Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 13 - Témoignages pour le 5 avril 2000
OTTAWA, le mercredi 5 avril 2000
Le comité sénatorial permanent des affaire juridiques et constitutionnelles, saisi du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois, se réunit ce jour, à 15 h 48, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous allons maintenant entendre d'autres témoignages concernant le projet de loi C-2. Nous allons commencer par les juristes du Bureau du Conseil privé.
Le sénateur Fraser: Avant de commencer, pourrais-je soulever très brièvement une question de privilège?
La présidente: Je vous en prie.
Le sénateur Fraser: Les sénateurs qui étaient ici la dernière fois se souviendront que j'ai exprimé certaines réserves concernant la disposition du projet de loi relative à la publication des sondages d'opinion. Il y avait un article dans le Hill Times cette semaine faisant état de ma position et le journal n'avait pas assez de place pour la reproduire intégralement. Je tiens donc à réitérer que ma position est celle que j'avais exprimée. Je n'objecte pas au contrôle des modalités de publication des sondages, mais uniquement à la durée pendant laquelle ce contrôle serait exercé.
Le sénateur Oliver: La durée?
Le sénateur Fraser: Oui. Je pense que c'est approprié à la fin de la campagne.
Le sénateur Oliver: Je comprends.
La présidente: À quel article en sommes-nous?
M. Michael Peirce, conseiller juridique, directeur, Opérations juridiques, Législation et planification parlementaire, Bureau du Conseil privé: Nous pourrions peut-être vous présenter les documents que nous avons apportés.
La présidente: Je vous en prie. Ceci est en réponse à nos questions de la dernière séance. Nous avons ici plusieurs jeux de documents, et je vous remercie de nous les fournir aussi promptement. Ils n'auraient pas servi à grand-chose autrement.
M. Peirce: Nous allons commencer avec une comparaison des dispositions provinciales relatives à l'affichage électoral. L'article 322 du projet de loi C-2 autorise les locataires et les copropriétaires à placer des affiches électorales dans leurs locaux, sous réserve du droit des propriétaires de fixer des conditions d'affichage raisonnables. En effet, dans certains cas, les baux interdisent de placer des affiches. L'article 322 rend non avenues ces restrictions des baux.
Quelqu'un a évoqué à ce sujet la Loi sur la consultation populaire du Québec. Nous avons examiné toutes les lois électorales et référendaires de toutes les juridictions canadiennes et n'avons trouvé aucune disposition équivalente. Aucune loi provinciale ne contient de disposition d'exemption concernant les affiches électorales. Dans le cas du Québec, je signale que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec contient des dispositions expresses intéressant la liberté d'expression, ainsi que des dispositions apparentées, qui ont probablement préséance sur toute restriction d'un bail. Cette loi s'applique aux particuliers, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés. La loi québécoise a préséance sur les conditions des baux privés lors d'un référendum ou d'une élection au Québec.
Ensuite viennent les dispositions de la Loi électorale du Canada contestées en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Permettez-moi d'expliquer brièvement la provenance de ce tableau. J'ai examiné 476 affaires touchant la Loi électorale du Canada -- autrement dit, des contestations de la loi ou de décisions prises en vertu de cette loi. Plutôt que de dresser une liste des 476 causes, dont beaucoup sont redondantes parce qu'elles portent sur le même sujet, nous avons rassemblé les causes clés et celles dont nous avons tenu compte lors de la rédaction du projet de loi C-2.
Les quatre premières rangées du tableau intéressent toute la cause Figueroa, qui est actuellement en appel devant la Cour d'appel de l'Ontario. Elle porte sur quatre questions distinctes, dont deux sont spécifiquement prises en compte dans le projet de loi et donc deux font l'objet d'un appel. La première en instance d'appel est l'obligation de présenter 50 candidats pour être reconnu comme parti enregistré. Comme le ministre Boudria l'a indiqué l'autre jour, la cour a ramené ce chiffre à deux candidats. La deuxième question est celle de la mention sur les bulletins de vote de l'appartenance politique des candidats d'un parti enregistré. La cour a formulé des réserves sur cette disposition mais, ayant ramené à deux le nombre des candidats requis pour être un parti enregistré, elle n'a pas modifié la restriction actuelle concernant l'affiliation partisane puisque cela ne posait plus de problème.
Ensuite vient la liquidation de l'actif d'un parti après sa radiation du registre. Lorsqu'un parti ne présentait pas 50 candidats, il était désenregistré et liquidé. Nous avons maintenant modifié cette disposition, de telle façon que le parti est suspendu et présente un rapport financier, au lieu d'être obligé de liquider ses avoirs.
La dernière question était celle du remboursement du cautionnement de 1 000 $. Auparavant, il était remboursé dans deux conditions: 500 $ si le candidat recueillait 15 p. 100 des voix et 500 $ lorsqu'il déposait les rapports requis. La cour a estimé qu'exiger 15 p. 100 des voix était anticonstitutionnel. Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un appel et le projet de loi C-2 supprime maintenant cette disposition, de façon à ce que le dépôt de 1 000 $ soit remboursé sur dépôt des rapports requis.
Voilà pour la cause Figueroa. Les autres sont un peu plus simples.
Vient ensuite le droit de vote des détenus. Un détenu purgeant une peine de deux ans ou plus n'a pas le droit de vote. Il s'agit là de la cause Sauvé. La Cour d'appel fédérale a confirmé les dispositions de la loi limitant le vote des détenus. Les plaignants ont demandé l'autorisation d'interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada. La décision à ce sujet n'a pas encore été rendue.
En ce qui concerne les limites de dépenses électorales des tiers, il y a eu deux jugements dont on a déjà parlé: la cause Somerville et la cause Libman. Nous avons créé un nouveau régime pour les tiers, avec de nouveaux plafonds de dépenses et des contraintes de déclaration.
Vient ensuite la période d'interdiction de publication de sondages électoraux de 72 heures. L'ancienne disposition a été annulée par la cour dans la cause Thomson Newspapers. Encore une fois, on a déjà beaucoup débattu du fait qu'une nouvelle interdiction est imposée, mais uniquement le jour du scrutin, avec aussi l'obligation de publier la méthodologie du sondage.
Ensuite vient la période d'interdiction des annonces politiques. Celle-ci a été invalidée par la Cour d'appel de l'Alberta en 1996 dans la cause Somerville. L'interdiction visée était celle imposée aux candidats et aux tiers et ce en début de campagne et dans les dernière 48 heures de la campagne. L'interdiction des annonces politiques en début de campagne a été entièrement supprimée. L'interdiction ne vise plus que les annonces politiques le jour du scrutin, en fin de campagne, et elle s'applique aux candidats, aux tiers et aux partis enregistrés.
La cause Parti réformiste, qui n'a pas été abordée ici, intéresse le temps d'antenne. Dans le jugement, deux dispositions ont été déclarées anticonstitutionnelles: l'alinéa 319c) de l'ancienne loi, qui interdisait aux radiodiffuseurs de fournir du temps d'antenne supplémentaire, et l'article 320, qui les empêchait de percevoir des droits pour tout temps supplémentaire fourni. Ces deux restrictions ont été jugées anticonstitutionnelles. De ce fait, elles sont absentes du projet de loi C-2.
La dernière cause sur votre liste est l'affaire Barrette et Payette. Elle contestait le remboursement de 50 p. 100 des dépenses électorales des candidats s'ils recevaient 15 p. 100 du vote. La Cour d'appel du Québec a confirmé ces dispositions et vous les retrouvez donc dans le projet de loi C-2.
Dans le tableau suivant, nous dressons la liste des principales modifications apportées à la Loi électorale du Canada. À la fin du recueil article par article que nous avons fourni, vous trouvez un tableau de concordance entre l'ancienne loi et la nouvelle loi, qui fait ressortir tous les changements. Il explique par ailleurs la nature des changements, pour chaque article. Toutefois, comme nous l'avons indiqué au début de notre présentation, bien que toute la loi ait été restructurée et réécrite, les changements de fond sont relativement peu nombreux. Ils ne visent pas tous les 568 articles. Notre exposé et celui de M. Boudria mettaient en lumière les modifications de fond, et vous en avez la liste dans ce tableau. Nous n'allons pas les passer en revue de nouveau, mais nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Avant de passer à l'étude article par article, le sénateur Beaudoin a droit à une petite question sur ce point.
Le sénateur Beaudoin: S'agissant de la cause Sauvé, concernant le droit de vote, je ne comprends pas pourquoi on établit une distinction entre une personne détenue pour plus de deux ans et une détenue pour moins de deux ans. Une personne est condamnée à la prison -- que ce soit pour moins de deux ans ou pour plus -- parce qu'elle s'est rendue coupable d'un crime ou d'une infraction. Cela n'a absolument rien à voir avec le droit de vote.
L'article 3 dispose que tout citoyen a le droit de vote. Je me souviens d'une époque où une personne condamnée à la prison perdait tout. Comment appelait-on cela dans le Code civil du Québec? Mort civile? Cela a été aboli. Il fut un temps où les juges canadiens ne pouvaient pas voter, et nous avons aussi modifié cela. Nous étions le seul pays à avoir cette restriction. En France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les juges avaient le droit de vote. Aux gens en prison, nous disons: «Si vous êtes condamné à moins de deux ans, vous pouvez voter, mais si vous y êtes pour plus de deux ans, vous ne pouvez pas voter.» Je ne vois pas la logique. Je pose la question car le projet de loi C-2 n'apporte pas de changement à cet égard.
M. Peirce: Plusieurs raisons expliquent pourquoi on a tiré la ligne à deux années. Je ne suis pas certain de pouvoir les énoncer toutes ici. J'ai déjà dit que la Cour d'appel fédérale a accepté la justification du gouvernement pour cela et jugé cette disposition constitutionnelle.
Le seuil de deux ans détermine si l'on purge sa peine dans une prison fédérale plutôt que provinciale. Il est également indicatif de la gravité de l'infraction. Ayant moi-même été procureur pendant quelque temps, je sais que ce sont les crimes les plus graves qui sont passibles d'une peine de plus de deux ans. Par exemple, le trafic de drogue entraîne rarement une peine de deux ans, à moins que le trafic soit caractérisé. L'existence de ce seuil tient à la gravité de l'infraction commise. Et en partie aussi à la nature des établissements carcéraux et de leur gestion. La cour a reconnu les difficultés administratives que présentent ces pénitenciers. La raison tient aussi au fait que lorsqu'une personne commet un crime grave, elle s'exclut en quelque sorte de la société civile et on lui refuse donc la participation à l'aspect le plus important de cette dernière, à savoir le suffrage.
Le sénateur Beaudoin: C'est la logique qui m'inquiète. Lorsqu'on est jugé coupable d'un crime, on perd sa liberté. Toutefois, on ne perd pas sa citoyenneté. On ne perd pas sa maison, sa voiture, et cetera. Je ne comprends pas la logique. C'est une chose que de perdre la liberté, c'en est une autre que de perdre le droit de vote.
Je suis optimiste. Je pense que la Cour suprême va probablement casser cette disposition. Je n'en vois pas le bien-fondé. Cela n'a rien à voir avec la liberté. Le droit de vote est une chose. Vous pouvez perdre votre liberté parce que vous êtes un criminel, je l'admets et je suis d'accord. Toutefois, cela n'a absolument rien à voir avec le droit de vote.
La présidente: Sénateur Beaudoin, ceci n'est pas une disposition nouvelle du projet de loi.
Le sénateur Beaudoin: C'est juste. Mais elle est toujours là.
La présidente: C'est tout à fait vrai.
M. Peirce: Madame la présidente, j'aimerais attirer votre attention sur le tableau comparatif concernant le régime applicable aux tiers dans le projet de loi C-2, comparé à la Loi électorale du Québec et à la Loi sur la consultation populaire. Ceci répond à une question posée par le sénateur Fraser.
J'aimerais maintenant passer à l'article 516 du projet de loi. Celui-ci prévoit un pouvoir d'injonction. En gros, il y a trois façons de réprimer des actes illégaux perturbant le processus électoral. La première est la poursuite en justice. Cette dernière intervient presque toujours après le scrutin. Habituellement, elle ne résout pas les problèmes, elle constitue une sanction après coup.
Le deuxième moyen, ce sont les transactions. À l'heure actuelle, à titre officieux, le commissaire aux élections peut conclure des transactions. À quelqu'un qui viole la loi, par exemple, en détruisant des affiches électorales, le commissaire aux élections peut dire: «Essayons de régler cette affaire et de convenir que vous ne recommencerez pas.»
La troisième façon est une injonction. Techniquement, il est possible d'obtenir une injonction en common law. Le critère à remplir pour obtenir une injonction demandant de s'abstenir de faire quelque chose ou faire une certaine chose est extrêmement rigoureux. Il faut prouver l'existence d'un dommage irréparable. À ma connaissance, cela n'a jamais été le cas dans le contexte électoral. Franchement, le pouvoir d'injonction n'est pas adapté au contexte électoral.
Je vais parler des transactions et des injonctions. L'article 516, qui prévoit le pouvoir d'injonction, a été adapté au contexte électoral. Il stipule, entre autres:
S'il a des motifs raisonnables de croire à l'existence, à l'imminence ou à la probabilité d'un fait -- acte ou omission -- contraire à la présente loi [...], le commissaire peut [...]
Il s'agit là d'un acte ou d'une omission ne pouvant faire l'objet de poursuites par anticipation et le problème peut dorénavant être réglé au moyen d'une injonction. Le commissaire peut demander une injonction pendant la période électorale. Les facteurs à prendre en considération à cet égard sont la nature et la gravité de l'acte ou de l'omission, la nécessité d'assurer l'intégrité du processus électoral et l'intérêt public. C'est la pondération de ces facteurs qui amènera, d'abord, le commissaire à décider de demander une injonction, puis le tribunal à l'accorder ou non. Comme je l'ai dit, une injonction peut soit interdire à une personne de faire quelque chose soit l'obliger à faire une chose exigée par la loi.
Un exemple de situation où une injonction pourrait être demandée est le cas où un candidat ou un tiers dépasserait à tel point les limites de dépenses que l'intégrité de l'élection dans une circonscription donnée ne serait plus assurée. À l'heure actuelle, rien ne permet d'empêcher cela. Or, le projet de loi C-2 donne au commissaire la faculté de demander une injonction. Dans ce genre de circonstance, il est très probable que l'injonction serait accordée.
Les article 517 à 521 énoncent les modalités applicables aux transactions, qui sont moins formelles que des injonctions. Nous reconnaissons officiellement le pouvoir du commissaire aux élections de conclure un accord avec une personne pour l'amener à cesser d'enfreindre la loi ou de se conformer à elle. C'est similaire à une injonction, si vous voulez, mais la procédure est moins formelle. Le commissaire aux élections prend contact avec l'intéressé et lui fait savoir qu'il a le droit de consulter un avocat sur l'opportunité de conclure une transaction.
La conclusion d'une transaction a pour effet de suspendre toute poursuite déjà engagée ou d'interdire d'en engager une, à condition que la transaction soit exécutée. En cas d'inexécution, le commissaire peut réengager la poursuite ou en intenter une, selon le cas. Un autre facteur clé ici, et c'est un détail important, est que les transactions seront publiées. Elles sont rendues publiques afin que tout le monde sache que telle personne a pris l'engagement d'entreprendre les démarches requises pour ne pas enfreindre la loi ou l'appliquer.
Le sénateur Murray: J'espère être là lorsque le directeur général des élections nous expliquera ces dispositions envahissantes. On se demande quels maux ont cherche à prévenir avec tout cela. Je ne vous acculerai pas là-dessus, monsieur Peirce.
M. Peirce: Je vais passer à la partie 20 du projet de loi, les articles 522 à 532, aux pages 231 à 234. Cette partie traite de la contestation de l'élection. Elle remplace la Loi sur les élections fédérales contestées, qui était une loi distincte. Une élection peut être contestée dans les cas de fraude ou d'irrégularité ayant influé sur le résultat de l'élection. C'est différent d'un dépouillement judiciaire. La Loi fédérale sur les élections contestées exigeait un aller-retour entre ses dispositions et la loi électorale, c'est pourquoi nous l'avons intégrée à la Loi électorale du Canada. Nous avons clarifié et modernisé les procédures afin de les adapter à notre système judiciaire moderne.
L'article 524, page 232, indique qui peut contester une élection, à savoir tout électeur habile à voter dans une circonscription. Ce doit être un électeur de la circonscription visée, et non pas d'une circonscription voisine. Par ailleurs, tout candidat dans une circonscription électorale peut présenter une requête de contestation.
Les motifs de contestation sont l'inéligibilité du candidat élu, ou bien une irrégularité, fraude, manoeuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l'élection. Vous vous souviendrez que les termes «manoeuvre frauduleuse ou acte illégal» sont précisément définis dans le projet de loi. La notion de «fraude» est définie dans le Code criminel. «Irrégularité» est un terme qui a été progressivement défini par la jurisprudence au titre de la Loi fédérale sur les élections contestées, spécifiquement dans le contexte électoral. Il peut s'agit d'une situation, par exemple, où les urnes ont toutes été trouvées ouvertes, si bien que la légitimité des bulletins de vote devient entachée. Voilà le genre d'irrégularité pouvant motiver une contestation.
Vient ensuite le délai de présentation d'une contestation, l'article 527, page 233. On dispose d'un délai de 30 jours après la publication dans la Gazette du Canada du résultat de l'élection ou après la date à laquelle le requérant a appris ou aurait dû être informé de l'irrégularité, de la fraude, de la manoeuvre frauduleuse ou de l'acte illégal. La date la plus tardive des deux s'applique.
Le tribunal, s'il juge que les motifs sont établis, peut prononcer l'annulation de l'élection et il doit en informer le Président de la Chambre des communes. Bien entendu, s'il juge que les motifs ne sont pas établis, il en informe également le président. Normalement, s'il y a eu fraude et si l'élection est annulée, une élection partielle sera déclenchée -- à toutes fins pratiques, on recommence l'élection.
La présidente: L'article 528 évite tout simplement les requêtes frivoles.
M. Peirce: C'est juste, et empêche également que des pressions soient exercées sur un requérant pour qu'il retire la requête. Le tribunal doit donner l'autoriser de retrait.
Le sénateur Andreychuk: On ne peut retirer une requête au tribunal sans l'autorisation du tribunal de première instance. Pouvez-vous me donner un autre exemple où cela s'applique?
M. Peirce: Une accusation criminelle.
Le sénateur Andreychuk: À part cela?
M. Peirce: Je n'en vois pas dans l'instant.
Le sénateur Andreychuk: Vous vous inspirez du droit pénal.
M. Peirce: Également de la pratique existante sous le régime de la Loi fédérale sur les élections contestées.
Mme Isabelle Mondou, conseillère juridique, Législation et planification parlementaire, Bureau du Conseil privé: Une disposition très importante est aussi celle de l'entrée en vigueur. C'est l'article 577, page 252. Elle prévoit que la loi entrera en vigueur six mois après sa sanction à moins que le directeur général des élections n'ait publié plus tôt un avis dans la Gazette du Canada. Ce délai est nécessaire pour donner au directeur général des élections le temps de prendre les dispositions voulues pour la mettre en oeuvre. S'il est prêt avant l'expiration du délai de six mois, il peut donner cet avis.
Le sénateur Cools: Il y a dans toutes les lois un article standard établissant sa date d'entrée en vigueur, mais le témoin vient de dire que le directeur général des élections est censé faire quelque chose. Cette partie de l'article est-elle également standard?
Mme Mondou: C'est la pratique. D'ailleurs, l'article 554 du projet de loi traite des modifications, par exemple de ponctuation, et ces modifications n'entrent pas en vigueur immédiatement. Là aussi, il y a un certain délai pour permettre au directeur général des élections de prendre les dispositions voulues. C'est la pratique s'agissant de toute modification à la Loi électorale du Canada.
Le sénateur Cools: C'est intéressant, car je n'ai jamais vu une proclamation prenant cette forme, ou bien je ne l'avais pas remarquée.
La présidente: Vous pensez probablement que la plupart des lois entrent en vigueur lorsqu'elles sont publiées dans la Gazette du Canada.
Le sénateur Cools: Il y a toujours un article disant: «Cette loi entre en vigueur six mois après la sanction royale», ou quelque chose du genre, mais je n'ai jamais vu ou remarqué qu'une latitude soit donnée à quelqu'un d'autre.
Mme Mondou: La latitude est limitée car le délai ne peut pas dépasser six mois. Il peut simplement faire les choses un peu plus vite, mais sans dépasser six mois.
Le sénateur Cools: Nous devrions peut-être voir cela de plus près. Nous pourrions peut-être voir les articles correspondants dans quelques autres lois.
Le sénateur Beaudoin: C'est une grande latitude.
Le sénateur Oliver: Il y a beaucoup de formulaires à imprimer.
Le sénateur Cools: Cela leur donne le temps de se préparer.
La présidente: L'article 577 stipule:
[...] à moins qu'avant cette date, le directeur général des élections n'ait publié, dans la Gazette du Canada, un avis portant que les préparatifs nécessaires à sa mise en application ont été faits et qu'elle peut en conséquence entrer en vigueur.
Le sénateur Cools: Il faut donner suffisamment de temps au directeur général des élections pour faire les préparatifs. C'est un processus très complexe. Ce n'est pas un point très important et je ne voudrais pas retarder les choses à cause de cela, mais quelqu'un devrait nous apporter des éclaircissements.
La présidente: Le directeur général des élections comparaîtra au comité et nous pourrons lui demander en personne.
Le sénateur Beaudoin: Vient-il la semaine prochaine?
La présidente: Oui, lundi prochain.
Le sénateur Fraser: Je suis en train de regarder un échantillon du bulletin de vote, page 255. Premièrement, je ne comprends pas la différence entre la façon dont John Doe est présenté sur le bulletin, qualifié d'indépendant, et celle dont Anne Unetelle est présentée, sans identification. Est-ce un oubli ou bien est-il prévu qu'un candidat figure sur le bulletin de vote sans aucune indication de son appartenance politique?
La présidente: Il y a une disposition à cet effet dans le projet de loi.
Le sénateur Fraser: Quelle est la distinction entre un indépendant et une personne?
Mme Mondou: C'est juste. C'est un exemple. Si vous n'appartenez pas à un parti enregistré, vous ne pouvez pas inscrire votre appartenance politique et vous n'êtes pas indépendant. Par exemple, si vous appartenez au Parti communiste, vous n'êtes pas indépendant mais, puisque votre parti n'est pas enregistré, vous ne pouvez pas inscrire Parti communiste. Par conséquent, seul votre nom figure.
Le sénateur Fraser: Où précise-t-on de quelle façon on appose sa marque sur le bulletin de vote -- une croix ou une coche ou tout ce que vous voudrez? Je viens d'une province où cela a posé problème.
M. Peirce: Ma collègue va chercher la disposition. En attendant, je vais vous raconter une anecdote qui vous amusera. La loi précédente obligeait à marquer le bulletin au moyen d'une mine à plomb. Or, nous savons que la plupart des crayons n'ont plus de mine à plomb. Cette disposition a été modifiée en comité.
Le sénateur Fraser: L'article 151 parle d'une «croix ou toute autre inscription».
