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PARK

Sous-comité sur le développement économique des Autochtones relativement aux parcs nationaux du Nord

 

Délibérations du sous-comité sur
Le développement économique des autochtones
relativement aux parcs nationaux du Nord

Fascicule 2 - Témoignages de l'après-midi


Reprise des travaux du comité.

Le sénateur Charlie Watt (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Mesdames et messieurs, nous accueillons des représentants d'Équipe Canada -- Tourisme autochtone et de la Commission canadienne du tourisme.

Bienvenue.

Mme Virginia Doucett, directrice générale, Équipe Canada -- Tourisme autochtone: Honorables sénateurs, «Kwe, Kse», je vous salue dans la langue de ma Première nation. Je crois savoir que vous allez bientôt entreprendre plusieurs voyages dans le Nord, dont les détails me sont venus à l'oreille. Je crois comprendre que la séance d'aujourd'hui a pour but d'obtenir une perspective nationale sur les parcs du Nord et sur les relations avec les Autochtones, et c'est pourquoi j'aborderai la question dans cette optique plutôt que de me limiter aux des parcs du Nord.

J'aimerais d'abord vous présenter brièvement notre organisme, pour que vous connaissiez notre origine, après quoi je ferai un bref survol de l'industrie. M. Jackson, de la Commission canadienne du tourisme, entrera dans les détails. Je parlerai du tourisme autochtone spécifiquement dans le contexte de l'industrie canadienne. Je reprendrai également des commentaires et observations que nous avons déjà présentés à d'autres tribunes sur les relations avec les peuples autochtones, sur les parcs et sur les débouchés économiques.

Nous sommes une association nationale de tourisme autochtone et nous formons un partenariat avec l'industrie touristique et avec le gouvernement. Notre mission, c'est d'élaborer des politiques et des programmes de tourisme à l'intention des peuples autochtones du Canada et de leur imprimer notre marque. Notre conseil d'administration compte des représentants du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de Parcs Canada, ce qui illustre le partenariat véritable que nous formons avec le gouvernement. Nous comptons également des représentants du milieu des affaires.

Notre organisme est convaincu que seuls les partenariats nous permettront de créer des débouchés. C'est peut-être un message qu'on vous transmettra tout au long de vos voyages.

Notre organisme est voué à la protection et à la préservation des traditions et du mode de vie autochtone de même que de l'environnement, questions qui vont de pair et ne peuvent être considérées isolément.

Nous avons recensé cinq grands domaines stratégiques où nous avons concentré nos activités. Ces domaines incluent le développement de l'industrie, la sensibilisation de la communauté et le développement des capacités, la commercialisation, le développement des ressources humaines et, bien sûr, nos propres activités de communication.

Ce n'est pas la première fois que notre association s'intéresse à l'aspect activités des parcs. Ainsi, notre présidente, Sandra White, qui représente la Colombie-Britannique, a été invitée l'an dernier à participer à une réunion des sous-ministres des ministères fédéral et provinciaux des Parcs pour discuter du rôle des peuples autochtones et de leurs relations avec les gouvernements ainsi que des débouchés économiques offerts par les parcs. Par après, notre présidente a été conviée à la récente conférence fédérale-provinciale des ministres des Parcs qui s'est tenue à Iqaluit au mois d'août dernier, conférence portant, là encore, sur les peuples autochtones, les obstacles à franchir et les relations entre eux et les parcs.

Pour l'instant, nous travaillons activement de concert avec Parcs Canada à la préparation de la table ronde de la ministre Copps sur le tourisme autochtone, qui doit se tenir à la mi-novembre. Vous voyez donc que nous ne sommes pas des inconnus pour les gens des parcs et que nous avons cherché plutôt activement à accroître la sensibilisation.

Passons maintenant à l'industrie touristique. Je tiens à signaler que lorsque nous parlons de tourisme autochtone, nous ne parlons pas de tourisme culturel autochtone. Les Autochtones sont partie prenante dans toute la chaîne des activités touristiques. Nous devons donc faire comprendre à tous que les Autochtones prennent part à toute la gamme des activités, depuis les déplacements jusqu'au tourisme culturel, en passant par le transport, le logement, l'alimentation, les pourvoiries et le plein air, la chasse et la pêche, les attractions et l'écotourisme. Certaines de ces activités sont un prolongement logique des parcs nationaux, alors que d'autres sont en conflit avec certaines politiques des parcs nationaux.

Le tourisme est la plus grande industrie au monde et sa valeur est évaluée à 4 billions de dollars.

Le sénateur Cochrane: À l'échelle nationale?

Mme Doucett: Non, à l'échelle mondiale. Le tourisme est l'industrie la plus importante au monde, à l'échelle de la planète.

Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous parler de régions plus spécifiques?

Mme Doucett: J'essaie de placer la question du tourisme dans son contexte. Le tourisme est la plus grande industrie au monde. C'est une des plus grandes industries du Canada; elle injecte des recettes importantes dans les coffres du gouvernement. Elle représente aussi une part importante du PIB, et je pourrai vous donner les chiffres.

Pour vous permettre de comparer, sachez que l'industrie du tourisme au Canada représente quelque 51 milliards de dollars. D'après nos sources dans plusieurs ministères, et notamment au ministère des Affaires indiennes et du Nord et à Industrie Canada, l'industrie du tourisme autochtone se chiffre à quelque 270 millions de dollars, ce qui représente un demi de 1 p. 100 de l'industrie du tourisme au Canada. Par conséquent, nous ne sommes pas à l'heure actuelle un protagoniste de taille, ce qui montre que nous ne participons pas au niveau qui pourrait être le nôtre. Si les Autochtones avaient dans l'industrie touristique une part correspondant à leur pourcentage démographique, cette industrie représenterait pour eux 9 milliards de dollars et emploierait jusqu'à 40 000 personnes. Or, il n'y a actuellement que quelque 16 000 Autochtones employés dans le secteur touristique, dont environ la moitié occupent des emplois saisonniers. Nous ne profitons donc pas pleinement de toutes les possibilités qui s'offrent à nous dans une des industries les plus importantes au Canada et l'une de celles qui croît le plus rapidement. Le tourisme est une industrie fortement axée sur les gens, et elle offre de multiples occasions d'emploi. Nous croyons que le tourisme offre des perspectives très intéressantes pour les Premières nations, les Inuits et les Métis. De plus, ne serait-ce qu'en termes de géographie, bon nombre de ces occasions d'emploi se trouvent près des parcs ou à l'intérieur de ceux-ci.

Il y a beaucoup d'enjeux qui entourent la participation des Autochtones dans l'industrie du tourisme, particulièrement pour ce qui est des avantages qui découlent de la présence des parcs. On parle ici des avantages habituels que sont la formation, le développement des compétences, et le développement de certaines ressources humaines dont on a besoin partout.

En ce qui concerne les parcs, il y a deux domaines dont il faudrait parler de façon très ouverte. Il y a d'abord celui des communications. Je ne saurais sous-estimer l'importance des communications entre les communautés et l'administration des parcs, au niveau local. On a fait état de problèmes, dont certains remontent à il y a longtemps. Sans communication, de nombreux projets ne verront pas le jour. Nous ne disposerons pas de la compréhension culturelle requise, laquelle est importante particulièrement en ce qui concerne le rapport des communautés à la terre. Je parle ici de la notion de paysage culturel et du sentiment d'appartenance qui est si important pour les communautés.

Il est important de comprendre qu'une communication régulière et fructueuse débouche sur l'ouverture et le respect. Ce genre de communication est à la base même de bonnes relations de confiance entre les communautés et les administrateurs des parcs.

La communication permet également à la communauté de prendre part directement à l'aménagement et à la gestion des parcs. En dernière analyse, c'est ce qui facilite les partenariats et en fait une réussite. Encore une fois, on en revient aux «partenariats».

À notre avis, la communication n'est possible que si le personnel des parcs a l'appui de la haute direction et de ceux qui sont en place, dans la mesure où ces derniers prennent le temps nécessaire pour s'intéresser à la culture locale et pour se familiariser avec les anciens, les chefs et les membres de la communauté. C'est là que commence la relation.

Les Autochtones ont eux aussi le devoir d'être réceptifs. À ce que nous sachions, ils le sont. Ils sont disposés à partager leurs valeurs et leur culture et à travailler de concert avec le personnel des parcs.

En second lieu -- et j'aborde maintenant plus directement votre mandat -- je voudrais signaler que l'expérience des Autochtones dans les parcs comporte un élément temporel. En effet, nous constatons qu'il y a une différence entre un parc plus ancien et un nouveau parc en ce qui concerne le lien qui existe entre les communautés, d'une part, et les possibilités de développement économique, d'autre part. Or, tout cela dépend en réalité des attitudes qui sont à la mode du jour. À l'époque où de nombreux parcs ont été établis dans le Sud, il n'était pas coutume, au moment de l'ouverture du parc, d'aller rencontrer les Autochtones dont le territoire se situait dans le parc, voire de les consulter. Cette pratique a d'ailleurs causé parfois de la tension. On parle ici d'une démarche évolutive, et d'accès à une utilisation traditionnelle des terres à l'intérieur des parcs qui a été limitée, voire interdite.

Il existe un excellent rapport concernant le parc national du Mont-Riding. Il a été rédigé en collaboration avec les responsables du parc et ceux de la Société de développement économique régional de l'Ouest. Le rapport traite des questions dont je viens de parler, dans le contexte particulier du parc national du Mont-Riding. Il contient des pistes très valables à l'égard de ces questions. Si vous le souhaitez, ce rapport peut être mis à la disposition des honorables sénateurs.

Pour les parcs de création plus récente, l'approche est différente. Nous constatons désormais un désir sincère d'établir des ponts et d'assurer la participation des peuples autochtones. Nous applaudissons donc les efforts des responsables des parcs à cet égard.

Cependant, ici encore, il convient d'établir de bonnes communications, à l'échelle locale, pour que les choses se concrétisent. Pour les parcs plus anciens, il y a encore du rattrapage à faire. Nous estimons qu'une approche plus proactive est nécessaire pour résoudre certains problèmes qui existent depuis longtemps. Cela commence à se faire, et nous en sommes fort heureux.

Bon nombre des parcs du Nord sont de création plus récente et sont situés dans des régions habitées surtout par des Autochtones. Nous constatons donc que la situation a changé. On participe beaucoup plus à la création des parcs.

Cependant, j'estime qu'il faut continuer à améliorer les rapports entre les autorités des parcs et la communauté autochtone. Il importe d'insuffler à nouveau un esprit de dignité à la gestion des parcs, pour que les Autochtones touchés par toute politique visant l'accès et l'utilisation. Il est nécessaire de modifier, par voie de négociation, les politiques qui ont un effet néfaste dans ce contexte. Je pense ici à l'application de droits, de conditions d'accès, et cetera.

Enfin, il faut définir des possibilités de partenariat et d'activités susceptibles d'être profitables aux deux parties.

Voilà l'essentiel de ce que j'avais à dire. Nous avons formulé des recommandations à l'intention des ministres du fédéral et des provinces pour ce qui est de l'examen des politiques, l'objectif étant de déterminer quelles politiques constituent des irritants et comment aborder les problèmes.

Pour terminer, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de vous adresser la parole aujourd'hui. Permettez-moi de dire qu'Équipe Canada -- Tourisme autochtone accorde son plein appui aux efforts visant à améliorer les activités autochtones dans les parcs du Nord.

M. Murray Jackson, vice-président, Développement des produits, Équipe Canada -- Tourisme autochtone: Honorables sénateurs, la CCT est un organisme de service spécial faisant partie d'Industrie Canada. Elle a été créée en 1995 à titre de partenariat entre le gouvernement fédéral et l'industrie canadienne du tourisme.

Essentiellement, notre mandat consiste à optimiser le potentiel du Canada comme destination touristique. Nous sommes essentiellement une organisation de commercialisation, mais nous participons également à des activités de développement de produits, de recherche, et à d'autres activités visant à faciliter la prise de décisions dans le secteur touristique par un apport d'informations utiles.

Comme je l'ai dit, la CCT a été créée comme partenariat. Tout d'abord, le gouvernement fédéral a affecté 50 millions de dollars à la Commission, mais à la seule condition que l'industrie assure un financement au moins équivalent. Étant donné que nous avons réussi à obtenir du secteur du tourisme les engagements correspondants, au-delà des 50 millions de dollars prévus au départ, notre budget a augmenté par deux fois au fil des années. Nous recevons à l'heure actuelle 75 millions de dollars du gouvernement fédéral. Forts de cette somme, nous nous attendons à attirer environ 85 millions de dollars en engagements de la part des intervenants de l'industrie touristique.

Comme nous l'a laissé entendre Mme Doucett, le tourisme occupe une place de premier plan dans l'économie du Canada, étant donné que les dépenses totales en matière de tourisme ont atteint un niveau record de 50,1 milliards de dollars en 1999. Pour le Canada, le tourisme représente 524 000 emplois. J'ai cru opportun de vous fournir une brochure que nous venons tout juste de publier, en collaboration avec Statistique Canada. Elle contient un certain nombre de données et de faits. Il s'agit d'un aide-mémoire utile. J'en laisserai donc un certain nombre d'exemplaires auprès de votre greffière.

Les parcs nationaux du Canada comptent pour une part importante dans l'attrait qu'exerce le Canada auprès des touristes. Nous travaillons de près avec les responsables des parcs dans diverses régions du pays. Cependant, j'aimerais dire au départ que l'accent a plutôt tendance à être mis sur les parcs du Sud que sur ceux du Nord -- ces derniers constituant l'objet principal des audiences auxquelles nous participons. Les parcs du Sud sont réputés partout dans le monde. Ils sont certainement plus accessibles aux visiteurs de l'étranger, et ils se sont dotés d'infrastructures en matière de logement et de restauration, de services de voyagistes, tous des services qui attirent le voyageur venu de l'étranger.

Le produit touristique autochtone constitue également un élément important de l'offre touristique du Canada. Nous estimons que la façon la plus efficace de vendre un tel produit consiste à l'intégrer à l'offre touristique canadienne dans son ensemble. J'ai apporté des échantillons de notre guide du tourisme intérieur, à titre d'illustration de l'approche que nous préconisons. Ce guide est distribué au Canada aux Canadiens qui demandent des renseignements touristiques. Au lieu de rédiger un guide distinct pour les produits autochtones, nous avons intégré à chaque section par province des renseignements sur un certain nombre de produits touristiques autochtones regroupés sous la rubrique «Un patrimoine à vivre». Au lieu de produire une brochure à tirage restreint qui exigerait un programme de commercialisation tout à fait différent, nous jugeons préférable d'intégrer le produit autochtone à toutes nos activités de commercialisation générales. Nous avons ainsi prévu une rubrique «Un patrimoine à vivre» dans chacune des sections par province des guides.

Le sénateur Cochrane: Quel organisme se charge de la distribution de ces brochures?

M. Jackson: La Commission canadienne du tourisme.

Le sénateur Cochrane: Sont-elles distribuées au Canada seulement, ou bien aux États-Unis également?

