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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 20 juin 2000

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour l'étude du projet de loi.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Pour l'étude du projet de loi C-11, nos témoins d'aujourd'hui sont l'honorable Ralph E. Goodale, c.p., député, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et ministre des Ressources naturelles.

L'honorable Ralph E. Goodale, ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé: Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant votre comité au début de votre étude du projet de loi C-11.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Robert Lomas, spécialiste principal des produits minéraux au ministère des Ressources naturelles, et de M. Norman Bayne, avocat-conseil du ministère.

Comme vous le savez, le projet de loi C-11 permettra la vente au secteur privé des biens de la Société de développement du Cap-Breton, plus couramment appelée Devco. La privatisation de cette entreprise représentera un tournant important pour l'industrie houillère du Cap-Breton, qui est en activité depuis près de 33 ans sous les auspices de Devco, une société d'État fédérale.

Mon objectif est de vendre cette entreprise au secteur privé de manière constructive tout en tenant compte dans la mesure du possible des problèmes d'ordre socio-économique liés à la fermeture de la mine Phalen et à la vente des autres secteurs d'activité de Devco. Avant de parler du projet de loi C-11 proprement dit, j'aimerais vous dresser un bref historique de la société.

Depuis sa création en 1967, comme vous le savez, Devco a été fortement tributaire du financement gouvernemental pour poursuivre ses activités. J'ai distribué un document d'information qui vous sera utile. Si les honorables sénateurs se reportent à la page 1, ils y verront les données concernant les crédits gouvernementaux au fil des ans, depuis la création de la SDCB en 1967.

Comme vous pouvez le voir, la division du charbon de la SDCB a reçu environ 1,7 milliard de dollars en subventions fédérales jusqu'à la fin de l'exercice financier 1999-2000, somme à laquelle s'ajoute 86 millions de dollars réservés pour l'exercice en cours. En outre, la division du développement industriel de la SDCB a reçu 157 millions de dollars avant 1989, année où la Société d'expansion du Cap-Breton a été établie pour mener les activités de développement qu'assurait auparavant cette division.

Depuis la création de la SECB et de l'APECA, l'Agence des perspectives économiques du Canada atlantique, près de 350 millions de dollars ont été investis dans diverses initiatives pour soutenir l'économie du Cap-Breton dans les secteurs autres que l'industrie houillère. À l'automne 1998, j'ai demandé au conseil d'administration de la SDCB de se pencher sur l'orientation future de la société à la suite du constat que celle-ci ne pourrait jamais être rentable du point de vue commercial en tant que société d'État, et aurait besoin de fonds supplémentaires pour rester en activité jusqu'en mars 1999. Ce besoin de crédits supplémentaires découlait en grande partie des problèmes géologiques qui se sont posés à l'époque à la mine Phalen.

Après avoir envisagé certaines options, le conseil d'administration a fait une série de recommandations. Après en avoir discuté avec mes collègues du Cabinet, il a été décidé de procéder à une restructuration fondamentale de la SDCB. Ce fut une décision difficile à prendre et elle fut prise uniquement après que le conseil d'administration de la société et le gouvernement du Canada eurent examiné minutieusement toutes les options possibles.

J'ai annoncé en janvier 1999 les cinq mesures suivantes: premièrement, la fermeture de la mine Phalen vers la fin de l'an 2000; deuxièmement, un programme d'adaptation de la main-d'oeuvre prévoyant 111 millions de dollars pour les travailleurs touchés, et notamment des encouragements à la retraite anticipée pour environ 340 employés ainsi que des indemnités de départ et des allocations de formation pour 350 autres employés.

Les dispositions de ce programme d'adaptation de la main-d'oeuvre étaient tout à fait compatibles avec les modalités des conventions collectives en vigueur entre la société et ses syndicats, et même à certains égards, les mesures proposées allaient au-delà de ces conventions.

Troisièmement, nous avons annoncé un fonds de rajustement économique de 68 millions de dollars, auquel la province de Nouvelle-Écosse a ajouté ensuite 12 millions de dollars supplémentaires. Ce fonds doit être investi, après des consultations au niveau communautaire, dans la diversification de l'économie du Cap-Breton. Quatrièmement, nous avons consenti une remise de dette de 69 millions de dollars et, cinquièmement, décidé de privatiser les biens de la SDCB dans le but de créer une entreprise commerciale durable à long terme.

Depuis l'annonce de ces mesures en janvier 1999, les événements suivants ont eu lieu, à peu près selon l'ordre indiqué ici. Le processus de vente a été déclenché en juin 1999. Puis, à cause de facteurs d'ordre géologique et concernant la sécurité, il a fallu fermer la mine Phalen plus tôt que prévu, soit en septembre 1999. Il en a résulté un nouvel examen de la pertinence du programme initial concernant les ressources humaines, car la mine Phalen ne pouvait pas rester en activité pour toute la période prévue au départ.

Par la suite, un groupe de consultation sur le développement économique composé de sept personnes a été constitué en octobre 1999. Il a tenu neuf jours d'audience dans tout le Cap-Breton, et a entendu 214 témoignages. Parmi les témoins se trouvaient des particuliers, des représentants des municipalités, des représentants du monde des affaires, des groupes communautaires, des représentants syndicaux, des collectivités des premières nations, des universitaires, des jeunes, et d'autres. Ces audiences portaient de toute évidence sur l'utilisation future des fonds de développement économique -- soit les 68 millions de dollars du gouvernement du Canada et les 12 millions de dollars de la province de Nouvelle-Écosse.

Le groupe a présenté son rapport final aux ministres en mai dernier. On est en train d'y mettre la touche finale, et la prestation des programmes est censée être en place vers la fin de l'été ou le début de l'automne. Enfin, en janvier dernier, la SDCB et ses quatre syndicats ont convenu de mettre sur pied un comité de planification mixte, conformément aux dispositions du Code canadien du travail, pour régler les modalités du programme d'adaptation de la main-d'oeuvre de la société. Malheureusement, ce comité mixte et la médiation qui a suivi se sont révélés un échec. Par conséquent, le 27 avril, le ministre du Travail a nommé M. Bruce Outhouse, c.r., comme arbitre pour résoudre de manière finale tous les problèmes liés aux ressources humaines.

M. Outhouse a rendu sa décision, qui est exécutoire pour les deux parties, le 2 juin. Vous trouverez un résumé de cette décision dans votre cahier d'information. La décision d'arbitrage s'est soldée par un encouragement à la retraite anticipée pour tous les employés, quel que soit leur âge, qui auront 25 ans d'ancienneté à la société au 31 décembre 2000. Selon les responsables de la SDCB, cet encouragement sera offert à environ 249 employés, qui s'ajoutent aux 340 qui étaient déjà visés par le programme initial.

L'arbitrage aura également pour effet d'augmenter les indemnités de départ et de garantir des prestations médicales pendant la période d'admissibilité à l'indemnité de départ. Le coût total de ce programme de ressources humaines est de l'ordre de 50 millions de dollars, somme qui s'ajoute aux 111 millions de dollars déjà annoncés en janvier 1999.

J'aimerais maintenant vous décrire brièvement, madame la présidente, le processus de vente des actifs de la SDCB. M. Shannon, son président, qui va comparaître sous peu, pourra vous en parler plus en détail.

Pour vous résumer la situation, en juin 1999, la SDCB a embauché la société Nesbitt Burns pour agir comme conseiller financier et gérer le processus de vente. La première tâche de Nesbitt Burns a consisté à examiner le processus de vente à la fin août lors de séances d'information publiques tenues au Cap-Breton, avec des représentants de la collectivité et des parties prenantes, pour connaître leur avis. Il a été stipulé clairement lors de ces réunions que la vente se déroulerait selon un processus commercial concurrentiel et que toutes les décisions futures se fonderaient sur de bons principes commerciaux.

Voici certains objectifs énoncés en août dernier: en premier lieu, attirer un acheteur désireux d'acquérir les actifs de la société à un prix acceptable pour celle-ci et le gouvernement; deuxièmement, trouver un acheteur ayant des objectifs et une situation financière solide propres à garantir la viabilité à long terme des activités de la SDCB et, en troisième lieu, trouver un acheteur qui tienne compte des intérêts de la collectivité et des employés, et adopte un bon plan de gérance de l'environnement.

Dès octobre 1999, Nesbitt Burns a communiqué avec 60 acheteurs éventuels, et notamment des sociétés locales et d'autres entreprises canadiennes. En décembre, sur les conseils de Nesbitt Burns, la SDCB a établi la liste restreinte des acheteurs éventuels qui ont été invités à présenter une proposition définitive. Après avoir reçu ces propositions, le conseil d'administration de la société est maintenant en train de les examiner pour voir si l'une d'entre elles atteint tous les objectifs que j'ai mentionnés il y a quelques instants. Voilà où en sont les choses à l'heure actuelle pour ce qui est du processus. Enfin, il y aura des négociations en vue d'apporter la touche finale aux conditions du contrat de vente des biens. À ce moment-là, l'acheteur éventuel tiendra des discussions avec les responsables syndicaux et Nova Scotia Power, en vue de négocier les ententes voulues.

Honorables sénateurs, il va sans dire que l'entente finale sera assujettie à l'approbation du conseil d'administration de la SDCB et du gouvernement du Canada. Je comprends que certains voudraient avoir plus de renseignements sur le processus de vente et s'inquiètent des dispositions qui pourront être prises avec un propriétaire du secteur privé. M. Shannon pourra peut-être vous en dire plus à ce sujet, mais je signale que le processus de négociation est en cours entre les parties et que les dispositions habituelles concernant la confidentialité des renseignements d'ordre commercial s'appliquent donc.

Ce que je peux dire au comité, c'est que le gouvernement du Canada n'approuvera pas la vente tant qu'il ne sera pas convaincu que l'on en est arrivé à une entente juste et raisonnable pour les employés mutés, pour la collectivité et pour l'actionnaire -- soit la meilleure entente possible sur le marché. La meilleure perspective d'une cession réussie des actifs de la SDCB au secteur privé et du maintien des emplois dans l'industrie houillère, c'est une entreprise commerciale viable. Ces perspectives sont bien réelles et il importe d'aller de l'avant.

Les progrès dépendent de l'adoption et de l'entrée en vigueur du projet de loi C-11. Aucune entente ne pourra être conclue tant que le Parlement n'aura pas fini son étude de ce projet de loi. En plus d'autoriser l'aliénation des actifs de la Société de développement du Cap-Breton, conformément au paragraphe 90(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, le projet de loi C-11 prévoira la dissolution de celle-ci. Cela se fera sans doute dans plusieurs années, étant donné les obligations en cours que devra assumer le gouvernement du Canada. En second lieu, le projet de loi prévoit la subrogation de Sa Majesté à la SDCB dans les procédures judiciaires auxquelles celle-ci pourrait être partie. Il s'agit d'une disposition courante. Enfin, il maintiendra la disposition sur «l'intérêt général du Canada» de l'actuelle Loi sur la Société de développement du Cap-Breton, ce qui garantit que le Code canadien du travail s'appliquera à n'importe quel acquéreur du secteur privé.

Je signale, comme le sénateur Graham le sait certainement, que ce point était très important pour les syndicats qui voulaient s'assurer de continuer à relever de la compétence fédérale pertinente, soit le Code canadien du travail. C'est l'objet de la clause de «l'intérêt général du Canada.»

Le projet de loi C-11 est en fait assez simple. Il ne prévoit aucun nouveau pouvoir ministériel ni aucune délégation de pouvoir. Les cinq premiers articles du projet de loi visent à autoriser l'aliénation des biens et la dissolution de la société. Ce sont des dispositions typiques des lois de ce genre. Viennent ensuite une série de modifications administratives visant l'actuelle société, de façon à prévoir à l'avenir la diminution du nombre de membres du conseil d'administration et certaines modifications portant sur l'égalité des sexes.

Enfin, le projet de loi prévoit des modifications corrélatives à d'autres lois, et vous trouverez une explication du projet de loi article par article dans votre cahier d'information. Je suis sûr que M. Lomas et M. Bayne pourront vous aider si vous avez des questions concernant le libellé.

Honorables sénateurs, maintenant que le processus d'arbitrage a permis de régler les questions en suspens concernant les ressources humaines, nous comptons conclure le processus de vente le plus rapidement possible de façon à faire disparaître toute l'incertitude qui demeure pour les employés de la SDCB et la collectivité du Cap-Breton.

Tout le monde sait que les habitants du Cap-Breton sont confrontés à d'énormes défis. Le gouvernement du Canada est déterminé à les aider par tous les moyens possibles à bâtir un avenir plus sûr et durable.

Pour récapituler, notre approche est en trois volets. Premièrement, une vente couronnée de succès, ce que facilite le projet de loi C-11, pour maintenir les activités houillères et les emplois sur une base économique solide sous la responsabilité du secteur privé. En second lieu, un programme d'adaptation de la main-d'oeuvre qui soit équitable et raisonnable afin d'aider ceux qui ne peuvent pas rester dans l'industrie houillère. C'était l'objet des travaux entrepris par l'arbitre M. Outhouse. Le troisième volet consiste en de nouvelles initiatives de développement économique de façon à élargir nos horizons, comme le centre de service à la clientèle d'EDS dont la création a été annoncée récemment, centre qui, grâce à la technologie moderne des communications, permettra de créer jusqu'à 900 emplois pour les habitants du Cap-Breton au cours des cinq prochaines années.

Je suis heureux de constater que ce centre, qui représente le premier projet financé grâce à notre enveloppe de développement économique de 68 millions de dollars, répond aux critères recommandés par notre groupe de consultation communautaire. L'annonce a également été bien accueillie par des porte-parole du Cap-Breton de tous les milieux ainsi que par les responsables du gouvernement provincial et tous les partis politiques.

Je tiens à signaler en passant que l'initiative visant le développement économique qui fait partie de ce train de mesures m'apparaît comme un élément très important. Il faut à ce chapitre rendre particulièrement hommage au sénateur Graham, qui a travaillé d'arrache-pied sur ce dossier.

Le gouvernement espère que la région du Cap-Breton connaîtra de nombreux autres succès grâce aux efforts intenses que nous faisons pour tourner la page et prendre un nouveau départ vers un avenir prometteur.

Je répondrai volontiers à vos questions, du moins j'essaierai.

Le sénateur Taylor: Monsieur le ministre, j'ai remarqué que, dans le projet de loi, on part du principe que les bénéfices vont tripler dès que l'entreprise sera privatisée, ce qui est une tendance moderne.

Avez-vous prévu dans le processus d'appel d'offres une disposition stipulant que l'acheteur ne pourra pas être en conflit d'intérêts? Je pense par exemple à la société A qui achète l'entreprise alors qu'elle détient des réserves de charbon quelque part en Amérique du Nord qu'elle préfère utiliser en priorité. Le charbon du Cap-Breton risquerait-il de se trouver exclu du marché pour des raisons stratégiques plutôt que concurrentielles?

M. Goodale: Sénateur, le gouvernement a pour objectif de trouver un acheteur qui prendra un engagement à long terme à l'égard du Cap-Breton et poursuivra les activités de charbonnage de la façon la plus viable et rentable possible, en préservant un maximum d'emplois. Voilà le genre d'acheteur que nous recherchons. La garantie, c'est que la transaction devra être approuvée au préalable par le conseil d'administration de la SDCB. En second lieu, conformément à la loi, elle devra être approuvée par le gouvernement du Canada. Nous allons rechercher un acquéreur qui offrira les meilleures dispositions possible pour garantir l'avenir à long terme du Cap-Breton.

Le sénateur Taylor: Ma deuxième question porte sur le calendrier prévu pour la vente. Vous et moi, monsieur, connaissons bien l'industrie pétrolière et gazière. C'est souvent le gaz qui fait concurrence au charbon pour l'alimentation des centrales ou le chauffage. Le prix du gaz a presque doublé depuis environ un an. Dans des conditions normales, on devrait suivre le cours du charbon en fonction du cours du gaz naturel. Le gouvernement a-t-il établi des prévisions à long terme quant au prix du charbon, tout en surveillant de près le prix du gaz naturel et les mesures que prendra l'OPEP? Ou bien avez-vous baissé les bras en vous disant que de toute façon, la situation était désespérée?

M. Goodale: Sénateur Taylor, le calendrier n'est pas fonction de l'évolution de la situation sur les marchés énergétiques des autres sources d'énergie. Il va sans dire que le choix du moment est dû en partie à la situation financière dans laquelle se trouve la SDCB. C'est dû également en partie aux très graves problèmes d'ordre géologique et de sécurité qui se posent à la mine Phalen. Voilà les facteurs qui vont influer sur la décision du gouvernement d'aller de l'avant avec ce projet.

En général, les producteurs de charbon espèrent évidemment que le prix du produit va augmenter à l'avenir. Vous trouverez certainement chez les consommateurs une opinion différente. Toutefois, le cours du charbon sur les marchés internationaux à l'heure actuelle n'est pas particulièrement intéressant du point de vue du vendeur, mais cette question de prix n'a rien à voir avec le moment choisi pour cette transaction. La décision a été prise en raison des autres facteurs dont j'ai parlé plus tôt, c'est-à-dire la nécessité de restructurer la Société de développement du Cap-Breton, de trouver d'autres moyens d'élargir la base économique de la région et de progresser de manière plus positive dans l'avenir.

Le sénateur Buchanan: Monsieur le ministre, ceux d'entre nous qui ont une position précise à l'égard de ce dossier doivent déclarer d'emblée que nous ne sommes pas partie à une procédure contradictoire comme cela se fait dans l'exercice du droit. Nous n'avons aucune raison d'agir en adversaires ici. Nous espérons que, grâce à notre collaboration, nous pourrons trouver une solution juste et équitable pour les mineurs du Cap-Breton et les habitants de la région.

Bien des gens sont en cause. L'industrie houillère, au même titre que l'industrie sidérurgique, est la source de vie économique de l'île du Cap-Breton depuis très longtemps. Certains d'entre nous autour de cette table ont grandi avec ces deux secteurs d'activité. Comme je l'ai dit à maintes reprises par le passé, pour le meilleur ou pour le pire, nous ne serions peut-être pas dans la situation où nous sommes aujourd'hui sans les industries houillère et sidérurgique.

Ma famille, tant paternelle que maternelle, vivait de l'industrie houillère. Mon père a travaillé jusqu'à sa mort à la Dominion Coal Company.

Au Cap-Breton, les gens sont très nostalgiques lorsqu'ils pensent à la disparition de l'industrie houillère. Nous espérons que cela ne se produira pas. J'ai parlé à un grand nombre de gens au fil des ans, dès mes débuts en politique vers la fin des années 60. Il est évident qu'il y a beaucoup de charbon au Cap-Breton.

Certains d'entre nous autour de la table ont travaillé dans les mines de charbon. C'est ce que je faisais vers la fin des années 40. Personne ici n'ignore que nos mines de charbon s'étendaient jusqu'à des milles sous l'océan Atlantique. Il est évident que, au cours des années, il a fallu fermer des mines et en ouvrir de nouvelles. Je parle des mines Lingan, Phalen, Prince, et d'autres, si l'on pense à la vieille époque de la houillère 1A, 1B, de l'actuelle houillère Phalen, de la houillère Lingan et de la vieille numéro 11. Ces houillères ont dû fermer pour diverses raisons.

Toutefois, ceux d'entre nous qui pensent qu'il ne reste pas encore des millions de tonnes de charbon au Cap-Breton se trompent.

La présidente: Sénateur Buchanan, avez-vous une question à poser?

Le sénateur Buchanan: Oui, et j'y arrive. Ce que je veux dire, c'est que nous avons fait toute cette étude au sujet des réserves de charbon du Cap-Breton vers la fin des années 70 et le début des années 80.

J'ai deux remarques à faire. Tout d'abord, je tiens à vous dire que je ne suis pas contre la privatisation. Le moment est venu de privatiser l'industrie sidérurgique et l'industrie houillère. Certains disent que cela aurait dû se faire il y a déjà des années. Le sénateur Boudreau et moi-même en conviendrons, surtout pour ce qui est de l'industrie sidérurgique.

Toutefois, lorsque nous avons examiné l'industrie houillère vers la fin des années 70 et le début des années 80, les navires de forage délimitaient la veine côtière à la mine Donkin. Il ne fait aucun doute qu'il y a des millions de tonnes de charbon prêts à être exploitées. Les tunnels sont déjà là sur le front de taille, et la mine est prête à être mise en exploitation.

Ma deuxième remarque porte sur les termes «justice» et «équité.»

Je crois savoir que, au fil des ans, près de 7 800 mineurs ont reçu des pensions et des avantages très justes et équitables de la part de la société, par l'entremise du gouvernement fédéral. C'est beaucoup de gens.

Deux choses nous préoccupent. D'une part, il y a les 900 mineurs. Bruce Outhouse, que je connais très bien, est un excellent arbitre et avocat du travail. Dans les circonstances, et conformément à la loi, il a produit un excellent rapport. Toutefois, monsieur le ministre, il y a environ 900 mineurs au Cap-Breton qui sont confrontés à un avenir extrêmement incertain, et 400 d'entre eux vont toucher une indemnité de départ qui sera assujettie à l'impôt sur le revenu, et qui sera sans doute entièrement dépensée d'ici un an ou un an et demi. Il leur restera ensuite les prestations d'assurance-emploi et leur situation est incertaine.

Quant aux 500 autres, ils n'ont pas la garantie d'avoir un emploi à la houillère Prince, mais il est possible qu'ils y travaillent, selon l'exploitant de la mine. Reste à savoir pendant combien de temps.

Je vous pose carrément la question au sujet de ces groupes de 404 et de 500 travailleurs. Le gouvernement du Canada, au nom de la justice et de l'équité, est-il prêt à faire autre chose pour garantir que l'on respectera la Loi sur la SDCB? Si une autre personne originaire du Cap-Breton, l'ancien sénateur et ministre Allan MacEachen, était présent aujourd'hui, je sais qu'il conviendrait qu'il faut prévoir des mesures plus justes et équitables. Le gouvernement fédéral est-il prêt à faire plus pour lever cette incertitude à laquelle sont confrontés les 900 mineurs? On a dit à la plupart d'entre eux qu'ils auraient un emploi à la mine Prince, et pourtant ils se sont précipités au bureau de la société pour toucher leurs indemnités de départ à cause de cette incertitude.

Y a-t-il autre chose que le gouvernement du Canada serait prêt à faire ou serait en mesure de faire pour éliminer l'incertitude et le nuage qui pend au-dessus de ces 900 personnes et leurs familles?

