Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure
Fascicule 7 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 23 février 2000
Le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui à midi pour examiner la question de privilège soulevée par l'honorable sénateur Kinsella.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, nous sommes prêts à commencer nos travaux. Nous accueillons aujourd'hui comme témoins les Drs S.S. Malik, Cris Basudde et Arnost Vilim.
Je tiens à faire savoir à nos témoins d'aujourd'hui qu'à propos de la demande qu'ils ont faite au comité de leur assurer que Santé Canada ne prendrait aucune mesure disciplinaire par suite de leur comparution devant le comité, j'ai reçu une lettre du sous-ministre David Dodge, dont j'ai déjà fait part à nos témoins d'hier soir, assurant au comité qu'aucune mesure ne serait prise contre des témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire. C'est là une obligation à laquelle doivent se soumettre la fonction publique et le sous-ministre, et ce dernier m'a donné l'assurance qu'il respecterait cette obligation.
J'espère que cela vous satisfait, docteur Malik. Êtes-vous prêt à prêter serment?
M. Sudarshan S. Malik, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Oui, je vous en prie.
(M. Sudarsham S. Malik prête serment)
Le président: Veuillez vous asseoir. Je vois que vous avez une déclaration à faire au comité, et je vous demanderais de bien vouloir prendre la parole.
M. Malik: Oui, j'ai une déclaration, que je vous lirai en anglais, et j'ai également des copies de mon texte.
Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui à votre invitation pour témoigner devant votre comité dans le cadre de son enquête au sujet des mesures de représailles que l'employeur a prises contre mon collègue, le Dr Chopra, pour avoir comparu comme témoin devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au sujet de la somatotropine bovine recombinante, également appelée la STbr. Sa première comparution remonte au 22 octobre 1998. Santé Canada l'a suspendu de son poste pendant cinq jours, apparemment parce qu'il avait participé, en mars 1999, à une conférence organisée par Patrimoine Canada.
Je suis au courant de votre enquête à propos des allégations du Dr Chopra, qui a comparu devant votre comité le 7 décembre 1999. Dans ma déclaration, je réponds à toutes les questions qu'on me pose dans la lettre du sénateur Jack Austin. Je ne vais pas vous en faire lecture ici, mais elles figurent dans ma déclaration écrite.
Pour appuyer ma déclaration, j'ai également apporté avec moi un dossier qui contient divers documents que je vais vous remettre pour que vous puissiez vous y référer aujourd'hui. À mesure que je lirai ma déclaration, vous pourrez vous référer à ces documents, qui sont tous identifiés par un numéro placé entre parenthèses et correspondant à un onglet du dossier.
Madame et messieurs les sénateurs, j'ai assisté à deux des réunions de tout le personnel du Bureau des médicaments vétérinaires -- qu'on appelle aussi le BMV -- au cours desquelles le directeur du Bureau, le Dr Lachance, a fait des déclarations intimidantes ou menaçantes.
À la réunion du BMV du 4 février 1998, le Dr Lachance a affirmé ceci: «J'aime les minorités visibles. J'ai déjà eu l'occasion de traiter avec des membres de minorités visibles et je sais comment m'y prendre avec eux.»
Il a fait cette déclaration au moment où le directeur général alors en poste l'a présenté au personnel du BMV.
Faisant moi-même partie d'une minorité visible canadienne, je me suis senti fort mal à l'aise devant ces affirmations qui n'étaient nullement justifiées et qui ne faisaient suite à aucune provocation. Je me suis dès lors pris à me demander sans cesse comment nos relations allaient tourner. Ces propos s'adressaient aux membres du personnel qui font partie de minorités visibles, dont le Dr Chopra. Je vous signale en passant qu'il n'existe pas de compte rendu officiel de cette réunion.
Plus tard cette année-là, à la réunion du 26 mai 1998, le Dr Lachance a déclaré ceci: «Les recommandations du rapport de KPMG sur l'évaluation du milieu de travail du Bureau des médicaments vétérinaires sont à la base du plan d'action du bureau. Le non-respect de ce plan d'action pourrait amener le démantèlement de votre bureau, le transfert de ses parties ailleurs au gouvernement, puis sa disparition de la mémoire collective.»
Cette déclaration a été faite par suite de la présentation du rapport de KPMG intitulé: «Évaluation du milieu de travail du Bureau des médicaments vétérinaires». Ces propos menaçants s'adressaient aux membres du personnel professionnel et scientifique du Bureau, tout particulièrement à ceux qui n'avaient pas participé aux entrevues avec les représentants de KPMG.
Selon des estimations non officielles, la majorité des membres du personnel scientifique du BMV n'ont pas accepté de se prêter à des entrevues avec les représentants de KPMG, et ce, pour diverses raisons, dont l'une des principales était qu'on n'avait pas encore donné suite aux recommandations du rapport de 1996 de Price Waterhouse sur la révision de la stratégie du BMV. Il convient de noter ici qu'aucune copie du rapport de KPMG n'avait été fournie à l'avance aux membres du personnel, et ce, malgré une demande faite en ce sens par le personnel d'une autre division du bureau, la Division des évaluations des produits pharmaceutiques, par l'entremise du son chef d'alors. Encore là, on n'a gardé aucun procès-verbal de cette réunion. Le Dr Lachance avait refusé que les discussions soient enregistrées ou fassent l'objet d'un compte rendu par écrit.
Les deux réunions en question ont eu lieu avant les comparutions du Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. La deuxième s'est toutefois tenue après que l'équipe d'analyse des lacunes de la STbr eut présenté, le 6 mai 1998, son rapport au comité consultatif spécial du BMV sur la STbr, comité dont je faisais partie.
Madame et messieurs les sénateurs, je comprends que la portée de cette enquête est limitée, comme l'indiquait le sénateur Jack Austin dans sa lettre du 16 décembre 1999. Je tiens toutefois à ajouter ici que je suis bien au fait des problèmes que nous connaissons concernant la charge de travail, le climat de travail, les procédures normales de fonctionnement et le moral des employés. Je suis d'ailleurs également délégué syndical de notre division auprès de l'Institut professionnel de la fonction publique.
Si vous avez des questions, je vais tenter d'y répondre de mon mieux dans les limites de mes connaissances.
En terminant, j'espère que mon témoignage vous sera utile dans vos délibérations.
Le président: Je vais ouvrir la discussion, si vous me le permettez, et vous poser quelques questions. Êtes-vous au courant que le Dr Chopra a comparu à trois reprises devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts?
M. Malik: Oui, je le suis.
Le président: Il y a comparu en octobre 1998, puis, je crois, en mars et en mai 1999. Avez-vous eu connaissance de discussions qui auraient pu avoir lieu à la suite de l'une ou l'autre de ces comparutions et où le Dr Chopra, à cause de sa comparution ou des propos qu'il aurait tenus dans l'un ou l'autre de ses témoignages devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, aurait été réprimandé par ses supérieurs ou par toute personne ayant un droit de regard sur son travail?
M. Malik: Non, je n'ai pas souvenir de tels faits.
Le président: Je suis heureux de constater que vous êtes délégué syndical de ce milieu de travail, car j'y vois une possibilité de vérifier auprès de vous le bien-fondé de certaines affirmations que nous ont faites des témoins qui ont comparu devant nous hier soir. Selon eux, la direction de Santé Canada considérerait le Dr Chopra comme un leader qui serait largement à l'origine des embarras ou difficultés que connaît le ministère. Avez-vous le sentiment que c'est ainsi que la direction perçoit le Dr Chopra, et croyez-vous que ce jugement sur sa personne soit justifié?
M. Malik: Je crois que c'est bel et bien là la perception de la direction, mais je ne crois pas que ce jugement soit justifié; il y a bien d'autres personnes en cause dans cette affaire. Quant à savoir si nous sommes des fauteurs de troubles ou non, j'en doute.
Le président: Comment voyez-vous les litiges entourant le Dr Chopra? Je pourrais vous donner le choix entre deux hypothèses, et vous pourriez retenir celle qui, à vos yeux, est la plus plausible. Estimez-vous que cette controverse se résume au fond à un différend sur des questions scientifiques? Ce serait la première hypothèse. Ou voyez-vous plutôt dans cette situation un conflit sur des questions de gestion au sein du ministère, ou encore une combinaison des deux hypothèses?
M. Malik: Je crois qu'il s'agit en quelque sorte d'une combinaison des deux, mais c'est surtout les questions scientifiques qui sont en cause.
Le président: Selon vous, les scientifiques du bureau sont-ils majoritairement d'avis que la direction n'est pas prête à accepter les conclusions des analyses scientifiques et qu'elle poursuit d'autres objectifs?
M. Malik: Oui, c'est ce que je crois.
Le président: De quels objectifs s'agirait-il?
M. Malik: Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
Le président: Vous venez de dire qu'à votre avis, la direction n'est pas prête à accepter des conclusions scientifiques objectives. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui vous fait penser cela.
M. Malik: Il est arrivé à plusieurs occasions, au moment de la présentation d'un rapport scientifique d'évaluation, qu'on nous demande, quoique non directement, de modifier notre rapport. Ce qu'on veut, c'est que rien n'accroche, ou qu'on n'ait pas trop de problèmes dans l'industrie.
Je le répète, c'est ce qui s'est produit dans le cas de deux ou trois rapports que nous avons soumis dans le passé à propos de médicaments contenant des hormones ou des antibiotiques. Il y a donc constamment des frictions entre les scientifiques et la direction.
Le président: La direction demande-t-elle vraiment aux scientifiques d'agir d'une manière susceptible de compromettre la santé des humains, ou serait-ce simplement que, parfois, il peut y avoir divergence d'opinion entre gens sensés à propos des conclusions d'une analyse?