M. Jackson: Celles-là sont destinées au Canada seulement. Nous produisons des guides pour tous les grands marchés du monde.

Le sénateur Cochrane: Si vous les produisez pour tous les grands marchés du monde, les distribuez-vous dans des pays autres que le Canada?

M. Jackson: En effet. Le guide que nous produisons pour la France, par exemple, est différent de celui que nous distribuons au Canada. Il en va de même de celui que nous produisons pour le marché des États-Unis.

Le sénateur Cochrane: C'est le cas des États-Unis qui m'intéressait tout particulièrement. En distribuons-nous aux États-Unis?

M. Jackson: C'est une autre version, mais l'idée est la même.

En bref, nous annonçons un numéro 800 que peuvent composer les personnes qui souhaitent obtenir davantage de renseignements pour voyager au Canada. Nous appelons cela, dans notre jargon, des trousses d'information. Elles servent à répondre aux besoins des consommateurs qui sont à la recherche d'une information plus poussée.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous me dire, plus précisément, où ces dépliants sont distribués aux États-Unis?

M. Jackson: Ils sont distribués selon les appels reçus au numéro 800 de la part de consommateurs qui souhaitent obtenir des renseignements au sujet du Canada. Nous les distribuons également à l'occasion de foires commerciales et d'autres événements auxquels participent des représentants du secteur touristique du Canada.

L'idée à retenir, c'est que nous choisissons d'intégrer nos produits touristiques autochtones à l'effort général de commercialisation plutôt que de lui consacrer un programme de commercialisation distinct.

À l'heure actuelle, nous affectons 800 000 $ à la promotion et au développement des produits touristiques autochtones. Dans ce cadre, nous recherchons des occasions de partenariat, ce dont Mme Doucett vous a déjà parlé et au sujet desquelles je vais vous en dire plus à l'instant.

Trois observations s'imposent tout d'abord concernant les activités de la CCT et nos activités de mise en valeur des produits touristiques autochtones. Tout d'abord, il convient de définir en quoi consistent les produits touristiques autochtones. À cet égard, notre définition est assez différente de celle qu'on vous a donnée plus tôt. Selon nous, les produits touristiques autochtones sont ceux qui comportent une nette composante culturelle autochtone. Par exemple, l'hôtel ou l'agence de tourisme qui appartient à des intérêts autochtones mais qui ne comporte aucun élément culturel autochtone distinct qui s'imposerait à l'évidence au visiteur ne fait pas partie de ce que nous considérons comme étant le marché des produits touristiques autochtones. Nous mettons l'accent sur les entreprises de propriété autochtone qui fournissent une expérience culturelle autochtone distincte.

Le président suppléant: Ne s'agit-il pas là de distinctions quelque peu subtiles?

Mme Doucett: Par rapport à l'ensemble du secteur autochtone, la CCT s'intéresse à un élément ou à un domaine, à savoir celui que recherche le marché.

M. Jackson: Évidemment, toute entreprise de propriété autochtone qui n'offre pas une composante culturelle distincte peut participer aux programmes de la CCT. Cependant, elle doit le faire au même titre que toute autre entreprise du secteur touristique. Il n'y aura pas lieu de souligner le caractère autochtone d'une telle entreprise à moins qu'elle ne fournisse un produit distinct susceptible d'intéresser le touriste. Supposons par exemple qu'une bande indienne soit propriétaire d'un motel de la chaîne Super 8. Il ne nous semblerait pas opportun de faire valoir cet investissement comme étant représentatif des traditions autochtones du Canada ou comme étant un produit à contenu autochtone.

Le président suppléant: Nous pourrions ne pas être nécessairement d'accord.

M. Jackson: Bien entendu, lorsque nous parlons du tourisme autochtone, nous parlons surtout d'une forme de tourisme qui présente une composante culturelle bien distincte, mais il faut reconnaître qu'un certain nombre d'entreprises du secteur touristique qui appartiennent à des Autochtones n'ont pas cette composante culturelle. Comme je l'ai dit, elles participent à divers programmes promotionnels que nous offrons, mais elles ne sont pas spécialement désignées comme autochtones.

C'est une façon de voir les choses qui diffère de celle d'Équipe Canada -- Tourisme autochtone. Elle est également différente de celle qui est utilisée par Entreprise autochtone Canada ou les autres ministères fédéraux qui tiennent compte avant tout de la propriété autochtone, quelle que soit la nature des activités de l'entreprise.

La deuxième question que je voudrais aborder concerne la préparation des produits touristiques autochtones pour le marché. Comme pour les autres secteurs moins développés de l'industrie touristique canadienne, nous constatons qu'un grand nombre d'entreprises autochtones n'atteignent pas encore les normes de l'industrie en ce qui concerne la qualité du service, la fiabilité, l'uniformité, et cetera. Pour cette raison, le travail que nous accomplissons avec la communauté autochtone pour le moment porte davantage sur ce que nous appelons le «développement de l'offre» que sur la commercialisation.

Le développement de l'offre comprend tout un éventail d'activités telles que l'organisation de colloques et d'ateliers, le partage de pratiques exemplaires et la production d'une documentation qui permet aux exploitants autochtones de mieux comprendre ce qu'ils doivent faire pour réussir dans le tourisme. Il y a déjà certains produits prêts pour le marché -- et vous trouverez le nom d'entreprises autochtones dans les catalogues que je vous ai remis -- et que nous commercialisons, mais pour ce qui est des produits autochtones, la plupart de nos efforts sont actuellement centrés sur le développement de l'offre.

En troisième lieu, je soulignerais que la Commission canadienne du tourisme travaille dans le cadre d'un partenariat. Nous n'accordons pas de subventions. Si nous investissons de l'argent dans un programme, il faut que des fonds de contrepartie proviennent d'autres sources. Nous préférons généralement que ces fonds viennent du secteur privé. Ce sont les engagements financiers du secteur privé qui permettent de vraiment savoir si l'industrie touristique soutient notre action.

Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une contrainte dans le cas des entreprises autochtones étant donné qu'elles sont relativement peu nombreuses à disposer des moyens financiers voulus pour apporter les fonds de contrepartie requis. En conséquence, nous comptons souvent sur d'autres organismes gouvernementaux pour assurer une bonne partie du financement. Nous avons d'ailleurs travaillé en collaboration étroite avec Équipe Canada -- Tourisme autochtone, au cours des deux dernières années, pour voir quels étaient les projets que nos deux organismes pouvaient soutenir et qui allaient accroître au maximum le potentiel du tourisme autochtone au Canada.

Voilà ce que j'avais à dire. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Andreychuk: Il a été utile de vous entendre tous les deux. En ce qui concerne les parcs du Nord, je crois qu'il serait nécessaire d'y développer le tourisme. Je suis originaire de la Saskatchewan où nous avons essayé de développer le tourisme et de concurrencer d'autres centres. Il ne s'agissait pas de tourisme autochtone, mais l'isolement était le même et il est extrêmement coûteux d'affronter la concurrence lorsqu'on a un petit marché. Par exemple, pour ce qui est des possibilités de chasse, les gens vont toujours dans le nord de l'Ontario parce qu'ils peuvent facilement se rendre à Toronto, prendre un avion, louer une camionnette à leur arrivée et se retrouver rapidement en pleine nature. Les possibilités de déplacement sont plus nombreuses du côté des compagnies aériennes, des routes desservies, et cetera. L'un de vous a-t-il examiné les mesures qu'il faudrait prendre pour accroître le tourisme dans le Nord? Cela exigera évidemment davantage de travail et de compréhension de la part des partenaires autochtones. Est-il nécessaire d'envisager une autre forme de soutien gouvernemental pour surmonter certains des obstacles physiques de même que les obstacles financiers qui s'opposent au tourisme dans le Nord?

M. Jackson: Les deux sont étroitement reliés et c'est donc «l'oeuf et la poule». Il est bien entendu que pour attirer suffisamment de touristes, il faut une infrastructure. Je veux parler de tout ce dont un visiteur a besoin pour se rendre d'Ottawa vers le Grand Nord, c'est-à-dire un accès aérien, des routes et un hébergement hôtelier. De plus en plus, nous cherchons à obtenir tout le confort de notre foyer, même dans les lieux les plus éloignés. Nous voulons pouvoir vivre dans la nature pendant la journée, mais prendre un bain chaud et un bon repas à la fin de la journée. Il est très difficile de trouver quelqu'un qui fournira le financement nécessaire pour développer cette infrastructure. C'est un processus très lent et très graduel.

Pour ce qui est du Nord, il ne faut pas non plus oublier qu'il s'agit d'un environnement relativement fragile. Il s'agit de voir s'il est vraiment souhaitable de faire venir des milliers de visiteurs dans certains parcs du Nord ou si on n'irait pas à l'encontre des objectifs visés. Le touriste idéal pour ce genre de parcs est la personne qui veut vivre en pleine nature et qui ne s'attend pas à tout le confort dont je viens de parler. Je crois que ce type de confort s'adresse au marché touristique grand public. Je considère que le Nord s'adresse à un groupe différent, plus limité et plus spécialisé, à un groupe plus résistant, de voyageurs qui ne recherchent pas nécessairement tout le confort de leur foyer.

Néanmoins, comme ils représentent un groupe beaucoup plus limité, nos investissements et nos activités promotionnelles ne seront pas vraiment dirigés vers eux, car nous envisageons les choses dans une optique nationale comme celle dont Mme Doucett a parlé. Si vous décidez d'envoyer 500 visiteurs dans un parc du Nord plutôt que plusieurs milliers vers une autre région beaucoup plus accessible, vous ne pouvez pas le faire sans avoir tenu compte de vos options sur le plan de l'investissement à faire.

Le sénateur Andreychuk: Avant que Mme Doucett ne réponde, en ce qui concerne le Nord, et le nord de la Saskatchewan, par exemple, j'ai toujours pensé que le tourisme devrait y être ciblé. Si l'on s'adressait au grand public, les attentes augmenteraient. Par conséquent, les touristes viendraient répondre à ces attentes, mais on oublierait la clientèle habituelle.

Avez-vous élaboré des stratégies s'adressant à un type de touriste bien précis? Ou prévoyez-vous une approche assez générale pour le tourisme dans le Nord et dans les parcs?

M. Jackson: Notre stratégie reconnaît l'existence de plusieurs segments du marché et nous avons des programmes qui s'adressent à chacun de ces segments. J'ai eu l'occasion de visiter le parc national de Prince-Albert il y a trois semaines environ. C'est une région qui présente certainement un énorme potentiel et qui est relativement accessible à partir de Saskatoon. Mais c'est très différent du Grand Nord.

Pour le moment, notre stratégie ne consacre pas énormément de ressources aux régions situées au nord du 60e parallèle. Nous nous tournons vers les grandes villes et tout un éventail d'expériences touristiques, mais pour ce qui est de nos marchés cibles, il n'est pas nécessaire d'aller au nord du 60e parallèle pour vivre en contact avec la nature canadienne. Nous essayons de développer le tourisme dans les endroits plus accessibles où il y a déjà une bonne infrastructure plutôt que dans les grandes étendues vertes ou devrais-je dire les grandes étendues blanches du Grand Nord.

Mme Doucett: Une bonne partie des Territoires du Nord-Ouest et des territoires du Nord collaborent avec la CCT et sont représentés dans la documentation. Néanmoins, c'est surtout à l'occasion des foires commerciales internationales que leur promotion est la plus efficace. C'est pour eux l'occasion de présenter leur région à un auditoire qui s'intéresse particulièrement au Nord. Nous privilégions ce moyen promotionnel au lieu de dépenser des ressources importantes pour essayer de définir tel ou tel créneau. De plus, les territoires produisent leur propre matériel publicitaire qui est également présenté dans ces foires commerciales.

Il existe un problème sérieux d'accès au produit disponible. Je vous cite l'exemple de la province que représente le sénateur, où il y a eu une baisse considérable des vols à destination de Saskatoon suite à la fusion des deux compagnies aériennes. Je crois qu'il existe plus de 300 pourvoyeurs dans le nord de la Saskatchewan; la capacité actuelle ne pourrait pas fournir un client par gîte pour la durée de la saison estivale. Ils vont donc ailleurs. Dans une optique nationale, il est vrai qu'ils vont visiter d'autres endroits au Canada; mais, pour le nord de la Saskatchewan, cela représente quand même une perte importante et une question qui mérite d'être examinée. Il y a des enjeux entourant l'accès, surtout pour les endroits moins peuplés, où l'industrie est relativement peu importante. C'est le cas de la Saskatchewan.

Dans le Nord, les revenus sont encore modestes; ils ne sont même pas représentés dans les pourcentages de revenus. Le Yukon -- notamment la région de Whitehorse -- a fait un travail excellent pour améliorer l'accès aérien. Il y avait autrefois un problème d'itinéraire; cependant, il est maintenant possible de faire un arrêt sans escale puisqu'il y a plusieurs avions qui y atterrissent tous les jours. De plus, ils sont dotés d'une infrastructure qui leur permet d'accueillir un plus grand nombre de voyageurs -- en l'occurrence, la route de l'Alaska.

Au Nunavut, l'accès revêt un caractère tout à fait différent. Comme vous le savez, l'accès se fait surtout par la voie des airs. Il n'y a pas de routes. Le coût de développement de l'infrastructure est astronomique. Les frais d'exploitation pour l'hébergement sont énormes. La clientèle cible serait disposée à payer, mais il faut quand même pouvoir s'y rendre. Nous disons, au sujet de ceux qui seraient prêts à verser ces sommes importantes, qu'ils sont peu nombreux, mais que le rendement est énorme. Je crois que les Européens en formeraient la grande majorité, bien que les Japonais se rendent maintenant dans le Grand Nord. Tout cela soulève à d'autres préoccupations. Les responsables des parcs sont très conscients de certaines questions entourant la sécurité et d'autres éléments dont il faut tenir compte dans l'élaboration d'un programme pour attirer les touristes.

Le sénateur Andreychuk: Pour revenir à ce que vous venez de nous dire, je sais que ces difficultés existent en ce moment. Cependant, il suffit de constater que là où on a fait des efforts pour attirer les visiteurs, on a toujours réussi à les attirer. Le marché est en expansion. Les gens se déplaceront de plus en plus souvent à la recherche d'endroits de plus en plus parfaits.

Avez-vous une idée à long terme quant aux limites de ce marché, aux signaux qui nous indiqueraient à quel moment ce genre de tourisme pourrait avoir un effet destructeur sur l'environnement et la population qui le soutient?

Mme Doucett: Nous n'avons aucune indication claire. Nous cherchons plutôt à mettre sur pied cette industrie à différents endroits ainsi qu'à créer des partenariats. Selon nous, il n'y a aucune limite à la capacité. Plus il y a de capacité, plus il y aura d'Autochtones qui y participeront.

Bien entendu, chaque parc peut déterminer la capacité limite à sa façon. Cela ne relève pas de notre compétence. Nous voulons faire participer l'industrie autochtone afin de permettre à leur population d'en profiter.

