Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des
ressources naturelles
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 2 mai 2000
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 18 h 10 pour étudier des questions se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada (Sécurité des réacteurs nucléaires).
Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Mesdames et messieurs, je vous prie de nous excuser pour ce retard, mais nous devons nous conformer aux règles du Sénat.
Nous avons ici des témoins du Nuclear Awareness Project. Nous vous écoutons.
Mme Irene Kock, directrice exécutive, Nuclear Awareness Project: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous permettre de comparaître devant votre comité. Je représente le Nuclear Awareness Project. Notre section locale, Durham Nuclear Awareness, est un organisme de citoyens de la région de Durham. Le groupe s'est constitué peu après l'accident de Tchernobyl, dont on célébrait la semaine dernière le 14e anniversaire. Nous avons pour mandat de faire de la recherche et de promouvoir l'information du public sur les questions nucléaires, les énergies de remplacement et la politique énergétique.
On a publié récemment à ce sujet un document auquel j'ai participé, intitulé «Canada's Green Energy Future», et qui présente un aperçu des solutions énergétiques que devrait comporter une politique énergétique durable. Un autre document récemment publié provient de la Fondation David Suzuki. Il est intitulé «Power Shift». Il y est question des changements climatiques dans le contexte des choix énergétiques et de l'abandon des combustibles fossiles et nucléaires afin de régler les problèmes de changements climatiques et d'améliorer la politique des transports.
Nous nous inquiétons de l'hypothèse voulant que les changements climatiques obligent les pouvoirs publics à miser davantage sur l'énergie nucléaire. Nous considérons que l'énergie nucléaire fait partie du problème, et non pas de la solution aux changements climatiques, notamment parce qu'à court terme elle est plus coûteuse que les solutions plus viables, comme les mesures de conservation.
Le manque de fiabilité fait lui aussi problème. À notre avis, on aurait tort de remplacer un polluant par un autre en permettant l'émission de substances cancérigènes dans le cadre d'activités de routine, compte tenu notamment des risques d'accident. Le traitement des déchets, les exportations et le risque de prolifération posent des problèmes d'ordre éthique et environnemental. Nous sommes certains que l'on peut abandonner progressivement les combustibles nucléaires et fossiles tout en garantissant la sécurité des travailleurs et des communautés concernées. Voilà des problèmes importants, qu'il est impérieux de résoudre.
Lors de votre séance informelle à Pickering, nous avons signalé que les promesses de révision de la politique énergétique nationale n'ont jamais été tenues. Je demande instamment à ce comité de renouveler la recommandation concernant un vaste examen de la politique énergétique.
Je vais parler en particulier de nos préoccupations concernant la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui réglemente l'industrie. Nous insistons sur la nécessité urgente de procéder à des réformes dans trois domaines.
La Commission de contrôle de l'énergie atomique va passer prochainement sous le régime d'une nouvelle loi et d'un nouveau règlement. En vertu de la nouvelle Loi canadienne sur la sûreté nucléaire, la commission, précédemment appelée «board» en anglais, sera désormais appelée «commission». Le nouveau règlement n'exige aucune garantie financière pour couvrir les responsabilités futures en matière de traitement des déchets et de déclassement des installations. Bien qu'une disposition de la nouvelle loi permette à la Commission d'exiger des garanties financières, elle n'est pas tenue d'en exiger. Les garanties financières restent discrétionnaires.
C'est là une grave insuffisance du nouveau règlement. Les contribuables risquent de se retrouver avec des factures de plusieurs milliards de dollars si ces coûts ne sont pas pris en charge par l'industrie. Une partie de notre document porte spécifiquement sur cette disposition de la nouvelle loi.
D'autres éléments de cette loi nous préoccupent, mais la question des garanties financières est celle qui risque d'avoir les plus lourdes conséquences pour les Canadiens, compte tenu des factures qu'ils pourraient finir par avoir à régler.
Je vous demande instamment de poursuivre l'analyse de l'évaluation environnementale de la remise en service de Pickering A. Je vais laisser au greffier la correspondance que j'ai citée à votre séance de Pickering et au cours d'une intervention précédente auprès de la CCEA.
L'évaluation environnementale en est au niveau de l'examen préalable. Nous avons officiellement demandé que le ministre de l'Environnement renvoie la question à un comité d'examen, et nous avons pour cela de bons motifs. Le premier concerne la procédure suivie et la façon dont l'affaire a été traitée par la CCEA jusqu'à maintenant. Le deuxième concerne la portée étroite de cette étude. L'un des problèmes les plus flagrants, c'est que l'Ontario Power Generation ou OPG, c'est-à-dire le service public qui souhaite remettre en service Pickering A, ne sera pas tenu d'étudier un scénario d'accident grave comportant la contamination des zones limitrophes. Nos commentaires sur la portée de l'étude sont plus détaillés. Nous avons demandé un examen des résultats éventuels d'un accident grave, non seulement pour la santé humaine et l'environnement, mais également pour l'ensemble de l'économie. De toute évidence, il n'est pas question d'effectuer un tel examen.
Nous avons entendu le point de vue de la Commission de contrôle de l'énergie atomique à la réunion du conseil de Pickering du 20 mars dernier. Le représentant de la CCEA a dit explicitement qu'OPG ne serait pas obligé d'étudier l'hypothèse d'un accident impliquant la fuite d'une enceinte de confinement à la centrale.
À notre avis, cette situation est indéfendable. C'est la centrale commerciale la plus ancienne au Canada. Son système de sécurité présente un problème indéniable. L'amélioration en cours n'est pas conforme à la norme imposée aux nouvelles centrales nucléaires. Les problèmes concernant l'amélioration de la protection contre les incendies et contre les tremblements de terre n'ont pas été résolus. S'il est une centrale qui doit impérativement faire l'objet d'une étude complète sur les risques d'accident, c'est bien Pickering A.
Nous avons soulevé des questions de procédure, comme les problèmes assez graves posés par l'administration du registre public d'évaluation, et l'engagement de tenir des réunions privées entre l'autorité responsable, c'est-à-dire la CCEA, et l'Ontario Power Generation, pour négocier la portée de l'évaluation environnementale. Malgré notre demande écrite d'autorisation à assister aux séances où il a été question de l'évaluation, nous ne sommes pas satisfaits des réponses reçues à ce sujet de la CCEA.
Nous en avons conclu que la CCEA ne gère pas correctement l'évaluation environnementale. Nous estimons que la formule de l'examen par un comité indépendant est essentielle si l'on veut obtenir des résultats d'évaluation crédibles.
Mon dernier argument concerne une décision rendue par la CCEA sur l'une des questions de sécurité de Pickering A, à savoir l'amélioration du système d'arrêt d'urgence. Je vous remets notre rapport de 1994 intitulé «The Nuclear Hazard Report», dont un chapitre expose nos préoccupations concernant la situation de 1992 où la CCEA a accepté d'améliorer le système de sécurité. Des quatre options qui lui étaient soumises, elle a approuvé la moins coûteuse.
Vous apprendrez avec intérêt qu'à la fin de 1997, cette amélioration n'était pas encore terminée. C'est notamment pour cette raison que la centrale Pickering A a dû être fermée à la fin de décembre 1997. Le délai prévu pour l'amélioration n'avait pas été respecté.
Nos préoccupations concernant le fait que la moins coûteuse des quatre options ait été choisie portent sur certaines des améliorations de sécurité actuellement à l'étude. Le public n'a pas voix au chapitre dans les négociations sur les améliorations à apporter, sur les coûts des différentes options et sur la possibilité que l'on compromette la sécurité pour économiser sur le budget de la remise en service. Je ne soulève pas ces questions à la légère. Nous avons constaté des problèmes concrets concernant les améliorations du système de sécurité-incendie dans les documents de l'évaluation indépendante intégrée de rendement publiés en 1997 par Ontario Hydro. De toute évidence, les experts-conseils recrutés pour étudier la sécurité et les questions de fonctionnement à la centrale ont estimé qu'il fallait mettre un frein à l'étude des améliorations du système de sécurité-incendie et limiter le débat de façon que les améliorations n'atteignent pas des prix exorbitants, comme ce fut le cas aux États-Unis. Ils devaient avoir bien du mal à convaincre l'autorité de réglementation de n'accepter que des améliorations minimales par souci d'économie. Nous déplorons le fait que ces questions n'aient pas été intégrées à la portée de l'évaluation environnementale. Il n'existe aucune tribune où l'on puisse contester les compromis de ce genre.
Enfin, dans le «Nuclear Hazard Report», nous revenons sur les questions concernant les autres centrales ontariennes, notamment les autres centrales nucléaires et le laboratoire nucléaire de Chalk River. Vous-mêmes, vous étudiez, je crois, les questions de sécurité. Nous avons une information détaillée sur les problèmes observés jusqu'à la fin de 1992, ainsi que des renseignements plus récents. Notre information provient principalement des rapports du personnel de la Commission de contrôle de l'énergie atomique ainsi que des documents de l'industrie nucléaire et des services publics, dont la plupart, comme ce rapport, ont été obtenus grâce à la législation sur l'accès à l'information et sur la liberté d'information.
En conclusion, je vous demande instamment de recommander à la CCEA de réviser ses méthodes pour améliorer la réglementation de l'industrie et favoriser la reddition de comptes.
Le sénateur Christensen: Que pensez-vous de l'entreposage à long terme sur place des déchets de combustible nucléaire?
Mme Kock: La proposition qui consiste à enfouir les déchets de combustible nucléaire dans le Bouclier canadien nous inquiète, et nous avons participé à des audiences à ce sujet. Pour ce qui est de l'actuel système de stockage à sec, comme à Pickering, dans la mesure où on peut se fier à la documentation, les contenants devraient durer plusieurs décennies. On ne devrait donc pas se précipiter pour prendre une décision concernant l'enfouissement, puisque ces déchets ne présentent pas de danger, qu'ils sont contrôlés et surveillés. À notre avis, l'essentiel, c'est qu'on puisse effectuer une surveillance et remplacer les contenants en cas de fuite.
Le sénateur Christensen: Êtes-vous donc satisfaite des systèmes actuels d'entreposage à court terme?
Mme Kock: À court terme, cet élément du cycle des déchets est maîtrisé.
Le sénateur Christensen: On a annoncé en janvier le déclenchement d'une étude sur l'incidence du cancer dans les régions concernées. Est-ce que votre groupe y participe d'une façon quelconque?
Mme Kock: Je suppose que vous faites référence au programme de surveillance du cancer de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous avons échangé de la correspondance à ce sujet avec la CCEA et nous avons demandé à participer à la conception de l'étude. Nous espérions que le public serait consulté lors de la conception du programme et avant son lancement. Malheureusement, je ne suis pas certaine que le public puisse y participer.
