Aller au contenu
LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 9 - Témoignages du 23 février 2000


OTTAWA, le mercredi 23 février 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-202, Loi modifiant le Code criminel (fuite), se réunit aujourd'hui, à 15 h 38, pour en faire l'examen.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous voici réunis pour la première séance du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de l'an 2000. Nous examinerons le projet de loi C-202, Loi modifiant le Code criminel (fuite). Nous entendrons pour commencer le témoignage de M. Dan McTeague, député de Pickering--Ajax--Uxbridge, qui est le parrain du projet de loi.

Je vous souhaite la bienvenue et vous invite à prendre la parole.

M. Dan McTeague, député (parrain du projet de loi): Honorables sénateurs, c'est un grand honneur pour moi de me présenter ici, non seulement parce qu'il s'agit du premier projet de loi que vous examinerez en cette nouvelle année, mais aussi parce que Pickering est réputé pour ses manifestations de camionneurs, ses campagnes de sécurité à l'intention des camionneurs et, à l'occasion, pour quelques controverses concernant les réacteurs nucléaires, les sites d'enfouissement et ainsi de suite.

Je vous remercie sincèrement pour avoir traité jusqu'à maintenant ce projet de loi avec autant de célérité. Les démarches auxquelles le Sénat a consacré deux semaines ont nécessité de 14 à 15 mois à la Chambre des communes. Cette situation en dit long sur la différence de temps de réaction entre le Sénat et la Chambre. Je vous suis reconnaissant d'en être arrivés à cette étape. Ma présence ici me permettra de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir en ce qui concerne le projet de loi actuel tel qu'il a été adopté par la Chambre des communes.

[Français]

Ce projet de loi origine de ma circonscription. Il y a environ deux ans, un homme faisant partie d'une famille comptant six personnes s'est fait gravement blesser et il en est décédé au mois de février 1997.

[Traduction]

Malheureusement, on compte de nombreux autres exemples de personnes qui ont été mutilées, estropiées, blessées, défigurées et même, dans certains cas, tuées.

Les dispositions actuelles du Code criminel qui portent sur la conduite dangereuse et la négligence criminelle ne traitent pas précisément de la fuite devant un agent de police. C'est pour cette raison que le projet de loi semblait nécessaire afin d'attirer l'attention sur l'aversion générale de la population face à ce geste, en particulier lorsque l'on pense à la situation fâcheuse dans laquelle se retrouvent les agents de police qui doivent prendre un risque excessif en tentant de faire respecter la loi. Ce sont les procureurs généraux des diverses provinces qui doivent décider si un agent de police doit ou ne doit pas engager une poursuite à grande vitesse, et on traite de cette situation dans les diverses lois sur la police.

Le projet de loi traite de l'autre aspect du problème. Comme l'a souligné la ministre de la Justice, le projet de loi permet un certain équilibre en ce sens qu'il confère une certaine responsabilité aux personnes qui s'engagent volontairement dans une poursuite à grande vitesse, qui entraîne souvent une situation risquée pouvant se solder par des blessures ou même la mort de quelqu'un.

Comme vous le savez probablement, le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes en octobre 1998 et a récemment été adopté. Ce projet de loi permettra d'ajouter une disposition au Code criminel qui mettra hors la loi, en prévoyant des sanctions précises, les personnes qui prennent la fuite devant un agent de police. Actuellement, les automobilistes qui s'enfuient ne peuvent être accusés conformément au Code criminel que si leur conduite peut être qualifiée de dangereuse.

Après la modification, le projet de loi C-202 ferait en sorte que le refus d'immobiliser un véhicule motorisé à la demande d'un agent de police consisterait en une infraction, peu importe s'il y a eu ou non une conduite dangereuse. La Couronne pourrait choisir de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par voie de mise en accusation.

Si la Couronne décidait de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité, la période maximale d'incarcération serait de six mois. Si la Couronne décidait de procéder par voie de mise en accusation, la peine maximale serait de cinq ans d'emprisonnement.

Le projet de loi, adopté par la Chambre des communes, entraînerait la création de deux nouvelles infractions. On ajouterait un acte criminel dont la peine maximale serait l'emprisonnement à perpétuité dans le cas où un automobiliste prend la fuite devant un agent de police en adoptant une conduite dangereuse et en causant la mort d'une personne. Le projet de loi C-202 ajouterait aussi un acte criminel dans le cas où un automobiliste prend la fuite en adoptant une conduite dangereuse et cause des lésions corporelles à une personne. La peine maximale serait de 14 ans d'emprisonnement.

Les membres du comité de la Chambre des communes ont entendu un certain nombre de témoignages. Un des témoins a perdu sa fille en 1988 dans des circonstances tragiques le jour de la Saint-Valentin. Je parle ici de Sarah Bowman, de Brampton. Madame la présidente, je suis certain que vous connaissez cette région et que vous connaissez probablement cette famille.

La présidente: Je connais cette personne.

M. McTeague: Mon épouse emprunte l'intersection en question; de telles tragédies surviennent vraiment près de chez soi.

Peu après cet incident, plus précisément en mars de l'an dernier, un chef religieux de la communauté macédonienne a été tué. Le sergent Rick McDonald de la police de Sudbury est une autre victime. Des personnes qui tentent de faire leur travail ou des personnes innocentes, qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment, finissent par payer de leur vie.

Je crois que ce projet de loi est explicite et que les modifications proposées au Code criminel sont les plus claires possible.

J'espère que votre comité sénatorial rendra compte du projet de loi sans le modifier, bien que cette décision vous revienne entièrement.

Je crois que c'est la première fois qu'une modification au Code criminel a été, jusqu'ici, parrainé avec succès par un simple député d'arrière-ban.

J'aimerais remercier mon collègue, le sénateur Willy Moore, pour avoir fait avancer ce projet de loi au Sénat. Le projet de loi s'est rendu devant votre comité si rapidement qu'il s'agit d'un accomplissement plutôt intéressant. Peut-être que le sénateur Moore accepterait de parrainer un autre projet de loi émanant d'un député de sorte qu'il ait autant de succès et qu'il soit traité avec diligence.

