursuivons notre étude du projet de Loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.
[Français]
Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 15 mars 2000 et a été lu au Sénat pour la première fois le 21 mars. Il a ensuite été lu une deuxième fois le 18 mai, ce qui veux dire que le Sénat a approuvé le principe du projet de loi. Le projet de loi a ensuite été déféré à un comité spécial pour qu'il en fasse une étude approfondie.
[Traduction]
Nos travaux se poursuivent cet après-midi avec la comparution pour une seconde fois de l'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable du projet de loi C-20.
[Français]
Le ministre était avec nous déjà le 29 mai et nous sommes très heureux de l'accueillir de nouveau aujourd'hui. Plus tard, cet après-midi, le projet de loi sera étudié article par article. Le comité fera ensuire rapport de ses décisions au Sénat pour sa considération.
[Traduction]
Monsieur Dion, nous vous remercions pour cette nouvelle comparution aujourd'hui et nous sommes impatients d'entendre votre exposé.
[Français]
L'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales: Madame la présidente, avec les mêmes collaborateurs, mon sous-ministre, M. George Anderson, la sous-ministre associée à la Justice, Mme Mary Dawson, et mon conseiller législatif, M. Geoffroi Montpetit, vous me faites l'honneur de m'inviter à titre de dernier témoin après avoir été votre premier témoin et je vous en remercie.
J'ai bien sûr pris connaissance des témoignages des 20 autres témoins que vous avez rencontrés avec une assiduité tout à fait admirable de votre part depuis que nous nous sommes vus. Cette prise de connaissance des témoignages des autres experts qui se sont présentés, m'a inspiré ce texte de six pages qui vous a été distribué, que vous pouvez lire, cela pourra peut-être orienter nos discussions. Vous pourrez le lire à tête plus reposée après notre rencontre. Je n'ai pas le temps de vous en faire la lecture, car vous m'avez demandé de faire simplement quelques minutes d'introduction. Je vais simplement vous en résumer la teneur.
Le texte part de la raison fondamentale pour laquelle nous avons ce projet de loi. La raison fondamentale c'est que le gouvernement du Canada ne doit pas, en aucune circonstance, entreprendre de négocier la sécession d'une province du Canada à moins que les électeurs de la province aient clairement exprimé leur volonté de cesser de faire partie du Canada pour devenir un pays indépendant. Ce projet de loi donne aux Canadiens cette garantie essentielle que jamais l'unité de leur pays ne sera mise en cause dans la confusion. Honorables sénateurs, vous avez l'occasion de donner cette garantie aux Canadiens en appuyant le projet de loi. C'est la raison fondamentale.
[Traduction]
En partant de là, on constate la présence de deux principes fondamentaux qui ont été identifiés très clairement par la Cour suprême du Canada et qui expliquent pourquoi le projet de loi se présente sous cette forme. Il s'agit de la clarté, les articles 1 et 2, et de la légalité, qui constitue l'article 3 de ce projet de loi très succinct.
Commençons par la clarté.
[Français]
Tous vos témoins, à l'exception du professeur Lachapelle ont reconnu au gouvernement du Canada le droit de ne pas négocier la sécession en l'absence de clarté, en l'absence d'un appui clair pour la sécession. C'est là une évidence que tous ont appuyée.
Prenons le cas de M. Ryan. M. Ryan en aucune façon ne conteste aux institutions fédérales canadiennes le droit de réserver leur réponse et de ne pas négocier en l'absence de clarté. Il reconnaît tout à fait ce droit. Son problème est ailleurs: il estime que le gouvernement du Canada ne devrait pas par une loi essayer d'obtenir une résolution sur la clarté de la question avant que le résultat du référendum ne soit connu. Il estime qu'une telle déclaration de la Chambre des communes, une telle résolution, si elle devait être faite avant que les électeurs aient voté, serait une ingérence dans un référendum provincial contraire à l'esprit du fédéralisme.
Je suis persuadé du contraire. Je suis persuadé que dans aucune fédération au monde on ne jugerait inacceptable que les élus au Parlement fédéral déterminent si une question référendaire, qui peut mettre en cause l'unité du pays, est claire ou non. Ce problème ne serait pas perçu comme un problème ailleurs. Il ne serait pas posé dans les termes que M. Ryan l'a posé.
Bien sûr qu'un référendum provincial établi par l'assemblée législative d'une province est provincial. Mais dès lors que ce référendum porte sur l'extinction de toutes les responsabilités constitutionnelles fédérales dans la province en question, dès lors que ce référendum porte sur la fin du pays dans la province en question, bien sûr que le Parlement fédéral est interpellé.
Supposons une situation un peu inversée. Imagineons que le gouvernement du Canada décide de tenir un référendum pancanadien avec la question suivante: Acceptez-vous l'abolition des provinces après une offre de partenariat politique et économique? Est-ce qu'il y aurait quelqu'un, quelque part au Canada qui contesterait aux assemblées législatives des provinces de se prononcer par résolution, y compris sur la clarté de cette question, bien avant que les électeurs aient votés? Est-ce que quelqu'un dirait: «Ah non, il ne faut pas faire cela, parce que ce serait une ingérence provinciale dans un référendum fédéral»? Bien sûr que non parce que ce référendum mettrait en cause des compétences provinciales. Il en va de même mais dans un sens inversé dans un référendum sur la sécession qui suppose qu'on éteint le pays, on sort le pays de la province y compris toutes les responsabilités constitutionnelles que ses citoyens ont de par leur appartenance au pays et les devoirs que le gouvernement fédéral a envers eux.
Bien sûr que la Chambre des communes a le droit de se prononcer sur la clarté de la question avant que le référendum soit connu, et sur le plan politique c'est un avantage. Les citoyens ont le droit d'avoir cette information de façon non équivoque. Si la question est claire, les citoyens du Québec, et j'en suis persuadé comme vous d'ailleurs, voteraient pour l'unité canadienne. Si la question n'était pas claire, de façon non équivoque, la Chambre des communes se prononcerait. Comme vous l'a dit le professeur Pinard, ce serait une information très importante qui aiderait les électeurs à rejeter le référendum.
[Traduction]
Pour ce qui est maintenant de la légalité, je pense que nous pouvons tous convenir que ce renvoi de la Cour suprême concernant la sécession du Québec est contraignant. Tous les juristes vous l'ont dit.
Mais cet avis de la cour est plus que contraignant. Il s'agit pour l'unité canadienne et pour la démocratie d'une victoire extraordinaire. Pour la première fois, la Cour suprême du Canada a déclaré sans ambiguïté que l'objectif poursuivi par le gouvernement séparatiste, la possibilité de se soustraire du droit canadien par le droit international après un vote positif exprimé par voie de référendum, est un mythe. En droit international, il n'existe pas un paragraphe, pas une phrase, pas un iota qui donnerait à un gouvernement séparatiste le droit de dire qu'il est désormais le gouvernement d'un État indépendant. Cette décision ne saurait être prise unilatéralement. Rien ne le justifie.
Cela étant dit, la cour ne s'est pas prononcée sur le mécanisme extrêmement complexe qui entourerait des négociations aussi difficiles et aléatoires. La Cour suprême n'a pas non plus arrêté la procédure de modification constitutionnelle qui s'appliquerait à la sécession. Voyons un peu ce qu'il en est.
[Français]
Qui négocierait? La cour a identifié les acteurs politiques qui auraient une obligation de négocier si l'appui à la sécession devait être clair. Il s'agit de l'ensemble des gouvernements fédéral et provinciaux. La cour n'a pas identifié la liste des acteurs politiques qui seraient invités à négocier, elle n'a qu'identifié que ceux qui en auraient l'obligation.
[Traduction]
Seul le gouvernement du Canada et les provinces ont l'obligation de négocier si la question est claire, et c'est la raison pour laquelle le projet de loi parle exclusivement du gouvernement du Canada et des provinces, mais précise également «notamment», de sorte qu'il pourrait y avoir d'autres intervenants.
[Français]
Les minorités linguistiques pourraient participer à ces négociations, mais n'en auraient pas l'obligation. Concernant les peuples autochtones, j'ai déjà expliqué l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui prévoit la tenue d'une conférence constitutionnelle avec les représentants des peuples autochtones sur tout amendement constitutionnel qui toucherait les dispositions de la Constitution portant spécifiquement sur les peuples autochtones du Canada.
Maintenant, comment chacun établirait sa plate-forme de négociation? Chaque gouvernement, chaque acteur politique aurait à déterminer de quelle façon il consulterait sa population ou ses membres. Ce n'est pas à un projet de loi fédéral de déterminer cela. On pourrait consulter les électeurs à toute étape du processus, tout serait possible. Toutefois ce serait un fait sans précédent pour un gouvernement du Canada de tenir un référendum national avant d'engager des négociations constitutionnelles, comme le propose le professeur Howse.
[Traduction]
Je constate simplement qu'aucun autre juriste n'a abondé dans le sens du professeur Howse, c'est-à-dire qu'il existe une obligation légale de conduire un référendum national avant d'entamer des négociations en droit. Une seule personne seulement a laissé entendre cela, et, d'ailleurs, cet argument n'est corroboré ni l'avis de la Cour suprême, ni par l'usage au Canada.
[Français]
Dans le cas où une procédure de modification constitutionnelle s'appliquerait, la cour dans son article 105, a dit qu'elle ne peut pas se prononcer sur la modification constitutionnelle qui permettrait de procéder à une sécession en dehors d'un contexte précis. Voici ce que la cour a dit:
Chaque option exigerait que nous présumions l'existence de faits qui sont inconnus à ce stade.
[Traduction]
À ce sujet, je suis d'accord avec ce que vous a dit le professeur Monahan, en l'occurrence que ce ne serait pas l'établissement de la procédure de modification constitutionnelle qui serait la véritable difficulté, mais plutôt la négociation d'un accord de séparation. Cet accord de séparation serait un monumental fouillis à négocier, ce serait quelque chose d'extrêmement compliqué. Ce serait la première fois que nous tenterions ce genre de chose. Dès lors que cet accord de séparation aura reçu l'appui des participants à la négociation, et au cas où le consensus serait suffisamment fort, le problème du choix de la procédure de modification se poserait ensuite. La véritable difficulté ne serait pas de choisir la procédure de modification, ce serait de négocier ce dossier tout en respectant les droits de tous et chacun.
Quant au rôle du Sénat, l'attribution d'un rôle différent à la Chambre des communes repose sur le fait que seule cette dernière peut, par un vote de censure, empêcher un gouvernement d'entamer des négociations constitutionnelles ou d'interrompre de telles négociations. Comme le Sénat n'a pas ce pouvoir, il serait malavisé que ce projet de loi le lui confère. Cet argument a été répété sous diverses formes par les différents juristes que vous avez entendus: M. le doyen Hogg, le professeur Monahan, le professeur Magnet et, aujourd'hui encore, le professeur McEvoy.
En conclusion, le Canada n'est pas indivisible en droit, mais sa scission serait toutefois très difficile à réaliser, non pas par mauvaise volonté ou parce qu'on voudrait garder une province contre la volonté clairement exprimée de sa population. Il n'y a pas d'appui au Canada pour une telle attitude. Comme vous l'a dit le professeur Gibbins, il n'y a pas d'appui non plus chez les Canadiens de l'Ouest pour une telle attitude. Si les Québécois disent vouloir quitter le Canada en répondant à une question claire et avec une majorité claire -- sans ambiguïté -- dans ce cas, nous savons que nous devons commencer à négocier.
[Français]
La difficulté fondamentale, c'est la nature même de l'exercice qui consiste à se choisir entre concitoyens. Qui veut-on garder ou qui veut-on transformer en étranger? Comment faire tout cela dans le respect des droits de chacun? Voilà ce qui serait fondamentalement difficile, même avec toute la bonne volonté du monde. Et certainement que ce serait un précédent dans l'histoire des démocraties bien établies. Généralement, on ne fait pas cela dans les démocraties. On garde tous ses concitoyens et on ne cherche pas à se choisir en concitoyens.
Telle est bien la difficulté et c'est cette difficulté qu'il faut expliquer à tous nos concitoyens, et non pas leur inventer des barrières juridiques qui n'existent pas. La grande force du projet de loi sur la clarté, c'est qu'il n'invente rien. Il ne fait que mettre en lumière les difficultés auxquelles nous aurions à faire face si nous voulions essayer de nous choisir entre concitoyens, dans le respect des droits de chacun.
L'exigence de clarté telle qu'établie par la Cour suprême, et à laquelle le projet de loi C-20 donne effet, met en lumière notre volonté de rester tous ensemble dans le Canada. Tous nous savons, y inclus les leaders indépendantistes, qu'en réponse à une question claire, les Québécois exprimeraient leur volonté de rester dans le Canada.
[Traduction]
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le ministre, lorsque nous vous avions entendu à la fin du mois de mai, vous aviez dit que ce projet de loi était «excellent». Je constate que vous n'avez pas répété ce terme aujourd'hui. Je me demande donc si, après analyse des témoignages entendus, cet adjectif vaut toujours parce que, même si de nombreux témoins sont favorables à la notion même que sous-tend le projet de loi, rares sont ceux qui en acceptent les détails.
Par ailleurs, l'Assemblée des premières nations n'est pas contente de voir son rôle limité à celui d'un simple consultant. Vous vous souviendrez que, parce que vous aviez répondu que les Cris avaient menacé de contester la constitutionnalité du projet de loi s'il était adopté sous sa forme actuelle, un groupe représentant des Canadiens francophones hors-Québec avait réclamé d'avoir leur mot à dire dans ce processus.
Une sommité aussi respectée que M. Estey, ancien juge de la Cour suprême du Canada, disait la semaine dernière que le projet de loi était inconstitutionnel à son avis, un avis qui doit être écouté. D'autres témoins nous ont livré le même point de vue. M. Estey a même remis en cause l'avis même de la Cour suprême en disant grosso modo: «Je n'aime guère ce jugement.»
Par ailleurs, nous devrions tous être interpellés par le fait que tous les principaux protagonistes québécois qui, jusqu'à présent, avaient été appelés à la rescousse par le camp du Non, sont maintenant prêts à rejeter le projet de loi. Lorsque nous avons entendu M. Ryan, nous lui avons demandé ceci: si un projet de loi C-20 avait été proposé en 1980, qu'aurait été votre réaction? Je vais vous citer ce qu'il nous a répondu.