M. Peirce: C'est à la page 63.
Le sénateur Fraser: Il n'est pas question de «crayon». Alliez-vous nous parler de difficultés posées par les crayons?
M. Peirce: Oui, et je ne me souviens plus exactement dans quel article cela se trouvait. Nous avons modifié également l'emplacement. Je crois que l'on précise «crayon noir» à la place de «mine à plomb». Je vais chercher pour terminer mon histoire.
La présidente: En fait, l'article dit qu'il faut «marquer son bulletin en faisant, dans le cercle prévu à cette fin, à côté du nom du candidat de son choix, une croix ou toute autre inscription», et cetera. Il n'est dit nulle part que ce doit être en noir. J'espère que ce n'est pas le cas, car la plupart de gens ont des stylos à bille bleus.
M. Peirce: Ce n'est pas en rapport avec le marquage du bulletin. Il y a une disposition quelque part dans la loi prévoyant une inscription à la mine à plomb et nous avons changé cela pour «crayon noir».
La présidente: Je parle du nouvel article.
Le sénateur Fraser: Une autre instruction consiste à «marquer le bulletin dans le cercle prévu à cette fin». Ceci n'est pas une question frivole. Que se passe-t-il si la marque déborde du cercle? Nous avons vu quantité de bulletins rejetés au Québec pour cette raison.
M. Peirce: C'est laissé à la discrétion du directeur de scrutin. Si votre marque déborde un peu, normalement ce n'est pas un problème et le directeur de scrutin l'acceptera. Toutefois, si la marque déborde au point de toucher à un autre cercle, si bien que le vote est douteux, le bulletin pourra être annulé car il pourrait y avoir contestation.
Le sénateur Fraser: Un simple dépassement sur la marge ne constitue normalement pas une annulation du bulletin?
M. Peirce: Non.
La présidente: C'est pourquoi la marge est noire et que l'inscription doit être faite en noir. Théoriquement, un débordement ne devrait pas se voir, mais nous savons tous qu'on le voit.
On vient de me signaler que le paragraphe 138(1), page 60, précise «entièrement à l'encre ou entièrement à la mine noire».
M. Peirce: Je tiens à remercier la personne qui a trouvé la référence.
La présidente: Cela concerne les initiales apposées par le scrutateur au dos du bulletin de vote.
M. Peirce: C'est juste.
La présidente: C'est la seule référence. Autrement dit, l'électeur peut utiliser un stylo à bille bleu et apposer toutes sortes de croix ou d'inscriptions, du moment que c'est dans le cercle et que l'intention est claire.
Le sénateur Joyal: Oui, mais beaucoup de gens n'ont pas la main sûre. En marquant un bulletin à l'intérieur d'un cercle ou d'un espace, ils peuvent facilement déborder sur la marge noire parce que leur main tremble. Autrement dit, ils peuvent déborder sur le rectangle blanc où figure le nom du candidat. S'il y a une situation difficile où l'écart entre deux candidats est très étroit -- une différence de une ou deux voix -- il ne fait aucun doute que l'on va appliquer strictement le libellé de la loi et, en l'occurrence, celui de cet article. Laisser au directeur du scrutin d'une circonscription la décision d'invalider ou non le vote peut entraîner des divergences d'interprétation. Si nous voulons préserver au mieux le droit de vote, je ne suis pas certain que le libellé de cette disposition protège totalement l'expression de la volonté de cet électeur.
Le directeur général des élections a-t-il l'intention d'émettre une circulaire donnant quelques exemples où le bulletin devra être jugé admissible, ou bien va-t-on s'en remettre aux 300 directeurs de scrutin dans les différentes circonscriptions pour décider si telle marque est admissible ou quel débordement sur l'espace rectangulaire blanc est admissible?
La présidente: Vous pouvez répondre si vous voulez, mais je signale au sénateur Joyal que nous recevrons le directeur général des élections la semaine prochaine. J'espère que nous le passerons au gril sur les aspects de ce genre.
M. Peirce: Je donnerai deux courtes réponses, mais le directeur général des élections est mieux placé que moi pour cela.
Premièrement, vous pouvez demander une aide pour voter. Une personne dans cette situation peut demander de l'aide. Je n'insisterai pas trop là-dessus, car nous savons que dans certaines circonstances une personne peut ne pas vouloir demander d'aide, et cela ne règle pas forcément le problème.
Deuxièmement, il y a la possibilité d'une évaluation judiciaire, par le biais d'une contestation de l'élection. Il peut tout d'abord y avoir recomptage. Ensuite, par le mécanisme de contestation de l'élection, on pourra juger s'il y a eu irrégularité. En fin de compte, ce sera au juge de trancher. Mais une solution plus pratique serait de demander au directeur général des élections quelle est la pratique suivie par Élections Canada.
Le sénateur Oliver: Il y a en fait une jurisprudence, suite à plusieurs élections contestées, qui veut que certaines marques soient acceptables. Vous pouvez lire cette jurisprudence. Toutes sortes de marques, autres qu'un X clair, ont été jugées acceptables à maintes reprises.
M. Peirce: Exactement.
Le sénateur Oliver: J'aimerais poser une question sur le tableau que vous avez distribué aujourd'hui, intitulé: «Dispositions de la Loi électorale du Canada contestées en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés». Je serais curieux, tout d'abord, de savoir pourquoi vous n'avez pas fait mention de la cause Roach lorsque vous avez parlé de la cause Libman et de la cause Somerville. Deuxièmement, je suis intrigué par le texte qui figure dans la case «Résultats» pour les causes Libman et Somerville. Vous dites:
Le gouvernement n'a pas interjeté appel. Par conséquent, le projet de loi C-2 imposerait de nouveaux plafonds de dépenses aux tiers.
Ce n'est pas la limite qui faisait l'objet de la contestation, mais plutôt le fait de savoir si la restriction était constitutionnelle. Que signifie «Par conséquent, le projet de loi C-2 imposerait de nouveaux plafonds»?
M. Peirce: La limite de 1 000 $ a été invalidée. Nous en avons donc fixé de nouvelles. Le plafond de 1 000 $ n'a pas été maintenu, il a fallu revoir les plafonds. Fallait-il ne pas fixer de limite ou instaurer une limite autre que les 1 000 $ invalidés par le jugement Somerville?
Désolé, sénateur, je n'ai pas bien saisi votre question. Porte-t-elle sur les garants?
Le sénateur Oliver: Je parlais de la cause Roach. Elle a précédé Somerville, qui était la principale cause relative aux tiers.
M. Peirce: Nous n'avons pas dressé la liste de toutes les causes antérieures. Celle-ci est similaire à la cause Sauvé car, comme vous le savez, il y a eu plusieurs affaires portant sur le droit de vote des détenus. La cause Sauvé, mentionnée ici, est simplement la plus récente.
Le sénateur Oliver: Avez-vous effectué des recherches en droit constitutionnel pour déterminer si les plafonds énoncés aux articles 349 à 362 sont à l'épreuve d'une contestation constitutionnelle? Si oui, pouvez-vous nous en faire part, afin que nous ayons le bénéfice des avis que vous avez reçus?
M. Peirce: Je peux vous donner la conclusion des avis que nous avons demandé. La conclusion est que ces limites sont à l'épreuve d'une contestation invoquant la Charte.
Le sénateur Oliver: Quel est le raisonnement et sur quoi se fonde-t-il?
M. Peirce: La cause Somerville, comme vous le savez, a invalidé la limite de 1 000 $, le juge estimant qu'il n'y a pas de motifs pressants et substantiels d'imposer des limites aux dépenses des tiers. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Libman, a jugé que ces limites répondent à un objectif pressant et substantiel. Elle est allée plus loin, allant jusqu'à affirmer que le jugement Somerville était fautif. Elle a laissé ouverte la possibilité que même le plafond de 1 000 $ soit acceptable. Néanmoins, il a été décidé d'établir un plafond plus généreux, de 150 000 $. Voilà en gros sur quoi nous avons fondé notre évaluation.
Nous avons examiné la question soigneusement, notamment diverses études, avant que la décision soit prise. Ce n'est pas moi qui l'ai prise. Je ne suis donc pas habilité à vous en dire plus.
Le sénateur Oliver: Ne pouvez-vous pas nous donner davantage de références et de fondements juridiques pour les conclusions que reflètent les articles 349 à 362, concernant les dépenses des tiers?
M. Peirce: Nous avions la justification assez large de l'arrêt Libman, dont la portée n'était pas exclusive.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas là le jugement de la Cour suprême du Canada, n'est-ce pas?
M. Peirce: Si, à propos de la Loi sur la consultation populaire du Québec. Dans son commentaire sur la constitutionnalité des plafonds de dépenses des tiers, elle a fait mention de la Loi électorale du Canada.
Le sénateur Oliver: Avez-vous réfléchi au droit des députés d'émettre des reçus pour contributions entre les élections?
Mme Mondou: Comme vous le savez, le projet de loi C-2 est fondé principalement sur les recommandations du comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui s'est penché sur le rapport de la commission Lortie, ainsi que deux rapports du directeur général des élections. Dans aucun de ces documents ne figurait une recommandation à cet effet. Aussi, cela n'est pas dans le projet de loi C-2.
Le sénateur Oliver: Est-ce que des députés vous ont indiqué que cela serait utile?
Mme Mondou: Non.
Le sénateur Oliver: Aucun?
Mme Mondou: Aucun.
Le sénateur Murray: Madame la présidente, je voudrais d'abord présenter deux excuses. Je n'étais pas présent aux réunions antérieures sur ce projet de loi. Aussi, si j'aborde des aspects qui ont déjà été couverts...
La présidente: Je vous interromprai, sénateur Murray.
Le sénateur Murray: Je vous en prie, madame la présidente.
Ma deuxième excuse concerne le fait que le comité permanent que je préside, le comité des finances nationales, se réunit tout à l'heure. Je ne pourrai donc pas siéger à votre comité jusqu'à la fin de ses délibérations ce soir. Je vous prie de m'en excuser par avance.
J'aimerais signaler simplement deux aspects sur lesquels je reviendrai lorsque M. Kingsley comparaîtra. Le premier intéresse l'article 18.1, qui stipule:
Le directeur général des élections peut faire des études sur la tenue d'un scrutin, notamment sur de nouvelles manières de voter, concevoir et mettre à l'essai un processus de vote électronique pour usage à une élection générale ou partielle ultérieure. Tel processus ne peut être utilisé pour un vote officiel sans l'agrément préalable du comité de la Chambre des communes qui traite habituellement des questions électorales.
Avez-vous déjà parlé de cela ici?
La présidente: Un peu, mais poursuivez.
Le sénateur Murray: Je vais peut-être me contenter de signaler le sujet et y revenir lorsque M. Kingsley sera là.
La présidente: Sachez que la question a été posée au ministre lorsqu'il a comparu. Elle lui a été posée par le sénateur Joyal. Elle a reçu réponse, dans une certaine mesure.
Le sénateur Murray: Étiez-vous satisfait de la réponse, sénateur?
Le sénateur Joyal: Je pense que chacun de nous peut lire le compte rendu et tirer sa propre conclusion et agir en conséquence.
Le sénateur Murray: Je me demande quelles garanties seront mises en place si ce processus est utilisé dans une élection réelle. Comme d'habitude, je suis un peu irrité que l'agrément préalable requis soit celui de la Chambre des communes. Je ne souscris pas à la notion avancée par l'un de mes éminents collègues sénateurs il y a quelques années, voulant que si le Sénat doit s'incliner devant la Chambre des communes sur un sujet quelconque, c'est bien celui de la loi électorale. Au contraire, nous devons nous méfier du parti pris dont font preuve les honorables membres de cette assemblée et nous montrer vigilants, et même sceptiques, face à toute législation dans ce domaine qu'ils nous envoient.
Passons maintenant à l'article 91. Encore une fois, j'en traiterai avec M. Kingsley, mais M. Peirce peut peut-être nous éclairer. Je lis:
Il est interdit de faire ou de publier sciemment une fausse déclaration concernant la réputation ou la conduite personnelle d'un candidat ou d'une personne qui désire se porter candidat avec l'intention d'influencer les résultats de l'élection.
En a-t-il déjà été question?
Le sénateur Moore: Oui, à notre dernière réunion.
Le sénateur Murray: Pouvez-vous me dire, monsieur, à quel mal cette disposition est censée remédier? Qu'est-ce qui, dans notre expérience électorale, indique que cette disposition est nécessaire? En connaissez-vous la motivation?
M. Peirce: Elle existe de longue date. C'était l'article 264 dans l'ancienne loi. Je n'ai pas connaissance d'un problème particulier qui nous menacerait, si vous voulez. Toutefois, on pourrait arguer que si quelqu'un répand des mensonges sur le caractère ou la conduite d'un candidat, dans l'intention d'influencer les résultats...
Le sénateur Murray: Tout ce qu'un candidat et ses partisans disent dans une campagne électorale est destiné à influencer le résultat. C'est à cela que servent les campagnes.
M. Peirce: Ce n'est pas seulement l'intention d'influencer le résultat, mais de le faire au moyen d'une fausse déclaration. C'est une norme assez élevée.
Le sénateur Murray: L'article 264 a-t-il jamais été invoqué?
M. Peirce: Je ne sais pas, il faudrait que je vérifie, désolé.
Le sénateur Moore: Madame la présidente, lors de notre dernière réunion j'ai fait état d'une série d'affiches placardées dans des circonscriptions choisies de tout le pays par l'Association des chefs de police. Elles étaient virulentes. Je les qualifierais même de diffamatoires. Elles étaient mensongères. Je pense que c'est le genre de chose que cet article est censé prévenir. Il s'agit de donner un sentiment de justice aux candidats de tous les partis. Je ne pense pas avoir jamais vu quelque chose d'aussi odieux par le passé, et j'ai participé à pas mal de campagnes. Je n'ai jamais vu un candidat faire cela à un autre. C'était une initiative de tiers. Je sais que dans un cas, en Nouvelle-Écosse, la candidate libérale a fini par engager un avocat, saisir la justice pour demander une injonction et faire enlever le panneau.
Le sénateur Murray: Qu'est-il advenu?
Le sénateur Moore: Elle a obtenu satisfaction, mais elle a dû abandonner sa campagne et, à ses frais, intenter une poursuite pénale contre la ou les personnes.
La présidente: Nous pourrions peut-être demander au témoin quelles sont les sanctions à cet égard et où elles sont énoncées. «Il est interdit de...» suppose qu'il y ait des peines.
M. Peirce: Il y a une peine. Deux autres mesures peuvent être prises, et le sénateur Moore en a mentionné une. La première est une injonction. Comme je l'ai expliqué, nous avons adapté le pouvoir d'injonction au processus électoral. L'autre est une transaction. Il serait possible de conclure une transaction dans un tel cas. On établirait les motifs de poursuite et on dirait: «Enlevez les affiches, sinon nous allons poursuivre.» Des recours sont donc disponibles pendant la campagne. Mais les poursuites judiciaires, comme vous le savez, n'interviendraient qu'après la période électorale.
L'alinéa 486(3)a) établit l'infraction et la peine correspondante est fixée au paragraphe 500(5).
Le sénateur Murray: Je m'interroge sur cette disposition. Est-ce qu'elle pourrait être invoquée par des candidats suite à certaines affirmations. Le jour du déclenchement de l'élection de 1988, Sheila Copps a déclaré devant les médias du pays: «Le premier ministre est un escroc.» Si quelqu'un, dans le cours ordinaire des choses, portait cette accusation contre vous ou n'importe quel citoyen, vous auriez un recours en diffamation.
Le sénateur Moore: A-t-elle prononcé ces mots à la Chambre ou en dehors, sénateur?
Le sénateur Murray: C'était en dehors de la Chambre, lors d'un point de presse. Je m'en souviens comme si c'était hier. Quel recours y a-t-il? Aurions-nous dû porter plainte contre Mme Copps pour une telle déclaration? La plupart des joutes verbales sont raisonnablement civilisées, mais certains accusent les autres de mentir.
La présidente: Sénateur Murray, permettez-moi d'intervenir. Puisque cet article figurait dans la loi antérieure, il n'a manifestement pas été très efficace. Nous pourrions peut-être demander au directeur général des élections, lorsqu'il comparaîtra, ce qu'il a l'intention de faire pour le rendre plus efficace.
Le sénateur Fraser: Je suppose que l'erreur de bonne foi est un moyen de défense ici.
M. Peirce: Absolument.
Le sénateur Murray: Pensez-vous que Mme Copps pourrait l'invoquer?
Le sénateur Fraser: Je songeais aux médias.
Le sénateur Murray: Bien entendu.
La présidente: S'il n'y a pas d'autres questions pour nos témoins, je les remercie infiniment de leur aide.
Nous allons maintenant entendre M. Terry Mercer, directeur national du Parti libéral du Canada, et Louis-Philippe Bourgeois, sous-directeur général du Bloc québécois. Pendant qu'ils prennent place et tout ce remue-ménage à l'autre bout de la table, je signale que la série suivante de témoins comprend des représentants des partis politiques enregistrés ayant actuellement des sièges à la Chambre. Avant de commencer, j'insiste sur le fait que ces témoins sont des représentants des organisations partisanes fonctionnant en dehors de la Chambre des communes. L'un des témoins qui va comparaître, représentant l'Alliance réformiste conservatrice canadienne, est un député, M. Ted White. Le groupe de témoins suivants nous fera part des vues de leur parti sur le projet de loi C-2 et nous aidera à comprendre ses répercussions sur les partis enregistrés, s'il est adopté. Nous ne traitons pas ici de l'aspect politique des choses, mais des mécanismes administratifs des campagnes électorales.
Messieurs, si vous avez décidé qui va commencer, vous avez la parole.
[Français]
M. Louis-Philippe Bourgeois, sous-directeur général, Bloc québécois: Je tiens d'abord à remercier les membres du comité de permettre aux partis politiques de présenter à nouveau leur point de vue sur le projet de loi C-2, qui révise la Loi électorale du Canada. Le Bloc québécois et les autres partis politiques étaient en droit de s'attendre, lors du dépôt de ce projet de loi, à une réforme en profondeur de la loi électorale. Au lieu de profiter de cette occasion pour réformer substantiellement la loi, le gouvernement libéral a plutôt mené une opération de maquillage, bien que des modifications techniques aient été apportées, bien que la présentation de la loi ait été modifiée, il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons pas parler d'une véritable réforme qui aurait pris tout son sens à l'aube du nouveau millénaire.
Le Bloc québécois s'est attardé, bien sûr, à l'ensemble de la loi mais trois enjeux ont retenu son attention lors de l'étude de ce projet de loi: le financement des partis politiques, la représentation des femmes à la Chambre des communes et la nomination des officiers électoraux.
Vous n'êtes pas sans savoir que le Bloc québécois, depuis sa création, mène une bataille sur le financement des partis politiques. Les députés du Bloc québécois ont, à maintes reprises, défendu et promu l'idée du financement démocratique auprès des députés des autres partis fédéraux. Cette idée continue de cheminer mais le gouvernement du Parti libéral rejette toujours l'idée de modifications législatives qui iraient dans le sens de la démocratisation du financement des partis politiques.
Je vous donne quelques exemples des interventions du Bloc québécois au sujet du financement populaire. Le 18 mars 1994, le député de Richelieu, Louis Plamondon, a parrainé une motion reprenant les principes de la Loi québécoise sur le financement populaire débattue lors des affaires émanant des députés. Lors du débat sur le projet de loi C-63, le Bloc déposait des amendements sur le financement des partis politiques. Ces amendements furent rejetés. Le Bloc a proposé de nouveau à la Chambre des communes, dans la foulée de l'affaire Corbeil, une position sans équivoque sur le financement des partis politiques. Cette motion se libellait comme suit:
Que la Chambre condamne l'attitude du gouvernement qui refuse de procéder à une réforme en profondeur de la législation sur le financement des partis politiques fédéraux qui peut laisser place à des abus de toutes sortes.
Cette motion a été défaite par le gouvernement, bien que tous les autres partis aient voté en sa faveur. Pour le Bloc québécois, le financement populaire des partis politiques permettrait certainement une plus grande démocratisation du système électoral canadien et l'atteinte d'un objectif essentiel que poursuivent aussi bien les partis politiques que le directeur général des élections du Canada et que sont en droit de s'attendre, à notre avis, tous les électeurs.
La position du Bloc québécois est claire et une réforme du financement des partis politiques devrait reprendre l'essentiel des objectifs de la loi québécoise en matière de financement populaire dont notamment d'imposer une limite des contributions que peut faire un électeur à un parti politique.
Le Bloc québécois se préoccupe également, comme je vous le disais au tout début, de la représentation des femmes au Parlement canadien. À cet égard, la députée du Bloc Québécois, Mme Caroline St-Hilaire, députée de Longueuil, déposait le 22 avril 1999, le projet de loi C-497, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. Il nous apparaissait plus qu'important que des mesures soient inscrites dans la loi électorale pour favoriser et augmenter la présence des femmes comme candidates aux élections et comme élues à la Chambre des communes. Des mesures actives et non coercitives tel le pourcentage de remboursement des dépenses des partis politiques qui auraient atteint des normes fixées par la loi électorable quant au nombre d'élus nous apparaît comme une avenue de solution possible. Certains pays se sont donnés les moyens d'atteindre des objectifs ambitieux et y sont parvenus ou sont en voie d'y parvenir. Il est essentiel que notre système électoral soit à l'avant-garde de la représentation des femmes en politique.
Une des préoccupations principales du directeur général des élections est que «le public a le droit de savoir.» Cette préoccupation est partagée, je crois, par l'ensemble des partis politiques, et est pour le Bloc québécois cruciale pour la bonne tenue d'une campagne électorale. L'information nécessaire au public, pour que le public sache, ne peut être transmise ou détenue que par des personnes qui peuvent être perçues comme impartiales, que ce soit justifié ou non. La loi électorale, et en particulier le projet de loi C-2, devraient refléter adéquatement cette préoccupation notamment lorsque que vient le temps de traiter de la nomination des officiers électoraux, pivots du directeur général des élections dans chacune des circonscriptions.
Le mode de nomination des directeurs de scrutin nous apparaît en complète contradiction avec la nécessaire impartialité que requiert cette fonction. Comment se fait-il que l'on ne fasse pas en sorte que le choix des directeurs de scrutin se fasse par le biais de concours publics plutôt que par nomination politique comme le prévoient la présente loi électorale et le projet de loi C-2? Inutile de vous rappeler que ces individus doivent à leur tour nommer des personnes pour les assister dans leurs fonctions qui ont eux aussi une totale impartialité à respecter.
Le 35e rapport du directeur général des élections contient d'ailleurs une citation pertinente à ce sujet, issue de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, et je cite:
Dans un système démocratique, il est essentiel que le processus électoral soit administré avec efficacité, et la loi électorale appliquée avec impartialité. Le personnel électoral doit être indépendant du gouvernement du jour et à l'abri de toute influence partisane.
Nul besoin de vous rappeler que tous les partis de l'opposition se sont montrés en accord avec une modification au mode de nomination des directeurs de scrutin. Le Bloc a, bien entendu, étudié et proposé des modifications sous bien d'autres aspects du projet de loi C-2. En voici quelques exemples que je qualifierais d'ordre plus technique.
