Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 9 - Témoignages du 4 décembre
OTTAWA, le mardi 4 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 10, pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes et autres questions connexes.
Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Statistique Canada est un organisme très important, en particulier en ce qui a trait aux peuples autochtones. Ils sont recensés dès leur naissance et ce, depuis de nombreuses années.
Le sénateur Johnson est notre vice-présidente.
Monsieur Norris, vous avez la parole.
M. Doug Norris, directeur général, Statistique démographique et recensement, Statistique Canada: Avant de commencer, j'aimerais vous présenter mes collègues; je suis accompagné de Janet Hagey, directrice, statistiques sociales, du logement et des familles à Statistique Canada. Cette division est chargée de la formation statistique pour les Autochtones. Comme vous l'avez dit, le travail y est important et nous aurons, de toute évidence, l'occasion d'en discuter ce matin. Je suis aussi accompagné d'Andy Siggner, conseiller principal chargé des questions autochtones. M. Siggner connaît depuis de nombreuses années la formation statistique pour les Autochtones. Il a été membre de la commission royale il y a plusieurs années et nous est d'un secours précieux au moment même où nous essayons de définir notre nouveau programme novateur dans le domaine des statistiques pour les Autochtones.
C'est un honneur que d'être ici afin de donner au comité un bref aperçu de la situation démographique et socio-économique des jeunes Autochtones. Par jeunes, nous désignons, pour les besoins de cet exposé, la population âgée de 15 à 24 ans, sauf indication contraire, ce qui sera le cas dans certaines situations. Compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je voudrais surtout parler des conditions de vie des Autochtones vivant dans les villes.
J'utiliserai les données du recensement de la population de 1996. Malheureusement, le recensement effectué en mai dernier n'est pas encore prêt, si bien que je ne pourrai pas en faire état. Ces données seront rendues publiques dans deux mois, mais celles qui portent sur la population autochtone et qui intéressent le plus ce comité ne seront rendues publiques qu'au cours du premier semestre de 2003. Nous pourrons alors actualiser les données qui vous seront transmises aujourd'hui.
Je présenterai mon exposé sous forme de graphiques que je commenterai. Cette série de graphiques vous a été distribuée.
La première page vous donne une série de données auxquelles vous pourrez vous reporter ultérieurement.
J'aimerais d'abord situer le contexte. Le premier graphique donne la répartition des Autochtones par région géographique. J'ai divisé cette population en quatre parties. Les parties jaune et bleue représentent la population urbaine, soit près de la moitié de la population autochtone totale. Cette population est vaste et importante.
Environ un quart de la population autochtone totale vit dans ce que nous appelons les «régions métropolitaines de recensement», les RMR. Ce sont les grandes villes. Il y en a environ 25 dans le pays et j'en reparlerai dans mon exposé.
Vingt pour cent de la population autochtone vit dans des régions urbaines moins peuplées. Un tiers vit dans des réserves. Les 20 p. 100 restants vivent dans des régions rurales, mais hors réserves. On peut dire que la moitié vit dans des régions urbaines et l'autre, dans des régions rurales.
La présidente: Cela comprend-il les Métis?
M. Norris: Telle qu'elle est définie ici, la population autochtone comprend les Indiens d'Amérique du Nord, les Métis et les Inuit. Je n'ai pas fait de distinction pour mon exposé aujourd'hui.
La population autochtone est définie en fonction de la réponse donnée à la question du recensement, à savoir si une personne se considère Autochtone, c'est-à-dire Métis, Indien d'Amérique du Nord ou Inuit. Le recensement est fondé sur l'autoidentification.
Le deuxième graphique montre le pourcentage de jeunes Autochtones vivant dans nos grandes villes. Dans les villes de l'ouest, soit Regina, Winnipeg et Saskatoon, les jeunes Autochtones représentent au moins 10 p. 100 de la population, selon les données de 1996, pourcentage qui devrait avoir augmenté lors du dernier recensement.
Le pourcentage des jeunes est moins élevé dans les autres villes, bien qu'il faille garder à l'esprit la taille des villes. Par exemple, à Toronto, il se peut qu'un nombre important de jeunes Autochtones ne représentent qu'une infime partie de l'ensemble de la population de Toronto. Cependant, on ne peut pas dire qu'il y ait peu de jeunes Autochtones dans nos grandes villes.
[Français]
Le troisième graphique montre la distribution de la population par âge et par sexe. Comme vous le savez sans doute, la population autochtone est très jeune comparativement à la population non autochtone.
En 1996, plus de la moitié des Autochtones avaient moins de 25 ans, par rapport au tiers environ des non autochtones. En fait, près du cinquième des Autochtones vivent en milieu urbain et atteignent l'âge de 15 à 24 ans.
Comme vous pouvez le constater sur le troisième graphique, les groupes les plus importants chez les populations autochtones vivant en milieu urbain sont les enfants de 0 à 14 ans et les jeunes de 20 à 24 ans. Chez les non autochtones, ce sont les membres de la génération du baby boom qui étaient dans la trentaine et dans la quarantaine en 1996. Les jeunes autochtones sont des femmes dans une proportion plus élevée, notamment de 20 à 35 ans. Comme nous le constatons en ce moment, le nombre de familles monoparentales dans les villes traduira cette tendance.
[Traduction]
Il ne faut pas négliger l'importance que revêtent les jeunes Autochtones. À mesure que nous nous projetons dans l'avenir, les enfants autochtones d'aujourd'hui deviendront les jeunes Autochtones de demain; ils seront scolarisés et entreront sur le marché du travail en nombres relativement importants. Ils représenteront une part croissante de jeunes d'âge scolaire et de nouveaux employés, en particulier dans les villes de l'ouest, à Saskatoon, Regina et Winnipeg.
Les graphiques qui suivent indiquent la mobilité de la population autochtone. Nous avons la réputation, nous Canadiens, d'être une population mobile. Nous sommes un sur deux à déménager une fois tous les cinq ans, dans un autre logement, dans une autre ville ou dans une autre province. Cela a toujours été le cas.
Cependant, la population autochtone est beaucoup plus mobile que la population générale. En regardant le graphique 4, à gauche, vous constaterez que dans les régions métropolitaines de recensement, soit les grandes villes, un jeune Autochtone sur deux qui vit dans nos grandes villes a déménagé pendant l'année. C'est le point de repère avant le recensement. En un an, la moitié des jeunes Autochtones avaient en fait déménagé. Certains avaient déménagé dans la même ville et d'autres avaient quitté la ville, pour s'installer dans une réserve ou dans une autre ville. Cette mobilité est deux fois plus importante que celle de la population non autochtone.