M. Malik: Je crois qu'il s'agit de plus que de simples divergences d'opinion entre gens sensés à propos de conclusions.
Le président: C'est davantage que cela?
M. Malik: Oui, c'est davantage que cela, mais je ne saurais vous dire exactement dans quelle mesure.
Le président: Mes collègues auraient-ils des questions à poser au Dr Malik?
Le sénateur Kroft: J'aimerais poursuivre sur ce dernier point. Nous imaginons ici une situation où l'on procède à l'évaluation scientifique d'un médicament, d'un aliment ou de quoi que ce soit d'autre qui fasse l'objet de tests, et où comme c'est singulièrement le cas dans l'exemple qu'on vient tout juste de donner, on note des tensions entre la direction et les scientifiques. Je crois que vous avez fait allusion au fait qu'on vous demandait parfois de modifier votre rapport de manière à ce que, si j'ai bien compris, il ne crée pas de problèmes dans l'industrie.
J'essaie de voir ce qui constitue un degré normal de tension dans une situation donnée. Ne pourrait-on pas, selon vous, considérer comme normal et inévitable que, dans un cas où on demande à des scientifiques de dégager des conclusions objectives qui risquent de porter à conséquence sur le plan commercial ou sur celui de la santé, ce genre de situation engendre des tensions?
M. Malik: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Tout ce que je puis en dire, c'est qu'il est fort probable qu'il continuera d'y avoir des tensions tant qu'on ne respectera pas les objectifs et les conclusions des scientifiques.
Le sénateur Kroft: J'aimerais que nous envisagions la chose dans une perspective plus générale plutôt qu'en songeant aux personnes en cause dans le cas particulier dont nous sommes saisis. Compte tenu de la nature des responsabilités respectives des gestionnaires et des scientifiques, n'est-il pas inévitable qu'il y ait un certain degré de tension entre les deux groupes?
M. Malik: Oui, c'est inhérent au processus.
Le sénateur Kroft: Peut-être que ce qu'il nous faut nous demander, c'est si, pour quelque raison que ce soit, ce ne serait pas tout simplement une réaction excessive de la part de la direction ou encore une attitude par trop inflexible du côté des scientifiques qui feraient que, dans une situation donnée, les tensions peuvent devenir intolérables et engendrer d'autres problèmes.
M. Malik: Peut-être que oui. D'un autre côté, bien que, comme scientifique, je puisse très bien accepter que mes supérieurs viennent me dire que le ministère est prêt à prendre la responsabilité de ne rien exiger de plus du fabricant même si j'en suis arrivé à la conclusion que celui-ci devrait procéder à d'autres tests ou à d'autres essais cliniques ou fournir de plus amples renseignements, je trouverais tout à fait inacceptable que la direction me demande de modifier mon rapport de manière à faire croire que nous n'exigeons rien d'autre du fabricant. Cela créerait forcément des tensions.
Le sénateur Kroft: Je vois. Diriez-vous que des situations de ce genre ne sont qu'occasionnelles ou qu'elles sont plutôt fréquentes, ou ni l'un ni l'autre?
M. Malik: Si l'on remonte neuf ans en arrière, elles n'étaient alors qu'occasionnelles, mais depuis cinq ans, elles sont fréquentes.
Le sénateur Corbin: J'aimerais obtenir des éclaircissements sur un point. Vous-même et la Dre Margaret Haydon avez fait référence à l'enquête et au rapport de KPMG. Quelque part dans son témoignage, la Dre Haydon a affirmé ceci:
Je vous ferai remarquer que la majorité des membres du personnel scientifique n'a pas participé aux entrevues de KPMG.
Vous dites, et je cite:
Selon des estimations non officielles, la majorité des membres du personnel scientifique du BMV n'ont pas accepté de se prêter à des entrevues avec les représentants de KPMG, et ce, pour diverses raisons.
Est-ce que vous et vos collègues avez tous été invités à passer en entrevue? Par ailleurs, si vous et vos collègues avez préféré ne pas vous soumettre à une telle entrevue, pourriez-vous nous dire franchement pour quelles raisons vous n'avez pas accepté de le faire?
M. Malik: Je vous en ai déjà donné une, à savoir que la majorité des recommandations du rapport de Price Waterhouse, qui ne date que de quelques années, sont restées lettre morte. Vous trouverez d'ailleurs ces recommandations dans la documentation que j'ai incluse dans le dossier qui vous a été remis. On a tout au plus commencé à mettre en application un petit nombre d'entre elles.
Une autre raison, c'est qu'à ce moment-là, le directeur, le Dr Lachance, venait tout juste d'être nommé. C'était le 1er avril 1998. Il n'était pas vétérinaire, et il n'avait pas non plus d'expérience ni dans l'industrie ni dans la recherche pharmaceutique. Selon nous, il n'avait même pas eu le temps de prendre connaissance, par la lecture ou autrement, de ce qui se passait dans le bureau. Nous lui avons offert de nous asseoir avec lui pour nous pencher sur le rapport de KPMG et le modifier au besoin de manière à nous entendre sur un plan d'action accepté par tous, mais il ne s'est pas rendu à notre souhait.
Le sénateur Corbin: À votre avis, l'enquête de KPMG a-t-elle été faite expressément pour vous intimider et pour vous dissuader de trop vous ouvrir devant le comité de l'agriculture à propos des questions en litige? Selon vous, est-ce cela qu'on visait? S'agissait-il d'une sorte d'épée de Damoclès, d'une menace pour tenter de vous réduire au silence? Quelle est votre perception de cette opération? Ou s'agissait-il plutôt d'une opération normale de réévaluation du fonctionnement de votre division, parmi d'autres, comme on en voit fréquemment au sein de l'appareil gouvernemental?
M. Malik: Je dirais que l'opération s'inscrivait dans le climat général d'intimidation qui régnait alors dans notre milieu de travail, et j'ajouterais qu'il n'est pas exagéré d'y voir une manoeuvre «expressément» conçue dans cet esprit.
Le sénateur Corbin: Il y a donc, selon vous, un lien entre cette étude et votre comparution devant le comité de l'agriculture?
M. Malik: Je n'ai pas comparu devant le comité de l'agriculture.
Le sénateur Corbin: Bien que vous n'y ayez pas comparu, diriez-vous qu'il y avait un tel lien?
M. Malik: Dans le contexte, il semble bien que oui.
Le président: Merci beaucoup, docteur Malik. Cela met fin à notre discussion avec vous.
J'inviterais maintenant le Dr Cris Basudde à témoigner.
Docteur Basudde, je crois que vous avez entendu la déclaration que j'ai faite au début de cette séance concernant l'assurance que nous a donnée le sous-ministre de Santé Canada qu'on ne prendrait aucune mesure contre quelque fonctionnaire que ce soit de Santé Canada qui comparaîtrait devant notre comité. Cette déclaration vous rassure-t-elle, et acceptez-vous de témoigner devant nous aujourd'hui?
M. Cris Basudde, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Elle me rassure, monsieur le président.
Le président: Je demande qu'on vous fasse prêter serment.
(M. Cris Basudde prête serment)
Le président: Je vous prie de reprendre votre siège. Nous sommes prêts à vous entendre, docteur Basudde. Allez-y.
M. Basudde: Madame et messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mon opinion au sujet de l'allégation du Dr Shiv Chopra selon laquelle sa suspension de cinq jours sans rémunération serait attribuable aux propos qu'il a tenus lors de sa comparution devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts dans le cadre de son étude de la STbr.
Monsieur le président, j'ai apporté avec moi une déclaration que j'aimerais vous lire. J'ai également fait faire des copies du texte de mon exposé, que j'aimerais qu'on remette aux membres du comité.
J'ai joint à la lettre que je vous ai fait parvenir il y a quelques mois 17 documents que j'ai ici devant moi. Aujourd'hui, j'ai un dix-huitième document à joindre à cette lettre, et je voudrais qu'on l'insère dans le dossier.
Le président: Avez-vous dit 18 ou 17, Docteur Basudde? Je lis ici pièce jointe 17.
M. Basudde: Il s'agit de la lettre que je vous ai fait parvenir, monsieur le sénateur.
Le président: Et vous avez une nouvelle pièce à joindre à cette lettre?
M. Basudde: Oui, j'aimerais en ajouter une autre aujourd'hui, ainsi qu'une nouvelle version de ce que j'ai à vous dire.
Le président: Allez-y.
M. Basudde: Madame et messieurs les sénateurs, en menant cette enquête, vous êtes un peu comme des médecins ou des vétérinaires qui tentent de cerner la cause d'une maladie. Aucun médecin ni aucun vétérinaire ne peut poser un diagnostic sans tenir compte des antécédents du sujet. C'est ce qui m'a amené à vous décrire, dans les cinq premières pages de ma déclaration, l'historique du cas, mais je n'ai pas le temps de m'y attarder ici. Je vais commencer par répondre aux questions qui sont énoncées à la page 2 de votre lettre, dont voici la première: «Pourriez-vous nous dire si vous avez vous-même entendu de telles déclarations?»
Je suis heureux de pouvoir affirmer que j'ai bel et bien entendu le Dr Lachance, directeur du Bureau des médicaments vétérinaires, faire les déclarations que j'ai reproduites dans mon dossier. Je vais commencer ma lecture au deuxième paragraphe de la page 6 du texte que je vous ai fait remettre, où il est question de ces déclarations.
