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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense 

Fascicule 19 - Témoignages (séance du matin)


OTTAWA, le mercredi 14 août 2002

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 9 h 10 pour examiner la nécessité d'établir une politique nationale de sécurité pour le Canada et faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous poursuivons aujourd'hui l'examen de la nécessité d'établir une politique nationale de sécurité, et précisément l'examen des mesures de sécurité à l'aéroport Pearson.

À titre de président du Comité, je vais présenter les membres. La vice-présidence est assumée par le distingué sénateur Forrestall de Nouvelle-Écosse. Depuis sa nomination au Sénat, il a participé à tous les comités sénatoriaux portant sur la défense. Il a eu de brillants états de services à la Chambre des communes de 1965 à 1988. Au cours de cette période à l'autre chambre, il a assumé le rôle de porte-parole du Parti progressiste conservateur en matière de défense. En juin 2000, le sénateur Forrestall a publié un rapport sur la sûreté aérienne et la sécurité.

Le sénateur Jane Cordy de Nouvelle-Écosse a travaillé précédemment dans le domaine de l'enseignement et du service communautaire. Elle a enseigné pendant 30 ans dans les écoles de la Nouvelle-Écosse et s'est distinguée en tant qu'éducatrice sociale. Le sénateur Cordy est également animatrice sociale et fait du bénévolat communautaire dans nombre d'organismes importants tels que Phoenix House, un foyer d'accueil pour jeunes sans-abri, et contribue aussi aux Dartmouth Book Awards.

Le sénateur Atkins, de l'Ontario, est arrivé en 1986 au Sénat ayant très longtemps œuvré dans le domaine des communications. C'est l'un des membres du comité qui a vécu directement l'expérience militaire, ayant servi dans l'armée des États-Unis.

Le sénateur Wiebe est agriculteur en Saskatchewan depuis longtemps et a participé au mouvement coopératif. Il a été élu à deux reprises à l'assemblée législative de la Saskatchewan, dans les années 1970. Plus récemment, il a rempli le mandat de lieutenant-gouverneur de la province de la Saskatchewan. Le sénateur Wiebe s'intéresse particulièrement aux réserves et a été président du Conseil de liaison des Forces canadiennes de la Saskatchewan.

À l'extrême gauche, le sénateur Kinsella du Nouveau-Brunswick est le leader adjoint de l'opposition au Sénat. Nous nous réjouissons de votre présence aujourd'hui, sénateur.

Le sénateur LaPierre est originaire de l'Ontario. Au cours de sa carrière, le sénateur a été constamment présent dans les médias canadiens à titre de journaliste, d'auteur, de rédacteur en chef et de commentateur. Le sénateur LaPierre a obtenu son doctorat à l'Université de Toronto et a été membre du corps professoral de plusieurs autres universités au pays. Il a également été président de Téléfilm Canada et a animé de nombreux forums politiques comme Le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada.

Notre comité sénatorial est le premier à avoir pour mandat d'examiner les thèmes de la sécurité et de la défense. Récemment, nous avons achevé une étude, qui a duré sept mois, sur les questions majeures auxquelles fait face le Canada. Nous avons produit un rapport intitulé «L'État de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense.» Le Sénat nous demande maintenant d'examiner la nécessité d'établir une politique nationale de sécurité. Ce matin, nous nous préoccuperons des mesures de sécurité à l'aéroport Pearson.

Nous avons devant nous M. Art Laflamme, représentant principal de la Air Line Pilots Association. Le capitaine Kent Hardisty, qui doit également se joindre à nous, a des problèmes de vol; toutefois, nous l'attendons plus tard.

Monsieur Laflamme, bienvenue. Avant d'entamer votre témoignage, nous souhaiterions vous faire prêter serment. Je demanderai au greffier intérimaire de bien vouloir s'en charger.

(Art Laflamme, assermenté)

Le président: Monsieur Laflamme, veuillez commencer.

M. Art Laflamme, représentant principal, Air Line Pilots Association, International: Honorables sénateurs, la Air Line Pilots Association, International vous est reconnaissante de l'occasion que vous lui offrez de comparaître devant ce comité. Le capitaine Hardisty vous prie de l'excuser et regrette l'annulation de son vol d'hier qui l'a empêché d'arriver à Ottawa à temps pour l'audience de ce matin. Il vaudrait peut-être mieux ne pas faire de commentaires sur l'industrie aérienne à la suite de cette annulation.

Le président: Savaient-ils qu'il venait?

M. Laflamme: Je ne pense pas qu'il faille y attacher beaucoup d'importance, Monsieur le président.

M. Hardisty est l'un des vice-présidents exécutifs de la Air Line Pilots Association, International et président du conseil d'ALPA Canada. Il est également pilote pour le compte de Air Canada Jazz.

Je suis le représentant principal d'ALPA au Canada. Mes responsabilités comprennent entre autres les affaires gouvernementales et législatives. Je suis également responsable pour le Canada des questions de sécurité à la suite des événements tragiques du 11 septembre.

ALPA représente plus de 66 000 pilotes professionnels répartis dans 43 sociétés d'aviation au Canada et aux États- Unis. À titre de représentant des employés dont la vie même dépend de la sécurité aérienne, ALPA a, depuis sa création en 1931, consacré ses efforts en vue d'assurer la sécurité des voyages aériens. ALPA a constitué une somme importante de connaissances et d'expertise en matière de sécurité aérienne. ALPA a depuis longtemps été l'une des premières à collaborer avec d'autres parties aux États-Unis et au Canada en vue de trouver des améliorations à la sécurité aérienne. Ces efforts ont pris plus d'importance aux cours des derniers mois, à la suite des événements tragiques du 11 septembre.

Notre président, le capitaine Duane Woerth, a dirigé l'équipe d'intervention rapide américaine sur la sécurité aérienne dont le mandat consistait à élaborer des recommandations à l'intention du secrétaire aux Transports, M. Norman Mineta. L'une de ces nombreuses recommandations portait sur le verrouillage et le renforcement des portes du poste de pilotage.

La Federal Aviation Administration des États-Unis a nommé le président du National Flight Security Committee d'ALPA, le capitaine Stephen Luckey, à la présidence d'un comité qui doit examiner les nouvelles technologies de la sécurité. Le capitaine Woerth et d'autres représentants d'ALPA ont témoigné devant le Congrès à plusieurs reprises depuis le 11 septembre. Le 25 juillet 2002, le capitaine Luckey comparaissait devant le comité sénatorial américain sur le commerce, la science et les transports pour débattre de questions de sécurité aérienne. Au Canada, les représentants d'ALPA ont comparu devant le Comité permanent des transports de la Chambre des communes ainsi que devant les comités des finances de la Chambre des communes et du Sénat à propos des questions de sécurité.

Parallèlement, des représentants d'ALPA en matière de sécurité ont rencontré des responsables de la Direction de la sécurité et de la sûreté, Transports Canada à Ottawa, pour discuter de la très importante question de la sécurité aérienne dans notre pays et de l'élaboration d'un nouveau plan de sécurité aérienne.

Les pilotes et le personnel d'ALPA ont participé à un Comité consultatif sur la sécurité aérienne, présidé par M. William Elliot, sous-ministre adjoint de la sécurité et de la sûreté, Transports Canada. Dans le cadre de ce comité, nos deux groupes de travail—celui sur la sécurité des avions et celui sur la sécurité des aéroports—ont fait des recommandations qui sont actuellement entre les mains du ministre des Transports.

Les événements du 11 septembre ont prouvé que les pilotes de ligne avaient personnellement tout intérêt à ce que réussissent l'élaboration et la mise en œuvre de mesures de sécurité aériennes plus musclées. Pour souligner les risques que nous vivons, je voudrais proposer deux questions et leurs réponses: premièrement, des terroristes peuvent-ils s'emparer d'un avion et le forcer à s'écraser sur un immeuble? La réponse est catégoriquement oui. Les avions de transport, que ce soit de passagers ou de marchandises, doivent être considérés maintenant comme de possibles missiles de croisière téléguidés, dans le cas où des terroristes suicidaires s'en saisiraient. Le 11 septembre, les terroristes étaient étonnamment patients, méticuleux et bien entraînés. Ils ont utilisé avantageusement les attaques surprises en n'ayant recours qu'à des armes anodines qui ne seraient certainement pas repérées par les contrôles de sécurité.

Selon eux, l'opération a été couronnée de succès, non seulement en termes de pertes infligées, mais également en ce qui concerne la couverture médiatique mondiale accordée à leur action. L'histoire a montré que les terroristes veulent répéter leurs réussites. Ainsi, nous devons tenir pour acquis que nos ennemis se préparent à attaquer une autre fois un avion de ligne.

Deuxièmement, si des terroristes embarquent à bord d'un avion pour s'en saisir, n'auront-ils pour toute arme qu'un couteau polyvalent comme ils l'ont déjà fait? Probablement pas. L'élément de surprise causé par une attaque au couteau polyvalent s'est estompé maintenant; par ailleurs, les petits couteaux sont confisqués à l'heure actuelle aux contrôles de sécurité. De ce fait, nous devons considérer qu'ils se muniront d'autres armes, dont des armes à feu ou des explosifs placées à l'avance dans l'avion sans être passées par les contrôles de sécurité destinés aux passagers.

Nous avons la mauvaise habitude de nous prémunir contre les dernières atteintes à la sécurité, après le fait. Ce qui revient à fermer la porte de l'écurie une fois que le cheval a été volé. Une vision aussi limitée est téméraire et nous laisse piètrement préparés aux différents types de tentatives de détournement d'avion qui nous attendent. Les terroristes tenteront d'exploiter les maillons faibles du système. Nous devons exploiter du mieux possible nos connaissances, ressources et capacités, pour examiner toutes les menaces potentielles et pas seulement celles des attaques dont nous avons fait l'objet récemment. Je crois que ce comité conviendrait que le Canada doit prendre les mesures nécessaires de manière à éviter d'être perçu comme cible facile des terroristes.

Pour utiliser l'analogie de la pelure d'oignon, chaque couche de l'oignon doit avoir sa défense, depuis le périmètre jusqu'au poste d'équipage même. ALPA est d'avis que l'un des éléments essentiels au bon fonctionnement d'un système de sécurité visant à déjouer les attaques terroristes serait de se préoccuper de contrôler l'accès aux avions — en d'autres termes, seules les personnes clairement identifiées qui auraient une raison d'y être pourraient se trouver à proximité ou dans l'avion, c'est-à-dire le personnel de l'aéroport ou de la compagnie, les membres de l'équipage, les employés de l'entretien ou les passagers. Toutefois, la tendance actuelle est d'assurer la sécurité uniquement par les points de contrôle de sécurité pour les passagers, les membres d'équipages et d'autres personnes qui ont accès à l'avion en passant par des points de filtrage.

On a beaucoup travaillé à améliorer la sécurité à ce chapitre. Nous connaissons tous les mesures de sécurité plus sévères qui ont été adoptées depuis le 11 septembre dernier. ALPA croit toutefois qu'il faut adopter d'autres mesures de sécurité en vue de contrôler l'accès aux avions par d'autres personnes que les passagers et les membres d'équipage. Notre système de sécurité présente toujours des vulnérabilités permettant aux personnes non autorisées un accès relativement facile aux zones réglementées.

Pendant qu'ils attendent en file aux points de filtrage, les pilotes d'ALPA sont étonnés et exaspérés de constater la facilité d'accès à leur avion, facilité qui permettrait des attaques terroristes. Citons entre autres exemples de vulnérabilités: l'accès aux avions de ligne par les bagagistes, les nettoyeurs, les traiteurs, le personnel de l'entretien et de la maintenance, et cetera; des personnes se faisant passer pour des membres d'équipage utilisant des uniformes et des pièces d'identité volés; des personnes se faisant passer pour des agents des forces publiques, notamment pour des policiers armés de la GRC en charge d'assurer la sécurité en utilisant des pièces d'identité falsifiées, l'absence de filtrage de cargaisons et d'employés dans le cas des avions-cargo ou les manutentionnaires de cargaison ou d'animaux transportés sur ces avions, ainsi que dans les cas des avions nolisés et privés pour lesquels l'embarquement se fait à partir de zones aéroportuaires différentes de l'aérogare.

Il devient urgent d'instaurer un système national de carte, sous le contrôle et la surveillance réglementaire du gouvernement du Canada, qui se fonderait sur un médium uniforme, fiable et avancé au plan de la technologie, d'identification des employés et d'autres dans les aéroports, y compris les équipages de passage et même les voyageurs fiables. L'absence d'un pareil système continue de compliquer les initiatives destinées à améliorer la sécurité aérienne.

Nous croyons comprendre que le Canada a déjà examiné la possibilité d'utilisation de cartes à puce dans certains aéroports. Nous avons également été informés du fait que l'Agence des douanes et du revenu du Canada étudie cette technologie en vue de faciliter sa tâche à la frontière et aux points d'entrée.

Plutôt que d'adopter à travers le Canada une approche embrouillée constituée peut-être de systèmes incompatibles qui étoufferaient la libre circulation des biens et des gens, si nécessaire à la prospérité des Canadiens, on a actuellement l'occasion d'adopter une approche nationale coordonnée. Au Canada, ALPA et d'autres organismes équivalents ont tenté à plusieurs reprises, au cours de réunions avec Transports Canada, de discuter de cette question en priorité. Bien que les représentants de Transports Canada aient quelque peu reconnu l'importance de cette question, il ne semble pas qu'une approche coordonnée, opportune, intégrée et prioritaire soit évidente. ALPA croit également qu'il est souhaitable d'adopter au Canada un système national compatible avec tout système semblable qu'adopteraient les États-Unis.

En conclusion, un système de sécurité efficace doit être en mesure d'identifier aussi bien les bagages et objets dangereux que les passagers indésirables et également dangereux. L'objectif des méthodes de vérification devrait passer de la détection d'objets à l'identification de personnes à très haut risque, parallèlement à des technologies d'inspection et d'identification de ces groupes à risque.

Les ressources limitées doivent être axées sur le risque et pas nécessairement sur l'inspection des passagers et membres d'équipage qui ne constituent pas de menace pour la sécurité. Les pilotes, au Canada et aux États-Unis, souhaitent vivement qu'un système soit trouvé leur permettant de monter librement à bord de leur avion, mais en toute sécurité.

Le groupe de travail sur les aéroports mentionné précédemment a recommandé au ministre d'adopter un système de carte universelle d'identité pour remplacer l'actuelle qui s'est avérée à maintes reprises inefficace pour le contrôle de l'accès aux zones réglementées. La nouvelle organisation ferait appel à un médium uniforme, fiable, avancé au plan de la technologie, comprenant l'identification biométrique, surveillée à partir d'un système de gestion central.

Il est essentiel que le Canada mette en œuvre la technologie électronique actuellement disponible pour vérifier avec certitude l'identité de chacune des personnes autorisées qui entre dans une zone réglementée d'un aéroport et qui ne passe pas par un point d'inspection. Le contrôle inadéquat d'une carte d'identification de compagnie d'aviation a permis à un ancien employé suicidaire de faire s'écraser le vol 1771 de la Pacific Southwest Airlines en 1987. Nous savons depuis longtemps que certaines personnes, très certainement des terroristes, volent des uniformes et des pièces d'identité de pilotes. Il est grand temps d'adopter un système empêchant un imposteur d'avoir accès à un avion.

Un macaron bien conçu, fiable, qui contient les renseignements biométriques constitue l'un des meilleurs moyens de faire échec à un terroriste revêtant un uniforme volé et tentant de monter à bord d'un avion après avoir, possiblement, placé une arme à bord. Tous les employés d'aéroports, les agents des forces de l'ordre, les membres d'équipage et ceux devant avoir accès à l'avion devraient faire l'objet d'une inspection électronique et biométrique dès que possible. Il faudrait exiger que tous les aéroports installent des lecteurs de cartes d'identité d'accès aux points de contrôle en vue d'identifier électroniquement tous ceux devant avoir accès aux zones réglementées d'un aéroport et aux avions. ALPA demande que ce comité recommande au gouvernement du Canada d'adopter et de mettre en œuvre en priorité cette technologie par le biais d'une méthode nationale et coordonnée dans tous les ministères, organismes et parties intéressés.

