Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 6 - Témoignages - séance du matin
OTTAWA, le mercredi 9 novembre 1999
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, aux termes du paragraphes 47(5) de la Loi sur les transports au Canada, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier le décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous entendrons ce matin des témoins d'Air Canada.
Messieurs, soyez les bienvenus. Je suis certaine que les membres du comité sont prêts à vous poser des questions, mais qu'ils vous traiteront de façon courtoise et équitable. La parole est à vous.
M. Robert A. Milton, président et chef de la direction, Air Canada: J'ai aujourd'hui à mes côtés Doug Port et Duncan Dee. Nous apprécions vivement cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous présenter le plan d'Air Canada pour l'avenir. Tout d'abord, je prie les honorables sénateurs de m'excuser pour tout malentendu qui a pu se produire à la suite de notre demande de reporter la comparution de mercredi dernier devant ce comité. Les honorables sénateurs se souviendront que, la veille de la date prévue pour notre comparution, nous avons annoncé une bonification majeure de notre programme de rachat des actions, annonce aux répercussions considérables pour nos actionnaires, nos partenaires et nos employés.
Comme il ne restait que trois jours ouvrables avant l'assemblée des actionnaires -- qui devait avoir lieu hier à Montréal -- et étant donné que l'avenir même de notre société était en jeu, je me suis permis de demander que notre comparution soit reportée de quelques jours, soit au début de cette semaine. La requête a été accordée. À vrai dire, nous avions besoin de poursuivre les discussions intenses entamées avec nos actionnaires afin de leur communiquer les avantages de notre toute dernière proposition. J'en ai profité pour parler aux médias le jour même dans le but de faire connaître les avantages de notre offre bonifiée, quelques jours à peine avant que les actionnaires ne décident de notre destin. Ce court délai devait me permettre de rencontrer les honorables sénateurs afin de parler de notre plan et de répondre aux questions. Cela va dans le sens de ma croyance sincère, exprimée à maintes occasions depuis le début du débat à la mi-août, que le Parlement a un rôle crucial à jouer dans toute restructuration de l'industrie du transport aérien. Cela dit, je voudrais maintenant vous entretenir du plan d'Air Canada pour l'avenir de l'industrie canadienne du transport aérien.
Notre plan, annoncé en primeur le 19 octobre, est maintenant connu en long et en large. Nous en avons fait parvenir des copies à tous les sénateurs et à tous les députés fédéraux ainsi qu'aux fonctionnaires provinciaux et municipaux de tout le Canada. Pour cette raison, et par souci d'économie de temps, je ne propose pas de passer en revue la totalité des éléments du plan. La séance de questions qui va suivre peut sans doute mieux jouer ce rôle. Toutefois, les importants développements de vendredi m'amènent à aborder quelques points clés.
En premier lieu, Air Canada maintient son engagement à respecter tous les aspects de son plan, en particulier l'acquisition de Canadien et la création d'un transporteur à bas prix qui aura son siège à Hamilton, en Ontario. Il est évident qu'il nous faudra négocier avec AMR Corporation une entente commerciale mutuellement acceptable, si nous voulons réussir notre acquisition de Canadien. Celle-ci est au courant de notre disposition à négocier. Nous avons aussi entamé des pourparlers avec la direction de Canadien. Nous aurons besoin de son support ainsi que de celui des 16 000 employés du transporteur pour que l'entreprise réussisse. Éliminons le flou. Comme je l'ai dit à maintes occasions, Air Canada et Canadien doivent toutes les deux faire partie de la réponse aux défis auxquels est confrontée l'industrie du transport aérien de ce pays. Et même si nous sommes convaincus qu'Air Canada est la société aérienne la plus apte à diriger la restructuration de l'industrie, Canadien est un élément capital de l'équation. C'est pourquoi nous entendons agir rapidement pour formuler notre offre d'acquisition de Canadien. Dans cette optique, j'ai adressé pas plus tard qu'hier une lettre à Kevin Benson, chef de la direction de Canadien, pour réitérer notre souhait de procéder à l'acquisition de Canadien dans les plus brefs délais.
Au sujet du nouveau transporteur à bas prix que nous planifions, il s'agit d'un projet sur lequel nous travaillons depuis un certain temps. Ce n'est pas en réaction aux récents développements que nous avons élaboré cette idée, comme certains l'on laissé entendre. Nous ne voulons pas tarder à créer cette compagnie, qui fournira aux consommateurs un choix supérieur dans un segment de marché non desservi actuellement par un transporteur à rabais bien établi. Nous comptons en dire plus à ce sujet prochainement.
Deuxièmement, je tiens à déclarer clairement aux membres de ce comité et aux Canadiens en général que nous sommes tout à fait déterminés, en plus d'acquérir Canadien, à faire renaître et à bâtir le transporteur et à l'exploiter sous une marque distincte. Canadien est une marque de grande notoriété, et ses employés sont de vrais professionnels. Ils sont parmi les meilleurs dans le domaine. Je les encourage à se rallier à nous quand nous commencerons à reconstruire l'avenir, afin que cette distinguée société aérienne connaisse, avec l'aide de tous, santé financière et prospérité.
Troisièmement, le plan d'Air Canada respecte et même surpasse les cinq principes énoncés par le ministre des Transports. Lorsque nous élaborions la solution proposée en réponse aux défis que doit relever l'industrie canadienne du transport aérien, cet aspect revêtait une importance capitale pour nous. C'est pourquoi notre plan protège les consommateurs, garantit un service régional, favorise la concurrence au sein de l'industrie, fait en sorte que le contrôle effectif de l'industrie reste au Canada et, ce qui est sans doute suprême pour moi, répond aux préoccupations des employés. Personne n'a souffert davantage ces derniers mois que les employés des compagnies aériennes et leur famille. Ils ont été éprouvés sur le plan émotif et ont vécu les affres de l'incertitude. Ils ont assisté, impuissants, au débat sur leur avenir, mené sur la scène publique, au Parlement et dans les médias, par les dirigeants syndicaux et par les grands pontifes de la politique. Ils se sont inquiétés de ce qu'il adviendrait d'eux et de leurs emplois, une fois dévoilé le processus de restructuration. Ils méritent maintenant un énoncé clair et rassurant.
Dès le début, nous avons dit que personne ne perdrait involontairement son emploi par suite de l'opération que nous proposions. La semaine dernière, je suis allé plus loin, avec un engagement en sept points auprès des dirigeants syndicaux des deux transporteurs, et cela incluait leurs filiales régionales. Nous avons remis des copies de cette lettre au greffier du comité. Aujourd'hui, je veux renouveler notre engagement envers ce plan en sept points. En termes simples, nous ne pouvons faire fonctionner une société aérienne rentable et nous ne pouvons restructurer avec succès l'industrie sans le support et la participation active des employés.
Le quatrième et dernier point que je voudrais aborder porte sur le cadre de réglementation qui régira l'industrie canadienne du transport aérien.
On a abondamment débattu, ces trois derniers mois, de la restriction actuelle de 10 p. 100 sur la propriété individuelle prévue par la Loi sur la participation publique d'Air Canada. Je voudrais rappeler aux membres que le plan que préconise Air Canada se conforme à toutes les lois en vigueur qui régissent Air Canada et ne nécessite aucune modification législative. Il se peut que la règle des 10 p. 100 soit peu favorable aux actionnaires. Cependant, nos actionnaires ont tous investi dans la Société en connaissance de cause. Cette règle continue de répondre à des objectifs gouvernementaux valables.
La règle des 10 p. 100 a en fait été introduite par le Parlement, non pour protéger les actionnaires d'Air Canada ni pour rendre la direction inattaquable. Elle visait plutôt à protéger les intérêts du pays et, selon notre recherche, une vaste majorité de Canadiens l'appuie. Si cette règle doit être modifiée -- le ministre a d'ailleurs demandé l'avis de ce comité --, un tel changement ne doit avoir lieu qu'après avoir été débattu et analysé en profondeur au Parlement.
Entre-temps, je tiens à dire au gouvernement fédéral et aux membres du Sénat et de la Chambre des communes que nous, à Air Canada, sommes tout à fait prêts à collaborer avec vous pour développer un cadre de réglementation qui fonctionne, un cadre qui permette de procéder aisément à une restructuration harmonieuse et efficace de l'industrie du transport aérien de la nation, un cadre qui permette de préserver le choix des consommateurs et des voyages par avion à des prix abordables, un cadre qui protège les intérêts des employés et la desserte des petites collectivités. En bref, un cadre qui crée des bases sur lesquelles toute l'industrie du transport aérien peut croître et prospérer.
En conclusion, madame la présidente, nous sommes fiers, à Air Canada, du projet que nous avons élaboré. C'est un projet audacieux et pratique. Un projet qui repose sur des possibilités réalistes et réalisables.
Les derniers mois ont été éprouvants pour nous, pour tous ceux qui ont participé à ce débat historique. Pour ma part, je ne voudrais pas le revivre. Il est temps maintenant de se tourner vers l'avenir. Les plaies infligées par ce débat guériront avec le temps et avec le sincère engagement, de la part de tous ceux qui sont en cause, à écouter, à apprendre et à travailler ensemble. C'est un engagement que je suis fier de prendre au nom de tous ceux qui composent Air Canada.
Le sénateur Forrestall: Au cours des dernières semaines, vous nous avez donné tout un spectacle. J'espère qu'il n'y aura pas de reprises. Ce n'est pas ce que je veux voir pendant les longues fins de semaine d'hiver.
Nous avons un certain nombre de préoccupations, qui touchent notamment la concurrence, la protection des consommateurs et l'exploitation possible de ces derniers par un monopole, un duopole ou encore par ce qui résultera du processus, une fois que tout sera terminé. Le sort des employés -- non seulement ceux des Lignes aériennes Canadien, mais aussi d'Air Canada -- nous préoccupe vivement. Nous nous inquiétons de votre incapacité de répondre à certaines des propositions que vous ont faites les syndicats.
La question ou la préoccupation fondamentale tient à ce qui ressortira de tout le processus. Quelle forme prendrait Canadien si vous en étiez propriétaire? Comment exploiteriez-vous la compagnie en tant que composante d'Air Canada?
Vous envisagez de faire de Canadien une filiale active d'Air Canada. Pourriez-vous nous décrire comment vous vous y prendriez? Comment les listes d'ancienneté s'appliqueraient-elles? Comment l'effectif s'organiserait-il? Après six mois, procéderiez-vous à un examen pour déterminer si des modifications doivent être apportées? En d'autres termes, s'agirait-il d'un nouveau départ, ou assureriez-vous une certaine forme de continuité?
J'ai toujours pensé que les fusions visaient à éviter le dédoublement des coûts, mais ce n'est pas le cas ici puisque vous allez exploiter les deux compagnies à titre de structures distinctes. Auriez-vous l'obligeance de nous faire part de vos intentions à cet égard? Dites-nous, de façon générale, ce que vous entendez faire pour assurer la coordination des vols et éviter l'exploitation de routes parallèles à des heures parallèles et tout ce qui semble causer de sérieux maux de tête.
M. Milton: Dès le début, j'ai établi clairement que nous agissions dans l'intérêt des employés. J'ai fait des déclarations très fermes en ce qui concerne la protection des employés d'Air Canada; il s'agit d'employés qui, à l'heure actuelle, relèvent de moi. Si, à l'évidence, nous parvenons à faire l'acquisition de Canadien, je considérerai ces nouveaux employés de la même façon et je m'efforcerai de les protéger.
Dans des lettres adressées aux dirigeants syndicaux des deux compagnies, j'ai indiqué très clairement que les employés seront protégés, que les personnes qui choisissent de partir auront droit à une indemnité de départ appropriée et attrayante et que notre option est gage de croissance. Dans notre proposition, nous faisons état d'un plan qui, sous la bannière de Star Alliance, promet une croissance marquée. À l'heure actuelle, Canadien fait partie de l'alliance appelée oneworld. Dans une large mesure, ce sont les compagnies aériennes qui font partie de oneworld qui assurent la majorité des vols vers le Canada. Ce n'est pas le cas à l'intérieur de Star Alliance, alliance à laquelle nous sommes associés. À l'intérieur de cette alliance, les possibilités de croissance sont considérables. En outre, nous avons fait entrer dans le portrait Delta Airlines, soit l'une des plus importantes compagnies canadiennes du monde. La combinaison de Star Alliance et de Delta produira une croissance considérable, ce qui donnera aux deux compagnies la capacité d'offrir des emplois plus stables et de meilleure qualité.
En ce qui concerne les questions touchant l'ancienneté, j'ai clairement demandé aux employés et aux syndicats de dialoguer pour établir comment nous allons procéder. Dans l'industrie aérienne, les exemples de mauvaise intégration par suite d'une fusion abondent. Les exemples favorables sont très rares, Western et Delta ou British Airways et British Caledonian constituant des exemples notables. J'entends m'assurer que l'acquisition de Canadien soit rangée dans la catégorie des exemples favorables. Le seul moyen d'y parvenir, c'est le dialogue avec les employés. Il s'agit là d'un élément fondamental de la démarche que j'envisage, et c'est l'une des principales raisons qui font que, à mon avis, le maintien des compagnies aériennes à titre d'entités indépendantes constitue une solution des plus sensées.
Vous avez fait état des avantages liés au coût et au dédoublement dans le contexte d'une fusion. Traditionnellement, l'industrie aérienne tire principalement ses avantages de la génération de revenus et de l'établissement de synergies liées aux achats, et non d'exercices généraux relatifs au coût ni à d'autres mesures susceptibles de porter préjudice aux employés. Dans un premier temps, je mettrai pour ma part l'accent sur l'augmentation des revenus et les achats. Puis, sur la foi du dialogue avec les employés, on assisterait à une transition progressive vers ce que dicte l'intérêt collectif.
Des possibilités s'offrent à Air Canada et à Canadien. Pour le Canada, il s'agit d'une franchise terriblement sous-utilisée dans la mesure où Canadien ne peut exploiter, n'exploite pas ou n'exploitera pas bon nombre de routes qui lui sont ouvertes. Par ailleurs, des contraintes gouvernementales empêchent Air Canada de desservir bon nombre d'endroits où nous aimerions aller. Je vois là une occasion de générer une fois pour toutes le plus de croissance possible. Une fois de plus, la mesure sera rentable du point de vue de la création d'emplois, de la génération de revenus et, en dernière analyse, de la rentabilité. Voilà où, à mon avis, se situent les avantages les plus importants.
Vous avez fait allusion à la question des heures parallèles. Il en a beaucoup été question, mais c'est relativement simple si on s'arrête pour réfléchir à la situation récente au Canada. Nous parlons de concurrence. Dans les marchés concurrentiels du monde entier, les vols partent généralement à la même heure. L'évolution du modèle de la nouvelle Air Canada-Canadien entraînera une nouvelle forme de séparation des heures de vol. Le résultat net, ce sera un plus grand nombre de possibilités de départ et une meilleure répartition tout au long de la journée.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous couché sur le papier un bilan pro forma? Le cas échéant, le comité pourrait-il y accéder?
M. Milton: Nous avons effectué des projections détaillées pour avoir une idée de l'aspect que prendrait la nouvelle compagnie aérienne combinée.
Le sénateur Forrestall: Seriez-vous disposé à nous en remettre une copie?
M. Milton: Je ne crois pas que cela serait raisonnable. Au fur et à mesure que nous avancerons dans nos travaux et à supposer que l'affaire soit conclue, chacun verra pour soi.
Le sénateur Forrestall: Je veux maintenant dire un mot des routes des Lignes aériennes Canadien International, dont la valeur pécuniaire est énorme. Je suis un actionnaire plutôt insatisfait de votre offre de 2 $. J'aurais peut-être dû acheter des actions d'Air Canada, qui sait? Quoi qu'il en soit, comment envisagez-vous la rationalisation des routes internationales? La société Canadien continuerait-elle d'exploiter ces routes, ou ces dernières seraient-elles interchangées?
M. Milton: Depuis cinq ans, American Airlines aide les Ligues aériennes Canadien à exploiter les routes internationales qui lui échoient. Pour l'industrie canadienne, il s'agit d'un secteur gravement sous-exploité. En ce qui touche les routes, Canadien détient des droits qu'elle n'exerce pas, par exemple l'Australie, Toronto-Hong Kong, Toronto-Tokyo et les marchés asiatiques. Pendant la moitié de l'année, l'Italie est mal desservie parce que Canadien n'y utilise pas ses propres appareils. Les droits relatifs aux routes à destination du Canada sont gravement sous- exploitées. Le problème est omniprésent. Chaque année, un million de passagers se déplacent entre le Canada et le Mexique, mais Canadien ne propose qu'un vol par jour au départ de Toronto, avec un A320. Pourtant, Air Canada n'est pas autorisé à exploiter cette route.
Selon ma vision des choses, Air Canada, Canadien et l'industrie ont enfin l'occasion de cesser de se partager le gâteau et de chercher à obtenir une véritable croissance et la réalisation pleine et entière du potentiel des franchises.
Pourtant, ces routes sont précieuses. Il y a quelques mois, nous avons tenté de les évaluer, et nous avons proposé d'acheter les routes internationales pour quelque 400 millions de dollars. Si mes souvenirs sont bons, c'est presque deux fois plus que ce qui avait été offert quatre années auparavant. Canadien a rejeté l'offre. Fort bien, nous voilà devant une nouvelle occasion d'exploiter ces routes à fond.
Le sénateur Kirby: J'ai lu dans les journaux un certain nombre de commentaires faits récemment par M. Milton, si bien que je suis tenté de le remercier de prendre le temps de comparaître devant un comité parlementaire d'un pays du tiers monde, ainsi qu'il se plaît à qualifier le Canada. Comme on a laissé entendre que nous allions être gentils, je m'abstiendrai cependant.
Je cherche à comprendre exactement l'engagement d'Air Canada vis-à-vis de Canadien. Si je comprends bien, vous avez proposé de faire l'achat de la totalité des actions de la société de portefeuille. Est-ce exact?
M. Milton: Oui.
Le sénateur Kirby: Cette offre est-elle conditionnelle? Par exemple, demeure-t-elle valable même si AMR conserve sa participation dans la société en exploitation?
M. Milton: Je ne m'oppose nullement à ce qu'American Airlines conserve une participation. Cependant, la société dit détenir des droits de dilution très importants. À mes yeux, un problème se posera si, une fois que nous serons entrés dans le portrait, la société décide d'exercer ses droits, lesquels, croyons-nous, lui conféreraient une participation pouvant s'élever jusqu'à 80 p. 100. Il est clair que cela serait contraire à la législation canadienne, qui impose une limite de 25 p. 100 à la participation des entreprises étrangères.
L'écart entre ce qu'American Airlines a déclaré à propos de ses droits et les droits dont la société a fait état devant les organismes de réglementation soulève de nombreuses questions. Nous aurons besoin de plus d'éclaircissements pour pouvoir définir avec précision ce que l'entreprise peut et ne peut pas faire.
Le sénateur Kirby: J'essaie de démêler tout ce verbiage pour voir si j'ai bien compris la réponse. Je pense que c'était non. Ma question était la suivante: la participation d'AMR à la société en exploitation constitue-t-elle une condition? Vous avez répondu que oui. Dans la mesure où elle n'est pas satisfaite du rôle d'American Airlines, la société Air Canada ne fera pas l'acquisition de Canadien.
M. Milton: Je ne ferai pas l'acquisition de Canadien si la proposition n'est pas acceptable pour les actionnaires d'Air Canada. Je pense qu'un tel résultat est envisageable, mais je n'ai pas encore une idée claire de ce qu'American Airlines peut ou ne peut pas faire. En attendant, je suis dans l'impossibilité de répondre.
Le sénateur Kirby: Voilà qui clarifie la réponse. Vous n'en faites peut-être pas mention dans votre offre, mais dans bon nombre de déclarations publiques et dans les documents que vous avez fait circuler parmi les membres du comité, vous faites allusion à l'obligation qu'auront les créanciers de Canadien de faire des concessions, c'est-à-dire d'assumer une perte. Si vous étiez dans l'impossibilité de négocier un tel accord avec les créanciers, cela vous empêcherait-il de faire l'acquisition de Canadien?
