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RULE - Comité permanent

Privilèges, Règlement et procédure

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 10 mai 2000

Le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui à midi pour étudier la question de privilège soulevée par le sénateur Tkachuk et d'autres questions.

Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, comme nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte.

Le premier article à l'ordre du jour est l'ordre de renvoi du Sénat du 4 mai concernant la question de privilège soulevée par le sénateur Tkachuk qui faisait suite à un article paru dans le National Post de la veille, le 3 mai, lequel citait un rapport provisoire du Comité des banques qui n'avait pas été rendu public. Les sénateurs connaissent les faits. Vous avez une liasse de documents devant vous, qui comprend des extraits des argumentaires concernant la question de privilège et le texte du journal lui-même.

Cette partie-ci de nos délibérations est publique. À partir d'un certain moment, nous allons poursuivre à huis clos pour discuter de la question de privilège, mais je crois que les faits de l'affaire doivent être connus du public, tout comme la nature de nos préoccupations.

Cela dit, j'invite le sénateur Tkachuk, qui a soulevé la question de privilège au Sénat, à nous faire part de ses observations et de ses conseils relativement à cette affaire.

Le sénateur Tkachuk: Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je tiens d'emblée à préciser -- et je vérifierai cela -- que mon opinion citée par le texte était tirée du rapport définitif. Même si le reporter a peut-être cru que le rapport était provisoire, le président et moi-même croyons qu'il s'agissait du rapport définitif.

Le rapport définitif contenait une recommandation sur les gains en capital qui allait plus loin que la recommandation figurant dans le rapport provisoire. Le reporter qui a rédigé l'article du National Post n'a pas cité notre recommandation originale concernant les gains en capital, qui figurait dans le rapport provisoire, où l'on proposait le maintien d'un régime de gains en capital concurrentiel à celui des États-Unis, et notre recommandation finale, qui allait un peu plus loin -- où l'on recommande que ce régime soit aussi favorable, sinon davantage, que celui des États-Unis. Ainsi, le reporter avait en main une copie de l'original, mais il a peut-être pensé qu'il s'agissait d'un rapport provisoire, ou peut-être qu'on lui avait dit qu'il s'agissait d'un rapport provisoire.

Je ne répéterai pas ce que j'ai dit au Sénat concernant la question de privilège.

Je viens de lire votre rapport sur les deux autres questions qui ont été soulevées dans les Débats du Sénat d'hier relativement au Comité des peuples autochtones et au Comité des transports.

Je rappelle qu'au moment où j'ai soulevé la question de privilège, je ne réclamais pas nécessairement une enquête. Quand quelqu'un fait une chose pareille, nous devons à tout le moins exprimer notre mécontentement devant un tel acte, étant donné que cela nous touche tous. Voilà pourquoi j'ai soulevé cette question.

Le président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le sénateur Kolber, et moi-même nous étions entendus sur le moment où nous déposerions le rapport et le rendrions public. Nous avions coordonné un plan médiatique. Le rapport devait être déposé le mardi de la semaine suivante. Nous avons établi une liste de diffusion. Tout cela a viré au chaos parce que la substance du rapport a été révélée dans le journal. Pour ne pas laisser traîner les choses, le sénateur Kolber a déposé le rapport au Sénat cet après-midi-là.

Notre plan médiatique s'est trouvé complètement chamboulé. Nous avions décidé d'aller de l'avant le mardi suivant, ce qui nous donnerait cinq jours pour planifier des entrevues. Avec nos horaires -- nous sommes tous deux fort occupés et nous vivons à l'autre bout du pays l'un par rapport à l'autre --, ce n'était pas une mince tâche que de coordonner nos horaires afin d'avoir le temps de rencontrer la presse.

Tout cela nuit au Sénat. Nous pensons que c'était un bon rapport. Nous nous étions donné beaucoup de mal. Bien sûr, les autres médias n'étaient pas très heureux du fait qu'un seul journal en avait eu l'exclusivité. Même le Globe and Mail, qui a un plus gros tirage qui aurait rejoint davantage de gens, n'en a pas parlé. Même chose pour la Presse canadienne.

Celui qui a fait cela a manqué de respect à ses collègues. Ce genre de chose complique beaucoup la tâche des sénateurs. Nous avons déjà assez d'ennuis comme ça sans avoir à traiter nos collègues comme des enfants, mais il est peut-être nécessaire de le faire de temps à autre.