ALPA vous remercie de lui avoir donné l'occasion de comparaître devant ce comité pour lui présenter son point de vue sur cette question capitale. L'association envisage avec plaisir de collaborer avec le Parlement, Transports Canada et d'autres participants du secteur de l'aviation commerciale en vue d'assurer aux Canadiens un système d'aviation sûr. J'aurais plaisir à répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Laflamme, vous avez assez profondément couvert la présentation du capitaine Hardisty. Auriez-vous une objection à ce que nous joignons le texte, en l'état, de cette déclaration au dossier?

M. Laflamme: Pas du tout, sénateur.

Le président: Pourrais-je obtenir une motion du comité?

Le sénateur Wiebe: Je propose.

Le président: J'ai une motion proposée par le sénateur Wiebe à l'effet que le document que nous avons ici soit déposé au dossier. Est-ce convenu?

Des voix: Convenu.

Le président: Est-ce qu'un membre du personnel pourrait copier ce document et le distribuer aux membres du public qui n'ont pas le texte? Ce serait utile.

Monsieur Laflamme, vous vous êtes présenté — je n'irai pas jusqu'à dire de façon sibylline — mais, brièvement, comme étant le représentant principal de la Air Line Pilots Association, International, responsable de la sécurité.

M. Laflamme: Oui.

Le président: Pouvez-vous décrire plus longuement au comité votre expérience? Pouvez-vous parler au comité de votre expérience professionnelle, s'il vous plaît?

M. Laflamme: Oui, monsieur le président, merci.

J'ai récemment pris ma retraite après avoir travaillé au gouvernement pendant 35 ans à titre de pilote militaire et d'enquêteur d'accident. J'ai démissionné de l'armée, en 1981, avec le grade de major pour entrer à Transports Canada à titre d'enquêteur d'accident. Je suis devenu ensuite gestionnaire et cadre responsable de la réglementation de la sécurité de l'aviation au Canada.

Mon dernier poste à Transports Canada a été celui de Directeur général, aviation civile en charge du programme de réglementation de la sécurité de l'aviation, notamment de l'élaboration et de la mise en œuvre de règlements, de l'inspection, de la vérification et de l'application desdits règlements. Cela s'appliquait à tous les domaines de l'aviation, y compris les compagnies aériennes comme Air Canada et des fabricants comme Bombardier ainsi qu'à l'aviation privée et à l'entretien des aéronefs.

Le président: Merci monsieur Laflamme. Nous avons maintenant une meilleure idée de votre expérience.

Le sénateur Cordy: Monsieur Laflamme, pouvez-vous nous parler des vérifications de sécurité par lesquelles doit passer un pilote ou un membre de l'équipage avant d'être engagé?

M. Laflamme: Au Canada, pour pouvoir obtenir une carte autorisant le passage dans les zones réglementées, délivrée par les aéroports mêmes, un membre d'équipage, y compris les deux pilotes et les agents de bord, doivent subir une vérification des antécédents, y compris du casier judiciaire et doivent avoir réussi cette vérification avant de pouvoir obtenir cette carte.

Sénateur Cordy: Pouvez-vous également nous dire, vous l'avez d'ailleurs déjà fait brièvement, quelles sont les différentes étapes par lesquelles vous devez passer avant l'envolée, quand vous arrivez à l'aéroport?

M. Laflamme: Lorsqu'ils arrivent à l'aéroport, les pilotes et les agents de bord doivent se préparer au vol, ce qui signifie qu'ils doivent effectuer une analyse approfondie avant l'envolée et se documenter pour ensuite se rendre à l'avion. Depuis le 11 septembre, dans certains aéroports, les pilotes subissent la même inspection que les passagers. À d'autres aéroports, on leur permet d'arriver à leur avion à travers d'autres points d'accès après vérification de la validité de leur carte leur autorisant l'accès aux zones réglementées. Plus particulièrement à Toronto et à Montréal, ils doivent passer par la même inspection que les passagers.

Le sénateur Cordy: Vous avez proposé au ministre l'adoption d'un système universel de carte d'identité.

M. Laflamme: Oui.

Le sénateur Cordy: Comment le ministre a-t-il réagi à votre proposition?

M. Laflamme: Le ministre n'a pas encore répondu. La dernière réunion du Comité consultatif sur la sécurité aérienne de l'aviation s'est tenue à la fin du mois de juin. Transports Canada nous a informés que ces recommandations avaient été présentées au ministre. Jusqu'ici, il n'a pas réagi à ces recommandations.

Le sénateur Cordy: Il semble que ce soit une solution assez raisonnable, étant donné que le personnel aura subi des vérifications, même avant d'être embauché. Ils ont certainement beaucoup à perdre si les choses vont mal durant l'envolée.

Nous avons récemment lu dans quelques journaux des rapports à propos de pilotes refusant de piloter leur avion ayant le sentiment qu'il y a risque pour la sécurité à bord de leur appareil. Quelles sont les retombées du refus d'un pilote de prendre l'air parce qu'il a le sentiment que la sécurité de son appareil est compromise?

M. Laflamme: En vertu de la loi, le pilote est le commandant de l'aéronef et a le pouvoir de prendre des décisions assurant la sécurité et la sûreté de l'appareil et des passagers à bord. Théoriquement, la décision d'un pilote de refuser de prendre l'air ne devrait pas avoir de retombées.

Sénateur Cordy: Comment cela se traduit-il pratiquement?

M. Laflamme: Nous n'avons pas constaté d'inquiétudes particulières à ce chapitre au cours des derniers mois. Je ne dis pas qu'il n'y en ait pas eu du tout, mais je ne dirais pas qu'il s'agit là d'un problème.

Le sénateur Cordy: Nous avons, en tout cas, certainement entendu parler des inspections des passagers, particulièrement à l'aéroport Pearson. Nous sommes tous de fréquents utilisateurs d'avions, et lorsque nous passons par les points d'inspection des passagers, il nous semble qu'ils sont très méticuleux. Le personnel de bord doit également passer par plus de points de contrôle encore. Il semblerait toutefois qu'il y ait de nombreux espaces ouverts où des gens qui n'ont pas de carte d'identité ont accès aux avions. Ce matin, vous avez mentionné les bagagistes et les traiteurs ainsi que des gens dans des avions privés se trouvant à un bout de la piste, mais qui ont accès à toutes les installations aéroportuaires une fois qu'ils sont arrivés à leurs avions. Vous avez également mentionné ceux qui se font passer pour des pilotes ou des agents de la GRC. C'est une situation qui ne laisse pas de m'inquiéter, que toutes ces personnes puissent avoir accès aux avions sans devoir se soumettre à quelque mesure de sécurité que ce soit.

M. Laflamme: Nous sommes préoccupés par les vulnérabilités du système permettant un accès peu contrôlé. Pour pénétrer une zone réglementée, une personne devrait posséder une carte d'identité lui autorisant l'accès aux zones réglementées ou se faire accompagner en conséquence. Nous pensons que l'absence de la carte à puce et la qualité des renseignements biométriques utilisés font en sorte que les systèmes actuels peuvent être facilement contournés.

Le sénateur Cordy: Les renseignements biométriques résoudraient-ils le problème relatif à ceux qui ont des avions privés et qui, une fois arrivés à leur avion, auraient accès à toutes les installations aéroportuaires?

M. Laflamme: Nous croyons qu'ils le résoudraient. Nous pensons que toute personne ayant accès à cette partie de l'aéroport devrait subir des vérifications des antécédents adéquates et n'avoir accès qu'au moyen de ces cartes d'identité.

Le sénateur Cordy: Devra-t-il y avoir des points de contrôle à toutes les entrées de l'aéroport, sans exception?

M. Laflamme: Oui.

Le sénateur Cordy: Dans quelle mesure un pilote peut-il être sûr que les passagers de son avion sont tous passés par les points de vérification?

M. Laflamme: Nous pensons que les mesures adoptées depuis le 11 septembre sont très efficaces et qu'elles permettent d'améliorer l'inspection des passagers. Nous croyons toutefois que l'on consacre trop de ressources à vérifier ceux qui, nous le savons déjà, ne posent pas de risque, vous compris. Je me souviens que lors d'un passage récent à l'aéroport d'Ottawa, une vieille dame, qui avait entre 75 et 85 ans, a été désignée pour subir une inspection approfondie et totale parce que les inspecteurs devaient se livrer à des inspections au hasard d'un nombre défini de personnes. Sa flasque et quelques produits de toilette ont été saisis de son bagage à main. Il m'a semblé plutôt ridicule de consacrer autant d'efforts à une situation si improbable.

Le sénateur Cordy: Dans certains cas, cela revient à tuer un moustique avec un canon.

M. Laflamme: C'est juste. ALPA est fermement convaincue que les ressources, limitées, comme nous le savons, doivent être consacrées au plus grand bien, celui de prévenir les atteintes à la sécurité.

Le sénateur Cordy: Le système universel de carte d'identité contribuerait en partie à atténuer la chose étant donné que les gens qui ont précédemment été soumis à l'inspection serait en mesure de passer assez rapidement.

M. Laflamme: Exactement. Nous ne pensons pas que cela s'appliquerait uniquement aux employés des aéroports ou aux membres d'équipage, mais également aux voyageurs fiables.

Le sénateur Cordy: Proposez-vous un système universel de carte d'identité et de renseignements biométriques en vue de contrôler l'accès aux avions et aux aéroports?

M. Laflamme: Oui, mais fortement réglementé par un organisme central. Nous pensons qu'il revient au gouvernement fédéral d'assumer ce rôle. En ce moment, chaque aéroport assume cette responsabilité et nous sommes d'avis que ces contrôles sont trop distants du centre, en ce qui concerne le système de carte d'identité actuel.

Le sénateur Kinsella: Monsieur Laflamme, quelle serait votre réponse à la question générale de savoir s'il est sauf de voyager en avion au Canada?

M. Laflamme: Ma réponse est oui. Nous ne croyons pas que le public devrait s'inquiéter outre mesure. Toutefois, les événements du 11 septembre ont démontré que nous devons d'abord rester vigilants et nous assurer, pour revenir à l'analogie de l'oignon, que toutes les couches sont bien défendues. Nous n'avons pas le sentiment que toutes les couches soient actuellement bien défendues, qu'elles sont aussi protégées qu'elles devraient l'être, et c'est pour cette raison que nous comparaissons devant votre comité aujourd'hui.

Le sénateur Kinsella: Vous vous référez, dans votre témoignage, à une étude qui a produit des recommandations sur la sécurité des aéronefs transmise aux autorités américaines. Ces recommandations ont-elles été adoptées?

M. Laflamme: Celles concernant le renforcement des portes des postes de pilotage ont été adoptées. Les règlements exigent que ces portes soient renforcées au plus tard en avril 2003, ces règlements ont d'ailleurs été également adoptés au Canada.

Le sénateur Kinsella: Y a-t-il eu d'autres recommandations qui n'aient pas été adoptées?

M. Laflamme: Les autorités américaines ont entrepris un suivi en examinant d'autres aspects de la sécurité à bord des aéronefs. Ce sont les aéroports qui constituent le point de mire aujourd'hui, mais en ce qui concerne les aéronefs, malgré le renforcement des portes, on sait qu'il demeure toujours nécessaire d'ouvrir cette porte de temps en temps, pour que les pilotes puissent se rendre aux toilettes ou pour se faire servir un repas. Chaque fois que cette porte est ouverte, l'occasion est là pour qui veut commettre un acte malheureux. Dans le cas des lignes aériennes El Al, Israël a installé le système à deux portes, ce qu'on qualifie de «trappe humaine». Cette possibilité est actuellement à l'étude et nous appuyons son examen très approfondi.

Le sénateur Kinsella: Vous avez parlé de la collaboration entre votre association et Transports Canada. Je crois que les membres de ce comité souhaiteraient que vous parliez de façon plus détaillée du niveau de collaboration et des sujets de désaccord, et que vous donniez des exemples de recommandations faites et non mises en œuvre. Auriez-vous l'obligeance d'expliquer cette relation?

M. Laflamme: Il faut reconnaître le travail de Transports Canada qui a mis sur pied le Comité consultatif sur la sécurité aérienne et les groupes de travail qu'il chapeaute. Je crois que dans l'ensemble, la collaboration entre les groupes de travail a été positive et a su faire l'unanimité sur un certain nombre de recommandations, qui se trouvent aujourd'hui entre les mains du ministre, notamment l'amélioration de la sécurité tant des aéronefs que des aéroports.

ALPA a défini cinq motifs d'inquiétude. L'un concerne les protocoles, les procédures et la formation des pilotes et agents de bord concernant des événements qui pourraient mettre en danger la sûreté et la sécurité d'un aéronef, que ce soit des passagers qui tiennent des propos agressifs ou des terroristes qui tentent de défoncer la porte du poste d'équipage. Les États-Unis ont élaboré une stratégie ou un programme complet à ce chapitre. Nous constatons que cela ne s'est pas fait au Canada. Dans une lettre que nous avons adressée à Transports Canada, nous avons recommandé que la priorité soit donnée à cette question. C'est là l'un des motifs.

L'accès aux aéronefs constitue un autre motif d'inquiétude qui a fait principalement l'objet de notre présentation d'aujourd'hui, je n'entrerai donc pas une autre fois dans ces détails. Le troisième motif est celui de l'adoption par la GRC d'un programme de protection des transporteurs aériens, reconnu comme étant l'équivalent du programme américain de policiers armés en charge d'assurer la sécurité. En ce moment, ces derniers se présentent au capitaine avant l'envol, mais nous avons le sentiment que les protocoles, les procédures et la formation associés à une question aussi importante lorsqu'il s'agit d'un avion n'ont pas été définis. Il pourrait ne s'agir que du simple fait que l'agent de bord sache s'il faut se protéger ou donner un coup de main. Ces choses ne sont toujours pas claires. Je pense que nous devons mieux étudier au Canada le programme des policiers armés en charge de la sécurité.

Ce sont là nos principales préoccupations. Parmi les autres inquiétudes que nous nourrissons, citons les restrictions imposées relativement au siège de service depuis le 11 septembre et le fait que cela soit peu commode pour nos membres voyageant beaucoup. Ils ont le sentiment que le poste d'équipage serait beaucoup plus sûr si l'on ajoutait un autre membre d'équipage plutôt qu'en les empêchant d'y être. Encore une fois, nous constatons cependant que cette technologie d'identification contribue également à la solution du problème.

Le sénateur Kinsella: Je voudrais vous poser une dernière question à ce chapitre. Aux fins de la comparaison en matière de sécurité des aéroports, dans un pays comme l'Australie, les cibles des attaques terroristes sont-elles sensiblement différentes lorsqu'elles sont examinées à partir de ce côté du monde? Nous savons ce qui s'est passé lors de la tragédie du mois de septembre dernier. L'évaluation des cibles potentielles doit-elle vraiment être prise en compte? Comment cela se traduit-il? Je crois comprendre que tous les vols en partance du Canada peuvent atteindre New York ou Washington, mais dans le cas de ceux quittant l'Australie, ce serait un peu plus difficile. En ce qui concerne vos collègues les pilotes du monde entier, y a-t-il une différence entre ce que fait SAS ou Air Italia et ce qui se passe au Canada, aux États-Unis ou au Mexique?

M. Laflamme: Il existe certainement des différences dans d'autres parties du monde. Toutefois, l'Organisation de l'aviation civile internationale, à la suite du 11 septembre, a tenu sa réunion qu'elle tient tous les trois ans, à la fin du mois de septembre de l'année passée et, compte tenu des événements du 11 septembre, les questions de sécurité ont constitué le sujet principal de discussion. L'OACI a beaucoup œuvré à la consolidation des normes internationales de sécurité qui s'appliquent à tous les États contractants, ce qui comprend essentiellement tous les pays du monde. En ce sens, la sécurité a été améliorée et renforcée à l'échelle internationale.

Il est certain que les États-Unis constituent la première cible des terroristes et, compte tenu de la proximité géographique du Canada, ce dernier doit s'inquiéter de cette situation. Je crois que le Royaume-Uni et peut-être d'autres pays d'Europe occidentale constituent d'autres cibles majeures. Autrement dit, je pense que l'importance de la menace est moindre. Je ne suis pas un expert du renseignement, mais je crois qu'il est très important pour la préservation de la sécurité aérienne de disposer de renseignements concernant le niveau de menace et la mobilisation des ressources à ces zones définies de risque.

Le sénateur LaPierre: Avez-vous dit que les sénateurs ne constituaient pas de risques de sécurité, ou l'ai-je rêvé?