[Français]
Si M. Trudeau avait présenté un projet de loi comme celui-ci à la Chambre des communes, je lui aurais dit publiquement que je n'en voulais pas, que nous n'en avions pas besoin. Il le savait, je crois.
[Traduction]
C'est ce que disait donc M. Ryan qui, en 1980, dirigeait le camp du Non.
M. Charest, à supposer qu'il soit encore chef de l'opposition à ce moment-là, aurait le même rôle à jouer lors d'un référendum. Le 30 mai 2000, voici ce qu'il écrivait au comité. Je cite:
[Français]
Lors du dépôt de ce projet de loi, en décembre 1999, le Parti libéral du Québec a qualifé cette initiative d'inutile et d'inopportune.
[Traduction]
Il termine sa lettre en parlant de la loi 99, qu'il rejette. Il dit ceci:
[Français]
[...] notamment parce que la judiciarisation d'un débat de nature essentiellement politique n'est pas souhaitable, voire risquée. Cela est aussi vrai pour le projet de loi C-20.
[Traduction]
Nous ne saurions ignorer l'opposition catégorique manifestée par ceux qui, jadis, étaient à la tête du camp du Non. Il y a là, entre autres, quelqu'un qui a mené le camp du Non à la victoire. Il y a également là quelqu'un qui, en 1995, a été à l'origine, sinon la cause première, du succès mitigé du camp du Non. Et il s'agit de celui-là même qui, dans la situation actuelle, devrait maintenant jouer le rôle qu'avait joué à l'époque M. Ryan.
En outre, le projet de loi C-20 a divisé tous les partis politiques fédéralistes, le vôtre inclus. Il a divisé le mien. Il a divisé le NPD. Il a même divisé l'Alliance, étant donné que certains des candidats à la direction de ce parti se sont prononcés contre le projet de loi. Le seul parti prétendument «fédéral» à la Chambre des communes qui soit resté uni face à ce projet de loi est le Bloc québécois. Tous les autres partis représentés à la Chambre sont divisés sur ce plan.
La question est tellement importante que je prendrai tout le temps nécessaire. Je ne vais pas exagérer.
Face à cette opposition mur à mur, ne serait-il pas préférable de retirer le projet de loi avant que notre comité en fasse rapport? Ne devrions-nous pas, pendant l'été, revoir tous les témoignages que nous avons entendus, quitte à soumettre un nouveau texte de loi au début de l'automne?
J'ai le sentiment, un sentiment partagé d'ailleurs par de nombreux collègues des deux partis, qu'il ne faudrait pas grand-chose pour mobiliser l'appui que mériterait une telle mesure législative. Après tout, ne parlons-nous pas ici de la scission éventuelle de notre pays? Le projet de loi C-20 ne mobilise pas ce genre d'appui.
Il n'y aucun référendum à l'horizon. Il ne sert à rien d'adopter ce projet de loi à la hâte. Il est évident qu'il est non seulement fortement souhaitable, il est tout à fait essentiel de donner quelques mois de plus pour arriver à un texte de loi plus acceptable. Je le répète, le projet de loi C-20 a sérieusement divisé le camp fédéraliste tout en réjouissant les séparatistes et les ultra-nationalistes. Rien que pour cette raison, ce projet de loi C-20 devrait être condamné et retiré. J'espère que vous en conviendrez.
M. Dion: Il est clair, vous le savez, que je ne suis pas d'accord. Ce projet de loi est excellent pour tout le monde. Il protège nos droits et nous donne une garantie essentielle. Les gens y voient une mesure juste. Tout ce qui a été tenté pour provoquer une levée de bouclier a échoué parce que, et c'est particulièrement vrai dans ma province, les Québécois s'accordent sur le contenu de ce texte de loi. L'impératif d'une question claire est largement accepté. La question de 1995 n'était pas claire. Cela aussi est communément admis. On ne divise pas un pays sur la base d'une majorité infime de 50 p. 100 des voix plus une. Cela aussi est bien accepté. On ne saurait prétendre qu'un pays est divisible mais qu'une province ne l'est pas. Cela aussi est communément admis. Il faut agir dans le cadre d'un État de droit tout en respectant les droits de tous et toutes. Cela aussi est communément admis.
Nous allons donner suite au projet de loi et nous espérons, pour le bien de tous nos compatriotes, que le Sénat nous donnera son appui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous n'aurez pas notre appui parce que, à notre avis, les forces fédérales doivent s'unir pour combattre lors du prochain référendum, alors que ce texte de loi les divise. Pourquoi voulez-vous à toute force faire adopter ce projet de loi sans amendement?
M. Dion: Je ne pense pas que la teneur de ce projet de loi soit un facteur de division. Ce texte répond aux intérêts de tous. Je suis très fier que mon propre parti ait voté à l'unanimité dans ce sens à la Chambre et que nous avons également eu l'appui de presque tous les députés néo-démocrates. Nous avons également eu l'appui des députés réformistes et de quelques députés conservateurs, malgré l'opposition de leur chef. J'escompte également que nous aurons le même appui des deux camps au Sénat.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce que je veux faire valoir, c'est que les dirigeants fédéralistes sont contre ce projet de loi. N'en tenez-vous pas compte lorsque vous essayez d'évaluer l'impact qu'il aura lors du prochain référendum au Québec?
M. Dion: Comme je l'ai déjà dit, à en croire M. Charest, ce projet de loi n'est pas nécessaire. Je n'ai jamais par contre entendu M. Charest déclarer que le projet de loi était dangereux ou était contraire aux intérêts du Québec. Il a simplement dit qu'il n'était pas nécessaire. Il estime qu'avec l'avis de la Cour suprême, nous avons tous les outils nécessaires.
Si M. Charest était le premier ministre du Québec, je dirais comme lui que ce projet de loi n'est pas nécessaire. Mais comme nous avons à Québec un premier ministre qui ne s'engagera jamais à respecter intégralement l'avis de la Cour suprême, qui conteste le droit qu'ont les Québécois d'être aussi canadiens que tous les autres Canadiens -- donnant ainsi l'impression que les Québécois pourraient perdre le Canada dans la confusion que cela provoquerait -- pour que les Canadiens puissent voir que l'unité de leur pays est en jeu, le gouvernement du pays a jugé qu'il lui incombait de clarifier les choses et de faire en sorte que la séparation ne serait pas négociée et que tout se déroulerait dans le respect des constats de la Cour suprême du Canada. Nous avons besoin de ce projet de loi parce que M. Charest n'est pas le premier ministre du Québec.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cela veut-il dire que sitôt que M. Charest deviendrait premier ministre du Québec, vous retireriez ce texte?
M. Dion: Non.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dès lors qu'un parti fédéraliste arriverait au pouvoir, retireriez-vous ce texte?
M. Dion: Lorsque le premier ministre Bouchard a déclaré qu'il ne pouvait pas accepter l'avis de la Cour suprême dans son intégralité, ce projet de loi est devenu nécessaire.
[Français]
Le sénateur Poulin: Vos commentaires d'ouverture démontrent l'attention avec laquelle vous avez lu ou écouté les présentations et les réponses de nos nombreux témoins.
À plusieurs reprises, des témoins nous ont demandé pourquoi le ministre avait choisi d'identifier comme acteurs politiques uniquement les membres de la Chambre des communes dans le projet de loi C-20. Pourriez-vous nous rappeler votre réponse à cette question?
M. Dion: Le gouvernement est responsable devant la Chambre des communes. Seule la Chambre des communes a la capacité d'empêcher ou d'interrompre une négociation constitutionnelle. Le Sénat n'a pas ce pouvoir. Il ne conviendrait pas de le lui donner. C'est pourquoi la Chambre des communes devrait déterminer si la question et la majorité sont claires, en tenant compte de toute déclaration formelle venant du Sénat.
Le sénateur Poulin: Monsieur Dion, le rôle du Sénat aujourd'hui dans l'étude que nous faisons actuellement sur le projet de loi C-20, d'après certains témoins que nous avons entendus, est de mettre en place un processus de gestion et non pas un processus de législation, c'est-à-dire des étapes qui seraient gérées par le gouvernement du jour, si jamais une des provinces désirait tenir un référendum sur une question de sécession. Êtes-vous êtes d'accord ou avez-vous des commentaires sur cette position?
M. Dion: Comme l'ont dit la plupart des experts légaux qui ont témoigné devant vous, il faut bien voir que les pouvoirs constitutionnels du Sénat ne sont aucunement affectés par le projet de loi. Le Sénat, si jamais, malheureusement, nous en arrivions au point d'avoir un accord de séparation qui devrait devenir un amendement constitutionel, aurait toujours son veto suspensif de six mois.
Entre-temps, le Sénat garde toute sa capacité d'influencer le processus des négociations par des résolutions et par le rôle que les sénateurs jouent dans leurs caucus respectifs. Dans les prochaines semaines, le Sénat aura l'occasion de se pencher et de voter sur un projet de loi en bonne et due forme. Son rôle est tout à fait respecté. Ce que le projet de loi sur la clarté peut changer, c'est qu'alors que le gouvernement n'aurait aucune obligation de consulter le Sénat sans le projet de loi, la Chambre des communes aura cette obligation avec le projet de loi.
Le sénateur Poulin: Monsieur Dion, nous sommes très conscients que, par exemple, pour les gens du Nord de l'Ontario -- la région que je représente au Sénat -- et pour les Canadiens français qui vivent dans neuf des dix provinces, il est évident que nous considérons être bien représentés à la Chambre des communes lorsque nous constatons le nombre de députés canadiens-français ne vivant pas au Québec.
Cela dit, plusieurs témoins nous ont dit que, par exemple, si la Colombie-Britannique dans cinq ans désirait poser une question semblable à sa population, le projet de loi C-20 donnerait, à une autre province que le Québec, l'occasion de se séparer du Canada. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Dion: J'ai plus confiance en mon pays que les gens qui ont exprimé ces inquiétudes. Je noterai que le professeur Gibbons, qui étudie western alienation depuis le début des années 70, -- il est un des spécialistes de cette question -- a complètement écarté cette possibilité et a dit que depuis qu'il étudie ce domaine, il n'a jamais vu de mouvement séparatiste significatif dans l'Ouest.
J'ai vu des gens en parler. J'ai entendu une de vos collègues, un sénateur, dire que la Colombie-Britannique devrait envisager de se séparer parce qu'on ne s'entendait pas au sujet d'une entente sur le saumon. J'ai entendu ces propos. Je sais que les Canadiens de l'Ouest sont des Canadiens, profondément. Je sais que les plus gros drapeaux du Canada, nous pouvons les voir en Colombie-Britannique. Il y a un mouvement séparatiste au Canada, et c'est bien assez.
Le sénateur Gauthier: Monsieur Dion, je vous ai écrit une lettre au mois de mai. J'ai reçu votre réponse vendredi dernier. Je l'ai distribuée aux membres du comité pour qu'ils puissent la lire.
Je suis déçu que vous parliez de négociation quand moi je parle de consultation. Dans votre lettre, c'est ce que vous dites. Vous dites, et vous l'avez répété aujourd'hui, que les minorités linguistiques pourraient faire partie des négociations. Je ne parle pas de cela du tout. Je parlais de consultation, du droit de donner son opinion sur une question aussi importante que la sécession de mon pays.
Quand on parle de minorités, on parle peut-être d'autres groupes que celui des minorités linguistiques des langues officielles. On pourrait parler des femmes, on pourrait parler des handicapés, on pourrait parler des homosexuels et d'une foule de groupes qui sont considérés comme des minorités. Je ne parle pas de cela.
Tout ce que je vous ai demandé dans ma lettre et dans mes questions, lorsque vous êtes venu la dernière fois, c'est: considérerez-vous ajouter au projet de loi C-20 -- puisque vous l'avez fait pour les autochtones à l'article 35, vous serait-il possible d'être équitable -- les groupes de langues officielles, les anglophones au Québec et les francophones hors Québec, car ils seront extrêmement touchés par ce processus et seront aussi probablement traumatisés.
Il y aura un ressac, vous le comprenez comme moi. Il ne se fera pas contre les handicapés comme moi, ou les minorités que j'ai mentionnées, mais contre les Canadiens d'expression française qui vivent en province. Soixante-dix municipalités en Ontario se sont chacune déclarée unilingue anglaise à la suite de la décision du Québec de passer une loi sur l'affichage bilingue. Ce genre de réaction m'inquiète.
Je vous le demande à titre de sénateur franco-ontarien, avez-vous rejeté la possibilité d'inclure les minorités de langues officielles? Dans le renvoi sur la sécession, la Cour suprême dit clairement que tous les articles de la Constitution, toutes les dispositions de la Constitution canadienne sont égaux. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Dion: Oui.
Le sénateur Gauthier: Si c'est bon pour les autochtones, pourquoi ne l'est-ce pas pour les minorités de langues officielles, aux articles 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 ou 23, dans les mêmes conditions?
M. Dion: Vous avez tout à fait raison de dire qu'une sécession aurait des conséquences dramatiques pour les minorités de ce pays. La dernière chose que nous voudrions voir tous les deux, en tant que francophones, serait une frontière internationale séparant les Québécois francophones des Ontariens francophones. Cette situation serait déplorable. C'est un argument contre la séparation qu'il faut le faire valoir.
Pour ce qui est de déterminer la clarté de la question ou de la majorité, le fait d'être francophone ou anglophone n'est pas particulièrement pertinent et ne devrait pas affecter notre jugement. Le professeur Hogg a fait valoir ce point de vue et je je partage. Il s'agit d'une évaluation politique qui doit être faite en toute justice. Il est évident que le gouvernement du Canada tiendra compte du point de vue de tous les acteurs politiques. Cela va de soi pour nous.
J'aimerais citer M. Gino LeBlanc, de la Fédération des communautés francophones et acadienne:
Cela ne nous empêchera pas d'avoir notre mot à dire si nous ne sommes pas dans le projet de loi C-20. Je ne pense pas que la Fédération va soudainement se renfermer et dire que puisque nous ne sommes pas inclus dans le projet de loi C-20, nous ne pourrons pas parler.
