Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure
Fascicule 2 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 23 novembre 1999
Le comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui à 16 h 35 pour discuter du problème de violation de privilège soulevé par l'honorable sénateur Andreychuk et pour examiner certaines questions relatives au mandat du comité en vertu de l'alinéa 86(1)f) du Règlement du Sénat.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum.
Nous pouvons rapidement régler le premier point à l'ordre du jour. Il me semble qu'il n'y a rien à décider au sujet de la demande que fait au Sénat le sénateur Taylor d'abolir les droits normalement prélevés relativement au projet de loi de l'Église morave. Vous trouverez dans les documents qui vous ont été distribués aujourd'hui une lettre du sénateur Taylor. Il demande, au nom des signataires de la pétition sur le projet de loi, que l'article 106 soit suspendu. Le paragraphe 106(1) dit ceci:
Toute demande [...] pour un projet de loi privé doit être annoncée par un avis publié dans la Gazette du Canada [...]
Le paragraphe 106(3) dit bien que les avis doivent être publiés...
[...] dans la Gazette du Canada, dans la gazette officielle de la province intéressée et dans un des principaux journaux [...] au moins une fois par semaine durant quatre semaines consécutives [...]
Les coûts ont été évalués entre 500 et 1 000 $. Ils ont déjà été payés une fois.
En 1991, le Conseil des anciens de l'Église morave d'Amérique avait entamé les démarches formelles visant le dépôt d'un projet de loi privé. Ils souhaitaient apporter trois changements à la loi constitutive de l'Église. Le premier changement visait à modifier le titre français, qui est trop long. Le deuxième consistait à donner un nom au Conseil des anciens et le troisième était pour supprimer certaines restrictions imposées aux pouvoirs d'investissement du conseil.
Des avis ont été publiés en français et en anglais dans la Gazette du Canada du 6, du 13, du 20 et du 27 mars 1993. Un avis a paru dans L'Edmonton Journal les 16, 23 et 30 avril ainsi que le 7 mai 1993 et dans l'Alberta Gazette les 15 et 31 mars et les 25 et 29 avril 1995.
Le projet de loi a été rédigé et était prêt à être présenté par son parrain, le regretté sénateur Twinn, qui est décédé en 1997 avant que la pétition ou le projet de loi aient pu être déposés.
La même demande de dérogation aux exigences relatives à la publication a été acceptée à la dernière session par notre comité. Sa recommandation à cet effet a été adoptée par le Sénat le 11 mai 1999.
Selon l'article 108 du Règlement, une motion pour suspendre l'application des règles relatives à une pétition de lois privées n'est recevable que si la suspension est recommandée par ce comité. Comme vous pouvez le voir d'après l'historique de cette pétition, nous ne faisons qu'essayer de la remettre sur les rails et de la faire avancer avant les prochaines élections. Je suis sûr que l'Assemblée morave en serait heureuse. Nous devons accepter que les dispositions de l'article 106 soient suspendues relativement à ce projet de loi privé. Est-ce que quelqu'un peut proposer une motion à cet effet?
Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Je propose cette motion.
Le président: Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des commentaires?
Le sénateur Beaudoin: Est-ce qu'il y a des précédents du même genre? Est-ce que c'est la première fois que cela arrive?
Le président: Comme je l'ai dit, le Sénat avait, lors de la dernière session, accepté de suspendre cette disposition et le comité en avait fait la recommandation, qui a été adoptée par le Sénat le 11 mai 1999. Cependant, le Parlement a prorogé la session avant que le Sénat puisse agir. Nous ne faisons qu'essayer de régler toute la question pendant cette session-ci.
Le sénateur Robichaud (L'Acadie-Acadia): Dans les assemblées législatives provinciales, c'est une pratique courante et quasi automatique. Une motion doit être présentée dans chaque cas, mais les motions de suspension des droits sont automatiquement acceptées lorsqu'il s'agit d'organisations charitables ou religieuses. C'est la pratique courante.
Le sénateur DeWare: Je serais d'accord.
Le président: Est-il convenu que les dispositions de l'article 106 du Règlement seront suspendues relativement à ce projet de loi privé et qu'un rapport sera remis au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le président: Le deuxième point à l'ordre du jour est le rapport du groupe de travail sur les révisions du Règlement du Sénat. Le sénateur Kinsella a soulevé devant le Sénat la question de la portée des travaux que ce comité sera autorisé à effectuer tandis que le Sénat siège les mardis après-midi. J'ai répondu que nous ne parlerions pas aujourd'hui du rapport du groupe de travail. Nous ne discuterons que des deux questions de privilège. Nous demanderons au Sénat un autre décret si nous décidons de parler de ce rapport les mardis. Autrement, il nous faudrait nous rencontrer pendant la pause du midi les mercredis. Il se peut que nous devions rétablir cet horaire de réunions pour nos autres affaires.
Nous passons maintenant à la question de privilège soulevée par sénateur Andreychuk. Le Sénat nous a saisi de la question le 13 octobre 1999. La motion du Sénat à ce sujet était la suivante:
Que la question de privilège au sujet de la divulgation non autorisée d'ébauches d'un rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit renvoyée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.
Des documents d'information devraient vous avoir été remis avec l'ordre du jour. Le sénateur Andreychuk a proposé la motion devant le Sénat. Elle est avec nous aujourd'hui pour nous exposer son point de vue et les solutions qu'elle souhaite voir adoptées à ce sujet.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au Sénat, j'ai découvert, depuis mon arrivée au Sénat il y a six ans, que la protection des renseignements confidentiels est extrêmement importante. C'est sur elle que reposent les travaux et l'atteinte, particulièrement dans les comités, du genre de consensus dont nos bons rapports sont le fruit. Quand je suis arrivée au Sénat, personne ne m'a parlé de confidentialité. Je l'ai tenue pour acquis. J'en connaissais les principes. Peut-être est-ce ma formation juridique qui m'avait rendue sensible à la question.
Il y a environ deux ans, alors que le comité qui étudiait la question de l'éducation postsecondaire siégeait, il y a eu une grave violation de la confidentialité. À ce moment-là, j'en ai parlé de manière informelle au président et aux membres du comité. Plutôt que d'en faire une affaire publique, je pensais que la meilleure façon de régler les choses serait d'alerter tout le monde dans l'espoir qu'une telle contravention aux règles ne se renouvellerait pas.
Quoiqu'il en soit, nous étions, les membres du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, à discuter de sujets très difficiles avec un éventail disparate de groupes autochtones dont les avis sur ce que nous devions faire étaient différents. Les membres du comité avaient des points de vue divergents. Donc, assez rapidement, il y a eu une première, puis une deuxième ébauche de rapport. Dans la troisième ébauche, la façon dont nous allions nous y prendre commençait à prendre forme. Des commentaires ont été faits sur cette ébauche, puis une quatrième ébauche a été produite.
Lorsque le comité s'est réuni, il était dans la situation peu habituelle de devoir traiter avec les troisième et quatrième ébauches. Nous nous interrogions sur la suite de notre démarche. À notre dernière réunion, nous nous demandions ce que nous devrions faire. Nous avons convenu d'essayer de combiner la troisième et la quatrième ébauche. Ces commentaires ont tous été faits à huis clos. Les ébauches portaient clairement la mention «confidentiel» et je les avais toujours traités comme telles. Et voilà que nous lisons dans le National Post une recommandation très particulière, qui m'a donné à penser qu'il avait eu une fuite, si je peux l'appeler ainsi. Plus précisément, une recommandation, qui figurait dans les deux ébauches du rapport se retrouvait là mot pour mot. Il ne faisait pas de doute qu'il y avait eu violation de la confidentialité. C'est pourquoi je me suis dressée pour soulever la question de privilège. En tant que membre de comité, je me suis sentie trahie. J'ai aussi eu l'impression que le Sénat avait été trahi. Nous n'avons pas eu la possibilité de présenter nous-mêmes le rapport, ni nos points de vue.