Dans les petits centres urbains, la mobilité de la population autochtone est encore plus importante, bien qu'elle le soit moins que dans nos grandes villes. Cette mobilité est de toute évidence un facteur important pour de nombreuses raisons. Par exemple, dans le système éducatif, un déménagement s'accompagne souvent d'un changement d'école. Si les services ou programmes offerts s'adressent à une population, il devient de plus en plus difficile d'offrir ce service si la population ne cesse de bouger. La mobilité devient alors un aspect important.
Le graphique 5 montre la mobilité constatée dans les diverses grandes villes du pays. Vous constatez qu'elle est la plus importante dans les villes de l'ouest, soit Saskatoon, Calgary, Edmonton et Regina. À Saskatoon, le taux de mobilité atteint 60 p. 100, en un an. Ici, j'ai ventilé les déménagements. La partie noircie de chaque colonne représente des déménagements dans la même collectivité. Ces habitants de Saskatoon ont déménagé dans la région métropolitaine de Saskatoon. Les autres, soit 20 p. 100, ce qui représente un pourcentage important, ont emménagé à Saskatoon et provenaient soit de la même province soit d'une autre province, peut-être. Vous pouvez constater les variations enregistrées dans le pays.
Je voudrais maintenant m'intéresser à la situation familiale et aux conditions de vie des jeunes Autochtones. Pour que ce soit bien clair, le graphique 6 indique les conditions de vie réelles des enfants âgés de zéro à 14 ans. J'ai dressé un graphique du nombre d'enfants qui vivent avec un seul parent, en général, leur mère. Vous constatez que dans les villes, en particulier dans les grandes villes, une proportion très élevée d'enfants autochtones vivent en fait avec un seul parent, en général leur mère. Quarante-quatre pour cent de tous les enfants autochtones vivent avec un seul parent, 37 p. 100 dans les petits centres urbains. Ces statistiques sont beaucoup plus élevées que celles qui s'appliquent aux enfants non autochtones - autour de 17 à 18 p. 100 - et également beaucoup plus élevées que celles qui s'appliquent aux enfants autochtones qui vivent soit dans des réserves soit dans des régions rurales.
Le graphique 7 renferme les mêmes renseignements mais porte sur les jeunes d'aujourd'hui, soit la population autochtone âgée de 15 à 24 ans. Comme vous pouvez le constater, la situation est la même. Dans les régions urbaines, de 30 à 33 p. 100 des jeunes Autochtones vivent avec un seul parent, le plus souvent, avec leur mère. Ce chiffre est le double de celui de la population non autochtone et, là encore, il est plus élevé que les pourcentages enregistrés en dehors des centres urbains. En fait, un nombre important de jeunes Autochtones sont eux-mêmes parents.
Le graphique 8 montre le pourcentage de jeunes Autochtones qui sont eux-mêmes chefs d'une famille monoparentale. Là encore, 7 à 8 p. 100 de ces jeunes habitent les régions urbaines, les régions métropolitaines de recensement et les petits centres urbains. En fait, alors que je regardais ce graphique ce matin, je me suis rendu compte que nous l'avions dressé en tenant compte de la population totale des jeunes Autochtones, mais que si nous ne nous étions intéressés qu'aux femmes autochtones, qui sont surtout celles qui sont chefs d'une famille monoparentale, ces chiffres seraient beaucoup plus élevés. Ils ne représenteraient pas le double, mais seraient beaucoup plus élevés, aux alentours de 10 à 15 p. 100. Beaucoup de jeunes Autochtones vivent avec un parent seul ou sont eux-mêmes chefs d'une famille monoparentale.
Le graphique 9 indique le nombre de jeunes qui sont chefs de familles monoparentales dans les grandes villes. Ici, vous pouvez constater qu'ils habitent surtout Winnipeg, Regina et Saskatoon. À mesure que nous parcourrons le reste de ce document, vous verrez que ces trois villes reviennent souvent, notamment lorsque nous nous pencherons sur les études et l'emploi. Je pense qu'il existe un lien entre ces facteurs.
[Français]
Les graphiques suivants ont trait aux études. Le dixième graphique montre le pourcentage des jeunes qui fréquentent l'école. Nous remarquons tout d'abord l'écart de fréquentation chez les jeunes autochtones dans les groupes d'âge de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans, comparativement à leurs homologues non autochtones. Toutefois, une autre observation intéressante est le pourcentage plus élevé d'Autochtones qui fréquentent l'école à un âge plus avancé, c'est-à-dire de 25 à 34 ans et de 35 à 44 ans.
Cela nous amène à nous demander: pourquoi les jeunes gens décrochent-ils? Dans quelques années, les résultats de la prochaine enquête auprès des peuples autochtones pourrait nous fournir des indications à ce sujet. L'écart entre le pourcentage des jeunes autochtones et le pourcentage des jeunes non autochtones qui fréquentent l'école augmente à mesure qu'on passe des villes de l'est aux villes de l'ouest, comme le démontre le onzième graphique.
[Traduction]
Le graphique 12 porte aussi sur les études et examine le niveau de scolarité le plus élevé chez les jeunes Autochtones et non-Autochtones. À gauche figure un cas extrême, soit la proportion de jeunes ayant quitté l'école. Nous avons fait abstraction de ceux qui fréquentent toujours l'école et nous nous sommes intéressés au niveau d'études atteint par ceux qui ont quitté l'école. Vous pouvez constater que près de 60 p. 100 de jeunes Autochtones qui ont quitté l'école n'ont pas terminé leurs études secondaires, alors que ce pourcentage est de 37 p. 100 chez les jeunes non-Autochtones. Pour ce qui est des autres niveaux d'études, les jeunes Autochtones ont fait moins d'études que les jeunes non-Autochtones.
Le graphique suivant est un peu plus réjouissant. Il compare les niveaux d'études des jeunes Autochtones de 1981 à 1996. C'est un graphique parmi d'autres qui n'est pas circonscrit à la population urbaine, mais pour l'heure, nous n'avions de renseignements que pour la population totale. Ici, j'ai mesuré les études à l'aune de la population qui a fait des études postsecondaires. Ces jeunes n'ont peut-être pas obtenu un autre diplôme, mais ils ont poursuivi leurs études après leurs études secondaires.
Vous pouvez constater que chez la population autochtone, le pourcentage a augmenté considérablement puisqu'il est passé de 28 à 43 p. 100. Cependant, c'est le cas également de la population non autochtone au cours de la même période. Or malheureusement, l'écart entre les populations autochtones et non autochtones n'a pas beaucoup changé. Des progrès ont été enregistrés, mais cet écart demeure.