Ce qui pose deux problèmes. Il y a le problème du personnel, qui a été soulevé par le sénateur Austin hier, dans son discours au Sénat. Les problèmes relatifs au personnel sont, comme vous le dites, difficiles à résoudre quand un grand nombre d'employés sont des contractuels. Cependant, je crois qu'un tel geste doit être sanctionné. Souvent, quand on connaît les conséquences, on réfléchit davantage avant d'agir de la sorte. Les membres du personnel doivent savoir qu'ils peuvent être congédiés, ou que l'on fera état de leur indiscrétion dans leur dossier, et qu'il leur sera ainsi difficile de trouver du travail à l'avenir. Je crois que c'est important. Une personne qui agit de la sorte déshonore sa profession et ses collègues.

Si l'on découvre qu'il s'agissait d'un sénateur, je crois que cette personne devrait être exclue des comités pendant un certain temps, peut-être une année. Rien n'est plus gênant que d'avoir des collègues qui savent que vous leur avez manqué de respect.

Telles sont mes vues, et je m'en remets maintenant à votre compétence, monsieur le président.

Le président: Merci, sénateur Tkachuk, pour cet exposé très réfléchi.

Je vais demander au sénateur Kolber, le président du Comité des banques, s'il veut se prononcer sur la question des délibérations à huis clos, la distribution des rapports provisoires ou la façon dont ce rapport définitif a été communiqué aux sénateurs et au personnel.

Le sénateur Kolber: Pour autant que je sache, mon bureau et celui du sénateur Tkachuk étaient les seuls qui avaient le rapport définitif. Je peux me tromper, parce que la veille de la fuite, certaines personnes l'ont demandé, et je ne sais pas ce qu'on leur a répondu.

Le président: Quelqu'un vous en a-t-il demandé une copie?

Le sénateur Kolber: On ne m'a rien demandé, mais je pense qu'on s'est adressé à mon personnel.

Le président: Un membre de votre personnel en aurait-il donné copie à quelqu'un?

Le sénateur Kolber: Je serai franc avec vous; si un membre du comité m'en avait demandé une, je la lui aurais donnée. Je ne suis pas enclin à la méfiance. Nous sommes tous dans le même bateau. Tout le monde avait vu le rapport provisoire. Nous avions tenu des séances pour réviser le rapport provisoire et y apporter des changements; donc si quelqu'un m'avait demandé le rapport définitif, je le lui aurais remis. En rétrospective, cela dit, j'imagine que cela aurait été une erreur.

Le président: Notre comité s'est penché sur la façon dont les comités, et notamment les présidents des comités, doivent gérer les délibérations à huis clos concernant les rapports, les rapports provisoires ou les rapports définitifs, mais qui n'ont pas encore été rendus publics.

Le sénateur Kolber: Comment définissez-vous le «huis clos»?

Le président: «Huis clos» veut dire que le comité, ayant pris une résolution ou s'étant entendu en ce sens, a décidé de siéger en privé. Les seules personnes présentes sont alors les sénateurs, les membres du personnel et les assistants qui ont reçu du président la permission de rester. Par exemple, à cette séance-ci, il y a des sénateurs et des membres de leur personnel, mais aucun assistant.

Le sénateur Kolber: Il y avait plusieurs assistants.

Le président: Nous tenons à agir dans le respect du Règlement, ce qui veut dire que c'est notre comité qui a reçu cet ordre de renvoi, et notre comité fera toutes les enquêtes qu'il jugera nécessaires consécutivement à cette séance. Par le passé, des collègues nous ont dit que toute atteinte au privilège, particulièrement en ce qui a trait aux fuites émanant d'un rapport d'un comité, est considérée comme causant un tort sérieux au Sénat. Cela pose les questions comme celles qu'ont soulevées le sénateur Tkachuk, le sénateur Andreychuk et le sénateur Bacon. Il s'agit ici de la transparence et de la liberté de parole. Il s'agit de la confiance que les collègues se doivent. Il s'agit de la faculté qu'a un comité d'étudier des questions relatives à la politique gouvernementale et de discuter de recommandations jusqu'au moment où le rapport est rendu public. Il s'agit de l'intégrité des rapports qui sont rendus publics au même moment. Il s'agit des questions qui ont trait au privilège des sénateurs, qui n'ont pas à être informés par la presse des travaux du Sénat avant d'en avoir pris connaissance eux-mêmes ou d'en avoir été informés à la Chambre. Il y a plusieurs questions historiques qui ont trait au privilège.

Nous pourrions adopter l'attitude qu'a la Chambre des communes, qui traite les questions de privilège avec assez de souplesse. Il n'existe pas à la Chambre de conventions particulières, comme c'est le cas dans notre Règlement, où l'on demande au président de constater prima facie qu'il y a eu atteinte au privilège et de renvoyer la question à un comité. Je crois que le Président de la Chambre des communes ne constaterait pas qu'il y a eu atteinte au privilège, à moins qu'on ne lui présente des preuves lorsque quelqu'un est accusé d'avoir manqué au privilège.