Il me fera plaisir de répondre à toutes vos questions.

La présidente: J'aimerais vous rappeler que les projets de loi d'initiative parlementaire qui se retrouvent devant le Sénat après la Chambre des communes font l'objet d'un examen juste et équitable en temps et lieu. J'espère qu'un jour la Chambre des communes nous rendra la pareille.

M. McTeague: Avez-vous besoin qu'un simple député parraine un projet de loi à ce sujet?

Le sénateur Beaudoin: À première vue, il semble s'agir d'un bon projet de loi. Je suis toutefois surpris que le Code criminel ne comporte pas de dispositions semblables à celles qui sont proposées dans le projet de loi.

Je suis certain que mon collègue, le sénateur Nolin, aura des questions concernant la mens rea. Je lui laisserai donc le loisir d'aborder le sujet.

Mes préoccupations concernent la peine maximale pouvant être imposée. Je pense qu'une peine maximale de cinq ans pour une infraction prévue au paragraphe 1.(2) est probablement trop sévère, bien que je puisse très bien comprendre les pénalités à imposer s'il y a culpabilité conformément au paragraphe 1.(4) qui se lit comme suit:

[...] est coupable d'un acte criminel passible:

a) s'il a causé des lésions corporelles à une autre personne, d'un emprisonnement maximal de quatorze ans;

b) s'il a causé la mort d'une autre personne, de l'emprisonnement à perpétuité.

Je peux certainement comprendre cela, mais pourquoi la peine est-elle si sévère en premier lieu?

M. McTeague: Voilà une excellente question, sénateur. En ce qui concerne les actes criminels prévus au projet de loi, la peine vise à faire un parallèle avec les dispositions actuelles du Code criminel concernant la conduite dangereuse. Il ne s'agit pas d'une réécriture; il s'agit plutôt d'être cohérent avec les autres dispositions actuelles du Code criminel. La difficulté consiste à déterminer, et nous pourrons en discuter plus tard, si nous obtiendrons le même degré de succès dans l'obtention de condamnations que pour la conduite dangereuse. Comme nous l'avons vu dans certaines circonstances, les procureurs de la Couronne optent pour des accusations moindres afin d'obtenir quelques condamnations.

Dans le cas d'un agent de police à Calgary en 1993, la peine maximale imposée ne portait pas sur une accusation de conduite dangereuse, mais plutôt sur une accusation de négligence criminelle ayant causé la mort d'une personne. La peine n'a été que de six ans d'emprisonnement.

Les peines précisées consistent en des peines maximales. La Couronne a le pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne le choix des accusations à déposer et le tribunal détient le pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la détermination de la peine. Nous voulons nous assurer que la préoccupation de la population, soit le critère du caractère raisonnable, fait partie du processus et qu'il y aura, pour le moins, un certain degré de cohérence. Nous voulons nous assurer que ce projet de loi ne diminuera en rien les accusations prévues aux dispositions actuelles sur la conduite dangereuse.

Le sénateur Beaudoin: Je sais que lorsqu'un projet de loi provient du ministère de la Justice, un certificat est déposé indiquant que le projet de loi est compatible avec la Charte des droits et libertés. Est-ce qu'un tel certificat est nécessaire lorsqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire? Il en revient au parrain du projet de loi d'examiner les questions qui sont soulevées à l'égard de la Charte des droits et libertés.

M. McTeague: Sénateur Beaudoin, il est possible que nous rencontrions un défi cartésien à un certain point.

Je soupçonne, vu ma participation très productive auprès du ministère de la Justice, que cette question a déjà été traitée dans la mesure du possible. On ne peut rien faire pour empêcher quelqu'un de trouver des mots pour en arriver à ce résultat. Toutefois, je pense qu'à l'occasion d'une contestation judiciaire, le tribunal tiendrait compte du fait que la population, par l'entremise des élus et du Parlement, peut-être en dernière analyse, a signifié son soutien unanime pour la présentation et l'adoption de ce projet de loi. Je pense qu'il y aura une volonté d'assurer un équilibre entre cette situation et toute remise en question particulière. Il y a de grands esprits qui consacrent du temps à cette question. Je ne connais aucun groupe particulier qui s'est manifesté. Le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes depuis un certain temps déjà.

Lorsque vous avez l'expérience du travail à la Chambre des communes, qui peut examiner un certain nombre de projets de loi en tout temps, vous avez une idée de ceux qui sont en faveur et de ceux qui sont contre certains projets de loi. Je n'ai entendu aucune critique pouvant soulever des préoccupations.

Le sénateur Beaudoin: Voulez-vous parler en comité?

M. McTeague: Oui, en comité. D'ailleurs, je n'ai entendu aucune préoccupation de quiconque ayant présenté des observations à moi-même, à l'opposition, au gouvernement ou à la ministre de la Justice.

Le sénateur Beaudoin: Avez-vous consulté la ministre de la Justice?

M. McTeague: Je l'ai fait.

Le sénateur Beaudoin: Quelle a été sa réaction?

M. McTeague: Je ne l'ai pas consulté sur la question d'une mise en cause de la Charte en particulier, car évidemment, nous ne voulons pas d'un projet de loi qui serait sujet à une telle situation. Rien ne laissait croire qu'il pourrait y avoir une telle remise en question à ce moment, et la question ne me préoccupait pas. Toutefois, je crois que la participation directe du ministère de la Justice, c'est-à-dire la prise en considération de ce projet de loi et l'aide accordée pour veiller à ce qu'il soit adopté, ou du moins qu'il ne devienne pas un projet que le gouvernement doive entreprendre seul, pourrait en fait garantir qu'il n'y aura pas de remise en question. Encore une fois, il en revient aux juristes de prendre cette décision.

Je ne sais pas, même après la troisième lecture du projet de loi à la Chambre des communes, si quelqu'un a soulevé cette question. Nous n'avons pas eu vent d'une telle préoccupation. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ce projet de loi est devant la Chambre des communes depuis octobre 1998. Habituellement, nous savons si des préoccupations particulières sont soulevées. Elles sont généralement soulevées dans les médias ou elles peuvent m'être transmises directement par des particuliers. Elles peuvent en outre être transmises aux membres de l'opposition ou du gouvernement.