Nous considérons que c'est une démarche importante, mais elle ne suffira pas à résoudre les problèmes exposés par d'autres études, notamment celle sur la leucémie; de toute évidence, il faudrait une étude beaucoup plus détaillée pour examiner chaque cas afin d'y chercher une relation de cause à effet. La CCEA va utiliser les dossiers des hôpitaux pour établir simplement les taux d'incidence du cancer. C'est une étape importante, mais il faudrait aborder tout le programme selon une perspective globale.
Le sénateur Christensen: Vous trouvez qu'il n'est pas assez complet.
Mme Kock: Il ne porte pas sur les relations de cause à effet.
Le sénateur Wilson: Vous nous dites que ce programme n'est pas assez complet et je suppose que vous êtes favorables à une révision de la politique énergétique nationale du Canada. Nous avons demandé à cinq ministres de l'Énergie de prendre en considération le rapport Seaborn. Nous avons eu des promesses, mais il ne s'est rien passé. Pensez-vous qu'on pourra assister un jour à cette révision de la politique énergétique nationale au Canada? Est-ce que vous y seriez favorables?
Mme Kock: Nous y sommes tout à fait favorables. À notre avis, une telle révision est essentielle. Lorsqu'on a lancé l'étude sur les déchets de combustible nucléaire à la fin des années 80, notre organisme a insisté pour que les ministres de l'époque mènent en parallèle une révision de la politique énergétique, ce qui n'a jamais été fait.
Je crois que c'est essentiel, notamment parce qu'il faut maintenant faire des choix concernant l'avenir des combustibles fossiles et nucléaires. Nous savons qu'ils devront être faits dans le contexte de la problématique des changements climatiques et de la politique énergétique. Nous n'avons pas de politique permettant d'aborder ces problèmes de façon holistique.
Le sénateur Wilson: Est-ce que vous travaillez sur ces objectifs avec d'autres parties?
Mme Kock: Sur les changements climatiques, les autorités fédérales doivent adopter une perspective plus globale en matière d'options énergétiques. De nombreux organismes du secteur énergétique continuent à demander une révision des politiques qui réunirait les différents problèmes de façon qu'on puisse faire les choix qui s'imposent, notamment en matière d'emploi des fonds publics dans le secteur énergétique.
Le sénateur Wilson: La ville de Pickering a commandé une étude indépendante du rapport d'examen préalable mais jusqu'à maintenant, le conseil municipal n'a pas donné suite à la recommandation de l'étude en demandant la constitution d'un groupe d'études indépendant. Savez-vous pourquoi il n'a pas réagi? Est-ce qu'il va le faire?
Mme Kock: J'ai l'impression que les conseillers municipaux de Pickering ont décidé de demander à leur équipe d'études par les pairs d'étudier le rapport d'examen préalable pour déterminer si les questions en suspens non couvertes dans ce rapport auraient été réglées d'une façon ou d'une autre par OPG. Je crois que la décision a été publiée hier. Une fois que cette équipe aura étudié le rapport d'examen préalable, ce qui pourrait prendre un mois, elle pourra présenter ses conclusions au conseil municipal de Pickering.
Malheureusement, le délai pour présenter des commentaires sur le rapport d'examen préalable n'est que de 60 jours, ce qui limite considérablement les possibilités d'intervention de notre groupe et des municipalités qui décident de réagir. C'est très malencontreux.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que vous vous inquiétez de la sécurité à la centrale Pickering B? Vos craintes concernent-elles uniquement la remise en service de Pickering A?
Mme Kock: Les centrales A et B sont interdépendantes. Certains systèmes de sécurité sont partagés par les huit réacteurs, et c'est notamment le cas du système de confinement. Certaines préoccupations concernant Pickering A s'appliquent à l'ensemble du site, c'est-à-dire aux huit réacteurs. La sécurité de la centrale Pickering B nous préoccupe. Un récent rapport interne de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qualifié de rapport provisoire, a étudié la première des deux années du permis et a analysé l'évolution de la situation. On voit dans ce rapport que bien des questions soulevées pendant l'audience d'octroi du permis sont restées sans réponse. C'est notamment le cas de l'arriéré dans l'entretien. Lors de la dernière audience d'octroi du permis, il y a un an, nous avions proposé que l'on ferme Pickering B jusqu'à ce que cet arriéré d'entretien soit résorbé. La CCEA n'a pas donné suite à notre demande et n'a même pas demandé, comme condition à l'octroi du permis, que cette situation se règle. Les problèmes ont persisté.
Le sénateur Finnerty: Est-ce que le système d'arrêt d'urgence vous inquiète?
Mme Kock: Je peux vous parler du compromis qui a entouré la décision sur l'amélioration. Pickering A a été la première centrale commerciale. Elle a été dotée d'un système unique d'arrêt d'urgence, et elle présente une autre caractéristique, le dispositif d'évacuation du modérateur, dont vous avez sans doute entendu parler pendant votre visite. Ce dispositif peut mettre jusqu'à 10 secondes pour amorcer l'effet nécessaire à la sécurité, alors qu'un système d'arrêt d'urgence doit fonctionner en deux secondes. Après Tchernobyl, la Commission de contrôle de l'énergie atomique a décidé qu'il fallait rééquiper Pickering A. Elle a demandé au service public de lui présenter les options disponibles. Il y en avait quatre. Elle a choisi celle qui ne comporte pas d'arrêt rapide, total et indépendant, ce qui n'est pas conforme à la norme applicable aux autres centrales construites depuis lors. C'est toujours une préoccupation majeure.
En 1992, nous avons exposé publiquement ce problème auprès de la CCEA. Voilà un exemple de négociations interminables entre la CCEA et le service public lorsqu'on décèle un problème et qu'on ne fixe pas de délai précis pour y apporter une solution. Les négociations s'éternisent. L'industrie et l'autorité de réglementation prétendent que c'est la façon la plus efficace de procéder, mais nous estimons que la CCEA devrait imposer des règles et fixer des délais à la mise en place de solutions; elle ne devrait pas permettre ces échanges interminables, à l'issue desquels on accorde un an à un groupe d'experts pour étudier le problème. Ensuite, la CCEA engage des experts-conseils pour étudier les conclusions des experts d'OPG.
On a dressé la liste des problèmes graves de sécurité observés dans la plupart des centrales CANDU, et sur lesquels les négociations et les tergiversations se poursuivent. Des solutions pourraient être apportées rapidement. Il suffirait de fermer toutes les centrales, et les problèmes ne se poseraient plus.
Le sénateur Adams: Est-ce que les normes de sécurité ont été renforcées depuis la construction de Pickering? À votre avis, quelles autres mesures de sécurité faudrait-il prendre? Pickering semble bien fonctionner depuis 30 ans, et pendant cette période, les mesures de sécurité ont été renforcées.
Mme Kock: On a appris certaines choses sur les questions de conception et de fonctionnement. Quand des problèmes apparaissent, on les analyse et on apporte des changements dans le mode de fonctionnement pour y remédier et pour empêcher qu'ils ne se reproduisent. Cependant, nous avons aussi vu des rapports indiquant qu'on n'a pas toujours tiré des leçons des problèmes de conception et de fonctionnement des centrales. Lors de la construction de nouvelles centrales, les plans ont été modifiés et améliorés. Reste à savoir si les changements étaient appropriés. Chaque centrale pose des problèmes de sécurité propres à sa conception, à cause des changements apportés en cours de route.
Je reconnais en un sens que l'on a tiré les leçons des problèmes rencontrés, et que la sécurité s'est améliorée, mais on n'est jamais à l'abri du danger. Il y a toujours des problèmes imprévus.
Le sénateur Adams: Je m'inquiète des risques que comporte l'exploitation à long terme de ces centrales. Je reconnais qu'à long terme, l'énergie nucléaire est plus propre que la combustion du charbon ou du gaz naturel, mais quels pourraient être les effets d'un accident dans une centrale de cette dimension?
Mme Kock: Il faut faire un compromis quand on doit choisir entre les combustibles fossiles ou l'énergie nucléaire. Nous pensons que la question devrait être abordée dans un cadre différent. Il faut aussi prendre en compte le compromis du choix entre, d'une part, les combustibles et l'énergie nucléaire et, d'autre part, les ressources non renouvelables, toute la gamme des énergies de remplacement du secteur renouvelable et les mesures de conservation. Il faudra faire ces choix énergétiques. De ce point de vue, toute la politique énergétique doit être reconsidérée.
On peut définir les risques d'accidents de différentes façons. L'un des rapports que je vous soumets présente un tableau qui décrit l'échelle des événements nucléaires internationaux permettant de mesurer la gravité des accidents nucléaires. Ce qu'on y trouve sur la centrale de Pickering concerne un accident qui se situe au milieu de l'échelle. Nous avons demandé spécifiquement que l'on envisage l'hypothèse d'un accident grave, qui aurait des effets considérables sur la santé et l'environnement. Ce n'est pas à l'ordre du jour.
Il est certain qu'un accident grave aux centrales de Pickering ou de Darlington risque d'avoir des effets non seulement sur la région de Toronto, mais également sur l'autre rive du lac, voire dans une grande partie du sud de l'Ontario, ce qui serait tout à fait inacceptable. Nous considérons qu'un déplacement prolongé de la population et les perturbations économiques au-delà de ce qu'on peut prévoir doivent être considérés comme des conséquences inacceptables. Il s'agit là d'un scénario catastrophe. Un tel accident est peu probable, mais ses conséquences seraient si graves que lorsqu'on multiplie la probabilité par la gravité des conséquences, on obtient quand même un risque élevé.
La présidente: Lorsque M. Andognini était ici, je l'ai interrogé sur les différences entre les réaménagements effectués à Pickering A et la plus récente technologie CANDU. Il nous a dit que si Pickering A n'est pas doté de deux systèmes indépendants d'arrêt d'urgence, elle a des systèmes équivalents. Il a dit aussi qu'il ferait parvenir au comité une explication technique plus détaillée de ce que cela signifie. Il ne pouvait pas répondre à notre question, ou du moins, il avait besoin de renseignements techniques pour y répondre. Vous le savez peut-être, si vous avez lu le compte rendu de ces délibérations.
Avez-vous eu l'occasion d'étudier ces différentes techniques, et de réfléchir sur le sens du mot «équivalent»?
Mme Kock: Lorsque nous avons examiné la question quand la Commission a pris sa décision au début des années 90, il apparaissait clairement dans les rapports de la CCEA à l'intention de ses employés sur cette question que ce n'était pas l'équivalent de deux arrêts séparés, rapides. Cela a été reconnu dans le document de la CCEA.
Je vous demanderais de vous reporter à ce document et au rapport de la CCEA à l'intention de ses employés pour obtenir cette explication, car il y a d'importantes distinctions entre ce que nous avons à Pickering A, pour ce qui est de la réfection de cette centrale, par rapport à ce que nous avons dans les autres centrales qui ont été construites depuis. Je crois comprendre que ce n'est pas équivalent.
