Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 1 - Témoignages pour la séance du soir
OTTAWA, le mardi 26 octobre 1999
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 heures, conformément au paragraphe 47(5) de la Loi sur les transports du Canada, pour étudier le décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle.
La sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: C'est la première fois que notre comité se réunit pour étudier le décret du conseil autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle.
Nous sommes très heureux d'accueillir le ministre ce soir. Je sais que vous avez travaillé très fort à la Chambre des communes, vous travaillerez très fort ici aussi. Les sénateurs ont beaucoup de questions à vous poser. Nous sommes heureux de vous accueillir comme premier témoin dans cette étude. Bienvenue. Vous pouvez commencer.
L'honorable David Collenette, ministre des Transports: Un des grands avantages au Sénat -- et il y en a plusieurs -- c'est que vous pouvez voir à la télévision un ministre parler pendant deux heures d'une question à la Chambre des communes puis préparer vos questions en conséquence de ce qu'il a dit. Le débat cet après-midi était intéressant, et je compte bien être tout aussi ouvert avec vous ce soir. C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je témoigne devant votre comité aujourd'hui.
Plusieurs événements se sont produits depuis le 13 août dernier lorsque j'ai annoncé, conjointement avec l'honorable John Manley, que le gouverneur en conseil avait pris un décret, en vertu de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada, qui établissait un processus spécial de 90 jours destiné à faciliter une restructuration ordonnée de l'industrie du transport aérien au Canada. Au début du mois d'août, nous étions confrontés à la perspective d'une perturbation importante dans une industrie clé -- une industrie qui est essentielle à notre pays. Le gouvernement a pris des mesures pour garantir que toutes les options puissent être prises en compte et que l'intérêt public soit protégé. Nous avons agi -- promptement et de façon décisive. Mais ce n'était là qu'une première étape temporaire. Aujourd'hui, je suis venu vous parler de la façon dont nous avons préparé le terrain en vue de la prochaine étape, qui sera permanente. Je dépose donc aujourd'hui un document intitulé «Politique cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien au Canada»
[Français]
Il est très clair que l'industrie du transport aérien au Canada n'est pas un secteur de services comme les autres et qu'il est, inévitablement, sur le point de vivre un changement majeur. Dans un pays aux dimensions comme le nôtre, les services aériens sont un élément vital pour réaliser nos objectifs sur le plan personnel, le plan commercial et le plan national. Pour ces raisons, il convient que le gouvernement se prononce sur la restructuration, même si la solution vient du secteur privé.
[Traduction]
Le gouvernement est bien conscient que toute restructuration importante comporte des répercussions sur la concurrence. Par conséquent, le 30 août, j'ai écrit au Commissaire de la concurrence, M. Conrad von Finckenstein, pour lui demander son avis sur la façon d'arriver à un résultat aussi favorable à la concurrence que possible face à la fusion, indépendamment de la façon dont celle-ci pourrait se réaliser. Vendredi dernier, j'ai reçu la réponse du Commissaire et je tiens à le remercier publiquement, d'une part, pour la façon exhaustive dont il a traité des préoccupations et, d'autre part, pour ses recommandations. Sa réponse est sous forme de lettre, et je la rends publique aujourd'hui.
À l'examen de cette lettre, il importe de reconnaître que même si l'avis du Commissaire couvre quatre grands domaines névralgiques un seul d'entre eux peut être traité par le Bureau de la concurrence à l'intérieur de son mandat. Selon son processus normal d'examen d'une fusion, le Bureau pourrait demander des correctifs pour régler les problèmes de concurrence, mais il ne pourrait pas intervenir dans les questions de réglementation, de législation et de politique mentionnées dans la lettre du Commissaire. Pour cela, il faut l'intervention du gouvernement.
Comme la période de 90 jours tire à sa fin, c'est avec plaisir que je constate qu'au total trois propositions ont été présentées et que deux d'entre elles sont encore sur la table -- l'une d'Onex et l'autre d'Air Canada.
[Français]
En annonçant la prise d'un décret le 13 août, j'ai dit que j'examinerais de concert avec mes collègues du Cabinet quelles autres mesures pourraient être nécessaires, y compris la possibilité de déposer un projet de loi, pour faciliter la mise en oeuvre d'une proposition acceptable et pour apporter les modifications nécessaires au cadre réglementaire régissant les compagnies aériennes.
En déposant cette politique-cadre, le gouvernement demande l'avis des parlementaires sur les importantes questions de politique identifiées et sur les options qui s'offrent à nous pour les résoudre.
Nous, mes cadres et moi-même, avons rencontré les personnes directement touchées, y compris les transporteurs de toutes tailles, les groupes de consommateurs, les agents de voyage et les aéroports. J'ai également rencontré des représentants de la plupart des syndicats dont les membres seraient touchés.
Bon nombre d'entre eux seront heureux d'avoir l'occasion de partager leurs idées avec vous. Au cours des deux derniers mois et demi, j'ai indiqué publiquement, à plusieurs reprises, les préoccupations principales du gouvernement. Aujourd'hui, je dépose la politique du gouvernement pour traiter de ces questions et je sollicite votre concours pour la peaufiner.
Notre vision pour le XXIe siècle est celle d'une industrie canadienne du transport aérien sécuritaire et prospère, appartenant à des Canadiens et contrôlés par eux, desservant toutes les parties du pays à des prix justes et capable de rivaliser avec les plus grandes et les meilleures compagnies aériennes au monde.
[Traduction]
L'un des principes fondamentaux sous-jacents de notre politique actuelle et future en matière de transport aérien est que les normes élevées de sécurité actuellement en vigueur ne seront pas compromises. Les Canadiens peuvent à juste titre être fiers des normes de sécurité de notre industrie du transport aérien. Le gouvernement continuera d'être vigilant pour veiller à ce que nos normes demeurent parmi les plus rigoureuses au monde.
[Français]
La dualité linguistique du Canada fait partie intégrante de son identité. Compte tenu de la culture et des valeurs uniques du Canada, il va de soi que les Canadiens puissent compter sur le transporteur national pour être servis dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Le gouvernement s'assurera que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer dans le cas d'Air Canada ou d'un éventuel transporteur dominant et que la loi soit effectivement mise en oeuvre.
[Traduction]
Permettez-moi maintenant de me tourner vers des éléments précis de la politique-cadre. Le gouvernement s'assurera que la propriété et le contrôle de l'industrie et du transport aérien demeurent entre les mains des Canadiens. L'Office des transports du Canada s'acquittera de sa mission: veiller à la conformité législative.
Il n'y aura aucune réduction des exigences concernant la propriété et le contrôle canadiens. La limite de 25 p. 100 sur la propriété étrangère des actions avec droit de vote ne sera pas modifiée. L'exigence que la compagnie soit contrôlée de fait par des Canadiens ne sera pas changée. La limite de 25 p. 100 sur la propriété étrangère d'actions avec droit de vote s'applique à tous les transporteurs, y compris Air Canada.
En plus de cette limite imposée aux investisseurs étrangers, la Loi sur la participation publique d'Air Canada interdit à toute personne de détenir ou de contrôler plus de 10 p. 100 des actions avec droit de vote d'Air Canada. Cela s'applique à tous les actionnaires, tant canadiens que non canadiens. Bien que cette disposition ait garanti que l'ancienne société d'État soit à participation multiple, certains ont allégué que cette limite réduit l'influence des actionnaires. Le gouvernement est disposé à envisager de hausser la limite à un autre niveau, qui devra être déterminé à la suite de l'examen des parlementaires, si une telle mesure contribue à réaliser l'objectif d'une industrie du transport aérien prospère et contrôlée par des Canadiens.
[Français]
Un autre élément clé de la politique-cadre a trait à l'objectif de favoriser la concurrence. Le gouvernement et le Bureau de la concurrence ont tous deux repéré un certain nombre de secteurs dans lesquels des mesures s'imposent pour assurer un environnement aussi favorable à la concurrence que possible, un environnement qui assurera que d'autres transporteurs puissent réussir à lancer et à maintenir un service concurrentiel.
[Traduction]
L'agissement abusif et l'accès aux aéroports sont deux questions particulièrement importantes à cet égard. Même si une concurrence énergique doit être encouragée, l'agissement abusif ne peut être toléré. Les petits transporteurs et les nouveaux arrivants pourraient être vulnérables à des attaques excessivement agressives de la part d'une grande compagnie établie. Le gouvernement veillera à ce que des mesures efficaces soient mises en place pour contrer l'agissement abusif au sein de l'industrie du transport aérien.
Le gouvernement veillera également à ce que l'accès aux installations aéroportuaires soit attribué pour permettre l'introduction de services intérieurs concurrentiels. Cela supposera des mesures pour assurer une attribution juste et concurrentielle des créneaux de piste. Le transporteur dominant devra peut-être cédé une part de l'accès dont il jouit aux installations dans les aérogares pour assurer que l'accès à l'aéroport ne soit pas un obstacle à l'entrée.
Le Commissaire de la concurrence a élaboré des propositions concrètes dans ces deux secteurs et les a exposées dans sa lettre. Je demande votre avis sur la façon la plus efficace de régler ces deux questions.
La politique-cadre touche également à un certain nombre de points sur lesquels des mesures pourraient être envisagées pour atténuer les effets anticoncurrentiels identifiés par les consommateurs, les agents de voyage et les concurrents potentiels. Ce sont les programmes pour grands voyageurs, les systèmes informatisés de réservation et les surprimes sur les commissions versées aux agents de voyage, en plus des besoins des transporteurs d'affrètement indépendants qui étaient auparavant affiliés à l'une ou l'autre des grandes compagnies aériennes. La lettre du Commissaire décrit aussi les mesures possibles qui pourraient être prises relativement à ces questions. Vos conseils, basés sur ce que vous entendrez, sont précieux pour évaluer quelles sont les mesures les plus pratiques et efficaces à prescrire.
[Français]
L'industrie du transport aérien est en évolution et la politique du transport aérien international doit changer elle aussi. Le gouvernement revisera ses politiques concernant les services internationaux réguliers et d'affrètement pour en supprimer les restrictions inutiles sur les services aériens. Il envisagera aussi de revoir son approche dans la négociation aux quelque 60 accords aériens bilatéraux avec d'autres pays pour déterminer dans quelle mesure les transporteurs canadiens et étrangers devraient avoir la possibilité de desservir plus de routes internationales.
[Traduction]
Les Canadiens sont préoccupés par les prix éventuels des billets d'avion. Le gouvernement l'est de même. Bien que la concurrence dans le marché soit le meilleur moyen de discipliner les prix, il peut y avoir des circonstances où la concurrence n'exerce pas un contrôle suffisant.
L'article 66 de la Loi sur les transports au Canada permet à l'Office des transports du Canada de contrôler les prix de base sur les routes à monopole sur réception d'une plainte. Il sera utile d'examiner s'il convient d'élargir cet article pour traiter de la domination du marché, en plus du monopole, et aussi de certains autres prix en plus du prix de base. En plus d'examiner cet article, durant le processus de restructuration, le gouvernement exigera des engagements sur les prix de la part du transporteur dominant et il envisagera la possibilité d'ajouter des conditions à l'approbation de la restructuration.
[Français]
Le gouvernement est réceptif aux inquiétudes que les services aux petites collectivités pourraient être réduits et même disparaître. Toutefois, nous sommes aussi confiants que si un environnement concurrentiel approprié est créé, d'autres compagnies choisiront d'assurer ces services si le grand transporteur ou son affilié donnent un avis suffisant avant de se retirer. Pour cette raison, le gouvernement examinera les dispositions de la Loi sur les transports du Canada portant sur l'obligation de donner un avis avant de quitter un marché.
En plus d'examiner ces articles, le gouvernement exigera des engagements de la part du transporteur dominant concernant le service aux petites collectivités durant le processus de restructuration et il étudiera la possibilité d'intégrer des conditions à son approbation de la restructuration.
[Traduction]
Les syndicats m'ont fait part de leurs préoccupations concernant les répercussions de la fusion des compagnies aériennes sur les employés. Ils craignent qu'un nombre appréciable d'emplois soient perdus ou déplacés et que des personnes soient mises à pied sans qu'on leur offre le choix de conserver un emploi ou d'accepter une formule de cessation d'emploi attrayante. Le gouvernement encouragera les discussions patronales-syndicales sur ces questions. Le gouvernement insistera durant toute restructuration importante de l'industrie du transport aérien pour que les employés soient traités de façon juste, et il exigera des engagements de la part du transport dominant à cet effet.