M. Goodale: Sénateur, en ce qui a trait à ce que vous avez dit tout d'abord au sujet de la recherche commune que nous devons tous entreprendre afin d'obtenir les meilleurs résultats pour le Cap-Breton dans des circonstances difficiles, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour ces sentiments. Je crois que nous devrions tous avoir à coeur et que nous avons tous à coeur les meilleurs intérêts des gens du Cap-Breton. Je suis certain que tous ceux qui sont présents ici font honnêtement tous les efforts afin de trouver les meilleures solutions possible.

Deuxièmement, pour ce qui est des réserves de charbon, elles sont effectivement importantes et c'est ce qu'on appelle les gisements géologiques. Il y a des problèmes liés à la qualité, à la structure géologique, aux risques et aux dangers, et au coût d'extraction, et cetera. Naturellement, tous ces problèmes ont une incidence sur la capacité d'exploitation commerciale du charbon, mais il y a effectivement des réserves. Si j'ai bien compris, c'est en partie pour cette raison que le sénateur Tayler a posé sa question.

La question est la suivante: comment exploiter ces réserves d'une façon qui soit rentable sur le plan commercial?

Le plus difficile et le plus délicat dans tout ce dossier, c'est le nombre d'employés touchés. Le conseil d'administration de Devco l'a reconnu lorsqu'il a fait ses recommandations au tout début au gouvernement du Canada vers la fin de 1998. Le conseil d'administration a recommandé, et le gouvernement a accepté, qu'avant de mettre en place un programme de ressources pour les travailleurs touchés, nous devions d'abord nous assurer non seulement de respecter à la lettre les exigences des conventions collectives, mais en fait de faire de notre mieux pour offrir encore davantage. Cela a été incorporé au programme initial.

Cependant, entre le moment où le programme initial a été annoncé et celui où il serait entré en vigueur, les circonstances ont changé étant donné la fermeture anticipée de la mine Phalen.

Les propositions annoncées en janvier 1999 se fondaient sur un certain nombre d'hypothèses, notamment que la mine Phalen serait opérationnelle pendant toute l'année 1999 et une bonne partie de l'an 2000. Pour des raisons géologiques et des raisons très graves sur le plan de la sécurité, cela n'a pu être possible, de sorte que la mine Phalen a fermé en septembre 1999, environ un an plus tôt que prévu.

Le jour même où la fermeture de la mine a été annoncée, j'ai indiqué que le gouvernement devrait de toute évidence revoir un certain nombre de questions relatives aux ressources humaines à la lumière de ces nouvelles circonstances, et nous avons entrepris de faire une nouvelle analyse.

La direction du syndicat avait spécifié à plusieurs reprises qu'elle préférait que les questions liées aux ressources humaines soient réglées par un comité mixte de planification tel que prévu dans le Code canadien du travail. En janvier dernier, Devco a donné son accord et le processus a été mis en marche.

Il était entendu que les deux parties tenteraient de leur mieux de résoudre les questions en suspens. Si cela n'était pas possible par la négociation normale, on aurait alors recours aux autres dispositions du Code canadien du travail, notamment, à l'arbitrage, au besoin. L'arbitre résoudrait toutes les questions en suspens et le rapport de l'arbitre serait exécutoire pour toutes les parties.

Le processus faisant intervenir un comité mixte de planification aux termes du Code canadien du travail a suivi son cours, soit à partir de la négociation en passant par la médiation pour arriver à l'arbitrage sous l'oeil vigilant de M. Outhouse dont vous avez parlé favorablement. Tout le monde est d'accord pour dire que M. Outhouse a la réputation d'être très juste, de faire preuve de logique et d'une grande capacité à gérer ce genre de problèmes.

Après avoir travaillé avec les parties pendant un certain nombre de semaines, M. Outhouse a présenté ses recommandations et aux termes de la loi, ses recommandations sont exécutoires pour toutes les parties intéressées. Nous devons tous respecter ce que M. Outhouse a proposé.

Afin de dissiper les incertitudes qui ont été mentionnées, il est important d'adopter le projet de loi C-11 et de permettre au processus de vente d'être conclu avec succès, afin que les gens puissent se familiariser avec la nouvelle exploitation menée par le secteur privé, avec le nouveau propriétaire, et savoir combien d'employés seront en fait embauchés. J'ai indiqué qu'il y en aurait environ un maximum de 500; de toute évidence, c'est le nombre d'employés visé. Il serait très utile d'avoir une entente signée qui préciserait le nombre d'employés. Encore une fois, cela réduirait l'incertitude à ce sujet. Au cours des dernières étapes du processus de négociation, l'acheteur potentiel rencontrera les syndicats afin d'en discuter et de négocier.

Ce qui est important pour l'avenir, c'est de maintenir le plus grand nombre possible d'emplois et de conclure une bonne transaction de vente, quelque chose de solide. Nous tentons d'accomplir cela en partie grâce au projet de loi qui est proposé et dans une plus large mesure par les négociations avec un acquéreur éventuel. Il est réellement important de conclure la transaction à ce moment-ci.

J'imagine qu'en mettant la dernière main à la transaction, les administrateurs de Devco voudront s'assurer que leurs employés sont traités correctement, comme ils l'ont toujours été par le passé, lors de toute transition d'un propriétaire à un autre. Cela doit faire partie de leur négociation avec le nouvel acheteur. Cependant, il s'agit d'une négociation commerciale et le processus n'est pas encore terminé à ce moment-ci.

Le sénateur Buchanan: Tout d'abord, je n'ai pas de problème avec Bruce Outhouse. Il vaut mieux que je n'en aie pas -- au fil des ans, je l'ai nommé comme arbitre afin de régler de nombreux problèmes ouvriers.

Étant donné qu'il a déposé un rapport qui est exécutoire pour les deux parties, voulez-vous dire qu'il n'y a rien d'autre que le gouvernement du Canada est prêt à faire pour les 900 travailleurs qui sont touchés à l'heure actuelle? M. Outhouse aurait pu arriver à plusieurs chiffres, mais il a choisi 25.

À l'heure actuelle, la situation est incertaine pour ces 900 travailleurs, mais si je vous ai bien compris, vous avez bon espoir que cette incertitude sera dissipée une fois les négociations terminées?

M. Goodale: Honorable sénateur, j'aimerais bien avoir une baguette magique et pouvoir répondre instantanément à toutes les questions. Cependant, ce n'est pas possible dans les circonstances actuelles. Les choses doivent se faire l'une après l'autre. De toute évidence, il y a des négociations commerciales qui se déroulent à l'heure actuelle.

J'espère que nous pourrons tous travailler ensemble de façon constructive dans les semaines et dans les mois à venir afin de répondre à ces questions de la façon la plus favorable possible et le plus tôt possible, pour dissiper l'incertitude entourant la situation.

Le rapport de M. Outhouse a été très utile. Il a offert un programme d'encouragement à la retraite anticipée à un plus grand nombre de travailleurs. Il a recommandé de relever l'indemnité de cessation d'emploi. Il a fait certaines recommandations relativement au maintien des avantages médicaux, et cetera. Un résumé des détails de ses recommandations se trouve dans les documents d'information qui ont été distribués.

Toutes choses étant égales, et compte tenu des circonstances, il a augmenté la valeur des programmes de ressources humaines qui passe de 111 millions de dollars à plus de 160 millions de dollars. Ces programmes sont justes et raisonnables dans les circonstances, non seulement selon le point de vue du gouvernement, mais selon une tierce partie entièrement indépendante.

Nous devons maintenant aller au-delà des programmes d'adaptation des ressources humaines et nous concentrer sur les autres éléments afin de conclure la transaction la plus favorable possible, une transaction qui permettra, d'une part, de maintenir l'industrie du charbon et le plus grand nombre possible d'emplois et, d'autre part, grâce au fonds de développement économique de 80 millions de dollars -- moins les 7 millions de dollars qui sont allés au projet EDS -- de mettre en place de meilleures mesures de diversification économique pour l'avenir des habitants du Cap-Breton.

Le sénateur Graham: Madame la présidente, je dois dire que je suis ici temporairement pour remplacer le sénateur Banks. Je suis donc un membre légitime du comité, au cas où des sénateurs penseraient que je m'arroge des droits.

Bienvenue, monsieur le ministre, et merci de l'attention assidue que vous portez à ce dossier important, particulièrement pour ceux d'entre nous qui sont du Cap-Breton.

Certaines personnes qui s'opposent au projet de loi estiment qu'avec un nouveau propriétaire, la convention collective n'assurera pas le même niveau de protection aux travailleurs licenciés si les paragraphes 17(4) et 18(2) de la loi sont abrogés. L'article 17 est particulièrement litigieux.

Avec votre permission, madame la présidente, j'aimerais lire cet article de la loi initiale créant la Société de développement du Cap-Breton.

17(4) Avant d'arrêter ou de réduire de façon appréciable la production de charbon en provenance de toute mine qu'elle exploite, la Société doit s'assurer que

a) d'une part, la suppression ou réduction soit conforme au plan directeur, éventuellement modifié, et intervienne au moment qui y est prévu;

b) d'autre part, elle-même a, de concert éventuellement avec le gouvernement du Canada ou de la Nouvelle-Écosse ou de leurs mandataires, pris toutes mesures possibles dans les circonstances pour réduire autant que faire se peut le chômage ou les perturbations économiques qui peuvent en découler.

Le paragraphe 18(2):

Les règlements administratifs visés au paragraphe (1) doivent prévoir le paiement immédiat d'une somme, sous forme de capital ou de prestation, à toute personne visée à ce paragraphe et qui est licenciée ou mise à la retraite ou l'a été avant l'âge normal de la retraite prévu par ces règlements en raison soit de la réorganisation et réadaptation par la Société de l'extraction du charbon et des ouvrages et entreprises connexes mentionnés à l'article 15, soit de la mise en conformité de l'extraction du charbon et des travaux connexes avec le plan directeur visé à l'article 17, éventuellement modifié.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire des observations à ce sujet et nous dire s'il y a à l'heure actuelle un lien entre les dispositions contenues dans les conventions collectives de Devco relativement au programme d'adaptation de la main-d'oeuvre et les paragraphes 17(4) et 18(2) de la loi?

M. Goodale: Sénateur Graham, il conviendrait peut-être plutôt de poser toute question concernant la convention collective à la direction de Devco ou au syndicat, qui ont participé aux négociations collectives ayant mené à ces ententes.

La façon dont le gouvernement du Canada s'est occupé du dossier au cours des derniers mois montre très clairement qu'il est déterminé à faire son possible pour aider un groupe de Canadiens qui se trouvent dans une situation très difficile. Franchement, cette responsabilité n'a pas été imposée au gouvernement du Canada par une disposition législative. Nous nous efforçons tout simplement de prendre les mesures qui s'imposent. Ce n'est pas une loi qui nous y oblige. Nous constatons que des Canadiens se trouvent dans des circonstances très difficiles, que nous tentons d'alléger, en partie grâce à un programme d'adaptation des ressources humaines, en partie grâce à un programme de développement économique et en partie grâce à un processus de privatisation, et nous espérons que tout cela permettra de jeter les bases pour un avenir meilleur. Ce n'est pas un mandat législatif qui a dicté notre approche, mais plutôt le fait que nous souhaitions obtenir les meilleurs résultats possible pour ce groupe de Canadiens.

Deuxièmement, l'historique législatif de Devco et la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton montrent qu'il y a eu un tournant décisif en 1988-1989. Des changements ont été apportés afin de s'assurer que Devco se concentre exclusivement sur ses activités houillères, et le mandat plus large de développement économique a été confié à la Société d'expansion du Cap-Breton.

Vous remarquerez que les affectations budgétaires du gouvernement pour les exploitations houillères et les sociétés industrielles allaient entièrement à Devco jusqu'en 1988-1989. Par la suite, la Société d'expansion du Cap-Breton a été créée avec le mandat de s'occuper des questions de développement économique. Une fois ce changement apporté, toutes les affectations pour les activités houillères sont allées à Devco, tandis que les affectations pour le développement économique sont passées par la Société d'expansion du Cap-Breton et l'APECA.

Jusqu'en 1988-1989, il y avait une combinaison de responsabilités dans le mandat de Devco. Ces responsabilités ont ensuite été divisées, Devco devant se concentrer sur les activités houillères, et la Société d'expansion du Cap-Breton et l'APECA ont assumé le rôle de développement économique.

Le sénateur Graham: Vous avez dit que l'objectif de la vente de Devco consistait à trouver un acheteur qui était le mieux en mesure de maintenir les opérations et à offrir des emplois continus dans l'industrie du charbon au Cap-Breton.

Quelles assurances allez-vous demander à cet égard avant la conclusion d'une transaction?

M. Goodale: Sénateur Graham, évidemment il faudra d'abord qu'on nous assure surtout que le plus grand nombre d'emplois sera maintenu. Nous avons affaire à une situation en évolution. On est en train de négocier une transaction commerciale et il faut respecter le caractère confidentiel de ces discussions. Par conséquent, il est difficile d'être précis à ce moment-ci. Cependant, nous avons déclaré publiquement que nous espérions assurer le maintien d'un maximum de 500 emplois.

À l'étape appropriée du processus de privatisation, les discussions habituelles devront avoir lieu entre l'acheteur éventuel et les syndicats. Les deux parties discuteront évidemment alors de diverses questions liées aux ressources humaines.

En bout de ligne, comme il est normal, le gouvernement devra approuver la transaction. Il voudra évidemment s'assurer que l'entente autorise autant que possible le développement du Cap-Breton ainsi que la création d'emplois futurs. J'espère que le nombre d'emplois créés sera très important. Comme je l'ai dit, c'est l'un des critères sur lesquels je me fonde lorsque j'évalue un contrat.

Le sénateur Graham: Le surintendant des institutions financières estime-t-il que les deux régimes de pension de Devco, et en particulier le régime non contributif, sont des régimes à capitalisation entière? Le gouvernement fédéral continuera-t-il d'assumer la responsabilité financière pour ces deux régimes si Devco est vendue?

M. Goodale: Je vais demander à M. Lomas de répondre à la première question que vous avez posée, sénateur Graham.

Pour ce qui est de la deuxième, comme nous l'avons clairement dit, le gouvernement du Canada continuera d'assumer certaines responsabilités, notamment dans le domaine environnemental. La responsabilité la plus importante du gouvernement aura cependant trait aux régimes de pension.

M. Robert Lomas, spécialiste principal des produits minéraux, Secteur des minéraux et des métaux, Ressources naturelles Canada: Tant les régimes contributifs que non contributifs de Devco sont des régimes à capitalisation entière, selon les analyses de l'actuaire de la société. Ces analyses sont ensuite vérifiées par les vérificateurs.

Le sénateur Graham: Monsieur le ministre, je vous remercie encore une fois de l'attention que vous avez portée à ce dossier.

M. Murray: Monsieur le ministre, Énergie atomique Canada Limitée relève-t-elle du ministre des Ressources naturelles?

M. Goodale: EACL fait effectivement rapport au Parlement par mon intermédiaire.

Le sénateur Murray: Songe-t-on à privatiser cette société?

M. Ralph Goodale: Le gouvernement n'a jamais mentionné cette possibilité. Je sais qu'il en a été question dernièrement dans un article de journal, mais je n'ai jamais publiquement mentionné la possibilité de privatiser cette société. Le gouvernement n'étudie pas la question.

Le sénateur Murray: Je vous remercie. Étant le ministre dont relève cette société, vous savez très bien à combien s'élève la subvention fédérale annuelle qui lui est versée. Les derniers chiffres dont je dispose portent sur l'année financière 1998. Je crois que cette subvention s'élevait alors à environ 150 millions de dollars.

M. Goodale: À l'issue de l'examen des programmes, la contribution du gouvernement à EACL passera de 170 millions de dollars à 100 millions de dollars.

Le sénateur Murray: Pendant la majeure partie des années 90, cette subvention s'est élevée à entre 160 et 170 millions de dollars. Avant cela, la subvention était supérieure à 100 millions de dollars. Je vous fais simplement remarquer que par comparaison, la subvention versée à Devco était assez modeste.

Comme vous le savez, il y a aussi le compte du Canada. Lorsque la Couronne cherche à vendre des réacteurs CANDU à la Chine ou à la Turquie, par exemple, nous prêtons de l'argent à ces pays à des taux de faveur. Je crois que nous avons d'ailleurs prêté à la Chine 1,5 milliard de dollars.

Je cite ces chiffres à titre comparatif.

Je pense pouvoir vous poser la question suivante. En fait, c'est une question qu'on devrait toujours pouvoir poser à un ministre: pourriez-vous nous expliquer les raisons qui ont incité le gouvernement à vouloir privatiser Devco et à se retirer de l'exploitation des charbonnages du Cap-Breton?

M. Ralph Goodale: Sénateur Murray, de nombreuses raisons ont incité le gouvernement à prendre cette décision. Des ministres et des gouvernements précédents avaient fixé à Devco l'objectif de devenir rentable. Si ma mémoire est juste, ce n'est pas notre gouvernement qui a fixé cet objectif. La direction actuelle et passée de Devco, ses travailleurs actuels et passés, son conseil d'administration et les gouvernements actuels et passés se sont efforcés d'atteindre cet objectif.

À la fin de 1997, en 1998 et en 1999, il est devenu apparent que cet objectif ne serait pas atteint.

J'ai alors demandé au conseil d'administration de Devco de proposer un plan d'avenir pour la société. L'une des recommandations qui m'a été soumise consistait à continuer d'exploiter le gisement Phalen jusque dans la deuxième moitié de 2000 et ensuite fermer la mine.

Le sénateur Murray: Je ne veux pas vous interrompre, mais je crois que ceux d'entre nous qui s'intéressent à cette question ne connaissent que trop bien cette histoire.

Le gouvernement n'estimait donc pas qu'il était trop coûteux de subventionner Devco, mais simplement que l'objectif de la rentabilité commerciale ne serait atteint que par la privatisation.

M. Goodale: Sénateur Murray, il était évident que la société d'État n'allait pas parvenir à atteindre l'objectif.

On s'attend à ce qu'une société privée ait plus de chance de parvenir au succès commercial, ce qui permettrait aux charbonnages du Cap-Breton de poursuivre leurs activités et de protéger ainsi le plus grand nombre possible d'emplois.

Le sénateur Murray: Personne ne vous a dit que la dernière fois qu'une société privée a exploité les gisements miniers du Cap-Breton, cette région avait connu un âge d'or?

M. Goodale: J'ai étudié l'histoire du Cap-Breton.

Le sénateur Murray: Qu'en est-il des subventions? Vous n'êtes pas assez vieux pour vous souvenir de cela, mais le reste d'entre nous...

Des voix: Parlez pour vous-même!

Le sénateur Murray: ... savent que lorsque les gisements étaient exploités par une société privée, le gouvernement fédéral lui a versé des subventions annuelles.

Le sénateur Graham: Ces subventions provenaient de l'Office fédéral du charbon.

Le sénateur Murray: Oui. C'était un organisme gouvernemental.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous décrire le processus menant à la privatisation? Vous nous avez déjà dit que la maison Nesbitt Burns avait été nommée à l'automne dernier pour diriger le processus.

M. Ralph Goodale: L'été dernier.

Le sénateur Murray: Nesbitt Burns a pressenti 60 acheteurs éventuels. Il n'en reste plus qu'un. Je ne veux pas vraiment savoir ce qui s'est passé. Cela ne nous intéresse pas pour l'instant.

Quoi qu'il en soit, il ne reste plus qu'un acheteur. Vous nous avez dit que des négociations sont en cours. Qui représente la Couronne fédérale dans ces négociations?

M. Ralph Goodale: Devco a retenu les services de la maison Nesbitt Burns comme conseiller financier et comme négociateur dans le cadre de cette vente.

Nesbitt Burns a désigné l'acheteur qui lui semblait le plus prometteur.

Le sénateur Murray: Oui.

M. Ralph Goodale: La maison Nesbitt Burns a mené cet acheteur à la table des négociations.

Le sénateur Murray: Oui.

M. Ralph Goodale: Le conseil d'administration de Devco est chargé de négocier avec l'acheteur et la maison Nesbitt Burns agit comme consultant et conseiller financier.

Lorsque les négociations auront abouti, l'entente sera soumise au gouvernement du Canada.

Le sénateur Murray: Évidemment. J'aimerais y venir. La maison Nesbitt Burns pilote les négociations avec l'acheteur éventuel. Nesbitt Burns est le mandataire de Devco et de la Couronne fédérale. Quelqu'un a fixé à Nesbitt Burns certains paramètres. Qui l'a fait?

M. Ralph Goodale: Nesbitt Burns et la direction de Devco se sont entendues sur ces paramètres.

Le sénateur Murray: J'essaie d'établir, monsieur le ministre, le rôle de l'intervenant politique, c'est-à-dire de l'honorable Ralph Goodale qui est assis au bout de la table et de ses collègues du gouvernement.

Le conseil d'administration de Devco s'est vu confier un mandat. Étant donné l'importance de ce dossier, ce mandat lui a été nécessairement confié par le gouvernement.

C'est une question que je vous pose.

M. Ralph Goodale: J'attendais la deuxième partie de votre question.

Sénateur Murray, j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, à laquelle j'aimerais revenir un instant, les objectifs énoncés en août par la maison Nesbitt Burns lors des réunions publiques tenues au Cap-Breton et lors des consultations menées auprès des intervenants. La maison Nesbitt Burns cherche à trouver un acquéreur prêt à acheter les actifs à un prix qui convienne au gouvernement et à Devco, un acquéreur dont les objectifs et la stabilité financière permettront d'assurer la viabilité à long terme de Devco et qui se préoccupe des intérêts de la collectivité et des employés ainsi que de la protection de l'environnement.

Le sénateur Murray: S'agit-il des seules lignes directrices auxquelles la maison Nesbitt Burns doit se conformer dans ses négociations avec un acheteur privé?

M. Goodale: Il s'agit évidemment des principales lignes directrices, sénateur Murray.

Il faudrait que je consulte les conseillers juridiques pour voir s'il y en a d'autres.

Le sénateur Murray: Je ne vous demanderai pas de dévoiler des renseignements confidentiels.

M. Goodale: Je vous transmettrai volontiers tous les renseignements qui ne sont pas confidentiels.

Le sénateur Murray: Je vous en remercie. J'aimerais qu'à titre de responsable politique du dossier, vous nous disiez que vous connaissez la teneur du mandat et que vous l'avez approuvé. Je comprends les trois points que vous avez mentionnés, mais j'aimerais que vous puissiez nous assurer qu'à titre de responsable politique, vous avez approuvé le mandat confié à la maison Nesbitt Burns qui doit négocier une entente avec un acquéreur éventuel au nom de la Couronne et de Devco.

M. Goodale: Sénateur, comme il convient, la maison Nesbitt Burns agit de façon indépendante, mais je suis le processus de très près.

