Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 6 juin 2000
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour examiner le Rapport de rendement du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour la période prenant fin le 31 mars 1999, déposé au Sénat le 2 novembre 1999.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je signale à titre indicatif pour nos invités que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères a décidé d'examiner le budget des dépenses du ministère des Affaires étrangères en vue d'en savoir plus au sujet de ce ministère. D'un point de vue technique, nous examinons le rapport de rendement du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. On me dit que Transports Canada fera connaître sa réponse à notre rapport sur l'OTAN bientôt.
Je suppose que certains des renseignements que nous avons demandés se trouveront dans la réponse écrite à notre rapport qu'est en train de rédiger le ministère.
Madame McCallion, je vous demanderais de bien vouloir nous présenter vos collègues.
Mme Kathryn E. McCallion, sous-ministre adjointe, Services ministériels, Passeports et affaires consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président, je suis accompagnée aujourd'hui d'un certain nombre de représentants du ministère qui traiteront de leurs domaines respectifs de compétence. Quand vous nous avez invités à venir témoigner, vous avez précisé que le comité avait quatre sources de préoccupation.
Paul Meyer est directeur général de la Sécurité internationale. Il vous parlera de l'OTAN et de l'évaluation de la situation en ce qui concerne la politique commune de sécurité et de défense de l'Europe. Jill Sinclair, directeur général des Enjeux humains et mondiaux, vous parlera de la plate-forme de sécurité humaine du ministère. Bill Crosbie, directeur général intérimaire de la Politique commerciale II -- Services, investissement et propriété intellectuelle, rendra compte des progrès réalisés par l'OMC en matière de libéralisation du commerce multilatéral. Enfin, David Kasgaard, directeur des Relations économiques avec les pays en voie de développement, abordera avec vous le rôle joué par le ministère dans l'aide internationale au développement.
Le président: Les quatre thèmes que vous avez mentionnés sont l'OTAN et la politique de sécurité et défense de l'Europe, la plate-forme de sécurité humaine du ministère, l'Organisation mondiale du commerce et la libéralisation du commerce et, enfin, le ministère et l'aide internationale au développement.
Il ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire. Nous aimerions en savoir davantage au sujet de cette question. Nous en avons fait un examen poussé dans notre rapport sur l'OTAN, mais la rédaction de ce rapport nous a fait déborder dans de nombreux domaines, tout comme notre rapport sur l'Europe.
Je vous prierais de bien vouloir faire votre exposé.
Mme McCallion: Monsieur le président, je vais parler surtout de ce qu'est un rapport de rendement, après quoi mes collègues s'attaqueront aux questions individuelles que vous avez dit vouloir creuser.
Au nom du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, c'est avec plaisir que je viens présenter à votre comité le rapport de rendement 1998-1999 du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Que je sache, c'est la première fois que des représentants du ministère analysent devant le comité notre rapport de rendement. Vos observations et vos commentaires sont les bienvenus.
J'aimerais commencer par vous fournir un bref aperçu des rapports de rendement. Vous êtes peut-être au courant qu'en octobre 1999, le président du Conseil du Trésor a déposé les rapports de rendement de 1998-1999 de 80 ministères et organismes environ. Ces rapports décrivent les résultats obtenus par un ministère au regard des engagements établis dans le rapport qu'il a rédigé sur ses plans et priorités. Ces rapports contiennent également des données sur le rendement financier. Les rapports de rendement sont un élément important du projet d'amélioration de la reddition de comptes qui a été approuvé par le Parlement en 1997.
J'aimerais à présent mettre en évidence quelques-unes des réalisations du ministère en 1998-1999; il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, mais uniquement des faits saillants.
En 1998-1999, nous avons mené une campagne pour obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies et nous l'avons obtenu. Nous sommes parvenus à créer un Tribunal pénal international chargé de faire appliquer le droit humanitaire, et j'ai appris que le projet de loi C-19, qui doit faciliter la ratification relative au Tribunal pénal international, sera dans un avenir proche renvoyé à votre comité.
Nous avons continué à renforcer la sécurité humaine, la paix et la stabilité mondiales en participant à la campagne de l'OTAN au Kosovo. Nous avons fait en sorte que les systèmes ministériels demeurent opérationnels durant la transition à l'an 2000. Nous n'avons pas seulement dû assurer le maintien du fonctionnement de tous les systèmes de l'administration centrale mais également de tous les systèmes de nos points de service -- il y en a plus de 160 dans le monde entier.
Nous avons établi des plans d'urgence afin d'assurer la prestation des services essentiels au cas où des catastrophes surviendraient dans le pays d'accueil durant le passage à l'an 2000. Nous avons aussi publié à l'intention des personnes projetant de voyager à l'étranger lors du passage à l'an 2000 un rapport d'information décrivant les risques auxquels ils pourraient s'exposer. Nous avons assuré la promotion des droits de la personne dans le cadre d'échanges officiels et bilatéraux avec la Chine, Cuba et l'Indonésie. Nous avons fourni de l'aide consulaire à plus de deux millions de Canadiens. Nous avons répondu à plus de 100 000 appels d'urgence à l'étranger liés à des incidents causés par des catastrophes naturelles ou provoquées par l'activité humaine, des accidents, des vols, des détentions ou des décès.
Nous avons également eu des consultations avec les Canadiens au sujet des négociations de l'Organisation mondiale du commerce en matière d'échanges commerciaux dans l'hémisphère occidental. Nous avons fait passer le partenariat d'Équipe Canada Inc. du nombre initial de trois ministères; -- MAECI, Industrie Canada et Agriculture et Agro-alimentaire Canada -- à 23 ministères et organismes. Nous avons défendu activement les intérêts canadiens dans un certain nombre de différends commerciaux.
On m'a encouragée à dire que j'étais déléguée commerciale en chef et sous-ministre adjointe aux Affaires internationales quand Équipe Canada Inc. a remporté le prix d'excellence de la fonction publique.
Nous avons lancé Regard sur le Canada, une publication conçue pour expliquer la politique étrangère du Canada au public canadien et international. J'en ai fait tirer des exemplaires que nous allons faire circuler. Nous avons appuyé environ 450 événements culturels canadiens à l'étranger, événements auxquels ont participé entre 4 000 et 5 000 artistes dans 45 pays.
En guise de conclusion, nous sommes très fiers des résultats du ministère en 1998-1999. Maintenant, s'il n'y a pas de questions, je vais céder la parole à Paul Meyer, qui présentera les questions liées à l'OTAN et à la politique commune de l'Europe en matière de sécurité et de défense.
Le sénateur Corbin: L'OMC, bien sûr, continue de poser problème dans l'esprit de bien des gens sur tous les continents. Vous avez consulté les Canadiens. Y a-t-il eu débat au Parlement de la position adoptée par le Canada pour la rencontre de Seattle?
Mme McCallion: Nous avons fait une présentation au comité permanent, mais il n'y a pas eu de débat au Parlement.
Le sénateur Corbin: Le Parlement n'en a pas débattu et n'a pas énoncé de position pour le Canada à cet égard.
Mme McCallion: Oh, si! Le document a été présenté.
Le sénateur Corbin: Y a-t-il eu débat parlementaire de cette question?
Mme McCallion: Non, seulement au sein du comité.
Le sénateur Grafstein: Y a-t-il à votre ministère, tant du côté des affaires étrangères que du côté commercial, un groupe d'établissement des plans et priorités? Le problème posé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, côté affaires internationales comme côté commercial, c'est qu'il englobe tant d'enjeux et tant de régions du monde. Quand nous rencontrons des conseillers et des ambassadeurs à l'étranger, on nous parle toujours de la difficulté de répartir de maigres ressources parmi autant d'objectifs difficiles et conflictuels.
Au sein des différentes sections du ministère, y a-t-il un secrétariat des plans et des priorités qui fixe l'ordre de priorité? Ce document est une superbe analyse de ce que vous faites, mais il n'établit pas quelles sont les priorités primaires, les priorités secondaires et ainsi de suite. Il se peut fort bien que les priorités tertiaires priment sur les priorités primaires en raison d'événements changeants et ainsi de suite. Existe-t-il au ministère un pareil processus de planification que vous pourriez nous décrire?
Mme McCallion: Oui. Il existe un processus officiel. Il est déjà en branle pour l'exercice qui vient. Le document définitif est en réalité présenté au Conseil du Trésor et il émane des directions générales. Il est la responsabilité d'un groupe appelé Services ministériels. Chaque année, nous essayons de concevoir des lignes directrices et d'ajouter certains éléments clés. Par exemple, cette année, il faudra décider entre autres quel rôle le ministère jouera dans l'initiative «Le gouvernement canadien en ligne».
À la fin de l'été, le comité exécutif du ministère qui regroupe tant les ministres que les sous-ministres se réunira pour essayer d'énoncer avec plus de cohérence les nombreux enjeux. L'impulsion vient à la fois du haut, des ministres, et de la base, du travail effectué dans tout le ministère. Habituellement, le rapport est finalisé à l'automne et il sert de guide pour l'allocation des ressources.
Le sénateur Grafstein: Ce document est-il d'une nature qui vous permettrait, à un moment donné, de partager avec nous pour que nous puissions faire une comparaison de vos priorités?
Mme McCallion: De les comparer à ce que nous avons réellement accompli?
Le sénateur Grafstein: Oui, et de juger si nous sommes d'accord avec ces priorités.
Mme McCallion: Je ne suis pas sûre du moment auquel ce rapport devient public.
Le sénateur Grafstein: Je ne souhaite pas retarder le débat. Vous pouvez, si vous le préférez, me répondre plus tard.
Mme McCallion: Le rapport est déposé en février.
M. Paul Meyer, directeur général, Sécurité internationale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président et honorables sénateurs, j'ai quelques observations à faire, observations dont vous pourrez vous procurer le texte. Je vais essayer d'aller à l'essentiel parce que je suis conscient que nous sommes à court de temps. C'est avec plaisir que je viens ici vous parler de l'IESD, soit de l'Initiative de sécurité et de défense européenne.
[Français]
Comme vous le savez, le développement d'un rôle de défense et de sécurité pour l'UE a pris beaucoup d'importance, en large part parce que les Européens veulent assumer une responsabilité plus grande au niveau de la gestion des crises et réduire leur dépendance du soutien militaire américain.
À la réunion du Conseil de l'Union européenne à Helsinki, en décembre dernier, les dirigeants de l'UE ont annoncé un «Grand objectif» en ce qui concerne les capacités militaires, aux termes duquel les États membres conviendraient de développer collectivement, d'ici 2003, la capacité de déployer et de soutenir pendant un an sur le terrain des forces militaires pouvant compter jusqu'à 60 000 hommes.