Le président a décrété qu'il y avait eu prétention établie prima facie parce que c'était apparu dans les journaux. Ça ne provenait évidemment pas d'un rapport déposé au Sénat. Le comité n'en avait pas non plus discuté publiquement, d'aucune façon. Je ne sais pas si ce comité doit en faire plus pour prouver qu'il y a eu atteinte à la confidentialité. Je vous laisse le soin d'en décider.
Ce qui est fait est fait. Je ne voudrais pas que cela se reproduise. C'est une question importante. J'espère que nous n'allons pas nous exposer à nous faire livrer des enveloppes brunes, le genre de chose avec laquelle les députés de la Chambre doivent composer quotidiennement. Je nous croyais relativement à l'abri de cela.
Je ne suis pas ici pour porter des accusations, que ce soit venu d'un sénateur, d'un membre du personnel du Sénat ou d'un attaché de recherche. Cette fuite nous touche tous. Il ne servirait pas à grand chose d'essayer de savoir qui en est responsable. À mon avis, les règles étaient trop vagues pour commencer.
Je propose au comité de faire cinq recommandations. La première est qu'il devrait avertir tous les sénateurs, par écrit, de la règle relative à la confidentialité. Je vous demande de leur rappeler l'existence de cette règle et qu'ils sont tenus de la respecter, particulièrement dans les travaux courants des comités.
Deuxièmement, les nouveaux sénateurs devraient être informés de cette règle. Beaucoup de sénateurs n'ont pas de formation juridique. Ils proviennent de divers secteurs d'activité, où ils n'étaient pas tenus de protéger des renseignements. Il faudrait leur expliquer ce que signifie l'ébauche confidentielle d'un document de comité.
Troisièmement, au sujet de la formation du personnel du Sénat, il devrait y avoir une politique qui exige du Sénat qu'il entreprenne d'expliquer le sens du secret professionnel. Je vous laisse le soin d'approfondir cela. Nous avons des greffiers. Nous avons des traducteurs. Il nous semble que certains d'entre eux savent ce que signifie le terme «confidentialité». Cependant, d'autres l'ignorent.
La quatrième chose dont j'aimerais parler est la question des attachés de recherche. Est-ce qu'on explique aux attachés de recherche que les comités ou les sénateurs engagent ce que signifie la protection des renseignements? Est-ce que cela figure dans leur contrat? Le problème, au comité sur les peuples autochtones, est en partie que nous n'avions pas seulement fait appel aux services de la Bibliothèque du Parlement. Eux, ils savent protéger les renseignements confidentiels.
Cinquièmement, nous engageons tous du personnel à contrat. Est-ce qu'il ne faudrait pas clairement indiquer l'obligation de protéger la confidentialité des renseignements, dans leurs contrats? Les directives en matière de conflit d'intérêt y figurent. Par contre, rien n'y indique que l'employé doit accepter de respecter la règle de confidentialité dans ses travaux avec un sénateur ou un groupe de sénateurs particulier.
L'adoption de mesures du genre de celles-ci serait, à mon avis, monsieur le président, une première étape qui nous permettrait de voir si ce sera suffisant.
Le président: Le sénateur Andreychuk a soumis deux questions à notre examen. La première est la suivante: y a-t-il eu violation de privilège dans la publication non autorisée d'ébauches d'un rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones? Nous sommes tenus d'arriver à une conclusion de fait sur cette question.
Le sénateur Andreychuk: Je ne mets absolument pas en question la publication de ce document dans les journaux ni la liberté d'expression des médias. Ils s'appuient sur leurs sources d'information et publient ce qu'ils veulent. Le problème qui se pose pour nous est qui voudrait mettre le Sénat dans une telle posture? J'aimerais que ce soit inscrit au compte-rendu pour sénateur Fraser qui, malheureusement, n'est pas ici aujourd'hui.
Le sénateur DeWare: J'ai avec moi les troisième et quatrième ébauches, qui portent clairement l'indication «Confidentiel. Ne pas diffuser».
Le président: Je voudrais que le compte-rendu de la séance indique que les troisième et quatrième ébauches du document du comité sénatorial des peuples autochtones intitulé «Forging New Relationships: Aboriginal Government in Canada», portent l'indication «Confidentiel. Ne pas diffuser».
Si nous déterminons qu'il y a eu atteinte au privilège, la question qui se posera est: comment y remédier? Le sénateur Andreychuk ne nous demande pas d'enquêter pour savoir qui a divulgué le contenu de ce rapport en particulier. Elle nous demande de prendre des mesures correctrices s'adressant aux sénateurs eux-mêmes, aux collaborateurs des sénateurs, au personnel des comités et aux employés contractuels à court terme qui collaborent avec les comités, de manière à ce que personne ne puisse prétendre n'avoir pas été informé. Cependant, j'aimerais poser la question suivante au sénateur Andreychuk: Nous demandez-vous d'envisager des sanctions si l'une ou l'autre de ces personnes contrevient à ses obligations à l'égard du Sénat?
Le sénateur Andreychuk: J'y ai réfléchi. Pour le moment, il me semble que nous avons tous été fautifs en n'amenant pas cette question à un plus haut niveau dans le cadre de nos travaux. Personne ne m'en a jamais parlé lorsque je suis arrivée ici. Le sujet n'a jamais été soulevé.
Le président: Une fois qu'il le sera, et que tout le monde saura clairement la teneur de ses obligations, la question qui se pose est: Et ensuite? Quelle mesure, le cas échéant, le Sénat devra-t-il prendre s'il peut être prouvé qu'il y a eu atteinte au privilège de la part d'un membre de l'une ou l'autre de ces catégories? Laisseriez-vous le comité en décider?
Le sénateur Andreychuk: Je pense bien, et vous devrez ensuite diviser la question entre deux catégories: les sénateurs et les autres. Je crois que nous sommes tenus par mandat public de nous comporter d'une certaine manière. Je ne sais pas quelles pourraient être les sanctions, à part ce que nous avons le droit collégial de dire les uns sur les autres. Nous avons appris de l'affaire Thompson que nous avons le droit de faire des commentaires si nous croyons que le fonctionnement du Sénat peut être perturbé d'une certaine manière. À mon avis, il faudrait régler ce problème de façon ponctuelle.
Comme je l'ai dit, dans les contrats et les politiques, la question du traitement confidentiel de l'information devrait revêtir une importance égale à celle des conflits d'intérêts. Les mêmes mesures correctrices que nous appliquons à ce sujet, dans les contrats et l'emploi, devraient s'appliquer lorsqu'il y a divulgation de renseignements confidentiels. En fait, les sanctions devraient peut-être même être plus sévères.
Le président: Il existe des précédents dans d'autres législatures. Par exemple, la Chambre des communes britannique, dont nous allons parler plus tard, indique que la pratique en vigueur est d'adopter des sanctions de suspension contre les membres qui contreviennent à leurs obligations, et des sanctions sont indiquées dans les conditions d'emploi des employés et des autres. J'aimerais suggérer, si vous voulez bien, de les examiner et de les intégrer à notre décision finale. Je crois que les sanctions sont un facteur important.
Honorables sénateurs, j'aimerais que nous nous concentrions sur la question de savoir s'il y a eu atteinte au privilège. Pouvons-nous commencer par là?
