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Sous-comité de la sécurité des transports

 

RAPPORT SUR LA SÉCURITÉ AÉRIENNE

Rapport du Sous-comité de la sécurité des transports
du
Comité sénatorial permanent des transports et des communications

Le président du Sous-comité: L'honorable J. Michael Forrestall
Le vice-président : L'honorable Willie Adams 

Juin 2000


COMPOSITION DU COMITÉ 

Composition du comité – 36e législature – Première session

Comité sénatorial spécial sur la sécurité des transports

Président :
Sénateur J. Michael Forrestall

Vice-président :
Sénateur Willie Adams

Membres:
Sénateur Alasdair B. Graham (ou le sénateur Sharon Carstairs)*
Sénateur John Lynch-Staunton (ou Eric A. Berntson)*
Sénateur Fernand Roberge
Sénateur Mira Spivak

Autres sénateurs qui ont participé à l’étude :
Sénateur Lise Bacon
Sénateur Sister Peggy Butts
Sénateur Thelma Chalifoux
Sénateur Eymard G. Corbin
Sénateur Ross D. Fitzpatrick
Sénateur Janis G. Johnson
Sénateur Léonce Mercier 

*Membres d’office

 

Composition du comité – 36e législature – Deuxième session

Sous-comité de la sécurité des transports

Président:
Sénateur J. Michael Forrestall

Vice-président:
Sénateur Willie Adams

Membres:
Sénateur Catherine Callbeck
Sénateur Raymond Perrault, c.p.
Sénateur Fernand Roberge


TABLE DES MATIÈRES

ORDRE DE RENVOI

RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 1er- INTRODUCTION
1. Origine du Sous-comité
2. Examen du rapport intérimaire et de ses recommandations
3. Résumé du Rapport du Sous-comité sur la sécurité aérienne

CHAPITRE 2 - UNE CULTURE DE LA SÉCURITÉ
1. La communauté aérienne au Canada
2. Aspects de la déréglementation touchant la sécurité

CHAPITRE 3 - LE BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS
1. Introduction
2. Examens médicaux après accident
3. Effectif, formation, rémunération
4. Collecte et analyse des données
5. Programme d’aide aux familles
6. Enregistreur de vol
7. Enquête sur les accidents aériens militaires

CHAPITRE 4 - QUESTIONS DE SÉCURITÉ PROPRES AU TRANSPORT AÉRIEN
1. Introduction
2. Impact sans perte de contrôle (ISPC)
3. Formation
4. Systèmes automatiques d’information météorologique
5. Fatigue
6. Partage de l’information
7. Dépistage des drogues et de l’alcool
8. Passagers perturbateurs ou enragés
9. Matières dangereuses
10. Avions ultra-légers
11. Appareils vieillissants
12. Conception des appareils

CHAPITRE 5 - QUESTION DE SÉCURITÉ PROPRES AUX AÉROPORTS
1. Introduction
2. Accès aux zones stériles
3. Agents de sécurité jouant le rôle d’agents de la paix dans les aéroports
4. Planification des mesures d’urgence
5. Sécurité-incendies dans les aéroports
6. NAV CANADA
7. Amélioration de l’infrastructure des aéroports

CHAPITRE 6 - NOTRE SYSTÈME DE RÉGLEMENTATION
1. Le processus de réglementation
2. Réglementation aérienne dans le nord du Canada
3. Nouvelle Loi sur l’aéronautique au Canada

CHAPITRE 7 - OBLIGATIONS INTERNATIONALES DU CANADA EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ AÉRIENNE
Assurer la sécurité des Canadiens qui voyagent dans le monde

CHAPITRE 8 - LA VOIE DEVANT NOUS

ANNEXE I - QUESTIONS
Réponses de Transports Canada aux questions soumises par le Comité faisant suite à la comparution de fonctionnaires de Transports Canada devant le Comité sénatorial spécial de la sécurité des transports

ANNEXE II - Lettre du 8 juillet 1999 de l’Association des Pilotes d’Air Canada

ANNEXE III - Témoins

ANNEXE IV - Visites

ANNEXE V - Document déposé devant le Comité par Boeing Commercial Airplanes Group


ORDRE DE RENVOI 

Extrait des Journaux du Sénat du mardi 21 mars 2000 :

L'honorable sénateur Bacon propose, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p.,

QUE le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, afin de présenter des recommandations, l'état de la sécurité des transports au Canada et la question de la sécurité des transports au Canada et pour mener une étude comparative des mécanismes techniques, juridiques et réglementaires, dans le but de vérifier que la sécurité des transports au Canada est d'une qualité telle qu'elle répondra aux besoins du Canada et des Canadiens au prochain siècle; et

QUE les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le comité sénatorial spécial de la Sécurité des transports dans la première session de la trente-sixième législature soient déférés au Comité; et

QUE le Comité soumette son rapport au plus tard le 31 décembre 2000.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Le Greffier du Sénat
Paul C. Bélisle

------------------

Extrait du Procès-verbal du Comité sénatorial permanent des transports et des communications du 2 mai 2000 :

QU’UN sous-comité de la sécurité des transports soit créé afin d’examiner les questions liées à la sécurité des transports qui pourraient lui être renvoyées de temps à autre par le comité.

QUE le sous-comité soit composé de cinq (5) membres, don’t trois (3) constitueront le quorum.

QUE le sous-comité de la sécurité des transports soit composé dans un premier temps des honorables sénateurs Adams, Callbeck, Forrestall, Perrault, c.p., et Roberge; et

QUE les noms des remplaçants soient communiqués au greffier du sous-comité.

QUE le sous-comité soit autorisé à inviter les témoins qu’il juge nécessaire et à exiger la production de documents et de dossiers au besoin, de même qu’à les faire publier au jour le jour.

QUE le comité autorise le sous-comité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d’information électroniques.

QUE l’étude sur l’état de la sécurité des transports, qui englobe une étude comparative des considérations techniques et des structures juridiques et réglementaires, renvoyées au comité par le Sénat le 21 mars 2000, soit confiée au sous-comité de la sécurité des transports pour qu’il y procède et en fasse rapplort conformément au Règlement du Sénat.

