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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 5 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, à qui a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 18 h 30 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Le témoin suivant est M. Stephen Smith, président de WestJet.

Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue à notre comité, monsieur Smith. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Vous avez la parole.

M. Stephen C. Smith, président, WestJet: C'est bien d'être de nouveau de retour devant vous, madame la présidente, surtout que je faisais une laryngite la dernière fois que j'ai témoigné devant vous. C'est formidable de voir que le projet de loi C-26 fait son chemin au Sénat. Je suis heureux de participer aux travaux de votre comité.

Je voudrais tout d'abord vous parler de WestJet, car il est important de comprendre ce que fait WestJet. Il est important aussi de comprendre les répercussions du projet de loi C-26 pour une compagnie comme WestJet. Je vous décrirai ensuite la situation actuelle, après quoi je vous parlerai plus précisément du projet de loi C-26.

Au moment de la création de WestJet, nous avions décidé de nous concentrer sur un certain nombre d'éléments. Premièrement, nous étions d'avis que le fait d'offrir des tarifs aériens réduits stimule l'activité sur le marché. WestJet ne tente pas d'arracher des passagers à Air Canada, à Canadien, à Canada 3000 ou aux Lignes aériennes Royal. Nous stimulons l'activité sur le marché, grâce à nos tarifs réduits.

Deuxièmement, nous avions décidé de nous concentrer sur les courtes distances, plutôt que sur les longs parcours. Nous croyons -- nous savons -- que nous stimulons ainsi l'activité sur le marché. Nous attirons des gens qui auraient voyagé en voiture, en autocar ou en train et nous attirons aussi ceux qui auraient peut-être passé la fin de semaine assis devant leur télé. Nous créons un nouveau marché. Nous n'essayons pas de prendre des clients à quelqu'un d'autre.

Le prix moyen de nos allers simples en 1999 était de 83 $. Il s'agit bien entendu d'un tarif économique par rapport à ceux que pratiquent la plupart des lignes aériennes du monde. Pour cette raison, nous allons accueillir cette année, d'après nos analystes -- et il s'agit là d'une information publique, puisque notre entreprise est cotée en bourse -- plus de trois millions de voyageurs. Il s'agit d'un assez grand nombre de personnes qui, selon nous, n'auraient pas normalement pris l'avion. Nous sommes donc en train de créer un nouveau marché.

Nous ne croyons pas être un concurrent d'Air Canada. Certains ont essayé de nous présenter comme tel. Or, Air Canada a 45 fois notre taille. Nous sommes une solution de rechange. Nous sommes une solution de rechange à la voiture particulière, au train, à l'autocar, au divan, au repas au restaurant, à un bon film et, peut-être aussi dans certains cas, à Air Canada. Nous ne prétendons toutefois pas être des concurrents ni d'Air Canada ni de Canadien.

Nous avons commencé le 29 février 1996 avec trois aéronefs. Nous en exploitons maintenant 17, et nous avons placé la plus grosse commande d'aéronefs neufs de l'histoire de l'aviation canadienne, en commandant 70 nouveaux Boeing 737-700.

Le sénateur Spivak: Combien?

M. Smith: Soixante-dix. Nous desservons 14 villes canadiennes à l'heure actuelle. Jeudi, cette semaine, nous ajouterons une 15e ville canadienne, soit Ottawa. Nous serons reliés au réseau WestJet à partir de Hamilton.

Nous créons de l'emploi. À nos débuts, nous avions un effectif de 220; nous comptons maintenant bien au-delà de 1 200 employés. Cette année, nous ajouterons 300 employés à notre effectif. Nous pouvons prévoir ajouter 300 employés chaque année pour l'avenir prévisible. En outre, en incitant les gens à voyager, nous créons manifestement des emplois dans divers secteurs: location de voitures, hôtels et restauration.

Sur le plan financier, WestJet se porte très bien. Notre bénéfice pour 1999 était en hausse de 143 p. 100 par rapport à l'année précédente, atteignant quelque 15,3 millions de dollars. Notre bénéfice pour le premier trimestre de l'an 2000 était en hausse de 96 p. 100 par rapport au premier trimestre de 1999, à 4,2 millions de dollars.

Nous avons émis des actions dans le public pour la première fois en juillet 1999, il y a moins d'un an, à 10 $ l'action. Étant donné que nous avons effectué une dilution de trois pour deux de notre capital, nos actions se vendent maintenant l'équivalent d'environ 36 $. Si on calcule la valeur de l'entreprise en tenant compte de la multiplication de nos actions ainsi que de la valeur et du nombre de nos actions, WestJet vaut maintenant la moitié de ce que vaut Air Canada, même si Air Canada a des revenus qui sont 45 fois supérieurs aux nôtres.

Le sénateur Spivak: Quel est votre coefficient de capitalisation des bénéfices?

M. Smith: Il est d'environ 50 fois à l'heure actuelle.

WestJet est une réussite du point de vue du public. C'est une réussite du point de vue de nos employés. La dernière fois que j'ai témoigné devant votre comité, je vous ai parlé d'un programme d'intéressement. C'est une réussite du point de vue des investisseurs. Cela montre qu'on peut faire de l'argent dans le secteur du transport aérien à condition d'y trouver son créneau et de travailler à l'élargir.

La situation actuelle, en supposant qu'Air Canada et Canadien soient fusionnés, est telle qu'un transporteur contrôle 90 p. 100 des revenus dans le secteur du transport aérien au Canada. Notre pays a besoin de susciter la concurrence. Microsoft contrôle bien moins de 90 p. 100 de son créneau, et il est question de démanteler l'entreprise.

Nous ne disons pas qu'il faut réglementer. Nous ne voulons pas de réglementation, en aucune manière. Nous sommes d'avis que c'est la concurrence qui constitue la meilleure forme de réglementation.

Nous ne croyons pas au cabotage. Nous estimons que le cabotage serait néfaste pour WetJet et pour le secteur canadien de l'aviation. La règle générale est qu'environ 20 p. 100 des routes produisent environ 80 p. 100 des bénéfices. C'est la règle pour la plupart des sociétés. WestJet ne fait pas exception à cette règle.

Si j'étais à la place d'un transporteur américain qui arrivait au Canada, et je dis cela avec tout le respect que je vous dois, je ne ciblerais pas Grande Prairie. Ce ne serait pas ma destination de choix. Je me concentrerais sur certaines des routes qui me permettraient d'assurer ma subsistance, celles qui sont rentables pour WestJet.

J'estime qu'il faut attendre un peu que les choses se remettent en place.

Le secteur a connu un éclatement et une fusion d'une proportion cataclysmique, et il faut donc laisser au monde de l'aviation canadienne le temps de se remettre en place. Depuis, il y a Sky Services qui a annoncé son intention de créer une ligne aérienne pour les voyageurs d'affaires, il y a Canada 3000 qui a annoncé qu'elle allait ajouter quatre aéronefs à sa flotte et émettre des actions dans le public, et il y a aussi CanJet qui a annoncé son intention d'introduire un service à Halifax. En outre, les Lignes aériennes Royal et Air Transat ont augmenté la fréquence de leurs vols dans le triangle doré -- Toronto-Ottawa-Montréal -- et WestJet a fait des changements ici et là.

Nous venons de subir une fusion énorme. Nous aurions tort de chercher à réglementer le marché de façon artificielle. J'estime qu'il faut attendre un peu que les choses se remettent en place, et nous avons confiance en l'esprit d'entreprise des Canadiens.

Cela dit, je veux vous parler de quelque chose qui nous est arrivé à Moncton. Je suis sûr que ceux d'entre vous qui lisent les journaux sont au courant de ce qui s'est passé. Nous avons annoncé le 29 février cette année que nous allions commencer à offrir des vols entre Hamilton et Moncton à des tarifs aussi bas que 129 $, à condition qu'on achète son billet 10 jours d'avance. Cependant, le tarif dernière minute serait de 299 $.

Nous avons lancé le service le 19 avril, et le 10 avril Air Canada avait annoncé qu'elle accroîtrait sa capacité de 67 p. 100 après l'avoir abaissée auparavant de 9 p. 100. Elle a indiqué qu'elle avait réduit sa capacité dans tout le Canada d'environ 15 p. 100. Pour les vols sur Moncton, elle l'a réduite de 9 p. 100 pour ensuite l'accroître de 67 p. 100 uniquement pour la liaison Toronto-Moncton. Par ailleurs, elle offrait un aller simple à 605 $. Elle a ramené ce tarif à 249 $, sans aucune restriction, pour soutenir la concurrence avec notre tarif de 299 $. Elle a en fait offert un tarif plus bas que le nôtre.

Le trajet Montréal-Moncton reste à 517 $ alors que le trajet Toronto-Moncton est de 249 $. Pendant ce temps, Halifax reste à 678 $, et pourtant c'est un trajet plus long de 50 milles que Toronto-7Moncton, qui coûte 249 $.

De toute évidence, Air Canada essaye exactement ce qu'on souhaite éviter avec le projet de loi C-26: qu'un transporteur dominant, qui occupe 90 p. 100 du marché, fasse de l'interfinancement. Les pertes sur le trajet Toronto-Moncton disparaîtraient complètement dans un bilan, si toutefois il y avait des pertes, et il faut considérer au regard de cela les autres trajets, comme les lignes internationales et certaines dans le triangle d'or.

Au sens du projet de loi C-26, la question dont j'ai parlé concerne les tarifs abusifs. Il y a deux aspects dans les tarifs abusifs. Pour commencer, il faut donner au Bureau de la concurrence les moyens de mettre fin à ces pratiques qui, de toute évidence, peuvent coûter très cher à un transporteur qui démarre. Deuxièmement, le test doit porter sur la totalité des dépenses de fonctionnement d'une compagnie aérienne, et non pas sur les bénéfices supplémentaires. En effet, si un siège reste vacant dans un avion, si on vous donne un dollar pour ce siège, c'est un dollar de plus que vous n'auriez pas eu autrement, car un passager supplémentaire ne coûte pratiquement rien. Les transporteurs qui offrent tous les services se basent sur cette notion pour offrir des tarifs réduits uniquement sur des lignes desservies par leurs concurrents à tarif réduit.

À mon avis, les tarifs élevés serviront la concurrence. Nous vivons dans une société et dans un ordre naturel qui ne supportent pas le vide, et à l'heure actuelle un vide existe. Dès que les tarifs sont élevés, plusieurs transporteurs accourent, et c'est précisément la situation actuelle. Je le répète, nous ne voulons pas fixer les tarifs, et nous ne voulons pas non plus de règlement, car ces tarifs élevés encourageront forcément la concurrence.

Il faut absolument adopter le projet de loi C-26 rapidement. WestJest est une compagnie solide, et nous pouvons survivre aux attaques d'Air Canada sur la ligne de Moncton, mais d'autres transporteurs n'y réussiront peut-être pas. Pour cette raison, il faut absolument adopter le projet de loi C-26 le plus vite possible.