Le sénateur Kroft: Le sénateur a suffisamment insisté comme le sénateur Fraser l'avait fait, je crois, même à la Chambre, sur la nécessité de ne pas dépasser un certain point, et comme notre président en a convenu, et pour dire que les médias ne sont pas en cause. Cependant, j'ai lu les documents qui ont été distribués, et tous les comités qui ont examiné la question ont dit qu'il est impossible de ne pas mettre les médias en cause. Ces comités n'ont pas tous tiré la même conclusion, mais les médias ont fait partie de la discussion, et en fait, de la sanction. J'ai trouvé cela assez intéressant. Je peux comprendre le point de vue de Le sénateur Fraser; cependant, ce qui me préoccupe un peu, ce n'est pas tant ce que pourrait être notre réponse définitive, mais que nous sautions si rapidement à la conclusion que les médias ne sont pas en cause.
Le président: Si vous voulez bien, réglons la question de savoir si nous allons prendre des mesures qui ne s'appliqueront pas qu'aux sénateurs et aux employés du Sénat, d'une catégorie ou de l'autre.
Dans le débat du Sénat du 14 septembre; j'ai fait certains commentaires sur cette question de privilège. À la page 5 de ces notes, sénateur Fraser a dit ce qui suit:
Honorables sénateurs, mon commentaire fait suite aux propos du sénateur Austin. Il a peut-être tenu ces propos par inadvertance, car je sais qu'il a toutes les raisons de bien comprendre les rouages de la presse libre. Si j'ai bien saisi, il a laissé entendre que l'article, et peut-être même l'éditorial dans le National Post, constituaient une violation de privilège.
Si on a porté atteinte au privilège -- et c'est peut-être le cas -- à mon avis, ce n'est pas la faute des médias, mais la faute de ceux qui ont divulgué l'ébauche de rapport. Les médias ont entièrement le droit d'imprimer les documents qui leur sont transmis, à quelques rares exceptions près. Je ne crois pas que cette ébauche de rapport fasse partie des exceptions.
Ce à quoi j'ai répondu:
Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord avec le sénateur Fraser. Je n'avais absolument pas l'intention de dire que les médias avaient violé le privilège et je ne crois pas l'avoir dit. Ce que je dis, c'est que le texte paru dans les médias constitue une atteinte à notre privilège car il compromet le travail d'un comité sénatorial. Je ne dis pas que les médias n'ont pas le droit de publier ce texte, car je crois que c'est tout à fait leur droit.
Réflexion faite, je crois qu'il s'agit d'un point très défendable; cependant, j'estime que nous pouvons expédier la question de savoir si nous approfondissons la question du National Post en décidant que, dans ce contexte, nous devrions nous intéresser au premier chef à notre propre fonctionnement interne.
Y a-t-il un sénateur qui souhaite que nous approfondissions la question d'une atteinte possible au privilège de la part du National Post? Cela ne fait pas partie de l'intention précise du Andreychuk, bien que le libellé du renvoi du Sénat à ce comité soit assez général pour l'inclure, si c'est ce que nous voulons faire.
Le sénateur Andreychuk: Si nous avions eu le moindre reproche à faire aux médias, j'aurais pu ne pas limiter aux sénateurs et aux employés du Sénat la question d'une atteinte possible au privilège. Cependant, ce qui me préoccupait c'est que j'estimais que nous n'avions pas fait suffisamment de ménage dans notre propre cour. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas sûre d'être prêtre à passer à l'étape suivante dont parle le sénateur Kroft.
Le sénateur Kroft: Je me penche sur ce cas particulier, mais je me demande si, à me sure que nous examinons la question, il ne deviendra pas naturel d'étendre notre réflexion à cet aspect, peu importe la conclusion à laquelle nous en viendrons. Je ne voudrais pas que l'ordre de renvoi nous limite dans ce que nous pourrions vouloir étudier.
Le président: La question, sénateur Kroft, consiste à savoir si nous désirons examiner la question d'une atteinte au privilège par les médias. Ne pas nous pencher maintenant sur le comportement du National Post qui a publié un de nos documents confidentiels ne signifie pas pour autant, selon moi, que nous ne pouvons pas ramener la question sur le tapis ultérieurement ni que nous concédons le point.
Le sénateur Rossiter: Nous ne pourrions pas vraiment nous en prendre aux médias vu que nous ne pourrions pas prouver que toutes les précautions ont été prises à l'interne pour empêcher la divulgation d'un document. Cela nous amène à penser à une autre chose, un sixième point à ajouter aux suggestions de sénateur Andreychuk: nous devrions vérifier si tous les équipements d'enregistrement sont fermés.
Le président: À ce comité?
Le sénateur Rossiter: Non, lorsqu'un comité poursuit ses travaux à huis clos.
Le président: Nous avons affaire ici à un document qui a été publié. Il ne s'agissait pas de la transcription des délibérations du comité des affaires autochtones même si la publication des délibérations d'une séance à huis clos constituerait aussi une atteinte au privilège.
Le sénateur Rossiter: Quiconque pourrait avoir quelque chose à voir avec le rapport devrait être mis au fait des responsabilités en ce qui a trait à la confidentialité, mais il est possible que quelqu'un puisse nous entendre si l'équipement d'enregistrement que nous considérions fermé avait été laissé ouvert. Je crois que M. O'Brien est d'accord avec moi.
M. Gary O'Brien, greffier principal, Direction des comités: Je vois ce que vous voulez dire.
Le président: En d'autres mots, il pourrait y avoir atteinte au privilège si une personne non autorisée avait utilisé délibérément un moyen de communication électronique pour écouter une séance à huis clos.
Le sénateur Rossiter: Oui, si personne n'a vérifié si l'équipement était fermé.
Le sénateur DeWare: Il y a quelques points sur lesquels j'aimerais revenir un moment. Un grand nombre d'entre nous avons travaillé pour le gouvernement auparavant et en connaissons beaucoup au sujet de la confidentialité. Cependant, je ne crois pas que les sénateurs qui ont été nommés précipitamment en septembre 1990 aient été mis au courant sur quelque sujet que ce soit. Nous n'avions pas de bureau et personne ne nous a renseignés. Rien ne s'est produit pendant un mois ou deux. Il se peut que personne ne nous ait jamais renseignés sur cette question en particulier.
Je crois que vous soulevez un point valable au sujet des attachés de recherche. Nous convoquons des gens, qui vont et viennent, et même si nous nous entretenons avec ces personnes personnellement, peut-être y a-t-il un point en particulier que nous n'arrivons pas à communiquer, un point que nous devons inscrire à nos ordres du jour. Les cinq ou six points ici sont très importants.
Il y a une autre chose qui importe et c'est qu'il faudrait probablement qu'on nous rappelle souvent -- peut-être pas à tout le monde -- nos responsabilités en tant que sénateurs et le principe de la confidentialité. Je crois que le moment est peut-être opportun. Je crois que cette question tombe à point nommé, même si une fuite ne tombe jamais en temps opportun. Cependant, si nous rendons maintenant tout le monde conscient du problème, y compris les greffiers, les attachés de recherche et notre propre personnel de recherche, nous pouvons alors passer à autre chose. S'il devait y avoir une autre fuite, nous aurons alors un recours. Nous devons nous assurer que tout le monde connaît les règles.
Le président: Si c'est le cas, convenons donc que, dans les circonstances actuelles, le comité s'en tiendra là en ce qui a trait de la question de l'atteinte au privilège par le National Post.