Le 26 mai 1998, lors d'une réunion du personnel du BMV au Centre de conférences d'Ottawa, le Dr Lachance, le directeur du BMV, a présenté le rapport de KMPG. Voici ce qu'il affirmait dans ce rapport:
Notre client, c'est l'industrie; ce sont les représentants de l'industrie qui viennent me voir, et non le public. Vous devez servir l'industrie, sous peine de vous retrouver dans des recoins du gouvernement où nous n'entendrons plus jamais parler de vous.
Le 2 septembre 1998, le Dr Lachance a convoqué une autre réunion de tout le personnel du BMV. Il a alors présenté un plan d'action inspiré du rapport de KMPG. Le Dr Lachance a alors déclaré: «Le train est en marche, montez à bord ou il partira sans vous.»
J'ai également entendu le Dr Lachance tenir des propos racistes à deux reprises. La première fois, le 9 février 1998, il a lancé: «J'aime les minorités visibles», et la deuxième fois, le 24 juillet 1998, il a dit: «La mentalité des membres de minorités visibles transparaît dans toutes ces choses.» Je ne m'attarderai toutefois pas à commenter ces propos racistes.
Madame et messieurs les sénateurs, vous noterez que ces déclarations que je rapporte à la page 6 ont été faites peu de temps après que notre équipe eut publié son Rapport d'analyse des lacunes et quelque temps avant que les Drs Chopra, Lamber et Haydon témoignent devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je tiens à souligner qu'à ce moment-là, Santé Canada savait que le Sénat serait appelé à se pencher sur le Rapport d'analyse des lacunes. Si vous vous référez de nouveau à ce qui est mentionné à la page 6, vous constaterez que c'est ce qui a amené Santé Canada à prendre tous les moyens possibles pour faire modifier le Rapport d'analyse des lacunes. Les dirigeants de Santé Canada dont j'ai mentionné les noms ci-dessus ont tous demandé aux Drs Chopra et Lambert de modifier le rapport.
La deuxième chose dont vous devriez prendre note concernant le Rapport d'analyse des lacunes, c'est que même si M. Feeley et la Dre Mueller ne faisaient pas partie du personnel du BMV, on leur a quand même demandé de rédiger une nouvelle version de ce rapport.
Une troisième chose très importante dont il faut tenir compte, c'est que, lorsque le Sénat a effectué l'étude du Rapport d'analyse des lacunes, ce n'est pas un, mais bien deux Rapports d'analyse des lacunes dont le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a finalement été saisi. La raison en est que le rapport qu'on lui a d'abord transmis ne faisait aucun cas d'une étude critique de 90 jours qu'on avait effectuée sur des rats et qui figurait dans le rapport initial; or, devant les protestations du Sénat, le ministère a finalement été contraint de faire parvenir au Sénat le rapport original, celui qui était fidèle et qui contenait l'étude en question.
Je vais maintenant répondre à votre deuxième question: «Dans quel contexte ces déclarations ont-elles été faites?»
À cet égard, je suis convaincu que le Dr Lachance a dit très clairement que la population du Canada n'était pas notre client, que notre client, c'était l'industrie, et que nous nous devions d'être à son service. C'est donc dire qu'à ces deux occasions, ce sont des énoncés de principes que le Dr Lachance a tenu à formuler. Ces affirmations visaient d'ailleurs manifestement à menacer et à intimider.
À cause du rôle qu'il avait joué dans la production du Rapport d'analyse des lacunes et de son refus de le modifier, de même que du fait qu'il était le plus connu de nous tous, le Dr Chopra était perçu comme étant le leader du groupe. Ces affirmations s'adressaient donc avant tout au Dr Chopra, mais aussi à nous tous qui avions participé au dépôt du grief collectif auprès de la CRTFP. Plutôt que de vous fournir des explications détaillées sur ce point, je vous renvoie aux pièces jointes 1 et 2.
Madame et messieurs les sénateurs, il est extrêmement important de comprendre que cela fait dix ans que la haute direction de Santé Canada essaie d'autoriser la commercialisation de la STbr sur le marché canadien. La haute direction a toujours été et demeure convaincue que les produits comestibles et le lait provenant de vaches traitées à la STbr sont sans danger pour la consommation humaine. Voir la pièce jointe 17.
C'est pourquoi la haute direction du ministère voulait une personne qu'elle pourrait manipuler et intimider, moi par exemple, pour rédiger le Rapport d'analyse des lacunes de la STbr. C'est ce que vous pourrez constater en prenant connaissance de la pièce jointe 4. C'est également pour cette raison que la haute direction a demandé au Dr Chopra de modifier le Rapport d'analyse des lacunes de la STbr, ce qu'il a refusé de faire.
La pièce jointe 17, ainsi que les nominations dont j'aimerais vous parler dans quelques instants, illustrent bien ce que je veux dire.
Madame et messieurs les sénateurs, je tiens à vous amener à pousser un peu plus loin votre réflexion en attirant votre attention sur le fait que, comme le montre, entre autres choses, la pièce jointe 17, un cadre supérieur de Santé Canada, le Dr Ian Alexander, n'a pas hésité à passer outre aux recommandations qu'avait formulées le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts dans son rapport intérimaire de mars 1999 en me demandant, vers le 9 septembre 1999, de déclarer propres à la consommation humaine les produits comestibles et le lait provenant de vaches traitées à la STbr.
J'aimerais revenir à vos questions: «Quelles conclusions avez-vous tirées des déclarations du Dr Lachance?» J'en ai tiré deux: premièrement, que la direction, comme l'avait laissé entendre le Dr Lachance, userait de représailles contre les évaluateurs de médicaments qui, comme le Dr Chopra et nous tous, estimions que le client du BMV, c'était la population canadienne et non l'industrie pharmaceutique; deuxièmement, que les évaluateurs de médicaments devaient obéir à la direction au doigt et à l'oeil ou remettre leur démission, parce que «le train allait partir sans eux», pour reprendre les mots du Dr Lachance.
J'ai alors cru et je continue de croire qu'il s'agissait là d'énoncés de principes, et, jusqu'à maintenant, tout indique que j'avais tout à fait raison.
Quelles sont mes raisons de tirer de telles conclusions de ces déclarations? Les voici: depuis l'introduction de la politique de recouvrement des coûts au Bureau des médicaments vétérinaires, le 1er avril 1996 -- et je vous renvoie à cet égard à la partie II de la Gazette du Canada, vol. 130, no 6 --, les fabricants de produits pharmaceutiques, agissant individuellement ou collectivement par le biais de leur syndicat, l'Institut canadien de la santé animale, exigeaient d'exercer un contrôle accru sur le processus d'évaluation des médicaments au BMV, estimant que «celui qui paie la note a le droit de décider comment sera dépensé son argent».
Madame et messieurs les sénateurs, le Dr Chopra et les cinq d'entre nous qui avons porté plainte auprès de la CRTFP estimons que tout produit pharmaceutique faisant l'objet d'une demande d'autorisation de commercialisation sur le marché canadien, c'est-à-dire d'un avis de conformité, doit satisfaire aux mesures législatives que nous avons le mandat de faire respecter, c'est-à-dire à la Loi et au Règlement sur les aliments et drogues. Si la loi et le règlement ne sont pas strictement observés, il est impossible de garantir à la population canadienne que les produits comestibles provenant d'animaux destinés à l'alimentation humaine seront sans risque pour la santé.
Qu'est-ce qui a amené le Dr Lachance à faire de telles déclarations? Autrement dit, était-il obligé de les faire?
Je crois qu'il a senti le besoin de les faire par suite du grief collectif que nous avions présenté à la haute direction de Santé Canada et qui avait abouti à la lettre que nous avait adressée M. Nymark le 19 décembre 1997, de même qu'à cause du refus du Dr Chopra de modifier le Rapport d'analyse des lacunes de la STbr.
J'estime donc que si le Dr Chopra a été suspendu pendant cinq jours sans rémunération, c'est que la haute direction de Santé Canada voulait user de représailles à son endroit parce qu'il avait participé au dépôt de notre grief collectif, refusé de modifier le Rapport d'analyse des lacunes de la STbr et témoigné par la suite devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je crois aussi que c'est pour se venger du Dr Chopra et de nous tous de la Division de l'innocuité pour les humains que la haute direction de Santé Canada n'a désigné aucun d'entre nous pour occuper le poste de chef par intérim de notre division, et ce, en raison de notre participation au dépôt du grief collectif et de notre opposition à l'autorisation de la vente de la STbr et d'autres produits susceptibles de nuire à la santé des Canadiens.
Madame et messieurs les sénateurs, je vais maintenant vous parler des nominations, car ce sont là des événements qui sont survenus après la comparution des Drs Chopra, Lambert et Haydon devant le comité sénatorial de l'agriculture. Ces nominations sont très révélatrices.
Monsieur le président, c'est par mon mérite et après m'être présenté à un concours -- le concours no 90-NHW-N2-OC-029 -- qu'il y a dix ans, j'ai obtenu mon poste au BMV. Depuis lors, les désignations ne se font plus au mérite, mais par favoritisme et par copinage. Il n'y a absolument aucune transparence dans le processus d'affectations au BMV. Les nominations du Dr Lachance comme directeur du BMV -- pièce jointe 18A --, du Dr Ian Alexander comme chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains -- pièce jointe 18B -- et de la Dre Kelly Butler aussi bien comme chef de la Division des politiques et des programmes que comme chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains -- pièce jointe 18C -- sont de bons exemples d'affectations fondées non pas sur le mérite ou l'expérience mais sur le favoritisme et le copinage.
