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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 16 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes, et d'autres questions connexes.

Le sénateur Thelma J. Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bienvenue au représentant du Congrès des peuples autochtones, le chef Dorey. Nous sommes très heureux que vous soyez ici ce matin. Je suis certaine que vous aurez des statistiques intéressantes à nous communiquer. Veuillez commencer.

M. Dwight A. Dorey, chef national, Congrès des peuples autochtones: Bonjour, honorables sénateurs. Merci de nous avoir invités à comparaître. Je suis accompagné de Jamie Gallant, ex-représentante nationale des jeunes au conseil d'administration national du Congrès des peuples autochtones et actuellement stagiaire au Congrès dans le domaine du marché du travail.

Dans ma brève présentation, je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails des statistiques terribles concernant les enfants et les jeunes Autochtones dans notre pays; je pense que vous les connaissez déjà. Je mettrai plutôt l'accent sur ce que nous pouvons faire pour changer ces statistiques, pour engager nos jeunes dans la mise au point de solutions et, aspect tout aussi important, pour travailler avec eux comme catalyseurs afin qu'ils deviennent des leaders et puissent gérer des résultats positifs. Avant de commencer, je voudrais vous présenter un portrait récent du Congrès des peuples autochtones et de ceux dont nous devons servir les intérêts puisque nous avons été élus pour le faire.

Le Congrès des peuples autochtones, ou CPA, est l'organisme national de défense des intérêts des Indiens et des Métis qui ne vivent pas dans des réserves régies par la Loi sur les Indiens, et qui sont appelés incorrectement «Premières nations».

Selon le recensement de 1996 de Statistique Canada, il y a plus de 1,1 million d'Autochtones au Canada. Le recensement de cette année fera augmenter ce chiffre considérablement. De ce nombre, près de 80p.100 ne vivent pas dans les réserves régies par la Loi sur les Indiens et ne reçoivent pas les prestations ou les services prévus par cette loi. En fait, un peu plus de 50p.100 des Indiens inscrits ne vivent pas dans les réserves régies par la Loi sur les Indiens; la mobilité vers les centres urbains augmente, selon une tendance conforme à l'évolution démographique de la population canadienne, comme le révèlent les données récentes de Statistique Canada.

Avec l'entrée en vigueur du projet de loi C-31 au milieu des années 80, des milliers de nos gens ont repris ou obtenu leur statut d'Indiens inscrits, dont la plupart des chefs de nos associations constituantes. En tant que Micmac et chef national, je suis un Indien de 16 ans grâce au projet de loi C-31. Je suppose que cela me qualifie de façon particulière pour me trouver à cette table afin de discuter des problèmes des jeunes d'aujourd'hui. Cela ne fait que vous montrer comment les apparences peuvent être trompeuses. Je le dis pour vous rappeler qui nous sommes.

Depuis plus de 30 ans, le CPA, fondé sous le nom de Conseil national des Autochtones du Canada en 1971, travaille à défendre les intérêts des Autochtones vivant en dehors des réserves régies par la Loi sur les Indiens. Le CPA est le bureau national d'un réseau d'associations politiques constituantes dans tout le pays, qui se divisent à leur tour en zones régionales et en unités locales dans les villes et villages de notre magnifique pays. Chaque organisation constituante du Congrès est dirigée par un chef ou un président élu, et chaque zone ou unité locale comprend des cadres élus par les gens de la base.

Notre composition est démocratique et représentative, et notre portée est vaste, d'un océan à l'autre dans des centaines de communautés où les programmes et services sont offerts aux Autochtones vivant hors des réserves, ainsi que dans des communautés où ces services ne leur sont pas offerts. L'effet net est que les gens qui s'adressent au Congrès et à ses associations constituantes, zones et unités locales comprennent des Métis vivant à l'extérieur des «prairies natales», nouvellement définies, des milliers d'Indiens non inscrits, et des Indiens inscrits et visés par un traité vivant en dehors des réserves régies par la Loi sur les Indiens. Tous ces gens constituent de loin le plus grand groupe d'Autochtones au Canada.

Malgré un passé marqué par un sous-financement important comparativement à certaines autres organisations autochtones nationales, le Congrès et son prédécesseur ont toujours promu et maintenu des politiques et des programmes qui ne tiennent pas compte du statut et de la résidence. Notre dossier est une preuve vivante que nous avons toujours travaillé pour servir et soutenir les Autochtones, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent et où qu'ils vivent, individuellement et collectivement.

Deux des nombreux exemples de ce fait sont le Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones, qui a réussi à fournir des logements et des services de réhabilitation résidentielle à des milliers d'Autochtones, et l'Initiative d'emploi pour les Autochtones vivant en milieu urbain, qui crée des emplois et des petites entreprises. Ces deux initiatives viennent du Congrès des peuples autochtones et du Conseil national des Autochtones du Canada.

Toujours pour vous présenter des faits observables, j'ajoute que c'est le président du Conseil national des Autochtones du Canada qui a négocié directement avec le ministre de la Justice de l'époque, Jean Chrétien, pour s'assurer que le mot «Métis» était inclus avec les mots «Indiens» et «Inuits» dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle, où sont énumérés les peuples autochtones du Canada. Je suis fier de signaler que nous sommes en voie de mettre en oeuvre une stratégie nationale d'emploi des Autochtones en partenariat avec les gouvernements, le secteur privé et les syndicats. Cette stratégie est très prometteuse pour assurer une participation forte et durable des Autochtones à l'économie canadienne.

Cette initiative servira à mettre au point un programme national qui ne tiendra pas compte du statut et de la résidence. Elle vise à faire en sorte que les Autochtones soient bien préparés pour soutenir la concurrence à tous les niveaux du milieu de travail, du niveau d'entrée à la haute direction, et que le milieu de travail soit bien préparé à recevoir les compétences et les talents des jeunes Autochtones formés et motivés. Il s'agit d'une situation gagnante pour tous les partenaires et d'un programme très prometteur pour les générations d'Autochtones actuelles et futures.

Il y a également l'initiative nationale du CPA sur le diabète, aussi en partenariat avec le gouvernement, les Autochtones et le secteur privé, qui met l'accent sur la prévention et le traitement de cette maladie pandémique dans nos communautés autochtones.

Encore là, ces deux initiatives ne tiennent pas compte du statut et de la résidence et, selon notre philosophie, cela devrait toujours être le cas.

J'ajouterai que, malgré des difficultés énormes — financières, juridiques, sociales —, le Congrès des peuples autochtones et ses organisations constituantes de tout le pays continuent de prendre des mesures pour servir le mieux possible les intérêts de tous les Autochtones hors-réserve. Parmi nos préoccupations constantes à cet égard se trouvent les problèmes spéciaux qu'affrontent les enfants et les jeunes Autochtones.

Mme Jamie Gallant, stagiaire, Jeunesse et marché du travail, Congrès des peuples autochtones: Ce que veulent les jeunes Autochtones, c'est ce que veulent aussi tous les autres jeunes Canadiens: l'espoir. On dit que la première responsabilité de nos leaders est de garder l'espoir vivant. Sans espoir, il ne peut y avoir aucun avenir valable. Et nous voulons un avenir valable. Cela signifie que nous voulons participer et contribuer à tous les aspects de la vie qui nous importent, et en bénéficier — obtenir une bonne éducation, mener une carrière satisfaisante et utile, être en santé dans l'esprit et le corps, demeurer reliés à nos cultures, à nos traditions et à notre spiritualité, transmettre ce que nous avons appris, aider les autres, et faire de ce pays et du monde un meilleur lieu où tous les peuples peuvent vivre.

