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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense 

Fascicule 14 - Témoignages du matin


OTTAWA, le lundi 6 mai 2002

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 10 heures, afin d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité pour le Canada pour ensuite, en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: J'ai l'honneur de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, que vous soyez ici, devant votre poste de télévision ou sur Internet. Nous commençons ce matin nos séances sur le nouvel examen relatif à la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité.

Notre comité est le premier comité sénatorial permanent dont le mandat est d'examiner des sujets de sécurité et de défense. Nous avons récemment terminé une étude de sept mois relative aux grandes questions auxquelles est confronté le Canada, qui a abouti à un rapport intitulé «L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense».

Au cours de notre étude, nous nous sommes réunis 170 heures et avons rencontré 204 personnes dans l'ensemble du pays, ainsi qu'à Washington. Au fur et à mesure de nos audiences, il nous est apparu de plus en plus clairement qu'une direction administrative ainsi qu'une coordination des activités s'imposent lorsque l'on a affaire à des incidents d'envergure nationale, qu'il s'agisse de catastrophes naturelles comme des tempêtes de verglas, des inondations ou des tremblements de terre, ou d'accidents comme les déraillements de trains transportant des produits toxiques, ou des actes de terrorisme prémédités, comme ceux dont nous avons été témoins le 11 septembre.

Nous nous sommes aperçus qu'il n'existe pas de politique nationale sur la sécurité sur laquelle toutes les organisations de tous les niveaux du gouvernement peuvent s'appuyer pour mettre en place des procédures opérationnelles normalisées.

Compte tenu de l'importance des questions de sécurité nationales et de la nécessité de prévoir des procédures et des politiques avant que des incidents ne surviennent, notre comité a recommandé de faire une étude en vue d'élaborer une politique nationale sur la sécurité, qui examinerait les rôles de tous les niveaux du gouvernement. Le Sénat a souscrit à notre recommandation et a demandé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense d'examiner la nécessité d'une politique nationale sur la sécurité.

Nous commençons cette étude aujourd'hui.

Le vice-amiral Greg Maddison, sous-chef d'état-major de la Défense, est notre premier témoin. Au cours d'une carrière honorable au sein de la marine, il a été commandant de la Force maritime de l'Atlantique et chef d'état-major de la force maritime; il a été promu à son poste actuel en juin dernier. Il est accompagné du colonel André Deschamps, directeur des Plans territoriaux.

Notre étude consiste, entre autres choses, à examiner la capacité du ministère de la Défense nationale à défendre et à protéger les intérêts, les gens et le territoire du Canada, et son aptitude à intervenir en cas d'urgences ou d'attaques d'envergure nationale, ou à les prévenir. Nous avons invité le vice-amiral Maddison à venir nous parler de la façon dont l'armée intervient en cas d'urgence.

J'aimerais dire, pour commencer, que le comité est fort impressionné par la qualité de la documentation qui nous a été transmise. Nous vous en remercions et vous demandons de transmettre nos remerciements à ceux qui vous ont aidé dans la préparation de ces documents.

Le vice-amiral Greg Maddison, sous-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, c'est un véritable honneur pour moi que d'être ici aujourd'hui pour débattre avec vous des questions de sécurité nationale dans le contexte des Forces canadiennes.

En ma qualité de sous-chef d'état-major de la Défense, je suis responsable, au nom du chef d'état-major de la Défense, de la coordination, de la planification et du contrôle de nos opérations d'urgence tant à l'étranger qu'au pays. À l'heure actuelle, comme vous le savez bien, il s'agit, entre autres, d'opérations en Afghanistan, dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Afrique. J'ai l'honneur d'être accompagné par l'un de mes principaux conseillers en matière de questions nationales, le colonel André Deschamps.

[Français]

Je voudrais d'abord faire un bref énoncé des capacités de sécurité nationale des Forces canadiennes, puis vous laisser la parole pour toute question que vous pourriez avoir sur ce sujet.

[Traduction]

Monsieur le président, les Forces canadiennes ont trois grands mandats à l'égard des opérations nationales. Le premier, c'est l'intervention de forces compétentes et prêtes pour riposter à toute menace militaire dont pourrait faire l'objet le Canada. Le deuxième, c'est la recherche et le sauvetage aéronautiques. Le troisième mandat, c'est l'aide apportée au pouvoir civil dans les situations d'urgence.

Les Forces canadiennes ont toujours rempli des fonctions courantes, comme la recherche et le sauvetage, la surveillance de l'espace aérien et maritime du territoire souverain du Canada, et elles continuent de le faire. En outre, nous avons des forces terrestres réparties dans tout le Canada qui peuvent intervenir en cas de problèmes de sécurité nationale.

Les Forces canadiennes gardent en attente des ressources dans tout le pays uniquement pour donner au gouvernement du Canada la capacité d'intervenir rapidement en cas de menace extérieure pour la sécurité nationale ou en cas d'autres crises nationales susceptibles d'exiger le recours aux capacités uniques des Forces canadiennes.

Voici quelques exemples de ces capacités d'intervention: l'armée dispose de quatre unités en état de préparation immédiate dans l'ensemble du pays. Chacune compte environ 350 soldats qui peuvent être appelés à très court préavis pour intervenir en cas d'incident. Nous avons également des navires et des avions de surveillance maritime sur les deux côtes, qui peuvent être également appelés pour des opérations d'urgence.

Nos appareils CF-18 affectés au NORAD sont constamment en état d'alerte et sont prêts à intervenir en cas de menaces aériennes. Nous sommes également tenus de fournir des avions et des hélicoptères pour toute intervention rapide — c'est-à-dire en l'espace de 30 minutes à deux heures — qui sont chargés d'opérations de recherche et sauvetage aéronautiques. Nous avons la capacité d'intervenir en cas de catastrophe aérienne majeure dans les endroits éloignés du pays et utilisons pour ce faire des nécessaires d'intervention aérolargables sans compter, bien sûr, l'intervention de parachutistes spécialisés dans les opérations de recherche et sauvetage.

Enfin, nous avons quelques forces spécialisées, comme la Force opérationnelle interarmées 2 qui fait partie de notre capacité antiterroriste nationale; l'équipe d'intervention en cas d'urgences nucléaire, biologique et chimique — EINBC — et l'équipe d'intervention en cas de catastrophe — DART — toutes étant capables d'intervenir en cas de crises nationales. Les capacités d'intervention et de performance de ces éléments d'intervention rapide sont régulièrement mises à l'essai dans le cadre de missions et d'opérations réelles ou dans le cadre d'entraînements et d'exercices réguliers.

Depuis le 11 septembre, les Forces canadiennes ont pris de nombreuses mesures pour améliorer nos capacités nationales afin de pouvoir mieux intervenir en cas de futures menaces terroristes. En étroite collaboration avec nos alliés et avec plusieurs autres ministères, notre personnel du renseignement s'est efforcé d'accroître ce que nous appelons la sensibilité situationnelle aux activités terroristes potentielles. Nous avons également pris des mesures pour améliorer nos capacités nationales d'intervention en cas de menaces chimique, biologique, radiologique ou nucléaire en créant ce que nous appelons la compagnie conjointe NBCD, qui va pouvoir commencer à fonctionner dès cet été.

Nous augmentons également la taille et la capacité de notre unité antiterroriste, la Force opérationnelle interarmées 2. Nous avons augmenté le nombre d'appareils CF-18 affectés au NORAD afin d'accroître les capacités d'intervention. Nous avons également la capacité de déployer rapidement cette force en cas de besoin.

Les Forces canadiennes offrent donc au gouvernement du Canada et aux gouvernements des provinces et territoires d'importantes capacités d'intervention en cas d'urgences nationales en matière de sécurité.

Il importe toutefois de ne pas oublier, monsieur le président, que les Forces canadiennes ne représentent pas le ministère responsable en ce qui concerne les questions nationales comme le terrorisme et d'autres activités criminelles du genre ou, pour ce qui est de l'intervention en cas de catastrophes naturelles. Nous ne sommes pas la première équipe d'intervention.

Bien que l'on ait déjà eu recours aux Forces canadiennes pour aider les autorités provinciales et fédérales dans toute une gamme de situations, il faut toujours considérer la mise à contribution des Forces canadiennes sur le territoire canadien avec soin; en effet, lorsqu'il s'agit de questions relevant habituellement du pouvoir civil, il ne faut faire appel à elles qu'en dernier recours. Bien qu'elles possèdent tout un éventail de capacités, les Forces canadiennes doivent examiner judicieusement les demandes d'aide présentées par des organisations extérieures afin de s'assurer que nos ressources sont utilisées dans l'intérêt maximal de tous les Canadiens.

Pour conclure, monsieur le président, j'aimerais vous remercier de nous donner la possibilité de discuter de nos capacités d'intervention avec votre comité.

J'ajouterais également que les Forces canadiennes s'engagent à offrir aux Canadiens la force la plus souple et la plus capable possible.

C'est ainsi que se termine ma déclaration liminaire, monsieur le président. Je me ferais maintenant un plaisir de répondre aux questions.

Le sénateur Forrestall: Amiral, j'ajoute mes remerciements à ceux de la présidence pour l'explication détaillée que vous nous avez donnée. Nous regrettons de ne pas avoir reçu votre documentation plus tôt, mais nous le comprenons et l'acceptons.

Mes questions portent sur la disponibilité des hommes et des femmes chargés de s'acquitter des tâches que vous avez mentionnées.

En réponse aux autorités compétentes, par exemple en Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve et au Labrador, comment vous y prendriez-vous pour dépêcher des troupes rapidement dans ces régions où il n'y pas d'infrastructure de base de la force terrestre, et comment les appuieriez-vous dans leur travail? Comment assureriez-vous le transport aérien? Avons-nous des chiffres?

Vam Maddison: Je vous remercie de votre question, sénateur. Permettez-moi de mettre les choses en contexte. À l'heure actuelle, près de 5 000 soldats des Forces canadiennes sont déployés à l'étranger. Il s'agit de soldats de la force régulière, bien qu'il y ait aussi certains réservistes. Autrement dit, une grande partie des 60 000 soldats réguliers et des 30 000 réservistes qui constituent notre Force restent ici au Canada. Bon nombre sont du volet soutien. Il y a une rotation constante des soldats en mission à l'étranger. Il y a toujours un tiers des soldats qui s'entraînent spécifiquement pour remplacer ceux qui partent et un autre tiers qui reviennent tout juste de mission et qui ont besoin d'une certaine période de stabilité personnelle, si vous voulez, une période de qualité de vie avec leurs familles, et cetera. Le nombre de personnes disponibles pour répondre à la demande au Canada ne correspond pas à la somme de 60 000 plus 30 000. C'est un chiffre moindre. Par exemple, pendant la tempête de verglas de 1998, nous avons déployé 18 000 soldats dans l'est de l'Ontario et l'ouest du Québec. Pour relever le défi de l'an 2000, nous avions positionné quelques 25 000 soldats en divers endroits, prêts à intervenir.

Cependant, l'un de nos plus grands défis est de déplacer nos soldats rapidement d'un bout à l'autre du pays. À l'heure actuelle, nous disposons d'environ 32 avions Hercules. C'est un type d'avion tactique qui nous permet d'accéder à bien des régions reculées du pays car il ne nécessite pas une longue piste et peut atterrir dans des conditions assez hostiles. Cependant, un grand nombre de ces appareils exigent énormément d'entretien en raison de leur âge. Nous avons également un avion Airbus grâce auquel nous pouvons transporter des soldats et du cargo. Nous avons donc la capacité voulue pour transporter nos troupes dans tout le pays. Cela dit, c'est un défi de taille pour nous que de déplacer de gros groupes d'effectifs et un volume imposant d'équipement à l'aide de ces deux flottes aériennes seulement.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Pour transporter la totalité de l'équipe d'intervention en cas de catastrophe au Canada, y compris le composant médical, le composant eau douce, le composant police militaire, les ingénieurs, et cetera, nous aurions besoin d'environ 24 avions Hercules. Il faudrait compter un jour ou deux pour transporter toute cette capacité.

Lorsqu'on nous demande d'intervenir ou d'aider un groupe au Canada, l'un de nos plus grands défis consiste à trouver la capacité d'emport nécessaire pour transporter notre personnel et notre matériel.

Le sénateur Forrestall: Évidemment, il y a toujours une différence entre les besoins régionaux et nationaux. Intervenir en cas de tremblement de terre, ce n'est pas du tout la même chose, par exemple. Il se peut que l'on soit averti à l'avance et qu'on ait suffisamment de temps pour se préparer en cas de tremblement de terre. On peut prévoir une inondation des semaines à l'avance. Habituellement, nous avons beaucoup de temps pour nous préparer.

Vam Maddison: J'ajouterais, bien sûr, qu'en de telles occasions, les autorités provinciales, municipales et locales sont les intervenants de la première ligne. À mesure que la situation évolue, on effectue des analyses critiques pour déterminer quelle est la capacité requise et c'est à ce moment-là que la machine se met en branle si nous pensons être appelés à intervenir. Nous n'attendons pas de recevoir une demande officielle. Nous commençons à planifier à l'avance au cas où on nous demanderait notre aide.

Le sénateur Forrestall: Le maire de Toronto donne un coup de fil et l'armée accourt. De nombreux Canadiens n'ont pas apprécié, à en juger par toutes les blagues d'humour noir que cela a provoqué.

Nous avons des ressources impressionnantes, déjà largement mises à contribution. Où trouverions-nous les ressources pour appuyer les initiatives du gouvernement dans le cadre de la défense de la «sécurité» européenne, si je peux m'exprimer ainsi?

Vam Maddison: Je vous répondrai simplement que tout cela fait partie de la gestion du risque. C'est le domaine de gens comme moi. Nous devons prévoir quels sont les plus grands risques, et à partir de là, établir des priorités quant à notre capacité de répondre à un incident particulier. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps, mais nous évaluons les risques et nous essayons de développer et de maintenir notre capacité pour être en mesure de répondre aux situations hautement prioritaires.

Le sénateur Forrestall: Par exemple, nous avons une responsabilité en matière de recherche et de sauvetage. Devrais- je demander si la flotte de Cormorant est disponible pour vous? Je connais la réponse.

Permettez-noi de formuler ma question ainsi: les hélicoptères Sea King sont-ils en mesure de prendre le relais? Je conviens que jusqu'ici, ils l'ont fait, mais pendant combien de temps pourront-ils continuer?

Vam Maddison: Jusqu'ici, nous avons réussi, surtout grâce au dévouement, à l'expérience et à la compétence des pilotes et des techniciens d'entretien des Sea King. J'ai personnellement participé à de nombreuses missions de recherche et de sauvetage, tant sur terre et sur mer, où les Sea King se sont révélés un atout précieux et ont permis de sauver des vies.

Le sénateur Wiebe: Je reviens tout d'abord sur votre observation selon laquelle les Forces canadiennes ne sont pas les premiers intervenants. C'est vrai. En tant que comité, nous devrions peut-être nous demander s'il devrait continuer d'en être ainsi. C'est une décision qui relève davantage des politiques que des dirigeants de l'armée.

Ma question porte sur la capacité actuelle des militaires de faire face à un problème d'envergure nationale. Permettez-moi de revenir un certain nombre d'années en arrière, au temps de ma jeunesse. Je me souviens qu'à l'époque, les employés du CN et du CP étaient en grève et que l'on avait fait appel aux forces armées pour assurer le maintien du service, ce qu'elles ont fait très efficacement. Si les employés du CN et du CP déclenchaient une grève demain, les forces armées seraient-elles en mesure de faire la même chose?

Vam Maddison: C'est une très bonne question. Évidemment, nous fournissons de l'aide aux autorités provinciales et municipales dans une myriade de domaines, dont l'application de la loi, particulièrement dans les établissements pénitentiaires et les prisons. Nous intervenons régulièrement en cas d'incendies de forêt pour appuyer les pompiers professionnels. Nous accomplissons à leur place des tâches courantes, ce qui les libère pour leur travail en première ligne. Nous sommes aussi intervenus lors d'incidents passés comme les inondations au Saguenay, les inondations à Winnipeg, la tempête de verglas, et cetera. Si notre service recevait une demande d'aide dans le contexte du scénario évoqué par le sénateur Wiebe, nous examinerions très sérieusement la capacité que nous pourrions contribuer, et je pense bien que nous pourrions fournir une certaine aide.

Le sénateur Wiebe: Sans qu'il y ait de votre faute, je suis quelque peu troublé par votre réponse. Vous dites que vous pourriez fournir «une certaine aide». Il faut avoir une perspective nationale. Il n'y aura pas d'émeutes — du moins, je l'espère —, dans toutes nos prisons en même temps. Il n'y aura pas non plus de feux de forêt partout au pays en même temps. Les forces armées sont aptes à faire face à des situations individuelles comme celles-là. Cependant, que se passerait-il si une grève nationale des services ferroviaires exigeait la présence de personnel des forces armées dans tous les coins du pays pour que les trains continuent de fonctionner partout? C'est peut-être un point mineur, mais avons- nous les ressources voulues? Pour ce qui est des effectifs, je ne pense pas que nous ayons les ressources voulues pour gérer une telle crise.