Nous avons traité, notamment, à l'étude du projet de loi C-2 en comité, des fiducies, des rapports annuels et électoraux qui méritent toujours d'être revus étant donné que trop de précisions demeurent absentes dans la loi électorale. La liste électorale pourrait contenir des informations non confidentielles et utiles aux travailleurs de certains officiers électoraux tel, par exemple, contenir les dates de naissance des électeurs ce qui faciliterait l'identification des électeurs dans le cadre des campagnes électorales. La loi, à notre avis, devrait pousser plus à fond la notion de résidence et de preuve de résidence, qui est toujours un peu floue à l'intérieur de la loi électorale. La détermination et la délimitation des sections de vote devraient comprendre un nombre maximum d'électeurs et non pas un nombre minimum, ce qui faciliterait l'exercice démocratique les jours du scrutin et encadrerait le travail des officiers électoraux.
Le Bloc québécois, soit dans le cadre des travaux du comité consultatif du directeur général des élections ou dans le cadre de ses propres instances a proposé des pistes de réflexion qui se tournent résolument vers le XXIe siècle.
Le projet de loi est muet sur des sujets d'avant-garde tel l'introduction d'éléments de proportionnel ou encore le vote électronique. Ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles il nous semble évident qu'il y aurait, au moment de la présentation de ce projet de loi, obligation de réviser la loi électorale mais qu'il y a peu de volonté de la réformer véritablement.
[Traduction]
La présidente: Si les sénateurs sont d'accord, nous ne passerons aux questions qu'après avoir entendu les trois membres du panel qui sont venus nous rencontrer ici aujourd'hui. Vient de se joindre à nous M. Ted White, député, membre de l'Alliance réformiste conservatrice canadienne. Allez-y, je vous prie, monsieur Mercer.
M. Terrence M. Mercer, directeur national, Parti libéral du Canada: J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. Il est agréable de voir des amis de part et d'autre de la table. Je serai beaucoup plus bref que l'intervenant qui m'a précédé, car je n'ai pas autant de problèmes avec le projet de loi que mon collègue du Bloc québécois.
L'un des aspects les plus intéressants de cet exercice a été le processus lui-même, qui nous a réuni ici aujourd'hui. Une partie de la discussion a commencé il y a de cela plusieurs années dans l'autre endroit relativement à des changements à apporter à la Loi électorale du Canada.
Je suis un politicien pratique et non pas un avocat. Je ne vais pas couper les cheveux en quatre sur le plan juridique. Je suis de ceux qui sont sans cesse en mode électoral. Bien que nous nous opposions les uns aux autres en période de campagne, il nous faut travailler ensemble pour améliorer le système. J'estime que c'est cela qui s'est passé. L'une des choses positives qui est ressortie de ce processus est le rétablissement du comité spécial chargé de conseiller le directeur général des élections. Ce comité est composé de membres de tous les partis politiques enregistrés. Nous nous réunissons maintenant à chaque trimestre avec M. Kingsley, que je tiens à féliciter d'avoir ressuscité le comité et d'avoir prévu des fonds pour ces partis qui ont besoin d'aide financière pour envoyer des représentants à Ottawa pour ces réunions trimestrielles. Cela est très important pour ces partis qui ne sont pas représentés au Parlement et il s'agit d'un geste positif de sa part.
Je ne suis pas de l'avis de mon collègue selon qui certains changements importants n'ont pas été apportés. La question relative à la divulgation de l'identité des propriétaires et des PDG de sociétés numérotées est très importante. Le projet de loi ouvre un petit peu plus grand la porte et autorise aux candidats politiques et(ou) à leurs représentants l'accès aux condominiums et autres immeubles à logements multiples. Cela est très important. Est également couverte l'identification de logements, dans le cas, par exemple, de femmes vivant dans des foyers pour femmes victimes d'abus et qui doivent être exclues de cette disposition. Une justification doit par ailleurs être fournie au scrutateur.
Je suis plutôt satisfait du projet de loi. En conséquence, je ne suis pas venu ici avec une liste de critiques. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous-mêmes ou vos collègues voudrez me poser.
M. Ted White, député, Alliance réformiste conservatrice canadienne: Il me faut tout d'abord m'excuser de mon retard. Il arrive malheureusement à l'occasion des urgences.
J'aimerais commencer par vous faire un bref résumé de certains des amendements proposés par l'Alliance canadienne -- ou par le Parti réformiste, comme le parti s'appelait lors de l'étude du projet de loi à la Chambre -- faisant ressortir certaines des préoccupations que nous avions relativement au projet de loi.
Tout d'abord, nous aurions voulu modifier le projet de loi de telle sorte que la nomination du directeur général des élections se fasse par voie d'une résolution appuyée par 75 p. 100 des députés à la Chambre et non pas par une simple majorité, comme ce qui est prévu à l'heure actuelle. Cet amendement aurait obligé le gouvernement du jour à consulter les autres partis pour veiller à ce que le directeur général des élections choisi convienne à tous les partis.
Nous aurions également voulu que le directeur général des élections puisse choisir les directeurs du scrutin selon le mérite. Comme l'a mentionné mon collègue du Bloc, nous estimons qu'il n'est pas acceptable qu'une loi électorale canadienne contemporaine autorise le favoritisme pour combler ces postes. Nous aurions également exigé que les directeurs de scrutin choisissent les directeurs adjoints du scrutin, les scrutateurs et les greffiers du scrutin sur la base du mérite, par le biais de concours annoncés publiquement et ouverts à tous les Canadiens.
Nous aurions par ailleurs supprimé l'exigence qu'un parti présente 50 candidats pour faire inscrire son nom sur le bulletin de vote et aurions remplacé ce chiffre par 12. Cela permettrait aux électeurs de faire des choix libres et éclairés parmi un plus grand nombre de partis et de constater qu'un candidat présenté comme indépendant est en fait lié, par allégeance politique, à une autre personne dont le nom figure sur un bulletin de vote ailleurs au pays.
Dans l'intérêt des électeurs, nous pensons que ceux-ci devraient être en mesure de savoir s'il y a un lien entre un candidat sur le bulletin de vote à tel endroit et un autre candidat qui se présente ailleurs.
Nous supprimerions par ailleurs les limites quant aux dépenses de tiers. Nous croyons que tous les Canadiens devraient jouir du même droit de s'exprimer en période de campagne électorale que les journalistes et les partis politiques. Cela aiderait également à veiller à ce que les partis politiques et candidats prêtent davantage attention à la volonté majoritaire des électeurs relativement à une vaste gamme de questions importantes, ce qui est établirait un niveau supplémentaire d'imputabilité.
Nous exigerions que des élections partielles soient tenues dans les six mois suivant l'apparition de vacances à la Chambre des communes. Cela réduirait la capacité du gouvernement de tenir les élections partielles en fonction du climat politique et donnerait par ailleurs aux électeurs des garanties quant au remplacement de leur député en cas de décès, de disparition ou de démission.
Revenant maintenant à quelques points généraux, nous avions le sentiment, lors du dépôt du projet de loi C-2, que ce qu'il nous fallait c'était un projet de loi politiquement neutre et appuyé par le public, le directeur général des élections et tous les partis à la Chambre. Je pense qu'un projet de loi satisfaisant ces exigences nous donnerait une très bonne loi électorale. En fait, le projet de loi s'est attiré de vives critiques de tous les partis de l'opposition ainsi que du directeur général des élections et des Canadiens. Nous ne croyons pas qu'il ait satisfait le critère déterminant. Le refus du gouvernement d'accepter des modifications qui l'auraient rendu plus acceptable vous laisse à notre avis pour responsabilité d'examiner les sujets de préoccupation des intervenants pour voir s'il n'y a pas quelque chose que vous devriez faire.
Nous estimons que les droits des électeurs et des tiers participant au processus démocratique continuent d'être atteints par les dispositions de ce projet de loi qui procèdent d'une conception paternaliste, imposant la façon dont l'argent peut être dépensé et décidant pour les électeurs les critères faisant qu'un candidat est fantaisiste.
Le gouvernement a par ailleurs ignoré plusieurs décisions de diverses cours d'appel ainsi que de la Cour suprême du Canada. Enfin, il a refusé de tenir des audiences de comité à travers le pays, alors que cela avait été demandé par des universitaires et par de simples citoyens.
Comme cela a été mentionné, le favoritisme dans les nominations est omniprésent dans toute la structure d'Élections Canada. Le directeur général des élections a déclaré devant le comité qu'il est essentiel, et il a plusieurs fois employé ce terme essentiel, de pouvoir embaucher les directeurs de scrutin sur la base du mérite. Il a soulevé cette question chacune des trois fois qu'il a comparu devant le comité. Il a également déclaré qu'il aimerait, idéalement, voir adopter les dispositions contenues dans un projet de loi d'initiative parlementaire déposé par moi-même lorsque j'étais critique officiel du Parti réformiste. Ce projet de loi aurait supprimé tout le favoritisme en matière de nomination à Élections Canada. Le Québec a déjà son propre système de sélection selon le mérite. Il n'y a aucune raison pour laquelle le pays dans son entier ne devrait pas se doter du même système. En plus de mentionner qu'il était essentiel pour lui d'avoir ce pouvoir, le directeur général des élections a dit au comité, et je cite:
Il est évident que lorsque je me présente sur la scène internationale, je ne recommande pas que le système canadien soit imité en ce qui concerne la nomination des directeurs du scrutin. Je dis clairement, comme je le fais au Canada, que la nomination des directeurs du scrutin dans le cadre de l'actuel système est un anachronisme.
Passant maintenant brièvement au plafond des dépenses de tiers, le gouvernement a invoqué la décision de la Cour suprême dans l'affaire Libman c. Le Québec pour justifier le rétablissement de la limitation des dépenses par des tiers. Il a argué que, la cour ayant déclaré l'imposition de limites de dépenses raisonnables à la fois constitutionnelle et souhaitable, il était acceptable qu'il les rétablisse. Or, la décision de la Cour suprême va à l'encontre de deux décisions distinctes des cours de l'Alberta et d'une décision de la Cour de la Colombie-Britannique du 9 février de cette année, déclarant anticonstitutionnelle la limitation des dépenses de tiers. La Cour suprême a donné un avis sur les décisions de l'Alberta, mais elle n'a en fait jamais entendu de témoignages. Il n'y a donc aucune garantie que la Cour suprême ne rendrait pas une décision différente s'il lui fallait revoir la question.
Par exemple, le principal argument dans l'affaire Libman s'appuyait sur le rapport Lortie, lui-même fondé sur un rapport préliminaire de Richard Johnston, professeur de sciences politiques de l'University of British Columbia et dans lequel l'auteur dit que les dépenses de tiers pourraient influer sur les résultats d'élections. Or, suite au rapport Lortie, le professeur Johnston a rédigé ses conclusions finales. Celles-ci figurent dans un livre paru en 1992 et intitulé Letting the People Decide: Dynamics of a Canadian Election, dans lequel il déclare que les prises de position de tiers n'ont aucun effet perceptible sur les résultats d'élection. Il y a là une différence énorme.
Dans sa décision dans l'affaire de la Colombie-Britannique le 9 février de cette année, le juge Brenner déclare qu'il n'y aucune preuve l'amenant à conclure que les dépenses ou la publicité faites par des tiers ont une incidence sur les intentions de vote des électeurs et que pour outrepasser un droit énoncé dans la Charte, il faut qu'il y ait plus qu'une préoccupation hypothétique générale au sujet d'un problème lorsqu'il n'y a aucune preuve qu'un tel problème a existé par le passé ou est susceptible de se présenter à l'avenir.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles nous avons, en tant qu'opposition officielle, pris la position que ces règles en matière de dépenses par des tiers n'auraient jamais dû être déposées.
En ce qui concerne les exigences en matière d'obtention de statut de parti enregistré, en mars 1999 une cour ontarienne a cassé les dispositions de la Loi électorale du Canada exigeant qu'un parti présente 50 candidats dans une élection pour demeurer inscrite au registre et pour que ses candidats figurent sur le bulletin de vote. La cour a déclaré que deux candidats suffiraient. Il est intéressant que lorsque les petits partis ont comparu devant le comité, ils ont tous dit qu'une exigence de 12 candidats serait acceptable pour eux. Ils n'allaient pas insister pour obtenir le respect de la décision de la cour selon laquelle deux candidats devraient suffire.
Il est dommage, de l'avis de l'opposition officielle, que le gouvernement n'ait pas pris plus de temps pour consulter les plus petits partis pour discuter avec eux, car nous croyons qu'un compromis aurait pu être négocié, qu'on aurait pu s'entendre sur le chiffre de 12, ce qui aurait éliminé la probabilité d'une nouvelle contestation du rétablissement de la règle des 50. Les petits partis ont en tout cas fait savoir qu'ils vont de nouveau contester cela. Ils iront jusqu'à la Cour suprême du Canada. Il est donc dommage que le gouvernement n'a pas pris un peu de temps pour consulter.
Il a commis la même erreur en ce qui concerne les journaux et les journalistes. Il n'y a eu aucune consultation des médias avant le rétablissement de l'interdiction de la publication de sondages. Le gouvernement a rétabli une interdiction de la publication de sondages pendant les 24 heures précédant une élection, mais la Cour de la Colombie-Britannique vient tout juste d'annuler les dispositions de la loi électorale de la Colombie-Britannique exigeant une interdiction de publication semblable. Cela aussi remonte au mois de février. La cour a également annulé l'exigence en matière de publication de méthodologie. Le juge a déclaré que, comme pour la publicité par des tiers, il n'y a aucune preuve que la publication de sondages ou de méthodologie avant la tenue d'un vote influe sur le résultat. J'imagine que cette question aboutira elle aussi devant la Cour suprême.
Une dernière chose que nous avons contestée est l'absence d'exigence que les électeurs s'identifient. L'actuelle loi exige seulement qu'une personne prête le serment prescrit, jurant qu'elle est autorisée à voter. Nous estimons qu'il serait plus approprié d'exiger aux fins du processus de vote des preuves d'identité adéquates.
Enfin, nous pensons que la caution de 1 000 $ devant être versée par le candidat qui se présente à une élection, étant donné qu'elle est entièrement remboursable, aurait dû être ramenée à environ 250 $, ce afin de faciliter la participation des plus petits partis. Mon pays natal, la Nouvelle-Zélande, a récemment instauré la MMP, Mixed Member Proportional. Figureront dorénavant sur le bulletin de vote jusqu'à 32 noms de candidats, et il semble que les électeurs soient tout à fait en mesure d'établir quels candidats sont fantaisistes et lesquels ne le sont pas. Il est selon nous abusif que le gouvernement entrave ainsi la capacité des candidats de se faire inscrire sur le bulletin de vote. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé aujourd'hui.
M. Paul Lepsoe, conseiller juridique, Parti progressiste- conservateur: Je comparais au nom du Parti progressiste-conservateur pour lequel je suis depuis plusieurs années conseiller juridique bénévole -- je dis bien conseiller juridique bénévole -- en matière de droit électoral.
J'ai quelques brèves observations à vous soumettre cet après-midi. J'aimerais tout d'abord vous entretenir du processus, selon nous défectueux, qui a débouché sur le projet de loi et qui a eu certaines répercussions et, deuxièmement, des dispositions en matière de publicité faite par des tiers. Je ne parlerai pas très longuement de ce deuxième aspect, étant que M. White en a déjà abondamment traité.
Le processus qui a débouché sur le projet de loi a été défectueux. C'est là la position adoptée à la Chambre des communes par le Parti progressiste-conservateur. Il n'y a eu aucune consultation des partis politiques. Sous les administrations libérales et conservatrices antérieures, la question de la réforme électorale a toujours été abordée dans un contexte de participation par tous les partis. Au lieu de cela, l'actuel gouvernement a traité la Loi électorale comme il traiterait toute autre loi. Je m'explique: des fonctionnaires du gouvernement rédigent un projet de loi sans consultation au sujet des différentes dispositions et le gouvernement dépose le projet de loi; les amendements subséquents et le projet de loi lui-même s'inscrivent dans la politique du gouvernement et le projet de loi doit être adopté conformément à l'échéancier du gouvernement. C'est la façon habituelle de déposer et de faire adopter un projet de loi courant, mais cela n'a pas été la pratique passée -- en tout cas pas dans un passé récent -- en ce qui concerne la Loi électorale, et ce n'était pas la bonne façon de procéder.
À notre avis, il aurait dû y avoir dès le départ une approche englobant tous les partis, mais tel n'a pas été le cas. Au lieu de cela, nous avons ici, pour la première fois depuis des décennies, une refonte en vrac de la Loi électorale, de A à Z, bousculée à la Chambre des communes au moyen de l'attribution d'une période de temps donnée. Les partis n'ont disposé que de quelques jours pour comparaître devant le comité de la Chambre. À notre avis, ce n'est pas ainsi que les choses auraient dû se passer.
Pourquoi la bousculade? Pourquoi cette hâte?
À bien des égards, d'un point de vue technique, il n'y a pas grand-chose de très nouveau dans le projet de loi. La plupart des changements à l'actuelle loi sont mineurs, mais, comme je l'ai dit, toute la Loi électorale est réécrite avec ce projet et, bien franchement, c'est pourquoi la situation est difficile pour ceux d'entre nous qui devons nous attarder sur le détail et relever et analyser tous les changements mineurs qui s'y trouvent ou ne s'y trouvent peut-être pas. Je conviens que cela ne pose de problèmes que pour quelques-uns d'entre nous, mais, même si nombre de ces changements mineurs semblent être positifs, il n'était nullement urgent de les apporter.
La seule chose qui semble motiver le gouvernement est son désir de faire adopter, avant une élection possible à l'automne, l'une des rares dispositions importantes de fond, notamment la sévère réglementation de la publicité électorale faite par des tiers. Il semble que ce soit là la seule question politique pressante qui soit abordée dans le projet de loi.
Dans le cadre de l'examen par le comité de cette question de publicité par des tiers -- je m'excuse si je vais répéter certains points déjà soulevés par M. White -- la question n'est pas, en théorie, celle de savoir si la publicité par des tiers devrait ou non être contrôlée dans un quelconque monde idéal en matière de politique publique. La question est celle de la réglementation de la publicité par des tiers, qui est contenue dans le projet de loi. À notre avis, la définition de ce qui constitue de la publicité électorale faite par des tiers est trop large, les limites en matière de dépenses trop basses et la réglementation des groupes tiers trop intrusive.
J'aimerais être franc et honnête avec vous ici. J'ai eu à m'occuper du menu détail de la Loi électorale au beau milieu d'une élection -- avec des bénévoles et d'autres personnes qui appelaient les bureaux de parti pour demander ce qui se passait. La définition de «publicité électorale», contenue à l'article 319 du projet de loi, est reprise dans les articles 349 à 362 traitant de la publicité par des tiers, est en fait un problème qui sommeille. Les mots clés sont contenus dans les lignes 17 à 20 de l'article 319, où la définition de «publicité électorale» inclut «une prise de position sur une question à laquelle est associé un parti enregistré ou un candidat». Il s'agit là d'une définition bien plus vaste de «publicité électorale» que tout ce que nous avons traditionnellement utilisé par le passé.
Autrefois, dans le contexte électoral, il ne s'agissait que de la publicité faisant directement la promotion ou la contestation d'un candidat ou d'un parti donné. Il s'agit donc ici d'une définition très élargie. L'on aurait pu parler de «publicité liée à un dossier», ce qui n'a jamais été réglementé dans le contexte électoral canadien. Cette définition est potentiellement si vaste que tout groupe qui dit n'importe quoi au sujet de n'importe quelle question dans le cadre d'une campagne électorale pourrait voir porter contre lui des allégations voulant qu'il soit assujetti au régime de réglementation des tiers d'Élections Canada, en vertu des articles 349 à 362.
J'ignore si le comité a eu l'occasion d'examiner avec les fonctionnaires qui ont comparu plus tôt le principe de droit selon lequel les lois ne lient la Couronne que si cela est clairement stipulé dans le libellé. Il semble que le gouvernement du Canada soit entièrement libre de faire, en période électorale, de la publicité au sujet de dossiers, ce qui ne serait pas du tout contrôlé par le projet de loi. Il s'agit peut-être là d'une façon efficace pour le gouvernement de bâillonner certains critiques ou de promouvoir sa propre position en période électorale. Je laisse au comité le soin de déterminer si ces mesures de contrôle sont justifiables, nécessaires ou constitutionnelles.
Différentes personnes peuvent avoir des opinions différentes quant au bien-fondé du contrôle général de la publicité faite par des tiers. Certains sénateurs autour de cette table ont peut-être des avis tout à fait différents au sujet de la question générale de la publicité par des tiers. Cependant, le comité est saisi d'un projet de loi. Beaucoup de petits groupes, en particulier -- c'est-à-dire pas des groupes de gros entrepreneurs mais de petits groupes écologistes -- seront surpris d'apprendre qu'ils devront déposer des rapports très détaillés auprès d'Élections Canada.
Je ne vais pas accaparer davantage le temps du comité, mais j'aimerais néanmoins souligner que nous nous sommes efforcés de proposer un certain nombre d'amendements techniques au projet de loi dans le temps dont disposait le comité, et je me ferai un plaisir de discuter avec vous en table ronde des questions plus techniques.
Le sénateur Fraser: Mes observations visent les remarques faites et par M. White et par M. Lepsoe. Monsieur White, si vous examinez de plus près le système électoral au Québec, vous verrez que le principe du mérite n'est pas le seul élément qui intervienne dans le choix des directeurs de scrutin, en dépit des recommandations en ce sens.
En ce qui concerne la publicité faite par des tiers, je suis de ceux qui n'ont presque jamais appuyé les initiatives du gouvernement du Parti Québécois. Cependant, je pense que l'on peut parler ici de l'un des plus beaux précédents jamais établis en matière de droit électoral canadien, et je songe tout particulièrement à l'affaire Libman. Le contrôle des dépenses faites par des tiers est un élément essentiel du processus démocratique et cela a très bien fonctionné au Québec si vous examinez la situation.
Je suis intéressée par les dispositions relativement à la publication des sondages d'opinion. J'aimerais que chacun de vous me dise si vous êtes au courant de cas précis -- et je ne parle pas tant ici du principe que de préoccupations ou de craintes générales -- de problème ou d'inconvénient qui auraient pu être corrigé si cette disposition avait été en vigueur. Je veux parler ici de l'exigence en matière de publication de données techniques détaillées au sujet de tout sondage d'opinion dont les résultats sont publiés en période de campagne électorale.
M. White: J'aimerais faire encore une observation au sujet de la décision dans l'affaire Libman. Il s'agissait d'un référendum, d'une réponse par un simple «oui» ou «non». Je pense que la plupart des gens conviendraient, et peut-être même le juge Brenner, qu'il y aurait des raisons pour le gouvernement de contrôler le montant d'argent consacré de part et d'autre.
Dans le cas d'une élection, où de nombreuses questions sont en jeu, la décision n'est pas si claire. Vous avez peut-être quelque part une copie de la décision de Colombie-Britannique du 9 février 2000. Le jugement est très détaillé et je ne vais pas le reprendre ici.
Passant maintenant à la deuxième partie de votre question, je vais vous lire une phrase tirée de la décision du juge Brenner au sujet de la publication de sondage:
Il n'existe aucun antécédent de publication de sondages électoraux faux ou trompeurs. Il n'y a aucune preuve que quelqu'un ait jamais eu des difficultés pour obtenir des données méthodologiques auprès du service de média responsable [...] très peu de personnes sont en fait désireuses d'obtenir des renseignements méthodologiques supplémentaires, en plus des renseignements habituellement fournis par le service de média.