M. Laflamme: Je suis sûr que les sénateurs ne constituent pas un risque de sécurité.

Le président: Il ne nous connaît pas très bien. N'est-ce pas?

Le sénateur LaPierre: J'ai pensé lui présenter quelques sénateurs, surtout ceux de l'autre côté de la Chambre — mais c'est là une autre affaire.

C'était une plaisanterie.

Monsieur, je voudrais vous parler de l'accès aux aéronefs. Je crois comprendre que cela vous ennuie d'être quand même assujetti à cela, même après avoir suivi une formation et fait tout ce qui peut être fait et quand tout le monde sait qui vous êtes. Je pense, cependant, que c'est nécessaire. Ce qui vous ennuie, et je crois à juste titre, c'est le fait que beaucoup de gens aient accès à l'aéronef et qu'ils puissent le faire sauter aussi facilement que vous le pouvez et pourtant, eux ne sont pas assujettis à ce traitement.

Nous avons entendu des témoignages sur la période où il semblerait que cet aspect des choses ait été déficient, comme vous l'avez démontré ce matin.

Est-ce le cas de tous les aéroports canadiens?

M. Laflamme: Oui, sénateur, nous croyons que c'est le cas de tous les aéroports canadiens. Essentiellement, cette situation se répète dans tous les aéroports du Canada, et même dans ceux des États-Unis.

Le sénateur LaPierre: Prenons l'exemple d'un petit aéroport comme celui de Bagotville. Le caucus libéral se réunira à Chicoutimi et nous devons passer par Bagotville.

Il me semble que les petits aéroports présentent un risque si la sécurité n'y est pas bien assurée, du fait qu'ils alimentent de grands aéroports. Peut-on dire avec raison qu'à moins d'un niveau équivalent de sécurité dans ces aéroports plus petits, mais qui en alimentent de plus grands, nous laissons la porte ouverte à un danger potentiel?

M. Laflamme: Oui, sénateur. La nouvelle Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, qui sera responsable de l'inspection des passagers, a désigné 89 aéroports dans lesquels devra se faire l'inspection des passagers. Nous pouvons, toutefois, inventer toutes sortes de scénarios selon lesquels quelque chose pourrait être placé à bord d'un avion, souvent par un passager, dans un aéroport de plus petite taille et se retrouver dans un grand centre. Par conséquent, la réponse à votre question est oui, des mesures de sécurité similaires devraient être adoptées dans tous les aéroports.

Le sénateur LaPierre: Par ailleurs, des mesures de sécurité semblables devraient-elles s'appliquer aux pilotes d'avions privés?

M. Laflamme: Les avions privés vont du très petit au très grand. Il est certain qu'un petit appareil n'a pas, en tant qu'arme, le même potentiel d'énergie destructrice. Nous avons pu le constater lors de l'écrasement du jeune pilote sur un immeuble de Floride, les dommages causés n'étaient pas importants.

Le sénateur LaPierre: Il n'avait pas de bombe dans l'avion.

M. Laflamme: C'est exact. Toutefois, un petit appareil rempli d'explosifs peut causer des dommages considérables.

Le sénateur LaPierre: Par conséquent, ce comité doit se pencher sur la question des avions privés, dont le nombre va croissant plutôt que décroissant.

M. Laflamme: C'est juste, sénateur. Je crois que c'est un domaine où le risque est moindre. Toutefois, il y a une vulnérabilité potentielle.

Le sénateur LaPierre: Il me semble pas que nous puissions contrôler l'accès immédiat de tous ceux qui peuvent s'approcher d'un aéronef par le biais des systèmes que vous avez décrits. Cela suppose toutefois la participation de nombreux autres organismes, comme CARA — et je ne sous-entend rien en l'occurrence — qui prépare les repas des passagers à bord des avions. D'autres organismes fournissent des services aux aéroports. Comment traiter les questions de sécurité lorsqu'il s'agit de ces organismes de services? Je ne sais pas où cela s'arrête, mais je sais que si cela continuait, on finirait par dire que les avions ne peuvent plus décoller et que tout le monde devrait prendre le train. Ce qui ne serait pas nécessairement une mauvaise idée.

M. Laflamme: Je crois fermement à une industrie aérienne en santé et viable. Il est dans notre intérêt que les gens se déplacent et qu'ils le fassent en avion, ponctuellement.

Le sénateur LaPierre: Ponctuellement?

M. Laflamme: À l'heure, malgré l'expérience du capitaine Hardisty, les pilotes d'ALPA s'emploient à assurer le fonctionnement le plus efficace du système. Cependant, toutes les vulnérabilités du système doivent avoir une défense déjà prête. Cela comprendrait également les traiteurs, etc.

Le sénateur LaPierre: Y a-t-il une marge de risque obligatoirement tolérable? Comment définissez-vous cette marge?

M. Laflamme: C'est là une bonne question sénateur. Oui, le système doit se fonder sur le risque. Le niveau du risque que le public peut tolérer doit être à sa base. Je crois qu'il ne tolèrerait qu'un niveau très faible de risque, qu'il comprendra qu'il n'y a pas de système parfait, mais il faut qu'il le soit presque.

Le sénateur LaPierre: Vote association discute-t-elle des études qui portent sur la marge d'erreur tolérable?

M. Laflamme: Non. Notre association discute effectivement du risque et c'est pour cette raison que l'argument que nous avançons, que les ressources doivent être consacrées aux éléments à plus haut risque. Ce n'est toutefois pas là notre fonction, de définir ce niveau de risque. Cette responsabilité incombe au gouvernement du Canada.

Le sénateur LaPierre: Ma dernière préoccupation concerne la façon dont on identifie un groupe à risque. La sagesse internationale semble avoir déjà identifié le groupe à risque de terrorisme. Ce sont les personnes de type musulman, et je trouve répugnante la façon dont cette catégorie est montrée du doigt. Allons-nous commencer à pointer du doigt les Espagnols à cause du terrorisme basque? Ferons-nous la même chose aux Macédoniens et aux autres populations d'Europe centrale du fait des problèmes de terrorisme qu'ils éprouvent, ou tous ceux qui vivent en Irlande du Nord à cause de leur sottise ou tous les Colombiens ou les Sud Américains, et ainsi de suite? Selon votre association, comment devrait faire le gouvernement du Canada pour identifier les groupes à risque?

M. Laflamme: ALPA ne favorise certainement pas les profils raciaux. Nous approuvons, toutefois, l'établissement de profils dans la mesure où des repères peuvent être pris en considération, comme les groupes d'âges, les billets d'avion à sens unique achetés comptant, et ainsi de suite. Il existe de nombreuses façons d'identifier le potentiel de risque. On peut avoir recours à des repères pour rétrécir le champ de recherche aux groupes à risque pour leur consacrer des ressources.

Le sénateur LaPierre: Si, comme vous l'avez dit, les États-Unis constituent la principale cible, le Canada est impliqué du fait que nous sommes voisins, au même titre que le Mexique et les Bahamas. En réalité, un ou deux membres du groupe terroriste du 11 septembre venaient de cette partie des Caraïbes. L'Amérique centrale n'est pas très éloignée. Pourquoi pensons-nous que nous devons assumer une plus grande part de responsabilité de sécurité nord-américaine que ne le font ces autres pays? Ils ne semblent jamais prendre part au débat. Les Russes non plus, et pourtant la Sibérie n'est qu'à environ un pied de l'Alaska. Quel est l'avis de votre association sur ce problème international?

M. Laflamme: Nous pensons que les économies de nos deux nations sont inextricablement interdépendantes et, pour que l'industrie du transport aérien soit florissante, il faudrait adopter, à défaut d'une vision globale nord-américaine, une approche commune ou du moins compatible Canada-É.-U.

Le sénateur Atkins: Merci d'être venu ce matin.

ALPA favorise-t-elle le port d'armes par les pilotes?

M. Laflamme: Oui, ALPA favorise le port d'armes dans le poste de pilotage. Puis-je m'expliquer? Cela se ferait dans le cadre d'un programme rigoureux, dont les normes sur le port d'armes et l'adresse au tir seraient très exigeantes, il serait facultatif. Les sénateurs pourraient peut-être examiner les autres solutions. Si quelqu'un parvenait à pénétrer dans le poste d'équipage et réussissait à maîtriser l'aéronef, qu'arriverait-il? Cela mettrait les militaires dans l'embarrassante situation de devoir peut-être abattre l'avion. L'avion pourrait être catapulté contre un immeuble, faisant des milliers de morts ou bien alors, on pourrait ajouter une ligne de défense de dernier recours à bord de l'aéronef. ALPA n'est pas en faveur d'un programme non structuré d'armement des pilotes. Il s'agirait d'un programme facultatif aux normes plus exigeantes.

Le sénateur Atkins: Dans un monde parfait, au fur et à mesure de la production d'aéronefs, les postes de pilotage seraient renforcés jusqu'à ce qu'ils deviennent beaucoup plus sûrs. Seriez-vous toujours du même avis si cela se produisait?

M. Laflamme: Oui, comme je l'ai déjà dit, la porte doit être ouverte à l'occasion. On continuera d'éprouver des vulnérabilités à cet égard jusqu'à ce qu'un système à deux portes soit installé, si jamais cela se fait.

Ceci étant dit, ALPA ne poursuit pas vigoureusement cette voie au Canada. Aux États-Unis, cette question revêt une importance majeure, mais pas au Canada.

Le sénateur Atkins: Pas plus tard que cette semaine, nous avons lu qu'un grand transporteur aérien américain se protégeait en vertu du chapitre onzième et que American Airlines effectuait des coupes importantes. Cela inquiète-t-il les pilotes — c'est-à-dire que les compagnies réduisent leur maintenance pour préserver leur rentabilité?

M. Laflamme: S'ils l'étaient, nous serions les premiers à le dire haut et fort. Selon mon expérience, je crois que les coupes à ce chapitre n'ont rien à voir avec la sûreté ou la sécurité. Toutefois, s'il y a des preuves du contraire, nous le dirions certainement.

Le sénateur Atkins: Comment le sauriez-vous?

M. Laflamme: Les pilotes conduisent ces avions tout le temps. Ils sauraient Si les normes de maintenance n'étaient pas du niveau requis.

Le sénateur Atkins: Jusqu'à l'incident de American West, j'avais toujours cru que les pilotes étaient au-delà de tout soupçon.

M. Laflamme: C'était un incident très malheureux, j'en conviens.

Le sénateur Atkins: Les pilotes subissent-ils des inspections aléatoires?

M. Laflamme: Aux États-Unis, on pratique les inspections aléatoires pour dépister l'utilisation de drogues chez les employés des compagnies d'aviation; pas au Canada. Cependant, il existe au Canada des règles analogues sur l'usage de l'alcool et des drogues et le pilotage d'un aéronef.

Le sénateur Atkins: Qu'en est-il d'un système d'inspection aléatoire général? Qu'en pensez-vous?

M. Laflamme: Il y a toujours une partie de la population qui est contre l'usage de drogue ou d'alcool, et nous croyons que le pourcentage de pilotes qui en consomment est faible. Rien n'indique, en l'occurrence, que les inspections aléatoires soient efficaces. Cela fait déjà plusieurs années que les États-Unis pratiquent ce type d'inspection qui n'a pas démontré que les pilotes ou les employés des compagnies d'aviation ont des problèmes. Nous ne pensons pas que ces inspections soient nécessaires. En revanche, nous croyons que la question doit être examinée en profondeur si jamais l'on constatait des problèmes.

Le sénateur Atkins: Je ne parlais pas seulement de drogues. Concernant les inspections aléatoires, je parlais également d'employés agents d'infiltration. L'adoption d'un tel système transmettrait un message aux fournisseurs de services du secteur, de faire preuve de plus grande prudence dans leur travail étant donné qu'ils ne savent qui les surveille. L'association des pilotes a-t-elle adopté une position à cet égard?

M. Laflamme: Nous ne sommes pas opposés à ce que des employés agents d'infiltration fassent le travail de la police — pas du tout. En réalité, nous offririons notre entière collaboration.

Le sénateur Atkins: L'un de mes amis me racontait son voyage de Fredericton à Pearson et ensuite de Pearson à Washington. À son arrivée à Pearson, en route pour Washington, il avait fait l'objet de plusieurs inspections, cinq en tout. Comment la sécurité est-elle gérée si les voyageurs sont soumis à ce type de procédure?

M. Laflamme: Les nouvelles règles exigent de se livrer à une inspection supplémentaire sur un certain pourcentage de passagers choisis au hasard. Une fois de plus, nous avons le sentiment que le processus affaiblit inutilement la sécurité en étirant les ressources pour surveiller ceux qui ne présentent pas de risque. Ces mesures additionnelles devraient s'appliquer à ceux qui répondent à certaines conditions définissant les profils et qui représenteraient un risque élevé de sécurité.

Le sénateur Atkins: Je tiens pour acquis que cela est arrivé parce que le vol se rendait à Washington, c'est-à-dire une très haute priorité.

M. Laflamme: Oui.

Le sénateur Atkins: Les pilotes s'inquiètent-ils des affectations qui leurs sont données en termes d'obstacles?

M. Laflamme: Les pilotes sont des professionnels. Le système leur permet de demander un type d'avion particulier, mais pas de choisir un parcours. Cela n'a jamais constitué un problème, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Monsieur Laflamme, je suis surpris par votre dernier commentaire voulant que les pilotes puissent demander à piloter un type d'avion. J'aurais cru qu'ils pouvaient choisir leur destination, mais pas le type d'avion — un 747 ou un 727, par exemple. Je ne pensais pas qu'ils avaient ce genre de latitude. Mais je suppose que la question devient purement théorique.

Je voudrais poursuivre dans la même veine que la question posée par le sénateur Atkins à la suite d'un témoignage entendu plus tôt. Il s'agit de trois ou quatre points. Dans quelle mesure les pilotes font-ils confiance aux mesures de sécurité relatives aux aéronefs concernant la presque impossibilité pour qui que ce soit de saboter un avion ou d'y placer un élément dangereux?

M. Laflamme: Si le système présentait des failles importantes, ALPA et les pilotes en informeraient le public. Nous trouvons raisonnablement efficaces les nouvelles mesures de sécurité adoptées. Toutefois, l'objectif de notre comparution devant vous aujourd'hui est de vous prouver que le système renferme des vulnérabilités dont il faut se préoccuper. Nous ne pensons pas que la situation soit urgente ou que nous soyons en crise. Lorsque les pilotes prennent les commandes de leur avion, ils le font sans crainte parce qu'ils savent que le système est sauf et raisonnablement sûr. Est-il aussi sûr qu'il le devrait? C'est là la question.

Le sénateur Forrestall: Vous n'en êtes pas encore à la limite au-delà de laquelle vous vous sentiriez obligés d'en parler.

M. Laflamme: Pas encore, sénateur.

Le sénateur Forrestall: On espère que vous n'aurez jamais à le faire.

Dans quelle mesure les pilotes font-ils confiance à la sécurité des bagages, marchandises, paquets et envois postaux placés à bord? Je pose très sérieusement la question. Il nous a été dit qu'Air Canada ne vérifiait pas les envois postaux et les postes nous ont également dits qu'elles ne vérifiaient pas le courrier parce qu'elles croyaient que cette démarche relevait des compagnies d'aviation. Cela entraîne une certaine incertitude et ne laisse pas d'inquiéter les membres de ce comité. Pourriez-vous nous parler de cette question de façon générale et des envois postaux en particulier?

M. Laflamme: Ma présentation donnait un exemple de la vulnérabilité en termes d'inspection du fret. Celui-ci n'est généralement pas inspecté. Le système se fie aux expéditeurs pour la vérification de la sûreté du fret. Nous pensons que cela crée des vulnérabilités pour l'ensemble du fret. Les envois postaux représente un problème particulièrement épineux.

Le sénateur Forrestall: Il y a des millions de pièces de courrier.

M. Laflamme: Oui, il y a des millions de pièces et, dans l'ensemble, elles ne font pas l'objet d'inspections.

Le sénateur Forrestall: S'agit-il d'une question de coût? Le service postal craint-il de le faire à cause de l'énormité du coût d'une telle opération?

M. Laflamme: C'est certainement une opération coûteuse. Les systèmes électroniques de détection, ainsi que d'autres technologies, présentent beaucoup d'avantages en vue d'accélérer l'inspection du fret de façon rentable. Il existe d'autres méthodes pour les pièces de fret de taille plus conséquente, des méthodes semblables aux systèmes utilisés actuellement dans l'industrie du camionnage transfrontalier.