C'est une pratique très différente de celle que nous observons, qui est, sur le plan historique, beaucoup plus proche de la pratique britannique et australienne.

Le sénateur Kolber: Comment pouvez-vous accuser quelqu'un s'il n'existe pas de procédures d'enquête?

Le président: La question reste posée.

Le sénateur Kolber: La preuve est nette.

Le président: Si un député, accuse à la Chambre des communes, quelqu'un d'avoir manqué au privilège, le Président demande un débat, et il invite ladite personne, j'imagine, à se défendre, avant de rendre son jugement. Cependant, cette procédure s'éloigne de la pratique normale du Parlement britannique.

Nous observons la pratique habituelle qui consiste à faire enquête. Tel est le but de notre discussion aujourd'hui. Normalement, des questions comme celle-ci seraient posées au cours d'une enquête: à qui votre rapport définitif a-t-il été remis avant d'être rendu public? Dans notre nouvelle ère, si le quatrième rapport est approuvé par le Sénat, le président du comité des banques convoque tous les membres du comité et les membres du personnel et leur demande, un par un: acceptez-vous la responsabilité d'une diffusion non autorisée? Êtes-vous au courant des problèmes que pose une diffusion non autorisée? On vous a donné trois copies de ce rapport. Qu'avez-vous fait de ces trois copies? Pouvez-vous produire ces trois copies au comité?

Le sénateur Kolber: Vous pensez vraiment qu'on va vous répondre?

Le président: Je vous dis la forme que prendrait une enquête.

Le sénateur Kolber: Je comprends, et nous avons déjà fait cela.

Le président: Voulez-vous nous communiquer les résultats de votre enquête?

Le sénateur Kolber: «Enquête», le mot est trop fort, mais j'ai bel et bien réuni tous les membres du comité et je leur ai demandé qui voulait accepter la responsabilité de la fuite. Personne ne va me le dire.

Le président: Personne ne vous l'a dit?

Le sénateur Kolber: C'est exact.

Le président: Est-ce que tous les membres de votre comité étaient présents?

Le sénateur Kolber: Il se peut que certains aient été absents.

Le président: Vous rappelez-vous qui était absent?

Le sénateur Kolber: Non, je ne m'en souviens pas.

Le président: Le greffier a-t-il la liste des personnes présentes?

Le sénateur Kolber: Oui.

Le président: Ce que j'essaie de déterminer, ce sont les questions qu'un comité permanent devrait poser, à votre avis, l'orientation que devrait prendre une enquête. Il se peut qu'on ne vous donne pas toutes les réponses; il se peut que ce soit inutile; mais en vertu du Règlement actuel on a l'obligation de faire enquête si le Sénat adresse un ordre de renvoi à un comité parce qu'il a déterminé à première vue qu'il y avait eu atteinte au privilège.

Dans le cas du sénateur Andreychuk et du Comité des peuples autochtones, qui était la première question de privilège que nous avions reçue depuis quelque temps, le sénateur Andreychuk a dit qu'elle ne demandait pas une enquête. Elle voulait que le comité étudie des moyens de faire savoir ce qu'il en coûte au Sénat lorsqu'il y a atteinte au privilège, pas seulement chez les sénateurs, mais aussi au sein du personnel, permanent comme temporaire. Notre comité a accédé à sa demande. Dans notre quatrième rapport, nous en discutons.

Le sénateur Kolber: Monsieur le président, je ne crois pas que l'on demande une enquête.

Le président: Quand on soulève une question et que l'on détermine prima facie qu'il y a eu atteinte au privilège, il nous incombe de faire enquête. Autrement, si la suite des choses ne vous intéresse pas, ne soulevez pas de question.

Le sénateur Tkachuk: J'ai soulevé cette question afin que l'on fasse enquête, sans connaître ces règlements. Mon intervention a eu lieu avant le dépôt du rapport. Si l'on en a saisi notre comité, et si vous voulez faire enquête, je suis d'accord. J'ai pensé que c'était bien ce que l'on ferait.

Si l'on nous confie cela sans que l'on ait de procédure bien arrêtée relativement à la suite des choses, ce serait un précédent dangereux que d'improviser ici. Il faut qu'il y ait une procédure relativement à la manière de faire enquête. Il s'agit de nos collègues ici; il s'agit de nos employés; il s'agit de nos employés contractuels; il s'agit du bureau du greffier. Je sais qu'il y a des avocats au sein de notre comité, mais sans règles et lignes directrices relativement à la manière de faire les choses, je ne crois pas que ce serait une bonne idée d'aller de l'avant.