Le sénateur Robichaud (L'Acadie-Acadia): Ce n'est peut-être pas en soi une atteinte au privilège, mais sûrement un geste contraire à l'éthique. Il est tout à fait illicite de leur part non seulement d'imprimer une partie du contenu du rapport mais d'en faire l'objet d'un éditorial alors qu'ils ont sous les yeux un document qui porte la mention «Confidentiel». On parle ici d'une atteinte à l'éthique sinon d'une atteinte aux privilèges. Je ne dis pas que nous devrions imposer des sanctions, parce que nous ne pouvons jamais gagner contre les médias. Il n'y a pas de doute là-dessus; c'est impossible. Cependant, nous parlons d'un geste moralement contestable et quelqu'un devrait être mis au courant de ce fait, d'une façon ou de l'autre.
Le président: Voici le problème qui se pose: nous ne savons pas ce que le journal a à vrai dire eu entre les mains. Peut-être n'ont-ils pas reçu la page où figure la mention confidentiel. On peut leur avoir dit qu'il s'agissait du rapport adopté par le comité et qu'ils l'obtenaient simplement quelques jours à l'avance et qu'il serait publié sous peu. Le comité et le Sénat auraient vraiment beaucoup à faire s'il décidait de faire enquête sur ce qui s'est passé exactement dans le cas du National Post. Je ne crois pas qu'il nous faille en débattre, si nous sommes tous d'accord pour dire que nous n'allons pas poursuivre cet aspect de la question de privilège.
Dans d'autres compétences, dans les cas d'une atteinte au privilège prouvable -- on les avait prévenus, ils savaient qu'ils avaient entre les mains un document confidentiel et ils l'ont publié -- des mesures ont été prises. La Chambre des communes britannique, par exemple, a pris des mesures dans des cas semblables.
Je vais maintenant poser la question de façon précise. Pouvons-nous nous entendre sur le fait que, en ce qui a trait à cette question de privilège, nous ne traitons pas de la question de savoir si le National Post a bel et bien porté atteinte au privilège? Nous mettons cela de côté?
Des voix: D'accord.
Le président: La prochaine question consiste donc à déterminer si une atteinte de privilège par une personne inconnue est établie. Permettez-moi de vous reporter de nouveau aux Débats du Sénat du 14 septembre, lorsque le président du comité, l'honorable Charlie Watt dit:
Honorables sénateurs, à la lecture de l'article du National Post, il ne fait aucun doute que le rapport non autorisé a fait l'objet d'une fuite. C'est ce que la description fournie par le National Post nous porte à croire.
Il ajoute quelques autres observations et appuie ensuite l'initiative de sénateur Andreychuk de présenter la motion.
Les faits sont les suivants: le comité sénatorial permanent des peuples autochtones examinait, à la fin du printemps et pendant l'été, ses recommandations concernant son étude des modèles gouvernementaux pour l'exercice du pouvoir par les autochtones. Tout le monde sait au comité qu'aucun rapport n'a été adopté par ce comité; en fait, deux versions, appelées la version 3 et la version 4, étaient en discussion. C'est alors que l'article du National Post du 11 septembre 1999 a été publié. Je crois que cet article a fait valoir comme des faits et des points de vue du comité des choses qui n'en étaient pas.
Deux questions se posent maintenant. Avons-nous besoin d'autres éléments pour établir l'atteinte au privilège? Je vais demander au greffier, à l'attaché de recherche et à notre conseiller juridique, Marc Audcent, à qui j'ai demandé d'être présents ici, si nous avons maintenant rassemblé tous les faits nous permettant de conclure qu'il y a atteinte au privilège. Aimeriez-vous commencer, monsieur Robertson?
M. Jamie Robertson, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement: Je crois qu'il revient au comité d'en décider. À la Chambre des communes, il est arrivé à plusieurs reprises au cours de la présente législature -- et c'est probablement attribuable à la présence de cinq partis à la Chambre -- que des rapports soient divulgués prématurément aux médias. Je crois que des membres des cinq partis ont à différentes reprises soulevé des questions de privilège concernant ces fuites. À la Chambre des communes, le Président, en se fondant sur les précédents de cette Chambre, a pris comme position qu'à moins qu'on ait déterminé la source de la fuite, il constate qu'il n'y a pas à première vue atteinte au privilège et qu'il ne peut donc pas renvoyer la question à un comité.
Cependant, je pense que tout le monde convient, dans ce cas, que le rapport a fait l'objet d'une fuite. C'est sûrement un principe de base de ne pas rendre publics les rapports des comités avant qu'ils aient été déposés à l'assemblée, pour que tous les parlementaires aient l'occasion d'en prendre connaissance avant les gens de l'extérieur. Comme la question lui a été renvoyée par le Sénat, le comité peut, je pense, faire cette constatation avant de discuter des répercussions et d'examiner les mesures proposées par sénateur Andreychuk et les membres du comité.
M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire: J'ai remarqué que vous avez circonscrit le problème en posant deux questions, la première, s'il y a eu ou non une fuite non identifiée et, la deuxième, quelle en serait la source.
Au sujet de la fuite, dans la documentation distribuée au sujet de ce qui a été publié dans le National Post le 11 septembre, on lit ceci:
Extraits des recommandations du comité obtenues par Southam News [...]
M. Mofina fait donc observer que Southam News a obtenu des extraits des recommandations du comité. L'agence n'avait peut-être pas tout le rapport en sa possession. Je ne le sais pas. Cependant, je sais qu'il a été signalé dans la presse que Southam News avait des extraits des recommandations du comité.
Le président: Elle avait peut-être le rapport mais, comme elle n'avait pas de place pour tout publier, elle n'en a publié que des extraits, les points saillants.
M. Audcent: C'est assez ambigu. Il est bien déclaré que Southam News avait des extraits des recommandations du comité. Je pense que c'est un fait important à retenir dans vos délibérations.
M. O'Brien: Honorables sénateurs, il faut aussi se demander si le travail du comité a été compromis par la publication de ce rapport. C'est déterminant pour la question de privilège de savoir si un incident survenu à l'extérieur de votre assemblée et causé par des personnes non autorisées ou des non-parlementaires a eu des répercussions quelconques sur vos travaux.
D'après ce qu'a dit le sénateur Andreychuk et le débat qui a suivi la fuite, je pense que la divulgation prématurée d'une ébauche du rapport a en quelque sorte forcé le comité à réexaminer les recommandations qu'il envisageait, ou a influencé l'opinion publique. Le comité voudra peut-être se pencher là-dessus pour établir s'il y a eu atteinte au privilège.
Le président: Si je peux me permettre, il y a deux aspects à considérer. Premièrement, l'ébauche du rapport a pu être divulguée pour chercher à compromettre ou à influencer le jugement du comité du Sénat. C'est logique et naturel de le penser. Deuxièmement, cette divulgation laisse entendre que le comité et le Sénat dans son ensemble ont confirmé certaines grandes orientations, ce qui est loin d'être le cas, et, par conséquent, elle dénature le travail du Sénat et l'opinion du Sénat au sujet de ces grandes questions.
Je dirais que ces deux répercussions mettent sûrement en péril les discussions et les conclusions du comité sur les questions rendues publiques. C'est mon opinion.
Nous ne nous sommes pas encore réunis pour discuter de la teneur des rapports trois et quatre. Le comité des peuples autochtones s'est réuni plus tôt aujourd'hui pour discuter de la façon dont il allait examiner ces rapports.
Je ne peux vous dire s'il y aura des changements, mais je pense que c'est nécessaire de le souligner. Cela a eu un impact sur le comité, mais pas nécessairement sur la teneur de ses conclusions. On a porté atteinte à la liberté du comité de débattre de la question.