En mars, l'UE a établi à titre intérimaire un comité politique et de sécurité et un comité militaire, ainsi qu'un état-major militaire à l'état embryonnaire.
Jusqu'ici, la mise en place des structures de sécurité a beaucoup plus progressé que le développement des capacités. Les membres de l'UE ont pris peu de mesures concrètes pour mettre en oeuvre le «Grand objectif». En fait, bon nombre de ces pays subissent de fortes pressions internes en faveur d'une réduction des dépenses de défense.
Cela dit, les nouvelles structures de sécurité sont bel et bien réelles, comme d'ailleurs la détermination de l'Union de finaliser et de mettre en oeuvre la politique européenne en matière de sécurité et de défense, le PESD.
[Traduction]
Le Canada a pour position en la matière qu'il appuie entièrement les mesures qui renforceront le pilier européen de l'OTAN. Cela étant dit, nous avons tout de même certaines réserves au sujet de ces initiatives. Par exemple, l'OTAN doit demeurer la principale organisation de sécurité et de défense en Europe. Elle ne doit pas devenir l'organisation de dernier recours. Nous souhaitons aussi que la prise de décision au sein de l'OTAN demeure fondée sur le consensus de ses 19 membres. Nous voudrions éviter qu'il ne se crée une clique de l'Union européenne au sein de l'alliance. La coopération entre l'OTAN et l'Union européenne sera vitale. Si elles veulent établir une relation constructive, ces deux entités devront développer une culture de transparence, de consultation et de coopération. Nous estimons que c'est dès maintenant qu'il faut définir ces liens institutionnels.
Une autre préoccupation clé concerne la participation de membres de l'OTAN qui ne font pas partie de l'Union européenne aux discussions et aux opérations de sécurité de l'union. Sans cette participation, il y aura inévitablement des divisions entre les membres de l'OTAN qui font partie de l'union et ceux qui n'en font pas partie. L'Union européenne a proposé des consultations avec des membres européens de l'OTAN qui ne font pas partie de l'Union européenne. Il s'agit-là d'un premier pas constructif. Toutefois, ce dialogue à «15 + 6» exclut le Canada. Il faudra donc faire en sorte de donner une voix au Canada.
Dans nos contacts bilatéraux avec l'Union européenne, nous avons proposé que soit examinée la position unique du Canada et que soit adopté un mécanisme de consultation Canada-Union européenne adapté en matière de sécurité et de défense. Nous n'avons pas encore reçu de réponse officielle à cette proposition, mais nous poursuivons nos discussions avec l'UE à ce sujet. La question figurera à l'ordre du jour du sommet Canada-Union européenne qui doit avoir lieu à Lisbonne, le 26 juin.
L'IESD et la PESD ont été un des principaux sujets de discussion, naturellement, à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN à Florence, réunion qui a d'ailleurs donné naissance à des tensions. M. Axworthy a rappelé la contribution du Canada à la sécurité européenne et son désir de continuer à y contribuer, y compris à de futures opérations dirigées par l'Union européenne. Toutefois, à cette fin, il faudra que le Canada ait un rôle qui lui convient dans le contrôle et la consultation au sujet de ces opérations. À la fin, cette réflexion est reprise dans le communiqué qui parle du besoin de convenir de modalités si l'on veut que le Canada participe à des opérations dirigées par l'UE et engageant le recours à des moyens et capacités de l'OTAN.
Les ministres de la Défense de l'OTAN discuteront de cette question lors d'une réunion qui aura lieu plus tard cette semaine, et le Conseil de l'UE se réunira au Portugal, du 19 au 20 juin, pour discuter des prochaines étapes en ce qui concerne la PESD et l'IESD.
Il est juste de dire que la France assumera la présidence de l'Union européenne en juillet et qu'elle voit ce domaine comme une de ses priorités.
[Français]
Au cours des semaines et des mois à venir, nous participerons activement aux discussions internes qui ont lieu au sein de l'OTAN au sujet de la sécurité et de la défense européennes.
Nous continuerons de souligner l'importance pour l'OTAN de garder le contrôle de l'utilisation faite des capacités et des moyens communs auxquels tous les alliés contribuent.
[Traduction]
Mme Jill Sinclair, directrice générale des Enjeux humains et mondiaux, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président, je vais vous décrire la plate-forme de la sécurité humaine. Étant donné qu'il s'agit de travaux plus ou moins en cours, la valeur réelle de mon exposé sera la discussion qui suivra. Il me tarde donc de l'amorcer.
La sécurité humaine est une approche pratique à une nouvelle politique étrangère. Le concept n'est pas tout à fait nouveau pour les Canadiens. On s'arrête peut-être parfois difficilement à y réfléchir parce qu'elle semble si logique et si sensée. Je dis cela parce que la plate-forme de la sécurité humaine est profondément ancrée dans les valeurs qui sont chères aux Canadiens depuis longue date et que l'on retrouve dans notre Charte. Elles sont énoncées au niveau international dans la Charte des Nations Unies et dans des documents comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Donc, la plate-forme de la sécurité humaine vise à concrétiser ces valeurs et ces normes qui font partie de la réalité canadienne depuis longtemps et à faire en sorte que ce ne sont pas seulement des voeux pieux, au niveau international.
Hier, je suis revenue de Windsor, ce qui explique en partie que je n'aie pu vous remettre un exposé écrit de ce que je dirais aujourd'hui. La plate-forme de la sécurité humaine est en train de s'imposer sur la scène mondiale. J'ai suivi le débat des ministres et j'en ai entendu une douzaine -- et il y en avait une douzaine d'autres quand j'ai quitté la salle -- parler de sécurité humaine en termes très concrets pour les Amériques. Ils ont parlé de drogues, du problème des armes légères et de la question des enfants victimes de la guerre. C'est une plate-forme qui a des échos partout dans le monde; elle fait aussi vibrer les Canadiens. Nous avons le sentiment de vraiment accomplir quelque chose de très utile pour les Canadiens, mais la plate-forme fait aussi évoluer de manière très concrète le monde entier en vue, comme nous disons chez nous, de recentrer sur l'humain, une définition simple mais claire, j'espère, de ce qu'est la sécurité humaine.
Nous pourrions intellectualiser la sécurité humaine, et je peux le faire si vous le souhaitez. Toutefois, il est plus facile de s'en tenir à une définition simple, soit de recentrer sur l'être humain. Ce que nous tentons de faire, dans le cadre de la sécurité humaine, c'est de créer un milieu qui permet aux gens de vivre sans crainte, de prospérer et de réaliser leur plein potentiel. Ce n'est pas plus compliqué que cela. En réalité, le concept est très simple. Ce que nous tentons de faire, c'est de mettre l'accent ou d'insister davantage sur l'être humain plutôt que sur l'État-nation.
Cela ne veut pas dire que la sécurité humaine remplace la sécurité classique. Paul Meyer et moi travaillons main dans la main dans de nombreux dossiers. J'ai longtemps travaillé dans le domaine de la sécurité. J'ai travaillé avec le sénateur Roche au contrôle des armes et au désarmement. Il n'y a pas de contradictions. Ce sont les deux côtés d'une même médaille. Si nous voulons mettre en place une véritable sécurité, il faut l'examiner sous tous ses aspects. Cela veut dire qu'il faut s'arrêter non seulement aux questions de souveraineté et de sécurité nationales, mais également à la base, en d'autres mots qu'il faut penser en termes de sécurité individuelle.
Manifestement, c'est une plate-forme dont le ministère des Affaires étrangères fait la promotion. Je suis heureuse de pouvoir dire qu'il s'agit d'une plate-forme prônée par tout le gouvernement. Dans son discours du Trône, le premier ministre a parlé de la sécurité humaine. En fait, dans le budget, des ressources de 10 millions de dollars par année ont été réservées à la sécurité humaine pour les cinq prochaines années.
Le gouvernement tout entier a adopté cette plate-forme. Quand je m'entretiens avec des collègues de l'ACDI, elle est présente. Le développement est l'absence de besoins. La sécurité humaine est l'absence de crainte. Ce sont les deux côtés de la même médaille, et l'un ne va pas sans l'autre.
Je m'entretiens avec mes collègues du ministère de la Défense nationale au sujet de la sécurité humaine. Nous examinons la protection et l'accroissement des opérations de maintien de la paix, ainsi que des mesures plus efficaces de prévention des conflits qui alimentent directement une plate-forme qu'ils peuvent comprendre et appuyer. De la même façon, nous discutons de questions de sécurité publique avec le solliciteur général. Nous parlons de crimes, de drogues et de terrorisme avec Santé Canada. Il s'agit d'une plate-forme transversale, qui nous donne à tous l'occasion d'avoir un programme gouvernemental canadien cohérent, intégré et cohésif. Nous tentons de convaincre la communauté internationale d'adopter cette plate-forme et nous encourageons des organismes comme les Nations Unies à travailler d'une manière tout aussi horizontale et intégrée. Il s'agit d'une nouvelle façon de faire qui en perturbe certains. C'est difficile parce que nous demandons aux gens de changer leur façon de faire et non seulement d'examiner une question comme le problème de la prolifération des armes légères sous l'angle d'exécution de la loi, comme une question d'approvisionnement peut-être irresponsable, mais également de s'interroger sur les causes du problème. Pourquoi y a-t-il une demande pour des armes légères? Quelles sont les sources d'insécurité sur le terrain qui provoquent de tels transferts d'armes et y incitent?
S'il faut traiter de pareilles questions, s'il faut traiter de la question des enfants victimes de la guerre, il faut le faire de manière globale. Voilà la contribution de l'approche de la sécurité humaine à ces questions. Elle exige que nous nous y prenions un peu différemment en matière de politique étrangère.
Certains domaines prioritaires de notre plate-forme comprennent les mines terrestres. La question des mines terrestres n'est pas réglée. Elle ne fait que commencer. Nous avons un traité. La clé maintenant est de le mettre en oeuvre. Comme 95 pays l'ont ratifié jusqu'ici, les résultats sont extrêmement bons. Presque tous les pays de notre hémisphère ont signé la convention, à l'exception des États-Unis. Le Canada mène actuellement une campagne visant à en assurer la mise en oeuvre, à déminer et à aider les victimes. La sécurité humaine se préoccupe du niveau local, du niveau personnel.
Le Canada accueillera une importante réunion internationale à Winnipeg, en septembre, afin de se pencher sur la question des enfants victimes de la guerre, non seulement de l'utilisation d'enfants dans des conflits et dans des combats, ce qui a fait l'objet d'un protocole facultatif, mais également la question de leur réadaptation et réintégration dans des sociétés où ils ont été traumatisés.