Il y a cependant un problème important. Les jeunes Autochtones veulent participer au débat; ils ne veulent pas en faire l'objet, mais bien en être des participants à part entière et égale. Nous ne voulons pas que vous nous disiez ce que nous devrions faire. Nous voulons que vous et nos propres leaders travaillent avec nous pour découvrir ce que nous pouvons faire exactement, jusqu'où nous pouvons aller, comment nous pouvons atteindre les sommets, quels murs nous pouvons abattre, quelles limites nous pouvons repousser, quelles visions nous pouvons surpasser, quelles merveilles nous pouvons accomplir. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui.

Nous savons que nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes ou saisir toutes les possibilités par nous-mêmes, et nous savons aussi que vous ne pouvez pas le faire à notre place. Mais le fait est que vous avez besoin de nous et que nous avons besoin de vous. Ce n'est pas comme si nous n'avions rien avec quoi travailler, parce que nous avons la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone. Elle a été en évolution depuis la conférence des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux et des leaders autochtones nationaux à Québec en 1998, et elle est une réalité — bien que seulement un colosse aux pieds d'argile jusqu'à maintenant — depuis plus d'un an. Et le temps passe. Nous avons une autre conférence à Iqaluit en juin. Où en serons-nous à ce moment-là? Est-ce que ce sera un pas en avant ou deux pas en arrière?

La secrétaire d'État pour les enfants et les jeunes, Ethel Blondin-Andrew, a beaucoup de travail à accomplir et pas assez d'argent ou de soutien. Essayons de trouver comment nous pouvons faire avancer le projet, accélérer le processus, mettre au point des solutions et nous préparer à profiter des possibilités. C'est nécessaire parce que les jeunes sont renommés pour leur impatience et que, pour nous, le rythme actuel est beaucoup trop lent.

M. Dorey: Notre conseil d'administration national compte une représentation des jeunes depuis la fondation du Conseil national des Autochtones du Canada en 1971 — il y a plus de 30 ans maintenant.

Ce fut une tâche longue et fastidieuse pour les jeunes Autochtones que de s'engager dans le débat au sein des organisations autochtones et plus particulièrement au sein de la grande mosaïque canadienne. Les raisons sont nombreuses — apathie, léthargie, ignorance, syndrome «papa a raison», grave manque de ressources, inertie politique —, mais les excuses sont peu nombreuses. Qui est à blâmer? Est-ce que cela importe vraiment? Est-ce que nous avons le temps de nous en occuper?

Le chef Piaikan, du peuple kiaipo dans l'Amazonie brésilienne, disait: «Les peuples civilisés parlent beaucoup et pensent qu'ils ont fait quelque chose. Nous, les Kiaipo, nous agissons.»

Mme Gallant: Et maintenant? Un sondage mené l'an dernier par l'Institut de recherche en politiques publiques indique que la politique présente peu d'intérêt pour les jeunes. Si nous voulons arriver à quelque chose, nous devons changer cette situation. La politique est l'art du possible et, comme l'ont fait nos leaders autochtones, nous devons apprendre à participer à la vie publique comme agents du changement pour les jeunes Autochtones du Canada, et ce, dès maintenant!

Encore une fois, nous voulons participer de façon à pouvoir contribuer et bénéficier. C'est le slogan du CPA et c'est notre engagement. C'est pourquoi le CPA a non seulement un jeune Autochtone à son conseil d'administration national, mais un coordonnateur national pour la jeunesse dans son personnel. C'est une promesse que notre chef national Dorey avait faite à la conférence nationale des jeunes Autochtones à Edmonton en octobre dernier. Et c'est une promesse qu'il a tenue immédiatement. Notre équipe jeunesse travaille actuellement à la promotion de la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone et à un programme spécial d'encadrement pour les jeunes, que le Congrès vient de mettre sur pied. Autrement dit, nous ne faisons pas que parler, nous faisons ce que nous disons.

Et nous faisons de notre mieux dans des circonstances difficiles. Le Congrès des peuples autochtones a travaillé à un certain nombre d'initiatives pour les jeunes dans le cadre de la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone. Certains de nos efforts importants en matière de politiques et de programmes, particulièrement dans les domaines de la création d'emplois et de la formation, sont reliés aux grandes orientations proposées dans la stratégie — économiques, politiques, sociales, ainsi qu'en matière d'éducation et de développement des compétences. Ces efforts visent principalement, quoique pas exclusivement, les jeunes Autochtones. Parmi nos principales initiatives, je mentionnerai la stratégie nationale d'emploi des Autochtones qui combine l'éducation, la formation, l'encadrement, le développement des compétences et la création d'emplois à long terme pour les jeunes Autochtones à tous les niveaux du marché du travail, des postes d'entrée aux postes de haute direction.

Nous travaillons également très fort pour garder nos jeunes reliés les uns aux autres et aux principaux intervenants du pays. Par cette communication, nous sommes résolus à aider nos jeunes à obtenir une voix et à leur offrir un sentiment d'engagement et d'appartenance envers les questions qui les touchent et qui influent sur leur avenir.

Nous travaillons actuellement pour que le conseil des jeunes du CPA se réunisse plus régulièrement. Notre objectif est d'obtenir des ressources qui nous permettront de nous réunir pour discuter des problèmes, et des solutions pratiques qui pourraient servir à surmonter les obstacles que nous affrontons dans notre quête pour devenir des participants utiles et des partenaires égaux dans la société canadienne.

Ce sont de petites étapes, mais elles sont importantes dans notre engagement continu à garder l'espoir vivant chez les jeunes Autochtones. Nous devons porter plus loin cette approche active.

Nous avons des suggestions à vous présenter pour nous permettre de faire ce que nous disons. Comme première étape, rendons la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone exempte de bureaucratie. Ayons l'esprit ouvert à une nouvelle réflexion et ne nous attardons pas à ce que nous ne pouvons pas faire, mais mettons plutôt l'accent sur ce que nous pouvons accomplir. Ne laissons pas les obstacles — perçus ou réels — être le but du débat; ils sont le début de la conversation, la première étape vers les solutions. Il faut de l'imagination, du travail acharné et du courage chez un grand nombre de personnes, dans de nombreuses institutions, politiques et autres. Pourquoi ne pas organiser une campagne d'«appel à tous» pour intéresser les gens et les engager dans la stratégie des jeunes? Vous avez toutes sortes d'amis dans des lieux influents, ici à Ottawa, dans la vie publique provinciale et territoriale, dans les conseils d'administration du secteur privé et des syndicats, dans les commissions scolaires, dans les collèges et universités, partout. Vous connaissez tous ceux qui font avancer les choses. Il nous reste à les mobiliser pour nous aider. Imaginez simplement ce que pourrait faire un tel appel à tous. Dites aux gens de quoi nous avons besoin, pourquoi et quand. Nous vous aiderons à le formuler.

Enfin, pensons à des moyens nouveaux et novateurs pour aider les jeunes à se relier les uns aux autres, à vous et à tous ceux qui peuvent faire de cet objectif une réalité.

Nous devons nous rencontrer plus souvent, pas seulement lors d'une conférence tous les ans ou tous les deux ans, de sorte que nous — et j'insiste sur le mot «nous» — puissions énergiser l'élan du changement, surveiller nos progrès et proposer des solutions. Un programme de connexion des jeunes nous permettrait de travailler en tenant compte des horaires scolaires. Mais nous n'avons pas d'argent — nous, pas vous —, nous sommes éparpillés à la grandeur du pays et nous sommes souvent difficiles à rejoindre, quoique pas autant que vous. Ne prenons pas la stratégie pour la jeunesse à la légère.