Je suis à la fois en accord et en désaccord avec lui. Ce n'est pas le projet de loi sur la clarté qui lui donne la capacité d'être consulté et de s'exprimer. Il l'aurait de toute façon. Le projet de loi sur la clarté, et cela ne l'exclut en aucune façon, stipule que le gouvernement verrait sa décision déterminée par la Chambre des communes, laquelle tiendrait compte des points de vue d'un grand nombre d'acteurs politiques, dont évidemment le Sénat, mais en aucune façon il est écrit qu'il ne tiendrait pas compte du point de vue des francophones hors Québec. Ce point de vue s'exprimerait dans l'ensemble des décisions que les parlementaires auraient à soupeser.
[Traduction]
Le sénateur Grafstein: Monsieur le ministre, comme vous nous l'avez dit dans votre introduction, vous avez lu très attentivement les témoignages que nous avons entendus, tout comme nous d'ailleurs. Vous devez manifestement comprendre qu'il y a des sénateurs qui ont des convictions, des principes, mais également, par le prisme de la Constitution, une vision de notre pays, auxquels ils tiennent beaucoup.
Je ne discuterai pas avec vous aujourd'hui de ce que vous dites dans votre préambule au sujet d'un exemple d'égalité des droits entre une province et le Parlement. Je n'accepte pas ce que vous dites -- si la question était posée à l'inverse -- comme une analogie, parce que je n'ai jamais pensé qu'une province avait le même pouvoir que l'État fédéral.
Je n'en discuterai pas avec vous, mais je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que l'avis de la Cour suprême a répondu à deux questions claires et que le reste n'était pas nécessairement contraignant. Tous les témoins que nous avons entendus hormis vous nous ont dit que rien dans la Constitution n'empêcherait le Sénat d'être partie prenante. On a délibérément décidé d'exclure le Sénat. Certains témoins, l'un d'entre eux en particulier, nous ont dit qu'en excluant le Sénat, le projet de loi lui-même risquait d'être nul et non avenu. Cela dit, je n'argumenterai pas avec vous à ce sujet.
Je voudrais revenir sur une phrase de votre conclusion qui, ici encore, est fondamentalement différente de ce que je pense. À la page 6 de votre texte vous dites ceci:
Si le Canada n'est pas indivisible sur le plan légal [...]
Vous commencez votre phrase par une double négation. Si on remplace cette double négation par une affirmation suivie d'une négation, cela revient en réalité à dire que le Canada est divisible sur le plan légal.
En 1865, sir John A. Macdonald déclarait qu'il existait au Canada une volonté écrasante de former un peuple uni sous un gouvernement. Si cela n'avait pas été le cas, nous n'aurions jamais réussi. Quant à la division, il a déclaré que nous ne pouvions pas, en fait, l'inclure, parce qu'après avoir divisé les pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces, il n'y avait plus matière à division.
Il y a en revanche deux précédents constitutionnels dont j'aimerais vous entendre parler. Le premier est celui de la Nouvelle-Écosse, qui, à partir d'une question claire ayant donné lieu à une majorité claire, a accepté de se séparer. Lorsque le cas se présenta, le gouvernement fédéral déclara qu'il était incompétent. Et d'ailleurs, c'est le Conseil privé, qui était alors la Cour suprême, qui décida que le gouvernement fédéral n'avait pas le pouvoir de permettre une sécession.
Un exemple plus récent nous vient d'Australie. En 1933, l'Australie occidentale vota à une majorité de 85 p. 100 sur une question claire qui appelait à une séparation de la Fédération australienne, une fédération au demeurant très très semblable à la nôtre pour ce qui est de la division des pouvoirs.
À l'époque, la cour avait déclaré ne pouvoir même pas accepter une pétition à l'effet d'ouvrir des négociations quelles qu'elles soient sans que tous les Australiens se soient exprimés au préalable, c'est-à-dire sans qu'il y ait un mandat total et complet.
Je regarde maintenant ces deux précédents, un au Canada et un en Australie, avec des balises constitutionnelles semblables et qui tous deux laissent entendre que le gouvernement fédéral, et même une des Chambres du Parlement, n'a pas le pouvoir d'entamer ou de déclencher des négociations sans le consentement de tout le Canada.
Monsieur le ministre, si vous concluez que le gouvernement fédéral a ce pouvoir pourvu qu'il y ait une question claire et une majorité claire dans une province seulement, je dois vous dire que, en toute humilité, je ne suis pas d'accord.
M. Dion: Je vous remercie pour ces exemples du passé. S'agissant de la Nouvelle-Écosse et de l'Australie occidentale, Ottawa et Canberra étaient toutes deux opposées à une sécession. Si cela avait été le contraire, je suis persuadé que Londres aurait réagi différemment.
C'est cela l'élément essentiel. Comme ces deux précédents le montrent, une sécession unilatérale est impossible. Dans le cas du Québec, la Cour suprême du Canada a utilisé l'exemple de la Nouvelle-Écosse dans ce sens. Dans une démocratie comme l'Australie ou le Canada, le droit à la sécession n'existe pas. Au Canada, il y a l'obligation d'entamer des négociations, mais uniquement s'il y a clairement soutien populaire dans ce sens.
Le sénateur Grafstein: Dans sa décision, la Chambre des lords a jugé que cela ne pouvait se faire que si cela traduisait le souhait de la population de l'Australie, et non celui d'un ou de plusieurs États, et que le pouvoir fédéral n'avait pas le pouvoir de même amorcer des négociations sans l'expression de ce souhait.
Je m'en tiens à cela, madame la présidente.
[Français]
Le sénateur Joyal: Le Canada est un pays souverain. À qui appartient la souveraineté du Canada?
M. Dion: Aux Canadiens.
Le sénateur Joyal: Comment la souveraineté des Canadiens s'exprime-t-elle?
M. Dion: De différentes façons, mais certainement par la citoyenneté.
Le sénateur Joyal: Cette citoyenneté, ils l'a tiennent d'où?
M. Dion: Du droit.
Le sénateur Joyal: Où retrouve-t-il ce droit?
M. Dion: Dans la Constitution.
Le sénateur Joyal: Quelle est la responsabilité du gouvernement du Canada à l'égard de la Constitution?
M. Dion: De la faire respecter.
Le sénateur Joyal: Qu'est ce que cela veut dire exactement?
M. Dion: Cela veut dire de s'assurer que les Canadiens verront respecter leurs droits constitutionnels reconnus dans la Constitution du Canada.
Le sénateur Joyal: Donc de leurs droits de citoyen tels qu'ils sont reconnus dans la Constitution du Canada?
M. Dion: Exactement.
Le sénateur Joyal: Lorsque vous soutenez que le gouvernement du Canada peut entrer en discussion à ce moment-ci dans l'état du droit actuel sans avoir à consulter qui que ce soit et entrer en discussion ou en négociation pour diviser le territoire du Canada, sur quoi fondez-vous ce privilège ou prérogative du gouvernement canadien si sa responsabilité fondamentale n'est pas de maintenir l'ordre constitutionnel canadien et maintenir l'intégrité territorial du Canada tels que nous les connaissons actuellement?
M. Dion: L'avis de la Cour suprême a clarifié tout cela.
Le sénateur Joyal: L'avis de la Cour suprême n'a pas enlevé au gouvernement du Canada la responsabilité de maintenir l'ordre constitutionnel, de maintenir le respect de l'intégrité territorial et de s'assurer que tous les Canadiens, où que ce soit sur le territoire, puissent jouir et bénéficier de la protection du droit où qu'ils soient. La Cour suprême n'a jamais dit que le gouvernement canadien était relevé de cette responsabilité. À ma connaissance, je ne vois pas dans quel paragraphe la Cour suprême peut avoir dit au gouvernement canadien: «Vous avez la première prérogative de cesser et de maintenir l'ordre constitutionnel canadien et de commencer à diviser le pays avec quiconque».
M. Dion: C'est bien pourquoi, si jamais on se retrouvait dans la situation d'entreprendre la négociation d'une sécession, l'ordre juridique canadien prévaudrait. Le gouvernement canadien aurait la responsabilité, tout au long de ces négociations, de s'assurer que tous les Canadiens ont leur plein droit constitutionnel respecté dans la province en question partout au Canada et partout dans le monde.
Le sénateur Joyal: Le gouvernement canadien n'a pas la prérogative de faire autre chose que de maintenir l'ordre constitutionnel et la continuité du droit tel que nous l'avons au Canada. Où le gouvernement canadien peut-il puiser tout à coup la capacité constitutionnelle de ne plus respecter cette obligation fondamentale?
M. Dion: Il la respecte, parce que tout au long des négociations, les citoyens de la province sont des citoyens canadiens qui ont les mêmes droits que les autres Canadiens. Ce ne serait que lorsqu'on se serait entendu sur un accord de séparation et que cet accord, à partir d'une procédure indéterminée, en deviendrait un reconnu dans la Constitution qu'alors ces citoyens auraient perdu leur droit d'être Canadiens.
Le sénateur Joyal: Il y a un défaut dans cette logique. Vous soutenez que 10 ou 12 p. 100 de la population canadienne, environ 3,5 millions de Québécois peuvent décider que les droits de 26,5 millions de Canadiens vivant ailleurs au Canada seront anéantis par leur seule volonté de s'exprimer que cette situation de droit cesse au Canada. C'est ce que je ne comprends pas dans votre raisonnement. Comment 12 p. 100 des actionnaires d'une corporation peuvent-ils exiger du CEO et du «board» de mettre fin à la compagnie alors que les deux tiers de la majorité des actionnaires ne se sont pas prononcés? Si c'est bon en droit corporatif pourquoi cela ne l'est-il pas en droit démocratique? C'est là où votre raisonnement fait défaut.
M. Dion: Ce n'est pas le mien, c'est celui de la Cour suprême, sénateur. Vous avez un problème avec l'avis de la Cour suprême et pas avec le projet de loi sur la clarté, ou du moins votre problème avec le projet de loi sur la clarté vient de votre désaccord avec la Cour suprême de ce pays.
Il est évident que lorsqu'on négocie la sécession, tous les Canadiens restent des Canadiens. Tous leurs droits devront être respectés. Le gouvernement de la province en aucune façon n'a le droit de leur enlever la moindre parcelle de leurs droits d'être Canadiens. Il est aussi évident qu'il n'y a pas de droit à la sécession. Si on entreprend de la négocier, le gouvernement de la province reste le gouvernement d'une province. Une déclaration unilatérale de sa part n'aurait pas force de droit. Et c'est simplement si on en arrive à la conclusion d'un accord de séparation, et que cet accord est entériné par un amendement constitutionnel, que les citoyens de la province ont perdu leurs droits de Canadiens.
Le sénateur Joyal: Mais cela ne change pas fondamentalement.
[Traduction]
Le sénateur Taylor: Le sénateur Joyal a raison. Si nous perdons le Québec, nous, les Canadiens, perdront bien des droits.
Dans vos remarques liminaires, vous avez dit ne pas croire qu'on ait des velléités de séparation dans l'Ouest et que ce projet de loi ne s'applique réellement qu'au Québec. À mon sens, il s'applique à tout le pays. J'espère que vous n'envisagez pas de poser aux Albertains une question bien précise comme: «Que préférez-vous: Vous séparer du Canada ou accepter le contrôle des armes à feu?». Cela pourrait se retourner contre vous.
L'une des principales raisons pour lesquelles vous excluez le Sénat, c'est que la Chambres des communes peut renverser un gouvernement par un vote de censure. Le Sénat ne peut tenir de vote de censure comme tel, mais il a un droit de veto, ce qui est essentiellement la même chose.
Dans le passé, nous avons renvoyé des projets de loi à la Chambre des communes. Nous avons exercé notre pouvoir relativement à la TPS. Il y a eu un long débat à ce sujet qui n'a toutefois pas donné les résultats escomptés. Dans le cadre du débat sur le libre-échange, le Sénat a provoqué le déclenchement d'élections générales sur ce thème. La population s'est prononcée pour la Chambre des communes ou l'organe administratif.
Plus récemment, il y a eu le dossier de l'aéroport Pearson qui a révélé un manque de confiance dans le gouvernement de l'époque et mené à des changements.
Lorsqu'on dit que le Sénat ne peut tenir de vote de censure, on joue avec les mots. Lorsque nous exerçons notre droit de veto pour forcer le déclenchement d'élections, c'est une forme de censure. Qu'en pensez-vous?
M. Dion: Lorsque le Sénat se dit en désaccord avec un projet de loi et refuse de l'adopter, rien n'oblige le gouvernement à agir en conséquence. Le gouvernement peut respecter la décision du Sénat. Dans le cas contraire, il peut tout simplement présenter un autre projet de loi.
Le sénateur Taylor: Ou déclencher des élections.
M. Dion: Si la majorité des députés adoptent une motion de censure, deux seules choses sont possibles: des élections sont déclenchées ou un autre parti est invité à former le gouvernement. C'est ce qu'on appelle le gouvernement responsable. Au Canada, la tradition veut que la Chambre responsable soit la Chambre élue.
Le sénateur Cools: Ce n'est pas une tradition. Madame la présidente, je vous en prie. Mon nom ne figure pas sur la liste, mais vous ne pouvez, comme présidente, permettre qu'on répète ces déclarations erronées.
La présidente: Sénateur Cools, votre intervention est contraire au Règlement.
Le sénateur Cools: Madame la présidente, vous devriez exercer votre pouvoir à l'égard du ministre comme vous le faites à l'égard des membres du comité. Vous avez la responsabilité d'assurer une discussion ordonnée. Cela comprend...
La présidente: En effet, et je vous demande d'attendre votre tour.
Le sénateur Cools: Cela comprend, madame la présidente, corriger le témoin lorsqu'il fait des erreurs si grossières.
La présidente: Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Dion: On reconnaît généralement qu'il existe une convention voulant que la Chambre responsable soit la Chambre des communes. Je ne crois pas que cela soit remis en question.
Pour cette raison, seule la Chambre des communes est en mesure de s'engager dans des négociations constitutionnelles grâce à son droit de veto.