Le sénateur Beaudoin: On procéderait par comparaison avec d'autres articles du Code criminel. Je ne dis pas que la Charte n'est pas respectée, je pose simplement cette question parce que, après tout, dans un cas, il pourrait y avoir imposition d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Une personne trouvée coupable d'un acte criminel conformément à l'article proposé pourrait être passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité dans le cas, où il y aurait eu un décès. Il pourrait s'agir d'un acte purement accidentel et, dans ce cas, il ne s'agirait pas d'un meurtre. Bien entendu, je reconnaît qu'un juge n'imposera pas nécessairement une peine d'emprisonnement de 14 ans ou d'emprisonnement à perpétuité.

M. McTeague: En effet. Sénateur, je ne suis pas certain que chaque projet de loi adopté aujourd'hui résistera au passage du temps. Il pourra y avoir des raisons et des circonstances atténuantes en cours de route et le critère du dommage causé pourrait changer. Comme il n'y a eu aucune question sur une remise en cause de la Charte et vu que le projet de loi a été adopté à l'unanimité par les membres de la Chambre des communes, je m'en remets à la sagesse collective de la population et des représentants. Je garde aussi à l'esprit la participation du ministère de la Justice. S'il devait y avoir une remise en question, je ne suis pas au courant. Si un aspect de ce projet de loi était remis en question, et que ce projet de loi devenait une loi, alors cette remise en question devra forcément s'appliquer aux dispositions sur la conduite dangereuse, car ce projet de loi est fondé sur ces dispositions.

Le sénateur Fraser: Je suis un peu perplexe. Le premier article, qui fait référence à la fuite, traite des véhicules à moteur. Le deuxième article fait référence aux véhicules à moteur, aux bateaux, aux aéronefs et au matériel ferroviaire. Le troisième article parle de véhicules à moteur, de bateaux et d'aéronefs, mais pas de matériel ferroviaire. Pourquoi ces différences?

M. McTeague: Quel article ne fait pas référence au matériel ferroviaire?

Le sénateur Fraser: L'article 3. Pourquoi y a-t-il une différence? Il n'y a vraisemblablement pas de raison pour cette exclusion.

[Français]

Le sénateur Nolin: Ils ont pris exactement l'article 662. Ils ont ajouté l'article 249.1(3).

Le sénateur Fraser: Il y a quand même une certaine disparité?

[Traduction]

M. McTeague: Il s'agit du texte presque intégral des dispositions du Code criminel sur la conduite dangereuse. Si on trouve des illogismes, cela indique qu'il y a aussi un problème en ce qui concerne les dispositions sur la conduite dangereuse. Je crois que nous essayons de dire que la fuite à bord d'un véhicule à moteur est différente de la fuite à vélo ou à pied. Je pense que nous voulions qu'il soit très clair que la probabilité de blessure est plus grande lorsqu'on utilise un véhicule motorisé de 2 000 livres. Dans le cas d'un véhicule ferroviaire ou d'un aéronef, le risque est encore plus grand.

Le sénateur Fraser: Ou dans le cas d'une embarcation.

M. McTeague: Oui, une embarcation pourrait représenter un autre moyen de prendre la fuite, mais vous ne pouvez pas vous enfuir en ramant, bien que je présume que vous pourriez vous enfuir à la nage. Il est peu probable qu'un véhicule non motorisé causerait le même type de carnage que ceux causés par des véhicules à moteur.

Le sénateur Fraser: La raison technique expliquant la disparité est que vous avez modifié chacune des dispositions existantes et que la disparité se trouve maintenant dans la loi. Vous vous êtes simplement conformé au texte de loi.

M. McTeague: Si nous devions faire quelque chose d'incompatible avec les dispositions en matière de conduite dangereuse, il serait alors possible que la disposition particulière soit utilisée pour remettre en question un article du Code criminel inexpliqué ou qui n'a pas été mis à l'épreuve. Nous avons essayé d'introduire les dispositions sur la conduite dangereuse de façon à ne pas en troquer une contre une autre.

Le sénateur Fraser: Vous avez donc fait votre possible.

M. McTeague: Oui, je suis allé aussi loin qu'il m'était permis. Je ne pense pas que la cause aurait été bien servie si je m'étais aventuré sur un terrain sans aucun rapport avec l'usage. Il existe des précédents et de la jurisprudence qui touchent la conduite dangereuse. Je ne pense pas que nous voudrions que ce projet de loi échoue en raison de la présence d'une incohérence qui pourrait être utilisée pour miner l'efficacité du projet de loi ou pour ne pas mettre en application le projet de loi de manière adéquate.

Le sénateur Fraser: Peut-être que la ministre de la Justice pourrait se pencher sur les incohérences dans la loi.

[Français]

Le sénateur Nolin: C'est une très bonne question. Si la Couronne ne peut faire la preuve complète de la commission des deux infractions en vertu des articles 220 et 221 -- un individu accusé de négligence criminelle, causant la mort ou des blessures graves -- mais qu'elle prouve plutôt une infraction visée par les articles 249 ou 249.1, l'article 662 stipule que cette preuve sera valide selon les termes de l'article 249. Il s'agit d'un article de procédure. Autrement dit, vous n'avez atteint qu'une partie de la cible et la preuve est suffisante.

Le ministère de la Justice devrait peut-être inclure la conduite de matériel ferroviaire à l'article 662. Il nous arrive de corriger des erreurs en étudiant des projets de loi.

[Traduction]

Le sénateur Poy: Monsieur McTeague, je pense que ce projet de loi est très utile. Le paragraphe 1(1) stipule ce qui suit:

Commet une infraction quiconque conduisant un véhicule à moteur alors qu'il est poursuivi par un agent de la paix conduisant un véhicule à moteur, sans excuse raisonnable [...] Comment définissez vous le terme «raisonnable»?

Le sénateur Nolin: Le sénateur Poy a frappé juste.