Le Dr Chopra, moi-même ainsi que nos collègues qui ont comparu devant vous hier avons énergiquement protesté contre ces nominations. Nous avons déposé des plaintes à cet égard auprès de la Commission de la fonction publique du Canada, de la Commission canadienne des droits de la personne et du directeur général de la Direction des aliments, mais elles sont demeurées sans suites.
Le Dr Man Sen Yong a été récemment nommé conseiller scientifique principal du directeur. C'est une personne qui se permet de prendre à l'abri des oreilles indiscrètes des décisions relatives à la réglementation en matière d'innocuité pour les humains et qui représente pourtant le Canada aux réunions de la Commission du Codex Alimentarius et du comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires. Il faisait partie depuis dix ans de la Division de l'innocuité pour les humains où il a failli à son devoir de mettre à jour le tableau III de la Loi et du Règlement sur les aliments et drogues. Le Dr Yong doit-il à sa compétence sa récente désignation?
Avant leur affectation à la Division de l'innocuité pour les humains, le Dr Ian Alexander travaillait à la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques et la Dre Butler, au Laboratoire de lutte contre la maladie. La pièce jointe 17 montre à l'évidence l'inexpérience du Dr Alexander en matière d'innocuité pour les humains. Quant à l'inexpérience de la Dre Butler, elle est apparue au grand jour quand elle m'a donné ordre d'évaluer les données relatives aux résidus dans le cas de la terramycine sans préciser de limites maximales de résidus, et qu'elle a fait parvenir un courriel à Kerrie Strachan, des Ressources humaines, parce qu'elle croyait que mon défaut d'évaluer ces données pour les raisons que j'ai mentionnées ci-dessus équivalait à un acte de désobéissance envers elle.
Madame et messieurs les sénateurs, ce qui précède montre que vous avez devant vous, d'un côté, un groupe de scientifiques hautement expérimentés, très qualifiés et extrêmement consciencieux comme le Dr Chopra, moi-même ainsi que nos collègues qui ont été invités à comparaître devant vous hier, des scientifiques qui ont été et sont encore menacés, intimidés, marginalisés, déprofessionnalisés et, au bout du compte, punis, et, de l'autre côté, des scientifiques inexpérimentés, non qualifiés et incompétents qui ont été nommés ou promus pour prendre des décisions en matière de réglementation.
Vous vous demandez, monsieur le président, ce qui se passe? Pourquoi a-t-on nommé ces personnes? À mon avis, on a procédé à ces nominations pour deux raisons, la première étant l'application de mesures de représailles. La nomination des Drs Ian Alexander et Kelly Butler comme chefs intérimaires de la Division de l'innocuité pour les humains et du Dr Yong comme conseiller scientifique principal constitue une mesure flagrante de représailles de la part de la haute direction de Santé Canada à l'endroit du personnel de la Division de l'innocuité pour les humains, et ce, en raison du grief collectif que nous avons déposé et des opinions que nous avons exprimées à l'encontre de l'autorisation de la STbr et d'autres produits douteux sur le plan de la protection de la santé des Canadiens. Il s'agit là d'une situation où une personne comme le Dr Chopra, qui est avec nous depuis 30 ans, est systématiquement discriminée lors de telles nominations, mais nous sommes en réalité tous victimes de cette situation. À la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques, contrairement à ce qu'on a fait en pareilles circonstances à la Division de l'innocuité pour les humains, lorsque le Dr Landry a pris sa retraite, on a attribué à tour de rôle à des évaluateurs de la division le poste de chef par intérim laissé vacant par son départ. La pièce jointe 18E vous aidera à comprendre ce que je veux dire.
L'autre point que j'aimerais faire valoir ici, c'est qu'il y a probablement un important motif sous-jacent à ces nominations, à savoir mettre en poste des personnes qui accepteront d'autoriser des produits qui ne sont pas conformes au Règlement sur les aliments et drogues. C'est également ce qui explique pourquoi des scientifiques qui s'opposent à cette orientation, comme le Dr Chopra et nous tous qui avons été invités à comparaître devant vous, subissent le traitement que je viens de vous décrire.
En conclusion, madame et messieurs les sénateurs, je tiens à vous rappeler que l'allégation du Dr Chopra, comme telle, ne rend compte que partiellement de ce qui se passe actuellement à Santé Canada. Pour en prendre pleinement conscience, vous vous devez de prendre connaissance de tout le dossier que je vous ai remis aujourd'hui. Cet ensemble de documents comprend le grief que nous avons soumis à la CRTFP, l'examen du dossier de la STbr, les déclarations du Dr Lachance -- qui se trouvent à la page 6 du présent exposé --, l'allégation du Dr Chopra, les nominations au Bureau des médicaments vétérinaires, et la pièce jointe 17.
Le tableau d'ensemble qui se dégage de tout ce qui précède reflète fidèlement l'orientation que souhaite prendre Santé Canada. C'est donc dire que le sous-ministre, le sous-ministre adjoint, le directeur général de la Direction des aliments et le directeur général associé savent tous ce qui se passe à Santé Canada.
Le président: Si vous me le permettez, je vais poser moi-même une première question, à savoir notre question habituelle que vous m'avez d'ailleurs entendu poser aux autres témoins. Dans votre document, à la page 8 de 12, vous parlez de vos conclusions. Vous dites: «Voici ce à quoi j'en conclus», puis, plus loin, à l'avant-dernier paragraphe de la page 9, vous affirmez:
J'estime que la suspension de cinq jours sans rémunération imposée au Dr Chopra est une mesure de représailles exercée par la haute direction de Santé Canada parce que le Dr Chopra a participé au grief collectif, a refusé de modifier le Rapport d'analyse des lacunes de la STbr et a témoigné par la suite devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Est-ce là une conclusion? Vous avez utilisé ce mot plus tôt dans votre lettre. Vous a-t-il été donné d'entendre des propos ou de prendre connaissance d'écrits attribuables à un cadre supérieur du ministère qui permettraient d'établir qu'il y a clairement un lien entre la comparution du Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et une réprimande ou une mesure disciplinaire quelconque dont il aurait fait l'objet?
M. Basudde: Il n'y a pas eu de réprimande comme telle, monsieur le président. Je crois que vous devez souscrire au premier point que j'ai tenté de faire valoir aujourd'hui, à savoir que vous vous devez de tenir compte de l'historique de la situation. En l'occurrence, vous êtes comme un médecin qui s'apprête à diagnostiquer une maladie. Il lui faut tenir compte de l'historique du cas. Sans bien connaître les antécédents du sujet, il ne lui est pas possible d'établir un diagnostic.
À propos du Rapport d'analyse des lacunes, Santé Canada savait alors fort bien que, s'il était produit sous sa forme initiale, sans aucune modification, il allait mettre le ministère dans l'embarras. Comme je l'ai mentionné plus tôt, Santé Canada cherche depuis dix ans à mettre la STbr sur le marché canadien. Le Rapport d'analyse des lacunes, s'il n'était pas modifié, allait planter le dernier clou au cercueil de la STbr, et c'est pourquoi on a tout fait pour en empêcher la publication sous cette forme. Il n'y a pas eu de réprimande, soit, mais, pour prendre l'exemple des feux de circulation, il y a, comme vous le savez, le feu jaune avant le rouge. Il y a d'abord eu un avertissement, longtemps à l'avance, et le ministère savait ce qu'il faisait. Ces gens ne sont pas des amateurs.
À Santé Canada, on savait très bien que, si jamais le Rapport d'analyse des lacunes était produit sous sa forme initiale, il risquait fort de se retrouver devant le comité sénatorial pour enquête. Non, il n'y a pas eu de réprimande.
Le président: Ainsi, ce que vous nous demandez de faire, c'est de tirer la même conclusion que vous sur la base de l'ensemble du dossier, à savoir que la comparution du Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts faisait partie d'une suite d'événements qui ont débouché sur l'imposition de mesures disciplinaires contre lui. Mais vous n'avez ni entendu ni lu quoi que ce soit d'explicite en ce sens? Il ne vous a pas été donné d'entendre un cadre dire: «Parce que vous avez comparu devant le comité sénatorial de l'agriculture, nous allons vous imposer des mesures disciplinaires»?
M. Basudde: Non, je n'ai rien entendu de tel.
Le président: Vous nous demandez donc de tirer une conclusion similaire à la vôtre sur la base des faits dont vous nous avez saisi.
Le sénateur Gauthier: Vous avez dit de cet exposé qu'il était intéressant. Personnellement, je le trouve très, très troublant. Je n'entends pas aller au coeur de la question ici, sauf pour formuler des observations sur certaines affirmations comme «Les nominations se fondent non pas sur le mérite ou sur l'expérience, mais sur le favoritisme et le copinage.» Entendre de telles affirmations me trouble immensément, monsieur le président.
Je vais à la page 11 et j'y lis: «D'autre part, vous avez des scientifiques inexpérimentés, non qualifiés et incompétents qui ont été nommés ou promus pour prendre des décisions en matière de réglementation.» Cela aussi m'inquiète au plus haut point.
Je vous demande à vous, monsieur le président, avant de poser ma question au témoin, si nous avons l'intention de convoquer des représentants de la Commission de la fonction publique, qui est responsable de l'application du principe du mérite dans la fonction publique du Canada. Si ce que nous avons entendu est fondé, et que nous ne demandons pas de comptes aux responsables, je crains que nous ne laissions se perpétuer un grave problème.
Le président: Notre intention est d'inviter à comparaître le sous-ministre de Santé Canada et son enquêteur, M. Hunter, et peut-être d'autres hauts fonctionnaires de Santé Canada dont les noms ont été mentionnés dans certains témoignages. Quant à savoir si nous allons demander à des autorités de la Commission de la fonction publique de comparaître devant nous, c'est là une question sur laquelle le comité de direction ne s'est pas encore penché, mais il serait intéressant d'envisager la chose.
