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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 1er mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones auquel a été renvoyé le projet de loi S-24, Loi visant à mettre en oeuvre l'entente conclue par les Mohawks de Kanesatake et Sa Majesté du chef du Canada concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par ceux-ci sur certaines terres et modifiant une loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous sommes ici ce matin pour étudier le projet de loi S-24, la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake. Il s'agit d'un projet de loi bien particulier et d'une situation bien particulière. Je m'intéresse aux revendications territoriales depuis 35 ans environ et c'est la première fois que je vois cela. Cette initiative va être extrêmement intéressante pour nous tous.

Chef Gabriel, veuillez commencer votre exposé.

Grand chef James Gabriel, Mohawks de Kanesatake: Honorables sénateurs, je me réjouis d'être ici ce matin pour vous faire un exposé sur le projet de loi S-24 et l'accord concernant la gestion de notre territoire. Je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Brenda Etienne est la négociatrice mohawk en chef. Anjali Choksi, notre conseillère juridique, travaille avec nous depuis plusieurs années et a suivi ce processus depuis le début.

Cet accord et la loi qui a été déposée ici n'auraient pas été possibles sans le dévouement et le travail acharné de beaucoup de gens que je voudrais mentionner brièvement. Il y a d'abord la collectivité de Kanesatake qui, le 14 octobre, a ratifié l'accord qui nous a permis de venir à Ottawa et d'obtenir cette loi. Notre propre équipe de négociation, Brenda Etienne et Anjali Choksi, a travaillé très fort. Un bon nombre de membres de notre collectivité ont également travaillé fort au cours du processus de consultation. Ils ne sont malheureusement pas ici avec nous, mais je les remercie du fond du coeur pour nous avoir soutenus.

[Français]

Je veux m'excuser du fait que je n'ai pas soumis une traduction de ma présentation. La version française sera disponible très bientôt. Encore une fois, je tiens à m'excuser.

[Traduction]

Au cours du processus de négociation, l'équipe fédérale qui travaillait à cette initiative en collaboration avec le conseil mohawk a fait preuve de beaucoup de créativité et d'ouverture d'esprit, ce qui nous a permis de réaliser des progrès au cours des cinq à six dernières années.

Pendant cette période j'ai eu, à titre de grand chef, la chance de pouvoir représenter notre collectivité. J'ai également eu le privilège d'établir d'excellentes relations de travail avec le négociateur fédéral en chef, Eric Maldoff. Je crois que ces bonnes relations de travail ont contribué à redonner à notre collectivité confiance dans le processus dans lequel nous nous sommes engagés avec le gouvernement fédéral, ce qui nous a permis d'aller de l'avant.

Au cours des années, nous avons fini par bien connaître l'équipe des Affaires indiennes et cette dernière a fini par bien connaître un bon nombre des membres de notre collectivité. Ce genre de relations de travail nous permet d'avoir confiance dans le processus parce que ces négociations n'ont rien de simple. Elles sont très complexes. Le travail que nous avons accompli avec le gouvernement fédéral n'a pas toujours été facile. Cela a été difficile et parfois frustrant, mais dans l'ensemble, nous avons pu, en étant sur la même longueur d'ondes et en ayant de bonnes relations de travail, conjuguer nos efforts pour présenter cet accord et ce projet de loi au Parlement.

Ce projet de loi représente une étape cruciale pour Kanesatake. Il met en oeuvre, par l'entremise du Parlement, l'Accord sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake conclu entre les Mohawks de Kanesatake et le gouvernement du Canada le 21 décembre 2000. Cela nous permettra de prendre notre avenir en main, de nous gouverner nous et notre territoire provisoire et d'apporter à Kanesatake la stabilité sociale et économique ainsi que la sécurité dont la collectivité a tant besoin, ce qui assurera sa prospérité future.

Kanesatake est une collectivité mohawk d'environ 2 000 personnes située en bordure du lac des Deux-Montagnes, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Montréal. Notre communauté a un énorme potentiel humain. Les gens de Kanesatake, qui sont nos ressources humaines, sont talentueux et généralement très au courant de la culture, des lois et des traditions mohawk. Ils parlent le mohawk, l'anglais ou le français. Une bonne partie d'entre eux sont bilingues et nombreux sont ceux qui, comme le chef Dean Gabriel et le chef Clarence Simon qui m'accompagnent ici aujourd'hui, parlent couramment les trois langues.

Nous avons de l'expérience dans l'agriculture, la construction, l'enseignement, la diplomatie, le travail de l'argent, le travail des perles, le travail du bois et le travail du fer. Ce printemps, nous avons commencé à construire une école d'immersion en langue mohawk pour nos enfants. Un grand nombre de nos ouvriers qualifiés travaillent actuellement à ce chantier. Nous voulons faire de Kanesatake un endroit prospère et accueillant pour les générations actuelles et futures tout en préservant notre identité de peuple mohawk.

L'emplacement géographique de notre collectivité est idéal. Nos terres, qui sont situées sur les collines surplombant le lac des Deux-Montagnes, ont un riche potentiel agricole et touristique et ce sont là deux facteurs de développement économique stable et durable. Nous ne sommes qu'à 45 minutes de route du centre-ville de Montréal, mais notre collectivité est plus rurale qu'urbaine. La nature de notre territoire provisoire est très particulière. Un grand nombre des terrains qui composent le territoire mohawk de Kanesatake sont situés à l'intérieur des limites du village d'Oka et côtoient les terrains des non-Mohawks.

La nation mohawk a, comme les autres cinq nations de la Confédération iroquoise ou Haudenosaunee, une tradition démocratique. De nombreux historiens classiques se sont émer veillés devant la structure politique progressiste de la Confédération iroquoise, qui a été formée il y a plus de 600 ans. C'est une structure politique dans laquelle les femmes ont toujours exercé d'importants pouvoirs. Un historien a décrit la Confédération iroquoise comme un gouvernement de l'ensemble, par l'ensemble, dans l'intérêt de l'ensemble. Benjamin Franklin, l'un des concepteurs de la Constitution des États-Unis, avait étudié la structure politique et les traités des Iroquois et il a été inspiré par la Constitution du peuple iroquois lorsqu'il a mis la main à la Constitution américaine.

En tant que conseil d'une collectivité membre de la nation mohawk, nous adhérons à la règle du droit en assurant la démocratie, la reddition de comptes et la transparence. Malheureusement, en raison de certaines incertitudes juridiques quant au statut du territoire mohawk de Kanesatake, notre collectivité a souvent été qualifiée de «vide juridique» et la règle du droit en a souffert. Kanesatake n'a jamais été une réserve indienne et notre peuple rejetait depuis longtemps le modèle désuet et parternaliste imposé par la Loi sur les Indiens. En raison de l'absence de statut juridique reconnu, le caractère particulier de notre territoire n'a pas été respecté et le gouvernement légalement élu des Mohawks de Kanesatake, le Conseil mohawk, n'a jamais eu de pouvoir législatif reconnu. Cette situation a ralenti notre développement économique et a découragé les membres de notre collectivité qui n'ont pas pu exploiter les débouchés qui s'offraient à eux à cause de l'absence de pouvoir.

Autrement dit, une collectivité ne peut pas se développer et prospérer lorsque son gouvernement ne peut pas gouverner et lorsque le statut juridique de son territoire n'est pas clair. Ce vide juridique nuit à la stabilité et suscite la confusion, le désordre et l'anarchie. Le manque de stabilité et de reconnaissance juridique ainsi que des siècles d'inaction de la part du gouvernement devant nos préoccupations territoriales sont les principaux facteurs qui ont conduit à la crise d'Oka en 1990. Je crois que la crise de 1990 était l'aboutissement de nombreuses années de frustration et de marginalisation. Comme le conseil de l'époque ne pouvait pas exercer efficacement son mandat, il a été facile de ne pas tenir compte de l'avis de la population et des gens qui n'étaient pas mandatés par le peuple ont pu facilement prétendre parler en notre nom. La crise d'Oka portait sur la protection de notre territoire, la reconnaissance de nos griefs et la défense de nos droits. Elle s'est produite en partie parce que nous ne pouvions pas nous faire entendre et parce que le conseil mohawk de l'époque ne pouvait pas gouverner efficacement.

Dans les années qui ont suivi la crise d'Oka, les Mohawks de Kanesatake et le gouvernement canadien ont commencé à négocier des solutions visant à répondre aux griefs des Mohawks de Kanesatake.

Nous nous sommes d'abord concentrés sur les griefs reliés aux terres. La résolution de ces griefs revêt une importance cruciale pour ma collectivité. Toutefois, avec le temps, il est devenu évident qu'il serait difficile de résoudre ces griefs sans d'abord mettre en place une structure de sécurité publique et de pouvoir efficace. Nous devions résoudre le problème du désordre et assurer la sécurité des membres de notre collectivité.

Permettez-moi de décrire l'ampleur du problème. Du début au milieu des années 90, nous avions tellement l'habitude d'entendre des coups de feu que nous ne réagissions même plus. Que ce soit dans les patinoires extérieures, sur les terrains de pique-nique ou lors des réunions familiales, nous entendions des coups de feu sans que qui que ce soit réagisse. Les vols par effraction étaient fréquents et les gens qui devaient s'absenter de leur maison pendant quelques jours le faisaient toujours avec beaucoup d'inquiétude. Nous n'avions aucune force policière à qui faire appel.

La Sûreté du Québec ne pouvait pas et ne voulait pas faire la police sur notre territoire et nous n'avions pas les moyens de nous doter d'une force policière efficace. En 1996, après avoir été mandaté par notre collectivité, le Conseil mohawk de Kanesatake a entamé des négociations avec le Canada et le Québec dans le but de mettre sur pied une force policière mohawk pour les Mohawks de Kanesatake. L'accord provisoire suivi d'un accord triennal qui en ont résulté sont les premières ententes concrètes qui ont été conclues entre les Mohawks de Kanesatake et les gouvernements du Canada et du Québec.

