Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 8 - Témoignages de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 3 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 13 h 33 pour effectuer une étude préliminaire des principales questions de sécurité et de défense qui concernent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je suis très heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, que ce soit en personne, dans cette pièce, ou par le truchement de la télévision ou d'Internet. Cet après-midi, nous allons poursuivre notre étude des questions de défense et de sécurité. Je m'appelle Colin Kenny, je suis sénateur de l'Ontario et je préside le comité. À ma droite se trouve le sénateur Forrestall, de la Nouvelle-Écosse, qui est vice-président du comité. À mon extrême droite, vous avez le sénateur LaPierre, de l'Ontario, le sénateur Banks, de l'Alberta, et le sénateur Day, du Nouveau-Brunswick. À mon extrême gauche, siègent les sénateurs Meighen et Atkins, tous deux de l'Ontario.
Ce comité sénatorial permanent est le tout premier à être investi du mandat d'analyser les questions de sécurité et de défense. Nous effectuons une étude des principales questions auxquelles le Canada est confronté sur ces plans en vue d'en faire rapport au Sénat en février. Aujourd'hui, nous devions entendre les chefs des trois armes, soit la Marine, l'Armée de terre et la Force aérienne, afin qu'ils nous présentent la façon dont ils fonctionnent de nos jours et dont ils fonctionneront dans les cinq prochaines années.
Ce matin, nous avons accueilli le chef d'état-major des Forces maritimes et son homologue de l'Armée de terre. Nous débuterons l'après-midi par le témoignage du chef d'état-major de la Force aérienne qui nous livrera son point de vue sur la mission des Forces canadiennes ainsi que des plans et priorités du ministère.
Il y a deux semaines, notre comité a effectué un voyage d'information dans l'Ouest à l'occasion duquel nous avons visité les bases militaires d'Esquimalt et de Winnipeg pour voir comment fonctionnent les forces, comment se déroule l'instruction et comment les gens y vivent. Aujourd'hui, nous entendons le point de vue des responsables des quartiers généraux.
Avant de présenter notre premier témoin de l'après-midi, je dois vous dire à quel point nous sommes fiers des hommes et des femmes qui servent dans la Force aérienne. Au nom des membres du comité ici présents, je veux vous remercier pour votre travail et à remercier vos subalternes.
Notre premier témoin sera donc le lieutenant-général Lloyd Campbell, commandant du Commandement aérien et chef d'état-major de la Force aérienne. Il est né dans le nord-ouest de l'Ontario et a débuté sa carrière dans l'aviation au 437e Escadron de Trenton où il a piloté des Yukon. Il a ensuite connu une carrière distinguée ponctuée d'affectations au Canada et à l'étranger. En 1992, il a pris le commandement de la 4e Escadre et de la base des Forces canadiennes de Baden, en Allemagne, où il a été le dernier officier à commander ces unités avant leur démembrement en juillet 1993. Il a été promu dans son poste actuel en juillet 2000.
Le général Campbell est accompagné du major-général Richard Bastien, chef d'état-major adjoint de la Force aérienne, ainsi que de l'adjudant chef Daniel Gilbert. Bienvenue messieurs.
Vous pouvez commencer, général.
Le lieutenant-général Lloyd Campbell, commandant du Commandement aérien et chef d'état-major de la Force aérienne, ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, nous sommes très heureux de pouvoir participer avec vous à ces discussions très importantes. Comme vous avez déjà présenté notre petit groupe, je m'abstiendrai de le faire.
Merci beaucoup pour les très bons mots que vous avez eus à propos de la Force aérienne canadienne et de ce qu'elle fait pour la nation au côté de l'Armée et de la Marine. En ma qualité de commandant du Commandement aérien et d'ancien commandant de la division aérienne, que vous avez eu l'occasion de visiter, je partage votre sentiment de fierté et estime que les jeunes hommes et femmes ainsi que les moins jeunes qui servent notre pays sous l'uniforme font un excellent travail. Ils méritent notre soutien à tous. Je suis très heureux de constater que c'est ce que vous faites dans cette enceinte.
Au printemps dernier, vous avez été saisi de plusieurs mémoires sur les Forces armées canadiennes et sur la Force aérienne. Vous aurez aussi eu l'occasion de lire le texte que nous avions préparé à votre intention et que nous vous avons fait parvenir avant cette réunion. Je n'ai pas l'intention de le parcourir, préférant le paraphraser et vous laisser un peu plus de temps pour nous poser des questions de fond que vous voudrez aborder.
Au printemps, quand le colonel Hines de mon état-major a comparu devant le comité, il vous a donné un aperçu de nos initiatives de planification stratégique, il vous a indiqué ce que nous avions l'intention de faire, ce que nous faisons déjà et certains des problèmes auxquels est confrontée la Force aérienne sur les plans des ressources financières, humaines et autres. Bien des choses se sont passées depuis - surtout les événements du 11 septembre - mais il convient de mentionner, en ce qui concerne mon secteur, que les priorités et les perspectives qui vous ont été exposées lors de cette présentation au printemps dernier demeurent valables en grande partie. En outre, nos priorités - surtout celles qui consistent à s'occuper de notre personnel, à moderniser notre équipement et à aligner nos ressources sur les activités - sont inchangées. Je dirais même qu'elles sont peut-être encore plus valables aujourd'hui que jadis.
Je vais brièvement vous parler de l'avenir de la Force aérienne et plus exactement du long terme. Une chose qui nous a cruellement fait défaut au Canada: un plan stratégique bien défini énonçant ce que nous voulons faire à longue échéance. Les Forces canadiennes ont justement élaboré un tel plan qui, comme vous le savez sans doute, porte le titre de Stratégie 2020. Le document a fait l'objet de certaines discussions pour voir quelle place il occupe par rapport au Livre blanc et à d'autres documents. Il est déterminant que la Force aérienne se dote du même genre de document qui énoncera notre orientation à long terme.
Pourquoi cela est-il si important? Tout d'abord, nous savons tous que dans l'état actuel des choses, le matériel dont nous nous dotons aujourd'hui servira peut-être pendant des décennies. Ce faisant, il nous faut faire des choix judicieux dans nos acquisitions. Le matériel que nous allons acheter sous mon commandement servira aux chefs d'état-major qui se succéderont au cours des 20 ou 30 prochaines années. Nous ne pouvons pas prétendre être en mesure de prédire ce que l'avenir nous réserve, mais nous devons faire de notre mieux pour imaginer ce que devra être notre capacité et pour nous doter d'un plan en conséquence. C'est précisément ce à quoi doit servir ce qu'on appelle le cadre des capacités aérospatiales.
Un deuxième élément est important pour les aviateurs et pour le personnel des autres armes: ils doivent comprendre le genre de Force aérienne que nous voulons être dans l'avenir pour que nous puissions harmoniser nos plans, nos activités et nos idéaux et éviter toute incompréhension, tant au sein des Forces canadiennes qu'à l'extérieur, sur ce que nous voulons faire. Il arrive que les différences entre nos plans et nos attentes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des forces, occasionnent des difficultés. Ainsi, la formulation de tels plans stratégiques devrait, nous l'espérons, nous permettre de tirer quelque peu les choses au clair.
Toutefois, plutôt que de m'attarder sur cette question, je préfère vous parler de ce que nous faisons aujourd'hui, de ce que sont les capacités actuelles de la Force aérienne et de ce que nous essayons de faire pour nous moderniser et ne pas être dépassés dans l'avenir.
Pour commencer, je vais vous parler du 11 septembre et de ce que cette date a signifié pour la Force aérienne. La Force aérienne est aux prises avec deux types de guerre contre le terrorisme qui sont légèrement différentes l'une de l'autre. La première, c'est-à-dire l'opération Noble Eagle du NORAD, a débuté par les premiers décollages d'urgence de F-15 et de F-16 aux États-Unis, en réaction aux attaques du 11 septembre. Comme vous l'avez découvert lors de votre visite à Winnipeg, nos ressources NORAD sont placées sur un pied d'alerte beaucoup plus élevé, nous avons mobilisé davantage de ressources au Canada et les avons étalées sur l'ensemble de notre territoire. Tous ces avions sont placés sous le commandement du NORAD, c'est-à-dire sous celui du général Lucas dans le cas du Canada, qui est à Winnipeg.
Soit dit en passant, on parle souvent des dures conditions qu'ont à endurées les militaires déployés outre-mer, mais il ne faut pas oublier que, dans le contexte actuel, nombre de nos aviateurs sont déployés hors de leur base de rattachement dans le cadre des missions du NORAD, quand ils ne se retrouvent pas à notre installation de contrôle de la défense aérienne de North Bay où ils effectuent de très longues journées de travail.
La deuxième mission, l'Opération Apollo, est celle qui a fait l'objet du plus de publicité. Il y a bien sûr, parmi les éléments de la Force aérienne, les six hélicoptères Sea King à bord des frégates ainsi que l'airbus Polaris CC150 déployé à Rhein-Main, en Allemagne. Nous sommes aussi sur le point d'envoyer un Aurora CP140 et des Hercules, et d'accomplir d'autres missions intérieures.
Je vais maintenant vous dresser un rapide portrait de la capacité de la Force aérienne, de ses activités et de ses plans de modernisation. Je commencerai par les F-18. Ces avions ont souvent défrayé l'actualité ces dix dernières années, ce qui est normal puisqu'ils représentent le genre de moyen sur lequel ce gouvernement et le gouvernement précédent ont décidé de miser quand ils ont jugé nécessaire d'envoyer des Canadiens au combat. Ainsi, les F-18 ont été engagés deux fois au combat au cours des 10 dernières années et, au Kosovo, ils ont pris part à la campagne aérienne des alliés.
Comme votre comité aura pu le constater dans ses entretiens avec M. Calder, la semaine dernière, la différence entre une guerre et une campagne n'est pas particulièrement apparente pour celui qui se retrouve aux commandes d'un avion. Le nom qu'on peut donner à ce genre de mission importe peu, l'essentiel, c'est que nos gars et nos filles ont fait un excellent travail, durant la guerre du Golfe comme dans la campagne du Kosovo.
Durant la campagne du Kosovo, les F-18 dotés de munitions à guidage de précision nous ont permis de disposer d'une capacité supplémentaire. Il faut savoir que les pilotes canadiens ont dirigé un grand nombre des missions effectuées là-bas. Avant la campagne du Kosovo, nos F-18 en Italie avaient reçu pour mission d'assurer l'appui aérien rapproché des troupes au sol dans les premiers jours du déploiement de la force de stabilisation en Bosnie. Bien que ces troupes n'aient pas été engagées au combat, je sais, pour m'être entretenu avec mes homologues de l'Armée de terre et en particulier avec l'ancien chef d'état-major de la défense, que les gens sur le terrain de savoir étaient rassurés à l'idée de pouvoir éventuellement compter sur les moyens aériens du Canada.
Chez nous, au Canada, les F-18 participent normalement aux missions de défense aérienne et de protection de la souveraineté. Je ne m'attarderai pas sur ce volet, parce que je vous en ai déjà parlé. Je vais plutôt vous parler de l'avion lui-même. Malgré les commentaires que vous aurez pu entendre et lire dans la presse, je ne doute absolument pas de la capacité du F-18. Cela dit, il nous faudra faire un certain nombre de choses pour que cela demeure vrai dans l'avenir. Nous avons d'ailleurs déjà entrepris ou mené à terme plusieurs mesures dans ce sens.
Tout d'abord, l'ajout de munitions à guidage de précision a été un facteur déterminant qui nous a permis de participer au genre de guerre moderne qui semble être devenue la norme. Le deuxième grand élément est la modernisation des F-18, qui représente un investissement de 1 milliard de dollars visant à doter 80 F-18 des mêmes moyens que ceux dont disposent la Marine des États-Unis et le Corps des marines. Il est question de les équiper de nouveaux ordinateurs de bord, de nouveaux logiciels, de nouveaux radars, de radios blindées résistant au brouillage et ainsi de suite. Nous entreprendrons d'autres projets qui nous permettront notamment d'acquérir de nouvelles nacelles de désignation d'objectif, de nouvelles munitions tous temps et des missiles air-air et air-sol. En fin de compte, le F-18 sera doté d'une capacité tous temps nettement améliorée et présentera une meilleure survivabilité.
Il avait été question de réduire un peu la flotte des F-18 pour la ramener du niveau de dotation nominale actuelle de 122 appareils, à 80 avions modernisés. Il convient ici de remarquer deux choses. D'abord, tous les F-18 ne sont pas issus de la même série de production. Ils ont été assemblés par plusieurs avionneurs selon ce qu'on appelle des «lots». Les avions devant être modernisés seront les 80 derniers à être sortis de la chaîne de montage. Il s'agit d'appareils qui ont peu d'heures de vol et dont le potentiel est encore excellent. Des 42 qui ne seront pas modernisés, 40 appartiennent au deux premiers lots. Nous pourrions les moderniser eux aussi, mais pour un coût plus élevé supplémentaire, ce qui serait beaucoup plus difficile à faire que ce que prévoit notre plan actuel. Les deux autres appartiennent à des lots ultérieurs, mais ils ne seront pas modernisés. Il y a aussi deux avions biplaces d'entraînement qui sont arrivés à bout de potentiel. Pour l'essentiel, nous modernisons donc les avions pour lesquels nous estimons que le jeu en vaut la chandelle.
Par ailleurs, au vu du Livre blanc, de tout ce que le gouvernement nous demande de faire et de ce que nous pensons qu'il va nous demander de faire dans l'avenir, la Force aérienne estime qu'une flotte de 98 appareils de chasse lui permettra d'assumer les missions nécessaires et lui conférera une certaine souplesse pour faire face aux futurs changements. En qualité de commandant de cette force, je me suis battu pour obtenir ces 80 appareils et je suis très à l'aise dans notre situation actuelle.
Je vais maintenant passer à l'élément transport, qui est beaucoup plus nouveau dans le tableau et qui est aussi beaucoup plus exigeant. Je vous ai parlé de l'Airbus qui est actuellement déployé à l'étranger. Il sert principalement à acheminer du ravitaillement d'Europe au Moyen-Orient, non seulement à l'appui des troupes canadiennes, mais aussi des opérations de la coalition en général. Nous avons ainsi transporté 410 000 livres de marchandises et nous allons demeurer très occupés. Comme je le disais, trois appareils Hercules sont en attente de déploiement et il convient, bien sûr, de mentionner que la flotte des appareils de transport a été immédiatement mobilisée au lendemain du 11 septembre pour transporter des lits de camp, des couvertures et plusieurs autres articles un peu partout au pays.
L'épine dorsale du transport aérien est le Hercules, qui est un excellent appareil de transport tactique et de ravitaillement tactique en vol. Nous venons de l'équiper d'une nouvelle avionique. Nous en avons deux modèles: les E, qui sont les plus vieux et les modèles H, les plus récents. Même si les modèles E, les plus anciens, sont encore aptes à remplir leurs missions, ils commencent à prendre des rides. Dans la prochaine décennie, nous devrons nous faire à l'idée de les retirer du service et de les remplacer.
J'ai parlé du Polaris, qui est la version militaire de l'Airbus A310. Nous avons cinq de ces appareils qui nous permettent d'assurer le transport stratégique. Il fait un excellent travail, comme vous l'avez sans doute appris par les journaux. Nous envisageons de modifier deux de ces appareils pour les doter d'une capacité de ravitaillement en vol. Ayant personnellement effectué des ravitaillements à partir de notre Boeing 707, à l'époque où il était utilisé pour permettre le déploiement de mon escadron, je peux vous dire que le Polaris, qui peut transporter à la fois du fret ou du carburant et des équipes de maintenance, est garant d'une grande souplesse d'exploitation en cas de déploiement. Je suis ravi de la décision qui a été prise de modifier ces deux appareils, décision qui, je suppose, va bientôt être approuvée par le Conseil du Trésor.
Malheureusement, aucun Hercules ni aucun Polaris ne nous conférera la capacité de transport aérien stratégique dont nous avons besoin pour acheminer troupe et matériel sur de longues distances - encore moins dans des zones non préparées dans le cas de l'Airbus. C'est pour cette raison que nous avons proposé au gouvernement de nous doter d'un nouvel avion de transport stratégique. Celui-ci nous permettrait de déployer nos forces terrestres et leur matériel à l'étranger et de réagir en cas de catastrophe, de problème humanitaire ou autres sur la scène internationale comme sur la scène nationale où il faut parcourir d'importantes distances. À l'occasion de cette entreprise, ce qui nous ramène à la question des Hercules de modèle E, nous allons déterminer dans quelle mesure l'acquisition de ce nouveau type d'appareil dans les quatre ou cinq prochaines années va nous permettre d'assurer les missions que remplissent actuellement les Hercules. Au premier abord - mais nous n'avons pas encore terminé l'étude - il semble que nous pourrions nous débarrasser d'un certain nombre de Hercules de vieux modèle pour n'exploiter plus que les nouveaux en combinaison avec les Airbus et le nouvel avion de transport. Cependant, il nous reste à finaliser cette étude.
Pour ce qui est des opérations maritimes, je vous ai dit que nous mobilisions nos F-18 pour assurer la surveillance dans le cadre du NORAD. Pour ce qui est du travail le long des côtes et dans les régions océaniques, nous comptons sur l'Aurora. Outre qu'il remplit des missions militaires - comme la détection anti-sous-marine qui avait beaucoup retenu l'attention il y a quelque temps - au cours de la dernière décennie, il a été employé dans la lutte contre les infractions à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la navigation maritime, il a servi à empêcher les entrées illégales au Canada, à interdire le trafic de drogue par la mer et ainsi de suite. L'exemple le plus récent de surveillance effectuée par les Aurora concerne la collaboration entre la Marine et Citoyenneté et Immigration Canada au large de la côte ouest, il y a deux ans, dans le dossier des immigrants chinois. Un autre exemple, moins connu mais tout aussi important, est le travail qu'effectuent les Canadiens chaque année contre la pêche aux filets dérivant dans le nord du Pacifique. Nos Aurora de la côte ouest ont obtenu de très bons résultats sur ce plan. Ils ont permis de recueillir des preuves et d'identifier les coupables. Ce faisant, il a été possible d'arrêter les navires pratiquant la pêche illégale aux filets dérivant et de traduire leur propriétaire en justice, ce type de pêche étant un véritable fléau.
Dans les prochaines années, l'Aurora fera l'objet d'un important programme de modernisation destiné à l'équiper d'une nouvelle avionique et de nouveaux systèmes de détection. Il sera question de le porter aux normes actuelles et même aux normes qui seront en vigueur demain. Certains ensembles qui vont équiper cet avion, ensembles qui ont été élaborés en grande partie ici au Canada, sont de classe internationale. Je ne doute absolument pas qu'une fois le programme arrivé à terme, dans trois ou quatre ans, l'Aurora sera un excellent avion de surveillance maritime; plus encore, je suis convaincu qu'il constituera une plate-forme de reconnaissance stratégique à long rayon d'action que nous pourrons utiliser longtemps encore.
Nous sommes aussi en train de nous doter d'un système de simulation moderne dans le cas de l'Aurora. Un tel simulateur revêt une grande importance parce qu'il va nous permettre d'assurer une grande partie de l'instruction, qui est actuellement réalisée à bord des avions eux-mêmes mais dans des conditions moins qu'idéales. Nous pourrons ainsi augmenter les heures de vol consacrées aux opérations. C'est un peu la même chose que ce que font les compagnies aériennes, qui n'assurent pas la formation de leurs équipages sur les avions en vol.
L'autre appareil qui contribue beaucoup aux opérations maritimes, et je suppose que vous avez dû en parler avec l'amiral Buck ce matin, est le Sea King. Je sais que certains d'entre seront sans doute tentés de me contredire sur ce que je vais affirmer, mais je vous garantis que les détachements de Sea King font un travail absolument splendide au service de notre pays. Ceux et celles qui travaillent sur cet appareil sont de vrais pros, des gens de talent, qui sont Dévoués avec un D majuscule. Quand j'étais commandant de la division aérienne, il m'est arrivé de voler à plusieurs reprises sur Sea King, à l'occasion de mes visites fréquentes. Ces gens-là m'ont même donné l'occasion de prendre les commandes de cet hélicoptère, ce qui m'a beaucoup impressionné. Je vous ai dit que nous avions déployé six de ces machines. Ce n'est un secret pour personne: ces appareils ont pris de l'âge et il va falloir les remplacer, mais ils sont bien conçus, bien construits et ils ont fait l'objet de plusieurs modernisations. En ma qualité de commandant du Commandement aérien et de chef d'état-major de la Force aérienne, j'estime que ces hélicoptères sont sûrs et efficaces. Cela est notamment dû au fait que nous avons changé les moteurs, modifié les boîtes de transmission principales et amélioré bien d'autres aspects. C'est un membre de votre comité, je crois, qui a dit que la seule partie d'origine qui reste sur ces appareils est l'immatriculation, de chaque côté du fuselage.