Pour répondre à votre question, sénateur, nous croyons que cela fait partie des vulnérabilités méritant examen.

Le sénateur Forrestall: Pensez-vous que les lignes aériennes agissent convenablement en termes de sécurité lorsqu'ils n'assument pas la responsabilité de problèmes qui pourraient être causés par les envois postaux?

M. Laflamme: les pilotes et les lignes aériennes ont fait leur part. Toutefois, la gouverne du gouvernement canadien s'impose. Nous pensons que le gouvernement doit énoncer ce qui doit se faire à cet égard.

Le sénateur Forrestall: Je dirais que vous risquez de vous trouver face à un problème majeur qui se répète des centaines sinon des milliers de fois par jour à travers le monde — celui d'envois postaux non inspectés placés à bord d'aéronefs.

M. Laflamme: C'est exact.

Le sénateur Forrestall: Je n'essaye d'antagoniser personne. Si nous ne disposons pas des capacités pour effectuer ce type d'inspections à cause de leur coût, nous avons sûrement la technologie pour le faire.

Quel est le pourcentage de courrier qui sera transporté dans des avions chargés à pleine capacité de passagers? Je tiens pour acquis qu'une partie du courrier est transportée par des avions spécialisés, des avions postaux.

M. Laflamme: Sénateur, je ne dispose pas de chiffres précis là-dessus, mais je vous dirais qu'une importante proportion des envois postaux est transportée dans les soutes à fret d'aéronefs transportant des passagers.

Le sénateur Forrestall: Quelles mesures précises votre association recommanderait-elle de prendre en vue d'améliorer la sécurité à bord des avions? Auparavant, nous montions des clôtures autour des aéroports pour protéger les gens des avions. De nos jours, notre plus grande responsabilité consiste à protéger les avions des gens. Quel type de clôture devons-nous vraiment ériger?

M. Laflamme: Il y a des normes régissant l'érection de clôture autour des aéroports. Nous croyons que la sécurité doit être décidée en fonction de renseignements évaluant les menaces. Dans un deuxième temps, étendre la sécurité au périmètre de l'aéroport, notamment par l'érection de clôtures, aux patrouilles ainsi qu'aux mesures de sécurité et de défense entourant les édifices de l'aérogare. Il doit y avoir des types de barricades pour empêcher les attaques au véhicule piégé ou quelque autre attaque destinée à blesser ou tuer un grand nombre de personnes dans une aérogare.

Il doit y avoir des mesures, applicables une fois que l'avion a pris son envol, restreignant et contrôlant l'accès à certains endroits. L'avion même doit disposer de mesures de sécurité comme des caméras braquées sur la cabine et surveillées à partir du poste de pilotage montrant ce qui se passe dans la cabine. Il devrait également posséder des portes renforcées comme dans le système à deux portes que seuls les pilotes peuvent ouvrir une fois à leurs sièges.

Les passagers et le fret doivent être inspectés, il faut avoir recours aux technologies pour la détection ainsi qu'aux chiens renifleurs, ainsi de suite. Il y a beaucoup de choses à prendre en considération.

Pour revenir à l'analogie de l'oignon, chaque couche doit être bien protégée.

Le sénateur Forrestall: Je vous comprends bien. Je voudrais vous dire, à titre d'observation, qu'il me fait particulièrement plaisir de constater que vous insistez sur le fait qu'il faille le faire par le biais du renseignement et que c'est ce dernier qui nous offre la meilleure protection. J'en conviens parfaitement.

Nous parlions plus tôt de la défense d'une province comme la Nouvelle-Écosse contre des attaques marines. Outre la remise en service des Halifax Rifles, il n'est rien qui soit supérieur à un renseignement de bonne qualité.

Je voulais vous poser une question sur le port d'armes par les pilotes. Armeriez-vous les pilotes ou le poste d'équipage?

M. Laflamme: On armerait les pilotes. Nous croyons que le pilote ne peut pas être forcé à le faire. Cela doit se faire de façon facultative. Les pilotes doivent suivre une formation complète sur l'utilisation d'une arme à feu et répondre aux normes de tir applicables à ce milieu. On doit prévoir le rangement de cette arme, avant et après le vol. Il est hors de question d'armer tous les pilotes. ALPA a toutefois le sentiment qu'il s'agit là d'une défense de plus à ajouter au système, à condition que cela se fasse prudemment. Si les terroristes savent qu'ils courent le risque d'être abattus en tentant de défoncer le poste de pilotage, ils seront moins portés à le faire et cela pourrait prévenir de tels actes.

Le sénateur Forrestall: A-t-on déjà effectué le choix de l'arme, en termes de calibre et de type de technologie, comme des matraques électroniques?

M. Laflamme: ALPA possède l'expertise nécessaire en la matière. Le capitaine Luckey, dont j'ai déjà parlé, a déjà participé à un programme facultatif déjà en place aux États-Unis. Concernant les aspects techniques de ces types d'armes et de munitions, ALPA a déjà quelques idées.

Le sénateur Forrestall: L'un des commentaires que vous avez faits concernait l'identification biométrique, vous jugiez que c'était l'un des moyens les plus sûrs de protéger un avion.

M. Laflamme: Oui.

Le sénateur Wiebe: J'imagine que cela s'appliquerait à n'importe quelle personne ayant accès à un avion en particulier, y compris à celles qui travaillent à l'aéroport ainsi qu'aux passagers. C'est une toute nouvelle technologie. Je crois comprendre qu'elle est très efficace, mais puisqu'elle est nouvelle, elle est très coûteuse. Votre association l'a-t- elle examinée? Je n'en connais pas le coût.

Monsieur Laflamme, je vais vous mettre dans l'embarras. Ayant travaillé à Transports Canada et été pilote, et étant également contribuable, qui, à votre avis, devrait payer la facture pour tout cela? Faudrait-il que ce soit l'employeur, les compagnies d'aviation ou le gouvernement du Canada?

M. Laflamme: En comparaissant devant ce comité, on s'attend à être mis dans l'embarras. Pouvez-vous tout d'abord répéter votre question, s'il vous plaît sénateur?

Le sénateur Wiebe: Votre association a-t-elle effectué une étude sur le coût de l'identification biométrique?

M. Laflamme: Il s'agit d'une technologie relativement nouvelle, mais elle n'est pas nouvelle, nouvelle. Nous croyons savoir qu'elle n'est pas trop onéreuse. La société des Aéroports de Montréal met en œuvre le mois prochain un projet utilisant la technologie des empreintes digitales qui permettrait aux pilotes montréalais d'avoir accès à leur avion. Cela se fait de façon facultative. ALPA ne considère pas que ce soit un pourcentage conséquent des coûts de sécurité. Le coût est très abordable. Cela permettrait de libérer des ressources et de les placer dans les secteurs à haut risque. En ce sens, nous croyons que c'est là un moyen économique de le faire.

En ce qui concerne le payeur de la facture, le principe général qui sous-tend le paiement par l'usager entre dans l'équation. La sécurité constitue-t-elle un élément payable par l'usager ou plutôt une question d'importance nationale qui nous concerne tous? En ce sens, la sécurité est une question d'intérêt national, elle devrait donc être payée par le biais des revenus fiscaux plutôt que par les voyageurs aériens, ce qui à notre avis serait injuste. ALPA ne s'oppose pas au paiement par l'usager lorsque celui-ci obtient un avantage personnel en utilisant un système. Ce n'est pas le cas en l'occurrence.

Le sénateur Wiebe: Vous avez dit que Montréal le faisait à titre facultatif. J'imagine que pour que ce programme soit efficace, le gouvernement du Canada devrait imposer l'adoption de ce système à tous les aéroports.

M. Laflamme: Nous pensons que non seulement le gouvernement du Canada devrait imposer son adoption, mais également des normes de rendement du système et s'assurer, par le biais de ses mécanismes d'inspection et de vérification, qu'il répond à ces objectifs.

Le sénateur Wiebe: J'en conviens parfaitement.

Le président: Monsieur Laflamme, dans votre témoignage, vous avez parlé des policiers armés en charge de la sécurité. À l'exception des vols à destination de Reagan, à quelle fréquence les pilotes voient-ils des policiers armés en charge de la sécurité dans vos avions?

M. Laflamme: Pas fréquemment. Pour faire justice à la GRC, ce programme est toujours au stade de l'élaboration. On peut comprendre que cela n'arrive pas fréquemment encore.

Le président: Pouvez-vous donner un chiffre approximatif?

M. Laflamme: Moins de 5 p. 100, dirais-je.

Le président: À votre avis, quel sera, dans cinq ans, le nombre de vols surveillés par des policiers armés en charge de la sécurité?

M. Laflamme: Cela dépend de l'importance du risque. Quel serait le nombre adéquat de vols protégés qui dissuaderait les terroristes? ALPA n'est pas en mesure de répondre à cette question. Nous pensons que le programme des policiers armés en charge de la sécurité constitue une partie intégrante des mécanismes de défense et devrait prévoir un nombre suffisant de policiers pour que son effet soit dissuasif. Selon la majorité des règles statistiques, je dirais que la proportion serait de 10 à 15 p. 100; j'ajouterais, cependant, que cela mérite d'être étudié et examiné avant de prendre une décision.

Le président: Qu'est-ce qui, aux yeux de vos pilotes, serait plus raisonnable: armer les pilotes ou disposer de policiers déjà formés et sachant utiliser les armes à bord d'avions?

M. Laflamme: C'est une bonne question, monsieur le président. ALPA pense qu'il y a des défenses pour chacune des couches de l'oignon. Les policiers armés en charge de la sécurité constituent une défense dans la cabine; il faut en plus une défense dans le poste d'équipage. Comme tous les vols ne sont pas protégés par des policiers armés, il ne serait pas déraisonnable de discuter des défenses qu'exige la protection du poste d'équipage.

Le président: Si vous aviez à choisir entre un gendarme de la GRC armé et sachant manier son arme et un pilote armé, lequel préféreriez-vous?

M. Laflamme: Nous préférons le programme des policiers armés à celui du port d'arme par les pilotes.

Le président: Dans votre témoignage, vous avez parlé de vulnérabilités, notamment, l'accès des bagagistes, des nettoyeurs, des traiteurs, du personnel de maintenance des avions et du service. Pour pouvoir obtenir le laissez-passer côté piste, ils doivent faire l'objet d'une vérification par le CPIC ou le SCRS. Que pensez-vous du fait qu'ils ne soient pas fouillés de la même façon que les pilotes? Leurs sacs-repas ne sont pas ouverts et leurs polochons ne sont soumis à aucune inspection lorsqu'ils arrivent au travail.

M. Laflamme: Comme je l'ai déjà dit, nous sommes étonnés et exaspérés de constater cette anomalie. Il n'est pas logique que d'une part on effectue des vérifications complètes, tandis que de l'autre on n'en fasse pas du tout. Le niveau de sûreté doit être le même pour tout le monde. Cela ne signifie pas qu'il faille nécessairement adopter les mêmes mesures de sécurité, en revanche, le niveau doit être le même pour les deux catégories.

Le président: Quelques anciens collègues à vous chez Transports Canada nous ont dit qu'ils n'avaient aucun moyen de savoir si un préposé au nettoyage d'avion arrivant à son travail a sur lui des couteaux polyvalents, parce qu'il en a besoin pour son travail. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Laflamme: C'est pour cela que nous avons demandé à comparaître devant ce comité. La vulnérabilité potentielle est là et elle doit être éliminée.

Le président: Vous avez mentionné dans votre témoignage que des personnes utilisant de fausses pièces d'identité et se faisant passer pour des policiers armés en charge de la sécurité, notamment pour des agents de la GRC en charge de la sécurité, constituaient une vulnérabilité. Comment pouvez-vous prouver que cela arrive?

M. Laflamme: Nous n'avons pas de preuve précise. Nous savons que c'est une possibilité, du fait que les policiers armés ne montrent leur carte d'identité qu'au capitaine avant le vol. Comment pouvons-nous donc savoir si cette personne, ou tout autre agent armé sur ce vol, est vraiment ce qu'elle prétend être? C'est là une vulnérabilité potentielle, mais encore plus aux États-Unis étant donné le nombre important de personnes armées voyageant sur les avions dans ce pays.

Le président: Exception faite des vols à destination de l'aéroport Reagan, connaissez-vous d'autres destinations pour lesquelles les vérifications de fret et de bagages sont obligatoires en ce moment?

M. Laflamme: L'inspection des bagages se fait. Certains aéroports disposent de systèmes de détection des explosifs.

Le président: La vérification est-elle totale?

M. Laflamme: Non, je sais que les États-Unis ont adopté ce règlement, mais il ne semble pas applicable d'ici la fin de l'année en cours. Je crois que des mesures sont prises dans ce sens au Canada, mais elles ne sont certainement pas totales, même dans les aéroports qui disposent de ces systèmes.

Le président: Existe-t-il un système qui identifie les bagages ou le fret à haut risque?

M. Laflamme: Je ne saurais le dire, mais nous ne connaissons aucun système de ce type.

Le président: Pensez-vous devoir être au courant de l'existence d'un tel système?

M. Laflamme: Je crois que du fait que les pilotes sont aux premières lignes, il ne faut pas seulement qu'ils soient au courant, mais également qu'ils participent aux discussions visant l'amélioration des systèmes de sécurité.

Le sénateur Atkins: Lors de la discussion sur la sécurité à bord des avions, vous avez dit que le port d'arme par les pilotes constituait un élément dissuasif. Dans la majorité des cas de terrorisme, sur lesquels je me suis documenté, les terroristes étaient de toute manière suicidaires. Vous n'empêcherez pas ce genre de personne de faire ce qu'elle a au programme en armant les pilotes.

M. Laflamme: Je conviens qu'il est très difficile de traiter avec un terroriste suicidaire. Nous croyons, toutefois, que ces terroristes ne voudront se tuer que s'ils ont l'impression qu'ils ont de bonnes chances de réaliser leur objectif. Sinon, ils auront le sentiment que leurs efforts sont vains. Pour cette raison, nous croyons tout de même qu'il y a certains avantages à armer les pilotes.

Le sénateur Atkins: Pour mémoire, j'ai apprécié votre réponse voulant que vous préfériez que ce soit les policiers qu'on arme plutôt que les pilotes.

M. Laflamme: Compris, sénateur.

Le président: Sénateur LaPierre, je crois comprendre que vous voulez poser une question complémentaire.

Le sénateur LaPierre: Je crois qu'on y a répondu. Elle concernait le port d'armes dans le poste d'équipage, une idée que je trouve sotte. Je me réjouis, toutefois, de constater que vous préférez laisser la chose aux policiers armés; il faudra examiner de façon détaillée cette question.

Le sénateur Day: Je crois comprendre qu'en bout de ligne, c'est au seul pilote que revient la décision de décoller ou non.

M. Laflamme: C'est exact.

Le sénateur Day: Existe-t-il un protocole avec l'employeur définissant les modalités pour ce faire, ainsi que ce qu'il faut faire si la décision de ne pas décoller est prise parce que le pilote estime qu'il y a une menace provenant du fret ou d'un passager?

M. Laflamme: Les responsabilités en matière de reddition de compte diffèrent d'une ligne aérienne à l'autre; les règlements relatifs à la responsabilité du capitaine à cet égard sont, cependant, très clairs. Actuellement, la majorité des compagnies aériennes les respectent.

Le sénateur Day: Vous avez déclaré que vous étiez exaspérés à propos du fret, mais vous n'êtes pas si exaspérés que vous refuseriez de décoller parce que le fret n'a pas été inspecté.

M. Laflamme: Excusez-moi sénateur, ce commentaire concernait la facilité d'accès aux aéronefs par des gens possédant des boîtes à outils, des boîtes à lunch ou autre, dont nous ignorons le vrai contenu. Nous pensons qu'il s'agit en l'occurrence d'une vulnérabilité. Évidemment, si nous pensions que la situation devenait dangereuse, nous n'hésiterions pas à en informer tout le monde. Les pilotes font toujours leur travail, mais nous voulons nous assurer que cet aspect est examiné.

