Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 12 - Témoignages du 30 mars 2000
OTTAWA, le jeudi 30 mars 2000
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de Loi C-2, concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois, se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour en étudier la teneur.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, je constate qu'il y a quorum. Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est maintenant en séance et continue à entendre le témoignage des fonctionnaires du Bureau du Conseil privé.
Hier, nous nous étions quittés sur l'examen de l'article 349. Je vais demander à tous les sénateurs de bien vouloir attendre la fin de l'exposé des témoins pour poser leurs questions.
Je ne sais pas quand le ministre se joindra à nous.
[Français]
Mme Isabelle Mondou, avocate, Législation et planification parlementaire, conseillère juridique, Bureau du Conseil privé: Nous en étions à la gestion financière qui modifie les dispositions financières de la loi où l'on fait référence à la partie 18, et aux articles suivants. On y autorise dans ces articles les parties qui veulent se fusionner à conserver leurs actifs. Auparavant, deux personnes enregistrées qui voulaient fusionner devaient remettre leurs actifs. Sous le nouveau régime, elles vont pouvoir les conserver. On parle ici des articles 400 à 403.
[Traduction]
La présidente: Cela est-il couvert par l'article 403?
Mme Mondou: Non, cela se trouve un peu plus loin.
La présidente: Vous voudrez bien nous dire à chaque fois de quel article il s'agit.
Mme Mondou: Malheureusement, nous n'avons pas le numéro de celui-ci dans notre exposé.
[Français]
Mme Mondou: Il y a également une décision d'une Cour de l'Ontario dans l'affaire Figueroa, où le Parti communiste contestait certaines dispositions de la loi. En vertu de cette décision, une disposition de la Loi électorale a été invalidée. Cette disposition stipulait que le dépôt de nomination de mille dollars, que les candidats doivent présenter au moment de leur candidature, devait leur être remboursé complètement lorsqu'ils remettaient leur rapport. Auparavant, au moment où un candidat donnait son dépôt, il recevait 500 $ en retour lorsqu'il complétait son rapport et l'autre 500 $ était seulement reçu s'il obtenait 15 p. 100 du vote. Maintenant, sous le régime du projet de loi C-2, un candidat qui remet ses rapports va recevoir la somme complète, soit mille dollars.
Toujours dans l'optique de cette décision dans l'affaire Figueroa, mon collègue va retrouver l'article pour la nomination de mille dollars. Je vais poursuivre avec la suspension des parties. Un certain nombre de dispositions sont touchées. On parle ici des articles 382 à 390.
[Traduction]
La présidente: Revenons-nous en arrière?
Mme Mondou: J'en ai peur, oui.
Il s'agit d'un régime entièrement nouveau. En vertu de la loi actuelle, lorsqu'un parti ne peut présenter 50 candidats, il doit liquider ses actifs. Avec le nouveau régime, pourvu que certaines conditions soient réunies, le parti pourra conserver ses actifs et ne devra pas tout liquider s'il n'arrive pas à aligner 50 candidats. Il s'agit des articles 382 à 390.
Excusez-nous encore si nous n'avions pas le numéro des articles en commençant.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez parlé de l'arrêt Figueroa, sans toutefois donner des détails.
Mme Mondou: Il s'agit en effet d'un jugement de la Cour supérieure de l'Ontario. En l'occurrence, le Parti communiste avait contesté certaines des dispositions de la Loi électorale du Canada, et notamment le fait qu'il fallait aligner 50 candidats pour pouvoir être considéré comme un parti inscrit. Cette disposition a été invalidée par le tribunal, mais le gouvernement a interjeté appel. La disposition en question demeure donc en l'état dans le texte du projet de loi C-2 en attendant l'issue de l'appel. L'appel a été entendu en mars et nous attendons maintenant le jugement.
Je vais maintenant passer à l'article 560 qui concerne les dispositions d'ordre financier. Vous trouverez cet article à la fin du projet de loi là où on parle du crédit d'impôt. Les partis peuvent délivrer des quittances aux fins du crédit d'impôt. Le projet de loi porte le seuil à 75 p. 100. Si vous faites un don allant jusqu'à 200 $, 75 p. 100 vous seront remboursés. Jadis, le remboursement de 75 p. 100 n'intervenait que pour les dons allant jusqu'à 100 $. Le seuil a donc été porté à 200 $.
La présidente: Si vous me permettez d'enfreindre ma propre règle et d'intervenir, je crois savoir qu'en Ontario, la Loi électorale a fixé ce seuil à 300 $
Mme Mondou: Le seuil varie en effet d'une province à l'autre, selon le moment où la loi électorale de la province a été mise à jour la dernière fois. Le seuil est effectivement plus élevé en Ontario. C'est l'inverse dans d'autres provinces. Cette disposition-ci est à moyen terme.
Je ne saurais être plus au regret, mais je n'ai pas le numéro de l'article en question. Nous abordons les différents articles dans un ordre qui n'est pas rationnel.
Une autre disposition encore porte que le nom et l'adresse du donateur doivent être divulgués pour chaque don. Si un parti reçoit une contribution individuelle de plus de 200 dollars, il doit rendre publics le nom et l'adresse du donateur. Jadis, le seuil était de 100 $. C'est un autre seuil qui a été relevé pour compenser l'effet de l'inflation étant donné que le seuil de 100 $ remontait à 1974. C'est une disposition qui a été ajoutée à l'étape du rapport. Dans le cas d'une compagnie à numéro, en plus du nom et de l'adresse, il faut que le parti fournisse le nom de l'administrateur principal ou du président de la compagnie en question. On a jugé nécessaire d'améliorer la transparence parce qu'il est arrivé, dans le cas de compagnies à numéro, qu'aucune information à ce sujet n'avait pu être divulguée. C'est donc également une disposition nouvelle.
Il y a ensuite l'article 410. En vertu de la loi actuelle, au moment de la production du rapport, il faut également produire un justificatif attestant que l'argent a bien été dépensé, dans le cas d'une dépense supérieure à 25 $. Ce montant est maintenant porté à 50 $, ici encore pour compenser l'effet de l'inflation.
À l'article 467, on voit que les honoraires du vérificateur du candidat ont été également relevés. Jadis, la fourchette était de 100 $ à 750 $ alors qu'elle ira maintenant de 250 $ à 1 500 $.
À l'article 433, le DGE pourra désormais autoriser la prorogation du délai de présentation d'un rapport dans le cas des partis enregistrés. La même chose avait été faite tout récemment encore pour les candidats dans le cadre du projet de loi C-114. Il s'agissait de permettre à un candidat de bénéficier d'une prorogation de l'échéance lorsqu'il ne pouvait pas rejoindre l'agent officiel même s'il était prêt à remettre son rapport. Il pourra maintenant s'adresser au DGE et demander une prorogation du délai alors qu'auparavant, il fallait qu'il s'adresse à un juge. D'aucuns ont estimé que cette condition était draconienne. Le projet de loi C-114 offrait donc cette possibilité aux candidats, et le projet de loi C-2 fait maintenant de même pour les partis enregistrés.
La loi exige également des partis des rapports beaucoup plus complets. Le rapport qui contient les états financiers d'un parti politique sera désormais moins complet que celui du candidat. Cette disposition sera toutefois modifiée pour aligner les deux. Ainsi, l'article 424 donne la liste de tout ce que le parti doit signaler dans son rapport financier. Comme bon nombre de ces éléments existaient déjà, je me contenterai de vous signaler les nouvelles dispositions.
Les partis politiques devront dorénavant fournir dans leur rapport annuel un état complet des éléments d'actif et de passif, de même qu'un état des recettes et des dépenses. Ils devront également signaler les modalités des prêts qu'ils auront contractés. Par ailleurs, ils doivent signaler tous les transferts financiers entre le parti et son association locale ou entre le parti du candidat ou une fiducie. Tous les transferts financiers doivent dorénavant être signalés. Les partis doivent également produire un état des dépenses électorales pour chaque élection partielle. Jusqu'à présent, tout ce qu'un parti dépensait pour une élection qui survenait pendant l'année faisait partie du rapport annuel.
Le projet de loi comporte également une nouvelle condition s'appliquant aux fonds d'un parti détenus en fiducie. Si un parti a un fonds en fiducie, le candidat doit produire un rapport distinct concernant uniquement cette fiducie, et ce rapport devra contenir les mêmes éléments d'informations que dans le cas du parti. Ce rapport distinct sera annexé au rapport du parti. Cela veut dire qu'un agent enregistré et un vérificateur devront s'en charger.
Le sénateur Beaudoin: Vous parlez bien de l'article 424?
Mme Mondou: Oui, et aussi de l'article 428 pour ce qui est des fiducies.
L'article 451 prévoit les conditions que les candidats doivent respecter en matière de rapport. Ces conditions ont également été légèrement modifiées. Par exemple, si un candidat achète quelque chose mais, après 18 mois, décide de ne pas demander le remboursement de l'argent qu'il a ainsi dépensé pour ce produit ou ce service, la somme devient une contribution et doit donc être inscrite dans le rapport à la rubrique des contributions. Nous avons procédé ainsi pour éviter certaines omissions plutôt étranges.
Le candidat va également devoir produire un état de ses dépenses personnelles. Les candidats ont le droit de dépenser une certaine somme pour leurs dépenses personnelles, mais ils vont devoir produire un rapport à ce sujet.
Les candidats doivent divulguer le nom et l'adresse de leurs donateurs si le don dépasse 200 $ contre 100 $ auparavant. Nous avons déjà mentionné que le seuil avait été relevé. Par ailleurs, et la chose est plus importante encore, si une fiducie est créée ou constituée en vue de l'élection de candidats ou pour favoriser l'élection d'un candidat, lorsque la fiducie en question donne de l'argent au candidat, elle ne peut pas se contenter simplement de remettre, mettons, 50 000 $ à celui-ci. Elle doit signaler le nom de quiconque aura fait don de plus de 200 $ à la fiducie. Il y aura donc une liste des donateurs initiaux. Cette disposition est entièrement nouvelle.