Il existe sans doute une limite à la capacité et je crois qu'il revient à Parcs Canada d'en faire la détermination. Du point de vue du marketing, je ne crois pas que cela existe. Selon nous, il n'y en a pas.

M. Jackson: Pour ce qui est des politiques, il ne faut pas oublier qu'il y aura des compromis à faire, si nous voulons assurer un développement économique important en offrant des occasions d'emploi dans le secteur du tourisme dans le Grand Nord. Si nous voulons conserver l'intégrité et des parcs et de l'environnement, j'estime que la possibilité de développement économique et de création d'emplois serait quelque peu limitée. Il faut que le tout soit équilibré.

Le sénateur Andreychuk: Vous faites la distinction entre les parcs en général et le Nord en particulier. Je sais, par exemple, que le nombre de touristes qui se rendent à Yellowknife a beaucoup augmenté depuis l'époque où j'y allais moi-même. Il semble qu'ils sont maintenant très nombreux à affluer à Yellowknife pour y admirer les aurores boréales et voir à quoi ressemble le Nord. Il s'agit là d'une optique tout à fait différente de celle des parcs et des mesures de protection qui doivent être prises. Vous faites cette distinction, si je vous ai bien compris.

M. Jackson: Oui. Dans le cas de Yellowknife, Whitehorse et Dawson, on trouve certainement une infrastructure touristique. Ces villes ont connu un développement économique assez important et pourraient accueillir bien plus de visiteurs. Le service de transport aérien y est assez bon. Cependant, dans les parcs plus isolés, il y a à mon sens une contradiction entre le souci de préserver les parcs de manière à les conserver à toutes fins utiles dans leur état actuel et le désir d'attirer les visiteurs en grand nombre avec toutes les retombées économiques qui en découleraient. Il faut être conscient de la nécessité d'équilibrer les deux. La durabilité est un des principes fondamentaux qui guident notre activité à la Commission canadienne du tourisme.

Le sénateur Cochrane: Vous avez parlé de communication entre Parcs Canada et divers groupes. Que pensent les Autochtones de ce que vous avez dit au sujet de la contradiction entre le souci de préserver les parcs et le désir d'accroître les possibilités d'emploi dans leurs collectivités? Quel est leur point de vue? Préféreraient-ils qu'il y ait davantage de développement économique dans les limites de leurs parcs, ou en périphérie de ces parcs, ou préféreraient-ils les préserver à l'état vierge?

Mme Doucett: Je ne prétends pas parler au nom de tous les Autochtones du Canada, mais les propos que j'ai rapportés étaient ceux des collectivités autochtones locales dans les discussions qu'elles ont eues avec Parcs Canada. Pour ces collectivités, le développement économique est important, mais elles envisagent aussi d'autres moyens d'assurer ce développement. Pour elles, le développement économique peut se faire sous diverses formes qui ne sont pas expressément liées au tourisme. Ainsi, elles pourraient souhaiter que le développement passe par d'autres activités, comme le développement et l'exploitation des ressources ou encore la chasse et la pêche de subsistance.

Il semble -- et c'est là ce que nous tentons de vous faire comprendre -- que le fait de créer et d'exploiter les parcs sans que les collectivités autochtones locales y participent dès le départ conduise généralement à un climat où la communication entre les deux parties devient inexistante. Les Autochtones se trouvent exclus des possibilités de développement économique, de formation et d'emploi découlant éventuellement de l'aménagement des parcs en question.

En outre, on trouve à l'intérieur des parcs qui englobent des terres traditionnelles des lieux qui ont une importance traditionnelle, et c'est là quelque chose que les non-Autochtones peuvent avoir beaucoup de mal à comprendre. Il ne s'agit pas simplement de considérations économiques ou de préservation des terres à l'état vierge. Je ne crois pas me tromper en disant que l'intention n'est pas de détruire ou d'altérer les terres, mais bien de s'y livrer à des activités traditionnelles. Dans certains cas, ces utilisations vont à l'encontre de la politique de l'aménagement du territoire de Parcs Canada.

De nombreuses considérations entrent en ligne de compte. Il y a notamment les débouchés économiques liés à la gestion et à l'administration des parcs et les emplois qui en découlent de même que la possibilité de poursuivre les activités traditionnelles dans les limites des parcs. L'accès est un autre élément qui entre en ligne de compte. Le sujet de plainte le plus fréquent de la part des Autochtones avec qui j'en parle, c'est le fait d'avoir à payer chaque fois des droits d'entrée pour se rendre dans un parc dans lequel se trouvent leurs terres traditionnelles.

Des problèmes de ce genre se sont posés dans le cas des parcs qui existent déjà depuis un certain temps. Dans le cas des nouveaux parcs, les collectivités autochtones locales qui sont touchées par la création du parc en question ont droit à une participation beaucoup plus importante.

J'espère avoir répondu à votre question. Je ne peux pas vous dire que c'est ceci ou cela qui est important; il y a diverses considérations qui entrent en ligne de compte.

Le sénateur Cochrane: Nous allons devoir poser la question aux groupes eux-mêmes quand nous les entendrons.

Mme Doucett: Chacun aura son point de vue. C'est pourquoi j'ai dit que je ne pouvais pas parler au nom des Autochtones. Je peux simplement vous dire que ce sont là certains des problèmes dont nous avons eu connaissance.

Le sénateur Cochrane: J'ai cru comprendre d'après ce que nous ont dit certains des témoins que nous avons entendus ce matin que les Autochtones avaient un certain rôle à jouer dans la prise de décisions.

Mme Doucett: C'est effectivement le cas ces dernières années. Je disais en fait qu'il y avait toujours un certain rattrapage à faire du côté de certains des parcs plus anciens, qui ont été créés sans la participation des Autochtones. Je songe notamment aux parcs plus anciens du sud du Canada. Il y a des problèmes à Banff, comme au Mont-Riding. Il y a aussi des problèmes à Wood Buffalo auxquels on s'est attaqué et qui sont en voie d'être réglés.

Dans le cas des nouveaux parcs -- et l'expérience du Nord est particulièrement pertinente puisque c'est là où beaucoup des nouveaux parcs sont en train d'être créés, on constate que les Autochtones participent à leur création dès le départ, comme je l'ai dit. La différence est frappante.

Je ne veux pas surestimer l'importance économique des parcs pour ce qui est du type d'avantages économiques que pourront en tirer les Autochtones. Tout dépend du rôle qu'ils pourraient jouer en qualité d'interprètes de leur culture et de la qualité de l'interprétation qui est faite de la culture autochtone locale.

Le sénateur Cochrane: Tout à fait. Je dois vous dire que j'ai trouvé votre magazine formidable. Avez-vous une idée du nombre d'appels que vous avez reçus de personnes, non pas seulement au Canada, mais aux États-Unis par exemple, qui souhaitaient le recevoir?

M. Jackson: Le tirage était de 300 000 numéros, dont environ 75 000 exemplaires français et 225 000 exemplaires anglais. Mme Doucett pourra rétablir si je me trompe. Elle a déjà travaillé à la Commission canadienne du tourisme, où elle s'occupait de notre programmation nationale.

Aux États-Unis, nous diffusons notre information sous plusieurs formes différentes. Le nombre de documents que nous envoyons à ceux qui doivent appeler pour les demander serait de l'ordre de 250 000. Nous produisons aussi, dans un certain nombre de grandes villes, des encarts qui sont insérés dans les quotidiens. Nous aurions ainsi un auditoire de plusieurs millions si l'on fait le total des tirages de tous ces quotidiens.

Le sénateur Cochrane: Vos statistiques sur le tourisme vous permettent-elles de détecter un accroissement du nombre de ceux qui visitent le Nord par suite de cette information que vous diffusez? Cherchez-vous à faire des analyses de ce genre?

M. Jackson: Oui. Je dois vous dire que nous n'avons pas de statistiques là-dessus. Quand je parle du Nord, j'inclus tout le territoire compris dans les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut, par opposition aux parcs en tant que tels qui sont l'objet de votre étude. Je n'ai pas de données là-dessus.

Nous constatons un accroissement de l'activité touristique dans toutes les régions du Canada. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral appuie les efforts de notre industrie, les retombées économiques étant réparties à la grandeur du territoire canadien.

Le président suppléant: Vous avez parlé de deux rapports, le rapport sur le parc national du Mont-Riding et le rapport de 2000 des ministres des Parcs au niveau fédéral et provincial.

Mme Doucett: Je ne crois pas avoir fait mention d'un rapport.

Le président suppléant: Y a-t-il un rapport?

Mme Doucett: Il y a un rapport qui a été rédigé par le groupe fédéral-provincial chargé d'étudier le développement touristique et les zones protégées. C'est le rapport qui a été rédigé en vue de la réunion qui a eu lieu à Iqaluit. Nous en avons un exemplaire. Je ne pense pas qu'il soit confidentiel. Nous pouvons sans doute le mettre à votre disposition.

Le président suppléant: Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir l'envoyer à notre greffière.

Mme Doucett: Il y a aussi le rapport qui a été rédigé par Parcs Canada, notamment sur le Mont-Riding, et la Société de développement économique régionale de l'Ouest. Je vais essayer d'en obtenir un exemplaire. Je ne promets toutefois rien du côté de la qualité, parce que ma photocopieuse n'est pas très bonne.

Le président suppléant: Je crois qu'on trouve aussi d'autres renseignements dans le guide régional des entreprises touristiques, qui vise à faire une évaluation du marché afin d'aider ces entreprises.

Mme Doucett: C'est un guide de planification à l'intention des entreprises préparé en partenariat avec le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme. Nous avons envoyé ce guide à nos associations autochtones régionales de tourisme pour qu'elles le distribuent aux nouvelles entreprises et aux communautés qui s'intéressent au tourisme. Je peux vous en laisser un exemplaire.

Je vous laisserai également un exemplaire du deuxième numéro de la série. Il porte sur le tourisme culturel. Il aborde en particulier les questions liées à la durabilité, qu'elle soit culturelle, économique ou environnementale. C'est une sorte de questionnaire, une liste de vérification: avez-vous fait ceci? Avez-vous fait cela? À la dernière page, il y a une liste de contacts auxquels s'adresser pour avoir les réponses. Notre intention n'était pas de donner des réponses mais de dresser une liste de questions à vérifier.

Ça vient tout juste de sortir; notre conseil d'administration ne l'a même pas encore vu.

Le président suppléant: Monsieur Jackson, vous dites que selon vous il faudrait faire une petite distinction au niveau des activités, s'agissant de parcs établis dans le Nord ou dans le Sud. On peut tout à la fois être ou ne pas être d'accord avec vous. Est-ce que quelqu'un dans votre ministère, que vous sachiez, a commencé à dresser une liste de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas du point de vue des parcs ou du point de vue du tourisme, de l'écologie ou de l'environnement? Ce sont des points qui pourraient mériter qu'on y revienne plus tard.

Mme Doucett: Si je peux me permettre, je crois que nous avons fixé, si vous voulez, quelques critères s'agissant de tourisme culturel. Il y a toute une partie sur la durabilité portant sur les questions culturelles, économiques et environnementales. Sur des questions comme le recyclage des eaux ménagères, par exemple. Cela vous permet de faire vos propres vérifications, de vous donner, si vous le souhaitez, une note. Ces listes de vérification seraient parfaitement adaptées aux environnements sensibles.

Le président suppléant: Seriez-vous tous les deux favorables à ce que le gouvernement du Canada alloue une certaine somme pour faire un inventaire de la région, pour mesurer le capital risque qui serait nécessaire et aussi pour prendre en compte les coûts de transport? Pour un entrepreneur dans le Nord, le transport est un gros facteur; il absorbe 50 p. 100 des recettes. Le coût ne correspond jamais à un aller simple; il faut le plus souvent le multiplier par deux, si ce n'est plus.

C'est en grande partie dû au fait que les avions qui vont livrer des marchandises dans le Nord la plupart du temps reviennent à vide, empêchant toute possibilité de réduction du coût. Pourriez-vous faire un petit commentaire sur ces trois points?

Mme Doucett: Je n'ai pas très bien compris quand vous avez dit que le coût du transport représentait la moitié des recettes. Je suppose que vous voulez parler de la livraison de marchandises. Le client défraie la compagnie aérienne ou la compagnie d'affrètement de ses coûts. Tous ces coûts sont inclus, y compris le bénéfice, dans le prix de vente.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Watt parle de quelque chose dont nous avons tous deux entendu parler lors d'une réunion du comité des transports qui étudiait la question des fusions. Il veut simplement dire que les compagnies aériennes ne peuvent simplement subsister dans le Nord du transport des passagers, qu'il leur faut transporter suffisamment de marchandises pour que ces vols soient viables. Si ces compagnies ne pouvaient compter que sur le transport de passagers, elles fermeraient boutique.

Le président suppléant: Quoi qu'il en soit, les compagnies aériennes ne font même pas payer la moitié de ce que cela devrait normalement coûter aux passagers. Il n'empêche qu'il est toujours très difficile d'attirer des visiteurs dans le Nord car le prix du transport reste quand même très élevé. Les responsables de ces activités pourraient peut-être négocier des ententes avec les compagnies aériennes. C'est ce qui se fait tout le temps.

Mme Doucett: Ce serait à l'avantage des deux.

Le président suppléant: Ce qu'il m'intéresse de savoir c'est si le gouvernement du Canada en est conscient et prêt à faire un geste financier. Il y a beaucoup de possibilités qui sont freinées par ce problème de transport. C'est une question d'infrastructure car le transport c'est 50 p. 100 de coûts de plus. Seriez-vous favorables à ce que soient faits un inventaire et des études pour déterminer les besoins financiers? Apparemment, pour le moment, il n'y a pas d'argent du côté du gouvernement pour l'inventaire mais pour les études il suffit de s'adresser au bon ministère et aux bons organismes. Il arrive aussi parfois qu'il soit difficile de savoir à qui s'adresser.

M. Jackson: Je dirais qu'une étude de faisabilité mériterait certainement d'être faite. Je crains cependant qu'une telle étude montrerait que le potentiel de rentabilité du développement d'une telle infrastructure est très limité.

Le président suppléant: Vous avez dit tout à l'heure qu'il faudrait penser au Nord en termes de développement économique. Il est évident que sans une injection massive de capitaux, nous n'y arriverons jamais. Nous continuerons à en parler mais nous ne ferons jamais rien.

Mme Doucett: À première vue, je suis d'accord avec vous. De mon point de vue, les inventaires sont des choses fragiles et encore une fois je ne suis pas certaine à 100 p. 100 de savoir ce que vous voulez dire par inventaire.

Le président suppléant: Quand je parle d'inventaire, je parle de ce qui est faisable et de ce qui n'est pas faisable. Par exemple, si nous voulons limiter les activités dans certaines régions géographiques pour diverses raisons. Par exemple dans les zones de reproduction des caribous nous pourrions interdire d'y circuler en véhicule motorisé. Si tel est le cas, comment transporterez-vous les touristes? Il faudra alors envisager d'autres moyens de transport comme le kayak, le canot, les traîneaux, ce genre de choses. Et là on commence à toucher aux activités traditionnelles des Inuits.