Cette question n'intéresse pas que l'Afrique, les Amériques et l'Asie. Dans des consultations que nous avons eues avec la société civile ici, nous avons constaté que nous comptons beaucoup d'enfants victimes de la guerre au Canada, parce que nous avons accueilli tant d'immigrants qui ont dû fuir leur pays. Ces questions intéressent donc les Canadiens.
J'ai parlé tout à l'heure des armes légères. C'est une de nos grandes priorités. Nous nous préparons à une conférence internationale sur le sujet qui sera organisée par les Nations Unies.
La question des drogues est manifestement très en évidence au programme de l'Hémisphère, mais c'est une question qui touche directement les Canadiens. Il faut obtenir la participation de nos partenaires de l'Asie et des Amériques si nous voulons vraiment régler ces problèmes et les problèmes connexes comme le crime international et la perturbation des structures de gouvernement au sein de démocraties qui ne sont pas encore fermement ancrées et qui sont contestées et menacées par les barons de la guerre et les organismes criminels internationaux.
Toute la question de la reddition de comptes au niveau international est aussi au coeur de la plate-forme de la sécurité humaine. J'en reviens à la question de du Tribunal pénal international. Comme l'a déjà dit Kathryn, nous savons que vous examinerez bientôt le projet de loi C-19. Ce tribunal aura beaucoup d'impact sur la façon dont est dirigé le monde. Il signifie en fait qu'il n'y aura pas de refuge pour ceux qui sont prêts à commettre des atrocités contre leur propre peuple. Il existera un régime juridique international pour traiter de ce problème.
Hier, le Venezuela a annoncé qu'il ratifierait le Statut de Rome, une nette progression pour ce pays. Plusieurs autres pays de l'Hémisphère et d'Europe lui emboîteront le pas. Nous espérons que, maintenant que 11 pays ont ratifié le Statut de Rome, nous pourrons passer rapidement aux 60 autres ratifications requises pour qu'entre en vigueur le document.
Nous nous concentrons aussi sur la participation de nouveaux partenaires à l'établissement de la sécurité humaine. Cela inclut l'entreprise privée et la question de la responsabilité sociale des sociétés, autrement dit la régie des sociétés. Quel est le rôle de l'entreprise privée? Comment pouvons-nous travailler en tandem avec l'entreprise privée pour promouvoir un bon comportement?
Il existe déjà plusieurs amorces importantes dans ce domaine au Canada. Ainsi, des codes de déontologie montrent que l'éthique dans les affaires rapporte. Toutefois, c'est un domaine nouveau pour la plate-forme de la sécurité humaine.
Je vais aussi mentionner en passant la question de la prévention des conflits, car le meilleur moyen de réaliser la sécurité humaine est de prendre des moyens de prévention efficaces.
La sécurité humaine est aussi fonction de la création de nouveaux partenariats. J'ai déjà parlé de l'entreprise privée, mais le partenariat avec la société civile pour construire cette plate-forme et la mettre en oeuvre est absolument essentiel. Il a été crucial au succès de la campagne visant à interdire les mines terrestres. Il sera la clé du succès du Tribunal pénal international pour traiter des enfants victimes de la guerre et de nombreuses autres questions relatives à la plate-forme de la sécurité humaine.
Nous avons un programme visant à obtenir la participation systémique et soutenue de la société civile au programme d'action, à partir de son élaboration -- qui se fait ouvertement -- jusqu'à la responsabilité gouvernementale de son exécution, en passant par sa mise en oeuvre.
Par ailleurs, nous cherchons de nouveaux partenariats à l'échelle de la planète. Nous travaillons depuis toujours au sein du G-8, de l'OSCE et de l'OTAN. Ce sont de bonnes tribunes pour ce programme que nous ne cessons d'ailleurs de promouvoir.
Nous cherchons également de nouveaux partenariats entre le nord et le sud afin de pouvoir tirer avantage de l'évolution de la situation internationale. Cela signifie que nous pouvons travailler avec les pays de l'Europe centrale et de l'Est, avec l'Afrique du Sud, avec le Mali, avec la Thaïlande.
Le ministre Axworthy a créé un réseau de sécurité humaine qui rassemble 13 pays auparavant diamétralement opposés et qui travaillent ensemble sur un programme d'action pour la sécurité humaine, dans un but commun.
Le programme d'action pour la sécurité humaine vise également à rendre les institutions existantes plus fonctionnelles. Nous travaillons très fort, par exemple, au sein des Nations Unies. Grâce à notre présence, nous avons rendu le Conseil de sécurité plus transparent, plus responsable et plus ouvert que jamais.
Nous avons également inscrit de nouvelles questions à l'ordre du jour du Conseil de sécurité. L'une d'elles, par exemple, vise la protection des civils dans les conflits armés. Comment assurer la protection des réfugiés dans les camps de réfugiés? Comment s'assurer que nous donnons aux opérations de paix des mandats qui permettent de faire ce qui s'impose pour protéger ceux qui subissent le contrecoup des conflits?
Honorables sénateurs, ce sont quelques-uns des éléments de notre programme d'action pour la sécurité humaine.
M. William Crosbie, directeur général intérimaire, Direction générale de la politique commerciale II -- Services, investissement et propriété intellectuelle, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Honorables Sénateurs, vous n'êtes pas sans savoir que le Canada est l'un des pays qui depuis longtemps, appuie la notion d'un système commercial basé sur des règles. Notre pays est l'un des premiers concepteurs de L'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui a été signé en 1947. Depuis, nous avons participé très activement aux rondes de négociations commerciales multilatérales.
Je vais parler un peu de la rencontre de Seattle, car je comprends que c'est l'un des domaines dont vous souhaitez débattre. Avant de le faire, toutefois, je vais vous décrire brièvement ce que nous avons fait pour nous préparer pour cette rencontre de Seattle.
[Français]
Pour le Canada et pour le gouvernement, un processus de négociation était extrêmement important avant la réunion de Seattle afin de préparer la position canadienne. Nous avons lancé un processus de consultation qui comprenait un avis, une publicité dans la Gazette de Canada pour inviter les Canadiens à poser leur point de vue sur les négociations chez l'OMC. Le comité permanent a commencé des séances pour tout le Canada sur les négociations. Ils ont invités des témoins dans tous les secteurs de la société -- des civiles aussi -- pour discuter des questions qui étaient en lice devant l'OMC.
De plus, nous avons commencé des consultations sectorielles par tout le Canada sur certaines questions épineuses comme le commerce et nos gouvernements, la politique de concurrence, l'investissement et d'autres sujets.
Le ministère des Affaires étrangères a organisé deux grandes sessions de consultation de tous les intéressés, en particulier, des représentants de la société civile, sur des questions de négociations commerciales, qui étaient présidées par notre sous-ministre, et auxquels le ministre du Commerce international a participé.
[Traduction]
Le Canada a passé beaucoup de temps à se préparer pour les négociations de Seattle et a consulté les Canadiens pour être sûr que les positions adoptées étaient appuyées non seulement par les industries touchées, mais aussi par tous les intervenants du système: les gouvernements provinciaux, les organisations non gouvernementales et les Canadiens en général. Nous avons reçu beaucoup de commentaires sur notre site Web ainsi que dans le processus de la Gazette du Canada. Nous avons reçu des centaines de commentaires et de mémoires, qui ont été également présentés au comité permanent. Tout ceci a permis de modeler les positions que nous voulions éventuellement défendre à Seattle.
Toutefois, comme vous le savez très certainement, la rencontre de Seattle n'a pas permis de décider le lancement d'une nouvelle ronde de négociations, comme nous l'avions espéré. La rencontre de Seattle a échoué pour plusieurs raisons. En ce qui nous concerne, nous avons été heureux de voir que les Canadiens ont participé très activement au travail de notre délégation et qu'ils ont permis d'élaborer les positions canadiennes, non seulement avant Seattle mais aussi à Seattle. La délégation comprenait un nombre assez important de ministres provinciaux, ainsi que des représentants des industries et des organisations non gouvernementales.
Comment expliquer l'échec de Seattle? Nous avons tous vu ce qui est passé à la télévision. Il ne fait aucun doute que les manifestations qui se sont déroulées à l'extérieur des salles de réunion traduisaient de véritables préoccupations de la part de nombreuses personnes. Elles ont eu également un effet sur ce qui s'est passé à l'intérieur des salles de comité. Toutefois, en général, on s'accorde pour dire qu'avant d'arriver à Seattle, on n'avait pas réussi à obtenir l'appui des pays membres de l'OMC pour une négociation à grande échelle.
Les divergences de vue entre certains des principaux intervenants ont été telles que la recherche d'un compromis à Seattle n'a pas été possible. Par exemple, les différences entre le Canada, le groupe de Cairns et les États-Unis, qui recherchaient un engagement pour d'ambitieuses négociations sur l'agriculture, par opposition à l'Union européenne et au Japon, qui s'opposaient à d'importantes négociations dans ce domaine, ont creusé un fossé qui n'a pas pu être comblé au cours des quelques jours passés à Seattle.
Par ailleurs, certaines des positions des États-Unis ont suscité beaucoup de critiques. Les États-Unis étaient complètement opposés à toute éventualité de négociation dans le domaine des règles antidumping et des lois visant à corriger certaines pratiques en matière de commerce. Ils ont refusé de reconnaître que cela devait faire l'objet de négociations, comme l'affirmaient avec insistance le Canada et beaucoup de pays en développement. En fait, les États-Unis se sont retrouvés seuls contre le reste du monde à ce sujet.
Les normes de travail sont une autre question au sujet de laquelle les États-Unis se sont montrés inflexibles. Le Canada, les États-Unis et beaucoup d'autres gouvernements souhaitent que l'on s'attarde sur la question des normes de travail et que la coopération soit meilleure entre l'organisation responsable des questions internationales du travail, soit le Bureau international du travail, et l'OMC. Toutefois, les États-Unis ont choisi d'adopter une position assez extrême à Seattle et ont insisté pour que certains acceptent que les normes de travail fassent partie des futures négociations, allant même jusqu'à suggérer que peut-être le recours aux sanctions commerciales soit approuvé dans certaines circonstances. Cela a suscité beaucoup d'opposition de la part des pays en développement qui auraient peut-être accepté des discussions sur les questions liées aux normes de travail, mais qui ont brutalement réagi, dès que cela a été assorti d'un éventuel recours à des sanctions commerciales.