Il y a un point sur lequel je suis d'accord avec l'ATAC en ce qui concerne les problèmes que nous aurons lorsque le C-26 aura disparu. Il s'agit des frais d'exploitation des compagnies aériennes au Canada. Chaque fois que ces frais augmentent d'un dollar, il y a un passager qui se retrouve éjecté; évidemment c'est une façon de parler. Pour chaque dollar d'augmentation des frais, il y a des gens qui disent: «Vous savez, nous allons y aller en voiture, car avec une famille de cinq personnes, cela coûte trop cher. Nous prendrons la voiture.» Les gens se disent cela sans arrêt. Les aéroports continuent à augmenter les tarifs qu'ils font payer aux compagnies aériennes. NAV CANADA a augmenté certains de ces tarifs. De son côté, le gouvernement se décharge de beaucoup de dépenses sur les compagnies aériennes, et à long terme cela aura un effet économique négatif. Avant longtemps, nous nous retrouverons là où nous en sommes actuellement.

On verra si la loi C-26 est efficace si de nouveaux arrivants réussissent à s'imposer sur le marché, et à offrir de nouveaux services et à faire baisser les tarifs d'une façon durable au Canada. Ce n'est pas parce que les tarifs baissent temporairement ou parce que le transporteur dominant augmente sa capacité pour écraser tous les concurrents possibles que cette entreprise est un succès.

Le sénateur Forrestall: Monsieur Smith, je vais vous poser une question d'ordre général sur les coûts des aéroports et vous demander si les gens sont traités équitablement, quelle que soit leur destination. Pourquoi avez-vous tourné le dos à Halifax?

M. Smith: Je crois que cette question a paru dans le Globe and Mail d'aujourd'hui; c'est un journaliste qui l'a posée. En réalité, il y a 30 ou 40 villes qui nous ont écrit pour demander que nous les desservions, pour la simple raison que nous sommes un facteur de stimulation pour le marché et que nous offrons une possibilité à des gens qui, autrement, n'auraient pas pu voyager par avion. Halifax s'est adressée à nous pour que nous assurions un service dans cette ville, mais les responsables ont refusé de réduire les frais que nous aurions dans leur aéroport. Nous avons donc comparé Moncton et Halifax, Moncton qui, dans un rayon d'une heure de route, dessert environ 600 000 personnes si on inclut St. John et Halifax.

Le sénateur Forrestall: Personne ne peut aller de Moncton à Halifax en une heure.

M. Smith: Je voulais dire à St. John, Fredericton et Charlottetown -- toute cette région. Halifax dessert également environ 600 000 personnes. Air Canada offre environ 2 000 sièges par jour entre Toronto et Halifax et 150 sièges par jour entre Toronto et Moncton. Comme nous sommes une compagnie plus petite et plus agile, nous ne recherchons pas les très grands marchés du transporteur dominant; nous préférons des marchés légèrement différents, car Air Canada va chercher des voyageurs en attente pour aller vers Toronto-Hamilton. Pour cette raison, nous avons pensé que Moncton était préférable.

Si nous avons pris cette décision, c'est que l'aéroport de Halifax a refusé d'être accommodant en ce qui concerne les tarifs. Cela dit, je pense qu'ils imposent le même tarif à tous les transporteurs, mais Moncton était prêt à être beaucoup plus souple. Nous avons donc jugé que Moncton était préférable pour WestJet à l'heure actuelle, mais il n'est pas exclu que nous allions à Halifax un jour ou l'autre.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous considérez Fredericton comme un centre aérien?

M. Smith: Fredericton attire à l'heure actuelle des gens de Moncton, mais, un jour ou l'autre, nous pensons desservir Fredericton. En effet, nous desservons des villes comme Grande Prairie, qui a 25 000 habitants; toute ville de plus de 25 000 habitants pourrait être une ville WestJet.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous nous dire un peu en quoi les négociations avec Moncton et avec Halifax ont été différentes? Était-ce la location des créneaux?

M. Smith: Les aéroports facturent aux compagnies aériennes toutes sortes de services: frais d'atterrissage, frais d'utilisation du terminal, frais de sécurité, de stationnement, et cetera. Je préfère ne pas considérer les choses de cette façon-là. Pour moi, l'important, c'est le coût d'une escale. Les noms qu'on leur donne n'ont pas d'importance. Certains aéroports exigent plus pour l'atterrissage, moins pour l'utilisation du terminal, plus pour la sécurité... c'est un peu au hasard. Lorsque nous avons calculé le total des frais d'exploitation à Halifax, nous avons constaté que cet aéroport aurait été le plus cher de tous ceux que nous fréquentons, à l'exception de St. John's. Tous les autres aéroports du Canada coûtent moins cher que ces deux-là, et Moncton beaucoup moins cher. Pour cette raison, nous nous sommes dit que Moncton était une bonne option, d'autant plus que cette ville a une capacité bien moindre, et une clientèle potentielle équivalente, du moins nous l'espérons. Nous avons eu l'occasion de constater que les gens étaient prêts à conduire assez longtemps si on leur offrait le type de tarifs que nous leur offrons. En fait, nous avons commencé à fonctionner à Thunder Bay, et un nombre ridicule de gens ont commencé à venir en voiture de Toronto à Thunder Bay pour prendre un avion de WestJet dans cette ville. Comme c'est un trajet de 14 heures, nous ne nous y attendions pas. Nous n'avions jamais pensé que Thunder Bay pourrait attirer des clients de Toronto, mais apparemment c'est le cas.

Le sénateur Forrestall: C'est une question qui m'intéresse personnellement; en effet, pour trouver une place de stationnement à l'aéroport international de Halifax, il faut arriver avant les voitures du Nouveau-Brunswick. Si vous réussissez à les convaincre de retourner à Moncton, alors je devrai vous remercier. Vous risquez même de voir des voitures de la Nouvelle-Écossse. En fait, il est tout à fait normal que les gens d'Amherst, de Springhill et de toute la côte Nord aillent à Moncton.

Je vous souhaite beaucoup de succès. Nous vous avons rendu visite avec notre comité chargé de la sécurité il y a environ un an. Nous avons été très impressionnés par ce que vous faisiez.

Cela nous amène à une question particulièrement cruciale, celle de la sécurité. Quelle est l'importance de votre flotte?

M. Smith: Pour l'instant nous avons 17 appareils.

Le sénateur Forrestall: J'imagine que vous finirez par avoir une centaine d'appareils, ou plus. Pendant les premières années, comment allez-vous vous organiser pour le travail de génie, les inspections, les révisions? Allez-vous continuer à donner les grosses révisions à l'extérieur? Avez-vous décidé quel type d'appareil?

M. Smith: Nous avons choisi le Boeing 737-700. Il y a une énorme différence entre les compagnies aériennes qui ont toutes sortes d'appareils différents et les compagnies aériennes qui n'ont qu'un seul type d'appareil. Un seul type, cela facilite beaucoup les choses, et plus l'appareil est neuf, plus c'est facile. Lorsque nous commencerons à prendre livraison des 700, nous aurons 22 737-200. Avec les 700, nous n'aurons pas besoin de révision majeure avant environ cinq ans. Pour l'instant nous pensons toujours faire faire le travail à l'extérieur lorsque cela se produira. Nous nous chargerons nous-mêmes des vérifications mineures, ou ABM, et nous donnerons à l'extérieur les révisions importantes.

Le sénateur Forrestall: À qui pensez-vous vous adresser?

M. Smith: Pour l'instant nous faisons appel au groupe Conair, inc., à Abbotsford, une autre excellente compagnie canadienne. Là encore, cela dépendra des termes financiers que nous pourrons conclure et de la qualité de leur travail à ce moment-là.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous achetez vos appareils, ou bien est-ce que vous les louez?

M. Smith: Sur les 30 premiers appareils, nous en louerons 10, et 20 seront achetés au comptant ou à crédit. Sur les 70, il y en aura 10 de loués et 40 qui seront achetés, au comptant ou à crédit. Même pour ces appareils-là, nous pourrions faire du crédit-bail. Nous sommes actuellement en train de rechercher le niveau d'opération optimale, car nous ne voulons pas nuire à notre bilan, nous voulons garder suffisamment de liquidités et conserver un bon équilibre dette-actif, sans oublier nos actionnaires.

Le sénateur Forrestall: C'est un secteur où il y a environ 1 100 ou 1 200 agents de bord et autres travailleurs qui risquent d'avoir des problèmes. Est-ce que ces gens-là vont trouver du travail ailleurs s'ils perdent leur emploi?

M. Smith: Nous embauchons plus de 300 personnes par année. Ce sont des ouvertures.

Le sénateur Forrestall: Où allez-vous trouver des pilotes?

M. Smith: À l'heure actuelle, nous avons les curriculum d'environ 500 pilotes qualifiés qui sont prêts à travailler pour WestJet. Il n'y a pas de pénurie de pilotes au Canada. Pour travailler pour nous, il faut qu'ils aient au minimum 5 000 heures, et, jusqu'à présent, nous n'avons jamais dû renoncer à cette règle, même pas pour un seul pilote.

Nous prendrons livraison des 70 appareils sur une période de 8 à 10 ans, et non pas de deux ans. Au fur et à mesure que de nouveaux appareils arriveront, nous nous débarrasserons de certains anciens appareils. Je le répète, au rythme de cinq, six, sept ou huit nouveaux appareils par année, ce n'est pas une expansion débridée, mais c'est beaucoup plus sûr, plus constant, plus uniforme et plus facile à gérer, et cela permet de suivre les développements du marché.

Le sénateur Forrestall: Je vous souhaite beaucoup de succès. J'aurais préféré que vous desserviez Halifax, mais je comprends vos raisons.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Smith, je vous souhaite la bienvenue. J'en reviens à la question de Moncton, dont vous avez parlé tout à l'heure. Je vis à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a beaucoup de gens de l'île qui vont prendre des vols de WestJet à Moncton.

Vous avez parlé de la présence d'Air Canada là-bas, de la réduction de ses tarifs et de l'augmentation de sa capacité de 67 p. 100 après une réduction de 9 p. 100. Si cette loi avait été en vigueur à l'époque, pensez-vous qu'elle aurait permis de faire face à cette situation?

M. Smith: Oui. Comme je l'ai dit, l'ordonnance d'arrêt des opérations prévues par le projet de loi C-26 aurait suffi pour empêcher ce genre de pratique et pour s'assurer que cela ne recommencerait pas. Air Canada n'aurait aucun intérêt financier à faire ce genre de chose en permanence. Comme je l'ai déjà dit aux médias, ce n'est pas un exemple de pratique abusive, c'est exactement la définition du terme.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous vous heurtez à ce genre de situation fréquemment, ou bien est-ce seulement à Moncton?

M. Smith: Cela s'est produit dans l'Ouest du Canada il y a assez longtemps, mais c'est la première fois que c'était aussi flagrant. À l'époque, il y avait Air Canada et Canadien, et quand les deux transporteurs faisaient la même chose, ce n'était pas aussi évident. Aujourd'hui, avec un seul transporteur, et un transporteur qui contrôle 90 p. 100 du transport aérien au Canada, la situation est très différente.