La présidente: C'est un domaine où les experts ne sont pas d'accord. J'ai lu certains documents dans lesquels ils disent que le réacteur à eau légère est de loin beaucoup plus sûr que le réacteur CANDU, mais j'ai aussi entendu des témoignages selon lesquels le réacteur CANDU est beaucoup plus sécuritaire. Nous devrons examiner la question.
À votre avis, qu'est-ce que la population pense de la situation à Pickering? La population est-elle très inquiète? Je crois comprendre que les points de vue divergent peut-être dans la ville de Pickering étant donné que la centrale emploie un si grand nombre de gens.
Je voudrais aussi vous poser une question à la suite de notre visite chez OPG. Pourquoi s'opposent-t-ils aussi fermement à un examen complet par un groupe spécial? Quel est le désavantage pour eux, s'ils sont aussi convaincus qu'il s'agit d'une opération à sûreté intégrée? Il me semble qu'un examen par un groupe spécial indépendant ajouterait de la crédibilité et du poids à cette position. Ils ne m'ont pas tout à fait donné de réponse à cette question.
Maintenant que le rapport d'examen préalable a été publié, pouvez-vous nous expliquer dans l'ordre quelles seront les prochaines étapes? Il me semble, quoique je n'en sois pas certain, que pour qu'il y ait un examen complet par un groupe spécial, le ministre doit décider, mais est-ce que la Commission de contrôle de l'énergie atomique a besoin d'en faire la demande? Quelles seront les prochaines étapes et quel sera l'échéancier, maintenant que le rapport d'examen préalable a été publié?
Mme Kock: Il est difficile de définir quels sont les sentiments et les préoccupations de la population au sujet de la centrale de Pickering. Un sondage a été effectué par une société de recherche environnementale, mais c'était un sondage très limité de sorte que les résultats avaient une très grande marge d'erreur, 10 p. 100 d'un côté ou de l'autre. Cependant, une chose ressort clairement de ce sondage: si les gens avaient le choix, ils préféreraient des sources d'énergie renouvelables, car ils seraient plus à l'aise avec cela, et ils reconnaissent qu'il y a un risque. OPG a effectué un sondage sur les préoccupations du public concernant Pickering A, mais elle n'a pas accepté de publier les questions et les résultats. Vous pourriez peut-être obtenir davantage d'information au sujet de ce sondage en vous adressant directement à OPG.
Pour ce qui est de l'emploi et des préoccupations relativement à l'incidence économique sur la ville, un autre document important que vous voudrez peut-être examiner est le rapport sur l'incidence économique préparé par OPG. Par ailleurs, la ville de Pickering a fait faire un contrôle par les pairs de cette évaluation économique. Nous n'avons pas pris connaissance du rapport de OPG, puisqu'il n'a pas encore été publié, mais il est possible de consulter le rapport de contrôle par les pairs effectué par la ville de Pickering, rapport qui souligne quelques problèmes. La main-d'oeuvre est assez dispersée loin des sites de Pickering et de Darlington, de sorte que nous ne voyons aucun tort en particulier pour la main-d'oeuvre de Pickering. La main-d'oeuvre est disséminée au-delà de la région de Durham. Vous serez peut-être intéressés à examiner cette question également.
Pour ce qui est de votre deuxième question, j'ai l'impression qu'OPG s'oppose à ce qui est perçu comme étant un examen plus long car elle veut remettre la centrale en service le plus tôt possible. Ils ont déjà un retard de plus d'un an sur l'échéancier qu'ils avaient prévu initialement lors de l'annonce de l'arrêt. J'imagine qu'il y a un certain nombre de facteurs. Le revenu qu'ils espèrent générer lorsque le réacteur sera remis en marche est un facteur. Le temps est un facteur. Il y a peut-être également le fait qu'ils hésitent devant l'ampleur que pourrait comporter un examen par un groupe spécial, pour ce qui est de la possibilité que des intervenants comme nous puissent faire appel à des experts indépendants grâce à une aide financière aux intervenants. Voilà pourquoi je pense qu'ils seraient si peu disposés à accepter un examen aussi détaillé.
Pour ce qui est du rapport d'examen préalable et des prochaines étapes, apparemment, le délai de 60 jours pour présenter des observations qui avaient été annoncées précédemment n'a pas été prolongé, même si nous avions demandé un minimum de 90 jours. J'ai l'impression que les observations sur le rapport d'examen préalable doivent être envoyées à la CCEA avant la fin du mois de juin et qu'à ce moment-là, le personnel de la CCEA produira un rapport à l'intention des membres la commission, rapport qui sera ensuite publié. Nous aurons l'occasion d'examiner le rapport de la CCEA et de comparaître devant cette dernière pour présenter un exposé de 10 minutes à la commission, ou ce que sera vraisemblablement la commission à ce moment-là. Cette rencontre devrait avoir lieu en août ou en octobre. Ils ont prévu deux réunions à ce moment-là. Ensuite, la nouvelle commission se réunira une deuxième fois avant de prendre une décision, et ça pourrait se faire en novembre ou en décembre prochain.
La présidente: À ce moment-ci, naturellement, on est en train d'installer les systèmes d'arrêt, ou, du moins, tout a pratiquement été commandé.
Mme Kock: Je ne sais pas exactement quels travaux seront faits avant l'approbation de la CCEA. Cependant, nous savons que des fonds ont été alloués pour relancer le programme il y a un an déjà, de sorte que certains travaux sont en cours.
La présidente: Le fait est que lorsque le processus de la CCEA sera terminé, trois choses peuvent se produire. La CCEA peut dire que cela est très bien, alors tout serait fini, ou elle pourrait demander au ministre de faire faire un examen par un groupe spécial, ou le ministre pourrait intervenir et proposer un tel examen. Est-ce bien le processus?
Mme Kock: Cela peut se produire à n'importe quel moment. Il n'est pas nécessaire d'attendre la fin du processus. Nous faisons valoir que plus vite commencera l'examen par le groupe spécial, plus vite tout sera terminé pour tout le monde, et plus vite ils pourront aller de l'avant ou non et savoir exactement ce qu'ils doivent prévoir dans leur plan d'affaires.
La présidente: Tout récemment, j'ai vu une étude effectuée par le Pembina Institute of Appropriate Development sur la politique énergétique. Avez-vous vu cette étude?
Mme Kock: Oui.
La présidente: Nous vous remercions de votre comparution.
Nos témoins suivants sont des représentants du Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique.
Bienvenue; vous pouvez commencer.
M. John Murphy, président, Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique: Madame la présidente, s'il y a des questions que vous ne voulez pas nous poser spécifiquement, nous avons amené avec nous des représentants de chacune des centrales nucléaires.
La présidente: Nous les invitons à venir prendre place à la table.
M. Murphy: L'industrie nucléaire fait partie de quelques industries pour lesquelles il existe une convergence évidente au niveau de la sûreté entre les intérêts des employés et ceux de la population. Toute mesure prise pour améliorer la sécurité et la santé des employés va presque certainement améliorer la santé et la sécurité publiques. C'est pourquoi nous estimons que notre présentation doit aborder la sûreté nucléaire du point de vue des travailleurs. C'est en outre l'aspect que nous connaissons le mieux et c'est ainsi que nous pouvons apporter la plus grande contribution à vos délibérations. C'est aussi pour cette raison que les investissements dans la santé et la sécurité des travailleurs doivent être, à notre avis, considérés comme des investissements dans la santé et la sécurité publiques et non pas comme des dépenses de la compagnie.
Je m'arrête ici un instant pour faire quelques observations personnelles, à titre de résident de Pickering.
Je suis certain que les honorables sénateurs ont reçu de nombreux points de vue différents sur les questions qu'ils évaluent à l'heure actuelle. Je veux que notre motivation à l'égard de cette question soit bien claire. Nous aimons tous avoir des emplois, et certainement en qualité de syndicat qui représente les membres qui travaillent dans l'industrie nucléaire, nous avons de toute évidence intérêt à protéger ces emplois. Je serai cependant franc avec vous. Personne d'entre nous, ni moi-même ni mes collègues ici présents ni un seul membre que nous représentons, n'estime que son travail est si valable qu'il serait prêt à risquer sa propre santé et sa sécurité ou celles de ses collègues, amis ou enfants.
Nous vivons et nous travaillons dans ces collectivités. Je veux être absolument clair: il ne s'agit pas là d'une nouvelle technologie. Cette technologie existe depuis des décennies. Les milliers de membres que nous représentons dans cette industrie opèrent, construisent et connaissent ces centrales de fond en comble. Ils connaissent les risques inhérents et, du point de vue de la sécurité, ils sont absolument convaincus, comme nous, que les risques liés à la technologie avec laquelle ils travaillent sont gérés de façon claire et sécuritaire. Nous ne disons pas qu'il faut maintenir une industrie qui est intrinsèquement dangereuse et qui compromettrait notre sécurité.
Notre syndicat a toujours été très actif pour améliorer la sécurité. Dans toute industrie, il est clair qu'il est toujours possible d'apporter des améliorations. Notre syndicat s'occupe de sûreté nucléaire depuis des décennies, et il n'y a rien de plus important pour nous que la santé et la sécurité de nos membres. Il ne sert à rien d'avoir un excellent régime salarial et d'avantages sociaux ou un excellent régime de pension si on ne peut vivre assez longtemps et en santé pour pouvoir en profiter.
La santé et la sécurité ont toujours été notre objectif prioritaire. Nous avons toujours tenté de surveiller la santé et la sécurité au travail et de trouver des façons de l'améliorer. Je peux vous fournir des données historiques si les sénateurs jugent cela utile.
S'il y a un élément spécifique qui est particulièrement important pour améliorer la santé et la sécurité, c'est bien à notre avis d'avoir des travailleurs compétents et bien formés, peu importe l'environnement de travail. C'est essentiel.
Permettez-moi de passer en revue certaines des initiatives dans le domaine de la formation chez OPG.
La formation requise pour travailler dans une installation nucléaire est très étendue et les programmes sont fortement axés sur les procédures. Avant d'être mises en oeuvre, toutes les procédures sont préparées et revues par des tiers. Tous les procédés de travail sont contrôlés. Le perfectionnement des compétences professionnelles est assuré par des programmes de recyclage et permet de répondre à l'évolution des conditions d'exploitation.
Notre milieu de travail est strict et réglementé. Quelqu'un ne peut pas se mettre à travailler sur un appareil en arrivant dans un tel milieu de travail. Nous avons en place des procédures et des exigences d'approbation strictes pour déterminer qui fait quel travail, quelle formation est nécessaire et quels processus de requalification doivent être suivis.
Dans le cadre d'une formation professionnelle initiale et ultérieure, tous les travailleurs sont tenus d'apprendre quels sont les dangers de l'exposition aux rayonnements et de faire la preuve de leurs connaissances dans ce domaine. Avant d'être autorisés à occuper leur poste ou à assurer des fonctions de supervision, ils apprennent à surveiller et à minimiser leur propre exposition aux rayonnements et celle de leurs collègues. C'est quelque chose qui n'existe qu'au Canada. Par exemple, dans de nombreuses centrales américaines, seules certaines personnes sont formées dans le domaine de la protection contre les rayonnements, et la main-d'oeuvre générale ne l'est pas. Par conséquent, on s'attend à ce que le personnel qui a été formé s'occupe de tous les travailleurs dans les centrales.