Le juge Brenner a conclu qu'il n'existe aucun besoin pressant ni important justifiant de passer outre à l'alinéa 2b) de la Charte des droits.
Je n'ai fait aucune enquête approfondie comparant les preuves déposées dans l'affaire dont était saisie la cour de Colombie-Britannique, mais je pense que le juge Brenner en est arrivé à la bonne conclusion.
Le sénateur Fraser: Quelqu'un d'autre?
[Français]
M. Bourgeois: Je ne reviendrai pas sur la publicité des tiers car je pense que la loi du Québec est exemplaire. Sur les sondages, une nouveauté émane depuis la dernière campagne électorale et elle pourrait devenir un problème. Ce sont les sondages publiés sur Internet où aucun contrôle sur la publication des sondages n'est exercé. Doit-on tenter de contrôler d'une façon ou d'une autre, doit-on imposer des normes sur la publication de ces sondages? Un sondage mené en Suède peut être publié sur Internet la veille de l'élection au Canada. Cela devient très complexe. La méthodologie de n'importe quel sondage peut être différente de la nôtre au Canada, les principes et le sérieux peuvent différer du Canada dans les méthodologies de sondage. Je soulève une question sur cette problématique. Outre cela, je n'en vois pas.
[Traduction]
Le sénateur Fraser: Y en a-t-il d'autres?
M. Mercer: Juste une remarque, sénateur. Si le sénateur Moore et moi avions quelque temps pour y réfléchir, nous pourrions probablement trouver un cas mettant en jeu le sénateur Buchanan.
Le sénateur Buchanan: J'écoute.
M. Mercer: C'était juste un ballon d'essai.
Je trouve intéressant que M. White réclame que 75 p. 100 des députés approuvent la nomination du directeur général des élections, alors que deux tiers suffisent pour fractionner le Parti réformiste et 50 p. 100 plus un pour fractionner le pays. Je vois là quelques contradictions.
La présidente: Pas de commentaires politiques, monsieur Mercer. Nous parlons du projet de loi.
Le sénateur Oliver: Ma question s'adresse à M. Mercer. Je vous la pose car vous vous êtes présenté comme une sorte de fonctionnaire; vous ne faites que gérer les campagnes électorales, et cetera. Vous vous dites également en faveur du projet de loi tel quel.
Certains Canadiens font preuve d'un peu de scepticisme à l'égard des politiciens et de la manière dont les élections sont tenues. L'une des raisons réside dans ce que j'appelle l'argent politique, la façon dont l'argent des dons est recueilli, amassé, dépensé et contrôlé. Premièrement, convenez-vous avec moi qu'une plus grande transparence et une meilleure reddition de comptes à l'égard de ce que j'appelle «l'argent électoral» permettraient de pallier ou d'atténuer les préoccupations des Canadiens à l'égard du processus politique? Si vous convenez que la transparence et la reddition de compte sont une chose positive à cet égard, pensez-vous que le projet de loi C-2 instaure un contrôle suffisant sur la collecte et la déclaration des dons de faible montant? Par exemple, si une contribution de 100 $ est faite aujourd'hui, nous devons la déclarer dans trois ou quatre ans; cela assure-t-il la transparence à laquelle les Canadiens ont droit? Comprenez-vous ma question?
M. Mercer: Je comprends votre question. Je suis en faveur de la transparence. Je pense qu'elle existe à l'heure actuelle, puisque nous devons déclarer tous les fonds recueillis et dépensés. Le Parti libéral a donné l'exemple en ouvrant ses comptes. Il l'a fait beaucoup plus que les autres partis, tant pendant les campagnes de 1993 que de 1997, et continuera de le faire.
La collecte de fonds est d'importance vitale pour tous les partis politiques. Elle est la condition de notre survie. Il importe que le système soit ouvert et transparent. Je pense qu'il l'est, de la manière dont la loi est maintenant structurée. J'en suis plutôt satisfait.
Le sénateur Oliver: En ce qui concerne la remise de reçus, si quelqu'un remet un chèque à l'un de vos candidats aujourd'hui, celui-ci peut-il délivrer un reçu?
M. Mercer: Pas aujourd'hui.
Le sénateur Oliver: Ne devrait-il pas pouvoir le faire?
M. Mercer: Non.
Le sénateur Oliver: Pourquoi?
M. Mercer: Dans tout parti politique, si vous prenez les quatre grands partis politiques ayant des candidats dans toutes les provinces, et même le Bloc qui en présente dans 75 circonscriptions du Québec, ce travail est accompli par des bénévoles, comme mon ami Paul, ici.
Le sénateur Oliver: J'ai été bénévole. J'ai fait ce travail pendant 16 ans.
M. Mercer: J'ai été bénévole pendant de nombreuses années et vous et moi l'avons été dans des camps opposés en Nouvelle-Écosse lors de nombreuses élections.
Ce n'est pas manquer de respect envers les bénévoles. Cela témoigne simplement de la nécessité de protéger les bénévoles contre les erreurs, sachant qu'il faut un certain professionnalisme au niveau de la collecte et de la comptabilisation des fonds, afin que la procédure requise soit correctement suivie.
On ne peut pas attendre des bénévoles de 301 circonscriptions de tout le pays qu'ils appliquent parfaitement les règles. Nous avons du personnel professionnel dans les bureaux nationaux des partis politiques pour garantir que les procédures soient appliquées et la transparence garantie. Nous aurions pas mal de difficultés si nous autorisions chaque candidat à délivrer des reçus entre les élections. Dans notre parti, nous contrôlons le mécanisme de délivrance des reçus au bureau central. C'est probablement le cas aussi d'un autre parti national. Nous continuerons à procéder ainsi, car cela prévient les problèmes. Très franchement, nous voulons éviter les problèmes. Nous voulons garantir que les choses se fassent de manière honnête et transparente.
Le sénateur Oliver: Monsieur Lepsoe, vous avez dit que vos principales réserves concernant le projet de loi C-2 intéressent les dispositions 349 à 362 relatives aux tiers et à la publicité des tiers, et deux éléments vous gênent principalement. Premièrement, vous trouvez la définition trop large, et vous avez expliqué pourquoi, et deuxièmement, elle est trop inquisitionnelle. Au vu de la cause Libman, pouvez-vous nous expliquer en quoi il y a inquisition.
M. Lepsoe: Juste un rectificatif. En tant que spécialiste de la loi électorale, je pourrais m'attarder sur toutes sortes de détails techniques. En ce qui concerne les grands principes, c'est là un sujet particulier sur lequel le Parti progressiste-conservateur s'est attardé au comité de la Chambre, et je réitère ces préoccupations ici aujourd'hui.
Le caractère inquisitionnel tient au régime réglementaire mis en place dans les articles 353 à 360. C'est là une version miniature de la réglementation et supervision financière à la quelle un parti politique est assujetti, avec notamment la nomination d'un vérificateur et la présentation de rapports financiers, et cetera.
Je vais vous donner un petit exemple. Je ne dis pas que c'est une grande affaire, mais l'article 354 détermine qui ne peut être agent financier et l'article 355 qui ne peut être vérificateur. Je crois savoir que les cabinets comptables nationaux prennent pour position que, s'ils sont le vérificateur d'un parti politique national, nul travaillant pour ces cabinets, n'importe où dans le pays, ne peut être le vérificateur d'un candidat. Par extension, un groupe quelconque dans le pays s'adressant à un cabinet comptable national agissant pour les partis nationaux se verra dire: «nous ne pouvons être votre vérificateur».
L'un des rares amendements acceptés par le gouvernement est une modification technique contenue dans l'article 85.1. Il a été inséré à l'étape du comité et se trouve à la page 40 du projet de loi. En voici le texte:
85.1 Sous réserve des articles 84 et 85, une personne peut être nommée en tant qu'agent officiel ou vérificateur d'un candidat même si elle est membre d'une société qui a été nommée, en conformité avec la présente loi, en tant que vérificateur:
a) soit d'un candidat [...]
b) soit d'un parti enregistré.
Ce genre de problème technique a été réglé avec l'article 85.1. Mais c'est un problème auquel chaque groupe tiers va maintenant se heurter. Ils doivent se doter d'un agent financier et d'un vérificateur. Dans certains cas, il leur sera difficile de trouver des personnes n'ayant pas de conflit. En tant que praticien, sénateur Oliver, vous connaissez toutes ces difficultés pratiques. Si vous travaillez pour un cabinet national, vous ne savez pas quels sont les autres clients.
Voilà un exemple technique précis des difficultés que les groupes tiers vont rencontrer du fait de ces dispositions.
La présidente: Monsieur Lepsoe, dites-vous que les tiers ne devraient pas être astreints aux mêmes restrictions que les candidats des partis ou les partis eux-mêmes?
M. Lepsoe: D'une certaine façon, ils sont réglementés davantage. Cela est hautement théorique, mais la définition d'«engagement thématique» est plus large que celle de «dépenses électorales». Une dépense électorale est une activité qui promeut ou contrecarre directement un candidat ou un parti donné. C'est à cela que les partis sont assujettis. Les limites de dépenses des partis sont mesurées en fonction de cette définition. La définition de «publicité électorale» est beaucoup plus large que cela.
[Français]
Le sénateur Joyal: Vous avez exprimé, monsieur Bourgeois, dans votre présentation, votre préoccupation au sujet du statut de la femme dans la Loi électorale. Mise à part la question du vote proportionnel dans les pays où ce système a été mis en place, la participation des femmes dans les assemblées élues est toujours plus élevée dans les pays qui pratiquent un autre système électoral. Mis à part ce changement fondamental, y a-t-il d'autres éléments dans le projet actuel qui, d'après vous, auraient dû être modifiés pour favoriser la participation des femmes au scrutin en tant que candidates? C'est l'objectif principal poursuivi par tous les partis.
Je voudrais demander à M. Lepsoe si le projet de loi actuel garantit suffisamment l'intégrité de l'identification des partis? Une décision récente a été rendue. Elle soulève des éléments importants sur l'intégrité du processus électoral parce que le projet de loi vise à éviter la supposition des personnes. Il faut aussi éviter la supposition des partis. Le présent projet de loi offre-t-il ces garanties aux partis?
M. Bourgeois: Pour répondre à votre question, on a fait une proposition relativement concrète à deux volets quant à la participation des femmes à l'élection. Tout d'abord, nous désirons favoriser une plus grande participation des femmes candidates aux élections, notamment en augmentant le remboursement électoral aux partis politiques et aux candidates qui se présentent aux élections. Pourquoi aux deux? Il y a une question monétaire, à notre avis. Pour se lancer en politique, cela prend des fonds et les femmes gagnent moins d'argent que les hommes. On n'a pas besoin de grandes études pour le prouver. Il y a des difficultés monétaires lorsque l'on se présente en politique. Un des premiers aspects dont notre porte-parole à la Chambre des communes s'inspire est d'augmenter le remboursement prévu aux candidates qui sont élues, qui se présentent et qui obtiennent 15 p. 100 des voix comme le prévoit la loi actuellement.
Le deuxième aspect de notre proposition était d'augmenter le remboursement aux partis politiques pour qu'ils encouragent des femmes à se présenter comme candidates aux élections. Ces deux aspects pouvaient se réaliser à très court terme et n'augmentaient pas de façon astronomique les remboursements des candidats. C'était une motivation pour les candidates et pour les partis d'encourager la participation des femmes.
On a traité de la question de la proportionnelle au comité consultatif, au congrès du Bloc Québécois et au Bloc Québécois. On a pris position à ce sujet.
M. Lepsoe: J'aurais peut-être répondu différemment à votre question la semaine dernière. Je n'ai pas vraiment étudié en détail la nouvelle disposition du projet de loi à ce sujet. C'est l'article 368. La substance de cet article me semble un peu différente. Les mots sont différents mais j'ai l'impression qu'en substance, les provisions sont les mêmes que les articles 24 et 25 de la loi actuelle. J'hésite à trop en dire. On a l'intention de contester la décision du directeur général des élections. On croyait que les provisions était adéquates. Je crois que tout le monde l'a pensé. J'ai entendu les représentants du Parti libéral avant la décision du directeur général des élections. Je pense que presque tout le monde, même le Parti réformiste, attendait une décision différente du directeur général des élections. Suite à la décision, ce serait peut-être un élément à étudier. Est-ce que l'article est adéquat?
[Traduction]
La présidente: À ce sujet, monsieur Bourgeois, ne pensez-vous pas que l'article 409 encouragera les femmes à se présenter aux élections fédérales? Il se trouve à la page 168 du projet de loi.
[Français]
M. Bourgeois: On parle des dépenses personnelles et non pas des dépenses de candidates prévues par la Loi électorale comme dépenses électorales. On parlait vraiment des dépenses à titre de candidates et non pas exclusivement des dépenses personnelles. Notre proposition est beaucoup plus large. Les dépenses personnelles sont soumises au plafond pour les dépenses électorales.On traitait grosso modo de ce plafond de dépenses qui équivaut à un dollar par électeur. Cela ne nuira pas mais je pense que la loi peut aller plus loin.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino: J'essaie de m'y retrouver dans ce problème des tiers. M. Lepsoe nous a parlé de la définition. Il a peut-être mis le doigt sur quelque chose. Ce qui doit nous préoccuper, ce n'est pas le montant dépensé, pourvu que certaines règles soient respectées. Les risques d'abus interviennent si la définition de tiers ou la définition de la publicité pose un problème. J'aimerais connaître l'avis des autres participants pour savoir s'ils voient les mêmes problèmes que M. Lepsoe dans les définitions.
M. Mercer: Sénateur, ma position à ce sujet est assez cohérente. J'ai comparu devant la commission Lortie à titre de bénévole il y a de nombreuses années, et le mémoire que j'y ai présenté portait sur la publicité de tiers. Je dois dire que le gouvernement, dans ce projet de loi, se montre encore plus généreux que je ne l'aurais été. Je ne suis pas parlementaire, et je m'en remets donc à mes collègues élus, mais je trouve que c'est réellement fausser le processus démocratique lorsqu'un candidat se heurte à la publicité de quelqu'un qui n'a pas assez de tripes pour inscrire son nom sur le bulletin de vote. Je le pense très sérieusement.
À mon point de vue, si vous avez quelque chose à dire dans le processus électoral et que vos convictions sont assez fortes pour que vous dépensiez des centaines de milliers de dollars pour les exprimer, il y a une méthode pour cela. Inscrivez-vous à l'un des partis politiques représentés ici, ou dans l'un des petits partis présentant des candidats, ou bien présentez-vous comme indépendant. Si vous participez au processus, vous devez être astreint à des règles. Les règles auxquelles ceux d'entre nous qui administrent le processus pour les partis politiques sont assujettis sont plutôt strictes et contraignantes.
Le sénateur Oliver a parlé de la transparence au niveau de la collecte et de l'emploi des fonds. À mon avis personnel, cela devrait s'appliquer également à ceux qui lèvent et dépensent des fonds pour des tiers. Si nous sommes astreints à ces règles, ils devraient l'être aussi. Personnellement, j'irais plus loin et j'imposerais davantage de restrictions.
Tout à l'heure, le sénateur Moore a parlé des affiches placées par l'Association canadienne de la police lors de la dernière campagne. Très franchement, c'était un tissu de mensonges. Nous devons nous attendre à ce que cela se reproduise lors de la prochaine. Des représentants de l'opposition officielle, quel que soit le nom qu'elle portera lors de la prochaine élection, ou certains de leurs députés, ont déclaré publiquement que le gouvernement du Canada est en faveur de la pornographie infantile, et c'est un mensonge éhonté. Vous le savez et je le sais, c'est une déformation de la vérité. Des poursuites ont été engagées. Ces choses sont très importantes, sénateur. Il s'agit en l'occurrence d'un parti politique, mais dans le cas de l'Association de la police, c'est une intrusion dans le système qui vise à protéger la démocratie pour le bien de tous les Canadiens. Si vous avez quelque chose à dire, je vous encourage à le dire, mais je vous encourage à inscrire votre nom sur le bulletin de vote.
M. White: L'exemple donné par M. Lepsoe, concernant les définitions, est un cas qui nous a échappé, et je le remercie de nous le signaler. C'est un problème. J'espérais vous en donner un de notre crû, et je vais vous en donner un très concret.
Le ministre a longuement justifié en comité les restrictions aux dépenses des tiers, disant qu'il s'agissait d'établir des conditions d'égalité pour tous les tiers, afin que tous aient à appliquer les mêmes règles. Toutefois, en réalité, un éditeur de journaux ou de magazines est exempté. Il peut consacrer autant de place qu'il veut à promouvoir ou critiquer un candidat ou parti. N'importe quelle organisation peut produire son propre bulletin ou magazine. Par exemple, la National Firearms Association produit un magazine du nom de POINTBLANK. Bien qu'elle soit empêchée de faire de la publicité dans un autre magazine, elle peut remplir son propre magazine d'autant de publicité qu'elle veut, même s'il est vendu en kiosque. Par conséquent, ce n'est pas du tout un terrain de jeu égal.
Même si nous pensions que c'est une bonne mesure, ce qui n'est pas le cas, limiter la publicité des tiers de cette façon n'est pas équitable. Ces dispositions sont très mal conçues et contiennent tellement d'échappatoires qu'elles ne seront pas efficaces, même si elles ne sont pas contestées en justice. Nous prenons pour position, comme les tribunaux n'ont cessé de le faire sur le sujet des dépenses électorales de tiers, que les élections sont faites pour les électeurs, pas pour les partis, et que les électeurs sont libres de s'exprimer de la manière qu'ils souhaitent, que ce soit en se portant candidat ou en dépensant leur propre argent pendant les campagnes.
Pour ce qui est des définitions, non, nous n'avions pas décelé ce problème-ci, mais nous avons nos propres exemples.
[Français]
M. Bourgeois: La position du Bloc Québécois quant aux dépenses est que les règles doivent être claires, ce n'est pas plus compliqué que cela. Les règles au Québec sont bien définies sur la question des dépenses des tiers partis et on devrait s'en inspirer. Elles ont été bien réglementées. On a bien défini les dépenses d'un tiers parti, ce qui n'est pas le cas de la présente loi électorale.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino: Madame la présidente, j'ai une autre question, qui s'adresse principalement à M. Mercer, du fait de certains propos qu'il a tenus antérieurement.
La présidente: Sénateur Di Nino, j'ai encore le sénateur Andreychuk sur la liste, et j'ai l'intention de suspendre la séance à 18 h. Un repas nous est servi et certains d'entre nous devons assister à une réunion avant de revenir pour le deuxième groupe de témoins plus tard.
Le sénateur Di Nino: Cela ne prendra que 15 secondes. Est-ce que la transparence et l'ouverture devraient être la règle également pour les comptes et registres des associations de circonscription?
M. Mercer: Ce n'est pas prévu dans la loi, mais je peux vous assurer, en tant que responsable administratif du processus, que nous n'y serions pas opposés. Mais je vous signale, sénateur, ainsi qu'à d'autres, que les fonds levés et pour lesquels des reçus sont délivrés au niveau des circonscriptions doivent déjà être déclarés. Ils sont comptabilisés dans la déclaration que nous remettons au directeur général des élections.
Le sénateur Di Nino: Cela est-il fait globalement?
M. Mercer: C'est juste.
Le sénateur Di Nino: Nous ne savons pas pour quoi cet argent a été dépensé ou employé. C'est ce que l'on appelle un «trou noir».
M. Mercer: Je vous rappelle, sénateur, qu'il n'y a pas de restrictions générales sur la nature des dépenses.
Le sénateur Di Nino: Il n'y a pas de compte à rendre à ce sujet.
M. Mercer: Si, en période électorale.
Le sénateur Di Nino: Uniquement en période électorale. Merci de ces précisions.
M. White: Sénateur, cette question a été soulevée à plusieurs reprises en comité lors de la comparution du directeur général des élections. Sa principale préoccupation concernait les montants transférés en vrac vers les associations de circonscription avant le déclenchement de l'élection, car alors on n'en connaît pas la provenance. Je dois confesser un peu de naïveté. Je n'avais pas réellement réfléchi à ces problèmes avant que le directeur général des élections ne les mentionne.
Le sénateur Di Nino: Vous connaissez moins bien toutes les ficelles.
M. White: C'est juste.
Certains des exemples cités par le directeur général des élections étaient étonnants. J'étais naïf, mais nous avons eu quelques discussions depuis et nous ne serions pas opposés à plus de reddition de comptes et de transparence à ce niveau.
Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Di Nino a couvert la plupart de mes questions. Cet «argent mou» -- c'est la nouvelle expression qui circule -- s'insinue au Canada.
Monsieur Lepsoe, vous dites que la définition est très alambiquée. Quelqu'un à Élections Canada finira tout de même par en trouver la signification.
M. Lepsoe: Je n'ai pas dit qu'elle était alambiquée. Au contraire, elle me paraît pas mal claire.
Le sénateur Andreychuk: Vous allez donc plus loin?
M. Lepsoe: Je n'ai pas dit qu'elle est alambiquée.
La présidente: Il a dit qu'elle était trop large.
Le sénateur Nolin: Il a dit qu'elle était large et inquisitionnelle.
Le sénateur Andreychuk: Je ne sais pas réellement ce qu'est un message publicitaire, bien que ceux d'entre vous qui travaillez dans le domaine le sachiez probablement, mais il existe aujourd'hui les messages électroniques, qui ne sont pas couverts. Quelqu'un est venu nous parler des messages imprimés et verbaux, mais nous avons aujourd'hui diverses formes de communications électroniques. Est-ce que cela est couvert?
M. Lepsoe: Demandez-vous si l'Internet est couvert?
Le sénateur Andreychuk: Par exemple, je songe à de petites ONG écologistes qui se retrouvent, tous les mardis à quatre heures, dans un cybersalon international sans nécessairement intervenir dans les élections à proprement parler. Elles seraient piégées par cette loi. Il reste à voir si elles seraient poursuivies en justice, ce genre de choses.
M. Lepsoe: Votre préoccupation est valide si l'on regarde, par exemple, l'article 323.
La présidente: Voulez-vous dire l'article 319?
M. Lepsoe: Non, l'article 323. Ensuite vient l'article 324, sur les exceptions. L'article 323 établit la période d'interdiction de publicité. C'est là un domaine technique où le projet de loi apporte une amélioration. Les modalités de la loi actuelle étaient devenues plutôt complexes.
L'article 324 fait exception pour la transmission d'un message antérieurement diffusé «sur le réseau communément appelé Internet». Il y a donc dérogation expresse pour l'Internet, mais celui-ci n'est pas expressément exclu dans la définition de l'article 319. Votre préoccupation pourrait donc être valide.
La présidente: Oui, mais c'est applicable uniquement si la diffusion était antérieure.
M. Lepsoe: Oui, mais il semble dire que, aux fins de la diffusion, l'Internet est englobé.
La présidente: L'article 319 précise «sur un support quelconque».
M. Lepsoe: Il me semble que la question du sénateur est de savoir si l'Internet est couvert. Je dis qu'il pourrait bien l'être. La position du CRTC est certainement que l'Internet est un moyen de télécommunication assujetti, en principe, à sa réglementation, mais il choisit de ne pas la lui appliquer.