Pour ce qui est des améliorations, j'ai demandé au commandant de la division aérienne de réfléchir à ce qui va se passer entre aujourd'hui et le moment où nous recevrons le nouvel hélicoptère maritime, afin de déterminer s'il n'y a pas d'autres améliorations à apporter pour des raisons opérationnelles, et afin d'effectuer le passage entre l'ancienne technologie du Sea King et celle du nouvel hélicoptère maritime. Les équipages seront appelés à faire un bond technologique considérable. S'il existe une façon quelconque de leur faciliter la tâche en leur donnant tout de suite certains systèmes plus modernes, surtout si ces systèmes sont employables à bord de l'hélicoptère maritime, nous devrons agir dans ce sens, à condition bien sûr que le jeu en vaille la chandelle du point de vue investissement. Le général Lucas étudie cette question avec moi.
Pour ce qui est de l'élément terre, l'hélicoptère d'appui CH-146 Griffon est un excellent appareil. La seule modification envisagée est de le doter d'un système qui lui permettra de remplir des missions de surveillance, de reconnaissance et d'acquisition de cibles, en complément du Coyote, et qui lui permettra d'apporter une contribution plus importante sur le champ de bataille. Dans nos bases de la chasse, les CH-146 assument aussi des fonctions de recherche et de sauvetage, missions qui sont très importantes pour les civils dans des régions comme Bagotville.
Enfin, pour poursuivre sur cette question, je vais vous parler de recherche et de sauvetage et des équipages qui répondent à 8 000 appels par an à l'échelle du Canada, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Les gens de la SAR sont particulièrement compétents et courageux. Il suffit, pour s'en persuader, de voir le nombre de médailles de la Bravoure et d'étoiles du Courage qui leur ont été distribuées. Il s'agit-là d'un groupe de gens tout à fait impressionnants et admirables. Le hommes et les femmes de la SAR sont emballés par l'arrivée de nos deux premiers Cormorant CH-149 à Comox, car c'est un appareil extraordinaire qui va très certainement améliorer notre capacité d'intervention.
Je conclurai mes remarques liminaires en vous parlant de ressources humaines. Tous les projets de modernisation dont je viens de vous parler sont certainement importants - au fait, je dis toujours qu'un bon équipement est synonyme de qualité de vie - mais sans nos gens pour exploiter ou commander ces machines, nous ne vaudrions pas grand chose. C'est donc en insistant sur l'élément humain que nous pourrons parvenir au maximum de notre capacité.
La Force aérienne a beaucoup fait ces derniers temps pour corriger la pénurie de pilotes. Il est un fait que nous dépendons d'avions avec pilote et ce sera le cas pendant plusieurs années encore. Les pilotes sont donc un élément important du tout. Il est importe que ce comité et d'autres sachent que la pénurie de pilotes militaires n'est pas propre au Canada. Mes homologues des armées de l'air étrangères - aux États-Unis, en Angleterre, en Australie et en Allemagne - sont confrontés au même problème. Celui-ci est dû en très grande partie à un fléchissement démographique et à un nombre accru de départs à la retraite parmi les anciens. Nous ne pouvons pas faire grand chose sur le plan démographique, mais nous pouvons faire en sorte que cette organisation attire davantage les jeunes.
La situation des pilotes est certainement l'aspect le plus visible, mais il n'est pas le seul où nous éprouvons des difficultés à former et à retenir les gens. Comme je le dis souvent, nous attirons les meilleurs éléments dans notre organisation, nous leur donnons une formation exceptionnelle et leur offrons la possibilité d'exercer leur sens du leadership. Il ne faut donc pas nous étonner qu'après 10 ans de service ou à peu près, le secteur privé les considère comme d'excellents éléments. C'est ce qu'ils sont. Ce sont des gens de première classe. Cela m'ennuie qu'ils s'en aillent, mais je ne suis pas gêné qu'ils le fassent parce qu'ils sont intéressants pour l'industrie ou qu'ils doivent partir pour des raisons familiales ou autres. En revanche, je serais ennuyé d'apprendre qu'ils s'en vont parce qu'ils estiment que nous ne sommes pas une bonne organisation et qu'il n'est pas intéressant de vivre et de travailler en son sein.
À cet égard, nous pouvons régler quelques problèmes. Certains diront que l'actuelle récession va apporter une solution naturelle à ce problème et que nous pouvons rester tranquilles, mais c'est faux. Je suis optimiste comme, je crois, la majorité des Canadiennes et des Canadiens. Je suis sûr que notre économie va reprendre du mieux. Même si tel n'était pas le cas, la situation démographique fait en sorte que ce problème va se poursuivre. Nous devrons donc nous intéresser au problème du maintien des effectifs dans l'avenir.
Celui-ci s'articule autour de trois axes. D'abord, et je crois vous en avoir parlé, il faut permettre aux gens de travailler sur un bon équipement et dans des lieux intéressants... il faut leur offrir un environnement opérationnel intéressant. Je ne doute absolument pas que les Forces armées répondent actuellement à ces deux conditions.
Le deuxième élément déterminant consiste à leur offrir une qualité de vie raisonnable. Au cours des deux ou trois dernières années, nous nous sommes affairés à régler certains des problèmes les plus importants et sommes parvenus à améliorer quelque peu les conditions de travail. Le rythme opérationnel pose encore problème et il continuera de poser problème dans l'avenir. Nous faisons cependant certaines choses pour essayer de régler cet aspect également. En Bosnie, par exemple, sur la recommandation des gens sur le terrain, nous avons adopté une nouvelle politique plus souple relative aux affectations. Sur un théâtre stable comme celui-là, les gens peuvent être déployés pour des périodes allant de trois ou quatre semaines à six mois et plus.
Par ailleurs, nous avons adopté une politique visant à faciliter la participation des réservistes à ce genre d'opérations. La réserve de la Force aérienne, par exemple, a constaté qu'il leur est très difficile d'obtenir des congés de six mois pour son personnel. Ce ne sera peut-être plus aussi difficile aujourd'hui. Comme il est plus facile de dégager des civils pour des périodes de trois semaines ou un mois, il est important que nous puissions essayer cette politique d'affectations plus souples.
Le dernier élément de l'équation consiste à offrir une solde équitable. Il nous faut en priorité tenir compte des forces du marché. Nous ne pouvons pas en faire fi. Il est indéniable que nos gens nous sont fidèles, surtout en temps de guerre. En revanche, en temps de paix, il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'une majorité de militaires demeure sous les drapeaux quand les rémunérations offertes sont très nettement inférieures à celles du secteur privé. Il est donc important de tenir compte des forces du marché. Nous collaborons de très près avec le sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires) pour que nos plans règlent non seulement les questions de solde mais aussi les questions de souplesse de service et de fidélisation du personnel. Nous ne pouvons évidemment pas acheter la fidélité du personnel, mais nous pouvons toujours nous arranger pour lui offrir un lieu de travail qui soit juste, honnête et agréable. Je suis certain que nous pourrons y parvenir.
Je me propose de conclure en paraphrasant une remarque que j'avais formulée au printemps devant le CPDNAC. Je vous avais indiqué, sur le ton de la plaisanterie, que nous avons été confrontés à de nombreux défis au cours de la dernière décennie, notamment sur les plans de la réduction des effectifs. Cela dit, nous sommes tous parvenus - notamment au sein de la Force aérienne - à préserver notre capacité de combat la plus fondamentale. Si nous parvenons à mener à terme les programmes de modernisation et les projets de ressources humaines que je viens de vous décrire, je suis sûr que, dans trois ou quatre ans d'ici, nous pourrons compter sur des forces aériennes dont le pays pourra être très fier. Ce ne sera pas une armée de l'air très importante en nombre, mais elle sera très compétente.
Pour revenir sur ce que j'ai dit au début, je suis effectivement très fier d'être le patron du Commandement aérien. Je partage cette opinion avec mes deux camarades, ici présents, et avec tous les autres militaires qui portent l'uniforme bleu au Canada. Nous avons beaucoup de gens sur le terrain qui ont besoin de meilleurs outils pour faire leur travail. Je suis ravi que vous-même et vos collègues essayiez de faire en sorte que nous obtenions ce dont nous avons besoin.
Le sénateur Banks: Je reprendrai à mon compte la remarque du président qui s'est dit très fier de nos militaires. Ils nous remplissent toujours de fierté. J'ai l'impression que les documents qui nous ont été remis ont été recyclés, parce qu'ils font énoncent votre objectif qui est d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans de réduction de l'infrastructure de la Force aérienne. C'est ce que vous envisagiez de faire en avril 2001. Est-ce le cas? Je suis surpris d'apprendre que vous envisagez encore de réduire la Force aérienne.
Le lgén Campbell: La réduction d'infrastructure de 10 p. 100 dont nous parlons ici ne doit pas se traduire par des fermetures de base. Il est question de regrouper plusieurs installations. Vous en avez visitées. Je ne suis pas sûr que vous soyez allé à Cold Lake.
Le sénateur Banks: J'y ai été à plusieurs reprises.
Le lgén Campbell: Au cours des trois ou quatre dernières années, cette base a été considérablement modifiée par la destruction et la suppression de certaines installations qui remontaient au début des années 50 et qui ne servaient plus à rien. Elles continuaient de nous coûter de l'argent, parce que les commandants d'escadre et les commandants de base doivent effectuer des paiements tenant lieu d'impôts fonciers aux municipalités. Les coûts les plus importants touchaient à l'entretien et au chauffage. Dans ce cas, la réduction de 10 p. 100 va être principalement réalisée par le regroupement d'installations dans les bases. Nous faisons cela pour être plus efficaces.
Le sénateur Banks: Et cela n'aura aucune incidence sur votre capacité opérationnelle?
Le lgén Campbell: Non, si ce n'est que nous allons améliorer la situation.
Le sénateur Banks: Ma prochaine question va vous tomber du ciel. Vous avez parlé de la réserve. Avant, la réserve aérienne était davantage courue que les réserves des deux autres armes. Je ne sais pas si c'est encore vrai.
Seriez-vous favorable à l'adoption d'une loi qui protégerait l'emploi des membres des réserves, comme c'est le cas, je crois, aux États-Unis? Autrement dit, si un réserviste était appelé à aller voler ou à suivre un entraînement de six mois, son emploi serait protégé par la loi.
Le lgén Campbell: Il faudrait que je m'en remette à l'avis de mes réservistes beaucoup plus qu'à mon opinion personnelle. Les réservistes de la Force aérienne me disent qu'il s'agit-là d'une épée à double tranchant. Vous l'avez sans doute déjà entendu dire. Une telle loi permettrait aux gens de participer aux activités de formation tout en ayant la certitude que leur emploi est assuré. En revanche, nombre de spécialistes et de réservistes qui sont en situation de mobilité ascendante, comme dans le domaine du droit, estiment que cela porterait tort à leur carrière dans le civil.
Ainsi, la communauté des réservistes éprouve des sentiments partagés à ce propos. Il existe plusieurs façons de faire face à la situation, le tout dépendant du genre et de la fréquence des opérations. Par exemple, s'il est question d'adopter une loi devant permettre de mobiliser les réservistes en cas d'urgence nationale, je crois que personne ne s'y opposera. En revanche, si nous voulons donner à l'armée la possibilité de rappeler quotidiennement les gens en temps de paix, je pense que les répercussions pourraient être plus importantes.
Beaucoup d'entre vous connaissent le conseil de liaison des Forces canadiennes et sont au courant de l'excellent travail de persuasion morale qu'il effectue auprès de l'industrie et des entreprises pour les amener à voir l'intérêt qu'elle aurait à appuyer ce genre de projet. C'est important. Il faut trouver des façons de former plus utilement les gens et de mieux les employer sans pour autant les retirer de leur emploi six mois à la fois, ce qui me ramène à ce que je vous ai dit tout à l'heure au sujet de la souplesse des affectations.
Le sénateur Banks: Au tout début, vous avez dit que vous étiez handicapé par l'absence de plans stratégiques clairs et concis. À qui doit-on attribuer cela?
Le lgén Campbell: Je n'utiliserais pas le mot «handicapé» et la faute nous incombe un peu à nous tous. Nous sommes les seuls à être en mesure d'élaborer un tel plan. L'absence de plan du genre nous prive, dans une certaine mesure, d'une vision claire quant à l'objet de notre action, tant au sein de la Force aérienne qu'à l'extérieur, et cela nous empêche de savoir exactement vers quoi nous nous dirigeons.
Quant à la raison pour laquelle un tel plan n'existe pas pour l'instant, je pense pouvoir l'attribuer largement à la cascades de réductions qui ont eu lieu dans les années 90. Il était très difficile, à cette époque, de se faire une idée cohérente de là où nous en serions 15 ou 20 ans plus tard. Les gens ont essayé, et j'en ai fait partie, de voir ce que nous pourrions faire à terme de trois, quatre ou cinq ans. Nous en sommes maintenant au stade où nous pouvons, je crois, énoncer ce genre de vision cohérente.
Le travail de ce comité, le travail du CPDNAC et toutes les décisions que prendra notre gouvernement nous aideront à élaborer une telle vision. Il n'y a rien là d'extraordinaire.
Le sénateur Banks: En partie, oui.
Le lgén Campbell: Il est évident qu'il est difficile de savoir ce à quoi ressemblera le monde dans 20 ans. Voilà pourquoi nous devons maintenir une certaine capacité et disposer d'une certaine souplesse. En fait, il est important de partir de là où nous en sommes et de déterminer là où nous devrions en être, étant entendu que ce genre de plan devra être actualisé tous les ans en cours de route.
Le sénateur Banks: Pensez-vous que nous aurons un tel plan?
Le lgén Campbell: Tout à fait. L'état-major l'a déjà bien entamé. Je m'attends à ce qu'au début de l'année prochaine nous disposions d'un véritable avant-projet que nous pourrons étudier.
Le sénateur Banks: Vous avez joué un rôle important relativement à la flotte des chasseurs et vous avez très fortement soutenu l'idée de disposer de 80 CF-18. J'ai cru comprendre que vous plutôt insisté pour en conserver au moins 80. Nous en avions 122 et vous nous avez expliqué pourquoi il avait été décidé de ne pas en moderniser 42. Plus ils sont vieux, plus il coûte cher de les moderniser. Cependant, comme vous l'avez souligné, le gouvernement précédent et celui-ci ont décidé à un moment donné de commander 122 CF-18 pour vous permettre de faire votre travail. Que s'est-il passé pour que nous n'en ayons besoin que de 80 maintenant?
Le lgén Campbell: Les besoins en F-18 ont été établis entre le milieu et la fin des années 70.
Le sénateur Banks: Donc, en fonction de l'OTAN.
Le lgén Campbell: Oui. Ils sont entrés en service au début des années 80. À l'époque, nous avions deux escadres en Europe, à Baden et à Larr. Ces deux escadres, comme je vous l'ai dit en introduction, n'existent plus. Une importante partie de notre flotte de F-18 était donc stationnée en Europe à une certaine époque, le reste se trouvant ici. D'après les exigences énoncées dans le Livre blanc et ce dont nous avons besoin pour assurer l'entraînement des équipages, pour remplacer les appareils, pour effectuer les essais d'évaluation et ainsi de suite, 80 avions semble être un bon nombre. Il se trouve qu'il correspond au nombre d'appareils les plus modernes qui composent notre flotte.
Le sénateur Banks: Vous parlez du Livre blanc de 1993 ou de celui de 1994?
Le lgén Campbell: De 1994.
Le sénateur Banks: Est-ce qu'il continue de s'appliquer dans le cas de la Force aérienne?
Le lgén Campbell: Pour en revenir sur les entretiens que vous avez eus avec M. Calder au sujet du Livre blanc - je n'ai pas participé à sa rédaction, mais j'ai participé au programme - vous vous souviendrez qu'il vous a expliqué la différence entre programme et politique. L'élément politique, qui est constitué par le Livre blanc, demeure valable aujourd'hui. D'ailleurs, les principes énoncés dans ce document sont immuables dans l'histoire canadienne: défendre le Canada, défendre l'Amérique du Nord, participer à des opérations internationales, et cetera. Il n'y a rien là de compliqué. Ce qui change, c'est l'environnement dans lequel tout cela se place ainsi que les programmes et les ressources dont nous disposons pour réaliser ces objectifs.
L'élément politique de ce que nous essayons de faire est tout aussi valable et vrai aujourd'hui qu'hier. En revanche, nous avons modifié le programme au fil des ans.
Est-ce que la Force aérienne doit se fonder sur une nouvelle politique pour élaborer des plans stratégiques dans l'avenir? Je ne pense pas que cela soit aussi essentiel. Dans tous les cas, il sera très important d'affirmer ce qu'énonce la politique.
Le sénateur Banks: Nous parlons ici de moyens, pas de principes.
Le lgén Campbell: Oui.
Le sénateur Banks: Vous avez parlé de ravitaillement en vol. Peut-on maintenant utiliser n'importe quel avion pour le ravitaillement en vol?
Le lgén Campbell: Oui. Cinq de nos C-130 Hercules peuvent faire du ravitaillement en vol.
Le sénateur Banks: Est-ce qu'ils le font déjà?
Le lgén Campbell: Oui. En fait, quand nous avons déployé des avions en Europe pendant les opérations du Kosovo, nous avons eu recours à nos KC-130. Le problème, ce que les Hercules ne sont pas rapides, qu'ils ne volent pas très haut et qu'ils ne peuvent pas emporter d'importantes quantités de carburant. Il nous est difficile, en temps de paix et surtout dans l'Atlantique-Nord, d'effectuer du ravitaillement en utilisant ce genre d'appareil. Quand nous le faisons, nous dépendons beaucoup de la météorologie et du contrôle de la circulation aérienne, il nous faut aussi faire preuve de souplesse par ailleurs.
Le sénateur Banks: Si vous étiez dans une zone de combat, il vous faudrait ailler ailleurs pour faire du ravitaillement aérien, sans quoi n'importe qui pourrait vous descendre avec un simple pistolet.
Le lgén Campbell: Il est vrai que nous déployons tous nos appareils servant au ravitaillement aérien, tout comme les avions de communication et de système aéroporté d'alerte et de surveillance, dans les zones où il n'y a pas de menace. Aucuns de ces appareils, pas plus ceux de l'US Air Force que les autres, n'ont pour vocation de se retrouver dans la zone des combats.
Le sénateur Banks: Vous avez dit que les gens restaient 10 ans dans la Force aérienne. Est-ce le cas des pilotes, y compris quand on compte leur période d'entraînement?
Le lgén Campbell: J'ai parlé de 10 ans de façon générale. Sinon, les gens doivent obligatoirement rester un certain temps, par exemple sept ans après avoir reçu leurs ailes de pilote.
Le sénateur Banks: Et combien de temps dure leur formation?
Le lgén Campbell: Cela dépend du programme. En général, les gens commencent par faire une université, que ce soit une université civile ou le Collège royal militaire dans un programme de quatre ans. La formation de pilote du début à la fin s'étend sur deux ans environ. Les sept ans de service obligatoires s'enclenchent après cela.
Le sénateur Banks: Donc, après avoir pris toute la peine de les former en qualité de pilote, nous les gardons en tout pendant 13 ans. Ce n'est pas un mauvais investissement.
Le lgén Campbell: Ce n'est pas mauvais, mais la formation de pilote coûte très cher. Nous espérons pouvoir inciter davantage de gens à rester plus longtemps afin d'améliorer notre rendement. Nous pourrions adopter certaines mesures relativement simples. Il existe certains facteurs qui incitent les gens à partir à cause de nos conditions de travail. Ce sont là des choses que nous pouvons modifier, afin de rendre le service plus intéressant. Si nous parvenons à inciter les gens à rester 14 ou 15 ans, il est fort possible qu'ils resteront 20 ans puisqu'à ce moment-là ils ont droit à la retraite. Nous devons faire notre possible.