M. Milton: Peut-être. Cependant, étant donné les nombreux créanciers que nous avons en commun et les déclarations faites devant le comité à propos de la gravité de la crise que connaît Canadien, je pense que nous serons en mesure, compte tenu de notre stabilité, d'agir dans l'intérêt mutuel des créanciers de Canadien ainsi que d'Air Canada et de ses actionnaires.
Le sénateur Kirby: Néanmoins, je suis fondé à croire que l'acquisition est assujettie à au moins une condition?
M. Milton: Certainement. Je ne ferai rien qui soit contraire à l'intérêt d'Air Canada, mais, dans ce contexte, nous disposons malgré tout d'une marge de manoeuvre considérable.
Le sénateur Kirby: Le fait que le Bureau de la concurrence donne son aval à votre projet de compagnie aérienne à bas prix établie à Hamilton constitue-t-il une autre condition à l'acquisition de Canadien, ou s'agit-il d'une question tout à fait distincte?
M. Milton: Il s'agit d'une question tout à fait distincte.
Le sénateur Kirby: Je suppose que vous ne donnerez suite à votre offre d'achat de Canadien que si le gouvernement accepte de laisser à Canadien toutes ses routes internationales ou encore de vous les céder? En d'autres termes, les routes internationales comptent-elles parmi les actifs dont vous croyez faire l'achat?
M. Milton: Absolument. Cependant, ainsi que je l'ai indiqué, je suis tout à fait convaincu que la transaction résistera à l'examen du Bureau de la concurrence.
Le sénateur Kirby: L'achat des routes internationales ne relève pas nécessairement de la compétence du Bureau de la concurrence.
M. Milton: Peut-être que oui, peut-être que non. Sur le plan de la concentration des activités dans des aéroports étrangers, un problème se posera peut-être, mais nous irons de l'avant en tenant pour acquis que notre projet résistera aux examens appropriés du point de vue de la concurrence.
Le sénateur Kirby: Passons à autre chose. Je n'ai jamais compris l'utilisation que vous faites du mot «concurrence». Pour m'expliquer, je vais tenter d'utiliser vos propres mots. Dans diverses déclarations, y compris celles d'aujourd'hui, vous affirmez que votre projet favorisera la concurrence au sein de l'industrie. Vous avez utilisé le terme dans une diversité de documents que vous avez fait circuler auprès du public. Vous affirmez que les consommateurs continueront de bénéficier des avantages de la concurrence étant donné que les sociétés Air Canada et Canadien n'auront pas été fusionnées.
Vous serez peut-être intéressé d'apprendre que pas un des témoins qui ont comparu devant le comité ne pense qu'il y aura un élément de concurrence entre Air Canada, une compagnie aérienne -- Canadien -- appartenant à Air Canada et la compagnie aérienne à bas prix.
Je vais vous donner certains exemples éloquents. La Canadian Association of Airline Passengers affirme que votre définition de la notion de concurrence «innove dans le domaine de la fabulation économique». Dans un article publié dans l'édition du samedi 23 octobre du Financial Post, on lit:
La société mère dictera toutes les décisions majeures, la rentabilité de chacune des filiales étant subordonnée à la rentabilité générale de la société mère. Si son intérêt commande qu'une filiale renonce à certaines occasions stratégiques au profit d'une autre société, la société mère exigera sans nul doute un tel compromis.
L'Association des consommateurs du Canada affirme pour sa part que votre proposition:
demeurera une proposition factice qui aura pour effet de laisser les consommateurs aux mains d'un véritable monopole au sein de l'industrie aérienne nationale.
Enfin, nous avons demandé au Bureau de la concurrence, qui a comparu devant le comité il y a une semaine ou une dizaine de jours, s'il était d'avis que la notion de concurrence entre plusieurs sociétés avait un sens dans votre cas, qu'on ait affaire à deux filiales d'une société de portefeuille, à trois filiales ou à une société mère et à deux filiales. Nous avons demandé à ses représentants si, selon l'idée qu'ils se font de la concurrence, il s'agit bel et bien là d'une forme de concurrence, et ils ont clairement indiqué que non.
À la lumière de ce que nous avons entendu de la part de tous les intervenants, je n'arrive absolument pas à comprendre comment vous pouvez affirmer que votre proposition favorisera la concurrence. Peut-être vous faites-vous de la notion de concurrence une idée différente de la mienne.
M. Milton: C'est peut-être parce que j'adopte un point de vue mondial. Si vous examinez ce qu'a fait Air Canada au cours des dernières années, vous constaterez que nous ne sommes nullement préoccupés par la concurrence. Dans le cadre de l'accord «Ciels ouverts», introduit il y a quatre ans relativement aux routes à destination des États-Unis, nous avons fait face à la concurrence des plus grandes compagnies aériennes du monde. Par rapport à l'ensemble de l'industrie aérienne des États-Unis, Air Canada a gagné 10 points à l'échelle des parts de marché, passant d'un peu plus de 30 p. 100 à un peu plus de 40 p. 100 des parts du marché, malgré la concurrence des transporteurs les plus importants et les plus solides du monde. Air Canada est en mesure de soutenir la concurrence. Nous soutenons la concurrence transfrontalière. Nous soutenons la concurrence vers l'Europe et l'Asie. Partout où nous allons, nous obtenons des records de rentabilité. Nous gagnons des prix pour la qualité du service à la clientèle. La concurrence ne nous effraie nullement. Parmi les compagnies aériennes du Canada, Air Canada fait figure d'exception notable en ce sens que nous ne nous sommes pas opposés à la venue de Greyhound ou de WestJet. Nous sommes une compagnie aérienne tout à fait favorable à la concurrence.
Il convient de noter que nous ne sommes pas responsables du problème que rencontre Canadien. Nous ne sommes pas à l'origine du problème. Nous tentons de mettre au point une solution à son incapacité de progresser. Des problèmes liés à la concurrence internationale se posent. Des problèmes liés aux alliances se posent aussi. Parmi nos atouts, nous avons Star Alliance. Star Alliance assure une concurrence nettement plus importante que l'alliance oneworld étant donné que cette dernière entraînerait une concentration à 100 p. 100 sur les routes à destination de Hong Kong, de Tokyo et du Royaume-Uni. Nous avons aussi tenté de faire entrer Delta Airlines dans l'échiquier, ce qui se serait traduit par une augmentation du nombre de solutions de rechange concurrentielles offertes vers des destinations des quatre coins du monde. Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'accès à tous les droits sur des routes que Canadien n'exploite actuellement pas permettra d'introduire la concurrence dans des marchés du monde d'où les transporteurs canadiens sont aujourd'hui absents.
Tout ce que nous proposons sera assujetti à l'examen du Bureau de la concurrence. Je ne suis pas en mesure de prédire ce qui arrivera si, en dernière analyse, notre proposition est jugée inacceptable. Si, au bout du compte, on décide que nous ne pouvons pas aller de l'avant, tout s'arrêtera. Cependant, n'oubliez pas que nous ne sommes pas la cause du problème. Nous sommes des concurrents. Nous sommes des concurrents rentables. Nous cherchons à procurer des bénéfices à nos actionnaires et à mettre sur pied une bonne société concurrentielle et dynamique pour le Canada. Ce que nous proposons est tout à fait conforme aux modèles de compagnies aériennes internationales qui émergent partout dans le monde. British Airways, l'une des principales compagnies aériennes du monde, a créé une compagnie aérienne à bas prix dont le siège social se trouve au nord de Londres et dont la composition est identique à celle que nous proposons pour Hamilton.
Si la compagnie aérienne à bas prix que nous proposons pour Hamilton est si contraire à l'esprit de la concurrence, pourquoi n'y a-t-on jamais pensé? Nous sommes les premiers à le faire. Nous sommes disposés à aller de l'avant, et nous voulons créer cette compagnie aérienne. Si on nous dit que nous ne pouvons pas le faire, nous obtempérerons. Cependant, personne d'autre ne l'a encore fait, personne d'autre ne le fait et personne d'autre ne s'est montré intéressé à le faire.
Je pense que notre proposition va tout à fait dans le sens de la concurrence et que, au fil des ans, nous nous sommes montrés ouverts à l'accroissement de la concurrence. Nous ne nous opposons nullement à ce que quiconque nous fasse concurrence sur l'une ou l'autre des routes que nous exploitons.
Le sénateur Kirby: Il est difficile de revenir au début de la question. La plupart des commentaires que vous avez faits en réponse à ma question, monsieur Milton, ont porté sur les situations et les alliances internationales, et ainsi de suite. Soit dit en passant, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit à ce propos. Vous me faites un peu penser aux PDG des banques, l'année dernière, qui cherchaient à faire une fusion au Canada. Ils parlaient sans cesse de la valeur de la fusion sur le plan international, tandis que le Canadien moyen craint de se faire avoir ici même au Canada.
J'aimerais maintenant que vous en reveniez précisément à l'aspect purement canadien des vols intérieurs. Vous semblez vous porter à la défense d'une proposition selon laquelle Canadien et Air Canada continueront de se concurrencer uniquement dans le domaine des vols intérieurs -- je fais seulement allusion aux vols intérieurs --, même si vous étiez propriétaire des deux transporteurs. Ai-je tort ou raison?
M. Milton: Vous aurez un choix de marques, deux unités d'exploitation assurant un bon service de grande qualité, sûr et fiable, vers des destinations des quatre coins du Canada. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas la cause du problème.
Le sénateur Kirby: Je n'ai pas dit que vous l'étiez. Je n'ai jamais proféré de telles accusations.
M. Milton: Laissez-moi finir. Nous ne sommes pas à l'origine du processus. Si d'autres personnes souhaitent créer de nouvelles compagnies aériennes, ou si on en vient à la conclusion que nous ne devrions pas faire l'acquisition de Canadien, très bien. Nous cherchons à résoudre un problème dont nous ne sommes pas responsables. Si vous-même, sénateur Kirby, souhaitez créer une compagnie aérienne ou faire l'acquisition de Canadien, allez-y, faites-le. Laissez Canadien nous faire concurrence. C'est bien. Cependant, il y a un problème, et nous cherchons à le régler. Je ne vais pas profiter de ma présence ici pour vous dire que j'ai l'intention de créer une compagnie aérienne à bas prix incroyablement souple pour assurer la survie d'Air Canada. Cela n'a pas beaucoup de sens. Je ne dirai rien de cette nature.
Le sénateur Kirby: J'aimerais que vous ne soyez pas tant sur la défensive. Personne ne vous a jamais accusé d'être à l'origine du problème. Nous cherchons simplement à comprendre la solution que vous proposez. Dans les faits, Canadien et Air Canada, aux termes de vos projets de restructuration, ne sont pas des «concurrents» au sens habituel du terme.
Permettez-moi de vous poser une question à propos de la compagnie aérienne à faible prix. Un certain nombre de personnes, y compris des témoins entendus par le comité, pensent que la compagnie aérienne à faible prix établie à Hamilton a uniquement pour but d'accroître la domination qu'exerce Air Canada sur le marché en lui permettant de faire directement concurrence à WestJet, à Canada 3000 et à d'autres compagnies aériennes plus petites qui tentent d'assurer des services à bas prix dans diverses régions du pays. Si vous possédez les deux principales compagnies aériennes du pays, il n'est assurément pas dans l'intérêt du public ni, pour reprendre vos propres mots, dans l'intérêt de la concurrence, de vous donner dans les faits les moyens d'acculer tous les petits intervenants à la faillite. Qu'y a-t-il qui m'échappe?
M. Milton: Vous perdez de vue le fait qu'il y a, au sud de la frontière, une industrie importante et forte.
Le sénateur Kirby: Vous n'avez jamais été dans les banques. Pourtant, vous tenez exactement le même discours qu'elles.
M. Milton: Des concurrents américains vont traverser la frontière, et j'ai la ferme intention de veiller à ce que nous soyons prêts à leur livrer concurrence. Nous évoquons la possibilité de créer une compagnie à faible prix, ce qui est tout à fait conforme à ce qu'ont fait d'autres grandes compagnies aériennes internationales. Delta possède Delta Express, U.S. Air a MetroJet, et United, United Shuttle. Ce que nous faisons est tout à fait conforme à ce que font les compagnies aériennes dominantes du monde.
Air Canada est la vingtième compagnie aérienne en importance du monde, et nous avons l'intention de proposer un service qui, croyons-nous, intéressera les consommateurs et qui fait actuellement défaut. Ce genre de service serait proposé à un prix qui aurait pour effet d'attirer les utilisateurs des services de transport routiers et ferroviaires. Nous pensons qu'il s'agit d'une proposition attrayante, tout à fait conforme à ce que font les compagnies aériennes dominantes du monde.
Le sénateur Kirby: Je suis heureux que vous ayez soulevé cette question. J'y reviendrai.
Puisque, en réponse à ma question, vous avez une fois de plus soulevé des enjeux liés aux États-Unis, je pourrais tirer l'une des deux conclusions suivantes. J'aimerais savoir si l'une ou l'autre d'entre elles est fondée ou si elles le sont toutes les deux. La première, c'est que vous avez l'intention de faire en sorte que la compagnie aérienne à bas prix propose uniquement des vols transfrontaliers, c'est-à-dire qu'elle n'exploiterait aucune route entre deux points situés au Canada.
M. Milton: C'est faux.
Le sénateur Kirby: Dans ce cas, permettez-moi de vous soumettre mon autre conclusion: étant donné que vous êtes si déterminé à battre la concurrence américaine, serais-je fondé à conclure que vous ne vous opposeriez nullement à un certain nombre de propositions du Bureau de la concurrence, notamment la possibilité de créer une compagnie aérienne purement nationale qui appartiendrait à 100 p. 100 à des intérêts étrangers ou permettre à des compagnies aériennes américaines de transporter des Canadiens d'un point à un autre au Canada en passant par une plaque tournante américaine, et ainsi de suite? Vous opposeriez-vous à l'une ou l'autre de ces propositions?
M. Milton: Pas si on nous assurait une réciprocité pleine et entière.
Le sénateur Kirby: Nous savons que nous ne l'obtiendrons pas.
Je tiens à vous dire qu'il est très frustrant de vous voir avancer des idées pour ensuite les assujettir à des conditions qui font que vous savez très bien que tous les beaux projets que vous évoquez ne se réaliseront pas. Il me semble que cette attitude ne mène nulle part. D'une part, vous avancez ce que vous dites être une bonne idée; d'autre part, vous l'assujettissez à une condition dont vous êtes raisonnablement certain qu'elle ne se matérialisera pas: j'en veux pour preuve la réciprocité. C'est comme si nous en revenions sans cesse à la question des banques.
M. Milton: Pourquoi serait-ce irréalisable étant donné que l'Europe y est parvenue sous l'égide de l'UE?
Le sénateur Kirby: Comme vous le savez, on a accompli beaucoup de choses sous l'égide de l'UE qui ne l'ont pas été aux États-Unis.
M. Milton: Si vous souhaitez adopter une attitude défaitiste et conclure que c'est impossible, faites; cependant, je pense qu'il est tout à fait raisonnable que le Canada s'attende à bénéficier d'un traitement réciproque.
Le sénateur Kirby: Je dois maintenant m'intéresser à ce que vous avez dit de la disposition peu favorable aux actionnaires. Puisque vous revenez sans cesse sur ce qui se passe ailleurs dans le monde, j'aimerais vous poser deux questions en une: premièrement, pourquoi pensez-vous que la disposition est peu favorable aux actionnaires? Si tel est le cas, ai-je raison de penser que vous êtes disposé à recommander au gouvernement qu'il modifie la limite de 10 p. 100? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous recommanderiez qu'on conserve une disposition peu favorable aux actionnaires.
Ensuite, puisque vous insistez toujours pour faire des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs dans le monde, je crois comprendre qu'aucun pays membre de l'OACI, et certainement aucun pays industrialisé, n'impose une limite autre que la limite imposée à la propriété étrangère, qui s'établit toujours plus ou moins à 49 p. 100 du total des actions que peut détenir un actionnaire national unique. Puisque vous êtes un si fervent partisan de tout ce qui se passe ailleurs dans le monde, je suppose que, pour cette raison seulement, vous ne vous opposeriez pas à ce qu'on supprime la règle des 10 p. 100. Puisque la disposition est peu favorable aux actionnaires, je suppose que vous êtes encore plus enclin à souhaiter sa disparition. Ai-je raison? Dans ce cas, j'imagine que vous êtes prêt à en faire la recommandation au gouvernement.
M. Milton: Comme je l'affirme depuis le début, deux problèmes se posent ici: l'un concerne les actionnaires, et l'autre concerne le pays. Je dirige la compagnie, point à la ligne. Je la dirige compte tenu des règles. Vendredi dernier, un juge a clarifié la loi, et j'en suis fort aise. Si, à la suite de délibérations, le Parlement change la loi, je ne vais pas m'en faire. Je dirige la compagnie.
En ce qui concerne la règle des 10 p. 100, une chose a été claire tout au long du processus qui s'est amorcé il y a environ 80 jours. Si nous permettons à de grandes institutions solidement financées de se livrer concurrence pour faire l'acquisition d'une des grandes compagnies aériennes du monde, on générera une valeur phénoménale. Cette valeur sera aussi remarquablement plus élevée que celle qui a été réalisée au cours des 80 derniers jours, période au cours de laquelle une institution a été en mesure de présenter une offre de l'ordre de 30 p. 100, en contravention avec la loi, tandis qu'une autre s'est efforcée de respecter la loi. L'intérêt de l'actionnaire et l'intérêt du pays sont deux choses tout à fait différentes.
Tout au long des sondages que nous avons réalisés dans le cadre du processus, les citoyens ont affirmé qu'ils croient à la règle des 10 p. 100 et que l'industrie devrait demeurer établie au Canada, sous le contrôle de Canadiens. Si la loi change, je dirigerai la compagnie en fonction de ses prescriptions.
Le sénateur Roberge: Pouvez-nous nous donner des détails à propos de l'injection de 800 millions de dollars dans Air Canada par son partenaire Star Alliance? Que sont ces paiements? Quand doivent-ils être effectués? Quelles en sont les modalités?
M. Milton: Je me ferai un plaisir de vous présenter une ventilation détaillée. Nous avons affaire à 500 millions de dollars -- essentiellement, il s'agit d'un cadeau qui nous est donné en contrepartie de la capacité de reconduire une association avec Air Canada pour une période de 10 ans.
Le sénateur Roberge: Doit-on comprendre qu'il s'agit d'un non-paiement, d'un cadeau?
M. Milton: Tenez pour acquis qu'il s'agit d'argent sonnant. Nous allons prendre cette somme et la faire passer à nos actionnaires. Nombreux sont ceux qui affirment que nous avons grevé Air Canada d'une dette de 1,1 milliard de dollars. En fait, ce n'est pas vrai. Nous avons reçu un cadeau d'une valeur totale de 500 millions de dollars, ou plutôt de 490 millions de dollars, que nous allons faire passer à nos actionnaires.
À la fin de septembre, nous avions 900 millions de dollars en espèces. Nous utilisons une certaine partie de nos liquidités, mais, à la lumière de notre rendement financier actuel et de notre force globale, nous serons en mesure de réunir des capitaux pour faire face à ce problème, si nous le souhaitons, mais nous n'avons pour le moment aucun projet en ce sens. Je pense que nous avons mis au point avec nos partenaires une proposition fort attrayante.
Le sénateur Roberge: Qu'en est-il de la somme de 300 millions de dollars? Vous faites allusion à une somme d'environ 500 millions de dollars, et on entend parler d'une somme de 800 millions de dollars.
M. Milton: Nous avons également pris des dispositions pour obtenir de nos partenaires qu'ils garantissent des prêts d'une valeur de 310 millions de dollars, lesquels seront financés par l'entremise de banques à des conditions très avantageuses.