Mis à part ces questions particulières, il faut également dire qu'il s'est creusé un fossé entre le nord et le sud, si l'on considère que le nord se compose des riches pays industriels et le sud, des pays en développement. Beaucoup de pays en développement se sont dit inquiets et ont déclaré qu'ils auraient de la difficulté à respecter leurs obligations actuelles, qu'ils n'avaient peut-être pas la capacité technique d'apporter tous les changements requis et qu'ils ne pourraient pas créer d'opportunités par suite de l'accès au marché découlant des accords OMC.
Le ministre Pettigrew prend à coeur les problèmes réels des pays en développement et veut réagir. En fait, il a présidé le groupe de travail à la rencontre de Seattle qui tentait notamment d'aborder les problèmes de mise en oeuvre exposés au grand jour par les pays en développement.
Par ailleurs, il est apparu clairement au cours du processus de préparation à Genève, processus qui a duré neuf mois en 1999, qu'il était vraiment impossible de concilier les divers points de vue. Par conséquent, nous n'avons pas été du tout surpris qu'il soit impossible de combler ces fossés une fois arrivés à Seattle, car nous avions fait très peu de progrès dans les discussions préalables à Seattle.
Le gouvernement a pris très au sérieux les protestations à Seattle. Selon nous, bien des préoccupations exprimées transparaissaient dans l'approche du Canada aux négociations commerciales. Nous reconnaissons également que beaucoup des préoccupations exprimées dépassent de loin la question du commerce. Il s'agit de préoccupations à propos de la mondialisation, de l'impact sur les particuliers et de la capacité des gouvernements à réglementer. Nous abordons ces questions de diverses façons et avons l'intention de continuer à le faire.
Que va-t-il se passer maintenant? À Seattle, nous n'avons pas réussi à susciter un consensus pour des négociations de vaste portée. Toutefois, malgré Seattle, les membres se sont déjà engagés à entamer des négociations pour une plus grande libéralisation dans les domaines de l'agriculture et des services. Étant donné que Seattle n'a pas permis de fixer de points de repère pour ces négociations, il faut dire que l'on ne s'attend pas vraiment à de rapides progrès à cet égard. Cela étant dit, il y a encore beaucoup de travail que l'on peut faire et qui se fait à Genève, ainsi que du travail que l'on peut faire avec les Canadiens afin d'élaborer les priorités et les positions du Canada pour ces négociations.
Nous essayons ensuite de répondre aux préoccupations des pays en développement en proposant un ensemble de mesures visant à instaurer la confiance de ces pays membres et de tous les membres de l'OMC, ainsi qu'à réagir face aux problèmes réels qu'ils rencontrent. Le directeur général de l'OMC a pris l'initiative de déployer tous les efforts nécessaires pour mettre au point une assistance technique liée au commerce. Il a également réussi à susciter un consensus visant à créer un nouveau mécanisme permettant d'examiner, en fonction de chaque cas, les problèmes de mise en oeuvre auxquels se heurtent les pays en développement.
Enfin, le Canada et plusieurs autres pays examinent les façons dont ils pourraient unilatéralement ouvrir un accès accru au marché dans les domaines intéressant les pays en développement, pour leur montrer que nous tenons à travailler avec eux, de manière à créer un consensus qui, nous le savons, est indispensable si l'on veut combler le fossé entre le Nord et le Sud, ainsi qu'entre l'Est et l'Ouest.
M. David Karsgaard, directeur, Direction des relations économiques avec les pays en voie de développement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Honorables sénateurs, je vais être bref pour deux raisons. Premièrement, je crois qu'une note a été distribuée dans les deux langues officielles au sujet de notre rôle sur les politiques de développement. Deuxièmement, contrairement à mes collègues, je ne travaille pas dans un domaine pour lequel le ministère a la responsabilité ultime. L'ACDI a la responsabilité première pour ce qui est de la formulation et de l'élaboration des politiques canadiennes de développement international, mais nous travaillons en étroite collaboration avec l'agence à cet égard. Dans la note qui a été distribuée, nous identifions cinq domaines dans lesquels nous travaillons avec l'ACDI, dont deux ont été déjà abordés par Mme Sinclair et M. Crosbie.
Je ne veux pas répéter ce que contient cette note. Pour gagner du temps, je vais simplement la compléter en ajoutant dans plusieurs des catégories d'autres exemples de la façon dont nous travaillons avec l'ACDI au développement et à la mise en oeuvre de l'aide internationale apportée par le Canada.
Comme je l'ai dit, nous avons identifié cinq catégories.
[Français]
Premièrement, le dialogue sur les politiques de développement international.
[Traduction]
Plusieurs organisations multilatérales s'occupent des politiques de développement -- l'OCDE, les Nations Unies -- et, conjointement avec l'ACDI, nous envoyons des délégations à ces discussions. Deux rencontres importantes doivent avoir lieu au cours de l'année prochaine et j'aimerais les porter à votre attention. La première, parrainée par la CNUCED, porte sur les pays les moins développés. Ce sera la troisième d'une série de conférences sur les problèmes et défis particuliers auxquels sont confrontés les pays les moins développés, les pays les plus pauvres.
Deuxièmement, pour la première fois, une conférence parrainée par les Nations Unies, mais à laquelle les institutions créées en application des accords de Bretton Woods, le FMI, la Banque mondiale et l'OMC participeront également, se penchera sur la question du financement du développement. Nous travaillons pour nous assurer qu'il ne s'agit pas simplement d'une demande faite aux pays donateurs d'augmenter leurs niveaux d'APD, mais pour que cette conférence examine toutes les façons d'améliorer l'efficacité du financement du développement, en utilisant les ressources du secteur privé, ou des ONG.
Un second volet du travail du ministère porte sur les institutions créées en application des accords de Bretton Woods. Elles ont une grande influence sur ce qui se passe dans le domaine du développement, simplement en raison de l'éventail des ressources mises à la disposition d'institutions comme le FMI et la Banque mondiale. Nous devons prêter particulièrement attention à ce qu'elles font. Plus précisément, pour ce qui est du rôle du ministère et du plan d'action du ministère en matière de politique étrangère, je peux, si vous voulez, vous donner un exemple précis de la façon dont cela fonctionne.
Il y a quelques semaines, une proposition relative à un projet de la Banque mondiale en Iran a été présentée. En raison de nos inquiétudes au sujet du procès des Iraniens accusés d'espionnage, du manque de procédure judiciaire équitable et de l'absence de respect de la loi et des droits de la personne, nous avons voté contre ce projet. Il y a des cas où des questions politiques précises interviennent dans l'examen des questions de développement, et ces questions sont examinées par les institutions financières internationales.
Les relations bilatérales sont un troisième domaine général dont je ne veux pas trop me mêler personnellement, car nos bureaux et services géographiques qui s'occupent des relations bilatérales travaillent directement avec leurs homologues de l'ACDI. Je peux vous dire toutefois qu'ils travaillent en étroite collaboration pour déterminer la nature, la forme et la structure des programmes d'aide bilatérale. Comme vous le savez, M. Axworthy et Mme Minna comparaissent souvent ensemble ou publient des communiqués conjoints pour annoncer de nouvelles initiatives et de nouveaux programmes d'aide pour des pays ou des projets particuliers.
Le commerce international est le quatrième domaine. M. Crosbie a déjà abordé plusieurs des questions que nous examinons à cet égard. En raison essentiellement de l'intérêt manifesté par M. Pettigrew, nous nous concentrons sur la question de cohérence. Je parle ici de cohérence sur deux plans: la cohérence des politiques internationales, telle qu'elles se rapportent au développement, et la cohérence des programmes. Nous mettons l'accent sur la cohérence des politiques, car nous nous sommes aperçus que parfois, les conditions que les institutions créées en application des accords de Bretton Woods, le FMI ou la Banque mondiale voudraient imposer à un pays donné, ne sont pas les mêmes que les obligations pour lesquelles ce pays s'est engagé aux termes de l'OMC, à propos de la libéralisation des tarifs douaniers, par exemple. Nous travaillons sur la cohérence des politiques à l'égard des pays en développement.
La question de la cohérence des programmes se pose également. Il y a tellement de donateurs multilatéraux et bilatéraux qui se manifestent dans les petits pays en développement que je me demande parfois comment ils ont le temps de faire du travail, car ils ne font que rencontrer une délégation après l'autre. Il reste beaucoup de travail à faire en matière de coordination des programmes des institutions multilatérales, des banques et des donateurs bilatéraux. Nous travaillons avec l'ACDI, avec le ministère des Finances, ainsi qu'avec ces institutions, pour essayer de promouvoir cette coordination.
Je ne pense pas devoir m'attarder en détail sur le cinquième domaine, car Mme Sinclair a déjà parlé de certains des objectifs de politique étrangère spécifiques identifiés dans la note que nous avons distribuée, comme par exemple, la sécurité humaine. Il est bien sûr évident que le développement ne peut pas avoir lieu dans des situations de conflit ou lorsque la sécurité humaine d'une personne est en danger. C'est un domaine sur lequel nous travaillons, avec Mme Sinclair et avec l'ACDI.
Le sénateur Corbin: J'aimerais relier deux activités du ministère, l'une étant le concept de la sécurité humaine, dont notre comité souhaiterait avoir une meilleure définition, et l'autre étant les programmes d'aide étrangère. Comment arrivez-vous à concilier l'aide avec des préoccupations comme la sécurité humaine, lorsque vous traitez avec des régimes dominés par la corruption? Prenons l'exemple du Sénégal et de la Côte d'Ivoire. Plusieurs pays européens ont décidé de réduire leur aide. Ils ont inscrit sur une liste noire plusieurs pays auxquels ils ne vont plus donner de l'aide, à moins qu'ils n'aient considérablement réduit leur aide ou averti qu'ils vont considérablement diminuer leurs programmes de développement si la situation ne change pas. Que fait le Canada de son côté? Je n'ai pas vu le Canada prendre position au sujet de cette question. C'est très bien de promouvoir le développement et d'aider les enfants, les femmes, et cetera, mais les programmes d'aide sont utilisés à l'avantage de régimes dominés par la corruption et les fonds finissent dans des banques en Suisse ou ailleurs. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? C'est une préoccupation canadienne. Ce n'est pas quelque chose que vous lisez dans les journaux européens uniquement.
J'aimerais faire une autre observation générale, monsieur le président. Ce ministère est doté de deux ministres, de trois secrétaires d'État, d'une multitude de programmes et d'une agence qui n'a jamais été créée par le Parlement. Je me demande comment tout arrive à cadrer. Tous ces gens doivent passer beaucoup de temps dans des réunions pour savoir ce que font les autres. Ce n'est pas une critique de ma part, je veux simplement savoir ce qui se passe.
Mme Sinclair: Je donnerai une partie de la réponse, et Paul Meyer pourra la compléter, parce qu'il a toutes sortes d'échanges directs avec l'ACDI.