Le sénateur Di Nino: Il aurait bien du mal.
Le sénateur Andreychuk: L'Internet ne sera peut-être bientôt plus le seul moyen de communication électronique. J'ai lu récemment quelque chose sur les nouvelles innovations électroniques et nous ne savons tout simplement pas ce qui pourrait surgir dans un an ou deux dans tout ce domaine. Il y a toute une série de nouvelles activités électroniques qui ne seront peut-être pas englobées dans l'Internet.
M. Lepsoe: Il serait peut-être bon de poser ces questions à M. Kingsley lorsqu'il sera là. C'est lui qui doit certifier que tous les préparatifs sont en place, notamment toutes les lignes directrices d'Élections Canada. Il doit assurer que tout est en place avant que cette loi n'entre en vigueur. Je pense que vous devriez demander cela à M. Kingsley. C'est une très bonne question.
La présidente: Merci beaucoup, messieurs, d'être venus à si bref préavis. Vous nous avez été des plus utiles.
Honorables sénateurs, nous entendons maintenant les témoins des partis officiels non représentés à la Chambre des communes: le Parti de l'Héritage chrétien du Canada, le Parti communiste du Canada, le Parti Vert du Canada, et le Parti marxiste-léniniste du Canada. Les témoins se sont entendus entre eux sur l'ordre dans lequel ils vont faire leur exposé. Nous commencerons avec Mme Di Carlo.
Vous avez la parole.
Mme Anna Di Carlo, secrétaire, Parti marxiste-léniniste du Canada: Le Parti marxiste-léniniste du Canada se réjouit de cette occasion de comparaître devant le comité sénatorial qui examine le projet de loi C-2, puisque c'est la dernière étape du processus législatif à laquelle existe la possibilité de bloquer l'adoption de cette loi.
Le projet de loi C-2 a été déposé et adopté par le Parti libéral, en dépit de l'opposition exprimée par tous les autres partis qui siègent à la Chambre et tous les autres partis politiques enregistrés. Il a été rédigé et amendé au mépris complet des nombreuses recommandations et propositions faites en 1998 lors de l'examen du système électoral canadien par le comité permanent, puis lors de l'examen du projet de loi.
Mais surtout, il a été rédigé et adopté au mépris complet de la crise profonde et croissante du système politique canadien, dont témoigne la baisse de plus en plus importante du taux de participation électorale, baisse qui n'est qu'une expression parmi d'autres de la prise de conscience des Canadiens que le processus électoral ne permet par leur représentation ni d'exercer leur droit de participer au gouvernement de la société. Le fait que le gouvernement actuel parle au nom d'une soi-disant majorité, alors que le Parti libéral a reçu moins de 29 p. 100 des voix des électeurs inscrits, le plus bas niveau de l'histoire canadienne, est un témoignage de la crise profonde dans laquelle s'enlise le système actuel.
À notre avis, le projet de loi C-2 doit être rejeté pour deux raisons principales. Il ne respecte pas les exigences minimales d'une loi électorale qui reconnaît le droit des citoyens à l'égalité devant la loi et à la protection juridique du droit d'élire et d'être élu. L'absence de ce que l'on appelle l'égalité des chances dans le contexte d'un régime électoral à scrutin majoritaire apparaît dans le traitement inégal des partis politiques, puisque les partis qui siègent à la Chambre reçoivent des privilèges en matière de financement électoral et de temps d'antenne, certains plus que d'autres. Le parti au pouvoir est le plus privilégié. Le projet de loi C-2 ne corrige pas cette atteinte à l'égalité, qui est un principe démocratique fondamental si l'on veut une loi électorale véritablement équitable et moderne.
Certains des privilèges accordés aux partis politiques qui siègent à la Chambre des communes sont également une violation de l'exigence d'impartialité dans la tenue des élections. Ainsi, le Parti libéral a-t-il rejeté la recommandation du directeur général des élections de remplacer la nomination partisane des directeurs de scrutin par un système axé sur le mérite. Tant que la loi électorale n'élimine pas le népotisme dans tous les aspects du processus électoral, les privilèges médiévaux continueront de bloquer toute conception moderne des droits. La tentative de justifier cet état de chose au XXIe siècle ne fait qu'approfondir la crise de légitimité dans laquelle le gouvernement du Canada est plongé.
Le refus de doter le Canada d'une loi électorale conforme aux exigences d'une démocratie moderne exige le rejet du projet de loi C-2. En effet, il ne permet pas l'exercice des libertés fondamentales énoncées dans la Charte des droits et libertés. Pour respecter aujourd'hui le principe démocratique, les droits ne peuvent plus être définis suivants les objectifs d'autrefois, soit que les élections donnent lieu à l'émergence d'une volonté politique claire et cohérente sous la forme du gouvernement partisan. À moins que les élections n'établissent des chances égales pour tous les électeurs et tous les candidats, on ne surmontera pas la crise de légitimité du gouvernement du Canada. Établir l'égalité des chances permettrait de corriger ce problème fondamental du processus politique actuel.
Les élections ont pour but d'élire un gouvernement, lequel est présentement constitué du parti au pouvoir et du parti d'opposition. Ce gouvernement doit représenter la volonté populaire et être perçu comme tel. À défaut, les lois qu'il adopte -- une expression de la volonté juridique -- manquent de légitimité. Le projet de loi C-2 établit un processus électoral qui n'engendre plus une représentation crédible du peuple, comme en témoigne le fait qu'aucun parti ne peut plus prétendre être représentatif à l'échelle nationale. Cela se voit également dans le recours croissant aux motions de clôture à la Chambre des communes pour interdire le débat. Cela se voit dans des exemples comme l'adoption du libre-échange malgré le fait que la majorité des électeurs aient voté contre le libre-échange. Cela se voit dans le fait que le Canada a participé à une guerre sans même que la Chambre des communes ait pu en délibérer.
Si certains résument le problème en disant que le Parlement est une «blague» parce que les projets de loi sont inévitablement adoptés à la va-vite par le parti au pouvoir, ou que les politiciens sont corrompus par nature ou que les élus doivent voter suivant la ligne du parti, nous disons que le problème vient de ce que le processus électoral et politique ne permet pas à tous les citoyens de participer à la gouvernance. La volonté juridique n'est plus l'expression de la volonté populaire, le gouvernement du Canada n'est plus perçu comme le représentant de la volonté populaire, les débats parlementaires ou les mécanismes procéduraux ne permettent plus l'expression de la volonté populaire sous la forme de la volonté juridique. Une profonde crise de légitimité s'en est ensuivie.
Dans cette situation, le besoin d'une réforme électorale qui favorise le renouveau est plus grand que jamais. Le processus actuel, qui a pris forme à une époque où seuls les hommes propriétaires avaient le droit de voter et d'être élus a fait son temps, même si le suffrage est devenu universel. Aujourd'hui, la volonté politique claire et cohérente des citoyens du Canada ne peut s'exprimer que par un système de démocratie directe. Le système de gouvernement des partis et son mode d'élection représente des intérêts privilégiés. Au lieu d'aborder ce problème, le projet de loi C-2 favorise ces mêmes intérêts. Il ne contribue en rien à habiliter les Canadiens à gouverner la société dans laquelle ils vivent.
En résumé, le projet de loi C-2 donne des privilèges et des avantages aux partis politiques et non aux citoyens. Il nie le droit d'élire et d'être élu puisqu'il permet aux partis politiques de dominer le processus électoral même si, numériquement, les membres de ces derniers ne constituent que 2 p. 100 de la population. Il permet à ces partis de contrôler totalement la nomination des candidats et en exclut les citoyens.
Le Parti marxiste-léniniste du Canada invite le Sénat à rejeter le projet de loi C-2 et à établir un processus nouveau qui permettrait aux électeurs d'exercer pleinement leur droit d'élire et d'être élu, en commençant avec la sélection des candidats et en fournissant un financement public au processus électoral, et non pas aux partis politiques, surtout pas à ceux qui jouissent du pouvoir et des privilèges. Cela engloberait la création de commissions électorales qui verraient à ce que les citoyens puissent exercer le droit de révocation des élus et le droit à l'initiative législative.
En conclusion, nous déposons en annexe une présentation détaillée de notre proposition.
La présidente: Merci, madame Di Carlo. Nous allons maintenant entendre Miguel Figueroa.
M. Miguel Figueroa, chef du Parti communiste du Canada: Madame la présidente, au nom du comité central exécutif du Parti communiste du Canada, je remercie le comité permanent de son invitation à comparaître concernant le projet de loi C-2, la Loi électorale du Canada. Nous n'avons pas rédigé de mémoire à votre intention, mais nous avons apporté des exemplaires du mémoire que nous avons présenté au comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de la Chambre des communes.
La présidente: Monsieur Figueroa, nous avons le texte de ce mémoire, mais seulement en anglais, et je le signale aux membres du comité.
M. Figueroa: En guise d'introduction, vu l'atmosphère d'anticommunisme qui persiste encore dix années après la fin de la guerre froide, d'aucuns pourraient estimer paradoxal que des Communistes prétendent s'ériger en défenseurs de la démocratie. Permettez-moi de leur répliquer sans plus tarder.
Notre parti est le troisième plus ancien du Canada, puisqu'il a été fondé en 1921. Tout au long de son histoire, nous n'avons cessé de défendre et de promouvoir les droits démocratiques des Canadiens, même lorsque notre parti était réprimé et déclaré illégal. Cela englobe non seulement notre propre participation au processus électoral, sous la bannière du Parti progressiste des travailleurs et, bien entendu, du Parti communiste lui-même, mais aussi le fait que nous avons été le premier parti à se battre pour le suffrage universel des femmes et le droit de révoquer les élus, bien avant que le père de Preston Manning ne le fasse en Alberta, et à nous battre pour la représentation proportionnelle, et cetera, et certainement pour le droit de vote des Autochtones du Canada.
J'ajoute, entre parenthèses, et sans vouloir vous offenser, que les Canadiens seraient excusables s'ils trouvaient à tout le moins paradoxal que le Sénat, une assemblée non élue, dénuée de contenu démocratique par définition, se prononce sur une loi régissant le processus démocratique.
Cela dit, nous jugeons important d'exprimer nos vues devant ce comité car nous pensons que ce projet de loi est tellement vicié que nous, et le peuple canadien dans son ensemble, devons mettre à profit toutes les possibilités de prendre la parole et de lancer un mouvement, non seulement pour enrayer cette loi, mais surtout pour amener une réforme en profondeur du processus électoral canadien.
Le projet de loi dont vous êtes saisi est décevant à plusieurs égards. Premièrement, c'est une loi timide et dénuée d'imagination. C'est une loi paralysante qui a été imposée et est imposée aux Canadiens d'une manière profondément antidémocratique.
D'abord, pourquoi est-elle timide et dénuée d'imagination? Ce gouvernement -- c'est-à-dire le parti majoritaire à la Chambre des communes -- avait l'occasion d'introduire dans notre système électoral des changements majeurs qui n'ont que trop tardé: premièrement, élargir la participation au processus électoral et à l'exercice de la démocratie en général; deuxièmement, introduire une plus grande équité au Parlement en adoptant une certaine dose de représentation proportionnelle de façon à refléter plus exactement les opinions de tous les Canadiens; troisièmement, mettre fin au système de clientélisme partisan dans le mécanisme électoral lui-même; et, quatrièmement en réduisant l'influence du grand capital dans les élections -- un scandale qui n'a pas débuté mais qui est apparu de la façon la plus flagrante lors des élections générales de 1988, et qui a contraint l'ancien gouvernement Mulroney à créer la commission Lortie sur la réforme électorale.
Les Canadiens avaient le droit d'escompter une initiative audacieuse lorsque, en mars de cette année, l'honorable Don Boudria a annoncé, au nom de son gouvernement, qu'au lieu de modifier la loi actuelle, le gouvernement allait introduire une Loi électorale du Canada entièrement nouvelle.
Il est intéressant de signaler que l'annonce de M. Boudria est intervenue immédiatement après l'arrêt Molloy de la Division générale de la Cour de l'Ontario, dans la contestation intentée par notre parti de plusieurs éléments de l'ancienne Loi électorale du Canada -- par exemple, la règle des 50 candidats, la saisie des biens des partis radiés, et cetera.
Ce que nous avons obtenu au lieu de cela, ce que les Canadiens ont obtenu, c'est le projet de loi C-2, qui n'est guère qu'un remaniement de type administratif reprenant toutes les caractéristiques essentielles de l'ancien système et maintenant le statu quo. Un domaine où le gouvernement a tenté d'introduire un changement conséquent, à savoir la publicité de tiers, a suscité de si vives attaques de la part du grand patronat que le gouvernement a battu honteusement en retraite. Cette loi n'est pas seulement timide, elle est rétrograde, puisqu'elle est intervient à un moment où le public est de plus en plus déçu du système actuel, où de plus en plus de Canadiens réclament un système plus ouvert, plus inclusif et plus responsable, et où de plus en plus de Canadiens réclament une certaine forme de représentation proportionnelle.
Je ne parle pas ici de l'opinion de quelques partis d'opposition ou de quelques partis non parlementaires, comme le nôtre, ni de quelques journalistes ou politicologues. Comme vous le savez, les citoyens ordinaires d'une côte à l'autre ressentent une frustration et un cynisme croissants vis-à-vis du processus électoral. Cette loi ne fait rien pour y remédier. Au contraire, elle engendre davantage de cynisme.
Nous ne pouvons que conclure que ces intérêts politiques et de classe qui contrôlent l'appareil gouvernemental et l'État canadien lui-même ne sont pas le moins du monde mécontents de ce développement antidémocratique dangereux. Au contraire, ils le saluent. À cet égard, la désaffection des Canadiens est encore plus avancée qu'aux États-Unis, où moins de 50 p. 100 des citoyens prennent la peine de voter à l'élection présidentielle. La plupart de ces non-votants font partie des classes laborieuses et pauvres.
Enfin, nous devons insister sur la façon profondément antidémocratique avec laquelle cette loi a été imposée à la Chambre des communes. Au lieu de tenir de larges audiences publiques, seul un petit nombre de délégations invitées ont été entendues en comité. Chaque amendement de l'opposition a été systématiquement rejeté, la clôture a été imposée et les deuxième et troisième lectures se sont rapidement succédé sans guère de débat. La loi a été adoptée immédiatement après le discours du budget fin février, lorsque l'attention du public était centrée ailleurs, sur le budget et sur les finances du pays.
Je suis sûr que le comité a pleinement conscience de la signification historique du fait que trois des quatre partis d'opposition ont voté contre cette loi en troisième lecture. À notre avis, cela n'est pas peu significatif.
En conclusion, nous ne demandons pas au Sénat d'adopter ou de rejeter cette loi. Nous serions opposés à toute décision de ce genre puisque le Sénat n'est pas une assemblée élue. Toutefois, le Sénat pourrait rendre au public un service important en appelant formellement le Parlement à ouvrir immédiatement un véritable débat public sur la réforme électorale dans ce pays, ce que notre parti et beaucoup d'autres, dont des experts en droit constitutionnel et les partis d'opposition, réclament.
Nous tenons à dire très clairement que nous ne préconisons pas une autre commission royale comme la commission Lortie, mais plutôt un processus de discussion et de débat à l'échelle du pays conduisant à une vraie réforme électorale. Un tel geste du Sénat démontrerait votre volonté sincère de défendre et promouvoir la démocratie dans notre pays.
M. Ron Gray, chef national, Parti de l'Héritage chrétien du Canada: Je souhaite exprimer mes remerciements et ceux de mon parti aux honorables sénateurs pour leur invitation à comparaître ici ce soir.
Lorsque nous sommes intervenus la première fois au sujet de ce projet de loi devant le comité du directeur général des élections, nous avions mis l'accent sur dix thèmes. Lorsque nous avons réussi à comparaître devant le comité de la Chambre des communes, nous les avons ramenés à trois. Ce soir, je vais me limiter à l'aspect qui me semble le plus inquiétant.
Contrairement à mes collègues à ma droite, je me suis félicité, en chemin pour venir ici, de la composition actuelle du Sénat. En effet, lorsque j'ai parlé de ces problèmes au comité de la Chambre des communes, j'avais une conscience aiguë du fait que je m'adressais à des gens dont chacun devrait sacrifier 30 000 $ pour retenir ma proposition. Ici, dans ce comité de la Chambre du réexamen serein, nous pouvons transcender ce genre de considération personnelle. De fait, vous pourriez peut-être nous aider à formuler ces idées de telle manière que l'autre assemblée leur accorde une plus grande attention que celle que nous avons reçue dans ce comité.
En guise de préface à mon mémoire, rappelons que le Parlement a jugé bon il y a un quart de siècle environ d'injecter des fonds publics dans le processus politique, peut-être face au coût croissant de la publicité politique télévisée. Le remède choisi s'est avéré pire que le mal. Ce qu'ils nous ont donné, et ce que le Parlement avait l'occasion de rectifier, est un mécanisme corrompu, peut-être sans parallèle depuis l'époque du Pacte de famille, où ceux qui tiennent les rênes du pouvoir s'en servent pour se maintenir au pouvoir, en puisant dans les fonds publics. On ne peut qualifier cela que de corruption. Ce n'est pas que les élus soient eux-mêmes corrompus, c'est parce qu'on a érigé un système qui concentre les fonds publics sur les partis au pouvoir.
Une autre corruption corollaire est que les contribuables sont obligés d'appuyer des partis et des politiques auxquels ils peuvent être opposés. J'ai présenté une idée dont je pense qu'elle contribuerait à remédier à cette situation.
Nous reconnaissons que maints problèmes de notre système électoral -- notamment le fait que le Canada et les États-Unis sont les deux dernières démocraties industrielles du monde à ne pas reconnaître les avantages de la représentation proportionnelle -- ne peuvent trouver remède dans ce projet de loi. Toutefois, un certain nombre de graves défaillances pourraient y être rectifiées.
Au nom du Parti de l'Héritage chrétien, j'aimerais attirer votre attention sur les deux graves faiblesses du projet de loi C-2, qui ont toutes deux le même effet corrupteur, à savoir l'usage inapproprié du pouvoir par les élus pour se maintenir au pouvoir. Cela tient à deux éléments principaux. Le premier est l'affectation du produit des impôts à la couverture de la moitié des dépenses électorales des candidats obtenant plus de 15 p. 100 des voix et de 22,5 p. 100 des dépenses électorales de leur parti; l'autre est la répartition inéquitable du temps d'antenne pendant la campagne électorale.
L'abus de pouvoir dans le but de se maintenir au pouvoir est un problème au Canada depuis l'époque de l'odieux Pacte de famille et il importe d'enrayer ces abus partout où ils se manifestent. La plupart des députés actuels sont innocents de cette forme particulière de corruption. Elle a été instaurée en 1974. Toutefois, ceux qui siègent actuellement ont une occasion rare de faire le nécessaire pour rectifier ces abus.
Le pire scandale est peut-être l'emploi des fonds publics pour remplir les futures caisses électorales des candidats élus: je songe plus particulièrement à l'article 435 et à l'article 464 qui, comme je l'ai déjà mentionné, remboursent 22,5 p. 100 des dépenses des partis et 50 p. 100 de celles des candidats. Réfléchissez aux effets de cela. Après chaque élection, chaque élu reçoit un remboursement pour la moitié de toutes ses dépenses qui, dans la plupart des circonscriptions, atteignent 32 000 $. À la prochaine élection, ce candidat ou ce parti démarrent avec une caisse électorale déjà à moitié remplie par l'argent du contribuable et non par les dons des partisans ou du public. C'est de l'argent puisé dans la poche des contribuables grâce au pouvoir coercitif de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Thomas Jefferson écrivait qu'il est tyrannique d'obliger les gens à payer pour propager des idées qu'ils ne partagent pas. Il avait raison. Or, c'est exactement ce que fait cette disposition de la Loi électorale du Canada. Elle contraint un contribuable à payer pour financer des partis et des politiques auxquels il s'oppose activement, contre son gré.
Si le Parlement juge vraiment que le processus démocratique exige des fonds publics, que le paiement soit facultatif. Nous proposons, par exemple, de mettre à la fin de la déclaration d'impôt une case disant: «Dix dollars de vos impôts seront affectés au soutien du processus démocratique. Voici les partis politiques enregistrés auxquels vous pouvez allouer vos dix dollars. Si aucun parti n'est précisé, la somme servira à financer les dépenses de fonctionnement non partisanes d'Élections Canada». De cette façon, pas un centime de l'argent du contribuable n'irait à un parti auquel il est opposé, mais chacun contribuerait néanmoins au processus politique.
Le projet de loi C-2, sous sa forme actuelle, perpétue également une autre injustice, à savoir la répartition du temps d'antenne gratuit. Celui-ci est maintenant alloué sur la base du nombre de sièges de chaque parti dans la Chambre précédente. À notre avis, c'est vraiment faire les choses à l'envers. C'est comme si le temps d'antenne était à l'intention des partis. Mais il n'est pas destiné aux partis, il est destiné aux électeurs. Une démocratie a besoin d'électeurs informés. Le but de l'attribution de temps d'antenne est d'aider à informer l'électorat. Ce temps devrait être alloué d'une manière qui permet au mieux de renseigner le plus grand nombre d'électeurs sur les options offertes.
Nous proposons comme formule possible que le temps d'antenne sur les réseaux nationaux soit partagé tout simplement à égalité entre les partis. Le temps d'antenne régional ou local serait alloué selon le nombre de candidats présentés par chaque parti. Les partis présentant 301 candidats recevraient manifestement davantage de temps d'antenne, car ils seraient représentés dans un plus grand nombre de régions; mais cela serait dans chaque cas dans l'intérêt des électeurs concernés. Nous estimons que la formule de répartition prévue dans le projet de loi devrait être supprimée.
Permettez-moi de répéter que le projet de loi C-2 donne à ce Parlement une occasion et un choix: soit de perpétuer 25 ans d'abus de pouvoir et de corruption, soit de faire date dans l'histoire du Canada en devenant le Parlement qui a enfin mis un terme à de tels abus et qui a entamé le rétablissement d'une véritable démocratie dans notre pays. Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci, monsieur Gray.
Notre dernier témoin sera Joan Russow, le chef fédéral du Parti Vert du Canada.
Mme Joan Russow, chef fédéral, Parti Vert du Canada: Je tiens également à exprimer mes remerciements pour l'invitation à comparaître ce soir.
J'ai relevé tout à l'heure que la présidente a souligné que cela faisait longtemps que la Loi électorale du Canada n'avait pas été remaniée. J'espère que c'est là une paraphrase fidèle de son propos. Je considère que ceci est une occasion manquée de procéder à une réelle réforme électorale -- les autres intervenants l'ont déjà souligné -- éliminant les pratiques discriminatoires qui contreviennent à la Charte internationale des droits civils et politiques, à la Charte des droits et libertés et même aux droits statutaires canadiens. Une réelle réforme électorale éliminerait la collusion institutionnelle que permet le financement par les sociétés du processus politique. Elle éliminerait également le conflit d'intérêt résultant de la suprématie du Parlement sur les jugements fondés sur la Charte.