La police mohawk de Kanesatake est une force policière bien formée qui travaille sous la supervision de la Commission de police mohawk de Kanesatake, un organisme indépendant composé de cinq femmes très respectées de la collectivité. Notre force policière a pour mandat de faire appliquer «toutes les lois en vigueur», mais nous étions l'une des rares collectivités des Premières nations du Canada qui ne pouvaient pas adopter leurs propres lois ou règlements. Pour que le principe de la «règle du droit» ait une véritable signification pour les Mohawks de Kanesatake, il est essentiel que nous ayons la capacité d'élaborer et d'adopter nos propres lois et de régler les questions qui préoccupent particulièrement notre population.

Une fois la force policière mise en place, notre deuxième priorité consistait à nous doter d'un gouvernement responsable et efficace. L'accord territorial et le projet de loi que vous avez sous les yeux aujourd'hui garantissent aux gens de Kanesatake qu'ils auront un gouvernement mohawk efficace ayant le pouvoir de légiférer. L'accord reconnaît, pour la première fois, le statut constitutionnel très particulier que le point 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au territoire mohawk de Kanesatake. L'accord territorial garantit que le Conseil mohawk gouvernera équitablement, ouvertement et honnêtement dans l'intérêt de la collectivité. Cet accord et ce projet de loi apporteront la stabilité, la prospérité et l'indépendance dont Kanesatake a grand besoin. La stabilité est indispensable pour assurer un développement économique durable.

En plus de reconnaître notre capacité de légiférer, l'accord et le projet de loi nous fournissent un processus pour la nomination de nos propres juges de paix qui seront chargés de faire observer ces lois. Toutefois, tel qu'indiqué à l'article 38 de l'accord et au paragraphe 16(2) du projet de loi, nous ne nommerons pas de juges de paix avant d'avoir conclu avec le Canada une entente qui assurera l'indépendance de ces juges et définira la place qu'ils occuperont dans l'ensemble du système judiciaire.

Le statut constitutionnel du territoire mohawk de Kanesatake est une question en suspens depuis de longues années. Tout en rejetant le modèle archaïque et paternaliste de la Loi sur les Indiens, nous avons recherché la protection du point 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui reconnaît et protège le caractère unique de nos terres indiennes. Grâce au projet de loi dont vous êtes saisis, nous avons obtenu, comme nous le souhaitions depuis longtemps, la reconnaissance de toutes les terres que les Mohawks détiennent actuellement à Kanesatake, y compris celles qui se trouvent dans le village d'Oka. Les dispositions d'harmonisation de l'accord territorial et du projet de loi ont été formulées avec soin pour que nous puissions travailler, avec nos voisins, la municipalité d'Oka, à la mise en valeur des terres avoisinantes.

Ces dispositions font en sorte que l'harmonisation se fasse dans les deux sens et qu'une des parties n'impose pas son diktat à l'autre. Une harmonisation à sens unique ne peut que favoriser le ressentiment, mais le processus incorporé dans notre accord et dans le projet de loi garantit que les deux parties travailleront ensemble à la mise en valeur et à la protection des terres avoisinantes.

Nous avons constitué un comité de chefs et d'experts techniques qui participera aux discussions que nous aurons avec la municipalité au sujet de l'harmonisation et de nos intérêts communs. Sur mon invitation, la municipalité d'Oka a constitué un comité similaire et nous avons déjà commencé à discuter des questions présentant une importance mutuelle qui découlaient de l'accord territorial.

Le 26 février dernier, j'ai prononcé devant la Chambre de commerce du Lac des Deux-Montagnes, un discours dans lequel j'ai exprimé notre désir de participer davantage au développement régional. J'ai expliqué que nous allions occuper la place qui nous revenait en tant que partenaires à part entière dans le développement d'une économie dont nous sommes restés à l'écart pendant trop longtemps et que nous étions restés isolés de nos voisins pendant beaucoup trop de temps. Nous avons été bien accueillis à cette réunion. Nous avons trouvé réconfortant de faire partie de l'ensemble de la société, si vous voulez.

Tel que promis aux articles 46 et 47 de l'accord territorial, nous avons été consultés à toutes les étapes du processus de formulation du projet de loi que vous avez sous les yeux. Par l'entremise de notre conseillère juridique, nous avons pu poser des questions, faire des observations et des suggestions concer nant le libellé du projet de loi. Dans le cadre du processus de consultation, les membres de la collectivité ont pu exprimer des inquiétudes quant à savoir si la loi fédérale refléterait ou non l'accord et il était très important pour nous que la teneur de l'accord se reflète dans le projet de loi. Un bon nombre de nos anciens nous ont dit de veiller à ce que la loi reflète l'accord. Comme vous pourrez le comprendre, nos anciens, qui ont vécu des expériences négatives, éprouvent encore une certaine méfiance à l'idée de conclure des accords.

À notre avis, le projet de loi reflète à la fois l'esprit et la teneur de notre entente avec le Canada. Nous sommes également satisfaits de son libellé. Nous sommes particulièrement satisfaits de la façon dont le projet de loi reflète le rythme de notre processus de négociation. Il s'agit d'un processus de négociation permanent avec le Canada et nous sommes déterminés à ce que ce processus nous permette de résoudre les griefs qui sont ceux des Mohawks de Kanesatake depuis de longues années.

Les questions abordées dans ce projet de loi sont pressantes et urgentes à nos yeux. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un vide juridique, mais ne pouvons pas laisser l'urgence de ces questions dicter le rythme des négociations sur d'autres sujets. Nous devons procéder de façon graduelle.

N'oubliez pas que Kanesatake n'est pas une collectivité dont le passé a été marqué par des relations harmonieuses avec le gouvernement du Canada ou même le gouvernement du Québec. Il y a beaucoup de méfiance, d'appréhension et de suspicion. Certains croient que toute initiative qui est appuyée par le Canada doit forcément être contraire aux intérêts des Mohawks de Kanesatake.

Le conseil et moi-même ne partageons pas ces convictions, mais il est important que nous puissions négocier à un rythme qui reflète la volonté de notre collectivité. Les gens doivent voir que le processus de négociation et les accords qui en découlent améliorent leur vie et la vie de leurs enfants. Je suis convaincu que lorsqu'ils verront l'accord territorial améliorer le niveau de vie et les débouchés à Kanesatake, de nouveaux accords et initiatives avec le Canada deviendront possibles et seront même attendus.

En fin de compte, notre collectivité s'attend à ce que ses griefs soient réglés aux termes d'un traité. En reconnaissant explicitement qu'il s'applique au territoire de Kanesatake, le projet de loi nous permet de croire que le Canada est déterminé à poursuivre les négociations en vue de résoudre les revendications de Kanesatake. Cela nous révèle que le Canada croit également en la validité de notre processus.

Comme vous le savez, l'accord dont ce projet de loi découle a été ratifié de justesse par scrutin secret, à Kanesatake, en octobre 2000. Je voudrais vous parler du processus de ratification et de la façon dont il s'est déroulé.

Avant d'avoir réalisé des progrès significatifs dans nos négociations avec le Canada au sujet du contenu de l'accord territorial nous avons entrepris de consulter notre population. Nous estimions ne pas pouvoir simplement lui demander de ratifier ce document.

Il était extrêmement important qu'elle puisse émettre son opinion au sujet de la teneur de l'accord. Le 30 octobre 1998, Brenda Etienne, notre coprésidente à la table de négociation, a envoyé une lettre en anglais et en français à tous les membres de la collectivité pour les informer du travail qui s'effectuait à la table sectorielle. Elle les a également informés que nous allions les consulter au sujet de la teneur d'un projet d'accord avec le Canada et d'un code. Le titre de l'accord a été modifié en janvier 1999 à la suite des observations des membres de la collectivité qui avaient participé aux ateliers.

Nous n'avons pas fixé immédiatement de limite de temps pour ces consultations, car nous ne voulions pas que les gens se sentent bousculés. En fin de compte, ces consultations initiales ont duré de décembre 1998 à juin 1999.

Au cours de ce processus, d'autres bulletins ou communiqués ont été envoyés à tous les membres de la collectivité qui résidaient sur le territoire mohawk de Kanesatake ou à l'extérieur. Ces communiqués les informaient du processus, les invitaient à participer à un atelier de consultation et leur fournissaient les noms et les numéros de téléphone des personnes à contacter s'ils souhaitaient participer. Ces avis ont été envoyés en anglais, en mohawk et en français, le 3 novembre 1998, le 25 novembre 1998, le 18 janvier 1999, le 8 mars 1999 et le 21 mai 1999.

De plus, comme je l'ai déjà mentionné, nous avons chargé quatre membres très respectés de notre collectivité de contacter la population pour l'inviter à participer à l'atelier. Grâce à ces efforts, plus de 600 Mohawks de Kanesatake ont accepté d'assister à l'atelier. Un peu moins de 300 y sont allés et ont participé aux ateliers de consultation qui étaient animées par Brenda Etienne et notre conseillère juridique, Anjali Choksi.

Les ateliers ont duré de deux à trois heures. Ils se sont déroulés dans une atmosphère détendue, autour d'une table, afin de donner aux gens la possibilité de poser des questions et de formuler des opinions sans se sentir mal à l'aise. Les réunions se sont déroulées en anglais, en français et en mohawk, que Mme Etienne parle également couramment.