Le greffier du Comité
Michel Patrice


RECOMMANDATIONS

  1. Nous recommandons que le gouvernement fédéral, les provinces et les acteurs de l’industrie du transport au Canada collaborent à des programmes d’éducation, de recherche et de publicité afin de promouvoir une culture de la sécurité dans tous les aspects de l’industrie aérienne, auprès de tous les Canadiens.
  1. Nous recommandons que Transports Canada revoie chaque année son rôle de contrôleur des aspects sécuritaires de la conception, de la fabrication et de l’entretien des aéronefs, afin de s’assurer qu’aucun intervenant ne sacrifie la sécurité sur l’autel du rendement économique.
  2. Nous recommandons que le gouvernement soit tenu de répondre aux recommandations du Bureau de la sécurité des transports dans les 90 jours de leur publication, et que ces réponses soient déposées au Sénat et à la Chambre des communes.
  3. Nous recommandons d’accorder au Bureau de la sécurité des transports l’autorité nécessaire pour faire des examens médicaux après les accidents.
  • Nous recommandons que le gouvernement affecte les ressources nécessaires au Bureau de la sécurité des transports afin que ses enquêteurs puissent recevoir une formation relative à l’équipement le plus avancé sur le plan technologique.
  • Nous recommandons de confier au Bureau de la sécurité des transports la responsabilité de mettre en oeuvre l’aide aux familles et aux victimes au Canada, pour tous les modes de transport qui relèvent de lui.
  • Nous recommandons que la responsabilité du Bureau de la sécurité des transports soit étendue aux enquêtes sur les accidents militaires, et que le Bureau reçoive des ressources en conséquence. Si un civil est blessé ou tué, le Bureau serait le principal responsable de l’enquête.
  • Nous recommandons d’accorder des ressources suffisantes au Bureau de la sécurité des transports pour assumer toutes ces fonctions.
  1. Nous recommandons que, sous la direction de Transports Canada, tous les aéronefs conçus pour transporter plus de 40 passagers soient dotés de systèmes avertisseurs de proximité du sol améliorés et qu’un délai de conformité raisonnable soit fixé aux compagnies aériennes.
  • Nous recommandons que Transports Canada adopte un règlement exigeant que tous les nouveaux aéronefs de fabrication canadienne, conçus pour transporter plus de 40 passagers, soient dotés de systèmes avertisseurs de proximité du sol améliorés.
  1. Nous recommandons que les systèmes AWOS, une fois installés, soient exploités en parallèle avec une station météorologique dotée d’un personnel pendant au moins deux ans pour qu’on puisse vérifier l’exactitude de l’information produite par ces systèmes.
  • Nous recommandons que, dans les régions éloignées du Nord, NAV CANADA et Environnement Canada soient encouragés par des ressources suffisantes à maintenir ou améliorer les services météorologiques si essentiels pour la sécurité aérienne.
  1. Nous recommandons que le gouvernement envisage de modifier la Loi sur l’aéronautique pour protéger des recours en justice ceux qui fournissent des renseignements sur la sécurité, protéger le caractère confidentiel de ces renseignements et dégager de toute responsabilité les entreprises qui fournissent ces renseignements et leurs employés.
  1. Nous recommandons que le gouvernement du Canada entreprenne une démarche concertée pour résoudre le problème des passagers turbulents.
  • Nous recommandons de modifier de Code criminel pour faciliter la tâche des agents de maintien de l’ordre aux prises avec des passagers turbulents qui ne sont pas citoyens canadiens.
  • Nous recommandons de modifier le Règlement de l’aviation canadien pour permettre aux transporteurs de refuser l’embarquement à quiconque présente, selon eux, une menace pour la sécurité.
  • Nous recommandons que l’OACI prépare un traité international qui reconnaîtra à la communauté aérienne internationale le pouvoir et la compétence de prendre les mesures qui s’imposent pour régler le problème des passagers turbulents afin d’assurer la sécurité des passagers et des équipages.
  1. Nous recommandons que les directeurs de la sécurité dans les administrations aéroportuaires canadiennes qui desservent plus de 200 000 passagers par année fassent une étude approfondie des systèmes de sécurité en vigueur dans les principaux aéroports européens, comme Heathrow et Charles-de-Gaulle, et qu’ils élaborent et mettent en place une méthode de fouille systématique semblable à celles qui existent dans ces aéroports.
  • Nous recommandons que Transports Canada révise son interprétation du paragraphe 4(3) du Règlement sur les mesures de sûreté aux aérodromes pour conférer plus de latitude aux aéroports concernant les autorisations d’accès aux zones d’accès restreint.
  • Nous recommandons que Transports Canada autorise des contrôles ponctuels des membres du personnel aéroportuaire à l’entrée des zones stériles, même s’ils détiennent un laissez-passer pour ces zones.
  1. Nous recommandons que Transports Canada désigne « agents de paix » un certain nombre d’employés de sécurité des aéroports, à titre expérimental.
  1. Nous recommandons que Transports Canada reconsidère sa décision de réduire les exigences en matière de lutte contre les incendies dans les grands aéroports canadiens et qu’il dégage suffisamment de ressources, ou établisse des ententes avec les municipalités voisines, pour que des services d’urgence en cas d’écrasement soient mis en place dans tous les aéroports, principaux, régionaux ou locaux.
  1. Nous recommandons que le gouvernement fédéral crée un fonds de remise en état des petits aéroports en réservant à cette fin une partie des recettes de la taxe d’accise sur le carburéacteur.
  1. Nous recommandons que Transports Canada s’abstienne de recourir, pour toute question de sécurité, à la « réglementation par exemptions » prévue dans la Loi sur l’aéronautique.
  • Nous recommandons d’accorder à Transports Canada des ressources suffisantes pour développer la réglementation sur les normes de conception des aéronefs.
  1. Nous recommandons que Transports Canada revoie la réglementation des heures de vol des équipages et élabore des critères qui tiennent compte des particularités du Nord, à condition de ne jamais compromettre la sécurité.
  1. Nous recommandons que le gouvernement amorce un examen complet de la Loi sur l’aéronautique et de son règlement d’application.
  • Nous recommandons que, une fois l’examen ministériel terminé, la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des transports et des communications pour étude avant la rédaction du texte de la nouvelle loi et de son règlement d’application.
  • Nous recommandons que le gouvernement, après étude par le Sénat, fasse rédiger le texte de la nouvelle loi et de son règlement qu’il renverra au Sénat pour examen.
  1. Nous recommandons que Transports Canada explore la possibilité de devenir membre de l’Équipe de sécurité de l’aviation commerciale internationale, comme nous l’a expliqué Boeing.
  • Nous recommandons que Transports Canada s’assure qu’on continue d’imposer des vérifications de sécurité aux pays qui ont l’intention de créer des liaisons aériennes avec le Canada ainsi que des vérifications de sécurité des terminaux aériens d’où proviennent les aéronefs à destination du Canada, et que ces vérifications se fassent avec une diligence raisonnable, c’est-à-dire que Transports Canada procède non seulement à un examen de la réglementation du pays en question, mais également à des inspections sur place pour s’assurer du respect des normes de sécurité.
  1. Nous recommandons que Transports Canada rende obligatoire la Formation en gestion des ressources de l’équipage ou, comme l’appelle M. Heuttner, « la collégialité dans la cabine », et qu’il veille à ce que cette formation fasse partie de l’instruction en vol au même titre que les autres matière enseignées comme la météorologie et l’aérodynamique.
  1. Nous recommandons que le gouvernement du Canada, par l’entremise de Transports Canada, envisage de financer l’établissement de centres d’excellence pour étudier la sécurité aérienne en collaboration avec certaines universités au Canada.

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

1. Origine du Sous-comité de la sécurité des transports

L’étude de la sécurité des transports au Canada découle de la proposition, formulée il y a près de 10 ans par le sénateur Keith Davey, d’une étude complète de la sécurité du transport routier. À l’époque, le sénateur Davey s’inquiétait de l’augmentation du camionnage ainsi que de la détérioration des infrastructures routières, deux conditions qui créaient un environnement dangereux pour le transport routier au Canada. Le Comité spécial est encore animé de la même préoccupation et veut réparer cette négligence.

À partir de cette idée, on a créé un sous-comité du Comité permanent des transports et des communications le 2 octobre 1996. Son mandat était beaucoup plus large que celui envisagé par le sénateur Davey. Quant au Comité spécial sur la sécurité des transports, qui a entendu les témoignages résumés dans le présent rapport, il a été créé par le Sénat le 8 juin 1998 et découle directement du travail réalisé par le Sous-comité. Le Sous-comité et le Comité spécial avaient reçu tous les deux le large mandat de tenir des audiences et de formuler des recommandations sur l’état de la sécurité dans tous les modes de transport au Canada. Pour réaliser cette tâche, le Comité spécial était chargé d’examiner les structures techniques, légales et réglementaires dans le but de faire en sorte que la sécurité du transport au Canada soit d’une qualité suffisante pour répondre aux besoins du Canada et des Canadiens au XXIe siècle. Toutefois, le Comité spécial a dû cesser ses travaux à la fin de la première session de la présente législature. Ses travaux ont été confiés à l’actuel Sous-comité de la sécurité des transports afin de compléter l’étude et le rapport sur la sécurité des transports au Canada.

Le présent rapport examine les témoignages entendus par le premier Sous-comité et le Comité spécial sur la sécurité aérienne, et formule des recommandations à ce sujet. Soulignons que le Rapport intérimaire du Comité spécial, terminé en janvier 1999, couvre la sécurité de tous les modes de transport et inclut quatre chapitres qui concernent particulièrement la sécurité aérienne: Questions de sécurité touchant tous les modes de transport, le Bureau de la sécurité des transports du Canada), Les questions de sécurité liées aux phares, et Les problèmes de sécurité touchant le transport aérien.

Certaines questions soulevées dans le rapport intérimaire sont reprises dans celui-ci, qui se limite à la sécurité aérienne.

Le Sous-comité a l’intention de terminer son travail d’ici la fin de l’année et de déposer des rapports sur la sécurité des autres modes de transport au Canada : routier, ferroviaire et maritime.

 

2. Examen du rapport intérimaire et de ses recommandations

Le Rapport intérimaire du Comité spécial traite à plusieurs endroits de la sécurité aérienne. Ces recommandations sont l’aboutissement du travail réalisé par le premier Sous-comité de la sécurité des transports et des audiences tenues par le Comité spécial jusqu’à la fin de l’automne 1998.

Le rapport intérimaire contient les recommandations suivantes sur la sécurité aérienne:

Nous recommandons que Transports Canada revoie sa position et nous demandons instamment au gouvernement d’adopter une loi semblable à la loi américaine afin d’autoriser l’industrie des transports à effectuer des tests obligatoires et aléatoires de dépistage d’alcool et de drogues.

Nous recommandons que l’on confie au Bureau de la sécurité des transports la mise en oeuvre d’un programme d’aide aux victimes d’accident de transport et à leur famille qui concernerait tous les moyens de transport qui relèvent de sa compétence.

Nous recommandons que toutes les lignes aériennes qui exploitent un service au Canada soient tenues d’enregistrer le nom au complet de tous les citoyens canadiens qui voyagent à bord d’un avion à destination ou en provenance du Canada et de demander à ces passagers de fournir le nom et le numéro de téléphone d’une personne à contacter.

Dans le présent rapport, nous développerons ces recommandations. Nous remercions les divers témoins qui nous ont fourni des commentaires sur nos recommandations, en particulier l’analyse et le commentaire approfondis présentés par la Air Line Pilots Association (ALPA).

Outre les recommandations précitées, le rapport intérimaire traite de problèmes de sécurité qui pourraient découler d’une automatisation plus poussée des phares sur la côte ouest du Canada (chapitre VI). Il traite également de la nécessité, formulée par les témoins venus du Nord du Canada, de règlements distincts pour le transport aérien au nord du 60 parallèle. La sécurité des aéroports est également un sujet important du rapport intérimaire. Nous exposons les mesures de sécurité en place aux aéroports Heathrow de Londres et Charles-de-Gaulle à Paris. Cette question sera développée dans le présent rapport.