Le sénateur Murray: Qu'entendez-vous par là? Ils sont vos mandataires.

M. Goodale: Ils sont les mandataires de Devco.

Le sénateur Murray: Cela pose un réel problème. Comprenez-vous où je veux en venir?

M. Goodale: Je comprends où vous voulez en venir et je vais faire deux observations. Des négociations commerciales de ce genre sont de toute évidence complexes. La «soupape de sûreté» du gouvernement, si je peux m'exprimer ainsi, est que peu importe ce que recommande la maison Nesbitt Burns et ce que peut approuver le conseil d'administration de Devco, la décision finale appartient au gouvernement. Tous les détails de l'entente doivent être soumis au gouvernement.

J'ai clairement indiqué que j'allais prêter attention à deux facteurs en particulier: premièrement, je souhaite que l'acheteur assure une exploitation optimale des charbonnages, et deuxièmement, qu'il crée le plus d'emplois possible.

Voilà donc, en bout de ligne, ce sur quoi reposera la décision du gouvernement. J'ai déjà dit que je prêterais une attention particulière à ces deux facteurs. Je veux un acheteur qui assurera l'exploitation à long terme des charbonnages et je veux qu'il crée le plus grand nombre d'emplois possible.

Le sénateur Murray: Outre la maison Nesbitt Burns, quelqu'un d'autre est-il à la table des négociations? Des représentants de Devco ou de ministères fédéraux participent-ils aux négociations?

M. Goodale: Sénateur, Devco et M. Shannon, qui connaît bien le processus, seraient mieux à même de répondre à cette question.

Le sénateur Murray: Je la leur poserai.

Je pense que nous faisons des progrès et je n'en ai plus pour longtemps. J'ai pris certaines notes pendant que vous répondiez aux questions du sénateur Buchanan et d'autres sénateurs. Vous avez dit que les discussions d'usage auraient lieu entre l'acheteur éventuel et les syndicats.

J'en déduis que ces discussions devront avoir lieu avant que le gouvernement approuve l'entente. Je présume que ces discussions entre ce que vous appelez «l'acheteur éventuel» et les syndicats devront être raisonnablement satisfaisantes. Ai-je raison?

M. Goodale: Oui, sénateur Murray. À l'étape appropriée des négociations, tout acheteur éventuel devra évidemment régler certaines questions liées aux ressources humaines avec les syndicats. Ainsi, des discussions auront aussi lieu à un moment donné avec un intervenant comme Nova Scotia Power.

Le sénateur Murray: D'après les témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, ces discussions ont déjà eu lieu. Nova Scotia Power s'est fait représenter par un vice-président devant le comité de l'autre endroit qui a dit que ces discussions avaient déjà eu lieu. Je ne pense pas que des discussions aient déjà eu lieu entre l'acheteur éventuel et les syndicats.

Ces discussions devront avoir lieu avant que le gouverneur en conseil et le Cabinet approuvent l'entente, n'est-ce pas? Les syndicats auront l'occasion de discuter avec l'acheteur éventuel avant que le gouvernement approuve l'entente, n'est-ce pas?

M. Goodale: C'est juste. Le gouvernement aura le dernier mot et non pas l'avant-dernier.

Le sénateur Murray: Les syndicats auront l'occasion de rencontrer l'acheteur éventuel?

M. Goodale: Oui.

Le sénateur Murray: Vous voulez obtenir une entente dans laquelle l'acheteur du secteur privé s'engagera à créer un nombre donné d'emplois. Vous avez mentionné le chiffre de 500 emplois et vous avez dit qu'il s'agissait d'un nombre d'emplois très important.

Je pense que nous faisons des progrès. Le gouvernement veut une entente juste et raisonnable pour les employés qui seront transférés. Je ne vous demande pas de dévoiler des renseignements confidentiels. Vous avez cependant dit à la Chambre des communes, et le sénateur Boudreau a répété la même chose au Sénat, que vous êtes sur le point de conclure une entente. Vous aimeriez même que cette entente soit conclue d'ici la fin du mois. Comment pourriez-vous mettre la dernière main à l'entente avant que le projet de loi n'ait été adopté par le Sénat et ait obtenu la sanction royale?

M. Goodale: Sénateur Murray, le gouvernement est évidemment responsable de l'issue des négociations et aucune entente ne peut être conclue sans l'accord du gouvernement. Vous avez raison de faire remarquer que l'entente ne pourra pas être conclue avant que le processus législatif soit terminé. Il appartient cependant au gouvernement d'approuver la transaction. Le projet de loi C-11 vise à obtenir le consentement du Parlement et à répondre aux exigences de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le sénateur Murray: Je me demande simplement si nous avons le droit moral d'adopter un projet de loi habilitant sans avoir vu l'entente qui a été conclue entre le gouvernement et l'acheteur. Je n'en dirai pas plus pour l'instant.

Le sénateur Christensen: Mes questions ne sont pas aussi complexes que les questions de certains. Je ne connais pas cette région. J'ai certainement vu beaucoup de mines fermer au Yukon. Je l'ai vu toute ma vie. La participation du gouvernement, qui est rare dans notre partie du pays, est cependant plus intense que la participation du secteur privé. Les sociétés privées annoncent qu'elles vont fermer une mine, elles la ferment et les gens doivent se débrouiller par eux-mêmes.

Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un projet de loi type portant sur la vente d'une société d'État. Voilà ce dont nous sommes saisis. Ce qui importe et ce qui nous intéresse tous, c'est le sort qui sera réservé aux travailleurs et à leurs familles.

J'aimerais revenir à la question que posait le sénateur Graham au sujet de l'article 22 aux termes duquel la Loi sur la pension de la fonction publique est modifiée en y supprimant la mention de la Société de développement du Cap-Breton. Je présume que comme dans le cas des autres régimes de pension, l'employé ne peut plus retirer l'argent investi dans son régime de pension après un certain nombre d'années. Avant le nombre d'années prévu, il a droit à un remboursement. Dois-je comprendre que le régime de pension des employés qui ne peuvent pas obtenir un remboursement sera protégé?

M. Goodale: Les droits de pension des employés sont évidemment protégés. Il s'agit d'une des modifications corrélatives de nature technique. Je demanderai à M. Bayne de vous expliquer pourquoi cette loi doit être modifiée.

M. Norman Bayne, avocat-conseil, Ressources naturelles Canada: La loi dont il est question dans les modifications corrélatives, c'est-à-dire aux articles 18 à 22, demeurera en vigueur tant que Devco conservera le statut de société. Devco demeurera une coquille vide ne produisant pas de charbon pendant un certain nombre d'années jusqu'à l'épuisement des droits de pension, jusqu'à la remise en état de l'environnement et jusqu'à ce que les autres actifs -- les terrains et arbustaies -- aient été vendus ou transférés à Travaux publics Canada.

L'article 22 s'appliquera tant que les droits de pension ne seront pas épuisés. Si l'on décide plus tard de transférer le régime de pension à capitalisation entière à une entreprise du secteur privé, Devco n'aura plus d'obligations à cet égard. Si toutes les autres obligations de la société ont été satisfaites, la société sera alors dissoute et cet article s'appliquera par la suite.

Le sénateur Christensen: Je présume que les négociations avec l'acheteur éventuel sur les régimes de pension porteront sur des accords réciproques, n'est-ce pas? Appartiendra-t-il plutôt au syndicat de négocier ce type d'accord?

M. Bayne: Tout dépendra de ce que prévoient les conventions collectives.

Le sénateur Christensen: Combien d'employés de la Société de développement du Cap-Breton sont visés par les dispositions portant sur les pensions de retraite?

M. Goodale: Je demanderais à M. Lomas de vous donner des précisions au sujet des régimes de retraite. Il s'agit d'une question un peu complexe.

M. Lomas: En un mot, la majorité des employés de Devco participent à un régime de retraite non contributif.

Le sénateur Christensen: Il ne s'agit pas d'une pension de retraite.

M. Lomas: Non, c'est différent. La société compte également un régime de pension contributif. Un petit nombre d'employés appartiennent au Régime de pensions de retraite de la fonction publique.

Le sénateur Christensen: Il s'agit de gens qui occupent des postes administratifs par opposition aux mineurs, n'est-ce pas?

M. Lomas: Très peu d'employés syndiqués, sinon aucun, appartiennent à ce régime.

Le sénateur Christensen: Qu'adviendra-t-il des pensions de ceux qui sont visés par le régime non contributif?

M. Lomas: Comme le sénateur Graham l'a mentionné, le Bureau du surintendant des institutions financières réglemente les régimes de pension de Devco. Lorsque Devco a commencé à réduire son effectif, le bureau a commencé à suivre de près la situation. Il protège les intérêts des employés et veille à ce que leurs régimes de pension futurs ainsi que leurs pensions de retraite elles-mêmes soit protégés.

La société est dans une situation de liquidation partielle. Les cotisations des employés deviennent alors des cotisations acquises accumulées. Comme M. Bayne l'a mentionné, la société devra prendre une décision au sujet de ces régimes. Ils seront soit maintenus jusqu'à l'épuisement des droits de pension ou ils seront immobilisés dans un instrument financier comme un REER ou une rente. Les droits des employés seront protégés dans ce processus.

Le sénateur Christensen: Qu'en est-il des régimes médicaux? Existe-t-il différents régimes médicaux au sein de la société ou y en a-t-il un seul?

M. Lomas: Il faudrait poser cette question à la société elle-même.

Le sénateur Christensen: Si je ne m'abuse, l'indemnité de départ offerte aux personnes admissibles s'élève à 85 000 $. Cette somme sera-t-elle imposée au cours de la même année? Qu'en est-il à ce sujet? J'ai l'impression que le gouvernement va en récupérer une bonne partie.

M. Lomas: La Loi de l'impôt sur le revenu permet d'investir une partie de cet argent dans un REER. De cette façon, la somme en entier n'est pas imposée.

Le sénateur Christensen: L'impôt à verser pourrait-il être échelonné sur plusieurs années?

M. Bayne: La Loi de l'impôt sur le revenu permet actuellement un report de 2 000 $ par année de service jusqu'à l'année 1995. Pour les années de service avant 1995, les employés pourraient donc reporter 2 000 $ dans un REER.

Le sénateur Christensen: Cet argent est ainsi soustrait à l'impôt, mais il n'y a pas étalement.

M. Lomas: En outre, comme de nombreux employés appartiennent à un régime non contributif, ils peuvent aussi se prévaloir d'autres dispositions de report qui leur permettront de ne pas avoir à verser de l'impôt sur une partie de leur indemnité de départ.

Le sénateur Christensen: Monsieur Goodale, vous avez mentionné une société qui serait intéressée à s'installer dans la région et qui pourrait créer 900 nouveaux emplois au cours des cinq prochaines années. S'agit-il de nouveaux emplois pour les gens de la région ou cela comprend-t-il la mutation dans la région d'employés venant d'ailleurs?

M. Goodale: La société en question est la société EDS, Electronic Data Systems. Cette société se spécialise dans les centres de service à la clientèle. Si je ne m'abuse, cette société exploite déjà un petit centre semblable au Cap-Breton. Elle est très satisfaite du travail de ses employés.

Le centre est actuellement situé dans le sud des États-Unis, mais la compagnie ne semble pas particulièrement heureuse de la main-d'oeuvre qu'elle trouve là-bas. Elle escompte bien pouvoir nouer des relations solides et harmonieuses avec les gens du Cap-Breton, sachant ce qu'elle sait déjà de la main-d'oeuvre qu'elle trouvera là-bas et qui a donné des résultats très positifs. Elle escompte pouvoir créer effectivement 900 nouveaux emplois d'ici cinq ans, mais elle s'adressera à la main-d'oeuvre locale plutôt qu'à une main-d'oeuvre importée.

Le sénateur Christensen: Mais j'imagine qu'il se peut fort bien que des gens qui ont travaillé dans le secteur minier pendant très longtemps et qui se sont ainsi en quelque sorte trouvés mis sur la touche aient du mal à s'intégrer dans ce genre de milieu de travail de pointe. Je connais fort bien les mineurs. Pour les plus vieux d'entre eux, le secteur de la haute technologie n'est pas facile à intégrer.

M. Goodale: Il est certain que ce n'est pas tout le monde qui peut occuper n'importe quel emploi. Mais je me suis entretenu avec des mineurs, avec leurs familles, avec leurs représentants et avec bien d'autres gens également au Cap-Breton, et ces gens-là disent souvent qu'il faut créer des potentialités pour la prochaine génération. Ils veulent vraiment qu'on ouvre ce genre de potentialités économiques.

Le sénateur Christensen: Mais il y a là un trou à boucher.

M. Goodale: Effectivement.

Le sénateur Christensen: Il y aura probablement aussi l'exploitation du pétrole et du gaz au large, mais d'ici là, il y a une période de cinq à dix ans pendant laquelle il faudra trouver quelque chose.

M. Goodale: Le groupe de consultation communautaire a effectivement reconnu ce dilemme lorsqu'il parle dans son rapport des potentialités qui pourraient s'offrir au Cap-Breton dans l'économie de l'innovation et du savoir qui s'annonce. Il dit également qu'il faut envisager des potentialités à plus court terme dans des secteurs plus classiques. En d'autres termes, le groupe de consultation nous dit ceci: «Ne mettez pas tous vos oeufs dans le même panier. Il vous faudra toute une palette de choses différentes qui ressortissent à la fois de la «vieille» économie et de la nouvelle économie, les nouvelles technologies; il faudra mettre en place des façons plus traditionnelles de procéder et des initiatives plus classiques, à la fois pour le court terme, le moyen terme et le long terme.»

Le groupe consultatif a parfaitement réussi à établir un juste milieu entre tout ce dont il faudra tenir compte lorsqu'il s'agira d'investir ces 68 millions de dollars. Le centre EDS n'est qu'un des atouts dans notre jeu, et il nous en faudra manifestement beaucoup d'autres.

Le sénateur Finnerty: Je suis également originaire d'une localité minière et j'ai pu constater les ravages que provoquaient notamment les fermetures de mines. Par contre, j'aurais une question à poser sur le plan de l'environnement. Pourriez-vous nous dire quel sera l'effet du projet de loi C-11 en ce qui concerne les responsabilités environnementales de Devco, et j'entends par là le traitement des déchets et des eaux usées qui resteront après l'abandon des mines?

M. Goodale: Il y a effectivement des responsabilités sur le plan environnemental étant donné la longue période d'activité de Devco à cet endroit.

Le sénateur Murray: Et même avant cela.

M. Goodale: Devco continuera à assumer cette responsabilité. Elle pourrait notamment persuader un éventuel acheteur de la prendre à son tour en charge.

Par contre, si vous songez à ce qui se passe généralement dans le cas des transactions commerciales, il est vraisemblable qu'un acheteur dirait: «Merci beaucoup, je vais assumer mes responsabilités à partir de la date d'achat, mais tout ce qui est antérieur vous incombe à vous.»

Il existe donc une obligation et cette obligation revient à Devco. Ces engagements vont devoir être honorés, qu'il y ait ou non cession à un éventuel acheteur.

Certains représentants syndicaux ont signalé, tout comme d'ailleurs le groupe consultatif, qu'on pourrait peut-être envisager un plan de remise en état. Il y a quelque chose à faire. Il y a un problème à résoudre, il y a de la remise en état à faire.

Le groupe consultatif nous a tous invités à réfléchir à la manière de faire d'un problème environnemental tout à fait évident une potentialité économique. Je suis persuadé que ceux qui seront chargés de gérer le fonds d'investissement auront cela présent à l'esprit.

Ce sont des conjectures de ma part mais, si on s'y prend convenablement, nous pourrions en tirer à la fois un avantage environnemental et un avantage économique.

Le sénateur Finnerty: J'espère que vous avez raison parce que jusqu'à présent, cela n'a pas été le cas à Timmins. J'espère que vous réussirez au Cap-Breton.

M. Goodale: C'est un énorme problème partout au Canada et vous avez raison d'en parler. Au Cap-Breton, c'est un problème qui a une connotation et une histoire toutes particulières, mais la remise en état des régions minières est un problème national.

La présidente: Il faut de l'argent pour le traitement des lixiviats acides provenant des terrils, mais également pour le traitement de l'eau, ce qui pourrait coûter environ 106,8 millions de dollars d'après le rapport Boyd. Ce n'est pas rien.

M. Goodale: Vous avez raison, c'est beaucoup d'argent. Donc une responsabilité considérable.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais commencer par la question de la remise en état des sites miniers. Que pensez-vous de l'idée de permettre aux mineurs qui n'ont pas droit à une pension de travailler sur les chantiers de remise en état du Cap-Breton et de faire en sorte que ces périodes de travail comptent pour leur pension?

M. Goodale: Sénateur, la Société fait déjà depuis longtemps de la remise en état. Vous pourriez peut-être demander plus de détails à ce sujet à M. Shannon, mais à ma connaissance, elle a constaté que ce genre d'activités coûtaient plus d'argent qu'elles ne créaient d'emplois. Le nombre d'emplois ainsi créés serait sans doute moins élevé qu'on ne pourrait le penser. Il faut davantage d'argent que de bras.

Personne ne nie l'existence du problème. Par contre, dans la mesure où ce problème présente également des potentialités de développement économique, je suis certain qu'on en tiendra pleinement compte, comme le recommande d'ailleurs le groupe consultatif, dans un éventuel régime d'investissement.

Le sénateur Buchanan: Les deux paliers de gouvernement investissent de l'argent dans ce centre téléphonique, et j'ai appris que la compagnie qui va s'installer au Cap-Breton est excellente.

Le problème tient à la différence d'âge. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui aient travaillé pendant 15, 20, voire 24 ans dans une mine de charbon, qui puissent coiffer les écouteurs et s'installer devant un ordinateur.

Je pense qu'il y a ici une question d'âge, et vous devrez en convenir. Depuis que ce genre de centres téléphoniques existent, on a pu constater que la plupart des gens qui y travaillent ont entre 19 et 30 ans, parfois un peu plus. Le problème qui se pose à nous est celui des mineurs dont l'avenir est incertain. Les centres d'appels préfèrent engager des gens plus jeunes qui comprennent suffisamment la technologie pour pouvoir travailler sur ces systèmes informatiques.

Il y a donc un genre de fossé. Ce qui me tracasse, pour faire suite à ce que disait et demandait le sénateur Murray, c'est que vous persistez à dire que vous êtes à la recherche d'une compagnie privée qui pourrait s'organiser pour donner du travail à un maximum de 500 employés de sexe masculin.

J'en déduis que vous, le représentant du gouvernement du Canada, avez exclu dans votre esprit toute possibilité de nouvelles exploitations houillères au Cap-Breton. Si vous n'aviez pas exclu cette possibilité, vous ne persisteriez pas à dire que vous voulez que cette nouvelle compagnie privée crée 500 nouveaux emplois. De toute évidence, le charbonnage Prince utiliserait 500 hommes. On pourrait même trouver du travail pour 200, voire 300 hommes dans une toute nouvelle mine. Nous avons déjà connu cela.

Je sais qu'il y en a ici, au tour de la table, qui sont fatigués d'entendre des gens comme le sénateur Murray et le sénateur Graham ou moi-même parler de la mine Donkin.

Le sénateur Kenny: Pas du tout, c'est pour cela que nous sommes ici.

Le sénateur Buchanan: J'ai une énorme documentation ici. Le rapport de Nesbitt Burns dit très clairement qu'à cause de sa très haute volatilité, la couche portuaire produirait du charbon de chaufferie gras et de l'excellent coke métallurgique. Le rapport parle également de l'extraction minière collective, de l'extraction sélective qui laisserait de côté les charbons maigres et à haute teneur en soufre et de l'enrichissement de la houille après extraction par lessivage chimique à l'usine de Victoria.

Les différents rapports de faisabilité parlent de 130 à 200 millions de tonnes récupérables, ce qui, à raison de 1,5 million de tonnes par an, permettrait 90 années d'exploitation.

Vous avez dit que vous vouliez avoir la garantie que la compagnie qui rachèterait la mine Prince et les autres actifs de la Devco soit un organisme efficace qui puisse conserver les emplois et poursuivre l'exploitation minière au Cap-Breton.

Si c'est vrai, j'espère que la compagnie en question aura à son actif de nombreuses années d'activité dans l'exploitation houillère. Il faudra qu'elle ait des ingénieurs, des géologues, des mineurs et un impressionnant palmarès d'activités dans le secteur des mines de charbon. Il ne faudra pas qu'il s'agisse d'un simple marchand de charbon qui se contente d'acheter au meilleur prix le charbon qu'il peut trouver pour l'expédier à Sydney.

L'un des meilleurs actifs dont parlent ces rapports composés par votre expert-conseil, Nesbitt Burns, ce sont les installations portuaires modernes à eau profonde qui permettront l'importation et la livraison de tout le charbon dont aura besoin la Nova Scotia Power Inc. C'est le charbon dont la NSPC aura besoin après avoir reçu livraison du charbon de la mine Prince et des petites mines à ciel ouvert, ce qui représente environ 1,4 million de tonnes.

Si le gouvernement veut préserver 500 emplois, cela ne couvrira que la mine Prince sans donner la possibilité d'ouvrir une nouvelle houillère. Il y a des gens qui ne sont pas du Cap-Breton et qui diront sans doute tant mieux, nous ne devrions pas extraire du charbon qui ne trouve aucun débouché.

Nous savons tous qu'il y a un débouché au Cap-Breton. J'en ai la preuve ici même. La mine Prince et une nouvelle mine qui exploiterait le gisement de Donkin assureraient l'essentiel des besoins de la Nova Scotia Power Corporation, c'est-à-dire environ 3 millions de tonnes par an.

M. Goodale: Je voudrais dire deux choses au sujet du processus. Lorsque je parle des objectifs que nous poursuivons en cas de vente, il est évident qu'il s'agit d'objectifs minimums. Je serais ravi si, suite aux négociations, nous obtenions mieux que cela. Par contre, il faut être très prudent lorsqu'il s'agit de négociations commerciales et de relations très tendues dans la communauté. Mais si les résultats sont supérieurs aux objectifs minimums, ce serait tant mieux.

S'agissant maintenant de la Donkin Resources Limited, il y a toute une série de litiges encore en instance, de sorte que je ne tiens pas à me prononcer à ce sujet.

Le sénateur Buchanan: Monsieur le ministre, vous pouvez trouver très facilement une solution. À mon avis, les principaux éléments d'actif pour les parties intéressées sont la mine Prince, le site de la mine Donkin et le gisement, les ateliers du chemin de fer, le contrat d'approvisionnement avec la NSPC, qui est un investissement extrêmement intéressant pour un nouvel acheteur, la gare de chargement et triage, le centre de maintenance, l'installation de préparation du charbon et le port à eau profonde.