Le sénateur Roberge: Quelles sont les modalités?
M. Milton: À quels points de vue?
Le sénateur Roberge: Du point de vue des droits de vote ou à d'autres points de vue.
M. Milton: Les modalités sont tout à fait conformes au financement que nous avons effectué par le passé. Au sein de la Star Alliance, qui est clairement en voie de s'imposer à titre d'alliance dominante parmi les compagnies aériennes du monde, nous discutons depuis pas moins de deux ans de la mise au point d'une entente administrative qui définira les règles d'adhésion à l'alliance aussi bien que les règles de participation et de sortie. Dans un proche avenir, Air Canada et les autres membres de Star Alliance signeront cette entente, de sorte que, relativement à la valeur que nous aurons réalisée auprès de nos partenaires de l'Alliance, nous ne serons liés que par les restrictions qui s'appliquent au reste d'entre eux. Une fois l'entente administrative conclue, ce qui devrait se faire dans un proche avenir, il n'y aura donc pas de restrictions relatives à l'argent que nous avons reçu.
Le sénateur Roberge: Pourrons-nous obtenir une copie de cette future entente?
M. Milton: Je serai heureux de fournir ces détails en temps opportun.
Le sénateur Roberge: Vous avez fait allusion à Delta Airlines. Au début de vos propositions, vous avez fait référence à Delta et au lien avec Canadien. Avez-vous une entente avec Delta?
M. Milton: Oui.
Le sénateur Roberge: Qu'arrivera-t-il si vous concluez une entente avec American Airlines? Comment la société s'intégrera-t-elle dans la situation d'ensemble?
M. Milton: Avant que nous n'entreprenions cette démarche, Delta et United ont convenu que nous allions étudier la possibilité de conclure une entente avec American Airlines. Si cela se produit, il est possible que Delta n'ait plus de rôle à jouer. Cela faisait partie de l'entente.
De toute évidence, nous nous trouvons aujourd'hui dans un monde différent de celui dans lequel nous étions ne serait-ce que vendredi dernier. En vertu du scénario oneworld contre Star Alliance et American Airlines contre United Airlines, American Airlines demandait que United, le plus important transporteur aérien du monde, soit sorti du décor, si bien que la société American Airlines serait seule à traiter avec Air Canada et Canadien. Sur le plan des réseaux, il en résulterait une contraction d'activités telle que nous avons arrêté le plan suivant: si American Airlines devait se retirer et que nous restions avec United Airlines seulement, nous introduirions un nouvel intervenant, Delta, pour créer une croissance formidable, conserver tous les emplois de même que pour générer une croissance des revenus et de la rentabilité.
Nous avons maintenu la plaque tournante d'American Airlines à Chicago dans le contexte du lien avec United Airlines, maintenu l'activité d'American Airlines à Dallas avec Delta et ajouté aux plaques tournantes de United Airlines à Dulles et Denver de même qu'aux plaques tournantes de Delta à Atlanta, Cincinnati et Salt Lake City. Nous avons tenté de mettre au point une solution véritablement favorable à la croissance, afin d'obtenir un bon résultat. Voilà ce qui explique la présente de Delta. Pour ma part, je préfère la solution Delta-Star Alliance, mais nous sommes disposés à dialoguer avec American Airlines selon des modalités raisonnables, et nous serons heureux de le faire.
Le sénateur Roberge: Pour ma dernière question, j'aimerais entendre plus de détails à propos de vos sept engagements.
M. Milton: Je pourrai fournir une copie des sept engagements envers les employés. Ils devraient faire partie de votre trousse.
La présidente: On les trouve dans le dossier.
[Français]
Le sénateur Poulin: Monsieur Milton, est-ce la première fois que vous témoignez à un comité du Sénat?
M. Milton: Oui.
Le sénateur Poulin: Êtes-vous surpris de l'écart entre la perception et la réalité? Votre perception est sûrement que tous les sénateurs dorment. Même si les deux Chambres du Parlement ne siègent pas cette semaine, nous, le comité sénatorial des transports et des communications, sommes ici à interroger des témoins parce que nous reconnaissons l'importance de l'industrie aérienne au Canada.
[Traduction]
Je viens de Sudbury, et je sais que les compagnies aériennes régionales sont essentielles à la croissance soutenue de nos régions. Pourriez-vous nous en dire plus à propos des intentions d'Air Canada en ce qui concerne les compagnies aériennes régionales?
M. Milton: Elles sont des composantes critiques de tout grand réseau de compagnies aériennes. Si on tient compte de la situation d'ensemble du plan de capacité intérieure que nous pourrons envisager, il est clair que, dans le marché de transporteurs régionaux où huit vols sont offerts chaque jour, on pourrait n'en proposer que six. Cependant, nous nous sommes engagés à ce qu'aucun marché ne cesse d'être desservi. Dans de nombreux cas, à supposer que l'on passe de huit à six vols, la taille des appareils utilisés augmentera probablement. Ce qui est sûr, c'est qu'on continuera d'offrir un service sain et de bonne qualité.
Le sénateur Poulin: On nous dit que les trois principales préoccupations des Canadiens, à titre de consommateurs, sont la sécurité, la qualité du service et l'abordabilité. Pourriez-vous nous dire un mot de ce que vous entendez faire relativement à ces trois préoccupations principales des consommateurs canadiens?
M. Milton: Il est certain que la sécurité est au coeur des préoccupations d'Air Canada, de Canadien et de l'ensemble de l'industrie au Canada. Je me plais à croire que notre feuille de route parle d'elle-même.
En ce qui concerne le service, sur le plan international et national, je constate que nous jouissons d'une solide réputation sur le plan du service à la clientèle, même si nous ne sommes pas toujours en mesure de ne faire que des heureux. L'année dernière, Air Canada a remporté le prix décerné à la compagnie de l'année pour le service aux passagers par le magazine Air Transport World, récompense hautement prisée dans notre industrie. Chacun espère recevoir ce prix. Nous l'avons reçu, sans parler de nombreuses autres récompenses dont nous sommes très fiers. Au chapitre du service à la clientèle, nous sommes extrêmement forts.
Je vais maintenant toucher un mot des tarifs. Je suis conscient des préoccupations toujours présentes sur ce plan. Il est coûteux d'exploiter un avion dans une compagnie aérienne, et je puis affirmer avec conviction que nous sommes toujours concurrentiels. Par rapport à nos concurrents, nous sommes toujours dans la gamme de prix appropriés. Au Canada, nous exerçons nos activités dans un contexte caractérisé par des coûts plus élevés, ce qui s'explique notamment par des conditions météorologiques difficiles, des taux d'imposition plus élevés et d'autres obstacles auxquels nous sommes confrontés, du moins lorsque nous nous comparons à des marchés analogues, par exemple celui des États-Unis. Pour de longueurs d'étape comparables, les tarifs sont en réalité plus bas au Canada qu'ils ne le sont aux États-Unis, marché voisin à l'intérieur duquel les compagnies aériennes exercent leurs activités sur la foi d'une base du prix de revient nettement plus avantageuse.
Nous nous sommes engagés à continuer d'offrir des tarifs concurrentiels. Dans notre secteur, la norme se définit comme suit: c'est la compagnie qui établit les tarifs les plus bas qui dicte les prix du marché.
Le sénateur Poulin: Monsieur Milton, nous sommes tous conscients du fait que les employés assument une responsabilité considérable dans le domaine de la sécurité, de la qualité du service et de l'abordabilité. Pendant la dernière année, en particulier les six derniers mois, de nombreux honorables sénateurs ont constaté la vive inquiétude des employés d'Air Canada et de Canadien. Ce matin, je suis certain que les employés de Canadien sont encore plus inquiets que ceux d'Air Canada. À titre de président et chef de la direction d'Air Canada, comment serez-vous en mesure de rebâtir la motivation des employés des quatre coins du pays, d'un océan à l'autre, pour vous assurer que, à titre de partenaires de votre société, ils continuent d'adhérer aux principes de la sécurité, de la qualité du service et de l'abordabilité?
M. Milton: C'est la grande question. Les compagnies ont une riche histoire commune. Quand j'étais enfant, on m'a dit de ne jamais regarder personne de haut, sinon lorsque je me penche pour aider quelqu'un à se relever. Nous sommes en mesure d'aider Canadien à produire en fonction des habiletés de ses ressources humaines, et nous pouvons protéger ces dernières.
Je m'intéresse depuis toujours aux compagnies aériennes, et l'un des raisons qui font que je juge approprié de maintenir au départ ces compagnies aériennes à titre d'entités indépendantes, c'est que, au vu de cette histoire, on doit laisser la transition -- quelle que soit la forme qu'elle prendra -- au fil du temps, avec la participation des employés. En d'autres termes, on doit laisser les employés diriger la transformation des deux compagnies, plutôt que d'imposer quelque changement que ce soit. Cette attitude est tout à fait conforme aux pratiques exemplaires et éprouvées en vigueur au sein de notre industrie. À Air Canada, nous sommes très centrés sur la sécurité. Il en va de même pour Canadien. Au moment de la fusion des deux sociétés, on devra faire preuve d'une extrême vigilance. Je pense que nous avons à notre service des personnes capables et désireuses de le faire.
Le sénateur Poulin: Votre profession de foi dans vos employés fait plaisir à entendre. Je suis certain qu'ils seront heureux de vos propos et qu'ils les apprécieront. Cependant, qu'entendez-vous par: «laissez les employés diriger la transformation»? Comment vous y prendriez-vous en pratique?
M. Milton: On doit instaurer un dialogue actif avec les employés et les syndicats. Le premier élément de solution consiste à libérer et à exploiter la valeur inhérente irréalisée que Canadien possède en tant que franchise dans l'industrie aérienne. Jusqu'ici, la société a été non productive. Air Canada se tire bien d'affaire, mais son rendement financier est bien loin de ce qu'il pourrait être si nous étions totalement dégagés.
On pourrait se contenter de forcer le mariage des deux compagnies, mais il en résulterait des problèmes. Canadien sait comment exploiter une entreprise. Laissons à la société le soin de le faire. Air Canada exploite l'entreprise. Qu'on nous donne la possibilité de récolter les avantages du réseau. Faisons voler les avions aux bons endroits et aux bons moments, réalisons des profits et, au fur et à mesure que les réussites s'accumulent, effectuons la transition progressivement.
Le sénateur Poulin: Hier, nous avons entendu Buzz Hargrove. À titre de témoin, il a affirmé avoir reçu un éventail d'engagements de la part d'Onex. Il a également déclaré que l'évolution de la situation le préoccupe au plus haut point. Il a dit craindre des mises à pied et des mutations à l'extérieur du pays. Il affirme que la société Air Canada n'est pas pour le moment prête à contracter de tels engagements. J'ai lu la lettre qui figure dans le dossier, mais auriez-vous l'obligeance de commenter les inquiétudes de M. Hargrove?
M. Milton: Avec plaisir. Avant même que le processus présent ne s'enclenche, j'ai contracté des engagements. Si, au Canada, et en tout cas, dans l'industrie aérienne, il y a une entreprise qui a fait preuve de sa volonté et de sa capacité de créer des emplois au Canada pour des Canadiens au cours des dernières années, c'est bien Air Canada. Il y a cinq ans, nous avions 99 avions, et nous en avons aujourd'hui 155. Du point de vue de la croissance et de la capacité de soutenir la concurrence mondiale, il s'agit d'une formidable histoire de réussite pour le Canada et les Canadiens. Nous avons créé des emplois au Canada.
Plus tôt cette année, nous avons dialogué avec Sabre, la division d'American Airlines spécialisée dans la TI, à propos d'une éventuelle transition d'Air Canada vers Sabre. Comme point de départ de nos discussions, nous avons établi clairement que tous les emplois liés à ces tâches devaient venir au Canada et ne pouvaient aller aux États-Unis.
Lorsque, il y a cinq ans, Canadien a conclu son entente initiale avec American Airlines, 1 400 emplois sont passés au sud de la frontière. Il s'agit là d'une tendance qui ne se dément pas. Nous avons créé des emplois au nord de la frontière. Je suis déterminé à poursuivre sur cette lancée.
La question qui se pose a trait à la croissance au Canada. En vertu de notre proposition, tous les emplois liés à Sabre qui seraient passés au sud aux termes de la proposition d'Onex viendront plutôt au nord, et il continuera d'en être ainsi.
Le sénateur Poulin: Comme vous le savez sans doute, la semaine dernière, nous avons entendu le président et chef de la direction de Canadien, Kevin Benson. Il s'est montré extrêmement respectueux à l'endroit d'Air Canada. Il n'a eu que de bons mots au sujet de votre société.
Il nous a indiqué qu'aucune offre officielle n'avait été faite par Air Canada. Dans votre exposé d'aujourd'hui, vous vous dites maintenant prêt à officialiser l'offre. Je ne m'explique pas le décalage. Il me semble qu'il a contribué à aviver l'inquiétude des employés et du public.
M. Milton: Je m'en voudrais de provoquer des inquiétudes chez les employés, mais ne perdez pas de vue les problèmes auxquels Air Canada était confronté il y a une ou deux semaines. Nous faisions face à une offre illégale, et nous cherchions à obtenir une clarification des règles de façon à pouvoir produire pour nos actionnaires un résultat supérieur à celui qui nous était tombé sur la tête. La documentation que nous avons dû produire pour mettre au point nos propositions et nos propositions révisées équivaut probablement à un annuaire téléphonique. Oui, nous avions mis une offre sur la table pour Canadien, mais il ne s'agissait pas d'une question pressante. Oui, nous étions disposés à faire l'acquisition de la compagnie, mais nous avions aussi beaucoup d'autres chats à fouetter.
Hier matin, à la première heure, j'ai téléphoné à Kevin Benson pour lui dire que nous étions sincères, que nous étions disposés à acheter Canadien, à protéger chacun des employés de la compagnie et à aller de l'avant, mais que, pour ce faire, nous devions agir rapidement. J'ai donné suite à notre conversation en lui faisant parvenir une lettre, qu'il a reçue. Je lui ai indiqué que notre offre lui parviendra au début de la semaine prochaine. Il ne s'agit pas d'une simple lettre de une page. Il s'agit au contraire d'un document très volumineux et complexe qu'on s'affaire à mettre au point. J'espère que le tout sera prêt au début de la semaine prochaine.
Le sénateur Spivak: Monsieur Milton, le principal enjeu soulevé ici, comme l'a surtout fait ressortir le commissaire de la concurrence, consiste à établir si, dans le nouveau contexte qui se dessine, il y aura bel et bien concurrence. Seule une concurrence adéquate garantira l'abordabilité, la qualité du service et tout ce dont a parlé le sénateur Poulin.
Quoi qu'on dise à propos d'un mode de fonctionnement indépendant, nous avons essentiellement affaire à l'émergence d'un transporteur dominant puisque, si vous parvenez à vos fins, vous aurez le contrôle de Canadien. La concurrence ne viendra ni des transporteurs régionaux ni des affréteurs. Canadien et Air Canada comptent pour 90 p. 100 du trafic aérien, y compris le trafic transfrontalier.
Le commissaire de la concurrence a évoqué un certain nombre de choses. Je crois comprendre qu'on procédera plus tard à un examen complet, selon que vous parviendrez à vos fins ou non. Il a affirmé qu'un nombre assez considérable de facteurs doivent être réunis pour qu'une véritable concurrence se fasse jour. Je suis certaine que vous êtes parfaitement au fait de toutes les questions qu'il a soulevées. Il a également avancé l'idée d'un transporteur canadien seulement et d'autres formes déguisées de cabotage, ce qui signifie qu'on pourra aller de Toronto à Vancouver en passant par Minneapolis.
Je suis certaine que vous avez étudié toutes les propositions du commissaire de la concurrence. Premièrement, comment pouvez-vous soutenir que Canadien fonctionnera de façon indépendante lorsque, dans les faits, vous en serez propriétaire? Deuxièmement, quelles recommandations êtes-vous disposé à accepter pour assurer une véritable concurrence au Canada?
M. Milton: En ce qui concerne la question de l'indépendance de Canadien, je suis tout à fait convaincu de notre capacité de soutenir la concurrence. Si American Airlines souhaite investir pour corriger la situation de Canadien et en faire un concurrent viable, je n'ai rien à redire. Je soumettrai au Bureau de la concurrence le résultat éventuel, mais je répète que nous ne sommes pas à l'origine du problème et que nous cherchons une solution. Tout ce que je puis faire, c'est répéter que je ne m'oppose pas à l'idée qu'American Airlines vienne au secours de Canadien. La concurrence ne me dérange pas.
Le sénateur Spivak: Nous ne vous accusons pas d'être à l'origine du problème. Nous sommes confrontés à une situation susceptible de produire quelques résultats. AMR peut conserver la compagnie aérienne, Canadien peut échouer ou vous pouvez réussir dans votre tentative de fusion. Nous sommes ici pour protéger l'intérêt du public, et on nous demande de faire des commentaires.
M. Milton: Il est difficile pour moi de faire des commentaires. Si je suis incapable de redresser la situation de Canadien, nous courons le risque de perdre 16 000 emplois. Je suis disposé à corriger la situation de Canadien. Si le pays ne souhaite pas que je le fasse, je ne le ferai pas. Si nous allons corriger la situation de Canadien, il est clair que je le ferai dans l'intérêt de nos actionnaires; sinon, rien ne sert d'aller dans ce sens.
Je suis disposé à accepter le résultat des délibérations avec les organismes de réglementation. Je ne vois pas comment je pourrais faire preuve d'une ouverture plus grande.
Le sénateur Spivak: Êtes-vous en train de nous dire que vous êtes disposé à accepter la totalité des recommandations formulées par le Bureau de concurrence pour favoriser une véritable concurrence?
M. Milton: Non. Je suis disposé à discuter avec le bureau pour déterminer les résultats. Je pense qu'il serait inapproprié et déraisonnable de votre part de laisser entendre que je devrais être prêt à accepter tout ce que le commissaire a affirmé.
En ce qui concerne votre question à propos du cabotage, ma réponse demeure la même. Si les compagnies américaines sont autorisées à transporter des passagers en passant par les plaques tournantes américaines, Air Canada doit pouvoir faire la même chose aux États-Unis en passant par des plaques tournantes canadiennes, suivant le principe de la réciprocité. S'ils sont disposés à le faire, très bien. La société Air Canada est disposée à livrer concurrence à quiconque, et elle est capable de le faire.
Le sénateur Spivak: Oui, mais lorsqu'on exploite un transporteur dominant -- «un monopole» --, il est facile de soutenir la concurrence.
M. Milton: À elle seule, la société American Airlines est plus grosse que l'ensemble de l'industrie au Canada, et je lui livre concurrence. Vous avez fait allusion à Minneapolis, où je dois livrer concurrence à Northwest. Nous ne craignons la concurrence de personne. Si de nouveaux transporteurs sont créés, nous leur ferons concurrence, et il est difficile pour moi de m'avancer plus loin.
Le sénateur Spivak: Je crois comprendre de ce que vous nous dites que nous allons devoir attendre de voir ce qui se produit et, par la suite, analyser chacune des recommandations, pour nous assurer que le principe de la concurrence est respecté. On a examiné la situation à de nombreuses reprises, dans le contexte d'une fusion éventuelle ou d'un échec possible, et on en est venu chaque fois à la conclusion que la concurrence serait gravement compromise et que les transporteurs régionaux et les affréteurs ne sont pas en mesure d'assurer au Canada la concurrence nécessaire.
En ce qui concerne l'achat possible de Canadien, je crois comprendre qu'Air Canada a tenu des discussions avec Canadien à diverses reprises depuis 1992, parfois à l'initiative du gouvernement et que ces discussions ont toujours avorté. Auriez-vous l'obligeance de faire la lumière sur les obstacles et les pénalités qui pourraient vous empêcher de faire l'acquisition de Canadien? En raison du contrôle qu'exerce American Airlines, je crois comprendre que quelques considérations financières entrent en ligne de compte.