Mme Doucett: Je comprends maintenant ce que vous entendez par inventaire. Je suis persuadée que cela plairait énormément aux responsables des parcs.

Le président suppléant: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui s'en occupe?

Mme Doucett: C'est un travail qui se fait au niveau local. L'administration des parcs, quand c'est un nouveau parc, c'est tout un tas de recherches et d'études sur la nature des écosystèmes concernés. Je ne veux pas répondre à la place de Parcs Canada, mais ce travail se fait. J'étais responsable du dossier de développement du produit pour le Nord il y a de nombreuses années quand je travaillais pour le tourisme. Je sais que des efforts de recensement de ces zones sont faits. Parfois il est difficile de fixer des chiffres. Dans les parcs du Nord, c'est souvent une question de pragmatisme.

Vous avez tout à fait raison quand vous parlez de restrictions de l'utilisation de certains véhicules, de déplacements dans certaines régions, et cetera. Ce sont des problèmes auxquels Parcs Canada est le mieux à même d'apporter des réponses puisque ce sont ses représentants qui sont sur place pour étudier ces problèmes scientifiques et écologiques. L'usage traditionnel de ces terres par les collectivités locales peut également jouer un rôle car les Autochtones ont une manière unique de communiquer avec la terre et de l'utiliser de manière à ne pas l'appauvrir. Si des fonds supplémentaires permettent de passer à l'étape suivante d'un développement économique cohérent, il est évident que nous y sommes favorables.

Le président suppléant: Nous avons maintenant la Coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux. Leur représentant est le chef Morris Shannacappo de la Première nation de Rolling River. Je vous en prie.

Le chef Morris Shannacappo, Première nation de Rolling River, Assemblée des chefs du Manitoba: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être des vôtres. Je suis très fier de représenter ma communauté, ma Première nation, devant une telle audience. La présentation que vous voyez devant vous a été préparée pour moi. Il ne s'agit pas de mes paroles. Cependant, je l'ai passée en revue et elle me semble raisonnable. Premièrement, je ne sais pas s'il y a d'autres Autochtones à cette table.

Le président suppléant: Il y en a un devant vous.

M. Shannacappo: Ces jours-ci on ne sait jamais.

Le président suppléant: On pourrait dire la même chose de vous.

M. Shannacappo: La moitié des gens du parc national du Mont-Riding jurent qu'ils sont autochtones, mais je ne le sais pas. Ces jours-ci, on peut obtenir une carte d'Autochtone chez K-mart ou Wal-Mart et se déclarer autochtone.

Le président suppléant: Ce serait bien si on pouvait avoir le statut libre d'impôt.

M. Shannacappo: Je ne crois pas qu'il s'agit d'un statut qui m'exempte de l'impôt, puisque j'en paie.

Le président suppléant: Vous et moi.

M. Shannacappo: Premièrement, je vais vous parler un peu de moi. J'ai 39 ans et j'en suis à mon deuxième mandat élu. Nous avons des mandats de deux ans dans ma communauté. Mon père a été chef pendant 16 ans. Après le décès de mon père, c'est mon frère qui a pris la relève. Nous n'avons pas de chef héréditaire; nous avons un processus électoral. Mon frère a été chef pendant 18 ans et maintenant je commence ma troisième année dans le poste.

Je connais Mme Doucett pour l'avoir rencontrée à certaines foires commerciales à Berlin. Au parc national de Mont-Riding, nous avons un camp tipi qui a été créé par les membres de notre communauté en consultation avec Parcs Canada.

Nous avons gagné un prix à Berlin, en Allemagne. Au fait, cette année je vais représenter mon camp et mon peuple lorsque j'irai en Autriche pour parler du prix, du camp, de la vision de départ et de ce qu'on veut en faire. Nous avons été flattés de gagner un prix en Allemagne, puisque nous n'avons pas été reconnus dans notre propre pays par suite de nos initiatives en matière de développement du tourisme.

Encore une fois, ce développement n'a pas été financé par Parcs Canada, mais a été mené par notre peuple -- notre société de développement. Mme Doucett a mentionné la Société de développement économique de la région de l'Ouest, d'où venait la vision d'origine. J'ai été agent des ressources humaines dans ce bureau pendant sept ans. Quand j'ai quitté mon poste, je gagnais 60 000 $; en tant que chef, je gagne 30 000 $.

Mon père était protestant et se rendait à l'église régulièrement, et ma mère était catholique et se rendait à l'église régulièrement. Une fois par semaine pendant l'été, j'allais au camp de l'église protestante de même qu'à mes cours de catéchisme. J'ai décidé par moi-même, à partir des conseils des aînés, de suivre la voie de mon peuple.

Donc, j'ai jeûné. Lors d'un de mes jeûnes, j'ai été éveillé à ce que je devais faire ici sur cette terre -- et je m'y plais. Souvent, je me retrouve pris dans mon carcan humain, avec d'autres êtres humains. C'est difficile parfois, mais je me réveille toujours et je me souviens que je suis ici un esprit dans un corps humain, qui essaie de tirer le meilleur parti de sa condition humaine. Si tout le monde pouvait envisager la chose de cette façon-là, je crois que le monde fonctionnerait beaucoup mieux qu'il ne fonctionne. Cependant, nous sommes ici pour apprendre et pour ma part, en tant qu'Autochtone, chaque jour me permet d'apprendre. Alors maintenant que vous connaissez mon point de vue, je vais passer à la présentation.

Je vous sais gré de me donner l'occasion de vous faire part de mon expérience avec les parcs nationaux. Je reconnais que vous vous penchez surtout sur les occasions d'accroître le développement économique des Autochtones vis-à-vis des parcs nationaux du Nord, c'est-à-dire les parcs situés au nord du 60e parallèle. Ma propre expérience est avec le parc national du Mont-Riding Mountain au Manitoba. Le Mont-Riding a été un des premiers parcs créés, et cela a eu un impact négatif sur les Premières nations avoisinantes dès le départ.

Mon grand-père vivait au lac Audy, à l'intérieur du parc. Il était né sur la rive ouest du lac. Je vais encore y pêcher aujourd'hui. Comme l'a dit Mme Doucett, c'est peut-être parce que je ne suis qu'un humain que lorsque je me rends dans le parc, je ne paie rien et je n'amène pas mon bateau. Quand j'arrive à la barrière, je demande dans ma langue si quelqu'un peut me parler dans ma langue. Nous parlons tous ojibway dans cette région et nous devrions, de droit, pouvoir nous adresser là à un Ojibway également. J'ai donné mon numéro au garde en chef, qui porte également le titre de chef, et je lui ai dit de venir me voir s'il décidait de porter des accusations. Je lui ai donné mon adresse, mais il n'est jamais venu. Je fais de la pêche sur glace l'hiver sans permis et je pêche également sans permis l'été. Je le leur dis, à la barrière du parc, car il faut répondre à de telles questions.

C'est là que sont pertinentes les décisions récentes comme celles des affaires Delgamuukw et Marshall. J'exerce donc un droit inhérent sur mon territoire traditionnel -- du moins ce que j'estime être mon territoire traditionnel. J'annonce toujours la couleur. Je ne cherche pas la confrontation; je voudrais plutôt un climat serein pour négocier des solutions.

Nous aimerions peut-être donner des leçons qui amélioreraient ce qui se fait dans le Nord. Je vous invite toutefois à élargir la portée de votre examen et à faire des recommandations qui incluent les parcs nationaux, les politiques de ces parcs et leur administration dans tout le Canada. Il existe un certain nombre de problèmes constants dans la relation entre les parcs nationaux et les Premières nations. Ces dernières en ont tiré quelques avantages économiques, mais ces avantages étaient minces comparés aux effets de la perte du territoire traditionnel et de l'exclusion de l'emploi et des activités économiques liés aux parcs nationaux. Il est possible d'améliorer sensiblement les possibilités de développement économique liées aux parcs nationaux pour les Premières nations.

À ce sujet, nous avons rencontré des employés du parc national le mois dernier. Ils nous ont demandé carrément ce que nous voulions voir. J'ai répondu que j'aimerais avoir autant de terres exploitables qu'en ont les non-Autochtones. J'ai ajouté qu'un de nos grands-pères vivait sur la rive mise en valeur. Dans le parc national du Mont-Riding, certaines entreprises appartiennent aux mêmes exploitants depuis trois ou quatre générations. Chez nous, certaines familles sont bénéficiaires d'aide sociale depuis trois ou quatre générations également.

J'ai vu mon père construire les fondations pour notre communauté. Mon frère est venu s'occuper de la charpente. Compte tenu de mon expérience en développement économique, j'y ai ajouté le toit.

Je crois que le Créateur nous a mis sur terre et nous a dotés d'un don spécial. Ce que nous en faisons déterminera quelle sera notre récompense finale -- dans le monde des esprits.

J'essaie de préserver l'honneur qui fait partie de notre tradition familiale depuis l'époque de mon grand-père. Mon grand-père est venu à Ottawa au début des années 90 afin que nous puissions rétablir nos danses du soleil. Il n'a pas réussi à les rétablir et ils se sont simplement enfoncés plus profondément dans la forêt. Mais nous ne pouvons plus aller plus loin dans la forêt. J'ai demandé à Parcs Canada de nous donner la même quantité de terres. J'ai demandé à ce que nous ayons le même nombre d'acres afin que nous puissions l'exploiter. On m'a regardé bizarrement et on m'a répondu: «Pourquoi voudriez-vous retirer des terres protégées par Parcs Canada pour les mettre en valeur?». Et j'ai répondu: «Parce que je souhaite l'égalité. Je veux avoir les mêmes possibilités que vous et votre peuple, des possibilités qui nous ont été refusées. Je veux que mon peuple ait les mêmes possibilités afin qu'il puisse lui aussi mettre sur pied des entreprises qui respectent l'intégrité écologique.» C'est le principe de base de notre camp. Toutefois, nous n'avons pas reçu d'argent du service des parcs et nous louons donc notre territoire traditionnel à la Reine. C'est mal, à mon avis.

Nous ne voulons pas détruire la nature, mais nous voulons avoir l'occasion de présenter notre plan d'affaires et de discuter d'autres possibilités dans le domaine de l'emploi.

Si ma femme travaille dans le parc, c'est probablement parce que je n'ai pas la langue dans ma poche. La femme d'un des membres de mon conseil travaille dans le parc. J'ai téléphoné chez moi aujourd'hui. Au cours de la fin de semaine, le grand chef, qui dirige notre communauté depuis 18 ans et est mon demi-frère, a prononcé un discours dans lequel il disait qu'il installerait un barrage routier sur la route qui mène de notre communauté au parc national du Mont-Riding. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu que c'était pour appuyer ceux de Burnt Church. «Nous n'allons pas entièrement barrer la route, a-t-il dit, mais nous ralentirons la circulation pour distribuer de l'information. Nous n'empêcherons pas les gens de venir sur notre territoire; nous ralentirons simplement la circulation et nous pourrons, je l'espère, informer les gens de ce que sont les droits issus de traité et ce qui se passe à Burnt Church.» En outre, je suis en train de rédiger un document, que je distribuerai, sur notre relation avec Parcs Canada.

Environ trois personnes de ma communauté travaillent dans le parc. À une certaine époque, on avait établi une zone d'embauche qui avait un rayon de 25 milles -- on acceptait les demandes d'emploi des gens vivant dans un rayon de 25 milles du parc. On acceptait également les demandes d'emploi des Autochtones. À l'heure actuelle, les nôtres occupent cinq postes durant l'été. Ma femme travaille au parc durant l'été. Elle est mise à pied à la fin de l'été et elle reçoit des prestations d'assurance-emploi.

L'hon. président suppléant: S'agit-il de cinq postes permanents?

M. Shannacappo: Non. Ce sont des emplois saisonniers. Voilà 15 ans que nous nous battons avec Parcs Canada au sujet des emplois. Nous avons tenu une table ronde avec ses représentants. J'ai regretté que la table ait été ronde, car ils ont cru qu'il s'agissait d'une consultation. Ils n'ont écouté aucune des recommandations que j'ai faites, mais ils ont pu dire qu'ils avaient consulté les Premières nations parce qu'ils s'étaient assis autour d'une table avec Morris Shannacappo, qui est maintenant un chef et qui représente ces gens-là. J'avais bien beau essayé de représenter mon peuple, mais il y avait 26 autres personnes autour de la table qui disaient non. Il y avait avec moi un autre représentant des Premières nations, mais il est parti en disant: «Retourner à cette table de négociation? Jamais de la vie». Je suis resté jusqu'au bout. C'était parfois difficile, mais je suis resté parce que je pensais que je pourrais aider à apporter des changements.

Ce matin, mon avocat m'a téléphoné pour me dire de ne pas faire trop de vagues. «Nous avons des gens qui travaillent dans le parc, a-t-il dit, et nous ne voulons pas mettre en danger leur emploi.» Je lui ai répondu: «Je n'accepte pas cet argument. Ma femme y travaille également. Je ne voudrais pas mettre son emploi en danger, mais que faut-il faire pour tous les autres qui sont au chômage chez eux?» À l'heure actuelle, notre communauté est en train d'élaborer un plan quinquennal de développement durable afin que je n'aie pas besoin de venir à Ottawa réclamer de l'argent et que nous puissions payer notre propre administration dans le cadre de la mise en place d'un régime d'autonomie gouvernementale.

Cela doit se faire en partie en partenariat. J'essaie d'être partenaire de Parcs Canada autant que possible. Nous essayons de travailler également en partenariat avec les collectivités locales. Nous avons invité leurs représentants à bon nombre de nos réunions et ils y ont assisté, mais évidemment, ce n'est pas eux qui prennent les décisions. Les décisions sont prises à Ottawa. Il est difficile de planifier quelque chose avec ce groupe parce qu'ils disent toujours qu'il faut attendre les décisions d'Ottawa.

Le parc national du Mont-Riding est entouré de Premières nations qui ont toujours vécu de la nature, de la faune et de la flore. Les Premières nations de la région ont toujours fondé leurs économies et leurs territoires traditionnels sur les ressources du Mont-Riding.

Imaginez qu'on vous expulse de l'endroit dont vous êtes entièrement dépendants pour la totalité de votre activité économique. Imaginez que votre alimentation, votre santé, votre logement, vos vêtements proviennent de ce parc, de ce territoire traditionnel, et qu'on vous en expulse. Imaginez qu'on brûle votre maison, une cabane que vous avez construite. Je crois que vous ne pouvez pas imaginer cela. Je pense qu'aucun de vous ne peut imaginer ce genre de chose, aujourd'hui en particulier. Ce sont des choses qui se passaient il y a seulement 60 ou 70 ans. C'est inimaginable aujourd'hui. C'est pour cela que je voulais vous dire qui j'étais dès le début, pour vous faire comprendre cette souffrance que j'ai encore au fond de moi.