Nous reprenons avec passablement plus de détails les grandes questions de sécurité abordées dans le sous-chapitre intitulé La sécurité du transport aérien en général, comme l’aménagement du poste de pilotage, les impacts sans perte de contrôle, la fatigue, et le partage de l’information relative aux accidents et aux incidents.

 

3. Résumé du Rapport du Sous-comité sur la sécurité aérienne

Ce rapport est rédigé à partir de tous les témoignages reçus qui portaient sur la sécurité aérienne depuis le début des audiences publiques à l’automne de 1996. Depuis la publication du rapport intérimaire, le président du Comité spécial d’alors, le sénateur J. Michael Forrestall, et le vice-président, le sénateur Willie Adams, ainsi que le recherchiste de la Bibliothèque du Parlement assigné au Comité spécial, John Christopher, ont participé à une conférence annuelle d’une semaine sur les transports à Washington, en 1999.

Le Comité spécial a également effectué un voyage d’information dans l’Ouest canadien et une longue visite des installations de l’avionnerie Boeing à Seattle, dans l’État de Washington. En outre, il a visité les aéroports Pearson à Toronto et Dorval à Montréal. Enfin, le Comité spécial a visité l’usine d’assemblage de Bombardier Aéronautique à Saint-Laurent (Québec) et rencontré les responsables de la sécurité de Bombardier.

Nous souhaitons remercier tous ceux qui ont donné si généreusement de leur temps et tous les témoins qui ont répondu sans détour aux questions lors de leur comparution devant le Comité spécial à Ottawa et durant ses déplacements.

Le présent rapport exprime les opinions du Sous-comité sur l’importance de développer et de maintenir une culture de la sécurité au Canada. Le Sous-comité est impressionné par le travail du Bureau de la sécurité des transports. Le rapport met en relief le dernier témoignage du Bureau et quelques nouvelles orientations pour son mandat, si les ressources financières dont il a si désespérément besoin devenaient disponibles.

Plus loin, nous traitons de questions de sécurité du transport aérien et de sécurité des aéroports, sous diverses rubriques. Nous passons ensuite en revue les lois qui régissent actuellement le transport aérien. Cela vise à la fois la Loi sur l’aéronautique et les mécanismes régissant le Règlement de l’aviation canadien (RAC).

Les deux derniers chapitres traitent de nos obligations envers la communauté aérienne internationale. Depuis qu’il a participé au deuxième Congrès mondial sur la sécurité à Delft aux Pays-Bas, le Sous-comité estime que le Canada a l’obligation internationale de garantir à ses citoyens des voyages à l’étranger les plus sécuritaires possibles. En contrepartie, les Canadiens doivent être au courant des endroits qui présentent des dangers afin de bien choisir à la fois leur destination et leur transporteur.

Une partie du mandat du Sous-comité consiste à se pencher sur l’avenir de la sécurité aérienne afin de déterminer quels conseils il pourrait donner pour préparer les gouvernements et les intervenants de l’industrie aux défis qui se présenteront d’ici 15 à 20 ans. Le dernier chapitre présente donc une analyse de l’avenir.


CHAPITRE 2

UNE CULTURE DE LA SÉCURITÉ

1. La communauté aérienne au Canada

La communauté aérienne du Canada est la deuxième en importance au monde, précédée seulement de celle des États-Unis. Comme le signale M. Ron Jackson, sous-ministre adjoint à la sécurité et à la sûreté à Transports Canada, dans son témoignage, « nous sommes un acteur de premier ordre dans le domaine de l’aviation ». Il y a 62 250 licences et permis de pilote en vigueur au Canada; 38 p. 100 sont de nature commerciale, et les autres, de nature privée. Il y a 28 000 aéronefs enregistrés au Canada; du total, 22 p. 100 sont des appareils commerciaux, 77 p. 100 sont détenus par des intérêts privés et 1 p. 100 est constitué d’appareils appartenant aux divers gouvernements. Il y a plus de 2 000 exploitants aériens au Canada.

Comme l’explique M. Jackson, les ventes de l’industrie aéronautique canadienne au pays ont totalisé plus de 14,5 milliards en 1998, et nous exportons pour près de 11 milliards de produits aéronautiques. Le Canada est un joueur majeur dans la conception et la fabrication de ces produits. Bombardier est aujourd’hui la troisième avionnerie au monde, après Boeing et le consortium Airbus.

En outre, le Canada compte 10 600 ingénieurs en aéronautique. Ceux-ci détiennent des licences délivrées par Transports Canada qui contrôle cette profession pour faire en sorte qu’elle respecte les règlements du Ministère.

Étant donné l’importance de la communauté aérienne au Canada, le Sous-comité s’inquiète particulièrement de l’augmentation des accidents d’avion prévue d’ici 2010. Comme nous l’a dit le général M. Gerald Marsters, expert de la sécurité dans l’aviation: «...il y a en ce moment près de 50 accidents mortels graves chaque année, qui font entre 1 200 et 1 500 victimes [...] D’ici 2010, le nombre de vols passera à environ 30 millions, soit près du double à ce qu’il est actuellement » (voir le tableau 1). Par conséquent, si le nombre d’accidents par million de vols reste inchangé, il doublera. C’est à dire que, « ...à l’échelle mondiale, il y aura un accident grave tous les 12 à 15 jours plutôt qu’environ 1 par mois »

Les États-Unis se sont engagés à infirmer ces prévisions. Le rapport intérimaire expliquait longuement pourquoi il fallait développer et maintenir une culture de la sécurité au Canada. Les sénateurs étaient alors d’avis, et nous le réitérons ici, que les Canadiens ont le droit de voyager et faire transporter leurs biens en toute sécurité. Nous estimons que la sécurité de tous les modes de transport est primordiale dans l’esprit de tous les acteurs de l’industrie; nous sommes néanmoins heureux que le ministre fédéral des Transports ait adopté le terme culture de la sécurité dans le Plan stratégique en matière de sécurité et de sûreté dans les transports :

 

« Une nouvelle culture de la sécurité »

Poursuivre l’établissement d’une nouvelle culture en matière de sécurité :

en collaborant avec l’industrie et les autres parties intéressées au développement de systèmes et de programmes favorisant l’adoption et le renforcement des pratiques sécuritaires;

 

TABLEAU 1

RÉSUMÉ DES ACCIDENTS D’AÉRONEFS CIVILS À L’ÉCH. INTERN., 1982 À 1999
(DONNÉES DE FLIGHT INTERNATIONAL)

 

ANNÉE NBRE D’ACCIDENTS NBRE D’ACC. MORTELS
1982 33 1012
1983 34 1201
1984 29 451
1985 39 1800
1986 31 607
1987 29 607
1988 54 1007
1989 51 1450
1990 35 611
1991 44 1090
1992 45 1422
1993 48 1109
1994 47 1385
1995 57 1515
1996 57 1840
1997 51 1306
1998 48 1244
1999 48 730
Decade ave. 48 1195

Note 1: Données de l’ancienne Union soviétique incomplètes pour la période avant le début des années 90.
Note 2: Sont exclus les accidents dus à des actes de terrorisme, de piraterie et d’hostilité.

La sécurité n’est pas la responsabilité exclusive de Transports Canada. Nous partageons tous la responsabilité de la sécurité. Cependant, nous pouvons jouer un rôle majeur dans la promotion et l’épanouissement d’une culture de la sécurité plus forte. »

Le Canada n’est pas le seul pays préoccupé par la sécurité du transport aérien. En Grande-Bretagne, dans le 14e Rapport du Comité de l’environnement, du transport et des affaires régionales, déposé le 21 juillet 1999, on s’inquiète de l’attitude complaisante des témoins de l’industrie aérienne qui se satisfont de leur bilan en matière de sécurité, mais font fi des défis de l’avenir. En Australie, une étude de la sécurité du transport aérien régional par le Bureau des enquêtes sur la sécurité aérienne, commandée par le Comité permanent des transports de la Chambre des représentants, révèle plusieurs problèmes de sécurité. Enfin, aux États-Unis, la Commission nationale des transports a entrepris un examen des pratiques d’entretien des avions par les compagnies auxquelles cette tâche est donnée à contrat; cette étude durera un an.

Comme le signale M. Marsters, « Les niveaux de sécurité dont nous jouissons sont remarquables, quoique le système aérien ne soit pas, en soi, sûr ». C’est pourquoi nous devons viser une culture de la sécurité qui imprègne tous les aspects de l’aviation.

M. Marsters nous a expliqué que cette culture de la sécurité est plus nécessaire que jamais, avec l’accroissement du trafic aérien.

«...Personnellement, j’estime que la chose la plus importante que nous devons faire, face à l’augmentation du trafic aérien, c’est de veiller à ce que la culture de la sécurité soit profondément ancrée dans tous les aspects opérationnels de l’aviation. Le professeur Weiner, de l’Université de la Floride, je crois, a présenté ce concept des quatre P. »

L’idée est que les entreprises doivent adopter une philosophie axée sur la sécurité. Il ne suffit pas que le président d’Air Canada affirme: « Nous aurons des avions sûr », puis parte jouer au golf. Il doit imposer cette idée, la véhiculer dans toutes ses actions et faire comprendre à tout le monde que c’est quelque chose en quoi il croit personnellement.