Le président: Je crois que le président et le vice-président du Comité des banques pensent que vous vouliez discuter de la question avec vos collègues, mais que vous ne demandez pas à notre comité de faire enquête.

Le sénateur Tkachuk: C'est exact, nous n'exigeons pas nécessairement une enquête.

Le président: Vous ne réclamez pas une enquête, mais nous pouvons faire enquête quand même. Cependant, vous ne réclamez pas d'enquête.

Le sénateur Tkachuk: C'est exact. Ce à quoi je voulais en venir, et je crois que le sénateur Andreychuk abondait dans le même sens, c'est qu'il faut faire enquête, mais lorsqu'il y a enquête, nous devons savoir exactement la forme qu'elle doit prendre. Si le comité doit faire enquête, nous devons alors avoir un ensemble de lignes directrices précises de telle sorte que nous sachions exactement ce que l'on attend de nous. Il y a un début et il y a une fin: premièrement, l'enquête ne traîne pas éternellement; deuxièmement, l'on ne vise personne en particulier; et troisièmement, nous n'entrons pas dans un domaine qui n'a rien à voir, ce que les sénateurs sont fort bien capables de faire comme n'importe quel autre être humain.

Si vous nous demandez de faire enquête maintenant, nous allons nous réunir et demander: «Qui a fait le coup?» Chacun niera être coupable, et nous ne saurons pas quoi faire après. Il pourrait être quelque peu hasardeux de procéder de cette façon.

Le président: Je vais faire une observation de plus et ensuite demander à mes collègues de donner leur avis.

Lorsqu'on adresse un ordre de renvoi à un comité, ou lorsqu'on soulève une question de privilège, c'est pour se plaindre du comportement de quelqu'un.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: Si le président du Sénat constate qu'à première vue il y a eu atteinte au privilège, l'on adresse alors un ordre de renvoi à un comité qui fera enquête sur la plainte. En vertu de notre Règlement, cette tâche incombe à notre comité.

En vertu de notre Règlement, il appartient à notre comité ou, si l'on modifie le Règlement un jour, au comité permanent visé, de faire enquête sur cette plainte.

Il y a un autre problème dont j'ai fait état hier, et c'est la question du sérieux. Nous y viendrons dans quelques instants.

Le sénateur Andreychuk: Je veux faire quelques observations et ensuite poser une question au président.

Lorsque j'ai soulevé cette question la première fois, comme vous l'avez fort bien dit, jamais depuis mon arrivée ici n'avait-on soulevé cette question. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il fallait sensibiliser le personnel et les sénateurs, et j'espérais que l'on rappelle la nécessité de la confidentialité aux nouveaux sénateurs et aux nouveaux employés. Je ne tenais nullement à une enquête. Cependant, le sénateur Bacon a ensuite mentionné un problème, et maintenant le sénateur Tkachuk soulève ce problème-ci.

À un moment donné, il faudra faire enquête et faire quelque chose, ou il faut alors cesser de crier au loup. Par exemple, j'ai été la première à soulever le problème, et le personnel en a pris note. Cela étant, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères vient de terminer un rapport confidentiel, et j'ai eu l'agréable surprise d'apprendre que le greffier avait établi une procédure pour la divulgation des rapports provisoires qui sont encore confidentiels. Je ne savais pas si c'était le bureau de M. O'Brien ou quel bureau avait envoyé le texte; je savais donc que je recevrais la copie numéro deux d'un certain rapport provisoire. Je savais que j'allais le recevoir. Le greffier et le président nous avaient bien fait savoir qu'il s'agissait d'un rapport provisoire, qu'il était confidentiel, et que sa teneur ne devait être communiquée à personne. J'ai pensé que notre procédure avait eu du bon. J'espérais que tous les comités du Sénat en prennent note.

Ma question est la suivante: aux termes du Règlement actuel, j'ai tenu compte de la rapidité avec laquelle je devais porter cette question à l'attention du Sénat. Cependant, le comité est-il tenu d'entreprendre une enquête une fois que la question a été soulevée au Sénat, ou la question doit-elle être soulevée d'abord en comité? Le quatrième rapport n'est pas très clair à ce sujet. En ce qui a trait à la question que j'ai soulevée, le greffier m'a dit que je devais donner préavis et faire ensuite certaines choses sans retard.

Le président: Je crois que la façon dont il faut comprendre notre rapport -- et il n'est peut-être pas aussi clair que je le crois -- c'est que lorsqu'un acte qui pourrait constituer une atteinte au privilège, notamment la fuite d'un rapport dans un journal, est porté à l'attention du président ou des membres du comité ou des deux, le président, le vice-président ou un membre du comité qui a l'autorisation du comité a alors l'obligation d'aviser le Sénat qu'un tel acte a été commis, et on entreprend alors une enquête. Cela doit être fait immédiatement.