M. Milton: Comme vous l'avez indiqué, nous avons, sur une période de cinq ans, discuté d'une diversité d'enjeux. Dans le monde des affaires, il n'est toutefois pas rare que les deux parties en cause ne puissent s'entendre sur la question du prix. Nous n'avons jamais été en mesure de parvenir à un consensus qui semble sensé aux deux parties, et c'est très bien. Un nouvel élément entre aujourd'hui dans la balance: American Airlines a un rôle à jouer et une opinion à propos de ce qui lui semble acceptable. Une fois de plus, c'est le problème auquel nous devrons nous attaquer au cours des jours et des semaines à venir.
En ce qui me concerne, je ne puis me montrer plus catégorique qu'en réaffirmant ma volonté d'acheter Canadien et de protéger 16 000 personnes. Cependant, je suis conscient que nous risquons de ne pas y parvenir. American Airlines constituera probablement un facteur déterminant, mais nous ne le saurons de façon certaine qu'en poursuivant le dialogue.
Le sénateur Spivak: J'ai du mal à comprendre pourquoi American Airlines investit tout cet argent dans Canadien, alors même que l'entreprise perd de l'argent. Qu'allez-vous changer? Qu'allez-vous faire pour renverser la vapeur?
M. Milton: Air Canada est le transporteur dominant au pays, quelle que soit la direction vers laquelle vous vous tournez. Du point de vue de la commercialisation, il est difficile de venir au deuxième rang. Le numéro deux doit tenter de soutenir la concurrence du numéro un partout dans le monde, de sorte qu'il perd beaucoup d'argent sur la quasi-totalité de ses vols.
À l'examen de la relation qu'American Airlines entretient avec Canadien, vous constaterez que Canadien n'a pas été revitalisé. Le parc aérien est défraîchi et désuet. Les employés sont passés par de nombreuses épreuves, y compris des réductions de salaire, la réduction d'effectifs, et ainsi de suite. American Airlines, en revanche, a, au cours de la période de cinq ans, sans cesse tiré des bénéfices sous forme de droits et d'achalandage, c'est-à-dire les passagers qui transitent par le réseau d'American Airlines. Même si tout le monde n'est pas d'accord, nous devons être conscients du contrôle qu'American Airlines exerce sur Canadien et l'industrie aérienne du pays, même si, du point de vue de la réglementation, la société ne devrait pas exercer un tel contrôle.
Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous indiquer les lignes directrices générales de ce que vous feriez pour rationaliser Canadien et en faire une société viable aux termes de cette nouvelle structure?
M. Milton: J'ai tenté d'en faire état en évoquant la croissance de Star Alliance, la croissance à l'intérieur du réseau de Delta et la croissance internationale. Au contraire d'un exercice de contraction, nous envisageons ici un exercice de croissance marquée vers des destinations du monde qu'Air Canada n'est pas autorisée à desservir et que Canadien ne dessert pas même si elle y est autorisée.
Le sénateur Spivak: Vous avez fait allusion à la croissance des revenus. À quel prix se fera-t-elle? Quelle influence aura-t-elle sur le prix que les Canadiens doivent payer pour leurs déplacements en avion? C'est là aussi un enjeu. Les prix vont-ils diminuer?
M. Milton: C'est le marché qui tranchera. Le fournisseur dont les prix sont les plus bas est celui qui dirige le marché. Dans l'Ouest canadien, c'est WestJet. Sur les routes transcontinentales, ce sont les affréteurs. Ils dirigent le marché du point de vue de l'établissement des prix. Je n'entrevois pas de changement à cet égard. L'introduction du cabotage via les États-Unis constitue un mécanisme de protection des prix.
Ne nous leurrons pas: la majorité des Canadiens vit dans une mince bande de terres située le long de la frontière américaine. Le moyen de protéger les prix à la consommation consiste peut-être donc à permettre que le trafic transite par les États-Unis, mais seulement à titre réciproque, de façon qu'Air Canada puisse vendre un billet à une personne qui va de New York à Los Angeles. Dans ce cas, les règles du jeu seront égales, et je suis partant.
Le sénateur Finestone: À vous entendre, j'ai le sentiment que tout est plutôt conditionnel. D'une part, c'est comme un grand écran de fumée qui nous obstrue la vue. D'autre part, nous sommes confrontés à une lutte qui rappelle celle de «David et Goliath», laquelle déterminera le caractère conditionnel de l'acquisition de Canadien par votre société. Vous faites allusion à la nécessité de négocier avec American Airlines. En même temps, nous sommes propriétaires des routes. Je crois comprendre que le Canada possède des créneaux horaires et des routes aux quatre coins du monde. Les sociétés Canadien et Air Canada se sont divisé ces créneaux entre elles. Canadien ne les a pas tous utilisés. Dans l'intérêt des Canadiens et des affaires, du moins on l'espère, vous tenez pour acquis que vous serez en mesure de réorganiser le tout de façon que nous ayons une industrie canadienne rentable. Comment vous y prendrez-vous?
D'abord, pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne le système des routes et des créneaux horaires et comment vous pourriez vous les accaparer? Comment la société American Airlines pourrait-elle vous empêcher de le faire?
M. Milton: La question est fascinante. Si vous remontez il y a cinq ans, soit à l'époque où American Airlines envisageait d'investir, vous retrouverez dans les transcriptions certains commentaires formulés alors par Hollis Harris, qui occupait à l'époque le poste de président et chef de la direction d'Air Canada, lequel évoquait le comportement d'American Airlines et le fait que la société allait inévitablement revendiquer la propriété de droit sur les routes au Canada. Nous sommes ici confrontés à une question vraiment préoccupante.
De toute évidence, c'est au gouvernement qu'il incombe d'octroyer les droits sur les routes. Les compagnies aériennes peuvent louer ou acheter des créneaux horaires dans les aéroports du monde entier. Dans ces cas, les créneaux horaires peuvent appartenir à la compagnie aérienne. En dernière analyse, c'est le gouvernement du Canada qui octroie les droits sur les routes. En vertu d'ententes bilatérales conclues avec d'autres pays, on précise dans ces droits que la compagnie aérienne du Canada doit être une compagnie aérienne appartenant à des Canadiens. Il s'agit d'une prescription des ententes bilatérales.
On pourrait s'imaginer qu'il suffit de faire l'acquisition de Canadien pour obtenir du même coup les routes et les créneaux horaires de la compagnie. Cependant, le tout est sujet à l'approbation du gouvernement et, de toute façon, à celle du gouvernement étranger. Or, il semble que nous soyons ici confrontés à la capacité d'American Airlines d'occulter ce processus. Si, à l'heure actuelle, la valeur boursière de Canadien se situe peut-être quelque part entre 80 et 100 millions de dollars, American Airlines prétend avoir le droit d'exiger le versement de pénalités d'une valeur de 1 milliard de dollars si le lien qui la lie à Canadien était rompu.
Nous sommes ainsi confrontés à une situation des plus remarquables. Au-delà des répercussions sur les droits relatifs aux routes et de la réalisation de tous les avantages possibles pour le Canada, on doit tenir compte des conséquences pour les employés de Canadien. Je constate qu'American Airlines et Canadien continuent d'étudier la situation de leur point de vue, plutôt que de celui des employés de Canadien, et cette situation me préoccupe de plus en plus.
En ce qui concerne le commentaire que vous avez formulé à propos du caractère conditionnel de l'offre, je puis affirmer de façon catégorique que, à supposer qu'American Airlines n'exagère pas -- et j'ignore jusqu'à quel point la société peut exagérer en ce qui concerne les droits de dilution ou la somme de 1 milliard de dollars --, nous ferons l'acquisition de Canadien. Ce faisant, nous protégerons 16 000 personnes et nous assurerons la croissance des compagnies aériennes.
Si nous sommes dans le brouillard, c'est en raison de ces dispositions et du fait que nous ne savons pas exactement à quoi nous attendre. J'espère que la situation se clarifiera au fil des jours. Dans ses tractations avec American Airlines, j'espère que Canadien fera preuve de leadership de façon à ce que nous puissions obtenir les meilleurs résultats possibles pour les employés concernés.
Le sénateur Finestone: Si ces droits appartiennent au gouvernement du Canada, devons-nous nous en remettre à des décisions de l'Organisation mondiale du commerce? Vous êtes une société privée. Nous affirmons qu'il incombe au secteur privé de résoudre les problèmes qui le concernent. Par exemple, cette question suppose un engagement de gouvernement à gouvernement. Quelle est la responsabilité du gouvernement fédéral, du ministre des Transports et des représentants de l'Officie des transports du Canada et du Bureau de la concurrence qui ont comparu devant nous? À qui revient-il d'entamer les négociations?
M. Milton: Si nos démarches auprès d'American Airlines ne débouchent pas sur des résultats nets, je demanderai au ministre des Transports de m'aider à défendre les avantages pour le Canada de résultats favorables à Air Canada et à Canadien, de façon que les droits sur les routes du Canada puissent être exploités à fond, étant donné qu'ils ne le sont pas aujourd'hui.
Le sénateur Finestone: Le comité, de même que le comité de la Chambre des communes, a pour mandat de fournir des réponses et certaines orientations au gouvernement du Canada. Dois-je comprendre de ce que vous venez de dire que nous devrions simplement attendre de connaître l'aboutissement des négociations entre Canadien, American Airlines et vous-même avant de donner certaines orientations au gouvernement, ou devons-nous plutôt suggérer au gouvernement du Canada et au ministre d'intervenir?
M. Milton: Je pense qu'il est relativement simple d'établir ce qui est dans l'intérêt des deux compagnies et, en dernière analyse, du pays. Je vous encourage à tout mettre en oeuvre pour favoriser l'obtention de résultats favorables au Canada plutôt qu'à la société American Airlines, dont le siège social est établi à Dallas, au Texas.
Le sénateur Finestone: Passons maintenant à une autre question, parce que je suis convaincue que mes collègues pourront poser des questions encore plus éclairées. Dans ce dossier, j'ai l'impression que tout reste en suspens. Nous sommes passés de deux acheteurs et de deux propositions à une proposition, avec tout le poids que cela suppose, et tous les éléments positifs des négociations du côté des auteurs de la proposition et une absence de clarté. Je n'ai pas l'impression que vous êtes en cause. J'ai entendu ce que vous avez dit.
M. Milton: Merci de l'avoir remarqué.
Le sénateur Finestone: C'est vous qui l'avez dit.
Le sénateur Kirby: À de nombreuses reprises.
Le sénateur Finestone: J'aimerais maintenant aborder deux questions. En ce qui concerne la détermination de ce qui est équitable et non équitable dans le dossier Canadien-American Airlines, quel est le rôle de l'Office des transports du Canada? Nous avons été franchement ravis d'apprendre ce qu'il a fait hier. Là aussi, il y a absence de clarté.
M. Milton: De mon point de vue, c'est bien le cas.
La présidente: Le témoin n'a pas à répondre à la question.
Le sénateur Finestone: Je vais en rester là pour le moment.
La présidente: Vous n'avez pas à répondre à la question.
Le sénateur Finestone: Je vais passer à une autre question à laquelle vous devriez pouvoir répondre. Le bilinguisme est essentiel à la qualité, à la valeur et au caractère du Canada. J'ai coprésidé le comité des langues officielles. Je dois avouer que j'ai été affligée de constater le peu d'empressement mis par Air Canada pour assurer, aux termes de la loi ou non, l'application d'une qualité fondamentale du Canada. La question est devant la Cour fédérale. On attend la décision.
Il ne fait aucun doute que certaines valeurs morales et culturelles sont en jeu. Pourquoi même soulever la question de l'utilisation des deux langues officielles par Air Canada ou ses filiales? Cree Air Service, First Air et Canadian North offrent des services dans trois langues. Le pays est très fier de ses deux langues, et le fait d'avoir deux langues est bon pour les affaires. Malgré le caractère absolument incroyable du pays, vous ne respectez pas le bilinguisme, même dans l'intervalle. Pourquoi pas?
M. Milton: Nous le respectons, et nous nous y employons de toutes nos forces.
Le sénateur Finestone: Non, c'est faux.
M. Milton: Je vous invite, vous et les autres membres du comité, à venir constater de visu tout le travail que nous effectuons pour garantir notre capacité d'offrir des services dans les deux langues dans toute la mesure du possible, c'est-à-dire pour être toujours en mesure d'offrir des services dans les deux langues. Je vous invite à venir voir ce que nous faisons pour concrétiser cet engagement.
Le sénateur Finestone: Monsieur Milton, je vous suggère de vous procurer une copie de l'exposé que Mme Dyane Adam a présenté devant nous hier. Quinze pour cent des plaintes reçues par le Bureau du Commissaire aux langues officielles ont trait aux compagnies aériennes. Cinquante pour cent des plaintes relatives aux compagnies aériennes visent Air Canada. Cela fait beaucoup de plaintes. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une question frivole.
Je puis vous citer une plainte formulée à propos de votre salon Feuille d'érable de Londres qui remonte à il y a deux ou trois semaines. Je puis aussi vous citer des plaintes concernant des vols vers le Nord et vers les Maritimes sur les ailes d'Air Nova.
Il faut qu'il y ait prescription. Vous avez saisi la Cour fédérale de l'affaire parce que vous soutenez que vos transporteurs régionaux ne sont pas assujettis à la Loi même s'il s'agit de filiales à 100 p. 100. Que les compagnies en question soient ou non assujetties à la loi, j'aimerais vous poser la question suivante: en tant que Canadien ou que personne travaillant au sein d'une société canadienne, n'êtes-vous pas, sur le plan moral ou conscient, d'avis que vous devriez vraiment tenter d'appliquer le bilinguisme de façon uniforme?
M. Milton: Nous tentons de le faire de façon uniforme. J'aimerais vous donner une meilleure idée des mesures que nous prenons pour y parvenir. Je sais que nous allons parfois connaître des ratés sur le plan du service ou de la langue. Si on postule cinq interactions par passager, nous interagissons avec des clients presque 75 millions de fois par année. Dans un certain nombre de cas, nous allons échouer, particulièrement lorsqu'on tient compte du fait que certaines de nos activités sont confiées à des compagnies aériennes ou à des organismes tiers. Je sais que nous ne réussissons pas dans tous les cas, mais vous ne trouverez pas au pays une autre compagnie aérienne et probablement pas une autre compagnie tout court qui consacre autant d'efforts au fait d'assurer des services dans les deux langues. Je suis disposé à soumettre à votre examen les mesures précises que nous prenons pour y arriver.
Le sénateur Finestone: Je ne trouve nulle trace de ces propos dans les engagements que vous avez pris. Par conséquent, j'aimerais que vous me disiez si, en ce qui concerne vos transporteurs régionaux et dans le contexte des obligations qui vous échoient relativement aux engagements constitutionnels canadiens dans le domaine du bilinguisme, vous allez examiner de près ce que vous avez fait, ce que vous faites et ce que vous allez faire et faire de cette réflexion un de vos buts.
M. Milton: Je vais assurément me pencher sur cette question et examiner les orientations que nous prenons.
Le sénateur Finestone: Vous y engagez-vous?
M. Milton: Je m'engage également à vous inviter à nous rendre visite. Nous travaillons d'arrache-pied dans ce dossier. Nous prenons la question très au sérieux, et je pense que les résultats sont convaincants. Les rapports de cette nature ne sont ni particulièrement raisonnables ni entièrement exacts. Une fois de plus, je me ferai un plaisir de discuter plus en détail de cette question dans un autre contexte.
Le sénateur Finestone: En terminant, j'espère que vous allez faire lecture du rapport de Mme Adam et que vous allez prêter attention à ce qu'elle dit. Auriez-vous l'amabilité de faire part au comité de vos commentaires relativement à la page 6? La commissaire recommande au gouvernement du Canada de:
s'assurer, dans le cadre de la restructuration de l'industrie du transport aérien, qu'il soit énoncé dans la Loi, que:
a) la Loi sur les langues officielles dans son ensemble continue de s'appliquer à Air Canada, quelle que soit sa nouvelle structure ou à un éventuel «transporteur dominant» et
b) que les transporteurs régionaux et autres filiales liés à cette entité soient soumis à la partie IV (Communication avec le public et prestation de services), à la partie IX (Commissaire aux langues officielles) et à la partie X (Recours judiciaire) de cette même Loi.
Elle ajoute que la Loi sur les langues officielles s'applique à la nouvelle société:
Sans restreindre la généralité de ce qui précède, en ce qui concerne les communications avec le public et la prestation des services, les dispositions des parties IV, IX et X de la Loi sur les langues officielles s'appliquent aux transporteurs régionaux et autres filiales (p. ex., Vacances Air Canada) de la Société de même qu'aux transporteurs conventionnés par elle, là où il existe une demande importante, tant à l'égard de leurs bureaux que sur les trajets.
Je vous rappelle que l'article 25 de la Loi sur les langues officielles porte que les filiales en question doivent se conformer aux dispositions de la loi.
M. Milton: Je me ferai un plaisir de me pencher sur cette question et de faire part de mes commentaires au comité.
Le sénateur Finestone: Cela nous sera utile.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais poser une question supplémentaire à propos de la première partie de la question. Le gouvernement s'est montré prêt à étudier la modification de la règle des 10 p. 100 pour établir la limite à, disons, 49 p. 100 et à convertir les 800 millions de dollars de créances en actions dans Canadien et à tout remettre en vente. Si tel est le cas, seriez-vous intéressé?
M. Milton: C'est une question hypothétique, mais je demeure déterminé à agir dans l'intérêt des actionnaires. Je ne démordrai pas de cette approche.
Le sénateur Forrestall: C'est une réponse possible. Cependant, comme la plupart de vos réponses, elle est conditionnelle. Je n'aime pas assortir mes questions d'un certain nombre de conditions hypothétiques. Au cours des 90 dernières minutes, vous m'avez par ailleurs convaincu de renoncer tout à fait à l'utilisation d'hypothèses. C'est une réponse. Je vous remercie.
Le sénateur LeBreton: Je vais vous poser une question à laquelle vous avez déjà répondu de multiples façons ce matin. Elle porte une fois de plus sur les travailleurs. Elle est peut-être non fondée, mais l'impression qui se dégage est que la fusion fera des employés de Canadien les grands perdants et d'Air Canada le grand gagnant. Les expressions ont été utilisées dans la presse tout au long du week-end. À la télévision, nous avons tous vu les employés d'Air Canada célébrer et ceux de Canadien sembler plutôt préoccupés et troublés par tout ce qui se passe.
Monsieur Milton, comment Air Canada se propose-t-elle de dissiper l'impression malheureuse qui oppose les gagnants aux perdants? Cette question préoccupe au plus haut point les Canadiens ordinaires témoins de tout ce débat.
M. Milton: Sur le plan de l'exploitation et du service à la clientèle, Canadien compte parmi les meilleurs. Je veux tabler sur cette réalité. Je veux diriger les avions de la société vers des destinations rentables et lui permettre d'acquérir la force et d'obtenir les résultats gagnants que nous avons été en mesure de générer à Air Canada. Je suis conscient du potentiel inhérent à la franchise de Canadien.
Il est vrai que Canadien perd des sommes colossales. Lorsque j'ai joint les rangs d'Air Canada en 1992, nous perdions 1 million de dollars par jour, et je savais que nous pouvions remettre la franchise sur pied, et nous l'avons fait. Et de la même façon, je sais que nous pouvons réorienter Canadien et en faire une grande réussite. Entreprenons sans plus tarder la transition rapide qui débouchera sur le rétablissement de Canadien. Laissons les employés gagner parce qu'ils ont montré qu'ils possèdent toutes les compétences du monde.
Le sénateur LeBreton: Cherchez-vous à obtenir que les employés d'Air Canada baissent un peu le ton vis-à-vis de leurs homologues de Canadien?