Je n'essaie pas de les critiquer, mais pour éviter la réglementation nous devons favoriser la concurrence. Or, ce n'est pas en leur permettant d'augmenter leur capacité et d'offrir de meilleurs tarifs chaque fois que nous lançons une nouvelle ligne que nous allons y réussir. Comme je l'ai déjà dit, ils peuvent copier nos tarifs, nous sommes en faveur de la concurrence. En fait, c'est grâce à la concurrence que nous avons vu le jour, mais par contre, lorsqu'ils augmentent leur capacité et qu'ils offrent des tarifs inférieurs aux nôtres, nous ne sommes plus d'accord.

Le sénateur Callbeck: Vous n'avez pas le moindre doute; vous êtes certain que cette loi vous protégera suffisamment.

M. Smith: Absolument.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous ne vouliez pas être réglementés, que vous préfériez la concurrence. Est-ce qu'il y a des choses qui auraient pu être faites dans ce projet de loi pour favoriser la concurrence, des dispositions à retrancher, d'autres qui ont été omises?

M. Smith: Si nous n'étions pas tellement en faveur de la concurrence, il y aurait toutes sortes de choses. Mais, en réalité, nous avons besoin d'un marché concurrentiel. Vous ne pouvez pas ligoter quelqu'un et l'empêcher de piloter, mais, d'un autre côté, il ne faut pas non plus laisser quelqu'un écraser les concurrents. Ce qu'il faut, c'est créer un climat où les transporteurs peuvent prendre de l'expansion.

Il y a une chose à laquelle nous avons pensé -- mais jusqu'à présent cette idée n'a pas été très bien accueillie -- et c'est que lorsqu'un transporteur non dominant comme nous-mêmes met une nouvelle ligne en service, comme entre Hamilton et Moncton, on ne devrait pas permettre à Air Canada de commencer à assurer le même service. Pourquoi feraient-ils une telle chose? Si Air Canada n'a jamais parlé d'assurer un service à prix réduit à Hamilton, quelle raison ont-ils de commencer maintenant? WestJet est sur place. À quoi cela sert-il? La seule raison, c'est qu'ils tentent de se débarrasser de nous. Par exemple, si un transporteur non dominant a le monopole sur une ligne qui n'est pas desservie par Air Canada -- et il n'y en a pas tellement -- pourquoi Air Canada, au bout de 50 ans, déciderait-il de desservir Abbotsford? C'est un exemple classique. Nous avons lancé cette ligne et nous assurons le service depuis quatre ans. S'ils arrivent maintenant, nous saurons très bien pourquoi. Ce sera pour nous empêcher de prendre de l'expansion et de nous développer. Nous voudrions que toutes ces lignes restent notre exclusivité pendant deux ou trois ans et qu'Air Canada ne puisse pas s'y intéresser du jour au lendemain. Dans un esprit de concurrence, cela nous permettrait de nous installer. Air Canada dessert pratiquement toutes les villes du Canada. Un jour ou l'autre, il va falloir que nous nous tournions vers des lignes qu'ils exploitent déjà. Il ne restera pas beaucoup de lignes en exclusivité.

Le sénateur Callbeck: Ce n'est pas la seule correction majeure, n'est-ce pas?

M. Smith: C'est exact.

Le sénateur Callbeck: Cet après-midi un témoin a mentionné une déclaration des droits des passagers. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Smith: La meilleure déclaration des droits des passagers, c'est la concurrence. En réglementant l'industrie, en la forçant à faire telle ou telle chose, on pourrait, à tort et sans le vouloir, ligoter l'industrie et faire augmenter les coûts. On parle de certaines règles, comme l'inclinaison minimum des sièges, et cetera. La meilleure inclinaison minimum des sièges, c'est de ne pas imposer des amendes aux compagnies aériennes sous prétexte que les sièges sont trop rapprochés. Il ne faut pas oublier que nos coûts augmentent, car certains transporteurs nolisés doivent avoir moins de sièges par appareil.

Je comprends l'idée d'une déclaration des droits des passagers, mais j'ai de bonnes raisons de m'en méfier. Il faut que les gens choisissent les compagnies aériennes qui leur offrent un bon service, et il ne faut pas penser qu'il n'y aura qu'un seul transporteur dominant jusqu'à la fin des temps.

Le sénateur Adams: J'essaie de comprendre votre tarif entre Toronto et Moncton. Est-ce que vous pouvez offrir un prix plus bas parce que vous avez plus de passagers entre Toronto et Moncton? Avez-vous dit que le trajet Hamilton-Moncton coûtait 258 $?

M. Smith: Exactement. Nous nous sommes alignés sur le tarif d'Air Canada une fois qu'ils ont réduit leurs tarifs. Là encore, avec toute la capacité qu'ils ont ajoutée, ils nous auraient forcément volé ce marché. Nous ne pourrions pas offrir des prix plus élevés qu'Air Canada: ils ont toutes sortes de fantaisies, le programme des grands voyageurs, la classe affaires, des repas de luxe, toutes choses que WestJet n'a pas. Pour faire face à la concurrence, notre prix est la seule arme que nous ayons.

Le sénateur Adams: Bien que le vol soit plus long, entre Hamilton et Moncton, pensez-vous que le tarif soit juste, bien qu'il en coûte plus cher d'aller à Ottawa? Dans vos appareils, comment choisit-on les sièges?

M. Smith: Je ne sais pas si je comprends bien votre question.

Le sénateur Adams: Comment fixez-vous les prix?

M. Smith: Pour stimuler le marché, nous vendons un certain pourcentage des sièges au tarif le plus bas. Lorsque ces sièges sont remplis, nous passons au tarif suivant. Il y a certaines conditions en ce qui concerne les réservations. La dernière option, c'est de louer un jet, et cela coûte cher. D'ordinaire, nos tarifs de dernière minute sont plus chers que ceux des passagers qui ont réservé 10 jours d'avance.

Le sénateur Adams: Est-ce qu'un vol plus long coûte toujours plus cher qu'un vol plus court?

M. Smith: Plus un appareil passe de temps en l'air, plus il consomme de carburant, plus il coûte cher de pilotage et d'entretien, et cetera. Les coûts unitaires de production diminuent, mais les coûts de vol progressent par étape. Plus le vol dure longtemps, plus il coûte cher, effectivement.

Le sénateur Adams: J'aurais pensé que plus le vol est long, plus le coût baisse, car il y a plus de passagers dans l'appareil.

Est-ce que vous transportez du fret?

M. Smith: Oui, nous transportons du fret.

Le sénateur Adams: Avez-vous des règlements parce que vos tarifs sont plus bas? Est-ce que vous avez un tarif pour les bagages et un autre pour les passagers? Quels sont vos rapports avec Air Canada?

M. Smith: À l'heure actuelle, nous n'avons pas d'accords avec Air Canada. Les gens peuvent prendre un appareil de WestJet entre Abbotsford et Calgary, mais s'ils veulent ensuite prendre Air Canada entre Calgary et Toronto, il leur faut un billet différent. Nous n'utilisons pas de billets, mais Air Canada le fait. Nous n'avons pas d'accords en ce qui concerne les bagages. Autrement dit, les gens sont forcés de reprendre leurs bagages.

Le sénateur Adams: Vous n'assurez pas la manutention des bagages à l'aéroport?

M. Smith: Nous n'avons pas d'accords avec les autres compagnies aériennes, non. Nous n'échangeons pas les bagages.

Le sénateur Adams: Avec le développement de votre entreprise, est-ce que vous avez l'intention de le faire un jour?

M. Smith: C'est une possibilité, mais cela ne fait pas partie de notre plan à court terme. Nous ne sommes pas là pour envoyer des clients à Air Canada; nous sommes là pour créer notre propre réseau.

Cela dit, nous avons des ententes avec Canada 3000 et Royal.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Smith, vous avez parlé du programme des grands voyageurs d'Air Canada. Est-ce que vous participez à ce programme?

M. Smith: Non.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que cela figure dans vos plans d'avenir?

M. Smith: Non, pas du tout. Si vous demandez aux gens s'ils préfèrent dépenser 10 $ de plus et avoir un programme des grands voyageurs ou économiser 10 $ et avoir un vol moins cher, tous les gens répondent qu'ils préfèrent le vol moins cher. Nous n'avons pas l'intention de mettre en place un programme des grands voyageurs.

Le sénateur Roberge: Avez-vous l'intention de desservir le Québec un jour?

M. Smith: Oui. Nous avons l'intention d'aller à Montréal à l'automne ou à la fin de l'automne.

Le sénateur Roberge: Quand allez-vous commencer à embaucher? Est-ce que vos services seront bilingues?

M. Smith: Absolument, c'est déjà le cas à Moncton et à Ottawa. À Ottawa, tout le personnel au sol est bilingue, à l'exception de notre gérant, qui est un employé de WestJet originaire de Thunder Bay. Évidemment, à Montréal tout le monde sera bilingue.

Le sénateur Roberge: Est-ce que c'est également votre politique à bord?

M. Smith: Nous aurons au moins un agent de bord bilingue. Il faut bien comprendre que jusqu'à maintenant les opérations de WestJet se limitaient à l'Ouest du pays. Nous n'avions pas besoin de personnel bilingue. Notre expansion dans l'Est a été très rapide, et nous allons devoir rattraper le temps perdu. À partir de maintenant tous les gens que nous embauchons doivent être bilingues. Nous avons déjà un bon nombre d'agents de bord bilingues et nous allons nous assurer que tous les vols en provenance de Moncton, Ottawa et Montréal auront à leur bord au moins un agent bilingue.

Le sénateur Roberge: Pour quelle raison n'aimez-vous pas l'article 64? En quoi le raisonnement est-il différent s'il s'agit d'un mois ou de quatre mois?

M. Smith: C'est l'article relatif à l'arrêt des services?

Le sénateur Roberge: Oui.

M. Smith: Quand les gens s'aperçoivent que vous allez cesser de desservir une région, vos réservations baissent en flèche. Le plus souvent, vous décidez de cesser le service parce que cela ne marchait déjà pas très fort. Prenons un exemple ridicule: supposons qu'on annonce que le service entre Val d'Or et Moncton n'existera plus. Vous avez essayé, et cela n'a pas marché. Si nous continuions à assurer le service pendant plusieurs mois après avoir annoncé cela, cela coûterait très cher. La décision a été prise parce que ce n'était pas rentable, mais une fois la décision annoncée, les gens cessent de faire des réservations, et tout s'effondre très rapidement.

Si nous étions forcés de continuer à assurer le service pendant quatre mois, mon conseil d'administration m'empêcherait de tenter des expériences de ce genre, car c'est beaucoup trop risqué. Après un an d'opérations, il y a de bonnes chances que ce soit rentable, mais lorsqu'il s'agit d'une simple tentative, s'il faut attendre quatre mois pour retirer son épingle du jeu, cela n'en vaut pas la peine. Il vaut mieux ne pas tenter le service entre Val d'Or et Moncton.