Le sénateur Andreychuk: Ceux d'entre vous qui ont pris le temps de lire en entier l'article du National Post vont convenir avec moi qu'il limite ce que nous aurions pu dire à propos d'un problème et d'une recommandation en particulier. Ils ont présenté la question sous un angle précis. Cela nous empêche d'étudier le problème de façon ouverte et honnête. On a déjà jugé d'avance ce que cela voulait dire. Vous avez les passages de l'article entre les mains. Cela limite sûrement notre liberté.
Le président: Dans la documentation qui m'a été soumise, il y a trois avis sur le sujet. En juillet 1999, un député de la Chambre des communes britannique a été suspendu, c'est-à-dire écarté des activités de la Chambre, pendant 10 jours de séance, pour avoir divulgué à un ministre des documents confidentiels du comité des affaires étrangères sans l'approbation du comité. Nous devrions examiner cette règle.
Peu après, un autre député a été suspendu pendant cinq jours de séance pour avoir remis l'ébauche du rapport d'un comité à un secrétaire parlementaire. Voilà comment est pris au sérieux le caractère confidentiel du travail des comités par la Chambre des communes britannique.
D'après Beauchesne, et c'est un principe fondamental de notre régime parlementaire, le fait de publier des délibérations de comité tenues à huis clos ou des rapports de comité avant qu'ils ne soient remis aux membres constitue une atteinte au privilège. Il est bien clair que c'est ce qui s'est produit dans ce cas.
M. Robertson me signale qu'en Australie, la publication délibérée d'ébauches à une étape préliminaire des travaux du comité n'a qu'un seul objectif, celui d'influencer le résultat des travaux, ce qui porte atteinte à l'intégrité des travaux du comité. On a signalé cela un peu plus tôt.
À moins que vous ayez quelque chose à ajouter, j'aimerais que notre comité s'entende pour dire que nous avons constaté qu'il y avait eu atteinte au privilège.
Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Le sénateur Kroft: Cela suppose-t-il qu'il est admis que c'est un acte «délibéré» et non «accidentel», comme quand on oublie un document dans l'autobus ou sur une table? J'aimerais savoir à quoi vous voulez en venir.
Le sénateur Corbin: C'est ce que cela présume implicitement. Je n'ai pas entendu sénateur Andreychuk le dire, mais on en a parlé. Quelqu'un fait-il actuellement l'objet de soupçons? De quoi parlons-nous?
Le président: Au début de notre discussion, sénateur Andreychuk a dit qu'elle ne soulevait pas cette question de privilège pour qu'on fasse enquête sur une personne en particulier, mais pour qu'on définisse une série de règles et qu'on les explique bien pour que, si elles sont violées à l'avenir, des sanctions soient prévues.
Le sénateur Corbin: Nous ne discutons plus alors d'une question de privilège.
Le président: Oui, nous discutons d'une question de privilège. Il n'est pas nécessaire de trouver un coupable pour déterminer qu'il y a eu atteinte au privilège. C'est une constatation objective que de déterminer s'il y a eu atteinte au privilège. Un rapport confidentiel, sur lequel le comité travaillait toujours, s'est retrouvé dans les médias.
Le sénateur Corbin: Nous avons écarté l'idée que la presse est responsable de cette atteinte au privilège. Il y a eu atteinte au privilège au moment où quelqu'un a communiqué l'information à la presse. Je ne suis pas sûr que nous parlions de rapports oubliés sur une table après une réunion, jetés dans une corbeille à papier ou ramassés dans un bac de recyclage.
Le président: Nous disons cependant qu'il y a effectivement eu atteinte au privilège.
Le sénateur Corbin: Évidemment.
Le président: Nous n'avons pas l'intention, à moins que quelqu'un le demande, d'instituer une enquête et de faire témoigner tous ceux qui ont travaillé pour le comité, tous ceux qui ont eu des documents en leur possession. Ce n'est pas ce que nous avons l'intention de faire, pas plus que nous avons l'intention de poursuivre le National Post.
Quoi qu'il en soit, il y a eu atteinte au privilège. Nous voulons concentrer nos efforts sur l'information et la définition de normes claires et objectives. Nous voulons améliorer notre fonctionnement et nous voulons renseigner tout le monde à ce sujet. Le comité va aussi discuter de la possibilité de prévoir des sanctions dans le Règlement du Sénat du Canada, sanctions qui s'appliqueraient à l'avenir dans l'éventualité où les règles seraient enfreintes par les sénateurs, le personnel des comités ou le personnel des sénateurs. C'est ce que sénateur Andreychuk aimerait que nous fassions.
Le comité s'est mis d'accord pour ne pas s'occuper des journaux. Je pense que nous avons convenu de ne pas chercher de coupable. Ce que je vous demande maintenant, c'est si nous sommes d'accord pour dire, d'après la discussion que nous avons eue, qu'il y a eu atteinte au privilège. Une fois que nous aurons répondu à cette question, nous pourrons passer à l'étape suivante de notre travail. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a eu atteinte au privilège?
Le sénateur Beaudoin: C'est une chose de dire qu'il y a eu atteinte au privilège, et je suis porté à croire que c'est le cas, mais c'en est une autre de pointer du doigt la personne qui peut en être responsable. Vous avez écarté cette deuxième question. Nous nous demandons seulement s'il y a eu ou non atteinte au privilège. Nous n'avons pas l'intention d'aller plus loin que cela. Est-ce ce que vous voulez?
Le président: C'est ce que demande la personne qui a soulevé la question de privilège, et je propose que nous respections sa demande.
Le sénateur Beaudoin: Je suis prêt à accepter cette demande, mais qu'arrive-t-il si l'infraction est purement accidentelle? Nous n'allons pas plus loin. Nous ne savons pas vraiment ce qui s'est passé. Nous acceptons le fait qu'il y a eu atteinte au privilège. Je suis prêt à l'admettre, mais je me demande toujours s'il n'est pas possible que ce soit purement accidentel.
Le président: Même un pur accident est une atteinte au privilège.
Le sénateur Beaudoin: C'est effectivement une atteinte à notre privilège de parlementaires.
Le président: Je n'aime pas cet exemple, mais il est d'actualité. Des agents du SCRS qui laissent des documents de nature hautement délicate dans leur voiture pendant qu'ils assistent à une partie de hockey enfreignent une règle de conduite qui s'apparente à une atteinte au privilège.
Le sénateur Beaudoin: J'en conviens sans problème. Je suis prêt à m'arrêter ici.
Le président: Pour que nous puissions poursuivre nos travaux, je vous demande de convenir qu'il y a eu atteinte au privilège. Le sénateur Kroft a relevé le mot «délibéré», qui figure dans le règlement d'Australie, mais il ne figure pas dans le nôtre.
Le sénateur Kroft: Je veux m'assurer de comprendre. Vous nous demandez de constater qu'il y a eu en quelque sorte atteinte au privilège. Le sénateur Andreychuk nous demande, et vous semblez prêt à utiliser cela pour établir les paramètres de notre travail, de considérer cette question comme une sonnette d'alarme, un avertissement, pour nous rappeler qu'il y a un problème. C'est la seule répercussion de cet incident. Ayant pris conscience qu'il y a un laisser-aller dans nos règles et que des erreurs peuvent être commises, nous allons alors nous demander quoi faire pour mieux gérer nos affaires. C'est tout ce que cet incident va entraîner. Si je vous ai bien compris, il n'y aura pas d'enquête? On a simplement sonné l'alarme pour nous rappeler qu'il fallait améliorer notre mode de fonctionnement. C'est le point de vue du sénateur Andreychuk, et c'est celui que vous adoptez.