Pour répondre à la première question, je vais vous donner une définition. Je vous ai donné la définition simple, qui donne la priorité aux gens, et j'ai dit que je pourrais vous en fournir une plus étoffée. Nous avons défini la sécurité humaine comme une condition ou un état qui se caractérise par l'absence de toute menace intense aux droits de la population, à sa sécurité ou même à sa vie. C'est une autre définition de la sécurité humaine.
Le sénateur Corbin: Est-ce que cette définition est acceptée à l'échelle internationale?
Mme Sinclair: Il n'existe aucune définition qui soit acceptée à l'échelle internationale pour l'instant, parce que le concept est assez nouveau. Les Nations Unies ont fait quelques travaux dans le domaine. Il y a environ deux ans, un rapport a été émis dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement, où il était question de la sécurité humaine. Il s'appuyait sur une définition qui était beaucoup plus axée sur le développement. Nous avons adopté une variation du thème de ce rapport. Notre définition est légèrement différente.
Quand je dis que la sécurité humaine est une oeuvre en progression, c'est exactement ce que je veux dire. La manière dont le Canada définit la sécurité humaine est une chose. La stratégie qui en découle, le plan d'action que j'ai décrit, fait état d'une série de points que nous jugeons prioritaires.
J'ai sillonné le monde en discutant de la question avec les gens. Au Moyen-Orient, ils me disent qu'ils comprennent instinctivement le plan d'action sur la sécurité humaine. Nous parlons à des gens dans une région, qui sont conscients du fait que l'armée ne les protège pas et qui savent que la sécurité est bien plus qu'une question de frontières. Ce dont ils veulent parler, c'est de l'eau -- c'est cela, pour eux, la sécurité humaine.
Comme la sécurité humaine signifie la sécurité au niveau de l'individu, elle revêt des caractéristiques tout à fait locales. Mais je vous ai donné la définition du Canada. J'ai entendu beaucoup de définitions hier, alors que j'assistais aux réunions de l'OEA. J'ai entendu les représentants des îles Caraïbes dire que, pour eux, la sécurité humaine ce sont les bananes.
Le sénateur Corbin: Je comprends que la définition évolue. Nous en avons entendu parler pour la première fois dans le dernier discours du Trône. C'est à ce moment-là qu'a été annoncée au Parlement, et au Canada en fait, toute cette approche de la sécurité humaine, relativement aux affaires internationales. Est-ce que c'est un concept en évolution?
Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous nous dites. Est-ce que tout cet exercice vise à transmettre les valeurs canadiennes à d'autres autorités?
Mme Sinclair: Si c'est ce que vous comprenez, monsieur le sénateur, alors je me fais manifestement mal comprendre. Le plan d'action sur la sécurité humaine a été formulé par le gouvernement, par le premier ministre, dans le cadre du discours du Trône, mais ce n'est pas là qu'il en a été question pour la première fois. Ainsi, le ministre Axworthy en a parlé à maintes reprises pendant deux ans. De fait, la campagne d'interdiction des mines terrestres est probablement le meilleur exemple qu'on puisse donner du plan d'action sur la sécurité humaine qui a été formulé et mis en oeuvre. Cet exemple a très bien illustré l'utilisation d'un système d'arme qui était considéré comme absolument nécessaire à la sécurité de l'État, comme faisant partie inhérente et intégrante des stocks des formes armées et comme quelque chose qui était tout simplement indispensable à l'armée, sans que cela soit remis en question. Nous avons émis l'avis que le coût pour l'humanité du recours à ces armes -- c'est-à-dire la dimension humaine de ce système d'arme -- pesait bien plus dans la balance que sa quelconque utilité militaire, et nous avons donc engagé les gens à interdire ce système d'arme. La conclusion de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel est la preuve que l'on peut fonder nos démarches sur la sécurité humaine, même si cela remet en question des systèmes d'arme très courants.
Je vous ai cité une définition que nous utilisons, et nous l'utilisons à l'échelle internationale. Nous ne visons pas à imposer à d'autres une définition strictement fondée sur le fait canadien.
Le président: Nous avons passé énormément de temps à traiter de l'OTAN. Dans notre rapport, nous avons demandé s'il y a une définition internationale de la sécurité humaine? Quelle réponse donneriez-vous à cela? Le gouvernement affirme que nous sommes allés au Kosovo pour des raisons de sécurité humaine. En conséquence de cela, semble-t-il, bien que je présume que nous ne le saurons jamais vraiment, les commandants de l'OTAN, si on en croit leurs affirmations, ont tué environ 6 500 personnes. Dans les rapports que nous avons lus des pathologistes espagnols, ils disent qu'ils sont rentrés chez eux irrités parce que le nombre de corps qu'ils ont examinés était de l'ordre des centaines, et non pas des milliers. Qu'avez-vous à dire du commentaire selon lequel, au nom de la sécurité humaine, nous avons tué 10 fois plus de gens en réalité qu'il n'y paraît? Les mots ont un sens, et avant d'agir, il faut avoir une idée claire du sens et de la définition de ces mots. Quelle réponse donneriez-vous à cela?
Mme Sinclair: La sécurité humaine a une définition assez vaste. Elle sous-entend l'intervention, mais l'intervention peut avoir diverses formes. J'ai parlé du plan d'action sur la sécurité humaine comme de quelque chose qui englobe tout, de la prévention du conflit à l'intervention humanitaire, mais l'intervention humanitaire est en bout de ligne. C'est une mesure de dernier recours. Ceux d'entre nous qui, comme moi, ont travaillé sur la situation des Balkans pendant quelques années ont assisté à neuf années d'abus systémique et croissant des droits de la personne. Nous avons constaté les efforts de l'OSCE pour envoyer des missions et leur incapacité de demeurer sur les lieux. Nous avons vu les efforts de prévention des conflits qui ont été déployés. Nous avons assisté à cette montée graduelle et systématique des abus flagrants à l'égard des droits de la personne.
Le président: Il y a deux semaines, dans le cadre d'une émission très intéressante de la SRC, l'on disait effectivement que la sécurité humaine a servi à manipuler la situation en fournissant à l'OTAN un prétexte pour intervenir. Dans cette émission, il était démontré très clairement, et les médias européens en sont certainement convaincus, que la situation a été manipulée sous le prétexte du concept de sécurité humaine. C'est sûr que personne n'est en faveur des atrocités et des meurtres. Je n'étais pas au courant de la mission d'observation de l'OSCE jusqu'à ce que j'en entende parler à la télévision. Tous ceux qui étaient censés être des observateurs semblaient avoir été des soldats ou des membres des pays de l'OTAN. Ils se fondaient sur un concept très controversé, la sécurité humaine, qui était si mal définie que, dans notre rapport, nous avons demandé à en connaître la définition. La raison à cela est que ce concept semble si facilement manipulé comme, d'aucuns le soutiennent, il l'a été dans le cas du Kosovo. D'autres pourraient ne pas penser ainsi. Que pouvez-vous répondre à cela, et à l'émission de la SRC, qui était très bien faite selon moi, qui connais bon nombre des personnalités qui y étaient citées?
Mme Sinclair: J'aimerais revenir sur certaines des autres questions qu'a posées le sénateur Corbin. S'il y a des gens pour manipuler la terminologie, l'intervention au Kosovo aurait pu être justifiée par n'importe quelle terminologie.
S'il y en a qui n'ont pas apprécié l'intervention, sauf votre respect, je vous dirais qu'ils peuvent user de ce langage contre nous aussi.
Le fait est que le problème durait depuis longtemps. Beaucoup de gens ne se sont ouvert les yeux sur la situation du Kosovo qu'après bien des années. Le Canada a envoyé la toute première mission à des endroits comme le Kosovo bien avant que quiconque puisse même prononcer leurs noms. La communauté internationale, par l'entremise du Haut-commissaire pour la minorité de l'OSCE, collaborait déjà avec les régiments en place dans la région dans l'espoir d'éviter justement ce qui est arrivé.
À un moment donné on doit se demander, s'il y a des violations systématiques, flagrantes et continues des droits de la personne, devons-nous rester les bras ballants? Peut-être que oui. Dans ce cas-ci, la réponse qu'a donné le gouvernement canadien et ses alliés de l'OTAN dans de nombreux pays du monde a été que, d'après les images qu'en diffusait la télévision, l'impression générale était qu'il fallait faire quelque chose.
Comme je le disais, l'on peut décrire la sécurité humaine en n'importe quels termes. Je ne pense pas que vous devriez voir dans la définition de la sécurité humaine la nécessité de l'intervention humanitaire. Ce n'est pas ce que ça veut dire. Il est certain que l'intervention humanitaire se trouve en périphérie parce qu'il faut démontrer par vos actions que vous prenez la sécurité humaine au sérieux. Mais ce n'est pas tout ce qu'englobe la définition.
Le sénateur Taylor: Vous n'avez pas l'impression d'avoir été manipulés.
Le sénateur Corbin: Est-ce que vous pourriez répondre à l'autre partie de ma question?
Mme Sinclair: Je laisserai avec plaisir M. Karsgaard y répondre, au sujet de la corruption.
M. Karsgaard: En ce qui concerne la corruption, je ne veux pas parler pour l'ACDI, mais nous nous soucions comme eux des effets de la corruption sur les programmes de développement, et de la mauvaise utilisation des deniers des contribuables. La question ne se pose même pas. C'est pourquoi, depuis une dizaine d'années environ, l'ACDI s'est démarquée de l'aide entre gouvernements pour attribuer une bien plus grande part de ses ressources -- en particulier, dans les pays qui font l'objet de préoccupations particulières -- aux ONG et aux groupes locaux, lorsque c'est possible.
D'un côté, nous voulons nous assurer que l'argent des contribuables ne se retrouve pas dans un compte suisse. De l'autre côté, il serait bien dommage de ne plus essayer d'aider les pauvres d'un pays rien que parce que leurs dirigeants sont corrompus.
L'un des moyens que nous ayons trouvés de réagir à cette situation est d'essayer d'éviter que l'argent passe par leurs mains, et de le verser directement aux ONG et aux groupes locaux. L'ACDI et nous-mêmes collaborons avec des organisations comme Transparency International, qui examinent la question de la corruption. Je peux vous dire qu'autant nous que l'ACDI nous sommes appuyés sur l'expertise des gens du bureau de Howard Wilson sur les questions de bonnes pratiques dans les autres pays.
Pour terminer, je ferai seulement remarquer que, lorsque le premier ministre a annoncé la contribution du Canada à l'allégement de la dette, en mars l'année dernière, il a dit très clairement que cet argent ne serait libéré que sous réserve de preuves tangibles qu'il serait utilisé à bon escient et qu'il découlerait de l'allégement de la dette des investissements dans la santé, l'éducation et d'autres programmes sociaux. C'est donc au nombre de nos préoccupations.