M. McTeague: C'est beaucoup plus facile que vous le pensez. Le critère du caractère raisonnable est l'un des critères les plus intéressants de la loi. Ma définition serait que toute personne qui se trouve dans une situation dans laquelle elle décide intentionnellement et délibérément de désobéir à un avertissement, un avertissement très clair donné par un agent de la paix de se ranger sur le côté, commet un autre acte de conduite dangereuse. Bien entendu, il en reviendra au tribunal de déterminer la définition de «raisonnable». Je ne peux pas le faire moi-même.

Encore une fois, il s'agit surtout d'une question d'équilibre. Est-ce que la personne a vraiment vu l'agent de la paix lui indiquer de se ranger? Est-ce qu'elle a vu les gyrophares? Voilà pourquoi, dans le cas de ce qui est «raisonnable», nous avons donné à la Couronne le choix de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par voie de mise en accusation. À titre d'exemple, les circonstances peuvent faire en sorte que le conducteur n'a pas violé le Code de la route, mais, néanmoins, a omis de s'immobiliser et d'obéir à un officier de justice. Il s'agit alors de chasses à faible vitesse et pas nécessairement de poursuites à grande vitesse.

Il vaut mieux s'en remettre au tribunal pour ce qui est de la question du caractère raisonnable. Ma propre définition est, si quelqu'un décide d'enfoncer l'accélérateur et choisi d'emprunter une rue sur laquelle se trouve un grand nombre de personnes, un dimanche à 12 heures à l'occasion d'une fête, et que la personne sait que cette fête avait lieu, il est donc évident que ce conducteur met la vie d'autres personnes en danger. Je laisse au tribunal le soin de déterminer la situation selon les preuves déposées.

Ce qui importe concernant ce projet de loi, c'est que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l'accusé, contrairement à ce que l'on trouve actuellement dans le cas de la conduite dangereuse alors que la mens rea et l'actus reus doivent être prouvés. Nous nous retrouvons avec une situation dans laquelle l'inversion du fardeau de la preuve fait en sorte que non seulement un message adéquat sera transmis, mais que la personne peut expliquer pourquoi elle a posé le geste.

Il est très probable que quelqu'un puisse dire: «Je ne l'ai pas vu. J'étais nerveux. Quelqu'un que je connais et qui n'est pas un agent de police a des gyrophares sur sa voiture et je craignais pour ma vie». Devant un tribunal, une personne raisonnable pourrait s'expliquer et le tribunal aurait à déterminer s'il s'agit d'une excuse raisonnable.

Je crois qu'il est important que ce terme soit présent. S'il ne l'était pas, on passerait les menottes à des personnes qui auraient une raison valable. C'est ce que nous essayons de faire. Le terme «raisonnable» donne l'occasion d'expliquer sa conduite.

La présidente: On trouve l'expression «excuse raisonnable» à d'autres endroits dans le Code criminel. Par exemple, en ce qui concerne le refus de passer le test de l'ivressomètre.

Le sénateur Poy: On y a souvent recours.

La présidente: Cela est conforme au libellé d'autres dispositions du Code criminel.

[Français]

Le sénateur Nolin: Selon votre expérience et suite à vos recherches dans la préparation de ce projet de loi, expliquez-nous pourquoi l'article 249(1)a) n'est pas suffisant pour atteindre l'objectif visé dans ce que je vais appeler la première partie de l'article 1. On reviendra à l'article 1(3)(4), mais je m'attarde à l'article 249.1(1)(2). Dans ce projet de loi, vous donnez un outil additionnel à la Couronne. Par exemple, on note un élément de mens rea chez un individu qui s'enfuit suite à un ordre d'un officier, d'un agent de la paix. Il commet une infraction. On crée une infraction additionnelle, un nouvel actus reus, mais l'article 249.(1)a) était utilisé pour atteindre cet objectif. Quelle découverte vous a amené à créer cette nouvelle infraction?

[Traduction]

M. McTeague: Sénateur, nous avons étudié cette question d'un point de vue varié. Nous avons conclu que dans certaines circonstances nous voudrions donner une certaine latitude aux tribunaux et à la Couronne pour veiller à ce que la personne concernée, bien qu'elle ait pris la fuite devant un agent de la paix, ne soit pas blâmée sans considération. Le pourquoi de cette précision dans le cas d'une simple fuite devant un agent de la paix est que le fardeau reposera sur la personne qui devra expliquer sa conduite lorsqu'elle a refusé ou omis de s'immobiliser à la demande d'un agent de la paix. Il s'agit d'une différence complexe entre ce que nous proposons par l'ajout du paragraphe 249(1) et les dispositions existantes en matière de conduite dangereuse pour lesquelles, évidemment, le fardeau de la preuve repose sur la Couronne. Nous avons prévu de la souplesse. Les difficultés liées à l'obtention de condamnations en matière de conduite dangereuse ont été démontrées à un point tel en ce qui concerne l'issue que nous avons jugé important d'attirer l'attention sur le fait que la personne qui a pris la fuite devant un agent de la paix peut ne pas être blâmée sans considération, mais peut faire l'objet d'une peine beaucoup moins sévère à l'issue du processus. Néanmoins, la personne serait condamnée aux termes de cette accusation précise.

Si toutefois, à la suite de cette fuite, la personne a mis en danger la vie d'autres personnes en les renversant, en les tuant ou en les estropiant, il est alors clair, une fois établi, que la personne a agi de façon délibérée et que la fuite en soi avait des conséquences éventuelles. Une personne raisonnable aurait su freiner et se ranger. C'est la question que nous tentons d'aborder, mais nous avons aussi essayé de laisser le plus de latitude possible à la personne qui prend la fuite devant un agent de la paix...

[Français]

...avant de causer du tort à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Nolin: Je comprends le renversement du fardeau de la preuve que vous voulez opérer dans la description de l'infraction. Il n'en reste pas moins que la Couronne devra faire la preuve qu'il y a un agent de la paix et une tentative d'arrestation. La Couronne devra prouver ce qui a incité l'agent de la paix à arrêter le conducteur d'un véhicule qui s'est enfui par la suite. Croyez-vous que le fardeau de la preuve de la Couronne est rendu plus facile par votre amendement?