Au cours de ces ateliers, les membres de la collectivité nous ont informés qu'ils préféraient que nous procédions graduellement en ce qui concerne l'accord territorial. Au départ, nous voulions inclure dans l'accord la compétence sur les intérêts fonciers. Suite aux observations des participants, nous avons estimé qu'il serait préférable de différer cette question jusqu'à la deuxième étape et de mettre plutôt l'accent sur le gouvernement et le statut de notre territoire.

Nous avons longuement discuté de la teneur de notre code foncier au cours de nos ateliers. Notre code, que la collectivité a adopté en même temps que l'accord, se compose de trois parties. Elles portent sur l'imputabilité politique du Conseil mohawk de Kanesatake, l'imputabilité financière et l'élaboration de lois. Le code a été établi en tenant compte de la contribution des personnes qui ont participé aux ateliers. À l'issue de ces consultations initiales, nous nous sommes engagés dans des négociations intensives avec le Canada qui se sont traduites par l'accord territorial.

Le 21 juin 2000, l'accord territorial a été paraphé. C'était le point de départ d'un nouveau processus d'information intensive. Nous avons organisé deux assemblées publiques pour discuter de l'accord les 5 et 29 juillet 2000. Toutefois, ces réunions n'ont pas été productives. Moins de 50 personnes ont assisté à chacune d'elles et sur ces 50 personnes, une quinzaine seulement ont pris part aux discussions. Les questions soulevées n'avaient pas grand-chose à voir avec l'accord ou le code. Par conséquent, le Conseil mohawk de Kanesatake a estimé que des séances d'information revêtant la forme d'ateliers seraient le seul moyen d'informer pleinement la population de la teneur de l'accord et du code et des conséquences d'un vote affirmatif ou négatif.

Le même groupe de femmes a de nouveau été chargé de contacter les gens par téléphone ou en personne pour leur demander de venir à un atelier. Plus de 460 membres de la collectivité ont été contactés directement de cette façon.

Une cinquantaine d'ateliers ont été organisés entre le 6 juillet 2000 et le 6 octobre 2000. Cinq de ces ateliers ont eu lieu sur le territoire mohawk de Kanesatake pour les électeurs non résidents admissibles et les autres sur le territoire mohawk de Kanesatake, dans les centres des anciens ou chez les gens.

Encore une fois, Mme Etienne et Mme Choksi ont animé ces ateliers en anglais, en français et en mohawk. Ces séances d'information ont généralement duré deux heures, mais un bon nombre d'entre elles ont été plus longues. Il y a eu aussi quelques séances plus courtes pour les anciens.

À l'occasion de ces ateliers, les participants ont étudié l'accord et le code article par article et des explications leur ont été fournies quant à la signification de chaque disposition. Mme Etienne et Mme Choksi se sont efforcées d'être aussi neutres que possible de même que les personnes chargées de contacter les gens pour l'organisation des ateliers.

Tous les membres de la collectivité ont également reçu un avis daté du 10 août 2000 et du 7 septembre 2000 les exhortant à participer aux ateliers et leur indiquant l'heure, la date et le lieu des séances d'information. Ces avis étaient en anglais, en mohawk et en français.

Au début septembre 2000, tous les membres de la collectivité ont reçu la copie d'un feuillet de questions et réponses en anglais et en français contenant les questions les plus souvent posées lors des ateliers et les réponses qui leur ont été données.

Le 29 septembre 2000, tous les chefs du conseil ont signé une lettre ouverte dans laquelle nous expliquions les conséquences d'un vote «oui» ou «non» et nous exhortions tout le monde à voter. À la page 2 de cette lettre, nous rappelions aux gens que c'est seulement si la majorité d'entre eux acceptaient l'accord et le code que le document serait ratifié par le Canada.

Pour ce qui est du vote, nous n'étions pas obligés de faire ratifier l'accord et le code par scrutin secret étant donné qu'ils ne portaient pas sur les intérêts fonciers. L'accord ne modifiait en rien les droits ancestraux et issus de traités. Toutefois, Mme Etienne et le Conseil mohawk de Kanesatake ont déterminé qu'étant donné l'importance historique de l'accord et qu'il s'agissait d'un des premiers accords conclus dans le cadre du processus de négociation, il était indispensable que les membres de la collectivité le ratifient par scrutin secret.

Nous avons fait appel à un directeur des élections indépendant d'une autre collectivité mohawk qui possède une vaste expérience de l'organisation d'élections dans les collectivités des Premières nations, notamment lors des deux dernières élections au poste de poste national de l'Assemblée des premières nations.

Nous avons décidé que tous les Mohawks adultes de Kanesatake, quel que soit leur lieu de résidence, pourraient participer au vote de ratification comme c'est le cas pour les élections au conseil. Ceux qui résidaient dans Kanesatake et à l'extérieur pouvaient également voter par la poste. Nous croyons fermement dans une démocratie inclusive.

Nous nous attendions à ce que peu de gens votent. La plupart du temps, entre 30 et 50 p. 100 des électeurs participent au scrutin à Kanesatake. Les chiffres sont similaires dans les collectivités soeurs de Kahnawake et Akwesasne. C'est notamment parce que de nombreux traditionalistes rejettent le processus de scrutin le jugeant contraire à notre processus décisionnel traditionnel qui repose sur un consensus.

Sachant que la majorité des électeurs ne participeraient pas au votre de ratification, nous avons veillé à ce que le processus conduisant au vote soit le plus large et le plus inclusif possible. Chaque membre de la collectivité qui voulait connaître la teneur de l'accord et du code et dire ce qu'il en pensait a pu le faire.

L'accord a été paraphé le 21 juin 2000. Le lendemain, tout le monde a reçu une copie de l'accord et du code ainsi qu'un résumé et des explications pour les deux documents. Tous ces renseignements étaient en anglais et en français. Également, le 22 juin 2000, j'ai envoyé un communiqué à tous les membres de la collectivité pour leur expliquer que l'accord avait été paraphé et non pas signé et qu'il ne serait signé que s'ils l'acceptaient à l'occasion d'un vote.

Le 7 septembre 2000, tous les Mohawk de Kanesatake ont reçu un premier avis les informant de l'heure, de la date et du lieu du vote par anticipation et du scrutin proprement dit, en anglais et en français.

Le 4 octobre 2000, le directeur des élections a envoyé un deuxième avis, en anglais, en mohawk et en français à tous les électeurs, pour leur rappeler l'heure, la date et le lieu du vote de ratification et leur indiquer le numéro de téléphone où appeler pour de plus amples renseignements. Un troisième avis contenant les mêmes renseignements en anglais et en français a été envoyé le 13 octobre 2000.

Le 14 octobre 2000, près de quatre mois après que l'accord a été paraphé, il y a eu un vote de ratification sous la supervision du directeur des élections, Robert Johnson. Un vote par anticipation a eu lieu le 7 octobre 2000. La question inscrite sur le bulletin de vote était la suivante: «Acceptez-vous de ratifier l'Accord concernant le gouvernement du territoire provisoire de Kanesata ke et le Code foncier?»

Sur une liste électorale d'environ 1 500 noms, 239 personnes ont voté «oui», et 237 ont voté «non». Il y a eu 10 bulletins nuls. La norme utilisée pour déterminer si un bulletin de vote était valide était l'expression d'une intention claire.

Pendant le vote par anticipation et le jour du scrutin, un groupe de cinq à dix personnes ont manifesté directement à l'extérieur des bureaux de vote en brandissant des pancartes exhortant les gens à voter «non». Ces opposants étaient présents pendant toute la journée du vote par anticipation à l'un des bureaux de vote et pendant toute la journée du scrutin, aux deux bureaux de vote. Nous avons craint que leur présence intimide certains électeurs, mais nous avons estimé que si nous leur demandions de partir ou d'aller ailleurs, cela créerait davantage de problèmes et pourrait être jugé antidémocratique.

Lorsque le directeur des élections a annoncé la fermeture des bureaux de vote le 14 octobre, des manifestants l'ont abordé pour lui demander que deux d'entre eux assistent au dépouillement. Le directeur des élections a accédé à cette demande même si aucune demande officielle n'avait été formulée par écrit comme il l'avait exigé précédemment.

Je crois qu'à la suite du vote, certaines personnes ont envoyé des lettres pour contester le processus utilisé pour le vote de ratification. Aucune lettre n'a été adressée au conseil à ce sujet ou à propos d'un recomptage.

Toutefois, au début décembre, le conseil a reçu, dans une lettre adressée à la collectivité, ce que nous avons considéré comme une demande de recomptage. En conséquence, nous avons décidé de procéder à un recomptage. Nous avons chargé le juge de la Cour supérieure du Québec à la retraite, Lawrence A. Poitras, de procéder au recomptage des votes. J'ai invité le plus farouche opposant au vote à y assister. Le recomptage a eu lieu le 14 décembre 2000 et a entièrement confirmé les résultats du dépouillement initial qu'avait fait le directeur des élections.

Nous avons également chargé l'honorable Lawrence Poitras de réexaminer le processus qui avait conduit au vote ainsi que le scrutin comme tel et de présenter son opinion. Dans son opinion de 15 pages, il a examiné en détail notre processus de consultation et de scrutin et a conclu que le processus qui avait conduit au vote de ratification de l'accord était parfaitement équitable et que le vote s'était déroulé équitablement et selon les règles.

Dans ses conclusions, le juge Poitras mentionné qu'aucun effort n'a été épargné pour informer les électeurs du vote qui devait avoir lieu et de l'importance de l'accord. La question inscrite sur le bulletin de vote était claire et sans équivoque.

Je suis convaincu qu'il aurait été impossible d'avoir un processus de ratification plus ouvert, plus inclusif et plus équitable que celui que nous avons entrepris.