M. Dorey: Cela signifie qu'il faut prendre des risques. Et après? Les enjeux sont trop importants pour que nous refusions d'agir. L'avenir des jeunes Autochtones est en jeu, et nous manquons de temps parce que, si nous ne réussissons pas, quelles sont les chances de succès pour la prochaine génération? Pourquoi ne pas utiliser tous les outils à notre disposition, tous les pouvoirs que nous avons, toute l'énergie que vous pouvez rassembler pour nous aider à garder l'espoir vivant? Cela pourrait être un voyage court ou long, tout dépend de l'importance de notre première étape et du rythme que nous établirons. Commençons dès maintenant.

La présidente: Merci de votre présentation très intéressante et pleine d'information.

Le sénateur Pearson: Madame Gallant, je m'intéresse en particulier au programme Étudiants bien branchés. J'ai rencontré des gens d'Industrie Canada qui travaillent au programme Rescol. Si j'ai bien compris, il y a un Conseil consultatif jeunesse dans ce programme. Dans leurs efforts pour établir des liens avec les gens et les écoles du Canada, ces gens-là ont eu du mal à joindre certaines communautés autochtones. Savez-vous quelque chose à ce sujet-là? Rescol permet aux étudiants de se brancher à Internet, ce qui est une façon de créer des liens.

Mme Gallant: Je ne connais pas le programme Rescol. Le programme Étudiants bien branchés est probablement similaire, en ce sens que c'est un programme qui permet aux jeunes Autochtones de tout le Canada de communiquer entre eux pour échanger des idées.

Le sénateur Pearson: Pensez-vous que la plupart des jeunes, contrairement à moi, sont à l'aise sur Internet?

Mme Gallant: Je pense que oui.

Le sénateur Pearson: C'est une question que nous devrions examiner plus à fond. Je pense qu'Industrie Canada va offrir les fonds nécessaires pour rendre le branchement à Internet accessible dans le cadre d'autres programmes comme le Programme d'accès communautaire, ou PAC. Je ne sais pas combien de centres autochtones ont déjà accès à Internet, mais c'est certainement une chose que nous devrions promouvoir. Nous allons essayer de faire en sorte que vous ayez l'infrastructure nécessaire pour que les jeunes puissent se brancher.

Avez-vous beaucoup d'information à ce sujet-là, chef Dorey?

M. Dorey: Je pense que vos commentaires s'appliquent tout particulièrement aux petites communautés des régions isolées.

Le sénateur Pearson: L'engagement d'Industrie Canada à brancher les Canadiens est censé s'appliquer dans les villes et en milieu rural, et c'est une chose que nous devrions encourager. Les liens de ce genre ouvrent des perspectives extrêmement importantes pour les jeunes. Ils peuvent communiquer les uns avec les autres d'un bout à l'autre du pays, découvrir ce qu'ils ont en commun et explorer de nouvelles avenues.

La présidente: Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'il y a de plus en plus de gangs, surtout dans l'Ouest. Nos jeunes semblent traverser une crise d'identité. Qu'est-ce que le CPA fait pour sensibiliser les gens à l'identité autochtone dans notre pays' Les gangs semblent donner une identité à ces gens-là, mais ce n'est pas une identité souhaitable. Avez-vous étudié la question des gangs et du système judiciaire canadien?

M. Dorey: Oui, très longuement. Cela se rattache aux principes fondamentaux du Congrès des peuples autochtones. Nous sommes là pour servir les gens qui quittent leur communauté d'origine et qui, jusqu'à un certain point, sont perdus dans un «no man's land», dans un monde plus vaste, et qui ont l'impression d'être déconnectés ou de perdre leur identité.

En tant qu'organisation nationale, nous avons évidemment des problèmes de ressources. Par conséquent, nous nous attachons surtout à fournir des services aux jeunes des grands centres urbains qui se retrouvent dans des gangs ou qui vivent d'autres situations difficiles. Beaucoup de nos gens vivent dans la rue. Prenez par exemple les nouvelles récentes sur les prostituées de la côte ouest. La moitié de ces jeunes filles sont autochtones. C'est très inquiétant.

Pour répondre à nos besoins — et comme le fait le CPA, je pense —, nous devons nous attaquer au noeud du problème, et pas seulement aux symptômes. Nous devons créer plus de possibilités concrètes pour ces gens-là, pour qu'ils sachent que nous sommes là pour les aider. Nous avons besoin d'initiatives qui mettent l'accent sur la santé des gens, pour leur permettre de vivre sainement, et qui leur offrent des possibilités d'éducation et de formation. L'éducation et la santé règlent bien des problèmes. Cependant, le logement est maintenant en état de crise dans les communautés autochtones, en particulier dans les villes. La fin du Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones, il y a quelques années, a laissé un grand vide en ce qui concerne les mesures visant à répondre aux besoins de nos communautés autochtones. Bien que le logement pour nos frères et nos soeurs vivant dans les réserves ait été préservé, les statistiques montrent que la majorité de nos jeunes quittent les réserves pour se rendre dans les centres urbains et ailleurs pour trouver de l'emploi.

Il reste de nombreux obstacles, même dans le domaine de l'emploi. Notre stratégie en matière de main-d'oeuvre vise à supprimer ces obstacles, à trouver des emplois pour les gens et, avec un peu de chance, à corriger les conditions sociales et économiques qui donnent naissance aux gangs. Nos gens, au niveau communautaire, doivent travailler avec les organisations et les autorités locales, y compris les maires des villes, les services policiers et ainsi de suite. Tout le monde doit travailler ensemble. C'est notre but ultime.

La présidente: Avez-vous les ressources financières nécessaires pour y arriver?

M. Dorey: Pas pour le moment, mais nous sommes optimistes. Diverses initiatives ont été annoncées récemment dans le discours du Trône. Le premier ministre, en créant le groupe de référence ministériel, nous a montré qu'il faisait des efforts sérieux pour résoudre certains de nos problèmes. J'ai eu la chance d'être présent à une des rencontres de ce groupe.

Les gens se sont rendu compte que nous devions commencer à chercher des solutions innovatrices. Nous devons songer à faire les choses différemment. On a toujours besoin de plus de ressources quand on essaie d'élaborer de nouvelles stratégies pour résoudre les vieux problèmes. On nous dit trop souvent qu'il n'y a pas de nouvelles ressources. Je ne veux pas dire que la solution est uniquement une question d'argent, mais je pense que nous devons trouver des ressources suffisantes pour aborder différemment la tâche qui consiste à élaborer une stratégie mieux ciblée afin de résoudre ces problèmes. Le Congrès s'occupe de ces questions une par une, par exemple la formation professionnelle et le diabète. Et nous allons poursuivre nos autres initiatives.

Le sénateur Hubley: Madame Gallant, je sais que vous avez grandi dans la même localité que moi, à Kensington, Île- du-Prince-Édouard, une toute petite localité où les gens ne sont pas toujours conscients que les jeunes Autochtones ont des problèmes au sein de la communauté. Que pensez-vous de notre système d'éducation et de ce qu'il serait possible d'y ajouter — ou d'en soustraire — pour aider les jeunes Autochtones à réussir à l'intérieur de notre système?

Mme Gallant: Je suis convaincue qu'il faut une composante culturelle dans le système d'éducation, par exemple à l'intérieur d'un cours sur les cultures. Il devrait y avoir une composante d'éducation culturelle plus poussée pour les étudiants autochtones parce que c'est important. Quand on vient d'une communauté urbaine où il y a peu d'Autochtones, il est difficile d'être branché sur son identité culturelle.

Je pense aussi qu'il faudrait sensibiliser les enseignants aux questions culturelles parce qu'ils ne sont pas toujours aussi conscients qu'ils devraient l'être de ce que vivent les jeunes Autochtones.

Le sénateur Hubley: Pensez-vous qu'il devrait y avoir des mesures incitatives pour encourager les jeunes Autochtones à poursuivre leurs études, que ce soit à l'université ou dans les collèges communautaires? Y a-t-il un moyen d'encourager les jeunes à étudier plus longtemps?

