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RULE - Comité permanent

Privilèges, Règlement et procédure

 

Délibérations du comité des
Privilèges, du Règlement et de la procédure

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 18 octobre 2000

Le Comité sénatorial permanent des privilèges, du règlement et de la procédure auquel est renvoyé le projet de loi S-7, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, se réunit aujourd'hui, à 12:15, pour l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre séance est publique et nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi S-7. C'est le sénateur Lynch-Staunton qui est parrain du projet de loi. J'ai invité le sénateur Grafstein à faire une déclaration liminaire, car il a indiqué clairement dans la salle du Sénat qu'il voulait exposer ses points de vue au comité. Nous allons suspendre brièvement la séance pour voir si le sénateur Grafstein est prêt à intervenir.

Le sénateur Lynch-Staunton: En attendant, puis-je dire qu'étant donné que nous savons ce qui va se produire en fin de semaine, je préférerais que l'on ne donne pas suite à ce projet de loi afin de gagner du temps et d'éviter les frais d'impression et de rapport. Si nous l'adoptons, il devra être envoyé à la Chambre des communes. Je préférerais qu'il reste à l'ordre du jour du comité. Si nous revenons la semaine prochaine, nous pourrons poursuivre, sinon, je présenterais de nouveau un projet de loi semblable au cours de la prochaine législature.

Le président: À la lumière de cette déclaration, je propose que l'on entende tout sénateur qui veut s'exprimer au sujet du projet de loi. Je sais que le sénateur Grafstein a déjà demandé de faire part de ses points de vue au comité. Si le comité est d'accord, nous pourrons suspendre le débat et ne pas passer à l'étude article par article. Nous verrons bien si la fin de semaine nous réserve des surprises.

Sénateur, je sais que vous avez des observations à faire au sujet du projet de loi et je vous invite à prendre la parole.

Le sénateur Grafstein: Tout d'abord, je tiens à féliciter le leader de l'opposition de présenter cette mesure, car nous prenons parfois les symboles pour acquis. Bien sûr, la sanction royale revêt à la fois une grande importance symbolique, juridique et constitutionnelle. Ces derniers temps, nous avons eu l'occasion de parler de la sanction royale et de la prérogative royale à propos de plusieurs mesures législatives. Une affaire récente en Colombie-Britannique relative au traité conclu avec les Nisga'a va beaucoup plus loin que je n'aurais pu l'imaginer en ce qui concerne la prérogative royale. Cela confirme en quelque sorte que les points dont nous avons parlé dans ce comité étaient tous visés par la sanction royale et la prérogative royale. Je suis sûr que le président connaît bien cette affaire.

Lorsque cette question a été soulevée, je me suis demandé: quelle est véritablement la nature de la sanction royale, au plan juridique et constitutionnel, et deuxièmement, quelle en est la nature symbolique par rapport au Canada.

Très franchement, ce n'est pas une question qui m'était familière ou à laquelle je voulais consacrer du temps, mais en raison de l'insistance du leader de l'opposition, je me suis vu dans l'obligation de m'informer et ce que j'ai découvert est fort intéressant. Il est vrai que d'autres assemblées législatives -- en Angleterre et en Nouvelle-Zélande, comme l'a fait remarquer le président, et en Australie -- sont passées de la sanction royale, symbole mettant en jeu le représentant de la Couronne à une sanction royale qui relève de l'exécutif ce qui réduit pratiquement à rien le rôle du Sénat. Étant donné qu'en notre qualité de sénateurs, nous avons le devoir et la responsabilité d'asseoir notre rôle de Chambre égale à la Chambre des communes en vertu de la Constitution, et étant donné que la sanction met l'accent sur ce point puisqu'elle se déroule au Sénat, ce qui m'a frappé, avant même le geste de mon collègue, c'est que cette question était beaucoup plus significative et importante que je ne le pensais.