Le sénateur Andreychuk: Comment est-ce que tout cela cadre avec le Règlement en matière de diligence raisonnable? Le prédécesseur de M. O'Brien m'a dit que je devais agir le plus rapidement possible.

Le président: Cette partie du Règlement s'applique toujours, mais le président du comité est obligé d'agir sans tarder. Cela étant dit, les sénateurs peuvent toujours également soulever la question de privilège. Dans un tel cas, le président du Sénat attendrait d'avoir le rapport du comité avant d'aborder la question de privilège.

Le comité peut faire rapport qu'il a déterminé que «X» est responsable de la fuite du rapport et dire que c'est sérieux pour les raisons suivantes, et recommander que des sanctions soient imposées. La question pourrait alors faire l'objet d'un débat au Sénat et, si le Sénat souhaite imposer des sanctions, la question serait renvoyée devant notre comité.

Le sénateur Andreychuk: Si je pose précisément cette question, c'est qu'après avoir remarqué la fuite, on m'a dit que la question devrait être soulevée à la Chambre sans tarder et que, si j'attendais quelques jours pour délibérer, il serait trop tard. Je suis immédiatement allée voir le président pour en discuter, pour souligner ce qui s'était passé, et j'ai immédiatement écrit quelques notes à la main, car j'avais déjà un retard de six heures et je devais avoir terminé le lendemain. On m'a dit que si j'avais de l'information, le Sénat devait en être informé dès le lendemain.

Incombe-t-il alors à chacun des sénateurs, lorsqu'il ou elle remarque qu'il y a un problème ou une fuite, d'en faire part au Sénat ou au président?

Le président: Non, d'après le Règlement, c'est le comité qui a l'obligation de signaler la fuite au Sénat. C'est une obligation. Cependant, les sénateurs peuvent également le faire eux-mêmes.

Le sénateur Andreychuk: Un sénateur signalerait le problème au président, et le président en informerait ensuite le Sénat?

Le président: C'est exact, mais un sénateur peut également signaler le problème au Sénat.

Le sénateur Andreychuk: Comme toujours, vous avez raison.

Le sénateur Kolber: Pouvez-vous nous dire quelle est la situation à l'heure actuelle?

Le président: À l'heure actuelle, les sénateurs peuvent soulever une question de privilège. Si aucun sénateur ne mentionne quoi que ce soit au sujet de ce rapport qui a fait l'objet d'une fuite, alors le Sénat ne prendra aucune mesure.

Le sénateur Kolber: Mais nous l'avons fait, et la question a été plus loin. Qu'arrive-t-il maintenant?

Le président: La question a été renvoyée à notre comité, et nous tenons cette audience pour décider ce que nous voulons faire au sujet du rapport qui a fait l'objet d'une fuite.

Le sénateur Kolber: C'est maintenant votre seule chance de faire une enquête?

Le président: C'est exact.

Le sénateur Kroft: C'est une chose que d'avoir participé au processus à titre de membre du comité du Règlement et d'avoir écouté objectivement un problème soulevé par un membre d'un autre comité, mais lorsqu'on est membre d'un comité qui a été victime d'un tel acte, on peut mieux comprendre l'ampleur de l'infraction qui a été commise.

Pour répondre à quelques observations qui ont été faites, particulièrement par le président et par le vice-président du comité, ce n'est pas purement une question d'intérêt pour le Comité des banques. Il s'agit d'une offense au Sénat et à tous les sénateurs. En fait, les membres du comité pourraient dire qu'ils ont porté la question à l'attention du Sénat, mais demander de ne pas porter la question plus loin. Cependant, la question va plus loin. Ce n'est pas uniquement au comité de prendre cette décision. C'est pourquoi le comité existe, et c'est pourquoi le processus existe.