Je voudrais maintenant tourner mon attention vers la situation de l'emploi et du revenu chez les jeunes Autochtones. Le ratio emploi-population figure au graphique 14 qui représente, tout simplement, la part ou le pourcentage de jeunes qui détiennent un emploi. Là encore, ces données datent de 1996.
Vous pouvez constater que le niveau de l'emploi est beaucoup moins élevé chez les jeunes Autochtones que chez les jeunes non-Autochtones. Dans les grandes villes, 68 p. 100 des jeunes non-Autochtones détenaient un emploi contre 45 p. 100 chez les jeunes Autochtones. Ces niveaux sont les mêmes dans les petits centres urbains et ne sont pas très différents dans les régions rurales. Le niveau de l'emploi est encore moins élevé dans les réserves. Ces données concernent les jeunes qui ont quitté l'école. Nous avons fait abstraction des jeunes qui demeurent scolarisés.
Le graphique suivant indique ce même ratio emploi-population dans les grandes villes. Là encore, si vous regardez au milieu du graphique, vous constatez que le niveau de l'emploi dans trois villes, soit Winnipeg, Regina et Saskatoon, est beaucoup moins élevé que dans les autres grandes villes. Le niveau de l'emploi dans toutes les villes est beaucoup moins important chez les jeunes Autochtones que chez les non-Autochtones.
Le graphique suivant montre l'envers de l'emploi, soit le chômage. Ces chiffres représentent le pourcentage de la main-d'oeuvre qui était sans travail, mais qui en cherchait à l'époque où le recensement a été effectué en 1996. On retrouve les mêmes données. Les taux de chômage sont beaucoup plus élevés chez les Autochtones que chez les non-Autochtones. Le chômage est environ le double dans les grandes villes. Au graphique 17 qui porte sur les grandes villes, nous constatons une fois de plus que le taux de chômage est plus élevé dans ces quatre villes que dans les autres. Thunder Bay est de loin la ville où le taux de chômage est le plus élevé.
L'importance des études et de l'emploi n'est certainement pas une idée nouvelle. C'est ce qu'illustre le graphique 18 qui indique le niveau de l'emploi selon le niveau d'études. À une extrémité, à gauche, on retrouve les jeunes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires et à droite, ceux qui possèdent un diplôme postsecondaire qui peut être soit un diplôme universitaire soit un grade collégial.
Il conviendrait de noter deux éléments. Il est manifeste que le niveau de l'emploi est plus élevé si on a fait des études, si on possède un diplôme postsecondaire. Cela est vrai tant pour les jeunes Autochtones que pour les non-Autochtones.
Là encore, on constate une différence entre les jeunes Autochtones et leurs homologues non autochtones, quel que soit leur niveau d'études, bien que ces différences soient moins élevées plus les études sont poussées. Il semble y avoir un rattrapage lorsque les études sont plus poussées. Nous avons compilé des données, qui ne figurent pas dans ces graphiques, qui indiquent que chez les jeunes possédant un diplôme universitaire, l'écart au niveau de l'emploi chez les Autochtones et les non-Autochtones est presque comblé. Ce graphique est représentatif de la population âgée de 25 à 44 ans, étant donné que j'essayais de cibler la population ayant quitté l'école.
Le graphique 19 porte sur la situation financière. Après avoir passé en revue la situation familiale, les études et l'emploi, il n'est pas surprenant que nous constations une fois de plus de grandes différences en matière de revenu. Je me suis intéressé au pourcentage de la population vivant sous le seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. C'est une mesure du revenu qui est souvent utilisée. Dans les grands centres urbains, plus de la moitié de tous les jeunes Autochtones vivent en-dessous de ce seuil, soit le double par rapport aux non-Autochtones. Ces pourcentages sont un peu moins élevés dans les petits centres urbains, mais le rapport est d'environ deux contre un.
Le graphique 20 montre ces différences dans nos grands centres urbains. À gauche, vous constatez que les trois villes de l'ouest - Regina, Saskatoon et Winnipeg - sont celles qui ont les plus hauts niveaux de faible revenu chez les jeunes Autochtones. Dans toutes les villes, les seuils de faible revenu sont plus élevés chez les jeunes Autochtones que chez les non-Autochtones.
Mon dernier graphique, le graphique 21, examine les données sur les jeunes Autochtones justiciables. Ces chiffres reflètent la population autochtone totale. Je n'ai pas pu obtenir de données sur la population urbaine. Ces données manquaient dans deux provinces, le Nouveau-Brunswick et le Québec.
Ce graphique examine la situation des jeunes Autochtones âgés de 12 à 17 ans. Les colonnes noircies montrent la proportion de jeunes Autochtones dans chaque province. Par exemple, au Manitoba et en Saskatchewan, la population autochtone représente 15 p. 100 ou 16 p. 100 de ce groupe d'âge. La colonne blanche montre la proportion de jeunes Autochtones qui ont été admis au placement sous garde. Là encore, ce pourcentage est beaucoup plus élevé au Manitoba et en Saskatchewan où les trois-quarts des jeunes condamnés étaient des Autochtones. Ce pourcentage est beaucoup plus important que leur représentation dans la population totale.
Madame la présidente, voilà qui met un terme à mon exposé. Je serai ravi de répondre aux questions du comité.
La présidente: Merci infiniment. Vous avez apporté la preuve de ce que nous savions déjà, ce qui est très important.
Le sénateur Johnson: Je me demande si vous pouvez m'aider à débroussailler quelques statistiques dans le domaine de la santé. Je suis originaire de Winnipeg et je connais bien ce problème. Comme vous le savez, un résident sur cinq à Winnipeg est Autochtone et la moitié de cette population a moins de 25 ans.
Il n'est pas facile d'obtenir des statistiques sur la santé, mais selon des données empiriques, le taux de maladies évitables et de handicaps, de mortalité et de suicide est plus élevé chez les jeunes Autochtones que chez les autres jeunes Canadiens. Est-il possible de comparer la santé des jeunes vivant dans des réserves et hors réserve?
M. Norris: À Statistique Canada, nous n'avons pas de données permettant de comparer la santé des jeunes Autochtones à celles des non-Autochtones. Nous venons de terminer une grande enquête sur la santé qui nous permettra d'examiner la situation de la population autochtone hors réserve pour la première fois. Ces données devraient être rendues publiques dans six à neuf mois.