Le gouvernement a l'intention de déposer très bientôt un projet de loi qui lui donnera des pouvoirs permanents pour examiner toute fusion ou acquisition touchant Air Canada ou Canadien qui pourra être conclue à compter d'aujourd'hui. Ce processus officiel d'examen qui est mis en place en raison de l'importance que revêt l'industrie du transport aérien pour les Canadiens et pour notre économie comportera trois niveaux de surveillance gouvernementale qui sont nécessaires pour sauvegarder intégralement l'intérêt public. Ce sont le Bureau de la concurrence qui examinera les questions de concurrence, l'Office des transports du Canada qui examinera les propositions afin d'assurer que les transporteurs aériens sont et continuent d'être contrôlés de fait et en droit par des Canadiens et, enfin, le gouvernement lui-même qui veillera à ce que les objectifs d'intérêt public soient pris en compte.
Ce processus laisse au gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre des Transports, la décision finale d'approuver une fusion ou une acquisition. S'il est démontré qu'une fusion ou une acquisition est conforme aux exigences concernant la propriété et le contrôle canadiens, selon une détermination de l'Office, le ministre des Transports formulera la recommandation en vue de l'approbation, en tenant compte de la mesure dans laquelle le transporteur a pris des mesures pour apporter les correctifs négociés avec le Bureau de la concurrence, et les conditions nécessaires pour satisfaire aux objectifs de politique d'intérêt général.
[Français]
Ce sont là les pierres angulaires de la politique, mais il reste encore du travail à faire, avant qu'elle ne puisse être mise en oeuvre.
Je demande aux parlementaires de se pencher sur les principales questions qui pourraient éventuellement nécessiter des engagements de la part d'un transporteur dominant et l'imposition de conditions, l'adoption de mesures législatives ou la prise de règlement par le gouvernement.
[Traduction]
Plus précisément, je demande au Comité permanent des transports de la Chambre des communes et au Comité sénatorial permanent des transports et des communications d'examiner la politique-cadre et les questions précises sur lesquelles nous sollicitons l'avis des parlementaires. Ce sont: l'à-propos de hausser la limite de 10 p. 100 sur la détention des actions avec droit de vote d'Air Canada, les moyens les plus efficaces de favoriser la concurrence, le maintien du service aux petites collectivités, les engagements des transporteurs aériens, y compris ceux ayant trait au traitement des employés et la façon de surveiller le marché du transport aérien dans lequel il pourrait y avoir un seul transporteur dominant. J'espère recevoir un rapport sur ces questions au plus tard le 26 novembre. Les membres auront intérêt à prendre connaissance de la lettre du Commissaire pour examiner quelques-unes de ces questions.
[Français]
En conclusion, permettez-moi de souligner qu'il y aura d'autres développements en ce qui concerne la restructuration de l'industrie du transport aérien. Le secteur privé n'a pas encore produit une entente conditionnelle pour que nous puissions l'examiner.
Toutefois, il est devenu très clair que des mesures s'imposent de la part du gouvernement pour s'assurer que l'intérêt public continue de primer et soit protégé.
[Traduction]
Les Canadiens connaissent les avantages des solutions axées sur le marché, mais dans une industrie aussi critique que celle du transport aérien, ils demandent que leur gouvernement protège leurs intérêts essentiels. À cette fin, il sera important de trouver un équilibre entre imposer un cadre de politique et réglementaire qui satisfait aux besoins des Canadiens et éviter d'entraver la possibilité pour un transporteur canadien d'être efficace et viable au pays ainsi que dans le marché mondial.
Les transporteurs canadiens m'ont assuré qu'avec un cadre législatif et réglementaire approprié, des services concurrentiels surgiront offrant de véritables options pour les voyageurs. Je veux aussi assurer non seulement les parlementaires, mais aussi tous les Canadiens, que peu importe les propositions qui pourront être présentées par le secteur privé, et peu importe la forme que les lois et les mesures fédérales prendront, aucune réduction de la sécurité de notre réseau de transport aérien ne sera tolérée. La sécurité demeure la priorité première de Transports Canada et nous ne permettrons pas que le dossier enviable du Canada en matière de sécurité soit compromis.
C'est avec plaisir que je lirai votre rapport. Je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente: Le type de fusion proposé par Onex, par exemple, nous amène à nous poser plusieurs questions sur la politique de concurrence au Canada. Par exemple, comment le gouvernement voit-il le secteur du transport aérien au Canada et quelle structure préfère-t-il?
M. Collenette: C'est une question un peu tendancieuse. Pour ce qui est de la situation actuelle, comme je l'ai signalé le 13 août lorsque M. Manley et moi avons eu recours à l'article 47, nous avons constaté que l'industrie devait être restructurée. Nous avons fait état des problèmes financiers de la société Canadien, ce qui nous a poussés à avoir recours à l'article 47, mais nous avons également signalé à ce moment-là que Air Canada depuis sa privatisation, il y a 10 ou 11 ans, n'avait pas eu un rendement économique très satisfaisant, et que les deux principaux transporteurs canadiens n'avaient pas un rendement aussi satisfaisant que les autres transporteurs avec lesquels nous sommes alliés, dans d'autres marchés, dans d'autres pays. Nous avons donc eu recours à l'article 47 pour permettre aux compagnies de se parler non seulement parce qu'à ce moment-là Air Canada avait proposé d'acheter les routes internationales de Canadien, mais également pour trouver d'autres solutions à la situation. C'était le mécanisme le plus utile dont nous disposions pour lancer un processus qui permettrait d'amorcer la discussion et d'obtenir des propositions.
Je tiens à préciser, peut-être avec quelque modestie, que le gouvernement estime que le processus poursuivi en vertu de l'article 47 a fonctionné. Nous en sommes actuellement au 74e jour de ce processus et deux des trois propositions demeurent et seront présentées aux actionnaires d'Air Canada le 8 novembre. L'une a déjà été présentée au conseil des Lignes aériennes Canadien. Je ne sais pas ce qu'il en est des actionnaires mais, au moins, le conseil l'a vue. Nous avons deux propositions actuellement sur la table. Cela montre que le processus a fonctionné.
Nous avons un bon secteur d'affréteurs. Nous avons d'autres transporteurs, tels que WestJet et First Air, qui vont bien et nous estimons qu'ils devraient pouvoir se développer dans n'importe quel nouveau contexte. Toutefois, les deux principaux transporteurs qui, si je ne m'abuse, transportent 80 p. 100 des voyageurs au Canada, ont connu des difficultés. C'est le secteur sur lequel nous avons concentré notre attention et c'est le plus important.
La présidente: Que risque-t-il d'arriver aux marchés internationaux? Air Canada et Canadien appartiennent actuellement à des alliances internationales différentes mais si une seule alliance desservait le Canada, qu'est-ce que cela pourrait donner comme tarifs et services internationaux?
M. Collenette: Nous examinons la question dans le contexte actuel. Il y a un certain nombre de ramifications, pas simplement au Canada mais également aux États-Unis et en Europe. Nous savons que cette possibilité est examinée par la Commission européenne et par les ministères américains de la Justice et des Transports. Nous espérions que les dispositions exposées ici apporteraient aussi des garanties en matière de concurrence, de prix et de services.
Il ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle des alliances concurrentes desservent le Canada. Quel que soit le scénario présenté aux actionnaires d'Air Canada, une alliance l'emporterait. Il est important, dans le contexte de nos discussions, avec votre participation, de veiller à ce que cette situation n'ait pas de conséquences négatives indues sur les options des voyageurs.
La présidente: Les règles sur la propriété qui s'appliquent aux transporteurs canadiens sont-elles importantes? Les jugez-vous importantes?
M. Collenette: La règle des 25 p. 100 concernant la propriété étrangère est très intéressante. Il n'a jamais été question dans les pourparlers que nous avons eus avec l'industrie que nous relevions ce plafond de 25 p. 100. Nous pensons qu'il y a suffisamment d'intéressés au Canada pour satisfaire les besoins en capitaux et nous nous préoccupons de toute la question du contrôle étranger. Certes, c'est celui qui paie qui décide. Bien que la loi nous autorise à porter ce plafond à 49 p. 100, nous ne pensons pas que ce soit utile.
Le sénateur Callbeck: À propos des 25 p. 100, pourquoi cela ne s'applique-t-il qu'au secteur aérien et non pas au transport routier, au transport ferroviaire, au transport maritime, et cetera.?
M. Collenette: C'est une bonne question. On en a débattu lorsque nous avons privatisé CN. Ce qui est très important non seulement pour moi mais également pour la direction de Canadien National c'est que 65 p. 100 de cette compagnie appartient maintenant à des non-Canadiens. Peut-être les fonctionnaires devraient-ils répondre. Je suis en effet accompagné du sous-ministre et du sous-ministre adjoint. L'un ou l'autre pourrait m'aider.
Mme Margaret Bloodworth, sous-ministre, Transports Canada: Honorables sénateurs, cela est en partie historique, pas simplement ici, mais dans le monde entier. Nous ne sommes pas le seul pays à imposer des restrictions aux compagnies aériennes sur le contrôle étranger. Les Américains, par exemple, en ont aussi. Cela remonte aux origines des transports aériens.
Nous ne sommes pas le seul pays à appliquer ces règles au transport aérien et pas à d'autres secteurs. Pour les transports routiers, c'est très différent: il est très facile d'entrer dans ces secteurs et il y a moins d'obstacles. Toutefois, dans le secteur ferroviaire, il est plus difficile de justifier une telle différence. Nous ne sommes toutefois pas les seuls. La plupart des pays ne traitent pas ces secteurs de la même façon et cela reflète peut-être les origines historiques du transport aérien.
M. Louis Ranger, sous-ministre adjoint, Groupe de politique, Transports Canada: Ce qui est unique dans le secteur aérien, c'est que tous les services internationaux sont régis par des accords bilatéraux. Le Canada a plus de 60 accord bilatéraux avec d'autres pays. Une condition fondamentale est que le Canada ne peut désigner que des transporteurs canadiens pour assurer la liaison entre le Canada et d'autres pays. C'est une condition fondamentale et il est donc important que cela soit clair afin que le reste du monde sache qu'en effet nous ne désignons que des transporteurs réellement canadiens.
Le sénateur Kirby: J'aurais une question complémentaire au sujet de la propriété étrangère. Dans la longue lettre du Bureau de la concurrence, il y a deux recommandations qui permettraient à des compagnies aériennes étrangères d'intensifier la concurrence au Canada. Vous avez abordé un des scénarios, à savoir la possibilité de remonter le plafond de 25 p. 100 à 49 p. 100 comme le propose le Bureau de la concurrence et vous avez dit que vous ne l'envisagiez pas.
L'autre option, que l'on ne trouve que dans la proposition du Bureau de la concurrence, est qu'une compagnie aérienne contrôlée à 100 p. 100 par des intérêts étrangers, n'opère qu'au Canada; autrement dit, qu'elle ne puisse même pas avoir de liaisons transfrontalières. C'est l'autre aspect de la propriété étrangère que l'on trouve dans le lettre du Bureau de la concurrence. Qu'en dites-vous? Vous n'en parlez pas dans votre déclaration, si bien que je suppose que vous ne l'envisagez pas, mais pourriez-vous nous préciser ce qu'il en est?
M. Collenette: Très franchement, nous n'y avons pas réellement réfléchi. Le rapport du Bureau m'est arrivé durant la fin de semaine. J'ai eu une rencontre avec le commissaire dimanche soir et nous avons examiné cela. J'ai été assez intrigué par ce qu'il disait sur la possibilité de créer un TWA Canada ou un Delta Canada qui serait en quelque sorte une franchise.
Je lui ai demandé si cela n'aurait pas le même effet que le cabotage et il m'a répondu que non parce que le transporteur devrait se plier à la loi canadienne; les équipages devraient être canadiens; les conventions collectives devraient respecter notre environnement. La structure des coûts ne serait pas la même que si un transporteur américain venait faire ici du cabotage.
Je trouve ça intéressant. Nous avons été tellement occupé ces derniers jours que je n'ai pas eu le temps d'en discuter avec mes collaborateurs. Bien que nous ayons dit que la règle des 25 p. 100 ne devrait pas bouger en ce qui concerne la propriété, ceci est intéressant et j'aimerais avoir le point de vue du Sénat.
Le sénateur Kirby: Je vous signalerais qu'il y a une analogie exacte dans le secteur bancaire où l'on n'autorise pas les banques étrangères à ouvrir des succursales mais nous leur permettons d'avoir des filiales qui doivent opérer entièrement en vertu de la loi canadienne, avoir un conseil d'administration canadien, et cetera.
Voulez-vous dire, à propos de cette suggestion du Bureau de la concurrence, que le gouvernement veut examiner la question?
M. Collenette: Si vous considérez que je suis le gouvernement, étant donné le rythme où vont les choses, je garde certainement l'esprit ouvert parce que je ne l'ai pas rejetée après en avoir discuté avec mes collègues même si cela peut sembler aller à l'encontre de ce que je disais à propos de la règle des 25 p. 100.