J'ai assisté à la séance au cours de laquelle le président a rassemblé le plus grand nombre possible de membres du comité qui étaient disponibles pour les mettre au courant du processus. Il a ensuite posé la question fondamentale. Le sénateur Kolber a dit: «Tout le monde le nie, alors où est-ce que tout cela va nous mener? Je dirais que cela va nous mener très loin, étant donné que l'on part du principe que tous les membres du comité ont assisté à cette séance ou qu'on leur a ensuite posé la même question. Tous les membres de ce comité ont officiellement nié être responsables de la fuite, ont fait une déclaration à cet effet. Si après quelque temps ou après une enquête plus approfondie il s'avère que l'un des membres du comité ou un membre du personnel à qui on a posé la même question était responsable de la fuite, je pense que l'infraction n'en est que plus grave, étant donné qu'il y a eu dénégation officielle que certains pourraient considérer comme un «mensonge».» Le fait même de poser une question et de dire ensuite: «Et puis quoi? Nous n'avons pas eu de réponse» change la façon de voir la situation, car le compte rendu indique qu'on a demandé s'il y a ensuite une enquête. D'une façon ou d'une autre, accidentellement ou autre, nous avons de bonnes chances de découvrir le responsable. À ce moment-là, ce sénateur se trouvera dans une situation très différente, et l'obligation du Sénat de prendre des mesures à l'égard de ce sénateur sera également très différente. Il y aura alors une intensification du processus.

Je ne crois pas que nous devrions nous sentir complètement frustrés devant la difficulté de faire dire à quelqu'un; «J'ai commis une erreur», ou «Je l'ai laissé dans l'autobus», ou «Je l'ai donné aux médias.» Chaque étape du processus a son importance. Voilà ce que j'avais à dire sur cette question.

À titre de membre du comité à qui c'est arrivé, je me rends compte maintenant, contrairement aux deux cas précédents, que tous les membres de ce comité et tous les membres du personnel qui travaillent pour ce comité sont en butte aux soupçons tant que l'affaire n'est pas élucidée. Je serais enclin à ne pas dire: «Ne poussons pas l'affaire trop loin.» Mais j'ai intérêt à accepter que nous devrions aller au fond de la question.

Le sénateur Kolber: Puis-je ajouter une observation? Je suis allé un peu plus loin. J'ai parlé au greffier, à l'adjoint du sénateur Tkachuk et à mon adjoint, car ce sont ces personnes qui devaient ou non distribuer des exemplaires du rapport. Dans un cas -- je ne mentionnerai pas de nom, car je n'ai pas de preuve -- nous croyons qu'un sénateur a obtenu des exemplaires et aurait pu en faire quelque chose. Mon adjoint a dit à son adjoint que nous le croyions coupable. Il est venu me voir, visiblement bouleversé, et a dit qu'il n'en avait pas reçu d'exemplaire.

Le président: Est-ce l'adjoint ou le sénateur qui est venu vous voir?

Le sénateur Kolber: Le sénateur. Je tente d'en savoir davantage, mais je n'ai absolument aucun moyen de faire enquête. L'intention du comité du Règlement est bonne, mais je ne sais pas comment il est possible d'aller chercher des preuves à moins de tomber dessus par hasard.

Le président: Essentiellement, il est possible d'obtenir des preuves de la façon dont vous l'avez fait.

Le sénateur Kolber: J'ai essayé de le faire, mais tout le monde le nie.

Le président: Comme le sénateur Kroft le dit, la preuve est consignée au compte rendu; et mentir au Parlement est le crime le plus grave.

Le sénateur Kolber: Le meurtre est certainement un crime plus grave.

Le président: C'est un crime non parlementaire.

Le sénateur Kolber: Quelqu'un peut-il me donner des conseils? Comment devrions-nous nous y prendre?

Le président: C'est justement ce dont nous parlons ici.

Le sénateur Di Nino: J'ai trois choses à dire. Premièrement, le sénateur Kolber a soulevé la question de la communication des rapports à d'autres membres du comité. Naturellement, cette pratique devrait continuer. Si nous devons nous inquiéter de ce que nous communiquons à nos collègues, alors nous avons un grave problème.

Deuxièmement, il semblerait -- et je sais que le sénateur Tkachuk particulièrement en a parlé -- que ce soit les sénateurs que l'on soupçonne d'être les coupables ou les auteurs des infractions. Beaucoup de gens sont présents dans les salles de comité lorsque nous discutons de ces questions. Il y a également de nombreux membres du personnel dans nos bureaux qui reçoivent du courrier au sujet de nos activités, et il y a aussi ceux qui impriment nos documents. Nos accusations ne devraient pas viser autant nos propres collègues. Nous ne devrions pas cependant laisser entendre qu'ils sont irréprochables, mais nous ne devrions pas songer uniquement à nos collègues comme source éventuelle de la fuite. Je tenais vraiment à faire cette observation.

Troisièmement, notre comité doit revoir le processus et soit l'éclaircir, soit, si nous constatons que cela est nécessaire, établir un processus qui traite la question de privilège découlant de ce rapport -- car de toute évidence il y a une certaine confusion, notamment au sujet du délai et à qui le rapport aurait été remis -- pour tenter de trouver le coupable, et de déterminer les pénalités qui devraient s'appliquer, dans la mesure où notre comité ou le Sénat peut imposer ces pénalités à ceux qui sont trouvés coupables.