J'ai préparé un projet de résolution d'amendement qui est fondamentalement différent du projet de loi lui-même, car, à mon avis, l'inconvénient de la sanction royale, c'est qu'elle se déroule le mercredi ou le jeudi soir; c'est un inconvénient, car nous savons d'après nos collègues que ce n'est pas très souhaitable. J'ai pensé que l'une des choses à faire, si nous croyons que la sanction royale représente un symbole constitutionnel et de continuité, consisterait à changer le moment où nous avons la sanction royale. J'ai toujours pensé que le mercredi, en début ou en fin de journée, serait le meilleur moment pour la sanction royale, car nous savons que le mercredi, les deux Chambres siègent. Nous savons que le jeudi après-midi n'est vraiment pas pratique, surtout pour les personnes de l'ouest et de l'est du pays. Le mercredi, nous sommes tous présents à cause des caucus et d'autres séances. La première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est de proposer que l'on ramène la cérémonie de la sanction royale au mercredi.

Deuxièmement, je ne conteste pas le principe sous-jacent que le leader fait ressortir: l'exécutif doit pouvoir procéder à la sanction royale à d'autres occasions. Les amendements que je propose permettent au gouvernement à une occasion au moins au cours d'une session et également en cas de circonstances particulières de procéder à une sanction rapide. On ne peut pas en effet immobiliser l'exécutif ou le Parlement.

Tout ce que je veux dire en fait -- et je ne vais pas entrer dans les détails -- c'est qu'il faudrait rétablir la sanction royale et dans un sens, exiger que la représentante de Sa Majesté au Canada la considère avec plus de sérieux, vienne au Parlement et se présente personnellement avec la sanction royale. Je crois que nous en avons plus besoin au Sénat et que nous en avons plus que jamais besoin au Parlement. Il ne fait aucun doute que le rôle du Parlement va être l'une des questions de cette campagne. On peut prétendre, pour le meilleur ou pour le pire, que le Parlement s'est affaibli à certains égards. Le Sénat s'est encore plus affaibli en raison de la défection du public. Tout ce que nous pouvons faire en tant que sénateurs pour rétablir, de façon modeste, le rôle essentiel que joue le Sénat au plan législatif, soit l'octroi de la sanction royale serait, à mon avis, un point plus positif que négatif.

Pour conclure, monsieur le président, je dirais qu'il s'agit d'un projet. J'ai pensé que si en fait, nous pouvions rétablir et prévoir la sanction royale à un moment plus pratique, par exemple le mercredi à 13 h 30, 13 h 15 ou 13 heures, nous pourrions en même temps organiser une table ronde télévisée pour faire savoir au public qu'un projet de loi est promulgué et pour l'informer de ce qu'il contient.

Un autre de nos comités est saisi d'un projet de loi sur la citoyenneté. Une disposition de ce projet de loi prive de la citoyenneté canadienne, sans préavis, les Canadiens nés à l'étranger. Tous ceux d'entre nous qui sommes avocats savons bien que l'ignorance de la loi n'excuse personne -- s'il existe par hasard une loi fédérale, vous devez comprendre ce qu'elle renferme. Or, nous n'informons absolument pas le public des lois que nous adoptons, du travail que nous avons fait ou de ce que signifient les lois pour leur vie immédiate. Certains projets de lois prêtent davantage à controverse que d'autres, mais souvent, nous adoptons des projets de loi qui sont plus fondamentaux que les projets de loi qui prêtent à controverse et le public ne sait absolument pas ce que nous faisons ou ce que nous disons et il n'a aucune idée de l'impact des lois. J'ai pensé qu'il serait possible de combiner le symbolisme de la Couronne, le symbolisme de la sanction royale, le rôle du Sénat et l'éducation du public d'un seul coup. Nous disposons de tout ce qu'il faut pour ce faire. Nous avons les caméras de télévision, ainsi qu'une très bonne représentante de Sa Majesté du Canada qui est en plus photogénique. Je crois que ce faisant, il serait possible de revivifier le Parlement et le rôle du Sénat au Parlement et d'en faire ainsi quelque chose de beaucoup plus convaincant et important.

C'est le fondement de ces quelques amendements, monsieur le président. Je ne suis pas sûr qu'ils permettent d'accomplir tout ce que je dis, mais je me ferais un plaisir d'entendre les divers points de vue à ce sujet, car ces amendements permettent simplement de présenter des idées différentes de celles que renferme ce projet de loi particulier. Soit dit en passant, je ne critique pas le leader, car il nous a rendu service en nous obligeant à aborder la question.

Le président: Je suis prêt à entendre ceux qui ont des commentaires à faire.