La présidente De quel article s'agit-il?
Mme Mondou: Il s'agit de l'alinéa 451(2)h).
Immédiatement au-dessous de cet alinéa on parle des compagnies à numéro comme je l'ai déjà mentionné.
Par ailleurs, si un candidat reçoit un don qui restitue en tout ou en partie à son donateur, pour quelque raison que ce soit, parce qu'il ne veut pas accepter d'argent de cette personne ou parce qu'il s'agit d'un don provenant de l'étranger, il doit également en faire état dans son rapport. Il s'agit également d'une disposition nouvelle.
L'article 409 est une disposition particulière qui sert à préciser que les dépenses engagées pour la garde d'une personne handicapée ou d'un enfant sont des dépenses remboursables. Cela aussi est nouveau. Il existait une disposition dans le même sens dans l'ancienne loi, mais elle n'était pas claire. Certains candidats avaient pu ainsi déduire leurs dépenses de garde d'enfants, mais d'autres non. Dorénavant, les choses seront claires. C'est un article qui est particulièrement important pour les candidates.
Le directeur général des élections devra désormais, lorsque le candidat aura disposé de son excédent, publier le montant de l'excédent en question et ce qu'il en est advenu. Il s'agit de l'article 474. Le système sera ainsi plus transparent parce qu'on pourra savoir ce qui a été fait de l'excédent et de combien il s'agissait.
Je vais maintenant dire rapidement quelques mots de la partie 19 du projet de loi qui est consacrée au contrôle d'application. Je ne vais pas détailler les articles, mais plutôt expliquer ce qui a été fait. Hier déjà, nous avions fait allusion au plan. J'aimerais souligner en particulier que tous les articles ont bien été étudiés pour avoir la certitude que la sanction est à la hauteur de la gravité de la faute. Il y a également eu un examen de ce qu'on appelle dans Loi électorale du Canada les actes illégaux et les manoeuvres frauduleuses. Il est extrêmement grave de commettre un acte illégal ou une manoeuvre frauduleuse. En vertu de la loi actuelle, quiconque est ainsi déclaré coupable risque de perdre ses droits politiques. Il risque de perdre le droit de siéger aux Communes, de perdre le droit de se déclarer candidat. Ces dispositions ont été réexaminées de manière à ce que seules les infractions vraiment graves soient désormais considérées comme actes illégaux ou manoeuvres frauduleuses. Par ailleurs, le projet de loi C-2 ne contient plus aucune disposition sanctionnant une telle infraction par la perte du droit du vote. Une personne qui se rend coupable de certaines infractions risque toujours de perdre le droit de se porter candidat ou de siéger aux communes, mais sans pour autant perdre le droit de voter. On a jugé que ce droit était à ce point fondamental qu'il ne fallait en priver personne peu importe les circonstances. Je parle ici du paragraphe 502(3).
M. Michael Peirce, directeur, Opérations juridiques, Législation et planification parlementaire, et conseiller juridique, Bureau du Conseil privé: Honorables sénateurs, le paragraphe 502(1) énonce les actes illégaux. Le paragraphe 502(2) donne la liste des manoeuvres frauduleuses. Le paragraphe 502(3) expose les conséquences d'une condamnation pour actes illégaux et manoeuvres frauduleuses.
Mme Mondou: Ces sanctions demeurent pendant cinq ans dans le cas d'un acte illégal et pendant sept ans dans le cas d'une manoeuvre frauduleuse.
On trouve également un nouveau mécanisme qui concerne le commissaire d'Élections Canada. C'est une fonction que vous connaissez peut-être. C'est le commissaire qui est chargé de faire respecter la Loi électorale du Canada. Il est nommé par le directeur général des élections mais il ne dépend pas de lui. Le commissaire peut intenter des poursuites en cas de non-respect ou de non-exécution de la loi.
La présidente: Je voudrais ici interrompre quelques instants nos témoins. Il faut néanmoins que vous sachiez que vous devrez recomparaître mais, avant de le faire, j'aimerais avoir une liste des articles importants, articles nouveaux ou articles modifiés, qu'on trouve dans ce projet de loi, et qui serait établie, je vous en prie, selon un ordre logique quelconque, ce qui nous permettrait de suivre plus facilement votre exposé. Je vous demanderais d'y mentionner également les dispositions dont vous avez parlé ainsi que celles que vous nous exposerez mercredi prochain.
La présidente: Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Don Boudria, leader du gouvernement à la Chambre des Communes. Veuillez commencer.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
L'honorable Don Boudria, leader du gouvernement à la Chambre des communes: Honorables sénateurs, si vous le permettez, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler du projet de loi C-2, que j'ai déposé au Parlement. Je répondrai ensuite à vos questions.
[Français]
Je suis heureux de m'entretenir avec vous aujourd'hui à propos de la Loi électorale du Canada, le projet de loi C-2. Je crois savoir que vous avez assisté hier à une séance d'information donnée par les fonctionnaires du Conseil privé, et bien sûr, cette session s'est poursuivie ce matin. Je viens d'entendre d'ailleurs qu'il y aura encore des renseignements supplémentaires à une réunion qui se tiendra dans quelques jours.
Je pense, madame la présidente, que nous devons tous reconnaître que notre système électoral est un modèle pour plusieurs démocraties du monde. Notre législation électorale est fondée sur des principes d'équité, de transparence et de responsabilité. D'ailleurs, on a envoyé à plusieurs reprises des experts dans d'autres pays. J'ai même reçu une lettre hier d'un groupe de la Croatie me demandant de parler de notre système électoral. On a envoyé des observateurs dans ce pays.
Les principes que je viens d'énoncer existent depuis longtemps au Canada. Ils sont largement respectés par les Canadiens et, je dois dire, par tous les partis politiques que je connaisse. Ils demeureront sans doute la base de nos lois électorales.
Les dispositions législatives en ce qui a trait à la Loi électorale principale s'appliquent depuis au-delà de 30 ans. Dans certains autre cas, des lois ont été incluses dans ce nouveau projet de loi qui date depuis au-delà de 100 ans.
[Traduction]
Il y a un cas intéressant dont je parle souvent: une des lois que nous abrogeons et que nous intégrons à la nouvelle est intitulée la Loi sur la privation du droit de vote, et en anglais Disfranchising Act. Le mot disfranchising n'existe même plus. C'est pourtant le nom d'une loi en vigueur au Canada qui a été employée pour la dernière fois, je crois, en 1893. Cette loi sera bien entendue modernisée et intégrée à ce projet de loi.
[Français]
Certaines de ces lois sont désuètes, d'autres doivent être conformes à la Charte des droits et libertés et depuis 1970, d'autres doivent être modernisées afin de tenir compte de l'évolution de la technologie. Par exemple, il n'est pas possible aujourd'hui de transmettre des documents à un président d'élection par voie de télécopieur; nos lois ne nous le permettent pas encore.
Certains aspects de la loi, qui ont été invalidés par les tribunaux, doivent également être revus. Je pense ici à la suspension des partis n'ayant pas présenté le nombre requis de candidats ou n'ayant pas respecté la limite imposée aux dépenses électorales des tiers et l'interdiction sur les sondages et publicité.
Le projet de loi C-2 s'appuie sur nos traditions et modernise la loi là où elle doit être modernisée. Il tient également compte des consultations menées auprès des députés, des universitaires, de plusieurs institutions postsecondaires au Canada, du directeur général des élections, ainsi qu'auprès de mes homologues au Royaume-Uni.
Le travail de défrichage de ce projet de loi a été entrepris il y a déjà dix ans. Il n'est pas question de hâter le pas ou de procéder à une vitesse excessive puisqu'il s'agit d'un processus qui dure depuis dix ans.
À l'époque, la commission Lortie avait présenté un rapport détaillé et ses travaux se sont poursuivis. En 1993, il y a eu des amendements à la Loi électorale. Des rapports ont été présentés par le comité spécial de la Chambre des communes, le comité Hawkes. Un rapport du comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a également été déposé en 1998.
La loi principale de la Loi électorale du Canada a près de 30 ans et celles qui s'y rajoutent sont encore plus âgées. La Loi électorale renferme un certain nombre de dispositions administratives désuètes et, dans certains cas, incohérentes, ayant besoin d'être révisées.
Permettez-moi de mettre en relief quelques changements proposés dans ce projet de loi. À l'heure actuelle, le directeur de scrutin n'a pas droit de vote. Est-ce normal? Il lui est interdit de voter sous prétexte que son vote servirait à briser une éventuelle égalité. Il est clair que cette restriction est contraire à la Charte des droits et libertés et qu'elle n'est pas nécessaire.
Depuis la Confédération, l'égalité ne s'est produite que cinq fois et ce, dans toute l'histoire du Canada. Dans les 300 circonscriptions à travers du pays et à toutes les élections, on a interdit le droit de vote à 300 personnes. Mentionnons que la dernière égalité remonte à 37 ans.
L'exemple de l'élection de 1988 me porte à croire que dans le cas d'une égalité ou d'une quasi-égalité, les tribunaux demanderaient un nouveau scrutin. C'est ce qui s'est produit dans le cas de M. Bevilacqua où, après plusieurs recomptages judiciaires, le tribunal avait demandé un nouveau scrutin. À mon avis, cette mesure d'interdiction du droit de vote aux présidents d'élection est tout à fait désuète.