Le président: Merci, Monsieur Laflamme de vous être présenté devant notre comité. Nous vous sommes reconnaissants de l'aide que vous nous avez apportée. Nous vous prions de dire à votre collègue qu'il nous a manqué, mais que vous vous êtes très bien débrouillé en son absence. Nous avons joint une copie de sa déclaration au procès- verbal de ces audiences. Il se peut fort bien que nous vous demandions de comparaître une nouvelle fois devant ce comité. Nous envisageons avec plaisir de vous entendre à nouveau.

Pour ceux de l'extérieur qui suivent nos travaux, veuillez vous rendre à notre site Web à http://www.senate-senat.ca/ defense.asp où nous affichons les témoignages ainsi que les horaires confirmés des audiences. Autrement, vous pouvez communiquer avec le greffier du comité en appelant le 1 800 267-7362 pour de plus amples renseignements ou pour qu'on vous mette en communication avec les membres du comité.

Nous allons maintenant entendre Mme Jill Sinclair, sous-ministre adjointe, Politique mondiale et sécurité. Mme Sinclair a souvent comparu devant ce comité.

Mme Sinclair est entrée au ministère en 1981 et a œuvré sur les questions de paix, de sécurité régionale et de désarmement. Mme Sinclair a également été Ambassadrice du Canada à l'action antimines ainsi que Directrice exécutive de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États.

Madame Sinclair, bienvenue à nouveau au comité. Nous nous réjouissons de vous entendre de nouveau. Vous avez la parole.

Mme Jill Sinclair, sous-ministre adjointe intérimaire, Politique mondiale et sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: C'est avec grand plaisir que je vous retrouve en cette belle matinée d'août à Ottawa.

Je crois que vous attendiez Jim Wright, le sous-ministre adjoint, qui aurait été là si ce n'est qu'il a pris un congé bien mérité.

Membres du comité, je vais faire quelques observations préliminaires. J'espérais que vous les auriez reçues hier, avant la réunion d'aujourd'hui. Je regrette le retard qu'on a mis à vous les livrer. Je goûtais aux plaisirs du cap Breton jusqu'à cette fin de semaine et n'ai pu mettre la touche finale à ces observations pour vous les livrer hier. J'aurai le plaisir de répondre à vos questions.

Le Canada et les États-Unis entretiennent une relation bilatérale toute particulière et riche qui renferme de nombreux aspects portant aussi bien sur la politique et l'économie que sur la culture. Notre relation en matière de défense bilatérale et de sécurité revêt clairement une importance particulière. Elle remonte aux années 1940. Certains membres de ce comité le savent mieux que moi. Elle dépasse la simple amitié et l'alliance, elle est constituée d'un partenariat authentique fondé sur des valeurs partagées et un objectif commun. Nous sommes des partenaires au sein de l'OTAN et de NORAD. Nous sommes, évidemment, partenaires dans l'esprit et dans la lettre.

Cela ne veut, bien sûr, pas dire que notre relation bilatérale soit tout à fait libre de complexités. Toute relation renferme des complexités, comme nous le savons. Le bois d'œuvre, le Farm Bill, les différences sur la Cour pénale internationale, les pêcheries, toutes les questions d'actualité que nous lisons quotidiennement dans la presse. Ces différences existent. Je pense, toutefois, que nous devons prendre du recul. Elles s'inscrivent dans le cadre élargi d'une relation profonde, solide et, dirais-je, souple et robuste qui vit de nombreuses difficultés toujours aplanies.

Pour entretenir sa relation de sécurité avec les États-Unis, le Canada a toujours visé des objectifs simultanés et complémentaires protégeant les citoyens et le territoire canadiens, préservant la souveraineté canadienne et contribuant à la paix et à la sécurité mondiales.

Je voudrais parler quelque peu de ces objectifs. Du fait de leur voisinage, le Canada et les États-Unis peuvent coopérer et y trouver chacun son compte pour la protection de ses citoyens. Cela peut se réaliser par le biais d'un commandement intégré, binational et doté de forces, comme nous le faisons lorsque nous devons relever les défis particuliers que soulève la défense aérienne dans le cadre de NORAD, ou bien nous pouvons coopérer de façon strictement nationale de la même manière que nous le faisons dans d'autres domaines. C'est pour ce motif que nous avons jugé important d'examiner ces arrangements et relations à la lumière de la nouvelle menace à la suite de l'horreur dont nous avons été témoins le 11 septembre.

Nous savons tous la façon dont NORAD est intervenu le 11 septembre pour affermir sa maîtrise des cieux nord- américains. NORAD n'est toujours par revenu au statu quo d'avant. NORAD a été profondément touchée, comme nous l'avons tous été, par ce qui est arrivé le 11 septembre. En effet, il poursuit son travail, en vue de pousser les autorités civiles à améliorer la coordination entre les autorités civiles et militaires ainsi qu'au sein même de NORAD en vue d'accroître sa propre connaissance de la situation dans l'espace aérien interne.

Comme vous le savez, NORAD a été conçue pour parer aux attaques venant d'outre-mer, non dans l'espace aérien interne. Ses yeux étaient tournés vers l'extérieur, pas l'intérieur. C'est là une évolution importante pour NORAD qui prouve son utilité en termes de défense contre les attaques actuelles et celles qui naîtront.

Il est clair que les événements du 11 septembre nous poussent à examiner la gamme d'initiatives de collaboration que nous avons actuellement avec les États-Unis pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de failles et pour décider si d'autres mesures pourraient être prises qui étofferaient ces relations déjà riches et complètes. C'est pourquoi le ministère de la Défense nationale et celui des Affaires étrangères et du Commerce international collaborent avec des responsables américains pour l'examen de ces questions.

À ce stade, je voudrais insister sur le fait que la relation de sécurité bilatérale et de défense avec les États-Unis est gérée en partenariat par les Affaires étrangères et la Défense nationale. Il s'agit d'une relation très étroite. Je sais que vous allez entendre mes collègues de la Défense nationale cet après-midi. Nous travaillons ensemble tous les jours, toutes les heures et instant par instant. Souvent, ma journée commence et finit en compagnie de mes collègues de la Défense nationale, d'abord et avant tout pour gérer cette relation, mais également pour traiter de l'ensemble des facteurs de paix et de sécurité internationales.

Pour revenir à nos discussions avec les États-Unis, je peux vous dire qu'elles n'en sont qu'à leurs débuts. À ce stade, l'important est d'évaluer conjointement les lacunes qui peuvent exister, les capacités dont nous disposons et ce qui peut être fait pour relever de nouveaux défis. À notre avis, cet exercice se veut pratique. Ni l'une ni l'autre partie ne croit que les relations actuelles soient fondamentalement mauvaises. Nous devons, toutefois, nous assurer de faire tout ce qui est possible pour garantir la sécurité et la souveraineté de nos pays et peuples respectifs.

Comme le savent bien les membres du comité, le Canada a adopté une série de mesures impressionnantes pour améliorer la coopération à la frontière avec les États-Unis et ce, par le biais de l'initiative des frontières sûres. Nous examinons actuellement, dans le même contexte, les questions qui touchent la sécurité de la défense. Je devrais être claire et insister sur le fait que nous m'envisageons pas de nouvelles structures complexes ou de commandement intégré, mais plutôt de modestes mesures pratiques qui pourraient, ou non, s'avérer nécessaires à étoffer les capacités et les moyens actuels.

De quoi parlons-nous en l'occurrence? Nous cherchons à assurer une interface efficace entre les premiers intervenants civils et l'armée dans l'éventualité où la menace dépasse les capacités et les moyens des autorités civiles. J'ouvre ici une parenthèse. C'est là une chose très importante étant donné que lorsqu'on a affaire à des menaces asymétriques, ce sont les premiers intervenants civils qui réagissent, avant les militaires. Si l'on se remémore le 11 septembre, les pompiers et les agents de l'ordre étaient les premiers arrivés sur les lieux du drame. Ce sont eux qui se trouvent en première ligne pour répondre à ces types de menaces asymétriques. Il est clair que s'ils ne sont pas en mesure de maîtriser la situation, ils doivent s'assurer du soutien des militaires.

Par ailleurs, nous examinons notre coopération terre-mer, laquelle est déjà importante et fonctionne bien, mais nous souhaitons nous assurer—et effectivement, nous devons nous rassurer nous-mêmes—qu'elle fonctionnerait bien même dans l'éventualité d'une horreur comme celle du 11 septembre. Cela signifie que nous devons nous assurer de partager sans délai les renseignements. Nous devons envisager la manière dont nous pourrions répondre aux différents scénarios de menaces. Il nous faut examiner l'interface entre nos militaires respectifs et leurs homologues civils, et envisager les moyens de collaborer à la surveillance non seulement de notre espace commun mais également de nos rivages.

Le ministère de la Défense nationale et celui des Affaires étrangères participent à ce processus d'évaluation, tant entre nous qu'avec les États-Unis. Nous examinons les mécanismes consultatifs et les procédures actualisées qui pourraient devenir nécessaires pour répondre au nouveau contexte de sécurité. Il est possible que nous n'ayons pas beaucoup à faire. Il existe déjà plusieurs centaines d'accords de défense bilatéraux et de mécanismes entre les deux forces armées, en revanche nous devons nous assurer qu'ils sont fonctionnels.

La coopération et la coordination entre deux forces armées n'a rien de nouveau, ce serait plutôt une deuxième nature. Évidemment, notre relation bilatérale de sécurité avec les États-Unis ne constitue que l'un, quoique extraordinairement important, des instruments de l'engagement du gouvernement canadien envers l'édification d'un contexte mondial sûr pour le Canada et les Canadiens. Notre engagement envers un monde fondé sur les règles, un consensus mondial sur des normes universelles à travers des dispositions prévues par des accords et des traités multilatéraux, notre engagement envers l'ONU, notamment les opérations de maintien de la paix, l'OTAN, l'OSCE, notre Commonwealth et nos partenaires francophones, nos voisins hémisphériques au sein de l'OÉA, nos partenaires de la région de l'Asie-Pacifique, et nos riches relations avec des pays qui jouent un rôle clé dans notre capacité de protéger les Canadiens, de faire connaître les valeurs canadiennes et de favoriser un monde en paix et sûr.

En examinant la relation bilatérale de sécurité avec les États-Unis et les moyens de la resserrer, nous cherchons à faire en sorte que ces relations s'associent de manière complémentaire pour contribuer à la sûreté, à la sécurité et à la souveraineté du Canada et des Canadiens.

Je répondrai avec plaisir à toutes les questions du comité.

Le sénateur LaPierre: Madame Sinclair, je suis perplexe. Quelquefois, je pense que je ne vis pas sur la même planète que certains d'entre vous. Je trouve que c'est une simplification exagérée que de dire que notre relation avec les États- Unis renferme quelques complexités. L'industrie forestière canadienne est en passe d'être démolie et ce, à cause essentiellement de la capacité des grands garçons aux États-Unis d'obliger le gouvernement américain à agir contre nous. Ils éprouvent de sérieux problèmes en ce qui concerne le Farm Bill ainsi que des problèmes surprenants concernant les subventions américaines au secteur agricole, le refus américain de reconnaître la Cour pénale internationale et des problèmes de pêcheries. Tout cela porte à croire que le portrait optimiste que vous nous avez présenté n'est pas réaliste. Ces sujets réels, que vous qualifiez de «complexités» sont des manifestations de l'âme de cette relation. Ai-je correctement évalué la situation ou non?

Mme Sinclair: Il est évident que toute relation éprouve des difficultés. J'aurais pu utiliser les mots «difficultés», «des hauts et des bas», «des moments terribles», «des moments désespérants» et des «moments d'espoir». Il est évident que nous avons actuellement de nombreux problèmes avec les États-Unis dans tous les secteurs que vous avez mentionnés. Si j'ai, de quelque façon que ce soit, diminué l'importance de ces questions clés, je le regrette. Il n'est pas du ressort de la Direction générale de la sécurité internationale de parler de ces questions; je voulais seulement m'assurer que nous reconnaissons le fait que cette relation renferme des problèmes.

Le sénateur LaPierre: Notre sécurité interne est tributaire de ceux qui sont qualifiés de «voisins amicaux du Sud», «meilleurs amis», «meilleurs alliés» et de «meilleurs clients». Toutefois, ce sont ces petites choses qui démontrent leur volonté de collaboration réelle avec nous plutôt que celle de nous imposer ce qu'ils veulent. Quelquefois, je pense que les Canadiens pourraient être réticents jusqu'au jour inévitable où le gouvernement américain nous impose ce qu'il veut. Cela a toujours été le cas de la relation Canada-États-Unis depuis sir John A. Macdonald.

Mme Sinclair: J'ai beaucoup de respect pour ce que vous venez de dire. Nous devons toujours garder à l'esprit le fait que les États-Unis sont un pays très complexe dans le sens qu'il n'arrive pas souvent qu'il s'établisse des liens entre ce que nous faisons sur la scène internationale avec les Américains et leur réaction interne concernant les types de problèmes dont vous avez parlé. Toute la question de savoir si l'on peut constituer des à valoir chez les Américains, si l'on peut les influencer de différentes manières, est importante et il faut l'étudier.

Je regrette si j'ai donné l'impression que je dévaluais l'importance de ces questions ou les difficultés qui les entourent. Nous y sommes extrêmement sensibles. Mon ministère travaille constamment, heure par heure, sur les questions des pêcheries, du bois d'œuvre et toute la gamme de problèmes pour tenter de faire en sorte que les États- Unis tiennent compte des inquiétudes canadiennes et que nous soyons en mesure d'agir pour le bien des Canadiens.

Le sénateur LaPierre: Je ne remettrais pas cela en question. C'est tout simplement qu'en fin de compte, on doit faire des interprétations qui nous permettent de poursuivre cette relation.

Qu'entend le ministère par le terme «souveraineté canadienne»? La question est très importante puisqu'il existe environ 7 000 définitions de la «souveraineté».

Mme Sinclair: Effectivement. C'est peut-être pourquoi j'ai souri, parce que je ne pourrais pas vous donner une seule définition de la «souveraineté canadienne». Bien sûr, lorsque nous en parlons dans le contexte de la présente discussion, celui de la coopération bilatérale de défense et de garantie de la sûreté et de la sécurité des Canadiens, on interprète le mot souveraineté comme étant le contrôle qu'ont les Canadiens sur leur territoire, que nous ne concluions pas d'accord qui puisse compromettre notre capacité de contrôler indépendamment nos forces armées, et que le pouvoir décisionnel ne soit pas retiré au gouvernement du Canada ni à son Parlement, à sa juste place.

Le sénateur LaPierre: Comment protégez-vous cela au sein de ce que vous avez qualifié d'accords bilatéraux comme NORAD, qui semble avoir pris les devants et s'occupe maintenant d'espace aérien intérieur. Je crois comprendre que «espace aérien intérieur» signifie espace aérien canadien et non espace aérien américain. NORAD qui est dominée par les Américains est devenue le contrôleur de la sécurité de l'espace aérien de mon pays, même si son commandant adjoint téléphone au premier ministre avant que le missile ne s'écrase au sol. En d'autres termes, comment expliquons- nous aux Canadiens que ces ententes bilatérales ne limiteront pas leur capacité de se défendre et qu'ils ne devraient pas se préoccuper de leur propre défense, sauf en relation aux besoins des Américains, qui sont la cible, de se défendre et de se protéger contre des attaques comme celles du 11 septembre. Comment pouvons-nous dire cela aux Canadiens?

Mme Sinclair: Vous avez posé plusieurs questions connexes. Vous avez parlé des arrangements bilatéraux. L'un des moyens nous permettant d'assurer notre souveraineté consiste à négocier des ententes bilatérales qui répondent à vos inquiétudes. Ces ententes, comme dans les ententes internationales, ne signifient pas que l'on cède la souveraineté sans contrepartie. Ce ne devrait pas être un jeu à somme nulle. Si c'est le cas, il n'en vaut pas la chandelle.

Un arrangement bilatéral, qu'il concerne le commerce ou la sécurité, doit contenir des dispositions qui assurent la prise en compte et le respect des éléments auxquels on tient et qui précisent qu'il y a eu accord — soit sous forme de traité soit de politique — qui les garantit.

L'examen des accords bilatéraux avec les États-Unis révèle clairement que les paramètres portent sur ce qui suit: Quelles sont les retombées en matière de souveraineté canadienne, en regard du processus décisionnel du gouvernement canadien et de la volonté du peuple canadien? Tous ces éléments sont pris en compte.