Le sénateur Kirby: C'est une question différente. Il est évident que l'analogie de la banque étrangère ouvrant une filiale ici s'applique à cette règle des 25 p. 100. Je voulais simplement savoir si l'option était toujours envisagée.
Mme Bloodworth: J'ajouterai un facteur dont il faut tenir compte, à savoir que comme l'a dit le ministre, nous n'avons rien conclu à ce sujet. Nous avons deux transporteurs qui n'ont pas eu de bons résultats financiers ces dernières années. Ils peuvent s'inquiéter de la concurrence que représenterait l'arrivée au Canada d'un gros transporteur américain. Nous allons devoir examiner cela dans le contexte de la conjoncture actuelle.
Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, je veux dire en toute déférence que je crains que nous nous éloignions du sujet. Si le sénateur De Bané voulait bien y revenir, nous lui en saurions gré.
Le sénateur De Bané: Qu'en est-il de ce plafond de 25 p. 100 sur la propriété étrangère? Dans quelle mesure ce plafond devient-il théorique si l'actionnaire majoritaire donne un pouvoir de veto à l'actionnaire minoritaire? Si quelqu'un n'a que 10 p. 100 ou 15 p. 100 mais réussit à négocier avec un actionnaire majoritaire qu'aucune décision importante ne pourra être prise sans son accord, est-ce que cela ne revient pas à contourner la règle de 25 p. 100?
M. Collenette: Telle que vous décrivez la chose, c'est possible, mais l'Office des transports du Canada est tenu par la loi de veiller à ce que le contrôle demeure entre les mains de Canadiens. Si une entente est conclue sous peu, l'Office l'étudiera et aura le droit de demander accès à tout document, accord subsidiaire, ou convention collective, et cetera, qui lui semble nécessaire pour s'assurer que la situation que vous avez décrite ne se produise pas.
Le sénateur Kinsella: Pour revenir au décret lui-même, en août vous craigniez une perturbation extraordinaire. Nous sommes maintenant en octobre. Avez-vous les mêmes inquiétudes qu'au moment où vous avez émis ce décret?
M. Collenette: Oui.
Le sénateur Kinsella: Et l'émission de ce décret a-t-elle à votre avis facilité la mise sur pied de ces propositions par le secteur privé?
M. Collenette: L'objet était entre autres de donner au gouvernement le dernier mot sur toute éventuelle proposition. Comme vous le savez, le Bureau de la concurrence a ses champs de compétence limités mais le décret devait aussi permettre aux parties d'entreprendre des pourparlers, ce qui ne semble pas s'être produit, même si je ne suis pas forcément au courant. Vous devriez poser la question aux compagnies aériennes lorsque leurs représentants comparaîtront devant vous. Par contre, cela a permis au secteur privé de proposer des solutions.
Le sénateur Kinsella: J'ai eu l'occasion de vous faire part personnellement de mes réserves, mais, si ça marche, cela aura été une brillante idée.
Si les actionnaires décident de n'accepter aucune des deux propositions du secteur privé, ne vous retrouverez-vous pas face au même risque de perturbation extraordinaire? Dans ce cas, envisageriez-vous d'émettre un deuxième décret?
M. Collenette: Non. Nous avons invoqué l'article 47 parce que c'était l'outil légal le plus approprié pour faire face à une situation qui devenait à notre avis extrêmement grave et qui est aujourd'hui tout aussi grave qu'elle était en juillet et en août.
En politique, nous n'aimons pas répondre aux questions hypothétiques, mais si le secteur privé n'apporte pas de solution, il y a toujours la possibilité d'un transporteur dominant. Toutefois, la faillite des Lignes aériennes Canadien exigerait un certain cadre législatif et rien dans ce document n'exclut de traiter d'une situation autre qu'une fusion. Autrement dit, en cas de faillite, les garanties concernant l'intérêt public indiquées dans ce document s'appliqueraient. Si nous passons à un régime de transporteur dominant, comme cela semble le cas, ceci s'applique, quoi qu'il arrive dans les prochains jours.
Le sénateur Kinsella: La question que je voulais poser sur la recommandation de M. von Finckenstein a déjà été posée. Il recommande 49 p. 100 et vous avez dit ce que vous en pensiez.
Quant à la disposition de la Loi sur la privatisation d'Air Canada qui limite la propriété à 10 p. 100 pour un actionnaire, quels étaient à votre avis les principes que défendait le Parlement lorsqu'il a imposé ce plafond? Si l'on voulait changer cela, quel genre de principe d'action faudrait-il envisager?
M. Collenette: Je n'étais pas député en 1988 lorsque la loi a été adoptée, mais je suppose que le raisonnement était à peu près le même que lorsque l'on impose des plafonds au nombre d'actions que peut détenir un actionnaire dans une autre société d'État, à savoir que l'on veut disséminer largement ces actions dans le pays pour servir l'intérêt public. Il y a deux écoles de pensée à ce sujet. Dans un tel cas, il n'y a évidemment pas d'actionnaire dominant. Dans cette loi, il y avait également une disposition anti-collusion qui empêchait les actionnaires de se regrouper pour exercer une influence sur les actions de la compagnie. Autrement dit, c'était simplement un moyen d'investissement pour les actionnaires.
Pour ses partisans, cette politique est salutaire, elle garantit la plus grande partie de la propriété de l'industrie à des Canadiens et empêche le contrôle étranger. De toute évidence, cette dernière affirmation n'est pas fondée, car il existe d'autres façons de prévenir le contrôle étranger. C'est notamment le cas de la limite d'investissement de 25 p. 100.
Selon certains, pareille structure de direction des sociétés favorise les gestionnaires par rapport aux actionnaires, permettant aux premiers de moins prêter attention aux intérêts des seconds. C'est à vous et au comité des Communes qu'il appartient d'évaluer ces différents points de vue et de vous faire une opinion sur la nécessité de hausser la limite des 10 p. 100.
Le sénateur Forrestall: Monsieur le ministre, vous nous auriez sans doute été plus utile si vous aviez pu prévoir il y a deux ou trois ans les difficultés auxquelles l'industrie doit faire face. Je suppose que certains de vos collaborateurs avaient commencé les recherches à ce sujet, mais il aurait été préférable que l'on puisse faire ce que nous sommes en train de faire actuellement avant qu'il ne soit trop tard.
La pire forme de pollution est celle qui consiste à laisser dormir les bonnes idées jusqu'à ce qu'elles deviennent caduques. Je veux dire que la déréglementation de l'industrie aérienne n'en est encore qu'à mi-chemin, malgré les difficultés croissantes qu'elle suscite, et pourtant, on envisage déjà de revenir à la réglementation et d'en faire de nouveau une industrie réglementée.
De ce côté-ci, nous faisons preuve d'une grande ouverture d'esprit. Il nous semble préférable que le chef d'un parti s'abstienne de critiquer les propos tenus par le chef d'un autre parti à la Chambre des communes. On nous a accordé peu de temps pour étudier ces questions et il sera peut-être difficile d'éviter les critiques. J'espère à cet égard que nous ne vous causerons pas inutilement des maux de tête. Si vous nous aviez dit tout cela il y a deux ans, nous aurions pu nous entendre. Je crois que les idées formulées du temps du précédent ministre des Transports n'étaient pas mauvaises.
Pour en revenir à l'article 47 et à son invocation, le ministère a-t-il fait des études concernant ce changement? Autrement dit, y a-t-il eu un travail préparatoire?
Mme Bloodworth: Non. La mesure est apparue dans la loi en 1996, c'est-à-dire avant que j'arrive au ministère. Avant les six derniers mois, on n'avait pas cherché à savoir s'il y avait lieu de s'en servir.
Le sénateur Forrestall: Vous ne pouvez donc pas dire, je suppose, si vous avez envisagé d'autres solutions avant d'opter pour l'article 47.
Mme Bloodworth: Si, on a envisagé d'autres formules. Au cours des six derniers mois, nous avons évidemment envisagé différentes options.
Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous pouvez nous les présenter brièvement?
Mme Bloodworth: La première option consistait à ne rien faire.
Le sénateur Forrestall: Ce n'est pas ce que je voulais dire.
Mme Bloodworth: C'était quand même une option.
Le sénateur Forrestall: Oui, mais ce ne fut pas une option, puisque vous avez décidé de faire quelque chose.
Mme Bloodworth: Non. C'était une véritable option l'été dernier.
M. Collenette: Sénateur Forrestall, l'été dernier, nous avions en réalité trois options. On pouvait se débarrasser de Canadien, laisser la compagnie faire faillite ou trouver une autre façon de restructurer l'industrie. Le seul outil que nous ayons trouvé pour assurer cette restructuration était l'article 47.
Pour le cas où quelqu'un s'imaginerait que l'article 47 a été conçu par le sous-ministre et par d'autres fonctionnaires, je signale qu'en réalité, le recours à l'article 47 a été évoqué pour la première fois par Air Canada en mars dernier. Nous savons maintenant qu'Air Canada l'a mentionné dans le contexte de l'échec des discussions sur une fusion avec Canadien. L'article 47 n'a pas été utilisé en mars parce que les négociations ont avorté. De ce fait, les parties n'ont pas eu besoin de se protéger en négociant en vertu de l'article 47.
En juin, le président actuel et le président sortant d'Air Canada m'ont parlé de l'acquisition des liaisons internationales de Canadien. Quelques jours plus tard, le président de Canadien est venu me dire que sa compagnie avait trouvé un investisseur tierce partie qui voulait fusionner les deux compagnies aériennes.
Par la suite, dans le cadre des discussions avec le ministère, Canadien a invoqué l'article 47 et a présenté par écrit une demande officielle de recours à cette disposition. Air Canada savait certainement qu'il en était question. Nous en avons parlé avec des fonctionnaires lors d'une téléconférence en juillet. L'ancien président d'Air Canada semblait d'accord. Tout le monde savait que nous envisagions de recourir à cette disposition.
Cela nous ramène à la question de la sous-ministre, sénateur. Mais puis-je en revenir à votre première question? N'aurions-nous pas mieux fait de faire ce travail il y a trois ans? Je ne voudrais pas faire indûment preuve d'esprit partisan. Je vous demande simplement ceci: pourquoi s'arrêter à trois ans? Pourquoi ne pas remonter 15 ans en arrière, jusqu'à la période de déréglementation amorcée au milieu des années 80 et à la décision de vendre cette société d'État, avec tous les problèmes qui se sont posés à l'époque?
Comme vous le savez, sénateur, le gouvernement précédent a accepté de venir en aide à Canadien. Le gouvernement actuel lui est venu en aide. Depuis un an ou deux, la situation s'est un peu corsée. Je laisse aux historiens le soin de décider pourquoi nous en sommes là aujourd'hui. Il y a trois ou quatre ans, la société Canadien avait un plan de restructuration de quatre ans qui semblait très prometteur.
La sous-ministre est avocate et elle ne veut pas me créer de difficulté. Air Canada savait, après les conversations de l'été dernier, que nous envisagions d'invoquer l'article 47. La compagnie en a été pleinement informée et sur le coup, elle n'a soulevé aucune objection.
Le sénateur Forrestall: C'est bizarre. C'est bizarre pour plusieurs d'entre nous. Nous savons maintenant que les Lignes aériennes Canadien International n'étaient pas aussi mal en point qu'on le prétendait.
M. Collenette: Comment le savez-vous, sénateur?
Le sénateur Spivak: Depuis le 30 juin.
Le sénateur Forrestall: Voulez-vous que je le dise? De toute façon, il faudra le dire tôt ou tard. J'aimerais que quelqu'un fasse toutes les recherches, nous donne la documentation pertinente et nous dise exactement de quoi il est question. Pour autant que je sache, les Lignes aériennes Canadien International possèdent la plus grande partie du matériel de l'entreprise. Air Canada ne possède rien, sauf 10 ou 15 DC-9 dont la compagnie n'a pu se débarrasser. Elle veut maintenant s'établir à Hamilton et faire voyager ces avions dans tout le pays -- pour quelle raison, je l'ignore. Peut-être veut-elle stimuler la concurrence entre les transporteurs régionaux et les transporteurs de niveau secondaire.
J'avais déjà ces questions à l'esprit lorsque Canadien s'est dite en difficulté. Nous savons maintenant qu'American Airlines était prête à intervenir, et qu'elle est intervenue.
Il est très contrariant de ne pas savoir ce qui se passe. Ce que je déplore, c'est que nous n'ayons pas beaucoup d'information fiable.