Le président: C'est ce que je recommande au comité. Je n'aime pas votre formulation «qu'il y a eu en quelque sorte atteinte au privilège». Je crois qu'il y a effectivement eu atteinte au privilège, et nous voulons faire consigner au compte rendu les faits à ce sujet. Si vous vouliez dire par là «qu'il y a eu atteinte au privilège, mais que nous ne savons pas qui en est responsable», cette formulation me conviendrait. Nous ne voulons pas que le comité passe des heures, des jours ou des semaines à mener une enquête qui ne donne lieu à aucun aveu et qui ne mène à rien.
Le sénateur Corbin: Je pense qu'on devrait parler d'une atteinte à l'éthique parlementaire et non d'une atteinte au privilège.
Le président: C'est aussi cela mais, selon notre règlement, je crois que c'est une atteinte au privilège. Ne pensez-vous pas, sénateur Corbin, que c'est porter atteinte au privilège du Sénat que de divulguer le travail d'un comité, un projet de rapport qui n'a pas été rendu public et qui porte la mention «Confidentiel»?
Le sénateur Corbin: Cela me choque moi aussi, en tant que sénateur. Le comité doit faire rapport à l'ensemble du Sénat. C'est aussi une atteinte à mes privilèges.
Le sénateur Sparrow: Il me semble effectivement qu'il y a eu atteinte au privilège, et que c'est la presse qui en est responsable. Il n'y a aucune indication ou preuve du contraire. La presse a pu voler le document sans que personne d'autre n'ait fait quoi que ce soit. L'atteinte au privilège est causée par l'article de journal.
Essentiellement, cela met fin à la discussion. Si c'était tout ce qu'on nous demandait, nous n'avons pas à chercher d'autres responsables. Il semble que nous voulons prévenir d'autres incidents du genre, comme le sénateur Kroft l'a indiqué. Nous voulons prévoir des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Il aurait été complètement inutile d'examiner cela si nous avions convenu que l'atteinte au privilège avait été commise par la presse et que nous n'avons rien à faire à ce sujet.
Le sénateur Andreychuk: Pour vous répondre, je dirais ceci. L'infraction a été commise par une ou des personnes dont on ignore l'identité. Le document a été publié dans le journal, mais je ne sais pas qui est responsable de la fuite. Nous pouvons faire enquête si nous voulons, mais je crains les répercussions de cette démarche.
Le président: Au cours d'une discussion précédente, il me semblait que nous nous étions entendus pour ne pas utiliser les mots «par la presse». Nous nous sommes demandé si nous voulions nous occuper de la presse, du National Post, et des questions de liberté de presse. Ce serait sûrement très intéressant, mais notre comité a autre chose à faire.
Je vous propose que nous constations qu'il y a eu atteinte au privilège et que nous en restions là, que nous ne pointions pas du doigt les membres du personnel, les sénateurs, les journalistes ou d'autres personnes. Nous devrions constater les faits et nous intéresser davantage à améliorer nos règles et à mieux informer les gens de ces règles, pour être en mesure de réagir à toute éventuelle atteinte au privilège à l'avenir. Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Il faut alors se demander quoi faire pour améliorer nos règles. Je vais demander à M. Robinson de nous donner quelques idées. Il a fait des recherches à ce sujet. Je ne veux pas retenir Mark Audcent trop longtemps, mais nous avons une marche à suivre.
D'abord, quelle serait la sanction imposée s'il était prouvé qu'un sénateur avait porté atteinte au privilège? Avant cela, j'aimerais savoir quelle est la sanction imposée dans le cas d'employés permanents ou à contrat. Que prévoient actuellement les conditions d'emploi des employés du Sénat, ou encore des employés ou des attachés de recherche engagés à contrat, et que pourrions-nous y ajouter pour accroître leurs responsabilités en ce qui a trait à la confidentialité?
Le sénateur DeWare: Pouvez-vous nous lire le contrat?
Le président: Je demanderais à M. Audcent de répondre à cette question et nous pourrons ensuite le laisser partir.
M. Audcent: Sénateurs, il y a de nombreux liens juridiques que les membres du personnel peuvent entretenir avec le Sénat, mais les deux principaux, que nous devrions examiner, sont ceux des employés nommés pour une période indéterminée et déterminée, et ceux des personnes dont les services sont retenus à contrat. Dans une lettre d'emploi type, on trouve une phrase comme celle-ci: «J'aimerais vous signaler que les personnes embauchées par le Sénat doivent respecter le Code relatif aux conflits d'intérêts en vigueur au Sénat.» Dans le contrat type que signe un attaché de recherche, on indique quelque chose comme: «Le contractant est lié par l'attestation qu'il a signée et par laquelle il s'engage à respecter le Code relatif aux conflits d'intérêts en vigueur au Sénat.»
Le principe fondamental du Code relatif aux conflits d'intérêts qui est inscrit dans ces deux types de document est le suivant:
Toute personne régie par le présent Code doit se conduire et organiser ses affaires de manière à réduire au minimum toute possibilité de conflit réel ou apparent entre ses intérêts et ses obligations envers le Sénat ou envers un sénateur.
Au sujet de l'utilisation de renseignements, le paragraphe (5.2) du code dit:
Il est interdit à toute personne régie par le présent Code de communiquer des renseignements obtenus dans l'exercice de ses fonctions auprès du Sénat ou d'un sénateur, et auxquels le public n'a pas accès, à une personne qui n'est pas habilitée à en prendre connaissance.
Tous les employés signent pour attester qu'ils ont lu cette déclaration qui est claire. Il est interdit de communiquer des renseignements auxquels le grand public n'a pas accès.
Une infraction au code peut donner lieu, comme sanction, à une réprimande, à une suspension ou, dans le cas des personnes nommées par le gouverneur en conseil, à une recommandation de destitution et, dans le cas des personnes nommées par le Sénat, à une rétrogradation ou à un congédiement. Les sanctions peuvent être cumulatives. Une autre disposition précise qu'une infraction au code peut également donner lieu à des poursuites pour outrage au Parlement.
Les règles sont bien claires. Ce n'est pas parfait et il est probablement possible d'apporter des améliorations parce que nous parlons de l'utilisation de renseignements. Une règle interdit effectivement de communiquer des renseignements, mais c'est dans le contexte des conflits d'intérêts, alors que vous voulez que ce le soit le cas dans le contexte de la confidentialité.
Il est certain que les règles et les sanctions existent et qu'elles peuvent être appliquées. Il y a des sanctions administratives et parlementaires. De toute évidence, la question sera portée à l'attention du greffier du Sénat. L'administration va chercher, à la suite de vos délibérations, à trouver comment améliorer la question de la confidentialité. Cependant, je ne pense pas que nous ayons été le moindrement négligents à ce sujet.
Nous avons mis en place toutes les composantes de base. Les employés et les attachés de recherche qui travaillent pour le Sénat savent bien qu'ils sont tenus de respecter le caractère confidentiel des renseignements. Ils ont signé une attestation dans laquelle ils reconnaissent cette obligation. Ils savent que les renseignements doivent rester confidentiels.
[Français]
Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Il est de la responsabilité de chaque sénateur de faire ce qu'il a à faire vis-à-vis ses employés. J'ai toujours cru que les documents, les contrats étaient là pour nous protéger. Que dit-on à propos des sénateurs qui doivent avoir un code de conduite? Y a-t-il quelque chose d'écrit?