Chez nous, nous avons adopté une approche beaucoup plus progressiste, c'est-à-dire que nous formons tous les travailleurs afin de nous assurer qu'ils comprennent tous les dangers de l'exposition aux rayonnements dans le milieu de travail afin qu'ils puissent prendre leurs propres décisions pour se protéger et protéger leurs collègues.
Il faut entre 8 et 12 ans de formation et d'expérience pour devenir opérateur nucléaire autorisé responsable de l'exploitation d'un réacteur. En plus de ces 8 à 12 ans, il faut constamment que les titulaires de ces postes maintiennent leurs qualifications. Tout au cours de la carrière de l'employé, il doit subir des tests afin de s'assurer qu'il peut maintenir son statut d'autorisation.
En général, plusieurs examens ont lieu simultanément pour mesurer la performance, les procédures et le personnel. Notre industrie est sans doute l'une des plus surveillées et ce, avec raison. Comme l'ont fait remarquer les membres de la Commission de contrôle de l'énergie atomique lors de leur comparution devant le comité, l'organisme de réglementation effectue des vérifications des programmes de formation et élabore des examens écrits et sur simulateur pour tout le personnel clé d'exploitation.
En résumé, les programmes de formation des travailleurs du nucléaire en Ontario sont très complets et fortement axés sur les procédures et la performance des travailleurs fait l'objet d'une surveillance constante et de vérifications fréquentes, non seulement par la direction nucléaire d'OPG mais aussi par la CCEA.
Néanmoins, notre syndicat continue, avec l'employeur, de chercher des moyens d'améliorer la formation. La formation est le point de départ de la sûreté nucléaire.
On peut se demander comment chaque travailleur peut utiliser sa formation et son expérience pour identifier et résoudre les problèmes de sûreté d'exploitation. Ils peuvent le faire de cinq façons.
La première est évidente, mais vaut la peine d'être soulignée à nouveau -- la communication directe avec les supérieurs. Nous encourageons les travailleurs à soulever des questions relatives à la sûreté au cours des entretiens quotidiens et des séances de planification du travail avec leurs supérieurs. Par exemple, des séances d'information ont souvent lieu avant la période de travail pour permettre aux travailleurs et à leur supérieur de s'entretenir de tous les aspects d'une tâche avant de l'entreprendre et d'examiner en détail tous les problèmes éventuels de sûreté. En plus de ces entretiens formels, les travailleurs reçoivent la consigne de faire part immédiatement à leurs supérieurs de toute préoccupation liée à la sécurité.
Nous avons ensuite ce que nous appelons les «rapports de situation significative» (SCR). Un travailleur peut appeler un formulaire SCR à un poste d'ordinateur de la centrale et présenter un rapport faisant état du point qui le préoccupe. Le SCR est en général soumis lorsqu'un point déjà soulevé n'a pas été résolu de manière satisfaisante lors de l'entretien du travailleur avec son supérieur, mais il peut aussi être présenté avant même cet entretien. L'employé a le choix. Si le travailleur ne se sent pas à l'aise pour aborder la question avec son surveillant, il peut alors soumettre un rapport de situation significative.
Les SCR qui ne sont pas réglés à la satisfaction du travailleur finissent par figurer à l'ordre du jour du comité mixte de santé et de sécurité, qui est le troisième niveau de la procédure que nous avons mise en place.
Dans le domaine de la santé et de la sécurité, OPG dispose de l'organisation la plus étendue et la plus complète que je connaisse dans l'industrie. Elle comprend un comité mixte de santé et de sécurité sur chaque site, et nous avons à l'heure actuelle 48 comités mixtes de santé et de sécurité chez OPG. Nous avons certainement un comité mixte de santé et de sécurité à chaque centrale nucléaire.
Nous avons un forum regroupant tous les comités mixtes de santé et de sécurité d'OPG qui a pour objectif de permettre le partage de l'information entre les comités et le siège social d'OPG.
Nous avons des comités consultatifs mixtes de santé et de sécurité au niveau nucléaire et au niveau de l'entreprise. Il s'agit de comités tripartites formés des représentants de notre syndicat, de l'autre syndicat chez OPG, soit la Society of Energy Professionals, et des membres de la haute direction de la société.
L'objectif de ces comités est entre autres d'élaborer des principes communs et des accords sur les questions liées à la santé et à la sécurité, de créer des comités d'étude et des groupes de travail pour s'occuper des questions prioritaires et d'identifier, d'évaluer et de faire des recommandations sur d'importants problèmes, existants ou nouveaux, de santé et de sécurité.
Par ailleurs, nous avons toujours été très actifs par le passé pour nous assurer que les travailleurs étaient vraiment habilités à faire face aux problèmes de sécurité au travail. Nos conventions collectives prévoient que les employés peuvent refuser d'accomplir un travail qu'ils trouvent dangereux. C'est un droit garanti par la convention collective, et ils ont déjà fait usage de ce droit et ils n'ont pas peur de le faire. La plupart de ces refus sont réglés au premier niveau. Lorsque quelqu'un dit: «J'ai vraiment l'impression que cela n'est pas sécuritaire», 99,99 p. 100 du temps, le problème est réglé immédiatement à ce niveau. Le surveillant examine la question et dit: «Oui, vous avez raison. C'est ce que nous devons faire pour résoudre le problème.»
Si le problème n'est pas résolu au premier niveau, le refus déclenche une inspection formelle avec documentation complète. Nous en sommes informés et tout le processus est déclenché pour déterminer la raison pour laquelle il y a eu refus, quels étaient les problèmes et quelles mesures ont été prises.
En plus de ce processus, nos conventions nous accordent le droit de cesser un travail dangereux. Nous avons ce droit depuis 1991. En fait, je crois que nous avons été l'un des premiers syndicats à négocier cette disposition dans notre convention collective. Cette clause d'autorisation de cesser le travail donne au comité mixte de santé et de sécurité le droit d'interrompre le travail s'il y a des raisons de croire qu'il est dangereux. Encore une fois, il est rare que les travailleurs doivent se prévaloir d'un tel droit, mais il s'agit néanmoins d'un droit important. Cette clause autorise les membres du comité mixte de santé et de sécurité à prendre toute mesure nécessaire pour assurer l'arrêt d'un travail dangereux.
En résumé, notre syndicat estime que l'infrastructure de sûreté en place est convenable et efficace. Notre formation est solide et nous avons les outils qu'il faut pour régler les problèmes. Mais nous ne pouvons jamais nous dire satisfaits, car il ne s'agit pas d'un processus à résoudre une fois pour toutes. Il est continu et permanent.
Le sujet suivant que j'aimerais aborder est l'amélioration de la sûreté. Avant d'expliquer ce que nous faisons en tant que syndicat pour améliorer la sûreté nucléaire, nous tenons à préciser que nous ne voyons pas d'incompatibilité entre cet objectif et l'amélioration de la performance d'exploitation et de la rentabilité financière. On dit souvent que l'amélioration de la sûreté dans une centrale nucléaire engendre des coûts, lesquels rendent l'installation moins rentable du point de vue financier, ou moins concurrentielle. Cela devient un problème croissant en Ontario, où nous nous préparons à ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence, à compter de novembre prochain.
Je voudrais citer aux sénateurs deux exemples qui prouvent que l'idée qu'une centrale nucléaire sûre ne peut pas être concurrentielle, rentable et efficace, n'est qu'un mythe. Le premier est celui de la centrale nucléaire de Diablo Canyon en Californie, et le second, les installations nucléaires de PECO en Pennsylvanie.
La centrale nucléaire de Diablo Canyon en Californie, appartenant à la Pacific Gas & Electric qui en assure l'exploitation, a reçu la meilleure note en sûreté et en rendement par le U.S. Institute of Nuclear Power Operations pendant plusieurs années de suite, y compris pour l'année en cours. Ce palmarès n'a pas été interrompu par les récents changements intervenus dans l'organisation, ni par les importantes réductions de coûts. L'INPO a accordé à la centrale des notes élevées pour l'exploitation, l'ingénierie, la radioprotection et la chimie, et a également souligné les points forts du programme de formation de la centrale, lequel comprend une collaboration étroite entre la structure hiérarchique et la structure de formation dans le cadre des comités directeurs. Voilà un exemple d'une histoire de réussite où la société obtient d'excellents résultats du point de vue commercial, tout en réussissant à se placer au premier rang pour ce qui est de la sûreté aux États-Unis.
Il est intéressant de voir ce que d'autres font si nous voulons en tirer une leçon. C'est pourquoi je voudrais vous parler du deuxième exemple également. En Pennsylvanie, les installations de PECO (centrales électriques de Limerick et de Peach Bottom) ont établi de nouveaux records de production en 1999. Leur production a augmenté de 40 p. 100 au cours des 10 dernières années. En 1999, le facteur de charge était de 91,6 p. 100 pour Limerick et de 93,5 p. 100 pour Peach Bottom. Le facteur de charge a augmenté d'un tiers au cours de la décennie et le taux d'arrêts non planifiés a diminué de près de 75 p. 100. Ces chiffres remarquables sont accompagnés d'une performance exceptionnelle sur le plan de la sûreté; il est donc évident qu'il n'y a pas nécessairement incompatibilité entre le rendement économique et la réalisation de l'objectif d'excellence en matière de sûreté.
Notre syndicat a adopté certaines stratégies, dont l'une est à mon avis très saine, pour déterminer comment améliorer les choses et accroître la collaboration entre nous. Depuis toujours, le syndicat a eu pour politique, qu'il continue d'ailleurs d'avoir, de dire que nos intérêts en tant que représentant des travailleurs sont différents de ceux de l'employeur, mais pourtant les deux parties ont beaucoup de valeurs et d'intérêts communs; il va sans dire que la sûreté de nos installations, des travailleurs et des collectivités est un objectif commun que nous partageons.
Nos comités mixtes de santé et de sécurité ont entrepris un processus de revitalisation, en vue de resensibiliser les gens et de leur rappeler comment ils peuvent jouer un rôle plus concret pour améliorer la sûreté dans les centrales. Les 8 et 9 mai, nous coparrainons avec OPG une conférence de deux jours sur les comités mixtes de santé et de sécurité chez OPG. Nous comptons sur la participation de tous pour échanger les points de vue et expliquer les mesures qui semblent donner de bons résultats dans leurs installations, échanger cette information avec les représentants d'autres endroits, ce qui sert de mise à jour, de recyclage et de réorientation à l'égard de l'objectif global qu'est l'amélioration de la santé et de la sécurité.