M. Collenette: Nous considérons que la situation qui nous a amené à appliquer l'article 47 en août dernier n'a pas changé. Je sais que certains propos vous ont peut-être fait croire autre chose. Je vous invite à poser vos questions au président de Canadien lorsqu'il comparaîtra devant ce comité. Il sera sans doute en mesure de vous éclairer. Comme nous avons des renseignements exclusifs au sein du ministère, qui est l'autorité de réglementation, je ne peux pas vous donner de détails supplémentaires concernant la situation qui existait à la mi-août et qui, à notre avis, existe encore aujourd'hui.
En ce qui concerne votre dernier argument, et sans vouloir couper les cheveux en quatre, vous semblez dire que nous revenons à la réglementation de l'industrie. Ce n'est pas le cas. L'augmentation du nombre des règlements et des changements législatifs ne signifie pas que nous revenons à l'époque de la réglementation.
Le sénateur Spivak: J'aimerais préciser une chose. Mettons les choses au clair concernant les dates. Onex était en pourparlers avec Canadien dès février dernier. Vous dites que vous n'avez pas envisagé le recours à l'article 47 avant l'été. Je voudrais savoir si c'est bien exact et si personne, au conseil d'administration de Canadien, ne vous a parlé de l'invocation de l'article 47 dès février dernier.
Je pose cette question parce qu'il est bien certain qu'Onex a déclaré qu'elle n'aurait pas fait cette offre si elle n'avait pas obtenu l'assurance que l'article 47 ne serait pas évoqué. Voilà un ensemble de circonstances que je ne parviens pas à tirer au clair dans mon esprit.
M. Collenette: Je sais que la presse a beaucoup spéculé à ce sujet. Je peux vous dire de façon formelle qu'Onex n'a reçu aucune assurance de notre part, car nous n'avons été informés de son intérêt que le 25 juin. Et encore, nous avons simplement su qu'elle s'intéressait à Canadien, et les détails supplémentaires n'ont été révélés que la semaine suivante. Nous avons eu des échanges avec la sous-ministre, mais nous n'avons connu la proposition d'Onex proprement dite que la veille de sa publication.
C'est à Onex qu'il faudrait poser ces questions, car nous ne savions pas qu'elle était intervenue dans ces discussions avant que M. Benson n'ait fait part de l'intérêt de la compagnie pour Canadien.
Le sénateur Spivak: Je ne vous interroge pas sur Onex. Je vous demande si quelqu'un du conseil d'administration de Canadien vous a parlé, dès février dernier, de la possibilité d'une suspension de l'article 47.
M. Collenette: Absolument pas. En fait, la sous-ministre m'a insulté l'autre soir à l'occasion d'une conversation privée. Elle a dit: «Vous ne saviez même pas ce qu'était l'article 47 jusqu'à ce que nous en parlions à la mi-juillet.» J'accepte l'insulte, car elle est fondée. Je ne m'étais pas intéressé à cet article, car j'ignorais son existence. Les ministres sont censés savoir tout ce qui figure dans les lois, mais je dois reconnaître que je ne m'y suis pas intéressé avant que la sous-ministre et M. Ranger m'en parlent en juillet.
Le sénateur Forrestall: Toujours en ce qui concerne l'article 47, avez-vous pensé -- je n'ai évidement aucun moyen de le savoir -- que vous alliez peut-être par inadvertance aggraver les choses? L'invocation de l'article 47 a placé Canadien dans une situation bien difficile.
Mon autre question concerne les cinq conditions essentielles de la fusion. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi ce que vous avez dit. Est-ce que la Loi sur les langues officielles fait partie de ces cinq conditions, ou est-ce que c'en est une sixième?
M. Collenette: En ce qui concerne la Loi sur les langues officielles, nous estimons que l'engagement du Canada en matière de langues officielles et de bilinguisme est telle que nous ne voulons pas le minimiser en le faisant apparaître avec les autres conditions, qui sont de nature commerciale. Le bilinguisme définit le Canada en tant que pays. Je sais que certains se demandent s'il s'agit là d'une sixième condition. Bien franchement, j'ai dit à mes collègues qu'à mon avis, on minimiserait le principe du bilinguisme en vertu de la Loi sur les langues officielles en en faisant une sixième condition. Cette prééminence du bilinguisme explique pourquoi il figure de façon autonome dans le document.
Revenons-en à votre dernier argument, à savoir que notre intervention fait courir un risque à Canadien. La compagnie nous a demandé d'intervenir. Elle nous a adressé une lettre à ce sujet. En adultes responsables, les dirigeants de la compagnie comprenaient les conséquences de leur demande.
Le sénateur Forrestall: C'est une bonne réponse. Elle n'est pas acceptable, mais c'est une bonne réponse.
Le sénateur Spivak: Onex leur a fait une offre.
Le sénateur Forrestall: Le contrôle réel est l'une des cinq conditions que vous avez mentionnées. Je ne m'attends pas à ce que vous vous prononciez sur le cas que nous débattons, mais comme vous l'avez dit, cette question va maintenant se poser de façon permanente et on ne permettra pas que les vieux mécréants de la Chambre ou du Sénat fassent durer les choses en longueur. Le problème continuera de se poser dans l'avenir immédiat.
Qu'entendez-vous au juste par «contrôle réel»? Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est en 100 mots ou vous faudrait-il y consacrer des volumes?
M. Collenette: Je demanderai au sous-ministre de répondre à cette question parce qu'elle a travaillé au cours de sa carrière à l'Office des transports du Canada.
Mme Bloodworth: Si vous faites allusion à un contrôle canadien réel, ce sera à l'Office d'établir ce que cela signifie. L'Office se reporte aux documents pertinents à cet égard pour établir si la société est sous contrôle canadien. L'Office doit s'assurer que c'est le cas de toutes les sociétés aériennes au Canada.
Si le gouvernement portait à 45 p. 100 plutôt qu'à 25 p. 100 la proportion du capital-actions pouvant être acquise par un seul actionnaire et si l'Office concluait que quelqu'un qui détient 38 p. 100 des actions contrôle la société, la transaction serait illégale. L'Office tiendrait compte de tous les accords conclus, et notamment de la participation dans la société. L'Office compte beaucoup d'expérience dans ce domaine puisqu'elle rend ce genre de décision depuis un certain temps.
Le sénateur Forrestall: Si Canadien Airlines International appartient à des Canadiens de sorte qu'on ne peut pas dire qu'American Airlines contrôle à strictement parler cette société, il ne fait aucun doute qu'elle exerce un contrôle réel par l'intermédiaire de divers accords. Voilà pourquoi je vous demandais d'expliquer en 100 mots, ou peut-être en 50 ou même 27, ce que signifiait «contrôle réel».
Mme Bloodworth: Tout ce que je peux dire à cet égard c'est que l'Office a établi que Canadien est sous contrôle canadien. Il l'a fait deux fois.
M. Collenette: Comme les pilotes d'Air Canada contestent cette décision devant les tribunaux, nous ne pourrons pas en dire davantage là-dessus.
Mme Bloodworth: La question a été soumise de nouveau à l'Office. L'Office ne rend pas une décision une fois pour toutes car tout est fonction de la situation.
M. Ranger: Je suis le travail de l'Office depuis de nombreuses années et je crois donc être en mesure de dire que ce que l'Office cherche à établir est la façon dont le conseil d'administration prend ses décisions. L'Office cherche à savoir si un membre du conseil d'administration exerce un droit de veto sur l'acquisition ou l'aliénation d'actifs supérieurs à 50 000 $ ou sur la nomination du directeur des finances. L'Office étudie donc tous les documents pertinents, mais se demande également comment sont prises les décisions.
Le sénateur Fairbairn: Monsieur Collenette, revenons aux options qui se présentaient à vous pendant l'été et qui vous ont amenés à invoquer l'article 47. On nous a alors dit à l'époque, bien que ce ne soit pas ce que nous avons entendu depuis lors, qu'il était possible que Canadien n'existe plus après Noël. Si les deux offres devaient être rejetées au cours des prochaines semaines, que compte faire le gouvernement si les lignes aériennes Canadien font faillite?
M. Collenette: Il s'agit encore une fois d'une question hypothétique, mais nous nous préparons à faire face à toutes les situations possibles. Vous noterez que le document peut s'appliquer chaque fois qu'un transporteur aérien domine le marché que ce soit en raison d'une fusion ou d'une autre situation.
Le sénateur Fairbairn: Pour revenir à une question posée plus tôt au sujet des liaisons ou services internationaux, s'il ne reste au Canada qu'une grande compagnie aérienne -- et je suis convaincu que c'est ce qui va se produire --, peut-on supposer que cette compagnie aérienne va assumer toutes les liaisons internationales actuellement assurées par les Lignes aériennes Canadien et Air Canada, ou va-t-on assister à une guerre des alliances?
M. Collenette: Nous ne pouvons préjuger des droits à l'égard des liaisons aériennes. Le gouvernement devra en décider. Comme vous le savez, les liaisons internationales ne sont pas déréglementées. Nous attribuons les liaisons. Nous avons dit que nous allions examiner notre politique sur les transporteurs aériens internationaux. En ce moment, en vertu de notre politique, si plus de 300 000 allers simples plein tarif sont effectués par année sur une liaison en particulier, nous pouvons désigner un deuxième transporteur. C'est le cas sur Paris, Londres, Hong Kong et le Japon. Nous pouvons désigner un autre transporteur. Dans le cas de Paris, Air Transat est le deuxième transporteur, et non les Lignes aériennes Canadien. Si nous n'avions qu'un seul transporteur prédominant, il faudrait se demander qu'est-ce qu'on ferait des créneaux des Lignes aériennes Canadien à Heathrow, par exemple. La CEE pourrait être d'un autre avis, ce qui complique le problème.
Pour répondre brièvement à votre question, le droit à une liaison n'est pas automatique. Il faudrait voir qu'est-ce qui est juste et équitable.
Tout cet exercice vise entre autres à favoriser la concurrence. Les transporteurs comme Canada 3000 et WestJet font un excellent travail en ce moment. WestJet est un transporteur régulier. Canada 3000 est un transporteur d'affrètement qui exploite des vols réguliers sur le marché Toronto-Vancouver, et on me dit qu'il détient 20 p. 100 du marché.
Il nous faudrait observer l'évolution de l'industrie. Il est probable que le transporteur dominant s'en tirerait très bien.
Le sénateur Fairbairn: En répondant à d'autres questions, vous avez réitéré vos cinq conditions et vous avez dit que le gouvernement va chercher à obtenir des garanties afin que le service ne soit pas réduit dans certaines régions du pays advenant le cas où il ne resterait qu'un seul grand transporteur.
L'ouest du Canada me tient à coeur. Je ne suis pas pessimiste, mais on craint dans les régions éloignées du Canada, dans l'Ouest et le Nord, que les bouleversements qui surviennent dans notre réseau du transport aérien vont entraîner une réduction des services dans bon nombre de régions.
M. Collenette: Nous avons appris dans le Nord, sénateur, qu'il faut assurer une transition entre le retrait d'un transporteur et l'arrivée d'un autre, afin que le nouveau transporteur puisse combler le vide. C'est pourquoi nous insistons sur les services aux petites collectivités; nous devons déterminer si les dispositions relatives au retrait aux articles 64 et 65 de la Loi sur les transports au Canada seraient adéquates dans le contexte d'un transporteur dominant ou s'il faudrait apporter des changements afin d'y intégrer le genre de protection dont vous parlez.
Le sénateur Fairbairn: Cela pourrait nécessiter d'autres mesures de la part du gouvernement, outre une révision des dispositions actuelles.
M. Collenette: Il faudra peut-être y remédier. La politique cadre, au début de la page 12, prévoit ce qui suit:
En plus d'examiner ces articles, le gouvernement exigera des engagements de la part du transporteur dominant concernant le service aux petites collectivités durant le processus de restructuration et il étudiera la possibilité d'intégrer des conditions à son approbation de la restructuration.
Nous pourrions intégrer cela à la loi. Quelles que soient les mesures, elles feront l'objet d'une loi. C'est la loi, et celle-ci doit être respectée. C'est une bonne façon de s'assurer que les engagements sont ciblés et respectés.
Mme Bloodworth: L'histoire peut nous rassurer quelque peu. On peut s'inspirer de l'expérience dans le Nord lorsque la déréglementation a eu lieu dans les années 80. On s'inquiétait beaucoup d'une réduction du service. En fait, le service n'a pas diminué. Comme le ministre l'a dit, nous nous sommes assurés d'avoir en place des dispositions sur la cessation du service. En d'autres termes, le dernier transporteur ne pouvait pas simplement se retirer. Il devait donner un avis de son intention. Chaque fois qu'il y a eu un marché, des transporteurs ont offert de le desservir. Il convient d'examiner la situation du point de vue du transporteur dominant pour voir si les dispositions relatives à la cessation du service sont suffisantes compte tenu du scénario qui se dessine.