Le sénateur Banks: Mais si l'on fait fi de ces anomalies pour l'instant, il n'y a pas beaucoup de compagnies aériennes qui recrutent de nouveaux pilotes ces jours-ci. Ces derniers temps, vous avez pu offrir une petite prime à vos pilotes. En règle générale, quel est l'écart de rémunération entre les pilotes d'Air Canada et ceux des Forces canadiennes?
Le lgén Campbell: Nous ne sommes pas trop mal placés à la suite de l'augmentation salariale des deux ou trois dernières années. Il est vrai que les gens ont toujours tendance à se comparer non pas avec un salaire médian mais, par exemple, avec celui d'un commandant de bord sur 747 ayant 30 ans au sein d'une même compagnie, salaire qui est de 300 000 $ par an. Il faut être prudent dans ce genre de comparaison. En vérité, le pilote de la Force aérienne gagne plus dans ses premières années de service que son homologue dans le civil. Cependant, selon échelle salariale actuelle, après la huitième ou dixième année, les courbes se croisent et continuent de s'espacer irrémédiablement par la suite. Il nous faut trouver une façon de combler cet écart. Nous devons également essayer de mieux expliquer à nos jeunes ce que représente la rémunération globale. Les gens comprennent mal ce genre de chose. Par exemple, certaines compagnies aériennes n'offrent pas de régime de retraite. Un pilote sans régime de retraite pourrait très bien devoir investir 30 000 $ après impôt dans un tel programme. Nous avons donc tous un certain travail à faire mais nous avons déjà beaucoup fait au cours des deux ou trois dernières années pour que la rémunération soit plus équitable. Nous devons bien sûr régler les problèmes qui tiennent aux autres conditions d'emploi. Notre personnel y travaille très fort. Je pense que nous allons y parvenir.
Le sénateur Banks: Ce matin, nous avons posé cette question aux chefs d'état-major des deux autres armes: Quel effectif vous manque-t-il? Vous disposez d'un certain nombre de postes que vous devez remplir, par mandat. Combien de ces postes sont vacants?
Le major-général Richard Bastien, commandant adjoint du Commandement aérien, chef d'état-major adjoint de la Force aérienne, ministère de la Défense nationale: Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis, puisqu'ils changent en permanence. Dans certains secteurs, par exemple du côté des pilotes et des ingénieurs, nous sommes en sous-effectif. Cependant, le recrutement fonctionne très bien et nous obtenons les gens que nous recherchons. Le problème est de les former pour les amener au niveau qui nous intéresse.
Nous sommes légèrement en sous-effectif, mais je n'ai pas de chiffres particuliers à vous communiquer.
Le sénateur Banks: S'agit-il de dizaines, de centaines ou de milliers de postes non comblés?
Le mgén Bastien: Cela se chiffre en centaines, pas en milliers.
Le lgén Campbell: Pour ce qui est des pilotes, d'après les derniers chiffres, il nous en manquait 230 par rapport à notre effectif prévu de 1 500 environ. Dans l'ensemble des spécialités techniques et autres, il nous manque 700 personnes, ce qui fait moins de 1 000 en tout.
Le sénateur Banks: Êtes-vous satisfait du mieux constaté du côté du recrutement?
Le lgén Campbell: Le recrutement n'a jamais été un trop gros problème dans la Force aérienne. Nous avons toujours beaucoup de gens qui sont intéressés par notre arme, pas seulement en qualité de pilote mais aussi en qualité de technicien. Notre problème c'est, d'abord, de pouvoir les inscrire dans les programmes d'entraînement. Deuxièmement, comme le général Bastien vous l'a dit, une fois que les gens arrivent dans les hangars en qualité de techniciens, il leur manque encore de l'expérience, expérience qu'ils ne peuvent acquérir qu'à la longue. Avec les départs naturels dans le milieu des années 90, nous avons perdu beaucoup de gens qualifiés. Les gens qui sont sur le terrain et qui essaient de faire voler nos flottes d'avions s'en rendent très bien compte.
Le sénateur Meighen: Nous avons aussi posé la question suivante aux autres armes. Elle touche à la difficulté qu'ont les anciens militaires, comme les pilotes dans la Force aérienne, de rengager ou de passer de la réserve aux forces régulières. Les autres armes semblent dire que ce genre d'obstacle est d'origine bureaucratique. Il est vrai que nous avons entendu parlé du cas de ces pilotes qui, à l'occasion de la fermeture de Canada 3000, ont voulu réintégrer la Force aérienne et qui se sont heurtés à toutes sortes de difficultés bureaucratiques et autres. Pouvez-vous réagir à cela et confirmer ou infirmer cette information?
Le lgén Campbell: Je pourrais vous raconter des histoires identiques, mais d'un autre point de vue. Nous nous sommes intéressés à cette situation, précisément parce qu'il s'agissait d'anciens pilotes de la Force aérienne. Nous voulions bien évidemment les réintégrer. Nous en avons ainsi recruté 14 ou 15 au cours des deux ou trois derniers mois. Nous allons continuer de travailler dans ce sens. Il ne fait aucun doute qu'il existe des problèmes bureaucratiques, relativement aux autorisations de sécurité, considération qui semble disparaître dès qu'on retire l'uniforme dont nous devons nous occuper. J'ai demandé à mon personnel de collaborer avec les gens des ressources humaines pour voir ce que nous pouvions faire à cet égard. Une grande partie des efforts que nous avons déployés a porté sur la restructuration de la Réserve et sur l'emploi dans les forces de réserve, afin de débloquer la situation. Je ne nierai pas que nous devons régler cette situation.
Le sénateur Forrestall: J'ai envie de tirer un peu tout cela au clair. Quel âge limite imposez-vous pour le rengagement des pilotes?
Le lgén Campbell: Nous n'imposons pas d'âge limite. Pour l'instant, l'ARO est fixé à 55 ans mais une prolongation est toujours possible. Ce qui est important, c'est l'état de santé du candidat et sa disposition mentale vis-à-vis du travail à effectuer. Nous avons actuellement des équipages qui ont dans la cinquantaine et qui font un travail admirable. J'espère personnellement me situer dans cette catégorie.
Le sénateur Forrestall: Il est certain que vous allez être assaillis de demandes une fois qu'une décision arbitraire aura été prise relativement à l'intégration des listes d'ancienneté entre Canadien et Air Canada. Beaucoup de gens vont être découragés par cette décision. Il y en aura certainement beaucoup qui se présenteront sous peu à votre porte.
Revenons-en sur le remplacement de l'hélicoptère maritime. Je ne veux pas revenir sur les réponses que vous avez données au major Bouchard, si ce n'est pour rappeler j'ai soulevé la question. Je n'estime pas avoir obtenu réponse à ma question, mais je n'y reviendrai plus. Vous allez comprendre pourquoi.
Où en est-on maintenant? N'est-il pas exact qu'en vertu de la spécification no 4, le seul véhicule de base admissible est le Cormorant?
Le lgén Campbell: Je vais d'abord vous parler du problème, puisque vous soulevez la chose.
Le sénateur Forrestall: Alors, je vous pose la question.
Le lgén Campbell: Je vous heureux de le faire.
Le sénateur Forrestall: Envisage-t-on d'adopter la spécification no 5 essentiellement pour permettre à d'autres concurrents de faire une soumission?
Le lgén Campbell: Non. Tout d'abord, les différentes spécifications concernant le véhicule de base sont destinées à traduire les exigences opérationnelles en éléments exploitables pour les entreprises et nous n'avons jamais eu l'intention d'exiger une quelconque conformité. Nous voulions établir le dialogue avec l'industrie en lui disant: «Voici ce que nous disons. Voici comment nous voyons les choses. Dans quelle mesure cela correspond-il à ce que vous faites? » Cela remonte à l'époque où j'étais directeur général, Planification stratégique et directeur général, Développement de la force. L'industrie canadienne et le gouvernement du Canada ont toujours prêché en faveur d'une grande ouverture, d'une transparence et d'un dialogue relativement aux exigences touchant à l'équipement.
Jusqu'à présent, notre travail a consisté à dire: «Voici la façon dont nous traduisons l'énoncé des besoins opérationnels. Comment entendez-vous vous y conformer?» Dans certains cas, cela a donné lieu à des réactions très utiles. Par exemple, quand nous avons demandé un brouilleur infra-rouge, les entreprises nous ont dit qu'elles comprenaient tout à fait ce que nous voulions, qu'il était question de protéger l'appareil, mais elles nous ont indiqué qu'il y avait d'autres façons de s'y prendre et nous ont fait leurs propositions.
Le point de vue que vous a exprimé le directeur de projet, DHMB, lors de sa comparution, est très clair: il n'y a pas de problème de conformité, parce que nous n'avons pas réclamé la conformité. Nous avons demandé un dialogue et les compagnies s'y sont pliées. L'équipe du Cormorant n'a pas beaucoup participé à ce dialogue. On peut donc supposer que ces gens-là ont cru que leur produit correspondait en grande partie aux spécifications du véhicule de base énoncées dans la quatrième version du cahier des charges.
Le sénateur Forrestall: Êtes-vous en train de me dire qu'il n'est pas nécessaire, pour un concurrent, de se conformer au cahier des charges?
Le lgén Campbell: L'entreprise retenue doit absolument se conforme au cahier des charges correspondant au véhicule de base, une fois que les spécifications sont publiées, ce qui sera le cas sous peu.
Le sénateur Forrestall: Ce ne sera jamais assez tôt. Je suis complètement perdu. Nous avions un véhicule qui était conforme à la spécification no 4. En fait, il correspondait déjà à 75 p. 100 de la troisième révision. Si nous faisons tout cela pour permettre à Sikorsky de se lancer dans la course, pourquoi ne pas l'avouer directement? Pourquoi change-t-on les règles maintenant? Il doit y avoir une raison. Pourquoi change-t-on les règles, puisque le Cormorant répond à toutes les spécifications? Est-ce que d'autres fabricants se conforment à la quatrième spécification? D'autres vont-ils se conformer à la cinquième version du cahier des charges?
Le lgén Campbell: Nous ne le savons pas, parce que nous n'avons pas demandé à ces gens-là, dans leur réponse à la spécification sur le véhicule de base, de nous indiquer s'ils allaient s'y conformer ou pas. Nous leur avons demandé de nouer le dialogue avec nous, pour savoir si notre libellé était approprié. Du point de vue de la Force aérienne, trois choses sont importantes. D'abord, nous voulons savoir si l'appareil sera conforme aux exigences opérationnelles formulées. C'est essentiel. Deuxièmement, nous voulons savoir quand l'appareil pourra être livré, ce qui est également important pour nous.
Le sénateur Forrestall: En passant, j'allais justement vous poser cette question.
Le lgén Campbell: Troisièmement, il faut savoir si l'appareil fera l'objet d'un programme de suivi tout au long de sa durée de vie utile. Nous devons chercher à conclure le meilleur contrat possible au nom des Canadiens pour, en fin de compte, disposer d'un appareil qui soit conforme aux exigences opérationnelles énoncées. Grâce à tous les efforts déployés par l'équipe de direction du programme, je suis sûr que l'EBO sera respecté et que l'hélicoptère livré répondra aux critères énoncés par la Marine et par la Force aérienne.
La question du «temps» est toute autre.
Je suis certain, par ailleurs, qu'il sera question du soutien que l'avionneur choisi devra dispenser pendant toute la durée de vie utile de l'hélicoptère.
Le sénateur Forrestall: Qui a ordonné la révision no 5? D'où est venu cet ordre?
Le lgén Campbell: Je ne peux vous le dire, si ce n'est que, la révision no 4 n'étant qu'une ébauche qui invitait les compagnies à réagir à la proposition, il était très clair que le bureau chargé du programme avait l'intention de tenir compte des commentaires qui lui seraient adressés et de modifier ensuite le cahier des charges pour en émettre une autre version qui, elle, servirait à évaluer la conformité du produit des compagnies. D'après ce que je crois comprendre, certaines compagnies ne pourront pas satisfaire aux critères énoncés.
Le sénateur Forrestall: De combien de temps disposeront-elles pour répondre à la version no 5?
Le lgén Campbell: Je ne peux pas vous répondre a priori, mais je suis certain que nous pourrons vous faire parvenir cette information plus tard. C'est que l'équipe qui administre le programme ne relève pas de mon commandement.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous demandé une rallonge du potentiel des Sea King après 2005? On m'a dit que quelqu'un avait demandé à IMP, Marine industrielle, de recommander des façons de prolonger sans danger la vie utile du Sea King bien après 2010 et peut-être même jusqu'à 2015; à ce stade, l'appareil serait tellement moderne qu'il pourrait continuer d'être exploité au XXIIe siècle. Il semble donc que quelqu'un a l'intention de garder ce vieux matériel aussi longtemps que cela. Est-ce un paramètre?
Le lgén Campbell: D'après les données de planification antérieures, le Sea King arrivera au bout de son potentiel en 2005. Nous savons que certains de ces appareils, même si l'on est très optimiste quant au calendrier de livraison des nouveaux hélicoptères, devront continuer d'être exploités après cette date. Comme vous l'avez dit, les gens d'IMP se sont entretenus avec le personnel technique pour essayer de voir ce qu'il était possible de faire dans ce sens. Je n'ai pas encore les résultats de ces échanges, mais nous sommes en mesure, au sein de la Force aérienne, de renouveler les certificats de navigabilité pour toute notre flotte. La loi nous impose cependant, pour chaque flotte, de respecter les normes de navigabilité et de sécurité relatives à la structure de base des appareils. C'est une obligation à laquelle nous nous conformons également et je m'attends que, d'ici la fin de l'année, le personnel soit en mesure de formuler des recommandations sur ce que nous devrons faire.
Pour l'instant, nous envisageons d'adopter une prolongation en bloc de cinq ans qui nous emmènera jusqu'en 2010. C'est un bloc tout à fait normal correspondant à ce que nous ferions dans le cas de n'importe quel autre appareil. Pourquoi cinq ans? Simplement parce que c'est une bonne durée.
Le sénateur Forrestall: Quel tour de magie va vous permettre de maintenir ces hélicoptères en service au-delà de 2007 ou 2008?
Le lgén Campbell: Il n'y aura rien de magique. Cependant, il y a tout l'investissement que nous avons fait dans cet hélicoptère, avec les boîtes de transmission et les turbines qui sont déterminants pour la sécurité des opérations; il y a aussi les systèmes informatiques de bord et tout ce que nous avons fait du côté du sonar, de l'équipement radio et du reste. Chaque flotte d'appareils fait l'objet d'un processus complet et méthodique. Au bout du compte, nous pourrons dire au nom du chef d'état-major de la défense, que notre flotte d'appareils est parfaitement opérationnelle. Tout cela sera fait grâce au personnel technique ainsi qu'à la diligence et au professionnalisme des équipages et des équipes d'entretien qui travaillent sur ces appareils. Je suis sûr que nous allons parvenir à notre but.
Le sénateur Forrestall: Il y a quelques années, les épouses des membres d'équipage de ces appareils se sont rebellées. Elles ont remis une déclaration au commandant de la base de Shearwater qui disait: «Je n'étais pas d'accord pour que mon mari se retrouve dans la Marine. Je n'avais rien contre le fait qu'il vole à l'intérieur des terres, mais je n'aime pas qu'il vole à partir d'un navire». Si vous ne savez pas ce qu'elles racontent aujourd'hui, je me garderai de vous le répéter. Elles aussi investissent toute leur confiance non pas dans la capacité de leurs époux, mais dans celle du caporal-chef mécanicien qui doit se débrouiller pour maintenir ces appareils en état de vol. Ces gens-là font un travail fantastique, c'est sûr! Vous ne pourrez pas continuer à faire voler des hélicoptères aussi longtemps dans l'avenir, général, et je suis convaincu qu'au fond de vous-même, vous le savez. Je ne sais pas ce que vous allez faire à ce propos. Si vous pensez que quelque chose peut être fait pour accélérer le processus d'acquisition, sachez que vous avez tout mon appui. Je vais vous laisser sur cette pensée.
Dites-moi honnêtement, quand pensez-vous obtenir livraison du premier hélicoptère maritime et quand pensez-vous recevoir le dernier?
Le lgén Campbell: Pour être bien honnête avec vous, je vous dirais que cela dépendra de qui remportera les deux marchés. Il est possible que les vainqueurs - pour le véhicule de base et pour les composantes avioniques - offrent des produits immédiatement compatibles, ce qui favorisera une livraison rapide. Cependant, il est possible aussi que la compatibilité ne soit pas parfaite, auquel cas le processus d'intégration prendra plus de temps. N'importe qui pourrait toujours se prononcer à ce sujet aujourd'hui, mais ce ne sera que pure spéculation. Nous continuons de viser 2005. Il est certain que mon successeur espérera avoir une meilleure idée de ce que seront ces dates, dans le courant de l'année prochaine.
Le plus important dans ce cas, c'est la transition. Il n'est pas simplement question d'assurer la transition d'un appareil à l'autre, entre aujourd'hui et le moment où les nouveaux hélicoptères seront livrés, mais il est un fait que ce sont les équipages et le personnel de maintenance des Sea King qui vont devoir exploiter les nouvelles machines. Nous devrons miser sur les compétences qu'ils ont acquises sur Sea King et devrons leur permettre d'effectuer le passage au nouvel hélicoptère. Il sera donc déterminant, de ce point de vue, de savoir quand nous obtiendrons livraison des nouvelles machines.
Le sénateur Forrestall: Ne sommes-nous pas en train de perdre du temps en ayant des équipages là-bas, sur place? Quand allez-vous toucher le reste des appareils?
Le lgén Campbell: Nous sommes peut-être en train de parler d'un autre projet, ici. Est-il encore question de l'hélicoptère maritime, parce qu'il n'y a pas de pilote, chez les fabricants d'hélicoptère?
Le sénateur Forrestall: Dans le cas du Cormorant?
Le lgén Campbell: C'est la même chose pour le Cormorant. Au moment où nous effectuons la transition sur Cormorant, nous sommes tenus de continuer d'assurer les missions de recherche et de sauvetage pour le pays. Nous ne pouvons pas prendre les équipages qui sont en cours de formation et qui volent sur Labrador pour les envoyer outre-mer afin d'y suivre une formation. Nous devons faire tout cela de façon équilibrée, en prélevant une partie seulement des effectifs pour que ces gens-là soient formés au fur et à mesure de la mise en service du nouvel hélicoptère.
Le sénateur Forrestall: C'est ce que vous faites?
Le lgén Campbell: C'est ce que nous faisons et nous pensons encore pouvoir répondre à notre capacité opérationnelle l'année prochaine, grâce à nos appareils.
Le sénateur Day: Général Campbell, pouvez-vous confirmer quelque chose que j'ai lu récemment, à savoir que les Tutor des Snowbirds vont être remplacés? S'agit-il là d'un voeu pieux ou d'une annonce officielle?
Le lgén Campbell: Ce n'est certainement pas une annonce. Le ministère nous a confié la mission, bien évidemment avec la bénédiction du ministre, de lancer un projet visant à remplacer le Tutor. Comme vous le savez, ce type d'appareil vient d'être retiré de l'instruction, à Moose Jaw. Nous devons déterminer ce que nous allons faire dans le cas des Snowbirds qui continuent à voler sur cet appareil. Actuellement, il est prévu de le garder pour cette patrouille jusqu'en 2006. Entre-temps, nous devons analyser les options qui s'offrent à nous, voir quels seront les coûts de remplacement et comment nous allons faire notre présentation au ministère et par la suite au gouvernement.
Le sénateur Day: Donc, vous en êtes encore à l'étape de l'analyse.
Le lgén Campbell: Nous en sommes au stade de la formulation des options, étape qui consiste à examiner les différentes possibilités s'offrant à nous.
Le sénateur Day: Pouvez-vous nous donner une idée de la taille de la réserve de la Force aérienne?
Le lgén Campbell: La réserve de la Force aérienne représente un peu plus de 2 100 personnes, soit un peu plus de 700 à temps plein et environ 1 500 à temps partiel. La majorité des réservistes à temps plein sont d'anciens membres des forces régulières, mais pas tous. Nous avons aussi plusieurs personnes qui sont dans des postes de type administratif.