Le sénateur Gauthier: Voyez-vous, monsieur le président, si j'ai bien compris -- et cela fait 30 ans que je suis ici --, c'est la Commission de la fonction publique qui est responsable de l'application du principe du mérite. Elle délègue à des sous-ministres certains pouvoirs, notamment en matière d'embauche et de promotions. D'après les témoignages que j'ai entendus ce matin, je ne suis pas convaincu que le principe du mérite a été sauvegardé et respecté conformément au voeu du Parlement du Canada. On opte plutôt pour le favoritisme et le copinage, ce qui est extrêmement pernicieux. Je prends la chose on ne peut plus au sérieux. Le témoin que nous venons d'entendre est une personne respectable, et les affirmations qu'il a faites me bouleversent.
Le président: Sénateur Gauthier, à propos de votre observation, je me dois de répondre ceci au comité: le mandat que confie le Sénat à notre comité, c'est de vérifier s'il y a eu atteinte au droit qu'ont les témoins de faire valoir auprès de notre comité leurs points de vue et leurs inquiétudes et de lui exposer honnêtement leur version des faits. Voilà en quoi consiste notre mandat.
Ce qu'il nous appartient d'établir, c'est s'il y a eu en l'occurrence atteinte au privilège parlementaire, si des témoins ont été victimes d'intimidation ou d'ingérence indue. Il ne fait pas partie de notre mandat de nous pencher sur la question de l'application du principe du mérite ou sur le fonctionnement de la Commission de la fonction publique. Lorsque notre comité est saisi d'un tel témoignage, il doit en traiter comme d'une affaire qui concerne d'autres instances. Il va sans dire que nous allons porter ces déclarations à l'attention de ceux à qui il revient de prendre en considération ce genre de choses.
Le sénateur Gauthier: Je comprends ce que vous venez de dire et j'y souscris, mais je n'en demeure pas moins fort inquiet de ce que, comme on l'a maintes fois répété ici, le moral des employés soit très bas dans ce ministère. Je ne m'en étonne surtout pas si c'est là la façon dont on fonctionne à Santé Canada. Ce n'est pas le mérite qui y compte, mais plutôt le copinage et le favoritisme.
Le président: Vous aurez l'occasion, j'espère dès la semaine prochaine, d'exprimer vos inquiétudes et poser des questions à ce sujet au sous-minitre, qui est responsable d'office de la gestion de son ministère. Si vous avez une question à poser au Dr Basudde, allez-y.
Le sénateur Gauthier: Je ne peux poser cette question, si le témoin n'est pas en mesure de me fournir des preuves. Je demande, par votre intermédiaire, monsieur le président, si le témoin a des preuves ou s'il a simplement le sentiment que le principe du mérite n'est pas appliqué. Il a formulé des allégations très graves.
Je puis attendre la comparution du sous-ministre, mais j'irai plus haut que cela. J'irai à la Commission de la fonction publique, car c'est elle qui est en l'occurrence gardienne du respect des règlements et de la loi du Canada. Cette situation est très préoccupante.
Le sénateur Kinsella: Docteur Basudde, vers le milieu d'août, avant la suspension qui a été imposée au Dr Chopra, j'ai écrit une lettre au sous-ministre Dodge dans laquelle je lui demandais de faire en sorte que ni lui ni son ministère n'appliquent cette mesure disciplinaire tant que le Sénat n'aurait pas eu la possibilité de se pencher sur les allégations d'atteinte au droit d'un témoin de s'exprimer devant un comité parlementaire. Comme vous le savez sans doute, ma demande n'a pas été acceptée. En réalité, dès le lendemain ou le surlendemain, la mesure disciplinaire a été appliquée.
La question que je vous pose est la suivante: à votre avis, en quoi le sous-ministre aurait-il nui au travail scientifique que vous, le Dr Chopra et vos collègues effectuez dans l'intérêt public s'il s'était rendu à ma demande et n'avait pas imposé la mesure disciplinaire à ce moment-là?
M. Basudde: Monsieur le sénateur, me demandez-vous comment on aurait dû agir -- ou plutôt réagir?
Le sénateur Kinsella: Non, ce que j'aimerais savoir, c'est si vous croyez que le ministère aurait nui à votre travail ou à celui du Dr Chopra et de vos collègues s'il n'avait pas imposé la mesure disciplinaire de cinq jours de suspension quand nous lui avons demandé de ne pas le faire tant que le Sénat n'aurait pas eu la possibilité de se pencher sur cette question.
M. Basudde: Je crois qu'on aurait dû donner suite à votre demande. De cette façon...
Le sénateur Kinsella: Ça va. Merci de votre réponse. Docteur Basudde, étiez-vous présent à la réunion où le Dr Lachance a déclaré: «J'aime les minorités visibles», ou encore à celle où il a déclaré: «La mentalité des membres des minorités visibles transparaît dans toutes ces choses»?
M. Basudde: J'y étais, monsieur le président.
Le sénateur Kinsella: En tant que membre d'une minorité visible du Canada qui travaillez dans l'intérêt public comme fonctionnaire, comment vous êtes-vous senti en entendant ce genre de propos?
M. Basudde: Je me suis senti profondément blessé, et c'est ce qui m'a amené à porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. C'est pourquoi ce dossier porte un numéro actuellement. La Commission canadienne des droits de la personne est saisie de cette affaire. J'ai eu le sentiment qu'il s'agissait de propos racistes.
Le sénateur Kinsella: Je vois. Maintenant, à quelle date remonte la nomination du Dr Alexander?
M. Basudde: Je le mentionne dans la pièce jointe concernant le Dr Alexander, la pièce jointe 18, ou plus précisément 18B, et je pense que c'est lors d'une réunion. Nous avons été informés de sa nomination à une réunion du Bureau des médicaments vétérinaires; c'était le 6 mai 1999. Cette mention figure à la pièce jointe B.
Le sénateur Kinsella: Le 6 mai 1999, M. Alexander a été nommé; la nomination de la Dre Kelly Butler a-t-elle été annoncée le même jour ou à une autre date?
M. Basudde: Non, monsieur le sénateur. Cette fois, je vous renvoie à la pièce jointe 18C, qui porte sur la nomination de la Dre Kelly Butler. Nous constatons qu'elle a d'abord été nommée chef de la Division des politiques et des programmes le lundi 16 août 1999.
Le sénateur Kinsella: Le 16 août.
M. Basudde: Elle a ensuite été nommée chef par intérim de la Division de l'innocuité pour les humains, poste qu'elle a occupé du 20 septembre 1999 au 17 janvier 2000, mais, encore aujourd'hui, elle demeure à la fois chef par intérim de la Division de l'innocuité pour les humains tout en continuant de faire partie de la Division des politiques et des programmes.
Le sénateur Kinsella: Docteur Basudde, j'aimerais simplement que vous reveniez sur votre témoignage pour le bénéfice des membres du comité, à propos de la signification que vous accordez à la nomination de ces deux employés du ministère, le Dr Alexander et la Dre Butler. Comment, selon vous, ces nominations peuvent-elles constituer -- et c'est ce que vous déclarez en réalité dans votre témoignage -- une mesure disciplinaire ou de représailles liée à la comparution du Dr Chopra devant le comité sénatorial? Soutenez-vous que, parce qu'il faisait partie d'un groupe qui était chargé d'un dossier auquel tenait le ministère -- compte tenu du genre de témoignages que les membres de ce groupe avaient produits devant le comité sénatorial --, le Dr Chopra a été écarté du processus de promotion et que les promotions ont été accordées à des personnes moins qualifiées que d'autres pour les postes en question?
M. Basudde: Monsieur le sénateur, le Dr Chopra est le doyen des membres du personnel de la Division de l'innocuité pour les humains, voire de l'ensemble du Bureau des médicaments vétérinaires, je crois, étant donné qu'il est à Santé Canada depuis plus de 30 ans. Son expérience est considérable. Lorsqu'il se présente une ouverture de ce genre, on devrait tout de suite prendre en considération qu'il a déjà occupé un poste de chef par intérim. Il a en effet été chef par intérim de la Division des évaluations des produits pharmaceutiques; sauf erreur, c'était il y a deux ou trois ans. J'estime donc que, si on n'avait pas usé de représailles, on aurait procédé, à la Division de l'innocuité pour les humains, de la même façon qu'on l'a fait à la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques quand le Dr Landry a pris sa retraite. Chaque membre de la Division de l'innocuité pour les humains aurait dû se voir offrir le poste de chef par intérim pour une période de quatre mois.
Le sénateur Kinsella: Vous croyez qu'on ne leur a pas offert cette possibilité à cause de la position qu'ils avaient prise sur la STbr et des témoignages qu'ils avaient produits devant le comité sénatorial sur cette question?
M. Basudde: Tout à fait, monsieur le sénateur.
Le président: J'ai une question à vous poser sur le même sujet, Docteur Basudde. La question que vous a posée le sénateur Kinsella commençait par les mots «Vous croyez qu'on ne leur a pas...», mais auriez-vous quelque chose d'explicite pour étayer cette présomption, ou plutôt cette conclusion, pour reprendre le mot que vous avez employé? Un cadre vous aurait-il confirmé verbalement le bien-fondé de votre opinion à cet égard?