M. Milton: En ce qui me concerne -- et je dois jouer franc-jeu, je suis extrêmement fier des gens d'Air Canada. Tout au long du processus, j'ai à de nombreuses reprises laissé des messages vocaux aux employés pour leur demander de faire preuve de retenue, de laisser les choses suivre leur cours et de nous permettre de faire notre travail. Ils ont écouté et se sont merveilleusement comportés. Lorsque, la semaine dernière, les choses se sont précipitées, ce n'est pas moi qui leur ai demandé de s'exprimer. Ils ont simplement senti que le moment était venu pour eux de prendre la parole. Je suis fier d'eux, de ce qu'ils ont dit et de la façon dont ils se sont comportés.
Vendredi soir dernier, les épinglettes anti-Onex ont commencé à disparaître des uniformes. Le phénomène s'explique par le fait que les gens d'Air Canada sont des professionnels. On a déclaré la guerre à Air Canada. Il s'agissait d'une tentative hostile, contraire aux lois du pays, de voler la compagnie pour 8,25 $ l'action. Cinq mille personnes devaient être mises à pied, la plupart à Air Canada. Les employés avaient tout lieu d'être inquiets. Ils se sont comportés de façon admirable.
Nous tendons la main à la société Canadien pour l'aider à se remettre en selle le plus rapidement possible. Nous pouvons le faire, et nous allons le faire ensemble.
Le sénateur LeBreton: J'aimerais revenir sur le nouveau transporteur aérien à faible prix proposé. Pourquoi a-t-on choisi de l'établir à Hamilton?
M. Milton: Hamilton dispose d'une très vaste aire de chalandise autour de Toronto. À Toronto, on observe une congestion marquée. Je suis certain que bon nombre d'entre vous avez pris des vols à destination ou au départ de Toronto qui ont été retardés pour toutes sortes de motifs, souvent liés à la congestion. À Hamilton, la congestion est moindre. Il s'agit d'un milieu à faible coût, ce qui, de toute évidence, est propice à des activités à bas prix. L'aéroport est avantagé par l'importance de la taille du marché de Toronto. Il possède l'aire de chalandise et les caractéristiques nécessaires à ce genre de compagnie aérienne.
Le sénateur LeBreton: Quelles répercussions aura la création d'une nouvelle compagnie aérienne sur vos autres compagnies aériennes régionales de la famille d'Air Canada ou de Canadien ou même sur WestJet? Je ne suis ni économiste ni avocate. On nous a montré que les tarifs ont augmenté. Je n'arrive pas à comprendre comment la société Air Canada pourra se concurrencer elle-même par l'entremise de cette nouvelle compagnie aérienne. Voyez-vous dans cette nouvelle compagnie l'équivalent de WestJet pour l'Est?
Je ne comprends tout simplement pas. Hier, les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile nous ont présenté une statistique selon laquelle les tarifs aériens, même si on tient compte des rabais, ont augmenté de 22 p. 100 depuis 1990, par rapport à une augmentation de l'IPC de 16 p. 100. Le coût total a augmenté de 76 p. 100 depuis 1992. Je ne comprends pas l'influence qu'Air Canada et un nouveau transporteur à bas prix auront sur les autres transporteurs régionaux. Les consommateurs seront-ils avantagés si, pour l'essentiel, vous vous faites concurrence à vous-même?
M. Milton: Les consommateurs s sont avantagés par des tarifs extrêmement bas. Ces tarifs sont si bas que des personnes qui auraient pris leur voiture ou l'autobus choisiront de prendre l'avion. Des compagnies aériennes comme WestJet nous servent d'exemples. De telles compagnies ont vu le jour dans de nombreux marchés en Europe et aux États-Unis. United Airlines possède United Shuttle. Delta possède Delta Express. U.S. Air possède MetroJet. Il s'agit dans tous les cas d'entreprises syndiquées qui fonctionnent suivant un régime différent -- elles affichent un taux de productivité élevé du point de vue de l'utilisation des aéronefs et de l'occupation des sièges.
Il s'agit d'un produit différent. On ne parle pas d'un service de repas. Les sièges sont plus étroits, et il n'y a probablement pas de première classe. Il s'agit d'un segment de marché différent. C'est un segment de marché qui assure de très bas tarifs. Il n'y aura pas 28 vols par jour entre Toronto et Montréal. Il y aura peut-être un ou deux vols par jour de Hamilton vers une destination à proximité de Montréal. La clientèle sera tout à fait différente, et les prix seront très bas.
Il ne faut pas en conclure qu'Air Canada se concurrencera elle-même. Toutes les compagnies aériennes que j'ai évoquées -- United, Delta et U.S. Air -- possèdent des réseaux de transporteurs régionaux prospères. Il s'agit d'un tout nouveau segment introduit et conçu avec beaucoup de succès par bon nombre de grandes compagnies aériennes. La plus importante et la plus efficace d'entre elles, Southwest Airlines, constitue également une entreprise fortement syndiquée.
Le but visé, c'est de faire bouger les choses. À l'aéroport, il y a moins de constriction, et les contraintes liées au coût sont moins nombreuses. Il y a davantage de sièges à bord des avions, et le nombre de vols est réduit. Tout s'emboîte parfaitement. Ce que nous proposons n'est pas unique. Les grandes compagnies aériennes des quatre coins du monde font exactement la même chose.
Le sénateur LeBreton: Dans ce cas, a-t-on affaire à une clientèle différente? Vous n'entendez pas enlever des clients à Air Canada.
M. Milton: Certains renonceront à utiliser leur voiture ou l'autobus. Si vous interrogez des personnes de l'Ouest canadien à propos de WestJet ou que vous analysiez des exemples aux États-Unis et en Europe, où il y a eu prolifération des transporteurs de ce genre, par exemple Easy Jet et Ryan Air, vous constaterez l'éclosion d'une toute nouvelle clientèle composée de personnes qui, auparavant, ne prenaient pas l'avion. Nous allons créer un tel élément de concurrence dans l'Est du Canada. C'est notre vision des choses.
Le sénateur LeBreton: Vous entendez vous cantonner dans l'Est du Canada? Vous n'entendez pas faire en sorte que cette nouvelle compagnie aérienne traverse le continent pour aller faire concurrence à WestJet?
M. Milton: Je demeure ouvert sur ce point, mais, à l'heure actuelle, les possibilités sont si nombreuses à l'est de Thunder Bay que l'expansion prendra un certain temps. Nous parlons de ce projet depuis deux ou trois années. Nous sommes parvenus à assurer la croissance d'Air Canada avec le parc aérien existant, et nous n'avons pas été en mesure de donner suite à ce projet.
Nous avons subi un recul important à la suite de la grève des pilotes de l'année dernière. Nous avons dû parquer de nombreux aéronefs dans le désert. À condition de parvenir à une entente avec nos pilotes, nous avions la possibilité de créer une compagnie aérienne à bas prix. Le dialogue avec nos pilotes s'améliore radicalement. Les possibilités sont nombreuses. Avec l'acquisition éventuelle de Canadien, nous pourrions, au lieu de parquer l'équipement excédentaire et de mettre des personnes à pied, utiliser les ressources aux fins de la nouvelle compagnie aérienne. Comme je l'ai indiqué ici, cependant, nul ne sera contraint de s'associer à la nouvelle compagnie. À la lumière des formules de rémunération que nous mettrons au point pour le nouveau transporteur -- et ces formules supposent souvent le partage des profits --, je prédis cependant que nombreux sont ceux qui se montreront intéressés.
Le sénateur Fairbairn: Avant de poser mes questions, j'aimerais faire un commentaire. Vous avez parlé de vos travailleurs, de vos employés, à Air Canada. Je vous félicite du soutien que vous leur accordez, de l'appréciation que vous avez d'eux et de votre engagement à vous battre pour eux, dans le cadre de ce qui, au cours des dernières semaines, a constitué une série d'événements très perturbants et très difficiles à comprendre. Je ne crois pas que vous vouliez donner l'impression que Canadien et votre homologue, M. Benson, sont moins convaincus de la valeur de leurs employés que vous l'êtes de celle des vôtres. Je pense qu'on pourrait en venir à cette conclusion à la lumière de certains de vos commentaires antérieurs, même si on fait exception d'American Airlines. L'une des raisons qui font que nous sommes ici aujourd'hui est que la direction de Canadien, dans le cadre du débat portant sur sa viabilité qui dure depuis des mois, a déployé des efforts pour corriger la situation ici, au Canada, compte tenu des intérêts et des préoccupations des employés.
M. Milton: Ce n'est certes pas l'impression que je voudrais laisser à propos de M. Benson et de sa relation avec ses employés. J'ai simplement tenté de témoigner de notre volonté d'effectuer le transfert et de protéger l'intérêt des employés.
Le sénateur Fairbairn: Je comprends. Il s'agit simplement d'une impression que j'ai retenue de propos que vous avez tenus antérieurement. Je suis certaine que ce n'est pas l'impression que vous vouliez faire consigner dans le compte rendu.
M. Milton: Merci.
Le sénateur Fairbairn: Je reviens aux questions posées par le sénateur Poulin. Dans le cadre du débat actuel, une bonne partie de la discussion a porté sur les routes nationales, les routes internationales et les secteurs à forte densité de voyageurs, et cetera. Je viens de Lethbridge, en Alberta, qui est une petite collectivité du point de vue du Canada, mais pas si petite du point de vue de l'Alberta. Nous dépendons de notre capacité de nous déplacer, à l'intérieur de la province ou du pays, par l'entremise des compagnies aériennes régionales. Air Canada et Canadien desservent toutes deux ce centre. Dans cette région du Canada, où les distances sont grandes, la population clairsemée et les petites collectivités et les petits centres, abondants, l'inquiétude est vive. Le débat et la situation dans laquelle ils se retrouveront suscitent de l'inquiétude chez les résidents.
Si j'ai bien compris les réponses que vous avez fournies aux questions du sénateur Poulin, le service offert dans les petites collectivités, même s'il risque d'être réduit, sera néanmoins maintenu. Je ne crois pas que vous ayez rien garanti, mais telle est votre intention.
Dans les considérations régionales, il n'y a pas que les passagers qui comptent. On doit aussi tenir compte des aéroports eux-mêmes. Ces petites collectivités possèdent leurs propres aéroports, et l'assiette fiscale est limitée, du moins en ce qui concerne ma collectivité. Il est certain qu'une petite ville est concernée, et on a généralement affaire à un regroupement de petites villes qui se sont unies pour sauver l'aéroport. Je suis certaine qu'il en va de même dans de nombreuses régions du pays. La survie de ces aéroports ne tient qu'à un cheveu. Le bouleversement du service et la disparition de vols ont des répercussions non seulement sur les passagers, mais aussi sur l'avenir même de ces aéroports.
Dans l'offre antérieure, qui n'est plus sur la table, les parties s'engageaient à collaborer directement avec ces aéroports, les collectivités et le gouvernement pour éviter que tout le brouhaha et la solution au problème n'aient pour effet de priver des régions de notre pays de transport, là où il n'y pas de solution de rechange. Songez par exemple à Fort McMurray, où il n'y a pas de routes. Ces considérations jouent un rôle critique dans notre plan.
Ce ne sont pas que des noms sur une carte; ce sont des personnes. Leur vie économique et personnelle dépend de ces liens, et nous sommes inquiets. Nous en avons parlé avec le Bureau de la concurrence et M. von Finckenstein. Au départ, pendant qu'on attend que la concurrence s'installe, tout hiatus pourrait avoir des effets absolument dévastateurs sur les aéroports eux-mêmes et les collectivités qu'ils desservent.
M. Milton: En ce qui concerne les petites collectivités, je m'engage à ce qu'aucune collectivité actuellement desservie ne cesse de l'être. Pour ce qui est de notre volonté de participer avec les collectivités locales, nous devrions le faire et nous le ferons. Comme je l'ai indiqué plus tôt, on pourra apporter certaines modifications au service. Il est possible que des marchés dans lesquels on propose actuellement huit vols par jour se retrouvent avec six vols, mais ces derniers seront répartis tout au long de la journée, probablement de façon plus égale qu'ils ne le sont aujourd'hui, sous le régime des deux compagnies aériennes. Je prends devant vous l'engagement suivant: en vertu de notre plan, les collectivités aujourd'hui desservies continueront de recevoir des services, sans interruption.
Le sénateur Fairbairn: Vous accueillez volontiers la concurrence de compagnies aériennes comme WestJet.
M. Milton: Certainement. Elles nous obligent à être sans cesse sur nos gardes.
Le sénateur Fairbairn: Je vous ai vu à la télévision, hier soir. Certains ont parlé d'écran de fumée ou de je ne sais trop quoi, mais je pense qu'il est tout simplement difficile pour les Canadiens ordinaires de comprendre ce qui se passe. J'en suis convaincue. Aujourd'hui, vous avez affirmé sans ambages votre volonté de prendre le contrôle de Canadien et de revitaliser la compagnie pour en faire un élément précieux d'une solution plus large. En ce qui concerne American Airlines, vous avez, hier soir, affirmé de façon relativement catégorique que vous n'alliez pas aller de l'avant si vous vous exposiez à des pénalités de l'ordre de 1 milliard de dollars. Ai-je raison de penser que, de votre point de vue, l'affaire ne pourra pas se conclure?
M. Milton: Nous n'en avons pas les moyens. Je ne pense pas que je pourrais justifier une telle opération. Étant donné la situation dans laquelle se trouve Canadien et sa valeur boursière, c'est insensé. Ce n'est pas raisonnable. Nous sommes disposés à nous montrer raisonnables dans nos négociations avec American Airlines et Canadien. Je serais heureux si Canadien disait: «Nous allons faire ce qui est juste pour Canadien et ses employés, et tant pis pour American Airlines. Nous sommes prêts à aller de l'avant.»
Si vous vérifiiez auprès des personnes qui ont été à Air Canada au cours des sept dernières années, je me plais à penser qu'elles confirmeraient que je suis convaincu de ce que j'affirme. Je suis sincère. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aller de l'avant et protéger les intérêts des personnes concernées, mais si je n'y arrive pas, je n'aurai rien accompli. Voilà où j'en suis aujourd'hui, et je n'ai pas d'idée précise de la tournure que prendront les événements.
J'admets que la situation est déroutante pour les Canadiens qui assistent au débat parce qu'elle n'est pas claire pour nous. Entre autres choses, nous entendons faire préciser la relation entre American Airlines et Canadien. Ces sociétés affirment pouvoir faire et ne pas faire bon nombre de choses qui, à notre connaissance, n'ont jamais été soumises aux organismes de réglementation.
Je dois avouer que, vendredi soir, j'ai été fasciné de voir la réaction d'American Airlines à l'annonce par Onex du retrait de son offre. J'ai déclaré que nous avions l'intention de procéder à l'acquisition de Canadien, mais la réaction d'American Airlines a été de dire: «Canadien n'est pas à vendre.» Comment cette société peut-elle faire une telle déclaration si elle n'est pas propriétaire? Elle possède une partie de Canadien, mais elle dit ne pas exercer de contrôle sur la compagnie. Cependant, elle déclare maintenant que Canadien n'est pas à vendre. C'est un problème. Voilà ce que nous devons chercher à démêler.
Il faudra un certain temps pour le faire, mais au vu de ce qui se passe à Canadien, j'espère que le délai ne sera pas trop long. Je tiens à dissiper tous les doutes. Si American Airlines n'était pas dans le décor et qu'il n'était pas question de pénalités, je ferais aujourd'hui l'achat de Canadien, pour peu que les actionnaires soient d'accord. Aujourd'hui même, nous libellerions le chèque et nous protégerions les intéressés.
Le sénateur Forrestall: Pour combien? Donnez-nous un chiffre.
M. Milton: Pour plus que la valeur à laquelle les actions se transigent aujourd'hui, et je ne sais pas à combien elles se montent.
Le sénateur Fairbairn: Si tel est le cas, n'est-il pas logique de tenir pour acquis que, dans ces circonstances, vous prendriez la dette à votre charge?
M. Milton: Non. Nous devons travailler avec les créanciers. Pour moi, l'essentiel consiste à protéger les employés et à donner naissance à la franchise. Bon nombre de ces créanciers, ainsi que je l'ai indiqué, sont aussi les nôtres. Je pense que nous avons des assises qui nous permettront de discuter avec eux de façon raisonnable, sur la foi de conditions acceptables et avantageuses pour les deux parties. Au cours des deux ou trois dernières années, les créanciers ont cependant imputé à Canadien des taux d'intérêt très élevés, souvent deux fois plus élevés que ceux que payait Air Canada. S'ils imposent de tels taux, c'est qu'ils estiment courir des risques additionnels. S'ils tiennent à cette gratification additionnelle, c'est parce qu'ils sont conscients des risques, et ce qui risquait d'arriver est justement arrivé. Nous pensons qu'il n'est que justice de discuter avec les créanciers; cependant, nous allons nous occuper des employés et assurer le fonctionnement de la franchise, pour peu qu'on nous en donne l'occasion.
Le sénateur Fairbairn: Si j'ai posé la question à propos des créanciers, c'est parce que la situation risque vraiment de tourner au vinaigre, et c'est alors qu'on commencera à percevoir les effets concrets -- c'est-à-dire la disparition des aéronefs de l'aire de trafic.
Enfin, il y a la crainte -- et je vais utiliser ce mot aujourd'hui parce que vous êtes ici et que cela fait partie des audiences -- que le résultat final soit, au vu de toutes les conditions qui se font jour, la faillite de Canadien. Pour l'ensemble des intéressés, il s'agit probablement de la conclusion la moins souhaitable du dossier dans la mesure où elle ne ferait pas de gagnants, notamment pas chez les employés. Vous savez que cette crainte et cette possibilité existent bel et bien. Dois-je comprendre de ce que vous nous dites aujourd'hui à propos de Canadien qu'il s'agit d'une option que vous n'envisagez même pas?
M. Milton: Ce n'est pas la solution vers laquelle nous nous dirigeons. J'ai tenté d'être aussi clair que possible. Je sais qu'on a ici affaire à toute une histoire, mais, selon ma vision des choses, c'est American Airlines qui fait obstacle. La faillite de Canadien n'est absolument pas un résultat nécessaire. Avec tout le pouvoir de persuasion dont je suis capable, je tiens à vous dire que nous entendons faire en sorte que le dossier débloque et protéger les intéressés le plus rapidement possible.
Le sénateur Adams: Il n'y a que par avion que je puisse me déplacer entre Ottawa et le Nord. Il n'y a pas de route, mais, même s'il y en avait, il faudrait peut-être six semaines pour venir jusqu'ici en voiture.
La semaine dernière, Canadien a comparu devant le comité. Dans le grand Nord, où Canadien exerce ses activités, nous craignons l'avènement d'une structure différente et d'actionnaires différents. Je sais que certaines personnes ont acheté des actions de Canadien et que la société fait directement concurrence à First Air par l'entremise d'Air Canada.
Si Canadien fait faillite, si, en d'autres termes, aucune entente ne peut être conclue avec Air Canada et American Airlines, qu'adviendra-t-il de Canadian North Airlines?
M. Milton: Pour être tout à fait franc, je ne suis pas parfaitement au courant de la structure du capital social de Canadian North. Je crois qu'il y a eu scission avec échange d'actions il y a environ un an. Cependant, nous sommes associés à First Air, qui, en collaboration avec nous, fait un travail remarquable. Entre First Air et Canadian North, à supposer que l'offre d'Air Canada soit retenue, je suis d'avis que vous aurez droit au même service qu'aujourd'hui, du point de vue de l'accès aux collectivités, et ce sera le même service de qualité, attrayant et concurrentiel qu'aujourd'hui.
Comme je ne suis pas au fait de la structure exacte du capital social de Canadian North et de la nature du lien qui existe actuellement avec Canadien, il est difficile pour moi de faire des commentaires à ce sujet, mais je m'engage à maintenir les niveaux de service.
Le sénateur Adams: Si, entre-temps, Canadien fait faillite et que Canadian North poursuit ses activités, y aura-t-il concurrence avec First Air et Air Canada? Comment le tout fonctionnerait-il?