Le sénateur Gauthier: Je suis en quelque sorte favorable aux caméras de télévision. J'ai toujours considéré curieux que les caméras de télévision soient présentes lorsque le gentilhomme huissier de la verge noire invite la Chambre des communes à se rendre au Sénat; l'événement est ainsi rendu public, tandis que personne ne voit le sergent d'armes venir au Sénat. Il suffit de se mettre à la place d'un Canadien qui regarde la télévision de la Chambre des communes pour se demander: «Que se passe-t-il, vraiment?» J'appuie donc la proposition du sénateur Grafstein relative à une table ronde de sénateurs -- un de chaque parti -- qui expliquerait ce qui se passe. Je suis favorable aux tables rondes, mais j'approuve aussi bien sûr le fait qu'elles soient filmées par la télévision, dans la mesure du possible.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ces propositions sont intéressantes, mais je ne crois pas qu'elles doivent figurer dans le projet de loi. Le projet de loi ne fait pas état de la procédure en vigueur. Il s'agit plutôt d'une directive ou d'une note de service préparée par le greffier du Sénat. La procédure existe et elle peut être modifiée n'importe quand. À mon avis, nous aurions tort de préciser un jour de la semaine pour la cérémonie de la sanction royale; cela pourrait compliquer les choses, car trop souvent, un projet de loi urgent doit recevoir immédiatement la sanction royale. Je pense que le projet de loi doit être le plus général possible. Si nous convenons d'une procédure de rechange, d'une autre forme de sanction royale, nous devrions en prévoir l'application en dehors du projet de loi, de façon à pouvoir la modifier selon les circonstances.

Le président: En fait, la procédure parlementaire existe depuis longtemps et appartient aux deux Chambres du Parlement ainsi qu'à la Couronne. Je crois qu'il faudrait un genre de convention constitutionnelle à l'égard de la forme actuelle de la sanction royale qui, à mon avis, ne pourrait être changée que par une loi sanctionnée par la Couronne. Je le dis pour compléter ce que vous avez indiqué plus tôt.

Le sénateur Kinsella: Je me rappelle ce qui s'est passé il y a quelques semaines; le président s'est levé pour lire un message provenant de la résidence du gouverneur général. J'ai essayé de me renseigner, mais c'était très difficile au plan de la procédure. Comment poser des questions au président au sujet d'un message provenant de la résidence du gouverneur général qu'il vient juste de lire? Nous savons tous ce qui s'est passé. Les greffiers au Bureau avaient cette lettre, adressée à la Chambre par Rideau Hall, et c'est un greffier qui a ajouté la date; ce message ne venait pas véritablement de l'exécutif, mais de la Couronne, sachant que certains projets de loi étaient prêts à recevoir la sanction royale. Je ne me rappelle pas du projet de loi en question.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'était le projet de loi sur les députés.

Le sénateur Kinsella: J'ai trouvé cela troublant: non seulement cela ne répondait-il pas aux critères établis pour les messages venant de la Couronne, mais en plus, le message avait été remanié par l'un de nos greffiers au Bureau. Cela a semblé amoindrir le rôle de la Couronne, à savoir une prise de décision de sa part. Suite aux conseils du gouvernement exécutif, elle doit se présenter au Sénat pour la sanction royale. De toute évidence, elle n'a pas eu le temps de prendre cette décision, elle n'a pas pu mûrir sa décision.

Je voulais simplement dire que certains usages s'infiltrent dans le système et peut-être pourrait-on les qualifier d'«administratifs».

Le président: Je ne suis pas sûr qu'il conviendrait que notre discussion ultérieure s'engage sur une erreur d'écriture, mais c'est préliminaire pour la discussion que nous aurons sur notre programme, une erreur de parchemin, mais c'est certainement intéressant.

Le sénateur Corbin: Je ne souscris pas à la proposition du sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Vous ne l'avez pas lue.

Le sénateur Corbin: Je vous ai entendu. J'espère que vous avez résumé honnêtement votre texte. Fixer une heure et un jour précis pour la sanction royale diminue la marge de manoeuvre du gouvernement et risque de donner des munitions aux partis de l'opposition pour manipuler et bloquer les mesures législatives. Il revient au pouvoir exécutif de décider du jour et de l'heure de la sanction royale. En fait, je crois que c'est sa prérogative. À moins que le gouvernement du jour, ou n'importe quel gouvernement, désire aller de l'avant et opter pour le carcan d'un calendrier fixe -- ce que je considère pure folie -- je ne souscrirai pas à ce genre de proposition.