Deuxièmement, aucune disposition n'existe à ce jour à propos de la vérification de documents de nomination d'un candidat et cela m'a surpris. Madame la présidente, je sais que vous avez travaillé longtemps dans le processus. Lorsqu'on soumet au président d'élection une liste de personnes ayant appuyé une candidature, on assume que cette liste contient des vrais électeurs.
Lors de l'élection de 1997 dans Fraser Valley, il y a un cas où le député actuel, M. Chuck Strahl, avait comme adversaire un candidat qui se nommait Sa Tan.
[Traduction]
Ce candidat, qui s'appelait Sa Tan, avait présenté des noms tout aussi farfelus à l'appui de sa candidature, et son nom s'est retrouvé sur le bulletin de vote. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on s'est aperçu qu'il n'y avait pas de mécanisme pour vérifier si, en fait, les personnes qui appuyaient la nomination d'un candidat existaient vraiment. Il va de soi qu'il fallait corriger la situation.
[Français]
Le projet de loi C-2 permettra aux personnes en danger de fournir l'adresse de leur ancien lieu de résidence plutôt que celle du lieu actuel. En faisant le registre permanent des électeurs, une situation non souhaitée s'est présentée. Dorénavant, tous les foyers d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale apparaissent sur la liste des électeurs. On y voit le nom des victimes et leur adresse.
Bien sûr, certains savent où se situent ces foyers d'hébergement, mais on ne sait certainement pas quelle femme victime de violence demeure dans quel foyer. Comme la liste permanente des électeurs permet de connaître le lieu de résidence des victimes, les agresseurs peuvent le connaître assez facilement. Le projet de loi veut permettre une espèce d'exemption pour protéger ces victimes.
Dans un deuxième temps, je pense qu'il serait tout à fait normal que ces résidences soient des lieux où il est interdit de faire du porte-à-porte, pour la même raison que vous comprendrez, j'en suis convaincu. Ce sont là les dispositions du projet de loi.
[Traduction]
Aux dernières élections, en Saskatchewan -- je pense au sénateur Andreychuk -- les bureaux de scrutin ont fermé plus tard que ceux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Bien entendu, ce n'était pas intentionnel. Peu de temps avant, nous avions prévu que les bureaux de scrutin de l'ensemble du pays, sauf pour quelques petites variantes, fermeraient à des heures semblables, afin que les électeurs de l'Ouest du pays aient le sentiment légitime que leurs votes ont la même valeur que ceux des autres Canadiens. Manifestement, une erreur a été commise, puisqu'au bout du compte, les bureaux de scrutin de la Saskatchewan ont fermé plus tard que ceux de la Colombie-Britannique. C'était à cause de l'heure avancée, qui ne l'était pas en Saskatchewan, comme vous le savez tous. Des mesures correctives ont été prises dans ce projet de loi pour remédier à ce problème.
L'étalement des heures de vote sera conservé lorsqu'il y a plusieurs élections partielles dans plus d'un fuseau horaire. En apportant ce changement aux heures de vote échelonnées, nous avons aussi constaté qu'en cas d'élections partielles dans un seul fuseau horaire, les bureaux de scrutin fermaient parfois très tard, ou très tôt, sans raison. L'exemple le plus récent est celui des élections partielles de Sherbrooke, où les bureaux de scrutin ont fermé à 21 h 30, sans raison. Il n'y avait pas d'élections ailleurs au Canada, et c'était la seule élection partielle. Le projet de loi prévoit que désormais, s'il n'y a qu'une élection partielle, ou que des élections partielles n'ont lieu que dans un fuseau horaire, les heures de vote seront de 8 h 30 à 20 h 30.
Il s'agit de questions administratives, mais qui sont importantes pour les électeurs; c'est sans doute ce qui touche de plus près l'électorat.
Le projet de loi C-2 permettra de faire de la publicité électorale en posant des affiches dans les immeubles locatifs et les condominiums, si leur taille et leur emplacement sont raisonnables. Le directeur général des élections publiera un bulletin à ce sujet. Le problème que nous avons, bien entendu, c'est qu'au Canada, on assimile de plus en plus au droit d'expression démocratique le fait d'afficher les couleurs du candidat qu'on appuie en cas de campagne électorale. Pour les maisons unifamiliales, c'est assez facile, mais cela peut poser des problèmes dans le cas des condominiums. Parfois, la société de gestion de l'immeuble en copropriété adopte des règles empêchant cette pratique ou, pire encore, dans le cas des immeubles à logements, le propriétaire décide unilatéralement de l'interdire. Ce projet de loi protégera ce droit des citoyens.
Le projet de loi C-2 permet aussi aux candidats d'entrer dans les immeubles à appartements et autres immeubles à logements multiples, à des heures raisonnables. Cette disposition existait déjà, mais il n'y avait pas de sanction contre ceux qui l'enfreignaient. Un candidat pouvait informer un propriétaire qu'il n'avait pas le droit de l'empêcher d'entrer dans un immeuble, mais si le propriétaire continuait d'insister pour empêcher le candidat d'y entrer pour obtenir des appuis et pour se présenter aux citoyens qu'il espérait représenter au Parlement du Canada, ce dernier ne pouvait rien faire parce qu'aucune mesure punitive n'était prévue, hormis le recours à une injonction. Le temps d'obtenir une injonction -- vous connaissez tous les critères requis -- l'élection était depuis longtemps passée. Si vous aviez perdu, cela ne servait à rien et si vous aviez gagné, il ne servait à rien non plus de poursuivre l'un de vos électeurs. Manifestement, c'était absolument inefficace.
Le projet de loi exige aussi des autorités publiques qu'elles donnent un avis raisonnable avant de retirer des affiches électorales. C'est une question importante, particulièrement dans les coins du pays où les pouvoirs publics ou d'autres sont particulièrement pressés d'enlever des pelouses des affiches, si elles sont tout juste à l'intérieur de la partie de la pelouse qui appartient à la ville plutôt qu'aux propriétaires de la maison. Nous avons constaté que dans certains endroits, quand les autorités municipales n'aimaient pas particulièrement un parti politique, ses affiches disparaissaient rapidement.
La présidente: Particulièrement si elles sont sur des poteaux de métal.
M. Boudria: Sénateur, je crois que vous avez très bien compris cette disposition. Nous voulons qu'un préavis suffisant soit donné afin que les candidats puissent les retirer eux-mêmes. Bien entendu, il y aura une exception si les affiches présentent un risque pour la sécurité publique. Autrement dit, si l'affiche est placée devant un panneau d'arrêt, aucun avis raisonnable n'est nécessaire. On peut enlever l'affiche et poser des questions plus tard.
Il y a aussi des changements pour moderniser les rapports financiers. Les partis enregistrés devront fournir davantage d'informations détaillées sur leur situation financière -- des renseignements sur leur actif et leur passif, sur les prêts ou les garanties, sur les transferts de fonds aux candidats et aux associations locales. Cette question a été soulevée au comité pertinent de la Chambre des communes. Certaines de ces mesures se trouvaient au départ dans le projet de loi; j'en ai ajouté d'autres par suite des instances par des députés de tous les partis à la Chambre afin d'obtenir une plus grande transparence, ce que nous souhaitons tous, j'en suis persuadé. Les partis enregistrés devront présenter un rapport financier vérifié pour chacun de leurs fonds de fiducie créés pour une élection. À ce sujet, on a parlé de «trou noir». À mon avis, on a beaucoup exagéré, mais il reste qu'il y aura davantage de transparence.
Les noms et adresses des donateurs qui ont fait des contributions supérieures à 200 dollars par l'intermédiaire d'une fiducie en vue de promouvoir l'élection d'un candidat devront aussi être révélés. Autrement dit, on ne peut pas donner de l'argent à une fiducie en lui recommandant de remettre ensuite cet argent à un candidat, en utilisant ainsi la fiducie comme paravent. Si le transfert est de plus de 200 dollars, il faut pouvoir retracer le donateur initial. Encore une fois, il s'agit d'accroître la transparence.
À l'étape du rapport, à la Chambre des communes, un député de l'opposition a présenté un amendement pour lequel je lui suis reconnaissant. Les sociétés à numéro devront révéler le nom de leur président-directeur général ou du président de leur conseil si elles font des contributions supérieures à 200 dollars, qui seront divulguées publiquement. Il s'agit encore de quelque chose de tout à fait normal, mais personne n'y avait pensé avant l'étape du rapport.
Le projet de loi précise que les dépenses pour frais de garde et pour les soins à personne à charge seront intégrées aux dépenses de candidats et partant, remboursables. Madame la présidente, vous savez probablement que dans certaines circonscriptions, les dépenses pour frais de garde ont été acceptées par le directeur du scrutin, mais il n'y avait pas de règle à ce sujet. Ce droit est désormais protégé. Tous pourront en profiter, mais je crois que les candidates aux élections l'apprécieront particulièrement. Pour des raisons évidentes, ce sera intéressant.
Divers changements ont été apportés à la Loi électorale pour tenir compte de l'inflation au cours trois dernières décennies. Le don minimal à déclarer était de 100 $. Nous avons porté cette somme à 200 $. Bien entendu, c'est encore inférieur à ce que représentaient 100 $ en 1974. Il aurait fallu fixer le montant à 275 $ pour avoir l'équivalent. En outre, cette somme est équivalente, voire inférieure à celle qui a été fixée par la majorité des provinces et territoires, y compris l'Alberta, qui a choisi 375 $. Le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon ont fixé le seuil des dons à divulguer à 250 $. Au Québec, c'est 200 $, tout comme ce que nous vous proposons. Le chiffre de 100 $ a été fixé en 1974 et n'avait jamais été majoré depuis.
Pour la même raison, le seuil du crédit d'impôt de 75 p. 100 pour les contributions sera porté de 100 $ à 200 $. Il s'agit encore une fois de compenser en partie les effets de l'inflation.