Avec tout cela mis ensemble, un acheteur pourra négocier avec la Nova Scotia Power comme s'il était dans les souliers de Devco. L'acheteur sera le propriétaire de la grosse infrastructure portuaire de Sydney.

On ne parle aucunement ici d'une nouvelle mine. Pourtant, le rapport de Nesbitt Burns parle bien du gisement de Donkin dans la couche portuaire, un gisement qui contient du charbon de chaufferie d'excellente qualité ainsi qu'un peu de coke métallurgique. Ce gisement est suffisamment riche pour donner du travail à 200 mineurs au moins, peut-être plus, selon la quantité réelle, et cela pendant 90 ans.

La Coopérative de développement des mineurs du Cap-Breton a publié ce document. Je comprends mal que vos consultants, Nesbitt Burns, aient refusé ce groupe parce que, disaient-ils, la coopérative n'avait aucune expérience en matière de gestion. C'est tout à fait faux. Je connais personnellement les gens qui en font partie. Il y a notamment Aubrey Rogers, un comptable agréé, Doug Burns, un entrepreneur prospère du Cap-Breton, Steve Farrell, un ingénieur des mines, et le professeur William Shaw, un consultant qui connaît probablement mieux que quiconque la géologie des gisements houillers depuis le Cap-Breton jusqu'à Sydney. Pourtant, cette coopérative ne faisait même pas partie de la présélection en raison prétendument de son manque d'expérience de la gestion. Nous ignorons tout des capacités de gestion du consortium de Floride avec lequel vous négociez.

M. Goodale: Sénateur, je ne suis pas ici pour porter un jugement de valeur sur la façon de procéder qui a été utilisée par Nesbitt Burns. Au bout du compte, le gouvernement va devoir décider si le résultat est satisfaisant. Vous pourriez d'ailleurs vous-même, n'importe quand, demander à la firme Nesbitt Burns ce qu'elle en pense et pourquoi.

Pour en revenir aux choses essentielles, il y a des actifs à vendre. Le gouvernement n'est pas particulièrement expert en matière d'opération de vente. C'est dans des firmes comme Nesbitt Burns que l'on trouve les experts en la matière. Ils savent que l'important, c'est d'obtenir un engagement économique et viable à long terme dans le secteur privé, qui propose le plus grand nombre d'emplois possible. Reste à savoir s'ils vont réussir à mettre sur la table une proposition qui soit acceptable pour le conseil d'administration. Le gouvernement aura une décision à prendre en temps utile. Nous essayons d'en venir à la meilleure entente possible.

Le sénateur Buchanan: Si vous vérifiez ce que je viens de dire sur la Coopérative de développement des mineurs du Cap-Breton et sur les gens qui en font partie, vous verrez que ces gens ne sont pas des nouveaux venus. Ils sont bien connus au Cap-Breton et en Nouvelle-Écosse. Personne ne peut prétendre que le PDG de l'empire Sobeys n'est pas un gestionnaire de premier ordre.

N'est-il pas préférable qu'une société disposant de tout le savoir-faire nécessaire reprenne les actifs de Devco, exploite la mine Prince et ouvre de nouvelles mines sans venir vous demander d'argent? Elle pourra employer les mineurs du Cap-Breton et l'argent restera au Cap-Breton, à la disposition des entreprises locales. Vous vous retirez des charbonnages parce que c'est ce que veut le gouvernement. Je le sais depuis des années.

Si ces gens-là interviennent, vous serez tiré d'affaires. Ce sera à ce groupe privé du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse de prendre les affaires en main, et il s'en dit capable.

Le marché de la Nouvelle-Écosse représente 3 millions de tonnes. J'ai ici le nom de tous les experts-conseils. On a consulté SNC Lavalin, Kilbourn Engineering, CBCL et Grant Thornton. Ils ont tous dit que ce groupe peut réussir.

M. Goodale: On a invité 60 soumissionnaires. Je suis sûr qu'on pourrait faire un tour de table, examiner 60 soumissions différentes et donner des avis subjectifs sur les forces et les faiblesses de chaque soumission.

La Société a sollicité l'avis professionnel de Nesbitt Burns, dont elle a fait son expert. C'est l'un de ses atouts dans cette opération.

Nesbitt Burns est payée pour évaluer les meilleures possibilités de transactions qui présenteront les plus grands avantages à long terme.

Le sénateur Buchanan: Dans l'intérêt du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse?

M. Goodale: Oui, exactement, sénateur.

J'en reviens maintenant à ma première réponse. Mon objectif est d'obtenir la meilleure entente qui fournira les meilleurs résultats pour le Cap-Breton, avec le plus grand nombre d'emplois et les ressources financières nécessaires pour les garantir à long terme.

La présidente: Monsieur le ministre, plutôt que de laisser se prolonger la conversation, est-ce que je peux vous envoyer mes questions par écrit?

M. Goodale: Absolument.

La présidente: J'espère que vous me ferez parvenir rapidement vos réponses.

M. Goodale: Absolument, sénateur.

Le sénateur Taylor: J'ai une question concernant la création d'emplois. Il y a des années, en Alberta, lorsqu'on a abandonné le charbon au profit du gaz, de nombreux emplois se sont créés dans l'industrie pétrochimique. L'Alberta est à 2 000 milles de la mer, alors que la Nouvelle-Écosse en est entourée. La Nouvelle-Écosse a beaucoup de pétrole et de gaz offshore. Avez-vous parlé avec le gouvernement néo-écossais de la possibilité de créer des emplois dans le secteur de la pétrochimie?

M. Goodale: C'est un domaine qui concerne les nouvelles ressources énergétiques auxquelles s'est consacré le groupe de consultation communautaire. J'ai entendu dire, notamment à la Chambre des communes, que le potentiel de cette région suscite des espoirs considérables.

Nous avons tous vu le potentiel des ressources offshore de l'île de Sable. Nous avons vu aussi le potentiel d'Hibernia.

Le sénateur Graham: Et le sous-sol du bassin Laurentien.

M. Goodale: Exactement. Je crois que vous avez une question derrière la tête.

Le sénateur Graham: Oui, celle du sous-sol du bassin Laurentien.

M. Goodale: Voulez-vous parler de la procédure d'arbitrage?

Le sénateur Graham: J'espère que vous demanderez un règlement arbitral rapide avec Terre-Neuve et le Labrador, de façon qu'il y ait des emplois non seulement pour les gens du Cap-Breton, mais aussi pour ceux de Terre-Neuve.

La présidente Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous voir.

Les témoins suivants représentent la société Devco.

M. Joseph P. Shannon, président du conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton: Certains disent qu'on finit par s'habituer à ce que l'on fait souvent. J'ai comparu très souvent devant les comités du Sénat, et je n'y suis toujours pas habitué. Je demande donc votre indulgence pour ma prestation de ce soir.

Je commencerai par quelques remarques sur les commentaires faits tout à l'heure. J'aimerais remonter à 1990, à l'époque où Tom Hockin était le ministre responsable de la Société de développement du Cap-Breton. Le sénateur Murray faisait partie du gouvernement à l'époque.

Le gouvernement a imposé à Devco un plan qui, selon sa formule, devait la rendre «commercialement viable»; je suppose qu'il avait l'intention de la privatiser, ou du moins de s'en retirer.

À l'époque, ce plan était bon. Il comportait des exportations de charbon.

On a exporté du charbon et la Société a bien réussi dans ces activités. Elle a exploité beaucoup de charbon et en a exporté beaucoup.

Malheureusement, l'exportation de ce charbon a fini par coûter une vingtaine de millions de dollars par an à la Société, parce que les prix du marché étaient inférieurs aux coûts de l'extraction.

À la même époque, la société du sénateur Buchanan, la Nova Scotia Power Corporation, qui était une société d'État provinciale à l'époque, a négocié avec la Société de développement du Cap-Breton une entente qui a amené Nova Scotia Power à payer à Devco un prix d'environ 35 p. 100 supérieur à celui du marché.

Malheureusement, lorsque le sénateur Buchanan a été appelé au Sénat pour s'occuper des affaires de la nation, le gouvernement suivant a privatisé la Nova Scotia Power Corporation. L'objectif de cette dernière a été, naturellement, d'acheter le charbon au prix du marché, car à cause de la subvention de 35 p. 100 versée par la compagnie d'électricité à Devco, les consommateurs de la Nouvelle-Écosse payaient les tarifs d'électricité probablement les plus élevés au Canada.

On a voulu en revenir très rapidement à des tarifs concurrentiels, non seulement pour les abonnés résidentiels de la province, mais particulièrement pour l'industrie, car nous avons beaucoup d'industries exportatrices en Nouvelle-Écosse. Il y a une forte consommation d'électricité dans l'industrie des pâtes et papiers et dans d'autres industries exportatrices.

Il était donc important pour elles d'obtenir les tarifs d'électricité les plus avantageux.

Il s'est produit autre chose à la même époque. Le sénateur Buchanan a soulevé tout à l'heure la question des docks. À la fin des années 80, la Société a préparé un plan qui visait à réduire les coûts de l'exportation du charbon et a investi massivement dans des docks et des installations portuaires de chargement. Le sénateur Buchanan s'en souvient. Le sénateur Murray était lui aussi membre du gouvernement à l'époque. Malheureusement, lorsque le sénateur Buchanan était premier ministre, son gouvernement a émis une directive ministérielle qui limitait la quantité de charbon qu'on pouvait charger sur les quais, ce qui a fait augmenter nos coûts.

Le sénateur Taylor: Pourquoi a-t-il fait cela?

M. Shannon: Je ne sais pas.

Le sénateur Buchanan: C'est Rollie qui l'a fait.

M. Shannon: De ce fait, tous les avantages de l'exportation de charbon à partir des docks, tels qu'ils figuraient dans le plan, ont presque tous disparu.

Cette directive ministérielle du gouvernement provincial a eu aussi pour effet de faire perdre son emploi de président à Derek Rance. Nous avons aussi perdu des emplois dans la Société parce que nos coûts actuels, tels qu'ils résultent de la directive ministérielle, sont supérieurs à ceux des autres installations de chargement et de déchargement.

Si le sénateur Buchanan souhaite sérieusement préserver les emplois dans la Société, je lui demanderai de s'adresser au gouvernement provincial, de dire au premier ministre Hamm que cette directive ministérielle était peut-être une erreur, de lui demander de l'abroger, de façon que nous puissions redevenir concurrentiels grâce à nos docks et à nos employés du quai international.

On a soulevé la question des pensions, et je voudrais en parler parce que c'est une question importante. Le sénateur Murray et le sénateur Buchanan savent que je l'ai abordée chaque fois que je suis venu ici.

Je m'occupe de la Société depuis le printemps 1995, je crois. L'une de nos priorités était de convaincre le plus grand nombre de travailleurs de participer au régime de pension contributif.

Comme on l'a dit tout à l'heure, nous avons deux régimes de pension. Le premier est un régime contributif de 5 p. 100, où la compagnie verse la contrepartie de la contribution de 5 p. 100 des employés. L'autre est un régime non contributif financé à 100 p. 100 par le gouvernement du Canada.

Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Nous avons demandé aux sénateurs de participer à cet effort. Nous avons demandé aux autorités religieuses de solliciter les fidèles dans les églises et les paroisses et de convaincre les familles des travailleurs d'adhérer au régime de pension contributif. Nous avons aussi formé un groupe de gestionnaires appuyés par des conseillers financiers de l'extérieur, qui ont organisé des rencontres dans les sous-sols d'église et dans les domiciles privés pour convaincre nos employés et leurs familles d'adhérer au régime de pension contributif.

Vous pourrez en parler demain à Steve Drake, si vous voulez. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu l'appui des dirigeants du Syndicat des mineurs. De ce fait, moins de 25 p. 100 de nos employés syndiqués participent au régime contributif.

La différence, pour l'ex-employé de 65 ans -- toutes choses restant égales par ailleurs -- c'est que le régime non contributif donne environ 400 $ par mois, tandis que le régime contributif en donne environ 1 800 $. C'est pourquoi il était si important, de notre point de vue, de convaincre nos employés d'adhérer à ce régime.

La Société de développement du Cap-Breton, qui appartient au gouvernement du Canada, a versé environ 1,4 milliard de dollars aux programmes de pension de ses employés. Cet argent a été dépensé, distribué et engagé.

On a comparé notre programme de réduction des effectifs à d'autres, aussi bien dans le secteur public que dans des sociétés privés, pour en évaluer l'équité. Toutes les sociétés auxquelles la nôtre a été comparée ont un régime de pension contributif entièrement intégré.

Comme vous le savez, lorsqu'il y a eu des compressions d'effectifs à CN Marine et dans les autres sociétés auxquelles on a comparé la nôtre, la seule obligation de la Société était de compléter le régime de pension existant, de façon que les employés puissent prendre leur retraite un peu plus tôt. Notre obligation consiste à payer 100 p. 100 de tous les coûts de compression des effectifs, tous les coûts de pension, parce que la participation des employés est trop faible pour que nous puissions nous servir de notre régime de pension à cette fin. Voilà le problème qui s'est posé à nous.

Le ministre a dit tout à l'heure que nous avons obtenu environ 1,7 milliard de dollars du gouvernement du Canada. Comme je vous l'ai dit, nous en avons consacré 1,4 milliard aux pensions.

Ce qui m'ennuie un peu, dans le discours des universitaires de droite du reste de la Nouvelle-Écosse et du Canada central, c'est que quand ils parlent de notre industrie, de la Société de développement du Cap-Breton et de Sydney Steel, ils proposent une solution assez simpliste. Ils disent qu'on devrait donner de l'argent aux employés, les laisser partir et fermer la société. C'est bien ce que nous avons fait, et jusqu'à maintenant, nous avons versé 1,7 milliard de dollars à la Société et nous en avons distribué ou promis 1,4 milliard à nos employés.

Pour répondre aux autres questions, je vais évoquer tout d'abord les obligations permanentes de la Société. Nous les accepterons toutes. Toutes les responsabilités environnementales incomberont au gouvernement du Canada par l'intermédiaire de la Société et si celle-ci est dissoute avant que toutes ces questions aient été réglées, elles relèveront de la responsabilité du gouvernement fédéral.

Je reconnais que quand tout sera fini, nous aurons sans doute une facture totale de 2,3 à 2,5 milliards de dollars, ce qui nécessite un appui massif à la Société et à la communauté qui l'entoure. Nous allons dépendre en grande partie de la bonne volonté et de l'aide du gouvernement du Canada, du Sénat et des contribuables de ce pays si nous voulons que tout soit nettoyé et qu'on ne se retrouve pas avec des étangs bitumineux à Devco. Il est très important pour nous d'éviter cela.

J'ai essayé de répondre aux questions posées précédemment. J'ai un avion à 7 heures demain matin, mais je suis disposé à rester ici toute la nuit si je peux vous être utile en quoi que ce soit.

Le sénateur Taylor: Si vous êtes prêt à travailler jusqu'à 7 heures du matin, vous feriez un bon sénateur. C'est ainsi que nos comités fonctionnent.

M. Shannon: Je suis un vieux chauffeur de camion, sénateur.

Le sénateur Taylor: Est-ce que ce fonds de pension est en sécurité? Conrad Black et certains autres se sont spécialisés dans le rachat de sociétés. Une fois qu'ils ont acquis une société, ils liquident son fonds de pension pour rembourser la banque. Votre société est en vente actuellement. J'aimerais savoir si ce régime de pension est en sécurité dans l'éventualité où la transaction serait conclue et où l'acheteur ferait main basse sur cet argent.

M. Shannon: L'actif du fonds de pension ne fait pas partie de la transaction de vente. Le régime de pension est autant en sécurité que le gouvernement fédéral. Pour plus de détails, M. Buchanan pourra vous parler du régime de pension.

M. Merrill D. Buchanan, président intérimaire de la Société de développement du Cap-Breton: Les deux régimes de pension de la Société sont enregistrés. Nous devons rendre des comptes à l'organisme de réglementation, soit au Bureau du surintendant des institutions financières, qui surveille l'administration de ces régimes.

Les fonds sont administrés par des fonctionnaires professionnels. Un comité du conseil d'administration surveille les investissements réalisés. Comme l'a dit précédemment M. Lomas, le régime non contributif et le régime contributif sont tous les deux en situation excédentaire.

Le sénateur Taylor: Voilà une excellent explication. En fait, grâce aux subventions du gouvernement, vous avez reçu presque l'équivalent de ce que vous consacrez aux pensions; ça n'a pas été aussi lourd pour vous que certains le prétendent.

J'ai été ingénieur et j'ai travaillé dans une mine de charbon à ciel ouvert en Alberta; je voudrais vous poser une question technique. Le charbon que vous produisez actuellement sert à la production d'électricité. Comment est-il transporté jusqu'à la centrale? Est-ce par bateau? Est-ce qu'il passe par vos installations?

M. Shannon: Une partie du charbon est transportée par bateau. Une partie est déchargée au quai international, une autre partie est chargée à partir d'autres quais de la région.

Le sénateur Taylor: Lorsque vous exportiez du charbon, était-ce pour la production de vapeur ou la métallurgie, ou les deux? Je remarque que vous avez les deux types de charbon.

M. Buchanan: Nous avions des marchés aussi bien pour la métallurgie que pour la production de vapeur.

Le sénateur Taylor: J'ai une autre question technique. Est-ce que vous vendez le même charbon pour les deux utilisations, ou est-ce que vos différents gisements produisent des charbons différents pour la vapeur et la métallurgie?

M. Buchanan: Le charbon de qualité métallurgique provenait principalement de la mine Phalen et avant ça, de la mine Lingan. La seule mine en exploitation aujourd'hui, la mine Prince, produit uniquement du charbon de qualité thermique.

Le sénateur Taylor: Pouvez-vous nous révéler pourquoi le gouvernement provincial de l'époque vous a empêchés d'exporter davantage de charbon? Est-ce parce qu'il pensait que le prix de l'électricité allait augmenter à cause de la concurrence des ressources offshore?

M. Shannon: La directive du gouvernement provincial n'avait rien à voir avec le tonnage de charbon que nous pouvions exporter. L'élément déterminant, c'était le nombre de tonnes de charbon que nous pouvions stocker au sol pour rendre l'exploitation plus efficace.

Le sénateur Taylor: Le gouvernement s'attendait-il à un autre étang bitumineux comme celui de Sydney? Pourquoi ne fallait-il pas stocker le charbon au sol? Il n'y reste pourtant pas longtemps.

M. Shannon: C'est ce qui était prévu dans le plan, mais le gouvernement provincial de l'époque avait manifestement l'intention de faire autre chose.

Le sénateur Taylor: Combien pouvez-vous stocker de charbon au sol par rapport à ce qui se fait à Roberts Bank, en Colombie-Britannique?

M. Shannon: Je ne connais pas du tout les installations minières de la Colombie-Britannique, mais nous voudrions être autorisés à stocker davantage de charbon, car cela améliorerait notre efficacité.

Le sénateur Taylor: Et on pourrait faire du ski en hiver.

M. Shannon: Les stations de ski sont très nombreuses au Cap-Breton. C'est inutile d'en ouvrir d'autres. C'est un problème de surestaries pour les bateaux et de coûts supplémentaires. Cela n'a rien à voir avec la quantité de charbon que nous pourrions exporter, à condition d'avoir les volumes nécessaires.

Le sénateur Buchanan: Nous n'avions aucun problème à vous laisser exporter autant de charbon que vous le vouliez.

M. Shannon: On pouvait exporter du charbon, mais à quel prix?

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas pour ça que la province a agi ainsi. Vous vous souvenez qu'à l'époque, il y avait un grave problème dans la région de Whitney Pier à cause du charbon stocké à proximité du quai international. Les problèmes étaient nombreux.

M. Shannon: C'est trop loin pour que je me souvienne, sénateur, mais je ne pense pas qu'il y ait eu du charbon stocké en dehors du quai international.

Le sénateur Buchanan: Le sénateur Boudreau se souvient des problèmes que posaient les stocks de charbon dans tout le secteur de Whitney Pier. Ça coûte très cher de recouvrir le charbon pour empêcher la poussière de recouvrir les installations portuaires. En tout cas, c'est ainsi que je justifie cette décision.

Le sénateur Taylor: En tant qu'ingénieur, je ne suis toujours pas convaincu.

Le sénateur Graham: Je précise que lorsque le sénateur Buchanan parle du «Pier», il s'agit d'un secteur de Sydney appelé Whitney Pier. Je le signale à l'intention de ceux qui pourraient consulter ces documents à l'avenir.

Le sénateur Buchanan: Ce quai porte le nom d'un dirigeant des premières aciéries de Sydney, qui s'appelait M. Whitney.

Je voudrais poser mes questions à Joe, le chauffeur de camion. Ce qu'il dit est absolument vrai. Il a commencé comme chauffeur de camion à Sydney River. Je connaissais très bien son père, Bert Shannon. Il y a bien longtemps, il me coupait les cheveux.

Le sénateur Taylor: Et ils n'ont toujours pas repoussé.

Le sénateur Buchanan: À l'époque, j'en avais beaucoup.

Je ne reviendrai pas à la question des pensions, sinon pour dire qu'à ma connaissance -- et je me trompe peut-être -- jusqu'aux années 80, Devco n'avait pas de régime contributif obligatoire, mais elle a changé de politique au cours des années 80. Est-ce bien cela?

M. Shannon: C'est exact. Tous les employés recrutés après 1982 étaient obligés d'adhérer au régime de pension. Avant cela, c'était facultatif.

Le sénateur Buchanan: Après cette période, est-ce que la plupart des employés qui n'adhéraient pas au régime contributif y ont adhéré, à partir de 1982 ou 1983?

M. Shannon: Tous ceux qui se sont joints à la compagnie après 1982 ont adhéré au régime contributif.

Le sénateur Buchanan: S'il y avait eu un régime contributif obligatoire avant ce moment-là, les employés en auraient fait partie?

M. Shannon: Bien entendu.

Le sénateur Buchanan: Devco avait donc pour politique...

M. Shannon: Là, par exemple, sénateur, vous allez un peu loin. Chaque employé de la compagnie avait un choix à faire. Il s'agissait de 5 p. 100 ou de 3 p. 100. L'employé pouvait contribuer à un pourcentage de son salaire, et l'employeur en aurait contribué autant, comme pour tout autre régime de retraite.

M. Buchanan: Est-ce après 1982 ou avant?

Le sénateur Buchanan: Même après 1982, l'obligation de participer ne visait que les employés nouvellement embauchés ou les personnes qui changeaient d'unité de négociation. Tous ceux qui avaient été embauchés avant 1982 continuaient d'avoir le choix de se retirer du régime contributif. Voilà pourquoi il n'y en a pas eu plus. L'embauche a surtout eu lieu avant 1982.