M. Audcent: Le président du comité a indiqué que la question concernant les sénateurs serait étudiée plus tard. Votre question touche les employés. Vous n'avez pas défini ce que vous entendez par outrage à l'information donnée. Dans vos conversations cet après-midi, vous tenez pour acquis que votre personnel a le droit de lire ces documents confidentiels. Ce n'est pas un acquis. Ce n'est pas sûr. Vous devriez vous pencher sur la question suivante: est-ce que les sénateurs ont le droit de partager ces informations avec leur personnel? Si oui, avec quelles personnes et dans quelles circonstances? Pouvez-vous partager cette information avec un membre du personnel seulement pour les fins du rapport du comité ou d'autres objectifs? La question est plus complexe qu'elle n'y paraît et il faudra vous pencher sur la question. Qu'entendez-vous par huis clos? Est-ce lorsque l'information est confidentielle? Avec qui permettez-vous un partage? L'autre question à se poser est la suivante: qui va permettre à l'exception? Admettons que vous voulez communiquer une politique à un membre de la presse 24 heures à l'avance sous embargo, qui a le droit de donner cette permission? Le président, le comité plénier ou personne? Certaines questions doivent être étudiées à cet égard.
[Traduction]
Le sénateur DeWare: Quand vous avez lu cet article, vous avez d'abord parler de conflits d'intérêts. Cela peut porter à confusion. Les conflits d'intérêts et l'atteinte au privilège, pour ce qui est de la confidentialité, sont deux choses différentes. Il faudrait faire une distinction entre les deux dans cet article.
Nous pourrions en discuter plus tard, mais on pourrait faire distribuer un document indiquant que, parce qu'il y a eu atteinte au privilège au sujet d'un document confidentiel du Sénat, nous voulons rappeler la déclaration que chaque employé ou contractant a signée et qui l'oblige à respecter le caractère confidentiel des renseignements. C'est quelque chose qu'on pourrait faire, mais cela pourrait faire bien peur à tout le monde.
Le président: C'est une suggestion très intéressante, mais je pense que, dans ce cas, la personne qui a fourni le rapport au National Post croyait que notre comité allait formuler des recommandations bien différentes de celles qu'elle voulait. Dans ces circonstances, la personne se moque pas mal de la déclaration qu'elle a signée. Elle agit dans l'anonymat.
Le sénateur DeWare: C'est vrai, et je comprends votre point de vue. Une fois que le projet de rapport est rendu public, les membres du comité ont bien du mal à examiner le reste du rapport.
Le président: Je n'ai pas vraiment de réponse à ce que vous avez dit, mais je pense qu'il faut trouver le coupable.
Le sénateur Beaudoin: Quand nous siégeons à huis clos, nous demandons toujours une autorisation si nous voulons qu'un membre du personnel assiste à nos travaux. Si on ne la demande pas, les séances à huis clos devraient réunir seulement des sénateurs. Il faudrait toujours demander cette autorisation avant de permettre la présence d'autres personnes. C'est l'usage. Légalement parlant, une séance à huis clos doit être à huis clos. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Nous pourrions peut-être étudier cela plus tard.
M. Audcent: Je peux répondre. Il existe une autre disposition sur la confidentialité qu'il convient de mentionner. Elle précise que les attachés de recherche, par opposition aux employés réguliers, doivent, pendant la durée de leur contrat et après, éviter de divulguer tout renseignement à caractère confidentiel qui porte sur les affaires du Sénat du Canada et auquel ils pourraient avoir accès.
C'est la deuxième attestation de confidentialité qui figure dans un contrat à court terme. On voit ainsi l'importance qu'accorde le Sénat à cette question.
Le sénateur DeWare: Les attachés de recherche doivent signer cette attestation?
M. Audcent: C'est une des clauses de leur contrat.
Le sénateur Beaudoin: C'est une obligation contractuelle.
Le sénateur Kroft: Doivent-ils la signer avant de pouvoir être rémunérés pour leurs services?
M. Audcent: S'ils ne la signent pas, il n'existe aucun contrat en vertu duquel une rémunération peut être versée.
Pour revenir aux employés permanents, je vous ai expliqué quelles étaient les modalités de leur contrat. Or, ces employés, une fois qu'ils font partie de l'administration, sont assujettis aux règles de confidentialité qu'appliquent les diverses directions. Je ne peux pas les citer textuellement, mais je suis certain que la direction des comités doit avoir de telles règles. Je n'ai pas de politique écrite parce que mon bureau est très petit, mais tous mes employés savent qu'ils doivent respecter les règles de confidentialité. Des mesures sont également prises à d'autres paliers pour sensibiliser les employés permanents à l'importance de cette question.
Le président: Avez-vous d'autres questions à poser sur les autres groupes d'employés, les employés permanents, les attachés de recherche, le personnel de la Bibliothèque du Parlement, quiconque aurait accès à des documents confidentiels du Sénat parce qu'il fournit des services au comité, que ce soit à la demande d'un sénateur ou d'un de ses employés? Nous allons revenir dans un instant à la question du sénateur Beaudoin.
Le sénateur Kroft: J'aimerais avoir des précisions. Je comprends assez bien la question de la confidentialité et les circonstances dans lesquelles l'information peut être communiquée. C'est clair. C'est plutôt la question des conflits d'intérêts qui me pose problème, car cela présuppose que la personne pourrait chercher à défendre mes intérêts. Est-il question de leurs intérêts, ou de leurs intérêts au nom d'un tiers? Est-ce que cela présuppose l'existence d'une procédure accusatoire? Je ne sais pas vraiment quand il y a conflit d'intérêts, ou pourquoi les règles de confidentialité à elles seules ne suffisent pas. Vous pourriez peut-être m'éclaircir là-dessus.
M. Audcent: Le code relatif aux conflits d'intérêts s'applique en fait à tous les employés du Sénat, qu'ils soient permanents ou contractuels. C'est un document détaillé, d'une portée assez vaste. Il s'agit davantage d'un code d'éthique que d'un code sur les conflits d'intérêts, malgré son nom. Il a été préparé en 1986. Je vous ai lu le principe de base. Il précise que toute personne régie par le code doit se conduire de manière à réduire au minimum toute possibilité de conflit d'intérêt apparent entre ses intérêts et ses obligations envers le Sénat ou envers un sénateur. Ses obligations envers le Sénat, quand il s'agit d'une réunion à huis clos, sont clairement définies.
Le sénateur Kroft: C'est la notion d'intérêt personnel qui me pose problème. Je comprends ce qu'on entend par les obligations envers le Sénat, ou les autres intérêts. S'ils agissent au nom d'un tiers, ce ne sont peut-être pas leurs intérêts, mais ceux de cette personne qu'ils défendent.
M. Audcent: Certains de ces principes pourraient être inclus dans un code d'éthique plutôt que dans un code sur les conflits d'intérêts.
Le président: Je ne tiens pas particulièrement à ce qu'on se mette à parler d'éthique, puisqu'il est question ici d'atteinte au privilège.
Le sénateur Andreychuk: Quel contrat régit les attachés de recherches recrutés par les comités par opposition à ceux qui sont embauchés par les sénateurs?
Le président: M. Audcent a lu la disposition sur la confidentialité qui s'applique à cette catégorie d'employés.
Le sénateur Andreychuk: Il a lu le contrat que nous signons quand nous recrutons des attachés de recherches. Est-ce le même que celui qu'utilisent les comités?
M. O'Brien: Il est un peu différent. Les contrats utilisés par le comité des affaires autochtones renferment des dispositions sur la confidentialité qui sont identiques à celles qu'a lues M. Audcent.
Le président: J'aimerais que ces dispositions soient citées dans notre rapport.