Vam Maddison: Il faudrait répartir la demande d'effectifs, dans un cas comme celui-là. Pour ce qui est du nombre de soldats disponibles pour répondre à un problème dans les diverses régions du pays, nous avons des équipes d'intervention immédiate, 350 dans chaque région, auxquelles nous pourrions faire appel pour refaire face à bon nombre de catastrophes éventuelles. Il se peut fort bien que nous soyons en mesure d'offrir un appui non négligeable à cet égard.

Nous entraînons-nous en vue d'un tel scénario? Non, nous ne le faisons pas. En matière de gestion du risque, dans les cas où nous pensons qu'on aura besoin de nos ressources, nous nous en traînons effectivement. D'ailleurs, nous avons passablement d'expérience pour ce qui est d'intervenir lors de catastrophes comme les inondations, la tempête de verglas et l'écrasement de Swissair sur la côte Est. Nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à nous entraîner pour assurer le service ferroviaire.

Le sénateur Wiebe: Je comprends cela. Si je me souviens bien, pendant la période où l'armée a été responsable des trains, — et je le dis sans hésitation aucune —, ils ont été beaucoup mieux gérés qu'avant, et je ne pense pas que les effectifs des forces armées aient été formés pour un tel travail. Il peut arriver en temps de guerre ou dans le contexte de la défense de notre pays, que les forces armées ne soient pas nécessairement entraînées pour réagir à un problème spécifique et pourtant, grâce à la formation que leurs membres ont reçue, ils ont fait la preuve qu'ils étaient en mesure de faire face à la situation. Si nous ne sommes pas capables de fournir cette capacité présentement, le problème tient peut-être au fait que nous n'avons pas suffisamment d'effectifs.

Je suis originaire de la province de Saskatchewan, où l'armée régulière est pratiquement absente. Bombardier est en train de s'accaparer graduellement la base des Forces canadiennes de Moose Jaw. Essentiellement, les Forces canadiennes se réduisent à un groupe administratif chargé de gérer un petit pourcentage des bases. Cela m'inquiète car il y a à Edmonton des quartiers généraux de l'armée qui desservent trois provinces et demie dans les Prairies — la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan, et il y a aussi un contingent au Manitoba. Comment assurer le transport des effectifs sur de telles distances? On pourrait envoyer un Hercules en Saskatchewan un jour de neige car le terrain est plat, mais on aurait beaucoup de mal à faire la même chose à Vancouver ou dans d'autres régions montagneuses. Le temps d'intervention exigé sera peut-être de 30 minutes et non de deux heures. Encore une fois, c'est un problème de budget et d'effectifs, à mon avis.

Je suis très déçu que les forces régulières n'aient pas une présence imposante dans chacune des provinces. Est-ce effectivement un problème de financement et de manque d'effectifs?

Vam Maddison: D'entrée de jeu, je peux vous dire que certaines de ces décisions sont prises bien au-dessus de ma tête. Chose certaine, en ma qualité de chef de la marine pendant quatre ans, avant que j'assume mes présentes responsabilités depuis neuf mois, je peux vous dire, comme n'importe quel autre commandant, qu'il est préférable de pouvoir compter sur une marge de manoeuvre en termes de ressources et d'effectifs car plus les effectifs sont nombreux, plus nous avons de la latitude, plus nous sommes en mesure de repositionner notre capacité, notre matériel, notre personnel, et cetera.

Notre pays a traversé une période, vers la fin des années 90, où le gouvernement a décidé que la situation financière nationale exigeait que l'on fasse des économies. Notre ministère a été l'un de ceux où l'on a décidé d'effectuer des coupures.

Dans votre province, sénateur, il y a effectivement des quartiers généraux à Moose Jaw, mais aussi un certain nombre d'unités de la milice et de divisions de la réserve navale. Je pense d'ailleurs que dans le cadre de vos fonctions précédentes, vous y avez fait des visites publiques à plusieurs reprises. Je fais allusion à Saskatoon, à Regina et à la division de la réserve navale. Il y a en Saskatchewan un noyau de personnes qui, dans un scénario du pire, peuvent intervenir.

Lorsque nous nous préparions en vue des conséquences possibles du passage à l'an 2000 le 1er janvier 2000, tous les intervenants étaient formés et prêts à réagir pour venir en aide aux citoyens de la Saskatchewan, au besoin.

Le sénateur Wiebe: C'est très vrai.

Cependant, je vous ferai remarquer que la Saskatchewan n'a plus de brigade. La 38e Brigade a ses quartiers généraux à Winnipeg. Pour ce qui est des réservistes, nous commençons à nous inquiéter de l'indifférence constante manifestée à leur égard ainsi qu'à l'égard de nos effectifs réguliers dans la province de Saskatchewan. Je souhaiterais vivement que l'on remédie à la situation à l'avenir.

Nous devons réfléchir à la politique future de ce gouvernement à l'égard des forces armées et de leur personnel. Nous sommes un service de défense. Il porte le titre de Défense nationale du Canada. La dernière fois que nous avons rempli une fonction de défense, c'était en 1812, alors que nous n'étions même pas encore un pays et nous avons été appelés à défendre nos frontières.

Notre rôle, depuis lors, vise plus le maintien de la paix. Nous sommes l'un des plus grands pays du monde. Nous avons un immense territoire à défendre, qui est peu peuplé. Un honorable sénateur disait devant le Sénat, l'autre jour, que nous devrions réaffecter plus de fonds à la santé et à l'éducation et de moins en moins à la défense, parce que personne au monde ne nous en veut. C'est bien beau, et je pense que c'est vrai que personne ne nous en veut. Cependant, lorsqu'un pays décide d'en attaquer un autre, neuf fois sur dix, ce n'est pas parce qu'il lui en veut mais parce que l'autre pays a quelque chose qu'il veut.

Notre pays a une quantité phénoménale de ressources naturelles. Il est habité par des gens fantastique. Nous avons de fabuleux programmes et d'immenses connaissances. Il se pourrait bien qu'un jour, quelqu'un qui ne nous en veut pas forcément décide qu'il ne peut obtenir ce qu'il veut ailleurs, alors il viendra la prendre ici. Je ne pense pas que nous puissions vraiment bien nous défendre.

Vam Maddison: C'est une question difficile. Je dis cela, parce que vous avez raison de dire que les pays, quels qu'ils soient, doivent être capables de se défendre dans une certaine mesure. Nous avons la capacité de faire pas mal de choses. Cependant, quelle doit être la mesure de notre capacité, au bout du compte, c'est au gouvernement d'en décider. Les forces armées se fondent sur le livre blanc de 1994. Bien des choses sont survenues depuis 1994. Il est arrivé beaucoup de choses rien que depuis sept ou huit mois. Je crois que notre ministre est d'avis qu'il est temps de moderniser notre position et notre capacité de défense. Je suppose qu'à la fin de ceci, des décisions seront prises sur les capacités de défense et de protection dont le pays a besoin.

Les travaux et les points de vue de ce comité auront beaucoup de poids dans la détermination du type de mesures de défense que le Canada devrait prévoir.

Le sénateur Banks: Dans vos observations préliminaires, et en réponse au sénateur Wiebe, vous avez dit que les Forces armées canadiennes comptent 60 000 membres. Je sais que c'est le nombre prescrit, mais combien y en a-t-il réellement?

Vam Maddison: Nous avons environ 60 500 membres. Par contre, ils n'ont pas tous reçu une formation. Nous sommes 53 ou 54 000 qu'on peut dire pleinement formés et capables de mener à bien des opérations. Ce nombre est élevé, parce que nous étions bien moins de 60 000 il y a environ un an, et nous avons mis sur pied une campagne de recrutement plutôt agressive. Nous avons maintenant entre 60 000 et 60 500 membres, mais plusieurs milliers d'entre eux n'ont pas encore reçu la formation nécessaire pour participer à des opérations en mer, et au sol et à des opérations aériennes.

Le sénateur Banks: Cependant, cela viendra.

Vam Maddison: Oui, absolument.

Le sénateur Banks: Le nombre de personnes qui sont considérées comme des membres de forces armées est donc à peu près égal ou même un peu supérieur au nombre prescrit.

Vam Maddison: C'est bien cela.

Le sénateur Banks: Est-ce qu'il y a aussi 30 000 membres dans la Force de réserve?

Vam Maddison: Je ne le pense pas. Je n'ai pas les chiffres au bout des doigts. La campagne de recrutement de réservistes s'est bien passée. Nous avons en fait recruté plus de monde que nous l'avions pensé depuis six à neuf mois. Cependant, je ne crois pas que nous ayons atteint le nombre prescrit de réservistes pour les trois services, soit l'armée, la marine et la Force aérienne. Mais je n'ai pas les chiffres avec moi.

Le sénateur Banks: Je suis heureux d'entendre que la campagne de recrutement a été efficace. Il n'y a pas si longtemps, nous n'avions pas 60 000 membres.

Vam Maddison: C'est vrai. Ce n'est pas quelque chose de ponctuel. Nous devons continuer d'y investir des efforts et d'être visibles.

Le sénateur Banks: Je suppose que nous avons toujours le problème de membres qui assument les fonctions de grades supérieurs au leur.

Vam Maddison: Il y en a certains exemples. Le plus grand défi, pour nous, est probablement de recruter les gens qui ont vraiment les compétences techniques et spécialisées qu'exigent un bon nombre de nos groupes professionnels. Certains groupes n'ont pas besoin d'un haut niveau de compétences, et nous avons bien réussi à recruter dans ces domaines, mais pour plusieurs métiers, il nous faut encore atteindre les chiffres visés. Il s'agit des technologues informatiques et de certains des technologues des armes de détection. Nous constatons certaines améliorations, mais nous ne sommes pas encore aussi nombreux que nous le voudrions.

Le sénateur Banks: Le sénateur Atkins m'a rappelé qu'il y a d'énormes pressions, en raison du départ prochain à la retraite d'un grand nombre de membres très spécialisés. Est-ce que ceux qui arrivent ont une formation suffisante pour les remplacer?

Vam Maddison: C'est une excellente question. J'aimerais pouvoir dire absolument oui. Cependant, nous ne le savons pas encore.

Je fais partie de la génération du baby-boom. D'ici trois, quatre et cinq ans, nous serons nombreux — et pas seulement les officiers supérieurs, mais aussi les officiers intermédiaires, les sergents supérieurs, les adjudants, et cetera, qui ont tous le même âge — à atteindre ce moment de nos carrières où il est temps de prendre notre retraite.

Le sénateur Banks: Ce sont les adjudants dont je m'inquiète vraiment.

Vam Maddison: Nous nous en inquiétons tous. Ce sont eux qui feront vraiment le travail aux niveaux intermédiaires, qu'ils soient mariniers, adjudants, ou quoi que ce soit d'autre. Nous avons concentré une partie de notre campagne de recrutement sur le recensement des gens qui ont les compétences techniques recherchées mais qui pourraient être un peu plus âgés, en vue de leur offrir une formation au commandement, et cetera, d'ici trois, quatre ou cinq ans pour qu'ils puissent vraiment assumer les fonctions de ceux qui partiront.

Une autre mesure que nous avons prise à cet égard, c'est de permettre à nos membres de rester jusqu'à l'âge de 60 ans. Cela ne résoudra probablement qu'une petite partie du problème, mais ainsi aurons-nous un peu plus de flexibilité.

Le sénateur Wiebe: Il ne fait pas de doute que nous allons perdre du personnel hautement spécialisé. Y a-t-il des incitatifs pour permettre à ces gens de devenir des réservistes s'ils le souhaitent? Un certain nombre de nos réservistes plus âgés ont demandé à entrer dans les forces régulières et ont été incités à s'en abstenir à cause du manque d'officiers dans les réserves pour assurer la formation du personnel. Pourrait-il y avoir certains incitatifs pour encourager de ces retraités à s'intégrer aux unités de réserve pour assurer une certaine continuité?

Vam Maddison: Monsieur le sénateur, c'est une excellente idée. Vous devez comprendre que je ne suis pas SMA (RH-MIL). Cependant, j'ai l'impression que ce groupe, sous la direction du général Couture, se penche justement sur ce genre de solutions pour le permettre.

Depuis dix ou vingt ans, nous avons dressé des obstacles bureaucratiques qui empêchent les mouvements entre les forces régulières et de réserve. Ces obstacles ne reflètent pas la réalité des jeunes d'aujourd'hui, qui voudraient pouvoir entrer dans l'armée et en sortir plus facilement que ma génération ne le voulait. Ce facteur a été très bien reconnu.

Nous essayons maintenant d'éliminer certains de ces obstacles pour permettre aux gens d'être réservistes à plein temps pendant un certain temps, puis à temps partiel et de nouveau à temps plein, pour répondre aux besoins de la famille et de leur mode de vie. Souvent, sans cela, nous perdons nos membres. Nous reconnaissons qu'il est absolument de notre intérêt de le faire.

Le président: Avant de laisser la parole au sénateur suivant, pourriez-vous traduire pour le comité et l'auditoire le terme «SMA (RH-MIL)»? De toute évidence, vous n'avez pas entendu parler de notre régime de pénalité ici, mais je pense que c'était un «50-centre».

Vam Maddison: L'un de nos grands défauts est la pléthore d'acronyme qu'utilise notre organisation. Le SMA (RH- MIL) est le sous-ministre adjoint (Ressources humaines — Militaire). Je vous fais mes excuses.

Le sénateur Atkins: Ma question est semblable à celle du sénateur Wiebe. Est-ce que l'armée met en vigueur les incitatifs au réengagement qui font concurrence au secteur privé? Y a-t-il des incitatifs, non seulement pour ceux qui atteignent 20 ans de service et souhaitent prendre leur retraite, mais aussi pour ceux qui restent officiers subalternes?

Vam Maddison: La réponse la plus simple est oui.

Je ne suis pas sûr que nous puissions jamais faire concurrence au secteur privé au plan des avantages comme la rémunération. Peut-être une personne de temps en temps se joint-elle à notre organisation pour cette raison. Cependant, je dois dire que la plupart de ceux qui s'engagent dans l'armée ne le font pas pour ce motif particulier.

Pour le manque de personnel dans notre communauté médicale et les secteurs dont j'ai déjà parlé, les secteurs techniques et spécialisés, le ministre a récemment approuvé plusieurs primes à la signature, pour voir si cela attirera autant de gens qu'il nous en faut. Jusqu'à maintenant, cela semble plutôt encourageant. Cependant, nous ne connaîtrons pas les résultats de cette stratégie avant de nombreux mois. Nous avons fait exactement ce que vous avez suggéré.

Le sénateur Forrestall: Nous avons appris, en dépit de ce que nous avions espéré, que le gouvernement n'a pas jugé approprié d'offrir aux réservistes en service à l'étranger l'un des avantages qui est offert aux réservistes qui sont au Canada. Le confort de la protection de l'emploi ne leur est pas assuré. À son retour, le réserviste, s'il a été à l'étranger, devrait pouvoir espérer ou s'attendre à pouvoir retourner à son ancien poste.

Pourquoi n'avons-nous pas offert cet avantage? Trouvez-vous que ce soit un obstacle au recrutement, particulièrement pour les réservistes qui vont en service à l'étranger?

Vam Maddison: Je m'aventure dans un domaine que je ne connais pas tellement, sénateur. Cependant, d'après ce que je comprends, l'un des projets de loi qu'examine actuellement le Parlement comporte des dispositions de protection de l'emploi.

Le sénateur Forrestall: C'est exactement mon problème. Que la protection de l'emploi que prévoit cette loi ne s'applique pas aux réservistes en service à l'étranger.

J'ai entendu parler d'un réserviste supérieur qui n'a pas pu réintégrer son emploi après avoir été en service à l'étranger.

Le colonel André Deschamps, directeur, Opérations continentales, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, il est question, actuellement, de prévoir des pénalités et des amendes pour les compagnies qui n'accordent pas à ces membres qui reviennent du service les avantages de leur ancien poste ou de leur ancienneté. Je ne sais pas exactement où en est la discussion ou la procédure juridique d'approbation de ce projet de loi. Cependant, je crois que c'est pour les réservistes en général. Ce n'était pas spécifique.

Le sénateur Forrestall: Les réservistes en service à l'étranger sont exclus.

Col Deschamps: Je ne le savais pas.

Vam Maddison: Je peux obtenir la réponse à cette question et l'envoyer au comité.

Le sénateur Forrestall: Je ne veux pas une réponse; je voudrais que vous arrangiez cela.

Vam Maddison: Je ne suis pas sûr d'en avoir le pouvoir.

Le sénateur Wiebe: Nous devrons peut-être l'arranger avec un amendement.

Le sénateur Forrestall: Nous le ferons certainement, si ça n'est pas fait avant.

Le président: Le sénateur Banks a été très patient. C'est un testament aux questions qui sont posées. Vous avez maintenant la parole.

Le sénateur Banks: Nous avons posé ces questions au général Couture. Cependant, nous aimerions entendre les réponses du secteur opérationnel aussi.

Il y a quelque chose sur quoi j'aimerais obtenir des éclaircissements. C'est au sujet de l'aide au pouvoir civil.

Il y a quatre domaines différents. Le premier est l'aide du pouvoir civil; le deuxième concerne les principes de l'assistance militaire fédérale aux corps policiers provinciaux; la troisième est l'assistance armée en cas de perturbation de la paix; et la quatrième est l'assistance au Service correctionnel du Canada. Je comprends très bien le dernier énoncé. Les trois premiers, par contre, me semblent être trois façons de dire la même chose.