Le sénateur Taylor: Vous avez bien fait valoir ce nouvel argument, mais je crois que vous voyez où je veux en venir. La censure du Sénat est tout aussi efficace sinon davantage que celle de la Chambre des communes, dont on fait souvent fi. Le pouvoir exécutif du jour sait comment contourner cette défiance.
Lors de votre dernière comparution, je vous ai demandé si on avait déjà exclu le Sénat auparavant. Vous avez eu la gentillesse de nous faire parvenir très récemment la liste des quatorze lois qui excluent le Sénat d'après vous. J'ai mis mes attachés de recherche au travail. Ils sont compétents, à mon avis, tout aussi compétents que les vôtres et je déposerai et ferai distribuer mon propre document.
Sur les 15 lois qui vous avez recensées, pas une seule ne prévoyait la délégation de pouvoirs du Sénat à la Chambre des communes. Dans deux ou trois de ces lois, la Chambre des communes semble privilégiée, mais, en fait, ce n'est que parce que le Parlement délègue des pouvoirs au ministre. Autrement dit, j'ignore comment vos attachés de recherche s'y sont pris, mais ne pourrait-on pas faire en sorte que vos attachés de recherche et les miens s'entendent sur la liste des précédents? Pour l'instant, les miens estiment que les vôtres prennent des vessies pour des lanternes.
En matière de réglementation, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes est chargé d'examiner tous les règlements.
Ma dernière question sera brève et simple. Monsieur le juge Estey, que je respecte beaucoup, a déclaré que le projet de loi C-20 est absurde et devrait être contesté. À son avis, on ne peut tout simplement contourner le régime bicaméral. Cela peut sembler égoïste de notre part de défendre le Sénat, mais l'on ne peut faire fi du régime bicaméral.
La situation ne serait-elle pas pire si nous adoptons ce projet de loi mais qu'il est ensuite contesté devant les tribunaux? Et si la Cour suprême donnait raison au juge Estey? Ne serait-il pas préférable d'obtenir l'avis de la Cour suprême avant d'aller de l'avant avec le projet de loi?
M. Dion: Vous avez soulevé plusieurs questions. Je vais tenter de ne pas en oublier. Premièrement, vous avez demandé de citer des cas où la Chambre seule joue un rôle. Votre deuxième question porte sur les remarques du juge Estey, et votre troisième question est de savoir si le projet de loi pourrait faire l'objet d'une contestation judiciaire.
Le premier point ne constitue pas du tout mon principal argument. Certains d'entre vous ont demandé si l'on ne créait pas un précédent en attribuant un rôle à la Chambre seule. Ce n'est pas un précédent. Dans d'autres domaines -- qui sont, je vous l'accorde, bien moins importants que le sujet dont nous sommes saisis -- cela s'est fait. Le paragraphe 6(2) de la Loi électorale du Canada prévoit que, lorsque le poste de directeur général des élections devient vacant, il est comblé par le biais d'une résolution de la Chambre des communes. Par ailleurs, l'article 6 de la Loi sur les départements et ministres d'État stipule que tout décret établissant un département d'État ou modifiant le nom d'un ministre d'État doit être approuvé par une résolution de la Chambre des communes. Ce ne sont que deux exemples qui montrent que nous n'établissons pas de précédent.
Le sénateur Taylor: Ce sont des exemples insignifiants, mais poursuivez.
M. Dion: Cela s'est fait ailleurs, ce n'est donc pas un précédent. Toutefois, ce n'est pas mon argument. J'avance que seule la Chambre des communes a le pouvoir de mettre fin à des négociations constitutionnelles grâce à son droit de veto. C'est la Chambre qui a ce pouvoir, car il ne serait pas indiqué de confier au Sénat un pouvoir qu'il n'a pas déjà. Nous n'enlevons aucun pouvoir au Sénat. Seulement, nous ne lui conférons pas de nouveau pouvoir. Nous ne devrions d'ailleurs pas le faire. Nous devons respecter les règles du jeu, respecter la loi, surtout lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi radical, d'aussi difficile et d'aussi pénible qu'une sécession.
Comme vous le savez, le juge Estey a dit bien des choses. Au sujet de la constitutionnalité du projet de loi C-20, il a déclaré que dans le fond, cette mesure n'était pas ultra vires. Il a ajouté qu'il ne faisait nul doute que le projet de loi traduisait le jugement de la cour. Il a déclaré:
[...] le gouvernement peut employer tout élément du gouvernement pour faire ce qu'il veut, sauf si c'est injuste et coûteux. S'il veut faire appel à la Chambre des communes, de façon ponctuelle, à des fins autres que législatives, rien ne l'empêche de le faire. Toutefois, il ne peut conférer à un autre organe son pouvoir législatif; ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il fait ici.
Vous m'avez demandé si le projet de loi pourrait faire l'objet d'une contestation judiciaire. Oui, il le pourrait, mais nous sommes convaincus qu'il serait jugé constitutionnel.
Nous avons décidé de déposer un projet de loi plutôt que de présenter une résolution notamment pour prouver que nous n'avons aucune crainte. Nous avons la conviction de respecter pleinement la loi du pays, la Constitution du Canada et la Cour suprême.
Le sénateur Finestone: Monsieur le ministre, je ne suis pas ici pour défendre ou expliquer le rôle du Sénat. Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est le milieu d'où je viens, soit celui de la minorité anglophone du Québec. Les Anglo-Québécois sont très inquiets, à juste titre. Ils se souviennent du pénible cauchemar qu'ils ont vécu lorsque l'avenir de leur pays a été menacé parce que le gouvernement n'avait pas établi s'il accepterait la sécession avec un résultat de 50 p. 100 des voix plus une.
Nous avons ici le résultat de vos efforts en vue d'atteindre un objectif, ce qui est bien. Pour l'essentiel, cela me semble bon, mais vous avez fait quelques erreurs que j'aimerais vous signaler.
Du point de vue politique, ce projet de loi ne pose aucun problème parce que les gens -- mais pas dans le monde où je vis -- croient que ce projet de loi ne pourrait être plus clair. Lorsqu'ils iront voter au prochain référendum que tiendra le Québec, cela les rassurera, car ils croiront ne plus jamais avoir à s'inquiéter de ce qui se passera si le résultat est de 50 p. 100 des voix plus une. Ce sera on ne peut plus clair. Ils n'auront pas à s'inquiéter que ce soit 7-50 ou unanime. Ce sont là les lacunes de ce projet de loi.
J'appuie ce projet de loi, mais je tiens à ce qu'il soit clair comme de l'eau de roche. Premièrement, je veux savoir quelle sera la majorité nécessaire -- ce que sera l'objectif lorsque j'irai voter. Si 98 p. 100 de l'électorat ne veut pas de la sécession, si 97 ou 98,5 p. 100 de l'électorat n'en veut pas, cela suffira-t-il la prochaine fois ou exigera-t-on un rejet unanime de la sécession? Ne me dites pas que cela sera déterminé après le fait. Il sera alors trop tard. Je veux savoir quel doit être le résultat, car je ne veux pas voir de nouveau l'angoisse dont j'ai été témoin la dernière fois. Je ne veux pas que des gens agités se mettent à fermer leurs comptes en banque et à envoyer leurs enfants à l'extérieur de la province en raison de l'instabilité de la situation politique.
Deuxièmement, quel sera le processus de ratification? Pourquoi cela ne vous apparaît-il pas important? Pourquoi estimez-vous que le projet de loi que Mary Dawson vous a aidé à rédiger est parfait? Il n'est pas parfait; pourquoi ne pourrions-nous pas l'améliorer? Vous avez des comptes à rendre à la population. Dans sa forme actuelle, le projet de loi est injuste.
M. Dion: Merci, sénateur. Vous me donnez l'occasion d'étoffer ma réponse à la question du sénateur Gauthier. Les minorités seraient grandement touchées par une sécession, tout comme elles sont, actuellement, touchées par la perspective d'une sécession. Lorsque nous parlons de la minorité anglophone du Québec, nous parlons de la seule minorité dans tous les pays où la démocratie est bien établie qui se voit menacer de perdre son pays depuis plus de 30 ans maintenant, un pays où elle veut rester de façon presque unanime. Habituellement, une telle situation serait très difficile. Voilà précisément pourquoi pour les minorités telles que celle que vous et le sénateur Gauthier représentez la cour a stipulé, dans ces principes fondamentaux, qu'il faudrait négocier et que toutes négociations devraient prendre en compte les droits des minorités. La Cour suprême le dit expressément à maintes reprises dans son avis sur le renvoi et c'est pourquoi, dans le projet de loi sur la clarté...
Le sénateur Finestone: Ça, c'est clair, monsieur le ministre.
M. Dion: J'y reviendrai. On y dit qu'aucun ministre de la Couronne ne peut proposer une modification constitutionnelle réalisant la sécession d'une province du Canada à moins que le gouvernement du Canada n'ait mené des négociations pertinentes selon les circonstances, y compris en ce qui concerne la protection des droits des minorités.
Le sénateur Finestone: Avant ou après, monsieur le ministre? Je veux que ce projet de loi soit adopté, mais je veux connaître les règles avant que ne commence la partie.
M. Dion: En ce qui concerne la majorité, je vous rappelle à tous que nous devons respecter le renvoi de la Cour suprême. Ce n'est pas seulement mon opinion, c'est l'avis de tous les éminents juristes que vous avez entendus.
[Français]
M. Dion: J'ai ici une brochure du gouvernement du Québec publiée en novembre 1999. Il arrive quand même que je sois en accord avec mon gouvernement provincial. Cette brochure est très récente. Je l'ai en français et en anglais. Elle s'intitule: «Justice en bref» en français, et «Your rights at a glance» en anglais.
[Traduction]
Le sénateur Finestone: De l'avis de qui?
[Français]
M. Dion: Je cite un passage de cette brochure.
La Cour suprême peut interpréter la Constitution canadienne, déterminer la constitutionnalité d'une loi [...]. Il lui revient aussi d'étudier certaines questions touchant les pouvoirs du Parlement canadien et des gouvernements provinciaux lorsque de telles questions lui sont adressées par le Gouverneur général en conseil. Bref, la Cour suprême entend des questions d'intérêt national.
Et là, c'est intéressant:
Aucun tribunal d'instance inférieure ne peut, dans ses jugements, aller à l'encontre d'une décision de la Cour suprême.
J'espère que M. Bouchard lit les brochures que son gouvernement distribue.
[Traduction]
Aucun tribunal ne peut aller en l'encontre d'une décision de la Cour suprême dans ses propres jugements.
[Français]
Voici l'avis que nous avons à respecter. Au sujet du seuil de majorité, la cour revient régulièrement sur la nécessité d'une majorité claire.
[Traduction]
Pour ce qui est de la nécessité d'avoir une majorité claire, la cour a rejeté l'idée d'établir à l'avance ce que devrait être cette majorité. Elle a déclaré qu'il incombera aux acteurs politiques de déterminer ce que constitue une majorité claire sur une question claire selon les circonstances dans lesquelles un référendum futur pourrait être tenu.
J'ajouterais que nous avons toujours fait cela. Ainsi, lorsque Terre-Neuve s'est jointe au Canada, le gouvernement du Canada de l'époque n'a jamais déclaré qu'une majorité de 50 p. 100 plus une voix entraînerait une décision exécutoire. Le gouvernement de l'époque a plutôt dit qu'il examinerait le résultat et déterminerait, selon les circonstances, s'il était prêt à accueillir Terre-Neuve. En l'espèce, il a jugé que cela établirait un précédent. Cette décision a été prise dans ce contexte très particulier.
En droit fédéral, comme en droit québécois, le résultat d'un référendum n'est pas contraignant. Que la majorité acceptable soit de 50 p. 100 plus une voix ou une autre, le résultat n'impose aucune obligation. Il faut évaluer le résultat. Ce serait une décision extrêmement dangereuse, une décision irréversible, particulièrement pénible pour les minorités qui tenaient compte de la clarté de la majorité, et c'est ce que ferait le gouvernement du Canada.
Le sénateur Cools: Je remercie le ministre d'être venu et, au cas où on ne m'aurait pas compris, je répète que je suis vigoureusement contre ce projet de loi.
Monsieur le ministre, j'ignore où vous avez appris votre histoire constitutionnelle du pays, mais ce n'est pas celle que j'ai lue. Je tiens aussi à vous dire, monsieur le ministre, que vos connaissances du Sénat sont lacunaires. Le Sénat a bien des pouvoirs que vous ne semblez pas connaître. Le Sénat a déjà destitué des lieutenants-gouverneurs, il a fait plier l'échine à bien des gouvernements et il le fera encore à l'avenir.
Je vois que vous voulez répondre, mais je n'ai pas encore posé ma question. Si vous intervenez, je ne veux pas que cela empiète sur mon temps de parole.
M. Dion: Le Sénat joue un rôle important dans notre régime politique, mais il n'a pas le droit de veto lui permettant d'empêcher que soient entreprises des négociations menant à un changement constitutionnel. Il ne jouit que d'un droit de veto suspensif applicable à la fin des négociations.
Le sénateur Cools: Monsieur le ministre, sauf le respect que je vous dois, vous dites n'importe quoi.
La présidente: Vous avez dit avoir des questions à poser. Posez-les.
Le sénateur Cools: Ma remarque est tout à fait réglementaire. J'aimerais bien que M. Dion réponde à ma question.
M. Dion: J'aimerais d'abord que vous m'expliquiez votre point de vue.
Le sénateur Cools: Vous voulez savoir pourquoi j'estime que vous dites n'importe quoi?
M. Dion: Oui.
Le sénateur Cools: Comme je l'ai déjà dit, lorsque les Pères de la Confédération ont créé le Sénat, ils tenaient à ce que le Sénat existe aussi longtemps que le pays -- que le Canada. Le Sénat s'est vu doter de pouvoirs plus grands que ceux de la Chambre des lords pour des raisons bien précises. Si vous ignorez ces raisons, monsieur le ministre, peut-être pourrions-nous vous faire une leçon d'histoire, car il y a des sénateurs comme les sénateurs Joyal et Grafstein qui étudient la question depuis des années.
Si le Sénat adoptait une résolution ou une motion demandant au Gouverneur général de destituer un ministre de la Couronne, cela causerait de l'émoi.