Le sénateur Johnson: Avons-nous des renseignements, ventilés selon le sexe, sur les indicateurs de santé, le syndrome d'alcoolisme foetal ou l'augmentation considérable de 91 p. 100 du sida chez les jeunes Autochtones urbains entre 1996 et 1998?
M. Norris: Je n'ai pas de renseignements à jour à ce sujet. Certaines de ces données proviendront de nos nouvelles enquêtes.
Le sénateur Johnson: Vous n'avez rien dans le domaine de la santé. Où pourrais-je trouver ces renseignements? Je ne les ai pas pour ma province. Je suppose que nous nous mettons tout juste à les compiler.
M. Norris: C'est exact. Il y a eu une lacune.
Le sénateur Johnson: Comment peut-on parler de lacune au sujet du SAF alors qu'il existe depuis si longtemps? Ma soeur accouchait des bébés atteints de ce syndrome en 1980.
M. Norris: Il n'y a pas suffisamment de renseignements qui nous permettraient de conclure qu'il s'agit d'un problème purement autochtone.
Le sénateur Johnson: Dans ma province, nous savons que 99 p. 100 des bébés atteints de ce syndrome sont d'origine autochtone. Cependant, vous ne pouvez pas me donner de statistiques à ce sujet. Les services de santé de Winnipeg peuvent au moins me donner ce renseignement. Les médecins sur place peuvent également vous le dire.
Pourquoi n'avons-nous pas d'autres renseignements à ce sujet? Je vois bien dans quel état de santé sont les enfants dans les rues et dans les écoles. Obtiendrais-je davantage de résultats si je cherchais ces renseignements dans ma province?
M. Norris: Les services de santé provinciaux pourraient avoir ce genre de renseignements dans leurs dossiers. Nous aurons bientôt des données tirées des nouvelles enquêtes que nous avons faites. Santé Canada pourrait avoir certains renseignements, bien que ces renseignements portent vraisemblablement sur la population dans les réserves.
Le sénateur Johnson: Les nouvelles sont bonnes quant aux études et aux enfants scolarisés. Les statistiques le montrent bien. Avez-vous des statistiques sur la consommation de drogues et d'alcool chez les jeunes Autochtones par rapport aux jeunes dans les réserves et à leurs homologues non autochtones vivant dans les villes?
M. Norris: Non.
Le sénateur Johnson: Ce sont ces questions qui se répercutent sur leur mode de vie en milieu urbain. À votre avis, d'après vos statistiques, y a-t-il une différence entre les Autochtones nés et élevés dans des centres urbains et ceux qui y déménagent?
M. Norris: Me demandez-vous s'il existe une différence entre les jeunes Autochtones qui ont vécu toute leur vie dans des villes et ceux qui y ont emménagé?
Le sénateur Johnson: Oui. D'après vos statistiques, leur situation s'est-elle améliorée au bout d'une génération par rapport à ceux qui ont emménagé dans les villes depuis peu? Vous dites qu'ils sont tous chefs de familles monoparentales.
M. Norris: Ce n'est pas le cas de tous. Beaucoup vivent avec un seul parent ou sont eux-mêmes chefs d'une famille monoparentale.
Le sénateur Johnson: Vos statistiques abordent surtout la situation des parents seuls. Il n'y a rien à propos des familles traditionnelles.
M. Norris: J'ai choisi de m'intéresser à ces données car les différences sont très marquées. Cependant, cela ne veut pas dire que tous les jeunes Autochtones sont chefs de familles monoparentales ou qu'ils vivent avec un seul parent. Certains vivent dans des familles où les deux parents sont présents.
Le sénateur Johnson: Peut-être pourriez-vous nous fournir les données sur ces cas-là.
M. Norris: Avec plaisir.
Le sénateur Johnson: Vous pensez que je devrais parler aux services de santé à propos des autres questions que j'ai abordées?
M. Norris: Je ne peux pas vous donner de statistiques sur la santé. Nous ne les avons pas pour l'heure. Nous y travaillons, mais je ne peux pas vous les donner aujourd'hui.
Le sénateur Christensen: Vos statistiques sont tirées du recensement de Statistique Canada?
M. Norris: Oui.
Le sénateur Christensen: Ces renseignements proviennent de ce que les gens ont inscrit sur les formulaires?
M. Norris: C'est exact.
Le sénateur Christensen: L'alcool, la santé et tous ces éléments ne figurent pas sur le formulaire.
M. Norris: En effet.
Le sénateur Christensen: Tirez-vous ces renseignements d'ailleurs, comme des centres médicaux?
M. Norris: À l'heure actuelle, nous ne tirons pas de renseignements des dossiers médicaux. Comme je l'ai dit, les dossiers médicaux de la plupart des provinces n'identifient pas les patients comme étant Autochtones. Je pense que la situation est différente au Manitoba. Je crois que c'est où vous voulez en venir. Il y a peut-être une autre province dans ce même cas, la Colombie-Britannique.
En règle générale, le problème qui se pose sur le plan statistique, c'est qu'il est difficile d'identifier la population autochtone en vue de recueillir ces données statistiques. Nous épluchons actuellement une enquête qui nous donnera des renseignements sur la santé. Nous posons une question à propos du VIH et d'autres aspects de la santé, mais ces données ne sont pas encore prêtes. Au cours des prochaines années, nous disposerons d'un plus grand nombre de données, tirées non seulement du recensement, mais également d'enquêtes sur la santé ou d'autres enquêtes spécialisées sur la population autochtone.
Le sénateur Christensen: Quel genre de statistiques recueillez-vous, autres que dans le cadre du recensement? Dans quels autres domaines compilez-vous des statistiques?
M. Norris: Parlez-vous d'une façon générale ou de la population autochtone?
Le sénateur Christensen: De la population autochtone.
M. Norris: Nous avons très peu de sources d'information sur la population autochtone autres que le recensement.
Le sénateur Christensen: Avez-vous établi une comparaison entre les Autochtones vivant dans les régions rurales et ceux vivant dans les régions urbaines en ce qui concerne les études universitaires? D'où proviennent les chiffres les plus élevés? Des réserves ou des villes?
M. Norris: Le niveau d'éducation est plus élevé dans les villes que dans les réserves.
Un honorable sénateur m'a posé tout à l'heure une question à laquelle je n'ai pas répondu sur les données concernant les Autochtones de la deuxième génération vivant dans les villes. Nous n'avons pas de renseignements à ce sujet. Là encore, il est difficile de les identifier. Dans le recensement, nous ne savons pas si quelqu'un qui a grandi en ville est un citadin de la deuxième génération. Nous n'avons pas de renseignements à ce sujet. Nous pourrions comparer les habitants ayant fait des études universitaires dans les villes. Nous pourrions nous demander s'ils ont réussi et ce qu'ils font de plus. Nous pourrions comparer la situation dans les villes et dans les régions rurales. J'en ai un peu parlé dans mon exposé. Nous pourrions en faire davantage.