Je remarque, là où il est question du soutien du pouvoir civil, dans la Loi sur la défense nationale...

Vam Maddison: Si vous me permettez une correction, c'est le soutien «au» pouvoir civil.

Le sénateur Banks: C'est vrai, c'est le soutien au pouvoir civil. Lorsqu'il en est question, dans l'article pertinent de la Loi sur la défense nationale, cette aide est obtenue lorsque le procureur général d'une province réquisitionne — pas demande, réquisitionne — l'assistance des forces armées. Les deux autres énoncés, soit l'assistance aux corps policiers provinciaux et l'aide au rétablissement de l'ordre public, sont fournis en réponse à des demandes. Pourriez-vous m'aider à comprendre la différence entre ces trois énoncés, s'il vous plaît?

Vam Maddison: Je vais parler de l'aide au pouvoir civil en dernier. Les deux autres visent des demandes qui peuvent varier largement, de l'aide à la recherche d'un enfant perdu et à la mise sur pied d'expéditions de recherche à l'assistance lors d'inondations et, par exemple, l'aide fournie à la Nouvelle-Écosse au moment de la tragédie de Swissair. Nous pouvons fournir de l'assistance dans ces situations-là.

Il y a plusieurs catégories. Les chefs des opérations, dans diverses parties du pays, sont habilités à répondre à certaines de ces demandes. Si la demande nécessite une certaine partie de nos ressources, elle est transmise au niveau national. Dans certains cas, la demande doit être transmise au ministre pour obtenir une réponse. Le niveau requis pour la réponse est assez bien défini dans plusieurs de nos publications.

L'aide au pouvoir civil, c'est lorsque, comme vous l'avez dit assez justement, un procureur général d'une province demande de l'aide au chef d'état-major de la Défense du moment, et cela signifie que le chef d'état-major doit y répondre. Il y est obligé. Le chef d'état-major doit décider quel niveau d'assistance est nécessaire en réponse à la demande de la province.

Permettez-moi de vous donner un exemple récent. Il y a eu des perturbations à Oka, en 1990. Le procureur général a spécifiquement demandé de l'assistance au chef d'état-major de la Défense. Notre intervention en a été le résultat.

Peut-être n'est-ce que de la sémantique, mais le chef d'état-major est tenu de répondre à une demande d'assistance qui émane du pouvoir public.

Le sénateur Banks: Je peux le comprendre. Cependant, en ce qui concerne les perturbations de la paix et une insurrection supposée, par opposition à la recherche d'un enfant perdu ou l'aide fournie pour éteindre un feu de forêt, est-ce que ces activités ne pourraient pas correspondre aux deux autres descriptions, soit l'assistance aux corps policiers provinciaux et l'assistance militaire? Les notes sur ces types d'interventions mentionnent les perturbations de la paix et des situations qui pourraient être considérées comme des insurrections. Y a-t-il une différence que l'on puisse cerner entre ces situations?

Col Deschamps: Le meilleur moyen de regrouper ces catégories est ainsi: comme l'amiral vient de le dire, la loi exige que nous puissions fournir ces services aux provinces.

Les autres catégories sont regroupées à l'article 373.6 de la Loi sur la défense nationale. Cette partie de la loi porte sur le service public jugé nécessaire par le gouvernement. Nous pouvons tous être appelés à faire bien des choses en vertu de cet article assez général.

Pour définir un peu plus certains de ces processus, des décrets en conseil ont été passés pour définir les processus distincts pour les enjeux, par exemple, au niveau provincial, de l'assistance des corps policiers. Il y a aussi ce dont vous avez parlé, soit l'assistance armée, qui vise strictement la lutte contre le terrorisme. Ce sont des processus plus spécifiques qui ont été formulés par le biais des décrets en conseil. C'était une conséquence de l'exigence de service public qui est faite aux forces armées.

Pour ce qui est de l'aide aux organismes d'application de la loi, comme l'amiral l'a dit, ce pourrait être n'importe quoi, du prêt d'équipement au prêt de personnel, si un corps policier le juge nécessaire. Le corps policier en ferait la demande au procureur général de la province qui, s'il le juge nécessaire, transmet la demande au solliciteur général fédéral, parce qu'il a les ressources au niveau fédéral qu'il pourrait être en mesure d'employer. Il faut d'abord tenter de trouver les ressources nécessaires aux besoins spécifiques dans les services normaux de la police. Si les corps policiers déterminent que leurs ressources ne suffisent pas à leurs besoins, à l'échelle fédérale et provinciale, alors ils peuvent s'adresser au ministre pour faire une demande formelle d'assistance militaire.

L'assistance armée est particulière. Le décret à ce sujet vise directement la brigade antiterroriste qui serait employée ou déployée pour répondre à une menace ou à un incident terroriste. C'est un élément distinct.

D'autres interventions peuvent se faire sans le recours au personnel armé. On peut fournir des ressources ou d'autres formes d'aide aux forces de l'ordre pour les aider à maîtriser ou à régler une situation.

Le sénateur Banks: Je pense comprendre ce que vous avez dit. Je saisis la différence entre chaque demande. Je pense que vous avez répondu à ma question. Je vous ai posé la question parce que, dans la description des conditions pour faire appel à l'aide au pouvoir civil, il faut qu'il y ait des émeutes ou des troubles. Dans le cas de l'assistance fournie aux corps policiers d'une province, on peut la demander s'il y a des troubles. Par ailleurs, pour demander l'assistance armée, il faut que l'ordre public soit troublé. Je voulais avoir une définition claire, et je pense que vous me l'avez donnée en partie.

Dans le cas de la menace terroriste dont vous avez parlé en dernier lieu, je présume qu'elle peut entraîner la participation de la FOI 2, si c'est nécessaire, n'est-ce pas?

Vam Maddison: C'est exact.

Col Deschamps: Oui.

Le sénateur Banks: Je sais que, dans le cas de l'aide au pouvoir civil, les militaires deviennent des agents de la paix. Un membre de la FOI 2 devient-il un agent de la paix quand il répond à une menace terroriste?

Col Deschamps: Chaque fois que nos membres sont appelés par le solliciteur général à venir en aide aux forces policières territoriales, provinciales ou fédérales, ils bénéficient du statut d'agent de la paix. S'ils remplissent d'autres fonctions de soutien sans être en service spécial, ils n'exercent pas ce pouvoir.

Le sénateur Banks: S'ils étaient à la recherche d'un enfant égaré, ils n'auraient pas ce pouvoir, si j'ai bien compris ce que vous dites?

Col Deschamps: C'est exact. Cependant, s'ils sont chargés de fournir une assistance armée aux services de police ou de protéger des forces policières, ils auraient alors le mandat d'agent de la paix.

Le sénateur Banks: Pourrait-on dire que, s'ils sont armés pour remplir leur mission, ils seraient sans doute considérés comme des agents de police?

Col Deschamps: Dès qu'ils sont armés dans l'exercice de ces fonctions, ils auraient ce mandat. Cependant, ils peuvent être appelés, sans être armés, à remplir des fonctions de policiers qui nécessiteraient cette protection.

Le sénateur Banks: S'ils étaient armés, ils seraient considérés comme des agents de la paix.

Col Deschamps: Ce serait normalement le cas s'ils sont armés pour venir en aide à la police, oui.

Le sénateur Banks: Je vais terminer en vous posant une question que j'ai posée à tous les témoins qui ont comparu devant nous. Nous avons commencé à nous interroger là-dessus il y a à peu près un an. Imaginons qu'on mobilise toutes les forces disponibles des trois ordres de gouvernement, des administrations municipales, des provinces et du gouvernement du Canada, à la suite, non pas d'une catastrophe naturelle, mais d'un terrible événement de nature terroriste. Tout le monde comprend que les probabilités qu'un avion s'écrase dans un immeuble sont aujourd'hui considérablement réduites étant donné que c'est déjà arrivé. C'est réglé en quelque sorte. On sait que, la prochaine fois, ce sera différent. Cependant, si un incident survient et fait appel aux forces des trois ordres de gouvernement, qui prend la direction des opérations?

Vam Maddison: Quand un incident survient, ce sont les autorités municipales ou locales qui interviennent. Si elles constatent qu'elles n'ont pas les ressources pour faire face à la situation, elles vont demander l'aide des autorités provinciales. Si, à leur tour, elles ne peuvent suffire à la tâche, les autorités fédérales seront sollicitées. C'est à ce moment que nous intervenons. Si nous sommes en mesure de répondre à la demande, ce qui est fort probablement le cas, nous prendrons les choses en main.

Le sénateur Banks: Dans ces circonstances, le commandement serait-il confié aux ressources du gouvernement du Canada plutôt qu'aux deux autres ordres de gouvernement par convention ou en vertu d'une entente ou de la loi?

Col Deschamps: S'il s'agit d'une catastrophe naturelle ou causée par l'homme, cela n'a pas vraiment d'importance. Au niveau fédéral, le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile a le mandat de coordonner le soutien aux provinces dans la gestion d'une crise de cette nature. Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement fédéral fera appel à toutes ses ressources internes, pour ce qui est des services policiers, des secours d'urgence ou du transport. Il va essayer de régler le problème avec les moyens dont il dispose.

Si le problème est de compétence fédérale, c'est le Bureau du Conseil privé qui prendre les choses en main. À un moment donné, il désignerait un ministère responsable. Si la situation dépasse le mandat du BPIEPC, le BPC déterminerait quel ministère est responsable. D'autres ministères pourraient également prêter leurs concours si c'était nécessaire.

Les Forces canadiennes pourraient le moment venu intervenir et mettre leurs compétences particulières au service des ministères. Ce serait cependant une intervention de soutien. Nous ne prendrions pas la direction des opérations et les ministères ne seraient pas sous nos ordres. Nous leur apportons du soutien pour les aider à régler les problèmes.

Les militaires prennent la direction des opérations seulement en cas d'aide au pouvoir civil. C'est bien clair. Il n'y a pas d'équivoque. L'aide au pouvoir civil suppose que les militaires prennent la direction de toutes les opérations.

Le sénateur Banks: Cela me ramène à ma première question. En cas d'attaque terroriste, les Forces canadiennes prendront la direction des opérations si, et seulement si leur intervention en est une d'aide au pouvoir civil. Avez-vous dit qu'autrement les Forces canadiennes fourniraient un soutien et seraient, d'une certaine façon, sous les ordres de quelqu'un d'autre?

Col Deschamps: Le personnel des Forces canadiennes respecte toujours la chaîne de commandement nationale.

Le sénateur Banks: Je comprends.

Col Deschamps: Pour ce qui est de la direction des opérations, dans certaines conditions, le gouvernement peut faire appliquer la Loi sur les mesures d'urgence. Ce serait probablement le cas dans la situation que vous décrivez. On peut déclarer l'état d'urgence en cas de catastrophes naturelles graves, de guerre ou de troubles politiques importants. Alors, si c'est une question de sécurité, les militaires peuvent être désignés responsables des opérations quand les autres ressources auront été épuisées. Les militaires ont nécessairement un rôle à jouer en cas d'aide au pouvoir civil, et si la loi est invoquée par le gouvernement à la suite d'une grave situation de crise.

Le sénateur Banks: J'ai quelques commentaires à faire.

Je m'intéresse à cette question parce que je n'ai pas vraiment l'assurance, et je me demande si vous l'avez, qu'on sait clairement qui va définir la situation et décider rapidement qui doit diriger les opérations. Il faut que quelqu'un prenne les choses en main. Dans nos échanges avec le BPIEPC, par exemple, je n'ai pas eu l'assurance qu'on savait qui allait prendre les choses en main.

Vam Maddison: C'est une des raisons pour lesquelles le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile a été créé il y a un an.

Quand je dis que nous allons intervenir si les autorités locales ou provinciales ne peuvent pas faire face à une situation, le «nous» désigne le gouvernement fédéral, pas nécessairement les Forces canadiennes. Le gouvernement déterminerait le ministère responsable, que ce soit la GRC, le solliciteur général, le ministère de la Défense ou un autre ministère, sauf en cas d'aide au pouvoir civil, parce que c'est alors nous qui prenons automatiquement la tête des opérations pour faire face à une situation comme la crise d'Oka.

Le sénateur Banks: Dans ce cas, le «nous» désigne les Forces canadiennes.

Vam Maddison: Oui.

Le sénateur Atkins: Les militaires ou le gouvernement fédéral sont-ils intervenus à la suite de l'accident survenu récemment au Manitoba, quand un train est entré en collision avec un camion et qu'il y a eu un important problème de produits chimiques?

Vam Maddison: Nous n'avons sûrement pas pris de décision au niveau national pour fournir de l'aide. Il se peut qu'un commandant local ait autorisé un soutien de moindre importance, mais je ne suis pas au courant. Je ne crois pas que nous avons prêté notre concours dans ce cas.

Le sénateur Atkins: Les militaires comptent combien de Challenger?

Vam Maddison: Nous en avons six.

Le sénateur Atkins: Les six servent à transporter rapidement les forces de reconnaissance dans les zones menacées. Est-ce que ce sont les mêmes avions qui sont utilisés par les ministres et le gouvernement?

Vam Maddison: Il y a deux flottes de Challenger. Les Challenger blancs répondent aux besoins du gouvernement en matière de transport, et les Challenger gris appartiennent au ministère et peuvent servir à toute une série d'activités liées à la reconnaissance. Un Challenger sert actuellement à l'évacuation sanitaire et a permis de rapatrier un soldat blessé en Bosnie.

Le sénateur Atkins: Le gouvernement possède plus de six avions alors.

Vam Maddison: Il y en a six qui appartiennent à notre ministère.

Le sénateur Atkins: Quelle en est la capacité?

Vam Maddison: Ils peuvent accueillir environ 16 personnes quand tous les sièges sont installés. Ce ne sont pas de gros avions qui peuvent transporter beaucoup de passagers. Nous nous en servons à des fins stratégiques ou pour des missions de reconnaissance, quand une petite équipe doit se rendre rapidement sur place pour évaluer les besoins. Nous nous en sommes servis pour beaucoup de nos opérations.

Le sénateur Atkins: Vous nous avez dit que vous alliez accroître la taille et la capacité de la FOI 2. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?

Vam Maddison: Au cours des cinq prochaines années, nous voulons doubler le nombre de membres de cette force et leur fournir l'équipement dont ils ont besoin pour remplir leur principale fonction au sein de l'équipe antiterroriste nationale et participer à des missions spéciales, comme celle qui est actuellement en cours en Afghanistan. Ces militaires reçoivent une excellente formation. Leur entraînement n'est pas seulement physique, mais aussi psychologique. Comme les exigences sont sévères, nous avons peu de recrues. Elles doivent posséder certaines aptitudes au départ qui pourront être développées. C'est la raison pour laquelle il nous faudra trois à cinq ans pour accroître la capacité actuelle.

Le sénateur Atkins: Se comparent-ils aux commandos britanniques ou aux Rangers américains, ou reçoivent-ils une formation encore plus poussée?

Vam Maddison: Il y a différents niveaux de capacité. Il y a les forces conventionnelles, comme le PPCLI qui se trouve en Afghanistan en ce moment, puis il y a les forces non conventionnelles, qui se comparent aux Rangers et aux Bérets verts. Ils sont entraînés pour le tir isolé et pour intervenir dans des conditions très difficiles. Puis, il y a les militaires de première catégorie, qui ont des connaissances très spécialisées dans toute une série de domaines. On peut les comparer aux membres du 22nd Special Air Service, aux Navy Seals et à la Delta Force. Nos militaires sont de ce calibre.

Le sénateur Atkins: Se trouvent-ils en Afghanistan actuellement?

Vam Maddison: Certains se trouvent en Afghanistan. Il y en a encore un bon nombre ici, au Canada, qui pourraient être déployés si nécessaire.

Le sénateur Atkins: Vous dites que le NORAD aura plus de CF-18. On nous a dit qu'il y en aurait quatre au moment de la préparation de notre rapport. Nous annoncez-vous qu'il y en aura plus que quatre dans ce cas?

Vam Maddison: Je préférerais ne pas indiquer combien nous en avons dans le moment. Je peux vous confirmer qu'avant le 11 septembre, il y avait quatre avions affectés à la détection. Nous en avons beaucoup plus aujourd'hui.

Le sénateur Atkins: J'imagine que vous accueillez favorablement un nouveau livre blanc?

Vam Maddison: Nous sommes heureux qu'il y ait une mise à jour dans le domaine de la défense. Comme je l'ai dit plus tôt, il s'est passé beaucoup de choses au cours des huit dernières années, et le moment est probablement venu d'examiner la situation et de déterminer, pour les 10, 15 ou 20 prochaines années, les capacités que le Canada devrait avoir au pays et à l'étranger.

Le sénateur Atkins: Si vous deviez obtenir ce que nous avons recommandé, à savoir 4 milliards de dollars de plus, combien de temps vous faudrait-il pour dépenser cet argent?

Vam Maddison: Nous réfléchirions. Nous évaluerions le genre de capacités et le nombre de militaires que les Forces canadiennes devraient avoir, compte tenu du budget dont nous disposons.

Le sénateur Atkins: Nous recommandons qu'il y ait 75 000 militaires.