Mes questions sont simples et directes. À maintes reprises, vous avez cité comme autorité les professeurs Hogg et Monahan. J'ai remarqué que vous n'avez cité aucun des grands premiers ministres libéraux qui étaient aussi des autorités en matière constitutionnelle, tels que MM. Laurier ou Trudeau. Je prétends aussi que vous ne pouvez citer aucun des grands premiers ministres conservateurs du pays qui étaient experts de la Constitution, tels que R.B. Bennett, car pas un seul ne vous aurait appuyé. La vérité se trouve dans les discours des anciens premiers ministres du pays qui savaient ce que c'était que de gouverner le Canada.
Comme vous savez, l'article 91 traite de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. En l'occurrence, la paix a un historique et une grande signification politique et constitutionnelle. On la trouve dans pratiquement toutes les constitutions du Commonwealth. C'est la paix de la Reine, la paix de Sa Majesté. Vous savez sans doute que toutes les poursuites intentées au pays le sont à ce titre. De plus, dans le préambule de la Constitution, on dit que trois provinces, le Canada, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, ont exprimé le désir de former une fédération unie -- pas deux ou trois, mais un seul Dominion de la Couronne.
Monsieur le ministre, tout le monde sait que le sénateur Joyal ne cesse de répéter que le grand objectif, et l'objectif le plus important, de toutes les unions politiques est de produire et de préserver un état de choses, l'état de choses grâce auquel les citoyens peuvent vivre leur vie sans perturbation. Je crois que c'est de là que vient le terme «État». Autrement dit, on veut préserver la stabilité et la paix.
Voici ma question, monsieur le ministre: à titre de ministre de la Couronne, quel est votre devoir d'allégeance au seul et unique Dominion du Canada, à la paix de la Reine et à la Reine du Canada?
M. Dion: Je commencerai par vos premières observations; j'aborderai ensuite, un à la fois, les autres points que vous avez soulevés.
Premièrement, pour vous montrer tout le respect que j'ai pour les sénateurs, je citerai l'un de vos anciens collègues, le regretté sénateur Eugene Forsey, qui a déclaré: «Dans notre système de gouvernement responsable, ce sont les ministres qui sont responsables, qui rendent des comptes à la Chambre des communes.»
Le sénateur Cools: Je pourrais vous donner dix citations comme celle-là. D'où tenez-vous celle-ci? Que le ministre nous dise quel document il cite.
M. Dion: On s'entend généralement pour dire que le gouvernement rend des comptes à la Chambre. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais, à l'origine...
La présidente: Sénateur Cools, vous avez posé une question au ministre. Il tente de vous répondre. Laissez-le répondre.
Le sénateur Cools: J'aimerais qu'il réponde à ma question sur l'allégeance au seul et unique Dominion du Canada.
M. Dion: Oui. Je répondrai à toutes vos questions et à toutes vos observations. Je vous dirai...
Le sénateur Cools: Vous n'avez pas encore répondu à une seule de mes questions, monsieur le ministre. Lorsque j'ai pris la parole...
La présidente: Silence!
Le sénateur Cools: Je suis désolée, mais il est déjà venu témoigner et il a cité le sénateur Joyal et bien d'autres gens. J'ai prononcé deux discours au Sénat et je n'ai pas encore eu une seule réponse du ministre. Je continue de garder espoir, car je suis et je serai toujours optimiste.
M. Dion: Il me serait plus facile de vous répondre si vous me laissiez parler.
Premièrement, c'est la Chambre des communes qui est la Chambre responsable. C'est reconnu.
Deuxièmement, le Sénat a bien des pouvoirs mais il n'a pas le pouvoir de faire parler les morts. J'ignore ce que Wilfrid Laurier aurait dit sur le projet de loi de clarification.
Troisièmement, le Canada a été créé pour former un dominion. S'il y avait deux dominions, nous le saurions. On a créé un dominion de la Couronne. Cela ne signifie pas que le Canada est indivisible. Cela n'a été écrit nulle part. Où se trouve l'expression «territoire indivisible de la Couronne»? Comme vous le savez, la Couronne britannique a depuis perdu l'Irlande. La notion d'indivisibilité ne peut procéder du fait que le Canada ne constitue qu'un seul et unique dominion.
Maintenant, est-ce que l'un d'entre vous peut m'indiquer ce qui confère au Sénat le pouvoir d'empêcher le gouvernement d'entamer des négociations constitutionnelles?
Le sénateur Cools: Le Sénat a toutes sortes de pouvoirs. Monsieur le ministre, je vous ai demandé quel était votre devoir, comme ministre, votre devoir d'allégeance à Sa Majesté la Reine et au Dominion du Canada. C'était ma question. À qui devez-vous allégeance?
M. Dion: Je dois allégeance aux valeurs auxquelles je crois, au pays auquel j'appartiens et au peuple du Canada. Je crois en avoir fait la preuve. Je suis étonné que vous m'interrogiez là-dessus.
Le sénateur Cools: Je parle d'un serment d'allégeance, madame la présidente. J'aurais cru que vous l'auriez respecté. Vous avez prêté ce serment.
La présidente: Vous avez posé une question et le ministre y a répondu. Le ministre doit partir à l'heure prévue pour l'ajournement de nos travaux, soit à 15 heures.
[Français]
Le sénateur Beaudoin: Monsieur le ministre, j'entends depuis des semaines parler du vote de non-confiance au Canada. Mais le projet de loi C-20 ne change rien au vote de confiance. Le vote de confiance est une de nos grandes traditions constitutionnelles et conventionnelles. Cela existe. Nous n'avons pas besoin d'en parler, cela existera aussi longtemps que notre grand pays demeurera.
Quand nous disons que nous ne pouvons pas donner un pouvoir au Sénat comme nous le donnons à la Chambre des communes, parce que seul la Chambre des communes peut avoir un vote de non-confiance, il est vrai que la Chambre des communes est le seul endroit où nous avons le vote de confiance. Mais cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-20. Cela n'a rien à voir avec la législation. Si nous n'avions pas le projet de loi C-20, et qu'un référendum avait lieu, le gouvernement fédéral négocierait ainsi que le premier ministre et son Cabinet. La Chambre des communes pourrait tenir un vote de confiance ou de non-confiance. Personne ne le conteste. Le vote de confiance existe, nous ne le donnons pas dans le projet de loi C-20.
Si par le projet de loi C-20 nous donnons un pouvoir à la Chambre des communes et que nous ne le donnons pas au Sénat, cela ne change rien au vote de confiance. Cependant, à mon avis, cela va contre le principe du bicaméralisme qui fait partie de la Constitution du Canada depuis au moins 1867. Ce projet de loi C-20 est un projet de loi et nous devons traiter les deux Chambres de façon égale. Ou nous devons apporter un amendement constitutionnel, peut-être de l'article 44 -- il ne peut pas y en avoir d'autres -- ou de la formule du 7-50 qui s'applique et personne n'en parle. Je pense que c'est très discutable parce que lorsque l'article 44 parle des amendements au Sénat, à la Chambre des communes et à la Constitution en général, ce sont des amendements mineurs.
Donc, c'est une loi. Si vous donnez un pouvoir à une Chambre et que vous ne le donnez pas à l'autre, le moins qu'on puisse dire c'est que vous traitez différemment les deux Chambres. En traitant différemment les deux Chambres, on va à l'encontre du principe de bicaméralisme qui est enchâssé dans notre Constitution. Je ne dis ni plus ni moins que cela.
Les experts qui ont comparu, bien que très intéressants, n'ont jamais parlé de l'égalité des deux Chambres sur le plan législatif. Sur le plan constitutionnel, notre veto n'est que suspensif -- on le sait -- mais sur le plan législatif, notre veto est absolu parce que si on ne vote pas le projet de loi C-20, il ne passe pas.
Pourquoi traiter différemment les deux Chambres? Il est vrai que c'est peut-être plus compliqué, mais peut-être que cela pourrait être utile. Je ne convaincrai peut-être personne, mais c'est ce que je pense.
M. Dion: Il est certain qu'il faut regarder de quelle décision on parle. Nous parlons de la décision qui consisterait à établir si la question sur la sécession est claire et si la majorité est claire.
La cour a dit qu'il appartenait aux acteurs politiques de déterminer cela. Si le gouvernement du Canada devait être devant la situation où, sans ambiguïté, les électeurs d'une province auraient exprimé clairement cette volonté de se séparer du Canada, il y a obligation d'entamer un processus de négociation sur cette question. Il s'agit donc de négociations constitutionnelles.
Le sénateur Beaudoin: Dans une loi.
M. Dion: Dans une loi. Mais on n'enlève rien au Sénat lorsqu'on dit que la seule Chambre qui peut empêcher que des négociations constitutionnelles se tiennent, c'est la Chambre des communes. Le projet de loi sur la clarté n'enlève rien au Sénat et s'il change quelque chose, il oblige la Chambre des communes à tenir compte de tout avis du Sénat. En quoi le pouvoir du Sénat est-il affecté à la baisse? En aucune façon. Plusieurs experts vous l'ont dit, les prérogatives du Sénat sont pleinement respectées.
Le sénateur Beaudoin: Les experts disent qu'une Chambre peut donner ses pouvoirs à l'autre Chambre.
M. Dion: Cette fois-ci ce n'est pas le cas.
Le sénateur Beaudoin: C'est ce que les experts disent mais en toute justice, je me demande où ils ont pris cela. S'ils disent qu'ils l'ont fait dans le passé, c'est peut-être possible. Ce n'est pas parce qu'il existe un précédent quelque part où on a traité inégalement les deux Chambres qu'on ne doit pas arrêter de le faire.
M. Dion: Si on faisait ce que vous nous demandez, on donnerait au Sénat un pouvoir qu'il n'a pas et qu'il n'aurait pas dans aucune autre circonstance. Pour tout autre amendement constitutionnel, le Sénat n'aurait pas le pouvoir de bloquer l'entrée en négociation mais pour cet amendement il l'aurait. C'est ce qui serait difficile à justifier.
[Traduction]
Le sénateur Milne: Monsieur le ministre, ma question est simple et je crois qu'elle tombe à point nommé. Pourquoi êtes-vous convaincu que ce projet de loi assurera l'avenir du Canada?
M. Dion: Oui, j'en suis convaincu. Comme Québécois et comme Canadien, j'estime avoir le droit de conserver mon pays, le Canada, à moins qu'une claire majorité de la population québécoise ne souhaite plus faire partie du Canada.
Si nous nous entendions tous sur ce principe, nous pourrions ne pas nous entendre sur la pertinence de la sécession. Toutefois, nous estimons que cela ne peut se faire en fonction d'une faible majorité ayant répondu à une question embrouillée. Si nous n'avions pas d'objection à cela, le projet de loi sur la clarté n'aurait pas été nécessaire.
Dans une démocratie, lorsqu'il y a désaccord sur une question de fond et sur le processus de règlement de cette question, on demande aux tribunaux de déterminer qui a raison. La Cour suprême du Canada n'a pas déclaré qu'il était bien ou mal de faire sécession. La cour a affirmé que, pour qu'il ait obligation de négocier sur un sujet si important, on doit avoir une majorité claire sur une question claire et négocier dans le cadre constitutionnel. Je tiens à ce que cela soit garanti. C'est mon droit, comme citoyen du pays, et c'est votre droit à vous aussi.
Le sénateur Murray: Monsieur le ministre, ai-je raison de croire, d'après votre exposé d'aujourd'hui, que le gouvernement n'appuiera aucun amendement à ce projet de loi, qu'il encouragera les sénateurs libéraux à rejeter tout amendement qui serait proposé et que, si des amendements étaient proposés à la Chambre des communes, vous vous serviriez de votre majorité pour les faire rejeter?
M. Dion: Le gouvernement ne peut dire aux Canadiens qu'aucun amendement n'est bienvenu, que ce n'est pas une bonne idée de présenter des amendements, nous le savons. Nous ne pouvons déclarer vouloir faire adopter ce projet de loi sachant qu'il n'est peut-être pas parfait. Aucun gouvernement ne pourrait faire cela.
Le gouvernement du Canada ne peut prétendre qu'un projet de loi qui conférerait au Sénat un rôle qu'il n'a pas déjà ou qui affirmerait que le Canada est indivisible alors qu'il ne l'est pas serait un projet de loi acceptable.
Le sénateur Murray: Vous répondez donc oui à mes trois questions.
M. Dion: Nous ne pouvons pas accepter ces deux amendements.
Le sénateur Murray: Le gouvernement n'en acceptera pas un seul?
M. Dion: Non.
Le sénateur Murray: Vous allez insister auprès des sénateurs libéraux pour qu'ils votent contre ces amendements?
M. Dion: Contre ces deux amendements, oui.
Le sénateur Murray: Vous allez mobiliser votre majorité à la Chambre des communes pour rejeter tout amendement qui pourrait être recommandé par le Sénat, c'est bien cela?
M. Dion: Le premier ministre a déclaré que nous avions besoin du projet de loi de clarification. Ces deux amendements ne sont pas une bonne idée.
Le sénateur Murray: Y en a-t-il d'autres qui seraient plus acceptables?
M. Dion: Nous sommes ici pour en discuter. Par contre, jusqu'à présent, je n'ai encore vu aucun amendement qui améliorerait le projet de loi à la satisfaction du gouvernement.
Le sénateur Cools: Madame la présidente...
La présidente: Merci, sénateur Murray. Nous allons maintenant passer au sénateur Kinsella, puis au sénateur Nolin.
Le sénateur Cools: Madame la présidente, je n'accepterai pas qu'on m'ignore.
La présidente: Sénateur?
Le sénateur Cools: Madame la présidente, vous avez le devoir de faire en sorte que les choses soient claires. Vous devriez peut-être ainsi préciser, à notre intention à tous, à quoi ressemblerait au juste un amendement sénatorial qui peut être considéré comme acceptable par le ministre Dion.
La présidente: Le ministre Dion a été très clair dans sa réponse. Il a dit qu'il n'avait encore vu aucun amendement, officiel ou officieux, qui pourrait à son avis améliorer le projet de loi.
Ai-je bien résumé votre position, monsieur le ministre?