De l'amertume? Oui, il y a de l'amertume, mais nous ne l'entretenons pas. Nous essayons d'avoir un dialogue de partenaires. C'est pour cela que je dis au gardien, quand je passe la barrière: «Écoutez, il faut qu'on parle. Il faut s'asseoir autour d'une table pour parler». C'est pour cela que je continue à y aller et à leur dire que je vais pêcher. J'espère que le gardien va venir discuter avec nous autour d'une table, et que nous allons pouvoir parler de toutes ces questions et trouver une solution.

La création du parc a été une catastrophe. On a exproprié les terres de réserve situées à l'intérieur du parc sans verser d'indemnisation. L'agglomération de la bande du Mont-Riding -- la Première nation Keeseekoowenin -- a été rasée par le feu. C'est de là que venait mon grand-père maternel. Sa maison a été entièrement incendiée. Les droits issus de traités qui autorisaient les gens à chasser, pêcher, piéger les animaux, faire la cueillette et ramasser des aliments et des plantes médicinales ont été effacés. On a limité l'accès à des endroits sacrés. Nous avons tout perdu sans qu'on accorde la moindre considération aux droits que nous avions sur cette terre.

Les Keeseekoowenins ont récupéré une partie des terres, mais ils ne peuvent pas les mettre en valeur tant que Parcs Canada ne leur donne pas l'autorisation. J'ai parlé à des gens de la région qui m'ont dit qu'ils voulaient installer un hôtel-motel. Je leur ai dit: «Pourquoi ne le faites-vous pas?» Ils m'ont répondu: «Parce que Parcs Canada ne nous autorise pas à le faire». Ils ont récupéré des terres mais ils ne peuvent rien en faire. Ils peuvent aller nager ou camper, mais c'est à peu près tout.

Les choses ne se sont pas beaucoup améliorées. Les Keeseekoowenins viennent seulement de récupérer leurs terres de réserve situées à l'intérieur du parc. Le parc nous a apporté très peu de possibilités d'emploi et de débouchés économiques. Nous ne jouons aucun rôle dans la gestion du parc, de ses ressources ou de son utilisation. La politique et l'administration des parcs ne tiennent aucun compte des droits issus de traités et des usages traditionnels.

Que nous reste-t-il donc, en matière de développement économique des Premières nations dans le contexte du parc national? Il y a énormément de possibilités d'expansion parce qu'on n'a presque rien fait ou essayé. En fait, le parc et son administration ont énormément freiné notre développement. Le parc a été créé aux dépens des Premières nations et de leur base de ressources, mais nous n'en avons guère tiré de profit économique. Les gens de Parcs Canada ont été très réticents à reconnaître nos droits sur ces terres et nos liens avec ces terres, ou à collaborer avec nous pour nous permettre d'en tirer des avantages de nos jours.

Ce qu'il manque au Mont-Riding, et ce qu'il doit probablement manquer aussi dans le Nord, c'est une véritable reconnaissance des droits issus de traités et des droits ancestraux. Les tribunaux ont formulé de bonnes directives à cet égard récemment, mais le gouvernement a été plutôt lent à réagir.

Les tribunaux nous disent que nos droits doivent être interprétés dans le contexte contemporain conformément à l'esprit et à l'intention d'origine de nos rapports de nation à nation avec le Canada. Ils nous disent que l'honneur de la Couronne est lié au respect des droits issus de traités et des droits ancestraux. La décision de la Cour suprême dans l'affaire Marshall en est un bon exemple: on a interprété à la lumière du contexte contemporain un traité de 1760 pour réaffirmer notre droit de continuer à récolter des ressources à valeur commerciale, notre droit à gagner notre vie. Malheureusement, la situation à Burnt Church témoigne bien de la lenteur du gouvernement à respecter une telle décision.

Voyons ce que signifie la situation contemporaine dans le contexte du parc national du Mont-Riding et des parcs dont vous vous occupez dans le Nord.

L'esprit et l'intention: Au départ, l'idée et l'intention étaient de partager la terre, mais maintenant nous avons un parc qui exclut de nombreuses utilisations traditionnelles -- économiques, culturelles, sociales et spirituelles.

Consultation: Aucun plan d'aménagement de parc ne devrait être élaboré sans la pleine participation des Premières nations. Dans notre cas, nous n'avons eu aucune participation.

Accords officiels: Les politiques favorables et la bonne volonté ne suffisent pas. Ce sont les accords entraînant des obligations juridiques qui sont le bon mécanisme.

Usage traditionnel: Un accord officiel doit garantir les usages traditionnels. Dans notre cas, nous menons un combat d'arrière-garde pour faire reconnaître de nouveau nos droits. Dans le Nord, cela ne devrait pas arriver. Les tribunaux finiront par rattraper la situation. Il faudrait concevoir les plans d'aménagement des parcs en fonction des usages traditionnels. Il pourrait être utile que le sous-comité du Sénat examine l'Accord du parc national de Wapusk et le protocole Manitoba/Canada/Premières nations sur les espèces menacées.

Gestion et administration: Qui est mieux placé que les Premières nations pour gérer les joyaux naturels du Canada? Le réseau des parcs nationaux devrait être géré par les Premières nations. Ce serait une reconnaissance honorable et une manifestation concrète de l'esprit véritable de nos relations. L'administration et la conservation sont beaucoup plus au coeur des valeurs des Premières nations que de celles du grand public canadien.

Il y a dans le parc national de Mont-Riding un centre d'interprétation qui n'emploie pas un seul Autochtone. J'aimais bien y aller pour poser des questions sur les Premières nations et voir les gens se tortiller et essayer de m'inventer quelque chose. On ne m'a jamais dit la vérité sur ce qui s'était vraiment passé dans le parc national du Mont-Riding. Ils m'ont toujours raconté comment ils étaient venus sauver cette terre, mais ils ne m'ont jamais dit que des habitants des Premières nations vivaient là. Ils ne m'ont jamais dit une seule fois qu'il y avait autrefois une économie, qu'il y avait une Première nation qui aimait passionnément cette terre, que c'était le berceau de cette Première nation, que cette terre avait toujours été tout cela pour elle. Jamais les responsables de ce centre d'interprétation ne m'ont dit cela.

Nous avons élaboré un programme de formation de nos propres interprètes de la région. Nous leur avons appris à parler de l'histoire, à prendre un document historique et à le présenter de façon à ce qu'il puisse être compris par des enfants de cinq, six et sept ans, qui ont des délais d'attention très limités. Nous avons réussi à éduquer ces enfants de cinq, six et sept ans.

J'ai dit aux représentants de Parcs Canada: «Nous avons formé 20 personnes dans ce domaine. Pourquoi ne pas en prendre cinq dans vos programmes d'interprétation»? Ils m'ont répondu: «Dites-leur de présenter leur candidature à ces postes». J'ai répondu: «Il n'y a pas de poste». Comment peuvent-ils présenter leur candidature à des postes qui n'existent pas?». Je leur ai dit que si nous devions travailler en partenariat, il fallait examiner la question de la création d'emplois. Je leur ai dit qu'ils devraient prendre au moins deux membres de ma communauté et les laisser raconter leurs histoires, raconter la véritable histoire du parc national et de ses rapports avec les populations autochtones locales.

Que m'ont-ils proposé? Ils m'ont dit: «Vous savez, nous allons vous donner deux de nos employés qui sont des interprètes, nous allons faire un compromis». Ce n'était pas ce que je voulais. Je voulais que eux prennent deux personnes de chez moi, les paient au taux du gouvernement, au même taux que leurs propres interprètes, et qu'ils leur donnent une bonne pension au bout de 25 ans de service. C'est ce genre de rémunération que je demande pour les gens de ma communauté, pas un maigre salaire de 7 $ l'heure. Nous avons beaucoup de mal à générer des revenus de cet ordre. Quand nous avons mis sur pied notre camp de tipi, nous avions 17 employés. Nous n'en avons plus que trois. Nos ressources ne sont pas suffisantes. Pourtant, c'était un bon projet qui a été primé en 1997 et reconnu à l'échelle mondiale.

Pourquoi ce projet ne donne-t-il pas les résultats escomptés au niveau communautaire? Pourquoi les employés de Parcs Canada disent-ils aux gens à l'entrée du parc qu'il ne reste plus d'emplacements de camping, que tout est complet? Ils choisissent de ne pas mentionner notre terrain de camping, qui se trouve à l'intérieur du parc. Pendant la longue fin de semaine en mai, les employés de Parcs Canada refusaient des visiteurs parce qu'il ne restait plus de place. Il nous restait environ 20 emplacements. Les employés qui travaillent à l'entrée principale du parc ne disaient pas aux gens qu'il y avait des emplacements inoccupés dans notre terrain de camping, qui est possédé et dirigé par des Autochtones. Ces employés de Parcs Canada n'ont pas fait de la promotion pour nous.

L'infrastructure est en mauvais état. L'asphalte s'effrite et on veut que nous payions les réparations. On veut que nous remplacions l'infrastructure. Et nous ne pouvons pas nous le permettre. Je ne sais même pas si nous aurons les ressources nécessaires pour demeurer en activité l'année prochaine. Et pourtant, c'est un si beau programme.

Maintenant, il y a des touristes allemands qui viennent passer cinq semaines chez nous. Le 14 octobre, je vais en Autriche pour parler de notre programme et de notre vision. Pourquoi nous demande-t-on maintenant de partager ces histoires? Par le passé, on ne nous permettait pas de le faire. On voulait le faire, mais on ne nous écoutait pas.

Il y a un réveil spirituel qui se fait sentir un peu partout au monde. Les gens veulent en savoir davantage. Selon la prophétie, cela a commencé il y a 30 ans. Les gens ont commencé à se rendre compte il y a 30 ans des catastrophes qui pourraient se produire. Dame Nature commence à répondre. Lorsque nous ravageons notre propre corps, lorsque nous lui enlevons ses organes vitaux, nous tremblons, nous transpirons et nous tombons malades. C'est exactement ce qui arrive à Dame Nature en ce moment. Ce sont des messages écologiques que nous transmettons.

Nous essayons de favoriser l'intégrité écologique de toute la terre, dans toutes les régions de la planète. S'il y a tant de touristes allemands, c'est parce qu'ils cherchent quelque chose qui les éloigne de leur vie si structurée. Ils se réveillent à 7 heures du matin, sortent dans la rue à 8 heures, sont au travail à 9 heures, déjeunent à midi et reprennent le travail à 12 h 30. Leur vie est si structurée qu'ils n'ont pas le temps de s'amuser.

De toute évidence, il leur manque quelque chose -- la spiritualité. Ils mettent trop l'accent sur l'aspect humain. Ils oublient qu'il y a d'autres êtres humains qui vivent de façon différente. Ils sont en train de chercher ce qui leur manque. Les gens cherchent sans trop savoir où chercher. Ils vont dans des pays comme l'Inde pour chercher la sagesse de cette population. Ils viennent ici pour parler aux gens des Premières nations, pour demander pourquoi ils vivent une crise, pourquoi leurs corps ont de telles réactions, pourquoi leurs idées commencent à changer, pour essayer de comprendre ce qui se passe.

Nous leur disons ce qui se passe. Nous les accueillons dans nos étuves et à nos danses du soleil pour leur expliquer comment nous faisons, pour leur permettre de connaître notre affinité avec Dame Nature, et notre intendance de la nature. Voilà ce dont nous leur parlons. Nous ne leur racontons pas d'histoires d'horreur; nous ne leur parlons pas des mauvaises choses qui se produisent. Nous savons qu'ils savent. Il y a beaucoup de choses que nous ne leur disons pas. À quoi bon les leur dire? Nous ne cherchons pas à blâmer qui que ce soit; nous essayons de démontrer que nous pouvons vivre ensemble dans une collectivité où il y a différentes cultures. C'est ce que nous essayons de faire. Nous en faisons l'expérience. Nous demandons tout simplement que Parcs Canada nous aide un peu plus.

Parlons un peu des emplois et des possibilités économiques. Les parcs nationaux offrent beaucoup de possibilités économiques. L'écotourisme, par exemple, est en pleine croissance. L'infrastructure des parcs, l'entretien, la gestion des terres et des ressources, les règlements et l'administration sont autant de domaines où les Premières nations devraient avoir un accès prioritaire puisque nous étions les premiers responsables de la terre.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, pour notre part, le système administratif des parcs nous a exclus, ce qui n'est pas bien. Cela est contraire à la politique du gouvernement fédéral et aux recommandations répétées de la Commission canadienne des droits de la personne. On nous dit de résoudre le problème dans le Nord, de le faire avec des ententes officielles qui reflètent la majorité autochtone.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, nous avons formé quatre hommes et une femme dans la région dans la conduite de machinerie lourde. Ils sont tous diplômés du Assiniboine Community College de Brandon. L'un de nos hommes a posé sa candidature pour un poste à Parcs Canada, au parc national du Mont-Riding, comme conducteur de machinerie lourde. Les seules machines qu'on lui a demandé de conduire étaient une déneigeuse et une niveleuse. Lorsqu'on lui a demandé s'il pouvait conduire d'autres types de machinerie lourde, il a dit qu'il pouvait et qu'il était qualifié pour le faire. Il n'a pas très bien réussi à l'entrevue, mais c'était un excellent conducteur de machinerie.

Malheureusement, c'est un non-Autochtone beau parleur qui a obtenu l'emploi. Je suis allé voir son employeur pour lui demander si cet homme était un bon conducteur de déneigeuse. Il a dit que ce gars-là n'avait jamais conduit de déneigeuse. Il l'avait fait démarrer une fois, mais ne l'avait jamais conduite. Nous avons donc un gars qui n'a jamais opéré cette machinerie mais qui, parce qu'il est beau parleur, a réussi à décrocher l'emploi lors de l'entrevue. Dix mois plus tard, ce conducteur s'est retrouvé dans une situation où il a failli perdre la vie parce qu'il s'est électrocuté.

C'était une atrocité. Et cet homme qui a décroché l'emploi est parent avec six ou sept personnes qui travaillent pour Parcs Canada aujourd'hui. Notre homme n'a pas été embauché. Nous avons déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne. Notre plainte a été entendue et nous avons eu gain de cause tout simplement parce qu'il n'était pas juste que notre conducteur diplômé n'ait pas été embauché alors qu'une personne moins qualifiée que lui l'a été.

J'ai demandé à Parcs Canada pourquoi notre gars, qui était diplômé, n'a pas été embauché. C'est pour cette raison que nous avons présenté une demande à la Commission des droits de la personne. Il semblerait que l'on puisse faire tout un arbre généalogique -- je pourrais sans doute m'en procurer un et vous l'envoyer -- de tous les employés du parc national du Mont-Riding qui sont parents. C'est curieux comme les choses se passent.

Un de mes anciens camarades de l'école secondaire a été embauché cette année comme employé du parc. C'est l'un de nos amis non autochtones qui l'a fait entrer. On lui a dit qu'il y avait un poste vacant et qu'il devrait poser sa candidature. Notre bureau des Premières nations n'a jamais été avisé de ce poste vacant. Qui en a été avisé? Des gens qui travaillent déjà pour le parc. On leur a demandé s'ils connaissaient quelqu'un qui pouvait remplir le poste. C'est de cette façon que mon copain a décroché cet emploi, car un ami non autochtone lui a dit qu'il y avait un poste vacant. Il a posé sa candidature et il a eu l'emploi. Est-ce que d'autres ont été mis au courant qu'il y avait un poste vacant? Non. Moi, je l'ai su trois semaines plus tard parce qu'il me l'a dit.