On peut dire que la souveraineté se raffermit quand on met en place ces types d'arrangements, du fait qu'ils sont couchés sur papier et observés, et dans l'éventualité où ils ne l'étaient pas, on a recours à des mécanismes de résolution des différends. C'est là l'objectif et l'esprit des accords bilatéraux.

En ce qui concerne l'OTAN — vous pourriez peut-être aller dans les détails de cette question avec mes collègues de NORAD qui pourront vous expliquer les modifications que cet organisme a subies — vous vous référez à l'espace aérien interne. Il est à la fois espace aérien interne américain et canadien. Il surveille un espace aérien partagé et reflète la triste réalité, celle de devoir surveiller notre espace aérien ensemble. Les événements du 11 septembre ne relevaient ni de la théorie, ni du cinéma. C'est vraiment arrivé. Ce n'est que parce que nous contrôlions l'espace aérien que nous avons été en mesure de faire convenablement atterrir l'avion, de protéger tant de Canadiens, de nous faire une idée certaine de la menace, de bien contrôler les événements et de remettre les rouages en marche rapidement et efficacement.

Ce n'est pas en l'occurrence, dirais-je, une violation de l'espace aérien canadien. C'est un effort authentiquement conjoint de traiter l'espace comme étant une ressource commune étant donné que les avions volent à 38 000 pieds sans tenir compte des frontières. Il n'y a pas de clôture là-haut. Au chapitre des accords de commandement et de contrôle, je vous suggère de soulever cette question plus tard aujourd'hui, avec mes collègues du ministère de la Défense nationale. Il s'agit d'un commandement binational intégré. NORAD est très particulier — et c'est pour cela que j'ai insisté sur la différence. Des relations étoffées avec les États-Unis comprenant d'autres domaines de coopération n'exigent pas nécessairement l'approche étoffée, bilatérale et intégrée. C'est une étape importante étant donné qu'elle signifie que les responsabilités du commandement sont partagées et que les parties peuvent mutuellement se confier des missions, bien que la reddition de comptes auprès des autorités politiques supérieures se poursuivent. Vous pourriez souhaiter poursuivre ces questions de façon plus détaillée plus tard aujourd'hui.

Le sénateur LaPierre: Je voudrais poser une dernière question. Le 11 septembre revêt de l'importance pour les Canadiens, mais ce qui s'est passé ne nous visait pas, non plus que notre mode de vie ou notre système de valeurs. Il visait plutôt les Américains. Nous avons été appelés à intervenir parce que nous sommes les voisins de ce pays qui est le plus puissant du monde. Tout le monde me dit que je dois, par conséquent, protéger mon pays contre les attaques terroristes, et j'en conviens. Dois-je toutefois protéger mon pays contre des attaques terroristes au dépens de ce que je suis? Les gens parlent de pilotes armés dans les postes d'équipage et de policiers armés à nos frontières. Nous sommes en train de glorifier la culture de l'arme et de son usage inconsidéré fait par les Américains. Il semble que les Canadiens n'aient pas été adéquatement informés du prix à payer en vue d'assurer la sécurité et la sûreté canadiennes non plus que de celui de la coopération avec les États-Unis pour assurer leurs sécurité et sûreté. Il s'agit d'une approche tout à fait différente pour votre ministère.

Mme Sinclair: Sénateur, permettez-moi de diviser votre question en deux parties. Certains ne sont pas convaincus que les attaques du 11 septembre ne visaient que les États-Unis ou un mode de vie particulier, ou un système de valeurs, comme vous l'avez dit, il est possible que ce n'ait pas été le cas. Permettez-moi d'expliquer l'obligation pratique, juridique et politique que nous avons contractée sciemment — c'est-à-dire l'OTAN et l'article V. De par son appartenance à l'OTAN, le Canada est un allié des États-Unis. Si nous avions été attaqués le 11 septembre, les États- Unis se seraient portés à notre défense, tout comme l'auraient fait également nos autres alliés de l'OTAN. Il existe une obligation politique et juridique, certains disent qu'elle est également morale et spirituelle, d'aider les États-Unis. Le Canada était obligé d'intervenir, et effectivement nous l'avons vite fait.

Les autres questions que vous avez posées, de nature viscérale et philosophique, concernent le prix à payer pour assurer la sécurité canadienne et de savoir si le peuple réalise ses retombées, s'il a réfléchi au fond de cette question. Je dirais que chacun d'entre nous devrait réfléchir à ces questions.

Le sénateur LaPierre: Que voulez-vous dire?

Mme Sinclair: Je veux dire que je suis incapable, dans mes fonctions actuelles, de vous donner une réponse définitive. Évidemment, il faut réfléchir aux conséquences d'actions précises visant à assurer la sécurité canadienne parce qu'il s'agit de leur impact sur des valeurs canadiennes, peut-être relativement aux policiers ou pilotes armés dans les postes d'équipage. Je ne peux pas m'exprimer sur cette question. Certainement, dans mon domaine, celui de la sécurité internationale, si nous collaborons avec les États-Unis, nous calculons toujours le prix que doivent payer les Canadiens et les retombées de cette collaboration sur les relations internationales du Canada. À l'occasion, il s'avère raisonnable de le faire, tandis qu'à d'autres, nous devons le faire de différente façon, ou même pas du tout.

Comme je l'ai dit en commençant, il est évident que sans un langage suffisamment ferme dans les termes que vous avez décrits, nous divergeons profondément d'avis avec les États-Unis sur les questions concernant la Cour pénale internationale et le désarmement. Nous le déclarons énergiquement et à l'échelle de la planète. Ainsi, nous ne nous livrons pas toujours à un calcul voulant que nous soyons nécessairement d'accord avec les Américains sur toutes les questions parce qu'autrement cela pourrait nuire à nos intérêts ou à nos valeurs. Si c'est le cas, nous divergeons; en revanche quand les intérêts peuvent converger, nous les faisons converger.

Le sénateur Forrestall: Je m'intéresse au dialogue actuel parce qu'il est d'une importance capitale pour ce que nous faisons. Monsieur le président, pourrais-je dire que j'ignore qui a remporté la première ronde parce que nous n'avons pas encore entendu le dénouement?

Mme Sinclair, vous avez dit dans vos remarques que le fait d'avoir les États-Unis pour voisins signifie que le Canada et les États-Unis peuvent non seulement collaborer, mais également à l'avantage de chacun en vue de la protection des nos pays et citoyens respectifs.

Votre deuxième réflexion voulait que nous puissions le faire dans le cadre d'un commandement intégré et binational, comme nous le faisons pour relever les défis particuliers de la défense aérienne dans le cadre de NORAD. Vous n'avez pas dit que le meilleur moyen pour nous de le faire serait dans l'intégration. Par conséquent, je ne peux que supposer, connaissant votre sens de la discipline, que ce mot vous est soudainement venu à l'esprit et que vous avez décidé pour une raison quelconque de ne pas l'utiliser. Puis-je vous demander pourquoi vous ne l'avez pas utilisé? Existe-t-il d'autres moyens de le faire?

Mme Sinclair: Le langage est tout à fait délibéré, comme vous le dites. Comme le laisse entendre le style de ma présentation, le commandement et le contrôle de l'espace aérien présentent certains éléments particuliers faisant en sorte qu'une structure intégrée et binationale s'impose. Bien que les avis puissent diverger, la réaction du 11 septembre a prouvé l'importance de NORAD. Des temps de réponse courts s'imposent puisque le type des menaces a sensiblement évolué.

L'examen des zones maritimes, et plus particulièrement celui des zones terrestres, révèle que les conditions qui s'imposent ne sont pas les mêmes en termes de temps de réponse. Il n'est pas toujours nécessaire que le commandement et le contrôle soient complètement intégrés pour s'assurer d'une collaboration, du partage de renseignements et d'efforts de coordination espérés, si l'on veut améliorer les capacités dans les zones maritimes et terrestres.

Une structure intégrée comme celle de NORAD constitue une étape marquante. Elle répond à de nombreuses questions soulevées par le sénateur LaPierre. NORAD suppose une cession volontaire de la souveraineté dans un but plus large, d'une manière qui ne s'impose pas nécessairement, considérant ce dont nous devons tenir compte en termes de menaces maritimes et terrestres. C'est la raison pour laquelle les mots sont soigneusement choisis, c'est d'ailleurs le principe qui sous-tend cette approche.

Deuxièmement, nous sommes actuellement en pourparlers avec les Américains pour déterminer le contexte menaçant et ce qui doit se faire. Il serait inutile en ce moment, voire imprudent, de sauter à la conclusion qu'il n'existe qu'une seule solution. Il y a plusieurs moyens de l'accomplir. Par exemple, la mise en place d'une planification conjointe et de cellules de suivi. On peut citer des centaines d'accords bilatéraux qui fonctionnent bien jusqu'à présent. Certains se demandent s'il ne faut pas apporter des améliorations. Peut-être que tout est parfait tel quel. C'est la raison du langage délibéré de la présentation.

Le sénateur Forrestall: L'idée est, cela se prête au dialogue et au débat, que notre souveraineté est menacée. Je ne fais pas partie de ceux qui le croient. Je pense plutôt que je peux abandonner beaucoup de choses et me «sentir» quand même canadien. Il en faut beaucoup pour intimider des cap-Bretonnais, des Néo-Écossais et des Terreneuviens. Je ne sais pas à propos des Ontariens ou des Canadiens plus à l'Ouest, mais il en faudrait vraiment beaucoup pour perdre ce sentiment de soi, d'identité canadienne.

Si dans la recherche mutuelle de protection, nous devons trouver des moyens d'étendre notre coopération, est-ce notre souveraineté, et le dialogue qui l'accompagne, qui sont les plus vulnérables? Ou ne l'est-ce pas, comme j'ai pu le constater au fils des années, dans le domaine des communications? La télévision canadienne se limite aux Blue Jays à Toronto et à un ou deux autres programmes. Si je cherche du contenu canadien, j'écoute la radio de la SRC, pas la télévision canadienne.

Est-ce là le terrain où nous sommes les plus vulnérables, celui de la souveraineté? Devons-nous nous désister de quelque chose pour coopérer de façon plus intense?

Mme Sinclair: Sénateur, si la situation exigeait que nous abandonnions notre souveraineté, ce n'est plus une somme nulle. Nous obtiendrions une contrepartie dans l'éventualité où nous étions prêts à nous désister de notre souveraineté.

Nous sommes tout à fait d'avis que la forme devrait suivre la fonction. Il nous faut déterminer, tout d'abord, ce dont nous avons réellement besoin. Où se trouvent les failles? Quelles sont les préoccupations? Existent-elles réellement?

Il nous faut discuter avec les Américains et leur dire: «Nos arrangements actuels ne nous permettent-ils pas de coopérer déjà pleinement et efficacement dans les domaines maritimes et terrestres? Y a-t-il vraiment autre chose d'important que nous devrions faire?»

Plutôt que de s'en prendre aux structures, nous souhaiterions nous préoccuper de ce qui doit être ajusté à la lumière de la nouvelle menace. Il ne s'agit pas tellement d'une question abstraite de la nécessité de disposer d'une relation de défense entièrement nouvelle avec les États-Unis. Nous évoluons dans un contexte de menace différent. Nous avons affaire à des menaces asymétriques. Comme je l'ai dit dans ma présentation, les premiers intervenants sont des civils. Les militaires constituent un système de réserve. Devons-nous envisager d'importantes modifications à la relation bilatérale de défense pour nous assurer de protéger les Canadiens?

Ce sont là les questions que nous devons nous poser. Si nous pensons que les failles sont importantes, il nous faut donc nous demander: «quel est le prix à payer pour combler ces failles et y a-t-il moyen de le faire sans affecter la souveraineté canadienne?»

Vous posez la question de savoir si c'est là le terrain sur lequel nous sommes les plus vulnérables. C'est un sujet à débattre. Les Canadiens aussi sont très souples.

Si l'on souhaite une relation de défense plus large et intégrée avec les États-Unis, il faudrait tenir compte de nombreux facteurs. Le premier: En avons-nous réellement besoin? Ensuite: Que devons-nous faire et comment le faire du mieux possible?

Le sénateur Forrestall: Vous insistez sur l'importance de négocier des instruments juridiques multilatéraux de conformité comme moyen de protection de la sécurité du Canada contre l'extérieur. Pouvez-vous citer au comité quelques exemples de tels instruments? Comment, à votre avis, ces instruments réduiraient-ils la menace du lancement par erreur d'un missile nucléaire?

Avant de répondre, je voudrais dire que j'espère que le dialogue que vous avez entamé, vous et le sénateur LaPierre, constitue un sujet de préoccupation à un autre palier institutionnel de ce pays. Les universités sont récemment restées muettes. Les militaires sont tellement silencieux qu'on a du mal à savoir s'ils sont avec ou contre nous. Je vous en prie, préservez le dialogue.

Mme Sinclair: En ce qui concerne les exemples d'instruments, il existe de nombreux moyens de protéger la sécurité canadienne. Aux Affaires étrangères, nous croyons qu'il est important de mettre en place des instruments et des normes juridiques. Ce n'est pas seulement la lettre de ces instruments, mais également l'esprit qui les anime qui nous permet de traiter des questions touchant les armes nucléaires, chimiques et biologiques.

Vous avez demandé des exemples précis, je peux vous en citer quelques-uns. La convention sur les armes chimiques traite de l'interdiction complète et de la destruction des stocks d'armes chimiques. Ce sont là les types d'instruments auxquels le Canada a recours et qui constituent nos initiatives de prévention à l'étranger. Cela signifie que nous utilisons une norme internationale, un traité, pour éliminer les stocks d'armes chimiques et pour établir une norme internationale qui qualifie de conduite non civilisée le fait de posséder ces armes. C'est un moyen important de combattre la menace des armes chimiques. On essaie d'empêcher la naissance de certaines armes ou de définir des méthodes pratiques de destruction des stocks.

Le Canada a contribué financièrement à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Des Canadiens font partie de l'équipe qui a son siège à La Haye. Nous avons participé à la destruction des stocks d'armes chimiques en Russie, par exemple. Il y a beaucoup d'autres choses à faire.

Dans le même ordre d'idées, il existe une convention sur les armes chimiques et à toxines. Le meilleur moyen de traiter de la question des armes chimiques et biologiques est de ne pas le faire après coup, mais au stade de leur élaboration. Une solide norme juridique s'impose. Cela signifie que des dispositions de conformité doivent exister et prévoir que dans l'éventualité de leur violation, on a les moyens de prendre des mesures contre ces violations.

En ce qui concerne les armes nucléaires, il existe un traité de non-prolifération nucléaire qui reconnaît cinq puissances nucléaires mondiales, mais qui tente d'établir une norme internationale contre l'acquisition d'armes nucléaires par d'autres pays.

Ce sont là les types d'instruments que je citerais. Il s'agit d'éléments dissuasifs, mais ils renferment également un aspect pratique.

En ce qui concerne les missiles, il existe un régime, le Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles, que le Canada préside actuellement. Nous avons favorisé la négociation d'un code de conduite international en matière de technologie des missiles, l'une des armes les plus effrayantes de l'arsenal militaire. Il suffit d'une petite quantité d'un agent biologique et d'un système de livraison pour infliger des dommages conséquents. C'était là certains exemples d'instruments dont nous parlions.

J'ai peut-être abordé un peu votre deuxième question sur la manière de réduire la possibilité. Il ne faudrait pas faire preuve de naïveté. Le monde n'est pas constitué d'enfants de cœur. Il ne suffit pas d'une norme, d'un esprit et d'une intention. Il faut mettre en place des mécanismes robustes qui assurent la bonne exécution de ces traités.

Il faut également avoir la volonté de financer le démantèlement des armes nucléaires, l'élimination des matières fissiles excédentaires qui pourraient servir à la fabrication d'armes nucléaires et la destruction des stocks, ainsi de suite. Le Canada joue un rôle important à cet égard.

Concernant le dialogue permanent, si cela peut vous consoler, je vous assure que les universitaires et les organismes non gouvernementaux avec lesquels nous entretenons des relations étroites soulèvent toujours passionnément les questions dont le sénateur LaPierre a parlé.

Le sénateur Forrestall: Vous constaterez que nous n'avons pas soulevé la question iraquienne.

Mme Sinclair: Je ne l'ai pas remarqué.