M. Milton: S'il s'agit, en fait, d'une société indépendante -- et, une fois de plus, je n'en suis pas absolument certain --, on aurait alors affaire à un transporteur indépendant, et First Air demeurerait associée à nous. Si tel est le cas, je suis disposé à examiner avec précision les tenants et aboutissants, la structure du capital social, les liens qu'entretient la compagnie et les moyens que nous pouvons prendre pour assurer un résultat acceptable et le maintien du service.
Le sénateur Adams: Ce que je crains, c'est que, à supposer que l'avenir de First Air s'oriente dans cette voie et que Canadian North soit fusionnée avec Air Canada, il n'y aura plus de concurrence dans le Nord. Les tarifs sont déjà assez élevés, mais il y a au moins une certaine concurrence, et il y a d'autres petites compagnies aériennes, comme Calm Air, Skyward et Keewatin Air. Dans certains cas, on a des liaisons avec Canadien, et dans certains autres, avec Air Canada. En n'arrêtant pas de position dans ce dossier, vous nous rendez la vie difficile.
M. Milton: Quoi qu'il en soit, je m'efforcerais de faire en sorte que les transporteurs qui ne font pas partie de la grande famille d'Air Canada bénéficient d'un accès complet aux correspondances intercompagnies -- c'est-à-dire la capacité d'émettre des billets, d'enregistrer des bagages et de transporter des passagers l'un pour l'autre. Quoi qu'il en soit, nous chercherions à établir avec les autres transporteurs des droits complets relatifs aux correspondances intercompagnies.
Le sénateur Atkins: Si je comprends bien, l'industrie aérienne du pays est aujourd'hui organisée en réseau en étoile. Je tiens pour acquis que cette organisation plaît à Air Canada et que c'est elle qui est la plus rentable.
À la lumière de votre nouvelle proposition, est-il possible que vous apportiez certaines modifications à la façon dont vous exercez vos activités en vertu d'une telle organisation? Je songe au fait qu'un certain nombre de villes sont desservies indirectement plutôt que directement. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois comprendre qu'on ne peut partir du Canada central pour aller, disons, à St. John's, à Terre-Neuve, sans passer par Halifax. Ne peut-on envisager que certains vols directs vers ces destinations puissent se révéler rentables? Pourra-t-on modifier le système de façon à le rendre plus favorable aux consommateurs? Nombreux sont ceux qu'irrite le fait de ne pouvoir se rendre à destination sans passer par une plaque tournante.
M. Milton: C'est une bonne question. En raison de la configuration démographique du Canada, le marché des compagnies aériennes est moins organisé suivant le principe du réseau en étoile que dans bon nombre d'autres pays. De toute évidence, Toronto est la principale plaque tournante, mais, au nord de Toronto, les grandes villes vers lesquelles le réseau peut être étendu ne sont pas bien nombreuses. En revanche, elles le sont au sud. Nous avons considérablement accru la capacité de Toronto, ce qui nous a ouvert de nombreuses autres possibilités. Lorsqu'on accroît la capacité de la plaque tournante et qu'on augmente la masse critique, ce qui permet d'accommoder de plus en plus d'arrivées, on peut également soutenir de plus en plus de départs. Au cours des dernières années, nous avons perfectionné certaines nouvelles routes qui contournent les plaques tournantes. Nous avons introduit de nouvelles routes sans escale, par exemple Toronto-St. John's et Halifax-Calgary. Ainsi, on assistera sans contredit à une augmentation du nombre de passagers qui contourneront des villes comme Toronto. Sans vous donner d'exemples précis, je suis tout à fait convaincu qu'on pourra introduire de nouvelles routes rentables. Il n'y a qu'un vol quotidien entre Montréal et Winnipeg; dans tous les autres cas, on doit passer par Toronto. Il n'y a que deux vols quotidiens entre Ottawa et Winnipeg; dans tous les autres cas, on doit passer par Toronto. Sur ces routes, on accroîtra le service. Sur des routes comme Ottawa-Calgary, on assistera à une meilleure répartition des heures de vol.
À la suite de la réorganisation, je pense qu'on assistera effectivement à un redéploiement des passagers vers des routes qui ne sont actuellement pas offertes sans escale.
Le sénateur Atkins: Existe-t-il une politique concernant les routes directes entre capitales?
M. Milton: Non. En ce qui concerne les réseaux, les décisions sont fondées sur la taille ou le potentiel des marchés.
Le sénateur Christensen: J'aimerais vous poser une question. D'abord, cependant, je tiens à réitérer certains propos tenus par mes collègues relativement à l'importance des petites collectivités, particulièrement dans le Nord et d'autres régions du Canada, et à l'assurance que doit avoir le public que ces petites collectivités continueront de bénéficier des services qui leur ont été offerts jusqu'à présent.
Dans la région d'où je viens, c'est-à-dire le Yukon, Canadien est depuis le début le transporteur principal. En effet, c'est dans le Nord que la compagnie a vu le jour. Quelques concurrents ont bien tenté leur chance, mais en vain, parce que la région ne peut soutenir plus de un transporteur à longueur d'année. L'été, le nombre de passagers est considérable, et il arrive très souvent que d'autres compagnies aériennes viennent profiter de cette activité lucrative et laisser à Canadien les mois d'hiver, au cours desquels le trafic est limité.
En cas de fusion, quelle sera la position d'Air Canada dans le dossier des points pour grand voyageur?
M. Milton: Si nous faisons l'acquisition de Canadien, il est certain que tous les points accumulés dans Canadien Plus demeureront valables et en vigueur, et nous allons assurément reconduire les programmes de points pour grand voyageur puisque, à l'échelle du monde, la concurrence l'exige.
Le sénateur Christensen: Je vous remercie. Cette question préoccupe grandement le public.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais poser une question supplémentaire pour faire suite à celles du sénateur Atkins. Soit dit en passant, faites attention à l'utilisation que vous faites de la notion d'«est du Canada». Nous sommes ici dans le Canada central. L'Est du Canada, c'est loin là-bas, soit la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick. La confusion qui entoure votre conception de l'Est du Canada nous déplaît.
Doit-on craindre que les vols au départ de Halifax aboutiront à Hamilton plutôt qu'à l'aéroport Pearson?
M. Milton: Il s'agit d'une question tout à fait distincte. Comme je l'ai indiqué en réponse à la question précédente, on notera des améliorations de service dans de nombreux marchés aujourd'hui non desservis. De concert avec une combinaison d'activités, on pourrait, au départ de Halifax, envisager par exemple de desservir Chicago ou Winnipeg, sans passer par la plaque tournante de Toronto. Actuellement, ces marchés ne bénéficient pas de service sans escale.
Le sénateur Forrestall: Je suis d'accord. Vous ne l'avez pas dit, mais je suppose que vous voulez dire que ça ne se produira pas.
M. Milton: Bien sûr. C'est différent. Vous pouvez avoir un transporteur à bas prix entre Hamilton et Halifax, mais cela augmentera ce qui est déjà là.
Le sénateur Forrestall: Je vois. C'est une toute autre histoire, n'est-ce pas? Encore une fois, nous sommes déclassés et sans concurrence. Nous utiliserions des Dash 7, je suppose. Est-il possible que vous rameniez des avions à réaction?
M. Milton: Où?
Le sénateur Forrestall: Sur nos liaisons locales. La route est longue entre Halifax et St. John's.
M. Milton: La liaison Halifax-St-Jean est assurée uniquement par des avions à réaction.
Le sénateur Forrestall: Ah oui? Ce n'était pas le cas la dernière fois que j'y suis allé, alors c'est vous dire depuis combien de temps je n'y suis pas retourné, mais je comprends.
Je suis très inquiet parce que j'ai reçu des rapports au sujet de capitaines qui ont donné l'ordre direct de ne pas discuter de cette fusion à bord de la cabine. Êtes-vous au courant? Avez-vous des commentaires?
M. Milton: Je ne suis pas au courant, mais à bord de la cabine, c'est le capitaine qui décide quelle est la conduite acceptable. Toutefois, je n'en ai pas entendu parler.
Le sénateur Forrestall: Je peux comprendre l'exaltation de vos pilotes, mais vous devez comprendre que cela vient d'un vol de Canadien dont le capitaine était terrifié par ce qui ce passait; il y avait de la colère et de la frustration. Il y a eu une perte d'attention, et c'est dangereux.
Le sénateur Kirby: J'ai trois questions très précises. Elles complètent toutes d'autres questions.
Ma première question est en réponse aux commentaires que vous avez fournis au sénateur LeBreton, monsieur Milton, au sujet de votre transporteur à bas prix desservant un segment de marché différent de celui que dessert Air Canada, que l'on pourrait appeler généralement un segment bon marché. Je n'arrive pas à comprendre comment vous pouvez penser qu'il serait dans l'intérêt national ou public de permettre à un transporteur aérien de l'envergure du vôtre de mettre la main sur ce segment du marché tout en contrôlant les segments de marché habituels que desservent actuellement Canadien et Air Canada. Comment pouvez-vous le justifier et utiliser des expressions comme «favorable à la concurrence», comme vous l'avez fait à plusieurs reprises?
M. Milton: Personne ne le fait.
Le sénateur Kirby: Il n'est pas évident que personne le fait. On peut donner comme argument probant, pour reprendre certaines de vos réponses à d'autres sénateurs, que des transporteurs comme Canada 3000 et WestJet et d'autres peuvent le faire et offrent actuellement ce genre de prix.
M. Milton: Ils ne se rendent pas à Hamilton actuellement. S'ils veulent se lancer dans ce segment maintenant, c'est parfait, mais ils ne le font pas.
Le sénateur Kirby: En vertu de l'entente que vous avez conclue avec Hamilton, ils ne pourraient desservir Hamilton parce que, comme Pem-Air l'a découvert, votre proposition avec l'aéroport d'Hamilton consiste à bloquer à tout le monde l'accès à cet aéroport, et c'est exactement ce que le président de Pem-Air a dit.
Permettez-moi de passer à ma deuxième question. En réponse à la question du sénateur Spivak, vous étiez convaincu des avantages de Star Alliance. Si Star Alliance est une si bonne entreprise, pourquoi, comme d'autres témoins l'ont indiqué le printemps dernier, étiez-vous prêt à quitter Star Alliance et vous joindre à oneworld?
M. Milton: Nous avons la responsabilité fiduciaire d'examiner toutes les possibilités d'accroître les intérêts de nos actionnaires et de tous les intervenants. Canadien et American Airlines se sont adressés à nous en raison de la crise imminente chez Canadien, pour discuter d'une acquisition ou d'une fusion entre Air Canada et Canadien à ce moment-là.
Avec American Airlines à la table des discussions, il était bien évident que oneworld ferait partie de l'opération. Ils l'ont dit clairement dès le départ. Air Canada et American Airlines n'ont pas réussi à s'entendre sur la valeur de la transaction. Selon nous, il manquait 1,7 milliard de dollars, principalement en raison du mérite relatif de Star Alliance par rapport à oneworld, ce que nous avons clairement indiqué à American Airlines.
Nous ne pouvions nous entendre sur le prix. Toutefois, du point de vue de la responsabilité fiduciaire, s'il avait été de toute évidence avantageux pour nous de passer à oneworld, nous aurions pu et nous aurions dû le faire, mais nous ne l'avons pas fait parce que ce n'était pas le cas.
Le sénateur Kirby: Je comprends votre deuxième commentaire. Toutefois, si cela avait été dans l'intérêt de vos actionnaires, vous étiez prêt à passer à oneworld plutôt que de rester avec Star Alliance.
M. Milton: Si cela avait été dans l'intérêt de nos actionnaires.
Le sénateur Kirby: Vous avez clairement indiqué que vous voulez acheter Canadien, pourvu que les conditions soient bonnes. Vous poursuivez en disant que les conditions sont telles que le «méchant» dans cette affaire pourrait être American Airlines, et surtout que ce n'est clairement pas vous.
Lorsque je vous ai posé des questions plus tôt au sujet des politiques de concurrence, vous avez abordé sans cesse les questions transfrontalières, mais jamais celles relatives aux questions de la concurrence à l'échelle nationale, et vous avez éludé la question des 10 p. 100.
À mon avis, vous avez éludé les questions nationales importantes. Vous avez principalement soutenu que, si Canadien fait faillite, ce n'est pas votre faute, c'est la faute d'American Airlines. Pardonnez-moi, monsieur, mais je ne suis pas certain qu'Air Canada ne respecte pas toujours la stratégie qu'elle a suivi pendant une décennie, c'est-à-dire, fondamentalement -- du point de vue commercial, et non pas du point de vue de l'intérêt public, si j'ai bien compris -- que la faillite de Canadien est la solution préférable, parce qu'alors vous pouvez acheter du séquestre l'actif que vous voulez à un prix beaucoup plus bas. Vous n'avez absolument rien dit aujourd'hui qui pourrait me convaincre que ce n'est pas la stratégie que vous suivez. C'est mon commentaire.
Le sénateur Spivak: Ce qui me surprend le plus, c'est que, malgré la règle de propriété de 25 p. 100 et l'examen par l'Office des transports du Canada de l'entente d'American Airlines avec Canadien, AMR Corporation contrôle pratiquement toutes les décisions clés de ce transporteur, y compris les ventes, la gestion, et cetera.
Y a-t-il des clauses cachées dans les accords que vous avez conclus avec Lufthansa, United Airlines ou toute autre partie que nous devrions connaître en ce qui a trait au contrôle?
M. Milton: Il n'y a absolument rien de caché. Comme je l'ai mentionné plutôt, Star Alliance va instaurer bientôt une entente administrative générale.
Si la loi est modifiée, n'importe quelle entreprise dans le monde, si c'est légal, y compris Onex, pourra acheter Air Canada. Elle achètera un transporteur qui a des liens avec Star Alliance depuis dix ans, ce qui, selon nous, est la meilleure alliance. Toutefois, il n'y a aucune restriction ni aucun contrôle.
Le sénateur Spivak: Tout est parfaitement transparent? Est-ce que tous ces documents peuvent être déposés?
M. Milton: Oui.
Le sénateur Roberge: En passant en revue mes documents, je vois qu'on a créé une coentreprise entre Lufthansa et United Airlines pour 230 millions de dollars d'actions privilégiées sans droit de vote, mais convertibles.
M. Milton: C'est exact.
Le sénateur Roberge: Pouvez-vous expliquer comment elles sont convertibles? Est-ce qu'elles peuvent être converties en actions ordinaires, en actions comportant droit de vote ou en toute autre action du genre?
M. Milton: Elles sont convertibles en actions sans droit de vote et sont très intéressantes pour les actionnaires d'Air Canada à un prix de levée de 24 $ à 26 $. Nous avons négocié sans lien de dépendance une opération sans contrôle, avec des dommages-intérêts fixés à l'avance de 250 millions de dollars par rapport aux 750 millions de dollars qu'American Airlines et oneworld avaient négociés. Si vous regardez ce que nous avons négocié sous pression, ce chiffre est fabuleux par rapport à ce qui a été négocié pour une valeur de zéro par American Airlines, Canadien et oneworld sans qu'aucune pression ne soit exercée.
J'aimerais revenir à la question précédente. Il est intéressant de souligner que, si l'on remonte dans l'histoire, une des questions décisives concernant la participation initiale d'American Airlines avec Canadien a été la dissolution de Gemini, une autre entreprise canadienne qui a été détruite par American Airlines.
Combien de fois devons-nous subir les coups sans riposter avant de se réveiller et de répliquer: «Voilà une question qui ne touche pas Air Canada»? Nous avons repris Gemini et nous l'avons remise sur pied. C'est une entreprise très rentable qui emploie des Canadiens. Encore une fois, nous disons que nous sommes prêts à régler le problème que nous n'avons pas causé.
Le sénateur Spivak: Vous avez souvent insisté sur le fait que vous êtes pro-Canadien. Même si le gouvernement ne nous l'a pas demandé, croyez-vous que nous devrions faire certaines recommandations sur le rôle de l'Office des transports du Canada afin qu'il y ait un véritable contrôle et non pas uniquement un contrôle sur papier?
Qu'est-ce que peut bien changer le nombre d'actions comportant droit de vote qu'une entreprise américaine peut détenir si elle contrôle toutes les décisions importantes? Devrions-nous faire une recommandation au gouvernement?
M. Milton: Je crois que c'est un très bon point. J'ai dit plus tôt que c'est non pas moi, mais bien le pays qui peut faire quelque chose. Il revient au Parlement de déterminer quelle règle liera l'industrie.
Le sénateur Spivak: Toutefois, vous êtes un intervenant clé.
M. Milton: Selon moi, tout ce qui peut être en place devrait l'être. Nous ne devrions pas être mêlés à ces niveaux de manipulation et de contrôle qu'exerce actuellement American Airlines sur Canadien.
Le sénateur Spivak: C'est conforme à la loi, mais dans les faits, il s'agit bien d'un contrôle.
M. Milton: Je suis d'accord.
Le sénateur Spivak: En tant qu'intervenant clé, vous dites que nous devrions nous pencher sur la question; est-ce exact?
M. Milton: Absolument; vous devriez examiner comment la loi est appliquée.
Le sénateur Finestone: Le sénateur Kirby vous a demandé si votre stratégie était de laisser Canadien faire faillite? Quelle est votre réponse?
M. Milton: Ma réponse serait un «non» catégorique.
Le sénateur Kirby: Pour être juste, je ne crois pas que je lui ai posé cette question; c'était ma conclusion.
Le sénateur Finnerty: Donc, vous n'êtes pas d'accord avec le commentaire du sénateur Kirby.
M. Milton: C'est exact.
Le sénateur Finestone: Croyez-vous que vous pourrez négocier avec American Airlines? Il y a déjà eu de nombreux échecs.
M. Milton: Je ne sais pas. Je dois espérer que nous avons la capacité d'obtenir un résultat qui intéressera American Airlines en ce qui a trait à leur relation continue avec Canadien, si Canadien appartient à Air Canada. Je l'espère bien, mais je ne le sais pas.
Le sénateur Finestone: Vous avez parlé de l'importance de prendre une décision quant à la façon de traiter le personnel. Vous avez dit que vous compreniez très bien, et je le crois, la place et le rôle des employés dans le succès de la société, que ce soit Canadien ou Air Canada. Vous aimeriez également discuter avec vos employés.
M. Hargrove était ici. Il est une des personnes importantes avec qui vous devrez dialoguer, n'est-ce pas?
M. Milton: Absolument.
Le sénateur Finestone: Croyez-vous être en mesure de le faire?
M. Milton: M. Hargrove est un homme à part parmi les dirigeants syndicaux avec qui je traite. Le dialogue nous pose un certain problème parce que, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, ce que nous avions accepté de faire dans la plus grande confidentialité, notre discussion a fait la manchette au bout de quelques heures. J'ai du mal à fonctionner de cette façon.
J'ai d'excellents rapports avec nos employés faisant partie des TCA. Je suis convaincu que nous pourrons aller de l'avant grâce à une excellente relation avec les employés des TCA des deux transporteurs, avec Buzz Hargrove et tous les dirigeants syndicaux concernés.
Le sénateur Finestone: Eh bien, monsieur Milton, vous devez reconnaître le fait qu'ils font partie du plus grand syndicat dans 14 secteurs de l'économie avec lesquels vous traitez. Vous devez trouver une façon de dialoguer.
M. Milton: Je suis d'accord. Toutefois, j'écoute mes employés, et nos employés n'étaient vraiment pas satisfaits de M. Hargrove la semaine dernière.
Le sénateur Finestone: Les employés de Canadien n'étaient vraiment pas satisfaits de M. Hargrove il y a quelques mois. Je ne crois pas que ce soit là la question.
M. Milton: Ce qui m'importe pour l'instant, c'est les employés d'Air Canada. S'il faut protéger les employés de Canadien, je ferai tout en mon pouvoir pour les protéger. Toutefois, à l'heure actuelle, les employés d'Air Canada sont inquiets, et je m'efforce de protéger les employés d'Air Canada.
Le sénateur Finestone: C'est ce que vous devriez faire, et le problème pendra de l'ampleur si vous faites l'acquisition de Canadien.