[Traduction]

M. McTeague: Il est important de comprendre qu'il ne sera pas nécessairement plus facile pour la Couronne d'obtenir une condamnation. La Couronne devra encore faire son travail. Plutôt que de demander à la Couronne de prouver au tribunal que la personne s'était vraiment engagée dans une poursuite à grande vitesse qui s'est éventuellement soldée par des blessures, ou pire, par un décès, le fardeau reposera sur les épaules de l'accusé qui devra démonter qu'il n'essayait pas de prendre la fuite devant un agent de police. On peut concevoir, et c'est clair, que certaines personnes, dans certains cas, ont pu poser un geste parce qu'elles avaient peur.

Trop souvent, nous avons vu des situations dans lesquelles une personne dont le permis de conduire avait été suspendu et qui a été prise en chasse à très grande vitesse dans une poursuite qui a eu des conséquences mortelles. Cela signifie que quelqu'un qui autrement n'aurait pas fait face à des conséquences très graves a utilisé son véhicule comme si c'était une arme de 2 000 livres pour échapper à des poursuites judiciaires, pour des raisons bêtes. Cela dépend de la flexibilité de la Couronne ou des efforts qu'elle aura à déployer pour obtenir une condamnation. On envoie un signal aux personnes leur indiquant de réfléchir avant de poser un geste. Les mesures sont sévères. Elles vont de pair avec la conduite dangereuse. Toutefois, dans la résolution de nombreux cas dans lesquels une infraction grave a été commise, il est devenu évident que le décès d'une personne et la perte subie par la famille ont été oubliés ou mis de côté en faveur du dépôt d'autres accusations. Une partie du processus consiste à faire un effort pour transmettre un message à la population, ainsi qu'en un effort pour examiner si la Couronne réussira. La Couronne devra considérer la prépondérance des probabilités et déterminer si elle pourra obtenir une condamnation. S'il ne s'agit pas d'un acte criminel, la Couronne pourra choisir une procédure sommaire. Nous commençons au moins à diffuser un message et la personne sera condamnée pour une infraction criminelle, ou pour une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, lorsque les circonstances pourraient ne pas être claires.

[Français]

Le sénateur Nolin: Quand vous décrivez les circonstances où une telle infraction pourrait être commise, je comprends pourquoi cela fait longtemps que je vous dis qu'on a besoin de ce type d'amendement. Les gens conduisent sans permis et lorsqu'ils voient des gyrophares, ils quittent les lieux. Je ne veux pas commencer à parler de l'alinéa 3 ou 4, mais seulement m'en tenir à l'article 1. Les policiers somment un automobiliste de s'arrêter, la personne s'enfuit, l'infraction est commise. On n'en est pas rendu à causer des dommages corporels.

Je veux être convaincu et je suis pas mal convaincu que cette infraction ne crée pas un fardeau additionnel à la Couronne. Parfois on veut atteindre un objectif -- d'ailleurs le sénateur Poy a mis le doigt sur le bobo -- et on ajoute un élément. Il est normal d'avoir une excuse raisonnable. Je ne veux pas qu'on impose un fardeau additionnel de preuve à un policier. Les circonstances que vous décrivez sont quotidiennes. Je ne veux pas rendre leur travail plus facile. Je veux être certain d'atteindre notre objectif.

[Traduction]

M. McTeague: Je suis d'accord avec vous, sénateur, et je pense que c'est exactement ce que j'essaie de faire, mais je dois respecter les limites imposées par la jurisprudence. Si nous ne pouvons plus accuser quelqu'un aux termes de cette disposition précise parce que cela entraînera un surplus de travail, ou si d'une certaine manière nous ne pouvons plus faire passer le message que cette activité ou ce comportement ne sera plus toléré, nous avons donc échoué à cet égard.

Il y a des circonstances dans lesquelles une personne ne peut être accusée de conduite dangereuse. Il s'est produit un incident il y a 18 mois, près de ma circonscription, dans lequel un motocycliste a omis de s'immobiliser. Il roulait à 100 kilomètres à l'heure sur la route 401; il mettait son clignotant et il n'a pas enfreint d'autres dispositions du Code de la route de l'Ontario. De quoi pourriez-vous l'accuser? Il ne conduisait pas de façon dangereuse. Il ne s'est tout simplement pas arrêté lorsqu'il en a reçu l'ordre.

Dans ce cas, on pourrait peut-être amener l'argument de la sévérité. Aurait-il pu tuer quelqu'un avec sa motocyclette? Il aurait probablement causé plus de tort à lui-même. Toutefois, ce projet de loi n'aurait pas permis à cette personne de passer à travers les larges mailles du filet qui a été lancé afin de traiter un problème très précis, qui devient de plus en plus important selon ce qu'en retient la société, soit le problème des personnes qui s'en tirent impunément en raison de l'absence de précision dans la loi.

On peut peut-être discuter de lois générales, mais je crois que, dans ce cas, il y a un réel besoin d'une loi particulière.

[Français]

Le sénateur Nolin: Les alinéas (3) et (4) de l'article 1 créent-ils une infraction additionnelle à l'article 249(1)?

M. McTeague: Oui.

Le sénateur Nolin: Avec les explications que vous venez de me donner, je comprends mieux la rédaction de l'article 3. À cet article, vous tentez de reprendre à peu près les mêmes mot que vous avez utilisez à l'article 1. Autrement dit, c'est la même infraction; l'une, à l'article 249.(1), concerne le délit de fuir et l'autre a trait aux agissements avec diligence dans l'opération d'un véhicule-moteur, est-ce exact?

M. McTeague: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Moore: Monsieur McTeague, j'aimerais revenir sur un point qui a été soulevé par le sénateur Ghitter. Je vais vous lire ce qu'il a dit au Sénat et je vous demande de commenter.

Il parlait de l'article 249.1 proposé. Voici ce qu'il a dit:

Le mot clé est «fuir».

Il continue:

En tant que criminaliste chevronné qui examine cette clause, je pense qu'on pourrait avoir beaucoup de plaisir si une accusation était portée dans un cas où il n'y a pas eu négligence criminelle, de conduite imprudente ou de conduite dangereuse. Le tribunal devrait déterminer si une personne fuyait ou non la police de la même façon que M. Simpson.