Le sénateur Roberge: Est-ce que le projet de loi C-26 vous condamne automatiquement à ces quatre mois?

M. Smith: Si j'ai bien compris, si vous assurez le service depuis moins d'un an, il vous suffit de donner un préavis d'un mois pour interrompre le service, mais si cela fait plus d'un an, vous devez continuer pendant quatre mois.

Le sénateur Roberge: C'est cela?

M. Smith: Je crois que c'est cela, et c'est équitable. C'est justement ce que nous voulions.

Le sénateur Forrestall: À propos de votre politique de bilinguisme, allez-vous embaucher des francophones?

M. Smith: D'ordinaire nous embauchons des gens bilingues. Il est possible que nous embauchions des francophones unilingues; cela dépendra de la clientèle.

Le sénateur Forrestall: Je ne parle pas forcément de francophones unilingues, mais de Canadiens bilingues du Québec, des francophones.

M. Smith: Absolument. Tout notre personnel au sol sera de Montréal. À l'heure actuelle, nos agents de bord et nos pilotes sont domiciliés à Calgary. Tous les gens que nous embauchons et qui voyagent sont basés à Calgary. Cela changera peut-être avec le temps, et pour certains cela pourrait être plus facile, mais je ne vois pas pourquoi nous n'embaucherions pas des agents de bord ou des pilotes francophones s'ils veulent vivre à Calgary. Nos agents du service à la clientèle de Montréal seront domiciliés à Montréal, ceux d'Ottawa seront domiciliés à Ottawa, et cetera.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous seriez parmi les premiers à avoir cette politique en ce qui concerne le personnel?

M. Smith: Oui.

Le sénateur Forrestall: À compétences égales, si un francophone bilingue se présente, vous prendrez la décision juste.

Le sénateur Perrault: Apparemment, les 737 sont de bons appareils; ils existent depuis plusieurs années.

M. Smith: Les 737 sont les appareils les plus populaires dans le monde; il y en a plus de 5 000 types dans le monde.

Le sénateur Perrault: Combien de passagers cet appareil peut-il transporter?

M. Smith: Le 737-200, l'appareil que nous utilisons maintenant, peut transporter 120 personnes. Le 737-700, lui, pourra en prendre 140.

Le sénateur Perrault: C'est toute une marque de confiance à l'endroit de Boeing. Je crois savoir que certains de ces appareils sont construits à Winnipeg, au Manitoba.

M. Smith: La société Boeing compte une filiale de construction aéronautique à Winnipeg. Notre commande d'appareils 737-700 aura certaines retombées économiques dans la ville de Winnipeg en raison de cela.

Le sénateur Spivak: C'est excellent.

Le sénateur Perrault: M. Smith et ses collaborateurs ont la faveur populaire sur la côte Ouest parce qu'ils font preuve d'esprit d'entreprise et parce que les gens les soutiennent. Leur société jouit d'une excellente réputation. Je souhaite tout le succès possible à leur entreprise.

Le sénateur Spivak: Vous avez affirmé préférer qu'Air Canada ne vous fasse pas concurrence dans un créneau de service tout à fait unique, mais de toute façon, d'après vous, serait-ce une bonne chose de permettre à un transporteur dont la prépondérance atteint 90 p. 100 dans le marché principal de participer aussi à celui des tarifs réduits? Dans l'intérêt de la concurrence, est-ce qu'il ne serait pas préférable qu'Air Canada n'intervienne pas sur le marché des tarifs réduits? Que pensez-vous aussi d'un dessaisissement de la part d'Air Canada?

M. Smith: Pour ce qui est de la possibilité pour Air Canada de lancer un transporteur aérien à tarifs réduits, je ne pense pas que ce soit au gouvernement ou à moi d'interdire une activité qui pourrait lui être rentable. L'exploitation d'un transporteur à tarifs réduits pourrait lui venir en aide tant sur le marché national que par rapport à ses vols aux États-Unis. Lorsqu'Air Canada offre le même service sur nos trajets, et, par la même occasion, dispose de moyens de réduire ses coûts, ce n'est pas à nous de le lui interdire. C'est à la compagnie elle-même de prendre une décision fondée sur des considérations économiques. J'insiste encore une fois sur le fait que nous sommes favorables à la concurrence, et j'hésite donc à dire qu'on peut interdire à l'entreprise de lancer un transporteur à tarifs réduits quand les autres auraient ce droit.

Je me rends toutefois compte de la situation. Air Canada détient 90 p. 100 du marché. C'est justement pour cela que j'essaie de contourner sa façon de faire et que j'ai conçu ce nouveau genre de trajet, qui est unique.

Le sénateur Spivak: Ce à quoi je faisais allusion ne me paraît pas contraire à la concurrence, parce que dans une situation où un seul transporteur correspond à 90 p. 100 du marché, on cherche des moyens de créer davantage de concurrence. Par conséquent, si on ne permet pas à ce même transporteur de dominer aussi le marché des tarifs réduits, cela pourrait favoriser la concurrence. Je vous donne des arguments ainsi. Est-ce qu'on ne peut faire valoir cela? Il me semble que cette compagnie a une très grande capacité de payer.

M. Smith: Tout à fait.

Le sénateur Spivak: En ce moment, Air Canada s'intéresse beaucoup à la valeur pour l'actionnaire, et bien entendu au marché international. L'adoption d'une politique dans l'intérêt du public pourrait l'empêcher d'occuper aussi des créneaux spécialisés.

M. Smith: Encore une fois, je comprends les raisons qui sous-tendent votre observation. Toutefois, si Air Canada trouve les moyens de réduire ses coûts, j'hésiterais à lui interdire de le faire. Je suis favorable aux entreprises. Nous offrons nos produits sur le marché et nous nous faisons mutuellement concurrence sur la base de notre service à la clientèle. Or plus tôt il a été dit que la compagnie WestJet jouit d'une excellente réputation en matière de service à la clientèle, et on peut même affirmer qu'elle est sans égale dans l'industrie aérienne au Canada. Nous offrons donc cela, ainsi que nos tarifs et notre respect des horaires, et nous pouvons ainsi faire concurrence à n'importe quel transporteur aérien au Canada.

Le sénateur Spivak: Le projet de loi régira beaucoup de choses par le truchement de règlements, comme une augmentation de la participation étrangère. Avez-vous des remarques à faire sur le fait que de nombreuses choses qui seront régies par la voie de règlements ne figurent pas dans la loi? Il y a aussi le fait que dans les règlements on couvre des aspects que l'on considère comme contraires à la concurrence quelque part dans la loi.

M. Smith: Vous avez raison. Dans les règlements, on précise que telle ou telle chose est considérée comme contraire à la concurrence.

Le sénateur Spivak: Les règlements ne sont pas aussi précis, mais, cela dit, je ne vois pas pourquoi cela ne figurerait pas dans la loi. Justement, êtes-vous préoccupé par le fait qu'on va souvent administrer les choses par le truchement de règlements? Pourquoi ne préciserait-on pas ce qui est contraire à la concurrence dans la loi même? Qu'en pensez-vous?

M. Smith: Je ne sais pas si j'ai une idée là-dessus. Ce qui est anticoncurrentiel peut être conçu de façon tellement vaste que si on s'efforce d'en limiter la portée par un libellé plus précis on risque de négliger quelque chose qui ultérieurement pourrait aussi être considéré comme contraire à la concurrence. On a donc besoin d'une définition générale dans le projet de loi pour qu'ensuite le Bureau de la concurrence puisse faire enquête.

Le sénateur Spivak: Vous n'êtes donc pas préoccupé par le fait que bon nombre d'activités seront régies par des règlements.

M. Smith: J'espère que ce ne sera pas le cas.

Le sénateur Spivak: La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, on nous a beaucoup parlé des baux de location imposés par le gouvernement fédéral.

M. Smith: Tout à fait.

Le sénateur Spivak: Je pense cependant que rien dans le projet de loi ne porte sur les coûts d'exploitation des aéroports.

M. Smith: Vous avez raison.

Le sénateur Spivak: Souhaitez-vous que nous recommandions quelque chose au sujet de cela?

M. Smith: Nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-26 et de sa raison d'être, à savoir favoriser la concurrence dans l'industrie du transport aérien au Canada. Les coûts d'exploitation des aéroports me paraissent un sujet distinct. Ils sont bien sûr l'un des éléments de ce secteur. Les coûts d'exploitation des aéroports, particulièrement les coûts liés aux aérogares, font partie intégrante de l'industrie, surtout du fait que le gouvernement perçoit 200 millions de dollars par année à même les infrastructures, et que ce montant va très bientôt atteindre 500 millions de dollars. Or tout cet argent devra être payé par les passagers des lignes aériennes.

Le sénateur Spivak: N'estimez-vous pas que cela fait partie de la concurrence?

M. Smith: Non, parce que la plupart des transporteurs sont sur un pied d'égalité.

Le sénateur Spivak: Sauf que certains d'entre eux peuvent assumer les coûts plus facilement que d'autres.

M. Smith: Très juste.

Le sénateur Adams: Récemment, je lisais un article de journal portant sur l'organisme d'inspection de Transports Canada. Naguère, on inspectait les appareils à Calgary ou à Edmonton. Maintenant cependant, il faut venir à Ottawa. Pourquoi a-t-on procédé ainsi?

M. Smith: Nous relevions auparavant de la région de l'Ouest, dont les bureaux étaient à Edmonton. Cela prend quelque temps pour qu'un transporteur aérien établisse de bons rapports avec les inspecteurs. Cela est maintenant fait. Toutefois, puisque nous desservons maintenant des régions situées plus à l'est, Transports Canada nous a dit vouloir réglementer nos activités depuis Ottawa. Nous avons dit que nous aimions les choses comme elles étaient, mais Transports Canada a maintenu sa décision. Il y a aussi eu des insinuations d'après lesquelles Air Canada avait demandé que nous relevions d'Ottawa. Or nous demandons en quoi cela pourrait intéresser Air Canada.

Par rapport à ce contentieux entre Ottawa et Edmonton, nous précisons avoir établi de bons rapports à Edmonton. Les choses vont bien, et nous estimons donc que si tout va bien il n'y a pas lieu d'apporter de changements. Transports Canada préfère cependant que l'inspection s'effectue à Ottawa. Nous avons discuté avec le ministère, mais c'est ce dernier qui l'a emporté sur nous. Transports Canada est un monopole, car il contrôle plus de 90 p. 100 du marché. C'est ainsi qu'il peut gouverner.

Le sénateur Adams: Est-ce que vos appareils sont inspectés à Ottawa?