Le président: Laissez-moi simplement vous faire part de certaines observations. J'ai appuyé le projet de loi. En fait, il se fonde sur la recommandation faite par le Comité McGrath en 1985 que j'aimerais vous lire. Je sais que vous êtes tous au courant du travail que j'ai accompli en ce qui a trait à la réforme du processus parlementaire. Cependant, voici ce qu'a recommandé le Comité McGrath relativement à cette question:

Que le Parlement du Canada adopte la formule selon laquelle la sanction royale est donnée par message écrit et que le gouvernement entreprenne les discussions nécessaires à cette fin. Par contre, on devrait également prévoir la possibilité de recourir à la pratique actuelle si c'est là le bon vouloir de son excellence ou le conseil de ses ministres.

Pour l'essentiel, le rapport recommandait que l'on se dirige vers le processus australien en vertu duquel la sanction royale est donnée par message écrit. Cependant, il fallait prévoir la possibilité de continuer à s'en remettre au pouvoir discrétionnaire du gouvernement toutes les fois qu'il le souhaiterait. À cela a été ajoutée l'idée que l'on recoure à la pratique actuelle de la sanction royale lorsque le premier projet de loi des subsides est présenté aux fins de la sanction à n'importe quelle session de la législature.

Comme mes collègues le savent, le Comité permanent de la Chambre des communes chargé de la régie interne a adopté la recommandation du Comité McGrath en 1993. Des sénateurs ont tenté de faire avancer cette recommandation ici. Le sénateur Lynch-Staunton et moi-même avons rencontré deux députés de l'autre endroit, Peter Milliken et Bill Blaikie qui étaient très favorables à l'idée que notre Chambre prenne l'initiative d'envoyer un projet de loi de type McGrath à la Chambre.

Comme le sénateur Lynch-Staunton demande au comité d'interrompre simplement le processus et de ne pas procéder à l'étude article par article du projet de loi, est-ce acceptable? Devrions-nous en rester là?

Le sénateur Grafstein: Pour donner à tout le monde un avis et en toute justice pour les collègues, je devrais peut-être déposer l'ébauche de recommandation en même temps. Cela permettrait aux honorables sénateurs d'être d'accord ou non.

Je veux terminer sur un point qu'on a fait valoir à notre grande consternation -- et cela s'est passé pendant l'étude du projet de loi sur la clarté -- à savoir que la présence du Sénat dans à peu près 46 projets de loi a été absolument oubliée. J'ai préparé ces résolutions bien avant le projet de loi sur la clarté et je n'y ai apporté depuis aucun changement. Je l'avais fait en 1998 sans penser que cela deviendrait pertinent dans ce cas-ci. J'ai fait certaines propositions au sujet d'un préambule sur le rôle du Parlement que certains d'entre vous pourraient trouver intéressantes. Je m'excuse auprès de mon collègue le sénateur Corbin. Il s'y trouve une disposition pour fixer au moins le jour, le mercredi -- elle n'a pas à être acceptée -- et pour laisser de la souplesse pour d'autres jours. Cela n'a rien d'immuable, il s'agit d'une proposition. Je veux dire par là qu'il pourrait y avoir des sanctions royales d'autres jours.

Je vais vous laisser ces résolutions, monsieur le président, pour que tout le monde ait la chance d'y jeter un coup d'oeil pendant ce court ajournement du Parlement. J'espère que nous pourrons y revenir lorsque nous nous réunirons de nouveau.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs que les suggestions du sénateur Grafstein soient jointes en annexe aux délibérations de ce jour à titre d'information?

Des voix: D'accord.

Le président: Nous sommes maintenant prêts à passer au point suivant inscrit à l'ordre du jour pour lequel notre comité doit siéger à huis clos. Je demanderais aux étrangers -- pour utiliser l'expression parlementaire -- de quitter la salle. Merci beaucoup d'avoir assisté à la première partie de notre réunion.

Les délibérations se poursuivent à huis clos.


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