Nous subissons beaucoup de pressions de certains groupes pour tout simplement supprimer la dette de tous les pays en voie de développement, sous prétexte que c'est ce qu'il convient moralement de faire, ces pays n'ayant pas les moyens de faire face à leur dette. En faisant cela, nous ne ferions que permettre aux dirigeants de continuer à se remplir les poches.
Il faut créer un certain cadre, certaines procédures, certaines mesures de vérification et d'équilibre, pour nous assurer que ces pays sauront tirer parti de l'allégement de la dette de façon productive. C'est une préoccupation réelle, monsieur le sénateur.
Le sénateur Corbin: Existe-t-il un système quelconque de surveillance? Comment pouvez-vous vraiment vous assurer que ces sommes qui ne sont pas remboursées sont mises à contribution pour le bien national? Quelle technique est-elle appliquée?
M. Karsgaard: C'est l'une des choses sur lesquelles nous travaillons avec Transparency International et avec Howard Wilson.
Le sénateur Corbin: Est-ce que c'est une démarche à long terme?
M. Karsgaard: Oui.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais féliciter Mme McCallion. Elle a réussi, en 5 ou 10 minutes, à nous exposer les résultats fondamentaux du ministère l'année dernière. Je l'ai bien apprécié. Je ne veux pas dire par là que les autres exposés n'étaient pas valables. Ils ont tous été excellents.
Monsieur Meyer, sauriez-vous nous donner un aperçu de la réaction du ministère à notre rapport? Est-ce possible, ou est-ce contraire à la règle? Notre rapport portait sur l'OTAN, après tout, et vous êtes ici.
M. Meyer: Honorable sénateur, comme vous le savez, le ministère examine actuellement votre rapport, et nous ne sommes pas encore en mesure de vous fournir une réponse.
Le sénateur Bolduc: Je le comprends très bien.
Monsieur Crosbie, vous devez coordonner 23 agences qui préparent les documents sur vos activités et vos travaux sur l'Organisation mondiale du commerce. Comme il doit y avoir des élections présidentielles aux États-Unis dans quelques mois, nous ne nous attendons pas à grand chose comme résultats, comme vous l'avez dit. Croyez-vous qu'il pourrait y avoir quelque progrès après ces élections, en ce qui concerne les accords d'investissement? C'est très important pour les sociétés canadiennes de partout et pour les investisseurs de pouvoir savoir qu'ils sont en milieu sûr lorsqu'ils font des placements à l'étranger. Qu'en pensez-vous? Croyez-vous qu'il puisse y avoir des progrès d'ici deux ou trois ans dans ce domaine?
M. Crosbie: La plupart des pays ont les yeux rivés sur les États-Unis et le fait est que les élections présidentielles seront déterminantes pour la possibilité d'aller de l'avant avec les négociations. Ce n'est pas le seul facteur, comme je vous l'ai déjà dit. Tous les pays ne s'entendent pas sur bien des questions, notamment s'il convient d'avoir une ronde de négociation exhaustive sur tous les sujets imaginables, ou s'il vaudrait mieux nous en tenir à quelque chose de plus restreint.
Les gouvernements reconnaissent que le monde n'est pas immuable. Les économies s'intègrent et les échanges commerciaux se mondialisent. Les gouvernements vont devoir s'intéresser aux problèmes des nouvelles technologies, de l'essor du commerce électronique et de la technologie de l'information, de la croissance des investissements, de la politique de la concurrence et de la multiplication des échanges commerciaux sur la scène internationale. Je pense qu'on va finir par vouloir engager des négociations, mais probablement pas avant l'an prochain.
En ce qui concerne plus précisément les investissements, les discussions engagées jusqu'ici au sein de l'OMC indiquent qu'on ne tient pas vraiment à répéter ce que certains pays ont essayé de faire avec L'accord multilatéral sur l'investissement -- c'est-à-dire créer un ensemble de règles applicable à tous. On discute surtout de la nécessité ou non d'examiner des problèmes d'investissement particuliers. Je pense qu'on en arrivera probablement à une formule moins globale qui va cibler davantage les problèmes survenus et va établir, de façon plus graduelle, des règles multilatérales en matière d'investissement.
Le sénateur Bolduc: Sur le plan administratif, combien le ministère compte-t-il d'employés à temps plein?
Mme McCallion: Nous avons deux catégories d'employés -- le personnel canadien et les employés recrutés sur place. Je pense qu'il y en a 7 600 en tout.
Le sénateur Bolduc: Plus les 1 200 employés de l'ACDI.
Mme McCallion: Oui, mais c'est un organisme distinct.
Le sénateur Bolduc: Sur ces quelque 8 000 employés, combien travaillent dans le domaine du commerce international, ou domaine économique, dans le domaine de la sécurité humaine et dans le domaine de la défense et de la stratégie.
Mme McCallion: Il y a 1 000 délégués commerciaux, 185 employés affectés à l'aide internationale et 1 500 au commerce international.
Le sénateur Bolduc: Je vois ici qu'il y a à peu près 660 personnes rattachées à la sécurité et à la coopération internationales. Il y a combien d'employés dans les services consulaires?
Mme McCallion: Leur nombre est très limité. Ces services regroupent environ 200 personnes, éparpillées un peu partout. C'est un programme géré avec l'administration de nos missions. Nous avons 30 employés à temps plein à Ottawa, et les autres sont répartis dans toutes nos missions.
Le sénateur Bolduc: Combien y a-t-il d'employés affectés aux services ministériels?
Mme McCallion: Il y en a environ 1 000.
Le sénateur Bolduc: Il y a bien sûr les employés des services diplomatiques et les employés de bureau.
Mme McCallion: Je signale que je connais mieux le secteur commercial parce que je travaillais dans ce secteur encore récemment. Au sujet de l'examen des programmes, des employés canadiens ont été touchés par les compressions budgétaires et sont rentrés au pays, et nous recrutons plus d'employés sur place dans le secteur commercial. Ces mesures ont modifié la proportion des employés de ce secteur dans les années 90. Cependant, les ministres sont par la suite revenus sur la décision prise pour essayer de rétablir le service des délégués commerciaux à l'étranger. On s'est engagé à atteindre le ratio de 70-30.
Le sénateur Bolduc: Au sujet de l'affectation des ressources, je sais qu'il y a probablement plus de ressources en Asie qu'en Afrique compte tenu de la population. Cependant, l'ACDI dépense plus en Afrique qu'en Asie.
À ce sujet, que pensez-vous de l'affectation de vos ressources dans le monde? Avez-vous suffisamment de personnel en Europe et pas assez en Asie?
Mme McCallion: La proportion est assez équilibrée. C'est en Afrique que nous avons le moins d'employés. En Europe, il y en a assez. Toutes nos missions sont très restreintes maintenant et comptent peu d'employés. Nous n'avons pas de missions imposantes. À l'extérieur des capitales du G-8, nos missions sont beaucoup plus petites qu'avant.
Le sénateur Bolduc: Avez-vous beaucoup de consuls honoraires?
Mme McCallion: Oui, je crois que nous en avons 102.
Le sénateur Bolduc: Se trouvent-ils surtout en Asie?
Mme McCallion: Non. Ils se trouvent habituellement dans des localités éloignées des ambassades canadiennes, où des Canadiens peuvent avoir besoin d'aide. Il y en a dans des villes d'Afrique quand l'ambassade se trouve dans un autre pays. Il y en a beaucoup au Mexique. En hiver, il y a 35 vols directs entre le Canada et Puerto Vallarta. Nous avons un consul honoraire à Puerto Vallarta qui fait le travail de deux personnes. Nous avons aussi un consul honoraire sur la côte nord de Cuba parce qu'il y a beaucoup de touristes canadiens dans cette région du pays. Nous avons des consuls honoraires là où beaucoup de Canadiens peuvent avoir besoin d'aide.
Le sénateur Bolduc: Ma dernière question porte sur les normes du travail sur lesquelles nous insistons dans les négociations. Je crois que, tant que vous continuerez à insister là-dessus, ce sera difficile pour les pays sous-développés parce qu'ils ont l'impression que vous protégez nos syndicats. Ne vaudrait-il pas mieux concentrer nos efforts sur le bureau international du travail et laisser les mécanismes commerciaux suivre leur cours? Autrement, je ne vois pas où nous nous en allons. Cela va nuire à la conclusion d'une entente.
M. Crosbie: Le Canada n'a pas proposé que les normes du travail fassent partie des négociations commerciales. Nous avons dit qu'il convenait d'en discuter, mais il faut que ce soit fait par les bons intervenants. Par exemple, l'Organisation internationale du travail devrait participer aux travaux de l'OMC en tant qu'observateur, comme beaucoup d'autres organismes internationaux le font. Il serait utile qu'un groupe de travail se penche sur la question de la mondialisation, ce qui englobe l'étude des normes du travail, du développement, et de beaucoup d'autres questions qui font partie de la gestion des affaires internationales, mais qui ne relèvent pas nécessairement de l'OMC.
Le sénateur Bolduc: Quand vous dites cela aux Américains, que vous répondent-ils?
M. Crosbie: Je pense que les Américains vont adopter une approche plus pratique et plus raisonnable à l'avenir. Je pense qu'il y a eu certaines prises de conscience à Seattle. Ils ont indiqué avoir entendu l'opposition, et je pense qu'ils sont prêts à adopter une approche plus modérée pour en arriver à un compromis qui permettrait d'engager le dialogue, sans insister pour que cela fasse partie des négociations.
Le président: J'ai entendu le point de vue des Américains sur les normes du travail, et je les comprends d'une certaine façon. Que dites-vous à vos travailleurs qui ont accès à la libre négociation collective, quand vous importez plutôt les produits fabriqués par des travailleurs de Malaisie, par exemple, qui eux n'ont pas accès à la libre négociation collective? N'est-ce pas au coeur du problème? Comment peut-on exclure cette question des négociations?
M. Crosbie: C'est une préoccupation très légitime et nous essayons de régler le problème. C'est l'OIT qui s'occupe précisément de la question des normes du travail.
Le président: Mais on n'a jamais obtenu de résultats, comme nous le savons tous.
M. Crosbie: Nous sommes parvenus, au cours des cinq dernières années, à entreprendre un certain nombre de réformes au sein de l'OIT, dont la rédaction d'un projet de convention sur les droits humains fondamentaux, y compris le droit à la négociation collective, sans jamais réussir toutefois à s'entendre sur une série de principes de base. Les membres de l'OIT ont approuvé ce document. Nous avons également adopté une convention concernant les pires formes d'exploitation des enfants par le travail. Il n'y avait jamais eu de convention à ce sujet avant. Nous devons maintenant nous assurer que ces conventions sont respectées, y compris de la part des pays qui ne veulent pas en discuter au sein de l'OMC.