Une telle attitude serait transposée dans les politiques que les gestionnaires élaborent sur l’utilisation des aéronefs, ce qui se répercuterait sur les procédures et, finalement, dans la pratique, c’est-à-dire dans les cabines de pilotage et dans tout ce qui a trait au vol.»

 

Recommandation 1

Nous recommandons que le gouvernement fédéral, les provinces et les acteurs de l’industrie du transport au Canada collaborent à des programmes d’éducation, de recherche et de publicité afin de promouvoir une culture de la sécurité dans tous les aspects de l’industrie aérienne, auprès de tous les Canadiens.

 

2.Aspects de la déréglementation touchant la sécurité

Peut-être plus que tout autre secteur des transports, l’industrie aérienne vit des changements continuels depuis 15 ans. Elle a connu la déréglementation économique, l’« ouverture du ciel », la vente des aéroports à des intérêts locaux, l’augmentation de la concurrence, l’augmentation du trafic passager et la privatisation du système de contrôle de la navigation aérienne au Canada.

Nous nous préoccupons des forces concurrentielles dans le contexte de la déréglementation économique, de la concurrence accrue et de leur effet global sur la sécurité. Un syndicat représentant environ 95 p. 100 des agents de bord au Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique -- Division du transport aérien, a affirmé que la déréglementation économique avait eu un impact négatif sur la sécurité dans le transport aérien.

Devant nous, le syndicat a affirmé qu’on cherchait « l’approche la moins coûteuse à la sécurité ». Il a accusé Transports Canada d’embrasser cette approche en se pliant aux diktats de l’industrie.

Ce témoignage contredit ceux de l’Association canadienne du transport canadien, d’Air Canada et de Canadien. Il remet également en question le fait de laisser les exploitants privés se fier à leur instinct d’entrepreneurs pour déterminer ce qui est efficace dans un milieu hautement compétitif. Ainsi, devant le premier Sous-comité en 1996, l’Administration de l’aéroport de Calgary a affirmé être devenue une entreprise prospère et concurrentielle depuis que le gouvernement s’était retiré de l’exploitation des aéroports.

Bien que cette analyse soit inexacte, elle montre que la déréglementation économique peut contribuer à un marché concurrentiel.

Selon Transports Canada, les données en matière de sécurité ne permettent pas de faire le lien entre la déréglementation et la diminution de la sécurité. En fait, la sécurité s’est améliorée constamment depuis la déréglementation.

Dans un mémoire écrit joint à l’annexe I du présent rapport, Transports Canada précise son rôle en matière de sécurité dans la construction et l'entretien des avions au Canada.

Nous sommes certes impressionnés par le travail réalisé par les employés de Transports Canada et par les témoignages des compagnies aériennes, mais nous craignons que Transports Canada relâche son contrôle sur la sécurité.

 

Recommandation 2

Nous recommandons que Transports Canada revoie chaque année son rôle de contrôleur des aspects sécuritaires de la conception, de la fabrication et de l’entretien des aéronefs, afin de s’assurer qu’aucun intervenant ne sacrifie la sécurité sur l’autel du rendement économique.


CHAPITRE 3

LE BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS

1. Introduction

Le Sous-comité tient en haute estime le personnel -- employés et cadres -- du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Sa réputation de travail, d’efficacité et de persévérance, à la poursuite du détail le plus obscur pour une enquête et pour la cause de la sécurité est bien méritée et parmi les meilleures au monde.

Dans le rapport intérimaire, un chapitre entier était consacré au travail du Bureau, ainsi qu’à la comparaison avec des organismes analogues aux États-Unis et à l’étranger.

Nous réitérons ici les inquiétudes du Comité spécial face au délai de la réponse du gouvernement aux recommandations du Bureau. Cependant, nous reconnaissons combien de temps il faut pour mener à terme une enquête approfondie sur un accident aérien complexe. Nous reconnaissons et apprécions également le soin que le Bureau apporte pour que toutes les parties concernées aient l’occasion de commenter son rapport et ses recommandations avant de les rendre publiques.

Or, une fois les recommandations rendues publiques et remises au ministère des Transports, nous estimons important que Transports Canada réagisse rapidement et de façon décisive. Dans sa réponse, nous croyons que Transports Canada devrait faire intervenir le Parlement et nous répétons donc la recommandation qui se trouve dans le rapport intérimaire sur les réponses de Transports Canada.

 

Recommandation 3

Nous recommandons que le gouvernement soit tenu de répondre aux recommandations du Bureau de la sécurité des transports dans les 90 jours de leur publication, et que ces réponses soient déposées au Sénat et à la Chambre des communes.

 

On nous en voudrait de ne pas féliciter le Bureau de la sécurité des transports pour son travail dans le dossier de l’écrasement de l’avion de la Swissair, il y a environ un an. Le Bureau n’est pas encore prêt à déposer son rapport final sur cette tragédie, mais il a fait des recommandations provisoires. Cette enquête est la plus vaste qu’il a jamais entreprise et nous considérons qu’elle est de grande qualité, et menée avec une rigueur extrême et beaucoup de compassion et de compréhension envers les familles et les personnes éprouvées.

Lors de la comparution du Bureau de la sécurité dans les transports devant le Comité spécial, M. Ken Johnson a indiqué plusieurs domaines où le Bureau pourrait selon lui intervenir dans l’avenir; nous les formulons ici avec nos recommandations.

2. Examens médicaux après accident

Le Bureau aimerait voir son mandat élargi afin de pouvoir mener « des examens médicaux après l’accident permettant notamment d’effectuer des prises de sang ». M. Johnson a expliqué que ces examens aideraient le Bureau à déterminer la cause des accidents, car on pourrait savoir ce que les victimes ont pu absorber. Il pourrait s’agir de médicaments en vente libre ou d’ordonnance, ou d’émanations dans le poste de pilotage. Le témoin a bien dit que le Bureau ne chercherait pas à faire un travail policier, comme déterminer si les pilotes avaient des facultés affaiblies.

3. Effectif, formation, rémunération

L’aspect le plus important du travail du Bureau, ses recommandations, dépend des enquêtes de personnel extrêmement compétents et bien formés, qui sont « prêts à défendre leur position quand ils sont contestés par les grands fabricants d’avions ou les grandes compagnies aériennes ». Par ailleurs, ils doivent avoir suffisamment confiance dans leurs propres capacités pour pouvoir changer d’avis quand on leur démontre qu’ils font erreur.

Ils doivent également être formés dans l’analyse des technologies les plus complexes, et pouvoir l’effectuer rapidement et exactement. Comme l’affirme Ken Johnson, « dans un pays aussi petit que le Canada cependant, il est difficile de trouver des gens qui sont suffisamment experts pour ajouter de la valeur aux genres d’enquêtes que nous effectuons.» En outre, la formation des enquêteurs pour les mettre au fait des nouvelles technologies coûte très cher. Le Bureau de la sécurité des transports a toujours dépensé une bonne partie de son budget en formation et doit continuer de le faire pour pouvoir s’acquitter de son mandat avec compétence.

Le Bureau contribue également à d’autres enquêtes partout dans le monde. Comme l’explique Ken Johnson, cela est une bonne chose car selon lui cette participation débouche sur de meilleures enquêtes:

« Une enquête compétente doit découvrir quels sont les problèmes de sécurité et une enquête compétente s’impose pour veiller à ce qu’un constructeur canadien n’écope pas d’une enquête bâclée. C’est là un aspect important de notre travail.»

 

4. Collecte et analyse des données

Le Canada est presque le seul pays du monde à avoir un système de rapports confidentiels permettant aux gens qui constatent un problème de sécurité de le signaler en toute confiance au Bureau. L’information recueillie est analysée et soumise à Transports Canada, si le Bureau établit que le Ministère doit intervenir et agir par règlement.

Cependant, si les données traitées par le Bureau sont de la plus grande qualité, cela n’est pas toujours vrai des données recueillies et consignées par des organismes analogues dans le monde. Pour améliorer la sécurité du transport aérien, il est essentiel que tous les intervenants de l’industrie partagent des données aussi uniforme que possible

Le Canada devrait être à l’avant-garde dans la collecte, l’organisation et la diffusion des données sur les incidents et les accidents, à l’échelle de la planète.

 

5. Programme d’aide aux familles

Dans le rapport intérimaire, on recommandait un programme d’aide destiné aux familles et aux proches des victimes d'accidents. Depuis, il y a eu l’écrasement de l’avion de la Swissair, et un travail remarquable d’aide aux familles des victimes.

À l’heure actuelle, la responsabilité d’aider les familles est partagée entre plusieurs acteurs de l’industrie. M. Johnson a affirmé que le Bureau pourrait jouer un rôle important dans l’aide aux familles dans la mesure où il n’est pas responsable d’appliquer un plan coercitif. Comme il le dit, « à condition d’avoir les ressources suffisantes, nous pourrions assurer la coordination et la planification.»