M. Dion: Oui.
Le sénateur Cools: Mais, madame la présidente, ce serait bien difficile...
La présidente: Il y en a peut-être ici qui ne sont pas du même avis.
Le sénateur Cools: Madame la présidente, aucun amendement n'a été proposé, et ce serait donc assez difficile.
La présidente: Sénateur Cools...
Le sénateur Cools: Madame la présidente, le ministre escomptait qu'il y ait des amendements, et il a dit également qu'il n'en escomptait aucun qui puisse être acceptable.
La présidente: Le sénateur Murray a parlé de deux amendements en particulier.
Le sénateur Cools: J'aimerais savoir ce que le ministre juge être un amendement acceptable.
La présidente: Si le prochain sénateur à prendre la parole selon ma liste souhaite poser la question, il est entièrement libre de le faire.
Notre intervenant suivant sera donc le sénateur Kinsella qui sera suivi par le sénateur Nolin.
Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, le premier ministre Binns de l'Île-du-Prince-Édouard a dit en comité que, pour ce qui est du bon fonctionnement du Sénat, il partageait effectivement les préoccupations de ceux qui considéraient la mise en oeuvre et la mise à exécution du projet de loi C-20 comme un danger véritable.
Il a déclaré également que tant que d'autres arrangements ne seront pas mis en place, l'Île-du-Prince-Édouard devra être fidèle à ses principes historiques. Il a déclaré que le Sénat était important en ce sens qu'il défend la représentation de son île au sein des deux Chambres du Parlement. Il a dit croire que, dans la mesure où le projet de loi C-20 bat en brèche directement ou indirectement la validité et le bon fonctionnement du Sénat, une province comme l'Île-du-Prince-Édouard se devait de faire valoir ses inquiétudes.
En votre qualité de ministre des Affaires intergouvernementales, avez-vous discuté de cela avec le premier ministre Binns ou avec d'autres de ses homologues provinciaux?
M. Dion: La réponse est «oui». Si vous me permettez, sénateurs, je vais vous citer une résolution signée par l'honorable Pat Binns et par l'honorable Mitch Murphy le 14 décembre 1999 à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard.
IL EST DONC RÉSOLU que cette Assemblée a appuyé l'adoption par la Chambre des communes d'un texte législatif donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec afin que le gouvernement du Canada n'engage aucune négociation pouvant mener à la sécession d'une province du Canada, à moins que ladite négociation ne fasse suite à un référendum avec une question et une majorité suffisamment claires.
Le sénateur Kinsella: Le comité s'est mis en rapport avec tous les gouvernements provinciaux et territoriaux, mais tous ont décliné notre invitation à comparaître. Que concluriez-vous de cette attitude pour ce qui est de leur intérêt à l'endroit de votre projet de loi?
M. Dion: Partout au Canada le projet de loi a reçu un fort appui. Dans ma province, au Québec, et malgré l'opposition agressive du premier ministre, la population n'a pas répondu à son appel de s'insurger contre le projet de loi.
La résolution adoptée à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard parlait expressément de la Loi de clarification. Elle disait en effet ceci également:
ET ATTENDU QUE «Une loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec a été déposée à la Chambre des communes»:
Je sais que le premier ministre Binns est toujours favorable au projet de loi. Il a déclaré qu'il souscrivait à l'objectif général du projet de loi, c'est-à-dire l'exigence de clarté. Il a fait valoir deux préoccupations: la première concernait le risque que ce projet de loi puisse contribuer à aggraver l'aliénation ressentie par de nombreux Québécois. La seconde concernait le Sénat. Je serais heureux de discuter avec lui de ces deux préoccupations que je ne partage toutefois pas. Je pense que les Québécois savent que le projet de loi est là pour protéger leurs droits et que le Sénat est invité à assumer pleinement le rôle qui lui revient dans notre système politique.
Le sénateur Kinsella: Mais que pensez-vous d'un premier ministre d'une province des Maritimes qui se dit préoccupé du fait que le Sénat est ainsi exclu d'un rôle déterminant dans ce processus, un rôle qui est confié exclusivement aux membres de la Chambre des communes? À l'heure actuelle, la Chambre des communes compte 301 députés dont 103 représentent l'Ontario. Il n'y a que quatre députés qui représentent l'Île-du-Prince-Édouard. Pour l'ensemble des provinces maritimes, il n'y en a que 24. Au Sénat par contre, 24 sénateurs représentent la division des Maritimes. Il y a un nombre égal de sénateurs qui représentent la province de l'Ontario.
Pensez-vous peut-être que les Pères de la Confédération ne voulaient pas en faisant cela veiller à protéger les intérêts minoritaires, et minoritaires surtout au sens régional de terme?
M. Dion: Le premier ministre Binns est favorable à la majorité des dispositions du projet de loi. Ainsi, il a déclaré qu'une majorité de 50 p. 100 des voix plus une ne suffisait pas et qu'il nous fallait des règles. Tous les premiers ministres provinciaux sont favorables au projet de loi. L'appui des provinces est acquis.
On pourrait par contre se demander laquelle des deux Chambres, le Sénat ou les Communes, est la plus représentative. Il n'en demeure pas moins que le Sénat n'a pas de pouvoir de veto lorsqu'il s'agit d'entamer des négociations constitutionnelles. Nous ne saurions donc lui donner un pouvoir qu'il n'a pas.
Je pourrais d'ailleurs vous citer de nombreux experts que le comité a déjà entendus, et notamment M. le doyen Hogg, qui a dit ceci:
Si une seule des deux instances doit être choisie, le choix doit porter sur celle qui est élue directement, qui détermine la composition du gouvernement qui aura la responsabilité de mener les négociations constitutionnelles.
Le sénateur Lynch-Staunton: La Chambre des communes peut-elle empêcher le gouvernement d'entamer des négociations constitutionnelles?
M. Dion: Oui, en adoptant une motion de défiance.
Le sénateur Lynch-Staunton: Arrêtez de faire de la théorie.
M. Dion: La Chambre peut censurer le gouvernement.
[Français]
La présidente: Monsieur Dion, comme vous le savez, le sénateur Nolin aurait une autre question à vous poser. Un autre sénateur aimerait aussi vous poser des questions et il n'a pas encore eu l'occasion de le faire. Si vous avez le temps, je vais ajouter le nom du sénateur à la suite du sénateur Nolin avant de vous remercier.
M. Dion: Je suis tout à fait disposer à prendre tout le temps nécessaire.
Le sénateur Nolin: En votre absence, j'ai fait référence à vous comme étant un professeur. C'était bien malgré moi et je m'en excuse en votre présence.
Ma première question touche à l'opinion des Canadiens de l'Ouest. M. Gibbins a témoigné devant nous et on lui doit lui reconnaître une certaine crédibilité en la matière. Il nous a dit que dans l'Ouest, le projet de loi avait des vertus qu'il n'avait pas en réalité. Je présume que vous avez lu les témoignages. Avez-vous un commentaire à faire sur cette affirmation de M. Gibbins?
M. Dion: Tout ce que je peux dire, c'est que le gouvernement a dit la même chose en français et en anglais partout au pays à l'effet que si c'est clair, on négocie, si ce n'est pas clair, on ne négocie pas.
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas la traduction de votre opinion qui l'importait, mais la perception des vertus curatives du projet de loi, donc le besoin de clarté et personne ne le conteste.
M. Dion: Je crois que nos concitoyens des autres provinces pendant très longtemps ont été pris pour acquis. Le gouvernement péquiste laissait entendre que le partenariat serait acquis. On leur a donné l'occasion de dire «il n'en est pas question» et cela leur a fait beaucoup de bien. On ne doit pas les tenir pour acquis. Si les Québécois cessent d'être Canadiens, il ne faudra pas croire qu'on gardera le Canada par la porte d'en arrière.
Le sénateur Nolin: M. Gibbins nous dit: quoiqu'il devienne du moment qu'on aura dépassé la barre du 50 p. 100, il n'a pas précisé le type de question. Du moment qu'on dépasserait le 50 p. 100, tout va être, pour employer une expression que vous n'aimez pas tellement, nous seront dans un trou noir et tout sera négociable. J'aimerais connaître votre opinion.
M. Dion: La règle du 50 p. 100 est une règle absurde pour ce genre de décision. M. Gibbins sous-estime les difficultés auxquelles on ferait face si on entreprenait une telle négociation sans avoir l'assurance que c'est la volonté de la province touchée, dans le cas qui nous occupe, le Québec. La grande difficulté serait d'enlever le Canada à des gens qui veulent le garder et plus ces gens seraient nombreux, plus la difficulté serait grande et plus les gens de l'Ouest se sentiraient solidaire. Pour minimiser ce problème, il faut une majorité claire et résolue à cesser de faire partie du Canada. Cette majorité doit être ferme et ne pas s'évanouir aux premières difficultés. En ce qui a trait au 50 p. 100 plus un, je ne peux pas dire grand-chose du projet de loi 99 qui est discuté dans un autre Parlement, à l'Assemblée nationale. Seulement que je le trouve trop hypocrite. Dans un des éléments de leur projet de loi, ils ont dit: «si le peuple québécois se prononce en tant que peuple sur son avenir, la règle sera 50 p. 100 plus un. Ce qui veut dire que dans tous les autres cas, le gouvernement du Québec ne reconnaît pas la règle du 50 p. 100 plus un. La loi des consultations populaires du Québec ne prévoit pas de seuil de majorité -- ce qui est une bonne chose -- et laisse au gouvernement le besoin d'évaluer le résultat. La seule fois où un vote pourra déterminer le résultat, c'est quand il s'agira de nous arracher le Canada. J'espère qu'on dira à Mme Harel qu'au moment même où on refuse toutes sortes de majorités très claires contre des municipalités qu'on veut amalgamer contre leur volonté, on dira que pour briser un pays, 50 p. 100 plus un c'est suffisant? C'est pour vous prouver à quel point cette règle est absurde et inacceptable pour ce genre de décision grave et irréversible.
Le sénateur Nolin: Vous confirmez l'affirmation de M. Ryan lorsqu'il dit et je le cite:
Le projet de loi procède d'une méfiance quasi vicérale à l'endroit de la bonne foi d'un parti et d'un gouvernement qui ont toujours agit, que je sache, dans le respect des règles constitutionnelles et de la l'égalité.
M. Dion: Je ne fais pas de procès d'intention, je me base sur les faits. Si M. Bouchard nous disait aujourd'hui que bien sûr il ne précipitera pas les gens dans un référendum sans avoir l'assurance de le gagner clairement, mais lorsqu'il aurait la preuve, par toutes sortes d'indices qu'on obtient en démocratie, que le référendum est l'occasion -- non pas de savoir ce que les gens pensent et ainsi essayer d'arracher une majorité par une question bâtie à coup de «focus group» dans le «bunker», mais qu'il sait que les Québécois veulent cesser d'être Canadiens et que c'est clair -- de donner à cet appui une confirmation officielle, je ne serais pas là devant vous à défendre le projet de loi sur la clarté.
Ce n'est toutefois pas ce qu'il dit, car il dit que 50 p. 100 plus un sera la règle et que dès qu'il l'obtiendra, ce sera bon pour toujours, et que même s'il ne l'obtient pas, il va se réessayer. On a essayé une fois, et une deuxième fois. Les deux fois, le leader du Oui, non seulement le premier ministre du Canada mais le leader du oui aussi a dit que les questions étaient des fraudes. En 1980, M. Ryan était le chef, et voici ce qu'il disait de la question de 1980:
[...]une vraie fraude [...] trompeuse et malhonnête. [...] camouflage en vue d'élargir au maximum l'assiette du Oui.
Et au sujet du 50 p. 100 plus un, M. Ryan disait, à deux jours du vote en 1980:
Si les Québécois votaient oui à 52 p. 100 mardi soir, on ne saurait pas ce que cela voudrait dire parce qu'il n'y aurait pas de négociations et l'on serait plongé dans un deuxième référendum d'ici six mois ou un an.
Aujourd'hui, il nous dit que cela prend 50 p. 100 plus un des inscrits et non pas seulement 50 p. 100 des voix exprimées. M. Ryan dit aussi:
On ne peut pas perdre le Canada avec une question qui est une vraie fraude et une question trompeuse et malhonnête.
Moi, je ne fais pas de procès d'intention, je juge à partir des faits. Nous avons un pays qui s'appelle le Canada, et ce pays ne sera jamais perdu par aucun Canadien, dans la confusion. C'est une question de droit fondamental et j'espère que vous, sénateurs, donnerez cette garantie aux Canadiens en votant, conservateurs et libéraux ensemble, pour le projet de loi sur la clarté.
[Traduction]
Le sénateur Murray: Vous avez dit que vous donnerez la parole au sénateur Prud'homme et qu'ensuite vous remercierez le ministre. Je n'ai pas pour ma part d'autres questions ou observations. Je ne dirai donc rien, mais s'il y a d'autres sénateurs qui ont des questions ou observations, pourquoi diable faut-il mettre aussi abruptement un terme à cette réunion à 15 heures? Je sais que notre ordre du jour précisait qu'il comparaîtrait de 13 h 30 à 15 heures, mais c'est quand même une question importante. S'il y a des sénateurs qui veulent interroger le ministre, j'imagine que celui-ci n'hésiterait pas à rester un peu plus longtemps.
La présidente: Le ministre nous a dit qu'il pourrait effectivement rester un peu plus longtemps si les membres du comité le souhaitaient.
M. Dion: Je suis à la disposition de mes collègues.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Je me sens exclu du débat par le ministre, -- mais je le dis gentiment -- puisqu'il dit espérer que tous mes collègues libéraux et conservateurs voteront en faveur du projet de loi C-20.
M. Dion: Excusez-moi.
Le sénateur Prud'homme: Monsieur le ministre, pour bien finir votre journée, je peux vous assurer que vous n'êtes pas le seul qui oublie les indépendants. En effet, nous n'avons pas encore résolu, après tant d'années, le rôle des indépendants au Sénat, alors je ne m'en fais pas. Je sais que vous ne me visiez pas personnellement. Je dois vous dire aussi que rien ne m'est plus agréable que de vous voir débattre avec brio, et je dirais même gagner, tous vos débats avec le ministre Facal. Pour un fédéraliste comme moi, c'est agréable. Ayant participé vigoureusement, et là je suis obligé de me retenir parce qu'il paraît que j'excite tout le monde parce que j'ai trop de passion. Je me suis fait dire cela par des collègues.