De toute évidence, il y a des dissensions à Kanesatake, mais je crois qu'il est sain d'avoir de l'opposition en politique. Cela oblige les autorités à rester conscientes de leurs responsabilités.

Kanesatake est une jeune démocratie. C'est seulement depuis 1991 que nous procédons à l'élection de nos dirigeants. Le projet de loi qui ratifie, par l'entremise du Parlement, notre accord territorial est une bonne chose pour Kanesatake. Il témoigne des progrès que nous avons réalisés depuis 10 ans et nous fournit des outils pour poursuivre sur la même voie que nos ancêtres en nous dotant d'un environnement sûr et sain pour nos enfants et pour les générations futures.

La présidente: Merci beaucoup, chef Gabriel, pour cet exposé très intéressant.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais d'abord poser une question au sujet des membres de votre collectivité. Pouvez-vous me décrire les critères d'appartenance et comment ils sont établis?

M. Gabriel: À l'heure actuelle, la liste des membres est tenue par le ministère des Affaires indiennes, sur sa liste des bandes, dont nous avons une copie. Les critères sont déterminés par la Loi sur les Indiens. De nombreux non-Autochtones résident sur le territoire de Kanesatake. Nous avons toujours côtoyé nos voisins non autochtones du village d'Oka avec lesquels nous avons toujours partagé une bonne partie du même territoire. Au fil des ans, à l'exception de 1990, nous nous sommes très bien entendus.

Le sénateur Rompkey: Est le conseil local qui décide qui fait partie ou non de la collectivité?

M. Gabriel: Non. C'est le ministère des Affaires indiennes qui en décide. Contrairement à nos communautés soeurs de Kahnawake et Akwesasne, nous n'avons pas encore de code d'appartenance définitif. Nous travaillons à un code d'appartenance provisoire depuis plusieurs années en nous inspirant des meilleurs éléments du code de Kahnawake et d'Akwesasne et en tenant compte des problèmes que ces collectivités ont connus au cours des années et de certaines lacunes de leurs codes électoraux. Un comité composé de membres de la collectivité a été chargé de mettre au point la meilleure formule pour Kanesatake. Ce travail devrait être terminé au cours des deux prochaines années.

Nous savons que l'appartenance est une question extrêmement délicate et complexe. L'adoption d'un code d'appartenance suscite de nombreuses préoccupations.

Debbie Thomas, une experte en la matière d'Akwesasne, a écrit de nombreux articles mettant en garde contre des codes d'appartenance trop restrictifs. On craint une extinction éventuelle parce que le capital génétique n'est pas suffisamment important. De nombreuses études ont été publiées sur le sujet.

Le sénateur Rompkey: Les membres de la collectivité peuvent-ils vivre à l'endroit de leur choix? Peuvent-ils vivre ici, à Ottawa, par exemple?

M. Gabriel: Nous avons 1 200 à 1 300 membres qui vivent sur notre territoire, sur un nombre total d'environ 2 000. Par conséquent, 700 à 800 personnes qui sont inscrites sur la liste des membres de notre collectivité vivent en dehors du territoire de Kanesatake.

Le sénateur Rompkey: Votent-elles?

M. Gabriel: Oui. Depuis 1991, lorsque nous sommes passés d'un système traditionnel à un système démocratique comportant des élections, nous avons toujours inclus les électeurs qui résidaient en dehors du territoire, parce que nous étions convaincus que quiconque s'intéressait à Kanesatake devait pouvoir participer aux élections. J'ai constaté que, quel que soit l'endroit où les gens vont s'établir, à un moment donné, ils reviennent en raison de leurs liens avec leur famille et leurs amis. C'est l'endroit qu'ils considèrent comme leur foyer.

La plupart des gens sont très attachés au territoire de Kanesatake. Quand j'étais jeune, mon père disait souvent: «Les noix ne tombent pas loin de l'arbre». Nous avons tendance à revenir à l'endroit où nous avons grandi.

Le sénateur Rompkey: Vous dites que vous êtes une des rares Premières nations à ne pas pouvoir adopter vos propres règles et règlements. Comment se fait-il?

M. Gabriel: L'une des difficultés est que notre collectivité n'a jamais été une réserve. Le conseil de bande a été reconnu comme tel en vertu de la Loi sur les Indiens, mais il n'a jamais été clairement établi si le statut de notre territoire était visé par le point 1a) ou le point 24 de l'article 91. C'est ce qu'ont clairement fait valoir de nombreuses personnes qui connaissent mieux la question que moi. Même si notre conseil pouvait adopter des lois, nous n'avions aucun moyen de les faire appliquer.

Cela a créé une situation très difficile pour ce qui est de gouverner le territoire. Notre collectivité n'a jamais voulu être une réserve aux termes de la Loi sur les Indiens. Voilà pourquoi nous avons prévu dans cet accord une solution très particulière à ce problème tout en conservant la protection que nous confère le point 24 de l'article 91 de la Constitution.

Le sénateur Rompkey: Le moment est sans doute bien choisi étant donné que le ministre a annoncé hier qu'il tenait des consultations au sujet de changements à la Loi sur les Indiens.

M. Gabriel: Au fur et à mesure que les peuples des Premières nations évolueront et assumeront davantage la responsabilité de déterminer leur propre avenir et d'élaborer leurs propres lois, de plus en plus de collectivités des Premières nations s'éloigneront de la Loi sur les Indiens. Ce processus doit également être abordé avec beaucoup de prudence, comme nous l'avons fait pour l'accord territorial. Les gens se sont habitués à la Loi sur les Indiens, malgré ses lacunes. On a toujours peur de s'éloigner du statu quo.

Nous ne sommes pas étonnés que le vote ait été serré, car il est très difficile d'apporter des changements. Je ne sais pas combien de fois on a tenté de modifier la Loi sur les Indiens au cours des années. Cela a toujours été difficile. En ce qui nous concerne, c'est le premier accord important que nous concluons avec le Canada et c'est très complexe. Il est très difficile d'amener les gens à bouger. Nous leur disons: «Écoutez, nous avons eu des difficultés par le passé, mais le processus est entamé et nous avons confiance dans ce processus».

Notre conseil tente d'encourager les gens. Le processus progresse. Il est en bonne voie. Nous obtiendrons des résultats. Comme je l'ai déclaré, cet accord est un élément tellement essentiel qu'une fois que nous pourrons adopter nos propres lois, nous doter de nos propres institutions, de tribunaux et d'une infrastructure pour nous gouverner, les gens verront les choses changer. La situation sera plus stable. Nous n'aurons pas à nous inquiéter de savoir quelles sont les lois qui s'appliqueront, comment nous les ferons respecter, qui s'en chargera et si la police viendra si nous le lui demandons. Nous avons maintenant la chance d'avoir notre propre force policière.

Tant que l'accord territorial ne sera pas en place, il sera difficile d'administrer toutes les lois applicables dans le territoire. Cela crée de la confusion. Mais dans l'ensemble, je crois que nous nous orientons dans la bonne direction.

Le sénateur Rompkey: Les résultats très serrés du vote m'ont beaucoup intéressé. Vous dites que vous vous y attendiez. Je peux comprendre que le taux de participation soit faible. Vous n'êtes pas les seuls. Dans tout le pays, le taux de participation aux élections a baissé, mais nous n'en examinerons pas les raisons ici.

Vous avez certainement déployé plus d'efforts que je n'en ai peut-être jamais vu pour faire comprendre aux gens qu'ils pouvaient participer aux discussions, apprendre en quoi tout cela consistait et quels étaient les arguments pour et contre. Malgré cela, le vote a été très, très serré. J'aimerais savoir pourquoi, après un processus aussi élaboré, les résultats du vote ont été aussi serrés.

M. Gabriel: Plusieurs facteurs y ont contribué, dont celui que j'ai déjà mentionné. Comme il s'agissait du premier accord important pour notre collectivité, les gens se demandaient si c'était une bonne chose, si le moment était bien choisi, si c'était bien ce dont nous avions besoin. Certains pensent qu'une fois qu'un accord est signé avec le Canada, les choses ne vont pas plus loin, même si tous les problèmes ne sont pas réglés.

N'oubliez pas non plus que nous avons à Kanesatake, comme dans les autres Premières nations, des traditionalistes qui ne participent pas aux élections du conseil de bande, aux référendums ou aux votes de ratification. Ils considèrent que même le Conseil mohawk de Kanesatake fait partie du gouvernement canadien, un gouvernement étranger et qu'il n'a rien à voir avec nos traditions. Cela élimine automatiquement une bonne partie de la population. Dans notre collectivité, il s'agit d'environ 20 à 30 p. 100 de la population totale.

Le processus de ratification comme tel a été très politisé. Nous l'avons constaté quand des manifestants se sont présentés le jour du scrutin, le jour du vote de ratification. Nous craignions les répercussions que cela aurait sur le vote, mais nous avons pensé que c'était une chose positive. Les gens sont habitués à un système démocratique fondé sur des élections. Je ne dirais pas que nous avons un parti majoritaire et un parti de l'opposition comme le gouvernement canadien, mais les gens hésitent moins à exprimer leur opinion sur les votes, à manifester et à faire campagne énergiquement.

Je crois que les résultats serrés du vote témoignent également en faveur de ceux qui ont fait campagne très énergiquement contre l'accord. Ils ont été efficaces. Nous avons été très efficaces. Les deux parties ont fait de leur mieux pour faire comprendre leur message et, en fin de compte, je n'aurais pas pu attendre davantage de ce processus. Je crois qu'à l'avenir, les gens seront suffisamment informés pour comprendre que lorsque nous tiendrons un vote, ce ne sera pour la frime, mais bien pour leur permettre d'exercer leurs droits démocratiques et que c'est ainsi que l'on doit procéder et que l'on progresse.