Il faisait référence à la poursuite contre O. J. Simpson.

Je ne pense pas qu'il tentait de fuir. Il omettait simplement de s'arrêter.

Ensuite, en faisant référence au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, il a déclaré:

Par conséquent, j'invite le comité à déterminer si l'article proposé va assez loin et atteint le but visé.

En référence à l'article proposé, il dit:

Je veux qu'il atteigne le but visé. Je ne veux pas qu'un quelconque avocat astucieux arrive et démolisse cette disposition. Je crains qu'elle n'aille pas assez loin.

Pensez-vous que le terme «fuir» ait assez de poids pour atteindre le but visé par l'article proposé?

M. McTeague: Je ne peux pas trouver de meilleur mot pour décrire le geste posé par la personne. Il prend la fuite, se sauve en tentant d'échapper à une possible arrestation. Le mot «fuite» est extrêmement important. Si une personne fait une petite ballade et qu'il se trouve qu'elle n'a pas de rétroviseur, ne porte pas sa prothèse auditive et qu'elle est éblouie par le soleil à 7 h 30 du matin, elle peut n'avoir rien vu, bien sûr jusqu'à ce que l'agent se range à côté d'elle.

On ne prend habituellement pas la fuite en conduisant à 30 kilomètres à l'heure dans une zone de 30 kilomètres-heure et en omettant de se ranger. La fuite présuppose qu'on a enfoncé l'accélérateur, qu'on file à 130 kilomètres à l'heure, qu'on conduise dangereusement et, en cours de route, qu'on blesse et parfois qu'on tue quelqu'un. Je pense que le terme «fuite» est extrêmement important pour souligner de quoi il s'agit. Voilà peut-être ce qui fait référence à la question du sénateur Poy sur ce qui est raisonnable.

Il est important que ces termes soient là. Ces termes se trouvent ailleurs dans le Code criminel et ils y sont pour des raisons de cohérence. Il y a une abondante jurisprudence dans ce domaine. Je pense que les tribunaux ont ce qu'il faut pour traiter ce genre de termes importants. Ils comprennent leur mise en application en ce qui concerne une issue positive sans causer de tort à une personne ou la priver de ses droits et libertés fondamentaux. L'utilisation d'un terme qui en dirait moins, ou l'utilisation d'un terme beaucoup plus fort, pourrait avoir l'effet contraire, soit rendre le projet de loi non applicable dans toute circonstance.

Nous avons consacré beaucoup de temps à cette tâche, avec l'aide de très nombreux groupes, d'associations de policiers, de groupes de victimes et du ministère de la Justice. Il est rare d'obtenir l'unanimité auprès d'autant de groupes qui se prononcent et qui sont d'accord avec le texte rédigé. Je respecte la question et les préoccupations du sénateur Ghitter, mais je suis prêt à dire que le terme en soi a un usage précis et qu'il résistera à l'épreuve du temps.

La présidente: Monsieur McTeague, la question d'une possible erreur typographique a été soulevée à la chambre du Sénat hier après-midi. Je me reporte au projet de loi, en particulier au bas de la page 2, paragraphe 3(5) qui stipule:

For greater certainty, where a court charges an offence under section 220 [...]

Peut-être pourriez-vous nous faire part du problème et, s'il y a réellement un problème, notre conseiller juridique du Sénat pourrait peut-être venir prendre la parole si les sénateurs sont d'accord et nous expliquer la situation juridique au Sénat et nous dire si nous devrions apporter une modification pour corriger le problème.

M. McTeague: Madame la présidente, je vous demande pardon pour cette erreur typographique. On devrait lire «count» plutôt que «court». La traduction française le confirme. C'est incroyable ce qui peut se produire lorsqu'un petit détail nous échappe. Je comprends que le conseiller juridique de la Chambre des communes et celui du Sénat se soient penchés sur la question et je crois qu'il existe un précédent permettant de corriger une erreur typographique avant la publication dans la Gazette. Je demande l'indulgence du comité pour permettre cette correction. Je peux vous assurer que cette faute n'était pas intentionnelle. Il s'agit d'une erreur. Je soutiens le besoin d'une meilleure révision et peut-être d'un oeil plus aguerri, mais vous pouvez constater que les mots «count» et «court» se ressemblent beaucoup. Le terme correct se trouvait dans l'avant-projet, mais il a été remplacé. Je m'en excuse et vous demande votre aide pour trouver une solution.

La présidente: Je ferai remarquer aux sénateurs que, dans l'actuel Code criminel, le libellé est le suivant:

For greater certainty, where a count charges an offence under section 220 [...]

On utilise le bon terme dans le Code criminel.

Peut-être M. Audcent pourra-t-il nous éclairer à savoir si nous devons apporter une modification ou s'il s'agit simplement d'une erreur typographique que nous n'avons pas besoin de corriger.

M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire: Honorables sénateurs, il s'agit ici de ce qui est appelé d'une erreur de «parchemin». Les erreurs de parchemin ne sont ni courantes ni rares. Elles surviennent de temps à autres. Il y a différentes façons de corriger la situation. Maintenant que la question a été soulevée devant vous, vous pouvez vous demander comment vous voudriez procéder. Le comité a de toute évidence le pouvoir de modifier le projet de loi. Une modification serait préparée, si vous choisissiez cette option.

Toutefois, dans les bureaux de la Chambre des communes, on détient le pouvoir de corriger des erreurs typographiques. Dans ce cas, je serais autorisé, tout comme mon collègue de la Chambre des communes, à faire cette correction. Je devrais d'abord vous dire si je suis prêt à exercer mon pouvoir discrétionnaire et ensuite vous demander si vous voulez que je le fasse.

Pour répondre à la première question, c'est-à-dire si je suis prêt à le faire, je peux vous dire que j'ai consulté le légiste de la Chambre des communes, M. Rob Walsh. Je n'ai pas consulté le ministère de la Justice, parce qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi d'initiative gouvernementale. Par conséquent, seules les deux chambres sont concernées. Le légiste de la Chambre des communes a paraphé un changement indiquant qu'il est prêt à traiter l'erreur comme une erreur typographique et à faire la modification.