Le syndicat organise, de manière indépendante, des cours sur la santé et la sécurité pour les membres des comités de travailleurs et pour les autres personnes qui participent aux activités de santé et de sécurité. En fait, notre syndicat consacre des fonds importants à la formation de nos militants et encourage de nouveaux travailleurs à suivre des cours de formation dans tout le domaine de la santé et de la sécurité.
Le troisième secteur est un accord de partenariat que nous venons de conclure avec la direction de l'Ontario Power Generation et la Society of Energy Professionals. Il s'agit d'une entente de partenariat visant à prévoir par écrit les principes régissant les nouveaux rapports qui existent entre le PWU, la Society of Energy Professionals et la société.
J'aimerais vous présenter certains éléments de cette entente de partenariat. Elle se trouve dans le mémoire que nous avons remis aux sénateurs.
Comme vous pourrez le constater, les deux premiers objectifs de ce partenariat consistent à améliorer les relations entre le syndicat et la direction à tous les niveaux, et à accroître la confiance et le respect mutuels. Cela paraît logique, mais nous avons jugé important de nous entendre sur ce point et de le coucher sur papier.
Les quatre objectifs suivants découlent des deux premiers, à savoir: productivité de l'exploitation, écoute des clients, engagement et motivation des employés et main-d'oeuvre qualifiée et versatile. Là encore, nous reconnaissons dans cette entente de partenariat que notre avenir est étroitement lié au succès de l'entreprise et que le fait de collaborer à la solution des problèmes est la clé de cette réussite.
Un des principes de cet accord est la reconnaissance du droit des employés de participer aux décisions qui influent sur leur vie -- il s'agit d'un principe fondamental, mais non moins important, sur lequel les trois parties se sont entendues. Vient ensuite le droit pour chacun d'être traité avec respect et dignité. La suite est tout aussi édifiante. Le PWU a signé cet accord parce que nous sommes convaincus que toutes les parties avaient l'intention d'atteindre ces objectifs et voulaient saisir l'occasion de réorganisation qui se présentait dans l'industrie de l'électricité de l'Ontario pour instaurer, dans la nouvelle compagnie, une culture fondée sur ces valeurs.
Nous ne l'aurions pas signé si nous ne nous étions pas sentis en mesure de faire appliquer équitablement l'intention et l'esprit de l'accord. Nous mentionnons cet accord de partenariat parce que nous estimons qu'il est essentiel pour atteindre notre double objectif de sûreté et de performance d'exploitation. À plusieurs reprises, le document insiste sur l'importance primordiale des valeurs humaines, dont la sécurité personnelle est implicitement la première.
Il est naturel que les gens s'inquiètent de la sûreté des exploitations nucléaires en Ontario, en particulier lorsqu'ils vivent à proximité des sites nucléaires. Leurs inquiétudes doivent toujours être prises en considération et il ne faut jamais les négliger, même si elles sont récurrentes et donnent lieu à des réponses tout aussi répétitives. C'est ce que nous pensons, même au sujet des opinions et conclusions de ceux qui ne sont pas du même avis que nous. L'importance de la sûreté nucléaire transcende toutes les autres considérations.
Il est néanmoins vrai que le palmarès de sûreté nucléaire de l'Ontario est exceptionnel. Je vais vous citer un exemple. Sur les milliers de travailleurs de centrales nucléaires que nous avons représentés -- et notre syndicat existe depuis 54 ans et représente les travailleurs de l'industrie nucléaire depuis son avènement en Ontario -- il n'y a pas eu un seul de nos membres qui ait perdu la vie à cause d'un accident nucléaire. Il n'y a pas beaucoup de secteurs d'activité qui peuvent en dire autant. Il n'y a pas eu non plus un seul blessé parmi la population au cours des 30 années d'exploitation des installations nucléaires de l'Ontario.
Toutefois, malgré ces résultats exceptionnels sur le plan de la sûreté, que nous devons en bonne partie à nos membres, le PWU ne va pas faire preuve de complaisance parce que nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous n'en avons pas le droit. Compte tenu de notre formation, de nos mécanismes de contrôle et de notre culture de syndicat, la sûreté est et sera toujours notre première préoccupation. Nous sommes en première ligne.
En veillant à notre propre protection, nous veillons à celle des autres. C'est pourquoi nous pouvons dire, sans peur d'être contredits, que personne ne se soucie plus de la sûreté nucléaire que le PWU. Tant que nous disposerons des outils pour le faire, nous favoriserons et ferons appliquer les normes de sécurité les plus strictes dans nos centrales. C'est la moindre des choses et nous espérons que la population, qui en bénéficie également, appuiera sans réserve les efforts que nous déployons pour continuer d'améliorer la sûreté nucléaire.
Le sénateur Kenny: Monsieur Murphy, nous sommes heureux que vous soyez des nôtres ce soir. Votre témoignage nous importe beaucoup.
J'ai été particulièrement impressionné par le thème principal de votre mémoire, soit la sûreté. Je crois comprendre, comme, je crois, tous les sénateurs, que si vous travaillez dans une centrale nucléaire et que votre famille vit assez près de cette centrale pour que vous puissiez faire le trajet aller-retour dans la journée, alors vous avez encore plus intérêt que la plupart des gens à vous assurer que c'est un lieu de travail sécuritaire. Cela étant dit, je voudrais aborder avec vous quelques questions qui semblent être liées à la sécurité. La première question concerne un programme d'aptitude au travail qui, si j'ai bien compris, permettrait de tester régulièrement -- peut-être même au hasard -- les gens qui travaillent dans des secteurs critiques de la centrale pour déterminer s'ils utilisent une substance psychodysleptique. Si j'ai bien compris, votre syndicat n'est pas d'accord avec une telle politique, n'est-ce pas?
M. Murphy: La position que nous avons adoptée sur cette question, c'est que personne ne veut d'un toxicomane ou d'un alcoolique -- en d'autres termes d'une personne inapte au travail -- dans une centrale nucléaire. C'est une chose sur laquelle nous sommes tous d'accord.
Notre syndicat a déclaré publiquement qu'il était en faveur d'un processus conforme à la législation actuelle. Nous devons respecter la vie privée des individus. Conformément à la loi actuelle, nous sommes en faveur d'un processus qui respecte la vie privée des gens tout en nous permettant de nous assurer qu'ils sont en fait aptes au travail.
Nous sommes persuadés qu'il n'y a aucun problème dans les centrales nucléaires. Nos employés sont rigoureusement sélectionnés lors du processus d'embauche et nous les surveillons régulièrement sur les lieux de travail. Nous n'avons pas eu d'incidents qui puissent être attribués à l'alcoolisme ou à la toxicomanie.
Cela étant dit, nous avons une population importante. Nous avons déclaré publiquement que nous appuyons une sorte de test -- sans identifier pour autant les individus -- qui permettrait de découvrir s'il y a ou non un problème. S'il y avait dans les centrales un échantillonnage au hasard sans identifier spécifiquement les individus, nous pourrions alors analyser les données pour déterminer s'il y a ou non un problème. S'il y a un problème, nous pourrions envisager quelque chose de différent. Voilà la position que nous avons adoptée jusqu'à présent.
M. Terry Pigeau, vice-président, Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique: Madame la présidente, nous avons eu des entretiens avec la CCEA à ce sujet. Comme M. Murphy l'a dit, nous voulons régler le problème s'il y en a un. Nous devrions donc alors effectuer des tests anti-drogues au hasard pour déterminer d'abord s'il y a ou non un problème. S'il y a une chose que nous ne voulons pas faire, c'est bien les droits de la personne relativement aux tests anti-drogue à la lumière de certains arrêts de la Cour suprême. Nous devons donc être très prudents sur la façon dont nous devons nous y prendre. Nous ne sommes certainement pas contre des mesures, dans des circonstances appropriées.
Le sénateur Finnerty: Que pensez-vous de l'évaluation environnementale du plan de redémarrage et de la façon dont on s'y prend? Êtes-vous satisfaits que l'on fasse un examen préalable plutôt qu'un examen indépendant?
M. Murphy: Tout d'abord, mes collègues et moi-même sommes absolument satisfaits du niveau d'examen de l'évaluation environnementale pour la remise en service de la centrale Pickering A. L'arrêt des réacteurs Pickering A n'a pas été initié par l'organisme de réglementation qui a dit: «Écoutez, ces centrales ne sont pas sécuritaires et vous devez les mettre hors service.» C'est une mesure qui a été prise par la société elle-même, c'est-à-dire Ontario Hydro, après avoir constaté que le rendement global de ses centrales diminuait. Ils n'ont pas seulement mis les réacteurs de Pickering hors service, mais aussi les réacteurs de Bruce, et ils ont pratiquement pris tous les membres du personnel qui travaillaient là-bas pour les envoyer travailler dans d'autres centrales. Ils ont dépensé des milliards de dollars à importer de l'électricité des États-Unis pour compenser la perte de production de ces génératrices. Ils ont fait tout cela volontairement sans que quelqu'un les y oblige, car ils croyaient que c'était la bonne chose à faire pour améliorer le rendement des autres réacteurs. Une fois le rendement amélioré, il serait alors possible de remettre en marche les autres réacteurs.
Ils n'avaient pas prévu à l'époque que l'on exige une audience d'évaluation environnementale. J'aime l'idée qu'il n'y ait pas d'ingérence auprès des organismes de réglementation ou encore qu'on ne tente pas de deviner les décisions de ces derniers. Ils sont en quelque sorte des organismes indépendants. Ils ont à leur disposition d'énormes ressources scientifiques qui leur permettent de prendre des décisions éclairées. Parfois j'aime leurs décisions, parfois je ne les aime pas. Cependant, ce sont des organismes indépendants, autonomes.
L'organisme de réglementation a dit: «Nous pensons que dans ce cas-ci un processus d'examen environnemental devrait avoir lieu étant donné que les réacteurs sont hors service depuis une longue période.» OPG ne s'y est pas opposé.
Dans ce domaine, c'est la terminologie qui nous pose des problèmes. Je veux parler des termes «examen préalable» et «examen par un comité». L'examen préalable donne l'impression qu'il s'agit d'un examen de deuxième classe par rapport à l'examen par un comité, ou un examen incomplet. Cependant, si j'ai bien compris, si on avait un champ de verdure à Pickering où l'on envisageait de construire une centrale nucléaire ou de creuser une mine, alors un examen par un comité aurait été plus complet pour évaluer l'impact socio-économique dans la collectivité et toutes les autres choses qu'il faut examiner dans un tel cas. L'examen préalable, c'est plutôt lorsqu'on a déjà une mine ou une centrale et c'est quelque chose que propose la Commission de contrôle de l'énergie atomique.
Si j'ai bien compris, il n'y a aucun compromis sur le plan de la quantité ou de la qualité de l'examen pour ce qui est de ce qui nous préoccupe tous, c'est-à-dire déterminer si cette centrale peut être remise en marche en toute sécurité. Voilà ce qui est important pour les gens de Pickering. Il n'y a aucun compromis sur le plan d'un examen détaillé de la sécurité.