Mme Gallant: Comme je l'ai déjà dit, tout ce que les jeunes Autochtones veulent, c'est de l'espoir. Nous voulons avoir les mêmes chances que tous les autres jeunes du pays. S'il y a une façon d'encourager nos jeunes à vouloir poursuivre leurs études, nous devons le trouver parce que c'est vraiment important.

Le sénateur Hubley: Est-ce que les statistiques montrent que les jeunes Autochtones n'ont pas les mêmes chances que les autres, ou que le pourcentage de ceux qui vont au collège n'est pas le même que chez les autres jeunes?

M. Dorey: Sénateur, je peux peut-être répondre à cette question. Comme je l'ai dit au début de ma présentation, je n'ai pas voulu vous citer de statistiques détaillées. Je pense que tout le monde les connaît. Le financement disponible pour les Indiens inscrits qui veulent faire des études secondaires — et pas seulement dans les réserves — constitue une question fondamentale pour nous. Nous devons examiner un peu mieux les moyens à prendre pour aider les jeunes Autochtones à faire des études. Il y a un plafond applicable à ce financement, et nous savons que, quand les fonds sont administrés par les bandes, l'éducation est généralement la priorité.

Cependant, pour en revenir aux statistiques, cela ne change rien qu'on soit un Indien inscrit vivant dans une réserve, un membre d'une Première nation ou encore un Métis vivant en ville, hors-réserve; les statistiques sont les mêmes pour tous les Autochtones. Autrement dit, les problèmes socioéconomiques des Autochtones sont constants, qu'il s'agisse d'Indiens inscrits ou non, de Métis ou de quoi que ce soit d'autre.

Les statistiques révèlent également que le véritable problème, c'est que le revenu de ces familles est extrêmement bas. Le problème, pour les jeunes Autochtones, qu'ils soient des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits ou des Métis, qu'ils vivent dans des réserves ou non, c'est de trouver les ressources nécessaires pour aller à l'école. La situation est presque sans espoir pour nos gens parce qu'il y a dans notre système tellement d'obstacles et d'aspects discriminatoires qui les empêchent de se trouver un emploi et de faire profiter leurs enfants des avantages de cet emploi. Nous devons commencer par nous attaquer à ce problème.

En tant qu'organisation nationale, et avec la participation de Mme Gallant, nous essayons de mettre en place des programmes d'encadrement pour nos jeunes. La présentation de modèles en est un aspect important. Les Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones, dont la cérémonie de remise sera télévisée ce soir, constituent un excellent exemple de ce qu'il est possible de faire. Nous devons faire plus de choses de ce genre. Le noeud du problème se trouve au niveau des communautés, où les gens sont incapables de trouver des emplois. Par conséquent, ils ne peuvent pas financer l'éducation de leurs enfants et ils perdent espoir.

Les gens n'envisagent pas l'avenir avec optimisme parce qu'il y a énormément d'obstacles à l'emploi. Ils se demandent à quoi il sert de faire des études si cela ne leur permet pas de trouver du travail. Nous devons nous attaquer aux problèmes de ce genre.

Le sénateur Christensen: Comme vous l'avez souligné, et comme le savent ceux d'entre nous qui s'occupent de cette question depuis un certain temps, c'est un problème très complexe et très difficile à résoudre. Le financement est certainement un élément du problème, mais il y a aussi une foule d'autres aspects.

Vous avez parlé de vos stratégies de travail au sujet du diabète et des horaires scolaires. Il y a deux groupes d'enfants différents: ceux qui sont motivés et ceux qui le sont moins. Quelles ressources consacrez-vous aux programmes de prévention et d'éducation à la santé, sur des questions comme le SAF et l'EAF? Les gens de ce groupe ont besoin de beaucoup d'attention. Avez-vous des programmes dans ce domaine-là?

M. Dorey: Non, nous n'en avons pas, et cela fait partie du problème. Ce sont des questions qui n'ont jamais suscité suffisamment d'intérêt. Il n'y a pas de ressources suffisantes pour s'en occuper, que ce soit par l'entremise de notre organisation ou d'autres organisations.

À titre d'organisation nationale, le Congrès des peuples autochtones cherche constamment à promouvoir les changements de politiques et de programmes qui mettront davantage l'accent sur ce genre d'initiatives.

Nous sommes souvent pris entre deux feux, à cause des questions de partage des compétences. Il y a une responsabilité fiduciaire fédérale et une responsabilité provinciale. Les provinces disent que le gouvernement fédéral est responsable des Autochtones, ou des Indiens. Le gouvernement fédéral répond qu'il est responsable des Indiens des réserves, mais que les gens qui vivent en dehors des réserves relèvent des provinces. C'est le genre de difficultés auxquelles nous devons constamment faire face dans nos efforts pour faire ce dont vous parlez.

Le sénateur Christensen: Il y a deux groupes, ceux qui doivent être motivés et ceux qui le sont déjà, et nous devons donner espoir à ceux qui sont motivés. Il faut des programmes complètement différents pour les gens de ce groupe.

Vous avez dit que le logement urbain était un problème majeur. Est-ce que ce n'est pas le cas aussi du logement rural? Est-ce que ce n'est pas une des raisons pour lesquelles les gens quittent les régions rurales pour s'installer en ville? Il y a des familles entières qui vivent dans des logements insalubres dans certaines régions rurales.

M. Dorey: Oui, c'est un problème partout. Ce que je dis, c'est que nos gens s'en vont en ville pour essayer de trouver un emploi, mais qu'ils n'en trouvent pas. Ils ne sont donc pas capables de se payer un logement décent.

Le sénateur Christensen: D'où viennent les fonds nécessaires à vos programmes'

M. Dorey: Notre financement de base vient de Patrimoine Canada, comme celui des autres organisations. Nous recevons aussi des fonds de Développement des ressources humaines, mais il y a un écart important entre ce que nous recevons et ce que reçoivent d'autres organisations. Malheureusement, les Autochtones et les organisations qui les représentent ne sont pas tous traités de la même façon.

Nous recevons des fonds de différents ministères, mais c'est la plupart du temps pour des projets précis. Nous devons mettre en place certains projets ou certaines initiatives. Par exemple, nous avons réussi à obtenir des ressources pour entreprendre des activités de sensibilisation au problème endémique du diabète chez les Autochtones.

Le sénateur Christensen: Recevez-vous des fonds provinciaux?

M. Dorey: Encore là, c'est assez inégal. Certains de nos affiliés provinciaux reçoivent de l'aide de leur province, mais pas tous. L'aide provinciale ou territoriale disponible dépend de la province ou de la région où chacun se trouve.

Le sénateur Christensen: Avez-vous beaucoup de commandites d'entreprise?

M. Dorey: Un peu, mais c'est très limité. Les milieux d'affaires contribuent aux programmes d'éducation dans le cadre du programme des Prix d'excellence décernés aux Autochtones.

Le sénateur Christensen: C'est un secteur qui pourrait contribuer davantage à votre financement. Les jeunes Autochtones composent la plus grosse population de jeunes au Canada, et ils vont se retrouver sur le marché du travail.

M. Dorey: C'est un des éléments sur lesquels nous mettons l'accent dans notre stratégie d'emploi. Nous avons l'intention de demander au secteur privé de participer à ce genre de stratégies.

Le sénateur Christensen: Si vous pouviez choisir deux ou trois domaines en particulier qui devraient faire l'objet d'une attention immédiate et sur lesquels nous devrions faire des recommandations, qu'est-ce que ce serait?