Le sénateur Fairbairn: Il suffit de remonter un peu dans l'histoire de l'Ouest canadien pour se rendre compte que le service n'était pas aussi rapide ni aussi satisfaisant qu'il aurait pu l'être.
Le sénateur De Bané: À ce propos, vous avez évoqué ce qui s'est produit avec l'avènement de la déréglementation au début des années 80. Supposons que nous nous retrouvions au bout du compte avec un transporteur aérien dominant au Canada. Comme vous l'avez indiqué, il y aura une élimination graduelle de services dans certaines régions.
Combien d'années faudra-t-il, pensez-vous, pour organiser une fusion ordonnée des deux transports aériens, surtout au regard de tous les syndicats qui sont en cause et du fait qu'il s'agit de deux grandes organisations? Combien d'années leur faudra-t-il pour fusionner? Pouvez-vous me donner une idée approximative?
M. Collenette: Nous ne voulons pas entrer dans les détails des fusions proposées, mais, chose certaine, le délai serait au mieux de 18 mois et au pire de quatre ans. Il y a certainement des questions, notamment des questions d'ancienneté, qui devront être étudiées par les deux lignes aériennes. Il faudrait que le ou les nouveaux propriétaires fassent preuve de la plus grande prudence. D'une part, nous aimerions que la restructuration se fasse le plus rapidement possible afin de profiter des économies découlant de la réduction de la capacité. Par contre, nous ne voudrions pas semer la grogne parmi les employés et être aux prises avec des débrayages et des batailles culturelles de toutes sortes.
Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, je crains que nous ne vivions malheureusement pas dans le meilleur des mondes possible. Vous avez dit que vous êtes très satisfait des résultats. Nous assistons pourtant à une guerre des pilules empoisonnées où deux grandes alliances mondiales se livrent bataille.
Vous avez en fait modifié notre politique des transports. Nous avions deux lignes aériennes et nous avons maintenant ni plus ni moins qu'une situation de monopole qui est avalisée par le gouvernement; voilà ce que nous aurons au bout du compte si l'on supprime de l'article 47 le pouvoir d'intervention du Bureau de la concurrence. Vous avez fait cela avant même que la question soit soumise à l'examen parlementaire ou qu'elle fasse l'objet de consultations publiques. Vous venez maintenant nous demander nos conseils et vous venez nous consulter, mais le cadre général de la politique a déjà été fixé.
Les Lignes aériennes Canadien ne devaient pas durer plus d'un an, et il y avait déjà un certain temps que la compagnie était perdue. Elle était soutenue par AMR. Il y a manifestement quelque chose qui incite AMR à vouloir investir tout cet argent. Ce quelque chose, c'est le partage des dénominations et les liaisons. Pourquoi était-ce si imminent?
Encore là, il convient de se demander pourquoi la proposition d'Onex exigeait à tout prix une intervention aux termes de l'article 47 si ce n'est parce qu'elle visait l'obtention d'un monopole.
Comme je viens tout juste de recevoir la documentation, je ne sais pas si la réponse si trouve quelque part, mais le Bureau de la concurrence étudiera-t-il les détails de cette fusion? Je sais que le Bureau vous a donné un avis général, mais qu'en est-il maintenant des détails de la fusion?
Je vous rappelle, et je suis sûre que vous le savez, qu'en 1993, bien que les choses aient quelque peu changé depuis, le Tribunal de la concurrence avait dit que, si Canadien s'effondrait ou qu'elle était obligée de fusionner avec Air Canada, il en conclurait que la concurrence sur le marché du transport aérien s'en trouverait considérablement réduite. Il a conclu que les compagnies charter existantes, même si elles offraient un service accru, ne pourraient pas compenser la disparition de Canadien et que la possibilité qu'un nouveau transporteur arrive sur la scène était trop faible pour imposer une discipline concurrentielle suffisante à Air Canada, qui aurait la plus grosse part du marché pour la plupart des liaisons. D'après ce qu'ils ont indiqué aux audiences sur le sujet, il est très clair que, si les dirigeants d'Onex ne s'opposent pas à la concurrence, il faudrait néanmoins que cette concurrence soit d'un certain type et qu'elle leur permette d'exercer à toutes fins utiles leur monopole. Bien entendu, ils ont tout intérêt à ce qu'il y ait aussi peu de concurrence que possible.
Le Bureau de la concurrence sera-t-il parfaitement libre, peu importe ce que prévoira votre loi, d'étudier les détails de la situation? Il y a beaucoup de questions différentes qui entrent en ligne de compte, et je suis sûre que vous en êtes encore plus conscient que moi.
M. Collenette: Je comprends, sénateur Spivak, que vous venez tout juste de recevoir la documentation, mais nous parlons du processus vers la fin de notre document. Le Bureau de la concurrence examinera chaque fusion dans le détail, comme il le fait à l'heure actuelle en conformité avec la loi. Cet examen par le Bureau de la concurrence ainsi que l'analyse des règles relatives au contenu canadien que fera l'Office des transports du Canada et l'examen que fera le gouvernement des autres questions liées à la politique des transports, devront être réalisés avant que tout accord ou entente ne puisse être consacré par la loi; ainsi, nous aurons l'assurance que le nouveau transporteur dominant servira effectivement l'intérêt public.
Le sénateur Spivak: Quand vous parlez de «transporteur dominant», entendez-vous par là un monopole? Comment définissez-vous le transporteur dominant?
M. Collenette: Le transporteur dominant est celui qui occupe une part massive du marché. Toutefois, en mettant en vigueur les mesures proposées par M. von Finckenstein dans son rapport et dans ce document, nous espérons pouvoir encourager la concurrence de sorte que WestJet, First Air, les exploitants de services d'affrètement et d'autres compagnies puissent combler le vide et fournir à notre industrie aérienne des transporteurs secondaires en bonne santé.
Mais laissez-moi m'inscrire en faux contre ce que vous avez dit. Vous semblez laisser entendre que nous avons créé un monopole. Nous ne nous sommes pas levés un beau matin en décidant qu'il faudrait un monopole au Canada et qu'il faudrait apporter tous ces changements pour y parvenir. Il faut comprendre que tout cet exercice est dû à l'affaiblissement des Lignes aériennes Canadien, notre deuxième transporteur qui dessert 70 p. 100 de tout le trafic voyageurs de l'Ouest du Canada, qui compte 16 000 employés d'un océan à l'autre et qui constitue une des grandes présences canadiennes à l'étranger, soit en Extrême-Orient et en Europe. C'est son affaiblissement qui nous a menés là où nous sommes. Ce n'est certainement pas moi qui me suis levé un beau matin avec l'idée géniale de créer un monopole. J'ai de bien meilleures idées sur la façon de passer mon été et mon automne. J'étais déjà bien occupé avec le portefeuille que je détenais précédemment, et je n'ai pas besoin d'avoir plus de travail. Mais il faut comprendre que nous devons réagir à la situation actuelle, et voilà pourquoi nous faisons ces propositions.
Vous dites le meilleur des mondes. Nous cherchons en effet à concrétiser une des propositions, mais quelle serait la solution de rechange? Ce qui nous occupe ici, ce sont les éventuelles solutions de rechange, et c'est pourquoi nous avons opté pour ceci.
Le sénateur Spivak: Bien sûr, mais notre système parlementaire pourrait nous donner assez de temps pour envisager d'autres solutions. Mais peu importe, j'ai entendu votre réponse.
M. Collenette: Mais vous avez raison dans une certaine mesure, puisque lorsque je suis devenu ministre, je me suis dit que quelque chose de cette nature pourrait survenir pendant mon mandat et que nous aurions intérêt à trouver le plus rapidement possible des façons de parer le coup: voilà pourquoi le comité de la Chambre des communes s'est penché sur le dossier dès le printemps dernier. Je pensais à l'époque que nous pourrions étudier le dossier d'un point de vue stratégique à un rythme raisonnable et de façon suffisamment détaillée avant qu'une crise ne surgisse. Toutefois, la crise est survenue plus tôt que je ne l'attendais et nous a forcés à agir d'une autre façon. Je comprends que la contraction du débat vous déconcerte, mais ce n'est pas le gouvernement qui a choisi d'agir ainsi. Nous aurions préféré que l'étude se fasse de façon beaucoup plus ordonnée qu'elle ne se fait actuellement.
Le sénateur Spivak: Ma deuxième question porte sur le plafond de 10 p. 100 des actions imposé à chaque actionnaire. Vous et moi avons certainement lu dans la presse les mêmes arguments au sujet de l'annexe de l'ALENA et sur le fait que cette disposition constitue une dérogation officielle du Canada aux critères régissant le traitement égal prévu dans l'accord. De plus, toujours d'après les journaux, l'article 1108 porte que toute violation des exemptions canadiennes détaillées qui aurait pour effet d'accroître la discrimination à l'égard des investisseurs étrangers -- et il est possible, en effet, que les investisseurs individuels canadiens soient traités différemment des investisseurs étrangers -- pourrait aller à l'encontre du traité de libre-échange et pourrait rendre nulle l'exemption; autrement dit, changer la limite de 10 p. 100 des actions pourrait déclencher automatiquement l'invalidation de la restriction sur les intérêts étrangers. Cela pourrait avoir des conséquences indésirables, comme laisser complètement entre des mains étrangères un service public tout à fait vital dans un pays qui dépend en grande partie des services aériens. À mon avis, il faut s'assurer que cela ne se produira jamais et que nous garderons la mainmise sur cette industrie-là.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet argument, soulevé par le National Post.
M. Collenette: Les conseillers juridiques du gouvernement spécialisés en politique commerciale sont d'avis que nous pouvons sans difficulté relever, si nous le souhaitons, le plafond de 10 p. 100 sans que cela enfreigne nos obligations à l'égard de l'ALENA. Je vous rappelle que la «PWA Corporation», qui chapeaute les Lignes aériennes Canadien, a été créée par une loi de l'Assemblée législative de l'Alberta qui incluait la limite de 10 p. 100, mais que cette limite de 10 p. 100 a été retirée l'année dernière. Elle a été retirée sans que cela porte à conséquence: il n'y a eu ni contestation, ni même mention d'une infraction à des obligations aux termes de l'ALENA.
Nous sommes absolument convaincus qu'une décision de relever le plafond de 10 p. 100 n'aurait aucun impact sur nos obligations en vertu de l'ALENA.
Le sénateur Spivak: Le National Post, qui ne se trompe jamais, évidemment, s'est trompé en disant que les avocats du gouvernement avaient indiqué que cela serait certainement un problème.
M. Collenette: Je ne me fie jamais aux articles de journaux, surtout quand ils viennent de certaines sources.
Le sénateur Spivak: Le programme du National Post n'est pas le mien non plus.
Le sénateur Johnson: C'est maintenant officiel.
Le sénateur Spivak: Absolument. Pardonnez ma curiosité, mais j'aimerais savoir si quelqu'un de la compagnie Canadien -- vous avez dit qu'ils n'avaient pas communiqué avec vous -- aurait communiqué plus tôt avec vos collaborateurs, par exemple avant mars ou bien encore en mars ou en février? Est-ce que quelqu'un du conseil d'administration de la compagnie, ou bien un représentant aurait parlé à l'un de vos collaborateurs au sein du ministère?
M. Collenette: Je vais demander à la sous-ministre de parler au nom des fonctionnaires.
Mme Bloodworth: J'imagine que vous pensez à l'article 47?
Le sénateur Spivak: Oui, est-ce qu'ils auraient parlé de l'article 47.
Mme Bloodworth: Non, je ne crois pas avoir jamais parlé à quiconque du conseil d'administration de la compagnie Canadien, mais j'ajoute qu'il est possible que je l'ai fait sans le savoir. Il est certain que nous avons souvent l'occasion de parler à des gens de cette compagnie. C'est seulement le 6 juillet, je crois, qu'ils m'ont parlé pour la première fois de l'article 47. Air Canada avait soulevé la question et nous en avait parlé, à M. Ranger et à moi-même, en mars dernier, je pense, mais la compagnie Canadien n'a pas abordé la question avant le mois de juillet.
Le sénateur Johnson: Cette date du 26 novembre, quelle est sa signification dans le cadre de nos audiences?
M. Collenette: Sénateur Johnson, nous pensons que la situation exige une réaction relativement rapide. Je sais que c'est beaucoup demandé aux comités parlementaires, et que cela représente une certaine somme de travail très détaillé, mais nous avons besoin que cela soit fait le plus vite possible. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné le 26 novembre. Je sais que les comités sont maîtres de leur propre destinée, mais d'un autre côté, cela me paraît très important. En effet, il est indispensable que nous déposions un projet de loi avant l'ajournement de Noël pour annoncer les intentions du gouvernement en ce qui concerne la restructuration.