Le sénateur Day: Quel est l'effectif en uniforme de la Force aérienne?
Le lgén Campbell: L'effectif de la force régulière de notre arme dépasse à peine 13 000 personnes.
Le sénateur Day: Et il y a 2 100 réservistes.
Le lgén Campbell: Pour ce qui est de la réserve, notre objectif est de parvenir à un effectif de 3 000. Notre situation est très différente de celle de l'Armée et de la Marine. La manière dont nous employons les réserves est également différente. Dans la Force aérienne, les réserves sont parfaitement intégrées aux unités régulières, à l'exception de deux escadrons qui comptent beaucoup sur la réserve, sans en dépendre entièrement. Nous avons deux unités de la réserve qui volent sur appareil lourd, sur Griffon, et qui font partie d'une escadre. La plupart des autres unités sont intégrées.
Le sénateur Day: Combien d'unités ou d'escadres de la réserve comptez-vous au Canada?
Le lgén Campbell: Nous avons deux escadrons de réserve: le 400e, qui est à Borden et qui est principalement alimenté par des gens de la région de Toronto, et le 438e Escadron, qui est à Montréal et qui attire des gens de la région de Montréal. Ailleurs au Canada, partout où nous avons une escadre,même dans les plus petites régions, nous avons des escadrilles de renfort de la réserve aérienne qui nous permettent de maintenir les réservistes sur place et qui relèvent du commandement des escadres.
Le sénateur Banks: Vous avez dit qu'un tiers des 2 100 réservistes sont à temps plein. Je suppose qu'il s'agit d'officiers et de membres du personnel administratif s'occupant des réserves. C'est exact?
Le lgén Campbell: Ces gens-là occupent aussi des postes dans les quartiers généraux. Par exemple, à Winnipeg où vous êtes allé récemment, vous ne pouviez pas faire la différence - pas plus que moi, qui les commande - entre les réservistes et ceux de la force régulière.
Le sénateur Banks: Y a-t-il des réservistes à temps plein?
Le lgén Campbell: À temps plein dans le contexte des réserves. Même si vous êtes rentier, vous ne pourrez pas servir toute l'année durant. Il y a des contraintes. Je parle de temps plein pour faire la différence par rapport à ceux qui viennent uniquement le week-end ou qui travaillent à temps partiel.
Le sénateur Banks: Pour un profane, entendre parler de réservistes à temps plein s'apparente à un oxymore. Si vous avez 700 personnes qui administrent la réserve, je suppose que les 1 400 réservistes supplémentaires ne représentent pas un énorme fardeau pour l'administration et que vous pouvez vous en tenir à vos budgets pour disposer d'une réserve active utile à temps partiel.
Le lgén Campbell: L'administration de notre réserve ne nous coûte pas beaucoup en frais généraux, parce qu'elle est entièrement intégrée à nos unités de la force régulière. À Winnipeg, par exemple, nous n'avons qu'un quartier général.
Le sénateur Day: Le modèle NORAD est bon, surtout pour ce qui est des questions de sécurité. La coopération entre le Canada et les États-Unis est excellente dans le contexte nord-américain, et nous allons la resserrer dans l'avenir. Le modèle NORAD devrait nous inspirer. Du point de vue opérationnel, si j'étais un pilote effectuant une mission du NORAD à partir d'une base de l'Ouest, de Cold Lake par exemple, pour intercepter un appareil détourné ou un avion non identifié, qui me donnerait l'instruction d'engager cet appareil ou de lui tirer dessus, selon ce qu'il sera nécessaire de faire?
Le lgén Campbell: Je vais vous proposer deux scénarios pour ce même exemple. En situation de guerre, même si ce scénario est relativement improbable, l'espace aérien nord-américain devient un seul et même bloc. Tous les secteurs de défense aérienne - la Région canadienne du NORAD, la Région Alaska du NORAD, la Région continentale des États-Unis - sont complètement intégrés. Les opérations transfrontières sont autorisées dans le cadre d'un processus d'alerte progressive. Le pilote n'a donc plus à se préoccuper des frontières. Vous rempliriez simplement votre mission, le contrôle de votre vol étant transmis d'un secteur à l'autre, le plus naturellement possible. Les opérations transfrontières sont très bien prévues.
En revanche, dans le cas d'opérations comme celles du 11 septembre, il est évidemment beaucoup plus délicat d'ouvrir le feu contre un avion de ligne d'où une insistance accrue placée sur le contrôle national de la situation. Sauf dans des circonstances particulièrement extraordinaires, il ne serait pas question d'autoriser des opérations transfrontières. Il est prévu de s'en remettre à la structure de commandement du NORAD et que les communications soient alignées sur ce plan, mais il serait davantage question que les autorités du NORAD communiquent avec le haut commandement national. Dans notre cas, il s'agit du Premier ministre et d'autres hauts dignitaires.
Le sénateur Day: C'est donc le commandant du NORAD au Canada, le général Lucas, qui communiquerait avec les autorités, ici à Ottawa, pour obtenir les instructions d'engagement?
Le lgén Campbell: Non! Je ne veux pas entrer trop dans le détail, parce que ce ne serait pas approprié. Tout passerait par la structure de commandement et de contrôle du NORAD. Le général Lucas relève du commandant en chef du NORAD et rien ne changerait sur ce plan.
Le sénateur Day: Je comprends.
Le lgén Campbell: Le commandant en chef du NORAD reçoit des ordres directs de sa hiérarchie relativement aux opérations qui se déroulent au Canada et aux États-Unis dans le cadre d'interventions de ce genre.
Le président: Très honnêtement, général, certains d'entre nous doutent de la capacité des autorités de communiquer rapidement entre elles. On peut imaginer une situation où l'on ne disposerait que de 10 à 15 minutes pour intervenir après le décollage d'un avion. Nous ne voyons pas comment vous pourriez communiquer avec les autorités dans ce délai.
Le lgén Campbell: C'est vrai, la situation est complexe, ça ne fait aucun doute. Nous avons recours aux liaisons de communication et continuerons de le faire dans l'avenir pour communiquer avec nos autorités de commandement à l'échelon national. En fait, nous nous entraînons régulièrement à communiquer avec les personnes concernées ou du moins avec leurs chefs de cabinet qui sont à leurs côtés.
Dans les circonstances que vous avez décrites, je suppose que vous avez raison. Je suppose que nous ne serions sans doute pas en mesure de réagir aussi rapidement dans un tel cas.
Le président: Nous sommes passés de quatre avions en alerte à une douzaine, c'est exact? Je pense qu'il s'agit de F-18, n'est-ce pas?
Le lgén Campbell: Tout à fait.
Le président: Il y en a six dans l'Ouest et six dans l'Est?
Le lgén Campbell: Je ne vous préciserai pas les emplacements.
Le président: Nous savons où est Bagotville et nous savons aussi où est Cold Lake.
Le sénateur Day: Nous savons aussi où se trouvait Chatham.
Le président: Étant donné la façon dont le NORAD fonctionne, il se pourrait que les appareils américains se trouvent plus près du lieu éventuel d'intervention. Vous ne pensez pas?
Le lgén Campbell: C'est toujours possible. C'est vrai. Encore une fois, je ne suis pas très à l'aise pour enter plus dans le détail aujourd'hui, mais les règles d'engagement établissent très clairement les prérogatives des commandements nationaux. Les Américains sont tout aussi sensibles que nous sur ces questions. En vérité, il serait très difficile de se défendre contre le genre d'attaque que vous avez envisagé.
Le sénateur Day: Je vais changer de thème pour vous parler de l'utilisation du Polaris en tant qu'avion de transport. Vous avez dit que nous avions besoin d'un nouvel appareil de transport aérien, mais comme vous n'avez pas cité d'avion en particulier, je suppose que vous n'avez pas encore défini de quel appareil il s'agirait. En revanche, vous estimez souhaitable de disposer d'un nouvel avion pour assurer le déploiement des troupes et ne plus avoir à s'en remettre à des Antonof affrétés. Que reprochez-vous à l'affrètement?
Le lgén Campbell: En cas de besoin, il serait bon, je pense, de pouvoir recourir à des véhicules affrétés, que ce soit pour le transport maritime ou pour le transport aérien. Nous sommes en présence de deux facteurs ici. D'abord, l'Antonof est en train de vieillir, il est de moins en moins fiable et il est donc moins souvent disponible. Deuxièmement, en règle générale, nous voulons affréter ce genre de ressources en même temps que d'autres pays. Nous sommes donc en concurrence avec les autres.
Au bout du compte, il appartient au gouvernement du Canada et au Canada en général de décider de ce que doit être la capacité des Forces canadiennes. Si l'on s'attend à ce qu'elles soient en mesure de se déployer assez rapidement, en réponse à des catastrophes humanitaires ou à des catastrophes naturelles, comme en Turquie il y a quelques années, ou pour déplacer rapidement une armée ou d'autres forces à l'étranger, nous devrons nous doter d'une certaine capacité sur ce plan, parce que nous ne l'avons pas.
Il existe d'autres plates-formes, comme le C-17. L'A-400M pourrait aussi nous servir, bien qu'il ne faille pas s'attendre à ce qu'il entre en service avant plusieurs années.
Le sénateur Day: Vous venez de nous parler là de l'appareil lui-même. Je m'attendais plutôt à ce que nous disiez que vous ne pouvez pas mettre la main sur de tels appareils quand vous en avez besoin, parce qu'ils ne sont pas disponibles. Êtes-vous, en principe, contre l'idée de conclure des contrats de location permanents, plutôt que d'acheter des appareils et d'en faire une dépense d'immobilisations?
Le lgén Campbell: Pas du tout. Dans notre analyse des options possibles, nous envisageons d'utiliser les deux avions dont je viens de vous parler, mais aussi de recourir à des formules de location, comme dans le cas de l'Antonof et de tous les autres appareils du même type. Nous allons voir s'il nous faut acheter un appareil ou si nous pouvons en louer, et en vertu de quelles règles nous le ferons. Nous pourrons peut-être partager les coûts avec d'autres pays.
Sans entrer dans le détail, sachez que j'ai eu d'intéressants échanges avec nos homologues de l'US Air Force, de même qu'avec des représentants de l'industrie, ici au Canada, relativement aux modalités que nous pourrions appliquer afin de réduire les coûts pour le contribuable.
Le sénateur Day: Cela s'inscrirait dans le cadre du programme d'acquisition d'immobilisations, à propos duquel vous semblez entretenir quelques inquiétudes. Il faut modifier tout le matériel, tous les avions. L'Aurora et le Hercules prennent des rides. Le nombre de F-18 est réduit à cause des coûts d'immobilisations que représente la modernisation de cette flotte. Les pressions financières sont telles que nous réduisons sans cesse la capacité de la flotte et l'infrastructure matérielle.
À la fin de votre mémoire, vous résumez toute la situation. Vous dites que si vous aviez la possibilité de poursuivre vos initiatives de modernisation, vous pourriez maintenir votre aptitude au combat et répondre aux attentes des Canadiens.
Finalement tout dépendra de la capacité que vous aurez d'appliquer vos plans. Est-ce là ce que vous voulez nous dire?
Le lgén Campbell: La bonne nouvelle, du point de vue de la Force aérienne, c'est que le principal élément du projet de modernisation des F-18 a déjà été approuvé par le gouvernement. Le projet de modernisation de l'Aurora a été enclenché. Les autres éléments du programme ont aussi été incorporés dans toute cette démarche.
Le seul élément qui en soit encore à l'étape du principe de l'inscription dans un programme d'immobilisations est celui qui concerne le transport aérien en général. Un certain travail a été effectué par et avec le personnel des services centraux, pour voir comment intégrer tout cela dans un programme. Il est un peu trop tôt pour se prononcer et pour déclarer que les fonds sont effectivement disponibles. Nous n'avons pas tiré de conclusion sur ce que doit être l'option raisonnable. Comme vous l'avez dit, il est possible que la solution ne consiste pas à se lancer dans des immobilisations mais à échelonner les coûts sur une certaine période.
Le sénateur Day: Général, tout ce que vous nous dites m'inspire une remarque. Une grande partie de vos plans dépend beaucoup trop - je dis «beaucoup trop» parce que je crois que cela gêne finalement votre planification - de la disponibilité des fonds. Il y a une semaine, M. Calder nous a vanté les mérites de la planification à long terme et le fait que vous envisagiez plusieurs options et que vous aviez plusieurs choix. Pourtant, si l'on se rappelle ce qui s'est passé au début des années 90 - je sais, bien sûr, que vous n'étiez pas alors dans le poste que vous occupez aujourd'hui - des gens qui voulaient s'engager dans les Forces armées pour devenir pilotes se sont vus fermer la porte au dernier moment parce que vous n'aviez plus besoin de pilotes. Cela remonte à moins de 10 ans. J'ai cru comprendre que des diplômés du CMR, dans la catégorie pilote, veulent effectivement entamer ce genre de carrière au sein des Forces armées mais qu'ils se retrouvent à faire autre chose parce que vous ne pouvez pas les former dans cette spécialité pour l'instant. Vous ne pouvez pas les intégrer dans le programme. Vous avez dit avoir besoin de120 pilotes de plus. Est-ce que tout cela se ramène à une question de budget? Est-ce la raison pour laquelle on constate autant d'anomalies dans le système, sans parler de votre planification?
Le lgén Campbell: Pour répondre à ces excellentes questions, il pourrait me falloir une bonne heure. Je vais commencer par la question des ressources.
Il est vrai que les ressources au ministère de la Défense nationale et dans les Forces canadiennes sont très limitées. Quand je me suis adressé au CPDNAC, je lui ai déclaré que, même si je suis intimement convaincu d'avoir géré mon organisation pour économiser et d'avoir amélioré la capacité et la qualité de la majorité de nos forces, il ne fallait pas confondre tout cela avec la viabilité à long terme, parce que ce sont deux choses bien différentes. On ne peut effectuer le genre de réduction de ressources que nous avons conduite dans les années 90 sans que quelque chose change.
Je faisais partie du personnel des services centraux quand nous avons traversé cette période difficile. Nous nous sommes débrouillés avec ce que nous avions en main et nous avons réussi à préserver la capacité militaire utile que nous pouvons maintenant accroître et améliorer.
Dans la situation actuelle, à la suite de l'injection de fonds supplémentaires par ce gouvernement au cours des deux ou trois dernières années, nous avons pu stabiliser les programmes et même, espérons-le, augmenter les ressources au point que nous pouvons espérer avoir atteint la stabilité nécessaire pour planifier en fonction de l'avenir.
Les ressources sont limitées. C'est un peu comme un compte bancaire personnel. Si vous savez ce qui doit rentrer et que vous avez des dépenses régulières, que vous comprenez votre situation, que celle-ci ne va pas changer d'un mois à l'autre ni d'une année à l'autre, vous pouvez vous permettre une certaine planification. Le problème se pose dès que ce genre de certitude disparaît. C'est ce qui nous est arrivé dans les années 90.
Pour ce qui est de la formation des pilotes, ce n'est pas une question de ressources. Je reviens à la question de la transition. Nous sommes simultanément passés d'un entraînement sur Tutor à un programme d'entraînement sur Harvard-2 et sur Hawk. Nous n'avions pas le luxe de passer instantanément de l'un à l'autre. Nous avons dû mener les deux de front. Quand on fait cela, surtout quand on met en service un nouveau type d'appareil, on se heurte à des problèmes inattendus et à des problèmes d'engorgement. À cause de cela, nous avons pris du retard dans les programmes de formation. Voilà pourquoi les gens qui sortent du CMR ont été placés ailleurs, en attendant.
Leur sort me préoccupe. Si nous ne nous occupons pas bien de ces gens-là, nous allons très vite les démotiver et ils seront les premiers à partir, dès qu'ils se désengageront. Nous traitons de leurs cas sur une base individuelle pour essayer de faire quelque chose de productif avec eux et, nous l'espérons, pour ne pas avoir plus tard à leur redonner une certaine instruction ou une certaine formation, une fois que nous pourrons les intégrer dans le système.
Il y a six ou huit mois, nous avons délibérément décidé de retirer certaines personnes du programme de formation à Moose Jaw, parce qu'ils n'avaient pas reçu la formation suivie dont ils avaient besoin. Comme vous le savez, c'est là la pire chose qui puisse être. Un élève-pilote a une seule chance à l'entraînement. Si les choses ne fonctionnent pas, que ce soit de votre faute ou de la faute du système, il est très difficile de se reprendre. Nous avons mis les jeunes diplômés du CMR de côté pour l'instant, afin de pouvoir assurer la formation des élèves-pilotes qui sont déjà dans le système; nous intégrerons les jeunes diplômés à un rythme approprié pour pouvoir nous en occuper correctement. Ils le comprennent. Nous veillons à ce que ces jeunes comprennent pourquoi nous faisons tout cela et qu'ils sachent qu'en fin de compte, c'est pour leur bien.
[Français]
Le sénateur LaPierre: Si vous me permettez, je demanderais à M. Bastien de me transmettre par écrit certains chiffres au sujet des francophones, entre autres, sur leur participation et le rôle de la langue française.
[Traduction]
Je m'intéresse aussi aux minorités visibles, pour reprendre ce vocabulaire absurde qu'on utilise à leur égard, et je m'intéresse à la façon dont on peut les intégrer dans la Force aérienne.
[Français]
J'aimerais également demander à M. Gilbert ce qui fait en réalité...
[Traduction]
... que la Force aérienne est un endroit intéressant où vivre et grandir? Est-ce que cette photo est souvent reprise sur les affiches?
Le lgén Campbell: Pas dans les annonces de recrutement.
Le sénateur LaPierre: Je me préoccupe beaucoup, monsieur, de la sécurité dans le Nord. Je m'intéressais à cette question quand j'étais en Colombie-Britannique. Si je me souviens bien, l'Aurora n'est allé que deux fois dans le nord. Après tout, il s'agit d'un immense territoire qui est bordé par notre troisième océan. Quelle importance stratégique le Nord représente-t-il pour notre sécurité?
Le lgén Campbell: Vous l'avez bien dit, il s'agit d'un territoire immense. En réalité, vous pourriez déployer en permanence dans le Nord non seulement tous les Aurora que nous avons, mais aussi le reste de notre flotte, sans pour autant pouvoir assurer notre souveraineté ni notre sécurité. Nous nous fions à l'établissement d'un besoin ou d'une menace pour concentrer nos ressources. Cela n'est pas particulier à l'Arctique. C'est également vrai dans d'autres régions. Par exemple, sur la côte ouest, nous n'effectuons pas non plus beaucoup de patrouilles quotidiennes de sécurité, mais quand le problème des immigrants illégaux s'est posé, nous avons mobilisé nos forces des deux côtes et déployé énormément plus de moyens en complément de ceux de la Marine et des autres services, et nous avons engagé nos appareils sur la foi des renseignements obtenus de la Marine ou d'autres services. Nos avions sont des ressources fabuleuses, mais elles ne sont pas immuables. Ce serait un mauvais choix tactique que de leur faire survoler de vastes étendues océaniques.
Le sénateur LaPierre: Vous vous fiez donc beaucoup sur l'établissement des besoins et sur le fait qu'une fois que vous disposez des renseignements nécessaires, vous pouvez assurer l'assistance voulue qu'il s'agisse de sauvetage ou de sécurité?
Le lgén Campbell: C'est exact. Nous conduisons quelques activités visant à garantir notre sécurité dans le Nord, à partir de Yellowknife, grâce aux escadrons de Twin Otter qui y sont basés. Comme vous l'aurez remarqué, nous effectuons aussi quelques patrouilles avec les Aurora. Nous déployons également des F-18 à partir de nos emplacements avancés dans le Nord. Dès que nous recevons des renseignements de sécurité ou autres nous laissant entendre que nous devons concentrer des ressources, nous passons aux actes. C'est un autre élément important. On a tendance à raisonner en termes d'heures annuelles de vol dans toutes ces activités et de protester quand ces heures-là diminuent. Or, il faut être conscient des ressources que l'on peut mobiliser et de la période pendant laquelle on peut le faire. Dans le cas des opérations concernant les immigrants illégaux, nous avons déployé plus de ressources que d'habitude, investi plus d'heures de vol et assuré un plus grand nombre de vols.