Le sénateur Wiebe: Madame Sinclair, je souhaiterais quelque peu modifier le cours des questions. Comme vous le savez, notre comité examine la nécessité d'adopter une politique nationale de sécurité au Canada. J'ai éprouvé des frustrations au cours des derniers mois lors de rencontres que j'ai eues avec des ministères et des organismes. Lorsqu'on examine les moyens de contrer des menaces à la sécurité en provenance de l'étranger, les intervenants sont nombreux, notamment les autorités portuaires, celles des frontières, la GRC, le SCRS et les polices provinciales et municipales. Et je pourrais continuer. Chaque groupe dépend d'un sous-ministre différent.

Je trouve qu'il y a énormément de chevauchements de ressources financiers et humaines. Est-il nécessaire de dépenser tout cet argent pour faire la même chose?

La conséquence la plus inquiétante de ces chevauchements est de voir qu'à l'occasion, il semble qu'il soit impossible de communiquer ou de partager les renseignements de sécurité nécessaires assez rapidement pour pouvoir prévenir une éventuelle menace.

Ma question est constituée, essentiellement, de deux volets. Le premier, est-ce que votre ministère planifie conjointement la politique avec celui de la Défense nationale? Le deuxième, combien de temps faut-il pour que les autres organismes partagent les renseignements dont ils ont besoin? Assez fréquemment, l'acte a été commis avant que n'ait été trouvée une mesure préventive adéquate.

Mme Sinclair: Sans vouloir me montrer simpliste ou naïve, je crois pouvoir vous rassurer en ce qui concerne les deux questions posées par le sénateur Wiebe. La relation entre les Affaires étrangères et le MDN est très étroite. Mon bureau est responsable de cette interface et nous sommes en contact quotidien avec nos collègues du MDN. Cela signifie que la politique, même dans sa phase d'incubation, est envisagée conjointement avec le MDN ainsi qu'avec d'autres ministères, le cas échéant, mais principalement avec le MDN lorsqu'il s'agit de questions touchant la sécurité, que ce soit les relations bilatérales Canada-É.-U., avec l'OTAN ou autres. Ces relations sont si étroites que nous échangeons du personnel. Il y un colonel qui travaille dans mon ministère. Nous avons délégué un agent du service extérieur auprès de la Direction de la politique au ministère de la Défense nationale. Nous avons tenté d'aller plus loin à travers ces échanges d'idées en termes d'infusion quotidienne, de culture, de réflexion, d'approche et de contacts étroits que l'on entretient, du fait qu'on appartienne à un ministère.

Il ne fait pas de doute qu'un mécanisme puisse être amélioré. Je n'exagérais pas en disant que ma journée commençait habituellement par un appel à mes collègues du ministère de la Défense nationale. Nous nous rencontrons quotidiennement et échangeons les renseignements de bien des manières. Nous planifions de concert. Nous exécutons de concert. Nous nous livrons à des exercices de «leçons apprises» ensemble. C'est une excellente relation.

Je regarde mes collègues dans d'autres parties du monde, y compris chez nos alliés de l'OTAN. Je pense que nous avons l'une des relations les plus étroites entre civils et militaires en termes de politique étrangère et de défense.

J'ai passé par de très nombreuses crises, la Guerre du Golfe, la Bosnie, le Timor et par toutes ces questions de sécurité internationale qui exigent le partage de l'information, non seulement avec la Défense nationale, mais également avec le Solliciteur général et nos collègues de l'ACDI. La communauté de la sécurité internationale s'étend au-delà de mon ministère. Dans la mesure où un système peut fonctionner, nous partageons rapidement l'information. Nous constituons des groupes de travail. Nous exploitons un système avancé de courriel qui nous permet de transmettre et de recevoir des messages électroniques. Est-il dépourvu de défauts? Est-il infaillible? Fonctionne-t-il toujours aussi vite qu'il le peut? Absolument pas. Cependant, il constitue un très bon canal d'information.

Il faut parler également du rôle que joue le BCP. Lorsqu'une crise commence à poindre ou qu'elle atteint un certain niveau, le BCP joue un rôle de coordonnateur et nous rassemble à travers le Secrétariat de politique étrangère et de défense.

Le sénateur Wiebe: Ma deuxième question porte sur les chevauchements entre ministères. Pourquoi faut-il qu'il y ait autant de gens au sein des différents ministères qui exécutent des travaux similaires en matière de sécurité? Peut-être que je ne comprends pas bien. Vous pouvez probablement invoquer une bonne raison pour justifier votre présence là- bas, par exemple. Pourquoi est-ce que le ministère de la Défense nationale ne pourrait pas faire votre travail, ou pourquoi faut-il que vous travailliez au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international plutôt qu'au ministère de la Défense nationale? Nous recherchons des moyens de faire en sorte que les deniers des contribuables soient dépensés de la façon la plus prudente.

Mme Sinclair: C'est une excellente question. On pourrait la considérer duplicatrice. Sur un plan, il semblerait que nous nous livrions au même travail; toutefois, chaque ministère a une perspective et un mandat différents. Le mandat du ministère de la Défense nationale est très précis et concerne la sécurité du Canada et le soutien à l'autorité civile. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a un mandat très différent: de favoriser les intérêts du Canada à l'étranger et de protéger sa souveraineté de différentes façons diplomatiques ainsi que par d'autres moyens.

Je ne voudrais pas que ma réponse soit prévisible, mais je vous dirais que c'est complémentaire. Je dirais que la définition des politiques devrait constituer un processus répétitif. Il devrait s'instaurer une rivalité d'intérêt pour faire en sorte que l'on réfléchisse adéquatement à la question, sous différents angles et en fonction des intérêts des différentes parties intéressées, cela permettrait d'obtenir le meilleur résultat en termes de définition des politiques. Si tout cela n'était du ressort que d'une seule personne ou d'un seul secteur, on obtiendrait au fil du temps une certaine cohérence, mais on pourrait également se retrouver avec des politiques insipides. Il existe une rivalité d'intérêts et différentes manières de voir les choses. L'un pourrait dire: «C'est la meilleure chose que nous puissions faire.» Toutefois, à bien y réfléchir, on se pose la question: «A-t-on pensé à l'impact de nos relations avec ces pays?»

Le fait que les choses soient examinées par différentes personnes en fonction de points de vue différents, comme le fait ce comité, résulte en une politique beaucoup plus solide et robuste, une politique qui reflète la diversité des intérêts du Canada et des Canadiens.

Le sénateur Wiebe: Si vous définissez une politique dans un certain domaine et que vous partagez avec le ministère de la Défense nationale, une partie de cette politique pourrait être exécutée par la GRC. Celle-ci pourrait devoir mettre en œuvre une partie de cette politique en coopération avec les autorités portuaires. Est-ce que chacun de ces organismes a son mot à dire dans la définition de cette politique? Sommes-nous en train de tourner à vide ici? Qui a le dernier mot en termes de ce qui sera adopté?

Mme Sinclair: C'est le gouvernement, au Parlement et au cabinet. La politique interministérielle est fournie en débats, divisions et désaccords dont certains ne peuvent trouver de solution qu'au cabinet. Sur le plan de la politique, les homologues qui définissent la politique se joignent à la table des discussions. Je l'ai déjà fait à plusieurs reprises. À l'occasion, on peut trouver 25 représentants ministériels autour de la table, chacun responsable d'un secteur particulier. Si l'on souhaite faire en sorte que la politique soit non seulement énoncée et élaborée, mais également mise en œuvre, les gens doivent en comprendre les retombées sur les autorités portuaires, par exemple. Quelqu'un pourrait alors dire «C'est tout à fait insensé. Ils ne disposent ni des ressources ni des capacités.» On doit alors faire appel au Conseil du Trésor et au ministère des Finances pour trouver les ressources. Le processus politique est d'une grande complexité. Il faut déployer beaucoup d'efforts pour arriver à définir une politique fonctionnelle.

Le sénateur Day: Madame Sinclair, je souhaiterais commencer par faire une observation et j'aurais ensuite deux brèves questions. Mon commentaire abonde dans le sens de votre réponse sur la manière de définir une politique efficace et robuste. Je n'adopterai pas la même position que le sénateur LaPierre concernant notre perception de l'attaque du 11 septembre contre le World Trade Center. Certains pourraient juger que cette attaque vise d'autres que les États-Unis. À mon avis, ces attaques visent notre mode de vie démocratique et libre-échangiste, celui d'un pays commerçant multinational. Ce symbole a été choisi pour une raison. Le fait que de nombreux citoyens de différents pays sont morts par suite de cette attaque prouve ce qu'ils essayaient de faire en attaquant de la sorte. Pour cette raison, je suis d'avis que nous devons participer aux discussions sur la sécurité aux niveaux international, bilatéral et multinational.

Concernant les discussions avec les États-Unis, nous avons entendu souvent dire, après le 11 septembre, que les terroristes seraient venus du Canada, que le Canada est une passoire qui permet la perpétration de ces actes aux États- Unis. Nous l'avons vu dans les médias. La chose a été rectifiée et réfutée, mais je ne suis pas certaine que l'ensemble des Américains ait bien reçu le message. Je me demande si, à votre avis, les gens avec lesquels nous sommes en négociation sur différentes questions communes de sécurité et d'activités militaires sont maintenant convaincus du fait que cette image du Canada, voulant que ce pays soit un problème pour les États-Unis et offrant des possibilités d'infiltration aux criminels et aux terroristes, est mal fondée. S'ils ne le sont pas, j'imagine que cela complique sensiblement les négociations et qu'elles pourraient difficilement se dérouler sur un pied d'égalité.

Mme Sinclair: Comme vous l'avez dit, avec raison, la désinformation dans la presse américaine a été intense. Heureusement, nous avons réussi à démentir tous les racontars et avons prouvé que le Canada n'était pas une passoire. En réalité le Canada a fait partie de la solution en termes de sécurité des États-Unis. Nous avons déployé d'importants efforts pour faire passer notre message, pour faire connaître la réalité de la situation, par contraste à l'hystérie qui s'était emparée de la presse américaine.

Concernant le secteur avec lequel nous traitons à cet égard, je peux vous dire que ce sont des gens qui savent que le Canada est un partenaire fiable, un allié digne de confiance, c'est-à-dire que nous ne devons pas du tout nous préoccuper de ces problèmes d'ordre psychologique. Je parle du Département d'État. Ils connaissent la réalité du travail que nous effectuons à la frontière. Ils connaissent la réalité qui veut que le Canada soit un partenaire international des États-Unis.

Lorsqu'il est question de «ministères de la défense», il est évident qu'il y a deux pays et deux armées qui collaborent, qui interopèrent avec l'OTAN au sein de nombreuses missions militaires, qui se livrent à des manœuvres conjointes et qui coopèrent quotidiennement. Notre petite communauté n'a pas à relever de défis de cette taille.

Toutefois, je pense qu'il y a quand même une question plus large, celle du public américain. Nous nous appuyons sur notre ambassade à Washington, et notre consulat, pour nous assurer de connaître la vérité là-bas.

Le sénateur Day: Je m'inquiète de la perception. Je conviens avec le sénateur LaPierre que le fait de ne pas pouvoir résoudre certains irritants commerciaux comme le bois d'œuvre, le Farm Bill en particulier ainsi que d'autres, semble vouloir dire qu'il s'agit d'un autre problème que celui du grand public qui n'apprécie pas notre relation à sa juste valeur. Il se peut que ce soit un problème administratif, mais j'espère que ce n'est pas le cas. Vous ne pouvez peut-être pas vous étendre sur ce sujet. Les gens avec lesquels vous traitez semblent nous comprendre mais il faut qu'ils rendent compte à quelqu'un qui ne nous comprend peut-être pas.

Je ne veux pas vous embarrasser. Ce n'est qu'un commentaire. Je crois comprendre que le commandant de ce que les Américains aiment appeler le Commandement du Nord, selon leur organisation militaire, est également commandant de NORAD. À une époque, des discussions ont eu lieu sur l'élargissement du rôle du Canada au sein du Commandement du Nord au-delà de NORAD. Est-ce encore une possibilité ou cela n'est plus sujet à négociation en ce moment?

Mme Sinclair: Que je sache, le nom du commandant du Commandement du Nord n'a pas été confirmé. Je crois que la candidature de la personne qui est actuellement commandant de NORAD a été proposée, mais je doute qu'elle ait été déjà confirmée.

Le Commandement du Nord est un commandement exclusivement américain. Il n'est nullement question que le Canada participe à cette structure de commandement. Il est strictement destiné à l'intégration des forces américaines dans cette structure de commandement. Une structure binationale n'est pas envisageable en l'occurrence. En effet, vous pourriez peut-être vous rappeler que l'ensemble du processus du Plan de commandement unifié date d'avant le 11 septembre. Les Américains se livrent à cet exercice régulièrement en vue de s'assurer que leur structure de commandement est adéquate. Il était anormal que les Américains ne possèdent pas une structure de commandement qui couvre leur propre région étant donné qu'ils possèdent des structures qui couvrent les régions de tout le restant de la planète.

À nouveau, franchement, c'est aux Américains qu'il revient de le décider. Le Canada n'a rien à y voir et il ne faudrait pas s'attendre à ce que le Canada y joue un rôle quelconque.

Concernant l'élargissement du rôle du Canada, la question a fait l'objet de maintes discussions: faudrait-il élargir alors le rôle de NORAD? Je crois que c'était l'objet de la question du sénateur Forrestall. En l'occurrence, nous croyons qu'il est prématuré d'en déterminer la structure. Il faut plutôt déterminer ce que nous devons faire pour garantir notre sécurité et ensuite, définir les instruments qu'il nous faut mettre en place à cette fin.

Même si je peux vous parler de façon détaillée du Commandement du Nord et de sa structure, je pense qu'il serait préférable de laisser à mes collègues du MDN le soin de vous en parler cet après-midi.

Le sénateur LaPierre: Si le Commandement du Nord n'est qu'un instrument pour la sécurité des États-Unis, pourquoi lui a-t-on donné le nom de «Commandement du Nord»? Pourquoi ne l'a-t-on pas appelé le «Commandement interne de sécurité»? Tout le monde sait que le Canada constitue la portion septentrionale de l'Amérique du Nord. Lorsque le terme «Commandement du Nord» est utilisé, voulez-vous parler de tout le continent nord-américain, c'est à dire le Mexique, le Canada et les États-Unis? Il n'est pas nécessaire d'être universitaire ou membre du MAECI pour le savoir. Pourquoi attachons-nous si peu d'importance au terme même de «Commandement du Nord? Je crois que c'est une appellation effroyablement impérialiste. Les Canadiens devraient s'inquiéter de la chose et pourtant ni vous ni votre ministère ne semblez l'être.

Mme Sinclair: Merci beaucoup pour cet éclaircissement.

En ce qui concerne l'appellation, je réitère que je ne souhaite pas donner l'impression que je traite ce sujet de façon cavalière, mais c'est vraiment aux Américains qu'il revient de déterminer la structure de ce qu'ils nomment «Commandement du Nord». Nous n'avons pas d'avis à donner sur l'appellation qu'ils adoptent, que ce soit «Commandement du Nord» ou comme vous dites «Commandement interne».

Le sénateur LaPierre: Ne pensez-vous pas que le motif qui les a poussés à adopter cette appellation doive faire partie de votre élaboration de la politique?

Mme Sinclair: Il est évident qu'il a été conçu pour prendre en compte l'ensemble. Vous avez raison de dire qu'ils considèrent le Canada et le Mexique dans le même contexte, mais c'est dans le but de définir leur façon d'agir dans leur sphère de sécurité. Cela ne devrait pas empiéter sur la souveraineté canadienne. C'est leur manière de s'organiser.

Ils disposent d'un commandement central qui, bien que se trouvant à Tampa, couvre l'Afghanistan. Les étonnantes particularités de la structure américaine de commandement valent la peine d'être examinées, mais il ne faut pas s'en inquiéter outre mesure.

Encore une fois, pour utiliser votre exemple mexicain, les États-Unis se donnent pour nom les «États-Unis». Si vous êtes dans la Ciudad de Mexico et que vous parlez des «États-Unis», les gens penseront que vous voulez parler des États-Unis du Mexique. Ce n'est pas la première fois que les Américains se permettent des libertés avec la langue anglaise.

Le président: En passant, ils semblent faire référence au Maine, lorsqu'ils parlent du «nord du pays».

Le sénateur LaPierre: Ils ne connaissent ni son emplacement, ni qui en est le propriétaire.

Le sénateur Cordy: Madame Sinclair, la discussion a été très intéressante. Étant né au cap Breton, je comprends votre réticence à quitter l'un des plus beaux lieux du monde.