M. Dorey: La première chose, comme l'a recommandé la Commission royale sur les peuples autochtones, c'est que nous devons examiner sérieusement la structure du ministère. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a été créé il y a 140 ans en vertu de la Loi sur les Indiens. En raison de la croissance rapide de la population autochtone hors-réserve, et des problèmes sociaux et économiques existants, la commission a recommandé que nous envisagions de restructurer ce ministère et de créer un nouveau ministère des Affaires autochtones. Il faut une perspective plus vaste pour résoudre ces problèmes.

La deuxième question, c'est celle du logement. Il y a une crise du logement de plus en plus grave chez les Autochtones. Il est temps de reconsidérer le vieux Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones. Si le temps n'est pas venu de le ressusciter, nous devons trouver une solution de rechange pour fournir un service similaire. Ce programme a bien fonctionné pendant longtemps. Nos gens ont contribué à son administration, et il a permis de loger des Autochtones, dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci, sauf dans les grands centres urbains. Il faut s'occuper de cette question.

Il y a aussi le problème de la formation professionnelle et des ressources à cet égard. Le Congrès des peuples autochtones a été laissé de côté quand les accords-cadres nationaux ont été signés. Malheureusement, la formule adoptée pour fournir des ressources humaines aux Autochtones est calquée sur la définition constitutionnelle des peuples autochtones — Indiens, Inuits et Métis. Les accords-cadres ont profité à l'Assemblée des premières nations, au Ralliement national des Métis et à Inuit Tapirisat. Nous avons été laissés de côté.

Il n'y a rien, dans aucune loi ou dans la Constitution, au sujet des organisations. Il n'y a rien qui dit que les Autochtones, c'est l'APN, le RNM et ITK. Nous devons réexaminer cette question. Notre organisation représente clairement un segment très important, sinon le plus important, de la population autochtone. Et pourtant, nous avons l'impression qu'on ne nous a laissé que des miettes.

Il est temps d'examiner ces questions plus vastes. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons jamais réfléchir aux moyens de régler collectivement nos problèmes.

En ce qui concerne le diabète, il y a eu 35 millions de dollars alloués à une stratégie sur le diabète autochtone. Pourtant, 90p.100 de cette somme ira aux Autochtones des réserves ou aux Inuits, ce qui ne laisse pas grand-chose aux autres.

Nous devons envisager une nouvelle façon de faire les choses et de régler ces problèmes.

Le sénateur Léger: J'ai eu plaisir à vous entendre dire que l'espoir était important, parce que je suis très découragé lorsque je pense au travail que nous faisons, nous autres les bureaucrates. Ce matin, vous nous apportez l'espoir.

Madame Gallant, vous avez parlé d'une zone sans bureaucratie. Faisons-nous des progrès à ce sujet? Est-ce que la bureaucratie a diminué ou est-ce que c'est toujours la même chose?

MmeGallant: Les jeunes Autochtones veulent pouvoir travailler ensemble. Nous ne voulons pas être séparés par des titres de fonction. Lorsque nous nous retrouvons, nous mettons de côté nos titres et le nom de nos organisations et nous sommes de simples jeunes Autochtones. Voilà comment nous voulons travailler ensemble.

Le sénateur Léger: Vous parvenez à le faire, mais nous' C'est peut-être un problème sur lequel nous devrons nous pencher.

MmeGallant: Je ne suis pas certaine à 100p.100 que c'est le cas chez vous.

Le sénateur Léger: Chef Dorey, vous avez dit qu'un nouveau groupe ministériel a été constitué. Est-ce une autre division bureaucratique?

M.Dorey: Non, parce qu'il fait appel aux gens des plus hauts niveaux. Nous travaillons avec les ministres. Il y a 12ministres dans ce groupe.

Le sénateur Léger: Cela devrait alléger la tâche plutôt que de l'alourdir.

M.Dorey: Ce nouveau groupe ne s'est réuni qu'une seule fois. Nous préparons actuellement notre deuxième réunion, mais je pense que nous nous concentrons sur les enjeux. Encore une fois, il s'agira essentiellement de déterminer s'ils sont sur la bonne voie et s'ils seront en mesure d'aborder adéquatement ce type d'enjeu. Pour le moment, il est un peu prématuré de se prononcer. Toutefois, le fait de travailler au niveau ministériel est un bon signe.

Le sénateur Léger: J'ai été un peu dur vis-à-vis de la bureaucratie, mais je pense que certains progrès ont été faits dans le sens qu'il y a une volonté de changement. Quant à savoir comment nous allons nous y prendre, c'est une autre question.

L'éducation est-elle une responsabilité qui relève des bandes, de la province ou du fédéral?

M.Dorey: Tous les Indiens inscrits bénéficient de l'aide à l'éducation postsecondaire. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien continue à fournir les ressources dans certains cas, mais une grande partie d'entre elles ont déjà été remises aux bandes ou aux organisations collectives des bandes. Dans l'Est, par exemple, l'Atlantic Policy Congress assume cette responsabilité et reçoit maintenant les ressources. L'enveloppe de financement, quel que soit le montant, lui est remise et il en assure la distribution aux diverses bandes ou aux particuliers.

Le problème, c'est qu'il y a cinq ou dix ans, cette enveloppe était suffisante pour répondre aux besoins de tous les jeunes qui en faisaient la demande pour faire des études universitaires. Cependant, ce n'est plus le cas actuellement, parce que la croissance démographique nous a obligés à imposer une limite à ce financement.

Certains de nos jeunes doivent attendre un an ou deux avant de pouvoir obtenir les aides financières nécessaires pour pouvoir aller à l'université ou pour payer leurs études postsecondaires. C'est un véritable problème. Il y a le risque qu'un jeune ne reprenne jamais ses études après avoir dû les interrompre pendant un an ou deux.

Le sénateur Léger: Lorsque j'ai posé cette question, je pensais que notre système scolaire avait besoin de réforme et que vous, les dirigeants, aviez peut-être des idées de réforme intéressantes. Les jeunes ont peut-être d'autres façons d'étudier que d'aller à l'école cinq heures par jour et cinq jours par semaine. Mais, comme vous le savez, parler de changement, c'est facile, mais appliquer le changement, c'est une autre affaire. Si nos dirigeants autochtones adoptaient une autre méthode, il est possible que nous puissions leur emboîter le pas.

J'aimerais vous poser une question sur le logement, une question qui s'applique à toute la population et pas seulement aux Autochtones. Je vais vous donner un exemple. Quand Joe a construit sa maison, son copain a dit: «Joe construit son nid avant d'avoir trouvé sa poulette.» Joe avait construit sa maison avant de se marier. Cela n'arrive plus de nos jours. Pourquoi ne construisons-nous plus nos maisons en prévision de l'avenir? De nos jours, on parle de crise du logement dans les zones urbaines. Comment expliquez-vous cette situation?

M.Dorey: Chez nous, les gens sont très nombreux à avoir les compétences nécessaires pour construire leur maison. Le problème, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. Le Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones a été supprimé il y a six ou sept ans. Ce programme était conçu de manière à permettre aux habitants des villages de participer à la construction de leurs maisons. Il faudrait rétablir quelque chose du genre. Il n'est pas nécessaire de rétablir les mêmes programmes qu'auparavant, mais nous avons besoin de quelque chose de similaire. On peut proposer des programmes qui stimulent l'intérêt et encouragent les gens à construire leurs propres maisons. Mais avant tout, il faut des ressources pour pouvoir acheter les matériaux.

Le sénateur Léger: Je suis tout à fait en faveur de l'expression culturelle. Nous devrions être fiers de ce que nous sommes, de notre identité, de nos arts. C'est ça la valorisation: nous connaissons notre valeur. Les artistes autochtones sont très en avance et j'espère que l'art autochtone continuera à se développer. Je vais certainement regarder l'émission à la télévision ce soir.