[Traduction]
Quand je parle du Canada, je parle avec passion. Est-ce clair? Quand je parle du Canada, c'est vrai, je parle avec passion. Les Canadiens doivent comprendre que le Canada, c'est une question de spécificité. J'ai ma propre spécificité dans ce pays. Ma très bonne amie, le sénateur Chalifoux, est plus chanceuse que moi car dès qu'elle demande quelque chose, on a tendance à dire «oui». Elle a sa propre spécificité. C'est ce qui fait que le Canada est si merveilleux.
[Français]
Je suis un praticien de la politique. Mon collègue le sénateur Nolin et moi-même somme les deux seuls survivants du comité du Non parlementaire de 1980.
[Traduction]
Vous nous avez dit tellement de choses l'autre jour, mais vous avez oublié de nous dire que vous étiez canadien. Souvenez-vous que c'est moi qui vous l'ai rappelé. Je veux dire au sein du comité du Non.
[Français]
Il y avait le regretté Jean Marchand, Jean Chrétien, et moi-même qui représentait le caucus. Pas parce qu'on m'aimait, mais j'étais élu par un vote secret et j'ai fait mon travail. Le sénateur Nolin représentait les conservateurs au comité du Non. Cela n'a pas été facile, mais quand je regarde le résultat, on s'est énervés: 60-40 en 1980. En 1995, -- vous aviez d'ailleurs commencé à participer en tant que commentateur à la télévision -- le vote a été 50-50. Je ne veux pas faire un rapprochement en disant qu'avec votre participation le vote a été plus serré, mais je dois nous resituer, et j'espère que vous me corrigerez si je me trompe.
Le seul commentaire que je vais faire, -- je sais pas où est rendue Mme Fraser, je le regrette, j'espère que ce n'est pas parce que je l'énerve trop -- c'est que nous les praticiens de la politique, ceux qui auront à aller dans la rue auprès de nos compatriotes pour continuer de défendre l'attachement au système fédéral, ceux qui auront à aller se battre, se sentent vraiment déçus qu'il y ait à ce moment-ci un projet de loi.
[Traduction]
C'est une bombe à retardement seulement en cas de référendum. Je ne crois pas qu'il y en aura un, mais s'il y en a un, le sénateur Nolin et moi, ainsi que quelques autres honorables sénateurs auront un rôle très difficile à jouer. Beaucoup de gens diront: «Ne vous inquiétez pas, il y a le projet de loi C-20. Ottawa décidera si la question est claire.» Voici ce que j'en dis: ne pensez-vous pas...
La présidente: Votre question m'a-t-elle échappé?
Le sénateur Prud'homme: La question est très simple. Ne pensez-vous pas...
[Français]
Pour les praticiens fédéralistes canadiens-français du Québec -- je n'ai pas peur des mots --, vous ajoutez à nos problèmes d'aller convaincre nos concitoyens et concitoyennes que le Canada est un pays indivisible qui sait respecter les nuances, les spécificités et qu'à la fin de la journée, c'est mieux de rester ensemble. Vous ne voyez pas de danger? Pas aujourd'hui, mais en période électorale?
M. Dion: J'ai la conviction et la certitude en moi-même que le projet de loi sur la clarté sert puissamment la cause de l'unité canadienne, en enlevant aux leaders indépendantistes l'arme qu'ils ont utilisée depuis 30 ans, qui s'appelle «la confusion». Et vous le savez comme moi. Sachant que les Québécois veulent rester Canadiens, ils leur ont toujours présenté des questions confuses. La dernière fois, les sondages sont là pour le démontrer, grand nombre de Québécois sont allés voter, non pas sur la sécession, mais sur la possibilité qu'on renégocie quelque chose dans le Canada.
Un des trois leaders du camp du OUI, M. Mario Dumont, nous a dit cette année qu'il n'a jamais été souverainiste.
Il n'a pas dit: «Je l'étais et j'ai cessé de l'être». Il a dit: «Je n'ai jamais été souverainiste». C'est-à-dire qu'on a mis le Canada dans une situation inacceptable pour un type qui se respecte, où l'on a fait semblant de se croire les uns les autres qu'on votaient alors que les trois leaders n'étaient pas sécessionnistes. Je ne connais pas d'autres démocraties qui accepteraient cela.
[Traduction]
Si nous acceptons cela pour notre pays, le Canada, nous disons alors aux Québécois que le Canada n'est pas un pays plein de valeurs, que c'est un pays qu'on peut démembrer facilement à la façon Parizeau. Quand vous acceptez de jouer ce jeu, il devient très difficile pour le camp du Non de convaincre les Québécois que nous avons un grand pays. Le camp du Non doit accepter pendant la campagne les règles que le camp du Oui a choisies dans le but de gagner, et non d'être clair.
Vous avez entendu ce que Maurice Pinard, grand spécialiste de l'opinion publique au Québec, a dit à ce sujet et combien il est en faveur du projet de loi de clarification parce qu'il pense que plus nous clarifions la question, plus les électeurs vont voter Non à la question. En effet, si nous voulions apporter ici les résultats de tous les sondages effectués au cours des 30 dernières années, il n'y aurait pas suffisamment de place dans cette pièce. Personne n'appuierait la question si elle portait sur la séparation -- pas une seule personne.
Le sénateur Prud'homme: Alors pourquoi sommes-nous si nerveux?
M. Dion: Parce que nous devons nous assurer qu'après un vote en faveur du Oui, nous ne retrouverons pas le chaos que nous avons vu la dernière fois, lorsque M. Parizeau était prêt à faire la séparation sans l'appui clair de sa population. Cela aurait créé beaucoup de problèmes ici à Ottawa, à Toronto, à Vancouver, à Halifax, à Edmonton et à Montréal. Il y aurait eu un véritable chaos. Si nous, les Québécois, décidons de partir, nous devons être clairs. Si nous ne voulons pas partir, nous ne devrions pas prétendre que nous entreprendrons des négociations à ce sujet.
Le sénateur Grafstein: Ma première question n'est pas vraiment une question, je veux plutôt faire allusion au témoignage de M. Estey. Je veux faire insérer dans le compte rendu l'échange suivant:
Le sénateur Grafstein: Si je voulais déléguer mes pouvoirs de sénateur à la Chambre des communes, pourrais-je le faire?
M. Estey: Non.
Le sénateur Grafstein: Que se passerait-il si nous adoptions ce projet de loi sans le modifier? Vous avez dit qu'il échouera si le Sénat n'est pas inclus. Vous avez dit que le projet de loi «tombera». Cela signifie-t-il qu'il deviendra nul sans l'inclusion du Sénat?
Il a conclu que je ne pouvais pas déléguer mes pouvoirs.
Je ne veux pas discuter de cette question pendant les dernières heures de la session en cours, mais il me semble clair que le projet de loi est nul et non avenu sans l'inclusion du Sénat.
Je veux revenir à ma thèse originale, et à l'interprétation de la décision de la Cour suprême obligeant le gouvernement fédéral à s'assurer que le vote portera sur une question claire et qu'il y aura une majorité claire, sans faire autrement allusion à la voix du peuple.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Le Nunavut compte 12 114 électeurs. Aux termes du projet de loi, le Nunavut serait traité de la même manière qu'une province, car bien que ce soit un territoire, aux termes de la Loi d'interprétation, le mot «province» comprend un territoire. Utilisons donc le mot «Nunavut» dans l'hypothèse. Si l'on posait une question claire: «Le Nunavut devrait-il se séparer du Canada?» et que les résultats du vote sont clairs, disons 66 2/3 p. 100, voulez-vous dire que d'après l'avis de la cour au sujet du renvoi, 6 000 ou 7 000 électeurs pourraient forcer le gouvernement fédéral à négocier la sécession de 20 p. 100 de la masse continentale du Canada?
M. Dion: Nous pourrions discuter de la signification juridique de la différence entre une province et un territoire, mais là n'est pas la question. Le fait est que la réponse à votre question a été clairement exprimée par les grands chefs qui ont témoigné devant vous. Il n'y a pas d'appui en faveur de la séparation parmi la population inuite du Nunavut. Il n'y a aucun appui nulle part sauf, malheureusement, dans ma province, le Québec. Il y a des millions d'êtres humains qui rêvent de devenir Canadiens. Ne me dites pas que vous ne croyez pas à leur volonté de rester Canadiens, et que vous pensez que nous devons inventer des choses qui n'existent pas dans nos lois pour que les Canadiens restent unis. Je suis sûr de l'unité de mon pays, extrêmement sûr.
Le sénateur Grafstein: Je le suis également, mais j'essaie de vérifier la thèse juridique.
M. Dion: Je ne veux pas spéculer sur la volonté de sécession qui n'existe pas du tout à l'extérieur du Québec. En tant que Québécois au Québec, je suis aussi Canadien que n'importe quel autre Canadien. Je ne perdrai pas ce pays à moins qu'il y ait dans ma province une volonté claire de se séparer.
[Français]
Le sénateur Joyal: J'aimerais souligner trois points rapidement. D'abord, on a à se demander ce que sir Wilfrid Laurier penserait de la déclaration. Je vais vous lire un extrait du discours de la Déclaration de 1890.
On me demandera peut-être quel sera l'avenir du Canada. La destiné du Canada est d'être anglais.
[Traduction]
Une seule et même Puissance (Dominion) sous la Couronne.
[Français]
Je ne partage pas les rêves ou les illusions du petit nombre de mes concitoyens d'origine française qui nous parlent de former une nation française sur les bords du Saint-Laurent.
Sir Wilfrid Laurier avait très bien compris que son mandat comme premier ministre n'était pas d'initier des négociations pour démembrer le pays.
Cela dit, j'aimerais préciser une chose pour le bénéfice de tout le monde. Le Sénat a un rôle fondamental dans les discussions constitutionnelles au pays même après le rapatriement de la Constitution en 1982. En vertu de l'article 46, le Sénat a les mêmes pouvoirs d'initiative d'une résolution constitutionnelle que la Chambre des communes. Je cite l'article 46.(1):
L'initiative des procédures de modification visées aux articles 38, 41, 42 et 43 appartient au Sénat, à la Chambre des communes ou à une assemblée législative.
Il faut, à mon avis, bien comprendre que l'initiative d'une résolution constitutionnelle peut commencer au Sénat.
Deuxièmement, si le Sénat refuse d'entériner une résolution constitutionnelle, il y a automatiquement un délai de 180 jours, de six mois, avant que la Chambre des communes n'annule le veto du Sénat. Donc, ce n'est pas un rôle insignifiant. On a débattu de ce projet de loi pendant trois mois. Imaginez qu'on en débatterait pendant six mois. C'est ce que la Constitution du Canada met comme responsabilité au Sénat dans un processus de négociation constitutionnelle. Je pense qu'il faut cesser de faire croire que le Sénat est un...
[Traduction]
Citoyens de seconde zone, détendus, attendez patiemment, et nous vous dirons quoi faire. Ce n'est pas ce que je pense que sont les lois du pays.
[Français]
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous réconcilier votre affirmation que le gouvernement du Canada, en tout temps, peut initier dans l'état du droit actuel des négociations, des discussions pour démembrer le pays quand dans une loi adoptée par le Parlement du Canada on dit:
[Traduction]
La sécurité et la protection des citoyens, la protection des valeurs du corps politique et la préservation de la souveraineté, de la sécurité et de l'intégrité territoriale de l'État sont des obligations fondamentales du gouvernement.
[Français]
Le gouvernement canadien n'a pas d'autres obligations que de maintenir la souveraineté canadienne, l'intégrité territoriale du Canada et les droits et libertés de chacun de ses citoyens. C'est une loi que la Chambre des communes a votée en 1988. Comment pouvez-vous dire aujourd'hui que le gouvernement du Canada pourrait commencer des négociations pour démembrer le pays sans en être empêché par qui que ce soit? Il faillirait, à mon avis, à son obligation fondamentale qu'il a lui-même déjà acceptée de voter il y a moins de 12 ans. Je ne peux pas partager votre affirmation qu'il n'y a aucune obligation de consulter la Chambre des communes ou le Sénat pour être relevé de cette obligation. Cette obligation est légale.
M. Dion: Sénateur Joyal, je ne sais pas pourquoi vous avez cité cette citation de sir Wilfrid Laurier. Tout le monde sait que sir Wilfrid Laurier était contre la séparation. Et tout le monde sait que Stéphone Dion et Jean Chrétien sommes contre la séparation. Pour vouloir la séparation, il faut être séparatiste.
Le sénateur Prud'homme: Pas seulement Dion et Chrétien.
M. Dion: À ce que je sache, il n'y a pas de séparatistes au Sénat. Deuxièmement, le devoir de protéger les droits des Canadiens, je vous ai répondu là-dessus. Tant que la sécession n'est pas faite, les Canadiens sont des Canadiens. Et le gouvernement du Canada a le devoir de protéger leurs droits constitutionnels.
Le sénateur Joyal: Il ne peut pas entrer en négociation.
M. Dion: Oui, c'est là, à mon avis, où vous commettez une erreur. Il peut entrer en négociation mais durant les négociations tous les citoyens ont leurs droits protégés pleinement et entièrement.
M. Dion: Le gouvernement provincial ou le gouvernement d'un État indépendant n'a pas le pouvoir de s'autoproclamer. Il ne peut pas enlever aux citoyens de sa province leurs pleins droits de Canadiens dans les négociations. Rien ne garantit que nous arriverons à la sécession au bout du compte. Nous risquons de ne pas y arriver, pas simplement par mauvaise volonté mais parce que les difficultés seraient énormes. Scinder un pays tel que le Canada représenterait une tâche gigantesque. La cour écrit pourquoi le Canada peut entrer en négociation, au paragraphe 151:
Les négociations [...] porteraient sur l'acte potentiel de sécession et sur ses conditions éventuelles si elle devait effectivement être réalisée.