Le sénateur Christensen: Dans les réserves et dans les petites collectivités, on pourrait penser qu'il existe un groupe d'entraide, comme une famille élargie, qui encouragerait davantage les enfants alors que dans les régions urbaines, ils sont souvent isolés, ne vivent qu'avec un parent et ne sont pas aidés par d'autres. Existe-t-il des statistiques en ce sens?
M. Norris: Nous pourrions examiner ce cas. En fait, un grand nombre d'Autochtones qui font des études supérieures déménagent dans les villes et obtiennent certains emplois. On en tient compte.
Je pense que ce que vous dites est un peu vrai. Nous avons examiné la situation familiale et avons constaté que le nombre de parents seuls dans les réserves est moins élevé, ce qui rend compte de l'aide communautaire dont vous parlez.
Le sénateur Christensen: Pouvez-vous découvrir de quelque façon que ce soit pourquoi cette mobilité est si élevée? Existe-t-il des renseignements qui nous permettraient de mieux comprendre les raisons de cette mobilité? En général, si les gens sont propriétaires de terres ou de logements, ils sont moins susceptibles de déménager.
M. Norris: Il n'y a rien dans les données que j'ai présentées. Nous avons posé des questions à ce sujet dans l'enquête que nous effectuons sur les Autochtones. Nous en saurons bientôt davantage. On pourrait expliquer ce phénomène de diverses façons. Une famille à faible revenu peut avoir du mal à trouver un logement adéquat, d'où le nombre de déménagements. Je ne peux pas vous donner de données précises sur ces raisons. C'est ce que nous essayons de découvrir maintenant.
Le sénateur Johnson: Êtes-vous en train de lancer une nouvelle enquête?
M. Norris: C'est une enquête sur les peuples autochtones. Elle se poursuit actuellement.
Le sénateur Johnson: J'allais vous demander si vous aviez fini par vous rendre compte qu'il fallait faire une enquête différente pour tenir compte des besoins de cette population.
M. Norris: Oui. Nous en avons fait une en 1991 qui a donné des résultats utiles.
Le sénateur Johnson: L'envoi à domicile de formulaires à remplir donne presque toujours des résultats épars. Avec les Autochtones, qui ne cessent de migrer et de déménager, je ne pense pas que vous obtiendrez beaucoup de résultats, du moins dans ma ville. Je connais bien ma ville. Je suis au courant des bonnes nouvelles comme des mauvaises. Je sais que la mobilité y est importante. Les Autochtones dans ma province ne restent pas dans les réserves, sénateur Christensen, parce que, dans la majorité des réserves, rien ne leur est offert.
Le sénateur Léger: Dois-je comprendre que Statistique Canada a pour unique rôle de compiler des données, sans se poser de questions? Cette information doit venir d'ailleurs. Il me semble qu'aujourd'hui, il est plus important de connaître les causes.
M. Norris: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous recueillons des données pour essayer de découvrir ces causes, mais notre organisme a principalement pour but d'essayer de transmettre ces données brutes à de nombreuses autres personnes, à d'autres niveaux de gouvernement et aux Autochtones mêmes pour qu'elles soient étudiées et analysées. Nous cherchons avant tout à recueillir des renseignements qui sont les plus exacts et les plus complets possibles.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, certaines lacunes existent et la mise sur pied d'une base de données qui répond à nos besoins ne se fera pas du jour au lendemain. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
En recueillant ces données, nous les analysons aussi un peu nous-mêmes, mais nous en laissons l'interprétation détaillée à d'autres parties prenantes qui se servent de ces renseignements. Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Léger: Vous avez utilisé le mot «épars» il y a quelques instants en parlant de ça. Ce n'est pas épars, c'est très clair, mais ce sont des données brutes nécessaires.
Un suivi est-il effectué ou d'autres s'en chargent-il? Je pense vous avoir entendu dire que ce n'est pas votre ministère qui s'en occupe.
M. Norris: Il nous faudra beaucoup de temps, en tant que société et du moins, dans le milieu de la recherche en sciences sociales, pour essayer de comprendre la dynamique de notre société, et je ne parle pas uniquement de la population autochtone. Nous effectuons beaucoup de travaux sur les clés de la réussite chez les enfants. Statistique Canada essaie de recueillir davantage de renseignements à ce sujet. Nous essayons de faire la même chose pour les Autochtones.
Je conviens que ce sont des données brutes et absolues. Lorsque je vais dans des soirées, les gens me disent: «Vous êtes statisticien. Vous devez être un être froid et ennuyeux». C'est ainsi que je gagne ma vie.
Cependant, on peut en tirer certains enseignements. D'autres, en dehors de notre organisme, analysent ces données. Des chercheurs ont essayé d'utiliser ces données pour obtenir des renseignements. Nous cherchons à établir une base d'information fiable que tout le monde peut utiliser.
Le sénateur Pearson: Je m'intéresse aux méthodes que vous utilisez car je pense qu'il est difficile d'obtenir des données sur les Autochtones. L'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes ne porte pas sur la population autochtone et pourtant nous savons que ce sont chez les Autochtones que les enfants présentent les plus grandes difficultés et problèmes.
Dans l'enquête que vous faites sur les Autochtones, quelles méthodes utilisez-vous?
M. Norris: Cette enquête, qui est la principale enquête que nous effectuons actuellement en dehors du recensement, est une enquête transversale. C'est une enquête éclair, pas une enquête longitudinale comme celle sur les enfants dont vous avez parlé. C'est une enquête multisectorielle ciblée sur divers sujets, et la santé en est un fort important. Ce n'est pas une enquête sur la santé uniquement. Elle comporte des questions sur la culture, l'éducation et la mobilité. Elle touche divers secteurs.
Nous avons travaillé d'arrache-pied avec la communauté autochtone pour préparer cette enquête. Nous avons beaucoup à apprendre sur la manière de recueillir des renseignements à propos des Autochtones. Certains concepts que nous utilisons dans nos enquêtes générales ne s'appliquent pas en l'espèce. Ils doivent être modifiés. Au sein d'un comité de mise en oeuvre, nous avons beaucoup travaillé avec des représentants de la communauté métis et inuit et de centres d'accueil pour essayer de concevoir et de préparer ces enquêtes pour pouvoir les comparer à certaines de nos enquêtes non autochtones et pour recueillir des renseignements utiles pour les groupes en cause.