Pour répondre à des préoccupations d'ordre technique formulées par des experts, des candidats et des partis politiques, le plafond de dépenses seront modifiés en fonction des listes électorales révisées, ce qui aura pour résulter de le hausser. Permettez-moi de vous décrire la chose, honorables sénateurs.
La liste électorale permanente est disponible dès le premier jour de la campagne. D'autres noms s'y ajoutent ultérieurement. Dans une circonscription où de nouveaux quartiers ont été formés après le premier jour, le plafond de dépenses du candidat ne sera pas relevé proportionnellement parce qu'il n'y aura pas eu de nouveau recensement. Désormais, les nouvelles listes révisées seront employées pour fixer le plafond, à la condition qu'il y ait une augmentation. Manifestement, si le candidat a déjà dépensé l'argent, on ne peut changer le plafond en l'abaissant; ce sera la somme la plus élevée des deux.
Par ailleurs, un tribunal ontarien a abrogé les dispositions relatives à la liquidation de l'actif des partis politiques qui perdent leur statut officiel. Vous connaissez peut-être le cas du Parti communiste. Le projet de loi tient compte de cette décision en permettant aux partis enregistrés qui n'ont pas présenté le nombre requis de candidats à l'élection précédente de garder leur actif, à certaines conditions. Je pourrai vous les décrire en répondant à vos questions. Le projet de loi prévoit aussi le remboursement complet des dépôts de nomination des candidats.
Comme vous le savez, actuellement, le dépôt de nomination est de 1 000 $. On vous en rembourse 500 $ lorsque vous présentez tous les documents nécessaires et l'autre 500 $, seulement si vous obtenez 15 p. 100 des voix. La commission Lortie avait recommandé l'élimination de cette disposition et son remplacement par un remboursement de 1 000 $. Bien entendu, le tribunal ontarien dans l'affaire du Parti communiste a déclaré que c'était vraiment excessif et inconstitutionnel. Pour en tenir compte, nous avons fait ce que recommandait la commission Lortie, il y a quelques années.
D'autres dispositions du projet de loi découlent de décisions judiciaires. Ainsi, le régime électoral actuel prévoit des limites de dépenses pour les candidats et pour les partis politiques, ce qui est normal. Il y avait aussi autrefois des limites pour les tiers. Il me semble que dans une société démocratique, si on plafonne les dépenses de celui qui dit: «Votez pour Don Boudria», il faut aussi plafonner celles d'une campagne qui dirait: «Votez contre Don Boudria». Autrement, quelque chose ne va pas dans la loi. En outre, nous avons des lois selon lesquelles pour faire la promotion d'une candidature, les fonds doivent venir du Canada et faire l'objet d'une divulgation publique.
La décision rendue dans l'affaire Somerville ayant été invalidée, les tiers partis ne sont assujettis à aucun plafond actuellement. La divulgation n'est pas non plus obligatoire et il n'est pas nécessaire que les fonds viennent du Canada. Les fonds peuvent provenir de gouvernements étrangers ou d'organisations étrangères, ce qui n'est pas très sain. Je pense que vous me comprenez bien.
L'arrêt récent de la Cour suprême dans l'affaire Libman a appuyé le principe du plafond de dépenses des tiers. Ce jugement revêt donc une grande importance. Plus tard, en réponse à vos questions, je pourrai en citer des passages qui montrent trois choses: d'abord, que le plafond de dépenses pour les tiers est une bonne chose; ensuite, qu'il doit être inférieur à celui des candidats; et enfin, que les juges désapprouvaient la décision dans l'affaire Somerville, en Alberta. Tout cela mis ensemble nous donne le pouvoir et la légitimité nécessaires pour légiférer en ce sens.
Au sujet des tiers, je ne propose de plafond que pour la publicité. Il faut se rappeler que toutes les dépenses des candidats sont limitées. Ma proposition n'impose de plafond aux tiers que pour les dépenses publicitaires. Il s'agit d'une limite nationale de 150 000 $, de 3 000 $ par circonscription et de 3 000 $ pour les élections partielles, par organisme tiers. Elle ne s'applique pas à l'ensemble des tiers, mais à chacun d'eux.
Le sénateur Cools: C'est par organisme?
M. Boudria: Oui. S'il y a six organismes dans ma circonscription, chacun est soumis à un plafond légèrement inférieur, mais il n'y a pas de limite quant à leur nombre. Je crois qu'on peut dire qu'il n'y a habituellement qu'un groupe qui soutient un candidat, et qui s'occupe de sa campagne.
Le plafond de 150 000 $ serait employé par une personne ou un groupe de partis enregistrés auprès du directeur général des élections dans le but de soutenir un parti politique ou de s'y opposer, ou de s'opposer à des positions prises par des partis politiques, pendant une campagne. Je pense que la somme de 150 000 $ permet suffisamment l'expression d'un point de vue au niveau national et qu'avec 3 000 $, les tiers peuvent participer au niveau de la circonscription. Je pense que cette façon de faire rétablira l'égalité pour tous.
Des règles anti-collusion sont prévues pour empêcher qu'un groupe se subdivise en plusieurs autres pour contourner la loi.
La Cour suprême a récemment invalidé l'interdiction de sondages dans les dernières 72 heures d'une campagne. Il importe de signaler que la cour était en faveur de l'idée de donner aux électeurs la possibilité d'évaluer les sondages avant le jour du scrutin. Toutefois, la Cour suprême estime que cette interdiction à elle seule, sans information sur les méthodes de sondage, ne peut permettre d'atteindre cet objectif.
Le gouvernement estime que des sondages trompeurs ou inexacts à la fin d'une campagne électorale peuvent avoir un effet sur le résultat des élections. Je crois que depuis longtemps, au Canada, on s'entend là-dessus. Il faut toutefois respecter la décision de la Cour suprême en établissant l'interdiction de publication proposée. C'est pourquoi le projet de loi C-2 présente une interdiction uniquement pour le jour du scrutin. Au départ, je voulais que ce soit pour 48 heures. Mais après avoir rencontré diverses personnes des médias, dont les représentants de l'Association canadienne des journaux, je suis revenu sur cette décision et j'ai limité l'interdiction au jour du scrutin seulement. Autrement dit, un sondage ne pourrait être diffusé après minuit, la veille d'une élection. De même, il n'y aura pas de publicité le jour du scrutin, mais jusqu'à la veille, oui. Je crois que c'est raisonnable. Les électeurs auront le dernier mot.
La diffusion de sondages le jour du scrutin a un autre effet dont j'aimerais vous parler. Je crois que les législateurs appuient la décision prise il y a quelques années, selon laquelle les résultats du scrutin ne peuvent être rendus publics qu'après la fermeture des bureaux de scrutin. Cela touche les Canadiens de l'Ouest, pour des raisons géographiques. C'est tout à fait justifié. Pourtant, avec le phénomène des sondages auprès des votants qui remonte à quatre ou cinq ans, il est possible de publier dès 16 heures, heure de Vancouver, des sondages des votants, à la sortie des bureaux de scrutin du centre du pays, un demi-heure avant la fin du scrutin, justement le résultat que nous avons essayé d'éviter. Autrement dit, que l'on compte les votes ou que l'on fasse un sondage scientifique auprès des électeurs à leur sortie du bureau de scrutin, les résultats sont très semblables. Les gens d'une partie du pays sauront comment la majorité au pays a voté avant même de se présenter au bureau de scrutin, à moins que nous interdisions les sondages d'opinion publique, particulièrement à la sortie des bureaux de scrutin, le jour de l'élection.
J'aimerais soulever la question des sanctions.
[Français]
Le commissaire aux élections fédérales sera autorisé à conclure des transactions qui seront rendues publiques, des ententes, si vous voulez, avec des personnes et à demander des injonctions pour assurer l'équité du processus électoral. Auparavant, comme je l'ai indiqué tantôt, il fallait prouver des dommages irréparables. Dans un processus électoral, le dommage irréparable est presque toujours prouvé au lendemain des élections. À ce moment, cela ne fait plus de différence.Il y aurait des critères d'équité du processus et d'intérêt public insérés qui feraient en sorte qu'on pourrait demander au commissaire aux élections d'intervenir.
Incidemment, vous savez bien sûr que le commissaire aux élections et le directeur général des élections ne sont pas la même personne. Le commissaire aux élections a un rôle quasi judiciaire d'intervenir pendant une campagne électorale. C'est M. Landry, et non M. Kingsley. Je ne voudrais pas que cela porte à confusion.
Enfin, étant donné que le directeur général des élections, M. Kingsley, aura besoin de temps pour préparer l'application des nouvelles dispositions, le projet de loi C-2 entrera en vigueur six mois après le jour de la sanction royale, ou un peu plus tôt si le directeur général des élections est prêt à le faire. Bien sûr, lorsqu'on fait des changements de ce genre, il faut que l'appareil se prépare à les mettre en place pour des élections futures, préparatifs nécessaires, entraînement des gens dans les régions, et cetera. Il a besoin d'une période de transition.
Ces modifications sont importantes. Je pense qu'elles nous assureront un système électoral moderne encore plus efficace. À mon avis, les changements que je suggère sont raisonnables, justes et fondés sur nos traditions démocratiques et sur le travail d'experts en élections, de gens du secteur académique et bien sûr, de nombreux parlementaires.
Je crois que le projet de loi C-2 fera en sorte que notre système électoral demeurera un modèle, ce qu'il est déjà pour les autres démocraties, dans les années à venir. Il me fera plaisir de répondre à vos questions, tout en m'excusant d'avoir pris tant de temps pour vous donner ces explications.
Le sénateur Beaudoin: C'est un plaisir de vous avoir avec nous, monsieur le ministre, ce matin. Je suis tout à fait d'accord que le Canada est certainement une très grande démocratie. Cela ne fait aucun doute.