Le sénateur Pearson: MadameGallant, la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone m'intéresse. Étant moi- même une apôtre des programmes de stages, je remarque que vous êtes stagiaire au Congrès des peuples autochtones. Est-ce que c'est un programme qui prend de l'ampleur?

MmeGallant: J'ai commencé comme représentante de la jeunesse nationale au congrès. C'était un poste élu. Je viens tout juste de devenir stagiaire préposée au marché du travail. C'est un programme d'encadrement que le congrès a mis sur pied par l'intermédiaire de la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone et la Conférence des jeunes Autochtones qui s'est tenue à Edmonton.

Le sénateur Pearson: Nous encouragez-vous à recommander la multiplication des programmes de stages'

M.Dorey: Oui, je le recommande fortement.

J'aimerais revenir au forum des jeunes dont MmeGallant a parlé. C'était la première fois qu'un forum national des jeunes Autochtones de cette nature était organisé. Il regroupait toutes les organisations et tous les jeunes — c'est-à-dire les Indiens inscrits, ceux des réserves et ceux qui vivent à l'extérieur des réserves, les Métis et les Indiens non inscrits. La principale recommandation qui est sortie du forum est que les jeunes devraient avoir un peu plus leur mot à dire. L'approche paternaliste a fait son temps. Les jeunes veulent nous dire ce qui est bon pour eux et ce qu'il faudrait faire. Ils veulent une plus grande participation.

Le congrès ne dispose pas de ressources spéciales pour un programme de stages. J'ai simplement mentionné que nous allions le faire. J'ai reconnu qu'il faudrait répondre à ce besoin. MmeGallant a été chargée de coordonner notre stratégie pour la jeunesse. Il me faut maintenant trouver les ressources nécessaires pour financer son poste et je vais le faire.

Le sénateur Pearson: Si nous recommandions de vous accorder plus de ressources et si cette recommandation était adoptée, votre organisation pourrait accueillir plusieurs autres jeunes en plus de MmeGallant.

M.Dorey: C'est exact.

Le sénateur Pearson: Voilà quelque chose de concret à garder en tête.

Ma deuxième question est plus délicate.

MadameGallant, les orientations politiques de la Stratégie nationale pour la jeunesse autochtone visent le développement des compétences en matière économique, politique, culturelle, sociale et éducative. Toutefois, chez les jeunes et d'après ce que j'en sais en raison de mes contacts avec d'autres personnes comme MmeKingsley, certaines questions se posent au niveau de la sexualité et des expériences vécues par certains jeunes Autochtones comme vous.

Est-ce qu'il serait utile de présenter une recommandation portant sur l'éducation sexuelle ou préconisant la mise en place de programmes destinés à venir en aide aux jeunes qui ont été soit victimes de violence sexuelle, soit impliqués dans le commerce du sexe?

Si nous voulons nous pencher sur le problème des jeunes, nous devons en examiner les diverses dimensions. Vous avez une stratégie nationale sur le diabète. Peut-on envisager d'autres stratégies? Je ne sais pas exactement comment on pourrait les appeler. Pensez-vous que la sexualité est une question importante pour vos contemporains?

MmeGallant: C'est un problème, surtout dans les grands centres urbains. Mais il faut savoir que beaucoup de jeunes ne sont pas à l'aise avec des questions comme la sexualité et les questions sexuelles.

Le traitement ne suffit pas; il faut aussi faire de la prévention. En matière d'exploitation sexuelle, de sexualité et de prise de conscience, il faut mettre l'accent sur le traitement. Il y a un besoin certain.

Le sénateur Pearson: J'aimerais le souligner aux fins du compte rendu. C'est un aspect important dont il faudra tenir compte lorsque nous présenterons des recommandations concernant les ressources.

[Français]

Le sénateur Gill: Votre présentation couvre, à mon avis, la majorité des sujets concernant les Autochtones.

Monsieur Dorey, j'aimerais revenir à une de vos réponses touchant les points qui devraient faire l'objet de recommandations de la part de ce comité. Vous avez mentionné le ministère des Affaires indiennes. Cette loi existe depuis environ 126 ans. Depuis ce temps, elle a été très peu modifiée. Le projet de loi C-31 a fait en sorte que vous êtes devenu un Indien en 1985 ou 1986. Je ne sais pas si cela a tellement changé le traitement d'un indien avec ou sans statut. En fait, je me demande si cela a fait beaucoup de différence.

Vous avez parlé d'objectif à court terme concernant l'habitation. Ce sont des choses urgentes et nécessaires à faire immédiatement. Le milieu gouvernemental, politique et bureaucratique a de la difficulté à questionner et à changer les politiques qui existent depuis des années. Avec toute la bonne volonté du monde, le gouvernement, règle générale, essaie d'améliorer des programmes existants. Vous avez mentionné qu'il fallait changer la structure à sa base si on veut arriver à quelque chose. On peut prendre comme exemple la reconnaissance des institutions qui regroupent les Autochtones à travers le pays. Il n'y a aucune reconnaissance dans la Loi sur les Indiens de ces organisations qui regroupent les Autochtones qui ont ou non un statut, Métis ou autres. Nous sommes engagés dans un corridor depuis environ 130 ans et il est très difficile d'en sortir. On continue d'ajouter l'erreur à l'erreur. Pourriez-vous expliquer les changements ou les améliorations nécessaires à la base, à court terme et à plus long terme, pour corriger le système et pour que les Autochtones deviennent des citoyens vraiment à part entière?

[Traduction]

M.Dorey: Je ne peux pas lire dans une boule de cristal comment les choses devraient être faites dans un monde idéal.

Le sénateur Gill a visé juste. Le vrai problème se rapporte à la structure du système. Le sénateur Léger a évoqué des problèmes de bureaucratie. La bureaucratie est à l'origine de beaucoup de nos problèmes.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous devons aussi nous pencher de plus près sur les aspects démographiques. L'évolution démographique révèle un grand changement au sein de la communauté autochtone. C'est le changement le plus rapide de notre population. Les Autochtones quittent les réserves pour aller chercher du travail dans les centres urbains.

La structure de responsabilité est vieille et périmée. Je veux parler de la Loi sur les Indiens. Tant que l'on ne modifiera pas la structure, on devra continuer de subir un système régi par des fonctionnaires qui se contentent d'apporter des changements mineurs ou de proposer un nouveau programme ici et là.

En revanche, en mettant en œuvre le changement fondamental proposé par la commission royale qui consiste à scinder le ministère des Affaires indiennes en deux entités, on imposerait un changement radical. Il faut évaluer entièrement tous les services et programmes existants et définir leur place dans la nouvelle structure. C'est de cette manière que l'on pourra faire évoluer les choses.

Il faut, d'une manière quelconque, imposer des conditions plus strictes aux gouvernements provinciaux sur l'utilisation des paiements de transfert du gouvernement fédéral. La prestation des services et programmes aux Autochtones vivant à l'extérieur des réserves doit être soumise à des obligations de rendre compte plus strictes. Il ne suffit pas par exemple que le gouvernement fédéral transfère la responsabilité en matière de logement aux gouvernements provinciaux en leur demandant de s'occuper au mieux des Indiens vivant à l'extérieur des réserves, tandis que le gouvernement fédéral se chargerait des Indiens des réserves. Dans de telles situations, il ne se passe rien.

Actuellement, une de mes organisations constituantes de Nouvelle-Écosse a pris en charge le Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones après la suppression du programme de la SCHL. Il fallait gérer plus de 200logements occupés essentiellement par des Autochtones. Notre organisation provinciale, le Native Council of Nova Scotia avait conclu avec la SCHL une entente concernant la gestion de ces logements. C'est un service payant. En vertu de ce programme, l'organisation employait 14personnes. Dans les deux semaines qui ont suivi la remise de cette responsabilité à la province, les 14personnes ont été licenciées. Le gouvernement provincial leur a dit qu'il pouvait offrir le même service pour moins cher et avec de meilleurs résultats. Quel est le problème dans cette situation?