Également, au cours des années, les gens ont demandé pourquoi il y avait tant de dissensions à Kanesatake. Pourquoi il est si difficile de parler aux dirigeants? Qui représente vraiment la population? Avec l'accord territorial qui va nous permettre d'assurer la transparence, la reddition de comptes et l'équité au sein de notre gouvernement, nous veillerons à ce que ces dissensions ou ces divergences de vues diminuent progressivement et nous verrons que la démocratie se porte bien à Kanesatake. J'ai hâte de voir ce jour arriver.

Le sénateur Rompkey: Je viens de Terre-Neuve. Si cela peut vous réconforter, à notre dernière réunion, j'ai rappelé à tout le monde que lorsque Terre-Neuve s'est jointe au Canada en 1949, c'était avec 52 p. 100 de oui contre 48 p. 100 de non. Il y a encore des gens qui ne sont pas tout à fait d'accord avec les résultats. N'allez pas croire que votre vote avait quoi que ce soit d'inhabituel.

Le sénateur Wilson: Vous dites qu'en 1991 vous êtes passés du consensus traditionnel au système démocratique. Avez-vous pris cette décision par consensus ou à l'issue d'un vote?

M. Gabriel: C'est une excellente question. Aussitôt après 1990, il y a eu une période de grande instabilité. Cet été là, un parti politique qui a été constitué, la Coalition de Kanesatake, a lancé un mouvement visant à changer le système traditionnel de chefs des Six Nations en un régime plus démocratique. Pour répondre à votre question, il y a eu un vote démocratique, un vote de ratification et cette décision a été appuyée majoritairement par la population. Je ne me souviens pas des chiffres exacts. Je pourrais vous les fournir plus tard, si cela vous intéresse, mais la collectivité a voté majoritairement pour un système démocratique.

Le sénateur Wilson: La décision faisait donc suite à un vote plutôt qu'à un consensus?

M. Gabriel: Oui, nous avons voté.

Le sénateur Wilson: Je trouve quelque peu curieux que de nombreuses collectivités anglophones considèrent maintenant que le consensus est une façon plus valide de prendre des décisions.

Les journaux ont dit que les porte-parole de la Maison longue se demandaient si le Conseil et la Société de développement mohawk étaient en mesure de défendre adéquatement les intérêts de la collectivité au sujet des questions foncières. Pourriez-vous nous parler des relations entre le Conseil et la Société de développement? À qui la Société de développement rend-elle des comptes?

M. Gabriel: Pour ce qui est des détails, la société, la Société de développement Orihwáshon de Kanesatake, connue sous le sigle KODC, a passé un contrat avec le gouvernement fédéral pour la gestion des propriétés que le gouvernement fédéral a acheté au cours des années. La société est régie par un conseil d'administration constitué de deux membres d'office du Conseil mohawk, qui sont les chefs titulaires des portefeuilles des affaires sociales et du développement économique, et de membres de la collectivité qui sont des entrepreneurs ou des gens d'affaires résidant dans le territoire.

Cette société est indépendante du Conseil. Elle est régie par un conseil d'administration et un conseil de gestion composé de membres de la collectivité. Tels sont les rapports entre le Conseil et la Société.

Quel est le rapport avec notre gouvernement traditionnel? La question de savoir comment concilier une forme de gouvernement traditionnelle et un gouvernement élu comme le Conseil mohawk de Kanesatake ne sera pas résolue avant longtemps.

Nous ne sommes pas les seuls à nous attaquer à ce problème et à chercher un processus pour édifier notre nation. Akwesasne et Kahnawake se sont toutes deux lancées dans cette entreprise. Nous avons tenu nos propres discussions à la table ronde Canada-Mohawk où les trois collectivités mohawk et le gouver nement fédéral ont discuté de questions présentant un intérêt mutuel.

Comment inclure nos gouvernements traditionnels dans la structure que nous avons aujourd'hui sous la forme du Conseil mohawk? Nous n'avons épargné aucun effort pour rejoindre les traditionalistes. L'un d'entre eux, David Gabriel, est le leader de notre Maison longue. C'est quelqu'un de très solide et d'une grande spiritualité.

Comme le système politique du Conseil mohawk, nos traditionalistes ont leurs propres dissensions au sein de la Maison longue. Plusieurs personnes revendiquent le statut de chef de Kanesatake. Nous essayons d'inclure tous ceux qui prétendent s'exprimer au nom du peuple.

Le sénateur Tkachuk: Qui sont les actionnaires de la Société de développement Mohawk?

M. Gabriel: Les actionnaires sont tous les membres de la collectivité.

Mme Anjali Choksi, conseillère juridique, Mohawks de Kanesatake: C'est une société sans but lucratif constituée en vertu de la loi fédérale.

Le sénateur Tkachuk: Les gens doivent être membres de la société sans but lucratif.

Mme Choksi: Ils doivent en être membres, mais aux termes de sa constitution, la société doit agir au mieux des intérêts des Mohawks de Kanesatake. Elle se concentre sur les questions de développement économique et de développement social.

Le sénateur Tkachuk: Qui sont ses membres? Avez-vous une liste des membres?

M. Gabriel: Nous avons une liste, mais malheureusement, je ne l'ai pas sous la main aujourd'hui.

Quand nous avons envisagé de créer cette société et que nous avons cherché à développer l'économie, moi-même et les chefs qui faisaient partie du conseil ne voulaient pas, en 1996-1997, avoir une société qui se serait seulement intéressée à son bilan et à réaliser des profits à tout prix. Nous voulions une société avec une conscience sociale et une société qui pouvait aider l'économie, aider les membres de notre collectivité et pas seulement s'emplir les poches. C'est très important pour nous.

Le sénateur Tkachuk: Tenez-vous des assemblées annuelles?

M. Gabriel: Il y a des assemblées annuelles et nous en dressons les procès-verbaux.

Le sénateur Tkachuk: Les membres votent pour le conseil d'administration?

M. Gabriel: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit de toutes les personnes qui veulent en être membres et qui font partie de la nation mohawk ou de votre collectivité?

M. Gabriel: De notre collectivité.

Le sénateur Tkachuk: Ces personnes peuvent devenir membres. Paient-elles une carte d'adhésion ou leur donne-t-on une carte ou tous ceux qui assistent à la réunion et qui votent pour le conseil deviennent-ils automatiquement membres?

Mme T. Brenda Etienne, négociatrice principale, Mohawks de Kanesatake: La société de développement doit être inclusive. Tout Mohawk de Kanesatake en est membre. La société a été divisée en secteurs où sont représentés les gens qui travaillent dans l'agriculture, dans le commerce ou encore dans les églises ou les gouvernements traditionnels. Cela vise à permettre aux personnes de ces secteurs de nommer à tout moment de l'année une personne de leur secteur pour les représenter au conseil. C'est ce qui se passe à chaque assemblée annuelle.

Pour ce qui est des répercussions sociales de la société, elles se sont déjà fait sentir. L'automne dernier, il y a eu quelques incendies. L'un d'eux a touché ma tante et son mari qui ont plus de 70 ans. La société est aussitôt intervenue et à remis en état leur maison où ils ont pu continuer à vivre. Elle a déjà eu des répercussions très positives sur le plan social.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends que vous vous intéres siez à la politique sociale, mais je suppose qu'accessoirement vous avez également réalisé des profits. Où vont ces profits?

Mme Etienne: Ils sont restitués à la collectivité.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce le conseil ou la société qui décide? Qui dirige? Qui administre les programmes sociaux de même que les affaires de la société? Est-ce la société, certaines personnes ou le conseil de bande? Autrement dit, quand vous réalisez des bénéfices, les remettez-vous au conseil de bande pour qu'il administre les bonnes oeuvres ou le faites-vous vous-mêmes?

M. Gabriel: C'est la société qui gère les profits qui sont générés. La façon dont elle les réinvestit dans la collectivité est déterminée par ses lettres patentes ou ses statuts. La société doit investir dans l'économie, les programmes sociaux ou la formation linguistique. Bien entendu, nous devons protéger et préserver notre langue. Si la société réalise des bénéfices ou gère bien ses ressources, nous espérons pouvoir entreprendre nos propres initiatives grâce à ses recettes, en commençant par financer davantage le programme de formation linguistique que nous avons déjà. La société gère les revenus et tout est réinjecté dans la collectivité.

Le sénateur Fraser: Pourquoi n'avez-vous rien prévu pour protéger les intérêts des femmes en ce qui concerne la résidence, le partage des biens lors du divorce et toutes sortes de questions?

M. Gabriel: C'est une question très technique, sénateur Fraser. Je vais demander à Mme Choksi d'y répondre.

Mme Choksi: En ce qui concerne le partage des biens, comme nous n'avons pas abordé des questions comme celle des intérêts fonciers, nous n'avons pas réglé la façon dont les biens seraient divisés en cas de divorce.

Pour ce qui est de la résidence, c'est la Charte canadienne qui s'applique. Cette question a été abordée lors de presque tous les ateliers. La majorité des gens de Kanesatake reconnaissent que si vous n'êtes pas Mohawk, mais que vous êtes un membre de la famille d'un Mohawk ou que vous vivez avec un Mohawk, vous avez le droit de résider à Kanesatake. Nous en avons discuté lors de nos réunions. L'idée a été acceptée. Comme cela ne suscite pas la controverse, il n'était pas nécessaire d'en faire mention.

Tels sont les principes énoncés dans l'ébauche de code d'appartenance, à savoir que les non-Mohawks peuvent résider dans le territoire s'ils vivent avec des Mohawks. C'est une des politiques les plus libérales qu'aient jamais adoptées à ce sujet les nations avec lesquelles j'ai travaillé.