Le sénateur LaPierre: Estimez-vous que nous sommes en situation de paix depuis le 11 septembre? Je reprends les mots que vous avez employés.
Le lgén Campbell: C'est une question délicate. Le monde a-t-il changé de façon fondamentale depuis le 11 septembre sur le plan de la sécurité? Beaucoup d'observateurs vous diront que non, que ces menaces existaient avant le 11 septembre. Sont-elles maintenant plus apparentes pour les Canadiens et pour les Nord-américains en général? Sans doute. Nous nous sommes entraînés, dans le cadre du NORAD par exemple, à toutes les possibilités envisagées avant, comme les détournements d'avions de ligne. Dans le passé, nous pensions cela possible. Nous venons de nous rendre compte que c'est non seulement une possibilité mais une réalité. C'est sous cet angle que le monde a changé.
Dans ce contexte, nous continuons d'appuyer les opérations en Bosnie, les opérations au Canada et nous continuons de former quotidiennement nos gens pour qu'ils demeurent opérationnels. Sinon, les choses n'ont pas beaucoup changé.
Le sénateur Atkins: Nous avons parlé de force permanente et de force de réserve. Ce matin, l'amiral Buck a déclaré qu'il ne serait pas en mesure de faire prendre la mer à ses navires s'il ne pouvait pas compter sur le civil. Combien de civils avez-vous dans la Force aérienne?
Le lgén Campbell: L'effectif de civils de la Force aérienne est légèrement supérieur à 2 000 personnes, mais c'est une fausse indication du nombre de gens qui participent au maintien de notre capacité en général.
Je vais me livrer à une brève comparaison. La Marine compte sur une unité de préparation de la flotte, à Halifax et à Esquimalt, qui est essentiellement composée de civils employés du MDN. Depuis des années, la force aérienne - et c'est encore plus le cas aujourd'hui - fonctionne en collaboration avec l'industrie qui lui assure l'entretien au troisième échelon.
Notre équivalent de l'effectif civil de l'Amirauté est constitué par les gens de Bombardier, d'AlliedSignal, de Bristols et d'autres, comme l'IMP, qui assurent la maintenance au troisième échelon.
Le sénateur Atkins: Combien de femmes pilotes avez-vous?
Le lgén Campbell: Pas beaucoup. Je vais m'avancer, mais je dirais pas plus de 50. Nous n'en avons pas actuellement qui soient rattachées à la chasse, mais il y en a une qui entamera son instruction sur chasseur très bientôt. Le programme est pourtant offert aux femmes depuis longtemps. Nous avons attiré plusieurs femmes dans différentes spécialités, notamment dans la branche navigation aérienne où nous en comptons beaucoup. Toutes celles avec qui je me suis entretenu trouvent cela intéressant. Elles se sentent très à l'aise dans notre arme. Cependant, nous en perdons déjà beaucoup pour les mêmes raisons que nous perdons les hommes, autrement dit parce qu'elles vont faire autre chose ailleurs.
Le sénateur Atkins: Avez-vous adopté une sorte de programme d'action affirmative au sein des forces armées pour attirer les femmes?
Le lgén Campbell: Non, pas dans la Force aérienne. Le meilleur programme de discrimination à rebours que je connaisse consiste à faire en sorte que notre milieu soit accueillant pour les femmes, ce que nous faisons, je crois. À l'époque où Maclean's a fait paraître sa série d'articles sur les problèmes auxquels les femmes se heurtaient dans les forces armées, j'étais commandant de la division aérienne et je me faisais un devoir, dans mes tournées, de parler avec toutes les femmes, tous grades confondus, pour savoir ce qu'elles vivaient. Serait-ce là une facette de la Force aérienne à côté de laquelle je serais passé? J'ai reçu beaucoup de réactions de femmes m'ayant déclaré qu'elles étaient très à l'aise dans notre milieu. Il y a 10 ou 15 ans de cela, il est certain que ces femmes-là se heurtaient à des obstacles, dans une organisation essentiellement dominée par les hommes. Mais je ne pense pas que ce soit encore le cas aujourd'hui.
Le sénateur Atkins: J'essaie de comprendre pourquoi il a fallut tant d'années pour produire un hélicoptère. Je me demande si cela n'est pas dû au fait qu'une partie de l'assemblage ou du contrat doit être réalisée au Canada. Pourquoi cela prend-il aussi longtemps?
Le lgén Campbell: L'achat d'un avion est évidemment plus délicat que l'achat d'une voiture, chez le concessionnaire du coin. Voilà une partie de la réponse.
Les investissements sont énormes: on parle de plus de 3 000 millions de dollars, ce qui est beaucoup. Dès lors, il faut se montrer prudent. Par ailleurs, il y a les circonstances particulières dans lesquelles l'appareil doit être mis au point. Il n'existe pas beaucoup d'hélicoptères sur le marché qui soient susceptibles de répondre directement à nos besoins. Certains sont en production, comme le Sikorsky, le NH90 et d'autres. En tant qu'exploitant d'une flotte, en tant que pilote, j'estime moi aussi que les choses ne vont jamais assez vite. Mais le processus est complexe.
Pour en revenir à ce que je disais au sujet de ceux qui exploitent le programme, sachez que je les connais tous. Ils sont des exploitants de flotte aérienne, tout comme nous. Ils essaient de faire du mieux qu'ils peuvent pour nous fournir le produit le plus rapidement possible.
Le sénateur Atkins: Un observateur se rend tout de même compte qu'il faut un an et demi voire moins à Boeing pour produire un 767.
Le lgén Campbell: Il faut tenir compte de tout le temps nécessaire à la phase de développement dans presque n'importe lequel projet. Par exemple, le Joint Strike Fighter ou JSF, dont les États-Unis ont commencé à parler récemment, était déjà envisagé il y a six ou sept ans. Le projet vient juste de passer la phase de sélection initiale. Même les Américains n'envisagent pas de mettre un nouvel appareil en service avant l'horizon 2010 ou 2012. Ces projets ne se font pas à court terme.
Cela nous ramène à ce que je disais au début sur la planification stratégique: il est déterminant de nous faire la meilleure idée possible du genre de matériel dont nous aurons besoins dans 10, 15 ou 20 ans d'ici, parce que ce n'est qu'à ce moment-là que nous toucherons le matériel que nous voulons acheter aujourd'hui.
Le sénateur Atkins: Je vous ai posé cette question parce que je me demandais s'il faut vraiment réinventer la roue à chaque fois?
Le lgén Campbell: Je ne pense pas que c'est ce que nous faisons. Dans le cas des F-18, nous l'avons acheté tout fait. L'avion de transport stratégique que nous recherchons est peut-être déjà disponible dans le commerce, auquel cas nous pourrons l'acquérir rapidement, si c'est ce que nous voulons faire, si nous voulons effectivement acheter une machine.
Le projet d'hélicoptère maritime est légèrement différent; il s'agira sans doute d'un matériel déjà existant, mais la situation est un peu moins claire quant au fabricant qui pourra fournir ce matériel. Nos nouveaux appareils d'entraînement, le Harvard et le Hawk, existaient déjà. Nous ne cherchons plus, comme nous le faisions, à acheter des appareils portant un cachet canadien. Nous avons des machines que l'on retrouve dans presque n'importe quel pays.
Le sénateur Atkins: Au bout du compte ce sont de simples hélicoptères.
Le lgén Campbell: Les pilotes d'avion vous diront que les hélicoptères sont des machines très complexes, mais c'est ainsi.
Le président: Général Campbell, votre témoignage d'aujourd'hui a été très instructif et il nous a beaucoup aidés à comprendre les problèmes auxquels vous êtes confronté, problèmes complexes et difficiles. Vous êtes aux prises avec une pénurie de ressources et nous le comprenons fort bien. Je tiens à vous rappeler à quel point les membres de ce comité ont fiers du travail des hommes et des femmes qui composent la Force aérienne. Nous espérons que vous le leur direz en notre nom.
Le lgén Campbell: Monsieur le président et honorables sénateurs, vous pouvez être certain que nous allons utiliser le segment qui nous revient dans le bulletin la Feuille d'érable et d'autres moyens de communication pour transmettre vos bons mots aux gens de notre organisation. Ils le méritent bien.
Le président: Honorables sénateurs, notre dernier témoin sera le général Raymond Henault, chef d'état-major de la Défense. Il est né à Winnipeg, a fait sa formation de pilote à la BFC Borden, en Ontario, ainsi qu'à la BFC Gimli, au Manitoba. À la lecture de sa biographie, on apprend qu'il a accumulé 4 500 heures de vol sur différents types d'appareil. Durant sa carrière fort honorable, il a occupé différents postes au Canada et à l'étranger.
Au Quartier général de la défense nationale, il a successivement été chef d'état-major J3, sous-chef d'état-major de la défense par intérim, chef d'état-major adjoint de la Force aérienne, puis sous-chef d'état-major de la défense. Il a été promu dans son grade actuel et nommé chef d'état-major de la défense le 28 août de cette année. Il est accompagné du premier maître de première classe, R.M. Lupien, adjudant-chef des Forces canadiennes.
Général, avant que vous ne commenciez, je veux vous répéter ce que nous avons dit aux commandants en chef des trois armes: nous sommes très fiers des hommes et des femmes qui servent dans les Forces canadiennes. Je tenais à vous le répéter. C'est un sentiment que tout le monde partage au comité. Nous jugeons que ce message n'est d'ailleurs pas assez souvent communiqué aux militaires.
Le général Raymond R. Henault, chef d'état-major de la défense, Ministère de la Défense nationale: Monsieur le président, je ressens la même fierté que vous. J'apprécie beaucoup l'occasion de comparaître devant un comité de cette stature.
[Français]
C'est un plaisir pour moi de vous rejoindre cet après-midi avec le chef des Forces canadiennes, le premier maître de première classe, M. Richard Lupien, pour vous entretenir sur les Forces canadiennes. Sachant que je suis votre dernier témoin, je vais essayer de raccourcir ma présentation pour permettre un plus long dialogue entre nous. Je tenterai de répondre à toutes vos questions.
[Traduction]
J'ai préparé quelques notes, mais comme vous avez eu l'occasion de les examiner avant la réunion, je me contenterai de les survoler. Je vais également faire le point sur l'opération Apollo, nom code de notre engagement dans la campagne contre le terrorisme, puis je m'en remettrai à vous pour les questions. Je serais heureux de répondre à vos éventuelles questions. Si vous avez des questions à poser au premier maître Lupien, n'hésitez pas.
Je sais que vous avez vu les chefs des trois armes aujourd'hui et qu'ils ont eu l'occasion de vous faire part de leur point de vue respectif. On m'a dit que les choses se sont bien passées et je m'en réjouis.
Je vais vous donner un aperçu de mes plans et priorités. Pour ce qui est des plans, je ferai le point sur l'opération Apollo, nom de code correspondant à notre déploiement dans la mer d'Oman et dans la région surveillée dans le cadre de la campagne contre le terrorisme.
La plupart d'entre vous êtes sans doute au courant du déploiement de notre force navale qui se trouve maintenant dans la région désignée et qui évolue de concert avec les alliés de la coalition. Cette force navale, qui est donc dans le golfe Arabo-Persique et elle fait actuellement l'objet d'un certain nombre de changements. Elle s'intègre de façon très efficace aux groupes de bataille de la région. Elle est en train d'effectuer des missions de protection pour le conte des Américains et de l'ARG, soit l'Amphibious Ready Group chargé d'assurer le transport des marines et des autres éléments dans la région.
Le NCSM Vancouver, qui est parti de la côte ouest, se trouve actuellement à Hong Kong et il fait route vers la zone des opérations en Asie du Sud-Est en compagnie du groupe aéronaval auquel il est rattaché. Une autre frégate sera déployée bientôt, le NCSM Toronto, qui quittera Halifax le 5 décembre. Je me rendrai moi-même sur place en compagnie du ministre pour saluer l'équipage. Celui-ci intégrera la force navale permanente de l'OTAN en Atlantique, la STANAVFORLANT, en remplacement du bâtiment que nous avions dû lui retirer au début du conflit afghan pour le dépêcher au plus vite dans la mer d'Oman. Au cours des quelque 45 prochains jours, nous allons assurer un soutien à la force navale permanente de l'Atlantique dans ses nombreuses missions à l'appui de la coalition et dans le cadre de la campagne contre le terrorisme en mer Méditerranée.
L'autre opération, dont vous avez sans doute entendu parler, porte le nom d'Active Endeavour; il s'agit de la contribution de l'OTAN à la campagne contre le terrorisme et elle fait appel soit à la force navale permanente de l'Atlantique soit à la force navale permanente de la Méditerranée.
Nous avons aussi déployé un Airbus dans cette région. Celui-ci évolue essentiellement à partir de la base de Rhein-Main, à Frankfurt en Allemagne. Il a déjà effectué plusieurs missions dans la région, transportant matériel et personnel jusqu'à la zone des opérations. Il n'est pas allé en Afghanistan, mais il s'est posé dans plusieurs pays voisins. Cet appareil a effectué jusqu'ici un travail impressionnant. Il a en effet transporté près de 500 000 livres de fret ainsi que du personnel, en très peu de temps. Nous espérons qu'il sera renforcé sous peu grâce au détachement de trois C-130 Hercules et, plus tard, grâce à deux Aurora CP-140 qui sont des avions de patrouille maritime.
Nous avons aussi notre bataillon d'infanterie légère qui constitue la Force de réaction immédiate (Terre); la FRI est prête à intervenir dans les sept jours, mais l'élément précurseur, lui, fonctionne suivant un ADM de 48 heures. Vous savez sans doute que ce bataillon devait d'abord être déployé dans le cadre d'opérations de stabilisation pour assurer la sécurité des aérodromes et autres points stratégiques et qu'il aurait ensuite participé à des missions à caractère humanitaire. Cependant, sa mission a changé compte tenu de l'évolution rapide de la situation dans la région, raison pour laquelle nous sommes revenus à une disponibilité opérationnelle sur préavis de sept jours. Nous déploierons cette unité quand la coalition en éprouvera le besoin, ce qui n'est pas actuellement le cas.
Enfin, notre quartier général de l'élément de commandement national, à Tampa, demeure actif au sein du quartier général de la coalition dans cette même ville. Nous avons une antenne de liaison et de logistique au Qatar, au Bahrein et dans d'autres pays de la région pour soutenir les activités permanentes.
[Français]
Cela vous donne un aperçu de ce que nous faisons dans le moment. Je vous rappellerai qu'il y a environ 3 300 membres des Forces canadiennes couramment déployés, non seulement en opération Apollo, mais aussi dans d'autres opérations des Forces canadiennes qui se poursuivent en Bosnie et ailleurs.
Nous avons actuellement 14 missions courantes pour lesquelles nous portons appui soit au profit de l'OTAN, des Nations Unies ou de la coalition à laquelle nous faisons partie.
[Traduction]
Il est certain que les événements du 11 septembre nous ont considérablement mobilisés et ont ajouté une dimension nouvelle et fort complexe au contexte stratégique international dans lequel nous devons évoluer.
[Français]
Nous avons vu de nos yeux la menace que constitue le terrorisme et nous avons compris qu'il faudra contrer la menace tel que nécessaire, mais que cela prendra du temps. D'après ce que nous voyons déjà avec l'étendue des opérations auxquelles nous avons fait face, nous croyons qu'il faudra une certaine patience pour compléter la tâche avec la coalition. C'est une nouvelle dimension à laquelle nous devons nous préparer, mais nous savons qu'il y a encore beaucoup de choses à garder en tête pour faire face à l'avenir.
[Traduction]
Il demeure plusieurs problèmes de personnel que nous devrons bien finir par régler. Nous ne devrons pas les perdre de vue à l'heure où nous collaborons avec les alliés de la coalition. Nous devrons continuer d'investir dans nos nouvelles ressources et dans les ressources humaines. Nous devrons continuer d'investir dans de nouveaux matériels et entreprendre tous les projets nécessaires non seulement pour pouvoir répondre aux actuels besoins opérationnels mais aussi pour que les Forces canadiennes se positionnent comme il se doit afin de pouvoir prendre part à des opérations de longue haleine.
Pour cela, nous nous appuierons en grande partie non seulement sur le Livre blanc de 1994, qui énonce la politique de défense, mais aussi sur la stratégie 2020 dont on vous a, je crois, déjà parlé et à propos de laquelle vous vous êtes entretenus avec d'autres témoins dans le passé. Ce document est au coeur de ce que nous essayons de faire pour positionner les Forces canadiennes à longue échéance et pour maintenir ce que nous savons être une exigence fondamentale, celle de disposer d'une force de combat polyvalente, apte au combat, pouvant être déployée dans le monde entier, aujourd'hui et dans l'avenir.
Une autre partie très importante de la capacité que nous recherchons consistera à jouer la carte de l'interopérabilité avec nos alliés, que ce soit au sein de l'OTAN, de l'ONU ou de toute autre coalition. C'est là un élément très important de notre stratégie et de la capacité dont nous devons nous doter à long terme.
Je consacre beaucoup d'énergie à plusieurs dossiers et celui de la campagne contre le terrorisme n'est certainement pas le moindre. Cependant, je m'intéresse aussi beaucoup à tous les besoins que je viens d'énoncer. Comme je l'ai dit plus tôt, j'estime que notre avenir passe forcément par la réalisation de nos besoins sur le plan des ressources humaines. Je suis sûr que bien d'autres avant moi vous l'ont dit et je peux vous assurer qu'ils n'exagéraient pas. Il nous faudra absolument régler le problème de l'élément humain.
Nous avons pris acte des nombreuses difficultés que nous éprouvons dans le domaine des ressources humaines, surtout sur les plans du recrutement et de la rétention des effectifs. Le respect de nos exigences de base dans l'avenir exigera que nous examinions de très près les questions du recrutement et de la rétention et que nous adoptions plusieurs projets importants. Voilà pourquoi nous avons lancé la campagne de recrutement que vous avez vue, j'espère, à la télévision ou sous la forme de vidéo, ou encore dans les salles de cinéma avant la présentation des films. Nous avons acheté un accès Internet et des annonces dans les journaux pour essayer de dire aux jeunes Canadiens de 17 à 24 ans qui ont le sens de l'aventure - car même si nous ne sommes pas limités à ce groupe d'âge, celui-ci est tout de même notre cible principale - et que s'ils veulent entreprendre une carrière emballante, également synonyme d'aventures, ils peuvent devenir officiers ou militaire du rang dans la force régulière ou la force de réserve des Forces canadiennes, autrement dit dans nos forces armées.
Cette campagne semble avoir donné de bons résultats. Pour l'exercice en cours, nous avons jusqu'ici atteint 85 p. 100 de notre objectif de 7 000 recrues dans la force régulière. Nous avons, par ailleurs, dépassé notre objectif quant au nombre de recrues dans la réserve. Nous en avons recruté 4 000 tandis que notre objectif était de 3 000. En tout, entre la réserve et la force régulière, nous aurons donc recruté 10 000 personnes cette année.
Je m'empresse de dire que nous avons encore du pain sur la planche. Bien que ces chiffres semblent intéressants, il reste certains secteurs où nous manquons de personnel et où nous allons devoir faire mieux. Je veux surtout parler de spécialités comme la médecine, le génie et certaines spécialités techniques. Dans certaines de ces spécialités, nous n'avons atteint que 30 p. 100 de notre objectif. Nous sommes donc face à un certain déséquilibre et nous allons redoubler d'efforts pour lancer les projets et mettre en oeuvre les incitatifs qui nous permettront de redresser la situation. Nous envisageons notamment d'offrir des primes à l'engagement et de proposer d'autres options intéressantes qui nous permettront d'attirer des gens dans les Forces canadiennes ou du moins qui les inciteront à examiner la possibilité d'entreprendre une carrière chez nous.
En outre, nous avons un problème de rétention du personnel, et c'est un autre aspect qui nous mobilise en ce moment. Au cours des dernières années, sous la gouverne du précédent CEMD, nous avions entrepris plusieurs programmes axés sur les ressources humaines, programmes que je poursuis aujourd'hui et qui visent à inciter les gens à demeurer au sein des Forces canadiennes.