Le sénateur Johnson: Que répondez-vous aux critiques qui disent que ce programme ressemble beaucoup à celui d'Onex?
M. Collenette: Cela n'a pas été inspiré par Onex mais bien par les problèmes financiers et la crise à la compagnie Canadien. Quelle que soit la proposition, celle d'Onex, celle d'Air Canada ou une autre, c'est une question qui doit être réglée le plus rapidement possible. Quelle que soit la décision des actionnaires, Onex ou Air Canada, nous devons agir très rapidement.
Le sénateur Johnson: Je comprends bien cela, mais ce que je lis dans les journaux me fait penser que nous allons avoir du mal à régler cela en trois semaines. La tâche sera difficile, mais je vous remercie pour votre réponse.
M. Collenette: Le programme d'Onex était encore plus rapide, il s'agissait du 8 novembre.
Le sénateur Johnson: Toute cette information existe et les parlementaires doivent essayer d'y voir clair. Si je vous ai posé cette question, c'est pour bien montrer que les parlementaires font leur travail, qu'ils participent à cet exercice. Un journaliste bien connu nous a traités de «chopped liver» (quantité négligeable) l'autre jour en parlant de plusieurs dossiers dont le gouvernement s'occupe ce mois-ci. Dans ces cas-là, le Parlement n'a pas vraiment été impliqué. Pour cette raison, nous devons montrer aux Canadiens que le Parlement joue un rôle important et participe activement à cette discussion.
M. Collenette: Il y a certaines questions fondamentales, comme celle des 10 p. 100, sur lesquelles nous avons besoin de votre opinion. Le Bureau de la concurrence et l'OTC vont se pencher sur beaucoup d'autres questions, et tout cela est très important, mais à cause du temps limité dont nous disposons, nous espérons que vous concentrerez vos efforts sur les sujets précis que j'ai mentionnés.
Le sénateur Maheu: Ma première question porte sur la proportion de gens d'AMR au conseil d'administration. Après toutes les consultations auxquelles j'ai assisté, j'ai toujours passablement d'appréhension.
AMR a deux personnes au conseil d'administration de Canadien International, mais comme elles ont un droit de veto sur beaucoup de choses, ces deux personnes, sur un total possible de 16 membres, je crois, jouent un rôle tout à fait démesuré.
[Français]
Jusqu'à ce jour, on a investi beaucoup d'efforts pour nous rappeler qu'Onex est une entreprise canadienne. On semble toutefois oublier de mentionner que derrière celle-ci se cache le géant American Airlines qui investirait d'importantes sommes dans l'entente visant à fusionner Air Canada et Canadien International. On semble aussi être très discret sur le rôle que jouerait AMR dans la nouvelle compagnie aérienne Air Canada et sur le contrôle qu'elle y exercera.
Étant donné ces circonstances, est-ce que vous ne craignez pas que le contrôle effectif en matière de transport aérien au Canada passe aux mains d'une société américaine? Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter qu'une telle situation ne se produise, avec les veto, et cetera?
M. Collenette: Ce n'est pas à moi de faire des commentaires sur les propositions d'Onex ou d'Air Canada. C'est le rôle de l'Office canadien du transport d'examiner les propositions, les ententes existantes et la situation présente avec Canadien International et American Airlines pour décider s'il existe actuellement un contrôle effectif canadien.
Ce sont les pilotes d'Air Canada qui ont décidé de relever le défi en soulignant les relations entre American Airlines et Canadien International. C'est à l'Office canadien du transport de décider. Ils ont des règlements et ils ont l'obligation d'examiner tous les contrats, comme les ententes avec les syndicats par exemple, pour déterminer s'il existe en effet un contrôle canadien.
[Traduction]
Le sénateur Maheu: Ne leur enlevez-vous pas beaucoup de pouvoir en adoptant un projet de loi dans de brefs délais?
M. Collenette: Non, nous n'avons pas l'intention de modifier les pouvoirs de l'Office. L'Office a des pouvoirs que lui confère une loi et peut déterminer ce qui constitue un contrôle effectif.
Le sénateur Maheu: J'aimerais vous poser une autre question au sujet de la limite de 10 p. 100 des actions.
[Français]
Le sénateur Maheu: Je vais citer l'extrait d'un article publié dans Le Devoir d'aujourd'hui:
Pour ce qui est du fond, la règle du 10 % vise à empêcher une personne ou une entité de prendre le contrôle d'Air Canada et ensuite tirer parti de sa situation de prédominance sur le principal transporteur aérien du pays. Je crois que l'intérêt public justifie le maintien de cette règle et que le Parlement aurait tort de la changer.
Et l'argument en faveur de la règle de 10 p. 100 est encore plus probant dans le cas de la fusion d'Air Canada et de Canadian Airlines proposée par Onex, car la société aérienne à nombre restreint d'actionnaires qui en résulterait contrôlerait environ 80 p. 100 des services aériens intérieurs au Canada.
[Traduction]
Ne craignez-vous pas que quelques rares investisseurs intéressés ne réussissent à contrôler l'industrie aux dépens des investisseurs?
[Français]
M. Collenette: Cet article que vous avez cité, publié aujourd'hui dans Le Devoir, a été écrit par mon ancien collègue, M. Lalonde. C'est un homme que j'estime énormément. Il est avocat pour la firme de Stikeman, Elliott, qui travaille pour Air Canada. C'est franchement un avis personnel qu'il exprime.
[Traduction]
Pensons-nous affaiblir le contrôle étranger en changeant cet état de choses? Si le Parlement décide de changer la règle des 10 p. 100 -- mais aucune décision n'a encore été prise et nous souhaitons avoir votre opinion à ce sujet --, ce n'aura aucune incidence sur la question du contrôle. Par contre, cela pourrait changer le nombre des actionnaires et la façon dont la compagnie est administrée.
Le sénateur Callbeck: Ma première question porte sur le Bureau de la concurrence. Le Bureau a annoncé qu'en cas de fusion, le gouvernement n'aurait pas les mécanismes voulus pour empêcher les tarifs qui exploitent le consommateur. Quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet?
M. Collenette: Le Bureau de la concurrence ne s'occupe pas des tarifs qui exploitent le consommateur, ce qu'il considère, ce sont les tarifs abusifs. Ils nous ont déjà dit qu'ils voudraient voir la législation renforcée.
Mme Bloodworth: Un transporteur dominant et une diminution de la concurrence posent deux problèmes sur le plan des prix. Il y a d'une part la question de l'exploitation possible du consommateur, c'est-à-dire, si vous êtes le seul à offrir un service, allez-vous imposer des prix plus élevés qu'ils ne le seraient autrement? Le Bureau de la concurrence n'est pas autorisé à s'occuper de cet aspect-là. C'est la raison pour laquelle à la page 10 du document nous mentionnons l'énoncé actuel de la Loi sur les transports qui ne traite que des tarifs de base et des monopoles. Nous vous demandons si vous considérez que ces dispositions sont suffisantes ou bien si vous pensez qu'elles doivent être renforcées. Voilà pour le côté positif.
Il y a une autre préoccupation dans une situation où il existe un transporteur dominant, le risque de prix abusifs. En effet, dans une telle situation un transporteur peut décider d'offrir des tarifs très bas pour se débarrasser d'un concurrent. Le Bureau de la concurrence a une nouvelle opinion à ce sujet et propose une solution précise. À son avis, les mécanismes législatifs actuels sont suffisants pour éviter ce genre de choses, et bien sûr, c'est une façon de voir les choses.
D'après ce document, le gouvernement s'est engagé à adopter de nouvelles mesures pour empêcher les prix abusifs mais on n'a pas encore décidé de quel genre de mesures il s'agirait. En plus des recommandations du Bureau de la concurrence, le gouvernement voudrait avoir l'opinion des parlementaires sur la meilleure façon d'empêcher les prix abusifs. En présence d'un transporteur dominant, il faut considérer les deux aspects.
Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question à propos des petites compagnies aériennes. Le ministre a mentionné WestJet à plusieurs reprises ce soir. Vous avez dit que 20 p. 100 des passagers de cette compagnie sont de l'ouest du Canada.
M. Collenette: Non, je parlais de Canada 3000 qui a des vols réguliers de Toronto à Vancouver.
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné WestJet à deux ou trois reprises. Est-ce que ces petites compagnies ne risquent pas d'avoir des difficultés en présence d'un transporteur dominant? Est-ce que le risque n'est pas encore plus grand pour un transporteur à faibles prix appartenant au transporteur dominant?
M. Collenette: C'est la raison pour laquelle le Bureau de la concurrence nous a donné des indications précieuses. Nous avons accepté un grand nombre de leurs recommandations, par exemple en ce qui concerne l'accès aux terminaux et en particulier pendant les heures de pointe dans des aéroports comme Pearson, Dorval et Vancouver. Nous avons accepté leur recommandation en ce qui concerne l'accès aux programmes de fidélisation et le concept des transferts intercompagnies, qui permet par exemple de quitter Iqaluit à bord d'un appareil de First Air après avoir fait une réservation permettant d'atteindre Chicago avec une correspondance à bord d'un vol du transporteur dominant.
Pour les réservations les premiers arrivés sont les premiers servis, même si quelqu'un d'autre fait appel à un transporteur régional en provenance d'un aéroport du Québec et passe par Montréal avant d'atteindre Chicago. En tant que filiale, il a cette possibilité. C'est vraiment premier arrivé premier servi. Par exemple, First Air pourrait vouloir signer une entente avec Aéroplan, si Aéroplan subsiste, et nous empêcherions le transporteur dominant de s'opposer à cette entente qui permet d'accorder des points de grand voyageur et d'attirer ainsi le client à First Air sans qu'il soit pénalisé.
En ce qui concerne les appareils excédentaires de Canadien International, ce sont des exploitants canadiens qui doivent pouvoir les acheter en priorité pendant une certaine période et à un prix commercialement viable. Autrement dit, WestJet ou Royal pourraient acheter des 737 de Canadien International avant que ceux-ci ne soient offerts sur le marché international.
Nous avons beaucoup de possibilités d'action. Entre la lettre du Bureau de la concurrence, dont vous avez reçu un exemplaire et qui a maintenant été publiée, et ce cadre d'action, nous voulons mettre en place un régime qui encourage les petits exploitants.
Le sénateur Callbeck: Oui, il va falloir que je lise cela. Je viens tout juste de la recevoir ce soir.
[Français]
Le sénateur Poulin: Monsieur le ministre, en acceptant le mandat de ministre des Transports, vous ne pensiez pas être aussi populaire et aussi visible que vous l'avez été depuis quelques semaines.
En tant que membres du comité des transports et communications, toutes nos questions sont liées au fait que la majorité des sénateurs viennent d'une région éloignée: Toronto, Vancouver ou Montréal. Les gens de nos régions nous ont posé des questions tout l'été.
[Traduction]
Monsieur le ministre, quand vous avez commencé à nous parler, vous avez mentionné la vision, et ce faisant, vous avez répondu en théorie à la principale préoccupation éprouvée par les Canadiens au cours de l'été. Vous avez parlé d'une industrie aérienne saine et sécuritaire, une industrie appartenant à des Canadiens, contrôlée par eux, et desservant toutes les régions à des prix raisonnables tout en pouvant se mesurer aux plus grosses et meilleures compagnies internationales.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé du processus permettant de parvenir à ces objectifs. Pouvez-vous passer en revue avec nous les éléments clés du processus pour que les Canadiens soient bien convaincus que le gouvernement est parvenu à ces objectifs.
M. Collenette: Nous résumons en annexe la procédure que nous avons l'intention d'utiliser. Il s'agit d'une action en trois volets. D'une part, l'Office des transports du Canada doit examiner la question du transport. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons fournir à l'Office tous les documents et toutes les informations qu'il juge nécessaire pour prendre une décision sur le contrôle canadien.
Le sénateur Poulin: Est-ce que c'est en cours?
M. Collenette: Je crois comprendre que les offres sont en cours en ce moment même. Celle d'Onex est probablement déjà arrivée et celle d'Air Canada ne doit pas être loin derrière. Quoi qu'il en soit, quelle que soit la décision des actionnaires, s'ils décident de retenir l'une de ces offres, l'Office demandera à celui des deux qui l'emportera de soumettre les ententes. L'Office examinera ensuite ces ententes à la loupe pour déterminer précisément le contrôle canadien.
Le sénateur Poulin: Est-ce que cet office fonctionne indépendamment du gouvernement?
M. Collenette: Oui, c'est un organisme quasi judiciaire du gouvernement avec un conseil d'administration réglementaire
Il y a ensuite le Bureau de la concurrence qui, comme je l'ai dit plus tôt, est parfaitement libre d'examiner la fusion, ce qui est d'ailleurs un exercice exigé par la loi.