Le sénateur Kroft: J'ai une question à ce sujet. Lorsque vous avez fait allusion aux membres du personnel quand vous parliez des sénateurs, à votre avis les sénateurs ne sont-ils pas responsables de leur personnel? Je sais qu'il y a le personnel des parlementaires et le personnel des comités, dont, je présume, le président est responsable. Les sénateurs ne sont-ils pas responsables de la conduite de leur personnel?

Le sénateur Di Nino: Permettez-moi d'être un peu plus clair au sujet de ce que j'entends par membre du personnel, et je répondrai ensuite à votre question plus précisément.

Je ne veux pas pointer personne du doigt, mais nous avons des interprètes, des pages, des greffiers, des adjoints, des gens qui contrôlent les micros, des gens qui impriment nos délibérations, des traducteurs, et cetera. Il y a énormément de gens qui sont au courant dans ce cas-ci. Oui, je suis d'avis que les membres du personnel des sénateurs devraient être assujettis à un degré plus élevé de confidentialité.

Je crois par ailleurs que le sénateur devrait être en quelque sorte responsable et devrait accepter le blâme si un membre de son personnel était trouvé coupable. Oui, je crois que nous sommes assujettis à un degré plus élevé de confidentialité et de responsabilité.

Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, je pense que nous oublions une chose qui est assez nouvelle pour nous tous, c'est-à-dire les communications électroniques. J'ai déjà présidé des comités à la Chambre des communes et j'ai rédigé des rapports. Il y a un processus qui devrait être suivi, particulièrement de nos jours avec les ordinateurs. Ceux qui rédigent le rapport et ceux qui veulent que le rapport contienne certains éléments communiquent entre eux. À la Chambre des communes, les pages étaient numérotées, et nous avions un code, de sorte que s'il y avait une fuite, nous savions qui en était responsable. Chaque page avait un code, un numéro facilement identifiable.

Nous ne devons pas oublier qu'avec les communications électroniques aujourd'hui il peut très facilement y avoir des fuites d'information. Notre processus devrait être plus sécuritaire.

Le président: Merci.

Le sénateur Corbin: Auparavant, nous avions des tampons imprimeurs de caoutchouc. Nous pouvions lire la note suivante apposée sur les rapports: «Ne pas publier» -- avant qu'ils ne soient déposés au Sénat ou à la Chambre des communes. Nous ne voyons plus cela maintenant. Je crois qu'il faudrait revenir à ce genre de chose. Le numérotage des exemplaires, dont a parlé le sénateur Andreychuk, est très important. Je ne suis pas contre l'idée d'imposer une interdiction d'un an au sénateur qui enfreindrait ces règles de confiance entre collègues. En fait, pendant que je me rasais ce matin, j'ai pensé que le sénateur qui fait une telle chose devrait être expulsé pour le reste de la session parlementaire.

En plus de la liste que nous a dressée le sénateur Di Nino, je voudrais mentionner qu'il n'y a pas seulement les membres de notre personnel à considérer, mais nous avons également les boîtes bleues pour le recyclage du papier et les bacs de recyclage à l'entrée des livraisons. La fuite du rapport aurait pu se produire de toutes sortes de façons.

Je tiens cependant à dire que depuis les nombreuses années que je suis sur la Colline, c'est-à-dire près de 32 ans, je n'ai pas encore vu un seul membre du personnel enfreindre ce genre de règle. J'ai une confiance totale et complète dans le personnel, que ce soit les sténographes, les messagers ou les pages.

Le président: Le personnel permanent.

Le sénateur Corbin: Ce n'est pas là qu'il y a habituellement un problème. C'est à un niveau plus élevé. Ça commence avec nous, et la façon dont nous traitons les documents et notre personnel, le personnel des sénateurs. C'est de ce côté-là qu'il faut regarder. Prenez ces observations pour ce qu'elles valent, mais ce sont des réflexions.

Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, je me reporte à l'époque où je m'occupais des négociations commerciales lorsque nous avons eu un certain nombre de fuites lors de la préparation de ce qu'on appelait le document au Cabinet, pour l'entente commerciale. Toutes les autres versions étaient publiées dans les journaux. Je me rappelle que Joe Clark et moi-même étions tout à fait outrés par la situation. Inutile de dire que Brian Mulroney était furieux et que nous avons dû faire appel à la GRC.