M. Smith: Les inspections s'effectuent encore à Calgary, mais les inspecteurs sont installés à Ottawa. L'essentiel pour nous, c'est que toute inspection se fonde sur des rapports avec les inspecteurs. Nous ne faisons pas tout de la même façon qu'Air Canada ou Canadien. Nous avons besoin de ces rapports en personne afin d'expliquer à un inspecteur sur place comment et pourquoi nous faisons les choses. La discussion est beaucoup plus fructueuse ainsi qu'avec un correspondant téléphonique à Ottawa. Nous estimions que les choses s'effectueraient mieux si nous pouvions nous rendre à Edmonton par avion plutôt qu'à Ottawa.

Le sénateur Adams: Si un de vos avions était interdit de vol ici à Ottawa, ce qui me préoccupe, c'est qu'il vous faudrait faire transporter vos pièces d'Edmonton ou de Calgary.

M. Smith: Non, cela ne nous préoccupe pas, nous. Toutes les inspections s'effectueraient encore à Calgary. Ottawa est simplement le lieu où les inspecteurs ont leurs bureaux.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vos deux bases d'opération seront Calgary et Hamilton?

M. Smith: Nous n'avons qu'une base d'opération, et c'est Calgary. À long terme, il n'est pas interdit que nous en ayons une autre; peut-être à Hamilton, mais je ne voudrais pas faire de prédiction à cet égard. Pour le moment, notre seule base d'opération se trouve à Calgary. Tous nos pilotes sont domiciliés à Calgary, ainsi que nos agents de bord.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que tous vos appareils reviennent à Calgary avant minuit?

M. Smith: Non, non. Calgary est le centre où s'effectuent tous les travaux d'entretien lourd. Dans les autres villes comme Edmonton, Kelowna, Hamilton et d'autres où les appareils passeront la nuit, nous ne faisons effectuer que de la maintenance en ligne.

Le sénateur Perrault: Avait-on choisi Hamilton comme base d'opération du transporteur à tarifs réduits?

M. Smith: C'est plutôt Air Canada qui en avait fait la base de son transporteur à tarifs réduits, mais la compagnie semble avoir décidé maintenant de s'installer à Vancouver, tout au moins si l'on croit les articles de journaux.

Le sénateur Forrestall: Vous pouvez toujours m'affirmer que nous n'allez pas faire de concurrence directe à Air Canada, mais je ne vous croirai pas.

La présidente: Honorables sénateurs, nos témoins suivants nous viennent de l'Association des consommateurs du Canada.

Soyez les bienvenus devant notre comité, madame Lacombe et madame Hillard. La parole est à vous.

Mme Gail Lacombe, présidente, Association des consommateurs du Canada: L'Association des consommateurs du Canada est un organisme indépendant, sans but lucratif et bénévole, dont le siège social se trouve à Ottawa, mais qui compte aussi des sections dans les provinces et territoires. Nous avons pour mandat de renseigner et d'éduquer les consommateurs au sujet de questions liées au marché, de plaider la cause des consommateurs auprès des gouvernements et de l'industrie, et de travailler avec ces derniers pour résoudre les problèmes issus du marché de façon satisfaisante.

Notre travail se concentre sur l'alimentation, la santé, le commerce, les normes, les services financiers, les services de communication, ainsi que sur d'autres questions au fur et à mesure qu'elles se manifestent.

Toutes les politiques adoptées par l'association au sujet d'enjeux précis s'inscrivent dans un cadre de principes généraux favorables aux consommateurs. Huit de ces grands principes régissent les associations de consommateurs faisant partie de la fédération internationale des groupes de consommateurs, Consommateurs internationaux. Citons parmi ces principes le droit au choix, à la sécurité, à l'information et à un environnement sain.

[Français]

L'Association des consommateurs du Canada a été créée en 1947. C'est un organisme à but non lucratif indépendant qui dépend en grande partie pour son fonctionnement de l'apport de nombreux bénévoles à travers le pays. Son mandat consiste à informer et à éduquer les consommateurs canadiens au sujet des questions reliées au marché de la consommation, à les représenter auprès des instances gouvernementales et des industries et, enfin, à travailler avec les gouvernements et les industries dans le but de résoudre des problèmes de consommation au bénéfice des parties en cause.

L'ACC travaille plus particulièrement dans les domaines de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes, des services financiers, des communications, des industries et s'intéresse également à d'autres domaines en fonction des questions qui surgissent à l'occasion, et qui ont un impact en matière de consommation.

Toutes les politiques de l'ACC au sujet de questions spécifiques sont fondées sur des principes généraux qui tendent tous à assurer la défense des intérêts des consommateurs et à faire valoir leur point de vue là où cela s'avère nécessaire. Les associations qui composent la Fédération internationale des regroupements de consommateurs, mieux connue sous le nom de Consumers International, ont établi huit principes de base, dont le droit de choisir, celui d'être entendu et celui d'obtenir satisfaction.

[Traduction]

J'aimerais maintenant vous présenter Mme Jennifer Hillard, notre vice-présidente à la politique et aux enjeux.

Mme Jennifer Hillard, vice-présidente, Enjeux et Politique, Association des consommateurs du Canada: Honorables sénateurs, c'est pour nous un grand plaisir de témoigner de nouveau devant votre comité, mais l'Association des consommateurs du Canada se réjouirait davantage si l'on avait trouvé une solution de rechange à la fusion Air Canada-Canadien. Nous ne serions pas obligés d'être ici pour donner notre avis sur un projet de loi ayant pour but de réimposer des règlements dans une industrie quand à l'origine nous avions milité en faveur de la déréglementation.

Ainsi que nous vous le disions l'année dernière, «en matière de protection des consommateurs, rien ne peut se substituer aux rigueurs de la concurrence des forces du marché». Bien que nous reconnaissions le rôle que peuvent jouer de petites lignes aériennes comme WestJet et Canada 3000 sur le marché du transport aérien, il faudra attendre encore longtemps pour que ces dernières soient une solution de rechange viable à Air Canada et à ses transporteurs régionaux pour la plupart des consommateurs, si tant est même que ce soit possible. Nous applaudissons bien sûr devant l'expansion de ces compagnies et leurs tentatives de s'attaquer à la prépondérance d'Air Canada, mais nous sommes favorables à un resserrement de la réglementation des activités du transporteur principal dans l'intervalle. Nous estimons toujours qu'on pourrait adopter des mesures législatives permettant à Transports Canada d'intervenir pour intensifier la concurrence. L'Association des consommateurs du Canada est donc déçue par les mesures déjà proposées, car elles ne donnent pas à l'office les pouvoirs supplémentaires dont il aurait besoin pour réacquérir et réaffecter des créneaux d'aéroport de façon à encourager une concurrence plus vive.

Tout en reconnaissant que le projet de loi C-26 comporte quelques excellentes dispositions, l'Association des consommateurs du Canada estime qu'il sera difficile d'évaluer leur rendement, c'est-à-dire un service satisfaisant et de qualité, d'ici à ce que nous ayons pu nous pencher sur les règlements qui assureront la mise en oeuvre du texte de loi. Nous estimons donc que le projet de règlements devrait faire l'objet d'un examen public qui aurait lieu sous forme d'audiences dans diverses collectivités du Canada. Les modifications proposées au libellé à l'occasion de ces audiences devraient ensuite faire l'objet d'une autre étude à Ottawa, dans le cadre d'une réunion convoquée à cette fin.

Nous ne sommes pas convaincus à l'heure actuelle que les dispositions de ce projet de loi permettront d'offrir aux consommateurs de services aériens les services de qualité qu'ils souhaitent voir conservés dans le nouveau régime de quasi- monopole. Voici les observations que nous avons à faire relativement à certains articles.

Au sujet des articles 56.2 et 56.4, l'ACC estime qu'il n'est pas nécessaire que les entreprises de transport aérien soient canadiennes. Nous reconnaissons qu'il est important qu'un transporteur dominant, comme Air Canada, appartienne à des intérêts canadiens et soit contrôlé par ces intérêts, mais nous jugeons souhaitable qu'une entreprise aérienne appartenant à des intérêts étrangers exploite des trajets au Canada si cela peut permettre de rétablir une concurrence réaliste sur le marché.

À notre avis, le dessaisissement d'éléments d'actif permet davantage de contrôler la dominance dans l'industrie que la propriété par des intérêts étrangers. Compte tenu des investissements nécessaires pour participer de façon concurrentielle au transport aérien, nous estimons que les amendes énoncées au paragraphe 56.7(1) sont ridiculement faibles. Elles peuvent facilement être absorbées dans les frais généraux de l'entreprise.

Si la personne qui est chargée de donner les avis néglige de le faire, les autres dispositions des articles 56.1 et 56.2 deviennent superflues. L'ACC recommande que les amendes énoncées dans cet article soient alignées sur celles du paragraphe 56.7(2). Les articles qui visent à remplacer les paragraphes 64(2) et 64(3) de la loi, dans la version qu'on en trouve à l'article 3 du projet de loi, ne suffisent pas à protéger les intérêts des consommateurs dans les régions moins populeuses.

L'article 1.1, plus particulièrement, indique qu'il n'est pas nécessaire de donner avis des réductions de services proposées, sauf si elles ont pour effet de réduire d'au moins 50 p. 100 les services aériens réguliers sans escale offerts à longueur d'année. Ce pourcentage est-il suffisant? Air Canada a déjà réduit de 47 p. 100 sa capacité de transport sur certains trajets.

Notre association demande au Sénat de recommander que ce pourcentage soit abaissé afin qu'il soit nécessaire de donner avis des réductions de 30 p. 100 ou plus. En outre, il faut traiter par règlement les réductions plus petites, par exemple de 15 p. 100. Il faudrait toutefois éviter de réglementer à outrance l'offre de services réguliers ou saisonniers par les petites entreprises de taxi aérien, car cela augmenterait de façon déraisonnable leurs coûts d'exploitation.

Les articles 1.2 et 2 comportent également des lacunes. Ils permettent aux populations locales de discuter les réductions de service, mais c'est là leur seul effet. L'ACC recommande que ces dispositions du projet de loi C-26 soient modifiées afin d'accroître l'importance des consultations locales, plus particulièrement en ce qui a trait au moment, aux droits et au contenu.

Le Sénat devrait examiner les recommandations du rapport McKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens en ce qui a trait aux évaluations des effets sur la communauté dans le contexte de la fermeture de succursales locales de banques. En ajoutant au projet de loi des dispositions semblables à celles décrites dans la partie du rapport McKay intitulée «Processus d'examen de l'intérêt public», on accroîtrait l'importance des consultations tenues auprès des collectivités qui subiront les effets négatifs d'une réduction de service. Il faudrait également qu'il soit possible d'exiger d'une société aérienne qu'elle renverse ou modifie sa décision de réduire ses services.

Tout l'effet de l'article 66 tient à la définition des termes «indiqué» et «excessif». Pour que cet article puisse offrir une protection efficace contre l'augmentation en flèche des prix dans les régions éloignées et dans les marchés de monopole, il faudra préciser la définition de ces termes.

Le CRTC essaie de définir ce qu'est l'abordabilité dans le contexte des services dans les régions plus coûteuses. L'ACC demande au Sénat de recommander qu'une initiative semblable soit entreprise pour définir ce qui est «indiqué» lorsqu'il s'agit de tarifs de transport des passagers et des marchandises.