Enfin, il y a d'autres domaines qui exigeront des modifications législatives, qu'il s'agisse de la Loi sur les transports ou d'autres changements réglementaires, d'autres conditions que nous pourrions imposer au transporteur en employant des moyens législatifs.
Le sénateur Kirby: Monsieur le ministre, puisque nous entendrons les représentants du Bureau de la concurrence demain, je n'ai que trois brèves questions à vous poser.
Vous ne mentionnez pas dans votre déclaration ni dans le document que vous avez publié aujourd'hui l'une des solutions esquissées dans la lettre du Bureau de la concurrence: il s'agit de ce qu'ils appellent la «sixième liberté modifiée», ce que nous appellerions, nous, le quasi-cabotage. Il s'agit de la situation où l'on va d'un point du Canada à un autre en passant par une plaque tournante aux États-Unis; autrement dit, en prenant des vols qui existent déjà, on peut par exemple aller d'Ottawa à Chicago sur United, puis de Chicago à Calgary toujours sur United, avec un billet à tarif direct. Vous n'en parlez pas dans votre document. Ce silence signifie-t-il que le comité doit considérer cette option de la même manière que celle de la compagnie aérienne exclusivement intérieure sous contrôle étranger?
M. Collenette: Nous ne sommes pas favorables au cabotage ni au quasi-cabotage tant que notre industrie ne sera pas solidement établie. Même dans ce cas, cette question suscitera un débat public approfondi. De nombreux théoriciens soutiennent que le cabotage est la solution incontournable. Néanmoins, les pays d'Europe, l'Australie ou d'autres pays qui pratiquent ce cabotage n'ont pas de l'autre côté de leurs frontières le gigantesque voisin que constituent les États-Unis, où l'on trouve United Airlines avec 1 100 avions, American avec 850 avions, et encore Delta et d'autres compagnies. Les États-Unis sont beaucoup plus gros que le Canada. La question du cabotage se posera plus tard. Je pense que je ne serai plus ministre à ce moment-là.
Le sénateur Kirby: Dans sa lettre, le Bureau de la concurrence recommande de donner aux compagnies aériennes non dominantes l'accès à suffisamment de portes et de créneaux, et cetera. Ai-je raison de penser que, pour donner au gouvernement ou à l'OTC les pouvoirs nécessaires, il faudrait modifier la loi? Maintenant que le gouvernement n'est plus propriétaire des compagnies aériennes et que les aéroports ne relèvent plus de lui, maintenant que les compagnies aériennes appartiennent à des pouvoirs locaux, le gouvernement a-t-il encore le pouvoir d'exiger qu'on fournisse ces créneaux, et cetera?
M. Collenette: Nous pouvons le faire pour les créneaux temporels, mais il faudra examiner la question des portes dans les aéroports.
Le sénateur Kirby: Vous pouvez le faire pour les créneaux temporels, mais pas pour les portes, n'est-ce pas?
M. Collenette: Pour les portes et les autres services, il faut négocier. Le sous-ministre a déjà communiqué avec certaines de ces autorités.
Le sénateur Kirby: Ce que je veux savoir, c'est s'il faut modifier la loi ou si l'on peut le faire par un autre moyen.
Mme Bloodworth: Le ministre a actuellement le pouvoir de réglementer les créneaux temporels dans les aéroports, bien que nous n'ayons jamais exercé ce pouvoir.
Pour ce qui est des installations, il y a deux façons d'agir. Le Bureau de la concurrence examinera toute proposition particulière et pourra stipuler qu'elle ne sera acceptée que moyennant l'accès à certaines installations aéroportuaires. Toutefois, il s'agira d'une décision à caractère unique. Il faudra peut-être aussi prévoir d'autres interventions législatives ultérieures.
Le Bureau peut agir de façon très efficace au moment du transfert, mais il faudra peut-être intervenir au niveau de la législation en fonction de l'évolution des choses. Dans le document, nous soulignons que les prix d'éviction et l'accès aux aéroports sont des questions clés qu'il faudra examiner dans l'optique de la concurrence et pour lesquelles il faudra peut-être prendre des mesures législatives.
Le sénateur Kirby: Il faudra certainement légiférer sur la question des prix d'éviction. La loi actuelle ne permet absolument pas d'intervenir sur ce point.
Mme Bloodworth: En effet, le Bureau de la concurrence en convient.
Le sénateur Kirby: Donc, si vous modifiez un aspect de la loi, autant modifier aussi les autres.
Mme Bloodworth: Il y a d'autres suggestions en ce qui concerne les autres points, et dans certains cas il pourrait être possible de les imposer en tant que conditions. Très franchement, dans certains cas, on n'a pas encore répondu catégoriquement: «Oui, faites cela». Par conséquent, il faut peut-être voir ce qui est le plus efficace.
Le sénateur Kirby: Monsieur le ministre, j'ai une dernière question qui concerne le calendrier. Vous avez dit que vous souhaitiez que notre comité et le comité de la Chambre remettent leurs rapports avant le 26 novembre pour que vous puissiez déposer un projet de loi à la Chambre des communes avant Noël. Je le comprends. Toutefois, dans la partie de votre rapport qui traite de la restructuration, vous avez deux autres étapes, celle de l'OTC et celle du Bureau de la concurrence. Sachant que les calendriers ne peuvent pas être garantis, êtes-vous tout de même convaincu de pouvoir en terminer à temps avec ces deux étapes? En fait, est-ce bien cette conviction que vous manifestez à la page 12 de votre rapport lorsque vous dites que les trois procédures seront menées le plus rapidement possible pour tenir compte de la santé financière des entreprises concernées?
Je suppose que cela veut dire que vous espérez que Canadien ne se trouvera pas en faillite à cause de la lenteur d'une des démarches gouvernementales. Cette compagnie fera peut-être faillite pour d'autres raisons, mais est-il bien exact que vous ne voulez pas que la lenteur du gouvernement soit la cause de cette faillite?
M. Collenette: Tout à fait. Je crois que l'OTC n'aura pas de difficulté à s'occuper rapidement de l'aspect de la question qui le concerne, et je pense que le Bureau de la concurrence est bien conscient de l'urgence de la situation et sera probablement prêt à respecter un calendrier serré. Je suis sûr que vous allez poser la question au Bureau de la concurrence demain, et je serais intéressé de connaître leur réponse.
Le sénateur Kinsella: Le décret actuel est encore EN vigueur pour deux semaines. Deux propositions ont déjà été soumises aux actionnaires respectifs par des représentants du secteur privé, et ces actionnaires pourraient fort bien recevoir une deuxième proposition de la part des groupes qui ont fait les premières. Si cela se produit au cours des 14 prochains jours, ce ne sera pas une partie de plaisir pour les actionnaires de prendre leur décision finale.
Ce que je crains, c'est que les actionnaires, si l'on met la pression sur eux de cette manière, se disent qu'ils n'ont pas le temps voulu pour se prononcer. Si le décret vient à expiration, les négociations entre certains grands transporteurs aériens ne pourront pas se poursuivre en marge de la réglementation normale.
Si les actionnaires rejettent les deux propositions actuelles, ne retrouvez-vous pas dans la même situation que le 13 août, confronté à un bouleversement extraordinaire qualifié d'imminent dans le décret? Ce bouleversement que l'on craignait le 13 août est-il plus ou moins imminent aujourd'hui? Que se passerait-il si les actionnaires n'acceptent pas les propositions actuelles ou les suivantes?
M. Collenette: Je ne souhaite pas spéculer, mais comme je l'ai dit au sénateur Forrestall, pour ce qui est de cette menace imminente de bouleversement, les conditions dans lesquelles nous avons invoqué l'article 47 existent de notre avis tout autant aujourd'hui, et il est évident qu'il faudrait prendre des mesures en fonction de cette situation.
Le sénateur Kinsella: Dans ce cas, avez-vous dans votre arsenal l'option d'un deuxième décret?
M. Collenette: Pour quoi faire, sénateur?
Le sénateur Kinsella: Pour faire la même chose que ce que vous avez fait avec le décret du 13 août.
M. Collenette: Nous avons eu des propositions.
Le sénateur Kinsella: Vous allez peut-être en avoir d'autres.
M. Collenette: Ce sont peut-être les événements qui vont trancher.
Le sénateur Kinsella: Pour en revenir au calendrier législatif, monsieur le ministre, vous dites que vous voulez présenter le projet de loi avant Noël. À votre avis, quand les deux Chambres pourraient-elles raisonnablement adopter ce projet de loi?
M. Collenette: Il est très important que nous montrions bien notre volonté de mener à bien ce processus de restructuration, et c'est pour cela que nous présenterions le projet de loi avant l'ajournement de Noël. Il est évident que nous aimons toujours que le Parlement agisse rapidement, mais quand il s'agit de modifier des lois, il faut veiller à ne pas bousculer les choses et à étudier soigneusement les modifications proposées. La Chambre des communes et le Sénat auraient donc une certaine marge de manoeuvre pour étudier correctement la question après l'ajournement de Noël. Mais du point de vue juridique et du point de vue des politiques, il importe que nous montrions notre détermination.
Le sénateur Kinsella: Notre collègue sénateur Poulin a parlé de l'inquiétude omniprésente dans tous les secteurs des collectivités de nos régions, les employés, les autorités aéroportuaires locales et les voyageurs. Puisque l'on constate de telles préoccupations et de telles angoisses dans tout le pays, ne pensez-vous pas que notre comité et le comité de l'autre endroit devraient voyager pour aller écouter les gens sur place entre maintenant et le 26 novembre? Comme le temps presse, pensez-vous que l'on pourrait répartir ce travail entre les deux Chambres?
Le sénateur Kirby: La question suivante, naturellement, sera de savoir si vous appuieriez une demande de budget supplémentaire pour permettre au comité du Sénat de voyager.
M. Collenette: On s'en est pris à moi pour bien des choses déjà dans toute cette affaire, et je n'ai pas l'intention de laisser le Sénat s'en prendre à moi parce que j'aurais voulu dire à son comité ce qu'il peut ou ne peut pas faire. À vous de régler cela vous-mêmes.
Le sénateur Forrestall: Comme vous le savez, monsieur le ministre, les membres de notre comité accordent beaucoup d'importance à la sécurité. Nous sommes sur le point de publier un rapport de 70 ou 80 pages sur la sécurité des transports aériens.
Selon des experts éminents, le câblage de kapton s'effiloche, ce qui provoque des arcs qui dégagent de la chaleur, qui elle-même déclenche des incendies, ce qui entraîne des pertes de vies dans les airs. Nous avons de bonnes raisons de penser que les faisceaux utilisés dans les 15 ou 20 DC9 qu'Air Canada utilise ou envisage d'utiliser pour ses services aériens secondaires à Hamilton ont une gaine en kapton. L'armée américaine l'interdit dans tous les avions construits depuis deux ou trois ans. Ce danger existe toutefois aussi bien dans nos avions militaires que dans une bonne partie de nos avions commerciaux.
Va-t-on s'occuper de sécurité lors de cette fusion? Si, comme vous l'avez dit, il n'est pas question de compromettre la sécurité, comment pensez-vous régler ce problème qui va être l'une des conséquences directes d'une fusion?
M. Collenette: Excusez-moi, quand vous parlez de «ce problème», vous parlez de la sécurité ou des gaines en kapton?
Le sénateur Forrestall: Les deux. Je pense que les deux sont synonymes.
M. Collenette: En matière de sécurité, nos contrôles sont vraiment ce qu'il y a de mieux. Nous faisons un travail de premier ordre qui est reconnu dans le monde entier. Il n'est pas question de faire le moindre compromis sur la sécurité, quelle que soit la structure de la compagnie aérienne, quel que soit le transporteur dominant et quelle que soit la formule de service régional.
Pour ce qui est des gaines en kapton, nous examinons la question de très près depuis qu'elle a été mise en évidence lors de l'écrasement de l'avion de la Swissair. Il est vrai que nous avons au Canada des aéronefs avec des gaines en kapton. D'après les autorités, ces gaines ne constituent pas elles-mêmes une menace pour la sécurité. Tout dépend des programmes d'entretien et des techniques de maintenance utilisées. Nous suivons cette question de très près pour les cas où d'autres révélations découlant de l'enquête sur l'écrasement de l'avion de la Swissair devraient entraîner des conséquences au niveau des conseils fournis actuellement et des procédures que nous utilisons pour l'entretien des avions utilisant des faisceaux gainés de kapton. Comme vous le savez, nous avons des liens très étroits avec le Bureau de la sécurité des transports du Canada qui dirige cette enquête. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur ce bureau. Nous collaborons étroitement avec lui pour suivre de près l'évolution de la situation.