Le Sous-comité croit que le Bureau et l’Agence nationale des transports pourraient ensemble organiser l’aide aux familles, la délimiter et la distribuer.

 

6. Enregistreur de vol

Avec l’accident de la Swissair, on a beaucoup parlé des problèmes avec les données de vol et les enregistreurs de conversations. C’est le Bureau de la sécurité des transports qui a perfectionné l’enregistreur de vol, la fameuse « boîte noire ». Selon nous, il faut encourager le Bureau à poursuivre le travail dans ce domaine, en particulier dans le contexte des problèmes causés par la panne de l’enregistreur de vol de la Swissair.

 

7. Enquête sur les accidents aériens militaires

Le Sous-comité s’inquiète beaucoup du conflit d’intérêts qui peut surgir lorsque l’armée enquête sur ses propres accidents. Lorsqu’on a demandé au Bureau de la sécurité des transports de se charger de cette responsabilité dans le cadre d’un mandat élargi, M. Johnson a répondu ce qui suit :

« Tout d’abord, nous ne cherchons pas à inclure les militaires dans notre mandat.

Si, toutefois, le gouvernement nous demandait de le faire et s’il nous donnait les ressources nécessaires, nous le pourrions sans aucun doute.

Il existe un régime semblable au Royaume-Uni. Je n’en connais pas les modalités précises, mais je crois me souvenir que la Air Accidents Investigation Branch, l’organisme civil chargé d’enquêter sur les accidents d’avion, est responsable des aspects techniques des enquêtes, alors que les forces armées s’occupent des aspects opérationnels. C’est ainsi que les Britanniques ont résolu le problème.

Nous pouvons mener l’enquête indépendamment, l’un ou l’autre organisme peut s’en charger ou ce peut être fait de façon conjointe. Il s’agit de faire un choix. La plupart de nos enquêteurs ont déjà fait partie des forces armées.»

 

Recommandation 4

Nous recommandons d’accorder au Bureau de la sécurité des transports l’autorité nécessaire pour faire des examens médicaux après les accidents.

Nous recommandons que le gouvernement affecte les ressources nécessaires au Bureau de la sécurité des transports afin que ses enquêteurs puissent recevoir une formation relative à l’équipement le plus avancé sur le plan technologique.

Nous recommandons de confier au Bureau de la sécurité des transports la responsabilité de mettre en oeuvre l’aide aux familles et aux victimes au Canada, pour tous les modes de transport qui relèvent de lui.

Nous recommandons que la responsabilité du Bureau de la sécurité des transports soit étendue aux enquêtes sur les accidents militaires, et que le Bureau reçoive des ressources en conséquence. Si un civil est blessé ou tué, le Bureau serait le principal responsable de l’enquête.

Nous recommandons d’accorder des ressources suffisantes au Bureau de la sécurité des transports pour assumer toutes ces fonctions.


CHAPITRE 4

QUESTIONS DE SÉCURITÉ PROPRES AU TRANSPORT AÉRIEN

1. Introduction

Comme M. Marsters l’a affirmé devant le Comité spécial, le transport aérien est sécuritaire, mais il ne s’agit pas là d’une composante inhérente de ces industries. Ce mode de transport n’est pas à l’abri des problèmes de sécurité même si les statistiques du Bureau de la sécurité des transports montrent un déclin graduel des accidents aériens au Canada depuis 1988. Ken Johnson, un employé du Bureau, a déclaré que la sécurité dans le secteur de l’aviation était très étroitement liée à la « maîtrise des nouvelles technologies et aux performances humaines ». Il craint que les nouveaux appareils que l’on construit maintenant pardonnent moins les erreurs de pilotage que cela ne pourrait être le cas. Comme il l’a déclaré :

« Dans le secteur de l’aviation, la maîtrise des nouvelles technologies et les performances humaines représentent des facteurs de grande importance. Les aéronefs sont complexes et rapides. Ils doivent être dotés d’équipages compétents, vigilants et hautement qualifiés, et si tout fonctionne bien, il n’y a pas de problème. Dans le cas contraire, il y a des problèmes. Je ne suis pas certain que tous les modèles tiennent compte de toutes les erreurs qu’est susceptible de commettre un personnel bien formé et compétent, qui fait de son mieux, mais commet néanmoins des erreurs. Si les modèles en tenaient compte, il y aurait moins d’accidents.»


TABLEAU 2

STRATÉGIE POUR ATTEINDRE NOTRE OBJECTIF
Diminuer de moitié le taux d’accidents dans le monde d’ici 2007

  • Mettre l’accent sur la réduction des impacts sans perte de contrôle, et des accidents en phase d’approche et d’atterrissage
  • Promouvoir l’application des interventions existantes par le biais :
  • Des leaders à l’échelle mondiale
  • Des programmes régionaux
  • Participer à l’élaboration de nouvelles interventions de grande influence par l’entremise des entités suivantes :
  • CAST – JSATs et JSITs pour CFIT, LOC, ALAR
  • Programmes régionaux
  • Promouvoir une meilleure utilisation des caractéristiques que possèdent déjà nos produits
  • Déterminer, développer et appliquer les caractéristiques de prévention des accidents que possèdent nos produits

Boeing Commercial Airplanes Group


Dans sa réponse écrite à des questions qui lui avaient été soumises, Transports Canada a indiqué que les trois grands problèmes de sécurité étaient les « pratiques de gestion en matière de sécurité, la technologie, et le contrôle de la sécurité dans le monde ». (Voir l’annexe I)

Selon M. Marsters, les problèmes de sécurité qu’il a relevés continueront de se poser dans l’avenir. Selon lui, l’impact sans perte de contrôle (ISPC), la formation et la pénurie d’équipages expérimentés, le besoin de doter les appareils de systèmes ADS-B pour qu’ils puissent se « voir » en vol à plusieurs kilomètres les uns les autres, la prolifération des véhicules aériens télé-pilotés et la nécessité d’une culture de la sécurité plus étendue au sein de l’industrie aéronautique au Canada sont les problèmes de sécurité les plus urgents aujourd’hui.

Lors de la visite chez Boeing à Seattle, M. Ronald H. Robinson, directeur du groupe des appareils commerciaux, a confirmé que les plus grandes préoccupations de Boeing en matière de sécurité portaient sur les problèmes d’ISPC, la perte de maîtrise par un pilote et les problèmes d’approche et d’atterrissage.

D’autres témoins ont insisté sur des facteurs comme la fatigue. Tous se sont montrés disposés à collaborer à l’examen de toutes ces questions pour rendre le transport aérien encore plus sécuritaire qu’il ne l’est aujourd’hui.

Nous abordons maintenant des questions de sécurité soulevées au cours des audiences du Comité spécial. Nous ne voulons pas refaire ici le travail du Bureau de la sécurité des transports ou encore commenter directement ses résultats, sauf dans certains cas afin d’exhorter le gouvernement à mettre en oeuvre les recommandations du Bureau.

Nous voulons toutefois attirer l’attention du gouvernement sur des questions qui méritent à notre avis l’examen attentif de Transports Canada. Dans la plupart des cas, nos commentaires s’accompagnent de recommandations. Cependant, l’absence de recommandations ne devrait en aucun cas minimiser les questions soulevées.

 

2. Impact sans perte de contrôle (ISPC)

Presque tous les témoins ont reconnu que l’ISPC est et sera un des plus grands, sinon le plus grand, problèmes de sécurité en navigation aérienne. Comme M. Marsters l’a dit : « On pourrait se demander pourquoi un pilote voudrait percuter le sol en gardant le contrôle de son appareil. Cependant, cela se produit fréquemment. En fait, on sait que c’est lors d’impacts sans perte de contrôle qu’il y a eu le plus de pertes de vie dans le domaine de l’aviation au cours des 20 à 30 dernières années ».

Le problème tient simplement à la complexité croissante des systèmes de bord, de plus en plus gérés par des ordinateurs sans intervention directe de l’équipage; il devient alors plus facile de « perdre le nord » ou plus difficile de simplement savoir où se trouve vraiment l’appareil par rapport au sol.

Les représentants de Boeing ont déclaré qu’il faut mettre l’accent sur les ISPC pour réussir à diminuer de moitié le taux d’accidents d’ici 2007. Pour y arriver, les compagnies aériennes doivent inclure dans leurs programmes de formation et de sensibilisation des cours de prévention des ISPC.

Transports Canada et Boeing considèrent que le système avertisseur de proximité du sol amélioré, mis au point par Allied Signal, fait partie de la solution au problème des ISPC. Ce système affiche dans la cabine le relief du terrain devant l’aéronef et avertit l’équipage des risques d’impact.

M. Richard Sowden, président, Division de la technique et de la sécurité, Association des pilotes d’Air Canada, est d’avis qu’il ne faut pas uniquement compter sur la technologie de pointe pour éviter les ISPC. Il a déclaré :

« L’on manquerait de vision si l’on comptait sur la technologie pour éliminer le problème des "impacts sans perte de contrôle". L’ISPC est une question complexe faisant intervenir des améliorations aux règlements, des changements technologiques et de la formation. Plusieurs choses peuvent être faites. Nous pourrions assurer de meilleures approches technologiques en matière d’aides à l’atterrissage pour les aéronefs. Par exemple, les approches de précision qui dessinent une trajectoire verticale et une trajectoire horizontale pour l’abord de la piste affichent une incidence sensiblement inférieure d’accidents de type ISPC. Les approches non précises qui ne donnent pas la composante verticale, connaissent un taux d’accident beaucoup plus élevé. Il faudrait donc prévoir davantage d’approches de précision.