M. Shannon: En rétrospective, sénateur, ce fut bien là l'un des aspects les plus tristes. Tous les employés de la Société avaient l'occasion de participer à un bon régime de retraite. Certains de ces gens ont pris une retraite anticipée, et leurs prestations sont généreuses. Ils reçoivent 23 000 $ par année. Lorsqu'ils auront 65 ans, s'ils font partie du régime non contributif, leur prestation de retraite sera réduite à 400 $ par mois. Il est bien dommage que cela se soit passé.

Le sénateur Buchanan: Vous avez entendu parlé le ministre ce soir. Ce qu'il dit au sujet de l'avenir est plutôt inquiétant. Je dispose de l'ensemble des données statistiques provenant de la campagne d'électricité. J'ai eu des conversations avec ses représentants, que j'ai appris à connaître très bien au fil des années. Il ne fait aucun doute que cette société va continuer à l'avenir, durant un certain nombre d'années, à fonctionner au charbon à Lingan 1, 2, 3, 4, à Point Aconi, mais pas à Halifax ou à Darmouth, où on passera vraisemblablement au gaz naturel, mais probablement à Trenton durant un bon bout de temps, bien que je ne sache pas au juste ce qu'il va advenir de Trenton.

Les besoins en charbon de la Nova Scotia Power Corporation ne vont pas varier durant un long moment. Elle va consommer du charbon. Certains responsables de la Société m'ont fait savoir que, selon eux, le charbon continue d'être le combustible le plus économique pour l'avenir prévisible. Les usines en question ont été conçues pour fonctionner au charbon. Je le sais fort bien -- nous en avons ouvert cinq d'entre elles, et elles consomment toutes du charbon. Comme homme d'affaires, vous savez fort bien qu'un marché captif vaut beaucoup d'argent.

M. Shannon: En effet.

Le sénateur Buchanan: Il est également avantageux, c'est bien connu, de posséder une denrée dont un marché captif ne peut se passer. Si le marché et la marchandise sont dans la même région, ne serait-il pas de loin préférable que les gens de la place en Nouvelle-Écosse et au Cap-Breton participent à l'exécution des obligations contractuelles de Devco envers la Nova Scotia Power Corporation au lieu de confier cela à une société étrangère, ou à une entreprise dont les revenus ne seront pas dépensés dans le milieu mais ne seront appliqués qu'à des frais de courtage?

M. Shannon: Ce serait la réponse parfaite dans un monde parfait, sénateur. En effet, comme toute autre entreprise, la société de production d'énergie doit s'approvisionner en énergie ou en toute autre matière. Ses responsables voudront acheter de l'énergie à prix concurrentiel, acceptable sur le plan environnemental. Ils finiront par le faire, qu'il s'agisse de charbon, de gaz ou de coke de pétrole.

Je vous crois lorsque vous dites que le charbon a de bonnes chances de demeurer concurrentiel comme combustible pour la compagnie d'électricité pour de nombreuses années à venir. Évidemment, le combustible doit être concurrentiel aussi bien sur le plan de la qualité que du prix.

En 1978 ou 1979, vous m'avez nommé, au moment où vous étiez premier ministre de la Nouvelle-Écosse, à la présidence de Novaco, une société d'État provinciale. Irving Schwartz, ici présent aujourd'hui, avait assumé la présidence durant un certain nombre de mois avant ma nomination. À l'époque, notre responsabilité consistait à effectuer de l'extraction minière à faible profondeur à divers endroits de la province pour aider à résoudre le problème de la compagnie d'électricité, qui était confrontée à des prix élevés du pétrole, et à faciliter son adaptation à une plus grande utilisation du charbon comme combustible, et cetera. Tel était donc l'objectif. Vous vous souviendrez que lorsque je suis devenu président, nous avons emprunté quelques centaines de milliers de dollars au ministère des Mines, avec votre approbation et celle du ministre.

Nous avons ouvert une mine Point Aconi et nous avons fait beaucoup d'argent pour la province de la Nouvelle-Écosse. Nous avons vendu le charbon à la compagnie d'électricité à un prix inférieur de 10 p. 100 à celui de Devco. Puis, nous sommes allés à Springhill et nous avons ouvert une autre mine. Ensuite, j'avais l'intention d'ouvrir encore une autre mine à Gardiner, mais vous ne l'avez pas autorisée puisque trop de gens étaient fâchés par votre initiative.

Nous avons discuté de l'importance des gisements de charbon au Cap-Breton, y compris dans le comté d'Inverness. Il y avait une grande quantité de charbon dans le comté de Cumberland-Colchester. Mais, évidemment, il y a des réserves de charbon et une réserve de charbon économique. Voilà une discussion que nous avons eue à maintes reprises, vous et moi, au cours des cinq années que j'ai passé comme président. En effet, une distinction importante s'impose entre ce qu'on peut appeler des réserves de charbon, ce qu'on peut appeler des réserves de charbon économiques et des réserves de charbon acceptables sur le plan de l'environnement. Voilà toute la difficulté, sénateur.

Le sénateur Buchanan: Je ne conteste absolument rien de tout ce que vous venez de dire. J'y ai été mêlé de près.

M. Shannon: En effet, vous l'avez été.

Le sénateur Buchanan: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit au sujet de ces mines en surface. Elles ont donné de bons résultats, mais il a fini par y en avoir assez, et vous vous rappelez certainement les problèmes qui sont survenus à Gardiner.

Revenons au présent. Il se peut que certaines des personnes à qui j'ai parlé ne savent pas de quoi elles parlent, mais j'ai toujours été d'avis que des gens comme Bill Shaw savent de quoi ils parlent. Je l'ai nommé sous-ministre des mines, et je pense que vous serez d'accord pour dire que Bill Shaw connaît les terrains carbonifères de Sydney tout aussi bien, sinon mieux, que quiconque. Steve Farrell est un excellent ingénieur minier et, à ce titre, il a travaillé pour Devco. Les gens d'affaires dont j'ai déjà parlé -- tous des habitants du Cap-Breton comme vous-mêmes -- sont des gens qui ont très bien réussi en affaires.

Et vous, en tant qu'homme d'affaires, si vous aviez en main des rapports de faisabilité préparés par certaines des grandes sociétés d'ingénierie du pays, comme SNC-Lavalin, Kilborn Engineering et CBCL Limited, et par des experts en finance, comme Grant Thornton, dont la réputation et la compétence sont établies, et si des établissements financiers étaient disposés à vous fournir de grandes quantités d'argent pour lancer une nouvelle exploitation de charbon au Cap-Breton, si vous étiez satisfait de la participation des personnes dont j'ai déjà parlé, s'il y avait des mineurs d'expérience prêts à aller travailler au Cap-Breton, et si les établissements financiers étaient eux-mêmes satisfaits de la faisabilité du projet, n'êtes-vous donc pas d'accord pour dire qu'il serait préférable de lancer un tel projet au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, de le faire développer par des Néo-Écossais de manière à ce que l'argent reste au Cap-Breton dans l'intérêt de toutes les entreprises plutôt que de le voir développé par un groupe des États-Unis qui n'a jamais exploité une mine auparavant?

Le ministre a déclaré qu'il souhaitait que le nouvel exploitant ait la compétence voulue pour assurer un certain niveau d'emplois. Comment demander une telle garantie si la société avec laquelle vous faites affaires n'a peut-être qu'une seule mine de charbon au monde et agit par ailleurs comme intermédiaire dans le commerce du charbon à Hampton Roads, en Colombie ou ailleurs?

M. Shannon: Êtes-vous en train de nous demander pourquoi nous n'avons pas choisi Donkin parmi la courte liste? Est-ce vraiment cela que vous demandez?

M. Buchanan: C'est ma question en effet.

M. Shannon: La réponse aurait été facile à donner si vous aviez formulé la question en ces termes.

Michelle Dockrill, la députée de Bras D'or, a prononcé un discours il y a des mois -- il y a peut-être même un an. Je ne me souviens pas quand c'était au juste. Elle a déclaré que la Société de développement du Cap-Breton et le gouvernement du Canada devraient appuyer la population locale et que le temps était venu pour les employés d'acheter la Société. J'ai écrit une lettre à Michelle Dockrill quelques heures seulement après avoir lu un compte rendu de son discours dans le journal. J'ai lui ai déclaré que j'appuyais sa position et je lui ai demandé de me transmettre le plan dont elle parlait de manière à ce que nous puissions travailler ensemble afin de déterminer s'il était possible de susciter un intérêt local à l'égard de la Société.

Des mois et des mois ont passé et nous n'avons jamais rien entendu. J'en ai parlé publiquement à plusieurs reprises. En fait, le Père Neville et moi-même en avons discuté. Je suis toujours parti du principe que nous nous ferions un plaisir d'obtenir une proposition d'un groupe local. J'ai aussi maintenu que cette proposition ne pouvait pas être fondée sur des sentiments ou des considérations politiques; elle devrait être fondée sur des principes commerciaux solides, et c'est ainsi que nous l'évaluerions.

Environ deux semaines avant la date limite de demande de propositions, j'ai reçu un appel du Père Neville qui me demandait si nous pouvions repousser la date limite afin qu'il puisse réunir un groupe de mineurs pour présenter une proposition. À ce stade, c'était difficile. Je l'ai assuré que s'il présentait une demande -- et elle n'aurait pas à être très détaillée -- nous y jetterions un coup d'oeil. Malheureusement, elle ne réunissait pas les conditions voulues. Nous avions reçu d'autres propositions de diverses entreprises, qui étaient beaucoup plus solides et avaient une meilleure chance d'être retenues.

L'un des aspects importants en ce qui concerne la coopérative de mineurs, c'est que ces types sont pleins de bonnes intentions. Ils veulent acheter une partie de l'entreprise parce qu'ils croient que cela leur donnerait de l'emploi. Ce n'est pas évident dans la mesure où il y aura les droits du successeur et des clauses d'ancienneté et ce genre de système ne fonctionnera pas. Il y a eu un peu d'agitation dans la collectivité au sujet de cette question en particulier. Cependant, il existe une clause d'ancienneté qui exclurait ces mineurs à moins qu'ils aient l'ancienneté. Le simple fait qu'ils auraient eu une prise de participation dans le projet ne signifiait pas qu'un emploi leur serait garanti.

Quant à Donkin Resources, cette entreprise a présenté une proposition. Comme vous l'avez dit, sénateur, ce sont de bons gars. Ils sont restés chez eux au Cap-Breton. Ils gagnent leur vie, ils appuient l'église, l'épicerie et la station-service. Ils n'ont pas quitté le Cap-Breton comme certaines personnes ici présentes qui sont allées s'installer dans les grandes villes et sont devenues prospères et célèbres. Nous sommes restés chez nous.

Il y avait deux aspects qui étaient considérés importants par la Société, par nos employés et par le gouvernement du Canada dans le cadre du transfert des biens: Les droits du successeur et le fait que la loi fédérale devait prévaloir en ce qui concerne l'exploitation des mines de charbon. Je n'ai pas l'intention de trahir des secrets mais je peux vous dire, sénateurs, que les auteurs de certaines propositions qui ont été soumises -- et vous pourrez deviner de qui je parle -- ont indiqué vouloir participer en vertu de la loi provinciale et voulaient engager leurs propres employés. La Société pas plus que le gouvernement n'ont considéré ces deux conditions acceptables. Cela a empêché certains de vos amis, sénateur, de participer au programme.

Le sénateur Murray: Cela devient de plus en plus intéressant.

Le sénateur Graham: Je vous remercie d'être des nôtres, monsieur Shannon, et du travail que vous avez fait. Vous avez peut-être commencé comme camionneur, mais vous êtes devenu un camionneur pas mal prospère. Il intéressera peut-être les collègues ici présents d'apprendre l'engagement de M. Shannon envers le Cap-Breton. Je ne sais pas si on peut dire qu'il le fait pour l'amour de l'art car à une époque M. Shannon était payé 1 $ par année. J'ignore si vous continuez à recevoir 1 $ par année, monsieur M. Shannon, ou si on vous a réduit ce montant.

Monsieur Shannon, vous avez indiqué que pendant les 33 années d'existence de Devco, le gouvernement fédéral a injecté 1,7 milliard de dollars dans cette société. Vous avez également indiqué qu'il consacre une somme de 1,4 milliard de dollars pour les pensions, de façon permanente. J'ignore si vous avez mentionné un chiffre à cet égard, mais vous avez parlé d'un passif environnemental. À combien s'élève-t-il approximativement à l'heure actuelle? En avez-vous une idée?

M. Shannon: Oui.

Le sénateur Graham: Pouvez-vous nous le dire?

M. Shannon: Oui. D'après nos livres, on évalue ce montant à 110 millions de dollars.

Le sénateur Graham: J'aimerais faire valoir un argument à propos des acheteurs éventuels avant de poser une autre question, madame la présidente. Bien que le gouvernement fédéral ait investi 1,7 milliard de dollars dans la Société sur 33 ans, je me demande ce qu'aurait fait le Cap-Breton sans Devco. Je me demande quel aurait été le niveau de vie de la population de cette région au cours de ces 30 années. Je me demande le montant des recettes qui ont été produites en plus de ce montant de 1,7 milliard de dollars dans les collectivités qui dépendent de Devco. C'est un aspect très important que doivent comprendre nos collègues ici présents.

J'ai une question concernant les acheteurs éventuels. Le ministre a indiqué que 60 acheteurs éventuels ont été invités à présenter des soumissions. Pouvez-vous nous indiquer combien d'entre eux ont été retenus sur la liste restreinte? Pouvez-vous nous indiquer pourquoi le conseil a choisi l'entreprise qui négocie à l'heure actuelle avec Devco plutôt que d'autres acheteurs éventuels? Je sais que vous répondrez probablement que vous avez pris cette décision en fonction de principes commerciaux solides. En plus du prix le plus élevé, le conseil est-il à la recherche d'une entreprise qui a l'intention de prendre un engagement à long terme envers le Cap-Breton? Pouvez-vous nous dire si l'acheteur éventuel avec qui vous négociez à l'heure actuelle l'intention d'investir dans l'industrie minière au Cap-Breton? À votre avis, y a-t-il une possibilité que la réserve charbonnière de Donkin soit exploitée?

M. Shannon: Il y avait quatre entreprises pour commencer. L'une voulait l'aide du gouvernement, une autre voulait l'exclusivité.

Le sénateur Murray: Qu'entendez-vous par exclusivité?

M. Shannon: Ils voulaient que nous négociions avec eux seulement et personne d'autre. Nous les avons rapidement écartés. Puis, nous avons réduit la liste à deux soumissionnaires. Nous les avons interviewés et nous leur avons parlé. Nous avons examiné leurs propositions et les avons évaluées en fonction de l'expérience, de la solidité financière de l'entreprise et de son investissement initial. J'essaie de voir jusqu'où je peux aller sans m'attirer trop d'ennuis. Ce sont certains des facteurs que nous avons examinés.

Le sénateur Graham: Et en ce qui concerne l'expertise en extraction de la houille?

M. Shannon: Oui, l'expérience. Nous avons continué à discuter avec ces deux entreprises. Puis, nous avons retenu une entreprise avec laquelle nous avons négocié. Quelle était votre question suivante, sénateur?

Le sénateur Graham: Elle concernait Donkin.

M. Shannon: Mon opinion est celle d'un camionneur. Lorsque le sénateur Murray faisait partie du gouvernement à la fin des années 80 et au cours des années 90 et que mon bon ami Sinclair Stevens était le ministre responsable de Devco, nous avons passé beaucoup de temps à nous occuper de la question de Donkin, au point où il nous a donné des fonds supplémentaires pour terminer le deuxième tunnel.

Par la suite, j'ai quitté la Société et le gouvernement fédéral à l'époque n'a pas investi dans Donkin, même si les tunnels avaient été construits et que Sinclair Stevens nous avait donné, je crois, 11 millions ou 12 millions de dollars pour terminer le deuxième tunnel. On a cessé la construction du deuxième tunnel. De toute évidence, le gouvernement précédent ne voyait pas l'utilité d'investir dans Donkin les 400 millions de dollars dont nous avions besoin pour le faire.

Le gouvernement actuel a indiqué à maintes reprises qu'il n'investirait pas d'argent dans Donkin. En 1995, le gouvernement fédéral a commandé l'étude Boyd, qui a recommandé de ne pas investir dans Donkin parce qu'il ne s'agissait pas d'un projet réalisable.

Dans le cadre de nos négociations avec Donkin Resources, l'entreprise a dû établir la valeur de l'actif. Elle a chargé John T. Boyd de lui indiquer la valeur de l'actif et une méthode de paiement pour cet actif si le projet était exécuté. Donc, même la société Donkin Resources a engagé John T. Boyd pour obtenir ces renseignements. Le rapport en question a indiqué qu'il ne semblait pas possible d'ouvrir la mine Donkin.

Le sénateur Graham: À quand cela remonte-t-il?

M. Shannon: Il y a quelques années.

M. Buchanan: En 1998 ou à la fin de 1997.

Le sénateur Murray: Je n'ai pas l'intention de m'éterniser sur la question de Donkin, mais compte tenu de ce que vous avez dit, je suppose qu'il importe peu que Donkin fasse partie de l'ensemble des actifs qui seront vendus à l'acheteur privé.

M. Shannon: Il y en a qui ne partagent pas mon avis à propos de Donkin.

Le sénateur Murray: Donkin fait-elle partie des actifs qui sont à vendre?

M. Shannon: Donkin en faisait partie.

Le sénateur Murray: Est-ce que vous brossez un tableau positif de Donkin lorsque vous parlez à l'acheteur?

M. Shannon: Non, les acheteurs sont les acheteurs. La mine Donkin est un actif qui est à vendre. Si quelqu'un veut l'acheter, il peut le faire, tout comme nous sommes en train de négocier à l'heure actuelle avec Donkin Resources.

Le sénateur Murray: Ah bon?

M. Shannon: Ils estiment qu'ils peuvent la faire démarrer. Nous allons rencontrer jeudi Donkin Resources. S'ils peuvent la faire démarrer, très bien.

Le sénateur Murray: Il y a des négociations parallèles qui sont en train de se dérouler. Vous êtes en train de négocier avec l'acheteur potentiel du secteur privé des actifs de Devco, et parallèlement vous tenez des négociations particulières avec Donkin Resources à propos de la mine Donkin?

M. Shannon: Pas vraiment.

Le sénateur Murray: N'est-ce pas ce que vous venez de nous dire?

M. Shannon: Pas vraiment, nous sommes en train de négocier avec Donkin Resources la vente de la mine Donkin à l'heure actuelle.

Le sénateur Murray: Bien sûr, et en même temps vous êtes en train de négocier la vente d'autres actifs de Devco avec d'autres parties intéressées.

M. Shannon: C'est exact.

Le sénateur Murray: Je voulais m'assurer de bien comprendre. La mine Donkin ne fait pas nécessairement partie de l'ensemble des actifs que vous offrez à ceux qu'on ne peut pas nommer.

M. Shannon: Non.

Le sénateur Murray: Le ministre a suggéré que je vous pose des questions à propos du processus.

Le sénateur Taylor: J'aimerais poser une question supplémentaire. Y a-t-il une action en justice pour déterminer qui est réellement propriétaire de Donkin?

M. Shannon: Oui. Il y a une action en justice, mais elle ne concerne pas la propriété. Le propriétaire, c'est la Société de développement du Cap-Breton, qui appartient au gouvernement du Canada. Cette action en justice nécessite une longue explication.

La présidente: Résumez-la.

M. Shannon: Ce sera un peu comme l'une des questions du sénateur Buchanan.

Le sénateur Taylor: Je m'intéresse à la ressource qui serait vendue sous réserve de cette action.

Le sénateur Murray: Le demandeur n'est-il pas la société Donkin Resources? N'est-elle pas en train de poursuivre le gouvernement?

M. Shannon: Oui. Donkin Resources a l'impression qu'elle détient le droit exclusif de négocier la vente des actifs de Donkin. La Société a inclus les actifs de Donkin dans la liste des actifs qui ont fait l'objet d'un appel d'offres. Une injonction a été émise. L'injonction a été suspendue pendant que nous tenons certaines négociations pour déterminer si nous pouvons régler la question. C'est la situation qui existe à l'heure actuelle. Il y a une action en justice, mais nous tâchons de négocier un règlement avant que tout le monde se mette à engager tout un bataillon d'avocats.

Le sénateur Murray: J'aimerais savoir qui a participé aux discussions avec l'acheteur éventuel. De toute évidence, Nesbitt Burns est votre agent. Lorsque vous avez donné votre explication au sénateur Graham il y a quelques instants, vous avez utilisé le terme «nous.» Je pars donc du principe que vous y participez directement. En tant que président de Devco, vous-même ainsi que les membres de votre équipe de gestion participez à ces discussions avec l'acheteur éventuel. Y a-t-il des fonctionnaires fédéraux d'un ministère quelconque qui participent aussi à ces discussions?

M. Shannon: Il y a d'abord Nesbitt Burns, qui est le conseiller de la Société. On a également établi un groupe de travail pour ce projet.

M. Buchanan: Le groupe de travail compte des représentants. De toute évidence, il y a des membres de Nesbitt Burns qui y participent. Il y a des cadres de la Société qui y participent de même que des conseillers juridiques, et le ministère des Ressources naturelles de même que le ministère des Finances y ont aussi des représentants.

Le sénateur Murray: Est-ce qu'ils contrôlent, surveillent et donnent des instructions aux négociateurs?

M. Buchanan: Je dirais qu'ils participent à divers aspects du processus.

Le sénateur Murray: La province de la Nouvelle-Écosse y participe-t-elle, monsieur Shannon?

M. Shannon: Non, monsieur.

Le sénateur Murray: Elle n'en fait absolument pas partie.

D'après ce que le comité de la Chambre des communes a appris, des discussions ont eu lieu entre Nova Scotia Power et l'acheteur éventuel.

M. Shannon: Sénateur, notre démarche en ce qui concerne les négociations est triple. La société acheteuse a la responsabilité de négocier un contrat avec Nova Scotia Power Corporation. Certaines personnes continuent de croire que les sociétés acheteuses ne s'intéressent qu'à l'actif le plus important, à savoir le contrat entre Nova Scotia Power Corporation et la Société de développement du Cap-Breton. Il ne s'agit pas d'un bien de grande valeur.

Le sénateur Murray: Doit-il être renégocié par la société acheteuse?