M. Basudde: Monsieur le président, on ne nous parle pas d'une façon qui -- ce que je veux dire, c'est que ces gens prennent soin de se protéger. Tout se fait de manière subtile, mais ce que j'avance demeure vrai. Comme je l'ai indiqué plus tôt, si vous vous élevez contre la haute direction, vous venez de dire adieu à toute promotion ou à toute possibilité d'occuper un jour un poste de direction à Santé Canada. Cela s'avère, je crois, depuis des années, et c'est encore le cas aujourd'hui au même titre que par le passé.
Chers collègues, nous avons un autre témoin à entendre, et il nous faudra ajourner nos travaux à 13 h 30, pour le début de la séance au Sénat. Je compte donc sur vous pour qu'on s'en tienne maintenant à des questions de première importance.
Le sénateur Kroft: Je n'ai qu'une question très courte, car j'aimerais simplement clarifier un point pour le compte rendu.
Dans le tableau d'ensemble que vous nous avez brossé ici aujourd'hui, vous avez illustré par deux exemples les présumés agissements de la direction, à savoir les gestes d'intimidation ainsi que les atteintes au principe du mérite dans le processus d'attribution des promotions. Avez-vous produit ce type de témoignage ou brossé ce tableau en public à d'autres occasions avant celle-ci?
M. Basudde: Non, monsieur le sénateur, je n'ai pas exposé ces faits en public, mais nous avons déposé des plaintes auprès de la Commission de la fonction publique du Canada à propos de ces nominations. Nous avons acheminé nos plaintes à notre syndicat...
Le sénateur Kroft: Excusez-moi de vous interrompre, mais je le fais simplement pour que nous demeurions brefs. Vous n'avez jamais abordé ce sujet dans les exposés que vous avez faits devant le comité de l'agriculture ni dans quelque témoignage que vous avez produit publiquement à d'autres occasions. C'est donc la première fois qu'en public, officiellement, vous faites ces déclarations, n'est-ce pas?
M. Basudde: C'est la première fois, en effet.
Le sénateur Grafstein: Je vais essayer d'être bref, moi aussi, monsieur le président. J'aimerais que le témoin se reporte rapidement au deuxième paragraphe de la page 11 de 12, car ce qu'on y lit me semble constituer une nouvelle question en soi, et je voudrais simplement la soulever, monsieur le président, mais peut-être pourrions-nous y revenir plus tard.
Monsieur le président, vous avez prévenu la fonction publique qu'aucune mesure d'aucune sorte ne devait être prise qui puisse porter atteinte à la libre et loyale expression devant nous de témoignages propres à nous aider dans l'examen de cette question, tout comme, bien sûr, de la question initiale. Je remarque toutefois qu'au paragraphe (2), et je vais m'en tenir aux passages surlignés, on mentionne:
Honorables sénateurs [...] vous avez devant vous [...] le Dr Chopra, moi-même et des collègues qui ont été invités à comparaître devant vous, des scientifiques qui ont été et sont encore menacés, intimidés, marginalisés, déprofessionnalisés et, au bout du compte, punis.
Ces affirmations sont formulées au temps présent et non au temps passé, contrairement à la question de privilège que nous examinons, qui appelle un examen rétrospectif d'un témoignage produit devant un autre comité.
Je ne sais pas comment en traiter, monsieur le président, car il s'agit en réalité d'une question accessoire, mais néanmoins de fond. Peut-être pourrais-je la soulever dès maintenant, ou encore peut-être, compte tenu de nos contraintes de temps, le comité pourrait-il se pencher sur la question et voir s'il n'y aurait pas lieu de convoquer de nouveau ce témoin pour aborder avec lui cet aspect à un autre moment.
Le président: Merci. Nous allons étudier la question.
Merci beaucoup, Docteur Basudde, de votre témoignage d'aujourd'hui et de l'aide que vous nous apportez.
Le président: Je vais maintenant donner la parole au Dr Arnost Vilim.
Docteur Vilim, avant qu'on vous assermente, j'aimerais attirer votre attention sur la déclaration que j'ai faite au début de ces audiences. Nous avons demandé au sous-ministre de la Santé de nous donner l'assurance que ni lui ni son ministère ne prendraient de mesures de représailles contre quiconque comparaîtrait comme témoin devant notre comité, et cette assurance nous a été donnée. Acceptez-vous de comparaître comme témoin?
M. Arnost Vilim, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Oui, j'accepte.
Le président: Merci. Je vais maintenant demander qu'on vous fasse prêter serment.
(M. Arnost Vilim prête serment)
Le président: Asseyez-vous, je vous prie. Docteur Vilim, nous sommes pressés par le temps. Bien que vous n'y soyez pour rien, nous devons quand même tenir compte de cette contrainte. Vous serait-il possible de vous en tenir aux points saillants de votre déclaration? Si vous croyez que tout y est important, nous entendrons votre exposé au complet et vous demanderons de revenir à un autre moment pour répondre à nos questions. Je vous donne ce choix.
M. Vilim: Je vais faire mon exposé en entier, parce que je crois qu'il est important que le comité ait une image complète de ce qui se passe dans notre secteur de Santé Canada.
Le président: Dans ce cas, allez-y.
M. Vilim: Monsieur le président, madame la sénatrice et messieurs les sénateurs, bon après-midi. Vous m'avez invité à venir témoigner devant votre comité. J'ai apporté avec moi une copie de ma déclaration, que j'aimerais déposer auprès du comité. J'ai en outre apporté un dossier qui contient une abondante documentation que j'aimerais également déposer à titre d'information.
Dans le texte que je vous ai fait remettre, les chiffres en caractère gras placés entre parenthèses renvoient aux différentes sections du dossier où se trouvent les documents auxquels je ferai référence au cours de mon exposé.
Madame et messieurs les sénateurs, je suis ici pour confirmer que l'employeur a usé de représailles envers mon collègue, le Dr Shiv Chopra, par suite de sa comparution devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts concernant la STbr.
Comme vous le savez sans doute, le sous-ministre de la Santé a institué sa propre enquête à ce sujet. J'ai reçu de M. George D. Hunter, de la maison Borden, Elliott, Scott et Aylen, une lettre datée du 4 février 2000 m'invitant à me soumettre à une entrevue avec lui, et ce, dans les plus brefs délais. J'ai trouvé intimidante la référence au but de l'enquête, dont faisait état M. Hunter dans le premier paragraphe de sa lettre, d'autant plus qu'il y mentionnait qu'on se servirait de cette enquête pour justifier l'imposition de mesures disciplinaires ou à d'autres fins de ce genre. Le mandat de la maison à qui on avait commandé l'enquête était fort restreint; il ne portait que sur l'examen de quatre pages tirées du témoignage du Dr Chopra devant votre comité le 7 décembre 1999. Le 11 février 2000, on s'est empressé de faire part à tous les employés de la tenue de l'enquête, avant même que les personnes appelées à témoigner aient accepté d'y participer. M. Hunter n'avait pas invité les autres employés dont le Dr Chopra avait mentionné les noms dans son témoignage, à savoir les Drs Basudde, Malik et Sharma.
Monsieur le président, j'ai été personnellement témoin de plusieurs déclarations menaçantes formulées par le directeur du Bureau des médicaments vétérinaires, le BMV, lors des réunions du personnel des 26 mai et 2 septembre 1998. De plus, je sais que d'autres mesures de représailles ont été prises par la direction de Santé Canada avant, pendant et après le témoignage du Dr Chopra à propos de la STbr aux audiences du comité sénatorial. Ainsi, le Dr Chopra a reçu une lettre de réprimande pour avoir parlé aux médias, il s'est fait interdire d'assister à une assemblée communautaire au YMCA, il a été suspendu sans salaire pendant cinq jours pour avoir parlé au sujet du racisme lors d'une conférence organisée par Patrimoine Canada, il a été retiré d'un comité sur la résistance aux antibiotiques et remplacé par les Drs Buttler et Breton, et il a fait l'objet d'une plainte de harcèlement de la part d'une secrétaire à la Division de l'innocuité pour les humains. En outre, la direction se fait cachottière et va jusqu'à taire délibérément de l'information importante directement reliée à notre travail comme membres de la Division de l'innocuité pour les humains.
Avant de vous donner plus de détails sur ces faits, permettez-moi, madame et messieurs les sénateurs, de vous décrire brièvement le climat de travail qui règne au BMV et qui a poussé les scientifiques à la dissidence.
Quand Santé Canada a adopté le régime de recouvrement des coûts, il a été clairement établi que l'industrie allait exercer une influence directe sur le processus de réglementation au BMV. Un atelier d'une journée ayant pour thème «Le programme des médicaments vétérinaires au Canada aujourd'hui et à l'avenir» s'est tenu au Centre de conférences du gouvernement à Ottawa, le 17 février 1997, sous la présidence de Mme Victoria Ryce, de la maison Gilmore et Associés, du Dr Paterson, directeur général de la Direction des aliments à la Direction générale de la protection de la santé, et de Mme Jean Szkotnicki de l'Institut canadien de la santé animale -- l'ICSA -- au nom des fabricants de produits pharmaceutiques. Le personnel a alors été invité à modifier sa façon de mener les activités du bureau, en considérant les gens de l'industrie comme ses clients, en formant des partenariats avec ceux-ci et en partageant les responsabilités avec eux.
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, peut-être pourriez-vous demander au témoin de ralentir un peu son rythme. Nous pouvons prendre notre temps et lui demander de revenir à une autre séance.
Prenez votre temps. On dirait que vous accélérez le rythme pour nous plaire.
M. Vilim: C'est ce que je fais.
Le sénateur Grafstein: Nous préférerions que le rythme soit un peu plus normal et que vous soyez plus à l'aise afin que nous puissions bien digérer tout ce que vous nous dites.
J'espère que cela vous va, monsieur le président.