Le sénateur Corbin: Est-ce que ces employés reçoivent aussi une attestation de sécurité?
M. O'Brien: Le directeur de la sécurité est avec nous. Je ne le sais pas.
Le sénateur Corbin: Il faudrait peut-être prévoir quelque chose à ce sujet dans les lignes directrices.
Le président: C'est une question intéressante. Qu'est-ce qu'on entend par sécurité au Sénat?
M. Serge D. Gourgue, directeur, Service de sécurité du Sénat du Canada: Le Sénat et la Chambre des communes ne sont pas assujettis à la politique du gouvernement en matière de sécurité.
Le sénateur Corbin: Nous pouvons demander à l'être, n'est-ce-pas?
M. Gourgue: Nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes. Il faut passer par quelqu'un d'autre.
Le sénateur Corbin: Si un sénateur demande qu'un employé, permanent ou contractuel, fasse l'objet d'une enquête de sécurité, quelqu'un doit fournir cette attestation de sécurité. C'est ce qu'on a fait, et sénateur Andreychuk en est parfaitement consciente, dans le cas du comité sur la sécurité et le terrorisme que présidait le sénateur Kelly. Tous nos employés devaient faire l'objet d'une enquête de sécurité. Je ne sais pas qui s'en est occupé.
M. Gourgue: Le SCRS.
Le sénateur Corbin: Il y a des cas où, à mon avis, l'attestation de sécurité devrait être fournie avant que la personne ne soit recrutée.
M. Gourgue: Tous les employés permanents et contractuels sont assujettis à la politique en matière de sécurité qui a été approuvée récemment par le Sénat. Ils doivent faire l'objet d'une enquête en vue d'obtenir la cote secret. En fait, les employés ont l'équivalent de la cote secret. Toutefois, le greffier m'a demandé d'élaborer une politique en matière de sécurité pour que les employés sachent quels documents sont confidentiels, comment les protéger et les identifier adéquatement.
Le président: Ces commentaires soulèvent une question qui, j'en suis sûr, nous intéresse tous. Serait-il souhaitable, aux fins de notre rapport, d'inclure les mesures que vous proposez dans notre recommandation au Sénat, laquelle serait, bien sûr, soumise à l'administration? Je pense que cela vous donnerait le pouvoir de traiter les cas des employés concernés avec un peu plus d'autorité.
M. Gourgue: Le Sénat a approuvé la politique à laquelle j'ai fait allusion. Il en va de même pour la politique d'exception en matière de gestion de sécurité. Je crois qu'elle sera soumise à l'approbation du comité de régie interne.
Le président: Elle sera soumise au comité de régie interne parce qu'il s'agit, pour le Sénat, d'une question administrative. Or, le Sénat est saisi d'un cas qui soulève la question du respect des règles de confidentialité par nos employés, et il me semble que ce dossier, à tout le moins, nous concerne également. Il faudrait s'entendre sur l'approche à adopter dans ce cas-ci. Je vais m'en tenir à cela.
J'aimerais maintenant parler de la question des sénateurs, des mesures qu'il conviendrait de prendre pour les sensibiliser à leurs fonctions, les sanctions qui devraient être appliquées aux sénateurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière de confidentialité. J'aimerais que M. Robertson nous explique ce qui se fait ailleurs, y compris à la Chambre des communes.
M. Robertson: Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, ces derniers mois, la Chambre des communes britannique a constaté que certains de ses membres avaient enfreint les règles de la Chambre du fait qu'ils avaient divulgué clandestinement des documents de comité qui n'avaient pas encore été déposés. Des suspensions d'un maximum de 10 jours ont été recommandées, ce que la Chambre a accepté. Or, il est souvent impossible d'identifier la source d'une fuite. Dans ce cas, la Chambre était tout à fait disposée à imposer des sanctions, sauf qu'elle ne savait pas à qui les imposer.
Il existe des cas, au sein du Sénat australien, où des députés ont fait l'objet d'une réprimande ou d'un blâme. Cette sanction, même si elle n'est pas très sévère, constitue pour la Chambre un moyen d'exprimer son mécontentement et d'empêcher que la situation se produise à nouveau. Elle sert vraisemblablement à régler tous les autres cas de fuite.
Les sanctions vont de la réprimande à la suspension, dont la durée peut varier. En théorie, le Sénat a le pouvoir d'emprisonner quelqu'un, sauf que ce pouvoir n'est plus utilisé depuis de nombreuses années. On se demande s'il existe toujours et s'il y aurait lieu de l'utiliser dans le cas d'une fuite. Il serait plus indiqué d'y avoir recours quand il y a atteinte au privilège, une infraction beaucoup plus grave.
Je ne sais pas si M. Audcent a quelque chose à ajouter.
M. Audcent: A-t-on mentionné les excuses? Le fait d'exiger des excuses est une solution.
[Français]
Le sénateur Robichaud (Saint-Louis-de-Kent): Ne devrions-nous pas continuer dans la direction proposée par le sénateur Andreychuk? Elle soulignait qu'une lumière rouge vient de s'allumer et que nous devrions entreprendre certaines démarches pour nous assurer que les sénateurs sont bien au courant de leurs responsabilités et que les membres de leur personnel deviennent leur responsabilité. S'il y a un manque à cette politique générale, et qu'il faut dès aujourd'hui décider des sanctions devant s'appliquer, je crois que nous entreprendrions quelque chose d'assez complexe et qui nous demanderait beaucoup de temps. Le comité pourrait considérer chaque cas selon la gravité de l'infraction et, à ce moment-là, décider selon les précédents afin de trouver la marche à suivre et les sanctions à imposer aux personnes trouvées coupables de manquement au code.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord avec cela. Certaines des sanctions qui relèvent de la tradition britannique, comme l'emprisonnement dans la Tour de Londres, sont dépassées. Cela ne veut rien dire aujourd'hui. Cette sanction était manifestement valable il y a trois cents ans, mais aujourd'hui, elle est ridicule. Par conséquent, cette question est très importante et nous devons prendre le temps de l'examiner avant d'en discuter, parce que certaines des sanctions sont périmées. Je suis certain que M. Audcent connaît très bien le sujet. Nous devons adapter ce qui a été écrit sur la question des sanctions, des privilèges, des crimes commis par les parlementaires, ainsi de suite, au nouveau millénaire. Nous devons analyser la question, et nous ne pouvons pas le faire en quelques heures.
Le président: Nous devons donc nous entendre sur la marche à suivre. Nous avons eu une discussion fort intéressante. Je n'ai pas l'intention d'empêcher qui que ce soit d'intervenir dans le débat. Toutefois, je proposerais que nous lisions d'abord le document qui a été fourni par le greffier. Ce document est très détaillé et porte sur des cas récents de fuites de documents à la Chambre des communes, au Royaume-Uni et en Australie. Il y a également des rapports de la Bibliothèque du Parlement qui portent sur le dépôt des rapports de comités à la Chambre des commune britannique et au Parlement australien. Enfin, il y a un article tiré de la Revue parlementaire canadienne, qui a été publiée à l'automne 1999, et qui est rédigé par Douglas Fisher, un ancien député de la Chambre des communes. Il s'intitule: «Le problème de la confidentialité des rapports de comité».
Nous avons beaucoup de documentation. Entre-temps, avant 16 h 30 mardi prochain, je dois rencontrer les sénateurs Grimard et Pépin afin que nous puissions préparer un projet de rapport et proposer quelques modèles de sanctions. Nous proposerons une série de sanctions et, quand nous nous rencontrerons mardi prochain, nous discuterons de celles que nous sommes prêts à choisir.
La séance est levée.