Pour que les règlements soient efficaces, il faudra tenir compte des questions d'abordabilité et d'interfinancement pour établir quel serait le coût raisonnable des services offerts aux régions moins densément peuplées. La meilleure solution, c'est de permettre une aussi grande concurrence que possible.

Il est également important à notre avis de déterminer quels «renseignements sur les prix et tarifs antérieurs» seront acceptables aux fins de l'application de l'alinéa 66(3)a) proposé. L'augmentation pourra-t-elle être prouvée au moyen des prix proposés antérieurement, de factures et de débits, ou mesurera-t-on les augmentations seulement en fonction des tarifs publiés? Il faudrait définir de façon plus claire les renseignements qui doivent être fournis sur le régime de l'article 7 afin de préciser si seuls les tarifs publiés seront pris en compte ou si l'office peut également tenir compte des prix réels. En outre, il faut exiger que les sociétés aériennes conservent des données brutes ou de base, et non pas seulement des sommaires, au cas où il serait nécessaire d'effectuer une analyse différente.

La question de l'augmentation des tarifs de transport des voyageurs et des marchandises dépend des nouveaux tarifs avec lesquels on fait la comparaison. Les prédictions que notre association avaient faites devant vous la dernière fois se sont concrétisées, avec toutes leurs conséquences malheureuses pour l'économie. On nous a déjà signalé que les entreprises qui jouissaient de rabais sur le volume ont vu ces rabais diminuer. Les coûts supplémentaires que cela occasionne sont transférés aux consommateurs.

La diminution du nombre de sièges à rabais offerts a également eu le même effet qu'une augmentation des prix. Ces effets négatifs pour le consommateur seront-ils considérés comme des augmentations des prix, ou mesurera-t-on l'augmentation des prix simplement en comparant des listes d'une période à une autre?

Les fluctuations du marché pétrolier justifient amplement, à l'heure actuelle, certaines augmentations de prix. Dans quelle mesure ces augmentations seront-elles liées aux coûts réels, et les prix diminueront-ils s'il y a de nouveau une réduction des prix du pétrole? Qui sera autorisé à surveiller le rapport entre l'augmentation des coûts et l'augmentation des tarifs, et à quel point sera étroite la correspondance entre les coûts et les augmentations? Les données et les analyses qui servent à cette étude proviendront-elles du Canada, ou utilisera-t-on les données de l'industrie nord-américaine? L'ACC estime que ces questions signalent une grande lacune dans tout système qui vise à réglementer les prix du transport aérien.

Le paragraphe 66(8) proposé nous amène vers un sujet qui intéresse l'ACC à plusieurs titres: il s'agit des renseignements commerciaux confidentiels. Nous savons qu'il est important que les organismes de réglementation protègent les renseignements confidentiels dont la divulgation pourrait provoquer des pertes financières ou nuire à la position concurrentielle des propriétaires des renseignements. Toutefois, la plupart des gouvernements nationaux déterminent beaucoup plus exactement que le gouvernement canadien ce qui relève de la catégorie des renseignements commerciaux confidentiels.

Vu le manque de précision dans le système canadien, les entreprises choisissent généralement d'entrer dans cette catégorie plus de renseignements qu'il n'est strictement nécessaire. Une fois que des documents sont classés dans cette catégorie, les organismes de réglementation ne sont pas en mesure d'en divulguer le contenu. C'est pour cette raison que l'ACC s'oppose à ce que ce sujet soit traité au moyen d'un règlement. Cela aurait pour effet de miner sérieusement la transparence du régime canadien de réglementation. L'ACC souhaite que le Sénat demande que les règlements pris sous le régime de cet article identifient précisément quels documents sont vraiment confidentiels. Il faudrait également envisager de conférer à un comité de supervision quelconque le droit d'examiner les questions de confidentialité plutôt que de se fier à un processus interne dirigé par des bureaucrates.

L'ACC a certaines préoccupations quant aux articles 67.1 et 67.2 proposés. Les transporteurs aériens offrent souvent des spéciaux -- il peut s'agir de rabais offerts à une entreprise dont les employés voyagent beaucoup, ou de tarifs de transport de fret réduits parce que les envois sont suffisamment réguliers pour faciliter la planification. Une entreprise qui ne reçoit pas de tels rabais pourrait-elle déposer une plainte parce que ses concurrents reçoivent un avantage qui n'est pas listé dans les tarifs?

De toute évidence, la partie du projet de loi qui porte sur le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien préoccupe l'ACC. Malgré nos intérêts, il est difficile de faire de grandes observations à ce sujet, parce que le projet de loi n'est pas suffisamment détaillé et que, comme nous le savons tous, c'est des détails que naissent les problèmes. Il est peu probable que le Sénat ou le Parlement puisse disposer des nombreuses preuves de réussite ou d'échec des efforts précédents tentés partout dans le monde. Les règles qui créent le poste de commissaire sont essentielles, car sinon nous verserons de l'argent pour maintenir une façade inefficace qui risque de faire plus de tort que de bien. Nous allons faire des recommandations qui, nous l'espérons, seront reprises dans les règlements qui seront rédigés pour appliquer cette disposition. Veuillez également consulter nos remarques antérieures sur le processus d'examen public du projet de règlements.

Premièrement, nous espérons que le poste de commissaire aux plaintes relatives au transport aérien sera indépendant et apolitique, et que son titulaire possédera les qualités nécessaires à ce poste. L'ACC voudrait être certaine que le commissaire disposera des ressources nécessaires pour accomplir ses tâches et qu'il aura l'appui d'un conseil indépendant composé d'intervenants représentant divers intérêts. Nous souhaitons que cette commission s'aligne sur le modèle de celle du Royaume-Uni, et, il va sans dire, l'ACC serait heureuse d'y participer.

Le conseil doit être composé de représentants de tous les intervenants, surtout de toute la gamme des utilisateurs, ceux qui viennent des localités éloignées, ceux qui voyagent par affaires et pour des raisons personnelles, ceux qui achètent leurs billets à la dernière minute et ceux qui les achètent plus à l'avance, ainsi que les clients du transport de fret et de colis. Il faut également que soient représentés à ce conseil ceux qui offrent des produits et services, entre autres les agents de voyage, mais il faut que les utilisateurs occupent un nombre important de sièges au conseil, sinon la majorité. Par conséquent, la composition du conseil, son accès à des renseignements pertinents et opportuns, et son pouvoir de recommander ou d'ordonner des mesures au commissaire sont extrêmement importants et devraient être discutés davantage.

Le projet de loi est loin d'expliquer clairement quels seront les pouvoirs du commissaire. Sera-t-il chargé de répondre aux plaintes importantes pour lesquelles le consommateur a besoin d'un défenseur ou d'un arbitre? Ces affaires sont importantes et ont des effets profonds pour les personnes touchées. D'autre part, recueillera-t-il des plaintes sur les petits irritants et recommandera-t-il des mesures de correction dont les avantages sont plus faibles, mais touchent un plus grand nombre de consommateurs? L'ACC recommande qu'il soit autorisé à assumer ces deux fonctions, car elles sont toutes deux nécessaires. Nous recommandons également que le système de plainte soit simple pour le participant, et non bureaucratique, qu'on en fasse une bonne publicité et que tous les documents soient clairs, simples et faciles à lire dans les deux langues officielles. Nous avons des recommandations plus détaillées sur les pouvoirs qu'il faudrait conférer au commissaire par règlement. Ces recommandations sont annexées à notre mémoire écrit.

L'ACC a fait remarquer que le monopole pourrait avoir pour résultat une diminution de la qualité des services. Les niveaux de service ont déjà été réduits, mais nous pensons qu'ils pourraient l'être encore. Dans le nouveau régime, il ne sera plus nécessaire aux entreprises fusionnées de tenir compte des préférences des clients sur les trajets intérieurs. Il est clairement nécessaire de mettre en place des indicateurs de service, mais ces indicateurs sont très difficiles à concevoir.

L'ACC exhorte le gouvernement à adopter une loi qui obligerait le nouveau monopole à tenir des dossiers sur les trajets dont il a le monopole, outre les données sur les plaintes, sur la longueur des trajets, les interruptions de service, le temps d'attente au téléphone ou le temps de réponse en direct, les vols annulés, les passagers évincés, et cetera.

L'alinéa 29.1(2)f) proposé porte sur les données que recueillera le commissaire, et qui viendront pour la plupart des consommateurs canadiens. L'ACC souhaiterait que cette disposition permette d'offrir la même protection à l'égard de ces renseignements personnels confidentiels qu'aux renseignements commerciaux confidentiels. Nous voudrions nous assurer que tous les renseignements personnels seront traités conformément aux dispositions du projet de loi C-6.

Nous sommes entièrement d'accord avec l'article 104.1, qui permet au commissaire de prendre une ordonnance de cesser et de s'abstenir. On pourra ainsi mettre fin aux pratiques nuisibles avant qu'elles détruisent la concurrence. Nous espérons que les règlements n'assortiront pas l'application de cet article de trop nombreuses conditions.

Pour ce qui est des amendements apportés à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, l'ACC s'oppose aux limites visant la propriété par des intérêts étrangers. Le transport aérien n'a que peu de contenu culturel. À notre avis, toutes les sociétés aériennes devraient pouvoir communiquer avec leurs clients dans les deux langues officielles, mais les règles courantes suffiront. Les désavantages venant des obstacles à l'arrivée d'entreprises, qui nuisent aux entreprises et aux consommateurs canadiens -- de même qu'à l'efficacité de l'économie -- sont largement supérieurs aux bénéfices des actionnaires d'Air Canada. Il est très difficile de défendre les règles sur la propriété étrangère, surtout lorsque le pourcentage de la limite diffère d'un secteur à l'autre, comme par exemple dans le cas des banques et des chemins de fer. Si le Sénat convient qu'il est nécessaire de limiter la propriété étrangère afin de protéger Air Canada d'une réelle concurrence, l'ACC espère qu'on essaiera du moins dans ce projet de loi d'harmoniser les règles sur la propriété étrangère au Canada en appliquant le même pourcentage à tous les secteurs.

Que ce soit au moyen d'un amendement à cette loi ou au moyen d'une déclaration de politique, nous souhaitons que le gouvernement fasse clairement savoir qu'en tant qu'actionnaire d'Air Canada, il votera de façon à ce qu'Air Canada agisse de façon responsable maintenant qu'il est le transporteur dominant. Nous nous opposons à ce que l'on réduise maintenant la part d'Air Canada qui appartient au secteur public.

Pour conclure, même si nous croyons qu'une industrie en situation de monopole exige d'être davantage réglementée, le projet de loi C-26 n'offre pas vraiment tout ce qui est nécessaire pour garantir le minimum de qualité des services à la clientèle. Nous espérons que le Sénat recommandera des amendements pour faire de ce projet de loi un instrument efficace pour les consommateurs. L'ACC attendra la publication du règlement, qui précisera mieux les éléments concernant le commissaire chargé de recevoir les plaintes avant de se prononcer sur l'efficacité que pourrait avoir cette charge.