Une enquête comporte une série de questions communes à tous les groupes et une autre série de questions facultatives. Les Métis s'intéressaient à un certain nombre de sujets. Nous avons pu préparer des modules, que nous appelons les modules des Métis, qui s'intéressent à ces sujets. Avec les Inuit dans le Nord, nous avons pu nous greffer à une enquête internationale effectuée par les pays circumpolaires, comme le Groenland, la Russie, l'Alaska et d'autres.
Notre enquête est assez souple. Autour du noyau central se greffe une certaine flexibilité. C'est une enquête transversale. Elle s'intéresse aux adultes mais également aux enfants. Nous pourrons ainsi obtenir des renseignements utiles, beaucoup plus précis que ceux que nous avions sur la situation dans les villes, par exemple.
Le sénateur Pearson: Quand aurons-nous les résultats de cette enquête approximativement?
M. Norris: Vers la mi-2003.
Le sénateur Pearson: Je crois savoir que vous avez essayé de préparer une composante autochtone à l'enquête longitudinale nationale.
M. Norris: Oui. Nous discutons avec nos collègues de Développement des ressources humaines Canada pour savoir si nous pouvons effectuer une enquête longitudinale sur les enfants autochtones. Les discussions viennent de commencer et, comme pour la plupart de ces choses-là, tout dépend du financement existant. Mais c'est une de nos priorités.
Le sénateur Pearson: Nous allons encourager l'exécution de cette enquête. Je reviens des États-Unis où j'ai vu les différentes attitudes à l'égard de certaines des questions que nous examinons. J'ai assisté à une consultation sur l'exploitation sexuelle des enfants. Notre délégation comptait un certain nombre d'Autochtones qui étaient disposés à parler de cette question. Le commerce sexuel touche de nombreux enfants autochtones. En parlant avec les Américains, j'ai eu l'impression que cette question comptait très peu aux États-Unis. Avez-vous des données américaines que nous pourrions comparer ou pouvez-vous nous dire où trouver ces données?
M. Norris: Dans leur recensement national de 2000, les États-Unis identifient la population autochtone. On pourrait effectivement faire des comparaisons. En fait, c'est une bonne suggestion que d'examiner le recensement américain.
Du côté des Inuit, l'enquête circumpolaire nous permettra d'effectuer pour la première fois une comparaison à l'échelle internationale, ce qui sera très intéressant. Nous nous sommes mis en rapport avec nos collègues australiens pour en savoir davantage sur les méthodes utilisées pour effectuer cette enquête et pour recueillir des données. En l'espèce, on pourrait établir une comparaison à l'échelle internationale, mais que je sache, peu de comparaisons internationales ont été faites jusqu'à présent.
Le sénateur Pearson: Nous nous acheminons peu à peu vers une définition internationale de l'expression population autochtone. La collecte de données présente parfois trop de différences entre nations pour qu'on puisse déceler des points communs.
M. Norris: Il est vrai que l'aspect international de la collecte de données est plus souvent retenu. Je pense à l'immigration. Je reviens d'une réunion la semaine dernière avec nos collègues américains et mexicains. Nous allons essayer d'étudier l'immigration nord-américaine. Nous recueillerons des données au-delà de nos frontières pour pouvoir les comparer. Les gens s'intéressent à ces comparaisons et veulent apprendre les uns des autres. Nous constatons que nous effectuons de plus en plus ce genre de travaux.
Le sénateur Pearson: Ma réunion était trilatérale. Nous nous penchions sur les mouvements migratoires, pour quelque raison que ce soit.
Le sénateur Christensen: Sur quoi repose l'étude autochtone que vous effectu ez? La faites-vous vous-même? Avez-vous sous-traité ce travail? Est-ce sous forme d'un feuillet de questions?
M. Norris: C'est un questionnaire. Nous pouvons vous en remettre une copie. Nous effectuons cette étude nous-mêmes. C'est un échantillon tiré de notre recensement. Ce qui est difficile lorsqu'on recueille des renseignements pour une enquête auprès de la population autochtone, en particulier la population urbaine, c'est comment trouver les gens pour leur poser des questions.
Le sénateur Christensen: Faites-vous appel à d'autres organismes?
M. Norris: Nous n'avons pas trouvé de moyens probants nous permettant d'utiliser l'information existante. Nous avons décidé d'utiliser notre recensement. Il s'adresse à tout le monde et nous pouvons retrouver les gens pour leur poser des questions plus précises. C'est ce que nous faisons avec l'enquête sur les Autochtones.
Le sénateur Christensen: Il y a aussi les centres d'accueil, etc.
M. Norris: Nous en avons parlé. L'ennui, c'est que nous ignorons qui ils regroupent. Nous ne savons pas si toute la population autochtone est incluse. Nous avons fait des travaux préliminaires pour essayer de le savoir, mais nous ne pensons pas que toute la population soit couverte. En ce sens, notre recensement est meilleur, bien qu'il présente quelques problèmes également. Cependant, c'est ce que nous pouvons faire de mieux. Cela a donné d'assez bons résultats en 1991 et nous pensons qu'il en sera de même. Nous sommes tout particulièrement contents de la situation dans les villes où nous avons pu faire des progrès en raison de la collaboration de nos collègues inuit et métis. Tout le monde attend ces données avec impatience et, en particulier, chacun cherche à collaborer pour essayer de les analyser et de les rendre publiques. Nous avons certains projets de ce côté.
Le sénateur Christensen: Le graphique 21 comprend-il les enfants qui ont été placés sous tutelle et sous la garde des services sociaux ou seulement les enfants qui ont été condamnés?
M. Norris: Seulement les enfants qui ont été condamnés, je crois.
Le sénateur Hubley: Je vais essayer de comparer deux graphiques. Dans le cadre de nos travaux, nous cherchons des modèles positifs, mais également des modèles qui ne donnent pas de bons résultats.
Au graphique 10, je suppose que la fréquentation scolaire serait plus élevée chez les plus jeunes. Par conséquent, pour les enfants d'âge scolaire de 10 à 14 ans, qu'ils soient autochtones ou non, ce taux serait beaucoup plus élevé, si bien que la baisse ne commencerait à intervenir qu'à partir des enfants de 15 à 19 ans.
Savons-nous si certaines régions réussissent plus que d'autres à conserver leurs enfants autochtones à l'école? Y a-t-il des statistiques à ce sujet?