Je réitère également les préoccupations de M. Figueroa concernant le remboursement des dépenses électorales en puisant indûment dans les fonds publics.
Voyons d'abord la Charte internationale des droits civils et politiques. J'ai souvent étudié ce document incroyablement important et considère qu'il devrait être appliqué dans tout le Canada. En 1982, le Canada a fait savoir au reste du monde qu'il mettrait en place la législation nationale voulue avant de signer un accord international. En cas de divergence, une législation nationale supprimerait les dispositions non conformes de nos lois.
J'ai relevé une divergence très importante entre la Convention internationale sur les droits civils et politiques et la Charte des droits et libertés. Dans la convention internationale, l'un des motifs de discrimination prohibés est l'opinion politique. Or, je pense que les trois intervenants précédents sont fondés à dire qu'il y a discrimination politique au Canada. J'insiste là-dessus. Les trois intervenants précédents ont fait ressortir l'importance de la représentation proportionnelle. Cela est évident à nos yeux, à l'échelle internationale. Partout dans le monde des élus participent au gouvernement, sont une force active dans la prise de décisions gouvernementales et constituent un moteur de changement. Cela est le résultat de la représentation proportionnelle.
On peut arguer que notre régime actuel, le suffrage majoritaire, contribue non seulement à la discrimination politique mais viole également les garanties d'égalité de la Charte des droits et libertés.
J'aimerais rafraîchir la mémoire des honorables sénateurs au sujet de la réglementation du CRTC en période électorale. J'ai déposé plainte pendant la campagne car il semblait que les médias contrevenaient totalement au règlement du CRTC. Il importe de voir également que ce projet de loi contredit d'importants textes actuels. Je n'en mentionnerai que quelques-uns. J'enverrai un mémoire écrit au comité à la première occasion après mon retour à Victoria.
J'aimerais signaler un certain nombre d'anomalies. Par exemple, un radiodiffuseur est censé allouer du temps pour la diffusion de programmes. Qu'est-ce que cela signifie? J'imagine qu'il s'agit d'informer sur les plates-formes des différents partis. Mais les radiodiffuseurs ne se sentent aucune obligation de le faire. En outre, le règlement stipule que cela doit être fait d'une manière équitable envers tous les partis politiques et que les campagnes électorales doivent être couvertes. Or, nous savons tous que dans la couverture des campagnes électorales, seuls les grands partis politiques sont couverts.
Il en résulte un cercle vicieux. On m'a souvent dit: «Si vous aviez au moins un élu, nous pourrions vous faire participer au débat. Pour le moment, vous restez à l'écart et je n'y peux rien». C'est un cercle vicieux, car l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ignorés est que nous n'avons pas d'élu parce que nous n'avons pas de représentation proportionnelle. En outre, du fait que nous n'avons pas d'élu, les médias nous négligent et cela contribue au fait que nous restons ignorés.
La Loi sur le CRTC place l'accent sur le traitement des enjeux. C'est ce que j'aimerais voir surtout dans le processus électoral, un débat sur les enjeux importants. Ce serait une façon de faire intervenir les autres partis politiques dans le débat sur les enjeux. Après la dernière campagne et après avoir envoyé quantité de communiqués de presse relatifs aux problèmes de l'environnement, le Globe and Mail a écrit qu'il est étrange qu'aucun des partis politiques ne parle de l'environnement. On entend souvent dans les nouvelles qu'aucun parti politique ne se préoccupe des bombardements en Yougoslavie. Aucun parti politique ne s'inquiète des aliments et cultures génétiquement modifiés. Nous l'entendons dire sans cesse. Or, le processus public nous ignore complètement. Le seul remède est l'application, dans cette loi, du règlement du CRTC. C'est extrêmement important.
J'aimerais ensuite parler de la collusion institutionnelle. J'ai effectué récemment une analyse des dons des sociétés aux partis politiques en 1997. Les libéraux, réformistes et conservateurs ont tous ce que je qualifierais de crible amoral. J'imagine que vous connaissez tous la notion d'investissement moral. Ils ont un crible moral. Le crible amoral utilisé par ces trois partis est tel qu'ils acceptent l'argent d'où qu'il vienne. Il faut bien voir que les dons déclarés ne représentent qu'un petit pourcentage de ce qu'ils ont pu toucher, car ils ne sont pas obligés de déclarer les dons aux associations régionales ni aux candidats en dehors de la campagne électorale. Or, 75 p. 100 des députés reçoivent le soutien des banques, des institutions financières, des producteurs de gaz à effet de serre, des producteurs de pétrole, de charbon et de gaz naturel, des constructeurs automobiles, des sociétés forestières, de l'industrie minière, de l'industrie chimique, de l'agroalimentaire, des compagnies pharmaceutiques, des fabricants de cigarettes, des chaînes de produits d'alimentation, des restaurants, de l'industrie nucléaire, du lobby des armes à feu -- ce dernier verse uniquement aux réformistes -- et du complexe militaire.
Une corrélation intéressante existe entre les sociétés qui versent des dons aux partis et les marchés militaires, et un contraste intéressant entre les cabinets d'expertise environnementale et les grands contrats passés avec les cabinets. J'ai participé récemment à une conférence, intitulée Globe 2000. David Anderson, le ministre de l'Environnement canadien, était là et félicitait les pollueurs industriels, leur disant: «Vous êtes à la fine pointe». Or, il était en train de leur brader les pouvoirs de l'État, offrant la déréglementation et la conformité volontaire et autorisant les sociétés à élaborer leur propre régime de gestion de l'environnement. Il n'y avait pas de normes objectives. Cela pourrait-il être dû au financement par les sociétés? Je n'affirme pas que c'est le cas, mais lorsque j'ai demandé à un délégué néerlandais à la conférence Globe 2000 si cela était autorisé en Hollande, il m'a répondu que c'était interdit.
À mon retour de Vancouver, j'ai lu des documents provenant de la Société pour l'expansion des exportations. On y disait qu'il est illégal pour une société canadienne de verser de l'agent à un fonctionnaire étranger, d'un pays en développement. Une distinction était établie entre verser de l'argent à des élus et le verser à un parti politique. Toutefois, c'est une distinction très subtile. Dans bien des pays, ce qui se fait au Canada serait carrément qualifié de corruption.
Le dernier point que j'aimerais aborder est la représentation proportionnelle. Je veux souligner combien cela est important. Nous ne voulons plus de candidats comme David Anderson, contre lequel je me présentais pendant la dernière élection. Il se répandait à la radio encourageant quiconque envisageait de voter pour le Parti Vert de voter plutôt pour lui, afin d'empêcher le réformiste de gagner. J'ai parlé à de nombreux militants du Parti Vert qui m'ont dit: «Ça ne me plaît pas, mais je ne veux pas que le candidat réformiste soit élu». C'est tellement institutionnalisé au Canada qu'il doit être difficile pour la plupart d'entre vous, qui êtes probablement membres de l'un des grands partis, de comprendre ce que nous ressentons sans cesse lorsqu'on nous répète: «Nous croyons réellement dans ce que vous voulez faire et nous savons que votre parti doit avoir une voix au Parlement, mais nous ne voulons pas gaspiller notre vote». Une autre chose que l'on nous dit sans arrêt: «Ne fractionnez pas le vote. Pourquoi présentez-vous un candidat dans cette circonscription?». Les citoyens deviennent apathiques parce qu'ils ne peuvent pas voter pour le parti qui a leur préférence. Si nous avions un système de représentation proportionnelle, ce serait déjà un début.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que le Sénat est une chambre de réexamen serein. Le Sénat a un rôle incroyablement important à jouer car les problèmes dont nous parlons présentent un conflit d'intérêt aux élus actuels. La représentation proportionnelle n'est pas dans leur intérêt. Il n'est pas dans l'intérêt de la plupart des partis d'interdire les dons des sociétés. Il est dans leur intérêt d'exclure les autres positions et points de vue.
Le processus politique comporte quantités d'autres aspects et, en tant que chef du Parti Vert depuis deux ans maintenant, je suis sans cesse en bute à ces limitations. Par exemple, je n'ai pas été autorisé à participer à la séance d'information à huis clos sur le budget. J'ai demandé l'autorisation au cabinet de Paul Martin de m'y rendre comme chef du Parti Vert du Canada. Je me rends ensuite dans la salle des chemins de fer pour m'exprimer sur le budget. Je dresse un grand diagramme où j'intègre toutes les dépenses des différents ministères, en me fondant sur les estimations du Conseil du Trésor. On m'a opposé un refus, et j'ai donc dû aller à la conférence de presse sans jamais avoir vu le budget. Ce n'est là qu'un exemple des nombreux obstacles auxquels nous nous heurtons sans cesse. Nos vues ne sont pas du domaine public, alors que je pense que nous avons quelque chose d'important à offrir.
J'espère que les honorables sénateurs saisiront cette occasion pour s'opposer à ce projet de loi, le renvoyer avec des amendements et relever ses contradictions avec la Charte, comme ils ont su le faire dans le cas de l'hormone de croissance bovine et de la STbr.
Je terminerai en mentionnant une contestation invoquant la Charte que nous avons déposée contre le suffrage majoritaire, pour cause de discrimination à l'égard des minorités visibles, des Premières nations, des femmes et des petits partis politiques. Nous sommes en train de dresser l'argumentaire.
Merci beaucoup de votre invitation. J'espère que vous vous montrerez audacieux et courageux.
Le sénateur Beaudoin: Il est bon d'être critiqué de temps à autre. Cela me plaît. J'ai été surpris par la citation de Thomas Jefferson. C'est l'un de mes héros. J'aimerais beaucoup savoir d'où elle est tirée. J'ai tous ses ouvrages chez moi et je pourrais consulter directement le texte. À première vue, cela ne sonne pas du tout comme Thomas Jefferson. Je peux me tromper.
M. Gray: C'est moi qui l'ai cité. De retour chez moi, je vous enverrai la citation par courriel.
Le sénateur Beaudoin: Vous souvenez-vous de quel ouvrage elle est extraite?
M. Gray: Non, désolé, mais je vous donnerai le renseignement par courrier électronique, monsieur.
Le sénateur Beaudoin: Madame Russow, j'aime la Charte canadienne des droits et libertés. C'est ma bible. Vous demandez que notre système électoral actuel soit jugé par la Cour suprême et déclaré anticonstitutionnel. Vous ai-je bien suivi?
Mme Russow: Oui, et nous souhaitons qu'elle adresse une directive de principes au Parlement à cet effet. Si nous obtenons un arrêt de la Cour suprême du Canada disant que ce régime est anticonstitutionnel, une directive sera adressée au Parlement pour lui demander d'agir. Cela devient ensuite la responsabilité du Parlement.
Le sénateur Beaudoin: Plus de 400 arrêts mettent en jeu la Charte canadienne des droits et libertés, surtout dans le domaine du droit pénal, mais aussi dans beaucoup d'autres. Il n'y en a pas eu beaucoup sur le droit de vote. J'ai toujours été scandalisé que, pendant très longtemps, les juges n'aient pas eu le droit de vote dans notre pays, pas plus que les femmes au niveau provincial jusqu'en 1940.
Mme Russow: Ni les autochtones jusqu'en 1960.
Le sénateur Beaudoin: Nous sommes civilisés, mais c'est de fraîche date. Nous avons encore beaucoup à faire.
Je vous ai bien entendu, vous et M. Figueroa. Ce que vous décrivez paraît très joli, mais pourriez-vous me dire dans quel pays du monde existe une société comme celle que vous proposez? Je m'intéresse également au droit international et j'essaie de trouver de bons exemples là où je peux. Je reconnais que la représentation proportionnelle vaut mieux que notre système actuel. La Charte des droits est très importante, mais toute législation est assujettie à la Charte des droits dans notre pays et toute législation peut être contestée en justice chez nous. Pouvez-vous m'indiquer un pays du monde où ces principes sont appliqués?
Mme Russow: Les principes de la représentation proportionnelle sont très largement appliqués. Cela ne fait aucun doute. Je vais mener des recherches sur les dons des sociétés aux partis politiques. Je vais utiliser le réseau international du Parti Vert pour voir dans quels pays ils sont autorisés. Je ne pense pas que ce soit le cas dans beaucoup. J'ai été surprise, au fil des ans, lorsque j'assistais à des réunions en Amérique centrale et du Sud de la Fédération des Partis Verts d'Amérique d'entendre les gens dire: «Ce qui se passe est terrible. Les sociétés font ceci et cela. Elles donnent de l'argent au gouvernement. Elles versent de l'argent pour les élections». Ils appellent cela de la corruption. Nous ne l'appelons pas ainsi au Canada, nous l'appelons des dons. C'est intéressant. À l'une de nos réunions de la Fédération des Partis Verts d'Amérique, une résolution a même été déposée déplorant le manque de démocratie au Canada, du fait de l'absence de représentation proportionnelle.
La Fédération des Partis Verts d'Amérique, je l'annonce ici, enverra des observateurs lors de nos élections de 2001, ou quelle que soit la date. Ce sera un renversement de situation intéressant, car le Canada envoie toujours des observateurs partout dans le monde. Nous prétendons toujours avoir l'un des régimes les plus démocratiques du monde. Il est temps de dissiper le mythe. J'ai participé à de nombreuses réunions internationales et je pense que ce mythe est de moins en moins crû. On se rend compte que nous n'avons pas le régime le plus démocratique du monde.
Je vais terminer sur une anecdote. Lors des élections en Grande-Bretagne, un militant des droits de l'homme d'Afrique du Sud a été invité comme observateur. Il a conclu: «Le système électoral est bon, il a simplement 200 ans de retard». Nous devons y réfléchir.
J'espère que nous allons passer à l'exercice de la responsabilité publique. Cela nous incombe à tous au Canada, et particulièrement à vous qui avez la possibilité de le faire au Sénat.
Le sénateur Beaudoin: Si nous devions nous inspirer d'un pays en particulier, lequel recommanderiez-vous?
Mme Russow: L'Australie a un bien meilleur système, de même que la Nouvelle-Zélande.
Le sénateur Beaudoin: L'Australie a exactement le même système constitutionnel que nous, hormis deux choses. Elle a la représentation proportionnelle, et j'y suis favorable, et elle a un Sénat élu, ce à quoi je ne suis pas opposé. Ce sont les deux seules différences. Elle n'a même pas de Charte des droits et libertés. Elle refuse d'entériner dans un texte.
Mme Russow: Elle respecte le droit international beaucoup mieux que le Canada. Lorsque j'ai saisi la justice en Colombie-Britannique, j'ai invoqué de nombreuses règles de droit international. On m'a opposé que le droit international n'est pas opérant devant les tribunaux de la Colombie-Britannique. Dans mes arguments, je citais des jugements australiens fondés sur le respect du droit international. Ils invoquaient la doctrine de l'attente légitime, à savoir que les citoyens peuvent légitimement compter que leur gouvernement, lorsqu'il signe et ratifie des accords internationaux, les appliquera sur son territoire. Nous n'appliquons pas au Canada les accords internationaux que nous signons.
Le sénateur Beaudoin: Je peux vous citer de nombreux arrêts relatifs à la Charte canadienne des droits et libertés où notre Cour suprême fait référence aux instruments internationaux et établit des comparaisons au niveau international.
Monsieur Figueroa, pouvez-vous recommander un pays du monde? J'aimerais étudier ceux qui sont meilleurs que nous et établir certaines comparaisons. Il est vrai que certains pays sont meilleurs que nous dans certains domaines, mais pire dans d'autres.
M. Figueroa: Je ne sais pas si c'est une question piège ou non, sénateur. Par le passé, vous nous auriez posé cette question en escomptant que nous répondrions que l'Union soviétique est le paradis des travailleurs, et cetera.
Suite aux propos de Mme Russow, il ne s'agit pas simplement de mettre en avant un pays comme étant parfait. Aucun système électoral n'est parfait. Je pense qu'il faut surtout se préoccuper d'une tendance qui émerge à l'échelle internationale, dans la plupart des pays capitalistes avancés, notamment l'Australie, le Japon et les pays d'Europe, des pays un peu partout, de même qu'au Canada. C'est un processus régressif de resserrement de la participation démocratique, où de plus en plus de restrictions sont imposées à la participation démocratique, avec notamment une limitation du rôle des organes législatifs par opposition aux décrets administratifs des gouvernements, et cetera.
En ce qui concerne la participation des partis politiques alternatifs, par exemple, il est de plus en plus difficile aux petits partis de participer au Japon. En Australie, en dépit de certains éléments positifs, on a imposé aux petits partis des seuils de participation supérieurs. Cela empêche un certain nombre de petits partis de participer, et cela en dépit du système de représentation proportionnelle. Pour notre part, nous sommes préoccupés par les tendances générales. Elles se manifestent également au Canada, pas seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau provincial. C'est un problème.
Il ne s'agit pas pour nous de chercher un meilleur modèle ailleurs; il s'agit plutôt de voir ce que les Canadiens réclament, quelles sont leurs préoccupations et frustrations avec le système des partis actuel et le suffrage majoritaire actuel, et cetera.
En ce qui concerne la Charte des droits, elle a représenté une avancée importante pour le peuple canadien. Cela ne fait aucun doute. L'action en justice que nous avons intentée invoquait l'article 3 de la Charte, et elle a conduit à certaines modifications dans le projet de loi C-2. Citons en particulier la décision du juge Molloy invalidant la retenue de 50 p. 100 de la caution des partis n'atteignant pas 15 p. 100 des voix.
M. Gray: Le sénateur Beaudoin a soulevé deux questions. Premièrement, s'agissant de la Charte, je signale que lorsque nous sommes intervenus devant le comité consultatif du directeur général des élections, nous l'avons averti que le projet de loi C-2 est exposé à des contestations invoquant la liberté d'opinion et la liberté religieuse, car obliger les citoyens à financer des partis qu'ils réprouvent est une violation de ce droit. Si le projet de loi est adopté tel quel, il y aura une contestation invoquant la Charte.
En ce qui a concerne le pays modèle que le sénateur Beaudoin nous demande de citer, je répondrai que le directeur général des élections a tenu une réception il y a quelque temps pour son homologue du Mexique. J'ai demandé à ce dernier si, au Mexique, des institutions financées par l'impôt sont autorisées à faire des contributions à des partis politiques. Il a répondu que c'est rigoureusement interdit. M. Boudria était sur le podium avec lui et il a déclaré à la télévision qu'il ne voyait aucun mal à cela. Je lui ai suggéré d'échanger ses oeillères contre un chien d'aveugle.
Un autre pays que je pourrais citer en exemple est la Norvège. Les sociétés ne sont pas autorisées à faire des dons aux partis et candidats dans ce pays. D'ailleurs, je signale que la Norvège a un gouvernement chrétien qui, dans un sondage national d'avril dernier, a reçu une cote d'approbation de 92 p. 100, soit la plus élevée jamais enregistrée par un gouvernement démocratiquement élu dans le monde.
Mais ce n'est pas réellement le Mexique ou la Norvège qui m'intéressent, c'est le Canada. Si nous allons faire des choses pires que ce que le Mexique autorise, Dieu, faites que nous ne prenions pas un retard encore plus grand.
Mme Di Carlo: Je ne pense pas que les questions posées soient sérieuses.
Le sénateur Beaudoin: Ma question n'est pas sérieuse?
Mme Di Carlo: Non. Nous soulevons ici des sujets très graves. Nous parlons ici du fait, par exemple, que les partis politiques représentés à la Chambre des communes jouissent de privilèges inacceptables en matière de financement et de temps d'antenne. Ensuite, le sénateur Beaudoin, pour détourner l'attention, nous demande de citer un pays meilleur. C'est un grave problème car le monde entier est confronté actuellement à une très grave crise politique, la même qu'au Canada, où les gouvernements et institutions politiques sont tellement discrédités aux yeux des citoyens qu'ils se tournent vers d'autres façons de régler leurs problèmes.
On peut dire que nous avons la Charte des droits et libertés. C'est bien joli. Dans le cas du PCC, le Procureur général du Canada fait valoir dans son argumentation que le droit égal de voter ne signifie pas un droit égal de gagner, que c'est là une idée fausse que nourrissent les Canadiens. Le système de gouvernement partisan ne reconnaît pas le droit égal des citoyens de gagner.
Cette Charte des droits et libertés connaîtra également une crise au Canada lorsque les gens se rendront compte que les principes sous-jacents invoqués pour défendre ce qui est indéfendable ne nous protègent pas. La Charte ne nous apporte pas la solution dont nous avons besoin au Canada. Il n'y a pas lieu de se montrer désinvolte devant ces problèmes, car ils sont très graves.
La présidente: Je peux vous assurer, madame Di Carlo que nous ne sommes jamais désinvoltes sur rien dans ce comité. Nous prenons les choses très au sérieux.
Mme Di Carlo: Eh bien, si l'on veut parler sérieusement, parlons des propositions que nous présentons.
La présidente: Nous parlons des systèmes appliqués ailleurs dans le monde et je pense que le sénateur est parfaitement fondé de poser cette question. Trois membres de votre groupe y ont répondu sérieusement.
Le sénateur Beaudoin: Pourquoi pas vous, madame Di Carlo? J'accepte votre critique. Je suis le premier à dire que nous avons beaucoup à faire pour améliorer notre loi électorale et cette sorte de choses. J'ai écrit des ouvrages là-dessus. Je vous en enverrai une copie, si vous voulez. Le sujet est très sérieux. Je partage la plupart de vos critiques. Je ferai ce que je peux pour améliorer notre législation. Je fais cela chaque jour.
Lorsque j'ai demandé des exemples ailleurs dans le monde, trois témoins ont cité l'Australie, le Mexique et la Norvège. Je suis d'accord, la représentation proportionnelle est très répandue en Europe.
Mme Di Carlo: C'est une crise politique beaucoup plus profonde à laquelle nous sommes confrontés à l'échelle internationale. Par exemple, l'Italie avait un système de représentation proportionnelle. Il s'est produit une grosse crise et elle a opté pour le scrutin majoritaire. La crise politique est beaucoup plus profonde et doit être étudiée beaucoup plus profondément.
Le sénateur Beaudoin: Je n'ai jamais dit que notre système est le meilleur.
Mme Di Carlo: Je ne veux pas ouvrir une polémique.
Le sénateur Moore: J'aimerais quelques renseignements d'ordre général. J'aimerais savoir combien de candidats chacun de ces partis a présentés lors de l'élection de 1997.
Mme Di Carlo: Soixante-cinq.
M. Gray: Cinquante-trois.
M. Figueroa: Treize.
Mme Russow: Soixante-dix-huit.
Le sénateur Moore: Cinquante candidats dans une élection fédérale font un parti. Nous ne parlons pas là de petites organisations. L'un n'a que 13 candidats, mais les autres ont un nombre important.
J'ai été intéressé par les remarques de M. Gray et de Mme Russow, concernant le maintien d'un système antidémocratique et la difficulté des petits partis à s'implanter et à grossir. Le Parti réformiste a été formé il y a 10 ans et il y est bien parvenu. Rien ne l'a empêché de capter l'humeur ou de faire accepter ses idées par suffisamment de Canadiens à l'échelle nationale et d'avoir des élus à la Chambre des communes. Le système a bien marché pour ce parti, dans l'histoire récente. Votre position me paraît en contradiction avec cette expérience très récente. Le Bloc québécois est un autre bon exemple. Que répondez-vous à cela?