L’autre solution serait d’utiliser la technologie actuelle lors d’approches non précises, comme on les appelle, sans guides verticaux, et d’obtenir de NAV CANADA et de Transports Canada qu’ils adoptent l’idée de donner un angle constant de descente jusqu’à la piste.

Le processus actuel suppose une série d’étapes à diverses altitudes. C’est la mauvaise interprétation de ces altitudes, peut-être du fait qu’un pilote fatigué fixe la mauvaise altitude, qui mène à ce genre d’accidents.»


(TABLEAU 3)

STRATÉGIE DE L’OACI

2.Objectifs stratégiques*

2.1Les objectifs du présent Plan d’action stratégique sont de promouvoir la sécurité et l’efficience de l’aviation civile internationale et les principes approuvés dans la Convention relative à l’aviation civile internationale. À cette fin, l’Organisation de l’aviation civile internationale entend :

Favoriser l’application maximale des normes et des pratiques recommandées de l’OACI à l’échelle mondiale.

Élaborer et adopter des versions nouvelles ou modifiées des normes, des pratiques recommandées et des documents apparentés de manière ponctuelle afin de répondre aux besoins changeants.

* de l’OACI


TABLEAU 4

Mesures prises par l’OACI concernant les impacts sans perte de contrôle

  • Élaboration de normes et de pratiques recommandées
  • Exigence d’un Système avertisseur de proximité du sol pour tous les aéronefs à turbine et piston
  • Système avertisseur de proximité du sol et Predictive Terrain Hazard Warning (système SARP proposé)
  • Avertissement d’altitude minimale de sécurité (proposition de l’annexe I)
  • Critères établis pour les approches non précises du Système mondial de navigation par satellite, pour les aéronefs avec système de gestion de vol incorporant des composantes de navigation verticale
  • Approches stabilisées
  • Définition du contenu des manuels d’instructions pour éviter les impacts sans perte de contrôle et les approches stabilisées (avec un plan de procédures d’utilisation normalisées)
  • Distribution de matériel d’éducation et de formation sur les impacts sans perte de contrôle

TABLEAU 5

Le problème numéro un – l’application à l’échelle mondiale

  • Des interventions importantes sont possibles
    • Impact sans perte de contrôle :
    • Système avertisseur de proximité du sol amélioré – production et modification
    • Approches de précision (LNAV/VNAV, RNAV/RNP, GPS, etc.)
    • Gestion du personnel affecté aux aéronefs
    • Systèmes d’avertissement d’altitude minimale de sécurité
    • Approches stabilisées
    • Formation d’intervention lors d’impact sans perte de contrôle
    • Perte de contrôle :
    • Gestion du personnel affecté aux aéronefs
    • Modification des aéronefs
    • Inverseur de poussée, pylônes
    • Approche et atterrissage :
    • Approches de précision (LNAV/VNAV, RNAV/RNP, GPS, etc.)
    • Crew Resource Management
    • Facteurs humains :
    • Maintenance Error Decision Aid (MEDA)
    • Procedural Event Analysis Tool (PEAT)
    • Divers :
    • Programmes d’assurance de la qualité des opérations aériennes
    • Mode C/TCAS
    • Programme d'entretien de sécurité
    • Les organes de réglementation sont bien placés pour agir

Boeing Commercial Airplanes Group


Recommandation 5

Nous recommandons que, sous la direction de Transports Canada, tous les aéronefs conçus pour transporter plus de 40 passagers soient dotés de systèmes avertisseurs de proximité du sol améliorés et qu’un délai de conformité raisonnable soit fixé aux compagnies aériennes.

Nous recommandons que Transports Canada adopte un règlement exigeant que tous les nouveaux aéronefs de fabrication canadienne, conçus pour transporter plus de 40 passagers, soient dotés de systèmes avertisseurs de proximité du sol améliorés.

 

3. Formation

Des témoins ont indiqué que la meilleure façon d’améliorer la sécurité consistait à bien former le personnel du transport aérien. Selon le Bureau de la sécurité des transports, il faudrait que les enquêteurs reçoivent une formation poussée pour pouvoir analyser avec pertinence les pièces complexes provenant d’aéronefs impliqués dans des accidents. Le Bureau est aussi d’avis que les « équipages doivent recevoir une formation très poussée » pour pouvoir connaître à fond le matériel complexe dont sont dotés les aéronefs, surtout dans les situations d’imprévus.

M. Marsters a fait le lien entre la formation et la pénurie d’équipages expérimentés. Selon lui, le personnel reçoit une formation suffisante pour intervenir à des altitudes inhabituelles. Il semble évident que les pilotes qui n’ont pas connu le plaisir de faire des tonneaux, voire de faire de l’acrobatie aérienne, ne possèdent pas les qualités qu’il faut pour voler à des altitudes inhabituelles. Il a terminé son témoignage en disant: « Selon moi, la pénurie de pilotes bien entraînés constitue un problème grave et un énorme défi pour l’avenir.»

Son opinion est partagée par le Bureau de la sécurité des transports dans son rapport sur l’écrasement d’un Canadair d’Air Canada à l’aéroport de Fredericton le 10 décembre 1997. Le Rapport d’enquête sur accident aéronautique du Bureau révèle dans sa conclusion , Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs, ceci :

29.Ni Bombardier Inc., ni Transports Canada, ni Air Canada ne se sont assurés que la réglementation, les manuels et les programmes de formation permettaient aux équipages de conduite d’acquérir les connaissances nécessaires pour faire la transition au vol à vue pour l’atterrissage ou pour exécuter une remise des gaz, et ce en toute sécurité et avec régularité, dans les conditions qui prévalaient lors du vol de l’accident, notamment compte tenu du régime de l’avion au moment où la remise des gaz a été entreprise.

     

Sous la rubrique « Autres faits établis », on peut lire:

  1. Les membres de l’équipage de conduite n’avaient pas reçu de formation pratique sur le fonctionnement des issues de secours dans le cadre de leur programme de formation initial, même si c’était obligatoire en vertu de la réglementation.
  2. Le programme de formation initial d’Air Canada à l’intention de ses équipages de conduite ne comprenait pas de formation pratique sur le fonctionnement des issues de secours d’aile et de la trappe d’évacuation du poste de pilotage.
  3. La formation annuelle aux procédures d’urgence donnée par Air Canada à ses équipages de conduite sur le fonctionnement et l’utilisation des issues de secours ne comprenait pas la formation pratique exigée tous les trois ans. La formation annuelle portant sur les issues de secours comprenait uniquement des démonstrations.
  4.  

Ces lacunes de formation ont été corrigées, mais cet accident et le rapport du Bureau illustrent l’importance d’une bonne formation pour la sécurité des passagers.

Nous comprenons que la formation est un élément qui peut être sous-traité par les compagnies aériennes. Nous exhortons Transports Canada à demeurer vigilant afin d’assurer au Canada les normes de formation les plus rigoureuses; Transports Canada pourrait peut-être, de concert avec l’industrie aérienne, examiner l’imposition d’une formation uniformisée.

 

4. Systèmes automatiques d’observation météorologique (AWOS)

Le rapport intérimaire du Comité spécial renferme un chapitre complet sur les AWOS et sur le rapport avec l’élimination du personnel des phares de la côte Ouest. On a conclu à l’époque que « le moratoire sur l’automatisation des phares doit être maintenu tant qu’on n’aura pas prouvé que les systèmes automatiques d’observation météorologique sont toujours fiables, en particulier par mauvais temps ».

Nous sommes également au fait du rapport du Comité parlementaire spécial sur les phares présidé par la sénatrice Pat Carney, c.r., de la Colombie-Britannique, et de ses deux rapports sur les phares et les AWOS.

L’Air Line Pilots Association (ALPA) a soutenu devant le Comité spécial que, comme la technologie du système de détection des AWOS en est toujours à ses balbutiements, elle manque de précision, surtout en ce qui a trait à la visibilité. L’Association conclut ainsi son analyse de la technologie AWOS :

« Nous sommes d’avis que le principal système d’observation météorologique ne devrait pas reposer sur cette technologie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Pour l’instant, l’observation humaine, avec toutes les subtilités et les précisions qu’elle suppose, demeure au coeur du système.»

La Canadian Owners and Pilots Association (COPA) s’oppose elle aussi aux AWOS comme seuls instruments d’observation météorologique. Selon l’Association, ils ne répondent pas aux besoins de sécurité des utilisateurs. La COPA a ensuite expliqué que les photographies radar et satellite sont offertes aux utilisateurs disposés à les acheter et sont donc transmises sur des sites d’information Internet en retard.