M. Milton: Je suis d'accord.
Le sénateur Finestone: Toutefois, hier, M. Hargrove et M. Fane ont indiqué qu'ils avaient discuté, avec plus de 100 dirigeants d'Air Canada et plus de 70 dirigeants de Canadien, de la question d'une société composée de deux unités fonctionnelles et qu'ils ont obtenu leur approbation.
Est-ce que vous prévoyez une société composée de deux unités fonctionnelles? Est-ce que vous prévoyez une société avec deux listes d'ancienneté distinctes?
M. Milton: La question de la liste d'ancienneté est évolutive et exige des discussions avec les employés. Au départ, j'envisage deux unités fonctionnelles, ce qui est conforme à la position des TCA, comme l'a indiqué leur annonce. Je crois que c'est un bon début.
Le sénateur Finestone: En écoutant M. Hargrove et d'autres personnes, j'ai remarqué un point commun. D'abord, l'industrie a commis des excès dans certains secteurs, est surprogrammée dans d'autres, est sous-utilisée dans d'autres, dispose de trop d'équipement à certains endroits et en manque à d'autres. Essentiellement, il s'agit d'un problème de redistribution.
Ensuite, comme tous les employés sont compétents et capables, on se doit d'aborder la question de l'équité salariale. La Cour fédérale a donné une opinion significative sur le sujet. Croyez-vous que l'équité salariale s'applique à vos employés? Vous aurez deux ou trois paliers de travailleurs au sein de l'industrie; ceux qui travaillent pour l'initiative d'Hamilton à bas prix, ceux qui travaillent pour vos compagnies aériennes régionales; et ceux qui travaillent pour vos deux principales compagnies aériennes internationales. Toutefois, vous aurez une responsabilité générale. Verserez-vous un salaire égal pour un travail de valeur égale?
M. Milton: Il y a actuellement des contrats chez Canadien et Air Canada prévoyant des salaires identiques. Je suis certain que ce sera le résultat.
Dans le cas des transporteurs régionaux ou à bas prix, il y a plusieurs façons de rémunérer. Comme je l'ai mentionné précédemment, le partage des profits est une possibilité. Il existe de nombreuses façons plus actuelles de rémunérer les gens, souvent de façon supérieure. Ces questions devraient faire l'objet de discussions entre les employés et les syndicats afin que l'on puisse créer des régimes de rémunération et des horaires de travail avantageux pour les employés.
Le sénateur Finestone: Y aura-t-il place à l'épanouissement et au perfectionnement du personnel?
M. Milton: Absolument.
La présidente: Merci, messieurs Milton, Port et Dee. Notre prochain témoin est M. Kinnear, de Canada 3000.
Bienvenue, monsieur Kinnear. Vous pouvez commencer.
M. Angus J. Kinnear, président, Canada 3000: Je suis heureux de pouvoir passer du temps avec le comité pour expliquer la position de Canada 3000 sur l'industrie de l'aviation canadienne.
J'aimerais d'abord prendre quelques minutes pour vous présenter Canada 3000. J'ai distribué une carte des routes qui montre les destinations desservies par Canada 3000. Canada 3000 existe depuis 11 ans. Nous avons un chiffre d'affaires de 740 millions de dollars canadiens. Nous sommes le troisième transporteur aérien de passagers en importance au Canada. Nous transportons un peu moins de 3 millions de passagers chaque année. On nous considère souvent comme un transporteur «nolisé», mais 50 p. 100 de nos passagers prennent des vols réguliers. Nous offrons des vols nolisés à l'extérieur de l'Amérique du Nord et des vols réguliers en Amérique du Nord. Nous offrons des liaisons nationales et internationales et nous desservons 94 villes dans le monde. Quelque 80 p. 100 de nos passagers achètent un billet d'avion seulement et les 20 p. 100 restants, un forfait-vacances. Au cours du dernier exercice, nous avons transporté 852 000 passagers à bord de vols réguliers nationaux, ce qui représente une augmentation de 24 p. 100 par rapport aux deux derniers exercices.
Nous utilisons des avions modernes. Nous avons trois types d'avions. Le A330-200 a un rayon d'action mondial. Le Boeing 757 dessert une grande partie de nos marchés, en Amérique du Nord et en Europe. Nos six appareils A320, qu'utilisent également les grands transporteurs, sont parfaits pour les vols nationaux et nord-américains. Notre utilisation annuelle des trois types d'appareils est la plus élevée du monde, ce qui nous permet d'offrir des vols fiables et abordables aux Canadiens.
Au cours des trois ou quatre dernières semaines, nous avons beaucoup discuté de tous les problèmes que les changements dans l'industrie de l'aviation canadienne risquent de causer. J'aimerais proposer au comité quatre solutions à certains problèmes discutés ce matin.
La première solution porte sur les créneaux horaires. Il est capital que le comité comprenne que la concurrence ne sera possible que si les gens ont accès aux principaux aéroports canadiens. À l'heure actuelle, entre 16 h et 20 h, il y a très peu de créneaux disponibles, pour ne pas dire aucun, à l'aéroport Pearson. Air Canada, Canadien et leurs sociétés associées contrôlent 81 p. 100 de ces créneaux, ce qui rend pratiquement impossible la concurrence de tout autre transporteur.
Certains d'entre vous peuvent vous demander: «Pourquoi Hamilton?» La réponse est que vous ne pouvez offrir du service supplémentaire à Pearson pendant les heures de pointe parce qu'il n'y a aucun créneau de disponible. Vous devez aller à Hamilton. Bien entendu, Air Canada a maintenant acheté tous les créneaux à Hamilton, de sorte qu'il devient futile d'essayer de faire concurrence. La société a fermé la porte à la concurrence et, si le gouvernement ne saisit pas l'occasion de contrôler cette situation, nous ferons face à un monopole au Canada.
Nous proposons que les transporteurs, sociétés affiliées, groupes de transporteurs ou alliances aériennes commerciales ne puissent contrôler plus de 65 p. 100 des créneaux disponibles dans tout aéroport au Canada pendant une période de 15 minutes.
Il y a 82 créneaux disponibles à Pearson à chaque heure -- 21 créneaux toutes les 15 minutes. Nous proposons que le transporteur monopoliste et ses sociétés associées puissent utiliser 14 de ces créneaux. Les autres transporteurs qui desservent Pearson, qu'il s'agisse de transporteurs internationaux, de transporteurs américains transfrontaliers ou de transporteurs canadiens qui n'ont pas actuellement accès à ces créneaux se partageraient les sept autres créneaux dans cette période de 15 minutes. Si nous n'arrivons pas à obtenir un certain contrôle des créneaux de nos aéroports, y compris Hamilton, alors il n'y aura aucune concurrence au Canada, et il ne pourra y avoir aucune concurrence au Canada parce qu'il n'y aura aucun accès.
De toute évidence, on se préoccupe grandement de l'accès aux petites collectivités. Je vous mentirais si je vous disais que Canada 3000 est sur le point d'offrir toute une série de routes vers des petites collectivités. Il ne s'agit pas de notre principale activité. Je suis certain qu'il y aura, toutefois, des transporteurs qui souhaiteront desservir les plus petites collectivités, s'ils ont la capacité d'obtenir des créneaux aux principaux aéroports où les gens des petites collectivités désirent aller. Toutefois, il y a une façon de servir les petites collectivités.
Nous proposons qu'un transporteur qui détient un monopole sur une route intérieure au Canada soit tenu d'offrir des tarifs «de transit» au prorata, à tous les autres transporteurs, comme s'il offrait des tarifs de transit pour une correspondance sur son propre service. Par exemple, si vous habitez à Timmins et que vous désirez aller au Japon, vous prenez un avion de Timmins à Toronto et, de là, une correspondance vers le Japon. À l'heure actuelle, le principal transporteur peut diriger les vols en provenance de Timmins jusqu'au Japon parce qu'il contrôle l'accès au tarif de transit entre Timmins et Toronto. Nous soutenons que, si un transporteur monopoliste assure la liaison entre Timmins et Toronto, il doit offrir aux autres transporteurs les mêmes tarifs de transit qu'il offre. De cette façon, les gens de Timmins ne sont pas obligés de choisir un seul transporteur parce qu'ils ne peuvent pas sortir du système une fois qu'ils l'ont choisi en raison de la valeur des tarifs de transit.
Le sénateur Poulin: Monsieur Kinnear, pouvez-vous nous expliquer ce que vous attendez par tarif de transit?
M. Kinnear: Il s'agit de tarifs partiels applicables aux divers segments d'une série de liaisons qui, mises bout à bout, forment une structure de route complète. Le passager ne se rend pas alors du point A au point B directement, mais il passe plutôt par une plaque tournante.
Le sénateur Poulin: Est-ce que cela a un lien avec le coût?
M. Kinnear: Oui, ce tarif est fortement lié aux coûts. Si vous prenez l'avion uniquement de Timmins à Toronto, vous paierez un tarif plus élevé que si vous vous rendez vers une destination plus éloignée; le tarif serait alors proportionnellement moins élevé pour le segment Timmins-Toronto. Les grands transporteurs ne rendront pas disponibles les tarifs de transit aux autres transporteurs. Donc, on ne peut se permettre de changer de transporteur lorsqu'on arrive à la plaque tournante.
Les règles actuelles sur les vols nolisés au Canada sont lourdes et désuètes. Elles doivent être revues et modernisées de façon à mieux représenter la réalité afin de permettre aux services nolisés internationaux de pouvoir concurrencer sur un pied d'égalité les fournisseurs de vols réguliers. Par exemple, l'été dernier, un de nos A330 assurait une liaison quotidienne chaque jour entre Toronto et Gatwick, à Londres. Air Canada et Canadien desservent Heathrow. La différence entre notre service et le leur se résume aux règles. Nous n'avons pas le droit de vendre d'allers simples. Nos passagers sont supposés passer six nuits à leur destination. On se croirait à l'époque Max Ward, où on devait être membre du club des admirateurs de perruches pour avoir accès à des vols à bas prix. Bon nombre de ces règles stupides n'ont jamais été modifiées.
De même, la politique internationale actuelle concernant les vols réguliers est anticoncurrentielle à l'heure actuelle, car elle a été conçue pour répondre aux besoins particulier d'Air Canada et de Canadien. Dans les circonstances actuelles, on doit procéder à un examen approfondi de la politique canadienne concernant les vols réguliers et adopter une politique sur l'ouverture des espaces aériens pour permettre la concurrence. Par exemple, ce matin, un A330 de Canada 3000 a quitté Sydney, en Australie, pour revenir au Canada. Aucun autre transporteur qui dessert l'Australie ne bat pavillon canadien. Toutefois, nous ne sommes pas reconnus comme un transporteur canadien par le gouvernement canadien. Nous offrons un service de vols nolisés. Le transporteur canadien officiel en Australie est Canadien, mais il ne va pas plus loin qu'Honolulu. Il transfère ses passagers à bord d'un vol de Qantas, son partenaire de partage des codes de vol.
Il faut faire attention. Le partage des codes de vol vise à regrouper tous les transporteurs en deux principales alliances aériennes dans le monde entier. Nous remarquons aujourd'hui que les deux principales alliances aériennes tentent toutes deux de mettre la main sur l'industrie de l'aviation canadienne. Nous sommes témoins, non pas d'une lutte canadienne, mais bien de la concurrence aérienne mondiale.
Le sénateur Finestone: Est-ce que cette question a été abordée? Vous dites que vous êtes le seul transporteur à afficher l'unifolié, ce qui, de toute évidence est un problème pour bien d'autres transporteurs. Est-ce que l'Organisation mondiale du commerce se penche sur cette affaire?
M. Kinnear: Non. C'est une affaire qui relève de la politique du gouvernement canadien selon laquelle seulement deux transporteurs ont eu accès à des routes internationales. De même, la concurrence n'est permise que sur les routes qui comptent plus de 300 000 passagers par année.
Encore une fois, notre propre loi fait obstacle à la façon dont nous pouvons faire concurrence. La loi a été adoptée pour protéger Air Canada et Canadien.
Le sénateur Finestone: Êtes-vous en train de dire que la loi est anticoncurrentielle?
M. Kinnear: C'est exact.
L'association des transporteurs européens propose, en Europe, une révision complète de la législation concernant les transporteurs en Europe et aux États-Unis. Le but ultime est d'établir une zone de marché libre où il n'y a aucune restriction de cabotage ou de propriété des transporteurs. Le gouvernement canadien devrait profiter de l'occasion pour créer une ouverture complète des espaces aériens dans le cadre de l'ALENA, en Amérique du Nord, qui pourrait ensuite englober les pays membres de l'Union européenne et de l'ALENA, ce qui entraînerait la déréglementation des voyages aériens en Europe et en Amérique du Nord et permettrait la libre concurrence entre tous les transporteurs dans ce marché élargi.
À l'heure actuelle, le gouvernement américain a conclu 36 accords Ciels ouverts avec d'autres pays. Le Canada en a signé un avec les États-Unis. En Europe, tous les transporteurs peuvent maintenant assurer des liaisons entre chacun des pays et dans le pays de chacun d'entre eux. On prévoit que les Américains et les Européens parviendront à une entente au cours des deux à trois prochaines années en vertu de laquelle les transporteurs américains pourront assurer des liaisons partout en Europe, et les transporteurs européens pourront faire de même en Amérique. Le Canada sera très certainement laissé pour compte.
Si nous sommes préoccupés par la concurrence et que nous voulons avoir de la concurrence et que nous croyons que nos transporteurs aériens peuvent faire concurrence à l'échelle internationale, alors nous ne devrions pas avoir peur de l'ouverture des espaces aériens. Nous devrions pouvoir desservir les marchés au Canada et ailleurs. Cela ne signifie pas que nous devrions permettre à d'autres transporteurs d'assurer des liaisons au Canada sans que nous jouissions d'un droit réciproque dans leur pays.
Le sénateur Forrestall: Monsieur Kinnear, vos idées sont très rafraîchissantes. Vos propositions m'ont ramené quelques années en arrière.
J'aimerais aborder directement ce qui s'est passé et vous demander quelle en sera l'incidence sur votre entreprise. Vos suggestions concernant les créneaux frappent en plein dans le mille. Comment serez-vous touché si Air Canada parvient à ses fins? Comment serez-vous touché si Air Canada n'a pas de concurrent important solide sur le marché? Comment le Canada sera-t-il touché?
M. Kinnear: Nous faisons concurrence à Air Canada et à Canadien depuis onze ans, et nous faisons concurrence à leurs partenaires également. Le marché évolue, et nous devrons apprendre à nous adapter, comme tout le monde.
Comme il a été mentionné dans d'autres témoignages, le problème pour l'instant est que nous ne sommes pas sûrs des règles. La grande question est de savoir quelles sont les règles du jeu. Devons-nous amener de l'équipement de hockey ou des bâtons de base-ball? Semaine après semaine dans les journaux, on propose une nouvelle série de règles.
Nous pouvons tous faire concurrence, nous pouvons tous assurer des services aériens aux Canadiens et nous pouvons tous prendre des décisions commerciales si nous exerçons nos activités en vertu de règles claires. De toute évidence, je soutiens en partie que ces règles sont dépassées, inapplicables ou ne s'appliquent pas à ce qui se produit actuellement sur le marché.
Nous devons d'abord établir une série de règles que nous devons tous respecter, et ensuite, nous pourrons offrir les services qui respectent les règles et offrir un service sur le marché.
Le sénateur Forrestall: Vous semez quelque peu la confusion dans mon esprit. Vous parliez des avantages pour Canada 3000 d'une politique Ciels ouverts. Maintenant, vous parlez d'une réglementation sélective. Vous utilisez les termes «règles» et «réglementation» comme s'ils étaient interchangeables. Que voulez-vous? Est-ce que vous voulez une protection dans une industrie déréglementée ou avez-vous besoin d'une certaine réglementation sélective?
À l'égard de la disponibilité des créneaux, j'aimerais souligner que nous ne pouvons continuer à agrandir l'aéroport Pearson. Les avions seront de plus en plus gros, et de plus en plus de gens prendront l'avion. Il est presque impossible de s'imaginer quelle sera l'industrie aérienne au Canada dans 50 ans...
M. Kinnear: Au fil des ans, le nombre de créneaux à Pearson a permis de servir un certain nombre de passagers. Toutefois, au cours des cinq dernières années, le nombre de passagers arrivant à Pearson a diminué avec l'arrivée sur le marché des petits jets régionaux.
Vous avez entendu M. Milton dire qu'il prévoit une réduction du nombre de vols en partance de plus petites collectivités, probablement avec des avions plus gros, ce qui aidera la situation de Pearson.
Si vous voulez de la concurrence, vous devez restreindre l'utilisation du transporteur monopoliste à environ deux tiers des créneaux disponibles; autrement, il n'y a aucune concurrence, ce qui n'empêchera pas M. Milton d'accroître les activités d'Air Canada. Comme il l'a dit lui-même, il peut utiliser de plus gros avions. Vous devez d'abord créer cette possibilité. Je ne demande pas de réglementation ni de protection. Tout ce que je demande c'est une déréglementation et les mêmes règles pour tous.
Le sénateur Poulin: Merci de comparaître devant nous aujourd'hui.
Ma question porte sur votre perception de la situation actuelle. En qualité de transporteur, vous avez accès à une information complète, et je suis certaine, avec l'expérience que vous possédez dans la gestion d'une société aérienne, que vous avez des opinions précises. Comment voyez-vous la restructuration de l'industrie aérienne dans ce pays?
M. Kinnear: Très franchement, dans le cours normal des événements, on devrait laisser Canadien faire faillite. La terre n'arrêtera pas de tourner, et l'industrie aérienne se restructurera automatiquement. Toutefois, le gouvernement a décidé que, politiquement, ce n'est pas une option. Nous essayons tous de trouver ce que j'appellerais une «douillette» solution canadienne au problème.
La grande question est de savoir pourquoi les 16 000 employés qui travaillent pour Canadien sont beaucoup plus importants que les 16 000 employés qui travaillaient pour Eaton. Personne ne peut me donner d'explications, mais c'est un fait.
Je n'ai rien contre les employés très compétents et loyaux qui travaillent pour Canadien, mais dans toute autre industrie, l'entreprise ferait faillite, et la concurrence -- dans ce cas-ci Air Canada -- augmenterait ses services. N'importe quelle industrie ferait ce qu'il faut pour répondre à la demande. Elle le ferait à un coût économique et poursuivrait ses activités.
À l'heure actuelle, nous nous interrogeons sur qui paiera le milliard de dollars de dettes. Est-ce que ce sera American Airlines? Les actionnaires d'Air Canada? Le gouvernement du Canada, c'est-à-dire, vous et moi, les contribuables? Qui paiera la note? La conclusion à laquelle nous sommes parvenus vendredi est que ce ne sera pas M. Schwartz et Onex. On se demande qui paiera les pertes de 1,1 milliard de dollars.
Le sénateur Poulin: Monsieur Kinnear, avec tout le respect que je vous dois, j'ai été très attristée lorsque Eaton a dû fermer ses portes et que de nombreux Canadiens ont perdu leur emploi. Toutefois, l'industrie du transport aérien -- je viens de Sudbury dans le nord de l'Ontario -- est extrêmement important pour l'évolution du pays et pour notre survie économique. Les gens d'affaires, les fonctionnaires, les professionnels, les mineurs, en fait, jusqu'à un certain point, tout le monde, ont besoin de voyager du point A au point B pour survivre, pour des raisons personnelles ou professionnelles.
Le gouvernement a reconnu sa responsabilité de faciliter la restructuration de l'industrie afin que notre pays puisse continuer à progresser. Par le passé, comme nation, nous avons essayé d'établir un équilibre entre les intérêts publics et privés, et les décisions ont été prises pour avantager les Canadiens dans leur ensemble et non une région par rapport à une autre. Venant du nord de l'Ontario, je n'ai aucun problème à vous poser la question suivante: si vous étiez ministre des Transports, ne seriez-vous pas préoccupé par la perte de 16 000 emplois dans l'Ouest canadien?