Le président: Oui. Allez-y à un rythme normal, docteur Vilim.
Le sénateur Grafstein: C'est cela; soyez bien à l'aise.
M. Vilim: Les représentants de l'industrie ont, pour leur part, exprimé leur consternation face à la politique de recouvrement des coûts, mais ils l'ont quand même acceptée vu l'influence qu'ils peuvent de toute manière exercer sur la façon dont le BMV s'acquitte de sa fonction de réglementation grâce aux rencontres qu'ils ont périodiquement avec la direction du Bureau dans le cadre des travaux du comité consultatif sur la gestion des programmes conjoints. L'industrie a même participé à la reformulation des lignes directrices qu'applique le BMV, notamment celles sur l'évaluation des présentations, sur la production de médicaments, sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments antimastites à infusion intramammaire, et sur les résidus.
À la même époque, des scientifiques de la DIH ont porté plainte contre leur chef, le Dr Man Sen Yong. La direction a engagé un médiateur pour traiter la plainte, mais le problème n'a pas pu être réglé, de sorte que les scientifiques de la DIH ont déposé un grief collectif qui a été rejeté au plus haut niveau. Une plainte a été déposée auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique après que la direction eut transféré trois évaluateurs de la DIH à la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques par mesure de représailles parce que ces scientifiques avaient mis en lumière des irrégularités dans l'évaluation de médicaments vétérinaires au BMV. La commission a conclu que les preuves présentées par les plaignants ne justifiaient pas la plainte, mais qu'elles étaient néanmoins l'indice de conflits scientifiques et interpersonnels troublants au BMV.
Pendant ce temps, le Dr Chopra et d'autres scientifiques du BMV s'opposaient à l'approbation de la STbr au Canada. Plutôt que d'entrer ici dans les détails, je vous suggère de lire mon exposé sur la STbr.
Je vais maintenant continuer à vous parler de ce qui est arrivé quand le nouveau directeur est entré en scène.
Dès sa nomination, au printemps de 1998, le nouveau directeur du BMV s'est empressé de critiquer la version finale du Rapport d'analyse des lacunes signée par les quatre scientifiques qui en étaient les auteurs. Dans sa critique, le directeur s'est dit insatisfait du rapport et a exigé qu'il soit complètement revu afin d'y supprimer toute mention de pratiques douteuses ou de manipulation du processus précédent d'examen de la STbr. Dans ses commentaires, il a notamment exhorté les membres de l'équipe à songer à leur «propre crédibilité scientifique, essentielle à la poursuite de leur carrière». Les deux chefs de division du BMV ont aussi critiqué le rapport et demandé que certaines sections en soient retranchées. Deux scientifiques de l'extérieur ont révisé certaines parties du rapport, mais les Drs Chopra et Lambert ont maintenu la validité du rapport original, tel que signé par les quatre auteurs.
La direction du BMV a confié à KPMG un contrat d'évaluation du milieu de travail. Le 26 mai 1998, une réunion a été convoquée pour présenter au personnel du BMV les résultats de l'étude de KPMG. Or, le personnel du BMV n'a pas eu accès à ce rapport avant la réunion, et après l'exposé de Mme Suzanne Liska, de KPMG, le directeur a expliqué que le gouvernement était entré dans une nouvelle ère et que nous étions là pour servir nos clients, c'est-à-dire les gens de l'industrie pharmaceutique. Le Dr Chopra a pour sa part affirmé que notre client était la population canadienne et que les membres du BMV se devaient d'appliquer la Loi sur les aliments et drogues et son Règlement. Le directeur a répondu que ce sont les représentants de l'industrie qui l'appellent, et non le public. Il a ajouté que le personnel devait rentrer dans les rangs ou risquer de se trouver divisé et muté dans des recoins du gouvernement où l'on n'entendrait plus jamais parler d'eux. Il a été interdit de poursuivre la discussion sur le rapport de KPMG, et aucun procès-verbal de la réunion n'a été rédigé.
Au cours des mois d'été de 1998, le personnel a été convoqué à une réunion pour discuter du rapport de KPMG. À la réunion suivante de tous les employés, le 2 septembre 1998, le Dr Chopra a de nouveau demandé de pouvoir discuter du rapport avec l'assistance d'un facilitateur. Le directeur a répondu qu'il étudierait la question, mais il n'a jamais donné suite à cette demande.
Le Dr Chopra a contesté le style de gestion du directeur quand ce dernier a refusé de rencontrer les membres de la DIH en présence du Dr Malik, le représentant syndical de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui était là pour rédiger le procès-verbal. Le directeur a répondu que, si le personnel refusait de collaborer, il pouvait se montrer très dur, que le train était en marche et que ceux qui ne voulaient pas y monter se retrouveraient dans une situation difficile. Il a dit avoir été chargé d'être très directif et avoir l'intention de l'être. Le directeur a ensuite présenté sa vision de l'avenir, et son plan d'action, inspiré du rapport d'évaluation du milieu de travail réalisé par KPMG, est encore en vigueur aujourd'hui.
Je sais que, par suite des propos qu'il a tenus sur la question de la STbr lors de sa comparution devant le comité sénatorial, le Dr Chopra a fait l'objet de plusieurs mesures de représailles, notamment d'une réprimande pour avoir parlé aux médias, d'une interdiction d'assister à une assemblée communautaire au YMCA et d'une suspension de cinq jours sans rémunération. Je crois comprendre que les mesures susmentionnées prises contre le Dr Chopra sont maintenant contestées devant la Cour fédérale, la CRTFP et votre comité.
La suspension de cinq jours a été manifestement imposée au Dr Chopra pour avoir assisté et participé à une conférence organisée par Patrimoine Canada en mars 1999. À ma connaissance, aucune sanction de ce genre n'a jamais été imposée à d'autres scientifiques pour avoir participé à une conférence en dehors de leurs heures de travail et sans qu'il en coûte un sous à leur employeur.
En mai 1999, le chef de la DIH, le Dr Yong, a été muté. Aucun des cinq scientifiques éminemment qualifiés et expérimentés de la DIH n'a eu la possibilité d'occuper le poste par intérim pendant une période relativement longue. Le directeur a préféré nommer le Dr Alexander, de la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques du BMV, où l'on traite de la sécurité et de l'efficacité des médicaments pour les animaux, comme chef par intérim de la DIH pour une période de quatre mois.
Notre actuelle chef par intérim, la Dre Butler, a été mutée au BMV et nommée chef de la nouvelle Division des politiques et des programmes. En septembre 1999, elle a en plus été nommée chef par intérim de la DIH pour une période de quatre mois. Le même mois, le directeur m'a dit que l'avis de concours pour le poste de chef de la DIH était imprimé et prêt à être affiché et qu'un concours aurait lieu sous peu afin de doter le poste par intérim pour une période d'un an. Or, non seulement n'a-t-on encore rien fait en ce sens, mais on a procédé depuis à une autre nomination par intérim, pour une période de quatre mois débutant le 17 janvier et se terminant le 16 mai 2000, et la Dre Butler demeure responsable de deux divisions.
Entre le 19 janvier et le 14 février 2000, la Dre Butler a également assumé, durant l'absence du directeur, les responsabilités de directrice par intérim du BMV. On n'a alors demandé à aucun membre de la Division de l'innocuité pour les humains d'occuper le poste de directeur par intérim. La Dre Butler a assumé simultanément les tâches liées à ces trois postes dans le Bureau.
Les mesures de dotation au BMV sont considérées injustes. Des plaintes à ce sujet ont été déposées auprès de la Commission de la fonction publique, et je crois savoir que trois autres l'ont été auprès de la Commission des droits de la personne. Les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada nous informent cependant que Santé Canada soutient que les commissions ou tribunaux de l'extérieur n'ont aucune compétence sur ces questions et que, de toute façon, pour que de telles plaintes puissent être prises en considération par quelque instance que ce soit, une enquête interne doit d'abord avoir été menée par Santé Canada.
En mai 1999, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a organisé une tribune publique sur l'industrie vivrière canadienne intitulée: «Les aliments que vous consommez sont-ils fiables? La gestion publique de la production vivrière et la santé publique: l'utilisation des antibiotiques et des hormones». En avril 1999, plusieurs employés du BMV -- les Drs Chopra, Haydon et Lambert --, qui avaient participé à l'organisation de ce forum, ont reçu une lettre du directeur général de la Direction des aliments leur rappelant leur devoir de loyauté en tant que fonctionnaires et leurs obligations en vertu du Code régissant les conflits d'intérêt et l'après-mandat. Fait ironique, ni le Dr Sharma ni moi n'avons reçu une telle lettre bien que nous ayons nous aussi participé à l'organisation de ce forum.
Il y a eu une autre forme de représailles: la direction a fait exécuter à contrat, pratiquement en cachette, un examen de quatre médicaments hormonaux utilisés pour stimuler la croissance chez les animaux destinés à l'alimentation. On a caché délibérément aux membres de la DIH un rapport rédigé par le Dr Dittberner. Il en va de même pour le processus de révision du tableau III, à la section 15, partie B du Règlement sur les aliments et drogues, qui précise les limites maximales de résidus pour les médicaments vétérinaires utilisés chez les animaux destinés à l'alimentation, ainsi que pour le rapport final de l'enquête interne sur une plainte datée du 17 septembre 1999 concernant des opérations de déchiquetage effectuées au BMV et d'autres incidents liés à ces opérations qui seraient attribuables à la Division de la santé et de la sécurité.
Le président: Docteur Vilim, on nous a dit hier soir qu'en réalité, le rapport du Dr Dittberner a été rendu public le 18 février 2000.