Le sénateur Fraser: Y a-t-il eu des discussions sur les questions touchant les femmes? Vous savez certainement mieux que moi combien il s'agit d'une question grave et litigieuse. Avez-vous abordé cette question?

M. Gabriel: Je crois que la question des droits des femmes ou plus précisément du droit de résidence n'a pas été abordée expressément étant donné que nous avons toujours été très inclusifs. Nous n'avons jamais été discriminatoires envers les femmes mohawk ou les femmes non autochtones qui vivent dans le territoire. Dans notre ébauche de code d'appartenance, nous reconnaissons que les femmes qui vivent dans le territoire ont le droit d'y résider. Le droit de détenir un titre de propriété n'est pas prévu dans la Loi sur les Indiens, mais ces questions n'ont pas été abordées de cette façon. Nous avons essayé de régler toutes ces questions dans une optique plus inclusive. Comme l'a dit Mme Choksi, la Charte des droits s'applique et nous n'avons pas l'intention de piétiner la Charte dans cet accord.

Le sénateur Fraser: Vous faites allusion aux dispositions de la Charte concernant les droits à l'égalité?

Mme Choksi: Oui.

Le sénateur Fraser: Je crois que Kanesatake a, comme de nombreuses collectivités, des problèmes financiers et que vous êtes obligés de réduire certains services. Pensez-vous que cet accord va changer quelque chose à la situation financière de la collectivité et, dans l'affirmative, de quelle façon?

M. Gabriel: C'est une excellente question. Les collectivités des Premières nations qui n'ont pas la possibilité de générer des revenus importants grâce à des ressources comme le pétrole ou le bois d'oeuvre, doivent trouver des moyens d'attirer des investisseurs pour développer des entreprises et des technologies dans leur territoire. Au cours des années, les gens ont hésité à investir à Kanesatake à cause des difficultés qui ont compromis la stabilité en 1990. Ils se sont dit: «Qui dirige? C'était la pagaille là-bas il y a quelques années. Nous n'allons pas investir notre argent durement gagné dans ce territoire». De toute évidence, l'accord précise quelles sont les lois qui s'appliqueront, comment elles vont s'appliquer et comment le conseil va les appliquer.

Je crois que cela va apporter la stabilité dont le territoire a grandement besoin. Grâce à cette stabilité, nous aurons des lois bien précises. Ce régime pourra inciter les investisseurs et les hommes d'affaires à développer l'économie.

Le sénateur Fraser: Quel genre de choses recherchez-vous?

M. Gabriel: Il y a des possibilités dans plusieurs domaines. Nous avons de vastes étendues de terres agricoles que le gouvernement fédéral a achetées après 1990. La société, KODC, est en train de restaurer certains vergers. Nous sommes à la recherche d'entreprises agricoles.

Nous envisageons notamment le développement de la fabrication légère telle que la fabrication de meubles. Nous envisageons également la construction d'un centre sportif pour la région. La patinoire est très fréquentée.

Nous sommes en train d'élaborer un projet de technologie Internet avec une école multimédia pour offrir un modèle aux jeunes de notre territoire. Cela leur montrera qu'il y aura sur place des emplois bien rémunérés dans la haute technologie.

Nous devons faire preuve de beaucoup de créativité pour développer notre économie. Nous devons nous tourner vers le tourisme, parce que nous avons le parc d'Oka qui attire 500 000 à 600 000 touristes chaque année. Nous voulons notre part de l'argent des touristes qui viennent dans la région.

Le sénateur Fraser: Envisagez-vous le jeu?

M. Gabriel: En 1996, nous avons fait un petit essai du côté des casinos. Nous avons tenu un référendum. La collectivité a répondu qu'elle voulait un casino pour notre territoire. Nous avons essayé d'obtenir le soutien de la province, un permis et de satisfaire à toutes les exigences. Enfin, vers le moi d'août 1997, nous avons reçu une lettre de Guy Chevrette, je crois, nous disant: «Nous avons reçu de nombreuses demandes de casinos autochto nes, mais nous ne sommes pas prêts à prendre une décision». Nous avons donc laissé le projet de côté.

Les Premières nations envisagent actuellement d'établir un casino autochtone dont elles se partageraient les bénéfices. C'est un projet auquel nous travaillons depuis plusieurs années. Nous avons participé à certaines discussions avec des chefs autochtones du Québec, mais ce n'est pas vraiment une de nos priorités.

Le sénateur Johnson: Je vous remercie de votre exposé, Grand chef. C'était extrêmement intéressant pour quelqu'un qui a suivi vos activités et votre travail au cours des 10 dernières années, depuis Oka, une page de notre histoire canadienne, où j'espère que les choses s'amélioreront à l'avenir.

Je voudrais faire suite à la question concernant les femmes. Vous connaissez sans doute très bien la Loi sur la gestion financière qui a été adoptée en 1990. Elle exigeait que les 14 Premières nations participantes adoptent un code foncier. Au cours de ce processus, elles devaient établir des règles et des méthodes pour l'utilisation des terrains et le partage des intérêts fonciers en cas de divorce.

Ma collègue en a parlé. Avez-vous examiné cette question lors de vos discussions et de vos négociations au sujet du projet de loi S-24?

M. Gabriel: Comme vous le savez, en ce qui concerne le projet de loi, un code a été établi pour régir la façon dont le Conseil mohawk se gouverne et utilise son pouvoir de légiférer.

Dans l'accord proprement dit, il y a une disposition pour l'élaboration d'un plan d'utilisation des terres. Nous en avons discuté.

Le sénateur Johnson: J'ai participé aux audiences sur cette loi concernant la gestion des terres des Premières nations. C'est la raison pour laquelle je me demande pourquoi vous n'avez pas jugé nécessaire d'inclure quoi que ce soit de précis en ce qui concerne les femmes.

Mme Choksi: Comme nous ne traitons pas des intérêts fonciers, nous n'en sommes pas encore au point où nous devons établir des règles pour le partage des biens en cas de divorce. Quand nous en serons là, nous devrons le faire.

Le sénateur Johnson: Ce que le ministre a déclaré hier au sujet de la Loi sur les Indiens peut se rapporter à ce que vous faites, surtout en ce qui concerne les droits fonciers des femmes. L'un des principaux obstacles qui s'opposent à l'autonomie gouvernementale et dont nous avons entendu parler depuis près de deux ans dans le cadre de nos audiences est le fait que les femmes se sont opposées à l'autonomie gouvernementale à cause de la Loi sur les Indiens qui les empêche de posséder des terres.

Mme Choksi: La Loi sur les Indiens ne s'applique pas à Kanesatake. Par conséquent, toute modification qui pourrait lui être apportée ne s'appliquera pas nécessairement. Toutefois, au cours de la deuxième phase, nous allons entamer des négociations sur les intérêts fonciers et nous devrons certainement voir ce qu'il advient des intérêts fonciers en cas de divorce, lorsque les gens meurent sans testament ainsi que la question de l'héritage.

Le sénateur Johnson: Il est très important que le public sache qu'il s'agit d'une situation différente, que les gens ne connaissent pas, surtout dans ma région. Je me réjouis d'apprendre que vous aborderez ces questions.

Pouvez-vous nous dire quels sont les terrains que le gouvernement a achetés pour Kanesatake depuis l'été 1990? Où sont-ils situés?

M. Gabriel: Il y a eu plusieurs achats. Je ne peux pas vous indiquer la superficie totale achetée, mais la société gère actuellement environ 75 propriétés sur lesquelles se trouvent des maisons. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire quant à la superficie de ces terrains.

Le sénateur Johnson: J'aimerais savoir où ils sont situés et dans quelle mesure ces acquisitions ont élargi le territoire de Kanesatake.

M. Gabriel: Je vous fournirai ce renseignement plus tard.

Le sénateur Johnson: Êtes-vous satisfait du rythme et de l'ampleur du processus d'acquisition de terrains?

M. Gabriel: Les acquisitions de terrains sont très importantes pour nous. Lorsque nous avons conclu l'accord territorial, les gens ont dit: «Vous n'avez pas obtenu assez. Il y a encore des griefs et des revendications non réglés. Pourquoi accepter si peu?» Nous avons dû les convaincre que, pour progresser, il fallait établir certaines lois. Nous devions voir quelles étaient les règles qui s'appliqueraient, comment nous allions gérer ces propriétés, en vertu de quelles lois et de quels règlements. Au cours des années, comme nos homologues fédéraux peuvent en témoigner, la gestion de ces propriétés a posé un sérieux problème. Elles ont été achetées, mais comment seront-elles cédées plus tard? C'est une question très difficile à résoudre.

L'accord facilitera le processus et élargira notre territoire.

Le sénateur Johnson: Vous nous fournirez certaines de ces précisions. Excellent.

En tant que politicologue de formation, votre processus et la façon dont vous l'avez réalisé m'intéressent énormément. Bien entendu, c'est un mouvement qui va prendre de l'ampleur au Canada avec l'autonomie gouvernementale et le règlement de diverses revendications territoriales. Croyez-vous qu'il serait utile pour notre comité d'obtenir la décision du juge Poitras? Cela pourrait-il nous éclairer? Nous essayons de recueillir le maximum de renseignements sur la façon dont procèdent les divers groupes.

M. Gabriel: Nous nous ferons un plaisir de vous remettre le rapport du juge Poitras. Nous avons investi beaucoup de temps et de ressources dans ce processus. Nous n'avons pas hésité à remettre le rapport aux membres de notre collectivité pour qu'ils l'examinent. Nous nous ferons un plaisir de le mettre à la disposition des sénateurs.

Le sénateur Johnson: Chef, étiez-vous satisfait du taux de participation? Cela vous a-t-il satisfait? Y avait-il plus d'hommes que de femmes?