M. Shannon: Non, la société acheteuse doit négocier son propre contrat avec Nova Scotia Power. C'est un contrat entre la société acheteuse et Nova Scotia Power Corporation.

Le sénateur Murray: Un petit instant. Que se passe-t-il ensuite? Vous êtes en train de me dire que le contrat que vous avez maintenant avec Nova Scotia Power n'existera plus une fois que cette nouvelle société prendra le contrôle?

M. Shannon: Oui. Il n'y a pas encore d'entente à ce sujet.

Le sénateur Murray: Il n'y a pas d'entente avec qui?

M. Shannon: Il n'y a pas d'entente entre Devco et Nova Scotia Power Corporation quant à savoir si ce contrat restera en vigueur. Nous n'allons pas attribuer, vendre ou transférer notre entente avec Nova Scotia Power à un autre acheteur. Il faut qu'ils négocient leur propre contrat. C'est une étape des négociations. La deuxième étape des négociations s'effectue entre la société, Nesbitt Burns et l'acheteur éventuel, et il s'agit de négocier les aspects commerciaux. La troisième partie des négociations se déroulera avec les syndicats et les employés de la Société par le biais de la négociation collective. Il faudra que ces trois étapes aient eu lieu avant qu'un accord soit conclu.

Le sénateur Murray: Ces derniers mots sont importants: «avant qu'un accord soit conclu.» J'ai entendu le ministre dire que les discussions entre les syndicats et l'acheteur éventuel auront lieu avant qu'un accord soit conclu. Cela nous donne un certain avantage.

M. Shannon: Je ne crois pas qu'un acheteur achètera les biens et conclura la transaction sans qu'une convention collective ait été signée avec les employés. C'est impossible.

Le sénateur Murray: Vous avez dit qu'une société que vous avez éliminée de la liste voulait l'aide du gouvernement. Je suppose que l'acheteur éventuel avec qui vous traitez n'a aucun intérêt dans les programmes d'incitatifs du gouvernement, des arrangements fiscaux ou quoi que ce soit du genre?

M. Shannon: Non.

Le sénateur Murray: En quoi consistent, de façon générale, les aspects commerciaux? Plus précisément, le ministre a commencé par parler d'un nombre important d'emplois, d'un maximum de 500, qui par la suite, lors d'une discussion avec le sénateur Buchanan, est devenu un minimum de 500. Il dit vouloir un accord où l'acheteur du secteur privé précise un nombre d'emplois, un accord juste et raisonnable pour les employés transférés et ainsi de suite. Est-ce que cela fait partie des facteurs commerciaux qui sont pris en considération dans le cadre des négociations?

M. Shannon: L'un des objectifs c'est d'obtenir autant d'emplois que possible dans l'industrie de l'extraction de la houille.

Le sénateur Murray: Cela fait-il partie des aspects commerciaux qui sont en train d'être négociés?

M. Shannon: Oui. Nous ne pouvons pas soutirer de la société acheteuse une garantie quant au nombre d'emplois. Il faut qu'elle soit viable sur le plan commercial pour que le projet fonctionne et assure la survie de l'industrie de l'extraction de la houille au Cap-Breton.

Le sénateur Murray: Les négociations ne consistent pas à dicter des conditions à l'autre partie, mais pour ce qui est de lui soutirer une garantie, le ministre a clairement indiqué que le marché qu'il veut conclure est un marché où l'acheteur du secteur privé précisera le nombre d'emplois. Le ministre considère que ce nombre devrait être de 500 au minimum. Cette condition risque-t-elle de rompre les négociations?

M. Shannon: Notre plan d'activité prévoit 500 emplois pour que le projet fonctionne. Nous avons maintenant dans nos livres 630 à 650 emplois. Un plan d'activité révisé prévoirait environ 500 employés.

Le sénateur Murray: Que se passera-t-il si vous n'arrivez pas à conclure de marché avec un acheteur éventuel que vous pouvez recommander au Cabinet ou que le Cabinet acceptera?

M. Shannon: Nous devrions agir en conséquence. Cependant, nous sommes persuadés que nous arriverons à conclure un marché. L'autre société n'est pas partie.

Le sénateur Murray: L'autre partie est-elle en mesure de vous imposer un marché? Qui a l'avantage dans ces négociations? Est-ce que vous tenez tant à conclure un marché que vous devrez accepter leurs conditions?

M. Shannon: Non. Nous voulons conclure un marché avec une société qui assurera la survie de l'industrie de façon sûre et prudente, qui engagera des habitants du Cap-Breton, qui sera bien financée, et qui ne retournera pas demander des subventions au gouvernement au bout de six mois.

J'aimerais préciser quelque chose que j'ai dit il y a un instant en réponse à une question posée par le sénateur Buchanan. J'ai parlé d'une entreprise que possèdent certains de ses amis, ou quelque chose du genre. Je ne voulais pas insinuer qu'il les représentait ici ou qu'il faisait du lobbying pour leur compte.

Le sénateur Christensen: Notre mandat est d'étudier le projet de loi C-11. Pourriez-vous indiquer dans quelle mesure le projet de loi influe sur les négociations auxquelles vous participez?

M. Shannon: Je ne suis pas en mesure de commenter de façon utile le projet de loi même, et je me contenterai de dire que pour que nous puissions continuer à négocier avec la société acheteuse, nous devons pouvoir prouver à l'acheteur éventuel que nous avons l'autorisation de vendre les biens. À l'heure actuelle nous ne l'avons pas. La société est en train d'investir beaucoup d'argent avec toute la diligence raisonnable. Lorsqu'elle a appris que cela dépendait de l'adoption du projet de loi par le Sénat, elle est devenue plutôt prudente. Elle connaît bien le processus sénatorial qui existe aux États-Unis, et qui est beaucoup plus compliqué et pénible que le processus qui existe ici.

Il est très important que nous puissions poursuivre les négociations, et pour le faire, nous devons prouver que nous sommes autorisés à vendre les biens, et pour pouvoir vendre les biens, nous avons besoin du projet de loi C-11.

Le sénateur Banks: Je crois comprendre que, par le passé, dans la plupart des cas où le gouvernement du Canada s'est départi d'une entreprise commerciale, ce ne sont pas les biens qui ont été vendus mais l'entreprise. Comme dans ce cas nous parlons de maintenir des ententes, des ententes de succession, des obligations permanentes qui feront partie de la liste des actifs, pourquoi a-t-on décidé de vendre les actifs plutôt que de vendre la Société?

Deuxièmement, vous avez parlé des réserves de la mine Donkin pour laquelle deux tunnels ont été construits. Je suppose qu'ils ont été construits là parce qu'il y a du charbon à cet endroit et que ces tunnels débouchent sur un front de taille.

M. Shannon: Oui.

Le sénateur Banks: Si Donkin Resources réussissait à acheter cette ressource ou à y avoir accès, ce qui retirerait cette ressource de la liste des biens offerts à la société américaine, est-ce que cela nuirait à la transaction?

M. Shannon: Non.

Le sénateur Banks: Donc, pour la société américaine, il n'est pas important d'acquérir la mine Donkin?

M. Shannon: Je ne peux pas honnêtement répondre à cette question, mais je peux dire que nous pourrions probablement arriver à un compromis, si je puis m'exprimer ainsi. Cela ne ferait pas échouer le marché, mais c'est important pour la société acheteuse et c'est aussi important pour Donkin Resources. On négocierait certains compromis. C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.

Le sénateur Banks: Si je comprends bien, les Américains considèrent comme intéressant l'accès au front de taille Donkin?

M. Shannon: Bien sûr.

Le sénateur Banks: Pourquoi ne vendriez-vous pas la compagnie? Si j'étais acheteur, je préférerais acheter la compagnie.

M. Shannon: Je puis vous assurer que si vous connaissiez tout le passif de la Société de développement du Cap-Breton, vous ne voudriez jamais acheter des actifs de la compagnie.

Le sénateur Banks: Mais si le vendeur doit de toute façon assumer les pertes, il peut bien vendre alors la compagnie, y compris ses éléments d'actif. Il peut faire soit l'un, soit l'autre. Soit assumer les pertes avant, soit le faire après. Mais de toute façon, c'est le gouvernement qui va assumer les pertes, n'est-ce pas?

M. Shannon: Oui, mais il est difficile de qualifier ce que sera le passif environnemental, le passif minier et les obligations découlant des régimes de retraite. Les risques pourraient être très élevés.

Le sénateur Banks: D'accord, mais c'est nous qui allons les assumer, de toute façon. D'une façon ou d'une autre, nous allons finir par indemniser le nouvel acheteur, car aucun acheteur ne voudra acheter chat en poche. Les nouveaux exploitants devront assumer certaines successions. En supposant que ces nouveaux exploitants négocient une entente en vue d'approvisionner la Nova Scotia Power, ils acquerront aussi la responsabilité permanente en ce qui concerne le passif écologique. Mais d'une façon ou d'une autre, le gouvernement canadien finira par assumer l'indemnisation, ou la radiation, peu importe comment on dit. Dans ce cas, pourquoi ne vendrions-nous pas la compagnie?

M. Shannon: Je ne comprends pas comment quelqu'un pourrait vouloir acheter une compagnie au complet, alors qu'il lui suffirait d'acheter les éléments d'actif à la valeur au marché, puis de laisser agir la dépréciation au lieu d'acheter les actions.

L'achat de la compagnie ne représente aucun avantage fiscal. On ne peut déduire ces pertes. S'il était possible de déduire les pertes, ce serait magnifique. Cela représenterait des millions et des millions en valeur. Mais c'est impossible.

Le sénateur Banks: Si vous pouviez le faire, cela deviendrait-il intéressant pour vous?

M. Shannon: Non. La façon la plus propre et la plus facile de faire, c'est de vendre uniquement les éléments d'actif. Le gouvernement pourra garder la société, avec toutes ses obligations, qu'il tentera de gérer de façon que les contribuables canadiens puissent s'en laver les mains le plus rapidement possible.

Le sénateur Boudreau: Comme je ne suis pas membre du comité, j'ai beaucoup hésité à prendre le temps du ministre; mais étant donné que ce témoin-ci nous a expliqué qu'il était disposé à rester jusqu'à demain matin, je suis plus à l'aise pour l'interroger.

Je crois connaître déjà la réponse à ma question, mais comme les experts sont là, je la poserai tout de même. En ce qui a trait à l'indemnisation des accidentés du travail, la situation de la Société de développement du Cap-Breton est tout à fait unique, puisque c'est elle qui assume directement cette obligation, plutôt qu'un fonds d'assurance. Au fil des ans, il s'agit d'obligations que vous avez assumées directement. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente annuellement? Le gouvernement fédéral devra-t-il continuer à assumer cette obligation et devra-t-il garantir que, tant que cette obligation existera, il fera en sorte que les accidentés du travail de la Société de développement du Cap-Breton reçoivent leur chèque?

M. Shannon: La société s'autofinance pour ce qui est des indemnisations des accidentés du travail. Lorsqu'il y a une demande d'indemnisation, le demandeur se tourne vers la Workers' Compensation Board de la Nouvelle-Écosse, qui est un organisme provincial. La demande est alors évaluée et traitée. On nous demande de payer la facture, à laquelle s'ajoutent des frais d'administration de 15 p. 100 du travail. C'est ainsi que cela fonctionne.

Nos livres révèlent actuellement un engagement de 148 millions de dollars que nous avons inscrits dans notre bilan de l'an dernier. Pour nous, il est clair qu'il s'agit d'une obligation, d'une responsabilité, et même d'un engagement, de la part de la Devco, ou SDCB. L'actionnaire, le gouvernement du Canada, a donc la responsabilité d'honorer cet engagement tant qu'il existera. Quiconque a fait une demande de pension au titre de l'indemnisation des accidentés du travail aura droit à son argent, tant que le gouvernement du Canada existera.

Le sénateur Kenny: J'aimerais revenir sur la question du sénateur Christensen. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est important d'adopter ce projet de loi-ci?

M. Shannon: C'est parce que, à mon avis, pour que nous puissions continuer à négocier avec un acheteur éventuel, nous devons d'abord le convaincre que nous avons le pouvoir de vendre la compagnie. Cet acheteur a déjà beaucoup investi pour faire appliquer le principe de la diligence raisonnable. Il veut donc s'assurer que nous avons le pouvoir de vendre la compagnie. Or, pour cela, il faut que le projet de loi soit adopté.

Le sénateur Kenny: Les retards dans le processus d'adoption vous coûteront-ils quelque chose?

M. Shannon: En effet, tout retard dans le processus d'adoption nous coûtera quelque chose.

Le sénateur Kenny: À partir d'aujourd'hui?

M. Shannon: C'est cela, oui.

Le sénateur Kenny: Quelle répercussion pourrait avoir un amendement au projet de loi?

M. Shannon: Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Kenny: Vous voulez que le projet de loi soit adopté sans amendement?

M. Shannon: J'ai déjà dit que je ne comprenais pas tous les tenants et aboutissants du projet de loi. Et je ne sais pas non plus de quels amendements vous parlez. Pour notre part, nous voulons que le projet de loi soit adopté afin que nous ayons le pouvoir de continuer à vendre les éléments d'actif de la société.

La présidente: Je voulais poser une question au ministre, mais comme je n'en ai pas eu le temps, je vous la pose à vous.

D'après l'ouvrage intitulé Frederick Street, que vous connaissez certainement et qui parle des étangs bitumineux, la Sydney Steel Corporation aurait vendu pour une somme donnée à la SDCB ses fours à coke, à la fin des années 60; la SDCB s'engageait de son côté à fournir pendant cinq ans à la Sysco du coke à des tarifs bon marché. La SDCB s'est donc remise à prélever jusqu'à 75 p. 100 de son charbon au Cap-Breton. Mais ce charbon de moindre qualité produisait une vase goudronneuse qui coulait des fours jusqu'au sol et était drainée par l'eau de surface jusque dans les ruisseaux qui s'écoulaient jusqu'à l'estuaire et qui finirent par devenir les étangs bitumineux. La SDCB n'aurait pas essayé d'utiliser les produits secondaires comme l'avait pourtant fait son prédécesseur. Elle a même renvoyé des investisseurs américains qui souhaitaient fabriquer des produits secondaires commerciaux à partir des déchets des fours à coke. Les fours de la SDCB dépassaient également de loin le maximum prévu par les normes antipollution atmosphérique. J'aimerais que vous me disiez si tout cela est exact.

J'aimerais savoir quelle est la responsabilité actuelle de la SDCB à l'égard du nettoyage de l'assise ferroviaire, puisque celle-ci n'a pas été enlevée et que c'est de là que provenait la vase orange, à l'égard de la relocalisation des résidents et à l'égard des problèmes de santé dus à la contamination de la propriété privée. Qu'adviendra-t-il des responsabilités juridiques de la SDCB en vertu du projet de loi C-11, étant donné que le paragraphe 3(1) prévoit qu'il sera possible d'intenter des procédures judiciaires relatives aux obligations contractées ou aux engagements pris par la société lors de la liquidation de celle-ci. Si vous ne pouvez répondre, nous écrirons au ministre pour le lui demander; mais je voulais quand même vous poser la question officiellement.

M. Shannon: Vous avez pris cela dans un roman?

La présidente: Ce n'est pas un roman, mais c'est un livre qui vise à décrire l'historique des étangs bitumineux.

M. Shannon: Qui vise à écrire l'historique des étangs bitumineux?

La présidente: C'est cela, et qui cherche à étudier le dossier des étangs bitumineux.

M. Shannon: J'ai déjà du mal à me rappeler tout ce qui s'est passé pendant mon séjour à la SDCB; alors vous comprenez que je ne puis remonter aussi loin et vous parler de cela. Je n'en sais rien. Je ne connais rien de l'histoire de la rue Frederick, ni de l'histoire des étangs bitumineux, ni de celle des fours à coke, des aciéries et de tout ce bataclan. Je ne sais rien de tout cela. Toutefois, s'il y a des obligations qui découlent des responsabilités de la Société de développement du Cap-Breton, ce que je puis vous dire, c'est que la société remplira ses obligations jusqu'à sa dissolution, et que ce sera alors au gouvernement fédéral à les assumer à son tour. Voilà ce que je puis vous dire. Quant à cette histoire ou à ce livre que vous me citez, je ne puis dire si c'est vrai ou faux.

La présidente: Oui, mais vous savez qu'il y a des étangs bitumineux, n'est-ce pas?

M. Shannon: Oh, oui.

La présidente: Et vous savez ce que cela signifie pour les gens; ce n'est donc pas nouveau. Je vous signale que les effets des étangs bitumineux sur certaines personnes de la rue Frederick sont bien connus. Je suis sûre que vous serez d'accord avec moi.

M. Shannon: Chacun a son opinion sur les étangs bitumineux. La vôtre est peut-être différente de celle du sénateur Buchanan, et celle du sénateur n'est peut-être pas la même que la mienne.

La présidente: C'est exact, mais il y a peut-être une façon objective de voir les faits.

M. Shannon: Les étangs bitumineux ont donné lieu à une grande confusion, et le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent pour très peu de résultats. Tous les habitants du Cap-Breton ont leur opinion sur les étangs bitumineux et sur la bonne façon de les nettoyer.

Le sénateur Murray: Au sujet de la responsabilité environnementale, j'ai parcouru -- rapidement, je l'avoue -- l'évaluation que John T. Boyd a faite de vos obligations environnementales. J'ai également consulté un document du ministère des Ressources naturelles. Tous ces documents sont publics. Si je me rappelle bien, on estime dans ces documents que ces obligations, c'est-à-dire le nettoyage, coûteraient 167 millions de dollars. Je ne sais pas comment ce chiffre se compare aux 110 millions de dollars inscrits dans les registres dont parlait M. Merrill Buchanan. Enfin, ce n'est peut-être pas important. On disait toutefois dans ces documents que ce chiffre de 167 millions de dollars est très prudent et que son calcul se fonde sur une information limitée. On y parlait de 100 puits abandonnés environ. Le sénateur Graham pourrait peut-être vous faire faire une visite, et vous n'en trouveriez peut-être pas 100 autres, mais ces puits sont nombreux, et vous le savez.

M. Shannon: Nous en avons comblé un grand nombre quand nous avons fait de l'exploitation en découverte.

Le sénateur Murray: D'après toutes les estimations, il faudra d'énormes investissements. C'est une responsabilité qui échoit maintenant à la Couronne fédérale. Je peux me tromper, mais je ne crois pas que les étangs bitumineux de Sydney étaient inclus dans cet inventaire de vos obligations. On a sans doute supposé qu'ils relevaient de quelqu'un d'autre, mais je ne sais pas qui. Pourrait-il s'agir du gouvernement de la Nouvelle-Écosse?

M. Shannon: Ils relèvent des contribuables.

Le sénateur Murray: Je n'ai pas posé cette question -- et je ne vous presserai certes pas d'y répondre maintenant -- mais pourquoi ne pouvez-vous pas trouver un acheteur éventuel? Cela semble être un secret de polichinelle. On mentionne partout le nom d'une société, même dans les médias. Pour quelle raison ne souhaite-t-on pas nommer cet acheteur?

M. Shannon: Sénateur, vous avez suffisamment d'expérience du domaine du commerce pour comprendre, et il s'agit d'une transaction commerciale. Cette société a des actionnaires, et ils ont signé une entente sur la confidentialité des renseignements avec Nesbitt Burns. Ce ne sont pas des ententes qu'ils signent à la légère.

Le sénateur Murray: Mais c'est bien une société cotée en bourse, n'est-ce pas? Vous n'êtes pas obligé de la nommer si vous ne le voulez pas, mais c'est bien une entreprise du secteur de l'exploitation minière?

La présidente: Vous jouez aux 100 questions. Notre sujet, ce sont les minéraux.

Le sénateur Murray: Pourriez-vous au moins nous dire s'ils ont de l'expérience dans le charbonnage?

M. Shannon: Nous avons déjà eu une bonne discussion sur l'acheteur éventuel et sur les modalités d'établissement de la liste brève et de mise en oeuvre. J'estime que nous vous avons déjà donné suffisamment de renseignements. Il s'agit d'une transaction commerciale, et il y a des lignes directrices à suivre. Nous essaierons de les respecter.

Le sénateur Murray: Très bien. Je vous encourage à faire le meilleur marché possible, aussi rapidement que possible, pour que le Parlement puisse ensuite décider s'il adoptera ou non le projet de loi. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le sénateur Buchanan: J'ai une question supplémentaire à poser au sujet des observations qui ont été faites sur les anciennes mines près de Glace Bay. Nous avons foré 25 puits avant de trouver un emplacement convenable pour le nouvel hôpital général de Glace Bay. Partout où nous avons foré, il y avait une mine de charbon abandonnée.

Le sénateur Kenny: Je n'y comprends plus rien. Le sénateur Murray dit qu'il encourage M. Shannon à réaliser la transaction et que le Parlement décidera par la suite. Est-ce un oxymore? Est-il possible de réaliser la vente sans la mesure législative?

M. Shannon: Non.

Le sénateur Kenny: Ce qui vient d'être proposé ne pourrait pas marcher alors, n'est-ce pas?

Le sénateur Murray: Non. Pourquoi cela ne marcherait-il pas?

Le sénateur Kenny: Voulez-vous permettre au témoin de témoigner?

Le sénateur Murray: Oui, bien sûr, mais je ne veux pas qu'on interprète mal mes propos.

Le sénateur Kenny: Attendez votre tour.

La présidente: Excusez-moi. À l'ordre, s'il vous plaît!

Le sénateur Murray: Ce que je dis, c'est que la société ne devrait pas aliéner ces biens sans l'approbation du Parlement.

Le sénateur Kenny: Qui a la parole, madame la présidente?

Le sénateur Murray: C'est ce que j'ai dit.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous le rappeler à l'ordre, s'il vous plaît?

La présidente: Sénateur Murray, le sénateur Kenny a la parole, et M. Shannon répond à ses questions. Si vous avez d'autres questions à poser, il nous restera peut-être cinq minutes pour cela, mais nous avons d'autres témoins à entendre. Allez-y, mais rapidement.

Le sénateur Kenny: Merci. Monsieur Shannon, le sénateur Murray vient de dire que vous pourriez conclure le marché et que le Parlement prendra sa décision ensuite. Est-ce possible? Pourriez-vous le faire?

M. Shannon: Ce n'est pas possible sans la mesure législative.

La présidente: Merci. Sénateur Murray, avez-vous d'autres questions à poser?

Le sénateur Murray: Je souhaite simplement dire que le Parlement ne devrait pas permettre au ministre et à la société d'État d'aliéner ces biens importants selon leur bon vouloir. Il faut d'abord voir quelles sont les modalités, avant d'adopter le projet de loi.

La présidente: Nous prenons bonne note de votre opinion.