À cet égard, je suis heureux qu'il y ait eu un examen d'évaluation environnementale. Je suis heureux de la décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique de faire faire un examen préalable. La centrale existe déjà. Fournir une aide financière aux intervenants et faire faire un long examen à un comité est peut-être une bonne chose pour les intervenants, mais cela n'améliorerait pas nécessairement la qualité de la sécurité.
C'était une bonne initiative pour OPG de donner l'argent à la communauté pour financer les évaluations si les gens n'étaient pas satisfaits. De façon générale, je suis assez satisfait et heureux des décisions prises par la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Je pense que ce sont de bonnes décisions.
Le sénateur Finnerty: N'êtes-vous pas d'accord avec un examen par un comité indépendant?
M. Murphy: Si je pensais qu'un tel examen nous donnerait davantage d'information pour déterminer s'il est sécuritaire de remettre la centrale en marche, je serais en faveur d'un tel examen. Cependant, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense tout simplement que cela ne ferait que rallonger l'examen, ce qui ajouterait au coût du projet et rendrait la remise en marche encore moins économique. L'une des raisons pour lesquelles nous appuyons l'initiative du gouvernement de créer de la concurrence dans le secteur de l'électricité en Ontario, c'est que nous voulons que la concurrence fasse baisser les tarifs, car cela affecte non seulement nous et nos emplois, mais aussi l'économie et la compétitivité de l'Ontario.
Je suis contre tout ce qui ferait augmenter les coûts pour les contribuables en Ontario, ce que ferait un examen par un comité sans ajouter quoi que ce soit à la qualité et à la sécurité. Je préférerais que l'on dépense cet argent pour améliorer le matériel dans la centrale plutôt que pour donner une aide aux intervenants, ce qui n'améliorera pas la qualité de la centrale.
Le sénateur Kenny: Monsieur Murphy, je vous ai demandé pourquoi vous n'étiez pas en faveur d'un programme qui prévoirait des tests d'aptitude au travail; en d'autres termes, des tests pour déterminer si les employés qui travaillent dans des endroits critiques ont utilisé des substances psychodysleptiques, que ce soit de la drogue ou de l'alcool. Si j'ai bien compris votre réponse, vous êtes en faveur dans un sens général, mais vous n'êtes pas en faveur d'un tel programme s'il identifie les individus. Ai-je bien compris votre réponse?
M. Murphy: Presque. Précisons que nous avons déclaré publiquement être favorables à un programme d'aptitude au service. Nous voulons que les employés soient en forme pour travailler. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point. Le problème, c'est la législation. On ne peut pas se contenter de mettre en place un programme de tests qui sera contesté dès la semaine suivante, déclaré contraire à la loi, et qu'il faudra supprimer.
Au départ, il faut avoir la certitude que tous les travailleurs des centrales sont en état de faire leur travail. Nous souhaitons qu'on mette en place un programme de tests permettant de les vérifier. Nous y sommes favorables.
Si les résultats ne sont pas identifiés, il n'y a pas de contestation judiciaire et tout se passe bien tant que les résultats restent négatifs. Si l'on constate que certains travailleurs ne sont pas aptes au travail, il faut passer à l'étape suivante, qui consiste à mettre en place un programme de tests où les travailleurs seront identifiés, mais qui ne portera toutefois pas atteinte à la loi -- autrement dit, un programme qui ne succombera pas à la première contestation. Mais avant de passer à cette deuxième étape, évitons de régler un problème qui n'existe pas.
Le sénateur Kenny: J'aimerais rester quelque temps sur ce sujet, car je tiens à éviter toute ambiguïté. Est-ce que vous êtes en faveur de tests universels à échéance régulière pour déterminer si un employé a un problème de toxicomanie et, en cas de tests positifs, êtes-vous prêts à passer à l'étape suivante qui comporte l'identification des employés en question?
M. Murphy: Oui. La formule étape par étape est la plus souhaitable à notre avis. Il est inconcevable de s'en prendre au millier de travailleurs des centrales nucléaires si on n'a pas la preuve de l'existence d'un problème, et d'imposer des tests systématiques et individualisés de dépistage de drogue pour chaque travailleur. Nous considérons qu'il faut procéder étape par étape.
Avec l'employeur, nous avons mis en place une procédure de contrôle de l'aptitude au travail qui ne comporte pas de tests. Cependant, nous ne sommes pas opposés à des tests, à condition que pour l'instant, l'employé ne soit pas identifié.
Le sénateur Kenny: Pourquoi faudrait-il éviter d'identifier quelqu'un qui n'est pas capable de travailler? Je ne peux pas concevoir que vous acceptiez de travailler avec quelqu'un qui est sous l'effet de la drogue ou de l'alcool.
M. Murphy: Je suis d'accord, sénateur; aucun d'entre nous ne l'accepterait. Cependant, il faudrait modifier certaines lois pour réussir à mettre en place un tel programme.
Le sénateur Kenny: Quelles lois?
M. Murphy: Le Code ontarien des droits de la personne, par exemple, interdit la discrimination contre les toxicomanes.
Le sénateur Kenny: Je vois que l'on soumet régulièrement les athlètes à des tests. Nous savons tous qu'on leur impose à l'improviste des tests de dépistage, même en Ontario. Je ne vois pas en quoi cela pose une question de droits de la personne. J'ai travaillé dans le secteur du pétrole et du gaz, où personne ne peut accéder à un puits de forage sans avoir subi de tests. Sur un puits de pétrole, un travailleur risque de provoquer des blessures à ses compagnons de travail. Chaque activité comporte des dangers pour tous les autres travailleurs.
M. Pigeau: À ma connaissance, le Code des droits de la personne permet des tests sur les nouvelles recrues, mais non pas sur les employés en place. Il existe dans le secteur nucléaire une politique d'aptitude au travail par laquelle les surveillants sont formés pour détecter les signes d'inaptitude au travail. Nous avons un programme de dépistage des toxicomanies à l'improviste pour les chauffeurs de camion qui vont aux États-Unis, mais c'est le seul cas.
Pour autant que je sache, le Code des droits de la personne permet de soumettre les nouvelles recrues à des tests, mais pas les travailleurs qui ont déjà été recrutés. À moins d'une preuve de l'existence d'un problème, de tels tests constitueraient une atteinte à leurs droits.
Le sénateur Kenny: Serait-il normal de soumettre à des tests les chauffeurs de camion qui vont aux États-Unis, mais pas un technicien qui peut provoquer la fusion d'un réacteur?
M. Pigeau: D'après la loi américaine, les chauffeurs qui franchissent la frontière doivent être soumis à des tests.
Le sénateur Kenny: Seriez-vous favorables à une modification de la loi qui prévoirait des tests à intervalles réguliers?
M. Pigeau: Je crois que la jurisprudence l'interdit.
Le sénateur Kenny: En tant que vice-président d'un syndicat, est-ce que vous ne pourriez pas le demander pour assurer la sécurité de vos compagnons de travail et des familles qui vivent à proximité des centrales?
M. Murphy: Je réponds catégoriquement oui, à condition qu'on en reste à la première étape. Je suis convaincu qu'il faut prouver l'existence d'un problème avant d'essayer d'y remédier. Disons que nous essayons de veiller à ce qu'aucun travailleur des centrales nucléaires ne soit inapte au travail, et que c'est là une préoccupation légitime.
À cette fin, nous proposons un programme de dépistage qui n'identifie pas les travailleurs, mais dont les résultats permettront de prouver qu'il n'y a pas de problèmes. Si tout le monde est apte au travail, le programme pourra se poursuivre et il n'y aura pas lieu de modifier la loi pour imposer des tests comportant l'identification. Si des résultats négatifs apparaissent ultérieurement, on pourra passer aux choses plus compliquées et envisager de modifier la loi pour exiger des tests personnalisés, fondés sur des motifs rationnels et logiques.
Le sénateur Kenny: Vous plaisantez? Est-ce que les travailleurs du nucléaire seraient les seuls éléments dans la société qui n'aient pas de problèmes de drogue ou d'alcool? Vous savez tout aussi bien que moi qu'une certaine proportion des membres de votre syndicat a ces problèmes, comme n'importe quel groupe de la population. Pourquoi refusez-vous de les identifier?
M. Murphy: Je ne refuse pas, sénateur, mais je propose deux formules qui me paraissent indiquées. Nous ne pouvons pas décider de modifier la loi. Si la loi ne nous imposait pas de restrictions, le problème serait moins évident.
Le sénateur Kenny: Est-ce que vous pensez qu'il faut modifier la loi pour régler le problème?
M. Murphy: Nous voulons être certains de devoir régler un problème. C'est notre seule exigence. Comme l'a expliqué M. Pigeau, le personnel de surveillance de nos centrales nucléaires est formé spécifiquement pour détecter les signes et les symptômes d'inaptitude au travail. Tout cela existe déjà.
Nous avons un excellent programme d'aide aux familles de nos syndiqués. Si un employé commence à manifester un problème qui peut avoir des répercussions sur son travail, ses représentants peuvent le faire sortir et lui procurer l'aide dont il a besoin.
Il sera beaucoup plus facile d'expliquer à nos membres que nous sommes favorables à un changement législatif permettant des tests individualisés si l'on peut montrer que les tests à l'improviste ont indiqué que certains employés sont inaptes au travail, ce qui nous oblige à régler le problème. Les syndiqués seront plus prêts à l'accepter et il est plus logique de procéder de cette façon.
Le sénateur Kenny: Ce qui serait plus logique, ce serait de faire réaliser ces tests par quelqu'un qui ne relève pas du syndicat. Des agents du syndicat qui devraient s'occuper des syndiqués risquent de laisser passer certaines choses. Il n'est pas raisonnable de demander au syndicat de s'en occuper pour ses membres.
M. Murphy: Je suis tout à fait prêt à accepter que les tests soient effectués par un organisme qui ne dépende ni de l'employeur, ni du syndicat. Ce pourrait être une société spécialisée.
Le sénateur Kenny: J'ai une autre question concernant les fouilles sur les personnes qui pénètrent dans une centrale ou qui en sortent. Je suppose que votre syndicat n'est pas favorable à de telles fouilles, n'est-ce pas?
M. Murphy: Non, nous ne nous opposons pas à ce qu'on fouille ceux qui entrent ou qui sortent, si l'on a des motifs de les soupçonner, ou si les fouilles sont faites au hasard, mais nous ne voulons pas de fouilles individuelles institutionnalisées.
Je représente les intérêts des travailleurs depuis des années. Nous avons une trentaine de lieux de travail. J'ai constaté que tous les travailleurs finissent par réagir à la façon dont on les traite. Si on les traite comme des criminels, ils risquent de finir par se comporter comme des criminels. Si on les traite comme des enfants, ils se comporteront de façon puérile. Nous affirmons qu'il est beaucoup plus utile de les traiter avec dignité et respect.