Nous devons examiner la nature de l'erreur. Il s'agit d'une erreur qui était présente à la première lecture du projet de loi. Il s'agit aussi d'une erreur qui se trouvait dans le projet de loi précédent, à la séance précédente. Nous l'examinons et nous tentons de déterminer qu'est-ce que cela signifie.

Dans le Code criminel, comme vous l'avez fait remarquer, madame la présidente, les mots utilisés sont: «[...] where a count charges [...]» Il n'y a aucun changement dans la version française du Code criminel et du projet de loi qui stipulent tous les deux: «[...] lorsqu'un chef d'accusation vise [...]»

Par conséquent, nous pouvons déterminer qu'il n'y a pas d'intention de modifier le texte, si on se fonde sur la version française. Il serait sensé d'avoir dans la version anglaise la même expression que dans la version française et non pas la version anglaise comme présentée, qui contient une erreur. La version anglaise n'a pas beaucoup de sens. La version française est cohérente.

Vu ces faits, je suis prêt à informer le comité que je pourrais accepter de parapher ce changement et de dire qu'il s'agit d'une erreur typographique, si c'est ce que vous me demandez. Vous avez un autre choix à faire, soit de me confier cette tâche, que j'exécuterais, ou vous pourriez choisir d'inclure une observation dans votre rapport. Durant la dernière session du Parlement, cela s'est produit à deux reprises. Je me suis présenté devant le comité et j'ai discuté de la question avec les membres du comité. Dans un cas, une observation a été ajoutée au rapport, de sorte que le comité indiquait à la Chambre ce qui s'était produit. Le comité a indiqué qu'il présentait le projet de loi sans modification, mais qu'on avait demandé au légiste de corriger une erreur typographique. Autrement, vous pouvez ne rien indiquer dans votre rapport. Voilà les options que j'offre au comité.

La présidente: Je pencherais pour inclure une observation dans notre rapport au Sénat, parce que cette question a été soulevée par le Sénat et qu'elle devrait être tirée au clair au Sénat.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord. Ce changement a déjà été paraphé par le légiste de la Chambre des communes. Il ne reste plus qu'à M. Audcent à ajouter ses initiales.

M. Audcent: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Le changement se trouve déjà dans le registre, madame la présidente. La façon la plus facile de procéder serait de demander à notre légiste de le parapher. Il est évident que nous sommes tous d'accord qu'il ne s'agit que d'une erreur technique. Je ne m'opposerais pas à ce qu'une observation soit incluse dans notre rapport, mais je ne pense pas que ce soit strictement nécessaire.

Le sénateur Cools: J'aimerais remercier les gens qui ont relevé l'erreur. Le travail a été bien fait et avec rapidité. Je les félicite.

Le comité devrait demander à M. Audcent de parapher le changement, mais je crois que le comité doit officiellement inclure cela dans son rapport, parce que la question a été soulevée à la Chambre. On en a officiellement discuté, et on doit donc le signaler. Nous devrions demander à notre légiste de procéder.

La présidente: Sommes-nous d'accord pour que je demande au légiste de procéder?

Les sénateurs: Nous sommes d'accord.

M. Audcent: Je vais remettre au légiste un exemplaire du rapport de la dernière séance du comité concerné.

Le sénateur Joyal: Je suis content que M. McTeague soit avec nous aujourd'hui. Je m'interroge sur la peine maximale prévue par votre projet de loi, particulièrement lorsque l'infraction entraîne un décès. Ma préoccupation fondamentale concerne le degré de proportionnalité de la peine par rapport à l'infraction présumée.

Autrement dit, de quelle façon la peine prévue dans votre projet de loi se compare-t-elle aux autres infractions criminelles du Code criminel entraînant la mort? Comment se compare-t-elle aux peines prévues pour le meurtre au premier degré, le meurtre au deuxième degré, l'homicide involontaire coupable et la négligence criminelle ayant causé la mort? À quel niveau de ces quatre catégories pensez-vous que l'infraction décrite dans le projet de loi correspond-elle? Comme vous le comprendrez, la peine est traitée différemment selon, bien entendu, le degré de gravité du meurtre.

M. McTeague: Sénateur, voilà une très bonne question qui, à première vue, serait idéalement mieux traitée par un tribunal. Il est évident que les circonstances varieront d'un cas à l'autre.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, la disposition est conforme aux dispositions sur la conduite dangereuse, qui aboutirait au même résultat, sans toutefois concerner le cas particulier de la fuite devant un agent de la paix. Vu que la personne ne se trouve pas à bicyclette, mais qu'elle conduit plutôt un véhicule à moteur pour échapper à une arrestation, et par le fait même tue quelqu'un, cet acte nécessite un certain degré de réaction par la société qui indique l'horreur ressentie. Je ne peux pas imaginer un meilleur moyen de donner un message clair que d'indiquer qu'une peine d'emprisonnement à perpétuité pourrait être prononcée pour avoir enlevé la vie à quelqu'un.

Vous me demandez de faire une comparaison en termes de meurtre au premier degré et de meurtre au deuxième degré, d'homicide involontaire coupable et de négligence criminelle ayant causé la mort. Dans le cas de l'agent de police dont je vous ai parlé plus tôt, pour la négligence criminelle ayant causé la mort, l'accusé a reçu une peine de six ans. Cette affaire pourrait bien nous forcer à comprendre si une vie humaine prise par témérité, peut-être même délibérément, vaut ou non que six ans d'emprisonnement.

On débat déjà de la question de la proportionnalité dans les dispositions sur la conduite dangereuse. Nous n'établirons pas de peine minimale. Nous proposons plutôt des peines maximales. Une peine d'emprisonnement à perpétuité peut être sévère; le tribunal dispose donc d'un pouvoir discrétionnaire de prendre en considération les circonstances dans lesquelles une personne a perdu la vie et de déterminer la peine qui convient.