S'ils ont pris des engagements au sujet des normes du travail, ils doivent collaborer avec nous, au sein de l'OIT et ailleurs, pour améliorer les normes du travail. Donc, nous n'écartons pas la question, mais nous pensons qu'il faut en discuter au bon endroit. Cela n'exclut pas l'OMC, la Banque mondiale, le FMI ou d'autres organismes, mais l'OMC est seulement une des tribunes où le débat doit avoir lieu.
[Français]
Le sénateur De Bané: Madame Sinclair, j'ai beaucoup aimé votre présentation. En effet, outre les droits légaux, les droits formels, le droit de parole, le droit à un avocat, et la libre expression, nous ne pouvons exclure les droits qui touchent la vie réelle vécue quotidiennement, soit le droit à une eau propre et le droit de vivre dans la dignité. À mon avis, il me semble que c'est là, d'ailleurs, que les forces de gauche du vingtième siècle ont eu une supériorité sur la vision légale des choses.
[Traduction]
C'est une bonne chose de parler des droits fondamentaux, des droits juridiques et des droits officiels, mais on n'insiste pas encore assez sur les conditions de vie des gens. Cela dit, vous avez parlé avec éloquence et passion, et cela m'a impressionné mais, pour dire vrai, je doute beaucoup que mon pays soit résolu à vraiment agir au sujet de ce dont vous parlez.
J'aimerais vous soumettre un problème très simple pour voir si, d'ici une semaine ou deux, nous pouvons vraiment agir. C'est un défi assez simple à relever.
Récemment, comme vous le savez, l'armée israélienne a quitté le Sud-Liban. Du jour au lendemain, 7 500 Libanais sont partis s'établir en Israël. Il se trouve que le Canada est en bons termes autant avec Israël qu'avec le Liban. Nous ne pouvons avoir de meilleures relations avec ces deux pays. Parmi les 7 500 personnes qui ont quitté le Liban pour Israël, certaines ont été très actives dans l'armée du Sud-Liban. J'imagine qu'elles ne retourneront jamais au Liban parce qu'elles savent ce qui les attend. Mais la majorité des gens, bien sûr, sont des personnes âgées, des femmes et des enfants. Eux veulent désespérément retourner dans leurs villages.
Je crois que le Canada, compte tenu de sa sympathie, de sa crédibilité et de son influence à l'égard d'Israël -- qui aimerait bien, je pense, que ces personnes retournent au Liban -- et le Liban peuvent faire quelque chose pour venir en aide à ces 7 500 personnes.
Je vous soumets le problème et je demande que le Canada se serve de son influence sur ces deux pays pour faire quelque chose. Ces personnes veulent retourner dans leur pays d'origine. Elles savent qu'elles n'auraient pas dû partir. Aujourd'hui, elles veulent retourner dans leur pays. Je vous confie cette mission. Peut-être que le Canada, mon pays, peut insister pour que le Liban les accepte. On peut peut-être demander l'aide de la Croix-Rouge en Israël ou au Liban.
Je ne parle pas de ceux qui doivent subir les conséquences légales de leurs gestes. C'est autre chose. Ces personnes savent qu'elles iront en prison si elles retournent au Liban. C'est un autre problème. Je parle de questions humanitaires. J'aimerais que mon pays joue un rôle parce que c'est une affaire simple à régler. Ce sont deux pays auprès desquels nous exerçons une influence. Nous avons fait beaucoup pour ces deux pays. Je suis sûr qu'Israël aimerait qu'elles retournent dans leur pays. Je vous laisse y penser.
Le président: À qui votre question s'adresse-t-elle, sénateur?
Le sénateur De Bané: À Mme Sinclair, parce qu'elle a parlé avec beaucoup d'éloquence de cette question. Je suis tout à fait d'accord avec elle. Après avoir parlé des droits juridiques et fondamentaux, elle fait maintenant le point sur les conditions de vie réelle des gens. Cela m'a beaucoup touché. Merci, elle peut peut-être répondre à ma question.
Mme Sinclair: Sénateur De Bané, tout ce que je peux vous dire, c'est que je vais sûrement soumettre votre question à mes collègues du ministère des Affaires étrangères et bien leur expliquer ce que vous avez dit.
Le sénateur Taylor: J'aimerais d'abord dire à Mme Sinclair qu'elle sera en lice pour recevoir la médaille Pearson pour la paix si elle parvient à trouver une solution à ce problème.
Je tiens à rassurer le président que je ne vais pas me lancer dans ma longue diatribe habituelle au sujet de l'OTAN. J'ai passé une bonne partie de ma vie dans les Balkans. Pendant un certain nombre d'années, je crois qu'on nous a menés par le bout du nez à ce sujet, mais ce sera pour un autre jour. M. Turner aux États-Unis a tiré le maximum de nous.
J'aimerais parler du problème de l'Union européenne. Je veux poser une question sur l'Union européenne et l'OTAN. L'OTAN essaie de promouvoir la parité économique entre ses membres, et elle réussit à le faire en Europe, mais ce semble être un échec au Canada. Pour une raison quelconque, nous faisons partie de l'OTAN, mais nous n'avons pas droit aux mêmes avantages sur le plan commercial que les pays européens membres de l'OTAN. Je me demande si nous devons endurer cela encore longtemps.
L'OTAN impose des restrictions aux échanges commerciaux du Canada. Beaucoup de nos produits agricoles ne peuvent être exportés au sein de l'Union européenne, et pourtant nous sommes membres de l'OTAN. L'OTAN ne songerait pas à imposer des restrictions sur les exportations de la Hollande à destination de l'Allemagne. Nous faisons partie de l'OTAN et pourtant on nous défavorise continuellement. Que pouvons-nous faire?
Le président: Sénateur, je pense que vous parlez de l'Union européenne et non de l'OTAN.
Le sénateur Taylor: Non, il y a une disposition dans l'accord de l'OTAN qui précise que l'Organisation doit essayer de favoriser les échanges commerciaux. J'ai dit que l'Union européenne pratique le libre-échange. Pourquoi ignorons-nous toujours cette disposition concernant l'OTAN? Autrement dit, pourquoi ne sommes-nous pas inclus dans l'Union européenne? Si l'OTAN peut traverser l'océan, pourquoi l'Union européenne ne peut pas faire la même chose?
Le président: Le sénateur Taylor parle de l'article 2 du Traité de l'Atlantique Nord.
M. Crosbie: L'accord de l'OTAN ne comprend aucun engagement commercial. Les engagements dont vous parlez lient les membres de l'Union européenne, qui n'est pas une union de nature seulement économique, mais aussi politique. Les pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne -- les États-Unis, l'Europe centrale et d'autres pays membres de l'OTAN -- n'ont pas droit à des privilèges commerciaux parce qu'ils sont membres de l'OTAN.
Le Canada a proposé à la Communauté européenne de négocier un accord de libre-échange. Nous n'avons pas encore réussi à convaincre les Européens à ce sujet. Cependant, nous discutons avec eux des raisons économiques justifiant un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Je ne sais pas si nous réussirons à les convaincre, mais le Canada aimerait beaucoup conclure un accord commercial transatlantique.
À la place, nous avons engagé un processus de négociation avec la zone européenne de libre-échange, et nous avons rencontré quatre pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne pour discuter d'un accord de libre-échange avec le Canada. Nous espérons que les négociations vont aboutir bientôt.
Le sénateur Taylor: Quel est le point de vue de l'OTAN sur le programme de défense antimissile des États-Unis? Je sais ce que la Russie, le Canada et les États-Unis pensent, mais quel est le point de vue de l'OTAN? En a-t-elle un?
M. Meyer: Non, elle n'en a pas. Il n'y a pas d'entente entre les États membres de l'OTAN au sujet du projet américain. Les États-Unis ont intensifié leurs séances d'information et de consultation sur la question au sein de l'OTAN, mais je pense qu'on peut dire que les opinions sont très variées au sein de l'alliance et que le programme américain continue d'inquiéter des pays.
Le sénateur Roche: Comme nous étudions aujourd'hui le rendement, je tiens à signaler que le rendement de l'ambassadeur Chris Westdal qui a représenté le Canada à la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, organisée par l'ONU à New-York, a été absolument remarquable. J'ai fait une brève déclaration à ce sujet au Sénat et je ne vais donc pas me répéter ici, monsieur le président.
Je tiens simplement à signaler que la qualité des représentants du Canada qui sont au service de notre pays est trop souvent sous-estimée par le grand public. Pour ce qui est de l'ambassadeur Westdal, c'est lui qui a réussi à obtenir le consensus qui semblait se dégager à la conférence d'examen du TNP mais qui achoppait à cause d'un problème concernant les relations au Moyen-Orient. C'est Chris Westdal, habilement assisté par David Viveash, qui, en mettant à profit le travail de son prédécesseur Mark Moher, a permis au Canada de jouer un rôle de premier plan qui, selon moi, témoigne de la qualité du travail diplomatique que nous pouvons faire.
Monsieur Meyer, vous avez parlé de la déclaration de M. Axworthy à la réunion de l'OTAN qui a eu lieu à Florence il y a environ une semaine. Il a prononcé un excellent discours et a parlé sans détour à l'OTAN -- ce que je n'avais jamais vu avant.
Le président: Avez-vous une question à poser?
Le sénateur Roche: Dans son allocution, M. Axworthy a dit que l'OTAN doit assumer les responsabilités prises par ses pays membres à la conférence d'examen du TNP quand ils ont convenu de façon non équivoque de prendre des mesures en vue d'un désarmement nucléaire total. Le Canada et M. Axworthy ont ouvert la voie à un examen de l'OTAN à ce sujet.
Comme la déclaration de Florence était assez silencieuse sur le sujet, pouvez-vous me dire ce qui va arriver maintenant? Le Canada cherche-t-il à gagner l'appui de ces autres alliés de l'OTAN en ce qui a trait à la défense non nucléaire pour avancer à grands pas et rendre ainsi utile l'examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires?
M. Meyer: Merci, sénateur, je vous remercie de ces bons mots au sujet des efforts que déploie notre délégation à la Conférence d'examen du TNP. Comme vous l'avez dit, il est rare que les efforts déployés par nos diplomates soient reconnus au Parlement. Nous sommes très sensibles à ce vote de confiance.