Je veux revenir sur la question des sondages. Autrefois, on empêchait les sondages dans les dernières journées.
M. Boudria: En France, cela se fait toujours.
Le sénateur Beaudoin: Oui, on le fait dans bien d'autres pays. J'ai lu la décision de la Cour suprême dans l'affaire Thomson, et je trouve cela intéressant. La décision n'est pas unanime mais quand même très forte. Je me suis demandé pourquoi on fait une certaine exception le jour du scrutin. Est-ce en raison de l'article 1 de la Charte, à savoir que c'est une restriction raisonnable dans un pays démocratique comme le nôtre? Est-ce qu'il y a une raison? Le fuseau horaire du Canada est très vaste. Cela m'a toujours intéressé de savoir pourquoi les bureaux de scrutin fermaient à des heures différentes d'un endroit à l'autre.
Je me suis toujours dit qu'il était facile de savoir comment les gens votaient dans une province, nous n'avons qu'à nous en informer par téléphone ou autrement. Nous pouvons connaître la tendance du vote avant que les bureaux de scrutins ne ferment.
Vous vous conformez à la décision de la Cour suprême, et c'est très bien, mais le jour du scrutin, vous dites que c'est l'interdiction totale. Pourquoi totale, est-ce une restriction que vous trouvez normale dans un pays libre et démocratique? Est-ce que c'est votre argument pour le jour du scrutin? Pour les trois jours avant, il y a plus de problèmes avec la décision de la cour.
M. Boudria: En fait, il y a deux éléments à la réponse. Premièrement, avec les méthodes de communication modernes, nous pouvons connaître les résultats du vote ailleurs au pays avant que nous puissions voter nous-même si les heures d'ouverture ou de fermeture des bureaux de scrutin sont les mêmes, étant donné que les fuseaux horaires sont différents. À la lumière des communications modernes également, nous avons dû changer le système il y a quelques années, car la méthode qui consistait à bannir la publication des résultats à la télévision était devenue très poreuse.
L'équivalence moderne consiste à changer les heures de vote pour que les bureaux de scrutin ferment à peu près en même temps. Il y a très peu de pays, exception faite des États-Unis peut-être, dans lesquels nous obtenons les résultats d'élections avant que le vote ne soit complété. Dans certains États américains, dont le New Hampshire, par exemple, si tout le monde a déjà voté dans un bureau de scrutin, même s'il n'est que 10 h 30 le matin et que d'autres gens dans la même circonscription n'ont pas encore voté, nous pouvons compter les votes. Je trouverais cela absolument épouvantable et nous pourrions imaginer la même chose au Canada puisqu'il y a une quantité à peu près égale de fuseaux horaires.
Deuxièmement, il y a le phénomène très récent des «exit poll». La première fois que j'en ai pris connaissance fut lors de la précédente élection présidentielle américaine. Nous obtenons les résultats des votes en interviewant les gens à l'entrée ou la sortie des bureaux de scrutin. Les résultats sont ensuite publiés. Cette méthode de calcul, reconnue scientifiquement comme étant passablement juste, est une façon de détourner les règles existantes. Encore une fois, cela remet la règle à ce qu'elle était jadis.
Finalement, il pourrait y avoir publication d'un sondage qui s'avérerait faux aux yeux de certains ou diffusion d'annonces publicitaires le jour même du vote qui ne pourraient pas être contestées par l'autre partie parce qu'il ne reste plus de temps. Nous ne pouvons pas convoquer une assemblée publique le soir même dans le but de les dénoncer, le dommage étant fait.
Pour toutes ces raisons, le besoin de déterminer ce qui est raisonnable a été comblé concernant cette interdiction qui est réellement faible. Souvenons-nous des interdictions que nous avions il y a seulement quelques années. Les premiers jours de la campagne ainsi que les 72 dernières heures, il était interdit de faire des annonces publicitaires. Toutes ces restrictions publicitaires ont été levées et les restrictions sur les sondages ont encore une fois été raccourcies de 72 heures à minuit la veille des élections. Cela empêche tout simplement la parution d'informations dans les médias le jour du vote. Ce n'est pas déraisonnable.
Le sénateur Beaudoin: Je suis porté à croire que c'est raisonnable.
[Traduction]
Le sénateur Andreychuk: Je veux vous poser une question au sujet du point de vue du gouvernement sur la suspension des partis enregistrés et la limite de 50 candidats. Dans les pays en voie de développement ou en instance de réformes, on se demande comment inclure tout le monde, dans une société pluraliste. Je me demandais si vous aviez songé à cela, et au problème que peuvent représenter ces limites.
M. Boudria: Je m'excuse de répondre avec toute la prudence qui s'impose, étant donné que la question est devant les tribunaux au moment où nous nous parlons.
Nous avons interjeté appel de la décision de Mme la juge Molloy dans l'affaire Figueroa c. Canada (procureur général) étant donné que, selon cette décision, le nombre de candidats qui convenait n'était pas 50, que le chiffre 50 devait être remplacé partout par le chiffre 2. Je ne sais pas si tous les membres du comité sont au courant, mais c'était bien là la décision de la juge Molloy, et nous l'avons immédiatement portée en appel.
Comme je l'ai dit, nous n'avons pas fait appel de la disposition concernant la perte d'un certain montant d'argent dans le cas d'un nombre insuffisant de votes, et cetera. En rétrospective, cela était peut-être excessif; cependant, pour ce qui est du fait que deux personnes puissent constituer un parti politique, selon moi, il s'agit plutôt de deux candidats indépendants, et non pas d'un parti politique.
Le chiffre de 50 est-il le bon? Il me semble raisonnable pour un pays qui compte 301 circonscriptions. Pour qu'un parti politique soit reconnu et inscrit sur le bulletin de vote, il doit y avoir un seuil quelconque qui le distingue d'un simple groupe d'individus.
Je vous prie de retenir que rien n'empêche qui que ce soit d'être candidat. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Cependant, un parti politique veut dire un groupe. Le Canada, qui compte 301 circonscriptions, est divisé en régions. Le Québec, par exemple, est défini selon la constitution comme une région comptant 75 sièges. La région de l'Ontario en compte 103. L'Atlantique et l'Ouest sont également des régions, et un nombre précis de sièges correspond à chacune d'elles. J'estime par ailleurs que ces nombres sont raisonnables.
Je ne puis en dire davantage étant donné que l'affaire est devant les tribunaux, comme je l'ai déjà signalé.
La présidente: Je crois comprendre que, selon certains des partis de l'autre endroit, le nombre de 12 convienne davantage, étant donné qu'il correspond aux critères de reconnaissance d'un parti à la Chambre.
M. Boudria: Le problème dans ce cas c'est que, chaque fois qu'un parti politique chercherait à faire élire 12 candidats, il faudrait que 100 p. 100 des candidats soient élus. Il doit y avoir 12 élus, quel que soit le nombre de candidats. De toute évidence, il doit s'agir d'un nombre supérieur à 12 pour qu'on puisse arriver à 12.
Il me semble bien que si des gens décident de se porter candidats d'un parti, c'est pour aboutir à un parti. Autrement pourquoi former un parti? Voilà pourquoi nous estimons qu'il n'est pas déraisonnable d'aligner 50 candidats dans l'espoir d'en faire élire 12, si tel est le seuil, étant donné ces gens ont fait valoir que le chiffre devait avoir un lien quelconque avec le nombre d'élus nécessaire. La plupart des partis politiques se considéreraient chanceux d'avoir fait élire 12 candidats sur 50 à toutes les élections.
Le sénateur Andreychuk: Il y a l'aspect numérique, mais il y a aussi l'aspect géographique. Certains pays envisagent, s'ils ne l'ont déjà fait, d'intégrer à leur régime électoral une exigence visant la répartition régionale des sièges, selon le nombre fixé.
M. Boudria: Encore ici, il s'agit d'un aspect qui, d'après moi, ne correspond pas à la réalité historique du Canada. Le Canada a été constitué par un groupe de provinces qui se sont unies pour former un pays, si l'on fait exception de l'Ouest, dans lequel cas un territoire a été divisé en provinces. Il existe au Canada une longue tradition de partis régionaux, qu'il s'agisse par exemple du CCF et de ses origines, du Parti du crédit social dans l'Ouest, des United Farmers de l'Alberta et d'autres groupes du genre. Je ne parle pas ici d'une préférence personnelle, mais du fait qu'il faut reconnaître la réalité historique du Canada. Je sais bien que ce n'est pas ce que vous avez dit, mais il me semblerait pour le moins difficile que le Bloc Québécois présente également des candidats en Ontario.
Le sénateur Andreychuk: Je ne pensais pas du tout au Bloc.
M. Boudria: Peu importe. C'est là un aspect secondaire.
Le sénateur Cools: Les partis que vous venez de nommer ont présenté des candidats à l'extérieur de leur propre province.
M. Boudria: Il ne s'agissait pas de provinces mais de régions.
Le sénateur Cools: Il y a là une légère différence. Je n'y avais pas songé avant que vous ne souleviez la question. Il existe une différence entre des partis comme le CCF, le Crédit social, les progressistes, et cetera et le Bloc québécois.
Le sénateur Pearson: Les créditistes se limitaient au Québec.
Le sénateur Cools: Ils faisaient partie du Crédit social.
Le sénateur Beaudoin: C'était très compliqué. Le parti ressemblait au départ au Crédit social tel qu'il existait dans l'ensemble du Canada.
M. Boudria: Je crois qu'il y en a un certain nombre d'autres. Par exemple, si j'ai bonne mémoire, il existait durant la période de la Confédération un parti régional établi dans une seule province de l'est du Canada. Sénateur Buchanan, vous pourriez peut-être nous en dire davantage là-dessus. Il y a toute une histoire à ce sujet. Il y a eu également le Bloc populaire.