Vam Maddison: C'est un chiffre qui me paraît raisonnable. Il nous offre plus de souplesse pour répondre aux situations qui se présentent et offrir une qualité de vie à nos membres afin qu'ils puissent se reposer après un déploiement. Cependant, les ressources humaines coûtent cher. Il faudrait que notre budget augmente de façon assez importante pour que nous ayons autant de militaires au sein des Forces canadiennes.

Le sénateur Banks: Nous avons recommandé qu'il y ait 75 000 militaires en raison des rotations, entre autres. Avec les ressources actuelles, et la formation qui est requise, pouvons-nous continuer longtemps d'oeuvrer en Afghanistan comme nous nous sommes engagés à le faire actuellement?

Vam Maddison: Oui, nous pourrions continuer, si nous devions obliger nos membres à faire la rotation, mais ce serait très difficile pour les militaires. Ils participeraient plus souvent à des opérations de ce genre.

Le sénateur Banks: La rotation ne serait pas acceptable à long terme, n'est-ce pas?

Vam Maddison: Nous ne pouvons pas remplacer facilement le groupe tactique actuel. Les répercussions sur l'armée seraient importantes si nous devions agir ainsi.

Le président: Je n'ai pas compris votre réponse, amiral. Avez-vous dit que vous pourriez à la fois conserver 2 000 hommes dans les Balkans et poursuivre vos opérations en Afghanistan, et cela à long terme?

Vam Maddison: Nous pourrions le faire, mais ce serait au détriment de nos militaires. Les militaires devraient passer immédiatement d'une mission à l'autre. Ils ne pourraient pas rester au pays, le temps de faire une pause. Ils subiraient énormément de pression en passant d'une zone de combat à l'autre. Statistiquement, nous pourrions le faire, mais ce serait très néfaste pour nos militaires.

Le sénateur Banks: Dans la pratique, déplacer des gens d'un théâtre de guerre à un autre sans interruption ne peut se faire bien longtemps, n'est-ce pas?

Vam Maddison: Non.

Le sénateur Banks: Ce n'est pas une question d'incommoder les militaires; on ne peut tout simplement pas fonctionner bien longtemps dans un contexte pareil.

Vam Maddison: C'est exact.

Le sénateur Day: Amiral, vos notes nous seront utiles pour notre étude.

Dans la foulée de la question du sénateur Banks, qui désirait savoir qui était en charge, je dois vous dire que tous ces protocoles d'entente, tous ces décrets et tous ces accords parallèles spéciaux me rendent bien mal à l'aise. Comment peut-on décider à qui s'adresser selon la situation d'urgence? Comment faire pour que la bonne personne en soit informée? Qui conserve tous ces protocoles et sait qui doit prendre les décisions? Ne serait-il pas plus simple de nommer quelqu'un en charge du déploiement des ressources ou du déploiement du personnel, par exemple le SCEMD, plutôt que de dire qu'à un certain niveau, un autre doit prendre cette décision?

Col Deschamps: Les opérations domestiques exigent une interaction plutôt complexe étant donné que, sur le plan juridictionnel, on doit déterminer qui est le partenaire principal ou qui est responsable d'accomplir certaines tâches en vertu de la loi.

Les protocoles d'entente et les décrets ont été conçus pour faciliter ce processus. Sans eux, s'il y avait un besoin de haut niveau, il faudrait que la dotation s'effectue au niveau ministériel et que des processus particuliers soient mis en place. Nous devons déterminer ce dont ont besoin les ministères et décider comment y répondre. Les mesures voulues ont été prises en conséquence, et ces documents codifient le processus nous permettant d'entamer la procédure établie dans les plus brefs délais. Par exemple, le ministre pourrait rapidement donner un coup de fil pour annoncer qu'il invoquera tel texte. Nous savons alors qui est responsable de chaque fonction. De plus, les coûts et les mesures de recouvrement sont déjà définis.

En situation de crise, nous pouvons épargner beaucoup de temps lorsque ces documents sont déjà établis, lorsque nous pouvons répondre rapidement à une demande et lorsque nous savons ce que nous pouvons faire dans un scénario en particulier. Toutefois, lorsqu'aucun document ne s'applique à la situation, nous devons déterminer ce dont ont besoin les ministères qui présentent la demande, et nous devons négocier avec eux. Au niveau ministériel, une entente est prise et formalisée par l'échange de correspondance. Le personnel commence à travailler bien avant pour que tout se fasse en temps opportun. Qu'il s'agisse d'une opération antidrogue ou d'une crise pour laquelle le délai d'intervention est court, nous pouvons mettre le processus en branle sans délai grâce à ces mécanismes.

Au sein des ministères, le nombre d'intervenants dans le cadre du processus n'est pas très élevé, et les personnes compétentes des autres ministères savent qui sont ces intervenants. Les demandes sont acheminées vers la haute direction, après quoi nous en définissons les détails et décidons de quelle manière y répondre le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Vam Maddison: Des initiatives d'information doivent être menées, en particulier au niveau des provinces et des territoires. Un des mandats de Mme Purdy, qui est chef du Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, est de renseigner la population canadienne qui demande l'aide de notre ministère. Il s'agira probablement d'initiatives continues. Pourrait-on formuler certaines de ces directives de manière différente? Peut-être, et c'est une des questions qu'étudie également Mme Purdy.

Cela étant dit, ce groupe créé il y a moins d'un an souhaite évaluer un nombre plutôt élevé de questions.

Le sénateur Day: Quelqu'un au QGDN est-il chargé de la tenue d'un registre contenant tous les protocoles?

Col Deschamps: Je suis pour ainsi dire le «gardien de la foi», mais puisque ce sont des documents juridiques, ils sont conservés par le personnel juridique, qui en vérifie la validité et qui en assure le maintien. Nous avons inclus ces lignes directrices dans la documentation que nous remettons à nos commandants. Nous les insérons aussi dans notre propre documentation en utilisant notre jargon afin que les commandants puissent connaître les règles.

Lorsque la demande parvient au gouvernement fédéral, c'est qu'il n'y a plus de recours possible au niveau provincial. Nos commandants de secteur renseignent les gouvernements provinciaux et municipaux et maintiennent des liens avec eux afin que ceux-ci comprennent bien les moyens dont nous disposons. Des agents de liaison travaillent au niveau provincial, et les commandants de secteur ont une très bonne connaissance des besoins et des exigences de chacun.

Habituellement, ces questions sont réglées au niveau provincial-territorial. S'il n'est pas possible de régler un problème en raison de son ampleur ou de sa portée, le gouvernement fédéral entre en jeu. Toutefois, une grande partie du travail est effectuée au niveau provincial par les commandants de secteur et organismes provinciaux et municipaux.

Vam Maddison: Je répondrai en vous disant que même si les avocats nous fournissent des conseils juridiques extrêmement précieux, ils assurent surtout le suivi de tous les documents reliés aux ententes entre les provinces et les divers pouvoirs réglementaires.

Le sénateur Day: Supposons que vous receviez un appel de la police municipale de Montréal à la suite d'une importante prise d'otages et que des armes chimiques soient peut-être en cause. La Sûreté du Québec participe aussi aux opérations. Quelqu'un consulte les CFAPPFD et, par la suite, on détermine l'aide que peuvent fournir les forces armées.

Col Deschamps: Vous parlez d'une situation à laquelle doivent faire face les services de police municipaux et provinciaux. S'il s'agit simplement d'obtenir de l'aide, du personnel supplémentaire ou de l'équipement, le service de police municipal demande l'aide du service de police provincial. Si ce dernier ne peut pas fournir l'aide requise, le procureur général fait appel au solliciteur général qui, en réalité, est l'agent de police supérieur au pays responsable de la prestation des services policiers. Toutefois, il pourrait ne pas pouvoir répondre à la demande s'il ne disposait pas des ressources requises pour une crise nucléaire ou biochimique.

Il nous demanderait alors de former une équipe devant collaborer avec les services de police déjà sur place. Les ententes relatives à un tel processus existent déjà. L'aide fournie serait considérée comme étant une assistance armée, bien que l'équipe ne serait pas armée. Il s'agit du même mandat que pour les opérations antiterrorisme.

Le procureur général de la province communiquerait rapidement avec le ministère fédéral au besoin. La demande nous serait ensuite transmise.

Le sénateur Day: La demande vous serait transmise par le politique.

Vam Maddison: C'est exact. Du procureur général au solliciteur général, jusqu'à notre ministre, puis jusqu'au chef d'état-major.

Le sénateur Day: Je suppose que vous feriez ce qu'il vous est possible de faire et que cette décision doit être prise en quelques minutes?

Col Deschamps: Nous ne sommes pas les premiers intervenants. Lorsque nous sommes informés qu'une menace terroriste peut nécessiter une force de guerre chimique, nous pouvons déployer du personnel qui aidera à limiter et à prévenir les dommages. Si la menace est immédiate ou presque, les intervenants locaux entrent d'abord en jeu. Nous pouvons ensuite nous rendre sur place et les aider.

Vam Maddison: Nous avons souvent procédé de la sorte avec le solliciteur général. Ce processus est bien rodé et il peut être mis en oeuvre très rapidement. Il est déjà arrivé qu'on le fasse en quelques heures littéralement.

Le sénateur Day: Faites-vous des simulations et des pratiques pour ce genre de situation?

Vam Maddison: Oui, nous le faisons.

Le sénateur Day: Nous pourrions peut-être assister un jour à un tel exercice.

Cet été, vous devez former un groupe mixte d'intervention en cas de crise chimique, biologique, radiologique et nucléaire. J'espère que vous avez lu la suggestion que nous vous avons faite dans notre dernier rapport, c'est-à-dire qu'un rôle concret soit confié à la réserve. Avez-vous entrepris des discussions ou des études à ce sujet?

Vam Maddison: Oui, nous avons tenu compte de cette suggestion et de quelques autres et nous avons essayé de déterminer comment nous pourrions le faire. Nos réservistes pourraient jouer un rôle important s'ils avaient des compétences spécialisées et de l'expérience que nous pourrions utiliser dans le cadre de nos capacités d'intervention.

Comme vous le savez, nous faisons corps avec une équipe d'intervention mixte NBC dirigée par la GRC. Nous possédons certaines compétences, et nous pourrions ajouter environ 29 personnes à l'équipe d'intervention.

Nous avons entrepris la formation d'une compagnie mixte qui nous permettra de doubler ce nombre d'ici l'été. Dans un an environ, nous pourrons compter sur plus de 120 membres qui pourront intervenir non seulement lors d'un incident, mais aussi lors de deux incidents simultanés, même si cela est plutôt rare, n'importe où au Canada. Nous déployons beaucoup d'efforts dans ce domaine afin de pouvoir offrir ce genre d'aide.

Le sénateur Day: Est-ce que cela comprend la milice?

Vam Maddison: Les réservistes.

Le sénateur Day: Est-ce que cela comprend l'entreposage d'équipement dans différentes régions du pays?

Vam Maddison: Nous pensons mettre en place de l'équipement dans diverses régions du pays, mais nous nous demandons où le faire. Nous n'avons pas encore pris de décision.

Le sénateur Day: Si l'on décide que c'est une bonne idée, aurez-vous les fonds nécessaires pour le faire? Mais peut- être n'avez-vous pas encore déterminé si c'est une bonne idée?

Vam Maddison: Nous n'avons pas déterminé où se trouve le meilleur emplacement qui offre un certain niveau de sécurité pour entreposer l'équipement. Le plus problématique, c'est de former le personnel pour qu'il ait les capacités requises, et cela requiert un certain temps.

Le sénateur Day: Croyez-vous pouvoir obtenir les fonds nécessaires lorsque vous aurez déterminé le plan que vous désirez réaliser?

Vam Maddison: Nous avons prévu les fonds nécessaires. Oui, je crois que nous y arriverons.

Le sénateur Banks: Nous recevrons le chef de police de Toronto un peu plus tard dans la journée. Il nous a transmis une lettre dans laquelle il se plaint du nombre insuffisant d'exercices pour les premiers intervenants. Vous avez dit au sénateur Day que vous exécutez de tels exercices, ainsi que des séances de formation, auxquels participent, je suppose, les autres paliers de gouvernement et leurs ressources. Pouvez-vous nous aider à répondre au chef de police?

Vam Maddison: Je parlais de simulation d'exercices sur maquette pour le solliciteur général et son personnel, la GRC et notre personnel.

Le sénateur Banks: Les premiers intervenants ne participent pas à ces exercices?

Vam Maddison: Non, pas pour l'instant. Nous voulons mobiliser un nombre sans cesse croissant de membres des organismes municipaux et provinciaux de manière à améliorer la coordination et à mieux connaître les capacités de chacun.

Le sénateur Banks: Êtes-vous satisfait de la rapidité à laquelle l'intégration visant l'interopérabilité s'effectue?

Vam Maddison: Nous pourrions probablement faire mieux.

Le sénateur Day: Vous avez utilisé le terme «mixte». Cela signifie-t-il que vous travaillez en tandem avec la GRC ou le terme qualifie-t-il les diverses sources d'éventuels problèmes?

Vam Maddison: Cela signifie que nous travaillons en tandem avec la GRC.

Le sénateur Day: Le dernier sujet sur lequel j'aimerais vous interroger se rapporte à une observation que nous avons faite lorsque nous étions à Winnipeg en ce qui concerne NORAD et l'aide fournie par la force aérienne dans le domaine de la lutte antidrogue en Amérique du Nord. Un aéronef canadien a fait un décollage immédiat pour participer à l'interception d'un autre avion. Il a survolé les États-Unis puisque l'appareil suspect se dirigeait vers le Canada en provenance des États-Unis.

Dans le cadre de NORAD, la frontière est perméable pour ce qui est des opérations de défense aérienne, et nous savons que la marine entretient de bonnes relations de travail avec nos voisins, bien que ces relations ne soient peut-être pas aussi intégrées que celles de la force aérienne dans le cadre de NORAD. L'armée de terre semble entretenir des liens de collaboration encore plus grands.

En ce qui concerne l'armée de terre, en particulier les réservistes, nous envisagions de lui donner un rôle concret dans la défense de la patrie.

Je crois que le Commandement du Nord est un enjeu politique sur lequel devra se prononcer l'exécutif. Envisagez- vous une expansion des rôles? Se peut-il que nous ne nous efforcions pas de doter nos Forces armées canadiennes de toutes les capacités requises pour assurer la défense de la patrie? Est-il possible que nous partagions certaines de nos compétences avec nos voisins et que nous acquerrions les compétences requises dans certains secteurs au-delà de NORAD, c'est-à-dire pour la marine, la patrouille côtière et l'armée de terre?

Vam Maddison: C'est possible. Je crois que le vice-chef d'état-major de la Défense a été invité aujourd'hui justement pour discuter de ce genre de questions. Au sein du ministère, seuls lui et les responsables de la politique travaillent sur ce dossier en particulier. Je n'y travaille pas. Je m'occupe des opérations courantes et ainsi de suite. Je ne peux pas vous donner une réponse plus détaillée, monsieur le sénateur.

Toutefois, j'aimerais vous souligner qu'en ce qui concerne votre exemple sur la lutte antidrogue ou la lutte contre le narcotrafic, la force aérienne et la marine collaborent grandement avec les différentes forces policières au Canada et que nous échangeons aussi des renseignements avec nos partenaires américains.

Grâce aux relations de partenariat que nous avons établies avec nos amis américains et avec les services de police du Canada, nous avons réussi à intercepter, à plusieurs reprises, des individus qui tentaient de faire entrer illégalement de la drogue au Canada.

Le sénateur Day: Est-ce que cela fonctionne aussi bien avec les autorités de l'Immigration?

Vam Maddison: Oui.

Le président: Vice-amiral Maddison et colonel Deschamps, vous nous avez beaucoup aidés ce matin. J'ai entendu plusieurs commentaires des membres de ce comité louant la qualité de la documentation que vous nous avez fournie, documentation que nous examinerons plus en profondeur. Ainsi, il est possible que nous vous posions encore quelques questions par écrit.

Nous vous remercions de votre visite et de votre aide si précieuse.

Notre prochain témoin est le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef d'état-major de la Défense. Il s'est distingué dans les forces aériennes, où il a servi comme commandant en chef adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord à Colorado Springs, avant d'être promu à ses fonctions actuelles.

À l'occasion de la visite à Washington des membres de ce comité, en février dernier, nous avons discuté de l'avenir du NORAD et du rôle possible du Canada au sein du commandement chargé d'assurer la défense de la patrie. Les plans visant à avoir un commandant en chef pour le Nord se précisent. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à notre témoin de nous présenter un rapport d'étape.

Le lieutenant-général George Macdonald, vice-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale: Honorables sénateurs, je suis ravi d'être ici parmi vous aujourd'hui pour répondre à vos questions au sujet de l'amélioration de la sécurité en Amérique du Nord et du Plan du commandement unifié (PCU) des États-Unis.

[Français]

Pour gagner du temps, j'aimerais attirer tout de suite votre attention sur la présentation qui vous a été distribuée. Cette présentation résume l'annonce effectuée par les États-Unis le 17 avril. Elle comporte également une section sur les conséquences possibles de ces changements pour le Canada. Il est clair que ce sujet a maintenant l'attention de tous les milieux de la communauté académique et parlementaire. La demande générale pour plus d'information et le désir d'entamer un dialogue sur ce sujet sont clairement à la hausse.