Le gouvernement provincial convient, avec les autres gouvernements provinciaux réunis au niveau fédéral- provincial-ministériel-autochtone, qu'il faut en faire plus pour créer de meilleurs emplois et débouchés pour les Autochtones. Nous avons un gouvernement provincial qui a le pouvoir de couper l'herbe sous les pieds aux autres en matière d'emploi et de logement pour les Autochtones.

Tant que les Autochtones gèrent le programme, ils peuvent faire en sorte qu'une maison vacante soit attribuée à des Autochtones. Je ne dis pas que cela doit se faire au détriment des pauvres non autochtones, mais il faut maintenir les principes. C'est une partie du problème.

La question de la compétence est un compromis. Certains programmes étaient placés sous le contrôle du gouvernement fédéral et certaines initiatives ciblaient les Autochtones, mais la responsabilité a été transférée au gouvernement provincial. Je fais de mon mieux pour collaborer avec ces gouvernements provinciaux. Je reviens tout juste d'une tournée dans tout le pays qui m'a permis de rencontrer la plupart ou peut-être même tous les ministres des Affaires autochtones. Nous avons discuté de notre stratégie nationale du marché du travail et je leur ai donné l'assurance que je souhaite collaborer avec les représentants provinciaux. Nous devons tous nous rencontrer afin de collaborer. Il est impossible d'empocher les crédits du gouvernement fédéral ou d'accepter une responsabilité et de ne rien faire pour les Autochtones, sous prétexte qu'il faut les traiter de la même manière que les autres citoyens. Ça ne marche pas.

Voilà quelques-uns des problèmes fondamentaux que nous rencontrons. Nous devons envisager un changement de structure et en particulier au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je le dis un peu sous forme de plaisanterie, parce que je participe en ce moment aux négociations sur la gestion publique portant sur le droit découlant de la Loi sur les Indiens. L'Assemblée des premières nations n'y participe pas. Je participe, à titre de représentant de mon organisation, à ces négociations visant à améliorer la Loi sur les Indiens, même si je souhaite la voir remplacer. Je sais qu'il est impossible de s'en débarrasser du jour au lendemain. La commission royale avait consacré beaucoup d'efforts et de travail à cette idée. Il faut absolument y revenir. C'est le seul moyen d'engendrer de véritables changements au niveau du développement des politiques et des programmes. Si ce changement de structure a lieu, si le Parlement accepte ce type de changement, les bureaucrates devront l'intégrer et adapter les programmes en conséquence. Il faudra alors se pencher sur les divers programmes et les différentes questions et agir en profondeur. D'ici là, nous nous contentons de grappiller ici et là. C'est tout ce que nous pouvons faire. Nous sommes pris entre le marteau et l'enclume. Nous essayons de faire des changements importants et nous ne pouvons rien faire d'autres que du bricolage.

Le sénateur Gill: D'après vous, pourquoi l'APN ne participe-t-elle pas à cette consultation avec le ministre? Pourquoi votre organisation n'est-elle pas représentée? Répondez-moi en toute franchise.

M.Dorey: Vous et moi, nous sommes de bons amis. Je vous dirai franchement que je n'en sais rien. Bien sûr, j'ai certaines idées sur le sujet. J'ai été observateur à la réunion de l'APN qui s'est tenue à Halifax lorsqu'on a voté sur cette question. L'exécutif de l'APN avait vraiment l'intention de participer, mais les chefs de la base ont rejeté cette proposition. Je ne comprends pas leur motivation. D'un côté, je comprends qu'ils ont eu peur d'être associés à un processus qu'ils n'approuvaient pas. En effet, ils ont préféré ne pas participer pour qu'on ne puisse pas leur faire remarquer qu'ils ont quand même participé, même s'ils n'approuvent pas l'exercice.

D'un autre côté, moi je participe parce que j'estime que si l'on n'intervient pas lorsqu'on a la possibilité de faire des changements, on ne peut pas se plaindre par la suite de n'avoir pas progressé. Pour moi, c'est incompréhensible. Je suis convaincu que nous devons prendre part au processus afin de faire les changements que nous jugeons nécessaires. Si je ne suis pas content des résultats, alors je peux me permettre de critiquer. Je peux dire: «Nous avons fait de notre mieux, mais vous n'écoutiez pas, monsieur le représentant du gouvernement ou monsieur le ministre. Je n'aime pas le résultat et je ne peux pas l'accepter.»

Je sais qu'il y a plusieurs positions différentes qui s'expriment à ce sujet au sein de l'APN. J'en ai bien conscience. Je suppose que la démocratie nous contraint à respecter les différentes voix qui s'expriment.

La présidente: J'ai quelques questions pour vous au deuxième tour.

Les membres des Premières nations reçoivent de l'aide pour l'enseignement postsecondaire, mais il n'y a rien de prévu pour les Métis ou pour les Indiens non inscrits. Je crois que beaucoup de jeunes veulent retourner aux études, mais qu'il n'y a pas de financement prévu pour eux. Ils doivent contracter des prêts étudiants. Je veux parler des Autochtones, des membres de Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves. Leurs bandes ne leur donnent aucun financement. Elles ne financent que les études postsecondaires. Il y a une grande disparité à ce niveau, si j'ai bien compris. J'aimerais entendre votre commentaire à ce sujet.

Nous avons fait notre petite enquête avant même d'entamer ce plan d'action pour le changement. J'ai demandé à tous les membres de notre comité de s'intéresser aux organismes communautaires de leurs collectivités afin de voir ce qu'ils proposent. Tout le monde a rapporté une absence de financement. Beaucoup d'organismes offrent de magnifiques services avec peu ou pas de financement.

La grossesse chez les adolescentes continue de poser problème parce qu'elle bouleverse la vie des jeunes femmes concernées et qu'elle concerne également les pères adolescents. Quel est votre point de vue sur cette question? À l'heure actuelle, dans ma circonscription, quatre jeunes mères souhaitent à nouveau devenir enceintes, non pas parce que c'est bien vu dans leur milieu, mais tout simplement parce que c'est une tactique de survie. Quel est votre point de vue à ce sujet?

Je crois qu'un organisme communautaire d'Edmonton a fait un excellent travail auprès des mères adolescentes, afin de prévenir le syndrome d'alcoolisme fœtal et l'effet de l'alcool sur le fœtus. Le financement de cet organisme qui relève du gouvernement provincial a été supprimé. C'est tragique. Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans vos rapports avec vos homologues provinciaux?

Par ailleurs, j'entends très peu parler du Congrès des peuples autochtones en Alberta. J'aimerais savoir quelles sont les difficultés que vous, en tant que dirigeant national, éprouvez en vue d'amener les organisations provinciales à collaborer ensemble dans les collectivités.

Je partage votre point de vue concernant le programme de logement des Autochtones depuis que sa responsabilité a été transférée aux provinces. Auparavant, ce programme ne se contentait pas de gérer les logements; il offrait également des services de counselling. Les Autochtones qui occupaient les logements bénéficiaient également des services d'un conseiller qui les encourageait à fréquenter l'école. Il les encourageait à chercher un emploi. Maintenant que ce sont les provinces qui ont hérité de la responsabilité du logement, elles se contentent de faire de la gestion immobilière. Elles ne se préoccupent pas des problèmes de discrimination que vivent leurs locataires. J'aimerais connaître votre point de vue sur les différences entre les programmes actuels et les programmes antérieurs.