Je ne dis pas qu'il s'agit d'un phénomène qui me plaît, mais il me faut constater que c'est une réalité. En stipulant qu'un parti politique doit non seulement présenter 50 candidats mais également être établi dans plus d'une province ou plus d'une région, on va à l'encontre de la réalité historique de notre pays. Une telle exigence serait vraisemblablement contestée sans délai devant les tribunaux. Elle serait excessive.
Le sénateur Andreychuk: Dans le cadre de notre politique, étrangère j'ai eu connaissance de situations où nous avons proposé à d'autres pays -- pour contrecarrer la balkanisation en Afrique, par exemple -- d'adopter un régime multipartite établi à l'échelle nationale et non à l'échelle tribale. Je me demande donc s'il est opportun pour nous de préconiser une politique que nous ne pratiquons pas nous-mêmes pour des raisons d'ordre historique.
M. Boudria: Je vais transmettre votre message au ministre des Affaires étrangères.
Le sénateur Moore: Merci, monsieur le ministre. De toute évidence, vous possédez à fond ce projet de loi.
J'aurais une question à vous poser sur la publicité par des tiers. Je constate que des limites de dépenses sont prévues et que l'article 91 interdit les fausses déclarations. Selon le paragraphe 486(3), le fait de contrevenir à l'article 91 constitue une infraction et l'article 500 prévoit une amende, une condamnation par procédure sommaire ou un acte criminel. J'ai à l'esprit le cas où, durant les dernières élections fédérales générales en 1997, les chefs de police du Canada ont placé des enseignes dans certaines circonscriptions. Il s'agissait d'annonces malveillantes, fallacieuses et injustes. Les candidats ont dû avoir recours aux tribunaux pour les faire enlever. Il s'agit là d'un processus qui prend du temps. Ainsi, si quelqu'un contrevient à l'article 91, il faut intenter des procédures judiciaires pour corriger la situation. Cependant, il se peut que le redressement soit trop tardif et que le tort soit déjà fait. J'ai été plutôt déçu lorsque j'ai vu ces enseignes. Il y en avait une en Nouvelle-Écosse. Je ne sais trop comment qualifier cette initiative. Il s'agissait d'une campagne négative à l'américaine, d'une tactique que je n'avais jamais vue auparavant. Pour combattre le message ciblé qui donnait de lui une image injuste, le candidat était obligé de modifier le ton de sa campagne.
Le projet de loi C-2 a-t-il une portée suffisante pour englober ce genre de situation? Il s'agit de publicité injuste qui ne sert pas les intérêts des électeurs. Ce genre d'initiative oblige le candidat à réagir et lui coûte cher. C'est tout à fait contraire à l'esprit canadien.
M. Boudria: Vous avez tout à fait raison, sénateur, dans votre description de cette campagne d'annonces. Mais ce n'était pas le seul cas. Un certain nombre d'autres groupes en ont fait autant, ou pire.
Le sénateur Moore: C'est ce que j'ai vu de pire en Nouvelle-Écosse.
M. Boudria: Je me souviens du cas d'un candidat, député à l'époque, qui a réussi à contester une campagne de publicité négative et a obligé les responsables à retirer cette publicité.
L'article 91 du projet de loi évoque certaines mesures -- et je peux vous citer celle-ci pour votre information:
Il est interdit de faire ou de publier sciemment une fausse déclaration concernant la réputation ou la conduite personnelle d'un candidat ou d'une personne qui désire se porter candidat avec l'intention d'influencer les résultats de l'élection.
L'article 92 s'applique dans le cas d'une fausse déclaration concernant un désistement.
Les mesures sur l'injonction dont j'ai parlé tout à l'heure ont aussi été modifiées. Voici l'article 516:
S'il a des motifs raisonnables [...]
Il est question du commissaire aux élections, investie du rôle quasi-judiciaire dont j'ai parlé.
[...] de croire à l'existence, à l'imminence ou à la probabilité d'un fait -- acte ou omission -- contraire à la présente loi et compte tenu de la nature et de la gravité du fait, du besoin d'assurer l'intégrité du processus électoral et de l'intérêt public, le commissaire peut, pendant la période électorale, demander au tribunal compétent [...] de délivrer l'injonction visée au paragraphe (2).
Comme je l'ai dit, l'injonction comporte désormais non seulement le critère de tort irréparable mais en outre, elle est beaucoup plus facile à obtenir. Elle ne saurait être plus difficile à obtenir qu'actuellement, car je ne connais personne qui ait jamais pu obtenir réparation de quoi que ce soit, pas plus au fédéral qu'au provincial. Cette disposition rend l'injonction plus facile à obtenir.
Tout cela est-il suffisant? C'est le temps qui le dira. C'est une voie moyenne. Les juristes parmi vous reconnaîtront que dans ce domaine, il est très important de veiller à la liberté de parole. Il faut éviter d'aller trop loin. Si l'on interdit la publication de tout ce que l'on considère comme plus ou moins inexact, on va finir par empêcher tout débat. Il arrive, même à la Chambre des communes, que nous ne soyons pas d'accord sur des faits.
La présidente: Vous dites que pour le commissaire, la possibilité de demander une injonction apporte une solution immédiate au problème.
M. Boudria: Oui. C'est plus facile qu'autrefois.
La présidente: Ce projet de loi crée une infraction, et son article 500 énonce la pénalité correspondante.
M. Boudria: Les pénalités sont là. Aux termes de l'article 516, les mesures d'injonctions sont plus faciles d'accès qu'autrefois. Et le projet de loi comporte une disposition sur l'exécution de l'injonction, une fois celle-ci obtenue.
Le sénateur Fraser: Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question sur les sondages. Je comprends bien la tension qui s'exerce ici. Je vois aussi que vous essayez d'établir un certain équilibre, et qu'il y a différents éléments à prendre en compte. Cependant, je me demande pourquoi il faut aller aussi loin en matière de surveillance des médias.
La Cour suprême affirme -- et je suis d'accord, vous avez dit la même chose dans votre présentation -- qu'il n'est pas souhaitable que des documents incomplets, éventuellement inexacts, tendancieux ou trompeurs soient publiés à la fin d'une campagne. Cependant, pourquoi a-t-on ajouté ces dispositions concernant la publication pendant toute la durée de la campagne? Laissez-moi vous présenter certains problèmes que je pressens.
Tout d'abord, ces mesures risquent fort de dissuader les médias d'utiliser des fuites concernant des sondages sur des questions fondamentales -- même s'il n'est pas question des intentions de vote -- comme vous le savez certainement, puisque vous êtes en politique, les fuites sur les sondages peuvent à l'occasion constituer une contribution intéressante aux débats publics pendant une campagne électorale.
Deuxièmement, compte tenu du grand nombre d'éléments que doit comporter la publication au cours des 24 premières heures, un grand nombre de stations de radio privées seront contraintes de ne pas parler des sondages en question.
M. Boudria: Il y a un critère différent pour la radio.
Le sénateur Fraser: Pour tous les diffuseurs?
M. Boudria: Il y a une exigence, mais ce que l'on demande aux médias écrits est différent. Pour la radio, il y a une formule qui facilite l'accès. N'oublions pas qu'il ne s'agit ici que des 24 premières heures de publication.
Le sénateur Fraser: Je n'oublie pas.
M. Boudria: Par exemple, s'il est question d'un sondage réalisé deux jours plus tôt, il est inutile de dire: «Ce sondage a été réalisé il y a deux jours, sur un échantillonnage de temps, et les résultats sont vrais 19 fois sur 20.» Il est inutile de répéter tout cela. Il ne s'agit que de la publication pendant les 24 premières heures.
Sur le degré de surveillance des médias, je signale que des pays comme la France ont totalement interdit la publication des sondages d'opinion publique pendant les sept derniers jours de la campagne. Il n'y a aucune interdiction dans ce projet de loi, à l'exception du jour du vote, et il n'y est pas question des sondages d'opinion publique réalisés en dehors d'une campagne électorale. Le projet de loi ne concerne que la durée de la campagne électorale et ne comporte aucun mécanisme de contrôle. On dit simplement: «Dites-nous où vous avez obtenu tout cela.» On énonce certains critères.
Le sénateur Fraser: Pourquoi pendant toute la durée de la campagne?
M. Boudria: En ce qui concerne les règles applicables à la radio, vous connaissez sans doute l'arbitre de la radiodiffusion chargé de définir les formes à respecter en matière de radiodiffusion.
Le sénateur Fraser: Quelle disposition du projet de loi concerne spécifiquement cette période 24 heures?
M. Boudria: Je vais demander l'aide des experts.
M. Peirce: L'article 326 du projet de loi énonce les exigences supplémentaires applicables aux publications de sondages. C'est au paragraphe 326(2).
Le sénateur Fraser: Je sais, mais il y a une longue liste d'exigences auxquelles les radiodiffuseurs doivent aussi se conformer.
M. Peirce: Il y a une liste qui s'applique aux deux, mais les exigences à l'égard des éditeurs sont plus détaillées.
Le sénateur Fraser: La liste qui s'applique aux radiodiffuseurs est assez longue elle aussi. Il en résulte que pendant toute la durée de la campagne électorale, on ne peut donner au public aucun élément d'information partielle, quelque soit son importance ou sa validité pour le public. Si l'on disait, par exemple, que les règles les plus rigoureuses s'appliquent pendant la dernière semaine d'une campagne, on laisserait ainsi tout le temps nécessaire pour réfuter une information inexacte, et d'après vos critères, on pourrait même effectuer et publier de nouveaux sondages pour réfuter cette information. Il s'agit d'un régime de sept semaines pour toute la campagne. Pendant toute la durée de la campagne, on applique cette limite extrêmement rigoureuse à la liberté de la presse.