Le sénateur Forrestall: J'ai eu l'impression que vous tentiez d'obtenir les deux en même temps. Vous ne voulez pas davantage de règlements, et pourtant c'est cela que vous préconisez dans votre mémoire, au demeurant très détaillé et fort bien écrit. Cela m'incite donc à vous poser la question suivante: y a-t-il, dans ce projet de loi, quelque chose qui vous plaise?

Mme Hillard: Certainement. Il fixe en quelque sorte les paramètres d'un contrôle effectué par le consommateur. Nous aimons aussi assurément la disposition concernant la renonciation. Nous préférons toujours la concurrence à une réglementation lourde. Nous avons été parmi les principaux défenseurs de la déréglementation dans le secteur du transport aérien, et nous avions beaucoup aimé ce qui, pensions-nous, commençait à survenir dans ce secteur au Canada, soit l'avènement sur le marché d'une foule de petits transporteurs et la création, dans certaines des provinces les moins peuplées, de lignes aériennes à prix relativement abordables.

Je le répète, nous préférons toujours la concurrence à la réglementation. Étant donné qu'à notre avis Air Canada détient 80 p. 100 du marché -- nous sommes peut-être dans l'erreur, mais c'est le chiffre qui nous a été donné -- il est impossible de ne pas imposer à nouveau une certaine réglementation. Nous aimerions que cette réglementation soit aussi valable que possible pour le consommateur, sans pour autant empêcher de nouveaux transporteurs de s'implanter sur le marché.

Lorsque vous dites que nous voulons avoir les deux à la fois, je pense que vous avez probablement raison. Si vous rendez la réglementation trop rigoureuse pour pouvoir tenir la bride à Air Canada, vous rendez par le fait même la vie difficile aux nouveaux transporteurs qui voudraient se lancer sur le marché. Il y a un juste milieu très subtil qui est de mise ici.

Le sénateur Forrestall: Le ministre propose qu'il y ait un certain nombre d'observateurs. Nous ne savons pas encore combien il y en aurait ni quelles seraient leurs fonctions, si ce n'est de faire rapport une ou deux fois par an sur la mise en oeuvre de la loi en particulier, mais aussi, sur un plan plus général, j'imagine, sur l'état de santé de l'industrie. Avez-vous réfléchi sur ce sujet? Savez-vous quel serait le rôle de ces observateurs?

Mme Hillard: Au Royaume-Uni, c'est un conseil des passagers qui assume ce rôle et qui fait également fonction d'arbitre pour les consommateurs. Lorsqu'une audience est organisée pour déterminer qui doit recevoir telle ou telle nouvelle ligne et si de nouveaux transporteurs devraient pouvoir s'implanter sur le marché, c'est le conseil qui représente les passagers. À condition que les parties prenantes y soient bien représentées et que l'organisme en question soit suffisamment indépendant, transparent et tout le reste, un conseil comme celui-là serait fort utile pendant la période de transition, c'est-à-dire jusqu'au moment où il y aura à nouveau une véritable concurrence.

Le sénateur Forrestall: De quelle façon voudriez-vous voir créer cette charge de commissaire aux plaintes? Dans l'état actuel des choses, il semblerait qu'il puisse recevoir les plaintes et les transmettre, ou en transmettre l'objet, au Parlement canadien. Cela suffira-t-il?

Mme Hillard: Nous croyons que le commissaire aura besoin pour l'appuyer d'un conseil indépendant, et nous croyons aussi qu'il devra avoir des moyens suffisants. Nous aimerions également avoir l'assurance de son indépendance. Nous sommes très heureux du modus operandi du bureau de l'ombudsman dans le domaine bancaire. Une formule du même genre, peut-être avec un rôle élargi, serait utile dans le secteur du transport aérien.

Le sénateur Forrestall: L'ombudsman dont vous parlez dans le secteur bancaire est-il appuyé par un conseil?

Mme Hillard: En effet, et nous y sommes d'ailleurs représentés.

Le sénateur Forrestall: Pensez-vous que vous devriez également l'être s'il y avait un conseil qui viendrait épauler le commissaire aux plaintes?

Mme Hillard: Tout à fait. Nous estimons impératif que les passagers soient représentés, et, puisque nous sommes le seul groupe à caractère national, il est manifeste que nous nous proposerions pour être leur représentant.

Le sénateur Forrestall: À votre avis, est-ce que cela devrait être un poste à temps plein?

Mme Hillard: Celui du commissaire, certainement, mais pas ceux des administrateurs.

Le sénateur Forrestall: Je pensais au commissaire.

Mme Hillard: Bien sûr.

Sénateur Forrestall: Le commissaire devrait-il faire rapport au conseil d'administration tous les mois, ou quatre ou cinq fois par année?

Mme Hillard: Chaque fois que ce serait nécessaire.

Le sénateur Forrestall: Comment l'information qu'il recueille devrait-elle être transmise au grand public? Par le truchement d'un représentant du grand public qui siégerait au conseil?

Ce qui me préoccupe aussi, c'est le délai qui s'écoulera entre le moment où le commissaire recevra une plainte et le moment où il rendra son jugement: si cela prend 14 mois, c'est parfaitement inutile.

Mme Hillard: Je suis d'accord avec vous. Voilà pourquoi nous affirmons que le commissaire devrait, à notre avis, s'occuper des plaintes importantes tout en recevant également les plaintes mineures. Actuellement, nous sommes inondés de plaintes mineures, telles que des plaintes au sujet du temps qu'il faut attendre avant de se faire servir au téléphone ou au sujet des longues files d'attente dans les aéroports. Nous aimerions que le commissaire puisse recevoir ces plaintes mineures pour lesquelles il n'est pas nécessaire d'aller chercher des solutions indépendantes, pour qu'il puisse les étudier collectivement, au besoin, et recommander des mesures de redressement. La solution est peut-être très simple, comme abaisser la température dans les aéroports ou demander à quelqu'un de circuler et d'offrir des verres d'eau froide à ceux qui sont dans la file d'attente. Il y a toutes sortes de petites solutions toutes simples aux désagréments que subissent actuellement les voyageurs.

Le sénateur Forrestall: À votre avis, le commissaire aux plaintes devrait-il pouvoir entrer en communication avec la direction de l'aéroport et celle des compagnies aériennes?

Mme Hillard: Bien sûr.

Le sénateur Forrestall: Mais pensez-vous qu'il devrait pouvoir les appeler directement au téléphone pour discuter des problèmes?

Mme Hillard: Oui. Pour que cela fonctionne, il faut qu'il y ait à la fois souplesse, accessibilité, flexibilité dans les règles et un nombre minimal de niveaux dans l'organisation, sans quoi il faudra attendre des mois et des mois de brassage de papier avant que quoi que ce soit ne se fasse.

Le sénateur Forrestall: Nous n'avons pas de renseignements là-dessus: songez-vous à un petit bureau, avec une poignée de gens?

Mme Hillard: Nous n'avons pas confiance dans les administrations pléthoriques. En effet, nous songeons peut-être à un ou deux employés, en plus du conseil d'administration.

Le sénateur Forrestall: Combien de gens travaillent dans votre bureau, par exemple?

Mme Hillard: Nous avons trois employés à temps plein et trois à temps partiel.

Le sénateur Forrestall: Et quelles plaintes recevez-vous?

Mme Hillard: Toutes sortes de plaintes, au sujet de la soupe jusqu'aux noix, et vice versa. Nous avons également quelques employés dans certains de nos bureaux provinciaux.

Le sénateur Forrestall: Par conséquent, un petit nombre d'employés raisonnablement actifs et compétents pourraient s'occuper de cela.

Mme Hillard: Oui, s'ils sont bien équipés.

Le sénateur Forrestall: Envisagez-vous une organisation permanente?

Mme Hillard: Je crois que nous n'avons pas le choix, tant qu'il n'y aura pas de concurrence véritable. Il y aura toujours des plaintes au sujet des compagnies aériennes, mais le bureau pourra réduire ses opérations une fois que la concurrence sera revenue. Nous avons eu de la chance, car tant que la concurrence entre Air Canada et Canadien existait, le service était de très grande qualité chez les deux concurrents. Un jour, nous reverrons peut-être cela.

Le sénateur Forrestall: Le bon vieux temps, où il était possible d'intervenir à la Chambre des communes à coups de poing sur votre pupitre, en feignant la colère et en exigeant réparation, me manque.

C'est un dossier important. Lorsque j'ai appris la chose, je me suis demandé si le ministre n'était pas en train d'ériger des barricades autour de lui.

Mme Hillard: En un sens, c'est ce qu'il fait.

Le sénateur Forrestall: Je vous remercie du travail que vous avez fait dans ce dossier. De notre côté, nous devons faire enquête. La difficulté, c'est que le projet de loi a déjà été approuvé en principe par la Chambre des communes; voilà pourquoi nous devons trouver des façons originales de faire passer notre point de vue, soit par un amendement ou d'une autre façon. Peut-être aurez-vous un jour l'occasion d'entendre dire que ces points de vue ont bel et bien été communiqués.

Mme Hillard: En fait, nous avons pris nos recommandations dans notre texte et les avons regroupées à la fin pour qu'elles soient plus faciles à consulter.

Le sénateur Callbeck: Bienvenue à nos témoins, et merci d'avoir comparu. Ma première question touche les plaintes. Si votre bureau est créé, comment comptez-vous le faire connaître au grand public? Vous avez dit que les banques avaient leur ombudsman, mais quel pourcentage de la population connaît son existence?

Mme Hillard: Trop peu sont au courant. Ce que nous avons recommandé, c'est que tout ce qui est communiqué à ce sujet soit de la plus haute qualité et très complet. On doit pouvoir trouver des feuillets explicatifs à chaque comptoir d'enregistrement et chez tous les agents de voyage. Les sites Web doivent également en mentionner l'existence. L'information doit être compréhensible et claire dans les deux langues, et il faut qu'on y trouve des numéros sans frais qui permettent de parler à un être humain, sans qu'il soit nécessaire d'enfoncer une série de touches.

Le sénateur Callbeck: Ce qui semble être l'un des plus grands problèmes, c'est d'essayer de faire connaître cette ressource auprès du grand public.

Mme Hillard: En effet, c'est sans doute le cas, mais si nous agissons aujourd'hui, nous pourrions profiter d'un énorme avantage. En effet, toute l'industrie aérienne est actuellement scrutée à la loupe, comme le confirme tous les appels que nous ne cessons de recevoir de la part de consommateurs et des médias.