M. Norris: Le graphique 11 donne certaines données selon les villes. Bien qu'il y ait une certaine différence, elle n'est pas marquée. À Montréal, Thunder Bay et Victoria, il semble que près de 80 p. 100 des jeunes Autochtones âgés de 15 à 19 ans fréquentent l'école alors que ce pourcentage n'est que de 70 p. 100 à Winnipeg, Calgary et Edmonton. Il y a un déclin, mais il n'est pas énorme. Cela semble être uniforme. Là encore, ce déclin est plus accentué dans les villes de l'ouest, Saskatoon, Winnipeg, et cetera.
Le sénateur Hubley: Effectivement. Ces données comprennent-elles les collèges communautaires? Si on regarde le graphique 18 - le segment de la population n'ayant pas terminé ses études secondaires et celui dont les membres détiennent un diplôme ou un grade - les collèges communautaires sont-ils aussi inclus dans ce dernier chiffre?
M. Norris: Oui, ces diplômes ou grades peuvent provenir de collèges communautaires tout comme de l'université. Nous pourrions ventiler ces chiffres, mais ils sont regroupés dans ce graphique.
Le sénateur Hubley: Vous avez également indiqué, pour ceux qui détiennent un diplôme universitaire, que cette différence s'amoindrit.
M. Norris: C'est exact. Il y a un autre graphique, et nous pourrions vraisemblablement fournir ces chiffres au comité, où nous pouvons ventiler ces chiffres: moins que les études secondaires, études secondaires, diplôme, collège communautaire et université et nous constatons que l'écart en matière d'emploi diminue à mesure que le niveau d'études augmente, ce qu'on espère et ce à quoi il faut s'attendre. Pour les universités, l'écart est très faible, ce qui signifie qu'il peut être attribué au niveau d'éducation.
Le sénateur Hubley: Votre enquête sur les peuples autochtones comportera-t-elle une composante médicale? Tiendrez-vous compte des problèmes médicaux des jeunes Autochtones et des répercussions de ces problèmes sur les succès auxquels ils peuvent s'attendre dans la vie, ou tiendrez-vous compte des traitements médicaux qu'ils devront suivre pour le reste de leur vie?
M. Norris: Puisqu'il s'agit d'une enquête, ces éléments sont autodéclarés. Un certain nombre de questions portent sur l'état de santé qui pourrait être examiné et relié à d'autres états comme le diabète ou le VIH. Le questionnaire est prêt et nous pouvons examiner la situation. Nous en fournirons des exemplaires au comité. Il y en a un certain nombre.
Le sénateur Pearson: Je voudrais revenir sur les différences enregistrées selon les régions du pays, mais je ne veux pas m'attarder sur les études. Les problèmes qui touchent les jeunes Autochtones urbains, ceux qui sont les plus importants selon les villes, reflètent-ils en valeur les similitudes et différences régionales?
Il est intéressant de se pencher sur le cas de Toronto en raison du pourcentage de la population autochtone par rapport à la population totale. Lorsque les jeunes sont plus nombreux, vous constatez que certains problèmes sont plus prononcés, que cette population représente la population générale ou autochtone - lorsqu'on examine les données entre la population autochtone et non autochtone au graphique 3, par exemple. Ce graphique n'indique pas de différences régionales. J'essaie de comparer une ville comme Toronto à Winnipeg où, numériquement, les Autochtones y sont nombreux mais proportionnellement moindres. La différence est-elle évidente?
M. Norris: Absolument, car en examinant les données, on constate effectivement que plus le pourcentage de jeunes Autochtones est élevé, plus il semble y avoir de problèmes familiaux, de mobilité, d'emploi, d'éducation, etc. Je ne suis pas sûr cependant que cela soit nécessairement dû à la concentration. D'autres éléments entrent peut-être en jeu.
Par exemple, dans les Prairies, certains jeunes Autochtones dans les villes peuvent être originaires de réserves éloignées alors que la population autochtone s'installant à Toronto vivait vraisemblablement pas très loin de Toronto et a donc été exposée différemment aux systèmes éducatifs et aux autres couches de la société, d'où leur différence. Je pense que ce facteur est vraisemblablement plus important que le taux de concentration, mais je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Pearson: Dans des villes comme Winnipeg et Saskatoon, nous constatons que les jeunes Autochtones urbains sont plus visibles, ce qui pourrait provoquer une série de circonstances qu'on ne trouve pas à Toronto, qui compte de nombreuses autres minorités visibles, si bien que les Autochtones urbains ne sont peut-être pas plus défavorisés que certaines populations d'immigrés dans ce domaine. C'est un simple avis, mais je pense qu'il faudra en tenir compte lorsqu'on examinera ces différences.
Le sénateur Johnson: Je suppose que les retombées, sur le plan des statistiques, sont importantes tout simplement parce que Toronto compte 60 000 Autochtones alors que Winnipeg en a 100 000 sur 600 000 habitants.
Sur le graphique consacré aux études, vous citez des statistiques sur le nombre d'enfants scolarisés dans les régions urbaines. Je serais curieuse de savoir quelles sont les statistiques dans les régions rurales des différentes provinces.
À Toronto, nous avons, le sénateur Wilson et moi-même, rencontré ces jeunes. La moitié faisaient des études de maîtrise. Ils avaient déménagé en ville et représentaient la deuxième génération d'Autochtones. Beaucoup préfèrent ne pas vivre à Toronto. Des perspectives intéressantes existent en dehors des centres urbains. Au Manitoba et en Saskatchewan, la situation est totalement différente.
Je ne sais pas comment vous coordonnez ces statistiques. Comment faites-vous ces enquêtes? Dans des régions plus concentrées comme Winnipeg et Saskatoon, les méthodes utilisées sont différentes. Pour notre étude, nous avons un ensemble de questions, puis nous allons en Colombie-Britannique et tout est de nouveau différent.
Ce serait utile si les sénateurs Watt ou Sibbeston étaient ici pour en discuter.
Le sénateur Pearson: Toutes ces données sont très intéressantes. Il n'est pas surprenant que Statistique Canada ait une telle réputation.
Le sénateur Johnson: Quand votre enquête sur les peuples autochtones sera-t-elle terminée?
M. Norris: Elle devrait être prête vers la mi-2003, ce qui est encore assez loin malheureusement. Nous n'avons pas fini de recueillir les données. C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle et nous allons continuer encore un certain temps.
Le sénateur Johnson: Je suis sûre qu'il sera très intéressant de développer des techniques à ce sujet.