[Français]
Nous avons mis de l'avant plusieurs des initiatives de qualité de vie qui concernent le support médical, la compensation, la rémunération, l'éducation ainsi que le développement professionnel. Nous pensons que cela a contribué à freiner ce que nous avons vu comme étant une sortie incontrôlable de personnel.
[Traduction]
Nous avons renversé la vapeur et stoppé l'hémorragie. Aujourd'hui, le taux de rétention est revenu à la moyenne. Le taux des départs dans les Forces canadiennes était de 7 p. 100 à 8 p. 100 supérieur à son niveau d'il y a deux ans, ce qui allait nous occasionner d'importants problèmes parce qu'il nous aurait été impossible, avec ce genre d'attrition imprévu et soutenu, de revenir à un effectif formé en activité suffisant.
La situation est en train de s'inverser. Le taux d'attrition moyen oscille autour de 3,5 p. 100 à 4 p. 100. Il a donc été réduitde 4 p. 100 à 5 p. 100, ce qui veut dire que nous en sommes à un niveau d'attrition plus stable, plus facilement gérable sur les plans du recrutement et de la rétention des effectifs. Cette situation devrait changer les choses.
Nous ne savons pas ce qui a occasionné ce changement dans les taux d'attrition. Nous ne savons pas si ce sont les événements du 11 septembre qui ont incité les gens à participer aux opérations des Forces canadiennes ou s'il faut attribuer ce mieux à nos initiatives visant à améliorer la rétention et le recrutement. J'estime que la réponse est une combinaison des deux.
Nous continuons à nous intéresser de près à l'élément humain. Nous concentrons nos efforts non seulement sur la force régulière, mais aussi sur la réserve. Très honnêtement, nous comptons beaucoup sur les réserves. Elles sont une partie importante des forces en général. Elles sont un élément essentiel du tissu des Forces canadiennes, car elles nous donnent la capacité voulue pour soutenir des opérations de longue haleine. Pour cette raison, nous avons décidé de faire ce qu'il fallait pour attirer des recrues dans les réserves et retenir ceux qui en font déjà partie.
Je sais que vous vous êtes entretenu dans le détail avec mes chefs de service sur les programmes concernant leur réserve et j'espère qu'ils vous ont apporté les réponses que vous recherchiez.
Nous avons entrepris un effort de revitalisation dans le cas de la réserve des forces terrestres, pour toutes les raisons que vous connaissez. Nous voulons augmenter le nombre de soldats de réserve et renforcer notre capacité globale d'appui des opérations des forces terrestres, non seulement au Canada mais également à l'étranger.
Monsieur le président, je pourrais toujours vous parler plus en détail de ces questions si vous y tenez, mais je suis certain que les plans que nous avons élaborés, s'ils sont menés à terme - ce que nous avons l'intention de faire - nous permettront d'obtenir ce que nous voulons à longue échéance.
Il convient également de s'intéresser de près à la question de la modernisation du matériel. Je sais, également, que les chefs des trois armes vous en ont parlé, mais je tiens à renforcer leur propos.
[Français]
Les ressources humaines sont capitales, mais le personnel a besoin d'outils pour remplir les tâches requises, que ce soit outremer ou ici. Une de mes grandes priorités est donc de faire en sorte que les membres des Forces armées canadiennes disposent des nouvelles technologies, dont les bienfaits sont nombreux, et de l'équipement nécessaire pour exécuter les tâches que le gouvernement canadien exige d'eux.
[Traduction]
Les opérations en cours ont montré l'importance de la modernisation, de l'interopérabilité et de la capacité de nos forces d'intervenir à l'extérieur du pays. La majorité des aspects que nous avons couverts au cours des dernières années, sur le plan de l'interopérabilité - de sorte à nous permettre de travailler sans difficulté au sein d'une coalition, que ce soit l'OTAN ou autre - ont porté fruit. Nous savons que nous pouvons apporter une contribution véritable à des opérations lancées n'importe où dans le monde à l'appui de la paix et de la stabilité ou d'autres projets. Nous continuons à agir dans ce sens.
Nos forces navales qui participent à l'actuelle opération Apollo sont entièrement intégrées à leurs groupes aéronavals. Elles fonctionnent en qualité de force navale indépendante chargée d'assurer la protection des groupes aéronavals américains et des groupes amphibies dont je vous ai parlé plus tôt. Elles assurent ce genre de mission avec la confiance absolue des commandants. Je reçois régulièrement les rapports des commandants sur leur niveau de confiance vis-à-vis des Forces canadiennes, qu'il s'agisse d'éléments de l'Armée, de la Marine ou de la Force aérienne.
Cependant, le maintien de l'interopérabilité n'est pas gratuit. Nous le savons tous. Il faudra que nous continuions d'investir dans l'avenir. C'est là un des aspects très importants sur lesquels nous nous sommes concentrés, parce que nous voulons être certains d'acquérir le matériel et les technologies dont nous avons besoin dans le respect de l'interopérabilité, soit la capacité de fonctionner de façon homogène avec nos alliés, dans un avenir lointain. Cet élément est déterminant pour notre capacité à long terme.
Vous avez été mis au courant par les témoins précédents de tout ce que nous faisons d'autre. Je m'arrêterai sur certains aspects de la haute technologie, en vous parlant de ce que nous voulons faire pour l'avenir. Je pense notamment au Système militaire canadien de télécommunications par satellite qui nous permettra de communiquer de façon beaucoup plus efficace, dans un univers codé et protégé, avec toutes nos troupes déployées. Nous connaissons maintenant les limites géographiques de notre capacité de déploiement. Nous sommes allés de l'autre côté de la planète, au Timor oriental. Nous sommes maintenant au voisinage du Pakistan et dans la mer d'Oman, en Afghanistan et ainsi de suite. Nous sommes très loin du Canada. Il est donc déterminant que nous puissions assurer des communications à l'échelle planétaire afin de demeurer au courant de la situation sur le terrain. Il est également très important de pouvoir soutenir les opérations que nous conduisons à l'extérieur du pays et de dispenser à nos troupes les conseils et les orientations dont elles ont besoin, depuis l'échelon national, ce qui n'est pas possible sans ce genre de moyen de communication.
Nous avons également entrepris un certain nombre de projets pour améliorer nos aéronefs et notre matériel des forces terrestres, que ce soit dans le domaine des communications ou autres. Nous sommes en train d'étudier ce qu'il nous faudra faire à l'échelon du quartier général de même que dans le cadre de nos opérations conjointes pour permettre au trois armes des Forces canadiennes d'accomplir leur mission à l'occasion d'un déploiement rapide et efficace. Il est bien connu que nous devons pouvoir nous déployer rapidement et être en mesure d'intervenir dans des circonstances incertaines et imprévisibles, partout dans le monde.
Nous étudions également ce que nous devrons faire, à une échéance plus éloignée, relativement à des projets particuliers comme le Joint Strike Fighter, dans lequel nous avons une modeste participation. Ce programme international, qui vise à doter les quelques pays participants d'un avion de chasse furtif, multirôle, à un prix abordable, sera l'un des plus ambitieux projets de l'histoire aérospatiale.
Nous aimerions pouvoir y participer plus pleinement, pour prendre nos propres décisions. Le gouvernement du Canada devra décider d'abord de ce que seront les prochaines étapes relativement à nos besoins d'avions de chasse.
Nous avons déjà bénéficié de plusieurs retombées de ce programme. Nous avons effectué un investissement initial d'environ 16 millions de dollars dans la première phase du projet. Nous envisageons maintenant de passer à la deuxième phase et nous allons voir ce que cela pourrait signifier pour nous. Nous désirons ardemment participer à ce projet de très longue haleine.
Il est important pour nous, parce que les technologies qui en découleront bénéficieront non seulement aux Forces canadiennes mais à l'industrie canadienne dans son ensemble. De plus, ce projet pourrait nous placer dans une position très solide à long terme.
La haute technologie est donc très importante à nos yeux. Elle nous permet aussi de faire en sorte que la qualité continue de primer sur la quantité. Ce genre de rapport entre qualité et quantité a toujours été la marque de commerce des Forces canadiennes, surtout lors de leurs déploiements récents à l'étranger.
D'autres besoins sont tout aussi importants. Je veux parler des besoins en matière de capacité de déploiement. Il nous est particulièrement difficile d'acheminer notre équipement là où il est requis à cause des grandes distances que nous devons parcourir. Si nous devions intervenir en Afghanistan ou nous déployer dans un pays du nord, du nord-ouest ou du nord-est de l'Afghanistan, il nous faudrait parcourir d'immenses distances. En fait, l'un des ports maritimes les plus proches se trouve en Pologne, soit à 4 470 kilomètres par rail, ce qui est énorme et qui correspond à la distance séparant Whitehorse, au Yukon, d'Halifax, en Nouvelle-Écosse. L'autre port qui est un peu plus près de nous se trouve en Ukraine, soit à 3 000 kilomètres d'ici ce qui équivaut tout de même à la distance approximative séparant Yellowknife de Montréal. Ainsi, sans la capacité d'acheminer par avion tout ce qu'il nous faut dans cette région - et nous savons que nous n'avons pas complètement cette capacité - tout ce que nous devons faire devient beaucoup plus difficile.
Nous devrons sans doute améliorer notre capacité à l'interne, même en ce qui concerne exclusivement les Forces canadiennes. Il est déterminant que nous puissions rapidement nous déployer pour assurer les missions que le gouvernement nous confiera dans l'avenir.
Je vous ai parlé de la question des opérations conjointes et de la capacité conjointe. Je tiens à souligner cet aspect. Quand j'étais sous-chef d'état-major de la défense, j'ai participé de près à la création du Groupe des opérations interarmées des Forces canadiennes, à Kingston. Il s'agit de l'organisation qui s'occupe du commandement et du contrôle, des communications et de tout le soutien nécessaire en cas de déploiement rapide, qu'il s'agisse d'une force importante, comme c'est actuellement le cas, ou d'une équipe d'intervention rapide en cas de catastrophe. Nous disposons d'une capacité de réaction nucléaire, biologique et chimique unique. Il est très important de pouvoir se déployer rapidement et de s'installer sur le théâtre des opérations.
Le Groupe des opérations interarmées a effectué un travail énorme avant de pouvoir parvenir à sa pleine capacité opérationnelle, quand il nous a aidé à prendre pied en Éthiopie et en Erythrée, quand nous avons été appelés à intervenir là-bas. Il s'est occupé de l'activation du théâtre des opérations sur place. Il a pris étroitement part au travail de relocalisation d'une partie de nos éléments de reconnaissance de la Bosnie, pour les déplacer en République yougoslave de Macédonie pour 30 à 40 jours.
Ce même groupe nous a aidé à installer notre antenne de commandement et de contrôle à Tampa, au moment où nous nous préparions à l'opération Apollo. Enfin, il nous a aidé à mettre sur pied notre élément de commandement national ainsi que des antennes dans la région de déploiement avancé.
Ce groupe représente donc une partie importante de tout ce que nous sommes appelés à faire et nous avons décidé de lui donner plus de moyens notamment sous la forme du centre d'expérimentation et d'une capacité aérospatiale renforcée, capacité dont nous voulons doter les Forces canadiennes à long terme.
Nous sommes confrontés à plusieurs nouveaux défis. Grâce aux investissements qu'il a effectués au cours des dernières années - près de 3 milliards de dollars - le gouvernement nous a aidés à corriger partiellement cette situation, mais je sais qu'on vous en a déjà parlé plus tôt. Nous faisons face à de nouveaux défis depuis le 11 septembre, défis qui étaient peut-être là avant mais qui sont maintenant plus évidents. Nous allons chercher à obtenir des ressources supplémentaires pour faire face à ces nouveaux défis, qu'il s'agisse de personnel, de fonds additionnels ou autres.
[Français]
En conclusion, les Forces canadiennes sont parmi les meilleures au monde. J'apprécie beaucoup vos commentaires. Nos représentants et les représentants alliés, à tous les échelons de la hiérarchie, nous font part des mêmes commentaires favorables lorsque nous sommes en mission. Nous accomplissons notre mandat au meilleur de nos compétences et nous sommes très en demande.
[Traduction]
Tout le monde nous sollicite. Une fois sur place, il est difficile de se retirer parce que les officiers et les militaires du rang, qu'ils appartiennent aux forces régulières ou à la réserve, excellent quand ils sont déployés en opération, tout autant d'ailleurs que dans leur travail au Canada. À la façon dont je perçois mon objectif et mon travail, j'estime devoir bâtir sur les fondations et sur les capacités actuelles pour faire en sorte que les Forces canadiennes conservent toute leur pertinence dans l'avenir. Cela dit, je vous remercie de votre attention et je me tiens prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec presque tout ce que vous avez dit. Tout à l'heure, les chefs d'état-major des trois armes nous ont dressé un excellent tableau de la situation. Tous les Canadiens peuvent à juste titre, comme vous-même et le président l'avez déclaré, s'enorgueillir de l'excellence de nos forces armées.
Cependant, je ne peux m'empêcher de conclure que nous sommes encore aux prises avec un certain nombre de défis. D'une façon peut-être un peu perverse, le 11 septembre nous aura aidés sur ce plan. Il a incité la population canadienne à s'intéresser davantage à la nécessité et à l'importance de nos forces armées ainsi qu'à l'excellence du travail accompli par nos militaires. C'est peut-être le 11 septembre qui a favorisé la création de ce comité. D'ailleurs, il a fait passer à l'avant-scène toute la question de la sécurité nationale.
Un cynique pourrait dire que, malgré tout cela, nos forces manquent encore d'entraînement, qu'elles sont sous-équipées, qu'elles sont en sous-effectif et qu'elles ploient sous la tâche à accomplir. Prenons, par exemple, le problème du manque d'entraînement. Il y aurait tout lieu de se réjouir des succès remportés par la campagne de recrutement, mais aurons-nous la capacité voulue pour former ces 7 000 nouveaux militaires? On nous a parlé de la réduction du nombre de patrouilles aériennes parce qu'il a fallu couper dans certains frais, comme pour le carburant. Ce sont là autant de contraintes avec lesquelles il faut composer.
Général Henault, vous avez parlé de la nécessité de disposer de moyens de transport maritime, de transport aérien et éventuellement de moyens de ravitaillement en vol. Autant que je sache, aucune de ces exigences n'est couverte par le budget. Par ailleurs, nous continuons de nous heurter à des problèmes de rétention des effectifs, même si je suis heureux de vous entendre dire que la situation est en train de changer. Nous avons surtout de la difficulté à engager à retenir des spécialistes, dans les secteurs où nous devons faire face à la forte concurrence du secteur privé.
Certes, avec 14 missions internationales en cours et notre sempiternel penchant à nous déclarer prêts à répondre à toute obligation du genre, nos forces ploient sous la tâche, ce qui, comme vous le savez si bien, occasionne des problèmes dans les familles.
J'espère que le gouvernement va continuer à évoluer dans sa position vis-à-vis de toute cette situation, dans le budget qui est annoncé pour le mois prochain, et qu'il débloquera des fonds supplémentaires. Si tel était le cas, à quels postes affecteriez-vous ces fonds en priorité? Les consacreriez-vous d'abord à l'entraînement ou à autre chose?
Le gén Henault: Je vais vous parler de notre capacité sur le plan de l'entraînement. Vous avez tout à fait raison, dans sa forme actuelle, le système d'instruction n'est pas prêt à accepter un nombre accru de militaires au point de nous permettre de revenir à un effectif formé en activité dans les trois prochaines années. Pour cette raison, le SMA, Ressources humaines (militaires) - le général Couture - et les chefs d'état-major des trois armes qui ont comparu devant vous aujourd'hui, se sont entendus pour partager les coûts que représente la formation additionnelle et pour mettre en oeuvre de nouveaux mécanismes d'instruction de sorte à pouvoir absorber l'excédent de jeunes recrues dans les trois prochaines années. Cela nous permettra de nous doter de la capacité supplémentaire dont nous avons besoin dans le système. Nous devrons absolument faire cela pour retrouver notre ancien effectif formé en activité.
Je vous ai dit que notre effectif formé en activité avait diminué à cause de l'attrition au fil des ans et d'autres facteurs qui ont limité notre capacité de maintenir les niveaux d'avant. La courbe à la baisse était tellement prononcée qu'il nous aurait été difficile de redresser le cap si nous n'avions pas pris ces mesures au cours des 12 derniers mois, surtout en ce qui concerne les programmes de recrutement et de rétention dont je vous ai parlé.
Nous nous sommes tous engagés à prendre les mesures voulues pour faire précisément ce dont vous venez de parler. Vous avez raison, l'effort sera difficile pour les chefs d'état-major des trois armes et pour les ressources humaines (militaires) parce qu'il leur faudra débloquer de nouvelles ressources. Il demeure que nous faisons ce que nous pouvons pour redresser la situation, et je suis donc d'accord avec vous.
Avec ce programme de rétablissement, notre effectif de base de 60 000 militaires dans les Forces canadiennes va sans doute augmenter un peu et nous attendrons peut-être les 62 000 ou 63 000. Nous ne savons pas encore quels seront les chiffres, ils varieront au fur et à mesure que nous progresserons dans ce programme à terme de deux ou trois ans.
Sur la foi de l'analyse scientifique concernant notre capacité de réaliser, dans la période de trois ans, l'engagement dont je vous ai parlé, nous retrouverons, d'ici 2004, 2005, 2006, notre effectif formé en activité qui nous est absolument nécessaire pour atténuer les effets du rythme opérationnel, pour réduire les répercussions sur les familles au point de pouvoir leur assurer une qualité de vie, etc. Pour toutes ces raisons, j'apprécie vos remarques, sénateur, parce qu'elles sont déterminantes quant à la façon dont nous évoluons.
Passons maintenant à la question de notre sempiternelle disponibilité. Le vice-amiral Buck me dit souvent qu'il est toujours prêt. Il est vrai que nous sommes souvent disposés à intervenir, si bien que les Canadiens sont toujours très recherchés dans les opérations d'éventuelles coalitions et dans les cercles de l'OTAN.
Nous avons délibérément essayé de réduire notre soutien international au cours des dernières années, surtout après la période de la fin 1999 au début 2000. Vous vous rappellerez les effets de la campagne aérienne du Kosovo, la mission de soutien de la paix, à la fin de la campagne aérienne, de même que les effets de la crise des réfugiés du Kosovo et la volonté du Canada, à l'époque, d'accepter plus que sa part de ces personnes. Il y a eu aussi le suivi des opérations dans le Timor oriental et les effets du passage à l'an 2000. Beaucoup de choses sont arrivées en même temps.
À l'époque, nous avions atteint un pic d'activité opérationnelle. Nous avions jusqu'à 4 400 militaires canadiens déployés à l'extérieur du pays et nous ne pouvions plus soutenir ce rythme. Nous avons ramené le nombre de missions de 21 à 12 ou 13, et c'était là où nous en étions le 11 septembre. Il est heureux que nous ayons effectué cette réduction, parce que cela nous permet de débloquer une capacité supplémentaire quand elle est nécessaire, étant entendu que nos gens ont besoin de pauses dans nos engagements continus. Nous sommes sensibles à cela, sénateur, et j'apprécie vos commentaires à cet égard. C'est pour toutes ces raisons que nous avons dit non quand nous le pouvions.
Il est évident que nous voulons apporter notre contribution à la campagne contre le terrorisme, étant donné la répercussion qu'ont eu dans le monde entier les attaques de New York et de Washington ainsi que l'écrasement de Pittsburgh.
Le rythme opérationnel continue de me préoccuper, de nous préoccuper beaucoup. Nous avons lancé plusieurs études pour essayer d'atténuer les effets du rythme opérationnel sur nos gens et de maintenir les initiatives que nous avons adoptées relativement à la qualité de la vie. Nous devons veiller à ne pas brûler nos gens à l'heure où nous nous engageons dans des missions à long terme.
Sénateur, pourriez-vous me répéter la dernière partie de votre question?
Le sénateur Meighen: Si le Père Noël devait arriver tôt cette année, le 11 décembre, et qu'il vous apporte plus d'argent, à quoi consacreriez-vous ces fonds, en regard des besoins des forces armées?
Le gén Henault: Je les consacrerais à trois aspects fondamentaux de notre capacité. D'abord, les ressources humaines. C'est là où nous devons déployer le plus d'efforts et consacrer un maximum de fonds.
Le sénateur Meighen: Voulez-vous parler de la qualité de la vie, du recrutement ou de la formation?