[Traduction]

Nous vous avons également remis une série de notes d'allocution, lesquelles sont un peu plus longues que celles que je vais vous livrer ce matin. Malheureusement, elles ne sont disponibles qu'en anglais aujourd'hui. Nous vous enverrons le français d'ici deux jours. J'y parle plus en détail des relations canado-américaines en matière de défense, des menaces asymétriques et du fonctionnement du NORAD. Je passerai également en revue le PCU des États-Unis, ainsi que les enjeux et les objectifs canadiens en la matière. Permettez-moi maintenant d'entrer dans le vif du sujet. Vous pourrez lire ces documents, si vous le souhaitez.

Je vous ferais remarquer, pour commencer, que le gouvernement ne s'est pas encore prononcé sur cette question. Toutefois, le premier ministre, le vice-premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont à plusieurs reprises parlé ouvertement du processus entourant les discussions informelles avec nos homologues américains et de notre ouverture concernant la possibilité d'améliorer la sécurité et la défense de notre territoire. C'est la bonne chose à faire.

Nous devons examiner les raisons qui nous poussent à «améliorer la sécurité en Amérique du Nord», voir quelles sont les lacunes et les défaillances potentielles dans nos dispositifs de sécurité et comment les corriger. Notre gouvernement sera ainsi en mesure d'examiner les différentes options possibles pour accroître la coopération, la portée, les moyens et les mécanismes requis et prendre une décision éclairée. Ensuite, nous devrons formaliser les ententes et les négociations pourront commencer.

Il faut agir sans tarder. Les États-Unis, comme l'a dit le président, ont déclaré publiquement qu'ils souhaitaient que le nouveau commandement, le Commandement du Nord, soit mis sur pied le 1er octobre de cette année. Ce qu'il est convenu d'appeler le Groupe de travail de haut niveau se compose de M. Ken Calder, sous-ministre adjoint (politique), du ministère de la Défense nationale, de M. Jim Wright, sous-ministre adjoint responsable des relations internationales en matière de sécurité au ministère des Affaires étrangères, et de moi-même, qui ai travaillé en étroite collaboration avec nos homologues américains pour échanger nos points de vue respectifs sur ces questions cruciales.

Avant de conclure, j'aimerais parler de la tournure du débat public et plus particulièrement de l'étude théorique réalisée récemment par Michael Byers et intitulée «Les Forces armées canadiennes sous commandement américain». Si vous le souhaitez, je pourrais vous exposer dans le détail toutes les erreurs et les exagérations que renferme cette étude. À ce titre, permettez-moi de dire qu'il est malheureux qu'une question aussi importante ait provoqué tant d'émotions et, dans une certaine mesure, un sentiment anti-américain. Les relations militaires entre le Canada et les États-Unis sont d'une importance vitale pour nos deux pays. Elles sont étendues et bien établies, mais on peut toujours les améliorer. Je garde espoir, malgré les rapports qui ont été produits sur la question, que nous poursuivions ce débat en nous fondant sur des faits, en suivant un raisonnement clair et en ayant pleinement conscience des implications pour le Canada et les Canadiens.

On a souvent dit que notre souveraineté était menacée, ce qui est sans fondement. Nous avons prouvé que nous étions capables de coopérer militairement, sans compromettre notre souveraineté. Notre expérience au sein du NORAD le montre clairement. Il n'y a aucune raison que toute nouvelle entente de coopération soit différente. Nous nous assurons, et nous continuerons de le faire, que nous conservons notre indépendance ainsi que le contrôle de nos propres forces militaires.

Je conclurai mon intervention en vous présentant les trois objectifs du Canada dans ce processus global. Le premier objectif consiste à centrer nos efforts sur la sécurité du Canada et des Canadiens. Nous ne voulons pas apporter des améliorations uniquement pour nous montrer coopératifs, mais surtout dans le but d'améliorer la capacité du Canada de se défendre efficacement contre des menaces conventionnelles et asymétriques.

Notre deuxième objectif vise à préserver la souveraineté et l'indépendance politique du Canada. Toute amélioration de notre entente de coopération en matière de défense entre nos deux pays devra se faire dans le respect de ces critères.

Notre troisième objectif est de maintenir une relation dynamique et positive avec notre voisin, qui est aussi notre plus grand allié économique et militaire. Il est dans l'intérêt du Canada de continuer à partager avec les États-Unis les responsabilités relatives à la défense du continent. Mais nous devons le faire en tant que pays souverain.

Je vous remercie de m'avoir permis de faire mon allocution d'ouverture. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Day: Lieutenant-général Macdonald, je vous pose cette question davantage pour les personnes qui nous regardent depuis chez elle que pour nous-mêmes, parce que nous avons eu assez de temps pour étudier nos relations avec le NORAD en matière aérospatiale et que nous savons qu'elles sont excellentes. Il serait en effet utile que vous décriviez brièvement la structure de commandement du NORAD, en précisant qui a le pouvoir d'ordonner aux Forces canadiennes d'agir.

Lgén Macdonald: La structure de commandement du NORAD est telle que nos deux pays sont des partenaires égaux; il s'agit en fait d'un commandement militaire binational. Nous disposons d'une structure de commandement intégrée aux États-Unis, à Colorado Springs, où est basé le quartier général du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Des Canadiens et des Américains travaillent en étroite collaboration pour assurer le commandement du NORAD.

Le commandant en chef a toujours été un Américain quatre étoiles et le commandant adjoint, un Canadien trois étoiles. C'est le poste que j'ai occupé avant de revenir à Ottawa. Ce n'est pas gravé sur la pierre. Les règles disent que les commandants doivent se relayer. Compte tenu de l'importance des ressources engagées dans le NORAD, ce sont les Américains qui occupent le poste de commandant en chef depuis la création du NORAD, en 1958.

Nous avons réussi, au terme d'une longue série de procédures, à nous doter d'une structure de commandement assez solide et bien comprise quand il faut prendre des décisions pour faire face à une situation particulière. Étant donné que nous nous occupons de prévenir les menaces aérospatiales, c'est-à-dire les menaces qui viennent du ciel — comme un bombardier ou un missile de croisière — et même de l'espace — comme un missile balistique —, nous disposons de très peu de temps pour réagir. Il est impératif que nous sachions exactement quoi faire en pareilles circonstances et comment déployer nos forces pour riposter. Nos procédures sont très bien rodées et très précises.

Dans tous les cas, les Canadiens et les Américains conservent le droit de recourir aux forces du NORAD de la façon qu'ils jugent appropriée.

Ici, au Canada, nous avons décidé de garder un certain nombre d'aéronefs en alerte quotidienne en cas de menace aérienne ou pour contrôler toute cible radar non identifiée. Nous les utilisons de la façon qui a été décidée dans le cadre du NORAD. S'il y a une menace et que nous devons déployer ces aéronefs, les militaires devront répondre, par l'intermédiaire du NORAD, à la chaîne de commandement des États-Unis et du Canada, de façon à ce que nos deux pays soient informés de l'évolution de la situation et à ce qu'ils puissent continuellement donner leur avis ou exprimer leurs souhaits sur la façon dont leurs forces doivent être utilisées.

Ce qu'il est important de noter, c'est que nous conservons notre droit légitime de commander nos propres forces. Nous acceptons que certaines de nos forces, au quotidien, soient au service du NORAD, mais aux conditions que nous avons dictées. Nous avons du personnel à tous les niveaux, du plus bas jusqu'au poste de commandement le plus élevé, qui participe tous les jours à ces activités.

Le sénateur Day: Lorsque nous sommes allés à Colorado Springs et à Cheyenne, on nous a dit que le 11 septembre, c'étaient les Canadiens qui assuraient le commandement du centre de contrôle basé à Mont Cheyenne.

Lgén Macdonald: C'est exact. Comme par hasard, les Canadiens étaient là, avec leurs collègues américains et participaient à un exercice du NORAD. Le commandant canadien en charge des opérations était le major général Findley, deux étoiles, directeur des opérations pour le NORAD. Le directeur du commandement, qui est la personne qui s'occupe de toutes les questions tactiques au Mont Cheyenne, était un Canadien, le capitaine Mike Jelinek, un capitaine de la marine, ce qui équivaut au grade de colonel. Quand il y a eu les attaques du 11 septembre, ce sont ces personnes qui ont fait les premiers appels, qui ont pris les premières décisions, qui se sont occupées des communications, qui ont informé le commandant en chef, et cetera. Il n'y avait aucune irrégularité là-dedans. C'étaient les personnes en charge et elles n'ont fait que leur devoir, tout comme l'auraient fait les Américains à leur place.

Le sénateur Day: Cela illustre bien le degré d'intégration entre nos deux armées, particulièrement au sein du NORAD.

Lgén Macdonald: Effectivement.

Le sénateur Day: Lorsque nous sommes allés à Washington, on nous a laissé entendre que la possibilité que les Canadiens fassent partie du Commandement du Nord d'une manière plus large — pas seulement en matière aérospatiale et dans le cadre du NORAD — était une question encore à l'étude. Est-ce toujours le cas en ce qui vous concerne?

Lgén Macdonald: Nos discussions ne portent pas précisément sur la participation des Canadiens au Commandement du Nord, mais plutôt sur la façon dont nos forces peuvent coopérer dans le meilleur intérêt mutuel. Le Commandement du Nord, d'après le Plan du commandement unifié des États-Unis, est une nouvelle création destinée à assurer la sécurité intérieure du pays. Ce Plan est un document préparé par les États-Unis pour décider comment ils entendent structurer leur propre commandement. Ils ne nous ont pas formellement invités à en faire partie, mais plutôt à explorer avec eux des façons de répondre à nos besoins mutuels en matière de sécurité, comme nous le faisons dans le cadre du NORAD, entre autres.

Nos discussions ne portent pas spécifiquement sur les endroits où nous devrions nous baser, ni sur la façon dont nous devrions nous intégrer à une structure de commandement existante, mais sur les différentes possibilités qu'ils explorent.

Le sénateur Day: Avez-vous des échanges constants sur ce sujet?

Lgén Macdonald: Oui. Nous avons commencé nos discussions peu après les événements du 11 septembre, en octobre. Toutefois, pour être exact, cela fait déjà plusieurs années que le PCU — qui vise à créer un commandement destiné à assurer la sécurité intérieure — existe aux États-Unis. Il était là bien avant les événements du 11 septembre. Bien sûr, il a dû recentrer ses objectifs après cette tragédie. Nous avons eu des échanges à plusieurs niveaux depuis lors pour déterminer quelles seraient les différentes possibilités.

Le sénateur Day: À propos de la sécurité intérieure, est-ce que le Commandement du Nord fait partie d'un ensemble qui englobe des agences militaires et civiles?

Lgén Macdonald: Les Américains continuent de travailler sur le mandat complet et la constitution du Commandement du Nord. Nous n'avons pas beaucoup de détails. Toutefois, il est clair que ce commandement sera responsable de la défense terrestre, marine et, dans une certaine mesure, aérienne des États-Unis, ainsi que de ce qu'on appelle «la gestion des conséquences», qui vise à prendre des mesures en cas de désastre chimique, radiologique, nucléaire, bactériologique ou naturel de quelque nature que ce soit, et ce, de manière coordonnée entre toutes les agences américaines.

L'élément relatif à la gestion des conséquences, dans ce nouveau commandement créé pour assurer la sécurité intérieure, doit évidemment avoir beaucoup de ramifications au sein d'autres agences américaines pour pouvoir s'occuper de toutes ces choses et à avoir une approche coordonnée pour parer à toute éventualité. Toute la question entourant le montage et la façon dont cela doit se faire et être coordonné reste à définir. Toutefois, il demeure essentiel que le ministère de la Défense entretienne des liens étroits avec, par exemple, le gouverneur Ridge et son agence de protection du territoire.

Le sénateur Day: On peut supposer qu'il existe au Canada de nombreux organismes non militaires, semblables à ceux que l'on retrouve aux États-Unis, qui doivent intervenir dans ce genre de situation et qui doivent déjà, dans une certaine mesure, collaborer avec les militaires. S'agit-il d'une formule qui a donné de bons résultats jusqu'à maintenant, à votre avis? Peut-on dire que la communication et l'interaction entre ces organismes non militaires et les organismes militaires sont aisées?

Lgén Macdonald: De nombreux liens ont été établis. Il existe un degré élevé de coopération entre le Canada et les États-Unis à divers niveaux au sein du ministère de la Défense nationale. Le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile a des liens avec l'organisme que dirige le gouverneur Ridge aux États-Unis. Nous avons des liens avec les services des douanes et de l'immigration et les services de police. Nous avons des liens très élaborés avec les services de renseignements américains, qu'ils soient militaires ou civils.

Dire que le tout est parfaitement intégré dans une structure de sécurité intérieure harmonieuse, où tous les intervenants savent exactement ce qu'ils doivent savoir et comprennent exactement leurs responsabilités, serait de l'exagération, qu'il s'agisse du Canada ou des États-Unis. Il reste encore du travail à faire.

Le sénateur Day: On peut supposer que le gouverneur Ridge s'attaque au même problème aux États-Unis.

Lgén Macdonald: Oui et je ne l'envie pas. D'innombrables organismes s'occupent, d'une façon ou d'une autre, de la sécurité intérieure et la coordination qui s'impose est une entreprise gigantesque. Le département de la Défense américain n'est qu'un élément parmi tant d'autres dont il doit se préoccuper.

Le sénateur Day: Êtes-vous le principal interlocuteur canadien dans les discussions concernant le Commandement du Nord et le rôle des militaires au-delà du NORAD?

Lgén Macdonald: Je ne dirais pas que je suis l'interlocuteur principal, mais je participe très certainement aux discussions avec M. Ken Calder, notre sous-ministre adjoint, Politiques, et M. Jim Wright, du ministère des Affaires étrangères. Nous formons à trois un groupe de travail de haut niveau qui représente le noyau canadien dans les discussions qui se déroulent avec les États-Unis à notre niveau.

Le colonel Williams préside un groupe de travail qui s'occupe de la plupart des questions de détail et il travaille également avec des collègues américains et des intervenants canadiens pour résoudre certaines des questions de façon plus générale.

Le sénateur Day: Je crois que le Commandement du Nord doit débuter ses activités en octobre. Dans l'éventualité où nous ne parviendrions pas à établir une relation autre que celle qui existe déjà dans le cadre du NORAD, envisagez- vous un changement quelconque dans le fonctionnement de ce commandement?

Lgén Macdonald: Non, je ne l'envisage pas. La fonction du NORAD telle que nous la connaissons actuellement, de même que la relation que nous avons maintenant, resteront essentiellement inchangées.

J'ose espérer que nous arriverons à une certaine entente bilatérale sur certaines des possibilités que nous pourrions explorer avant le 1er octobre. Cependant, cela ne mettrait pas fin aux activités du NORAD.

Le sénateur Day: Pour ce qui est du changement, je pense à la façon de rendre compte, aux chaînes de responsabilité, et à la question du «double chapeau», comme nous aimons décrire les responsabilités additionnelles, distinctes, qu'aurait à assumer le commandant en chef du Commandement du Nord. Cette personne continuerait d'être le commandant du NORAD, mais elle aurait également à porter ces autres responsabilités. Cette nouvelle situation aura- t-elle pour effet de brouiller les chaînes de responsabilité ou ces dernières demeureront-elles identiques?

Lgén Macdonald: J'ai bon espoir qu'elles demeureront les mêmes. Comme vous l'avez si bien souligné, le chef du Commandement du Nord remplira une double fonction, puisqu'il sera également commandant en chef du NORAD. Il ne s'agit pas d'une structure bien différente de celle que nous connaissons à l'heure actuelle vu que le commandant en chef du U.S. Space Command joue également le rôle de commandant en chef du NORAD. De nombreux Canadiens pensent qu'une double fonction dans un contexte militaire dilue en quelque sorte l'autorité et complique le fonctionnement de ce commandement, alors qu'en fait, ce n'est pas le cas.

Lorsque je commandais la 1ère Division aérienne du Canada à Winnipeg, j'agissais également comme commandant Région canadienne du NORAD. Même si j'étais une seule et même personne chargée d'accomplir des missions différentes, souvent avec les mêmes ressources, la distinction entre mes responsabilités dans le cadre du NORAD et mes responsabilités purement canadiennes était très claire.

À bien des égards, on peut dire qu'il y a une possibilité d'effet de synergie dans l'utilisation de nos capacités canadiennes pour les besoins du NORAD et vice versa. Nous ne devons pas présumer qu'un changement dans la structure de commandement aux États-Unis aura nécessairement des répercussions sur notre capacité de continuer à participer au NORAD ni que l'efficacité du NORAD sera compromise de quelque façon que ce soit.

Le sénateur Forrestall: Je voudrais continuer sur la lancée du sénateur Day dans un domaine qui revêt un grand intérêt pour nous tous, à savoir la structure de commandement unifié et son rapport avec tout ce qui pourrait ou non survenir.

Vous avez dit qu'il y avait 80 ententes en matière de défense qui sont en fait des traités, plus de 250 protocoles d'entente et 145 forums bilatéraux dans lesquels il est question de défense. Est-il possible pour notre comité d'examiner ces traités et ces protocoles? Est-il possible d'avoir un seul document qui soit un résumé de tous ceux-ci?