M. Kinnear: Ces employés ne viennent pas tous de l'Ouest canadien. Ils viennent de partout au pays. Ce n'est certainement pas un problème des Canadiens de l'Ouest.
Je ne peux pas dire aujourd'hui qu'il y aura une interruption du service à quelque ville ou endroit du Canada que l'on dessert actuellement. La seule différence est que nous aurons deux transporteurs appartenant à une société mère offrant des services au lieu de deux transporteurs appartenant à des sociétés différentes offrant le même service. J'ai du mal à voir la différence.
Toutefois, je ne vois pas comment on peut préserver les 16 000 emplois. Je crois qu'en plus de la règle de 10 p. 100, Onex a laissé tombé vendredi en raison du nombre d'engagements que la société a dû faire à bon nombre de personnes. Je ne vois pas comment on pourrait trouver une façon de transformer Canadien afin d'en faire une entreprise viable sur le plan économique. Si les coûts, le personnel, les avions et les routes devaient rester les mêmes, qu'est-ce qui serait alors différent? Qu'est-ce qui serait différent de cette même situation à laquelle nous avons fait face en 1992?
Il faut faire des choix, mais la situation ne peut et ne doit pas demeurer inchangée. Nous ne pouvons perdre cette occasion de résoudre les difficultés actuelles. Il est temps que nous faisions face à ces difficultés et que nous réglions les problèmes. À l'heure actuelle, personne ne peut dire comment nous pouvons aller de l'avant et quelles seront les règles que nous devrons suivre. Donc, nous ne pouvons vous donner une réponse définitive pour l'instant.
Le sénateur Poulin: Le ministre a comparu devant nous en qualité de témoin et nous a donné une très bonne vision des objectifs de la restructuration. Il a décrit les cinq principes que vous connaissez bien. Je suppose que, au cours des prochaines semaines, pendant que les divers transporteurs et leurs actionnaires travaillent ensemble et prennent leurs décisions, nous, comme nation, pouvons respecter ces principes et continuer d'avoir un bon service sécuritaire continu partout dans notre pays. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Kinnear: Absolument. Le système s'en portera mieux qu'avant.
Le sénateur Poulin: Ne trouvez-vous pas que la collaboration entre le secteur privé et le secteur public est importante pour trouver les meilleures solutions?
M. Kinnear: Je suis parfaitement d'accord; autrement, je ne serais pas ici aujourd'hui.
Le sénateur Roberge: M. Milton a indiqué plus tôt qu'il n'y a pas de transporteur régulier à bas prix dans l'est du pays.
M. Kinnear: Je crois en fait que ce qu'il a dit c'est qu'il n'y a pas de transporteur à bas prix exerçant ses activités à partir de Hamilton. Je serais d'accord avec lui. Il est toutefois faux de dire qu'il n'y a pas de transporteur à bas prix dans l'est du pays parce que Canada 3000 en est un exemple.
Le sénateur Roberge: J'avais cru comprendre le contraire. Je sais que votre entreprise est un transporteur régulier international à bas prix. Quels vols réguliers offrez-vous au Canada?
M. Kinnear: Au Canada, nous desservons St-. John's, Halifax, Moncton, les deux aéroports de Montréal, Ottawa, Toronto, Winnipeg, Calgary, Edmonton, Vancouver, Victoria et Whitehorse pendant l'été.
Le sénateur Poulin: Est-ce que vous vous rendez à Anchorage?
M. Kinnear: Oui, c'est aux États-Unis.
Le sénateur Roberge: Est-ce que vous assurez ces liaisons à titre de transporteur régulier?
M. Kinnear: Nous assurons des liaisons à titre de transporteur régulier avec les mêmes droits et aptitudes qu'Air Canada et Canadien.
Le sénateur Roberge: Est-ce que le nouveau transporteur qu'Air Canada propose, ce tiers transporteur, vous ferait directement concurrence?
M. Kinnear: Oui.
Le sénateur Roberge: Si les conditions étaient appropriées, seriez-vous intéressé à augmenter vos vols réguliers dans l'est du pays?
M. Kinnear: Au cours des deux dernières années, nous avons augmenté les services dans cette région de 24 p. 100. Pendant cette période, le nombre de passagers utilisant notre service national de vols réguliers est passé de 685 000 à 852 000, malgré la concurrence des deux principaux transporteurs, de WestJet et de tous les autres. La réponse est oui; nous continuerons d'accroître nos activités au Canada et de fournir aux Canadiens un service aérien fiable et abordable.
Le sénateur Roberge: Y a-t-il d'autres transporteurs comme vous au Canada?
M. Kinnear: Oui. Royal Airlines et Air Transat exercent les mêmes activités que nous. Le transporteur Services aériens n'offre pas de vols réguliers nationaux.
Le sénateur Atkins: On devrait vous féliciter pour l'importante croissance de votre entreprise. À quoi attribuez-vous cette croissance? Est-ce qu'elle est principalement attribuable aux tarifs?
M. Kinnear: Très certainement. Comme je l'ai expliqué plus tôt, le Canada a été construit le long d'une voie ferrée d'un océan à l'autre. La plupart des principaux centres du Canada se trouvent le long de ces deux voies ferrées. La seule façon pratique de se rendre d'un des principaux centres du Canada à un autre est par avion en raison de la distance et du temps qu'il faut pour s'y rendre. Il y a un énorme marché potentiel. Les Canadiens utiliseront l'avion plus souvent si le prix est bon. Notre entreprise mise en partie sur ce principe.
Le sénateur Atkins: Est-ce que vous organisez vos horaires en fonction de la charge utile pratiquement chaque fois que vous décollez?
M. Kinnear: Oui.
Le sénateur Roberge: Que pensez-vous de la création possible d'un troisième transporteur sous l'égide d'Air Canada, le principal transporteur? Êtes-vous pour ou contre?
M. Kinnear: Étant un tenant de l'économie libérale, je ne peux pas me présenter ici et vanter les mérites des marchés libres et de la concurrence publique et ensuite dire que je n'aime pas la concurrence exercée par mon principal concurrent. Je trouve ça un peu bizarre, toutefois, que nous nous retrouvions avec un transporteur aérien qui possédera trois transporteurs assurant des liaisons à l'échelle nationale et internationale. Je me demande s'il prendra le contrôle des banques le mois prochain.
Le sénateur Fairbairn: Monsieur Kinnear, plus tôt aujourd'hui, vous avez parlé d'une situation qui selon moi n'est pas bien connue au pays, c'est-à-dire à quel point les transporteurs européens peuvent assurer des liaisons entre divers pays et au sein des pays de chacun d'entre eux. Vous avez dit que les États-Unis signeraient bientôt un accord de cette nature en Europe. Pouvez-vous nous en parler davantage?
La semaine dernière, M. von Finckenstein, chef du Bureau de la concurrence, a comparu devant nous. Il a recommandé au gouvernement que le Canada ait des activités transfrontalières. Il a laissé entendre qu'il pourrait y avoir un transporteur étranger exerçant ses activités uniquement au Canada.
M. Kinnear: Voilà de toute évidence la véritable question. D'abord, il y a une loi qui empêche la propriété étrangère de plus de 25 p. 100 d'un transporteur canadien. Pourtant, nous avons appris qu'American Airlines peut s'opposer à toute décision de Canadien. Nous avons également appris que Lufthansa et United Airlines, le plus grand transporteur au monde, offrent actuellement des prêts à rabais à M. Milton afin que personne d'autre ne fasse l'acquisition d'Air Canada.
Personne ne croit plus aux restrictions relatives à la propriété étrangère. Ce sont des choses du passé. Nous sommes maintenant témoins d'alliances qui permettent à tous les grands transporteurs de contourner les règles relatives à la propriété étrangère. Ils forment des alliances, de sorte qu'ils n'ont plus besoin de s'occuper des règles relatives à la propriété étrangère en Europe ou ailleurs dans le monde. L'idée qu'un transporteur appartient à une nation et un autre transporteur, à une autre nation n'est pas vraiment valable. Les transporteurs appartiennent à un regroupement d'alliances internationales.
L'Union européenne a permis l'ouverture des espaces aériens; par exemple, British Airways peut maintenant assurer des liaisons partout entre deux villes d'Europe. Auparavant, British Airways pouvait uniquement assurer la liaison entre une ville britannique et une autre ville européenne, disons, de Londres à Francfort. British Airways ne pouvait, par exemple, assurer la liaison entre Francfort et Munich. De même, Lufthansa pouvait offrir un vol de Francfort à Londres, mais ne pouvait assurer la liaison entre Londres et Glasgow. Maintenant, Lufthansa peut assurer la liaison entre deux villes de l'Union européenne, tout comme British Airways. Donc, il s'agit d'une ouverture complète des espaces aériens. N'importe quel transporteur qui fait partie de l'Union européenne peut assurer n'importe quelle liaison à l'intérieur de l'Union européenne.
Nous devrions créer le même type de situation avec l'ALENA. Toutefois, le transport aérien est exclu de l'ALENA. Nous avons conclu un accord de libre-échange avec les Américains sur pratiquement tout sauf le transport aérien. En qualité de transporteur canadien, nous pouvons uniquement assurer la liaison entre une ville canadienne et une ville américaine, et un transporteur américain peut assurer la liaison uniquement entre une ville américaine, et une ville canadienne. Nous ne pouvons assurer la liaison entre New York et Chicago, et un transporteur américain ne peut assurer la liaison entre Winnipeg et Toronto. Bien entendu, la société American Airlines, par l'entremise de Canadien, qu'elle possède et contrôle, a déjà 50 p. 100 du marché canadien intérieur. Pourquoi voudrait-elle changer les ententes actuelles? American Airlines a réussi à s'infiltrer et à passer sous les barbelés et n'a pas besoin de s'inquiéter des modifications apportées aux règles parce qu'il est déjà là.
Le sénateur Fairbairn: Avez-vous mentionné quand les États-Unis concluront cet accord en Europe?
M. Kinnear: Il s'agit d'une proposition des transporteurs européens. L'Association des compagnies européennes de navigation aérienne a hâte de ne plus être tenue de passer par une plaque tournante, comme Heathrow et Francfort. Donc, elle laisse entendre que, si tous les transporteurs pourraient se rendre à toute destination aux États-Unis ou en y faisant escale, ils pourraient rompre les liens que les deux grandes alliances imposent à l'ensemble de l'industrie aérienne.
Le sénateur Spivak: Monsieur Kinnear, certains des points que vous avez mentionnés concernant la concurrence intérieure ont été abordés par le commissaire de la concurrence. Il nous a dit que, si Canadien fait faillite, ces recommandations devraient être mises en place sinon aucun transporteur ne ferait concurrence au principal transporteur. La concurrence posera problème.
Ma question porte sur le caractère anticoncurrentiel de la politique des vols réguliers internationaux. Vous avez parlé de la politique d'ouverture des espaces aériens, mais en même temps, il y a un partage des codes de vol et deux principales alliances, qui -- cela me frappe -- sont intéressées à restreindre la concurrence entre deux grands groupes. Nous nous dirigeons non pas vers une plus grande concurrence, mais plutôt vers d'énormes monopoles qui ne laisseront pas de place aux transporteurs indépendants.
Le commissaire de la concurrence nous a dit que, si un important transporteur est créé, il offrirait la plupart des services internationaux à l'extérieur du Canada, et la concurrence peut poser des problèmes dans certains marchés internationaux et transfrontaliers, et ces problèmes prendront de l'ampleur si l'important transporteur se joint à une alliance dont les partenaires assurent les mêmes liaisons internationales. Bien entendu, nous sommes supposés fournir des conseils au gouvernement. Nous le faisons en fonction de nos perceptions. Nous espérons que le gouvernement en tiendra compte.
Quelles sont vos propres recommandations? Vous avez décrit la situation en Nouvelle-Zélande et en Australie. Que faudrait-il pour faire concurrence à ces énormes alliances et rendre des liaisons transfrontalières et internationales compétitives?
M. Kinnear: Commençons par la proposition d'Onex de la semaine dernière. Si la proposition d'Onex avait été acceptée, tout le monde ferait partie de oneworld, vous ne pourriez partir d'ici pour vous rendre en Grande-Bretagne à bord d'un transporteur régulier à moins de prendre un vol offert par oneworld parce que British Airways ferait partie de oneworld, Canadien ferait partie de oneworld et Air Canada ferait partie de oneworld. Vous ne pourriez vous rendre à Hong Kong sans prendre un vol de oneworld, c'est-à-dire par l'entremise de Cathay Pacific. Vous ne pourriez vous rendre en Australie sans prendre un vol de oneworld, c'est-à-dire par l'entremise de Qantas.
Nous disons que nous pouvons leur faire concurrence. Cela ne nous dérange pas. Toutefois, nous devrions sûrement être en mesure d'offrir un vol pour Londres et de vendre à un passager un aller simple et de nous opposer à ce dinosaure. Pourquoi devons-nous protéger le dinosaure de la concurrence que nous pouvons lui faire et du meilleur service que nous pouvons fournir au public canadien? Pourquoi devons-nous encore suivre des règles qui ont été conçues pour protéger Air Canada en tant que société d'État et Canadien comme transporteur qui a été manipulé pour tenter de garantir une certaine concurrence sur certaines liaisons désignées? Cette époque est révolue.
Vous avez parfaitement raison. Toute cette affaire est fondée sur le fait qu'il s'agit d'une lutte entre deux grandes alliances. Cela n'a rien à voir avec la propriété étrangère et cela n'a rien à voir avec quoi que ce soit d'autre que le fait d'essayer de dominer certains segments de l'industrie aérienne.
Nous disons que nous pouvons offrir une concurrence additionnelle, pourvu que nous ayons accès à certains créneaux horaires afin que nous puissions faire atterrir nos avions au moment où les gens en ont besoin. De plus, vous devez déréglementer et nous libérer des chaînes qui nous lient depuis les onze dernières années. La réglementation ne nous permet pas de concurrencer sur un pied d'égalité. Ce sont des règles et règlements qui sont dépassés, mais que nous n'avons pas encore éliminés des textes législatifs.
Le sénateur Spivak: Quelle est la disposition concernant les 300 000 passagers?
M. Kinnear: Afin que deux transporteurs réguliers puissent assurer une même liaison, il doit y avoir plus de 300 000 personnes à desservir. Toutefois, c'est fou, parce qu'on établit une route, on met des années à bâtir une clientèle, et le jour où on franchit la barre des 300 000 passagers on permet à notre concurrent de tirer profit de tout le travail acharné qu'on y a consacré. Lorsqu'on franchit la barre de 295 000 passagers, il est préférable, pour restreindre la concurrence, de ne pas accepter d'autres passagers afin qu'aucun autre concurrent ait accès à cette route.
Le sénateur Spivak: Est-ce que vous croyez que ces mesures vous permettront de faire concurrence à ces énormes monopoles sur le marché international?
Mon autre question concerne le prix. Canadien et Air Canada détiennent 80 p. 100 du nombre de voyageurs à l'intérieur du pays et vous en détenez, je crois, 5 p. 100. Ce n'est pas de la concurrence parce que, pour autant que je sache, les prix n'ont pas diminué. En fait, les prix ont augmenté. On nous a dit que la déréglementation nous permettrait de faire chuter les prix. Toutefois, les prix ont énormément augmenté. Même si vous êtes un transporteur à bas prix, vous n'avez pas suffisamment de poids pour faire baisser les prix.
M. Kinnear: Je ne suis pas d'accord. J'offre des vols pour la Floride actuellement moins chers que ceux que Wardair offrait pour la Floride en 1970. Vous pouvez prendre un de nos avions à destination du Royaume-Uni ou de l'Europe à un tarif plus bas que celui de Wardair en 1970. Donc, il est inexact de dire que les tarifs au Canada ont augmenté de façon marquée. Au contraire. Ils sont probablement moins élevés que partout ailleurs dans le monde. Nous oublions parfois que, lorsque nous achetons quelque chose avec un dollar canadien, il vaut environ 67 cents, et nous voyons les tarifs aux États-Unis et pensons que 99 $US équivaut à 99 $CAN et non à 150 $CAN. Il faut faire bien attention aux comparaisons parce que le transport aérien fourni par les transporteurs canadiens est, en fait, l'un des moins onéreux qui soit.
Une autre question est très importante. Air Canada et Canadien ont établi une structure de route répondant aux besoins des voyages d'affaires qui sont en demande. Si vous finissez votre réunion à Vancouver à 16 h et que vous souhaitez prendre le vol de 17 h, il y en a un de disponible. C'est une façon très coûteuse d'offrir le transport aérien. Ceux qui l'utilisent doivent payer pour le privilège. C'est très simple.
Il y a d'autres façons d'offrir du transport. Je fais souvent l'analogie suivante dans notre industrie: Air Canada offre le service de limousine, et Canada 3000, le service d'autobus. Les passagers voyagent avec nous à un faible tarif, mais ils doivent partir lorsque nous sommes prêts à partir et non lorsqu'ils le désirent. C'est comme ça que nous créons nos facteurs de charge plus élevé.
Il y a deux marchés et deux types de demande. N'oubliez pas, toutefois, que, jusqu'à présent, il y a encore deux transporteurs qui assurent la liaison sur toutes ces routes et qu'il y a encore deux transporteurs qui offrent une très grande capacité, en fait, une trop grande capacité. De ce point de vue, Gerald Schwartz avait raison. En réduisant cette capacité, on pourrait sans doute en fait réduire les tarifs parce que le facteur de charge serait plus élevé sur les vols restants.
Nous faisons face à cette dichotomie. Nous devons parvenir à atteindre un équilibre entre la capacité et les tarifs. Jusqu'à quel point désirons-nous l'intégrité des horaires? Combien de fois par jour voulez-vous desservir une petite collectivité? Une fois par jour avec un gros avion ou six fois par jour avec un petit avion? Voilà les décisions que nous devons prendre sur le marché, et chacune a une incidence sur les coûts.
Je peux vous offrir des vols à bas prix dans toutes les petites villes du Canada en utilisant un A320 une fois par jour et en faisant monter tout le monde à bord de cet avion. Toutefois, si vous voulez un vol le matin et un vol de retour le soir et un autre à l'heure du lunch au cas où vous passeriez tout droit, alors vous devez payer pour obtenir ce service.
Le niveau de service aérien dépend du type de service que désirent les passagers. Chaque collectivité doit décider du niveau qu'elle veut. Nous desservons le Yukon en été parce que c'est à ce moment-là que la demande est forte à cet endroit. C'est à ce moment-là que les touristes allemands veulent aller au Yukon. Il serait inutile d'offrir le même service en hiver parce qu'il serait impossible de l'assumer. Il y a beaucoup moins de gens qui se rendent à Whitehorse en décembre, en janvier et en février que pendant l'été. Pourquoi offrir quatre ou cinq vols de plus par semaine lorsqu'il n'y a pas suffisamment de passagers?
Le sénateur Atkins: Est-ce que vous vendez vos sièges en bloc aux courtiers?
M. Kinnear: Nous le faisons si nous offrons certains services nolisés; toutefois, nous ne le faisons pas pour les vols réguliers. En ce qui a trait aux vols réguliers en Amérique du Nord, nous faisons affaire avec quatre voyagistes, le SRI et des réseaux normaux d'agences de voyages. Canada 3000 assume la responsabilité des risques que supposent ces programmes.
Le sénateur Atkins: Toutefois, vous dépendez énormément de l'agent de voyage.
M. Kinnear: Oui, tous nos produits sont distribués par l'entremise des agents de voyage.
Le sénateur Atkins: Offrez-vous les mêmes commissions que les deux grands transporteurs?
M. Kinnear: Nous offrons une commission plus élevée. À l'heure actuelle, les deux grands transporteurs offrent 5 p. 100. Nous offrons 12 p. 100.
Le sénateur Atkins: C'est intéressant.
La présidente: S'il n'y pas d'autres questions, je vous remercie beaucoup, monsieur Kinnear, de votre témoignage.
Le comité suspend ses travaux.