Le gén Henault: Les trois. Nous devons davantage miser sur la formation, sur la capacité et sur notre aptitude à recruter et à retenir les gens. Cela veut dire que nous devrons améliorer notre capacité afin de pouvoir revenir à l'effectif de 60 000 dont je vous parlais. Pour ce faire, nous devrons agir sur toutes les facettes des ressources humaines.
Notre deuxième priorité sera d'améliorer notre état de préparation, autrement dit d'intervenir sur tous les aspects qui touchent au déploiement ou à la préparation des forces et à leur maintien hors du pays, ce qui touche aux acquisitions à l'échelle nationale, au maintien du financement, ainsi qu'aux besoins de formation et de matériel.
Notre troisième priorité serait la modernisation. Les ressources humaines doivent passer en premier. La modernisation et l'état de préparation vont de pair. Nous devrons faire certains compromis sur ces deux plans. Si le gouvernement me fournissait des fonds additionnels, c'est ainsi que je les répartirais.
Le sénateur Meighen: Outre l'instruction, il y a le problème des réservistes qui ont de la difficulté à intégrer les forces régulières quand ils le veulent. Tout le monde semble être d'accord sur le fait qu'ils se heurtent à «des difficultés bureaucratiques». C'est plus une requête que je vous adresse qu'une question que je vous pose. On nous a dit que le général Couture travaillait sur cette question et j'espère qu'il obtiendra votre appui pour essayer de démêler tout cela le plus rapidement possible.
Quant à moi, si vous avez investi du temps, de l'argent et des efforts pour former des réservistes, j'estime très regrettable qu'il ne soit pas possible de les intégrer dans les forces régulières, si c'est ce qu'ils veulent, pour de simples raisons bureaucratiques.
Le gén Henault: Je comprends ce que vous voulez dire. Il est effectivement arrivé, dans certains cas, que des gens se heurtent à des problèmes d'ordre bureaucratique pour passer des forces régulières à la réserve et aussi pour intégrer les réserves ou intégrer la force régulière.
Sachez, sénateur, que nous avons adopté une approche déterminée sur ce plan. Par le biais du groupe chargé du recrutement dans les FC, nous essayons de rationaliser le processus de recrutement, surtout dans le cas des réserves, pour permettre aux gens de porter l'uniforme le plus rapidement possible avant qu'ils ne perdent de leur intérêt. Nous nous sommes notamment rendus compte que certaines de ces personnes se présentaient au centre de recrutement, de la réserve ou de la force régulière, qu'elles subissaient une présélection et qu'il leur arrivait ensuite de ne pas entendre parler des Forces canadiennes avant très longtemps, raison pour laquelle elles n'étaient plus aussi intéressées par la suite.
Le sénateur Meighen: Il semble que leurs dossiers se soient perdus dans les oubliettes et qu'il leur ait fallu recommencer de zéro ensuite.
Le gén Henault: C'est inacceptable et je l'ai fait remarquer aux gens des ressources humaines à plusieurs reprises.
Nous avons maintenant un nouveau commandant à la tête du groupe de recrutement des FC, le colonel Tremblay. Il a fait preuve de dynamisme dans le règlement de ce genre de problème de recrutement et a proposé plusieurs initiatives que les RH (Militaires) essaient de mettre en oeuvre dans le cadre du programme de recrutement et de formation, de même que de l'instruction initiale, afin de rationaliser le tout. Ce nouveau système vise à réduire de plusieurs semaines les délais bureaucratiques. Dans certains cas, nous devons prendre des risques sur le plan des évaluations ou des vérifications d'antécédents. Il est toujours possible d'accélérer les choses. C'est ce que nous allons faire dans la limite du raisonnable et du réalisable. Au bout du compte, nous assisterons à un renversement de situation.
Le sénateur Meighen: Comme vous le savez, notre comité porte le nom de comité de la sécurité nationale et de la défense. Nous pensons en effet, du moins en ce qui nous concerne, que la sécurité et la défense sont liées. J'aimerais que vous nous expliquiez très brièvement comment vous percevez votre rôle sur les plans de la sécurité et de la défense. Vous pourriez peut-être expliquer aux Canadiens comment cela fonctionne. Les chefs d'état-major des trois armes, que nous avons accueillis aujourd'hui, relèvent de vous. Vous, vous rendez compte au Premier ministre. Je me trompe?
Le gén Henault: Je rends effectivement compte au Premier ministre par l'intermédiaire du ministre de la Défense nationale.
Le sénateur Meighen: Travaillez-vous en interopérabilité avec les gens qui s'occupent de la sécurité?
Le gén Henault: Oui.
Le sénateur Meighen: Pourriez-vous brièvement nous décrire ce qu'est ce travail?
Le gén Henault: Je siège au comité interministériel de sécurité et des renseignements.
Le sénateur Meighen: Il s'agit d'un comité du Conseil privé?
Le gén Henault: Il s'agit effectivement d'un comité du Conseil privé qui se réunit annuellement ou plus souvent, généralement deux fois par an, et ces derniers temps plus fréquemment encore.
Le sénateur Meighen: Si vous avez des réunions annuelles ou bisannuelles, c'est que ce n'est pas une grande priorité, n'est-ce pas?
Le gén Henault: Non, mais je me suis réuni plusieurs fois avec des membres de ce comité depuis les événements du 11 septembre. Je ne suis à ce comité que depuis quatre ou cinq mois et je les ai déjà rencontrés une bonne demi-douzaine de fois.
Le sénateur Meighen: Qui préside le comité?
Le gén Henault: Le greffier du Conseil privé a présidé la majorité des réunions auxquelles j'ai participé. Dick Fadden est un autre joueur d'envergure. Le comité interministériel de sécurité et de défense est un comité du Cabinet présidé par le Premier ministre. Je n'ai jamais assisté à une réunion à l'échelon du Premier ministre, mais j'ai participé à tout ce qui s'est fait aux autres échelons.
Le sénateur Meighen: Est-ce que le chef d'état-major de la défense rencontre régulièrement le Premier ministre?
Le gén Henault: Je lui parle régulièrement. Je l'ai rencontré dans son bureau pour lui parler personnellement de la question des règlements. Je m'entretiens régulièrement avec lui par téléphone pour l'informer de nos opérations et lui faire des recommandations sur notre participation. Nous avons eu plusieurs conversations notamment dans le cadre de la campagne contre le terrorisme.
Le sénateur Meighen: Tout cela s'est essentiellement produit après le 11 septembre?
Le gén Henault: Oui, mais il y en a eu aussi avant.
Le sénateur Meighen: Le nombre de contacts était-il moindre avant?
Le gén Henault: Oui.
Le sénateur Day: Le Premier ministre préside le comité interministériel de sécurité et de défense. C'est exact?
Le gén Henault: Ce comité interministériel se situe à l'échelon du Premier ministre, mais il est normalement présidé par le greffier du Conseil privé ou par le coordonnateur de la sécurité et de la défense, Dick Fadden.
Le sénateur Day: Comment s'appelle la dernière instance où vous faites part de vos commentaires au comité que préside le Premier ministre?
Le gén Henault: Une fois par an, nous effectuons la planification et l'établissement des priorités pour le gouvernement, en regard des exigences interministérielles dans le domaine du renseignement. Il s'agit d'un comité qui se réunit annuellement et que préside le Premier ministre. Seuls le sous-ministre et le chef d'état-major de la défense y participent et ils ne sont jamais remplacés.
Le président: À ce propos, général, faudrait-il nous doter, au Canada, d'une politique sur la sécurité nationale?
Le gén Henault: Monsieur le président, tout indique que le comité coprésidé par notre ministre et par le ministre des Affaires étrangères a déjà entamé ce genre de travail. Ce comité a déjà produit plusieurs choses qui ont donné de bons résultats, dans le sillage du 11 septembre. Un grand nombre d'initiatives adoptées depuis cette date, par exemple pour se protéger contre les attaques biologiques ou chimiques, pour se doter de moyens de défense et pour entreprendre des initiatives interministérielles afin de contrer le genre d'action terroriste dont nous avons été témoin, ont été envisagés dans le cadre d'un mécanisme qui s'apparente à une politique sur la sécurité nationale.
Le système actuel semble relativement bien fonctionner pour faire face à des situations exceptionnelles. C'est effectivement ce qui s'est produit. Même ce comité est un comité spécial.
Je ne peux pas vous dire si ce comité va être élargi. Je sais qu'il devrait être démantelé en décembre, mais il pourrait très bien prendre une autre forme. Le comité semble avoir fait un bon travail face aux problèmes rencontrés.
Il serait certainement très intéressant que nous nous dotions d'un cadre de sécurité nationale, qu'il s'agisse d'une politique ou d'un autre mécanisme qui prendrait en compte non seulement les besoins à l'échelon interministériel au sein de notre propre structure gouvernementale, mais qui nous permettrait aussi d'intégrer certains des problèmes canado-américains qui ont fait surface à la suite du 11 septembre. C'est finalement le gouvernement qui devra décider si nous devons ou non nous doter d'une telle politique ou d'un tel cadre, mais je pense que cela serait intéressant.
Le président: Toute la stratégie 2020 s'articule autour de la notion de déploiement global. Pour l'instant, les Forces canadiennes ne disposent pas de la capacité de transport stratégique voulue. Nous n'avons pas débloqué de budget au titre des plans d'acquisition des véhicules de transport stratégique aérien et maritime ni des moyens de ravitaillement en vol. Advenant que vous n'obteniez pas les fonds nécessaires ou que vous n'obteniez pas d'enveloppe supplémentaire, allez-vous réduire d'autres programmes pour vous doter de ce genre de capacité?
Le gén Henault: Vous avez tout à fait raison, car qui dit capacité de déploiement à l'échelle planétaire dit moyens techniques en conséquence. Nous devrons pouvoir disposer de notre propre matériel ou d'un matériel que nous louerons ou dont nous pourrons nous garantir l'accès, que ce soit auprès d'autres forces armées ou de fournisseurs, comme Skylink qui nous assure déjà une grande partie de ces moyens techniques.
Le transport stratégique est fondamental car il doit nous permettre, à long terme, de continuer à faire ce que nous faisons actuellement, si bien que vous avez raison en affirmant que ce genre de besoin est légitime et qu'il s'agit de besoins pour lesquels nous avons déjà élaboré des plans et déterminé des budgets. Par ailleurs, nous avons déjà lancé des projets pour essayer d'y répondre. Pour cette raison, et si le gouvernement ne nous débloque pas des fonds supplémentaires, nous devrons déterminer comment investir à long terme sur ce plan. Nous devrons peut-être faire des compromis dans d'autres domaines, encore une fois si nous n'obtenions pas l'argent supplémentaire à l'occasion du prochain budget.
Le président: Si je vous comprends bien, vous dites qu'il s'agit d'activités fondamentales pour lesquelles vous devrez trouver des fonds et que vous êtes disposés à effectuer des coupures ailleurs si c'était nécessaire?
Le gén Henault: C'est exact, à moins de faire preuve de créativité, par exemple en signant des contrats ou en nous garantissant autrement l'accès au matériel qu'il nous faut. Il y a bien des moyens d'arriver à ses fins et nous allons examiner les différentes façons qui s'offrent à nous avant de prendre une décision définitive.
Le président: Tout à l'heure, vous avez dit que nos forces étaient entièrement intégrées avec les forces américaines dans le cadre de l'opération Apollo. Nous avons entendu dire que nos hélicoptères ne sont pas équipés de radios blindées de type HAVE QUICK et que les communications ne sont pas protégées. C'est exact?
Le gén Henault: Effectivement, ces hélicoptères n'ont pas de radios HAVE QUICK, mais leurs communications sont protégées. Ils utilisent un système radio appelé KY58 qui permet de protéger toutes les communications entre les hélicoptères et les autres membres de l'élément mer au sein de la coalition. Nous avons déterminé qu'il fallait équiper les Sea King de radio HAVE QUICK, au même titre que les autres aéronefs militaires, comme le CF-18. Il n'y a pas si longtemps, nous avons d'ailleurs essayé d'équiper les appareils de ce genre de radio. Les choses n'ont pas fonctionné pour plusieurs raisons d'ordre technique et nous sommes en train de voir comment nous allons pouvoir corriger la situation. Cependant, cela n'a pas limité la capacité de ces hélicoptères d'évoluer dans le cadre de la coalition, pour l'instant.
En vérité, plusieurs de nos alliés au sein de la coalition ne sont pas eux-mêmes équipés de radio de type HAVE QUICK et il arrive très souvent que seuls les Américains disposent de ce matériel parmi nos alliés. Lors de la campagne aérienne du Kosovo, nous avons constaté que la majorité des chasseurs qui effectuaient les missions à cette occasion ne pouvaient pas utiliser ou ne disposaient pas encore des radios HAVE QUICK, ce qui était en fait le cas de la majorité des membres de la coalition à l'exception peut-être d'un ou deux. Fort de ce constat, le commandement de la coalition, qui était américain à l'époque, a réduit cette exigence d'un cran.
Nos communications lors de la campagne aérienne du Kosovo étaient tout de même protégées, grâce à des systèmes radio semblables à celui du Sea King, qui assurent le codage des communications sans toutefois permettre les sauts de fréquences comme les radios HAVE QUICK. Nous pouvons donc protéger le secret des communications mais nous devrons bien nous plier à cette exigence à un moment donné parce que les radios HAVE QUICK finiront par être les seules utilisées par toutes les forces armées du monde.
Le président: Combien de temps la marine canadienne pourra-t-elle assurer sa mission au sein de l'opération Apollo?
Le gén Henault: Cela dépendra de la façon dont nous structurerons les forces. Dans le cadre du déploiement actuel, nous aurons déployé six bâtiments après le départ du prochain, le 5 décembre, ce qui est beaucoup plus que la force de contingence principale que nous avions promise dans le Livre blanc. Au moment de notre replis du Golfe persique, nous avons l'intention de revoir cet engagement pour le ramener à un niveau qui sera plus viable, soit de trois ou quatre bâtiments détachés en permanence auprès de la force navale. Trois navires correspondraient à un niveau viable, mais quatre ce serait un peu trop.
Le président: Qu'entendez-vous par le long terme?
Le gén Henault: Nous fondons nos plans sur des engagements de 24 mois, parce qu'ils sont revus tous les 24 mois. Dans le cas de ce déploiement, nous ne savons pas combien de temps il va durer et c'est pour cela que nous avons défini ce qui était viable pour nous à long terme, pas nécessairement en cas de crise, comme c'est actuellement le cas.
Le sénateur Atkins: Vous avez parlé de l'engagement de notre force sur le théâtre arabo-persique au lendemain du 11 septembre. Comment se fait-il que nous ayons débloqué autant de navires et pas autant de F-18 qui avaient pourtant joué un rôle déterminant lors des deux interventions précédentes?
Le gén Henault: Voilà une bonne question. Quand nous avons constitué la coalition et que nous avons entamé les activités de planification associées à ce genre d'activité, le gouvernement nous a demandé le genre de force que nous pourrions mobiliser. Nous avons fait des propositions mais toutes n'ont pas été retenues. Dans le cas des F-18, nous avions proposé un certain nombre d'appareils à notre allié américain. Il nous aurait été possible de les déployer jusqu'à récemment, mais les besoins de référence n'ont pas été suffisamment importants pour que nous ayons à le faire. De plus, nous avons offert d'autres éléments de notre force à la coalition.
Finalement, notre contribution a correspondu à la première offre que nous avions faite à la coalition dirigée par les Américains, ceux-ci ayant déterminé que c'est ce qu'il leur fallait pour compléter les forces déployées. La décision a essentiellement été prise par les responsables de la coalition, sous la gouverne du général Franks qui est le commandant en chef du commandement central à Tampa et qui a été chargé, par le président des États-Unis, de piloter la synchronisation de toute l'opération.
Nous avons toujours un certain nombre de moyens que nous pourrions mobiliser au fur et à mesure du déroulement de l'opération. Je vous ai dit et je vous répète que notre contribution à la campagne va sans doute évoluer et se transformer avec le temps. Quand les opérations en Afghanistan prendront un visage différent et que les besoins dans le golfe Arabo-Persique changeront, les besoins d'escorte maritime, assurés par notre force navale, évolueront. L'accent devrait davantage porter sur le transport de matériel au départ et à destination de l'Afghanistan, dans le cadre de l'aide humanitaire. Il est possible que d'autres opérations deviennent prioritaires avec le temps, comme les opérations de reconstruction, parce qu'il faudra aider ce pays à se rebâtir.
Ces ensembles de proposition sont toujours sur la table et nous y reviendrons au fur et à mesure que la coalition nous y invitera, selon le déroulement de la campagne. Pour l'instant, nous ajustons notre engagement, par exemple, dans le cas de l'appareil de patrouille maritime et du détachement de C-130. Nous avons proposé la FRI(L), dont nous avons parlé plus tôt, après que le commandement de la coalition nous eut indiqué qu'il voulait disposer d'une force de stabilisation en vue d'installer des périmètres de sécurité. Une telle force aurait été chargée de prendre possession du terrain et d'y installer une place forte, pour assurer les opérations de la coalition, et nous permettre plus tard de disposer d'un mécanisme d'écoulement de l'aide humanitaire et autres. Les exigences de la mission ont changé, les ententes politiques et diplomatiques ont également changé, tout comme les considérations stratégiques sur le terrain, si bien qu'il a été décidé que ce genre de moyens n'étaient plus nécessaires. La même chose s'est produite pour les autres membres de la coalition, qui ont dû faire exactement la même chose que nous au fur et à mesure du déroulement de l'opération.
Le sénateur Atkins: Vous avez donc fait une proposition d'ensemble au commandement central et lui avez laissé le soin de décider lui-même de ce qu'il lui fallait? Est-ce que les Américains ont vraiment pris la décision?
Le gén Henault: Oui. C'est ainsi que fonctionne ce genre de coalition. Chaque gouvernement place sa confiance dans la coalition et dans celui qui la dirige, et il propose ce qu'il est capable d'offrir à long terme, ce qui est un autre élément important. Nous espérons pouvoir répondre à ces besoins et fournir à la coalition les éléments utiles à la mission. Jusqu'ici, c'est ce que nous avons fait.
Le sénateur Atkins: Sur le plan des relations avec les Américains, c'est le ministre qui traite avec le gouvernement. Le ministre de la Défense traite à un certain niveau. Est-ce que vous êtes, vous-même, en communication avec le général Franks? Savez-vous ce qui se passe dans le cadre de cette opération?
Le gén Henault: Oui.
Le sénateur Atkins: Je ne veux pas que vous me disiez ce dont il s'agit, je veux simplement savoir si vous êtres dans le secret ou pas.
Le gén Henault: Je suis tout à fait dans le secret, je peux vous l'assurer. On me donne un exposé quotidien sur les opérations en Afghanistan et sur ce qui se passe dans la coalition en général. Notre sous-chef d'état-major de la défense me donne un exposé quotidien et je m'entretiens de façon suivie avec le commandant de notre contingent à Tampa, qui a rang de commodore et qui fait partie du personnel de planification du général Franks. Ce commodore assiste quotidiennement aux exposés du général. Nous recevons tous les jours des rapports écrits de Tampa. On nous appelle régulièrement par téléphone sur les questions urgentes que nous devons traiter. Je ne suis pas en communication directe avec le général Franks, parce qu'il a beaucoup de choses à faire de son côté. J'ai déjà un commodore sur place qui le côtoie tous les jours. Je traite aussi directement avec le président de l'instance collégiale des chefs d'état-major aux États-Unis, le général Mayer, et je m'entretiens quotidiennement avec lui des opérations dans la région. Je suis aussi en liaison avec les chefs d'état-major alliés, en Angleterre, en France et en Allemagne. J'ai également eu plusieurs contacts avec certains des principaux partenaires de la coalition.
Le sénateur Atkins: Pour ce qui est de la force de réaction immédiate qui est à Edmonton, qu'allez-vous faire pour la déployer sur le théâtre des opérations?
Le gén Henault: À l'époque où ce groupe devait être mobilisé, quand le général Franks voulait organiser une force de stabilisation, les événements se sont précipités. Vous vous rappellerez que tout cela s'est passé durant le week-end de l'Action de grâce, c'est-à-dire à l'époque où nous envisagions de lancer la campagne terrestre. N'oubliez pas que celle-ci n'est pas effectuée par des troupes américaines, britanniques ou canadiennes, mais par les troupes de l'Alliance du Nord et par les troupes Pachtounes, dans le sud.