Lgén Macdonald: Je n'y ai jamais pensé, sénateur. Je ne suis pas sûr que nous avons cette information en ce moment même. Une des difficultés, c'est qu'une bonne partie de ces 250 protocoles d'entente ont trait à des questions qui sont assez éloignées du thème principal que vous étudiez ici, à savoir la sécurité nationale. Ces protocoles d'entente portent sur des questions de procédure, d'essai et d'évaluation sur lesquelles nous collaborons avec les États-Unis.

Nous avons une base de données qui se rapporte à ces documents. Si vous le voulez, je demanderai au personnel de voir s'il est possible d'en extraire des données qui vous seraient utiles.

Le sénateur Forrestall: Certains de ces documents sont-ils de diffusion restreinte?

Lgén Macdonald: Je dirais qu'il y a probablement certains protocoles qui ne sont pas accessibles, mais je serais enclin à penser qu'ils sont peu nombreux. Il s'agit simplement d'une impression, car je ne connais pas vraiment la réponse à votre question.

Le sénateur Forrestall: Il est difficile de faire des recommandations utiles ou sensées au gouvernement si les membres du comité ignorent ce qui s'est fait dans le passé. Si nous ne savons pas où nous nous situons, comment pouvons-nous recommander telle ou telle orientation?

Personnellement, je serais très heureux que vous demandiez à votre personnel de donner suite à cette demande et de faire savoir, par écrit, au président ou au greffier de notre comité, s'il est possible d'examiner ces documents. J'aimerais savoir si vous pensez que cette démarche peut nous être utile.

Le sénateur Banks: Lieutenant-général Macdonald, vous avez dit il y a un instant que, d'après vous, certains de ces protocoles ou ententes pourraient ne pas nous concerner. Étant donné que nous nous penchons sur les questions de sécurité et de défense nationale, quel genre d'entente entre les Forces canadiennes et les Forces américaines pourrait ne pas nous concerner?

Lgén Macdonald: Ces ententes portent sur tout ce que nous faisons: procédures d'essai et d'évaluation, conditions d'utilisation d'un champ de tir américain, relations industrielles, procédures d'achat et d'approvisionnement et questions environnementales.

On pourrait toujours prétendre de façon très large que ces questions concernent la sécurité nationale, mais je ne suis pas sûr que toutes ces ententes ont une importance directe sur les questions qui vous concernent spécifiquement. Ce sera à vous de juger et nous mettrons ces ententes à votre disposition pour que vous puissiez vous faire votre propre idée.

J'espère que la base de données du Comité canado-américain de coopération militaire peut fournir l'information que vous recherchez.

Le sénateur Forrestall: Lieutenant-général Macdonald, vous avez parlé dans votre exposé d'un accroissement de la sécurité en Amérique du Nord. Vous avez ensuite brossé un tableau de ce qu'elle pourrait être et ne pas être. Vous avez dit qu'il ne s'agira pas d'une structure permanente de commandement et de contrôle comme le NORAD. J'en déduis que dans le domaine maritime, nous n'aurions pas de direction, que ce soit sur le plan territorial, géographique ou dans l'optique d'une structure de commandement et de contrôle. Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet?

Lgén Macdonald: Comme je l'ai indiqué au sénateur Day, étant donné que les événements dans le domaine aérospatial surviennent très rapidement, nous avons des forces permanentes qui sont affectées au NORAD. Nos chasseurs sont à la disposition du NORAD, puisqu'ils doivent intervenir sur-le-champ, et non pas dans les heures ou dans les jours qui viennent.

Le sénateur Forrestall: Je faisais allusion, par exemple, à l'importation de stupéfiants en Amérique du Nord. Nous sommes très fiers du rôle que jouent nos sous-marins, nos navires et nos aéronefs au chapitre de la répression du trafic des drogues, du suivi, des poursuites contre les trafiquants de drogue. Êtes-vous en train de dire que nous ne serions plus aussi actifs dans ces domaines? Qu'il n'y aurait plus d'échange d'informations aux échelons les plus élevés?

Lgén Macdonald: Ce que je disais, concernant la défense aérospatiale, c'est qu'en raison du facteur temps, la collaboration doit être instantanée. Autrement dit, il ne serait pas nécessaire d'affecter des forces permanentes à la surveillance maritime, pour reprendre votre exemple, au sein d'un commandement de la sécurité nationale. Nous procéderions plutôt à un échange d'informations sur les mesures de surveillance, les menaces maritimes potentielles qui pèsent sur l'Amérique du Nord, qu'il s'agisse d'une menace directe ou d'un présumé contrebandier.

Nous déciderions, de façon bilatérale, des mesures à prendre. Nous déciderions soit d'affecter un avion ou un sous- marin canadien à la veille ou à la réaction contre les menaces, soit de faire appel à la garde côtière ou à la marine américaines.

Nous devons entre autres, dans le cadre de nos discussions, déterminer dans quelle mesure nous voulons resserrer notre collaboration maritime, la régulariser, la restructurer en vue d'assurer notre sécurité mutuelle.

Le sénateur Forrestall: Vous n'êtes arrivé encore à aucune conclusion?

Lgén Macdonald: Non. Nous ne faisons, pour l'instant, qu'explorer les options. C'est le gouvernement du Canada qui prendra la décision finale.

Le sénateur Forrestall: Allez-vous faire des recommandations à ce sujet au gouvernement, avant la mi-octobre?

Lgén Macdonald: Nous espérons que nos discussions et nos échanges avec les États-Unis serviront de guide au gouvernement du Canada, qu'il s'en inspirera pour nous indiquer la voie à suivre. Comme je l'ai mentionné, nous ne sommes pas en négociation avec les États-Unis. Toutefois, nous pourrions l'être si le gouvernement décidait d'approfondir le dossier.

Le sénateur Forrestall: La question de la participation du Canada à la force d'intervention rapide de l'Union européenne me préoccupe. Comment entendons-nous procéder? Est-ce qu'un processus formel a été mis sur pied pour examiner cette proposition? Plus important encore, d'où proviendraient les fonds et les ressources humaines? Sommes- nous en mesure d'y participer? Est-ce que cela aurait pour effet de compromettre l'équilibre auquel nous sommes parvenus au chapitre de l'utilisation des ressources humaines?

Lgén Macdonald: Sénateur, je ne sais pas vraiment où en sont les discussions avec l'Union européenne concernant la force d'intervention rapide. Évidemment, c'est quelque chose que nous examinons. Nous sommes en train d'analyser les possibilités qui s'offrent à nous. Vous avez toutefois bien cerné le problème, à savoir quel impact cette initiative aura-t-elle sur nos ressources? Plus important encore, comment pourrons-nous concilier cet engagement avec nos autres besoins en ressources?

J'ai dit que nos effectifs, à l'heure actuelle, sont utilisés au maximum, compte tenu des opérations de maintien de la paix auxquelles nous participons dans les Balkans, par exemple, et vu que nous devons déployer des forces additionnelles au Moyen-Orient et en Afghanistan. Ces engagements, de même que toutes les autres obligations que nous devons remplir à l'échelle nationale, comme la formation, le maintien de notre état de préparation et de disponibilité, font qu'il serait difficile pour nous d'accepter des responsabilités nouvelles.

Le sénateur Forrestall: Pouvons-nous nous le permettre?

Lgén Macdonald: À l'heure actuelle, nous ne pourrions pas accepter d'engagements additionnels de ce genre sans les échanger contre quelque chose d'autre dans une autre région.

Le sénateur Forrestall: Nous sommes inquiets au sujet de l'état de l'équipement et des forces armées. La question à se poser est celle-ci: êtes-vous capables d'assumer les tâches que le gouvernement vous a confiées? À cet égard, avez-vous quelque chose à nous dire au sujet de l'actuel examen de la défense? Cet examen devrait-il conduire notamment à l'élaboration, non pas seulement d'un livre blanc, mais d'une nouvelle politique en matière de défense nationale, ou suffit-il dans l'état actuel des choses de faire un examen? Un examen devrait-il être fait dans deux ou trois ans? Le temps est-il venu d'élaborer une nouvelle politique en matière de défense?

Lgén Macdonald: Vous m'avez posé une question à laquelle je pourrais répondre longuement, mais permettez-moi de vous donner une réponse plutôt brève aux deux questions.

Le ministre a déclaré publiquement que la mission décrite dans l'actuel livre blanc, qui a été publié en 1994, est probablement du même genre que celle que nous allons poursuivre à plus long terme. Je veux parler de la protection du Canada, de la protection de l'Amérique du Nord et de la participation internationale. Ces trois missions vont demeurer.

Nous allons également continuer d'avoir besoin d'une force apte au combat polyvalente. Nous allons également continuer d'avoir une armée, une marine et une force aérienne d'une certaine envergure. Un examen à grande échelle de la politique de défense serait exclu en raison de certaines considérations. Une mise à jour correspond peut-être davantage à ce que nous avons en tête, ou à ce que le gouvernement peut choisir de faire. Je crois qu'il est important d'en faire une en raison de l'autre question que vous avez mentionnée, à savoir la nécessité d'être capable de faire face à nos obligations.

À l'heure actuelle, nos ressources sont utilisées à leur maximum. Notre problème n'est peut-être pas tant de monter une opération ponctuelle pour une courte période, que de la soutenir à plus long terme. Je parle du soutien du point de vue de l'équipement, comme vous l'avez mentionné, mais aussi du point de vue du maintien de la formation et de l'état de préparation mais, ce qui est peut-être encore plus important, de l'effectif dont nous avons besoin pour le faire. Nous avons eu du fil à retordre avec ce que nous appelons la Fréquence de déploiement du personnel pour ce qui est de recruter des individus, de leur donner la formation dont ils ont besoin pour s'acquitter d'une mission et ensuite de les déployer à l'échelle internationale, le cas échéant, et cela plutôt fréquemment. Bien entendu, il y a un prix à payer. Même si nous sommes en mesure d'effectuer certaines missions ponctuelles, le faire de façon répétée sur une longue période est difficile pour nos militaires et leurs familles.

Le sénateur Forrestall: Plus tôt ce matin, j'ai eu l'occasion de poser au vice-amiral Maddison une question au sujet des réserves. La Chambre des communes est actuellement saisie d'un projet de texte législatif qui, plus tard, sera étudié par le Sénat. Je veux parler du projet de loi par lequel des avantages additionnels ne seraient plus accordés aux réservistes. Je veux parler de l'avantage de la simple protection d'emploi. Le projet de loi exclut les réservistes qui sont en service actif, outre-mer ou à l'étranger. Pourquoi cela étant donné que ces réservistes sont si importants pour nous permettre de conserver même le plus petit semblant de capacité à effectuer un roulement. Pourquoi leur refuser cela? Est-ce un oubli? Un accident? Quelle est l'explication? Pourquoi leur refusons-nous ces avantages?

Lgén Macdonald: Comme vous l'avez signalé à juste titre, les réserves sont un élément essentiel des Forces canadiennes. Nous comptons sur elles pour augmenter notre force régulière de la même façon que nous déployons des membres de la régulière pour assurer une présence dans les communautés de tout le pays et pour contribuer aux questions de sécurité du territoire. Le projet de loi cherche à trouver le juste milieu entre accorder une protection complète aux réservistes pour leurs emplois sur une base régulière ou de permutation et une protection dans des circonstances extrêmes. C'est là où le gouvernement a mis l'accent. Il s'agit de trouver un équilibre permettant de ne pas pénaliser le réserviste dans son emploi civil et d'encourager les employeurs à engager des réservistes. Si nous avons une politique rigide qui stipule que nous allons protéger les réservistes, alors chaque fois que nous leur demandons de faire quelque chose, cela peut compromettre leur capacité de se trouver un emploi civil et de le conserver; ou cela décourage les employeurs civils d'engager un réserviste.

Le gouvernement a décidé d'assurer cette protection de façon plus spécifique. En cas d'urgence déclarée, cette protection de l'emploi sera invoquée, mais seulement dans le cas où c'est considéré comme une urgence.

Nous avons établi le Conseil de liaison des Forces canadiennes auquel peuvent participer les employeurs de leur plein gré pour comprendre les pressions auxquelles sont soumis les réservistes qui travaillent pour eux. Nous les encourageons à se renseigner davantage sur le rôle joué par les réservistes. Nous avons réussi à obtenir ce que nous voulions pour permettre aux réservistes de s'absenter du travail pour suivre leur formation et leur déploiement sans compromettre leurs emplois.

Le sénateur Forrestall: Nous avons parmi nous un expert qui pourrait peut-être aborder cette question.

Je trouve cela très regrettable. J'imagine que la même réponse ne vaut pas pour ce qui est des raisons pour lesquelles nous n'avons pas étendu, en droit, la protection des réservistes au combat dans une zone de guerre. Pourquoi n'avons- nous pas amendé les règlements pertinents et accordé ces avantages additionnels et cette protection à ces hommes et à ces femmes? Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à cette question. J'espère cependant qu'elle ne recevrait pas la même raison négative que vous venez tout juste de me donner. Assurément, il existe une raison positive de le faire, et une bonne. Le cas échéant, j'aimerais l'entendre.

Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir aux discussions que nous avons eues plus tôt concernant la défense de l'Amérique du Nord dans le contexte nord-américain. Je sais que dans ses commentaires, le président américain envisageait d'inclure le Mexique et certaines îles du Sud. Comme pays, nous devrions nous préoccuper de la défense et de la sécurité du Canada et de notre nordicité.

Les négociations et les discussions que vous avez maintenant avec les Américains semblent adopter une approche plutôt diluée à la défense du Nord. Suivrez-vous les directives du ministre, ou est-ce quelque chose que vous faites en collaboration avec les militaires américains?

Lgén Macdonald: Sénateur, nous suivons la directive que M. Eggleton, notre ministre, nous a donnée, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères. Après un premier entretien avec le secrétaire Rumsfeld en novembre, notre ministre lui a envoyé une lettre en décembre pour que nous comprenions bien nos préoccupations mutuelles. Notre travail pendant l'automne et depuis a été accompli étant en gardant à l'esprit le fait que nous discuterions des problèmes de façon bilatérale pour exploiter ou trouver des occasions nous permettant de mettre davantage l'accent sur la sécurité du territoire.

Le sénateur Wiebe: Ces directives donnent-elles à la marine la souplesse nécessaire pour explorer des arrangements de travail semblables à ceux dont dispose la force aérienne actuellement en vertu de NORAD?

Lgén Macdonald: Ce serait exagéré de dire que nous avons demandé à disposer d'un équivalent de NORAD pour la marine et l'armée de terre, mais nous avons certes discuté des façons dont nous pourrions accroître notre sécurité du point de vue terrestre et maritime.

Plus tôt, en réponse à une question du sénateur Forrestall, j'ai mentionné que les deux pays ont établi une étroite relation de travail pour les accès maritimes. Nos marines collaborent de près et disposent de procédures communes et sont capables de communiquer avec efficacité, mais cela ne suffit pas pour brosser un tableau des menaces possibles, pour échanger des renseignements, pour décider comment traiter des incidents spécifiques quand ils surviennent, pour décider comment répartir la charge de travail et comment coopérer avec la Garde côtière et la marine. C'est une occasion que nous pouvons explorer. Nous ne nous attendons pas à obtenir l'équivalent de NORAD, parce qu'il s'agit d'une structure de commandement et de contrôle plus robuste qui repose sur l'instantanéité des opérations aérospatiales. Cela pourrait être fait de façon plus systématique, à savoir que chaque pays pourrait décider comment traiter un incident selon la procédure préétablie que nous aurions négociée avec les États-Unis.

Chaque région est différente. L'Atlantique diffère du Pacifique, et chaque élément des Forces canadiennes et du ministère de la Défense des États-Unis est différent. On ne traite pas l'aviation de la même manière que la marine ou l'armée.

Le sénateur Wiebe: Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord avec vos commentaires sur l'urgence et la nécessité d'arrangements semblables à NORAD pour notre marine. Je crois que NORAD a montré à tous les Canadiens qu'il donne d'excellents résultats et que, en vertu de cette entente, notre souveraineté est assurée. Je crois que la raison pour laquelle le ministre prend des précautions dans les directives qu'il vous a données, c'est qu'il a l'impression que quelqu'un va s'écrier: «Nous allons perdre notre souveraineté si nous concluons plus d'ententes avec les Américains».

Nous avons montré que cela peut être fait avec NORAD. Je crois que nous pouvons le faire aussi avec notre marine. La plus grande menace pour notre pays aujourd'hui ne vient pas des airs, mais de nos ports et de nos côtes. Qui y joue le plus grand rôle? C'est notre marine. Elle devrait travailler en collaboration avec la marine américaine, tout comme nous le faisons à NORAD.

Pour prendre un exemple tiré par les cheveux, supposons qu'un sous-marin se trouve au large de nos côtes, et qu'il y ait un navire que nous estimons dangereux pour notre sécurité. Les Américains y ont également un sous-marin et ils remarquent la menace. Il y a un manque de communication parce que nous ne disposons pas d'un plan d'action rigoureux comme dans le cadre de NORAD. Nous courons le risque non seulement de perdre le navire, mais également de perdre notre sous-marin si les Américains ne savaient pas qu'il était là. Dans le cadre de NORAD, un tel problème n'existerait pas.