Bien des choses ne se rendent pas jusqu'à la communauté. On dit aux membres du personnel de voir s'ils peuvent trouver quelqu'un de leurs familles pour remplir ces postes. Malheureusement, c'est là une pratique courante au parc national du Mont-Riding.

J'aimerais maintenant parler d'une stratégie intégrée à l'échelle des gouvernements. Dans son rapport intitulé «Rassembler nos forces», le gouvernement a promis d'adopter une politique centrale canadienne sur les peuples autochtones en rassemblant toutes les ressources du Canada, des Premières nations et des autres peuples autochtones, des gouvernements provinciaux et territoriaux, du secteur privé et de la population canadienne en général dans un effort coordonné afin de mettre fin à nos relations de conflit. Le message et l'approche sont bons. Pour apporter les changements nécessaires, il faut un engagement soutenu réel et une ouverture afin de respecter les traités des Premières nations, nos droits et les réalités de la situation dans laquelle nous nous retrouvons à l'heure actuelle. Le problème ne se limite pas à Parcs Canada. Nous avons besoin d'une approche qui incorpore la formation, l'emploi, le développement des entreprises, le changement de la politique institutionnelle et le développement culturel.

Les parcs peuvent et devraient être un moteur économique pour la revitalisation des Premières nations. Par ailleurs, les parcs peuvent être un véhicule qui permettrait d'éduquer tous les Canadiens sur les droits ancestraux et issus de traités et sur les bonnes relations que nous avons perdues.

Sur le plan pratique, si l'on veut élargir les possibilités de développement économique autochtone par rapport aux parcs nationaux, il faudra: maintenir l'honneur de la Couronne; faire en sorte que les Autochtones puissent participer à la gestion des parcs afin d'en assurer la bonne intendance, de la politique jusqu'à la mise en oeuvre sur le terrain; garantir l'utilisation traditionnelle; assurer aux Autochtones l'accès aux emplois dans les parcs et aux possibilités commerciales liées aux parcs grâce à des ententes, des politiques et des mesures gouvernementales; il faudra aussi que le gouvernement investisse dans le développement de la capacité et l'éducation du public afin de rétablir la vérité des faits, de retrouver le respect de la Couronne et de gérer notre patrimoine dans le réseau des parcs nationaux.

Le sénateur Ione Christensen (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente: Je m'excuse d'être arrivée en retard pour votre exposé. Je n'ai pas pu me libérer plus tôt.

Le sénateur Cochrane: J'ai une question. Parlez-nous de votre plan décennal de développement durable.

M. Shannacappo: Notre plan décennal a vu le jour lorsque je suis arrivé comme chef en avril 1998. J'ai convoqué les membres de ma communauté à une réunion de bande au cours de laquelle je devais dévoiler mon plan directeur. Ce fut la plus grosse réunion de bande de toutes les annales de notre communauté, puisque 99 p. 100 des membres étaient représentés. Tous les parents étaient présents, avec leurs enfants. Lorsque le moment est venu de dévoiler le plan directeur, j'ai demandé aux gens comment ils souhaitaient voir leur communauté dans dix ans.

Personne n'a dit quoi que ce soit; par conséquent, j'ai commencé par souligner certaines choses que je voulais voir dans notre communauté, notamment viser un taux d'emploi de 95 p. 100 et mettre sur pied un ranch de guérison. Je ne savais pas à quoi cela pouvait ressembler, mais j'ai proposé un ranch de guérison. En fin de compte, les gens ont commencé à parler et ensemble nous avons établi une liste de plus de 200 choses que nous voulions pour notre communauté. Avec cette liste en main, mon conseil, moi-même et notre agent de développement économique avons commencé à préparer une liste restreinte de ce que nous pouvions faire demain sur le plan des ressources humaines. Nous avons commencé par l'exploitation agricole. Nous avons maintenant une exploitation agricole de bande qui fonctionne. Nous avons plus de 220 têtes de bétail. L'exploitation agricole est auto-suffisante. Elle emploie quatre personnes sur 386 membres de la communauté. Ces emplois n'avaient jamais existé auparavant.

Notre plan comprend une vaste stratégie en matière de tourisme. Nous voulions faire participer Parcs Canada, mais sachant ce qui est arrivé avec notre camp de tipi, nous ne pouvions pas les inviter à participer à nouveau. Cependant, nous souhaitons toujours profiter de leur succès car l'an dernier il y a un million de véhicules qui sont passés au centre d'information de Parcs Canada au parc national du Mont-Riding. Notre plan consiste à construire quelque chose à l'extérieur du parc pour que mon peuple puisse aller chercher un dollar de chaque voiture, améliorant ainsi nos perspectives d'emploi. J'ai par ailleurs invité les entrepreneurs de la communauté à nous faire parvenir leur plan d'affaires. J'invite tout entrepreneur qui le souhaite à proposer un plan viable que la bande pourra appuyer. Ils pourraient également recevoir une aide financière de la bande. Ces entrepreneurs pourront ensuite embaucher des gens de notre communauté, ce qui fera ainsi augmenter notre taux d'emploi. L'an dernier, pendant trois mois nous avons eu un taux d'emploi de 95 p. 100.

Avant nos élections cette année, on m'a conseillé de faire des visites à domicile. Je ne vois pas la nécessité de commencer à le faire alors que je ne l'ai pas fait auparavant. Je ne voudrais pas que l'on pense que je cherche à décrocher des votes. Je prévois plutôt rédiger les grandes lignes de ce que j'ai réalisé au cours des deux dernières années depuis que j'ai été élu.

Chaque année, nous construisons trois maisons, et nous avons une pénurie de 54 maisons. Nous progressons lentement. Au cours des deux dernières années, nous avons construit cinq maisons. Nous sommes allés aux États-Unis pour voir une usine de construction de maisons préfabriquées et nous espérons recourir à cette méthode de construction dans ma communauté. Nous avons communiqué avec des gens au Mexique qui ont acheté ces maisons préfabriquées. Nous avons un conseiller en marketing même si nous n'avons pas encore ouvert les portes de notre nouvelle entreprise. Nous avons au moins 40 menuisiers et quelques ouvriers qualifiés qui comptent sur la construction domiciliaire pendant l'été. Nous étudions actuellement les marchés en Allemagne, dans l'ancienne Union soviétique et en Pologne, et nous espérons être en mesure de fournir des maisons aux gens là-bas. Par ailleurs, nous souhaitons accorder des hypothèques aux membres de notre communauté pour ces maisons.

Pour ce qui est d'assumer nos responsabilités, tous les membres de la communauté m'ont assuré qu'ils étaient disposés à payer un loyer minimal pour chaque maison qui leur serait offerte. Par conséquent, ne me dites pas que nous voulons tout gratuitement, parce que nous trouvons nous-mêmes des solutions à nos problèmes, des solutions qui nous permettent de jouir de la vie et de vivre en harmonie avec les communautés des régions avoisinantes.

Nous envisageons aussi de mettre sur pied une entreprise de transport. Le transport nous coûte très cher, surtout dans les régions du Nord. Nous payons des tarifs élevés parce que nous n'exerçons aucun contrôle. Si nous avions notre propre entreprise de transport, nous pourrions contrôler les coûts d'expédition. Nous comptons acheter nos propres camions et vendre nos services à d'autres communautés autochtones du Nord.

Nous pouvons cultiver nos propres légumes. Chez moi, je peux acheter un sac de pommes de terre pour 2 $. Dans une localité du Nord, pour 1 $, vous n'avez qu'une seule pomme de terre. Chez moi, dans le sud, à Brandon, six bouteilles de bière coûtent 7 ou 8 $. À Churchill, c'est le même prix. Comment cela se fait-il? Comment se fait-il que l'alcool coûte le même prix où que ce soit dans la province mais pas les pommes de terre? Bon nombre de mes concitoyens souffrent de diabète. Bien des enfants, dans les localités nordiques, ont des maladies congénitales. Les gens n'ont pas suffisamment d'argent pour acheter de la nourriture saine. Ils sont nombreux à se nourrir de cola, de croustilles et d'autres aliments-camelotes. Les enfants souffrent de maladies congénitales parce que leurs parents n'ont pas les moyens de manger sainement.

Je tente de faire des changements dans ma communauté. Je compte le faire encore pendant dix ans. J'ai déjà dit aux gens que je représente que je serai leur chef, mais pas pour toujours. Je ne suis pas avide de pouvoir. Pendant mon mandat, je compte former des jeunes gens. Déjà, deux membres de notre communauté font des études de droit. J'espère qu'un jour, l'un d'entre eux deviendra chef. Il y en a un qui a étudié les sciences politiques trois ans avant de se lancer dans le droit. J'ai déjà indiqué que, lorsque ce jeune aura terminé ses études de droit dans six ans, quand je serai prêt à prendre ma retraite, il devrait me remplacer. Une jeune femme de chez nous est aussi à l'École de droit et j'estime qu'elle pourrait aussi être chef ou conseillère un jour. Mais il faut préparer la relève dès maintenant.

J'ai passé l'été avec l'un de ces étudiants et j'ai surtout insisté sur l'humilité. Je l'ai encouragé à cultiver chez lui la bonté, à aimer ce qui l'entoure et ceux qui l'entourent, à solliciter les sages conseils des aînés et à avoir le courage de tenter d'apprendre quelque chose de nouveau chaque jour. S'il ne s'agit pas d'une chose sur l'humanisme, que ce soit une chose relative à la culture, à l'écologie ou au système. Je lui ai parlé de ma propre bibliothèque que je me suis monté dans le cadre de mon étude de différents sujets. J'ai parcouru le monde; je suis allé en Inde et en Australie et je sais que le Créateur m'a envoyé à ces endroits pour que j'y fasse un apprentissage et que je puisse ensuite aider mon peuple à mieux vivre. C'est ce que je fais actuellement.

Notre plan décennal comprend aussi des entreprises viables; nous en examinons quelques-unes déjà, notamment, un projet de logements et la ferme de la bande. Un jour, j'ai rêvé d'un ranch. Je me suis réveillé à trois heures du matin et je me suis mis à écrire à quoi j'avais rêvé; je n'ai terminé qu'à 6 h 30. Dans mon rêve, j'étais sur un ranch. J'y ai vu comment le ranch avait été bâti, de quoi il avait l'air. Dans mon rêve, chaque enfant de la communauté devait s'occuper d'un poney pour apprendre à être responsable. Sur ce ranch, seule notre langue, la langue ojibway, sera parlée. Bien sûr, je m'assurerai qu'il y aura aussi des anglicans, des catholiques et des presbytériens, qui ont tous tenu des pensionnats, afin qu'ils puissent partager leurs enseignements avec les enfants comme on l'a fait avec moi dans ma jeunesse.

J'ai pu prendre mes propres décisions sur le genre de vie que je voulais vivre. Je crois au Christ et je crois à Bouddha. Leurs enseignements sont bons. Par conséquent, je veux que nos enfants aient aussi la possibilité de suivre leur propre voie. Je respecte ma mère et son choix de fréquenter l'Église catholique. Parfois, le vendredi, lorsque je vais à la suerie, ma mère me demande où je vais. Lorsque je lui dis que je vais à l'église, elle sait que je vais à la suerie. Elle respecte aussi mes croyances car elle sait quelle importance la culture a revêtu pour moi, comme personne, comment elle m'a aidé à m'épanouir et à partager ma vie avec mon peuple que j'aime beaucoup.

Le sénateur Cochrane: Combien de gens représentez-vous?

M. Shannacappo: Dans mon village, je représente 386 personnes. Il y a aussi 364 membres de notre communauté qui habitent à l'extérieur de la réserve. Ils sont partis car ils cherchaient un certain mode de vie.

Je discute avec des ministres depuis que j'occupe ce poste. J'ai rencontré Bob -- je l'appelle cowboy Bob, et je devrais peut-être m'en excuser -- à Winnipeg, à l'une de nos rencontres. Je lui ai parlé de notre plan décennal d'autonomie. Il m'a dit que c'était une bonne idée, mais qu'il n'était pas venu à Winnipeg pour entendre parler de cela. Il s'est mis à parler d'autres choses -- de mise en oeuvre de traités et de belles promesses. À notre rencontre suivante, j'étais prêt à lui remettre notre plan décennal, mais il a dit: «J'aimerais que vous commenciez à dresser des plans décennaux de développement durable». C'est alors que j'ai voulu lui rappeler notre rencontre précédente. J'étais alors prêt à lui remettre notre plan, mais il m'a répondu: «Aujourd'hui, je ne m'adresse qu'aux médias.». Je suis allé au micro et je me suis présenté ainsi: «Chef Shannacappo, de la Rolling River Newsletter». Bob est parti même s'il y avait un autre chef qui voulait des réponses. Comme il sortait, nous lui avons crié que nous avions notre plan décennal. Il s'est retourné vers nous et a répondu: «N'avez-vous rien de mieux à faire dans la vie?». Justement, je voulais lui parler de tout ce que j'avais à faire dans la vie, soit donner un avenir à ma communauté, mais il n'a pas voulu m'écouter. Lui, ce qui l'intéresse, c'est la mise en oeuvre des traités -- un peu de sérieux!

La présidente: Vous nous avez donné beaucoup d'information, et nous vous en savons gré. Votre enthousiasme me plaît. Vous nous avez parlé des frustrations auxquelles vous faites face mais de façon plus optimiste que cynique. Les revendications de votre bande ont-elles été réglées?

M. Shannacappo: Notre bande a des droits fonciers issus du traité no 4. Les non-Autochtones de notre région se sont réunis et ont réclamé qu'aucune terre ne nous soit vendue. À preuve, nous étions censés pouvoir acheter des terres dans notre région pour 200 à 245 $, comme le prévoit l'accord qui est intervenu, mais, dans les faits, nous avons payé plus de 500 $ l'acre pour acheter des terres de gens qui ne s'intéressent plus à l'agriculture, car elle ne rapporte plus assez.

Le sénateur Watt: Vous dites 500 $ l'acre?

M. Shannacappo: Et même plus.

Le sénateur Watt: Est-ce sur une base annuelle?

M. Shannacappo: C'est ce que nous payons pour que ces terres soient annexées aux terres qui constituent la réserve prévue par le traité. Encore une fois, la lutte a été difficile. Récemment, nous avons fait l'acquisition de terres de la Couronne dans le parc national où se trouve notre camp de tipi. Nous avons eu du mal avec des gens de l'endroit qui ne comprenaient pas qu'on redonne ces terres. Eh bien, on n'a qu'à lire l'histoire pour voir ce qui en ressort.

La présidente: Vous avez peut-être déjà répondu à cette question, mais est-ce que votre traité comprend des ententes intervenues avec Parcs Canada?