M. Boudria: Je ne pense pas que le critère soit à ce point rigoureux. En ce qui concerne le bien-fondé de l'initiative, je vous renvoie à l'arrêt Thomson de la Cour suprême, paragraphe 109, qui indique que l'influence des sondages sur le choix des électeurs est importante et manifeste. Le juge déclare que pour cette raison, le fait de prévenir l'influence des sondages inexacts est un objectif suffisamment important et impératif pour justifier une limite de la liberté d'expression.
La cour affirme également qu'une interdiction de publication, que nous n'imposons que le jour du vote, combinée à l'obligation de publier l'information sur la méthodologie, constitue la façon la plus efficace d'atteindre cet objectif. C'est ce que l'on trouve au paragraphe 119 de l'arrêt. C'est pourquoi nous avons proposé une interdiction uniquement le jour du vote, avec l'application de publier l'origine de l'information. Si quelqu'un fait un sondage uniquement auprès de ceux qui sont allés chez McDonald ce matin, c'est ce qui constitue sa source. Lorsqu'il s'agit d'un sondage scientifique, il faut le savoir, et c'est à chacun de déterminer ce qu'il convient d'en penser.
Il s'est produit une situation curieuse pendant la dernière campagne électorale: l'un de ces sondages est apparu en première page d'un journal des environs. Quelques jours plus tard, d'autres journaux se sont moqués de celui qui avait publié le sondage en première page en disant: «C'est ridicule. Ce n'est pas un sondage scientifique.» C'est très bien lorsque des intérêts concurrents demandent des comptes. Cependant, vers la fin d'une campagne électorale, lorsqu'on a plus le temps de réfuter ce qui a été publié, les choses sont bien différentes.
Le sénateur Fraser: C'est précisément de cela que je veux parler, c'est-à-dire de la situation en fin de campagne. Je vois bien l'intérêt d'une telle mesure, mais il en va différemment pour la période qui précède. Je connais bien la structure actuelle des médias de notre pays, monsieur le ministre.
M. Boudria: Je le sais, sénateur.
La présidente: Le paragraphe 326(1) précise, entre autres choses, que «toute personne qui diffuse les résultats au cours des 24 heures qui suivent...» Cela veut-il dire que les résultats peuvent être diffusés pendant le reste de la campagne électorale?
Le sénateur Fraser: Il doit toujours y avoir une première diffusion. Cette mesure empêche une première diffusion dans les 24 heures, et la diffusion peut se produire en tout temps pendant la période électorale. Il n'y a pas de place ici pour la publication d'une information qu'on aurait voulu supprimer afin que les électeurs n'en soient pas informés.
La présidente: En réalité, c'est des fuites de sondages que vous parlez ici.
Le sénateur Fraser: Je parle notamment des fuites de sondages. C'est un élément important qui doit rester disponible.
M. Boudria: En réalité, il s'agit de déterminer si le risque d'empêcher quelqu'un de parler d'une fuite de sondage justifie ou non l'imposition de règles.
Le sénateur Fraser: Je n'aurais pas pu dire mieux, monsieur le ministre.
M. Boudria: C'est un aspect de la question. Vous en soulevez un deuxième, à savoir que toute restriction est plus justifiée à la fin de la campagne qu'à son début. Je crois que c'est aussi ce que vous dites implicitement, sénateur. En fait, il y a deux éléments, et je crois que vous avez abordé les deux.
Il est certain qu'à la fin de la campagne, c'est encore plus important, mais si l'on se reporte à l'arrêt de la Cour suprême, la question n'est pas si difficile à trancher. Une interdiction ne porte que sur les 24 heures qui suivent la publication d'un sondage. Le critère ne s'applique plus dès le lendemain.
Reprenons l'exemple du journal. S'il veut utiliser le document deux jours de suite, les critères ne s'appliqueront que le premier jour. Ils ne s'appliqueront plus le deuxième, le troisième, le quatrième jour ni les jours suivants, à condition que le document soit utilisé aux mêmes fins que la première fois.
Le sénateur Cools: Une précision, s'il vous plaît. Le sénateur Fraser et le ministre sont en train de parler entre eux. Qu'est-ce que c'est qu'une fuite de sondage? Quelle différence y a-t-il entre un sondage et une fuite de sondage?
Le sénateur Fraser: Vous permettez, monsieur le ministre?
M. Boudria: Mais bien sûr.
Le sénateur Fraser: Sénateur, je fais référence à une information partielle concernant un sondage qui est transmise à la presse, généralement par quelqu'un qui vise un objectif politique précis. Dans une campagne, tous les partis ont des objectifs politiques précis. Cependant, ces renseignements sont souvent transmis à la presse parce qu'on espère en faire des arguments dans le débat public, en fonction duquel les électeurs vont arrêter leur choix.
Le sénateur Cools: Lorsque vous parlez de débat public, où se déroule ce débat?
Le sénateur Fraser: Entre les électeurs. Nous pourrons peut-être en reparler plus tard.
La présidente: Sénateur Cools, pourriez-vous attendre votre tour?
[Français]
Le sénateur Joyal: Je voulais simplement ajouter à la question du sénateur Fraser. Ce matin, des articles dans le journal rapportaient la décision du juge Richard Nadeau dans la cause impliquant le National Post et le Bloc québécois, dans laquelle il refusait la publication de sondages internes du Bloc québécois dans le cadre de ses activités. Je n'ai pas lu la décision ni les allégués. Je n'ai vu que l'annonce de la décision. Il faudrait voir jusqu'à quel point les éléments que le juge a pris en considération dans sa décision à cette étape de la procédure remet en cause les points sur lesquels vous voulez intervenir. C'est le seul élément additionnel que je voulais apporter.
Monsieur le ministre, je voudrais vous inviter à considérer l'article 18.1 du projet de loi. M. Peirce et Mme Mondou nous ont informés hier que c'était un ajout de la Chambre des communes. Cet article ne figurait pas à l'origine dans le projet de loi. Vous n'êtes pas un ministre qui avez la réputation de ne pas considérer le Sénat dans notre processus parlementaire. Je dois vous rappeler que vous savez certainement, en tant que leader du gouvernement aux Communes, que depuis les six dernières années, le Sénat a amendé des projets de loi où on l'avait exclu ou oublié. Dans une disposition extrêmement importante qui viserait à une utilisation d'un nouveau système de vote électronique, un changement majeur dans notre système électoral -- ce serait une façon de voter totalement nouvelle -- le Sénat n'a pas à agréer une telle décision. Vous savez pertinemment les raisons fondamentales qui ont motivé la création du Sénat, vous l'avez dit de façon indirecte dans vos propos relatifs à la création de notre pays tantôt. Le Sénat a été institué pour donner une voix aux régions qui pèsent moins dans la balance démocratique par le vote populaire et pour protéger les droits des minorités dans ces régions. Étant vous-même un représentant de l'Ontario, vous savez à quoi je fais référence.
Lorsque nous avons pris connaissance de cette disposition hier, je ne peux pas souscrire à une disposition de la loi aussi importante qui exclut le Sénat. Comme je vous le rappelais, nous avons amendé des projets de loi où on avait omis d'inclure le Sénat. Si cette disposition avait été portée à notre connaissance à l'origine du projet de loi, il est certain que quelques-uns parmi nous vous auraient informé qu'il y avait là un défaut à corriger. Cette initiative a été prise à la Chambre des communes. Elle n'a pas été portée à temps à notre attention pour que le correctif soit fait, comme il avait été fait au printemps dernier dans le projet de loi qui consolidait les lois sur l'environnement. Puisque le Sénat avait été exclu, nous avions eu l'occasion de vous informer que l'exclusion du Sénat devait être corrigée. Elle a été corrigée à temps. Lorsque le projet de loi a été présenté au Sénat, il n'a pas été amendé sous cette disposition et il est maintenant en vigueur.
Chaque fois qu'un projet de loi émanant de la Chambre des communes qui exclurait le Sénat, moi-même ou d'autres prendraient l'initiative de proposer des amendements. Nous l'avons dit à plusieurs de vos collègues qui ont témoigné à notre comité, que ce soit le solliciteur général, le ministre de la Défense nationale ou les autres qui sont venus présenter des projets de loi qui excluaient le Sénat. Je sais très bien que ce n'est pas votre fait. Cette disposition est issue d'une initiative parlementaire. Il n'en demeure pas moins qu'elle a pour effet d'exclure l'une des Chambres essentielles du Parlement du Canada sur une décision fondamentale qui est celle de changer la façon de voter. Ceci peut avoir d'énormes implications dans des régions rurales ou des parties du pays qui seraient moins familières avec le vote électronique. Par conséquent, il en va de l'exercice d'un droit démocratique fondamental. Je ne peux pas accepter que le Sénat soit exclu d'une disposition comme celle-là.
M. Boudria: Premièrement, je pense que la plupart des gens autour de cette table savent que je prends souvent la défense du Sénat à la Chambre des communes face à certaines attaques qui nous viennent de l'autre côte. La période des prévisions budgétaires me donne chaque année l'occasion de mettre à l'oeuvre mon engagement, non seulement parce que c'est mon devoir, mais c'est un plaisir de le faire en tant que fervent partisan du bicaméralisme du Parlement canadien. J'espère que l'on ne croit pas qu'il y a un manque d'engagement de ma part pour l'institution du Parlement canadien, le Sénat et la Chambre des communes.