M. Vilim: C'est exact, et dans la liste des éléments que contient ce dossier, j'ai ajouté un autre document intitulé: «Publication du rapport du Dr Dittberner sur les hormones, courriel expédié par la chef par intérim, la Dre Butler, le 18 février 2000».
Le président: Merci beaucoup. Veuillez poursuivre.
M. Vilim: La publication de ce rapport s'est faite après une discussion avec le directeur de l'accès à l'information. C'est le dernier des documents que contient mon dossier.
Le président: Merci beaucoup. Poursuivez, je vous prie.
M. Vilim: En septembre 1999, la secrétaire de la DIH a déposé une plainte de harcèlement contre le Dr Chopra, plainte qui a par la suite fait l'objet d'un grief par le Dr Chopra et tout le personnel scientifique de la DIH.
Les documents qui sont inclus dans mon dossier montrent comment le climat de travail qui régnait alors au bureau était en train de prendre des proportions quasi chaotiques au moment où le personnel s'apprêtait à participer à une réunion avec l'Institut canadien de la santé animale, réunion qui s'est tenue le 15 février 2000. Les documents inclus dans cette section de mon dossier contiennent des messages contradictoires où l'on prône l'ouverture dans les communications alors même qu'on retient de l'information dont les scientifiques ont besoin dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes.
Tous ces faits montrent clairement que le personnel du BMV a fait l'objet de menaces, d'intimidation et de représailles de la part de la direction, mais que le Dr Chopra a été le principal visé. La direction a ainsi voulu réduire au silence le Dr Chopra, qui a été le plus actif des scientifiques au BMV et qui a témoigné trois fois devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur la question de la STbr; elle a aussi voulu faire de lui un exemple afin de taire la dissidence chez les autres scientifiques et de décourager ces derniers de dénoncer des pratiques douteuses.
Madame et messieurs les sénateurs, Santé Canada a constamment rejeté nos allégations de pratiques douteuses. Le rapport de KPMG fait état de l'existence d'un groupe de fauteurs de troubles. Le 30 septembre 1999, plus de 200 employés de la Direction des aliments ont signé et remis au ministre de la Santé une pétition concernant le projet de loi C-80. Lors d'une rencontre subséquente avec la haute direction du ministère le 27 octobre 1999, on a été à même de constater la gravité des problèmes qui existent au ministère. La réaction du sous-ministre a été colérique et intimidante, particulièrement dans l'échange de propos qu'il a eu avec le Dr Chopra. De notre côté, plusieurs employés du BMV ont discuté de la question des hormones et des drogues antimicrobiennes utilisées pour stimuler la croissance des animaux destinés à l'alimentation ainsi que du fait qu'on avait omis, dans le tableau III, à la section 15, partie B du Règlement sur les aliments et drogues, de prévoir des limites maximales de résidus dans le cas de nombreux médicaments vétérinaires qu'on administre aux animaux destinés à l'alimentation.
En terminant, j'espère que ma contribution vous aidera dans vos délibérations.
Le président: Merci, docteur Vilim. Vous nous avez présenté un exposé très intéressant et d'ailleurs fort apprécié.
Plus tôt au cours de la présente séance, nous vous avons expliqué que ce que nous essayons de faire, c'est essentiellement d'établir s'il y a un lien direct entre la comparution du Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et toute mesure disciplinaire ou de représailles qu'un cadre supérieur de Santé Canada aurait prise contre lui. Avez-vous personnellement lu ou entendu quelque chose d'explicite qui vous permettrait d'établir un tel lien?
M. Vilim: Pour vous faire une idée de la façon dont les choses se passent au ministère, monsieur le sénateur, il vous faut d'abord prendre en considération le climat dans lequel nous y travaillons. Bien sûr, ce qu'on y fait d'inacceptable, on ne le fait pas explicitement. On procède d'une manière très subtile. Je vais toutefois vous expliquer pourquoi je soutiens personnellement qu'il existe manifestement un tel lien. Je vais porter à votre attention quatre motifs que j'ai de le croire.
Premièrement, Santé Canada savait d'avance que le Dr Chopra participerait à cette conférence de Patrimoine Canada, mais le ministère n'a rien fait pour le prévenir ou l'avertir des conséquences de son geste. Voilà qui contraste avec l'attitude qu'on avait adoptée à son endroit l'année précédente, en juin 1998, où on l'avait empêché de participer à une assemblée du YMCA.
Deuxièmement, Santé Canada a attendu jusqu'en août 1999, soit plus de quatre mois après cette conférence organisée par Patrimoine Canada en mars 1999, avant de prendre une mesure disciplinaire contre le Dr Chopra et de le suspendre pendant cinq jours sans rémunération.
Les dernières comparutions du Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts ont eu lieu les 26 avril et 3 mai 1999, soit à des dates plus rapprochées de l'imposition de la mesure disciplinaire que la conférence organisée par Patrimoine Canada.
Le témoignage qu'a produit le Dr Chopra devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts était, à mon avis, plus embarrassant pour Santé Canada que les propos qu'il a tenus à la conférence de Patrimoine Canada, puisque, dans le premier cas, il soulevait de nombreux points litigieux concernant l'innocuité des aliments. On peut d'ailleurs consulter sur Internet le compte rendu officiel des audiences du comité du Sénat. Je crois que la direction de Santé Canada avait besoin d'un prétexte pour justifier ses mesures disciplinaires à l'endroit du Dr Chopra.
Troisièmement, jamais personne, à ma connaissance, n'avait auparavant fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir participé à une conférence en dehors de ses heures de travail et sans qu'il en coûte un sou à son employeur.
Quatrièmement, j'ai le sentiment que, par cette suspension et les autres mesures de représailles qu'elle a prises, la direction du ministère a voulu faire du cas du Dr Chopra un exemple et décourager d'autres scientifiques de faire état des pratiques douteuses qui ont cours au ministère. La pétition qu'ont signée et remise au ministre plus de 200 employés de la Direction des aliments illustre à quel point la tension monte chez les scientifiques et les autres membres du personnel. Au cours de la réunion de tout le personnel avec la haute direction, le 27 octobre 1999, la colère du sous-ministre, David Dodge, était manifeste, particulièrement dans l'échange verbal qu'il a eu avec le Dr Chopra.
Le président: Docteur Vilim, vous venez de dire: «Je crois que la direction de Santé Canada avait besoin d'un prétexte pour justifier ses mesures disciplinaires à l'endroit du Dr Chopra.»
M. Vilim: C'est exact.
Le président: Croyez-vous que ces mesures étaient directement liées à sa comparution devant le comité sénatorial permanent?
M. Vilim: Oui, j'en suis convaincu.
Le président: Votre conviction se fonde-t-elle sur des propos qu'on vous aurait tenus ou sur des écrits dont vous auriez pris connaissance?
M. Vilim: Non.
Le président: Repose-t-elle sur une suite d'événements?
M. Vilim: Elle repose sur le climat de travail qui règne au bureau et sur l'historique et la suite des événements. Comme je l'ai également dit, il faut voir le moment où les mesures ont été prises et tenir compte du fait qu'alors qu'on avait empêché le Dr Chopra d'assister à l'assemblée du YMCA, on n'a pas senti le besoin de l'avertir de ne pas se présenter à la conférence de Patrimoine Canada. Or, voilà que quatre mois après le fait, on lui impose cette mesure disciplinaire. C'est sur l'ensemble de ces constatations que se fonde mon opinion à cet égard.
Le sénateur Grafstein: Ce qui suit a trait à l'enquête dont il est question dans la lettre que vous a fait parvenir George D. Hunter, de la maison Borden, Elliott, Scott et Aylen, le 4 février 2000. Dans le premier paragraphe du texte de votre déclaration, vous dites, et je cite:
J'ai trouvé intimidante la référence au but de l'enquête, dont faisait état M. Hunter dans le premier paragraphe de sa lettre, d'autant plus qu'il y mentionnait qu'on se servirait de cette enquête pour justifier l'imposition de mesures disciplinaires ou à d'autres fins de ce genre.
Pourquoi avez-vous tiré cette conclusion? Ne s'agit-il pas simplement là de la teneur normale d'une lettre annonçant la tenue d'une enquête, ou y voyez-vous vraiment quelque chose d'inhabituel?
M. Vilim: D'abord, on nous a invités à répondre à une lettre du sénateur Austin, ce que nous avons fait. Or, voilà que soudain, sans avertissement, on trouve sur son bureau, en se présentant au travail, une lettre d'avocat disant: «Je vais mener une enquête. Je dispose de peu de temps pour ce faire. L'échéance est le 28 février. Nous devons procéder très rapidement.» Je crois que ces considérations se trouvaient dans le premier paragraphe de la lettre, et qu'il y était également question de mesures disciplinaires et autres. Que voulait-on signifier par là? Bien sûr que je trouve de tels propos intimidants.
Le sénateur DeWare: Monsieur le président, y a-t-il une copie de cette lettre dans votre dossier?
M. Vilim: Elle se trouve à la section 1 de mon dossier, sous la rubrique «lettres».
Le président: Je me dois de vous informer qu'il est maintenant 13 h 30 et que nous devons lever la séance.
Vous nous avez présenté un exposé très complet, du reste fort apprécié. Je vais consulter mes collègues, et s'ils ont d'autres questions à vous poser directement, nous allons chercher à vous faire revenir pour une brève comparution.
Merci encore à tous les témoins.
Nous allons inviter le sous-ministre à comparaître, et, bien que nous n'ayons pas encore de confirmation concernant le moment où il pourra le faire, son témoignage intéressera sans doute les sénateurs et les autres personnes ici présentes.
La séance est levée.