La plupart des travailleurs sont des gens respectables, qui n'ont pas peur de travailler. Il convient de les traiter en conséquence. Si on les traite comme des criminels ou des toxicomanes, il sera impossible de créer le milieu de travail valorisant auquel chacun aspire. Il faut respecter un certain équilibre entre les exigences de sécurité dans une centrale nucléaire et les impératifs de progrès. Nous sommes au Canada, et non pas dans le tiers monde. Nous avons des conceptions différentes sur la façon de traiter les citoyens. C'est du moins notre point de vue en tant que syndicat.
Le sénateur Kenny: Monsieur Murphy, votre syndicat évolue dans un domaine d'activité très spécial, et non pas dans une industrie ordinaire. Vous dites qu'il serait dégradant d'imposer des fouilles à vos syndiqués. Moi, je suis soumis à une fouille à chaque fois que je prends l'avion, et je ne considère pas être traité de façon dégradante ou comme un criminel. Je comprends qu'il faut empêcher certaines personnes d'accéder aux avions avec des objets interdits. Je n'y vois rien de mal et je comprends pourquoi on agit ainsi.
Vous et vos collègues travaillez dans des installations qui suscitent une certaine nervosité. Elles peuvent être vulnérables à quelqu'un de mal intentionné. Pourquoi serait-il si difficile de fouiller les gens à l'entrée ou à la sortie?
M. Murphy: Il existe déjà des procédures de sécurité très strictes pour entrer dans une centrale nucléaire. On n'y entre pas comme dans un moulin. Il faut passer la grille d'entrée et présenter une carte identifiant la voiture. Sinon, l'agent de sécurité intervient et il faut obtenir une approbation pour franchir la grille d'entrée.
Une fois qu'on a franchi cette grille, on se retrouve à l'intérieur de la centrale, où s'appliquent d'autres procédures de sécurité. Il faut porter un macaron. Il y a des surveillants. Il y a des règles et des procédures à respecter pour aller d'un point A à un point B. Des mesures de contrôle et de sécurité très rigoureuses sont en place.
Si le service de sécurité a le moindre soupçon, il peut intervenir. Nous représentons les agents de sécurité. Ils ont pour mission de prendre toutes les mesures qui s'imposent. Lorsqu'ils voient un véhicule suspect, ils doivent l'intercepter et le fouiller. Nous les incitons à agir ainsi, afin d'éviter tout danger pour la centrale, pour les travailleurs et pour l'ensemble de la collectivité. C'est notre intérêt commun.
Le sénateur Kenny: Vous ne vous opposez donc pas aux fouilles à l'entrée et à la sortie?
M. Murphy: Je ne m'oppose pas aux fouilles à l'entrée ou à la sortie d'une centrale si les agents de sécurité les jugent nécessaires.
Le sénateur Cochrane: Votre syndicat semble avoir des relations très particulières avec l'employeur. Je n'ai jamais vu de syndicat aussi bien disposé envers l'employeur. Vous semblez n'avoir aucun problème avec lui. Pouvez-vous tout d'abord me parler de vos emplois précédents? Depuis quand êtes-vous président du syndicat? Quels sont vos antécédents?
M. Murphy: Ma carrière a commencé en Irlande. J'ai été apprenti-électricien à partir de 1969. À la fin de mon apprentissage, j'ai travaillé dans les chantiers navals. Ensuite, je suis entré dans la marine marchande, j'ai voyagé dans le monde entier pendant cinq ans, et je suis venu pour la première fois au Canada. J'ai été séduit par Vancouver et j'ai décidé d'émigrer.
En allant à Vancouver, je me suis arrêté à Toronto et on m'a offert un emploi d'électricien dans une société appelée Alfa Laval à Peterborough. Six mois plus tard, Ontario Hydro recrutait des techniciens de contrôle pour ses centrales nucléaires, et j'ai été engagé.
Après trois ans de travail comme technicien de contrôle à OHN, j'ai accepté des fonctions syndicales. En 1987, j'ai commencé à travailler à plein temps pour le syndicat, tout d'abord en tant que vice-président des syndicats des combustibles fossiles, du nucléaire et de la construction. En 1993, je suis devenu président du syndicat.
Pour ce qui est des relations avec l'employeur, je considère qu'elles peuvent sembler assez bonnes, mais je dirais que ce sont des relations saines, encore que nous soyons passés par tous les extrêmes -- de l'attitude agressive et très militante envers l'employeur jusqu'aux bonnes relations actuelles. Encore une fois, nous avons actuellement 30 unités de négociation.
Nous considérons pouvoir atteindre de bien meilleurs objectifs dans la défense des intérêts de nos membres, qu'il s'agisse de santé ou de sécurité, ou d'exercer une influence sur des choses importantes dans le travail quotidien, en travaillant avec l'employeur dans un souci de coopération. On obtient davantage en essayant de comprendre et de satisfaire les préoccupations de l'employeur tout en l'amenant à comprendre les intérêts des travailleurs, plutôt que par le recours à la traditionnelle foire d'empoigne qui prévaut trop souvent.
Le sénateur Cochrane: Vous dites que l'industrie nucléaire existe depuis 54 ans et qu'il n'y a pas eu d'accidents graves. Pouvez-vous nous parler des accidents mineurs ou de ceux que vous considérez comme des accidents mineurs? Il doit bien y avoir des accidents qui laissent de mauvais souvenirs.
M. Murphy: Lorsque j'ai dit que pendant toute cette période nos membres n'avaient connu aucun accident mortel, je voulais parler des conséquences d'un accident nucléaire. Évidemment, des travailleurs ont été tués au travail, dans le cadre d'activités non spécifiquement nucléaires. Il y a des accidents, par exemple, dans l'entretien des lignes électriques, des électrocutions, des chutes et des accidents de la circulation.
Le sénateur Cochrane: Et à l'intérieur des centrales?
M. Murphy: Dans les centrales, il n'y a jamais eu d'accidents mortels pour cause de radioactivité.
Le sénateur Cochrane: Et les accidents non mortels?
M. Murphy: Comme dans toute industrie, il y a des accidents, mais comme je l'ai dit dans l'exposé, les activités sont soumises à des procédures précises et à un contrôle central, de sorte que les accidents sont peu fréquents. Même les travailleurs hautement qualifiés sont assujettis à une procédure rigide. Nous recevons d'ailleurs constamment des plaintes à ce sujet: des travailleurs hautement qualifiés en électricité, par exemple, ne peuvent pas se contenter de leurs connaissances pour réparer un appareil. Ils doivent, pour des raisons très précises, suivre une procédure bien définie et procéder étape par étape, toujours pour éviter toute forme d'accident.
Il y a eu récemment un accident mortel à Pickering, qui ne concernait pas quelqu'un de notre unité de négociation. C'était un agent de maîtrise du service de sécurité qui a dû se rendre au poste de police et qui revenait dans son véhicule vers la centrale de Pickering.
Le sénateur Cochrane: Cela n'avait donc rien à voir avec la centrale, n'est-ce pas?
M. Murphy: Non, mais c'était quand même un accident.
Le sénateur Cochrane: À votre avis, combien de fois le travail a-t-il été interrompu à cause de conditions de travail dangereuses?
M. Murphy: Il a été interrompu à maintes reprises, mais de moins en moins souvent ces dernières années. Initialement, à l'époque où nous avions des relations de travail conventionnelles caractérisées par l'antagonisme, cet antagonisme contaminait tout l'environnement de travail. Il est rare que des relations antagonistes entre les travailleurs et la direction n'aient pas pour effet de polluer le milieu de travail, et, en général, dans une telle situation, si un travailleur fait part d'un problème à son supérieur hiérarchique, celui-ci a tendance à le rabrouer. Du temps où nous avions des relations d'antagonisme, les refus de travailler étaient plus nombreux, car il fallait toujours monter d'un cran avant de pouvoir résoudre un problème.
Je dirais qu'aujourd'hui les cas officiels de refus de travailler sont beaucoup plus rares. Il y a des centaines de cas où des syndiqués font part d'un problème à leur supérieur hiérarchique ou au comité mixte de santé et de sécurité. Tout le monde reconnaît aujourd'hui qu'il faut travailler ensemble, et lorsque quelqu'un expose un problème, c'est considéré comme une bonne chose. Il ne le fait pas pour contester l'autorité de la direction. Nous voulons que le travailleur de base détecte les problèmes et nous en parle.
Le sénateur Cochrane: Comment qualifiez-vous l'état actuel des relations entre les travailleurs et la direction?
M. Murphy: C'est comme partout, elles ne sont pas parfaites. Il est toujours possible d'améliorer les relations entre les travailleurs et la direction, mais dans l'ensemble je dirais que ce sont des relations très saines.
Le sénateur Wilson: Vous dites que le droit d'arrêter le travail pour cause de conditions dangereuses est rarement invoqué. Pouvez-vous me citer des cas où il l'est?
M. Murphy: Je vais demander à mes collègues de donner des exemples précis.
M. Peter Falconer, président du comité de santé et de sécurité pour le secteur 1, délégué syndical en chef, centrale de Pickering, Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique: Est-ce que vous parlez des droits des membres du comité de santé et sécurité au travail d'interrompre le travail, ou du droit de chaque travailleur de refuser de travailler pour cause de conditions dangereuses?
Le sénateur Wilson: De ce dernier droit.
M. Falconer: À la centrale de Bruce, il y a eu des cas de refus de travailler. Le dernier dont je me souviens remonte à plusieurs années et concernait le carbone 14. Au milieu des années 80, c'était un problème important.
Je ne peux que renchérir sur ce qu'a dit M. Murphy. Les travailleurs ont des préoccupations. Ils les expriment. Ils n'ont pas toujours besoin de refuser un travail pour autant. Je peux dire qu'ils ont toujours l'occasion d'en discuter avec leur supérieur hiérarchique et d'obtenir une solution immédiate. Il est rare qu'on doive se rendre jusqu'à un refus officiel.
Le sénateur Wilson: Pourtant il y en a parfois, n'est-ce pas?
M. Falconer: Oui. Je peux vous garantir que nos membres n'hésitent pas à recourir à leurs droits s'ils estiment qu'il y a un problème et qu'on leur demande de travailler dans des conditions dangereuses. Ils exposent le problème et en font part immédiatement à la direction. Ils peuvent aussi obtenir l'appui de notre comité mixte de santé et de sécurité au travail, qui est formé pour résoudre les problèmes de ce genre et qui interviendrait immédiatement dans une procédure officielle de refus de travail.
Le sénateur Wilson: À partir de quand les problèmes de relations entre les travailleurs et la direction risquent-ils de compromettre la sécurité, d'après vous? Est-ce que de tels cas se sont produits? Et que s'est-il alors passé?