C'est sur cela que nous aurions le devoir de discuter. Au paragraphe 97, je cite:
Les négociateurs devraient envisager la possibilité d'une sécession [...]
Il n'y a pas de droit à la sécession, donc il n'y a aucune garantie que nous y parvenions, mais nous avons l'obligation d'envisager cette possibilité. Nous ne pouvons pas dire que nous ne voulons pas l'envisager.
Je cite le paragraphe 88, peut-être le plus important:
Le principe du fédéralisme, joint au principe démocratique, exige que la répudiation claire de l'ordre constitutionnel existant et l'expression claire -- le mot «clair» revient tout le temps dans l'avis de la Cour suprême -- par la population d'une province du désir de réaliser la sécession donne naissance à une obligation réciproque pour toutes les parties formant la Confédération de négocier des modifications constitutionnelles en vue de répondre au désir exprimé.
Nous ne négocions pas n'importe quoi, nous négocions en vue de répondre à ce désir. Il n'est pas dit que nous y arriverons, mais c'est l'obligation que nous avons.
C'est ce que la cour a dit dans au moins trois articles. Je pourrais citer d'autres articles si j'en avais le temps. La Cour suprême a pris le temps de le dire. Si elle avait estimé nécessaire qu'un référendum national soit tenu avant d'entrer dans ces négociations, ne croyez-vous pas qu'elle l'aurait dit?
Le sénateur Joyal: La Cour suprême dit que les acteurs politiques peuvent aller chercher leur autorisation auprès de la majorité de la population canadienne. C'est la responsabilité que le gouvernement canadien a pour être relevé de son obligation fondamentale de maintenir l'intégrité du territoire et la souveraineté du Canada.
M. Dion: Les gouvernements peuvent à tout moment consulter leur population, y compris par référendum, rien ne les en empêche. Cependant, il n'y a pas d'obligation légale dans l'avis sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec, vous l'inventez.
Le sénateur Joyal: La Cour suprême a dit qu'il faut réconcilier les deux majorités, celle du Québec et celle du Canada. La majorité au Québec n'a aucun droit de forcer l'autre majorité à abandonner ses droits. C'est sur cela que fondamentalement nous ne nous entendons pas.
M. Dion: Vous et la Cour suprême?
Le sénateur Joyal: Pas du tout, c'est sur l'élément fondamental de la responsabilité constitutionnelle du gouvernement canadien de maintenir l'intégrité du territoire, la souveraineté du Canada et les droits et libertés de chacun des citoyens au pays. C'est la responsabilité du gouvernement du Canada, il ne peut pas l'abandonner. Et même quand il négociera, s'il veut être relevé de cette responsabilité, en toute démocratie, il devra se représenter devant la population canadienne pour leur dire: «Voici, il y a eu un référendum au Québec! La question était claire. La majorité était claire. Le parlement du Canada s'est prononcé, maitenant c'est à vous, Canadiens, de m'autoriser à m'asseoir à la table et à trouver une forme d'entente».
C'est sur cela que nous ne nous entendons pas. Vous passerez par-dessus la souveraineté nationale lorsqu'il s'agira de démembrer le Canada. Je ne trouve aucun élément fondamental à ce sujet dans ce débat.
M. Dion: Seul le professeur Howse a appuyé cette thèse, tous les autres experts légaux ne l'ont pas appuyée. Dans ce contexte, si nous prenons l'exemple des négociations qui ont eu lieu à Charlottetown, il aurait fallu qu'avant même de négocier, vous ayez fait un référendum national pour demander aux Canadiens l'autorisation de négocier. C'est ce dont parle le sénateur Joyal. C'est plutôt extraordinaire. Je ne sais pas dans combien de démocraties les gouvernements, pour avoir le droit de négocier, doivent obtenir ce droit par référendum. La Cour suprême en aurait parlé.
Au contraire, elle a dit que les gouvernements pouvaient entrer en négociation sur tout ce qu'ils voulaient, y compris la sécession, et qu'ils avaient la capacité de consulter leur population par différents moyens, y compris par référendum. L'idée que nous aurions l'obligation légale d'aller en référendum national avant d'entreprendre de telles négociations n'est pas dans l'avis de la Cour suprême ni dans notre pratique.
Le sénateur Joyal: C'est en correspondance avec la tradition démocratique de notre pays vis-à-vis la seule décision sur laquelle les Canadiens devront jamais être consultés, soit le démantèlement du pays. Vous dites que c'est sans précédent!
C'est bien sûr, puisque nous négocierons la fin du Canada, la fin des droits de tout le monde, pas juste des Québécois, mais la fin des droits des citoyens du Nouveau-Brunswick, par exemple, des minorités hors Québec, des provinces de l'Ouest et puis tout le monde. C'est sûr que c'est sans précédent.
M. Dion: En aucune façon la notion de deux majorités à réconcilier n'empêche qu'il y ait des négociations puisque le but de la négociation serait de réconcilier les deux majorités. La Cour suprême énonce la façon dont nous devrions réconcilier les deux majorités, c'est en respectant les principes de fédéralisme, de démocratie, de constitutionnalisme et d'état de droits, et de respect des minorités.
Le sénateur Joyal: Les Québécois n'ont pas plus de droits démocratiques sur le Canada que les Canadiens n'en ont eux-mêmes sur leur pays. Nous vivons en démocratie ou non. Si les Canadiens ont continuellement droit à l'intégrité de leur territoire, à leur souveraineté, à la protection de leurs droits et libertés sans interruption par quelque gouvernement qui succéderait à la direction du pays, et que nous disions que les Québécois peuvent décider que tout cela pourrait être mis de côté une fois qu'ils l'ont décidé, comment réconciliez-vous les deux principes démocratiques? Une majorité se retrouve entre les mains de l'autre et c'est cela qui ne peut pas exister fondamentalement en démocratie. Je vous l'ai dit tantôt, j'ai pris l'exemple de la coopération qui voudrait se dissoudre. Il s'agit de dissoudre le Canada, pas uniquement de faire la sécession d'une province, mais de couper le pays en deux. Ce n'est pas un amendement constitutionnel ordinaire, nous mettons fin à l'ordre constitutionnel canadien, à toutes les libertés et responsabilités de chacun des ordres de gouvernement. C'est de cela dont il s'agit. Comment pouvez-vous en termes démocratiques dire qu'une fois que 3,5 millions de Québécois ont décidé que c'était la fin, que ce l'était pour les 26,5 millions de Canadiens? Je ne peux pas accepter, qu'en démocratie, une minorité dicte ses volontés démocratiques à l'autre. C'est sur cela que nous ne nous entendons pas.
M. Dion: Je n'ai jamais dit cela. C'est l'entrée dans les négociations, ce n'est pas la fin. Ces négociations seront d'une difficulté que nous ne pouvons soupçonner aujourd'hui. Les droits des Québécois comme ceux des Canadiens devront être respectés si malheureusement nous entrions dans de telles négociations.
[Traduction]
Le sénateur Cools: J'ai une question à poser en rapport avec le témoignage de M. Claude Ryan. Avant de poser cette question, je tiens cependant à dire au ministre non seulement que le gouvernement du Canada a non seulement l'obligation juridique ou le pouvoir de négocier ou de participer à des pourparlers sur la sécession, mais aussi que le gouvernement du Québec n'a pas l'autorité constitutionnelle dans le cadre actuel pour promouvoir la sécession. Si l'on avait fait valoir certaines de ces positions avec plus de vigueur il y a quelques années, nous ne nous retrouverions peut-être pas dans la situation dans laquelle nous sommes actuellement.
En outre, pour répondre à vos remarques précédentes, monsieur le ministre, je vous dis qu'il y en a parmi nous qui pensent aussi que c'est leur pays.
Ma question découle du témoignage de M. Ryan. M. Ryan a soulevé un argument très important, auquel vous n'avez pas répliqué et il semble échapper à plusieurs personnes. J'estime cependant que c'est une idée qui a de la profondeur.
M. Ryan dit que le projet de loi C-20 saperait la position fédéraliste au Québec. Il dit également qu'il attise la flamme séparatiste, ce qui est très grave dans la bouche de M. Ryan. Je pense qu'il est terriblement malheureux également que nous n'appuyions pas M. Charest.
M. Ryan dit que le projet de loi C-20 est la manifestation d'une «méfiance viscérale» envers l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec. C'est un élément très important. M. Ryan dit que le projet de loi C-20 traduit une méfiance naturelle -- appelons un chat un chat -- envers M. Bouchard et le gouvernement de M. Bouchard.
Il y a toute une tradition qui sous-tend les principes de la rédaction législative, et cette tradition veut qu'une mesure législative ne peut partir de l'hypothèse que le roi ou un gouvernement pourrait se conduire de façon répréhensible. Vous avez dérogé à ce principe. Ce n'est pas le premier principe auquel vous avez dérogé, mais vous avez dérogé à ce principe.
Si vous croyez, et si le gouvernement du Canada croit vraiment, que M. Bouchard et le gouvernement du Québec seront peu honorables, seront malhonnêtes et fourbes au point de poser une question incorrecte à la population du Québec, je dirais qu'un tel comportement constitue une trahison de la part d'un gouvernement. Je ne cherche pas à vous choquer, mais je vois dans une telle duperie au sujet de la question de l'intégrité d'un État national une trahison. C'est un mot que certains n'aiment pas entendre, mais j'ai fait beaucoup de lecture sur la question.
Je vous dis que si vous croyez, et si le gouvernement du Canada croit, que M. Bouchard agit en traite, ou risque de le faire, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris ou ne propose-t-il pas de prendre les mesures parlementaires qui s'imposent pour contrer une telle action et un comportement aussi aberrant de la part de ministres sournois? Pourquoi le gouvernement nous a-t-il présenté le projet de loi C-20 pour nous demander de participer à une telle duperie?
M. Dion: J'ai de la difficulté à concilier les deux énoncés. Premièrement, vous dites que l'idée même de promouvoir la séparation constitue un acte de trahison, ou une chose que nous n'avons pas le droit de faire, constitutionnellement parlant, au Canada.
Le sénateur Cools: J'ai dit qu'il n'existe pas d'autorité constitutionnelle permettant de promouvoir la sécession.
M. Dion: J'aimerais pouvoir répondre sans être interrompu.
Deuxièmement, vous dites que le projet de loi sur la clarté est une manifestation d'une méfiance injuste envers le gouvernement du Québec. J'ai beaucoup de difficulté à concilier ces deux arguments, mais je vais vous donner ma propre réponse.
Premièrement, dans mon pays, le Canada, vous avez le droit de faire la promotion de n'importe quelle idée, sauf de la haine fondée sur la race. C'est une chose extrêmement importante pour moi. C'est la seule exception. À part cela, vous pouvez faire la promotion de toutes les idées que vous voulez. Vous avez le droit de le faire. Je suis prêt à me battre pour défendre ce droit même si je suis aussi prêt à me battre contre la séparation par tous les moyens démocratiques à ma disposition.
Deuxièmement, si nous faisons face à une situation où il est clair que dans ma province, ou dans une autre province, la population veut quitter le pays, cette population n'a pas le droit de le faire. Elle a le droit d'inviter les autres partenaires de la fédération à négocier, parce qu'ils ont l'obligation de le faire. Je vous cite un extrait du paragraphe 87 de l'avis de la cour au sujet du Renvoi sur la sécession du Québec.
Nos institutions politiques sont basées sur le principe démocratique et, par conséquent, l'expression de la volonté démocratique de la population d'une province aurait du poids, en ce sens qu'elle conférerait légitimité aux efforts que ferait le gouvernement du Québec pour engager un processus de modification de la Constitution en vue de faire sécession par des voies constitutionnelles.
Il faut respecter tous les éléments de cet énoncé, et non seulement ce que M. Bouchard veut entendre, mais aussi ce que d'autres veulent entendre. Nous devons tous respecter ce que cela signifie. Cela signifie que nous devons être francs aujourd'hui parce que M. Bouchard ne respecte pas la signification complète de cet énoncé. Il dit: «Oui, nous aurons l'obligation de négocier», et il s'arrête là. La phrase devrait se continuer ainsi: «... s'il y a un appui clair et si c'est conforme au cadre constitutionnel». Étant donné qu'il arrête sa phrase au milieu, nous avons proposé le projet de loi sur la clarté.
La présidente: Merci, monsieur le ministre Dion.
Honorables sénateurs, ceci termine notre séance avec ce témoin absolument pas banal. Monsieur Dion, nous vous sommes extrêmement reconnaissants de nous avoir accordé ce temps supplémentaire. Cette séance a été très importante pour nous et votre témoignage nous aidera beaucoup dans notre examen du projet de loi.
Ceci termine la liste des témoins que nous entendrons. Honorables sénateurs, je tiens seulement à dire pour les fins du compte rendu que nous avons reçu également des mémoires et des lettres assez longues des personnes ou des groupes suivants: le premier ministre Binns de l'Île-du-Prince-Édouard; M. Facal, ministre des Affaires intergouvernementales de la province de Québec: Alliance Québec; Atikamek c.p.; la Société Makivic; Yves-Marie Morrissette, Michel Simard, Patrice Fortin et David Gussow.
Sénateurs, la réunion reprendra à 17 heures dans la même salle pour l'examen article par article du projet de loi C-20.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Je voudrais faire un rappel au Règlement. Vous nous dites avoir reçu beaucoup de correspondance.
[Traduction]
De nombreuses personnes ont envoyé des mémoires. D'après ce que vous en savez, ces documents viennent d'arriver. Je n'ai pas droit de vote à ce comité mais comment pouvez-vous passer immédiatement à l'examen article par article sans tenir compte de toutes ces personnes qui ont envoyé des mémoires que nous venons maintenant de recevoir? Ces mémoires n'ont pas été lus.
La présidente: Sénateur Prud'homme, je vous répondrai que cela fait longtemps que nous avons déjà reçu la grande majorité de ces mémoires. Par exemple, ces documents-ci d'Alliance Québec, de Michel Simard et de M. Facal sont disponibles depuis quelque temps déjà. Je pense que nous avons reçu deux ou peut-être trois documents aujourd'hui, dont une lettre du premier ministre Binns qui a déjà suscité beaucoup de discussion lors de cette réunion.
La séance est levée.