Je peux citer l'exemple d'une personne qui a passé plusieurs heures à se faire prendre en chasse à grande vitesse, qui a frappé quelques personnes pour finalement en tuer une. Il s'agit-là d'une infraction beaucoup plus grave que lorsqu'un automobiliste entre en collision latérale avec une autre voiture, dans laquelle un occupant fait une crise cardiaque et meurt. Les circonstances entourant l'infraction devraient être reflétées dans la peine d'emprisonnement imposée. Il vaut mieux s'en remettre aux tribunaux pour ces décisions qui seront prises selon chaque cas.

Toutefois, je veux vous assurer que l'importance de la fuite devant un agent de la paix est réduite à l'importance déjà accordée à ce genre d'acte conformément aux dispositions en matière de conduite dangereuse.

Le sénateur Joyal: En ce qui concerne la personne condamnée, l'alinéa 1(4)b) stipule clairement ce qui suit:

s'il a causé la mort d'une autre personne, de l'emprisonnement à perpétuité.

Il n'y a aucune disposition prévoyant une peine moindre que l'emprisonnement à perpétuité. Il s'agit-là de la peine imposée pour un meurtre au premier degré. C'est la peine la plus sévère.

Une personne peut causer la mort d'une autre personne en omettant de s'immobiliser. Toutefois, certains facteurs qui n'incluent pas la mens rea, qui représente un élément essentiel du meurtre au premier degré, peuvent être présents. J'essaie de voir si, en fait, le principe de la proportionnalité de la peine, en relation avec les circonstances abominables qui peuvent survenir, exigerait, en fait, une peine maximale d'emprisonnement qui serait laissée à la discrétion du tribunal.

M. McTeague: Sénateur, je pense qu'il existe déjà un pouvoir discrétionnaire, mais, en raison de la recherche de cohérence et afin de répondre à une préoccupation véritable concernant ces actes qui ont souvent des conséquences mortelles, je pense que votre préoccupation pourrait aller au-delà de la portée de ce projet de loi et toucher d'autres articles du Code criminel. Une peine d'emprisonnement à perpétuité, telle que nous l'envisageons, ne signifie pas nécessairement de passer le reste de ses jours en prison, mais représente plutôt un ensemble précis de sanctions en réaction à un ensemble précis de circonstances. Il en revient aux tribunaux de prendre une résolution.

Je ne suggère en aucune façon que nous devrions avoir une peine par voie de déclaration sommaire de culpabilité dans ce cas. Je dis que le fait d'imposer une amende à quelqu'un ou de lui retirer son permis de conduire pour le punir d'avoir tué une personne est bien trop clément. Vu que le message n'est pas réellement diffusé, les commentaires formulés à la Chambre des communes indiqueraient que les personnes raisonnables de tous les courants philosophiques sont d'accord avec cela.

Il s'agit probablement de la meilleure solution possible, à l'exception de la question très importante et pertinente que vous avez soulevée concernant la peine d'emprisonnement à perpétuité. Je ne veux pas créer une situation gagnant-perdant ou appliquer la loi du talion. Ce n'est pas ce que je cherche. Je cherche à faire en sorte que les peines qui sont actuellement inapplicables dans de nombreuses circonstances pour un geste précis soient appliquées. Voilà précisément pourquoi nous avons prévu pour l'acte criminel ayant causé des blessures ou la mort l'imposition d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. La peine est laissée à la discrétion du tribunal qui aura entendu l'avocat de la Couronne et l'avocat de la défense.

La présidente: Je crois comprendre que la peine, soit l'emprisonnement à perpétuité, prévue au Code criminel est semblable à la peine qui pourrait être imposée dans le cas de la mort causée par la négligence criminelle.

Le sénateur Joyal: D'après la réponse de M. McTeague, je comprends qu'il est important de reconnaître qu'il existe des degrés divers. Le projet de loi devrait tenter de corriger cette situation afin d'inclure la peine qui est actuellement applicable dans de telles circonstances. Le projet de loi vise à transmettre un message et ce message doit être clair. Je suis d'accord avec cela. Il doit représenter une amélioration. La question reste à déterminer le degré d'amélioration que nous recherchons afin de s'assurer que le projet de loi est efficace et atteint ses objectifs d'une manière proportionnelle à d'autres infractions criminelles. Par conséquent, le projet de loi serait conforme aux dispositions du Code criminel.

M. McTeague: Dans ce cas, nous voulions nous assurer que nous ne négligions pas la question des déclarations multiples de culpabilité. Nous devions avoir l'une ou l'autre. Nous avons essayé de mettre en application ce qui existait déjà sans risquer de se faire repousser ou d'être perçus comme allant trop loin dans une direction ou l'autre.

Le sénateur Nolin: Dans le cas où quelqu'un meurt ou est gravement blessé à la suite d'un acte criminel, je pense que la meilleure option consiste à procéder conformément à l'article 220.

M. McTeague: Je ne peux pas dire à quel point il est important d'être conforme à la loi.

Le sénateur Nolin: On doit toujours prendre en considération les circonstances entourant chaque cas.

M. McTeague: Oui, cas par cas.

Le sénateur Nolin: Les tribunaux auront beaucoup à dire pour déterminer s'il y avait la nécessaire mens rea.

La présidente: Merci, sénateur Nolin.

La présidente: Merci beaucoup monsieur McTeague. Nous délibérerons de tout cela. Tout le monde a reçu les renseignements que vous avez fait parvenir au comité.

M. McTeague: Merci d'avoir pris le temps de nous parler. Il s'agit d'une question importante pour nous tous. Nous en venons au point final. Je suis très impressionné par le fait que le Sénat ait pu traiter cette question aussi rapidement. Cela en dit long sur la nécessité d'assurer que la Chambre haute et l'autre Chambre demeurent intactes.

La présidente: Dans la version annotée, le libellé de l'article 662 du Code criminel concernant la déclaration de culpabilité pour conduite dangereuse est le suivant:

(5) Lorsqu'un chef d'accusation vise une infraction prévue à l'article 220, 221 ou 236 [...]

Voilà le libellé actuel.

Le sénateur Pearson: Je comprends, mais qu'est-ce que cela signifie?

Le sénateur Moore: C'est l'acte d'accusation, le document écrit qui est le chef d'accusation.

La présidente: Merci. Nous nous réunirons de nouveau demain matin à 10 h 45.

La séance est levée.


Haut de page