Nous avons passé un bout de temps à discuter de politique de planification des ministères des Affaires étrangères et de la Défense nationale. Pouvez-vous m'expliquer exactement ce qui arrive lorsqu'un membre de l'un des deux ministères décide d'élaborer une politique touchant, par exemple, la sécurité outre frontières? Qu'arrive-t-il alors? Qui s'en charge? Est-ce les Affaires étrangères, la Défense, ou bien cela peut varier? Pourriez-vous me l'expliquer pour que je puisse m'en faire une idée claire?

Mme Sinclair: Cela me fait plaisir de vous l'expliquer. J'ai apprécié votre publicité pour le cap Breton.

Cela dépend. Prenons, par exemple, le cas de la défense contre les missiles balistiques — pas que nous nous préoccupions de cette question, mais je l'utiliserai à titre d'exemple. Le ministère des Affaires étrangères mène la politique à cet égard. Il ne s'agit pas uniquement d'une question d'ordre militaire dont les conséquences ne concernent que la défense; elle a des retombées internationales plus larges en termes de sécurité et de désarmement, et ce, du fait de la façon dont elle a été envisagée. Nous mettons sur pied un comité — et je conçois que cela puisse sembler très bureaucratique — que le ministère des Affaires étrangères préside et qui comprend des membres intéressés du MDN. En l'occurrence, il couvre plusieurs secteurs du ministère de la Défense nationale même. Nous nous réunissons avec tous nos experts, juridiques, scientifiques, concepteurs des politiques et ceux qui se chargent de l'exécution. Nous examinons tous les dilemmes et dimensions d'une question. Il se peut que dans d'autres cas, ce soit le ministère de la Défense nationale qui mène la politique.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une question relevant majoritairement de la politique étrangère, la mise en place d'une opération de paix par exemple, cela devient plus qu'une opération uniquement militaire et renferme des éléments de politique étrangère. Dans ce cas, le ministère des Affaires étrangères mènerait la politique.

À l'occasion, nous coprésidons les activités. Cela dépend vraiment de la question à traiter.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Le sénateur Cordy: Voudriez-vous commencer par les deux ministères ensemble et, au besoin, faites intervenir d'autres ministères, ou bien les ministères doivent-ils tous intervenir en même temps?

Mme Sinclair: Cela dépend de la question traitée. Il arrivera souvent que plusieurs ministères soient invités dès le début. Par exemple, à propos de l'Afghanistan, il a été nécessaire d'inviter l'ACDI dès le début puisque la question renfermait un élément de développement-aide humanitaire. De nombreuses crises internationales sont causées par des flux de réfugiés et ainsi de suite, d'autres ministères doivent, par conséquent, prendre part aux discussions dès le début.

À l'occasion, cela se déroulera dans le cadre plus restreint des Affaires étrangères et de la Défense, mais pas souvent. Il n'existe pas tellement de problèmes dont l'intérêt est si restreint qu'il faille limiter l'accès à la discussion. Lorsque nous discutons de déploiements, la GRC est souvent présente ainsi que le Solliciteur général puisque nous discutons de questions correctionnelles. Les missions de paix renferment souvent une plus forte composante civile que militaire, il est nécessaire toutefois que les militaires contribuent leur savoir aux discussions. La participation se décide en fonction de la crise et de la situation.

Le sénateur Cordy: Voilà qui est d'une grande utilité.

Vous avez dit, et nous en convenons certainement, que NORAD s'attendrait à ce que ce soit de l'étranger que vienne une attaque plutôt que de l'intérieur du territoire nord-américain, particulièrement des États-Unis. Comment NORAD a-t-il évolué — ou bien vaut-il mieux poser cette question cet après-midi?

Mme Sinclair: Vous obtiendrez de plus amples détails cet après-midi. Je répète, cependant, que NORAD a été conçu au départ pour la défense contre les attaques provenant de l'étranger. Par conséquent, ses installations de radar et son orientation opérationnelle générale étaient dirigées vers l'extérieur. NORAD reconnaît maintenant qu'il faut exercer une surveillance de l'espace aérien commun canado-américain au sein de ces deux pays, ainsi des modifications importantes y ont été apportées. Cet après-midi, mes collègues pourront vous donner de plus amples détails.

Le sénateur Cordy: Le Canada et les États-Unis ont effectué un excellent travail en élaborant l'initiative Frontière efficace. Vous avez dit que nous examinions actuellement une série de questions touchant la sécurité militaire. Vous avez parlé d'interface ou de communication entre les premiers intervenants, c'est-à-dire entre civils et militaires. À mon avis, cela prend place à l'intérieur du Canada, mais comment cela pourrait-il se faire en termes de communications É.- U.-Canada, entre premiers intervenants et militaires?

Mme Sinclair: Encore une fois, je crois que mes collègues du MDN sont mieux préparés pour répondre à cette question. Le BPIEPC œuvre au sein du MDN et sera, par conséquent, en mesure de répondre de façon plus détaillée. Il y a des précédents de coopération face à des crises, par exemple, les inondations de la vallée de la rivière Rouge.

Il nous faut d'abord savoir quels sont les premiers intervenants civils des deux côtés de la frontière. Ensuite, dans l'éventualité où l'une des deux parties épuiserait ses ressources ou ses capacités, nous devons savoir s'il existe, de l'autre côté de la frontière, des capacités exploitables. Enfin, il faut s'assurer de connaître la structure de la chaîne de commandement et des mécanismes de communications, des deux côtés civils, canadien et américain, auxquels il faut se brancher dans l'éventualité où un soutien militaire s'avérerait nécessaire. C'est un effort de concordance qui n'est pas encore tout à fait au point.

Le sénateur Cordy: Y a-t-il des échanges entre les premiers intervenants canadiens et ceux des États-Unis avant que ne survienne une crise? Je fais référence, en l'occurrence, à la police ou aux pompiers. Le sauriez-vous?

Mme Sinclair: J'ai bien peur que cela ne fasse pas partie de mes compétences. Il vous faudrait en parler au BPIEPC. Toutefois, la coopération et les contacts sont généralement étroits.

À nouveau, en faisant l'examen des événements du 11 septembre, on constate que les services canadiens d'incendie ont immédiatement offert leur assistance. Ils connaissent leurs homologues outre-frontière. Peut-on améliorer la coordination? Probablement, oui.

Le sénateur Cordy: La discussion de ce matin entre vous et le sénateur LaPierre m'a intéressé au plus haut point. Les Canadiens s'inquiètent toujours de préserver leur identité canadienne ou leur souveraineté parce que les États-Unis sont si grands et qu'ils dépensent tant d'argent — bien plus que nous ne pouvons le faire. Comment devons-nous faire pour équilibrer la coopération? Je pense que nul ne peut nier que la coopération s'impose pour protéger l'Amérique du Nord. Nous ne pouvons pas nous mettre en danger pour préserver notre identité. Nous ne pouvons pas dire: «Nous ne devons pas nous en mêler si cela doit nous faire perdre notre identité canadienne».

Par ailleurs, nous ne voulons pas non plus perdre notre identité canadienne. Comment équilibrer ces deux impératifs? Cela fait partie des priorités dans vos échanges avec les Américains, et vous nous assurez que l'identité canadienne est préservée. C'est certainement un sujet de préoccupation pour de nombreux Canadiens. Comment établir un équilibre entre la préservation de l'identité et la protection de notre pays contre des attaques provenant de l'étranger et dire quand même que nous le faisons à la canadienne?

Mme Sinclair: Il est bon d'être ramené à cette question — il se pourrait que je ne me sois pas exprimée aussi vigoureusement que je l'aurais dû à ce chapitre, sénateur LaPierre et également sénateur Cordy — les questions relevant de la souveraineté canadienne font partie de nos préoccupations importantes lorsque nous nous engageons dans des négociations avec n'importe quel pays. Dans ce sens, que ce soit les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Chine, nous avons intérêt à nous assurer que le Canada est sûr et souverain, et que le Canada est le Canada. C'est-à-dire qu'il favorise les valeurs et l'identité canadiennes. Cela va de soi. C'est notre grande priorité, comme l'air que nous respirons. C'est le point de départ.

Pour préserver l'équilibre dans ce domaine particulier, il faut s'assurer de ne faire que ce qui doit être fait. Il ne faut pas en donner plus que ce qu'il faut donner. Si les menaces envers le Canada sont réelles et que nous ne pouvons pas les déjouer tout seuls, qu'il nous faut les régler dans un cadre bilatéral, nous devons donc négocier des arrangements visant à protéger la souveraineté canadienne, et effectivement étoffer notre sécurité sans atteinte à notre souveraineté. Cela fait partie des négociations.

Cela peut, cependant, s'avérer très compliqué — comme vous l'avez démontré par vos exemples, sénateur LaPierre, et tous les autres problèmes qui surviennent dans toutes les régions du pays — d'assurer le respect de la consigne. Nous le faisons, néanmoins, et souvent nous ne parvenons pas à un accord parce que nous avons respecté la consigne. La question n'est pas d'abandonner au-delà d'un certain stade. Il y a des choses qui nous sont viscéralement importantes. Il faut se poser la question «Quelle est la limite à ne pas dépasser?»

Au pis aller — si nous reconnaissons que nous allons amoindrir de façon définitive la sécurité des Canadiens parce que nous n'aurons pas conclu d'entente dans un domaine particulier—il faut décider du point d'équilibre. Franchement, il ne revient pas aux fonctionnaires de prendre cette décision. C'est là que le gouvernement — c'est-à- dire le premier ministre et le cabinet — s'occupe de la question et décide de ce qui est dans l'intérêt national. Il le fait très prudemment. Les questions de souveraineté et de lest à lâcher pour réaliser l'objectif sont toujours omniprésents au cours de ces discussions et négociations.

Le sénateur LaPierre: Mme Sinclair, je crois comprendre que votre ministère semble mettre l'accent sur les instruments juridiques que vous négociez ou qu'il les considère comme l'instrument essentiel de la préservation de la souveraineté. Nous disposons d'un nombre considérable d'instruments juridiques avec les États-Unis, et ils n'en ont pratiquement respecté aucun. Par exemple, ils n'ont pas respecté l'ALÉNA; ils ont rejeté les instruments de la Cour pénale internationale; ils continuent à amasser et à stocker des mines qu'ils ne devraient pas utiliser et ils possèdent des armes chimiques qu'ils n'ont pas encore détruites. La culture canadienne, qui m'intéresse particulièrement, est menacée quotidiennement par Hollywood et son industrie cinématographique et par d'autres. Les législateurs américains menacent de dévaster l'industrie de l'acier à Hamilton — parce que la ministre du Patrimoine est de Hamilton — si la ministre tentait d'élaborer une politique sur les magazines canadiens. Ainsi, je reste sceptique quant à la capacité américaine de préserver la validité d'instruments juridiques. Ils ont tendance à ne pas tenir compte du reste du monde parce qu'ils sont décidés à ne faire que ce qui leur plaît.

Pourquoi le ministère des Affaires étrangères laisse-t-il ce mythe se perpétuer? Les instruments juridiques, preuve à l'appui, seront essentiels à la préservation de notre souveraineté nationale. La question peut ne pas être importante, mais il s'agit sans aucun doute d'une distorsion.

Mme Sinclair: Sénateur, la question est très importante, même si elle ne reflète pas une distorsion; mais c'est très bien.

À nouveau, comment puis-je répondre à une déclaration aussi savante? Je vous ai peut-être induit en erreur au départ. Les instruments juridiques ne sont que l'un des moyens de protéger notre souveraineté — ce ne sont pas les seuls. Il existe d'autres moyens comme la pression politique et les exemples que vous avez cités, qui sont absolument essentiels. Nous savons tous ce que Jack Valenti voudrait faire à l'industrie cinématographique canadienne et que 90 p. 100 du temps d'écran au Canada est occupé par les films américains. Que peut-on faire de plus? Il y a de vrais défis. Vous avez parlé de la convention sur les mines. J'ai beaucoup travaillé à la CPI et d'autres organes, et je sais que la description que vous en faites est exacte.

Je ne voudrais pas faire preuve de naïveté à cet égard, mais les Canadiens croient à un système fondé sur des règles et voudraient que le monde soit également fondé sur ce système. Nous devons aspirer à utiliser ces instruments, et nous devons les constituer de façon à ce qu'ils soient utiles, qu'ils protègent nos intérêts, qu'ils les fassent progresser ainsi que nos valeurs et qu'ils ne cèdent pas plus qu'ils ne reçoivent. Nous devons mettre en place des mécanismes de résolution des différends de manière à pouvoir nous appuyer sur la primauté du droit pour régler nos différends plutôt que sur la règle de la main de fer. C'est là le système de valeurs canadien et ce que nous signifions les uns aux autres et au monde. Il faut au moins essayer.

Si d'autres voulaient s'écarter du chemin tracé, et éliminer ces régimes, je propose qu'ils le fassent à leurs risques et périls parce qu'ils pourraient en avoir besoin en fin de compte. Nous l'avons dit aux Américains. Comme vous le savez, nous avons combattu sur tous les fronts et nous avons prouvé le bien-fondé de notre cas, par exemple en ce qui concerne les mines. Ils peuvent refuser de signer, mais le fait est que nous avons réussi à nous assurer du soutien d'une vaste majorité du monde à ce chapitre. Nous avons établi une norme internationale que même les États-Unis, la Chine et d'autres pays non-signataires sont obligés de respecter.

Je crois que nous devons aspirer à mener ainsi nos relations. Il se peut que cela ne fonctionne pas toujours, mais je dirais que c'est la bonne façon de le faire. De quels autres instruments disposons-nous? L'absence de dialogue et le recours au conflit ou à l'armée ne constituent sûrement pas la bonne réponse. Nous avons atteint un niveau plus élevé d'existence que cela et le Canada est perçu, sur la scène internationale, comme représentant ce qu'il y a de meilleur dans l'approche mondiale fondée sur les règles. Je ne sais pas si cela répond à vos questions, sénateur.

Le sénateur LaPierre: Comme d'habitude, notre sécurité est entre vos bonnes mains. Vous avez, toutefois, changé d'avis. Lors de votre comparution du 25 janvier devant nous, vous avez insisté sur l'importance de penser «hors des sentiers battus», ce qui veut dire «de manière non conventionnelle», pour répondre aux menaces terroristes traditionnelles et non traditionnelles contre la sécurité du Canada. Vous dites aujourd'hui que vous devriez être claire et insister sur le fait que nous n'envisageons pas de nouvelles structures complexes ou de commandements intégrés, mais plutôt de modestes mesures pratiques qui pourraient, ou non, s'avérer nécessaires à étoffer les capacités et les moyens actuels. Madame, votre ministère n'est-il plus «hors des sentiers battus», ce qui signifierait que je pourrais dormir sur mes deux oreilles la nuit en compagnie de mon chien?

Mme Sinclair: Il est toujours dommage de s'entendre citer, mais j'ose ne pas partager votre opinion. Je ne crois pas avoir changé d'avis et mon ministère est toujours «hors des sentiers battus» lorsqu'il faut qu'il le soit et lorsqu'il est pratique de l'être, il fait également preuve de retenue lorsque celle-ci s'impose. Il se trouve que lorsque nous traitons d'affaires multilatérales, nous devons faire preuve de créativité et réfléchir de façon non conventionnelle. Toutefois, en ce qui concerne précisément la coopération avec les États-Unis, nous devons être prudents et nous assurer que la forme suit la fonction. Réfléchissons à nos besoins, ensuite concevons les instruments.

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais préciser quelque chose. Je n'étais pas au courant du fait que le général Eberhart avait été confirmé à son poste jeudi dernier. J'étais encore au cap Breton et dans un tout autre état d'esprit.

Le président: Merci de cette précision. Nous pensions que les hommes en uniforme nous le diraient plus tard.

Madame Sinclair, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. L'aide que vous apportez au comité est très appréciée et la forme suit certainement la substance, ce que nous apprécions.

Ceux qui veulent suivre nos travaux peuvent le faire sur le site Web www.senate-senat.ca/defense.asp. Nous y affichons tous les témoignages ainsi que les horaires des audiences confirmées. Vous pouvez également communiquer avec le greffier du comité en appelant le 1 800 267-7362 pour de plus amples renseignements ou pour être mis en communication avec les membres du comité.

Le comité a poursuivi ses travaux à huis clos.


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