J'espère que ces discussions ont lieu avec les Américains. Je peux concevoir qu'il y ait des problèmes à jumeler des forces armées parce qu'il s'agit de troupes terrestres, mais quand il s'agit de la sécurité et de la souveraineté de notre pays, nous pouvons y arriver de cette façon.

Avez-vous la liberté d'explorer des choses de ce genre, de faire des recommandations au ministre, ou devez-vous vous en tenir aux lignes directrices?

Lgén Macdonald: Nous avons discuté de ce genre de chose avec les Américains. Nous sommes tous préoccupés par la sécurité maritime, le fait que nous ne pouvons vraiment inspecter qu'un très petit nombre des conteneurs qui entrent dans chaque pays et le vaste potentiel d'une menace venue des mers.

Quand j'ai parlé de l'instantanéité ou de l'urgence du problème, je parlais d'un point de vue tactique. Dans le cas de l'aviation, il se peut que vous deviez répondre en quelques minutes à ce que vous décelez soudainement sur vos écrans radars, alors que dans la marine, il est probable que, en comptant sur des renseignements et des capacités de surveillance appropriés, vous puissiez suivre à la trace une menace potentielle pendant une assez longue période et que vous ayez le luxe de pouvoir décider de la façon dont vous allez y faire face sans avoir à y répondre en quelques minutes.

De ce fait même, vous avez raison. Quand vous avez identifié une cible ou une menace qui nécessite un plus ample examen, vous devez disposer de règles, de protocoles et de guides de procédures pouvant être utilisés de façon uniforme par les deux pays. Vous devez pouvoir communiquer en quoi consiste la menace, où elle se trouve et comment nous allons procéder d'après un quelconque plan d'urgence. C'est de cela qu'il s'agit — trouver une façon plus formelle d'exploiter l'étroite collaboration entre nos deux marines d'une façon qui permettra de régler de façon plus efficace les problèmes de sécurité du territoire.

Le sénateur Wiebe: Pourquoi devons-nous réinventer la roue alors? Nous disposons déjà avec NORAD d'un système qui donne de bons résultats, et je suis certain qu'on pourrait appliquer le scénario de NORAD pour l'aviation à notre défense maritime. Pourquoi ne le faisons-nous pas? Nous pourrions dépenser des millions de dollars à essayer d'imaginer une autre façon de faire la même chose quand nous disposons déjà des lignes directrices. Cela explique ma frustration, quand je vois ce qui se passe.

Lgén Macdonald: Je conviens certes que nos 44 années à NORAD nous ont donné énormément d'expérience sur la façon d'aborder ce genre de situation. Appliquer directement cette expérience dans un contexte maritime ou terrestre est cependant beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Reproduire bon nombre des procédures, des communications et des protocoles que NORAD a établis entre le Canada et les États-Unis est beaucoup plus facile à dire qu'à faire.

Les autorités nationales de commandement, l'idée de surveillance et de riposte, l'idée de combiner des données pour déterminer en quoi consiste une menace particulière, élaborer les règles pour traiter différents types de cibles qui pourraient surgir sur notre écran de surveillance, définir des secteurs de responsabilité et des règles d'engagement. Ce sont là toutes de grandes leçons que nous pouvons tirer de NORAD. Cela équivaut-il alors à une structure de contrôle et de commandement en place qui traite spécifiquement de ces questions? Cela équivaut-il à des forces permanentes qu'il faut déployer à court préavis pour faire face à ces menaces, ou cela peut-il être fait en faisant intervenir moins de ressources? Cela peut-il être fait en élaborant des protocoles et des plans d'urgence qui indiquent comment traiter ces menaces, et puis, en cas d'événements particuliers, en discutant de la façon dont nous allons procéder dans ce cas précis? Avez-vous besoin du niveau de préparation élevé et coûteux que NORAD peut vous donner, ou pouvez-vous vous contenter de quelque chose de plus habituel dans le contexte d'un événement maritime?

Le sénateur Wiebe: Je ne veux pas prendre trop de temps, mais c'est quelque chose que je trouve très important.

Encore une fois, nous disons que cela va coûter moins d'argent si nous ne posons pas trop d'exigence. Tout le problème avec nos forces armées tient au fait que nous avons abordé chaque question en voulant dépenser le moins possible.

Au Canada, nous devons commencer à voir plus grand quand il s'agit de la défense de notre pays. Dieu merci, nous continuons de voir grand avec NORAD. Ce dernier n'exerce pas une pression financière indue sur le contribuable de ce pays. Nous avons une occasion de voir grand pour ce qui est de la défense de nos côtes, qui sont exposées à une menace aussi grande que n'importe quoi que j'ai mentionné plus tôt. Pourquoi envisageons-nous même de voir petit? Nous devons mettre en place ce dont nous avons besoin pour défendre nos côtes. Une fois ces moyens en bonne et due place, nous gagnerons la confiance des contribuables qui diront que nous faisons ce que nous devons faire. Ça va marcher. Ce n'est pas à sens unique. Nous devons vendre cette idée non seulement aux gouvernements, mais également aux contribuables. La meilleure façon de la vendre au gouvernement est de la vendre aux contribuables. Je n'aime pas que nous fassions les choses à moitié quand nous avons déjà mis au point quelque chose qui a parfaitement marché dans notre cas et pourrait être appliqué ici également.

Il s'agissait davantage d'un commentaire que d'une question. J'ai quelques questions sur un sujet différent, mais je vais attendre le deuxième tour.

Lgén Macdonald: Dans l'armée, il nous arrive fréquemment de devoir analyser la menace. Nous devons nous servir de tous les renseignements dont nous disposons pour procéder à cette analyse et la projeter dans l'avenir. Au bout du compte, il nous faut identifier la menace, le délai dans lequel nous devons y faire face et quelles options s'offrent à nous. À cette étape-là, en fin de compte, vous mettez en balance l'efficacité opérationnelle et les ressources à votre disposition. Nous faisons cela chaque jour.

Nous essayons continuellement de trouver moyen d'extraire la plus grande capacité de défense avec les ressources financières dont nous disposons. Cela n'est pas différent dans ce cas-ci.

Le sénateur Banks: Je vais continuer dans la même veine que le sénateur Wiebe. Il est important que les Canadiens comprennent quand il existe une véritable menace à notre souveraineté. Vous savez mieux que nous, j'en suis persuadé, que pour bien des Canadiens, la possibilité d'une intégration, quel que soit son sens, est synonyme de perte de souveraineté.

Je suppose que vous vous intéressez à l'histoire militaire en ce qui concerne le Canada. Je ne prétends certes pas être un grand connaisseur, mais l'expression la plus évidente, la plus importante et la plus significative de notre souveraineté, appliquée à la force armée, a toujours résidé dans un effort intégré. Pouvez-vous penser à un cas où le Canada a déclaré la guerre à une autre nation tout seul depuis 1812? Même alors, c'était vraiment les Britanniques.

Au plus fort de l'expression de notre souveraineté nationale, nous sommes toujours partis en guerre de concert avec d'autres. Le plus souvent, lors de ces événements — qui, dans une certaine mesure, nous ont définis — nos forces ont été placées sous le commandement opérationnel d'officiers d'autres forces. Lors de la Première Guerre mondiale, c'était le général Hague; lors de la Seconde Guerre mondiale, quand nous avons été attaqués à Juno Beach, nous étions sous le commandement du général Eisenhower. Cela semble avoir accru notre réputation dans le monde, non pas le contraire. Voyez-vous les choses de cette façon?

Lgén Macdonald: Concernant cette question de la sécurité nord-américaine, M. Manley a récemment déclaré que la coopération avec les États-Unis en matière de sécurité continentale ne constitue pas une abdication de la souveraineté, mais plutôt un exercice de souveraineté.

Quand les gens parlent d'une intégration des forces, ils supposent immédiatement que cela signifie, dans ce contexte, que toutes les Forces canadiennes relèveront tout à coup du commandement d'une autorité américaine — à savoir, un officier général des États-Unis. En outre, ils supposent que nous devrons renoncer à intervenir sur le plan international parce que nous nous serons engagés et que nous perdrons la prérogative de définir la façon dont nos forces sont employées. Comme vous l'avez indiqué, cela n'a pas été le cas dans le passé, ni ne le sera dans l'avenir.

Toute discussion que nous avons dans le contexte d'une participation à notre défense mutuelle avec les États-Unis consistera à conserver notre souveraineté pour nous assurer que nous gardons le plein commandement de nos forces, à décider de la façon dont elles seront employées, de leur nombre, du moment où elles le seront et en vertu de quelles règles d'engagement. Nous conserverons tout cela. Il n'y a pas de perte de souveraineté dans ce contexte.

Comme vous l'avez indiqué, notre histoire ne manque pas d'exemples de cas où nous avons collaboré avec d'autres partenaires de coalition ou nos alliés et avons maintenu notre prérogative nationale et notre souveraineté de même que le commandement de nos forces. Cela n'a rien de différent.

Ceux qui sautent à la conclusion que nous perdons en quelque sorte le contrôle ou le commandement de nos forces ou que nous compromettons notre souveraineté interprètent mal nos intentions.

Le sénateur Banks: À cet égard, je suis heureux de vous dire que lorsque nous nous sommes rendus à Washington rencontrer nos homologues américains, chaque fois qu'il a été question d'interopérabilité et d'intégration — et c'était très fréquemment — notre président s'est empressé de préciser qu'il était entendu que, comme cela avait toujours été le cas, la participation canadienne était subordonnée à la nécessité de convaincre les Canadiens, et le gouvernement du Canada en particulier, que cela était vraiment nécessaire.

Nous avons rencontré le général Mires, le président des chefs d'état-major combinés, le secrétaire à la Défense Rumsfeld de même que des conseillers principaux du président en matière de sécurité et d'autres. Le secrétaire Rumsfeld en particulier nous a indiqué qu'en ce qui concerne le commandement unifié nord-américain, il rechercherait la contribution du peuple canadien. Cependant, elle ne prendra pas la forme d'une force permanente car, comme vous l'avez dit, une telle chose n'existe pas au commandement unifié. Cela n'existe pas. On fera appel à d'autres forces existantes des États-Unis et du Canada, si nous décidons de participer.

Savez-vous si on a demandé la participation d'officiers canadiens au commandement unifié?

Lgén Macdonald: À vrai dire non. Je reviens aux questions précédentes qui ont été posées au sujet de notre opération éventuelle en ce qui concerne les opérations maritimes. En pareil cas, il faudrait sans doute avoir un centre de coordination ou un lieu où l'on élabore la planification et où l'on tient les discussions qui éventuellement aboutiront aux conclusions auxquelles on sera arrivé. On aurait sans doute besoin d'un personnel intégré ou d'une cellule combinée où les Canadiens et les Américains pourraient ensemble mettre ces choses au point, probablement de façon permanente, et en assurer la gestion.

On n'a pas eu de discussions précises quant aux participants éventuels ou au lieu de leurs réunions. On ne nous a pas invités directement à faire partie du NORTHCOM proprement dit. Le NORTHCOM est un commandement unifié américain et il serait pas mal extraordinaire que nous y participions directement. Il n'en est pas question pour le moment.

Le sénateur Banks: Il importe que les Canadiens sachent que des commandements unifiés existent dans toutes les régions du monde. Il y a des commandements unifiés en France, ce qui ne veut pas dire qu'ils se chargeront de la défense de la France par eux-mêmes nécessairement.

Veuillez s'il vous plaît nous parler du commandement maritime. Il existe une grande interopérabilité entre la marine canadienne et la marine américaine en ce qui concerne la flotte atlantique. On nous dit que l'on peut mettre en place cette interopérabilité très rapidement. On nous dit aussi que cela se passe fréquemment.

N'est-il pas vrai qu'il existe un accord Nord Atlantique qui est en vigueur même si ce n'est pas au niveau du NORAD, en vertu duquel les marines canadienne et américaine collaborent à bien des projets de façon permanente?

Lgén Macdonald: Vous avez parfaitement raison de dire qu'il existe une forte interopérabilité qui permet à nos navires canadiens, par exemple, de participer directement avec des navires américains à des manoeuvres et des exercices. Nous pouvons essentiellement remplacer un navire américain dans bien des cas. Ce n'est pas une extension de leurs moyens; ils peuvent en réalité s'en passer. Ce n'est pas un état de choses qui est propre uniquement au littoral atlantique, cela se produit également dans le Pacifique.

De multiples occasions s'offrent à nous. Nous participons à l'OTAN. Nous sommes tenus de participer aux exercices sur le littoral atlantique, dans le cas de l'OTAN, pour assurer cette interopérabilité. Cette capacité nous a permis de participer dans certaines zones créneaux avec les forces maritimes.

Voilà qui est encore plus évident dans le contexte des opérations auxquelles nous participons dans la mer d'Oman et dans le golfe persique avec les Américains. Nous sommes en mesure de collaborer avec eux sans compromettre aucun de leurs moyens et certainement en les renforçant.

En fin de compte, cette tâche s'est révélée positive. Nous aimerions la poursuivre et elle pourrait être élargie pour prendre un caractère plus officiel dans le contexte des approches maritimes actuelles de l'Amérique du Nord et des efforts pour assurer la sécurité du territoire.

Le sénateur Banks: Les opérations dans la mer d'Oman dont vous avez parlé ont été décidées par le gouvernement. En ce qui concerne l'OTAN, lorsque la flotte canadienne, ou certains de ses éléments, participe à des opérations ou à des manoeuvres dans l'Atlantique, dans la majorité des cas j'imagine ces opérations relèvent du contrôle des amiraux américains. Est-ce exact?

Lgén Macdonald: Ça change. Nous parlons en réalité de «contrôle opérationnel» et «commandement opérationnel». En ce qui concerne la force navale permanente de l'Atlantique, nous patrouillons aux côtés de nos alliés les eaux de l'Atlantique Nord. Il y a un commandement dans la Méditerranée auquel nous avons participé.

Parfois, c'est nous qui commandons la force navale permanente; parfois pas. Il y a un roulement. Nous fonctionnons directement en réponse à d'autres commandants, et ils font de même envers nous, conformément à l'entente.

Le sénateur Banks: Ai-je raison de dire que, lorsque nous opérons sous le contrôle opérationnel de quelqu'un d'autre, cela n'a pas jusqu'à maintenant nuit à notre souveraineté?

Lgén Macdonald: Ça n'a jamais été le cas. Les ententes de contrôle opérationnelles que nous avons conclues avec les Américains dans le nord de la mer d'Oman et en Afghanistan en sont un parfait exemple. Nous maintenons un commandement total sur les opérations de nos forces. Nous décidons dans quels combats elles seront déployées et à quelles missions précises elles participeront, ainsi que leur nombre et la durée de leur mission. Notre souveraineté n'est compromise en aucune manière pas plus que notre décision en ce qui concerne le rôle de nos troupes.

Le sénateur Banks: D'après vous, lorsque nous participons au genre d'activités dont a parlé le sénateur Wiebe, concernant nos homologues américains, nous ne mettons pas notre souveraineté en péril. C'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas?

Lgén Macdonald: Tout à fait. Nous ne compromettons pas notre souveraineté ni notre liberté d'action dans toutes les interventions dont nous parlons, comme ce fut le cas pour le NORAD.

Le sénateur Atkins: J'ai l'impression que vous ne voyez aucune entente que nous pourrions avoir avec le commandement du Nord, qui soit susceptible de menacer notre souveraineté?

Lgén Macdonald: Pas du tout, sénateur. Les problèmes véritables en matière de souveraineté consistent à savoir si le Canada perdra la possibilité de faire ses propres choix, ou si notre sécurité sera moindre en quelque sorte de ce qu'elle était auparavant, ou si elle échappera à notre contrôle ou influence immédiat. Ce n'est pas le cas avec le NORAD et je ne pense pas que ce sera le cas à l'avenir.

Le sénateur Atkins: N'êtes-vous pas d'avis que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas participer aux discussions?

Lgén Macdonald: Personnellement je suis d'accord avec M. Manley lorsqu'il dit que lorsque nous participons aux discussions qui se rapportent aux questions de sécurité du territoire, nous exerçons en réalité notre souveraineté.

Le sénateur Atkins: Nous avons un gros intérêt dont tout ce qui touche l'Amérique du Nord. En n'y participant pas, nous serions très vulnérables.

Au cours de notre voyage à Washington, nous avons certes eu l'impression que les Américains n'hésiteraient pas à faire ce qu'ils jugeaient nécessaire, même sans notre participation. Je dirais qu'il est plus logique pour nous, si on le peut, de participer à ces discussions.

Vous avez lu notre rapport et nos recommandations. Je suis curieux de connaître votre réaction aux recommandations voulant que l'on augmente le budget de la défense de 4 milliards et que l'on porte le nombre des militaires à 75 000. Quelle a été votre réaction à notre rapport? Êtes-vous d'avis que vous pourriez utiliser ces fonds si vous les aviez?

Lgén Macdonald: Avec votre permission, je vais répondre à vos premières observations avant de répondre à la question précise.

Nous devons tous comprendre que le terrorisme nous menace tous. Il n'est que normal de continuer à collaborer avec les États-Unis pour trouver des moyens d'améliorer notre sécurité en tant que partenaires lorsque, en fonction de nos intérêts réciproques, il est sensé de le faire.