M. Norris: Si vous le désirez, nous pourrons comparaître de nouveau devant le comité pour vous présenter ces nouvelles données dès que nous les aurons.
La présidente: Je voudrais faire une observation. Je pense que vos statistiques sont très bien faites.
En tant que Métis, je travaille avec Statistique Canada depuis 1988 environ pour qu'il m'aide à obtenir des statistiques, en particulier sur les Métis. Malheureusement, nous avons appris que le ministère des Affaires indiennes et du Nord paye Statistique Canada pour compiler ses statistiques et qu'il n'a pas d'argent. Voilà quel était le problème.
À la première colonne du graphique 14, sur l'emploi dans les réserves, pouvons-nous tenir pour acquis qu'aucune personne non autochtone ne travaille dans les réserves?
M. Norris: Non. Nous n'avons pas intégré la population non autochtone dans les réserves parce qu'elle est trop petite et ciblée et qu'on ne pouvait pas vraiment la comparer aux autres. Mais nous disposons de ces renseignements. C'est un très petit groupe, comme vous le savez. Nous pourrions l'indiquer, mais il faut faire attention lorsqu'on établit des comparaisons parce que cette population est très ciblée; ce sont des infirmières, par exemple. Nous avons estimé qu'il valait mieux en faire abstraction parce que ce groupe était trop restreint.
La présidente: Je suis originaire de l'Alberta. Vous disiez que pour établir des différences, il fallait des situations différentes ou des statistiques différentes. Comme vous le savez, depuis la fin des années 60, nous connaissons une révolution industrielle, en particulier dans les régions septentrionales de notre province. Une transition nous a été imposée. Il a fallu 300 ans aux Anglais pour digérer leur révolution industrielle, mais les Autochtones du Nord de l'Alberta ont dû le faire en 30 ans ou moins, et ce, sans aide sociale.
Pour ce qui est de l'emploi, disposez-vous de statistiques pour cette région du pays qui portent sur les perspectives d'emploi des Autochtones? Je constate que le taux de chômage dans ces collectivités tourne toujours autour de 80 à 90 p. 100 alors que nous sommes en pleine révolution industrielle. Tenez-vous compte des régions comme le Nord de l'Alberta et les territoires où il y a les mines de diamant, les pipelines et ainsi de suite? Avez-vous pris tout cela en considération lorsque vous avez planifié votre recensement et vos enquêtes?
M. Norris: Absolument, car le point fort du recensement, c'est que nous pouvons nous rendre dans toutes les collectivités du pays, y compris le Nord de l'Alberta et les territoires et examiner la situation de l'emploi au moment du recensement. L'inconvénient tient au fait que c'est une analyse sélective. En l'espèce, nous pouvons analyser la situation telle qu'elle était en 1996 dans ces collectivités du Nord de l'Alberta. Nous avons des points de mesure où ce type d'information peut être analysé, selon les collectivités dans le Nord de l'Alberta. Nous aurons les données mises à jour de 2001 l'année prochaine.
Nous n'avons pas de renseignements sur l'évolution de la situation et il faut donc interpréter les renseignements en fonction de l'époque et de la conjoncture. Mais nous avons des renseignements ponctuels pour diverses collectivités et nous pourrions examiner ces données.
La présidente: J'ai une suggestion à vous faire à propos de votre enquête sur les Autochtones. Lorsque nous sommes allés à Vancouver, nous avons constaté qu'il y avait un important groupe autochtone interinstitutions. Vous pourriez peut-êtrevous mettre en rapport avec ce groupe pour effectuer votre enquête, car ce serait le centre qui vous aiderait le plus.
Des événements intéressants se produisent dans la région de Vancouver, en particulier au Centre d'accueil de Hastings. Le programme autochtone Bon départ est un autre organisme que vous pourriez contacter. Vous y verrez une évolution très intéressante en ce qui concerne les familles monoparentales et les mères adolescentes. C'est un problème tellement important. Une grande partie de la société autochtone est composée de mères adolescentes. Ce serait peut-être une idée, je crois.
Vous pourriez également trouver de l'aide auprès des organismes de construction d'habitations autochtones, métis et hors réserves.
À propos de logements, et Mme Hagey pourrait peut-être répondre à cette question, la SCHL a dévolu les programmes de logement social aux provinces. Depuis lors, il n'existe plus de programmes de logement social. Dans votre travail, avez-vous constaté des différences et savez-vous ce qu'il en est? Lorsque nous avons construit des logements urbains pour les Métis en Alberta et que nous avons terminé les dix premières maisons, une mère célibataire ayant six enfants est venue nous voir et nous a dit: «Thelma, pour la première fois, je peux acheter des oranges à mes enfants». Nous avons aussi constaté que la migration est presque inexistante lorsque les gens arrivent à obtenir un logement décent.
Dans vos enquêtes, avez-vous tenu compte des différences de migration lorsque les logements offerts aux Autochtones sont décents?
Mme N. Janet Hagey, directrice, Division des statistiques sociales, du logement et des familles, Statistique Canada: Nous n'avons pas fait cette analyse, mais nous pourrions effectivement voir qui déménage et si les logements ont besoin de réparations lorsque nous analyserons le recensement de 2001.
L'enquête sur les peuples autochtones comporte également des questions sur le logement. Il est intéressant d'établir un rapport entre les taux de migration et la densité des logements.
La présidente: Nous avons également constaté que plus de 50 p. 100 du revenu net de ces personnes servait à payer le loyer. Cela pourrait aussi représenter un gros facteur dans les taux de migration.
Ce dont nous devons tous nous rendre compte, c'est que nous n'avons jamais, bien que tout le monde parle des immigrants d'autres pays, analysé la migration des gens de notre propre pays. Une enquête comme celle que vous faites est très importante pour en savoir davantage sur la mobilité de notre peuple.
Mme Hagey: Dans les enquêtes sur les peuples autochtones, nous demandons aux gens pourquoi ils déménagent. Nous saurons alors si le logement, l'emploi ou la proximité de la famille sont en cause. C'est une suggestion très utile.
La présidente: Espérons que les organismes politiques des Premières nations s'y intéresseront.
Le sénateur Johnson: Ce serait très utile du point de vue statistique.
La présidente: Avez-vous d'autres questions à poser ou d'autres observations à faire?
Le sénateur Johnson: Nous espérons vous revoir bientôt.
La présidente: Je voudrais vous remercier infiniment. Cette séance a été très intéressante et ces renseignements nous sont d'une grande aide. Ce n'est pas une étude que nous faisons. Nous préparons un plan d'action.
M. Norris: Merci.
La séance est levée.