Au début, tout le monde s'attendait à ce que cette opération prenne longtemps. Finalement, il est possible que la combinaison bombardements aériens et conseils techniques militaires sur le terrain, associée à d'autres éléments de cette nature, ait permis d'accélérer le déroulement de la campagne. Ce faisant, les forces de l'Alliance du Nord se sont enfoncées vers le sud de l'Afghanistan, gagnant du terrain et consolidant leur position dans le nord, ce qui a donné l'impression aux autorités qu'il fallait engager la force de stabilisation dans le nord du pays afin de protéger les terrains d'aviation, de préparer des bases de départ pour les opérations futures, d'assurer l'aide humanitaire dont nous avons parlée et ainsi de suite. Puis, les choses ont de nouveau évolué très vite, en l'espace de quelques jours, sans doute pas plus d'une semaine... rien ne semblait plus aussi sûr: l'aide humanitaire n'était plus aussi essentielle qu'on l'avait d'abord cru étant donné qu'elle passait très bien et assez régulièrement et qu'elle permettait de répondre à l'essentiel de la demande. Nous nous inquiétions alors de l'arrivée de l'hiver et de choses du genre. Nous nous inquiétions surtout de la situation des Afghans.
Puis, les choses ont de nouveau changé. À l'heure où nous approchons de la fin des combats, nous découvrons différentes parties de l'Afghanistan qui viennent d'être bouclées par les forces alliées, c'est-à-dire par les forces de l'Alliance et par les forces pachtounes dans le sud. Il sera peut-être nécessaire de consolider nos efforts dans certaines parties du pays et autour de terrains d'aviation clés, et pour cela de stabiliser la région ou de déployer éventuellement une force de l'ONU. Les discussions de Bonn détermineront dans quelle mesure cela s'impose et nous diront si l'ONU va être en mesure d'organiser une force de stabilisation dans la région.
Pour l'instant, le chef de la coalition va faire appel aux différents pays afin qu'ils engagent des forces dans ce genre d'opération, au fur et à mesure qu'il en déterminera le besoin dans les différentes régions de l'Afghanistan. C'est ce que nous attendons pour l'instant et c'est pour cela que nous avons créé une force de réaction apte à intervenir à sept jours de préavis, délai qui est ramené à 48 heures pour la compagnie principale. Cette force d'intervention pourrait donc bouger très rapidement.
Le sénateur Atkins: Vous semblez certain qu'elle finira par être mobilisée.
Le gén Henault: Je m'attends effectivement à ce qu'elle finisse par être nécessaire.
Le sénateur Atkins: Et elle serait sous le commandement de qui?
Le gén Henault: Sans doute des Américains ou des Britanniques. Il est fort probable que nous nous associerons à ces deux armées. Ces deux armées commandent et contrôlent la plupart des formations qui évoluent dans la région et qui ont la taille d'une brigade; ce sont les Américains et les Britanniques qui coordonnent les mécanismes de soutien nécessaires. Nous serons intégrés à l'armée où l'on jugera que nous sommes les plus utiles, mais il se pourrait fort que nous dépendions de plusieurs armées, en priorité de l'américaine et de la britannique, mais aussi de la française et même de l'allemande.
Le sénateur Atkins: Estimez-vous offrir aux nouvelles recrues une rémunération qui incite les gens à s'engager dans les Forces armées, surtout dans l'Armée de terre?
Le gén Henault: Je le pense, sénateur. Pour tout vous dire, nous avons adopté plusieurs mesures au fil des ans afin d'essayer d'améliorer nos conditions salariales. À l'occasion de notre examen de la solde et de la rémunération il y a deux ans ainsi que des programmes de qualité de la vie, soit les initiatives SCONDA, nous nous sommes penchés très sérieusement sur cette question. Nous nous sommes surtout intéressés aux grades inférieurs, aux militaires du rang, aux marins ordinaires et aux lieutenants et sous-lieutenants, car nous savions que c'est à ces échelons que les gens éprouvaient le plus de difficultés financières. Nous avons ainsi adopté plusieurs mesures pour augmenter davantage les taux de solde correspondant à ces niveaux d'entrée que ce qu'aurait donné la simple application d'un pourcentage universel. De plus, nous avons cherché à rationaliser un peu la situation des grades inférieurs, surtout dans le cas des militaires du rang, pour tenir compte de l'expérience et des qualifications acquises dans le civil et ainsi favoriser l'accélération des promotions et le versement d'une rémunération supérieure.
Comme vous le savez, nous avons accordé des primes aux techniciens qui ont un diplôme du secondaire et qui ont le niveau du certificat dans certaines spécialités, qui ont déjà servi dans les forces et qui reviennent avec une qualification dans certains métiers. Ceux-là peuvent passer plus rapidement au travers des phases d'instruction élémentaires et initiales et être promus caporal après l'obtention de leur qualification militaire. Ce programme a amélioré notre crédibilité quand nous affirmons vouloir d'abord nous occuper de l'élément humain et donner la possibilité aux gens de progresser plus rapidement, non seulement sur le plan de la carrière mais aussi sur le plan financier à long terme et ainsi d'atteindre plus vite un palier financier plus stable.
Je vais d'ailleurs inviter le premier maître à vous donner son point de vue à ce sujet. Il a été muté à Ottawa après avoir servi à Saint-Jean où il était adjudant-chef principal responsable des recrues. Comme il a aussi servi au quartier général de la marine, il connaît très bien toute cette question et il pourrait peut-être vous dire ce qu'il en pense du point de vue d'un militaire du rang.
Premier maître de première classe R.M. Lupien, adjudant-chef des Forces canadiennes, ministère de la Défense nationale: J'ai effectivement constaté, dans mes contacts à l'échelle des Forces canadiennes, que les gens ne se plaignent plus comme ils le faisaient il y a quelques années de leur solde ou de leur rémunération. Les récentes augmentations ont certainement beaucoup fait pour corriger cette situation. Comme le général vient de vous le dire, les augmentations consenties ont été plus importantes pour les gens qui commencent juste leur entraînement dans le poste occupé. Cela a donc permis de régler une grande partie des problèmes antérieurs. Évidemment, personne ne refusera jamais plus d'argent, mais la situation actuelle n'a plus rien à voir avec celle que nous avons connue.
Le sénateur Atkins: Je sais que la GRC dispose d'une liste d'attente pour ses recrues. Estimez-vous que les recrues de l'armée devraient être dédommagées au même niveau que celles de la GRC?
Le pm 1 Lupien: Comme le général vous l'a dit, nous administrons un programme d'incitatif à l'intention des personnes qui s'engagent et qui ont déjà une certaine qualification. Ce programme est très intéressant. Non seulement les recrues perçoivent une prime, si vous voulez l'appeler ainsi, mais les gens qui sont qualifiés pour occuper un poste quelconque sont promus plus rapidement que les autres dans le grade de caporal, ce qui est très intéressant du point de vue de la rémunération.
Le sénateur Atkins: Les gens peuvent demander à suivre une certaine formation quand ils s'engagent?
Le pm 1 Lupien: Oui, mais la décision est aussi fondée sur leurs compétences. Il est évident que si quelqu'un est déjà technicien, il se retrouvera dans son domaine.
Le gén Henault: De plus, sénateur, nous soumettons ceux et celles qui ne possèdent pas déjà de qualification à une batterie de tests d'aptitude.
Le sénateur Atkins: Avez-vous envisagé de faire renaître certains des anciens régiments pour les réserves?
Le gén Henault: Notre réserve est déjà importante. Il arrive régulièrement que des régiments soient ressuscités. Des membres d'escadron prennent leur retraite et sont réactivés par la suite. C'est toujours une possibilité, puisque nous sommes en train de réformer et de restructurer en quelque sorte la réserve de l'Armée de terre. Cependant, je ne pense pas qu'une initiative de ce genre soit actuellement en cours. Je suis sûr que le général Jeffery vous a parlé de la transformation de l'Armée et de son programme de recrutement qui est destiné à répondre aux besoins à long terme de la force terrestre. C'est toujours une possibilité, mais je ne pense pas que tel soit le cas actuellement, sénateur. Cependant, rien n'est écarté.
Le sénateur Atkins: Je me demandais simplement si ce ne serait pas une façon d'attirer des gens dans la réserve, comme le Black Watch, par exemple.
Le gén Henault: C'est très possible. Il y a actuellement 137 unités de la réserve, qui sont affiliées à différents régiments. Je sais que vous avez participé à un dîner très intéressant des Black Watch et je comprends que vous en parliez. Ce régiment a été démantelé il y a quelques années. Va-t-il refaire surface? Je ne peux pas vous répondre pour l'instant.
Le sénateur Day: Général, j'ai en main la réponse de l'Armée à la vision 2020. Je suppose que cette réponse est conforme à l'exercice de planification globale du ministère énoncé dans la Stratégie 2020. L'un des objectifs quinquennaux était d'instaurer un programme visant à offrir des séances d'information plus régulières aux parlementaires, aux médias, aux entreprises et aux différents intervenants du monde de la défense. La réunion d'aujourd'hui contribuera certainement à cet objectif.
Avez-vous envisagé de tenir des séances d'information à l'intention des parlementaires, un peu comme vous le faites lors d'exposés destinés à la presse à l'occasion de déploiements? Vous savez, nous parlons avec beaucoup de gens du public et des médias. Plus ils sont renseignés et plus cela pourrait contribuer à faire passer votre message.
Le gén Henault: Je suis tout à fait d'accord. Nous disposons effectivement d'un programme de communication avec les parlementaires qui est administré par notre directeur général, Affaires publiques. Ce programme permet à plusieurs parlementaires de découvrir un grand nombre des facettes des Forces canadiennes. Je soupçonne, cependant, que vous n'en avez pas encore entendu parler.
Le président: Nous n'avons pas reçu d'invitation, général. Quand il y a un déploiement, nous l'apprenons par les médias. Je pense que ce que le sénateur Day voulait dire c'est qu'il faudrait trouver une façon de nous en informer en même temps que les médias.
Le gén Henault: Je prends note de votre requête. C'est ce que nous avons fait pour le Comité de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre. Nous l'avons fait précédemment dans le cas de la campagne aérienne, par exemple. Je donnais des exposés quotidiens aux médias et j'informais également le CPDNAC deux fois par semaine. À l'occasion, j'ai moi-même informé plusieurs comités sénatoriaux.
Cette fois-ci, nous ne l'avons pas fait parce que tout se déroule par coups de feu successifs. Il faut du temps pour qu'un navire arrive là où nous l'envoyons, par exemple, et il nous est difficile de vous donner une idée claire de tout ce qui se passe.
Le sénateur Day: À la décharge de votre ministère, je dois avouer que nous sommes un comité sénatorial permanent relativement récent. Peut-être pourriez-vous nous ajouter à votre liste.
Le gén Henault: Nous avons intérêt à vous tenir au courant. Nous pourrions organiser un programme avec le président, par le truchement de nos gens des affaires parlementaires, pour veiller à ce que vous receviez régulièrement des exposés, surtout de nos gens des opérations. Ainsi, vous comprendrez mieux ce que nous voulons faire. Nous sommes très encouragés par votre désir d'en apprendre plus sur ce que nous faisons.
Le sénateur Meighen: Savez-vous, général, si d'autres pays, comme les États-Unis, exigent un niveau d'autorisation de sécurité particulier pour les membres de comité? Sont-ils autorisés à entendre certaines choses que les gens qui n'ont pas d'autorisation de sécurité ne peuvent entendre?
Je comprends tout à fait que c'est un couteau à double tranchant. L'argument qu'on nous servira contre cela c'est que tout renseignement visé par une cote de sécurité ne pourra être révélé par aucun de nous. Tout ce que nous pourrons faire, c'est d'en tenir compte dans d'éventuelles décisions, sans jamais en préciser les détails.
Savez-vous ce qui se passe dans d'autres pays? Avez-vous une position à cet égard?
Le gén Henault: Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs. Si je vous répondais, je ne ferais que spéculer. Je dois m'empresser d'ajouter que c'est un problème auquel vous êtes confrontés en permanence dans le cas de tous les renseignements qui correspondent à un certain niveau de sécurité. L'information est protégée et, dans la plupart des cas, il faut protéger les sources. Il peut arriver qu'il faille faire la part entre ce qu'on sait et ce qu'on peut dire. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas vous tenir informé, mais plutôt parce que nous traitons d'affaires concernant la sécurité nationale et parce que nous avons conclu des ententes avec nos alliés portant sur la protection des renseignements, surtout de certaines sources de renseignement.
Votre comité pourrait toujours être mis au courant de certaines choses mais, de façon générale, vous seriez informé de tout ce qui n'est pas classifié. Nous essayons d'expliquer à la population canadienne ce que nous faisons dans les opérations menées au nom du gouvernement, et nous essayons de le faire de la façon la plus ouverte possible. Je ne crois pas que vous passeriez à côté de bien des choses.
Il peut être très difficile d'appliquer la procédure d'obtention des autorisations de sécurité à tout le monde. À cet égard, vous constaterez sans doute que nous ne vous cachons pas grand chose. Cette information n'appartient pas forcément à la catégorie de celles pour lesquelles il existe un besoin de savoir.
Le sénateur Meighen: Dans nos délibérations, nous essayons de trouver les meilleures réponses possibles et il n'est pas vraiment important pour nous de savoir qu'un missile tiré depuis un navire peut parcourir 10 ou 16 kilomètres.
Le gén Henault: De façon générale, nous nous devons de vous informer de nos objectifs et de nos capacités.
Le sénateur Day: Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de la communication des renseignements de sécurité entre pays? Comment ces choses-là se passent-elles depuis le 11 septembre? Vous avez sans doute constaté une augmentation très nette de ce genre d'activité, mais je pense ici aux diverses institutions canadiennes et à nos relations avec d'autres institutions nord-américaines, pas simplement les institutions militaires, mais toutes les agences qui sont concernées par les questions de sécurité. Comment ces choses-là sont-elles actuellement organisées et comment pourrions-nous améliorer la coordination?
Le gén Henault: Les mécanismes concernant le renseignement à Ottawa sont très complexes. Nous traitons de renseignements économiques ainsi que des renseignements que recueillent le SCRS, la GRC et d'autres services de police, sans compter ceux dont nous nous occupons et dont certains organismes civils s'occupent. Le tout est coordonné à l'échelon national, au niveau du Conseil privé, par la division de la sécurité et du renseignement. Dick Fadden est la personne qui est principalement chargée de coordonner toutes les questions de sécurité et de renseignement au nom du gouvernement du Canada, ce qui sous-entend une coordination entre les provinces et le fédéral également.
Il est un fait que la masse de renseignements en circulation dans cette ville a considérablement augmenté depuis le 11 septembre. Nous échangions déjà des renseignements avant cette date, selon un mécanisme très complexe qui s'articule autour d'un ensemble informatique, de réseaux protégés, d'un mécanisme baptisé AUSCANUKUS, et qu'on appelle couramment les «Five Eyes», soit les cinq yeux. AUSCANKUS est une série d'ententes d'échange d'information conclues entre le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Nous disposons de mécanismes d'échange d'information très importants avec nos alliés du Sud.
Tout cela a été examiné à la loupe quand nous nous sommes lancés dans l'opération de lutte contre le terrorisme et, même si les ententes et les règles concernant l'échange de renseignements entre nous-mêmes et les États-Unis étaient satisfaisantes, tous ceux qui travaillent dans ce domaine, à Ottawa comme sur la scène internationale, ont connu une augmentation du niveau d'activité après le 11 septembre.
Nous-mêmes avons assumé une partie du fardeau sur ce plan, fardeau qui retombe habituellement sur d'autres, afin d'alléger un peu le travail des autres membres de la coalition, surtout des Américains, et de leur permettre de se concentrer sur certaines régions du monde, tandis que nous avons pris le relais pour des régions dont nous ne nous occupons pas forcément d'habitude. Dans la foulée du 11 septembre, nous avons assisté à un surcroît d'activité sur le plan des échanges de renseignements.
Quant à moi, ces mécanismes sont excellents. Pour ce qui est des mécanismes concernant le renseignement au sein du ministère, nous nous appuyons sur un vaste réseau d'échange d'informations et de renseignements. C'est un réseau mondial. Il est directement branché sur l'OTAN, sur les agences américaines et sur celles des pays du Commonwealth, de sorte que nous recevons les meilleurs renseignements qui soit et que nous pouvons également les analyser.
Nous sommes réputés pour notre capacité d'analyse. C'est un des points forts de la communauté du renseignement ici.
Le sénateur Day: Quand vous dites «ici», vous parlez des forces armées ou d'un groupe élargi?
Le gén Henault: Je fais allusion à la communauté du renseignement à Ottawa. Les Forces canadiennes disposent d'une capacité d'analyse particulière, fondée sur les investissements dans le domaine de la technologie et sur les investissements à long terme. Elle s'inscrit dans le cadre de Stratégie 2020 dont vous parliez plus tôt, stratégie qui tient compte de l'importance du renseignement et de notre capacité de l'analyser à long terme. Nous avons beaucoup fait pour améliorer nos réseaux, notre capacité d'ensemble, notre capacité de transmission d'images et ainsi de suite. Nous devons une partie de tous ces progrès à la campagne aérienne du Kosovo et à la nécessité de nous appuyer sur des communications mondiales, sur la capacité de communiquer des images et des ordres dans le monde entier et sur la nécessité d'analyser et de mettre en balan les renseignements provenant de différentes agences.
Nous avons fait beaucoup sur ce plan, nous nous améliorons sans cesse et nous allons continuer.
Le sénateur Day: Quand vous dites «nous», vous parlez des Forces canadiennes?
Le gén Henault: Oui.
Le sénateur Day: J'aimerais que nous parlions des questions de sécurité nationale, du SCRS et de la GRC. Est-ce que ces gens-là font leurs propres analyses et comment obtiennent-ils leurs informations? Ils veulent sans doute disposer de plus de renseignements que ceux qu'ils peuvent se procurer de leur côté.
Le gén Henault: Nous partageons entre nous les renseignements que nous récupérons. Nous faisons partie d'un réseau très intime d'échange de renseignements et d'informations.
Le sénateur Day: Estimez-vous que les choses fonctionneraient mieux si elles relevaient des Forces canadiennes, si vous disposiez de la capacité opérationnelle de contrôler les différentes sources de renseignements, de regrouper ces renseignements et de les distribuer ensuite aux autres organismes?
Le gén Henault: Je n'en suis pas sûr. Je pense que la meilleure forme est celle qui existe actuellement et qui consiste à s'en remettre à la coordination du service du BCP qui est chargé de la sécurité et du renseignement, service qui assure la coordination interministérielle. Il existe bien un créneau dans lequel nous pouvons nous concentrer, mais du point de vue du gouvernement du Canada, j'estime qu'il est beaucoup plus important de nous regrouper à l'échelon du BCP, c'est-à-dire de faire ce que nous faisons déjà.
Le président: Général, supposons que vous deviez maintenir le rythme et le niveau actuels de missions. Avez-vous songé à une autre solution pour augmenter les ressources financières et humaines dont vous aurez besoin?
Le gén Henault: Nous pouvons faire ce qu'on nous a demandé de faire pour l'instant, à partir des ressources qu'on nous a confiées, mais pour nous positionner dans l'avenir, pour réaliser les travaux de modernisation dont je vous ai parlé et pour structurer nos forces afin qu'elles soient pertinentes au XXIe siècle, nous devrons faire de sérieux compromis, que ce soit sur le plan des ressources humaines, des immobilisations ou des opérations et de la maintenance, advenant que nous ne recevions pas de fonds supplémentaires.
Le président: Au nom des membres du comité, je vous remercie. La séance d'information par les chefs de vos trois armes a été très intéressante et votre exposé a été très instructif. Encore une fois, nous tenons à vous répéter que nous sommes très fiers des hommes et des femmes qui servent sous vos ordres. Nous vous remercions et nous les remercions tous pour ce que vous avez fait pour nous.
Le gén Henault: Merci de l'intérêt que vous montrez envers nos opérations et merci de nous avoir invités.
La séance est levée.