M. Graham, notre ministre des Affaires étrangères, a dit qu'il est important de participer à la décision de ces questions. Ce sera au gouvernement de décider dans quelle mesure nous y participerons.

Nous avons examiné vos recommandations relativement à l'augmentation du personnel militaire et des dépenses en capital. Il n'y a pas un seul officier, qui dirait non si on lui demandait s'il aimerait avoir un supplément de ressources.

Les grands systèmes d'armement et les programmes d'immobilisations dans un contexte militaire ne sont pas simples à réaliser. Ce sont des sujets très complexes. Il faut du temps pour établir les besoins et la façon d'y répondre. On ne peut pas obtenir des programmes d'immobilisations importants du jour au lendemain. On peut certes, sur une certaine durée, en arriver à un point où l'on peut maintenir un niveau assez élevé de dépenses en capital.

Le niveau de nos dépenses en capital est insuffisant si nous devons assurer notre existence indéfiniment. Voilà qui se rattache à la question antérieure à laquelle j'ai répondu au sujet de notre aptitude à prendre des engagements que l'on puisse mener à bien sur une certaine durée et sur la façon dont une actualisation des ressources de la défense pourrait régler cette situation.

Pour ce qui est du nombre de nos militaires, là encore, la plupart vous répondrez que nous aimerions accroître leur nombre, mais nous ne devons pas oublier qu'il est nécessaire d'harmoniser le nombre des militaires avec l'équipement, le niveau d'activité, la formation offerte et l'infrastructure actuelle. Décider d'un niveau de ressources humaines et procéder à partir de là est une façon de s'y prendre. En fin de compte il faut veiller à ce que tous ces facteurs, soient équilibrés et que notre budget de défense nous permette d'engager des dépenses dans ces domaines variés de façon à ce que la défense soit le mieux en mesure de s'acquitter de sa tâche sans manquer ou avoir un surcroît de matériel ou de personnel.

Nous avons très bien réussi ces dernières années à mettre tous ces facteurs en équilibre. En fin de compte, on a éprouvé certaines difficultés lorsqu'il a fallu s'acquitter d'un engagement comme en Afghanistan par exemple.

Le sénateur Atkins: Nos forces ont fait un travail remarquable. Quiconque comparaît devant nous fait valoir le même argument, à savoir qu'on tire trop sur la corde. La majorité du montant de 4 milliards pourrait être investie dans des ressources humaines dès le départ. Il faut peut-être sept ans pour fabriquer un hélicoptère mais cela n'enlève rien à la valeur des investissements en ressources humaines.

Si l'on devait répondre à un autre engagement dans le commandement du nord, cela épuiserait encore nos ressources militaires à moins que nous ne prélevions du personnel d'autres lieux d'opérations auxquelles nous participons. D'après moi, nous n'avons pas le choix et nous devons affronter certaines des réalités qui nous confrontent.

Si nous devions participer au Commandement du Nord est-ce que cela serait une énorme ponction sur nos ressources?

Lgén Macdonald: Bien franchement non. De toute évidence notre engagement envers le NORAD est permanent. Les discussions que nous avons eues se rapportaient à d'autres domaines dont j'ai parlé plus tôt, tels que la surveillance maritime, l'échange d'information etcetera. Le fait que nous n'avons pas l'intention d'engager des forces permanentes pour s'acquitter de ces tâches, mais plutôt d'affecter les forces actuelles à des tâches différentes si vous voulez lorsque le besoin s'en fera sentir, n'imposerait pas un fardeau excessif à nos ressources mais peut-être à notre état de préparation et à la formation que nous devrons peut-être assurer d'une façon différente.

C'est certes un meilleur investissement que d'envisager de l'assurer par nos propres moyens. Le NORAD l'a prouvé. Notre engagement envers le NORAD a été de l'ordre de 10 p. 100, à 5 p. 100 près, tiré de la participation proportionnelle que nous contribuerons aux ressources globales du NORAD. L'avantage que nous avons retiré, sur le plan de la sécurité nationale, de cette contribution relativement minime en comparaison de celle des États-Unis, est phénoménal. J'oserais croire qu'une contribution relativement faible à la sécurité du territoire, sous une forme plus importante, pourrait être aussi avantageuse.

C'est une chance énorme à saisir. Le fait que nous ne parlons pas de forces permanentes et d'engagements exigeant un état de préparation permanent chaque jour minute par minute devrait nous permettre de nous en acquitter moyennant une augmentation marginale de ressources.

Le sénateur Banks: Vous parlez d'investissement. Vous, messieurs, savez que nous avons intercédé en votre faveur pour obtenir plus de fonds pour les forces armées parce que nous estimons que c'est nécessaire. Cependant, à l'occasion nous tombons sur un bec. Avant d'abandonner le sujet et de revenir aux autres questions du sénateur Atkins, j'aimerais que vous nous donniez votre avis, et peut-être nous mettre en garde à propos de la planification relativement aux acquisitions de capital.

En 1991, je crois bien, les forces armées ont acheté un système de communications par satellite, au montant de 173 millions de dollars, aux fins de communiquer avec les forces déployées. Il s'est révélé trop coûteux à faire fonctionner et il est actuellement désuet. Quoi qu'il en soit, on ne s'en sert pas. Je crois comprendre qu'on va le mettre en veilleuse et qu'il finira peut-être à la ferraille ou pire. Vous arrive-t-il souvent de faire de telles erreurs en matière d'acquisition, ce genre d'erreurs de planification? Cela dénoterait à mon avis un manque de prévoyance. Nous savons tous avec quelle vitesse fulgurante le choc du futur a dépassé l'acquisition de notre équipement technique. Doit-on craindre de voir se répéter le manque de prévoyance dont on a fait preuve en achetant ce système dont on s'est jamais servi, et qui désormais n'est plus utilisable?

Lgén Macdonald: Je fais grande confiance à notre système d'achats. Cela dit, il fonctionne plus lentement qu'on ne le souhaiterait. Nous aimerions accélérer le calendrier à partir du moment où l'on établit les besoins et celui où le matériel est en état de fonctionner.

En ce qui concerne les projets liés à la technologie de l'information, les exigences sont très élevées à cause de la vitesse à laquelle les changements de générations surviennent. Si l'on n'est pas prudent, trois ou quatre générations de la technologie de l'information peuvent avoir lieu au cours d'un programme.

Le programme précis dont vous avez parlé, le système de communications à très longue portée, a été victime des circonstances et du cycle d'achats qui nous est propre. Si on pouvait revenir en arrière et examiner chaque décision qui a été prise à son égard, on conclurait je crois que c'était la meilleure décision à l'époque, étant donné l'information dont on disposait. En fin de compte, la technologie a été remplacée par une autre que l'on pouvait se procurer dans le commerce et qui était moins chère et plus facile à utiliser. Étant donné qu'il fallait mettre cette capacité sur le terrain, et la difficulté que nous avons eue avec le plan initial, nous avons acheté les systèmes commerciaux et nous en sommes servis.

Ils ne sont pas aussi résistants que le modèle initial. Ils n'ont pas la même largeur de bande et la capacité qu'avait le modèle initial. Mais ils nous fournissent un système que nous pouvons utiliser, ce que l'on voulait avant tout à ce moment-là. En fin de compte, il s'est révélé que c'était une décision mal inspirée lorsqu'on songe à ce qui s'est produit au cours des six ou sept années depuis que le besoin de ces systèmes avait été établi. Cependant, il s'agit là d'une exception.

Le sénateur Banks: Est-il moins vraisemblable que vous répéteriez ce genre d'erreur de procédure?

Lgén Macdonald: Je crois que nos opérations se déroulent de façon rigoureuse. Nous examinons les risques plus objectivement que nous ne le faisions par le passé. Nous tâchons d'évaluer le risque en matière de temps et de coût, ainsi que le risque technologique de tout ce que nous entreprenons d'une façon plus astucieuse et plus analytique. Il n'y a certes aucune garantie que nous pourrons totalement éviter ce genre de décision. Essentiellement, nos procédés sont meilleurs ce qui les rendrait moins vulnérables à ce genre de décision, étant donné que celle dont nous parlons était, à bien des égards, une question de circonstances.

Le sénateur Banks: Disons, pour simplifier à l'extrême et pour être juste que, lorsque l'on s'est procuré le système qu'on avait commandé, il n'était plus d'actualité. Nous engageons-nous dans la même voie en ce qui concerne les hélicoptères? Il en est question depuis des années. Lorsqu'ils seront livrés, seront-ils utiles et pourront-ils servir?

Lgén Macdonald: Le projet relatif à l'hélicoptère maritime nous procurera une capacité opérationnelle très importante. Tout le système d'armement ne réside pas dans l'hélicoptère ni dans la frégate mais dans leur utilisation conjointe. Nous possédons des frégates qui sont de classe mondiale et qui peuvent exécuter leurs tâches extrêmement bien. Ce qu'il nous faut c'est un hélicoptère qui soit mieux capable d'en être le complément.

Le sénateur Atkins: On nous a dit ce matin que le nombre des CF-18 affectés au NORAD, avait augmenté. Cette décision a-t-elle été prise avant ou après le 11 septembre?

Lgén Macdonald: Cette décision a été prise le 11 septembre. Nous avions un engagement permanent, je le répète, en ce qui concerne nos forces d'alerte permanentes sur une base quotidienne. Le 11 septembre, nous l'avons porté à un niveau supérieur. Nous avons maintenu non pas ce niveau plus élevé mais un niveau légèrement réduit depuis lors. Il demeure plus élevé qu'il ne l'était à l'origine.

Le sénateur Atkins: Cela prouve que le système de commandement peut fonctionner.

Lgén Macdonald: C'est ce que je dirais bien sûr.

Le président: Lieutenant-général Macdonald, de quel mécanisme disposez-vous à l'heure actuelle avec les Américains pour coordonner l'activité navale sur chaque côte en matière de défense du territoire?

Lgén Macdonald: Nous échangeons des renseignements en matière de surveillance maritime. Évidemment, étant donné la liaison qui se produit sur le plan des opérations entre nos deux marines, il existe une sorte de niveau ponctuel de collaboration et de compréhension.

Nous n'avons pas ce que j'appellerais une vue coordonnée de l'information disponible, un tableau des opérations communes de telle ou telle marine à un moment donné. Nous n'avons pas non plus établi les différences qui existent entre le Canada et les États-Unis en matière de leurs responsabilités relatives concernant la Garde côtière et la marine militaire. Il y a quelques différences de part et d'autre et il va falloir en arrêter les détails.

Le président: Avez-vous dit qu'un personnel canadien à plein temps serait affecté à la coordination des activités avec le CEC du Commandement du Nord?

Lgén Macdonald: Non, monsieur le président. Si je l'ai dit, ce n'était pas mon intention. Quand j'ai parlé d'un personnel à plein temps, j'ai dit que l'une des idées dont on discutait était la possibilité de créer une cellule de Canadiens et d'Américains qui examineraient les questions dont je viens de parler, par exemple, concernant la surveillance et la coordination maritimes. Cette cellule ne serait pas nécessairement rattachée à NORTHCOM ou ne résiderait pas dans un lieu particulier.

La plupart des gens estiment qu'il est nécessaire d'avoir une capacité permanente de coordination, de planification, et d'exercice qui compterait des représentants des deux nations.

Le président: Si j'ai bien compris, vous dites que non seulement nous ne pensons pas affecter un personnel à plein temps pour traiter des questions concernant NOTHCOM mais qu'on envisage même pas un personnel intégré. Est-ce bien cela?

Lgén Macdonald: Je ne sais pas exactement comment répondre à cette question. Je crois qu'une gamme de possibilités s'offre encore à nous.

Oui, nous pourrions affecter un personnel intégré qui ensemble s'occuperait des questions de la sécurité du territoire. Ce serait sans aucun doute un personnel à plein temps. Quant à savoir où se trouverait leur lieu de travail et les modalités de leur tâche ce sont là les détails dont nous discutons actuellement avec les Américains.

Le président: L'information que vous nous avez donnée lors de notre séance d'information, donnait à entendre que la participation canadienne avec les Forces armées américaines passerait des chefs d'état-major au CEC du Commandement du Nord. Dans quelle mesure ce changement affectera-t-il notre influence auprès des Forces armées américaines?

Lgén Macdonald: Lorsque l'on parle de la sécurité du territoire, j'estime personnellement que cette décision va l'améliorer à certains égards. Le changement des chefs d'état-major au Commandement du Nord témoigne du fait que, auparavant, le Canada n'avait aucun commandement. Celui-ci était détenu par le chef de l'état-major interarmes. Le fait que le territoire canadien aux fins des États-Unis, fasse désormais partie du domaine d'intérêt du CEC du Commandement du Nord va nous donner un meilleur point de convergence pour traiter des questions qui préoccupent les Canadiens et les Américains, au lieu de traiter avec l'autorité centrale qui, de toute évidence, s'occupe d'une gamme beaucoup plus vaste de questions.

Le sénateur Forrestall: Lors d'une conférence parrainée de concert par le ministère de la Défense nationale et l'Association des industries canadiennes de défense, intitulé «Air Force Outlook» tenue ici à Ottawa il y a quelques mois, les participants ont appris que les États-Unis, par l'entremise du NORAD, projetaient d'acheter environ 12 nouveaux avions AWACS, dont quatre seraient stationnés en permanence au Canada. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

De même, veuillez nous parler également du plan du NORAD d'acheter un dirigeable stratosphérique, inhabité, basé à demeure et contrôlé à distance pour l'identification aérospatiale d'avions non autorisés.

Lgén Macdonald: À propos de votre première question concernant les AWACS, je ne suis pas au courant. Je n'en ai jamais entendu parler et je soupçonne qu'il s'agit d'un projet que quelqu'un peut avoir formulé mais que personne en position d'autorité n'a approuvé parce que je n'ai jamais entendu parler de cette éventualité.

En ce qui concerne le dirigeable stratosphérique, il s'agit d'une initiative du NORAD qui remonte à deux ou trois ans et qui vise à accroître notre aptitude à surveiller notre espace aérien en Amérique du Nord. Il s'agit soit d'un appareil de démonstration de technologie ou d'un prototype. On projette de construire un dirigeable stratosphérique en modèle réduit capable de transporter un radar et d'autres équipements de communications qui pourraient être positionnés de manière à nous fournir de façon continue une surveillance de notre espace aérien dans une vaste région. La stratosphère est située à environ 730 000 pieds et ce dirigeable pourrait être lancé à cette altitude et être stationné à un endroit particulier ou déplacé ailleurs. Les vents sont faibles dans la stratosphère, normalement de 30 à 40 noeuds, donc on pourra raisonnablement le stationner. Sa longévité serait d'une année et ainsi on pourrait le placer à 70 000 pieds pendant un an et il pourrait assurer une couverture radar à une zone précise.

La technologie n'existe pas encore, mais les divers éléments de celle-ci, oui, et on prévoit construire un dirigeable pour en tester les capacités. NORAD cherche à obtenir des fonds pour le projet. Ils en ont discuté avec les responsables de la R-D au Canada, mais aucun engagement n'a été pris et aucune décision n'a été prise concernant la participation financière du Canada. En tout cas, le projet semble prometteur.

Le sénateur Forrestall: Je vous encourage à y participer.

Le sénateur Day: Je voudrais revenir, brièvement, à ce qui a été dit plus tôt au sujet du contrôle de satellites, un sujet qui a été porté à notre attention par la vérificatrice générale. Je suis content de savoir que des mesures ont été prises pour éviter, autant que possible, qu'un tel problème se produise de nouveau. Nous en avons tiré des leçons et, je l'espère, les forces armées aussi.

Le comité du Sénat — cela doit être évident, d'après nos questions — appuie les hommes et les femmes des forces armées, qui remplissent un rôle important aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Les partisans des forces armées devraient soutenir les efforts de celles-ci au lieu de recourir, comme ils l'ont fait, au sensationnalisme quand la vérificatrice générale a fait état, dans son rapport, de l'existence du problème. Des erreurs sont commises à l'occasion, et nous essayons d'en tirer des leçons. Il y a différentes façons d'attirer l'attention du public sur l'existence de problèmes. Je pense que, en ce qui vous concerne, il y a des enseignements à tirer de cette expérience sur le plan des relations publiques.

Lgén Macdonald: J'en suis certain. Merci de ce commentaire.

Je tiens à remercier les membres du comité de leur appui. Les Forces canadiennes sont fières de ce qu'elles accomplissent. Nous espérons que la mise à jour de la politique de défense nous permettra, au cours des mois à venir, de parvenir à un meilleur équilibre entre les ressources et les capacités. Nous espérons être en mesure de maintenir notre capacité opérationnelle, et de ne pas payer chèrement, en termes d'effectifs, notre participation aux opérations à l'étranger. Nous accomplissons, à bien des égards, de l'excellent travail, même s'il y a toujours place à l'amélioration. Nous vous remercions de l'appui que vous nous avez accordé dans vos rapports.

Le président: Merci d'être venus nous rencontrer ce matin, et merci aussi pour les renseignements que vous nous avez fournis. Nous espérons avoir d'autres occasions de vous rencontrer.

La séance est levée.


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