Le sénateur Forrestall: J'ai envie de vous le demander directement. Le gouvernement pense-t-il que cela constitue un danger? Et dans l'affirmative, autorisera-t-il l'utilisation de ces 19 ou 20 avions par la nouvelle compagnie aérienne?
M. Collenette: Je pense que la réponse que je viens de vous donner est aussi complète que possible pour l'instant. Nous allons suivre de près les constatations de l'enquête sur l'avion de la Swissair, mais nous pouvons affirmer sans hésiter que les régimes de sécurité appliqués à l'industrie aéronautique canadienne sont extrêmement bons et que les Canadiens n'ont aucune inquiétude à se faire.
Le sénateur Forrestall: J'ai une dernière question parce que je suis l'un de ceux qui ont un conflit d'intérêts. Est-ce qu'il y a moyen d'avoir plus que 2 $ par action dans les Lignes aériennes Canadien?
M. Collenette: Au suivant.
[Français]
Le sénateur Poulin: Ma question touche notre raison d'être et notre intérêt en tant que membres du comité. Je suis contente de voir que vous voulez que le comité des transports et des communications aille à Sudbury.
[Traduction]
Mais lorsqu'on voit le coût des voyages par avion dans certaines régions du pays, on constate à quel point c'est cher. Il m'en coûte près de 1 000 $ pour me rendre de ma région à Ottawa.
Le sénateur Spivak: Et ce n'est pas loin.
Le sénateur Poulin: En effet. Le sénateur Fairbairn, par exemple, paie combien, en moyenne, pour se rendre à Lethbridge -- environ 3 000 $?
Le sénateur Fairbairn: Oui.
Le sénateur Poulin: Étant donné que vous avez entrepris d'étudier toute cette industrie, serez-vous en mesure de rendre les voyages par avion en région plus abordables? Je songe à tous ces gens d'affaires du Nord de l'Ontario et d'autres régions éloignées du pays.
M. Collenette: Il y a des détails sur les prix dans le document qui traite de ces questions, parce que je pense que c'est une interrogation légitime.
La situation que vous décrivez est semblable à celle que je vis en ma qualité de député à la Chambre des communes. Nous voyageons généralement à plein tarif, classe économique ou affaire, et l'on paie le maximum. Cependant, 90 p. 100 de tous les voyages en avion au Canada sont au tarif qu'on appelle, je crois, excursion, soit le tarif le plus économique. Je sais qu'à la Chambre des communes, il existe un programme qui encourage les députés à faire des réservations à l'avance, et l'on peut souvent avoir un tarif plus avantageux, mais ça ne marche pas toujours; tout dépend évidemment des obligations que vous avez. C'est la même chose pour les gens d'affaires. Nous allons suivre cela de près dans le cadre de notre étude, mais nous voulons nous assurer de conserver le régime existant pour le tarif excursion avec réservation à l'avance, parce que beaucoup de gens acceptent de voyager au milieu de la nuit ou d'adapter leur séjour. Nous voulons aussi conserver les soldes de places. Le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Les lignes aériennes font valoir qu'elles ont besoin d'exiger le tarif complet de ceux qui se déplacent par affaire afin de subventionner les soldes de places et le plein tarif excursion. Cependant, toute la question des prix doit faire l'objet d'un examen minutieux dans le cadre de cette proposition.
Le sénateur Spivak: J'ai une petite question. Comme vous savez, monsieur le ministre, la Commission de l'Union européenne à Bruxelles et les Américains observent la fusion qui se prépare ici. Quel effet cela aura-t-il? Pourrez-vous faire valoir une position contraire? Comment envisagez-vous de régler ces questions? Européens et Américains ont bien sûr des créneaux et des positions d'atterrissage dans les grandes villes que desservent Canadien et Air Canada.
Mme Bloodworth: Il est vrai, sénateur, qu'Européens et Américains suivent le dossier de la fusion. Ils le font pour des raisons précises, mais sans tenir compte de l'ensemble de la situation, si je peux dire. D'après ce que nous savons, l'Union européenne s'intéresse particulièrement aux créneaux de Heathrow, et je pense qu'elle n'a examiné à ce jour que la proposition d'Onex parce qu'Onex s'est adressée à elle. Ce qui les inquiète dans cette proposition, c'est que l'essentiel du trafic entre le Canada et Heathrow sera contrôlé par une seule alliance. L'Union européenne ne se préoccupe que des créneaux de Heathrow. Si Onex a gain de cause, il se peut que les transporteurs doivent renoncer à certains créneaux, mais le gouvernement canadien tient à ce que ces créneaux demeurent entre les mains de transporteurs canadiens et ne soient pas cédés à des transporteurs de l'Union européenne qui les convoitent.
Les Américains étudient la situation strictement dans l'optique de l'immunité dont profitent les alliances transnationales relativement aux pratiques restrictives. Au bout du compte, les Américains décideront s'ils veulent accorder ou non l'immunité antitrust dans ce nouveau régime, quel qu'il soit.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison de croire que la fusion entre British Airways et American Airlines n'a pas été autorisée parce qu'il aurait fallu renoncer à trop de créneaux d'atterrissage?
Mme Bloodworth: Ce n'était pas une fusion, c'était en rapport avec l'alliance. Vous avez raison de dire que, tout comme nous nous sommes intéressés aux créneaux temporels, l'Union européenne examine également les créneaux à l'aéroport Heathrow.
Le sénateur Spivak: Je pense que cette entente n'est pas allée de l'avant parce que cela aurait coûté extrêmement cher. Est-ce que l'on en a tenu compte ici?
Mme Bloodworth: Pour certains éléments, oui, mais pas pour toute l'entente. Étant donné que l'Union européenne avait certaines préoccupations relativement à Heathrow, il est possible qu'une proposition éventuelle renferme des conditions visant à résoudre ces problèmes. Ce qui nous préoccuperait, ce serait de nous assurer que l'ensemble des transporteurs canadiens aient le même accès à l'aéroport de Heathrow qu'à l'heure actuelle.
M. Collenette: Il y a un peu de politique européenne qui entre en jeu en l'occurrence, sénateur. L'Union européenne, à mon sens, aimerait beaucoup user de ce prétexte pour faire main basse sur les créneaux que détiennent les compagnies canadiennes afin de les donner à d'autres transporteurs, et nous nous battrons bec et ongles pour préserver notre part des créneaux à l'aéroport de Heathrow.
Le sénateur Spivak: Mais tous nos efforts seront peut-être vains. Que se passera-t-il ensuite?
M. Collenette: La législation canadienne ne porte pas sur l'attribution des créneaux.
Le sénateur Callbeck: J'ai une question supplémentaire concernant les créneaux. Je pense à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Collenette: Y a-t-il un problème de créneaux à Charlottetown?
Le sénateur Callbeck: Les autorités aéroportuaires reçoivent la plupart de leurs revenus des compagnies aériennes qui utilisent l'aéroport. En cas de fusion, ces revenus vont diminuer considérablement. Comment l'aéroport pourra-t-il récupérer ce manque à gagner?
M. Collenette: Les responsables des administrations aéroportuaires et de NAV CANADA reconnaissent qu'il y aura à court terme des baisses des recettes dues à la diminution de la capacité, mais ils sont convaincus que la rationalisation débouchera rapidement sur une augmentation des vols et que leurs recettes augmenteront en conséquence.
Mme Bloodworth: Il importe de se rappeler que le nombre de voyageurs ne va pas diminuer. Il y aura autant de gens qui prendront l'avion. Certaines administrations aéroportuaires craignent une diminution de leurs revenus, comme l'a dit le ministre, mais cela se fera à court terme. Nous n'avons pas entendu énormément de gens exprimer des inquiétudes pour le long terme. Tout le monde s'attend à une diminution à court terme, mais les choses reprendront ensuite.
Le sénateur Callbeck: Et si ce n'est pas le cas?
Mme Bloodworth: Le gouvernement du Canada continue d'être propriétaire des 28 administrations aéroportuaires, y compris celle de Charlottetown, et dans le cadre de la politique nationale des aéroports, il a déclaré que ces aéroports resteront en activité. Aucun changement à cet égard n'est prévu.
Le sénateur De Bané: Monsieur le ministre, vous avez publié un document intitulé «Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien au Canada». Dans ce document, vous parlez des graves conséquences que présente l'existence d'un transporteur aérien dominant dans notre pays. Vous dites qu'il est dans notre intérêt d'avoir une compagnie aérienne solide du point de vue économique qui réponde à ces besoins, et que le gouvernement établisse le cadre dans lequel elle sera exploitée.
Cela dit, avez-vous une opinion sur les avantages relatifs des deux propositions qui ont été faites?
M. Collenette: Je n'ai aucune observation à faire au sujet de ces propositions, car c'est aux actionnaires d'en décider. Ce sont des propositions d'ordre commercial qui concernent deux compagnies cotées en bourse. C'est aux actionnaires de décider laquelle des offres est la plus logique du point de vue financier et de l'organisation. Si une des propositions est retenue et qu'elle nous est soumise, nous devrons faire en sorte qu'elle se tienne du point de vue politique et que l'intérêt public soit protégé.
Le sénateur De Bané: Vous dites que la première étape du processus incombe entièrement au secteur privé, c'est-à-dire aux actionnaires, et que par la suite le gouvernement sera appelé à intervenir pour évaluer la question de l'intérêt public en général. Est-ce vraiment la façon la plus efficace d'aborder le problème?
Le sénateur Spivak: Est-ce la façon libérale d'agir?
M. Collenette: Sénateur, bien des gens invoquent votre raisonnement car ils estiment qu'il y a un lien entre la situation actuelle et ce qu'a fait le gouvernement dans le cas des banques. Cela n'a rien à voir. Tout allait bien pour les six banques qui voulaient se fusionner afin de disposer de plus grandes efficiences et d'être plus concurrentielles à l'échelle mondiale. En l'occurrence, il y a deux transporteurs nationaux dont l'un se dirige rapidement vers la faillite et l'autre donne un rendement financier insatisfaisant dans cette industrie planétaire. Les circonstances sont bien différentes.
Nous n'avons pas le temps dont nous avons disposé pour nous pencher sur la fusion des banques et c'est pour cette raison que nous avons choisi ce processus. Je suis venu témoigner aujourd'hui et décrire la situation afin d'aider les sociétés aériennes et les actionnaires à bien comprendre les conséquences de leurs décisions, quelles qu'elles soient.
Le sénateur De Bané: Sauf votre respect, monsieur le ministre, je me dois de vous contredire; dans votre document de politique-cadre, vous expliquez très clairement qu'on ne saurait surestimer les conséquences de la présence d'un joueur dominant. Il faudra régler bien des problèmes, et le gouvernement ne restera pas passif. Il s'attaquera aux problèmes selon les grands principes que vous avez énoncés. Là-dessus, je suis entièrement d'accord avec vous. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites: «Laissons les actionnaires exprimer leurs préférences; nous nous laisserons guider par ces préférences et tenterons d'en tenir compte.»
Permettez-moi une comparaison. M. Firestone a décidé que les sénateurs auraient un stade dans l'ouest de la ville car il y avait un terrain. Les autorités compétentes ont dû tenir compte de sa préférence. Elles se sont demandé si elles devraient permettre le rezonage de ce terrain. Elles ont néanmoins dû tenir compte de sa préférence. Nous avons maintenant, pour les 100 ou 200 prochaines années, un stade qui ne sert à rien à ceux qui habitent sur l'autre rive. Nous avons dû composer avec ce choix. M. Firestone a établi les règles du jeu, et nous avons maintenant un stade dans un emplacement tout à fait illogique du point de vue de l'urbanisme. Ce centre sportif n'est pas où il devrait être.
Vous nous dites: «Laissons les actionnaires choisir entre les deux options. Moi, comme ministre, je n'ai pas de préférence. Nous examinerons ensuite l'option choisie par les actionnaires pour déterminer si elle est conforme à notre politique-cadre et, partant, à l'intérêt public».
Je ne suis pas certain, monsieur le ministre, que ce soit la meilleure façon d'aborder cette question qui est fondamentale pour un pays comptant six fuseaux horaires et d'une superficie supérieure à celle de 33 pays d'Europe.
La présidente: Est-ce une question ou une observation?
Le sénateur De Bané: Je donne mon point de vue au ministre, que je respecte beaucoup.
M. Collenette: Sénateur De Bané, si le processus actuel vous déplaît, présentez-nous d'autres solutions. Nous en avons examiné d'autres, et elles n'étaient pas très attrayantes.
La présidente: Merci, monsieur le ministre, et mesdames et messieurs les membres du comité.
La séance est levée.