M. Shannacappo: Non, aucune.

La présidente: Seriez-vous disposés à signer un accord de ce genre?

M. Shannacappo: Oui.

Le sénateur Watt: Êtes-vous en pourparlers?

M. Shannacappo: Nous participons à des discussions sur le projet de loi C-27. Jusqu'à présent, il n'y a eu qu'une seule réunion. Toutefois, lorsqu'on me demande directement ce que je veux, je réponds franchement et on me regarde d'un air bizarre qui veut dire: «Êtes-vous fou? Vous n'aurez jamais tout ça.». Si tel est le cas, pourquoi me pose-t-on la question?

La présidente: Lorsque je suis arrivée, vous parliez du problème du népotisme, disons, dans le processus de recrutement pour les parcs. Y a-t-il eu une entente ou existe-t-il une politique concernant l'embauche d'employés autochtones au parc?

M. Shannacappo: On a fait venir une personne autochtone au titre de l'équité en matière d'emploi. Lorsque la pratique concernant le rayon de recrutement de 25 milles était en vigueur, nous étions exclus. On a maintenant porté ce critère à un rayon de 100 milles. Cela n'a fait qu'empirer les choses.

Encore une fois, même mon beau-frère était engagé là-bas. Lorsque nous parlons de minorités visibles, il était très visible puisque c'est lui qui faisait le nettoyage des ponceaux le long de la route 10. Les gens voyaient bien qu'il y avait un Indien en train de travailler là-bas. Il était très visible. Il travaillait tous les jours le long de la route 10 et tout le monde le voyait.

Je le répète, je continue de croire qu'il a été engagé parce que je n'ai pas la langue dans ma poche, une fois que mon beau-frère a établi ce lien. Cela nous ramène au népotisme. Je pourrais sans doute faire engager toute ma famille, mais ce n'est pas ce que j'essaye de dire. Ce que je veux, c'est que l'on offre des emplois aux gens de mon peuple. Il y a énormément de professionnels autochtones titulaires d'un diplôme universitaire ou collégial. Où travaillent-ils? Pas à Parcs Canada; et pourtant, ils voulaient y travailler.

La personne qui a fait une demande pour le poste d'opérateur de machinerie lourde est devenu l'un des membres de mon conseil. Toutefois, il a eu une crise cardiaque et n'est plus en politique. Il est chez lui aujourd'hui. Cela nous ramène à toutes les remarques que j'ai faites. Cet homme a pris le temps de se perfectionner de façon à pouvoir postuler un emploi à Parcs Canada, mais il n'a pas été engagé.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

M. Shannacappo: Merci de m'avoir invité. Je tiens à remercier les responsables de Parcs Canada d'essayer d'arranger les choses dans ce domaine de partenariat.

La présidente: Notre témoin suivant est M. Merritt auquel je souhaite la bienvenue. Nous vous écoutons.

M. John Merritt, représentant, Nunavut Tunngavik Inc.: Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Je n'ai pas de texte écrit, mais j'ai quelques documents de mon organisme auxquels je vais me reporter.

Je travaille pour Nunavut Tunngavik Incorporated. Je représente la moitié de l'effectif du bureau d'Ottawa qui compte deux employés. Notre bureau principal se trouve à Iqaluit et nous avons des bureaux auxiliaires à Rankin Inlet et Cambridge. Je sais que votre comité doit voyager et il vous sera donc donné de rencontrer les dirigeants élus et le personnel de ces bureaux.

En 1993, aux termes de l'accord sur les revendications territoriales, Nunavut Tunngavik a reçu le mandat de représenter les Inuits dans le cadre des négociations sur les revendications territoriales, c'est-à-dire essentiellement de faire valoir et défendre les droits des Inuits dans le cadre de cet accord. Nunavut Tunngavik a une vision très générale des choses; ainsi, en plus d'aider à la mise en oeuvre de l'accord sur les revendications territoriales, l'organisme participe également à des questions de politique sociale générale au Nunavut. Depuis la création du nouveau gouvernement, en avril de l'an dernier, Nunavut Tunngavik a participé à certaines initiatives conjointes avec le nouveau gouvernement, comme on pouvait s'y attendre.

Nous sommes une société fédérale à but non lucratif. Il y a environ 20 000 Inuits enregistrés aux termes de l'accord.

La présidente: La société s'occupe-t-elle de développement? J'essaye de faire une comparaison avec le Conseil des Premières nations du Yukon; est-ce la même chose?

M. Merritt: Je ne pense pas que le statut des organismes du Nunavut soit aussi complexe car il n'y a pas le même nombre de Premières nations.

La présidente: Élisez-vous le président?

M. Merritt: Oui. Les dirigeants élus sont choisis dans toute la région du Nunavut par un vote populaire. Les mandats sont échelonnés, de sorte qu'il y a une continuité entre les élections.

La présidente: La Société s'occupe-t-elle de l'ensemble des dispositions de l'accord, soit du développement économique et social?

M. Merritt: Oui. Elle a un mandat très général et se reporte à tous les articles de l'accord.

Il y a trois associations régionales que l'on peut comparer à des organisations soeurs. Le conseil d'administration se compose de représentants des trois régions. Ainsi, nous avons une organisation plus ou moins fédérale, si l'on peut dire. Six organismes régionaux ont chacun un mandat bien précis en rapport avec la propriété foncière, aux termes de l'accord sur les revendications territoriales. Par conséquent, bon nombre de responsabilités sont déléguées. L'accord prévoit un régime souple, où l'on peut attribuer la responsabilité au niveau de l'organisme autochtone qui convient le mieux au sujet précis.

Pour vous parler un peu de moi, j'ai participé aux négociations sur les revendications territoriales de 1979 à 1993. Dans les années 90, j'ai pris part aux travaux de la Commission de mise en oeuvre du Nunavut, l'organisme statutaire qui a contribué à concevoir le nouveau gouvernement. Depuis le 1er avril 1999, je travaille pour la société Nunavut Tunngavik.

Je n'ai pas participé aux négociations proprement dites des ententes sur les avantages et répercussions pour le Nunavut. À cet égard, je peux vous faire un petit topo en prévision de votre voyage à Iqaluit; toutefois, pour parler véritablement des gens qui ont passé des mois et des années à discuter de ce dossier précis, vous obtiendrez d'autres renseignements de la part de personnes de notre société à une date ultérieure.

Je vais vous donner un aperçu général des parcs nationaux et de la façon dont Nunavut Tunngavik les considère, et ensuite je vous présenterai en quelques mots notre expérience jusqu'ici des négociations avec Parcs Canada au lendemain de la signature de l'accord sur les revendications territoriales en 1993. Tout d'abord, Nunavut Tunngavik et l'organisme qui l'a précédée, qui portait un nom différent mais qui se composait essentiellement des mêmes personnes, ont adopté une approche très positive à l'égard des parcs en élaborant leur position lors des négociations sur les revendications territoriales. Les parcs étaient considérés comme un outil utile, pour deux raisons. Ils offraient une protection efficace pour l'utilisation de la terre, et tout le processus de planification qui allait de pair avec les parcs était considéré comme quelque chose pouvant être très utile. Il faut évidemment exprimer de nombreuses réserves, par exemple le maintien des droits de chasse dans les parcs. Toutefois, les parcs étaient de façon générale considérés comme une chose positive et un élément essentiel à l'élaboration d'une bonne position de négociation.

L'accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit l'existence d'au moins un parc dans chaque région naturelle du Nord. Il ne s'agissait pas d'être sceptique mais bien de véritablement souhaiter l'existence d'un parc. Le revers de la médaille, c'est que notre société considérait les parcs comme pouvant jouer un rôle très utile du point de vue du développement économique. Tant avant que pendant les négociations, on est parti du principe que les parcs pouvaient procurer des avantages très concrets aux habitants du Grand Nord. Au Nunavut, tout le monde sait que le tourisme offre d'énormes possibilités. Il y a des obstacles et des problèmes à surmonter, mais le tourisme et les parcs sont considérés comme d'importants instruments de développement économique.

NTI a joué un rôle clé pour inclure dans l'accord sur les revendications territoriales des dispositions relatives aux ententes sur les retombées et répercussions pour les Inuits. Je n'ai pas fait une étude à ce sujet, mais je ne crois pas me tromper en disant que l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été le premier à prévoir que les parcs nationaux s'accompagnent d'ententes sur les retombées et les répercussions. Il existe peut-être des mécanismes semblables dans le cadre d'autres accords de revendications territoriales, mais NTI a fait tout son possible pour s'assurer que les parcs servent non seulement à atteindre l'objectif national général pour lequel ils sont créés, mais également qu'ils procurent des avantages aux Inuits, pour éviter des répercussions négatives comme un trop grand nombre de visiteurs ou une concentration excessive dans certaines activités.

En général, les parcs sont considérés comme un instrument utile susceptible de contribuer à la stratégie diversifiée de développement économique du Nunavut.

L'expérience de NTI a été quelque peu mitigée. L'accord sur les revendications territoriales prévoyait un délai assez optimiste pour achever les travaux nécessaires à la création officielle des parcs dans le Grand Nord. Depuis 1993, les choses n'ont pas avancé aussi rapidement que NTI l'aurait souhaité. Les négociations ont été plus complexes et ont duré plus longtemps que prévu. Nous avons été un peu déçus.

J'ai apporté aujourd'hui le document intitulé «Taking Stock». C'est un résumé de l'évaluation faite par NTI des ententes conclues à ce jour pour régler des revendications territoriales. Je vous invite à le lire d'un bout à l'autre, pour ceux d'entre vous qui en ont le temps et le goût. Aujourd'hui, j'ai pensé m'attarder aux dispositions qui traitent spécifiquement de parcs.

NTI estime que depuis 1993, les parcs représentent l'un des principaux problèmes pour la mise en oeuvre. L'une des raisons pour lesquelles ce rapport a été rédigé, c'est que l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut fait obligatoirement l'objet d'un examen tous les cinq ans. Cela a été négocié au moment de l'entente en 1993. Essentiellement, nous faisons une vérification tous les cinq ans pour faire le bilan de l'entente. En même temps, nous pensions que c'était un outil utile. Il a fallu surmonter une certaine résistance pour l'obtenir. En fait, le premier examen quinquennal démontre que cet élément de l'entente est raisonnable et justifié.

Je voudrais attirer votre attention sur deux points. Aux pages 96 et 97, NTI a tenté de faire ressortir certains problèmes associés au processus, certaines frustrations que ressentent les intervenants qui tentent de mener à bon port les négociations sur ces ententes sur les répercussions et les retombées pour les Inuits.

À la page 97, vous verrez une énumération des points que NTI juge épineux quand on tente de finaliser ces ententes sur les répercussions et les retombées pour les Inuits.

Comme je l'ai dit, les négociations ont été plus longues et complexes que nous ne l'avions espéré. D'autres intervenants vous ont probablement déjà mentionné dans d'autres contextes ces problèmes associés au processus. C'est difficile pour un intervenant autochtone qui doit négocier avec un ministère, quand ce dernier négocie de son côté avec beaucoup d'autres ministères, lesquels ne prennent pas la peine de venir à la table. Je suis sûr qu'on vous en a déjà parlé. Je suis certain, en tout cas, que le sénateur Watt connaît bien ce problème.

Il y a des problèmes d'ancienneté, c'est-à-dire que les gens qui négocient doivent constamment s'en remettre à leur supérieur, jusqu'en haut de la hiérarchie, pour obtenir des décisions. Il y a des problèmes de communications.

Il y a eu deux faux départs. Deux fois, NTI croyait que des ententes avaient été conclues de bonne foi, que la version définitive des documents avait été établie, alors qu'il a fallu tout reprendre par la suite. Comme vous pouvez l'imaginer, ces échecs ont été très durement ressentis de notre côté. Il y a eu certaines frustrations et vous comprendrez probablement mieux si vous lisez ce document. Je voulais simplement attirer votre attention sur certaines des difficultés.

Dans les pages grises, à la fin du document, on trouve une série de recommandations formulées par NTI sur la totalité de l'accord de mise en oeuvre, mais il y a aussi certaines recommandations traitant précisément des parcs et de la conservation, à partir de la page 188. Je n'entrerai pas dans les détails, parce que vous aurez l'occasion d'en prendre connaissance avant de vous rendre à Iqaluit. Je voudrais toutefois m'attarder à deux ou trois points. D'abord, NTI a consacré beaucoup d'argent à des négociations qui ont duré beaucoup plus longtemps que prévu. Il a fallu dépenser l'argent du versement unique de compensation pour un processus de négociation que NTI a trouvé exagérément long et compliqué, ce qui a suscité un certain mécontentement.

Le sénateur Watt: Le gouvernement du Canada ne paie pas la note?

M. Merritt: Le gouvernement du Canada payait ses propres frais et on avait prévu un montant total de 4 millions de dollars, sauf erreur, pour tout mettre en oeuvre. C'était en fait à NTI de décider quelle proportion de cette somme il fallait consacrer aux divers éléments qui étaient en négociation. Depuis 1993, certaines négociations se sont bien passées, tandis que d'autres ont progressé à pas de tortue. C'est très inégal.

Toutefois, je ne pense pas que ce soit l'aspect le plus frustrant. Le dossier le plus frustrant a été celui de la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, dont vous serez peut-être saisis à un moment donné.

Le dossier des parcs a certainement progressé beaucoup plus lentement qu'on ne l'espérait et a coûté beaucoup plus cher que prévu, ce qui est une mauvaise surprise. NTI le fait d'ailleurs observer dans ce document.

Par ailleurs, nous avons aussi eu quelque peu l'impression qu'il aurait été préférable que les représentants du gouvernement qui participaient aux négociations adoptent une vision peut-être un peu plus large des possibilités auxquelles l'accord ouvrait la porte. C'est probablement un terme que vous avez déjà entendu de la part d'autres organisations autochtones.

NTI considère que cet accord sur les revendications territoriales est un minimum, un point de départ, une série d'engagement de base. NTI a aussi adopté le point de vue qu'un accord sur les revendications territoriales doit pouvoir évoluer et donner lieu à une certaine adaptation et il serait regrettable que tout cela soit coulé dans le béton étant donné que l'accord tente d'établir des orientations dans de nombreux domaines. Il y a, par définition, des domaines qui peuvent donner lieu à diverses interprétations. L'accord sur les revendications territoriales prévoyant des ententes sur les répercussions et les retombées pour les Inuits comprend une liste de sujets de négociation. Bien sûr, tout cela est fondé sur l'hypothèse que les parties feront preuve de bonne foi, d'imagination et de créativité pour que ces négociations débouchent sur des résultats utiles.

NTI craint qu'un accord sur les revendications territoriales qui nécessitera constamment de faire appel à l'imagination pourra très rapidement devenir simplement comme une sorte de carte de pointage, et l'on n'obtient pas toujours les meilleurs résultats de cette manière.

Je vous remets donc ces recommandations, dont vous pourrez prendre connaissance à loisir, ou peut-être aurez-vous des questions à nous poser.