Cette situation est inquiétante dans les régions éloignées où les messages météo sont peu fréquents et où les aides à la navigation sont rares. Ces régions ne sont en général desservies que par de petits avions qui volent à basse altitude. La COPA craint que, dans un effort pour réduire les coûts, NAV CANADA, de concert avec Environnement Canada, réduise le filet de sécurité déjà ténu offert par les observations météo, dont dépendent étroitement les pilotes de petits appareils qui desservent les régions éloignées de ce vaste pays.

NAV CANADA souligne dans son témoignage que Transports Canada a levé le moratoire sur l’installation de systèmes AWOS en 1998. Toutefois, NAV CANADA a dit clairement :

« Notre position est que l’on ne veut pas se servir du AWOS comme d’un système autonome, à moins que nos clients veulent qu’on le fasse. Même dans ce cas, nous ne le ferions qu’après une étude aéronautique comme celle à laquelle j’ai fait allusion, soit une étude qui examine toutes les répercussions au niveau de la sécurité. En outre, la mise en oeuvre du AWOS serait assujettie à une étude climatologique effectuée par Environnement Canada.»

 

Recommandation 6

Nous recommandons que les systèmes AWOS, une fois installés, soient exploités en parallèle avec une station météorologique dotée d’un personnel pendant au moins deux ans pour qu’on puisse vérifier l’exactitude de l’information produite par ces systèmes.

Nous recommandons que, dans les régions éloignées du Nord, NAV CANADA et Environnement Canada soient encouragés par des ressources suffisantes à maintenir ou améliorer les services météorologiques si essentiels pour la sécurité aérienne.

 

5. Fatigue

La fatigue a été mentionnée comme facteur pouvant compromettre la sécurité. Un équipage fatigué ne peut de toute évidence être vigilant, et un manque de vigilance peut compromettre la sécurité d’un vol.

Transports Canada reconnaît les problèmes associés à la fatigue tant chez les pilotes que chez les agents de bord. Des règlements concernant la question des temps de vol et de service des agents de bord sont en préparation.

Boeing et Transports Canada ont fait part des études de la NASA sur la fatigue et de ses recommandations quant à l’efficacité d’une période de repos contrôlée dans le poste de pilotage.

L’Association des pilotes d’Air Canada a expliqué en détail comment l’application à la lettre des normes du Règlement de l’aviation canadien (RCA) peut priver les pilotes de périodes de repos suffisantes pour piloter un appareil avec vigilance et donc en toute sécurité. Selon l’Association, le RAC « ignore le gros des recherches scientifiques et maintient pour les agents de bord des limites de temps de service dépassées et non sécuritaires.»

Le Syndicat canadien de la fonction publique a aussi indiqué au Comité spécial que les temps de vol et de service pouvaient influer sur la performance des agents de bord. On nous a fait comprendre que la partie du RAC qui est en préparation concernant les agents de bord est « totalement inacceptable ».

Nous reconnaissons qu’il faut réglementer les temps de vol et de service pour donner aux passagers l’assurance que les équipages sont toujours vigilants. L’ALPA propose une solution intéressante :

    « L’ALPA recommande de songer à un système progressif concernant les règlements sur les périodes de travail, comportant des réductions de leur durée selon l’heure du début de chaque période, ainsi que le nombre et le type de secteurs exploités. De tels systèmes sont en place ailleurs dans le monde et la FIAPL les préconise. Il faudrait mettre l’accent sur les programmes d’augmentation de membres d’équipage sur les vols de longue distance et garantir l’existence de bonnes installations de repos avant d’envisager d’allonger les périodes de travail. Les normes s’appliquant aux équipages de réserve devraient être soigneusement étudiées afin de prévoir des périodes de repos appropriées et éviter que cela ne donne lieu à des risques d’accident.»

Nous exhortons tous les intervenants du transport aérien à travailler ensemble afin d’établir des limites de temps de vol et de service appropriées pour tous les équipages. Pour faciliter ce travail de longue haleine, nous avons annexé au présent rapport un résumé comparatif préparé à notre intention par l’Association des pilotes d’Air Canada (annexe II). À notre avis, les éléments comparables présentés par la Grande-Bretagne et les États-Unis devraient être pris en compte dans le dialogue sur la question de la fatigue.

 

6. Partage de l’information

Dans le rapport intérimaire, on insistait sur la nécessité de partager l’information sur la sécurité dans l’industrie aérienne. Ce n’est qu’en étudiant les incidents et les accidents que les organismes de réglementation peuvent formuler et adopter des recommandations qui amélioreront la sécurité du transport aérien. Cependant, on ne peut adopter de règlement que si tous les incidents et accidents sont signalés. Il est important de savoir à cet égard quelle méthode le Bureau de la sécurité des transports utilisera pour recueillir l’information et y donner suite.

Lors de la Deuxième conférence mondiale sur la sécurité dans les transports tenue à Delft, aux Pays-Bas, on a proposé que l’OACI recueille et traite les données des pays membres sur les accidents et les incidents.

NAV CANADA a institué un système de déclaration non punitif. Le RAC exige que NAV CANADA note tous les incidents et accidents, et les signale à Transports Canada pour analyse. NAV CANADA a indiqué qu’il tentait de convaincre l’industrie de partager l’information pour améliorer la sécurité.

Pour sa part, l’Association des pilotes d’Air Canada a traité en détail des problèmes juridiques liés à la déclaration des incidents ou des accidents.

« L’une des plus grosses questions ici est la responsabilité quant aux renseignements fournis. Il y a au sein de l’industrie une sérieuse crainte que la divulgation de renseignements crée un problème de responsabilité potentielle de l’exploitant -- en d’autres termes, que ces renseignements puissent être utilisés contre l'exploitant en cas de poursuite devant les tribunaux.

L’on a vu des cas du genre au sud de la frontière, et je songe ici tout particulièrement à l’accident de l’American Airlines à Cali, en Colombie. Dans cette affaire, les avocats de l’accusation ont agressivement recherché les données en matière de sécurité d’un programme d’American Airlines intitulé ASAP.

Il y a une façon de régler cela. Notre association, en collaboration avec notre employeur, tente d’obtenir non seulement des assurances, sur le plan politique, auprès de Transports Canada, mais également des documents juridiques ou incitatifs protégeant le caractère confidentiel des renseignements en matière de sécurité.

Si nous allons nous occuper de programmes de collecte et de diffusion des données, nous craignons que celles-ci soient utilisées pour attaquer notre société et nos membres. C’est là le noeud du problème : la responsabilité liée aux renseignements. Si nous parvenons à trouver un moyen juridique de les protéger -- et il faudrait que cela soit inclus dans la Loi sur l’aéronautique -- alors nous pourrons traiter de la question.

Si vous permettez que je vous parle un petit peu plus de son importance, si vous prenez l’arbre ou la pyramide statistique d’informations que vous utilisez pour améliorer la sécurité aérienne, nous nous sommes traditionnellement fondés sur les accidents et les incidents. Les cyniques parmi nous appellent cela la "méthodologie des pierres tombales". Nous ne récupérons qu’environ 5 à 10 p. 100 des données. Pour ce qui est des catastrophes frisées, 80 à 90 p. 100 des données disponibles nous font défaut. Ces catastrophes manquées sont importantes, étant donné qu’elles peuvent nous fournir des renseignements essentiels susceptibles de nous aider à améliorer le système de sécurité.»

     

Recommandation 7

Nous recommandons que le gouvernement envisage de modifier la Loi sur l’aéronautique pour protéger des recours en justice ceux qui fournissent des renseignements sur la sécurité, protéger le caractère confidentiel de ces renseignements et dégager de toute responsabilité les entreprises qui fournissent ces renseignements et leurs employés.

 

7. Dépistage des drogues et de l’alcool

Dans le rapport intérimaire, on analysait en détail la question de la toxicomanie et de l’alcool dans l’industrie des transports. Il était recommandé que Transports Canada revoie sa position et autorise des test obligatoires et aléatoires de dépistage de drogues et d’alcool dans l’industrie.

Nous avons conclu que la mesure ne s’impose pas dans l'industrie aérienne au Canada. Même si nous revenons sur l’idée d’imposer des test aléatoires, nous sommes toujours d’avis que le Bureau de la sécurité des transports devrait avoir le pouvoir d’effectuer des examens médicaux après un accident.

Nous sommes préoccupés par l’effet que les médicaments en vente libre et d’ordonnance pourraient avoir sur la performance. Nous exhortons Transports Canada d’étudier les effets de ces médicaments sur la vigilance du personnel responsable de la sécurité dans l’industrie aérienne.

 

8. Passagers perturbateurs ou enragés

L’industrie du transport aérien au Canada est maintenant confrontée au problème des passagers turbulents et à la façon d’intervenir. Nous sommes heureux d’apprendre que tous les secteurs de l’industrie participent à un groupe de travail de Transports Canada qui fera des recommandations pour résoudre le problème.