Tous les problèmes qui surviennent dans les aéroports sont mis sur le compte des compagnies aériennes. Nous commençons même à recevoir des plaintes au sujet des vols nolisés, et ces plaintes sont complètement détachées de la réalité. Certains consommateurs nous appellent pour dire qu'ils n'ont payé que 300 $ leur billet d'avion mais voudraient savoir pourquoi le service à bord n'est pas le même que s'ils avaient acheté un billet d'Air Canada à 3 000 $. Notre association des consommateurs a parfois beaucoup de mal à expliquer à ces gens qu'ils en ont eu pour leur argent, et que s'ils veulent avoir plus, il leur faudra payer plus cher la prochaine fois. Or, nous n'avions jamais encore reçu jusqu'à maintenant de plaintes de ce genre.

Tout le monde a les yeux tournés vers les compagnies aériennes, et le moment serait donc bien choisi pour créer un bureau et pour informer le grand public, tandis que tous les Canadiens ont leurs yeux rivés sur les compagnies aériennes. Si vous attendez six mois, le dossier pourrait ne plus être d'actualité, et nous aurions beaucoup plus de difficulté à informer les Canadiens.

Le sénateur Callbeck: Il y a beaucoup de frustration dans l'air et beaucoup de gens ont à se plaindre.

J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une charte des droits du voyageur. Vous n'en avez pas parlé vous-même. Pensez-vous que la concurrence en soi réglera le problème et qu'une charte de ce genre ne sera pas nécessaire?

Mme Hillard: Nous préférons laisser la concurrence agir, même si une charte des droits du voyageur offre des avantages. Vous remarquerez que nous ne faisons pas partie de la coalition, même si on nous a invités à nous y joindre. Mais lorsque nous nous sommes demandé quelle orientation prenait la coalition, nous avons décidé que nous ne pouvions accepter tous ses objectifs. Voilà pourquoi nous avons décidé de ne pas en faire partie.

Donc, cette charte des droits du voyageur offre certains avantages, mais nous ne sommes pas sûrs que cette charte soit la solution dans la situation actuelle.

Le sénateur Callbeck: Qu'est-ce qui ne vous convenait pas dans la coalition?

Mme Hillard: La coalition ne semblait pas prôner la concurrence et semblait trop se fier aux règlements, alors que, comme je l'ai déjà expliqué, nous ne misons pas énormément, pour notre part, sur les règlements.

Au départ, la coalition ne semblait pas non plus être contre le monopole. Elle semblait mettre surtout l'accent sur la charte des droits du voyageur, alors que, de notre côté, nous pensions plus important de prôner la concurrence dans le marché aérien.

Je dois avouer ne pas avoir vu d'ébauche récente de la charte, mais dans la première ébauche, on proposait de substituer à la voie de l'air les chemins de fer. C'est peut-être bon dans ce coin-ci du pays, mais à Winnipeg, d'où je viens, les chemins de fer ne sont pas vraiment une solution de rechange viable à l'avion.

Voila pourquoi l'Association des consommateurs a décidé de faire cavalier seul. Mais nous sommes bien représentés partout au pays. La dernière fois que nous avons comparu, nous vous avions expliqué que nous avions réussi à trouver des gens du Nunavut qui avaient accepté de siéger à notre comité sur l'industrie aérienne.

Nous n'avons pas suffisamment de points en commun pour nous associer à la coalition. Mais tant mieux pour elle si elle réussit à faire adopter sa charte des droits, car cela pourra aider les voyageurs. Mais pour notre part, nous ne voulions pas miser uniquement sur cette charte.

Le sénateur Spivak: J'ai trouvé que vous aviez interprété de façon très imaginative l'évaluation des répercussions communautaires du rapport MacKay. La loi stipule que dès qu'un transporteur se propose de retirer ou de réduire ses services, il doit permettre aux édiles locaux d'en discuter des répercussions sur leurs régions, mais je sais que cette disposition est faible. En effet, qu'entend-t-on par «discuter»?

Vous pourriez peut-être nous rappeler comment ces évaluations des répercussions communautaires doivent être menées. J'imagine que cela signifie que l'on regardera quel sera l'effet cumulatif du point de vue économique pour toutes ces petites localités qui non seulement perdent leur transport aérien, mais qui souffrent aussi de voir leur ligne de chemin de fer abandonnée, ce qui, au total, porte préjudice à la qualité de la vie rurale au Canada. Avez-vous d'autres idées là-dessus?

Mme Hillard: Comme nous avons des membres aux quatre coins du pays, nous avons pu aller chercher des expériences diversifiées dans tous les secteurs. C'était justement un des aspects du rapport MacKay qui nous avait particulièrement plu. Avant de fermer une banque, il fallait attendre pendant trois mois, je crois, et la banque était obligée de mener une évaluation des répercussions communautaires pour établir quelle serait l'incidence économique et sociale de la fermeture. Il fallait donc colliger les commentaires donnés par d'autres personnes avant de préparer un rapport.

Le sénateur Spivak: Il faut aussi inclure des solutions de rechange.

Mme Hillard: Oui, on peut proposer des solutions de rechange. Il est parfois possible, par exemple, qu'une épicerie offre des services bancaires. Je ne suis pas sûre de savoir comment on pourrait remplacer une compagnie aérienne, toutefois. Vous et moi sommes originaires de la même province. Il y a bien des compagnies aériennes satellites qui pourraient peut-être desservir Flin Flon, si Air Canada se retirait. De fait, les répercussions qu'un retrait pourrait avoir sur la localité permettraient peut-être d'ouvrir la porte à des concurrents pour les liaisons secondaires.

Le sénateur Spivak: Mais cette exigence dans le rapport MacKay ne s'est toutefois par retrouvée dans le projet de loi, n'est-ce pas?

Mme Hillard: Pas encore, car M. Martin n'a pas encore déposé son document financier. Nous l'attendons tous avec beaucoup d'impatience, et nous espérons que cette disposition s'y trouvera.

Le sénateur Adams: Comment votre organisation est-elle financée?

Mme Hillard: Nous recevons les cotisations de nos membres ainsi que des dons. Nous recevons également du financement pour des projets. Le gouvernement ne nous donne aucune subvention de base, et nous n'acceptons pas d'argent des industriels.

Mme Lacombe: Mme Hillard a tout dit. Elle et moi sommes des bénévoles qui donnons de notre temps à l'organisation. Nous faisons notre travail avec l'aide d'experts de tout le pays qui font partie de notre organisation. Notre bureau compte une poignée d'employés.

Au départ, la majeure partie de notre travail s'effectuait en collaboration avec le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. Mais notre champ d'action s'est aujourd'hui élargi, et nous collaborons souvent avec Agriculture Canada, avec le ministère des Finances et avec Santé Canada.

Les seuls fonds que nous recevons du gouvernement, c'est lorsque nous avons des projets d'achats de service: dans ces cas-là, nous menons à bien notre projet, puis nous rédigeons un rapport.

Le sénateur Adams: Vos membres sont-ils majoritairement des gens d'affaires, ou des agriculteurs, par exemple? J'aimerais en savoir un peu plus. Présumément, vous écoutez ce que vos membres ont à vous dire avant de faire des commentaires sur un projet de loi tel que le C-26. Comment faites-vous pour savoir ce que les Canadiens pensent du projet de loi C-26?

Mme Lacombe: Nos membres et nos bénévoles proviennent de tous les horizons professionnels. Dans l'Ouest, certains de nos membres sont des agriculteurs, et nous comptons même un phytopathologiste dans nos rangs. Nous comptons également des universitaires et des économistes.

Mme Hillard: Si cela peut vous intéresser, monsieur le sénateur, le comité qui travaille actuellement sur notre rapport sur les services aériens inclut le doyen de la Faculté d'économie de l'Université de Waterloo, un retraité de Yellowknife, un ministre anglican d'Iqaluit, un professeur d'Université d'Edmonton, un expert-conseil du sud de l'Ontario, une infirmière d'Edmonton, une femme au foyer de Winnipeg, et un bénévole à temps plein, c'est-à-dire moi-même, à partir de la chambre d'hôtel où je me trouve ce jour-là.

Voilà comment se compose notre comité: tous ses membres ont eu voix au chapitre dans la préparation du document.

Le sénateur Adams: Depuis que je fais partie de ce comité-ci, je vous ai déjà vu comparaître à trois ou quatre reprises. Je vous connais bien.

Mme Hillard: Et nous espérons comparaître à nouveau sous peu.

Le sénateur Adams: Lorsque le gouvernement nomme un commissaire ou un ombudsman, on n'entend plus parler de lui pendant six mois ou même un an, alors que chez vous, vous trouvez le moyen de nous faire rapport sur des dossiers très rapidement. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe dans les divers milieux industriels?

Mme Hillard: Nous gardons l'oeil sur le marché pour voir quels sont les grands dossiers qui ont une incidence sur les consommateurs canadiens. Nous essayons d'établir l'ordre de priorité de tous ces dossiers. Nos membres choisissent eux-mêmes de former des comités de volontaires qui se penchent sur diverses questions. Nous lançons un appel à tous sur l'Internet et nous expliquons à nos membres que tel ou tel dossier nous intéresse et que nous voudrions former un comité avec des volontaires. Une fois que nous nous sommes assurés que toutes les régions sont représentées, nous nous mettons à l'oeuvre.

Mme Lacombe: Nous croisons les doigts et espérons pouvoir comparaître à nouveau lorsque vous étudierez le projet de loi sur l'abonnement par défaut qui a été adopté par la Chambre des communes. Nous espérons qu'il sera renvoyé à votre comité, qui devrait logiquement en être saisi. Nous espérons que le projet de loi vous parviendra.

Le sénateur Perrault: Il y a une chose que je voudrais savoir: il y a plusieurs années, nous nous sommes abonnés à une revue publiée par un regroupement de consommateurs, mais à laquelle est venue s'ajouter plus tard une autre revue. Était-ce votre projet à vous? Cette revue m'a paru excellente.

Mme Lacombe: En effet, sénateur Perrault, nous avions publié la revue «Canadian Consumer». Malheureusement, la publication a cessé en 1993, mais tout n'est pas perdu pour autant. Disons que nous espérons pouvoir publier à nouveau une revue en anglais destinée au Canada anglais, et nous espérons pouvoir y parvenir en nous concertant avec l'équivalent en français de cette revue au Québec. Je viens moi-même du Québec.

Nous nous croisons les doigts et espérons pouvoir publier à nouveau une revue en anglais destinée aux consommateurs anglophones. Il est malheureux qu'il n'y en ait aucune actuellement au Canada.

Le sénateur Perrault: Nous avons gardé chacun des numéros. Pourquoi n'êtes-vous pas présents sur Internet? Après tout, on y trouve un site pour les consommateurs, et le Canada se doit d'y être présent.

Mme Hillard: Nous avons notre propre site Internet, mais qui n'est pas terriblement actif. Comme pour toute chose, cela coûte cher, et il nous faudrait du personnel supplémentaire. Si nous parvenons à lancer une publication anglophone, il faudra pouvoir la distribuer par voie électronique. Nous abandonnons de plus en plus le papier.

Le sénateur Perrault: Vous nous avez présenté ce soir un mémoire excellent, et je vous souhaite bonne chance.

La présidente: Merci à tous nos témoins.

Le séance est levée.


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