Quant aux organisations nationales de logement, il y en a une très bonne en Colombie-Britannique, dont la présidente est Linda Ross. Ils ont lutté avec acharnement pour l'obtenir. Que pensez-vous de la création d'une organisation nationale de logement des Autochtones et comment pourrait-elle prêter main-forte aux provinces?

Il y a aussi la difficulté dont vous avez parlé au sujet des ressources. Votre organisation est un organe politique. Obtenez-vous suffisamment de crédits pour assurer le fonctionnement de vos organisations politiques sans devoir prélever dans les crédits destinés à vos programmes ou devez-vous au contraire utiliser une partie de cet argent pour aider vos organisations politiques?

M.Dorey: Vous avez pratiquement couvert tous les sujets que je pouvais aborder.

Quant à votre question concernant les Métis et les ressources, je dirais que cette question n'est pas nouvelle. Dans ma brève présentation, j'ai essayé d'éviter d'aborder les détails que vous soulevez maintenant.

La présidente: La question ne se limite pas uniquement à l'éducation des Métis, elle s'applique également aux Indiens hors réserve.

M.Dorey: J'en ai bien conscience. Le problème remonte véritablement aux structures des institutions et des systèmes qui sont en place actuellement pour offrir ces services aux Autochtones. Il y a 20ans maintenant que les Autochtones ont été reconnus pour la première fois dans la Constitution. Si l'on compare les 20dernières années aux 120 ou 140années d'application de la Loi sur les Indiens, on se rend compte qu'il y a eu très peu de changements jusqu'à présent. Pourtant, c'est un fait reconnu que les peuples autochtones sont plus nombreux et beaucoup plus répartis dans le pays que ne le laissait croire la Loi sur les Indiens.

La démographie a changé, mais les institutions et les structures en place n'ont pas bougé. Il est temps de les changer. En remplaçant le ministère des Affaires indiennes par un ministère des Affaires autochtones, on pourrait accorder plus d'importance à la structure, aux programmes et aux services du ministère. Ce serait une façon de prendre en compte d'autres questions telles que le logement, les problèmes des jeunes, et cetera.

Dans le cadre de ce processus, il faudrait se pencher également sur toute la question de la répartition des compétences. Dès lors que l'on envisage un ministère fédéral des Affaires autochtones plus global et plus étendu, il faut se pencher sur la question des ressources confiées aux provinces mais qui ne profitent pas à la population autochtone.

Il se peut fort bien que le processus d'autonomie gouvernementale nous amène à réexaminer ces questions et ces initiatives. Depuis une dizaine ou une quinzaine d'années, nous essayons de modifier ou de structurer ce système de gouvernement visant la population autochtone hors réserve qui est éparpillée dans tout le pays. Nous n'avons pas réussi à le faire. L'autre possibilité serait de créer les organes chargés de fournir les services à la population.

Dans certains cas, cela nous obligerait à créer de nouvelles institutions. Par exemple, cela pourrait nous amener à créer des écoles séparées ou à demander une plus grande intégration dans le système existant, en accordant une plus grande participation des Autochtones au sein des conseils scolaires existants. De cette manière, nous nous situerions sur le même plan que les écoles qui doivent prendre en compte leurs budgets, les effectifs et les Autochtones.

Je parle en connaissance de cause. J'ai obtenu mon statut d'Indien il y a 16ans et tout de suite après, j'ai été élu comme représentant au conseil de bande. Je connais les situations auxquelles les bandes doivent faire face. J'ai connu les cas d'Indiens inscrits qui fréquentaient des écoles à l'extérieur des réserves. Lorsqu'il y avait 12étudiants autochtones inscrits, le ministère des Affaires indiennes donnait des crédits supplémentaires pour faire en sorte qu'ils reçoivent une éducation et une culture appropriées, ainsi qu'un soutien adéquat. En revanche, lorsqu'il n'y avait que deux Indiens inscrits et 12, 14, ou 20Indiens non inscrits ou Métis, le financement était supprimé. L'éducation et la culture ont beau être des aspects importants, tout d'un coup il n'en était plus question. Ces Autochtones ne recevaient aucun soutien. Nous devons rétablir ce genre de choses.

Je suis au courant de la question de la représentation du CPA en Alberta. Cela pose parfois des problèmes. Comme vous le savez, la politique autochtone fonctionne. La question de la représentation n'est pas plus importante pour moi qu'elle l'est pour les Canadiens en général. Je veux parler de vos couleurs politiques ou de vos origines sociales. Le premier ministre et son gouvernement représentent et servent l'ensemble de la population.

Nous offrons des services aux Autochtones hors réserve, point final. Voilà quel doit être notre but. Pour bénéficier des services que nous offrons, il n'est pas nécessaire d'être un membre en règle. C'est comme cela.

La croissance rapide de la population autochtone est une situation à laquelle nous devons réagir. Comme le préconisait la recommandation de la commission royale, nous devons faire des changements dès maintenant, ou sinon, nous aurons de graves problèmes à long terme. À cet égard, vous avez parlé des clans.

Politiquement, c'est toujours le même vieux problème du Congrès des peuples autochtones. Nous représentons la majorité de la population autochtone et nous parlons en son nom et pourtant, nous recevons le financement de base le plus réduit que l'on puisse obtenir. Le financement de base n'est pas suffisant. Quel que soit le programme ou projet, grand ou petit, je dois prélever pour l'administration une partie des fonds qui lui sont consacrés. Il faudrait réviser le montant des ressources prévues en vertu du programme de financement de base pour assurer un niveau minimal d'administration. Le montant ne serait pas nécessairement exorbitant, mais suffisant pour effectuer le travail nécessaire.

Nous devons prendre en compte toutes ces questions connexes en même temps. Ce sera problématique tant qu'il n'y aura pas de changement radical au niveau de la bureaucratie et du ministère. Il n'y a pas très longtemps, j'ai dit la même chose au cours de l'exposé que j'ai présenté au Comité permanent des affaires autochtones du Parlement. Nous devons commencer à examiner la structure des programmes destinés aux peuples autochtones. Nous avons pris énormément de retard. Il est temps de nous remettre au goût du jour. Si nous devons pour cela restructurer le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, eh bien, il faudra le faire. Il n'y a là rien de nouveau. Au fil des années, d'autres ministères ont été restructurés, réorganisés et renommés. Faisons la même chose avec ce ministère.

La présidente: Merci beaucoup. Puisqu'il n'y a pas d'autres questions ou commentaires, si vous avez des conclusions à formuler, c'est le moment de le faire.

M.Dorey: Non, je n'ai pas d'autres commentaires à formuler si ce n'est pour vous dire que j'ai vraiment apprécié cette occasion qui m'a été donnée de comparaître. Les parlementaires, les sénateurs comme vous et même le grand public et le secteur privé reconnaissent de plus en plus qu'il faut se pencher sur la situation des Autochtones.

La mauvaise information du public est une des difficultés que nous rencontrons dans nos efforts pour améliorer la situation de la population autochtone grandissante. Chaque fois que des ressources nouvelles ou supplémentaires sont réservées ou utilisées pour régler un problème concernant la population autochtone et indienne, le public a l'impression que c'est de l'argent gaspillé. Nous ne sommes pas d'accord. Nous sommes prêts à rendre des comptes et à montrer que nous avons fait de réels progrès. Il faut apporter d'autres changements aux structures et pas seulement aux niveaux les plus bas des programmes et des projets.

La présidente: Votre exposé a été très instructif. Ce plan d'action en faveur du changement s'est trop fait attendre. J'espère que nous accomplirons certains progrès.

Merci beaucoup. Merci à vous et MmeGallant d'être venus témoigner.

MadameGallant, bonne chance et Dieu vous protège dans votre travail. C'est une grande tâche qui vous attend. Je connais les difficultés que vous devrez surmonter.

La séance est levée.


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