M. Gabriel: La répartition entre les deux sexes était assez équilibrée. J'ai été satisfait du taux de participation dans la mesure où il était le même que pour les élections au conseil. Même si les résultats étaient très serrés, j'étais satisfait, car les gens s'habituent à un système démocratique. Ils n'hésitent pas à manifester, à faire campagne et à protester. Le système démocratique se porte bien même s'il n'est peut-être pas parfait.

La présidente: J'aurais une observation à formuler au sujet des questions touchant les femmes. Je vois deux femmes chefs et Mme Etienne. Je n'ai pas à craindre que vous n'abordiez pas les questions intéressant les femmes dans vos délibérations.

Mme Choksi: J'ajouterais que 70 p. 100 des gens qui participent aux ateliers sont des femmes. Nous savons qui détient le pouvoir à Kanesatake.

M. Gabriel: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, nous avons eu un chef du sexe féminin à notre conseil, depuis que le conseil a été élu en 1991. Nous avons eu au moins une femme comme chef depuis le début de notre mandat. Cette tendance s'accentue. Nous nous réjouissons de voir que tout le monde participe au processus.

Le sénateur Fraser: Pour ce qui est des femmes, à titre d'éclaircissement, quelle est la loi qui s'applique actuellement au sujet des intérêts fonciers et des biens matrimoniaux, est-ce la loi du Québec?

M. Gabriel: À l'heure actuelle, je crois que c'est la Loi sur les Indiens qui s'applique.

Mme Choksi: La Loi sur les Indiens s'applique par analogie. Pour ce qui est du partage des biens, selon la décision de la Cour suprême dont de nombreux groupes de femmes ont parlé, soit l'arrêt Derrickson c. Derrickson, la loi provinciale s'applique dans la mesure où elle détermine comment les biens sont partagés en cas de divorce. Toutefois, la loi provinciale ne peut pas s'appliquer pour faire du conjoint non autochtone le propriétaire de terres indiennes étant donné que les terres indiennes sont réservées aux Indiens. C'est un des problèmes.

À part cela, s'il s'agit de deux conjoints indiens, la loi provinciale s'applique tant qu'il n'y a pas d'autre loi pour la remplacer. C'est toujours quelque chose de particulier, mais ce n'est pas comme si tout le système provincial du partage des biens était totalement mis de côté; ce sont seulement certaines dispositions précises qui ne peuvent pas s'appliquer aux terres indiennes.

Le sénateur Pearson: Je voudrais vous féliciter pour votre exposé extrêmement clair et respectueux tant de votre communau té que de la nôtre. Je l'ai écouté avec plaisir et il nous aidera à examiner ce projet de loi.

Au début de votre témoignage, vous avez mentionné la construction d'une école d'immersion en langue mohawk. Avez-vous une jeune population?

M. Gabriel: Nous avons une population très jeune. Notre taux de natalité dépasse de plusieurs points de pourcentage la moyenne canadienne. Nous avons environ 200 à 250 élèves dans nos écoles et ce chiffre devrait largement augmenter.

Quand nous avons construit l'école d'immersion ou lancé le projet, nous devions prévoir quelle serait la progression démographique au cours des 15 prochaines années afin d'en tenir compte. L'école a été construite à partir de ces statistiques.

Le sénateur Pearson: Dans votre code, prévoyez-vous suffisamment de places pour permettre aux jeunes de développer leur compréhension de la démocratie?

M. Gabriel: Nous devons inclure tout le monde dans le processus. Nous essayons de remettre notre système d'éducation entre les mains des gens en le plaçant sous la direction d'un conseil d'administration chargé de voir comment il doit répondre à nos besoins.

Les nations autochtones parlent souvent des sept prochaines générations, les enfants. Nous devons parler moins et agir plus. L'école d'immersion va, avec la participation de nos anciens et des jeunes, consolider la place des jeunes dans notre société et dans notre culture. C'est de cette façon que les jeunes participeront davantage à notre système démocratique et politique.

Nous devons être très conscients du fait que les jeunes ont besoin de modèles positifs. Il faut pour cela pouvoir s'inspirer d'un bon modèle. Il faut une économie. Il faut des gens d'affaires, des médecins, des avocats et des membres de la classe politique honnêtes et intègres afin que les enfants aient des modèles positifs sous les yeux. C'est ainsi que l'on bâtit ou l'on restaure une collectivité comme la nôtre.

Le sénateur Hubley: Je voudrais également vous féliciter pour votre exposé positif de ce matin. Vous avez mentionné les anciens. Pourriez-vous me dire comment les anciens ont participé à ce projet? Que pensent-ils de ce processus? Quelle est leur opinion au sujet de cette nouvelle orientation; qu'en pensent-ils?

Mme Etienne: Je vais évoquer brièvement certains de mes souvenirs d'enfance en ce qui concerne les rapports avec les anciens.

En 1969, lorsque le livre blanc a été publié, j'avais environ 12 ans. Je m'intéressais à la question depuis longtemps. Il y a eu une grande réunion à l'école indienne dans la salle communautai re du village. Il y avait tellement de monde qu'on a dit aux écoliers qu'il n'y avait pas de places pour eux, mais comme je savais qu'un événement très important avait lieu, je me suis glissée dans la salle. Je me suis cachée dans les vestiaires au fond de la pièce.

Je me souviens d'avoir vu le chef debout. Il a levé le poing en disant que le livre blanc n'était pas bon pour nous. Tout le monde était d'accord pour dire que ce Livre blanc n'était pas bon pour nous.

Pendant tout ce processus, pendant les nombreuses heures que nous avons passées dans ces ateliers, que ce soit dans les centres des anciens ou chez les gens, en buvant du thé et en mangeant des biscuits, les anciens ont participé en partageant leurs souvenirs et en racontant leur histoire.

Une femme âgée nous a relaté l'histoire qu'on lui avait racontée au sujet des discussions sur le traité de 1760. Les anciens nous ont communiqué ces renseignements et chaque génération les a transmis. Cela se reflète dans les événements d'aujourd'hui.

Il y a ceux qui sont maintenant disparus. Mon père était chef. Le père de la chef Sharon Simon était également chef. Chacun de nous a des gens de sa famille qui ont travaillé à ce processus et qui nous ont enseigné les principes qui doivent être repris ici.

Avant que je devienne trop émotive, je tiens à dire que les anciens nous ont accompagnés tout au long du chemin. Il reste encore beaucoup de travail à faire et nos enfants reprennent le flambeau. Ma fille a 13 ans. Elle a été l'une des premières élèves de l'école d'immersion mohawk. Nous avons commencé avec trois enfants. La langue est très importante. Ma mère est le produit des pensions. Quand elle avait six ans, on l'a séparée de sa mère pour l'envoyer à l'école de Sault Ste. Marie. Elle en est repartie quand elle avait 16 ans. Lorsqu'elle est rentrée chez elle, elle ne pouvait même pas parler à sa mère. Elle a toutefois réussi à réapprendre sa langue. Elle est maintenant l'une de nos linguistes. À 57 ans, elle est retournée à l'université McGill pour obtenir un diplôme d'enseignante. C'est une ancienne et elle est encore productive. Elle a près de 70 ans et elle partage ses connaissances afin de les transmettre.

Les anciens nous accompagnent totalement en partageant leurs connaissances. Nous serons bientôt des anciens nous aussi, et nous poursuivrons leur tâche.

Le sénateur Cochrane: Pour continuer sur le même sujet, combien d'enfants y a-t-il actuellement dans cette école?

Mme Etienne: Je crois qu'il y en a environ 35, mais je n'en suis pas certaine.

Le sénateur Cochrane: Vous dites qu'à Kanesatake, vous ne faites pas de discrimination à l'endroit des non-Autochtones. Quelles dispositions s'appliquent actuellement aux femmes non autochtones dont le conjoint mohawk décède? L'épouse conserve-t-elle la maison, le terrain et tous les biens qu'elle partageait avec son mari?

M. Gabriel: Je vais vous citer un exemple très personnel. Mon frère a épousé une femme non autochtone lorsqu'il était au début de la vingtaine. Malheureusement, il est mort de leucémie à l'âge de 32 ans. Sa femme non autochtone et ses trois enfants sont restés vivre dans la maison dont sa femme ne pouvait pas devenir propriétaire. Dans son testament, il a légué ses biens à ses enfants en chargeant sa femme de les administrer. Il a assuré l'avenir de ses enfants en chargeant sa femme d'administrer sa succession. Notre collectivité a toujours soutenu les épouses en pareil cas.

Ma propre mère a perdu son mari il y a 12 ans et notre collectivité a toujours été très chaleureuse, très accueillante et très prête à l'aider.

Il n'y a pas de règle écrite sur la façon de partager les biens ou la résidence lorsque les gens meurent sans testament, mais nous avons pour coutume d'accepter les conjoints non autochtones dans notre territoire.

Le sénateur Cochrane: La dame qui a les trois enfants possède-t-elle toujours la maison?

M. Gabriel: Elle réside dans la maison.

Le sénateur Cochrane: En est-elle propriétaire?

M. Gabriel: Non, elle ne peut pas en devenir propriétaire.

Le sénateur Cochrane: Savez-vous quand cela pourrait changer?

M. Gabriel: Je ne suis pas certain des dispositions qui pourraient être prises à ce sujet. Ce sera sans aucun doute une question difficile à régler.

Le sénateur Cochrane: Les articles 12 et 13 du projet de loi S-24 indiquent que les règles d'harmonisation complexes s'appliquent à l'exercice de la compétence sur les 57 propriétés mohawk qui sont voisines de propriétés non mohawk dans le village d'Oka.