M. Shannon: D'après les étapes établies, la proposition de vente doit être approuvée par le conseil d'administration de la société et par le gouvernement du Canada.

Le sénateur Murray: Ce sont les mêmes, monsieur Shannon. Vous êtes un mandataire du gouvernement. Il n'est pas concevable que l'on...

La présidente: Excusez-moi. Nous avons eu une discussion complète. Merci beaucoup. Je vais maintenant demander à nos témoins suivants de prendre place.

Bienvenue, madame Budden. Merci de venir témoigner devant nous ce soir. Je vous laisse la parole.

Mme Edna Budden, présidente, United Families: Avant de prendre la parole, je crois savoir que le maire Muise devait comparaître ce soir. L'entendrez-vous plus tard aujourd'hui ou demain? Témoignera-t-il devant vous?

La présidente: Le maire ne peut pas venir nous rencontrer, mais il nous enverra un mémoire écrit.

Mme Budden: Merci, honorables sénateurs, de me donner cette occasion de vous parler aujourd'hui. Je m'intéresse depuis 17 mois au problème de la SDCB. Cela a été pour moi toute une expérience que de traiter avec des fonctionnaires du gouvernement et de présenter un plaidoyer au nom des familles qui souffrent et souffriront énormément dans l'avenir à cause de la cession de la SDCB et du train de mesures qui a été offert aux travailleurs.

J'ai remis deux documents au comité. Je vais en passer un en revue rapidement; l'autre est un document d'information à l'appui de mes observations.

La présidente: Nous les avons reçus et distribués.

Mme Budden: Si vous ouvrez le document, vous verrez que j'ai essayé d'utiliser la stratégie d'Allan Rock et que j'y ai inclus des images de poumons noircis et malades et des images de poumons sains tout propres. Bon nombre de mineurs sont déjà atteints de cette maladie ou en souffriront plus tard. Il faut parfois jusqu'à 10 ans avant qu'un mineur commence à ressentir les effets sur sa santé, et cela peut arriver même après qu'il a terminé de travailler dans la mine.

Une fois le projet de loi C-11 adopté, le gouvernement n'aura plus de responsabilité envers les travailleurs de la SDCB et envers le Cap-Breton. Nous savons tous que l'économie du Cap-Breton se porte fort mal et qu'il n'y aura pas de reprise dans un avenir rapproché. Il est donc essentiel que le Sénat du Canada examine ce projet de loi et les répercussions graves qu'il infligera aux familles et aux collectivités une fois que le gouvernement se sera débarrassé de ses responsabilités.

J'ai ici un document sur le régime de la fonction publique. J'ai demandé au gouvernement d'envisager la possibilité d'inclure les travailleurs de la SDCB dans ce régime. Le gouvernement m'a répondu qu'il s'engageait à ce que les calculs actuariels soient faits par le truchement des bureaux du vice-premier ministre, M. Herb Gray, du ministre Martin et du ministre Goodale.

Par la suite, après avoir assisté à la réunion d'arbitrage, je me suis rendu compte que cette option n'avait pas été présentée par le comité mixte de planification. J'en ai informé le ministre Goodale, et il m'a répondu par lettre, le 19 juin. Il disait que, puisque ce dossier était assujetti à la décision d'un arbitre, une décision finale et exécutoire, le gouvernement n'interviendrait pas et que, par conséquent, l'analyse de toutes les autres propositions avait été rendue inutile par les événements subséquents.

Je n'en dirai pas plus, mais je souhaitais laisser savoir au comité où en était cette question.

Vendredi dernier, j'ai entrepris une tâche qui m'a pris un jour et demi. J'ai pris la liste des employés de la SDCB et j'ai examiné le cas de chacun d'entre eux. J'ai rayé de la liste chaque employé qui aurait pu avoir droit à une retraite anticipée selon le train de mesures qui a été offert le 28 janvier, ainsi que ceux qui avaient 25 années de service, selon la plus récente décision d'arbitrage de M. Outhouse. D'après ce plan, on offrira aux travailleurs une pension au prorata. Cela signifie qu'un mineur de 43 ans recevra 230 $ par semaine, et il n'y aura aucune prestation pour les conjoints jusqu'à l'âge de 65 ans.

J'ai fait ensuite une ventilation en fonction de l'âge. Je ne pouvais pas tenir compte de ceux qui étaient décédés, qui avaient pris des congés pour raisons familiales ou qui avaient quitté l'entreprise, et c'est ainsi que j'en suis arrivée au chiffre de 916. Ce chiffre est assez près des 900 dont on parle.

J'ai remarqué que 492 de ces employés sont âgés de 45 à 57 ans. On n'en a pas tenu compte dans le chiffre de 900. J'y attache une attention particulière, car si je regarde le document d'arbitrage, au paragraphe 38, page 22, M. Outhouse déclare que pour élaborer le programme d'adaptation il faut tenir compte de la mauvaise situation économique du Cap-Breton, puisque les mineurs déplacés auront de la difficulté à se trouver d'autres emplois bien rémunérés. Il dit qu'en majorité les employés de la SDCB sont âgés de plus de 45 ans et que bon nombre d'entre eux ne possèdent pas de compétences faciles à utiliser ailleurs.

Il est important de le noter. J'ai beaucoup de respect pour M. Outhouse. J'ai entendu des propos flatteurs à son sujet ce soir. Je suis heureuse qu'il ait du moins présenté une proposition de régime d'encouragement à la retraite anticipée pour ceux qui ont 25 ans d'expérience, mais je suis tentée de comparer son plan à un oignon. M. Outhouse n'a traité que la première pelure. Il nous reste encore 492 employés de plus de 45 ans qui, comme l'a dit M. Outhouse, auront bien de la difficulté à se trouver du travail.

Il nous reste encore le plus gros de l'oignon, et nous savons quel effet ont les oignons -- ils nous font pleurer. Nous avons versé bien des larmes au Cap-Breton depuis que le gouvernement a annoncé qu'il se retirait du charbonnage et bien d'autres encore à cause de la façon dont il le fait.

Il y aura encore bien d'autre pleurs à l'avenir. Les gens souffrent. Les gens sont tendus. Au cours des 17 derniers mois, ils ont vécu dans une tension énorme. Rien n'est clair. Nous n'avons aucune explication claire des aspects liés à la privatisation. Qui est l'acheteur? Quelles garanties offrira-t-il pour ce qui est de l'exploitation à long terme du charbonnage? Quelle politique appliquera-t-il aux travailleurs âgés? Reprendra-t-il ces mineurs claqués de plus de 45 ans? M. Outhouse semble croire qu'ils auront de la difficulté à se trouver du travail au Cap-Breton. Ce sont des questions qui sont importantes pour nous.

J'ai également fait une recherche d'emploi dans la banque d'emplois de DRHC, sur Internet. J'ai commencé par faire une recherche générale pour voir combien il y avait d'emplois disponibles. J'ai constaté qu'il y avait 13 emplois dans la région de Sydney, cinq à Port Hawkesbury et 115 à Halifax-Dartmouth. J'ai fait ensuite une recherche plus détaillée dans tout le Canada, surtout dans le domaine de l'exploitation minière. Six emplois étaient affichés, dont deux à Saskatoon, dont le salaire horaire était de 6,50 $.

J'ai écouté ce soir M. Shannon et le ministre Goodale. Je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir de l'incertitude. Il n'y a pas de solution. À l'heure actuelle, personne ne peut garantir 500 emplois dans le charbonnage au Cap-Breton.

Les 17 derniers mois ont été très difficiles. Nous avons essayé d'amener le gouvernement à se rendre compte de la gravité de la situation, de le sensibiliser aux effets que cette situation a sur la population et les familles, qui sont en fin de compte les victimes de ce drame.

Je suis étonnée par les chiffres que mentionne M. Outhouse. Il en coûterait environ 79 millions de dollars pour offrir un programme d'encouragement à la retraite anticipée aux travailleurs qui ont de 20 à 25 années de service. Je me suis dit que 80 millions de dollars avaient été investis dans la mine Donkin pour que les galeries soient ensuite inondées. Mais lorsqu'il s'agit des familles et des enfants, de leur sécurité, on estime qu'ils ne valent pas autant que ce que l'on a payé pour inonder la mine Donkin. Je trouve cela très triste.

Durant tout l'arbitrage, M. Outhouse a semblé être en butte à cette question des paiements. Si ce n'avait pas été le cas, je me demande s'il aurait rendu une décision plus généreuse dans sa décision d'arbitrage. Si vous comparez ce qui est offert aux travailleurs de la SDCB à ce qui est offert aux autres sociétés d'État comme le CN et Marine Atlantique, vous verrez que nous sommes bons perdants.

M. Outhouse a dit qu'il faut souligner le fait que la plupart des employés qui ont de 20 à 25 années de service ne risquent pas de se retrouver au chômage, du moins pas à court terme. Cela ne me rassure pas, et cela ne rassure pas non plus les familles des travailleurs de la SDCB. On peut certes se demander si ces gens pourraient se retrouver au chômage dans l'avenir, sous le régime de l'industrie privée.

En fait, ce dont il s'agit, c'est de mineurs qui ont travaillé et consacré la meilleure partie de leur vie au charbonnage au Canada. Ce sont des mineurs qui ont des problèmes de santé. Bon nombre d'entre eux n'ont pas fait beaucoup d'études. Ceux qui ont un métier ne peuvent pas facilement trouver des emplois ailleurs, parce que leurs métiers sont adaptés expressément à l'exploitation minière.

Et il reste un bon nombre de travailleurs âgés qui joindront les rangs des assistés sociaux. Il ne faut pas oublier que la prime de départ et la prime de départ accrue sont calculées en fonction du nombre d'années de service. L'an dernier, on a utilisé le chiffre de 70 000 $. J'ai fait une ventilation de ce chiffre. J'ai constaté immédiatement que 24 000 $ seraient rendus au gouvernement sous forme d'impôts.

Il ne faut pas oublier non plus que les employés perdront leurs prestations de chômage. Par conséquent, si vous étiez rémunéré sur une période de 80 semaines, l'assurance-emploi ne vous donnera des prestations que pour 104 semaines. Vous devrez attendre 80 semaines avant de recevoir vos prestations d'assurance-emploi. À la fin de ces 80 semaines, il vous restera 24 semaines de prestations, dont deux pour la période d'attente, pour un solde de 22 semaines de prestations d'assurance-emploi.

Comment ces gens vivront-ils? Il s'agit de gens ordinaires qui joignent difficilement les deux bouts d'un chèque de paie à l'autre, d'une semaine à l'autre, et qui n'ont pas les moyens d'investir leur prime de départ. Ces gens devront survivre, et dans un an ou un an et demi, peut-être même avant, ils se retrouveront à l'assistance sociale. Nous venons tout juste de traiter le cas d'un homme qui a fait une manifestation assise de quatre heures parce qu'il avait fini de dépenser sa prime de départ et que sa famille avait faim.

Je suis outrée par le fait que durant tout l'arbitrage -- et j'estime avoir le droit de donner mon opinion, car je suis touchée comme bien d'autres femmes et enfants -- on a dit que la SDCB ne devrait pas être considérée comme une autre société d'État parce que son travail n'était pas le même; son travail devrait être comparé à celui d'autres sociétés minières. Je réponds à cela que nous avons subi les gels de salaire lorsqu'ils ont été imposés dans les années 80. On nous considérait alors comme des employés du gouvernement. Nous avons souffert et nous nous sommes serré la ceinture. Pourquoi serions-nous maintenant considérés différemment? Je m'y oppose.

Le grand problème, c'est que nous n'avons pas de tableau clair. Nous avons une liste de 404 employés qui ont droit à la prime de départ accrue. Nous avons vu des mineurs dormir dans des sacs de couchage, dans leurs voitures, pour être les premiers à écrire leur nom sur la liste parce qu'ils savent qu'il n'y a pas de garanties pour eux dans la privatisation. Nous avons vu des mineurs éclater en sanglots dans le stationnement de la SDCB parce qu'ils n'avaient pas réussi à être parmi les 404 élus. Ces choses-là font peine à voir. Je suis sûre qu'on aurait pu faire beaucoup mieux.

J'ai présenté une lettre dans mon mémoire. Le 24 mars 1997, alors que M. David Dingwall était ministre de la Santé, la Société de développement du Cap-Breton a enregistré une perte de 207 millions de dollars pour 1995-1996 au titre de ses obligations et de ses projets de nettoyage de l'environnement. M. Dingwall a fait inscrire cette perte dans les Comptes publics du Canada. On dit également dans cette lettre que la comptabilisation de ces obligations dans les livres du gouvernement garantit les pensions des travailleurs de la SDCB. J'aimerais savoir où est cet argent et ce qui est arrivé aux garanties au sujet des pensions des travailleurs de la SDCB?

Tous les travailleurs de la SDCB méritent d'être traités sur un même pied, et il ne faudrait pas faire un groupe distinct des 404 qui ont droit à la prime de départ accrue pour dire aux autres qu'ils ont des emplois et n'ont pas droit à cette mesure. Voyez ce qui se fait dans l'industrie privée. D'après ce que je constate, on dit aux gens de courir leur chance et qu'ils recevront probablement en fin de compte une prime de départ de 26 semaines. De nombreux préjudices sont ainsi commis.

La mine Donkin a soulevé bon nombre d'interrogations. Vous trouverez dans mes documents un rapport complet de ce qui a été fait à cette mine en 1983. C'était avant l'ouverture de la mine de Phalen. Vous pourrez également consulter le rapport Boyd de 1996, qui mentionne les problèmes géologiques possibles à la mine Prince. Les mineurs se demandent en tout cas si la mine Prince pourra durer plus de deux ans.

On dit dans le rapport Boyd qu'il y a peu de chances que la mine Donkin puisse être exploitée. Toutefois, le rapport rédigé par la Société de développement du Cap-Breton en 1993 contenait un plan qui montrait de grands espoirs pour un charbonnage rentable et viable à Donkin. Cela vaut la peine de lire ces documents pour se rendre compte que la mine Donkin pourrait donner 1,5 milliard de tonnes de charbon, dans des filons qui peuvent avoir de 10 à 12 pieds. Les acheteurs de la mine et des actifs auront entre les mains une mine d'or, parce que deux galeries ont déjà été forées. Lorsqu'ils mettront en place leur équipement, ils pourront retirer le charbon et réaliser immédiatement des profits d'à peu près 100 p. 100.

Il y a une autre chose qui m'inquiète également, surtout puisque le maire ne comparaîtra pas. J'avais espéré qu'il vienne ici parler du projet de loi. Quelles garanties le projet de loi C-11 offre-t-il aux habitants de la municipalité en matière d'affaissement du sol? Il y a affaissement lorsque le sol n'est pas complètement miné; lorsqu'un puits est abandonné et se remplit d'eau, le sol s'enfonce. C'est ainsi qu'ont été créés de grands trous. En fait, il y a eu des trous jusqu'au milieu d'une route. Le gouvernement du Canada corrigera-t-il cela? Qui résoudra ce problème? C'est un élément que votre comité devrait examiner.

Enfin, je ne suis pas satisfaite de la façon dont les choses ont été menées. Je ne suis pas satisfaite de ce que tant de mineurs âgés seront laissés pour compte. Je ne sais pas si ce projet de loi sera adopté. J'espère qu'il ne le sera pas, mais par contre je puis comprendre la vente de la société.

Je demande au comité de penser à ceci: il y a 492 travailleurs de la SDCB qui ont entre 45 et 57 ans. Je demande au comité de reconnaître ce fait et ce que M. Outhouse a dit au sujet de la difficulté pour ces personnes de trouver un emploi et de tenir compte, au-delà de la décision arbitrale, des aspects moraux et sociaux de la situation. Faites quelque chose pour appuyer une révision de la décision relative à l'octroi du régime d'encouragement à la retraite anticipée aux travailleurs qui tombent dans cette catégorie. On a déjà accordé dans le passé des pensions d'invalidité pour des raisons de compassion. On a utilisé cet outil pour réduire les effectifs, et on pourrait peut-être l'envisager dans ce cas si la politique n'était pas aussi stricte.

Je me présente ici devant le Sénat, et c'est mon dernier espoir après une lutte ardue de 17 mois -- une lutte entreprise pour les bonnes raisons. Je l'ai fait parce que la chose me tenait à coeur, parce que je voulais aider les familles et empêcher que des gens souffrent. Je ne suis pas heureuse de la façon dont les travailleurs de la SDCB et leurs familles ont été traités. Je vous présente mon dernier plaidoyer, dans l'espoir que ce comité sénatorial fera ce qu'il convient de faire, moralement et socialement, pour les travailleurs de la SDCB et leurs familles, ainsi que pour le Cap-Breton. L'économie du Cap-Breton est fortement déprimée. Nous souffrirons énormément. Des centaines de milliers de personnes souffriront de la dissolution de la SDCB. Nous avons besoin de plus de réponses et d'une indication plus claire sur la situation.

Le sénateur Graham: Je veux commencer par des commentaires sur la ténacité et la détermination de Mme Budden. Elle s'occupe de ce dossier depuis le début. Je ne sais pas combien de voyages elle a faits à Ottawa. Elle a frappé à la porte, j'en suis persuadé, de chacun d'entre nous autour de cette table. Elle a rencontré le premier ministre et divers membres du Cabinet, y compris mon collègue, le sénateur Boudreau, le leader du gouvernement au Sénat. Dans toute cette histoire, elle a représenté la conscience du Cap-Breton au cours de cette période difficile. Comme elle l'a dit, elle se bat jusqu'au bout. Elle est une personne très déterminée et elle fait honneur à sa collectivité. Je la félicite pour son dur labeur.

Mme Budden: Je vous remercie, sénateur.

Le sénateur Graham: Il est rare que je ne parle pas à Mme Budden trois ou quatre fois par semaine.

Vous dites qu'on a raté le bateau en ce qui concerne les dispositions prises pour les travailleurs de la SDCB, comparativement à ce qu'on a fait pour ceux du CN et de Marine Atlantique, et vous avez montré que vous aviez fait des recherches exhaustives, en nous remettant tous les documents que vous avez distribués. Vos recherches ont-elles révélé, pour les fins de la comparaison, si les travailleurs du CN et de Marine Atlantique ont profité d'une convention collective qui prévoyait une telle éventualité? Deuxièmement, les employés du CN et de Marine Atlantique participaient-ils à un régime de retraite contributif?

Mme Budden: Je crois que les employés de Marine Atlantique avaient une entente spéciale. D'après ce que j'ai pu savoir, les employés des deux entreprises participaient à un régime de retraite et ont profité de dispositions transitoires. Je reconnais que la situation qui nous préoccupe est différente à cet égard. On a déjà parlé des pensions -- et je vais regarder chaque sénateur dans les yeux en disant ce qui suit. On a parlé de la promotion de ce régime de retraite contributif. J'en ai appris l'existence il y a environ trois ans. Savez-vous comment je l'ai appris? De mon oncle à sa table de cuisine. Je suis rentrée chez moi, j'en ai parlé à mon mari, je lui ai tout expliqué, et il est allé signer un formulaire d'adhésion. Je pense qu'on aurait dû offrir un régime de retraite obligatoire.

Le sénateur Graham: C'était il y a trois ans, madame Budden, n'est-ce pas?

Mme Budden: Oui, environ. Je pense qu'il aurait dû y avoir un régime obligatoire. Manifestement, ce n'était pas le cas. C'est un peu trop tard maintenant. Je crois qu'on aurait dû rendre le régime obligatoire pour tous en 1982. On ne l'a pas fait. Ceux qui sont arrivés après 1982 se trouvent dans une situation un peu meilleure que la nôtre.

Parce que nous n'avions pas de régime de retraite obligatoire, aujourd'hui nous en payons le prix. Il n'y a personne à tenir responsable. C'est peut-être un manque de communication ou de vision, que sais-je? Je n'en tiendrais personne responsable. J'ai inclus dans mes documents copies du contrat du CN et du contrat de Marine Atlantique. Vos attachés de recherche pourront peut-être examiner cela plus en détail.

Le sénateur Buchanan: Je tiens à répéter plus ou moins ce qu'a dit le sénateur Graham. Vous êtes probablement l'une des personnes les plus tenaces que j'ai jamais rencontrées.

Mme Budden: Mon mari le sait aussi.

Le sénateur Buchanan: C'est exactement ce à quoi on s'attend d'une résidante de Glace Bay, au Cap-Breton.

Au fil des ans, je vous ai parlé à de nombreuses reprises. Comme l'a dit le sénateur Graham, vous avez probablement parlé à presque tout le monde autour de cette table. Vous avez des opinions que vous faites constamment valoir. Le sénateur et moi en parlions il y a quelque temps. Vous êtes probablement l'une des meilleures recherchistes dont j'ai jamais entendu parler. Vous saisissez un problème, vous le fouillez. Vous avez fait des recherches exceptionnelles sur cette question.

Mme Budden: Merci.

Le sénateur Buchanan: Le sénateur Murray et moi-même disions plus tôt ce soir que vous aviez présenté de façon admirable non seulement votre point de vue, mais aussi celui de toutes les familles touchées par la fermeture de la SDCB, et plus particulièrement les quelque 900 dernières famille qui seront touchées. Incontestablement, vous avez raison lorsque vous dites que nombre de ces hommes n'ont pas droit à la prime de départ parce qu'ils peuvent encore travailler. Voilà l'incertitude qui les a menés au bureau de la SDCB pour obtenir cette prime.

Mme Budden: En effet.

Le sénateur Buchanan: Il y a eu des critiques à cet égard. On m'a dit: «Ils ont droit à la prime de départ ou droit à des emplois. Pourquoi cherchent-ils à obtenir la prime?» Vous l'avez fait remarquer. C'est l'incertitude de l'avenir. Est-ce qu'il y aura un emploi pour eux? Et s'il n'y a pas d'emploi, il n'y aura pas de prime de départ parce qu'il ne restera plus d'argent.

Mme Budden: Exactement.

Le sénateur Buchanan: Vos comparaisons avec le CN et Marine Atlantique m'intéressent beaucoup. Je ne connais pas tous les détails, mais vous avez probablement raison dans vos comparaisons. Vous nous dites simplement que les travailleurs de la SDCB qui sont encore là devraient être traités avec autant de justice et d'équité que les travailleurs du CN et de Marine Atlantique.

Mme Budden: Exactement.

Le sénateur Buchanan: Permettez-moi de vous poser une question. Si on ouvrait une nouvelle mine de charbon au Cap-Breton, les hommes dont vous parlez sont-ils disposés et aptes à travailler dans cette nouvelle mine?