Libre aux honorables sénateurs d'accepter mon explication ou non, mais il n'est pas prévu dans cet article de mettre en place un système de vote électronique. C'est seulement ce qui suit: le parlementaire en question, qui est loin d'être une personne que je défends habituellement, a voulu donner le pouvoir au directeur général des élections de faire des tests à cet effet. D'autres parlementaires ont dit oui mais s'il y a test, le comité chargé des élections à la Chambre des communes, le comité de la procédure et des affaires de la Chambre, l'ex-comité de la procédure, des privilèges et des élections, veut quand même voir la nature de ce test qu'on proposerait à la population. C'est le même comité qui revoit les prévisions budgétaires du président des élections. C'est le même comité auquel se rapporte toute une série de dossiers autour du système électoral à la Chambre des communes. Certains membres de ce comité ont dit que s'il doit faire des tests, d'accord, rien de permanent, bien sûr, car cela demande un amendement législatif. Mais en ce qui a trait au test, les représentants de chaque formation des élus aimeraient voir ce qu'il a l'intention de tester avant de le faire.
C'est en fait une double protection dans le cas de tests, et non pas pour la mise en vigueur de quoi que ce soit de permanent puisque, bien sûr, cela prendrait un amendement législatif assujetti au processus habituel et incluant les deux Chambres. Cela ne réfère donc seulement qu'à l'éventualité de ces tests pour le vote électronique.
Sur le fond du dossier, lorsqu'il y a, par exemple, des mesures de projets de loi qui ont besoin d'être revues au bout de cinq ans, moi-même, ministre qui est chargé de revoir tous les textes législatifs avant leur présentation à la Chambre, lorsque le mot Sénat n'est pas là, je le rajoute. Là n'était pas l'objectif, puisque ce n'est qu'une double précaution pour ne pas permettre à un fonctionnaire, bien que ce soit un fonctionnaire de très haute qualité, en sa personne et par le poste qu'il détient, soit le président des élections, de prendre unilatéralement la décision de faire un test sans qu'un élu l'ait vu d'avance. Tout cela est arrivé au lendemain d'une controverse, il y a quelque mois, lorsque l'UNICEF et le président des élections du Canada avaient fait des simulations d'élections dans des écoles. Cela faisait partie du mandat d'éducation publique et cela avait agité certains parlementaires qui voyaient là une sorte de plan d'extrême-gauche ou quelque chose du même genre, de par ce geste. Je voyais un exercice d'éducation, comme lorsqu'un député ou un ministre ou un sénateur va se présenter devant une salle de classe pour expliquer le fonctionnement du Parlement canadien aux petits enfants. C'est donc un peu l'agitation qui avait fait en sorte que les députés à la Chambre des communes voulaient doublement s'assurer qu'il n'y avait pas un test comme cela qui pouvait être entrepris sans qu'on puisse le voir.
Le sénateur Joyal: Et vous ne seriez pas réfractaire à l'idée que nous amendions cette disposition pour y inclure le Sénat?
M. Boudria: Je reconnais bien sûr le droit constitutionnel des honorables sénateurs d'amender tout projet de loi, mais si cette loi est retardée et que, par le fait même, elle doit revenir à la Chambre pour amendement seulement -- je ne veux pas dire d'essayer d'en trouver d'autres, bien au contraire, je veux dire l'inverse -- cela pourrait causer des délais. Vous savez, suite aux événements à la Chambre des communes depuis l'automne dernier et les cinq partis en Chambre, les projets de loi ne sont pas adoptés rapidement. Et si un projet de loi nous revient, on risque de commencer la prochaine campagne électorale sans le bénéfice d'une nouvelle loi et peut-être encore sans règles concernant les tiers. Je vous invite à y songer. Je reconnais votre autorité totale à amender un projet de loi de la Chambre des communes, même si je n'aime pas toujours cela.
Le sénateur Joyal: C'est bien, on a compris le message.
[Traduction]
Le sénateur Cools: Je pensais à la réponse du ministre au sénateur Joyal. Le problème, c'est que si l'on suit le raisonnement du ministre, il n'y aurait pas assez de partis au Sénat.
Je m'interroge sur l'application de la loi sur le terrain, puisqu'il s'agit bien de la Loi électorale du Canada. Sur la question du crédit d'impôt, je me demande pourquoi les dons à un parti ou à un candidat pendant la période électorale ou après le bref d'élection est de 100 $ depuis 26 ans, depuis 1974. Dans votre déclaration, vous avez dit que ce montant passait à 200 $. Ce n'est pourtant pas une somme suffisante.
Si je me souviens bien, cette disposition vise à inciter les simples citoyens à verser des contributions aux partis politiques. Pourquoi a-t-on fixé la limite à 200 $? Pourquoi ne pas autoriser des montants supérieurs, comme 300 $, par exemple? Vous dites vous-même, monsieur Boudria, qu'on aurait peut-être dû le faire, et vous citez d'autres pays qui l'ont fait.
Pendant la période qui suit l'émission du bref, les contributions sont destinées au candidat, et non au parti. Nous le savons tous. Vous aussi. Vous avez vous-même sollicité des contributions pendant cette période. Pourquoi ne pas porter le maximum à au moins 300 $?
M. Boudria: C'est un fardeau pour le Trésor public, madame la présidente. Il semblait déjà audacieux de doubler le montant d'un coup. C'était du moins notre point de vue, et aucun parti à la Chambre n'a proposé d'augmentation plus importante. Il s'agit du crédit d'impôt de 75 p. 100.
Le sénateur Cools: Pourriez-vous nous expliquer ce mécanisme, monsieur le ministre?
M. Boudria: Je vais vous dire comment cela fonctionne. Actuellement, le contribuable qui verse 100 $ à un parti politique est autorisé à déduire 75 $ de son impôt exigible. C'est un crédit d'impôt. Ensuite, le crédit est de 50 p. 100 sur la tranche ultérieure de 250 $. Avec cette nouvelle mesure, on porte le crédit à 75 p. 100 de la première tranche de 200 $. Il s'agit d'augmenter le nombre des donateurs à la base, donc d'élargir la participation du public. C'est pour cela, par exemple, que nous n'avons pas augmenté dans le projet de loi le seuil applicable à ceux qui donnent des montants importants. Nous n'avons pas considéré que c'était là un objectif utile. Il nous semblait beaucoup plus souhaitable d'élargir le bassin des personnes qui participent à cet élément du processus démocratique et qui contribuent financièrement à l'élection d'un candidat ou d'un parti politique, et c'est pourquoi nous avons accordé cette augmentation. Nous espérons ainsi faire augmenter le nombre des petits donateurs, par opposition aux gros, et nous estimons qu'un montant de 200 $ permettra d'atteindre cet objectif.
Le sénateur Cools: Tous ceux qui militent pour un parti politique savent depuis des années que cette somme est insuffisante.
Lorsque j'ai entendu dire que la nouvelle loi allait l'augmenter, j'ai été tout à fait enthousiasmée. C'est une bonne initiative, on aurait tort d'en douter. Cependant, vous avez dit vous-même que 100 $ dépensés en 1974 représentent un montant bien supérieur dans l'économie d'aujourd'hui.
M. Boudria: C'est environ 280 $.
Le sénateur Cools: Dans ce cas, les 200 $ ne représentent aucune augmentation. J'espérais un minimum de 300 $. Les candidats et les militants savent que les gens font des dons lorsqu'ils ont intérêt à en faire un, notamment pour obtenir un crédit d'impôt. On a beaucoup réfléchi avant de créer le régime de crédit d'impôt. Ceux qui ont conçu ce régime ont soigneusement veillé à ne pas entrer en conflit avec les intérêts des organismes de bienfaisance. C'est pourquoi on a choisi la formule du crédit d'impôt.
M. Boudria: L'Ontario est la seule province qui ait un seuil de 300 $. L'Alberta a la limite la plus généreuse, avec 375 $. Notre proposition est conforme à la situation de plusieurs provinces. Excusez-moi. Voilà que je parle à présent de la disposition sur la divulgation, ce qui est tout à fait différent. En Ontario, c'est comme vous l'avez dit, madame la présidente.
La présidente: Par curiosité, monsieur Boudria, combien coûte actuellement au Trésor public le rabais de 75 $ sur la première tranche de 100 $? Avez-vous un chiffre approximatif?
M. Boudria: J'ai ici quelques éléments d'information dont je peux vous faire part, madame la présidente. Le coût actuel du seuil de 100 $ est d'environ 10 millions de dollars par an. En portant ce seuil à 200 $, nous devrions supporter un coût supplémentaire de 4 millions de dollars. C'est une estimation, car ce changement ne signifie pas que tous ceux qui donnent 100 $ actuellement donneront automatiquement 200 $ à l'avenir.
Le sénateur Cools: Ce n'est pas très avantageux.
M. Boudria: Cela pourrait compenser les baisses. Il se peut que certains parmi ceux qui versaient des sommes considérables donneront dorénavant moins parce que le plafond est plus élevé et qu'ils s'en tiendront à cela. Qui sait? C'est difficile à prédire.
Le sénateur Cools: Nous accordons beaucoup d'attention à ceux qui font des dons de milliards de dollars, comme les médias, mais nous négligeons M. et Mme Tout-le-monde, les donateurs ordinaires dans les circonscriptions. Bon nom nombre d'entre nous se souviennent pourquoi on a établi ce régime en 1974. Je ne propose pas de modification, mais j'aurais voulu que le plafond soit un peu plus élevé.
M. Boudria: Certains trouvent le plafond trop élevé, mais je peux vous assurer qu'il y en a d'autres qui auraient préféré qu'il soit encore plus élevé.
La présidente: Il y a au moins une sénatrice qui était de cet avis.
M. Boudria: J'aimerais dire une dernière chose, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis arrivé en retard parce qu'il y avait un vote à la Chambre des communes. Je m'en excuse.
La présidente: Nous n'avons pas perdu de temps. Merci beaucoup d'être venu, monsieur Boudria.
Je prie mes collègues de bien vouloir prendre note que nous nous réunirons mercredi prochain à l'ajournement du Sénat ou à 15 h 30. Préparez-vous à une longue séance.
La séance est levée.