Le problème se pose surtout sur les vols internationaux. M. Sowden de l’Association des pilotes d’Air Canada nous a expliqué la situation :

    « Une question qui se rattache à la sécurité et qui a fait l’objet de beaucoup de discussions est celles des passagers perturbateurs ou enragés. C’est un très grave problème. J’ai déjà été capitaine d’un avion dans lequel se trouvaient de tels passagers. Ce n’est pas juste que les médias en font davantage état; je peux vous confirmer que le taux d’incidences statistiques de ce problème est plus élevé, bien que je n’aie pas les chiffres.

    Il y a à cet égard des problèmes d’ordre juridique. Nous avons déjà eu des problèmes. Par exemple, un vol en partance de la Jamaïque a dû se détourner sur Miami à cause d’un passager violent. Lorsque nous avons atterri, le pilote a dit "faites descendre cette personne, portez des accusations contre elle, faites quelque chose". Le pilote s’est fait dire qu’on ne pouvait rien faire. C’était un appareil enregistré au Canada; le passager n’était pas un citoyen américain; il n’avait pas blessé un citoyen américain; et l’incident ne s’était pas produit dans l’espace aérien américain. Les autorités ont dit : « Excusez-nous, mais ce n’est pas notre problème ». If faut qu’il y ait un effort mondial concerté en vue d’élaborer des moyens de poursuivre les passagers perturbateurs qui mettent en danger le vol.

    Si nous avions un problème avec un passager canadien entre Toronto et Fredericton, nous pourrions nous en occuper. Les choses se corseraient un petit peu si cette personne était originaire des États-Unis, du Mexique, de la Grèce ou d’ailleurs. C’est une question difficile. Il faut qu’il y ait un effort concerté pour élaborer des textes de loi et des protocoles tels que ces personnes puissent être poursuivies, car à l’heure actuelle, ce n’est pas ce qui se passe.»

Nous appuyons ceux qui cherchent une solution législative à ce problème. Il est intolérable de penser que les préposés aux passagers subissent de mauvais traitements comme ceux-là. Nous sommes en faveur de l’emploi de menottes à bord des avions si c’est là le bon moyen pour maîtriser les passagers turbulents.

Recommandation 8

Nous recommandons que le gouvernement du Canada entreprenne une démarche concertée pour résoudre le problème des passagers turbulents.

Nous recommandons de modifier le Code criminel pour faciliter la tâche des agents de maintien de l’ordre aux prises avec des passagers turbulents qui ne sont pas citoyens canadiens.

Nous recommandons de modifier le Règlement de l’aviation canadien pour permettre aux transporteurs de refuser l’embarquement à quiconque présente, selon eux, une menace pour la sécurité.

Nous recommandons que l’OACI prépare un traité international qui reconnaîtra à la communauté aérienne internationale le pouvoir et la compétence de prendre les mesures qui s’imposent pour régler le problème des passagers turbulents afin d’assurer la sécurité des passagers et des équipages.

 

9. Matières dangereuses

Dans le rapport intérimaire, on traitait brièvement du transport des matières dangereuses sur route et de la nécessité du transport aérien des biens pour les habitants et les transporteurs du Nord.

Quand un avion transporte des marchandises dangereuses, la sécurité peut être compromise comme le montre l’écrasement d’un Valu Jet dans les Everglades, en Floride, causé par de mauvaises conditions de stockage de bouteilles d’oxygène dans une soute dépourvue de dispositifs de lutte contre les incendies.

La solution aux problèmes de ce genre pourrait être aussi simple que celle proposée par l’Association des pilotes d’Air Canada :

    « Si l’appareil n’est pas équipé comme il se doit, alors il vous faut examiner quels produits dangereux vous transportez, surtout s’ils sont susceptibles de poser un risque de combustion. Si l’appareil n’est pas muni du matériel approprié, alors la seule solution sûre est de ne pas les transporter. En passant, il y a un très grand nombre de transporteurs américains que ne transportent pas du tout de produits dangereux, quels qu’ils soient.»

Dans notre pays, Transports Canada est responsable de réglementer le transport aérien des matières dangereuses. Les résultats de l’évaluation de sécurité de l’OACI sur Transports Canada vont tout à fait dans le sens du travail fait par le Ministère en matière de transport de marchandises dangereuses.

De plus, Boeing a informé le Comité spécial des précautions qu’elle conseille aux compagnies aériennes de prendre pour le transport des marchandises dangereuses. À noter que la loi exige que quiconque manipule, offre de transporter ou transporte des matières dangereuses doit être formé par une personne compétente en matière de manutention de matières dangereuses ou doit travailler directement sous sa supervision.

À noter également que Transports Canada a inclus, dans les normes de conception des nouveaux modèles d’avions de transport, des critères pour les revêtements qui limitent la pénétration des flammes et des critères de détection et de suppression des flammes. En outre, le Ministère est en voie d’adopter un règlement qui exigera, dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur du règlement, que des revêtements et dispositifs de détection et de suppression des flammes soient installés dans la plupart des appareils exploités aux termes de la partie VII du Règlement de la Loi sur l’aéronautique.

Nous exhortons Transports Canada à continuer dans cette voie et, si possible, à réduire le délai d’adaptation des appareils existants.

 

10. Avions ultra-légers

Dans le rapport intérimaire, on traitait brièvement de la question des avions ultra-légers munis d’un parachute. On a ainsi appris au cours de rencontres avec les Américains que l’écrasement l’an dernier de 82 appareils ultra-légers dotés de parachutes n’avait fait aucun blessé grâce au déploiement des parachutes.

Cette question a été soulevée avec Transports Canada et divers témoins. Ces parachutes ou systèmes de récupération balistique (SRB) peuvent être installés à bord des appareils.

Les SRB peuvent sauver des vies, s'ils sont installés correctement et ne sont déployés que dans les « bonnes » situations d’urgence. Transports Canada a expliqué qu’un SRB pouvait offrir des avantages de sécurité en cas d’atterrissage impossible ou comme mesure de « dernier recours » en cas de défaillance de structure en vol.

Les fabricants et les exploitants d’appareils ultra-légers semblent préférer augmenter la sécurité en faisant appel à des éléments plus résistants et efficaces pour améliorer l’ensemble de la structure de l’appareil plutôt que d’y ajouter du poids sous la forme d’un SRB qui ne saurait être utile que dans un nombre limité de cas.

Le secteur des ultra-légers voudrait que Transports Canada étende le permis des ultra-légers au transport de passagers.

Dans son témoignage, la Canadian Owners and Pilots Association a précisé au Comité spécial que le Cirrus, le plus récent appareil léger en instance d’homologation aux États-Unis, est équipé d’un parachute déployable de série. Ce dernier est conçu pour se déployer à la moindre défaillance. Toutefois, son prix est élevé et représente quelque 15 p. 100 du coût de l’appareil.

L’Association a déclaré qu’il serait pratiquement impossible d’équiper après coup un appareil ultra-léger d’un parachute, car il faudrait démonter l’appareil, puis le remonter, opération qui risquerait de compromettre plutôt que d’améliorer la sécurité.

Aux États-Unis, la FAA suit de près l’expérience du Cirrus à parachute déployable afin de déterminer s’il s’agit d’un succès ou si la technologie présente des problèmes.

Nous exhortons Transports Canada à suivre également la situation car, à notre avis, des vies pourraient être sauvées si on exigeait que les ultra-légers soient équipés d’un parachute capable de se déployer dans des situations d’extrême urgence.

 

11. Appareils vieillissants

Il est connu que bien des appareils continuent de voler au-delà de leur durée utile prévue. À cet égard, Boeing a entrepris un programme mondial d’examen régulier de l’état de la structure et de tous les systèmes des appareils vieillissants. La société a en outre soumis certains appareils à des essais de fatigue et à des contrôles sur table pour compléter les données recueillies.

Aux États-Unis, la FAA a formé le Ageing Transport Systems Rule Making Advisory Committee. Au Canada, Transports Canada contrôle la sécurité des appareils canadiens en procédant à des inspections et en approuvant les programmes d’entretien des compagnies. Les inspecteurs et les ingénieurs de Transports Canada inspectent les appareils au hasard lors des grandes révisions.

Comme les problèmes de câblage et les accidents très médiatisés ont été nombreux depuis quelques années, la FAA a étendu ses programmes d’inspection des appareils vieillissants aux systèmes électriques, pneumatiques et hydrauliques.

Nous avons appris que Transports Canada participe de près à toutes ces activités et communique régulièrement avec tous les exploitants canadiens de flottes pour suivre la situation et pour corriger tout problème avant qu’il ne compromette la sécurité.

Nous exhortons Transports Canada à continuer de contrôler les appareils vieillissants au Canada pour garantir la sécurité des passagers et rendre publics chaque année les résultats de ses études sur les problèmes liés aux appareils vieillissants.

 

12.Conception des appareils

Durant la visite chez Bombardier, le Comité spécial a été informé des longs délais que Transports Canada imposait à cette société avant d’approuver la conception de ses nouveaux appareils. Ces délais peuvent être très coûteux dans un marché fortement concurrentiel. Le Comité spécial est porté à croire que ce problème est attribuable à un manque de ressources de Transports Canada. Ce ministère doit disposer de ressources suffisantes dans ce secteur si nous souhaitons que le Canada soit réellement concurrentiel à l’échelle internationale dans la conception et la fabrication d’appareils.


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