Mme Budden: Je dirais que ceux de moins de 45 ans le sont. Ils veulent travailler. Après avoir examiné le rapport sur la mine Donkin, je ne peux m'empêcher de penser que dans un avenir plus ou moins rapproché on reprendra les activités à cette mine. Je ne sais pas qui reprendra la mine, mais je n'accepte pas les chiffres de la SDCB. M. Farrell a dit 120. Nous savons tous que dans l'industrie privé, on est motivé par les bénéfices. On veut sortir le plus de charbon possible avec le moins de main-d'oeuvre possible et payer le moins cher possible. C'est pourquoi ils ont une industrie du charbon qui est rentable. Ils auront la polyvalence, et cetera, ce qui n'est pas le cas à la SDCB. Si vous êtes un électricien, vous êtes un électricien. Si vous êtes un mécanicien, vous êtes un mécanicien. Oui, il y a un grand nombre d'hommes, surtout de moins de 45 ans, qui voudraient travailler.

Je vais vous donner un exemple. Mon mari a 47 ans. Il est en congé de maladie depuis le mois d'août. En fait, il a épuisé ses prestations d'assurance-maladie. Il n'y a plus droit. Il a épuisé son assurance-emploi également. Et je peux vous dire franchement qu'il en a fait une grave dépression. Il a eu bien du mal à faire face à une telle épreuve. Il n'a pas demandé de pension de commisération pour cause d'invalidité, ni rien d'autre. J'espérais sincèrement qu'on allait lui accorder un programme transitoire, puisqu'il a 47 ans. C'était avant que M. Outhouse n'impose les 25 ans de service.

Le sénateur Graham: Et il a 47 ans.

Mme Budden: Oui, 47 ans, et 22 ans de service. J'espérais qu'on allait lui proposer un programme. À l'époque, il fallait 50 ans et 75 points. J'espérais que malgré le stress provoqué par toute l'incertitude il allait se surmonter pour passer cette période transitoire et obtenir un régime d'encouragement à la retraite anticipée. Mais même avec la pension de commisération pour cause d'invalidité, celui qui n'atteint pas 75 points n'obtient pas une pleine pension. C'est de l'ordre de 1 200 $ par mois. Le prestataire du Régime de pensions du Canada voit sa prestation mensuelle diminuer d'autant. En définitive, la SDCB ne paie que 400 $. Une fois l'impôt déduit, il ne reste plus grand-chose. Même avec un régime d'encouragement à la retraite anticipée, on ne retire que 300 $ par semaine, mais c'est quand même mieux que de crever de faim. Et c'est la situation dans laquelle je me trouve actuellement.

Le sénateur Buchanan: Vous n'êtes pas la seule famille qui soit dans cette situation.

Mme Budden: Non, il y a bien des gens qui sont arrivés en fin de droits. Il va falloir manger du «Kraft Dinner» et prendre d'autres mesures, car il n'est pas prêt.

Ces travailleurs ont des problèmes de santé -- les poumons sont malades, ils ont eu des accidents, l'humidité leur donne de l'arthrite, ils ont travaillé dans la poussière et les gaz de charbon -- et souvent ils souffrent d'un stress mental énorme. Les maladies liées au stress sont traitées par des psychiatres. Les maladies mentales sont encore pires que les maladies physiques. Elles privent le patient de sa dignité. Même si ces travailleurs obtiennent une retraite anticipée, ils ont tellement souffert qu'ils seront prêts à toucher leur pension de vieillesse avant d'avoir récupéré mentalement de ce qu'ils ont vécu au cours des 17 derniers mois. On n'avait pas besoin de leur imposer cela. Je trouve cela injuste.

Il faut absolument que je vous dise tout cela. J'ai essayé d'être juste et de faire preuve d'un esprit constructif. Même si j'ai été gravement affectée par ces événements au plan personnel, je suis restée maîtresse de moi. Le Sénat est mon dernier recours, car j'ai tout essayé, et on ne m'a fait que des promesses qui n'ont jamais rien donné.

Nous avons rencontré le ministre Goodale. Il a dit explicitement que rien ne justifiait l'octroi d'une pension pour 20 ans de service à des gens de moins de 40 ans. Il a parlé d'un montant de 140 millions de dollars provenant du budget de DRHC, et il a dit qu'il avait déjà rencontré la ministre Jane Stewart, qu'il la rencontrerait encore et qu'il voulait que le problème soit réglé rapidement. Nous sommes sortis plein d'espoir de cette réunion, mais que pouvions-nous faire? Nous en avons fait part à nos concitoyens à notre retour. Nous avions peur de susciter de faux espoirs, mais à l'époque j'ai cru remarquer une certaine volonté de nous venir en aide. J'en ai fait part à mon mari, car cela fait partie des relations entre conjoints. Je n'aurais pas dû le faire, car le coup a été encore plus dur, puisqu'il s'attendait à quelque chose, et que rien ne s'est produit.

Le sénateur Buchanan: Je tiens à féliciter Mme Budden et à lui dire que, quoi qu'il arrive, elle a mené le bon combat. C'est indiscutable. Je vous en félicite.

Mme Budden: Merci, sénateur.

Le sénateur Finnerty: Je suis de tout coeur avec vous. J'ai vécu moi aussi dans une collectivité de mineurs et j'ai vu ce genre de chose. J'ai été mariée à un cadre du CN, et je me souviens qu'au début il implorait les travailleurs d'adhérer au régime de pension. Dans la plupart des cas, les femmes ne connaissaient pas les régimes de pension. Nombreux étaient ceux qui ont choisi de ne pas y adhérer.

Certaines des batailles qui sont survenues dans notre entreprise survenaient entre ceux qui avaient cotisé pendant toutes leurs années de service et ceux qui n'avaient pas cotisé, mais qui réclamaient les mêmes avantages à leur retraite. Il y a eu beaucoup de controverses, et des amitiés ont été détruites à cause de cela. C'était terrible à voir. J'ai l'impression que c'est ce qui s'est passé ici aussi. Je ne sais si c'est vraiment le cas, mais il semble que beaucoup de sociétés d'État aient offert des régimes de retraite et encouragé leurs employés à y adhérer.

Savez-vous si les syndicats vous ont aidés d'une façon ou d'une autre? Les syndicats encouragent souvent les employés en leur disant qu'ils s'occuperont d'eux, ce qu'ils ne font pas au bout du compte. Je me demande si le syndicat vous a été d'une quelconque utilité.

Mme Budden: M. Drake pourra peut-être vous répondre mieux que moi, car je n'ai pas tellement eu affaire au syndicat, ni à la SDCB. J'étais simplement une femme à la maison, heureuse de recevoir le chèque de paye.

Si l'on regarde la façon dont la SDCB a évolué, on constate que l'une des plus grandes difficultés du côté des mineurs, c'est qu'ils sont débonnaires. Il n'est pas toujours très judicieux de laisser quelqu'un d'autre s'occuper de vos intérêts; or, c'est ce qui s'est passé ici.

Côté argent, ce sont les femmes qui payent les factures. Si l'argent ne rentre pas, ce sont elles qui se mettent à téléphoner, n'est-ce pas? Nous avons tendance à prendre cela beaucoup plus au sérieux que les hommes et à nous en préoccuper beaucoup plus. C'est comme lorsque mon oncle m'a informée du régime de pensions: je suis rentrée à la maison et j'ai dit à mon mari quoi faire. Les maris ont l'habitude de recevoir des ordres de leurs femmes, mais pas de leurs chefs syndicaux. C'est vraiment dommage.

Du côté du régime prévu pour 50 ans de service et plus, celui qui n'avait que 12 ans de service pouvait profiter d'un PERA, tandis que celui qui avait 24 ans de service n'obtenait rien. Puis M. Outhouse a proposé de restaurer le calcul proportionnel sur 20 ans, peu importe l'âge de l'employé. C'est ce qui a créé des problèmes. Dans le cas de collègues de travail dont l'un avait 12 ans de service et l'autre 24, le premier pouvait recevoir une pension, tandis que le deuxième se la voyait refuser malgré ses années de service.

Pour ce qui est des régimes de pension, dès que vous adhérez au régime de retraite contributif, votre service arrête automatiquement dans le régime non contributif. Vous ne pouvez plus acquérir d'autres années de service. Cela, c'est une chose distincte; il s'agit du régime de pension. Celui qui n'a pas adhéré au régime contributif ne peut pas en profiter.

C'est malheureux. Il y a eu des erreurs de faites. Le plus triste, c'est que ce seront les femmes et les enfants qui en souffriront. Ce ne sont pas uniquement les employés de la SDCB qui en souffriront, puisque cela se répercutera aussi sur les autres familles. Or nous n'avons pas les reins assez solides du point de vue économique pour nous en tirer.

Je n'ai jamais conseillé au gouvernement de continuer à jouer un rôle dans l'industrie du charbon. Nous avons tous reconnu et respecté son désir de s'en retirer. Toutefois, nous avions demandé au gouvernement de se retirer d'une façon moralement et socialement acceptable. Or, il ne semble pas l'avoir fait jusqu'à maintenant.

Nous avons été équitables, et nous demandons la pareille de la part du gouvernement, ce qui n'est pas demander beaucoup, surtout si l'on considère que le taux de chômage est officiellement de 20 p. 100 au Cap-Breton et que l'économie y est chancelante. En fait, le chômage atteint plutôt les 40 p. 100, officieusement, puisque seulement 50 p. 100 de notre population est encore active. Tous les ans, un millier de nos jeunes entre 22 et 30 ans quittent la région, car ils ne trouvent pas de travail. Nous savons très bien que ceux qui seront mis à pied n'en trouveront pas plus. Mon fils de 21 ans ne peut pas se trouver un emploi, et pourtant il a envoyé ses CV partout.

La situation est critique, sénateurs. La situation est très critique, je ne le dirai jamais assez, pour nos familles, pour les industries et pour l'économie du Cap-Breton. J'espère que vous n'oublierez aucune de mes paroles et que vous tiendrez compte particulièrement de ceux qui ont 45 ans et plus. M. Outhouse a reconnu le problème auquel feront face ces hommes. On a ouvert une porte avec l'arbitrage, et il sera peut-être possible d'agir.

Le sénateur Taylor: Je ne peux répéter que ce que d'autres sénateurs ont dit et vous féliciter pour l'excellente lutte que vous menez.

Les syndicats du Cap-Breton sont connus comme étant assez forts et tenaces. Ils sont allés en arbitrage et ont conclu une entente que, semble-t-il, vous n'aimeriez pas. Leur avez-vous fait part des préoccupations dont vous nous avez parlé aujourd'hui?

Mme Budden: Je n'ai eu aucune communication avec l'arbitre, ou les syndicats. Dès que la question a été portée en arbitrage, je suis restée à l'écart, et, comme tout le monde, j'espérais que le processus d'arbitrage permettrait d'obtenir justice, ce qui a été le cas pour 246 personnes. Cependant, avec tout le respect que je dois à M. Outhouse, il y a toujours 492 personnes qui ne peuvent obtenir un emploi.

Le sénateur Taylor: D'après mon expérience, les syndicats sont très militants. Je ne peux pas comprendre pourquoi ils ont accepté un règlement qui excluait autant de gens.

Mme Budden: Je ne sais pas ce qui s'est produit au cours des procédures. Les syndicats avaient un bon avocat, un avocat respectable. Pour vous dire la vérité, j'ai été bouleversée par cette décision à l'arbitrage. Je croyais qu'ils remonteraient au moins 20 ans en arrière. L'arbitrage est cependant exécutoire.

Les femmes et les enfants sont touchés par cette décision. Si, Dieu m'en garde, mon mari et moi-même devions divorcer un jour, je serais responsable de 50 p. 100 de notre dette. Je perdrais 50 p. 100 de la valeur de notre maison. Nous nous retrouvons devant la possibilité que des gens perdent leur maison et que des mariages éclatent. Les gouvernements devront ultimement en faire les frais d'une façon ou d'une autre, que ce soit en versant des prestations d'aide sociale, des coûts plus élevés pour les soins de santé, ou d'une autre façon.

Je ne peux répondre à votre question, car je ne sais pas ce qui s'est produit au cours de ces procédures.

Le sénateur Taylor: Je vous remercie d'avoir comparu devant notre comité. Nous entendrons demain les syndicats, et nous saurons alors ce qu'ils pensaient à ce moment-là.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, tous les deux jours nous voyons des gens qui se regroupent sur la Colline du Parlement afin de protester et faire valoir leur point de vue, quel qu'il soit. Ils se regroupent ici et devant d'autres assemblées législatives. Parfois, cela n'est pas très agréable ni productif. Je ne ferai aucune observation sur les raisons pour lesquelles ils estiment nécessaire de le faire.

Tous les deux jours, à divers comités sénatoriaux, nous entendons des groupes de lobbying raisonnablement bien financés, des groupes de revendication et des instituts de politique publique qui ont des services de recherche qui leur obéissent au doigt et à l'oeil. Ce soir, nous n'avons pas devant nous un groupe de politique public, un groupe de lobbying public ni un groupe de revendication, mais seulement deux femmes.

Qui vous accompagne, madame Budden?

Mme Budden: Bev Brown.

Le sénateur Murray: Elles doivent passer le chapeau pour payer leur billet d'avion pour venir à Ottawa, comme elles l'ont fait à maintes reprises au cours des 18 derniers mois. Regardez la documentation qu'elles ont apportée et écoutez l'exposé très élaboré et très émouvant qu'elles ont à faire.

C'est ainsi que le système est censé fonctionner, n'est-ce pas?

Madame Budden, vous faites deux recommandations, la première étant que nous modifiions le projet de loi à deux égards. D'abord, vous voulez que le projet de loi soit modifié de façon à garder l'alinéa 17(4)b) de la loi sur la SDCB qui a été adoptée il y a 33 ans et qui exigeait que la société, avant de fermer quelque service que ce soit, déploie tous les efforts raisonnables afin de trouver d'autres emplois, et cetera.

Si cet article était maintenu, comment pouvez-vous être certaine qu'on s'occuperait alors des 492 travailleurs qui sont sans emploi?

Mme Budden: C'est ce que je demande. Je demande une sorte de garantie.

Le sénateur Murray: Il n'y a aucune garantie dans cet article. Vous demandez qu'on fasse les meilleurs efforts possible?

Mme Budden: Je demande à votre comité sénatorial de faire des pressions auprès du gouvernement du Canada et du ministre des Ressources naturelles afin qu'ils fassent quelque chose pour ces 492 travailleurs qui se retrouvent sans emploi. Je demande que ce projet de loi ne soit pas adopté tant qu'on ne se sera pas occupé de nous.

Je viens tout juste de vous parler des souffrances que nous devons subir et que nous allons continuer à subir. C'est très grave. Je ne parle pas que de quelques personnes. Je parle de milliers de vies, avec les retombées. L'alinéa 17(4)b) concerne l'économie du Cap-Breton. Nous sommes en train de perdre nos mines de charbon et nos aciéries.

Nous sommes dans une période de transition qui durera environ 10 ans. L'économie de notre région connaît déjà une grave dépression. On est en train de créer dans notre économie un trou qui ne sera pas comblé à court terme. Une mine de charbon avec 500 emplois contribuerait à améliorer la situation, mais ce n'est pas une prime de départ qui réglera le problème.

Le sénateur Murray: Comme je l'ai dit lorsque le ministre et la direction de la SDCB étaient ici, j'ai des problèmes avec le processus entourant le projet de loi à l'étude et l'idée de simplement remettre la société au Cabinet, la SDCB, et à d'autres pour qu'ils en disposent sans revenir demander l'approbation du Parlement. Il s'agit là cependant d'une tout autre question.

Je n'ai rien contre le fait d'apporter des amendements au projet de loi. Je suis un sénateur de l'opposition et, par conséquent, par définition, j'ai un parti pris en faveur des amendements aux projets de loi. Cela étant dit, je me demande s'il n'y a pas une meilleure façon, une façon plus productive, d'atteindre votre objectif, particulièrement en qui a trait aux 492 travailleurs.

Quelle est l'importance de l'article 22? Je constate que le gouvernement propose de simplement enlever la SDCB de la liste des sociétés d'État de la Loi sur la pension de la fonction publique. Certains employés de la SDCB participent déjà au régime de pension de la fonction publique. Qui sont-ils?

Mme Budden: Comme je l'ai dit précédemment, ce sont des syndiqués qui travaillent dans l'administration. Je crois que les travailleurs ferroviaires participent à ce régime. Vous en entendrez peut-être davantage à ce sujet demain lorsque vous entendrez le syndicat du chemin de fer, car cela pose un problème.

J'en ai parlé parce que je crois que lorsqu'on demande quelque chose, on doit présenter des arguments constructifs. On ne peut pas simplement exiger à grands cris: «Pouvez-vous faire ceci? Pouvez-vous faire cela?» Je crois que le régime de la fonction publique avait énormément de potentiel, car la SDCB était une société admissible.

Le sénateur Murray: Si on leur permettait de participer à nouveau au régime de pension de la fonction publique et si l'on remettait la SDCB sur la liste, cela ne réglerait toujours pas automatiquement quoi que ce soit.

Mme Budden: Non, en effet.

Le sénateur Murray: Il faudrait prendre une autre décision afin de tous les inclure.

Mme Budden: Mais cela aurait été fait, s'ils avaient inclus tous les travailleurs de la SDCB et créé un programme de retraite anticipée. Les mineurs auraient pu alors bénéficier d'un régime d'encouragement à la retraite anticipée avec tous les avantages que cela comporte pour les conjoints et sur le plan médical. À l'heure actuelle, lorsqu'un mineur décède, son revenu meurt avec lui. Il ne reste plus rien pour sa veuve. Cela aurait réglé bon nombre de problèmes. Je ne veux pas dire que c'était là la réponse, mais c'était une possibilité, et on m'a promis que cela serait fait.

Le sénateur Murray: Oui. Ils n'ont pas promis qu'ils le feraient; ils ont promis d'en examiner la possibilité, n'est-ce pas?

Mme Budden: Ils ont promis qu'ils demanderaient à des actuaires d'en évaluer le coût.

Le sénateur Murray: Voulez-vous dire qu'ils ne l'ont pas fait, ou qu'ils l'ont fait, mais qu'ils ne vous l'ont pas dit?

Mme Budden: Je ne sais pas. Je n'ai pas reçu de réponse en ce qui concerne le coût, et cela n'a pas été proposé, de sorte que la décision de l'arbitre l'emporte. Je n'ai pas reçu de réponse pour ce qui est de savoir si oui ou non le coût en a été évalué.

Le sénateur Murray: Je me demandais s'il existe un moyen plus direct de résoudre le problème. Un amendement au projet de loi comme celui que vous avez proposé pourrait aider dans une certaine mesure, mais il faudrait par la suite prendre toute une série d'autres décisions, en supposant que nous réussissions à apporter un amendement au projet de loi. Je me demande s'il n'y a pas une façon plus directe de régler le problème. C'est une chose à laquelle nous pouvons réfléchir au cours des prochains jours.

Mme Budden: Je vous en serais très reconnaissante. Je suis particulièrement préoccupée par la situation des travailleurs plus âgés. J'apprécierais tout ce que le Sénat pourrait faire. Je suis préoccupée par l'adoption de ce projet de loi tel quel.

Le sénateur Murray: Et si on mettait l'accent sur les 492 personnes?

Mme Budden: Je suis inquiète pour tout le monde, mais s'il est vrai que l'industrie houillère continuera à exister, les opérations seront largement réduites. Les travailleurs les plus jeunes sont en meilleure santé.

Le sénateur Murray: Le ministre a indiqué ce soir qu'il s'agit d'un minimum de 500 personnes ou plus.

Mme Budden: À la mine Prince, il y en aura environ 250, au sein d'une industrie privatisée.

Le sénateur Murray: Mineurs, oui.

Mme Budden: La décision de l'arbitre parlait de 25 ans. C'est un point de repère, parce que M. Outhouse l'a proposé. C'est quelque chose de concret contre lequel on peut lutter et dire: «Il y a encore 492 personnes dans cette catégorie.»

Le sénateur Murray: Sont-elles les plus vulnérables ou les moins protégées?

Mme Budden: Oui.

Le sénateur Murray: Les 492 personnes?

Mme Budden: Oui, parce que ces gens travaillent dans les mines depuis longtemps. Ils sont plus vieux. Ils connaissent des problèmes de santé. Ils sont à une étape de leur vie où ils ont besoin d'une assurance médicale, et c'est quelque chose qu'ils envisagent de ne pas avoir, mais que les autres auraient.

C'est tout ce que j'ai comme information. J'ai fait des recherches. Le Sénat pourrait peut-être examiner cet aspect-là et, peut-être, essayer de préparer quelque chose dans ce sens.

Le sénateur Christensen: Si la société peut vendre à une autre société et créer des emplois, j'imagine qu'il serait primordial que ces nouveaux emplois soient créés dans votre région?

Mme Budden: Absolument.

Le sénateur Christensen: On nous a dit que l'adoption de ce projet de loi était nécessaire. Nous devons nous renseigner là-dessus -- notamment que ce projet de loi est essentiel pour conclure la vente.

Si on devait proposer des amendements et retarder le projet de loi, disons, jusqu'en septembre, quand la Chambre reviendra pour examiner les amendements, on pourrait retarder la vente éventuelle et mettre fin à l'entente. Il faudrait faire appel à quelqu'un d'autre. Est-ce une préoccupation?

Mme Budden: Oui. Lorsque j'examine la situation, j'essaie de le faire de façon équitable. J'examine cela et je peux comprendre la situation. C'est évidemment une préoccupation, car si l'industrie houillère doit continuer, qu'elle soit privatisée ou non, nous en avons besoin et nous voulons l'avoir au Cap-Breton. Nous avons besoin des emplois.

En même temps, il faut agir. Je ne sais pas ce que vous pourrez faire. Le Sénat doit exhorter le gouvernement du Canada à proposer un meilleur train de mesures que celles qui ont été annoncées par l'arbitre et appliquer ces mesures même pour les travailleurs de 45 ans et plus. C'est-à-dire les 492 personnes.

Oui, je peux comprendre. Je me retrouve dans une position vraiment difficile, parce que je comprends les conséquences sérieuses de ce projet de loi, mais je peux également examiner la situation et dire: «Si la vente devait tomber à l'eau, qu'est-ce qui nous resterait?»

Le sénateur Christensen: Est-ce que vous dites qu'il faudrait utiliser ce projet de loi pour inciter le gouvernement à essayer de faire les autres choses?

Mme Budden: Oui, pour faire quelque chose. Utilisez ce projet de loi.

La présidente: Merci beaucoup.

S'il n'y a plus de questions, j'aimerais remercier Mme Budden d'être venue ce soir. Nous vous remercions pour votre témoignage.

La séance est levée.


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