En terminant, quatre ERRI ont été négociées. Cela a pris du temps, mais c'est un succès. On a réglé le cas de trois parcs dans le secteur de Baffin et d'un autre dans le secteur de Kivalik. Les ERRI diffèrent entre ces deux régions parce que les personnes en cause ne sont pas les mêmes et que les Inuits qui habitent dans ces deux régions avaient des priorités différentes. Ces ententes ne sont pas simplement des modèles que l'on peut photocopier et appliquer tels quels à d'autres parcs, et vous en comprendrez la raison, étant donné qu'il y a non seulement des différences dans les collectivités en cause, mais aussi des différences sur le plan des ressources, de la faune, de l'utilisation prévue du parc, et cetera. Chacun de ces points doit être négocié séparément. NTI se félicite des résultats obtenus dans ces dossiers. Nous ne voulons pas que vous ayez l'impression que l'expérience à ce jour est intégralement mauvaise. De notre point de vue, il y a eu des problèmes à cause de la lenteur et aussi parce que les accords ne sont pas aussi ambitieux qu'ils auraient pu l'être, mais nous avons quand même réussi à négocier des ERRI à l'égard de quatre parcs. NTI reconnaît par ailleurs que dans bien des cas, il faut apprendre au fur et à mesure. C'était vrai des négociations sur l'accord lui-même et c'est vrai également pour le suivi. Dans une certaine mesure, tout cela prend du temps parce qu'il faut faire ce que personne n'a jamais fait auparavant. C'est là que résident à la fois le défi et le risque; néanmoins, nous avons obtenu et mis en place ces ententes et notre organisation en était contente.

Enfin, nous sommes conscients que l'on pourrait présenter à un moment donné une nouvelle loi sur les parcs nationaux. NTI est toujours très consciente de sa responsabilité de suivre de près toute initiative dans le domaine législatif. Nous scrutons toujours à la loupe toute nouvelle mesure législative qui touche de près ou de loin à notre accord pour vérifier que la loi envisagée reflète et respecte l'accord.

Je signale cela parce que même si tout le monde est d'accord en principe avec cette idée, nous constatons qu'il est très facile pour un appareil gouvernemental imposant qui est préoccupé par de nombreux dossiers et qui subit diverses pressions de perdre cela de vue. Nous constatons que nous devons souvent faire du rattrapage et rappeler aux gens que cet accord est un engagement constitutionnel immuable. Il doit être entendu qu'il faut respecter à la fois l'esprit et la lettre de l'accord et le mettre en oeuvre intégralement.

Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous faire un petit exposé sur l'évolution de la scène politique au Nunavut?

M. Merritt: Depuis le 1er avril 1999?

Le sénateur Cochrane: Oui.

M. Merritt: Je ne suis sans doute pas celui à qui il faut demander cela, mais je pourrais vous signaler un certain nombre de choses. D'abord, la création du Nunavut est consacrée, comme vous le savez, par l'accord sur les revendications territoriales dans cette région. C'est sans doute le développement qui a permis la conclusion de cet accord en 1993. NTI en est très fière et tient à ce qu'on reconnaisse que la création du Nunavut résulte des efforts qui ont été déployés pendant des années à la table de négociation des revendications territoriales. L'accord sur les revendications territoriales ne donne pas beaucoup de précisions, bien entendu, au sujet du gouvernement du Nunavut. Un processus a été mis en place en 1993, qui s'est poursuivi jusqu'en 1999, afin de déterminer la forme que prendrait ce gouvernement. NTI a participé à part entière à ce processus. Même si, de toute évidence, le nouveau territoire connaît des douleurs de croissance, je crois que, de manière générale, on est très heureux que la création du territoire le 1er avril 1999 soit une réussite formidable.

Nous suivons de très près les efforts que déploie le gouvernement afin de recruter des Inuits, par exemple, puisqu'un des engagements qui a été pris dans le cadre de l'accord sur les revendications territoriales vise à faire en sorte que les Inuits finissent par être employés à tous les niveaux du gouvernement dans une proportion qui correspond à leur proportion de la population.

C'est quelque chose qui prend du temps. Les objectifs qui ont été fixés tiennent compte du fait qu'on ne peut pas former des gens du jour au lendemain.

En octobre dernier, Nunavut Tunngavik et le gouvernement du Nunavut ont signé un accord bilatéral. L'utilité de ce document tient au fait qu'il établit des objectifs et des priorités auxquels souscrivent les deux parties, le Nunavut, en sa qualité de gouvernement, et NTI, en sa qualité de représentante des Inuits de la région. On a créé des groupes de travail spéciaux chargés d'examiner la politique d'attribution des marchés publics et les modalités d'une nouvelle loi sur l'éducation.

NTI évolue maintenant dans un tout nouveau monde, puisque avant le 1er avril 1999, nous partions du principe que le gouvernement territorial à Yellowknife finirait par être remplacé, et l'idée que nous nous faisions de la façon dont le Nord devrait se développer différait à certains égards du point de vue de l'ancien GTNO. Aussi NTI et le nouveau gouvernement sont toujours en train de définir le partage des responsabilités. De part et d'autre, on est bien décidés à assurer une collaboration étroite, et il y a déjà de nombreux signes que la relation entre NTI et le nouveau gouvernement pourra être productive et qu'elle sera axée sur la coopération.

Le sénateur Cochrane: Les Autochtones sont-ils satisfaits du gouvernement qu'ils ont maintenant?

M. Merritt: Ce pourrait être présomptueux de ma part de me prononcer là-dessus puisque je ne suis pas inuk et que je ne vis pas dans le Nunavut. Vous vous rendrez vous-mêmes là-bas et vous pourrez tirer vos propres conclusions. Je ne suis pas en mesure de vous signaler quelque sondage objectif qui pourrait vous être utile à cet égard. Je suis sûr, cependant, que le comité aura l'occasion de poser cette question.

Le sénateur Andreychuk: Ma question porte sur le fait que nous allons étudier la situation des parcs et formuler des recommandations relativement aux débouchés économiques pour les Autochtones. L'idée qu'on se fait du tourisme et des possibilités d'emploi est-elle différente dans le cas des parcs et dans le cas des autres débouchés? Je suis frappée par le fait qu'il y a là-bas des régions vierges que nous voulons préserver. Nous avons entendu ce matin des témoins nous dire qu'il fallait les préserver telles quelles, sans autre détérioration, et cetera, et qu'il fallait créer des activités économiques; le tourisme international est l'une de ces activités qui fait tourner partout la machine économique.

Bien entendu, les possibilités d'emploi seront limitées si on limite l'accès aux parcs. A-t-il été question de ces considérations dans votre travail de planification? Quelle idée vous faites-vous des possibilités? Certains disent qu'ils veulent accroître l'activité dans les régions qui donnent accès aux parcs, tandis que d'autres soutiennent qu'il faut être très réaliste, que le marché sera très limité si nous voulons préserver l'environnement.

M. Merritt: Les gens estiment, selon moi, qu'il y a là une question d'équilibre, comme d'autres vous l'ont sûrement dit. L'accord sur les revendications territoriales met en équilibre la nécessité de protéger les valeurs environnementales fondamentales et le besoin de préserver l'économie de la chasse de subsistance, par exemple. On reconnaît aussi que le développement économique doit prendre d'autres formes étant donné les difficultés économiques que connaît la population et les pressions attribuables à la croissance démographique. De nombreux jeunes arrivent à l'âge actif et veulent avoir quelque chose à faire, et ils souhaitent pouvoir se trouver un emploi rémunéré et maintenir aussi leurs compétences traditionnelles. C'est une question d'équilibre. Dans le Nord, la marge d'erreur se trouve invariablement amplifiée dans un sens ou dans l'autre parce que la population est peu nombreuse mais répartie sur un vaste territoire. Ainsi, les conséquences, quand on se trompe, prennent généralement beaucoup plus d'importance dans un milieu aussi vaste.

Avec l'arrivée des premiers navires de croisière dans le Grand Nord, certaines des localités ont vu déferler chez elles un grand nombre de touristes. Malgré l'avantage économique que représentait ce déferlement, c'était trop, car ce peut être bouleversant pour une collectivité de voir arriver 500 ou 600 personnes qui prennent des photos dans le désordre et la confusion.

Je crois que la population souhaite au fond accueillir ceux qui viennent de l'extérieur, qu'elle souhaite partager avec eux sa culture et ses paysages. Il faudrait toutefois que cela se fasse de façon ordonnée. Il faut donc trouver le juste milieu.

On craint également que certaines collectivités attirent plus que leur juste part des touristes; autrement dit, les touristes seront trop nombreux à vouloir aller dans un petit nombre d'endroits, tandis que d'autres collectivités seront complètement laissées pour compte. Le gouvernement du Nunavut fait la promotion énergique du tourisme comme étant un des moteurs économiques du Nord pour les années à venir. Bien qu'on ait le souci de bien faire les choses, on espère généralement que le tourisme deviendra une composante économique durable et croissante.

Le sénateur Andreychuk: Pour cela, le gouvernement du Nunavut peut tirer des leçons de nos erreurs passées. Nous avons des parcs -- je connais bien l'histoire de Banff, où l'objectif était dès le départ d'y faire venir les touristes. Ce serait formidable si vous aviez d'autres endroits à vocation récréative à part le parc, qui permettraient aux touristes de profiter des montagnes, du climat et de toutes ces autres choses.

Si vous optiez pour ce modèle, vous auriez un quartier résidentiel bien circonscrit, des zones protégées où certaines activités récréatives seraient autorisées, le tourisme étant la seule industrie permise, et le reste du parc serait préservé à l'état naturel.

Avez-vous pensé à des modèles de rechange, ou essayez-vous simplement de vous tirer d'affaire?

M. Merritt: Ce que je vais vous dire représente sans doute davantage mon opinion personnelle qu'une position qu'aurait prise NTI. On pourrait notamment avoir pour stratégie de faire des parcs des enclaves où seules les activités permettant de les conserver à l'état naturel seraient permises et d'investir fortement dans l'infrastructure, de façon que, d'où qu'on y accède, les parcs présentent au monde une image très attrayante. Le problème qui se pose tient au fait que, pour beaucoup, les expériences les plus mémorables sont celles qu'on vit sur le chemin de l'aller et du retour du parc. Je crois qu'on s'inquiète du fait que, dans un endroit comme Iqaluit, la première impression quand on descend de l'avion n'est pas tellement différente de ce qu'on voit ailleurs au monde. Les logements ne sont pas tellement différents de ceux qu'on trouve dans bien d'autres régions du Canada subarctique. Les gens sont conscients du fait que l'aménagement urbain n'a pas été des plus dynamiques.

Iqaluit a maintenant son comité d'embellissement local qui tente de trouver des solutions à certains des problèmes qui se posent. Quand ils se présentent là, les touristes veulent non pas seulement s'imprégner du paysage naturel, mais avoir l'impression qu'ils visitent des agglomérations attrayantes et uniques en leur genre. Comment peut-on revenir en arrière et effacer en quelque sorte le type de logement qui existe dans le Nord depuis plus de 30 ans? De nos jours, les gens du Nord vivent, bien sûr, dans des collectivités qui sont le résultat des décisions qui ont été prises au cours des deux dernières générations par bien des ingénieurs et des types du Conseil du Trésor. On ne peut donc pas s'attendre à pouvoir refaire tout cela du jour au lendemain.

Ce serait une erreur de considérer les parcs comme étant isolés du milieu environnant, comme des endroits où l'on concentre les ressources pour que les visiteurs qui s'y rendent aient une expérience agréable. On oublierait ainsi que, pour la plupart des résidents du Nord, les avantages économiques réels tiennent sans doute davantage à ce que font les visiteurs avant d'entrer dans le parc et quand ils en ressortent. Ainsi, l'écotourisme présente des possibilités énormes. Les visiteurs ne laissent pas beaucoup de leur argent dans les collectivités. Ils veulent se rendre à un endroit où ils peuvent prendre leur tente avec eux et vivre de façon autonome jusque dans une certaine mesure. Si c'est là le genre d'expérience que recherchent les touristes, les avantages économiques doivent alors provenir d'autres éléments, que ce soit de la vente d'objets d'artisanat ou d'un séjour d'une journée supplémentaire à Iqaluit pour visiter un musée ou faire autre chose.

L'accord sur les revendications territoriales précise que les Inuits détiennent un titre collectif pour tous les spécimens archéologiques. Les responsables des musées s'engagent à ne ménager aucun effort pour acquérir et exposer des spécimens archéologiques du Nord. Ils ont une bonne attitude et une bonne mentalité, mais il y a, bien entendu, le problème du financement. Des installations attrayantes sont très chères à établir et à administrer. L'investissement requis est presque aussi important pour le tourisme que l'argent que l'on investit dans les parcs.

La présidente: Je voudrais me renseigner davantage au sujet des ERRI. Vous avez dit qu'il y en avait deux conclues.

M. Merritt: Deux sont conclues au sujet de quatre parcs.

La présidente: Est-ce qu'elles s'appliquent à chaque parc?

M. Merritt: Celle visant l'île de Baffin porte sur trois parcs et elle a été signée. On a conclu une ERRI pour un parc dans la région de Kivall, mais elle n'a pas encore été signée.

La présidente: Combien en reste-t-il à conclure?

M. Merritt: Cela dépend des intentions futures concernant de nouveaux parcs dans le Nord, mais celles-là peuvent couvrir les parcs qui existent maintenant.

La présidente: Ces ententes ont-elles été conclues avec les communautés proches du parc, ou bien avec le gouvernement?

M. Merritt: Elles ont été conclues avec Parcs Canada, et les associations régionales inuites. Je devrai vérifier, mais Nunavut Tunngavik a peut être aussi signé pour faire un parc de plus.

La présidente: Est-ce que les négociations sont menées par la région?

M. Merritt: Oui.

La présidente: Vous dites que le tourisme joue le rôle principal. A-t-on cherché d'autres usages pour le parc qui pourraient aussi rapporter de l'argent?

M. Merritt: On s'intéresse beaucoup à la chasse, bien entendu. Les droits de chasse des Inuits existent indépendamment du statut du parc. C'est ainsi que les droits des Inuits de chasser sur les terres de la Couronne sont à peu près les mêmes dans les parcs que n'importe où ailleurs. Néanmoins, l'entente envisage des plans de gestion, qui pourraient changer tout cela. Les gens sont attirés par les parcs parce qu'ils veulent voir la faune. Certaines personnes sont choquées de voir qu'on mange les animaux. On est prêt à négocier ces choses d'une manière pragmatique. Je n'ai pas participé au jour le jour aux négociations de cette entente, et vous en apprendrez probablement davantage à ce sujet de la part des négociateurs, pour ce qui est des droits et des territoires de chasse.

La présidente: En ce qui concerne la chasse dans les parcs, est-ce que ces ententes en font état? Ou est-ce qu'elles prévoient une disposition qui peut être étoffée par la suite?

M. Merritt: Je laisserai des gens mieux informés que moi répondre à cette question. Les gens à qui vous parlerez plus tard nuanceront sans doute mes propos.

La présidente: Merci de vos renseignements.

La séance est levée.


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