En ce qui a trait à la Conférence d'examen du TNP, vous avez fait remarquer à quel point le discours de M. Axworthy était très direct. Il a essayé de toute évidence d'établir le lien entre ce qui se passe à New York dans le contexte du TNP et ce qui devrait se produire à l'OTAN en ce qui a trait à l'examen. Nous collaborons activement avec d'autres pays aux vues similaires à l'OTAN pour ce qui est d'aller de l'avant. Je ne voudrais pas déformer la situation. Notre tâche continue d'être pénible. Il y a beaucoup de résistance à certaines des propositions ambitieuses qu'a exposées M. Axworthy. Néanmoins, nous faisons des progrès.
On devient un peu spécialiste du décryptage des communiqués lorsqu'on occupe un emploi comme le mien. J'attire votre attention sur un renvoi au paragraphe 55 du communiqué de Florence où il est question de la nécessité d'un cadre pour un rapport intégré, avant la conclusion de ce rapport en décembre de cette année. Il s'agit d'une chose que nous demandons depuis un certain temps sans qu'un accord ait été conclu. Je crois que nous avons vu une petite victoire dans l'engagement pris dans le communiqué. Nous ne pouvons vraiment avoir un rapport substantiel si nous ne nous entendons pas au départ sur un cadre de travail.
Le sénateur Roche: J'ai aussi remarqué ce paragraphe. Il m'a incité à espérer qu'ils deviendraient sérieux au sujet d'un examen exhaustif en décembre peut-être.
Madame Sinclair, j'ai deux questions. Premièrement, je tiens à prêter tout mon appui...
Le président: Nous aimerions que vous posiez votre question, sénateur Roche. Il ne nous reste plus que 10 minutes et deux autres sénateurs désirent poser des questions.
Le sénateur Roche: Monsieur le président, je ne prends pas plus de temps que certains autres membres de ce comité. Je vais en venir immédiatement à ma question.
Je tiens à prêter tout mon appui au programme d'action pour la sécurité humaine pour toutes les raisons que vous avez eloquemment données à la fin de votre intervention principale, à savoir que cela va permettre aux institutions existantes de mieux travailler. Vous avez dit que le Conseil de sécurité des Nations Unies devient plus ouvert que jamais. Très prochainement, le Canada n'en sera plus membre. De quelle façon l'intégration du programme d'action pour la sécurité humaine au Conseil de sécurité survivra-t-elle au départ du Canada à la fin de cette année?
Mme Sinclair: Nous déployons à l'heure actuelle des efforts pour que le programme survive au départ du Canada. L'idée, bien sûr, c'est de trouver de nouveaux partenaires. Comme vous le savez, la Norvège tente d'obtenir un siège au sein du Conseil de sécurité. Nous cherchons à confier ce dossier à d'autres pays, par exemple le Bangladesh, le Mali et des pays tant du Nord que du Sud. Nous avons adopté une stratégie qui fera en sorte que gens ne pourront pousser un soupir de soulagement lorsque le Canada ne siégera plus au Conseil de sécurité parce que le programme nous survivra.
Le sénateur Roche: Vous avez mentionné les mines terrestres comme exemple de prédilection du programme d'action pour la sécurité humaine, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Convenez-vous avec moi qu'un des aspects fondamentaux du succès de la campagne d'élimination des mines terrestres d'Ottawa a été cette coalition ou coopération entre des pays aux vues similaires et que l'aile avancée de la société civile en a été un des pivots? Votre observation était très intéressante. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un système d'armes qui a été considéré jusqu'à maintenant tout à fait essentiel, et que pourtant avons pourtant abandonné. Croyez-vous pouvoir intégrer les armes nucléaires à cette équation?
Mme Sinclair: Nous tirons des leçons intéressantes de la campagne d'Ottawa.
N'oubliez pas que cette campagne nous a permis de convaincre un grand nombre de pays qui utilisaient des systèmes d'armes à y renoncer. Si nous parvenions à rallier à cette cause les États possédant des armes nucléaires, nous donnerions une certaine validité au processus. Nous devons y intégrer tous les partenaires. Nous y sommes parvenus avec la question des mines terrestres. C'est la raison pour laquelle ce fut une réussite et que la campagne a été efficace.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Comme je voudrais éventuellement participer à plein aux travaux de ce comité, je n'abuserai pas de la gentillesse du sénateur Stollery.
Je ne voulais pas parler mais écouter seulement, et lire vos documents. J'ai été un peu secoué par les propos de mon collègue et très bon ami, le sénateur Pierre De Bané. Probablement que j'ai mal compris, mais je veux être bien certain que je l'ai bien compris.
[Traduction]
C'est le quatrième événement auquel j'assiste avec les Libanais, qui se réjouissent de la libération du Liban-Sud. Le message pour le ministre est sans équivoque: il s'agit d'un débat passionné et nous devrions faire preuve d'une grande prudence.
Je signale au ministre, par votre entremise, tout d'abord, la sensibilité de la communauté au Canada. Deuxièmement, il n'y a aucun doute que ces personnes étaient des mercenaires et que certaines d'entre elles sont déjà de retour. Je me tiens quotidiennement au courant ours de la situation. Certains sont déjà retournés pour purger une peine de prison de trois mois. Ils doivent aussi penser à la réaction des autres qui les ont considérés comme mercenaires. Le mal est fait et si nous sommes perçus comme étant plus actifs là-bas que nous ne l'avons été au cours des 52 dernières années à l'égard de ceux qui pourrissent dans des camps palestiniens, le message pourrait être mal compris. Même si l'Allemagne vient tout juste d'annoncer qu'elle en prendrait 400 pour réduire la pression exercée sur Israël, j'espère que le message ne sera pas mal compris.
De toute façon, une lettre datée du 23 mars a été envoyée à la ministre Caplan. Personne alors ne savait qu'il y aurait un retrait. Elle est allée très loin. Je vais m'assurer que nous respections le contenu de cette lettre très claire.
Rappelez-vous que certaines de ces personnes étaient responsables des prisons et de la torture. Chacune d'entre elles doit être assujettie à un examen minutieux. Même si je suis très proche de la communauté libanaise, je vais examiner minutieusement le cas de chacun d'entre eux étant donné le très grand danger que cela représente pour la communauté au Canada. Il est très dangereux de se donner trop de mal avec le reste de la population du Liban-Sud qui a souffert et qui s'affaire à la reconstruction du pays. Ils font des miracles tous les jours. C'est difficile à croire, mais je le crois parce que je sais comment ils font les choses. Ils peuvent tuer le matin et aimer le soir. C'est tout à fait inhabituel.
Je ne dis pas cela pour contredire le sénateur De Bané, mais je veux achever son message.
Le sénateur Corbin: L'OMC à Seattle et à Genève et l'OEA à Windsor sont des exemples de situations où les forces policières interviennent maintenant. J'ai été heureux d'entendre le premier ministre dire que nous devons écouter les protestataires. À Seattle, les délégués et les gens qui vous accompagnaient sont passés à côté de quelque chose, en dépit des vastes consultations auprès des Canadiens. Il y vraiment un problème et je crois que la presse européenne en rend beaucoup mieux compte que la presse canadienne et ce, pour des raisons évidentes. Cela dépend de qui est propriétaire de la presse.
J'espère que nous n'entendrons pas des gens comme Thomas d'Aquino sur les ondes de Radio-Canada à partir de Seattle qui a dit: «Nous connaissons ces agitateurs. Ils étaient ici et ils étaient là à d'autres occasions.» Les gens qui participent à ces événements essaient de livrer un message. Je ne sais pas dans quelle mesure vous l'avez compris dans le cadre de vos vastes consultations avec les Canadiens, mais ce sont de véritables sujets de préoccupations et j'en partage un grand nombre. Les gens s'inquiètent d'un certain nombre de choses et les gouvernements semblent les reléguer au second plan.
Les gens s'inquiètent de choses aussi simples que l'étiquetage des OGM. Nous refusons de faire cela au Canada. Vous êtes au courant d'incidents relatifs à des organismes génétiquement modifiés en Europe. Vous connaissez leur position commerciale à cet égard. Vous savez que les pays du Tiers Monde s'inquiètent de ce qu'on leur impose des semences génétiquement modifiées après avoir été dépouillés de leurs stocks de semences.
Si nous n'êtes pas plus attentif, peu importe le nombre de policiers et de miliciens que vous faites intervenir, ces protestations prendront de l'ampleur. Nous nous retrouverons dans une situation qui explosera comme dans le cas des démonstrations antinucléaires des années 50. J'aimerais que vous écoutiez ces gens parce que ce sont ceux que je représente. Ils sont les porte-voix des problèmes nationaux, des gens qui n'ont pas souvent l'occasion de s'exprimer, qui n'appartiennent pas à l'élite. J'étais quelque peu satisfait d'entendre le premier ministre du Canada dire, l'autre jour, à Windsor que nous devons prêter une oreille plus attentive à ce que ces personnes essaient de nous dire. En tant que parlementaire, je suis d'accord sur ce point.
Mme McCallion: Sénateur, j'ai présidé la dernière réunion ministérielle dans le cadre du processus de la ZLEA qui s'est terminé à Toronto en novembre dernier, deux semaines avant le sommet de Seattle. Nous avons eu de la chance de tenir cette réunion avant les événements de Seattle. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous dire que cette réunion a été l'une des plus réussies en ce qui a trait à l'engagement et au véritable dialogue avec les personnes visées. Nous avons rencontré des représentants de la plupart des ONG au Canada et de l'hémisphère. Un groupe important d'entre eux s'est acquis de nombreux appuis à l'échelle de l'hémisphère. Vingt-deux ministres sont venus dialoguer avec eux dans le cadre d'une tribune publique. Les médias ont été invités et ont eu une conférence par la suite.
C'est un exercice très difficile. Nous avons passé des mois à essayer de la mettre en marche. Il y a toujours des gens qui veulent être vus aux nouvelles nationales alors qu'ils se battent dans la rue plutôt que d'amorcer un véritable dialogue. Il s'agit simplement de la nature de l'exercice. Je peux vous assurer que nous faisons des efforts. Cependant, la question est délicate. Il est évident que nous n'avons pas réglé le problème, mais je voulais que vous soyez mis au courant de cette réussite.
Nous devons redoubler nos efforts, j'en suis convaincue.
Le sénateur Corbin: Il ne s'agissait pas là de critiques. Je veux que vous soyez très sensibles à ces problèmes.
Mme McCallion: J'essaie de vous convaincre que nous le sommes, sénateur.
Le sénateur Corbin: En général, je suis satisfait de votre travail.
Le président: Honorables sénateurs, je tiens à remercier nos témoins en votre nom. Cette séance a été très intéressante.
La séance est levée.