Mme Russow: Tout d'abord, le Parti réformiste accepte les dons des sociétés et il jouit ainsi d'un budget important. Cela fait une différence. Nous n'acceptons pas les dons des sociétés. Nous travaillons avec un très faible budget. Je me suis présentée comme dirigeant national et candidate avec un budget de 6 000 $. Voilà un facteur.
Le sénateur Moore: C'est votre choix. Je parle du fait que nous avons une nouvelle entité politique -- deux exemples en fait...
Mme Russow: C'est un parti régional.
Le sénateur Moore: ... qui a pu s'établir et rallier le vote populaire.
Mme Russow: N'est-ce pas là l'un des problèmes? C'est justement ce que le Parti réformiste cherche à surmonter en ce moment. Ce n'est pas réellement un parti national. Il n'était présent que dans quelques provinces. Le Bloc québécois n'est présent qu'au Québec.
Il est plus facile de construire un mouvement politique si vous rassemblez les gens autour d'une seule idée -- la séparation. Il est plus facile ainsi de rassembler une part de la population. Même chose pour le Parti réformiste. Il s'est construit sur le sentiment d'aliénation de l'Ouest.
Nous-mêmes nous attaquons à des enjeux beaucoup plus vastes. Nous cherchons à garantir les droits humains, à assurer la justice sociale, nous traitons des problèmes de travail, de l'environnement, de la paix, de la prévention de la guerre et des conflits et ainsi de suite.
Le sénateur Moore: Nul ne vous empêche de faire ce que les autres ont fait. Je ne vois pas les barrières dont vous vous plaignez. Désolé.
Je trouve toutes vos interventions très intéressantes, et je peux vous dire que nul autour de cette table ne traite vos propos avec désinvolture. Nous les prenons très au sérieux. Toutefois, je ne vois pas pourquoi, si vos idées trouvent un écho chez un grand nombre de Canadiens, que ce soit dans une région ou dans tout le pays, pourquoi vous ne pourriez pas progresser. Je ne vois pas ce qui vous en empêche.
La présidente: Pourrais-je vous demander de répondre brièvement, car les autres veulent le faire aussi.
Mme Russow: Le problème, comme je l'ai dit, est que le régime électoral existant suscite des stratégies, comme celle de David Anderson dont j'ai parlé, qui nous empêche d'être élus. Je comprends ce que vous dites. Pourquoi ne pouvons-nous pas susciter une campagne complète dans tout le pays pour l'environnement?
Le sénateur Moore: Tout le monde commence quelque part. Vous n'êtes pas obligé de couvrir tout le pays d'emblée.
Mme Russow: C'est en gros ce que vous dites, sénateur. Cela n'a pas semblé empêcher le Parti réformiste de se répandre à travers le pays.
Le sénateur Moore: De s'implanter.
Le sénateur Oliver: Comme opposition officielle.
Le sénateur Moore: Oui, il a atteint le statut d'opposition officielle. Il a commencé avec un député.
M. Gray: Sénateur Moore, notre parti a été fondé la même année que le Parti réformiste, en 1986. En fait, lors de l'élection de 1988, nous avons obtenu plus de voix que lui partout, sauf en Alberta.
Selon mes renseignements, l'année suivante, le Parti réformiste a reçu une injection de fonds de deux millions de dollars des compagnies pétrolières de Calgary, ce qui a fait une différence considérable au niveau du fonctionnement de nos deux partis. C'est lorsqu'il a réussi à faire élire Deborah Grey dans une élection partielle à Beaverlodge, et donc à avoir un député au Parlement, qu'il a suscité l'attention des médias. Le Bloc, bien entendu, a démarré avec des députés déjà élus.
Permettez-moi de vous donner l'exemple d'une élection partielle tenue en 1996 à Etobicoke-Nord. Lorsque je me suis présenté contre Joe Peschisolido, qui est l'un des candidats à la direction de...
Le sénateur Moore: Il travaillait pour moi comme jeune libéral.
M. Gray: Il n'y a eu qu'un seul débat entre tous les candidats lors de cette élection partielle. Je peux vous dire, en toute modestie, que si vous demandez leur avis aux 250 personnes présentes, elles diraient que nous avons dominé ce débat. Nous avions une présence très forte. Toutefois, les médias ont décidé que l'élection se jouait entre le candidat libéral et Joe Peschisolido et les filmaient lorsqu'ils avaient la parole. Lorsque je parlais, non seulement les caméras n'étaient pas allumées, elles étaient pointées vers le plancher. Pour les 19 000 électeurs et quelques qui se fiaient à la télévision ce jour-là pour être informés, nous n'existions pas. Voilà le mur auquel nous nous heurtons.
Mme Di Carlo: Il faut bien comprendre qu'au Canada, si vous avez des appuis financiers, si de grandes sociétés vous appuient, si vous avez beaucoup de liens financiers, il n'y a pas de barrière. Vous finirez par être traité à égalité, comme l'a été le Parti réformiste. Le Parti réformiste s'est beaucoup battu contre la répartition inégale du temps d'antenne. Il a obtenu certaines concessions et a été autorisé à acheter davantage de temps d'antenne que ce qui était initialement prévu, parce qu'il avait les moyens. Pour nous, la problématique n'est pas la même. Il faut bien se demander s'il est légitime ou justifié d'entériner dans la loi ce genre de privilège.
Je pourrais faire quelques analogies que vous n'aimerez pas. Si, à une époque de discrimination raciale tolérée par la loi, un noir devenait avocat, vous pourriez dire: «Que reprochez-vous à la loi?». C'est exactement le même genre d'argument.
Il faut se demander, objectivement, si la loi est discriminatoire ou non. Je pense qu'un gamin de cinq ans verrait qu'elle est injuste. C'est comme obliger les perdants à jouer avec le soleil dans les yeux en permanence et trouver la partie excellente. Combien de minutes de temps d'antenne les libéraux auront-ils lors de la prochaine campagne, comparé aux autres?
Le sénateur Moore: Le message attire les fonds, et les fonds vous donnent la capacité.
Mme Di Carlo: C'est vrai, mais de quel message s'agit-il? Ce n'est pas le message voulant qu'il faudrait...
Le sénateur Moore: Vous devez décider quel message vous voulez diffuser. Vous devez convaincre les électeurs qu'il mérite leur appui.
Mme Di Carlo: Comment convaincre les électeurs si vous êtes réduits au silence, notamment pendant les campagnes où l'on ne vous donne que deux minutes de temps d'antenne gratuit, alors que les libéraux en ont 112? Comment suis-je censé convaincre les électeurs?
M. Figueroa: Pour compléter ce que d'autres ont dit, oui, une personne peut, dans certains cas, former un parti. Nous avons vu le cas récent, aux États-Unis, où une personne seule, Ross Perot, qui se trouve être multimilliardaire, a pu fonder un parti dans des conditions très défavorables. En effet, en droit électoral américain, il faut être enregistré dans chaque État. C'est un obstacle énorme, pratiquement infranchissable -- désincitation est un terme trop faible -- à l'émergence d'un tiers parti. Cependant, si vous êtes suffisamment riche ou avez suffisamment d'appuis patronaux, vous pouvez le faire. Voilà précisément la différence.
Mais d'autres groupes n'y parviennent pas: les partis des classes laborieuses, les partis qui représentent les citoyens marginalisés, les Autochtones, et cetera, qui ne sont pas des forces dominantes de notre société. Regardons les choses en face, le processus politique n'est pas imperméable aux réalités économiques. Qui possède les journaux, qui donne le ton et façonne l'opinion?
Oui, le message fait une différence, absolument, pour ceux qui comptent. Si vous avez un message favorable aux intérêts du grand patronat, vous aurez l'argent. Cela ne fait aucun doute.
Cela tient beaucoup aux intérêts du moment de la classe dominante. Par exemple, en ce qui concerne l'alignement actuel des forces dans le pays, je ne suis pas surpris que le Parti libéral, ou aucun des grands partis, ne soit très en faveur de la représentation proportionnelle. L'exemple de l'Italie a suscité des grimaces. Pourtant, l'Italie est un très bon exemple à considérer car le système de représentation proportionnel qui existait depuis la guerre avait la faveur des États-Unis et de tous les pays occidentaux, pour une raison et une seule. C'est parce que le Parti communiste italien était le plus gros du pays. Avec un mode de scrutin majoritaire, l'Italie aurait été gouvernée par les communistes depuis 1945. Pour empêcher cela, on a imposé, avec le soutien des États-Unis, un système de représentation proportionnelle qui était tellement instable que près de 45 gouvernements se sont succédé en 45 ans, tout cela dans une tentative désespérée d'écarter les communistes du pouvoir. Ne soyons pas hypocrites.
La présidente: Nous ne vous contredirons pas là-dessus, car vous avez tout à fait raison.
Je rappelle aux sénateurs que nous ne sommes pas ici pour nous livrer à un débat politique avec nos témoins, car il est indéniable que nous n'appartenons pas au même parti qu'eux, bien que la discussion soit très intéressante.
Mme Russow: Pourrais-je vous lancer un défi? Pourquoi ne pas voir si les dons des sociétés font une différence ou non? Et si le Sénat recommandait de mettre fin au financement des partis politiques par les sociétés? Voyons si cela fait une différence. Mettons l'hypothèse à l'épreuve. Je vous lance ce défi.
Le sénateur Di Nino: Je vous remercie tous d'être venus car vous apportez à ce comité, que vous en soyez conscients ou non, des idées que nous n'entendons pas souvent. Ce sont de bonnes idées, même si nous ne les partageons pas. Je pense parler au nom de tous mes collègues en disant qu'elles vont stimuler notre réflexion. Je pense pouvoir parler pour tous mes collègues en disant que nul ici n'est dénué de sympathie pour vos positions. Mais je suis d'accord avec le sénateur Moore, en ce sens que la démocratie primera toujours et qu'elle doit être représentative de ce que veut le peuple. En dernière analyse, c'est la volonté populaire qui doit l'emporter.
S'il est un sénateur perçu comme toujours excessivement sérieux, c'est bien le sénateur Beaudoin. Ce n'est certes pas lui que l'on pourrait accuser de désinvolture.
J'ai une courte question, que j'adresse d'abord à M. Figueroa et Mme Di Carlo. Quelle est la différence entre le Parti communiste du Canada et le Parti communiste du Canada enregistré comme Parti marxiste-léniniste du Canada?
Mme Di Carlo: Le problème est la règle, que M. Kingsley vient d'appliquer il y a quelques jours, concernant la similitude des noms. Lorsque nous avons demandé notre enregistrement comme Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste), le Parti communiste du Canada, qui est le vieux parti, avait déjà déposé sa demande. Nous n'avons pas eu d'autre choix que d'utiliser le nom Parti marxiste-léniniste du Canada.
Le sénateur Di Nino: Votre en-tête dit toujours Parti communiste du Canada.
J'aimerais maintenant parler de la représentation proportionnelle. Vous constaterez qu'il y a un groupe de sénateurs favorables à cette idée. L'un des rapports que vous pourriez lire concernant le financement et les divers modes de scrutin est celui publié par le Congrès américain il y a quelques années. Il recense les différents systèmes au monde, exprimant une préférence pour certains, ainsi que les problèmes de financement.
J'ai posé une question au Sénat dont le Hill Times a fait état lundi. Elle sera en première page la fin de semaine prochaine à cause de la question posée par le sénateur Oliver. Ma théorie, et je pense que certains d'entre vous la partagent, est que nous payons actuellement à peu près 60 p. 100 des dépenses politiques. Cela englobe et les compagnes électorales et les intervalles entre elles. Cet argent vient du Trésor public. Je ne nie pas que les sociétés font une différence, mais si vous regardez les chiffres, les particuliers contribuent davantage.
Je pose la question car j'aimerais avoir votre avis. Je travaille encore là-dessus et je formulerai probablement des idées plus précises dans le mois qui vient. Je propose de financer le système politique dans notre pays entièrement sur les fonds publics, selon une formule équitable qui prendrait en compte la popularité des partis, forcément, car il faut bien respecter les voeux des électeurs, mais qui veillerait en même temps à ce que les petits partis ne soient pas tenus à l'écart, comme je l'ai dit dans ma présentation. Il faut trouver une formule à laquelle les Canadiens puissent souscrire. J'appelle cela le coût de la démocratie -- la possibilité de participer au système, en mettant fin à toute la confusion et aux perceptions qui accompagnent le financement d'un parti politique. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Mme Di Carlo: Personnellement, je ne pense pas que le système que vous recommandez résolve le problème de la vie politique au Canada. Si vous remontez à la commission Barbeau, le problème posé alors était le même: comment surmonter la réalité que les campagnes électorales telles que nous les connaissons, avec les moyens de communications énormément coûteux comme la télévision, exigent des sommes énormes, tout en éliminant la perception que certains partis politiques -- à l'époque la majorité d'entre eux -- sont des instruments des riches parce que leur financement provient principalement des grosses sociétés? Le système retenu par le Canada était inspiré soit du Costa Rica soit de Puerto Rico. Je ne me souviens plus lequel des deux.
Le sénateur Di Nino: Au cours des élections récentes, les plus gros donateurs étaient les syndicats, pas les grandes sociétés.
Mme Di Carlo: J'englobe les syndicats dans les grosses sociétés canadiennes. C'est la même chose. Si vous cherchez une idée neuve qui mettrait le Canada à l'avant-garde de la démocratie, financez le processus politique, mais non les partis politiques.
Le sénateur Oliver: De quelle façon?
Mme Di Carlo: Les électeurs ont besoin d'être bien informés. Ils doivent connaître les problèmes et les politiques proposées. Il y a tellement de candidats et de partis politiques qu'il devrait exister une commission électorale qui fournisse aux Canadiens tous les renseignements voulus, de manière impartiale. Cela pourrait être fait facilement, au moyen de magazines qui seraient distribuées dans les boîtes à lettres, et qui seraient la principale source d'information, les médias audiovisuels venant en sus; mais on ne verserait pas de fonds publics aux partis ou candidats individuels. Ce qu'il faut financer, c'est le processus de prise de décisions des électeurs. Ce serait moins coûteux, mais le problème n'est pas là. Nous essayons d'éliminer le problème qui tient à ce que l'argent influence le résultat des élections. C'est le principal problème à résoudre.
Le sénateur Di Nino: Nous sommes en désaccord, car si vous ne fournissez pas de fonds publics, un très petit nombre de personnes font la différence, à moins d'interdire totalement les contributions politiques. Cela est un autre débat.
M. Gray: Sénateur Di Nino, à mon avis, le jour auquel il faut respecter l'opinion publique, c'est le jour du scrutin. Aucun électeur n'est né avec une affiliation partisane gravée sur le front. Lorsque l'élection est déclenchée, il n'y a pas de voix préattribuée. Nul ne devrait avoir de préférence à ce stade.
D'ailleurs, en répondant à cette question, je réponds également à l'avis du sénateur Moore voulant que les idées attirent l'argent. C'est précisément ce que nous disons. Laissez les idées attirer l'argent, ne faites pas une loi qui le canalise vers les partis.
Du fait que la législation est contrôlée par ceux au pouvoir, elle devient un abus de pouvoir pour préserver ce pouvoir. S'il doit y avoir financement public -- et j'admets qu'il en faut -- qu'il soit équitable. Cela ne me gênerait pas du tout que le Parti libéral, par exemple, touche six fois plus que nous parce qu'il présente six fois plus de candidats. Cela ne me gêne pas du tout. Ce qui me gêne, c'est que lors de la prochaine élection dans la circonscription de Hull-Aylmer, la mienne, Marcel Proulx va démarrer sa campagne avec déjà 32 000 $ dans sa caisse. Il va faire campagne avec des dollars à 50 cents, alors que moi je dois lever chaque centime. C'est une injustice, contraire au principe que les idées attirent les fonds. Notre proposition est de donner au contribuable 1 100 $ environ qu'il pourrait canaliser à sa guise. Cela élargirait beaucoup la base de soutien, mais sans obliger personne à financer un parti donné qu'il n'aime pas.
M. Figueroa: Il y a là deux questions reliées entre elles. L'une est le financement des partis pendant les élections et l'autre le crédit d'impôt pour contribution politique, qui n'est pas un sujet insignifiant, surtout pour les petits partis. Pour les grands partis, cela fait une différence du point de vue de leur capacité à lever des fonds directement auprès des Canadiens.
Vous vous souviendrez que lorsque ces dispositions fiscales ont été introduites, ce n'était pas pour financer les partis, mais plutôt pour encourager les Canadiens à s'intéresser davantage à la vie politique. Pourtant, la réalité est que les petits partis, surtout avec les nouveaux obstacles imposés à leur participation, ont un problème au niveau de l'enregistrement. Les autres partis autour de cette table n'ont pas connu cela, mais nous oui, en 1993, lorsque notre parti a été radié, après avoir été enregistré pendant 20 ans, depuis la mise en place du système en 1974. Cela a eu un profond impact sur notre capacité à sortir du trou dans lequel nous étions. Pourquoi? Nous ne pouvions plus délivrer de reçus d'impôt, parce que nous n'étions plus un parti enregistré.
Quelle était la logique dans tout cela? Nous n'avons pas présenté 50 candidats. C'est ce que nous avons contesté et c'est ce que la juge Molloy a invalidé. Elle a dit que la règle des 50 candidats n'a pas de fondement objectif s'il s'agit d'empêcher la participation ou l'enregistrement de partis non sérieux. Dans son jugement, elle a fait ressortir qu'il existe un parti politique dans notre pays, présentant près de 200 candidats, ayant un magicien à sa tête et préconisant la lévitation pour résoudre les problèmes. Quoi que l'on puisse penser de nous, le Parti communiste du Canada est un parti sérieux. Cette règle des 50 candidats ne garantit pas non plus que les autres conditions de l'enregistrement soient remplies, à savoir que les partis fonctionnent de manière responsable et déposent des déclarations, et cetera.
Quelle était la réalité? Les contribuables canadiens individuels, qui se trouvaient être partisans des communistes, subissaient une discrimination car lorsqu'ils voulaient faire un don, ils n'obtenaient pas de reçu d'impôt. S'ils voulaient obtenir un reçu d'impôt, il leur fallait donner à un parti dont ils ne voulaient pas. C'est un exemple parmi d'autres montrant que les structures actuelles militent concrètement contre les petits partis et favorisent ceux qui sont déjà gros.
Nous avons fait valoir cet argument à maintes et maintes reprises. Dans le cas d'un country club privé, on peut admettre que les membres veuillent fixer les conditions d'adhésion au club. Nous savons à quoi cela a conduit aux États-Unis, particulièrement dans le cas des clubs de golf. Mais le processus démocratique n'est pas une affaire privée. Ce n'est pas un country club privé. Il existe cette contradiction fondamentale, que nous avons tous citée, le fait que les partis déjà autour de la table font les lois déterminant qui peut s'y asseoir. C'est une problématique fondamentale.
Le sénateur Oliver: Vous êtes ici pour donner votre avis sur la modification de la loi. C'est pourquoi vous êtes là.
M. Figueroa: Naturellement, mais nous n'avons pas le droit de vote. Nous n'avons pas de voix. D'ailleurs, même les partis d'opposition qui ont voté n'ont pu faire grand-chose en février. Peut-être sera-ce différent au Sénat.
La présidente: La majorité tranche.
Mme Russow: Les questions que vous posez sont extrêmement importantes. La réponse que je vais donner n'est probablement pas celle que vous attendiez.
Il faut se demander ce qu'est un processus politique légitime. Au Canada, le système politique, pendant la campagne électorale, est un vrai cirque. Les problèmes sérieux ne sont pas abordés.
Le sénateur Buchanan: Un instant!
Le sénateur Di Nino: Il y a eu la TPS et le libre-échange.
Mme Russow: C'est l'un des problèmes. Au Canada, nous avons eu au pouvoir un gouvernement qui promeut la croissance économique à tout prix. Nous vivons maintenant dans le sillage de cette négligence.
Vous demandez si notre message pourrait rallier des appuis à travers le pays. J'ai soulevé le problème du financement. Cela fait des années que l'on fait la sourde oreille aux avertissements. Le message du Parti Vert en est un de précaution. Cela ne conduit pas à la croissance économique. Lorsque nous parlons d'économie, nous demandons l'interdiction des aliments et cultures génétiquement modifiés. La dernière fois que cela a été mentionné, qu'a répondu M. Romanow? Il a dit que cela ferait du tort aux agriculteurs.
Aucun des gouvernements de ce pays n'agit avec précaution et prévoyance. Nous nous mettons dans des situations graves, où nous semons des cultures génétiquement modifiées dans toutes les Prairies, alors que nul n'en veut. C'est pourquoi il faut trouver le moyen de faire passer un autre message. Notre message ne contribue pas à la croissance économique à tout prix.
La présidente: Nous ne parlons pas en ce moment des message des partis, nous parlons de la Loi électorale du Canada.
Mme Russow: Je sais que nous ne parlons pas des messages des partis, mais c'est la clé. Tout le processus doit être axé sur les enjeux. Ce doit être un processus où les préoccupations et enjeux -- pas seulement ceux dont veulent parler un petit nombre de partis, mais toute une série de vastes problèmes -- seront débattus pendant les campagnes électorales. C'est cela qui doit primer.
La politique, c'est sérieux. Ce n'est pas une foire, avec des banderoles et des colifichets. C'est quelque chose de sérieux. Il y a une façon de combiner les deux recommandations faites ici, d'avoir un processus public tel que les plates-formes et les programmes, comme l'exige la Loi sur le CRTC, soient largement disséminés dans la pays. Il y a aussi la possibilité, dans le régime fiscal, que les électeurs contribuent aux partis politiques de leur choix. Les électeurs votent, et ce sont les électeurs qui devraient financer les partis. S'il n'y avait plus de financement par les sociétés, si nous avions un financement public, l'argent serait dépensé pour que les idées, qui sont l'essence du processus politique, soient disséminées à travers le pays, tout en permettant aux particuliers de financer le parti de leur choix. On pourrait combiner les deux et parvenir ainsi à une solution.
La présidente: Je vous signale qu'il est maintenant 20 h 10. Nous devrions essayer de terminer d'ici 20 h 30, si possible.
Le sénateur Poy: J'ai trouvé vos exposés très intéressants. Vous avez abordé beaucoup de choses. Les sénateurs Moore et Di Nino ont posé certaines des questions que j'allais poser moi-même. Je vais me concentrer principalement sur le financement.
Vous avez tous proposé que le financement prenne la forme de contributions individuelles plutôt que de contributions des sociétés ou syndicats. Est-ce exact?
M. Gray: Oui.
Mme Russow: Oui.
Le sénateur Poy: Je ne connais pas la différence entre le Parti marxiste-léniniste et le Parti communiste. N'êtes-vous pas le même parti?
La présidente: Non. Sénateur Poy, je vous suggère d'en parler avec eux après la réunion.
M. Figueroa: Si nous avions davantage de temps d'antenne, peut-être connaîtriez-vous la réponse à votre question, sénateur.
Le sénateur Poy: Vous dites que le Parti libéral et le Parti conservateur attirent beaucoup de fonds.
Mme Russow: Ainsi que le Parti réformiste.