M. Murphy: Si mes collègues ont des points de vue différents, je les invite à intervenir. À mon avis, nous n'avons jamais atteint une telle situation. Comme je l'ai dit, les relations de travail connaissent des hauts et des bas, comme dans tout organisme, mais même quand elles sont dans le creux de la vague, je ne pense pas qu'elles en viennent jamais à menacer la santé et la sécurité. Dans tous les exemples pratiques de problèmes de santé et de sécurité dans les centrales, si un problème ne peut être résolu lorsque le travailleur en fait part à son supérieur ou aux membres du comité de santé et de sécurité, on déclenche alors une procédure pour le régler. On appelle le ministre du Travail, qui ordonne une enquête, élucide le problème et prend les mesures nécessaires pour le résoudre.
Dans notre secteur d'activité, personne n'a le droit de forcer les travailleurs à continuer le travail, quitte à compromettre la sécurité. Les mesures de sauvegarde interviennent automatiquement. Si un travailleur a des problèmes, il les expose, et la direction doit les régler, faute de quoi une tierce partie doit intervenir pour les résoudre.
Le sénateur Wilson: On vous a posé une question sur un comité d'examen, et vous avez répondu qu'un tel comité retarderait les choses et n'apporterait aucune information nouvelle. Comment pouvez-vous le savoir? Je suis surprise de vous entendre supposer que la consultation pour l'intervention du public n'améliorerait pas le niveau de sécurité.
M. Murphy: La procédure fixée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique permet une pleine participation du public, notamment des autorités locales. C'était un élément important pour l'appui que nous avons accordé à l'examen préalable. La Commission de contrôle de l'énergie atomique a permis à tout groupe, individu ou organisme qui le souhaitait, de présenter un mémoire ou des propositions avant la remise en service de Pickering A.
Le sénateur Wilson: La question portait sur l'examen préalable et l'intervention du public. Vous avez dit que l'intervention du public retarderait les choses et n'apporterait rien de plus, du moins à votre connaissance.
M. Murphy: Non, pas l'intervention du public. Elle est très importante dans cette procédure. La différence, c'est que le comité d'examen a été conçu davantage pour les centrales créées de toutes pièces. Dans une localité qui n'a jamais eu de centrale nucléaire, le comité d'examen considère l'ensemble des conséquences socio-économiques de la centrale pour la collectivité. Nous nous demandons si ce niveau de détail est nécessaire dans le cas où une centrale existe déjà. Et dans l'affirmative, est-ce que cela peut améliorer la sécurité?
Le sénateur Wilson: Et vous supposez que cela ne l'améliore pas.
M. Murphy: C'est exact.
Le sénateur Wilson: Pourquoi?
M. Murphy: La centrale est déjà là. On peut se demander s'il devrait y avoir une centrale nucléaire à Pickering, mais cela ne peut en rien améliorer la sécurité. La centrale est déjà là. La vraie question, c'est de savoir si au départ la centrale présente un danger ou non.
Je suis tout à fait d'accord pour qu'on dépense tout l'argent nécessaire, pour qu'on fasse toutes les consultations possibles, toutes les analyses techniques et toutes les évaluations de façon à convaincre tout le monde avant le lancement d'une centrale. Cependant, j'estime qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'opportunité d'une centrale une fois qu'elle est construite. C'est la différence entre le comité d'examen et l'examen préalable.
Le sénateur Christensen: Vous avez apporté un certain nombre de précisions qui vous ont été demandées. Je vous remercie d'être venus et d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Apparemment, nous en avions beaucoup à poser.
Pour reprendre les questions du sénateur Finnerty et les questions précédentes sur l'examen préalable par opposition à un comité public, je suppose que cela vous convient parfaitement, mais n'est-il pas important que le public soit rassuré? C'est certainement important pour l'industrie, mais si elle veut assurer sa survie, il faut non seulement que le public accepte les centrales, mais aussi qu'il participe au processus de consultation. Cela ne vous paraît-il pas indispensable? S'il existe un problème de sécurité ou autre pour lequel il n'y a pas lieu, à votre avis, de consulter le public, ne pensez-vous pas qu'il soit néanmoins utile de le consulter pour gagner sa confiance en le faisant participer au processus?
M. Murphy: J'habite à Pickering, et je pense avoir une bonne compréhension de l'opinion publique locale. À Pickering, l'homme de la rue ne passe pas son temps à se demander s'il faut un examen préalable ou un comité d'examen. En fait, je ne suis pas certain qu'il saisisse parfaitement la différence. Ce qu'il veut, c'est savoir si on peut mettre la centrale en service en toute sécurité. De l'avis de nos experts techniques et juridiques, l'examen préalable porte sur toute la gamme des questions soulevées par la mise en service de la centrale. Le comité d'examen considérerait aussi ces éléments-là, mais y ajouterait un élément qui, à notre sens, entraînerait un gaspillage de temps et d'argent, puisqu'il poserait la question: faut-il ou non construire une centrale nucléaire dans cette localité?
Le sénateur Finnerty: Cet examen est-il indépendant? Est-il fait à l'extérieur de la compagnie?
M. Murphy: Oui. Et, surtout, tout le processus est dicté par la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui est l'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire au Canada.
Puisqu'il est question de la confiance du public, il est important que l'on ait confiance en cet organisme et des décisions prises par son personnel et son conseil d'administration pour réglementer le secteur nucléaire. La collectivité veut croire que l'organisme qui réglemente l'industrie nucléaire -- les centrales B, les centrales de Darlington, les centrales de Bruce et tout le reste de l'industrie nucléaire -- est compétent et prend de bonnes décisions.
Le sénateur Christensen: Vous dites que l'examen est fait de façon indépendante?
M. Murphy: Par rapport à OPG, oui.
Le sénateur Christensen: Qui s'en charge?
M. Murphy: La Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui est l'organisme de réglementation.
Le sénateur Christensen: Je veux aborder brièvement la question des tests de dépistage des toxicomanies. À part la formation des superviseurs et des travailleurs des centrales pour les amener à reconnaître que les toxicomanies peuvent poser des problèmes, fait-on des tests de façon anonyme? Vous avez dit que si l'on décelait de tels abus, on pourrait passer à l'étape suivante. À l'heure actuelle, fait-on des tests de façon anonyme qui permettraient de déceler, de façon anonyme, la présence de toxicomanies?
M. Murphy: À ma connaissance, les seuls employés qui subissent des tests sont nos conducteurs qui vont aux États-Unis. Ils subissent des tests là-bas.
Le sénateur Christensen: Il semble que cela ne se fasse pas et que l'on se fie plutôt aux familles et aux collègues de travail. J'ai travaillé pendant un certain nombre d'années à titre de directrice générale d'un centre de traitement pour alcooliques et toxicomanes. Nous avions des rapports avec les clients, les membres de leurs familles et leurs collègues de travail, et je peux dire que ces gens-là sont capables de nier la réalité et de camoufler leur état, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus fonctionner, et, à ce moment-là, on a dépassé le stade que l'on voudrait tolérer dans des centrales de ce genre.
Nous avons entendu des témoignages au sujet des préoccupations relativement aux mesures de lutte contre les incendies. On nous a dit que l'on installait le système le meilleur marché afin de réduire le coût au minimum. Avez-vous des préoccupations à cet égard?
M. Murphy: Au sujet du danger d'incendie?
Le sénateur Christensen: Oui, la mise à niveau des agents extincteurs dans la centrale elle-même.
M. Murphy: Je vais demander à mes collègues de répondre; ils en savent peut-être plus que moi sur les mesures de sécurité en cas d'incendie.
M. Pigeau: Dans le cadre de la mise à niveau du système de lutte contre les incendies, on a mis en place des pompiers à plein temps dans les centrales. Pour la remise en activité de la centrale Pickering A, on envisage de changer tout le câblage pour répondre aux nouvelles normes en matière d'incendie. On envisage aussi d'installer des gicleurs dans toutes les autres centrales. C'est un processus continu. Depuis un an à peu près, on a affecté des pompiers à plein temps dans toutes les centrales. Tout cela s'inscrit dans le cadre d'un plan.
Le sénateur Christensen: Vous êtes satisfaits du rythme de réalisation de ce plan?
M. Pigeau: Oui.
M. Murphy: Je ne voulais pas mettre fin à notre exposé sans avoir l'occasion, pour donner suite aux commentaires du sénateur Kenny, de faire une suggestion qui pourrait être utile.
Nous partageons la préoccupation que vous avez soulevée au sujet de la condition physique. S'il y a désaccord entre nous, c'est seulement au niveau de la réalisation. Notre approche consistait à dire: «Assurons-nous qu'il existe vraiment un problème à résoudre avant de nous y attaquer.» Vous estimez que dans un effectif important, compte tenu de la nature de notre secteur, il existe probablement un problème. Je pense que c'est ce qui vous préoccupe. Vous avez aussi posé la question suivante: «Pourquoi les gens craindraient-ils de subir des tests s'il n'y avait pas de problème?» J'ai cru déceler la perception que nous faisons obstacle à une telle mesure. Nous sommes absolument déterminés à veiller à ce que les employés soient aptes à faire leur travail. C'est pourquoi nous avons travaillé avec l'employeur dans le cadre du programme de condition physique et pour toutes les autres procédures et sauvegardes qui existent sur le marché du travail.
C'est pourquoi nous avons dit publiquement que si l'employeur voulait faire ce genre de tests pour vérifier s'il y a un problème, sans identifier les personnes en cause, nous l'appuierions. Nous ne sommes jamais allés plus loin que cela, parce que nos avocats disent: «Vous avez le droit d'être représentés et vous devez respecter ce droit, et si la loi dit qu'il serait illégal pour la compagnie de le faire, alors c'est votre devoir, en tant que représentants de ces gens-là, de dire: «Non, monsieur l'employeur, vous ne pouvez pas faire cela parce que la loi l'interdit.»
Après avoir entendu les préoccupations formulées par le sénateur Kenny, je m'engage à revenir sur la question et à réexaminer toute cette affaire, de concert avec nos avocats et nos représentants élus, pour décider s'il y aurait lieu pour nous d'adopter une approche différente face à cette question, à la lumière de vos observations. Nous examinerons cela de concert avec nos avocats et si nous pouvons mettre au point une approche différente, nous en toucherons certainement un mot à l'employeur.
Le sénateur Kenny: Je vous en suis reconnaissant, monsieur Murphy. Pourriez-vous dire au comité combien de temps cela pourrait prendre? Pourriez-vous aussi vous engager à faire part au comité des résultats de votre examen?
M. Murphy: Absolument. Nous pourrions probablement le faire en deux à quatre semaines.
La présidente: Voilà un résultat très intéressant de notre réunion.
Je dois dire, pour le compte rendu, qu'il y a certaines questions que nous n'avons pu aborder parce que la réunion a dû être prolongée et que nous avons d'autres questions à débattre. Si nous vous faisons parvenir ces questions, auriez-vous la bonté d'y répondre pour nous?
M. Murphy: Nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question du comité.
La présidente: Merci. Nous vous remercions de votre patience. Nous avons hâte de connaître les résultats de votre examen.
La séance est levée.