La GRC n'a pas trouvé le coupable, mais je peux vous dire que la situation a eu un effet merveilleux sur tous ceux qui étaient touchés par l'incident. L'atmosphère s'est calmée par la suite, mais le processus a servi de rappel aux membres du personnel et à d'autres pour qu'ils comprennent bien que cela était tout à fait inacceptable. On ne peut pas faire une telle chose, et si on le fait, on risque d'avoir vraiment des problèmes.

Le moment est peut-être venu pour nous de faire la même chose ici, car d'après ce qu'a dit le sénateur Andreychuk, cela ne s'est jamais produit au Sénat. C'est peut-être quelque chose que nous avons tous oublié, et ce n'est peut-être pas une mauvaise chose qu'on nous rappelle que cela peut se produire. Lorsque Revenu Canada intente une action en justice pour évasion fiscale et réussit à obtenir une condamnation, il publie les résultats. Cela a un effet très salutaire sur ceux qui seraient tentés de tricher, un effet qui se fait sentir pendant au moins 10 ans. Revenu Canada publie l'information pour obtenir le résultat souhaité, c'est-à-dire semer la crainte.

Cette approche ne serait peut-être pas mauvaise dans ce cas-ci. Je ne crois pas que la GRC trouvera quoi que ce soit. C'est un cas assez clair. Cependant, si nous prenons certaines mesures, cela aura peut-être un effet dissuasif.

J'aimerais proposer que nous envisagions de demander à la GRC pour de faire enquête dans cette affaire. Cela aurait peut-être un effet salutaire sur les gens.

Le président: Merci, sénateur Kelleher.

Le sénateur Kolber: Monsieur le président, notre comité a-t-il le droit d'assigner des témoins à comparaître?

Le président: Oui.

Le sénateur Kolber: Si nous voulons être vraiment sérieux, pourquoi ne pourrions-nous pas assigner le journaliste à comparaître?

Le président: J'aimerais diviser notre débat en deux parties. Nous allons débattre des principes généraux, puis nous continuerons la séance à huis clos pour discuter du processus à suivre.

Le sénateur Kolber: Très bien.

Le sénateur Tkachuk: J'ai soulevé la question non seulement au nom des membres du comité, mais aussi au nom de tous les sénateurs. Cela nous est arrivé auparavant à notre comité, au point que nous y étions presque habitués. Les rapports faisaient l'objet de fuite avant que nous ou le Sénat en prenions connaissance.

Pour moi, c'est la goutte qui a fait déborder le vase. Je voulais que mes collègues, tous les honorables sénateurs, sachent jusqu'à quel point cela m'a bouleversé et offensé. Je voulais qu'ils sachent que la question devrait être renvoyée devant ce comité. Je voulais qu'il soit clair que ce n'est pas parce que peu m'importe que l'affaire fasse l'objet d'une enquête. Peut-être que j'ai dit cela, mais ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est à vous de prendre la décision. Je ne serais pas à l'aise si l'affaire faisait l'objet d'une enquête menée par les membres et le personnel du Comité des banques. Les enquêteurs pourraient en fait être les responsables de la fuite du document. On pourrait avoir un membre du personnel qui travaillerait à cette enquête alors que ce serait lui qui aurait remis le rapport au journaliste. Si le comité décide de faire enquête, très bien. Je laisse au comité le soin de prendre cette décision. J'aurai cependant la satisfaction d'avoir fait ce que j'avais à faire.

Le président: C'est une excellente déclaration de conclusion à notre discussion générale, à moins que quelqu'un ne souhaite ajouter quelque chose d'autre.

Le sénateur Gauthier: J'ai une question à poser au sénateur Kolber. Si je vous ai bien compris, sénateur, vous avez dit soupçonner que c'est un sénateur qui a communiqué ce document.

Le sénateur Kolber: Oui.

Le sénateur Gauthier: Vous l'avez confronté, ou quelqu'un lui a dit que vous pensiez qu'il était coupable. Vous l'avez confronté, et il a nié avoir communiqué ce document.

Le sénateur Kolber: Oui.

Le sénateur Gauthier: Étant d'une nature confiante, vous lui avez dit que sa parole vous suffisait.

Le sénateur Kolber: Qu'est-ce que je pouvais faire? J'ai fait ce que j'ai pu. Je ne pouvais pas le traiter de menteur éhonté. Je ne savais pas quoi faire d'autre. J'ai peut-être eu tort, savez-vous.

Le président: À moins que le sénateur Gauthier ne veuille faire un autre commentaire, j'aimerais que nous poursuivions à huis clos. Nous pourrions discuter de points précis pendant un instant, à savoir quelles mesures notre comité devrait prendre. Êtes-vous d'accord pour que nous continuions à huis clos?

Le sénateur Di Nino: Avec ou sans interprétation?

Le président: Avec interprétation, mais sans transcription.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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