Le sénateur Poy: Le Parti communiste existe depuis les années 20. Il doit exister une raison faisant que, depuis 1920 jusqu'à votre radiation, vous n'avez pas trouvé suffisamment de soutien populaire pour percer. Voilà ma première question.
En ce qui concerne les dons des particuliers, je ne sais pas si un parti trouverait de cette façon suffisamment pour mener campagne, car cela coûte très cher. À moins que tout le monde soit bénévole, il faut payer les gens. Ils ont des frais de voyage. Il faut de l'argent pour couvrir ces dépenses. Il y a des frais d'hôtel. Par ailleurs, certains particuliers donneront, comme M. Gray l'a suggéré, jusqu'à 1 100 $. D'autres ne donneront peut-être que 10 $. Tout dépend de l'attrait de la politique du parti. Vous aurez toujours cette inégalité. Certains partis auront davantage de moyens que d'autres. J'aimerais votre avis là-dessus.
M. Figueroa: Merci de cette question. Elle montre que, au sens politique étroit, s'agissant des structures électorales, il ne suffit pas de considérer la dynamique du processus politique au sens large. Je suis sûr que tous les membres du comité en ont conscience.
Pourquoi le Parti communiste n'a-t-il pas gagné en envergure? C'est parce que nous étions une formation quasiment illégale au moment de sa création. La GRC a incendié la grange où devait se tenir notre congrès fondateur en 1920, bien avant l'incendie de la grange du PQ au Québec dénoncé par la Commission Macdonald. Le parti était pratiquement illégal en vertu de l'article 98 et de la Loi sur les mesures de guerre, laquelle n'a été abrogée que beaucoup plus tard. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'un de nos dirigeants est allé en prison. Ensuite, il y a eu la guerre froide dirigée contre l'Union soviétique, mais avec une cible locale -- les communistes canadiens dont le mouvement syndical était populaire. C'était une stratégie pour isoler et marginaliser les communistes, nous noircir, organiser des chasses aux sorcières où les gens cherchaient des communistes sous leur lit, nous présenter comme des agents d'une puissance étrangère. C'était odieux, mais c'est la réalité. À qui la faute? À quelqu'un autour de cette table? Non, pas nécessairement, mais c'était certainement systématique, vous l'admettrez.
Plusieurs raisons font que certains partis n'avancent pas. Dans le cas de la gauche et du Parti communiste en particulier, vous connaissez la raison.
En ce qui concerne notre parti, je tiens à dire que nous ne voulons pas nécessairement empêcher les syndicats de contribuer aux partis politiques. Pourquoi? Il faudra attendre longtemps avant que le financement du processus politique par les sociétés soit réellement et véritablement éliminé dans ce pays. Il faudra pour cela des changements plus fondamentaux qu'une simple réécriture par le Parlement de la Loi électorale. Mme Russow, du Parti Vert, a fait allusion au fait qu'il existe toutes sortes de circuits indirects pour acheminer des fonds vers les partis politiques, en sus des moyens directs.
On pourrait longuement parler des syndicats et de leur caractère démocratique ou non. Nous savons en tout cas que certains sont beaucoup plus menés par la base et d'autres beaucoup plus hiérarchisés et moins démocratiques, peut-être. Le syndicat le moins démocratique est toujours mille fois plus démocratique qu'une société transnationale. Les Canadiens n'ont pas leur mot à dire sur la direction de Toronto Dominion. Au moins, les syndiqués exercent un certain contrôle sur leur syndicat. Les syndicats ont été amenés tout naturellement à intervenir dans le processus politique. C'est précisément parce qu'ils voyaient que les forces dominantes de la société et les partis politiques dominants du Canada servaient principalement les intérêts patronaux. Quand cela n'a-t-il pas été le cas? Ne parlons pas des provinces. Au niveau fédéral, quand cela n'a-t-il pas été le cas depuis la Confédération?
Le sénateur Poy: Dites-vous donc que les syndicats devraient pouvoir continuer à contribuer?
M. Figueroa: Je dis que le système de financement politique doit être totalement transparent. Sur ce plan, je pense que les syndicats sont plus transparents que les sociétés.
Mme Di Carlo: J'aimerais clarifier mes propos antérieurs et clairement énoncer notre position. Les partis politiques sont des institutions qui devraient avoir le droit de lever des fonds auprès de qui ils veulent. En ce sens, il incombe aux partis politiques de se financer auprès de leurs partisans. Si leurs partisans sont les banques, très bien. Si ce sont les travailleurs, très bien aussi. Moi, je parle du processus électoral et de la manière dont il devrait être financé. C'est là où j'établis la distinction. Les fonds publics devraient servir non pas à financer les partis politiques, mais le processus électoral et celui de l'information des citoyens, afin qu'ils puissent exercer leurs droits. Sur ce plan, nous proposons que le processus ne soit pas dominé par les partis politiques. Les candidats, par exemple, devraient être choisis par les électeurs, et non par les partis politiques. S'ils se trouvent être membres d'un parti politique, peu importe, ils devraient être choisis par des comités de circonscription composés réellement des électeurs, et non par les partis politiques.
Le sénateur Poy: C'est un idéal.
Mme Di Carlo: Je ne pense pas que ce soit un idéal. C'est une proposition que nous faisons.
Le sénateur Pearson: Cette discussion est fascinante car vous avez soulevé des questions auxquelles nous sommes nombreux à ne pas réfléchir assez souvent. La représentation proportionnelle, par exemple, est un sujet que nous avons tous à l'esprit. J'ai observé au fil du temps l'évolution des partis dans notre pays et à l'étranger. J'ai vécu dans l'ancienne Union soviétique et au Mexique. L'une des raisons pour lesquelles le Canada est ce qu'il est, c'est que nous sommes différents. Chaque pays est différent. Nous sommes un pays énorme et nous sommes virtuellement ingouvernables.
Le sénateur Andreychuk: Ne l'avouez pas!
Le sénateur Pearson: Par conséquent, un ensemble énorme de forces influe sur les votes dans les élections. Le problème que nous examinons en ce moment est la façon dont ces forces sont canalisées. Ce serait merveilleux si les électeurs votaient en fonction des enjeux. D'ailleurs, vous avez posé la question de savoir qui décide quels sont les enjeux. Il faut en revenir à l'électeur. Mon impression, et je me fie à mon expérience d'électrice, est que les enjeux ne sont que l'un des facteurs de ma décision, il y en a d'autres. Parfois, ce sont les personnalités, et parfois la situation ambiante, et cetera.
J'admets qu'il faut réguler d'une certaine façon les forces à l'oeuvre. Nous ne pouvons pas contrôler les médias, nous le savons; nous n'avons aucun contrôle sur les médias. La difficulté pour tous les groupes ici est de trouver un soutien à la base. Il faut trouver des bénévoles qui iront recruter d'autres bénévoles. J'aimerais avoir votre avis sur la manière de toucher les individus. La deuxième question est de savoir si ce projet de loi vous empêche de le faire.
Mme Russow: Oui. J'aimerais aborder un sujet dont je n'ai pas encore traité: les sondages. J'ai demandé à Angus Reid l'autre jour s'ils avaient jamais fait un sondage sur la représentation proportionnelle. Le premier vice-président m'a répondu non. J'ai répondu que cela me surprenait car, comme vous le savez, après chaque élection, les gens grommellent en disant que les libéraux ont été élus avec 39 p. 100, par exemple. En Ontario, les élections déçoivent toujours. J'ai préconisé un sondage, expliquant ce qu'est la représentation proportionnelle, et demandant: «En quoi votre vote changerait-il s'il y avait la représentation proportionnelle?»
Je sais ce qui se passe en Colombie-Britannique en ce moment avec le Parti Vert. Nous avons eu beaucoup de problèmes en Colombie-Britannique, mais nous sommes à environ 11 p. 100 dans les sondages. Cela a tout changé. On parle de nous dans les nouvelles. Les sondages font une différence incroyable. C'est souvent le cas, et cela me ramène à la question posée par le sénateur Poy, concernant tous ces autres facteurs. Souvent, dans les sondages, on ne nous mentionne même pas. Il y a simplement la rubrique «Autres partis», mais si l'on place le Parti Vert et le Parti marxiste-léniniste dans la liste, cela fait une différence considérable. Tout d'un coup, les gens nous cochent. Mais lorsqu'on leur demande comment ils vont voter, ils continuent à se dire: «Si je ne vote pas pour David Anderson, le Parti réformiste va gagner». Ils vont continuer à dire qu'ils vont voter pour le Parti libéral, même si leur préférence va au Parti Vert.
Je serais curieuse de voir les résultats d'un sondage disant: «Voici le système de représentation proportionnelle. Dans un tel système, comment voteriez-vous?» Si on publiait ce genre de sondage, vous verriez une grosse différence car les gens commenceraient à dire: «Oui, je vais voter pour le parti qui me plaît réellement». Vous commenceriez à voir bouger les pourcentages. Ensuite, les médias nous prendraient au sérieux.
Les médias ne nous prennent pas au sérieux parce que nous n'avons pas d'élu. Ils ne nous prennent pas assez au sérieux parce que nos chiffres dans les sondages sont bas. Comme je l'ai dit, ils commencent à nous prendre au sérieux en Colombie-Britannique. Le Globe and Mail a parlé de cette évolution: Le Parti Vert est en hausse et le NPD en baisse. Les sondages font une grosse différence. La loi doit en tenir compte et énoncer des lignes directrices.
Le sénateur Moore: Mais ce qui sous-tend les chiffres des sondages, c'est le message; tout est là.
Mme Russow: Bien entendu, le message est important. Je ne cesse de le dire. L'enjeu et le message sont incroyablement importants. Il nous faut aussi des sondages équitables.
M. Figueroa: Nous avons parlé de représentation proportionnelle. Il me semble, rectifiez si je me trompe, qu'en France il y a toujours un scrutin à deux tours.
Le sénateur Beaudoin: C'est un compromis, mais pas un bon.
M. Figueroa: Même ainsi, c'est une occasion pour les citoyens d'exprimer leur préférence au premier tour, de voter pour ceux qu'ils veulent et de ne pas voter pour ceux qu'ils ne veulent pas, et puis au deuxième tour ils font un choix.
Le sénateur Pearson: Mais souvent ils votent pour qui ils veulent plutôt que pour ce qu'ils veulent.
M. Figueroa: C'est juste. Ce n'est pas forcément sur les enjeux, mais sur les personnalités, les profils, et cetera.
Votre question était concrète: donnez-nous quelques exemples où le projet de loi C-2 milite contre les petits partis. Je vais vous donner un bon exemple, qui ne se limite pas au projet de loi. Depuis le milieu des années 80, on ne cesse de réduire la durée des campagnes électorales. Vous dites qu'en dernière analyse nous devons mobiliser nos troupes et faire du porte à porte. C'est ce que fait notre parti, c'est ce que font tous nos partis.
Le sénateur Buchanan: Nous le faisons tous.
M. Figueroa: Il y a une grosse différence. Nous n'avons pas les moyens de faire de la publicité nationale. Sauf votre respect, sénateur Buchanan, si vous regardez les montants dépensés pour la publicité nationale payante et pour la publicité gratuite qu'obtiennent les partis politiques pendant les campagnes électorales, du moins les gros, c'est cela qui fait réellement la différence.
Le sénateur Pearson: Je ne suis pas sûre. C'est la question que je pose. Personnellement, je ne suis pas sûre que ma décision soit déterminée par ces annonces publicitaires.
M. Figueroa: Il n'en reste pas moins que ce n'est même pas une option pour les petits partis. Nous n'avons que le porte à porte. Dans une campagne électorale de 35 jours au lieu de 60, si vous lancez une campagne publicitaire massive à partir de la deuxième semaine, vous pouvez faire beaucoup de battage en l'espace de 35 jours. Pour les petits partis, il est plus difficile de faire le porte à porte en si peu de temps.
Le sénateur Oliver: Vous préconisez une campagne plus longue, qui coûterait cher.
M. Figueroa: C'est un exemple des changements, des modifications du processus électoral, qui militent contre les petits partis. Je ne vois pas comment on pourrait conclure que c'est là un changement neutre.
La présidente: Je demanderais aux sénateurs de cesser leur interjection et de laisser les témoins répondre.
M. Gray: Le sénateur Pearson a dit que la décision appartient aux électeurs. Je suis pleinement d'accord. La proposition que nous formulons va tout à fait dans ce sens. On se retrouve souvent dans une situation où le parti au pouvoir, vers la fin de son mandat, devient très impopulaire, mais il disposera néanmoins de la part du lion des fonds publics pour démarrer sa prochaine campagne. C'est pourquoi une campagne courte est si difficile pour nous. Nous devons lever des fonds pour lancer notre campagne. Eux ont déjà la moitié de l'argent à la banque et sont prêts à démarrer, à moins d'avoir une lourde dette à rembourser; mais ils la remboursent avec l'argent public.
Nous disons que la loi ne doit pas privilégier les partis au pouvoir en matière d'attribution des fonds publics. Laissez le contribuable individuel allouer les fonds publics chaque année. Même chose pour la répartition du temps d'antenne. N'oublions pas que les partis ne devraient pas être le point focal de la Loi électorale du Canada, ce devrait être un électorat informé ayant accès à toutes les idées. Voilà ce que nous visons.
Mme Di Carlo: Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Notre parti a 30 ans. Sur le plan de notre travail politique, je dirais que nous faisons plus que vous tous réunis. Nous avons un journal hebdomadaire national publié en français et en anglais. Nous avons un site Web qui change tous les jours. Nous n'arrêtons pas de faire du travail politique. Le problème n'est pas là.
Nous parlons d'élection. Si vous voulez comparer notre parti -- et je parle là de tous les partis -- et ceux siégeant à la Chambre des communes, vous avez d'un côté une machine électorale et de l'autre un parti politique qui cherche à politiser le public. Par exemple, l'un des grands problèmes cités par la Commission royale sur la réforme électorale est que les partis siégeant à la Chambre des communes sont devenus des machines électorales. Si quelqu'un frappe à la porte du NPD entre les élections et demande à adhérer, ils ne savent littéralement pas quoi en faire. On lui répondra: «Bon, d'accord, attendez jusqu'à la prochaine élection et vous pourrez alors distribuer quelques tracts».
Je n'invente pas. C'est l'un des problèmes cités par la Commission royale. S'agissant d'édifier un parti national, comment le Parti libéral est-il devenu un parti national? Encore une fois, la Commission royale, votre propre document, dit carrément que c'était au moyen d'un vaste système de clientélisme à travers le pays. Arrivé en 1970, il avait mis en place un vaste système de financement public pour s'attribuer de grosses sommes pour mener de grosses campagnes et mener en bateau les électeurs.
Désolée de vous offenser, mais vous ne pouvez pas me dire que des élections organisées par des sociétés de relations publiques, souvent américaines, ont pour but de politiser les Canadiens afin qu'ils fassent le bon choix. Je défie quiconque de l'affirmer.
Le sénateur Moore: Faites attention.
La présidente: Vous sous-estimez peut-être la capacité des Canadiens de former des opinions.
Le sénateur Buchanan: Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas politicologue. Je suis un humble politicien primaire de Nouvelle-Écosse. Le groupe ici adopte une approche plutôt philosophique de la politique. Je ne crois pas que la politique et la philosophie aillent de pair.
Cela dit, on a critiqué ce soir le processus politique dans notre pays et dans nos provinces. Très bien. Vous pouvez critiquer notre système -- votre système, car vous êtes tous Canadiens -- tant que vous voudrez. N'oubliez pas que notre système a survécu pendant 130 ans et, franchement, il marche très bien.
Vous semblez dire -- si je vous suis bien et je crois vous suivre -- que les Canadiens abhorrent le processus et le système en place dans notre pays. Je n'y crois pas un instant. Dans nos élections, dans notre province, nous avons un taux de participation de 68 à 75 p. 100. À l'échelle nationale, c'est 55 p. 100. Nous faisons l'envie de beaucoup de pays du monde.
Le sénateur Oliver: Tels que les États-Unis.
Le sénateur Buchanan: Oui. Si les gens abhorrent autant le système que vous le dites, pourquoi ne se soulèvent-ils pas? Ils ne le font pas parce que vous ne pouvez pas citer un seul sondage montrant que les gens veulent le remplacer par un autre. J'ai consacré 33 années de ma vie à la politique et je peux vous dire que les Canadiens ne veulent pas changer de système de gouvernement.
La présidente: Sénateur Buchanan, avez-vous une question?
Le sénateur Buchanan: Je paraphraserais sir Winston Churchill, qui a dit que leur système de gouvernement est peut-être le pire, mais il est meilleur que tous les autres.
Le sénateur Beaudoin: Le pire, excepté tous les autres.
La présidente: Y avait-il une question dans cette déclaration politique?
Le sénateur Buchanan: Êtes-vous d'accord ou non?
La présidente: Le sénateur Buchanan a fait une déclaration; par conséquent, je demande à chaque témoin de conclure avec une déclaration de 30 secondes.
Mme Russow: Vous avez formulé une excellente suggestion qui reprend ce que j'ai proposé, à savoir que l'on encourage les instituts de sondage du pays à demander aux électeurs s'ils aiment ou non le système.
Le sénateur Buchanan: Le sondage le plus important est le scrutin.
Mme Russow: Je vous ai dit que souvent les gens votent à cause de ce qu'ils craignent et qu'ils veulent empêcher une certaine personne de gagner.
Le sénateur Buchanan: Les Canadiens n'ont pas peur et ne sont pas stupides. Ils sont pas mal intelligents.
La présidente: Sénateur Buchanan, s'il vous plaît, laissez chaque témoin conclure.
Mme Russow: Cela a été un échange très intéressant. J'espère que vous écouterez certaines des propositions que nous avons formulées et y réfléchirez. N'oubliez pas, comme la présidente l'a dit au début, que cela fait longtemps que nous n'avons pas remanié la Loi électorale du Canada. Ce n'est pas le moment de bricoler, c'est le moment de réformer. J'espère que vous serez audacieux et formulerez quelques recommandations intéressantes. Vous semblez l'avoir déjà fait. J'ai entendu un certain nombre de suggestions très intéressantes autour de la table. Montrez que le Sénat est la Chambre du réexamen serein.
Même les partis ayant des élus sont contre le projet de loi. J'espère que vous formulerez quelques recommandations bien senties et que, peut-être, nous pourrons dépasser le système désuet que nous avons aujourd'hui et que dénonçait l'activiste sud-africain dont j'ai parlé, pour passer à un système de participation des citoyens et de démocratie réelle, un système juste et équitable pleinement conforme à la Charte et à la Convention internationale relative aux droits civils et politiques.
J'espère que vous transmettrez ce message.
Le sénateur Buchanan: Savez-vous que j'ai signé la Charte à titre de premier ministre?
La présidente: Sénateur Buchanan, je vous coupe la parole.
M. Figueroa: Il est tentant et difficile de ne pas entrer dans la polémique. Je suis ravi de voir que le sénateur Buchanan n'a rien perdu de son charme.
Il est faux de dire que les petits partis prétendent que les Canadiens abhorrent le système actuel et veulent changer tout le système de gouvernement. Ce n'est pas vrai. C'est ériger un épouvantail pour le démolir. Toutefois, même s'ils votent et continuent à faire confiance au système électoral, les Canadiens doutent de plus en plus de la valeur de leur voix et du processus politique. Ce n'est pas la première fois qu'ils pensaient voter pour une chose et en obtiennent une autre. Cela a commencé avec les libéraux sous M. Trudeau, lorsqu'ils pensaient qu'ils ne votaient pas pour le contrôle des salaires et des prix, et qu'il leur a été imposé quand même. M. Mulroney militait contre le libre-échange, puis a introduit le libre-échange. Plus récemment, en 1993, les Canadiens voulaient rejeter les politiques de M. Mulroney et se sont retrouvés avec non seulement les mêmes, mais pire encore.
La présidente: La Loi électorale, monsieur Figueroa.
M. Figueroa: Elle reflète un problème fondamental du système actuel, et en particulier du système partisan. De ce point de vue, nous, tous les petits partis et autres experts constitutionnels, avons formulé quelques propositions concrètes de changement. Il n'y a là rien d'utopique. Ce sont des changements très concrets qui pourraient être mis en oeuvre, qui l'ont été à l'étranger, et il faut ouvrir ce processus. C'est pourquoi nous faisons appel au Sénat afin qu'il ouvre un débat véritable et public sur notre système électoral, un véritable débat public sur la réforme électorale. Nous connaîtrons alors la réponse aux questions sur lesquelles nous divergeons, comme celle de savoir si les Canadiens veulent réellement un changement ou non.
M. Gray: Je n'ai pas encore parlé de la représentation proportionnelle. Je veux exprimer l'adhésion de notre parti à cette idée. Je ne l'ai pas évoqué car, franchement, ce projet de loi est si près d'être imposé de force qu'il n'est plus temps d'introduire ce type de changement. Si les honorables sénateurs estiment qu'il en est encore temps, permettez-moi de vous citer quelques autorités réellement éminentes. En juin dernier, un éditorial du Globe and Mail a pris soin de souligner que Jean Chrétien, en 1984, disait que s'il devenait jamais premier ministre, la première chose qu'il ferait serait d'introduire la représentation proportionnelle. Lors de la dernière élection, le Parti conservateur a obtenu presque autant de voix que le Parti réformiste, mais seulement un tiers de son nombre de sièges. C'est un inconvénient que la représentation proportionnelle éliminerait.
Lorsque j'ai commencé à voter, le taux de participation aux élections fédérales était habituellement bien supérieur à 70 p. 100. Aujourd'hui, un électeur sur trois ne se déplace pas. C'est la preuve, non pas que les gens veulent détruire le système, mais d'une certaine perte de confiance.
Le rétablissement d'une certaine équité dans le financement des élections contribuerait largement à rétablir l'autorité de l'électeur. C'est pourquoi je préconise de laisser les électeurs décider à qui vont les fonds, années après années, en fonction de l'évolution de leurs opinions et de leur lecture de la situation, et non pas en fonction des voix obtenues à l'élection précédente.
Mme Di Carlo: La question soulevée par le sénateur Buchanan appelle une réponse. Ce n'est pas une question de préférence, de goût ou d'opinion que de juger s'il y a un problème sérieux de mécontentement politique au Canada.
Franchement, je suis abasourdie que la réalité du problème soit mise en doute, alors que la Commission royale sur la réforme électorale l'a tellement bien documenté. On a dépensé 22 millions de dollars pour consulter les Canadiens. La majorité des Canadiens ont dit qu'ils voulaient des réformes fondamentales au Canada. Dans un sondage commandé par la commission Lortie, les politiciens arrivaient au neuvième rang des professions respectées. C'est une crise très grave.
La présidente: Si nous pouvions revenir au projet de loi.
Mme Di Carlo: Je parle du projet de loi. Ce gouvernement, cette institution politique qui nous régit, est créé par la loi électorale, parallèlement à notre Constitution. C'est la loi électorale qui donne naissance à notre gouvernement.
Je dis donc qu'il faut rejeter le projet de loi C-2 et s'attaquer au problème réel du Canada. Sinon, le mécontentement politique continuera à régner, ce qui ne présage rien de bon pour l'avenir du Canada.
La présidente: Merci beaucoup. Je vous remercie tous d'être venus et d'avoir eu la patience de rester avec nous si longtemps et si tard.
La séance est levée.