Dans quelles circonstances Kanesatake peut-il légiférer au sujet des propriétés d'Oka?

M. Gabriel: Nous allons adopter des lois s'appliquant aux terres qui nous appartiennent dans le village d'Oka. Nous n'allons pas appliquer de loi visant les propriétés municipales. Nous devons nous entendre sur l'harmonisation ou la façon dont les règles s'appliqueront et seront compatibles avec les propriétés avoisinantes. Une fois que nous aurons un accord pour l'harmonisation de nos lois, nous adopterons notre propre législation qui s'appliquera aux 57 terrains situés dans le village d'Oka. Ce sont déjà des terrains autochtones qui font partie de notre territoire. Nous ne voulons pas imposer nos règlements à nos voisins non autochtones, mais nous voulons veiller à ce que là où des Autochtones et des non-Autochtones sont voisins, nous ayons une clause de bon voisinage qui permettra aux gens de se respecter et de se comprendre mutuellement.

Le sénateur Cochrane: Comment une clause de bon voisinage s'appliquerait-elle?

M. Gabriel: Une clause de bon voisinage aborde certaines questions de façon générale, mais certaines autres de façon très précise de façon à ce que nous restions bons voisins.

Mme Choksi: Kanesatake a le pouvoir d'adopter des lois s'appliquant aux terrains situés dans le village. Toutefois, avant d'adopter des lois régissant la mise en valeur de ces terrains ou des changements quant à la superficie ou l'utilisation des structures, nous devons conclure un accord d'harmonisation avec la municipalité. Cet accord devrait aborder des questions telles que la procédure à suivre pour changer un terrain résidentiel en terrain commercial. Il peut y avoir plusieurs accords. Je prévois une entente d'harmonisation générale qui énoncera des principes généraux et entrera ensuite dans les détails étant donné que ces terrains sont répartis un peu partout dans le village et qu'il peut être important d'avoir des règles différentes pour chacun d'eux. Nous voulons faire preuve de souplesse.

Il ressort clairement des réunions que nous avons eues avec la municipalité et ses techniciens qu'aux yeux des deux parties, ce qui compte, c'est ce que veulent les gens qui occupent ces terrains. Il faut qu'ils nous disent ce qu'ils veulent. Nous ne voulons pas établir de grands plans. Ce sont des petits terrains, généralement résidentiels, et il faudra tenir compte des désirs de leurs occupants.

Le sénateur Cochrane: Où en sont les négociations en vue d'un accord d'harmonisation?

Mme Choksi: Il faut attendre que le projet de loi soit adopté pour que nous puissions négocier l'accord. Nous avons eu des discussions. Nous centrons notre attention sur les ententes de services. Les 57 terrains du village plus quelques autres sur la colline sont actuellement desservis par la municipalité pour l'eau potable, les égouts et les autres services. Nous avons besoin d'un contrat pour le maintien de ces services, pour que nous en assumions le paiement. C'est sur cette question que nous avons centré notre attention étant donné qu'elle est essentielle et qu'il faut la régler en premier.

Le sénateur Christensen: Toujours au sujet de l'harmonisation, vous n'avez pas prévu d'accords pour une harmonisation avec les terres provinciales situées en dehors de la municipalité d'Oka. Pourquoi cela n'a-t-il pas été inclus?

M. Gabriel: Le problème ne se posait pas en dehors du village d'Oka. Nous avons su dès le départ que la zone la plus contestée serait le village d'Oka, nos terrains et les terrains de la municipalité.

Comme dans les autres territoires, il y a un changement de compétence. Il y a un secteur dans lequel nos lois s'appliqueront. Plus loin, il y a des secteurs où les lois provinciales s'appliqueront également. Toutefois, il y a dans le village d'Oka une zone qui requiert une harmonisation et c'est là que nous avons prévu un problème. Il ne s'agit pas de notre voisinage avec les municipalités limitrophes. Le problème n'est pas là. Il s'agit surtout de zones agricoles où les gens ne vivent pas les uns à côté des autres. Les problèmes se sont posés dans le village d'Oka.

Le sénateur Christensen: Je pense aux codes du bâtiment, au ramassage des ordures, aux égouts et autres questions à régler dans les régions rurales. Cela n'a pas posé de problème?

M. Gabriel: C'est un problème dans une certaine mesure, mais nous devons résoudre chaque problème l'un après l'autre. Nous devons adopter nos propres lois communautaires. Nous avons déjà une série de lois qu'il faudra adopter de nouveau aux termes de cet accord de façon à les valider. Nous pensons élaborer plus tard un plan d'utilisation des terrains.

Mme Choksi: L'article 11 du projet de loi exige qu'en ce qui concerne l'adoption de lois ayant des répercussions sur les normes environnementales, en l'absence de normes fédérales, Kanesatake veille à ce que ses lois répondent au moins aux normes généralement applicables à la province. Vous ne trouverez pas de dispositions de ce genre dans la Loi sur les Indiens. La norme fixée pour Kanesatake est plus élevée que pour la plupart des autres collectivités des Premières nations.

Le sénateur Christensen: Vous avez mis en place un vaste processus pour consulter la population et la faire participer. Je sais combien c'est difficile.

Au cours de ces discussions, avez-vous examiné quelle serait la majorité, si c'est la majorité simple, 60 ou 75 p. 100 ou un autre pourcentage? En avez-vous discuté sérieusement?

M. Gabriel: Pour ce qui est d'une majorité acceptable, il était clair depuis le début que l'accord serait adopté à la majorité simple. Nous avons rappelé aux gens à plusieurs reprises que cet accord serait adopté si les électeurs participants l'approuvaient majoritairement.

Rien ne nous obligeait à tenir un vote de ratification étant donné que cela ne portait pas sur les intérêts fonciers ou encore les droits ancestraux ou issus de traités. Cet accord ne lésait personne. Il n'était pas nécessaire d'avoir la majorité double. Nous avons rappelé aux gens qu'il serait adopté à la majorité simple par la majorité des électeurs participant au vote.

Quand la question des intérêts fonciers a été abordée, il était évident que les gens souhaitaient la double majorité pour régler ces questions. Nous avons renoncé à inclure les intérêts fonciers dans cet accord. Nous voulions d'abord mettre en place un système de gouvernement afin de nous attaquer aux problèmes très sérieux que nous devons résoudre.

Nous avons besoin de stabilité et c'est ce que la force policière nous a permis d'obtenir en rétablissant l'ordre public. Nous devons résoudre certains problèmes quotidiens pour pouvoir progresser sur ce que certains appelleraient des concepts plus théoriques. Les questions de droit constitutionnel ou d'intérêts fonciers n'ont pas le même effet sur la population que les problèmes que j'ai qualifiés de fondamentaux tels que le désordre, l'économie ou les moyens de nourrir une famille.

Nous devons aborder toutes ces questions avant de nous attaquer aux aspects plus juridiques du processus de négociation tels que les intérêts fonciers ou le partage des biens lorsque nous aborderons les questions touchant les femmes.

La présidente: J'ai plusieurs questions. Ce matin, j'ai reçu une carte du territoire. C'est une section très petite du territoire. Je sais qu'il s'agit d'un accord provisoire et que cela ne compromettra pas d'autres revendications territoriales. Négociez-vous d'autres revendications territoriales et en quoi ces négociations se répercuteront-elles sur ce projet de loi?

M. Gabriel: Bien entendu, le projet de loi prévoit l'ajout de terres au territoire provisoire. Nous avons entrepris, de concert avec le gouvernement fédéral, des recherches historiques sur nos revendications à l'égard de la seigneurie du lac des Deux-Montagnes, que vous voyez décrite sur la carte, je crois. C'est un vaste territoire par rapport au territoire actuel. Oui, le territoire provisoire s'ajoutera aux dispositions du projet de loi et de l'accord.

La présidente: Je ne m'en étais pas rendu compte, mais en 1851, une loi a été adoptée pour allouer la réserve Doncaster no 17 à Kanesatake et à Kahnawake. Avez-vous réglé cette question?

Vous avez de gros défis à relever. Il sera intéressant de voir comment vous procéderez. Que faites-vous de ce côté-là?

M. Gabriel: Je vais sans doute demander au chef Clarence Simon de vous parler plus tard de l'histoire de Doncaster et du travail que nous faisons là-bas.

Doncaster a été réservée comme terrain de chasse pour notre peuple, tant pour Kahnawake que Kanesatake. C'est seulement plus récemment que des chalets et des structures plus permanentes y ont été construits. Kanesatake et Kahnawake ont constitué un groupe de travail pour examiner certaines questions abordées dans cet accord soit la compatibilité des lois communautaires, les droits des membres de Kahnavake et ceux de nos membres, qui a le droit de se trouver là-bas et qui n'en a pas le droit.

Nous sommes déterminés à collaborer pour gérer le territoire de Doncaster. Cela représente certainement un défi. Parfois, plus de gens participent, plus c'est difficile. Au cours des années, tout s'est très bien passé et nous avons témoigné d'un respect mutuel dans le territoire de Doncaster.

La présidente: J'ai l'impression qu'il s'agit davantage d'un territoire traditionnel de chasse et de cueillette.

M. Gabriel: Tel a été son rôle. Mes parents et moi allions cueillir des bleuets et chasser là-bas. C'est un territoire où la population tant de Kanesatake et de Kahnawake a l'habitude de chasser.

La présidente: Je vous remercie tous d'être venus. Vous avez clarifié de nombreuses questions. Je suis très contente de la présence des chefs parmi nous, surtout des chefs du sexe féminin. Sans rien vouloir enlever aux hommes, il est temps que nous travaillions tous ensemble en tant qu'Autochtones. Merci à tous.

La séance est levée.
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