37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 7 - Témoignages du 3 mai 2001 (séance du matin)
MONTRÉAL, le jeudi 3 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles. Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Mesdames et messieurs, votre comité de l'énergie a tenu des audiences à Vancouver, Calgary, Edmonton et Toronto; il est aujourd'hui à Montréal. Dans les semaines qui viennent, nous irons en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Vous pouvez présenter votre témoignage dans l'une ou l'autre langue officielle. Le résultat de nos travaux sera publié l'an prochain. Les études sur l'énergie sont à la mode. Plusieurs groupes, y compris des comités américains, se sont penchés sur les questions relatives à l'énergie. Nous tentons d'ailleurs de rencontrer le comité sénatorial des États-Unis. Sans plus tarder, je vous cède la parole, monsieur Bertrand. [Français] M. Stéphane Bertrand, vice-président, Communications, Affaires publiques et gouvernementales, Gaz Métropolitain: Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Je suis accompagné de deux collègues: Mme Sophie Brochu qui est vice-présidente Développement des affaires et approvisionnements gaziers chez Gaz Métropolitain, et M. André Boulanger, vice-président, Ventes-Marketing. Au cours des derniers jours, vous avez eu l'occasion de rencontrer de nombreux groupes à travers le pays et des collègues gaziers qui oeuvrent à travers le Canada. Si vous le permettez, nous allons profiter de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour vous sensibiliser plus particulièrement au contexte gazier québécois, lequel diffère à plusieurs égards de celui dans lequel évoluent les pairs de Gaz Métropolitain à travers le Canada. Mesdames et messieurs les sénateurs, votre visite tombe à point, si j'ose dire. Nous vous présenterons un projet qui nous est cher, soit le projet de gazoduc Cartier, lequel vise à raccorder les marchés de l'Ontario et du Québec aux réserves gazières de la côte atlantique. Vous serez à même de constater pourquoi cette infrastructure de transport est devenue un véritable impératif économique pour les consommateurs de gaz du nord de l'Ontario, du centre du Canada, du Québec et des Maritimes. Vous serez à même de constater comment ce projet se retrouve aujourd'hui au coeur même des enjeux soulevés par les questions énergétiques nord-américaines. Vous verrez aussi que le projet de gazoduc Cartier illustre avec éloquence à quel point il est important que le Canada se donne une vision énergétique qui fait en sorte que les Canadiens qui sont prêts à investir leur argent et à payer le prix du marché continental, ne soient pas privés d'accès à leurs propres ressources. En guise d'introduction, nous vous soumettons très respectueusement que dans tous les cas de figure, une vision énergétique ne saurait se limiter à un leitmotiv «Let the market decide». Nous avons préparé une présentation, que nous avons voulu la plus succincte possible - vous en avez d'ailleurs une copie en français et en anglais sur vos bureaux - pour laisser du temps à des questions et à un échange fructueux avec vous. Je cède donc la parole à André Boulanger, qui animera la première partie de la présentation. Sophie, quant à elle, vous parlera plus spécifiquement du projet Cartier. M. André Boulanger, vice-président, Ventes-Marketing, Gaz Métropolitain: Je vous remercie également de l'occasion qui nous est offerte de vous présenter la position de l'entreprise au niveau des marchés et du contexte de l'entreprise, ainsi que l'impact sur le projet Cartier. On ne s'attardera pas trop longtemps sur le marché gazier québécois et sur le besoin des consommateurs, mais il est important qu'on fasse un survol de cette situation pour bien comprendre les enjeux et le contexte qui prévalent ici au Québec. Gaz Métro est une entreprise privée, réglementée et cotée en bourse. C'est une entreprise qui comporte environ 160 000 clients, répartis dans près de 260 villes. Elle a un chiffre d'affaires de 1,6 milliard de dollars par année, avec des actifs de 2,3 milliards de dollars, et des profits de 144 millions de dollars. C'est donc une entreprise majeure. Elle est le troisième plus grand distributeur gazier canadien relativement au volume, mais pas en ce qui concerne le nombre de clients. Àvec 160 000 clients, elle n'est pas la plus grande gazière. Je vais expliquer un peu plus loin ce qui différencie Gaz Métropolitain des autres distributeurs gaziers canadiens. Dans le document, vous avez une carte du réseau maître de Gaz Métropolitain qui dessert la plus grande partie du Québec industriel. Les seules zones industrielles qui ne sont pas desservies par le réseau gazier sont essentiellement les zones du Bas Saint-Laurent et de la Basse Côte-Nord. Pour le Bas Saint-Laurent, on parle de Rivière-du-Loup, de Rimouski et de Montmagny, et pour la Basse Côte-Nord, il s'agit de Sept-Îles, Baie-Comeau et Port-Cartier. Cela fait donc environ 9 000 kilomètres de conduits un peu partout au Québec. À la page suivante, vous trouverez le bilan énergétique du Québec et de l'Ontario. On voit une différence fondamentale, évidemment, entre les deux provinces. Je vais vous expliquer les grandes lignes et les raisons de ces différences. Le taux d'usage du gaz naturel est environ à 16,7 p.100 au Québec, tandis qu'en Ontario, il est à plus de 38 p.100. Il existe donc une prédominance de l'électricité au Québec, et il y a une prédominance du gaz naturel en Ontario, abstraction faite de l'importance du pétrole dans les deux cas. [Traduction] Le président: Cette électricité est-elle produite par gaz ou s'agit-il d'hydroélectricité? [Français] M. Boulanger: Dans le cas du Québec, la plus grande partie de l'électricité est produite par l'hydraulique. C'est du «hydro power». Environ 99 p. 100 de la production électrique d'Hydro-Québec est produite à même l'eau. Une des raisons pour lesquelles l'électricité est consommée au Québec, c'est qu'elle est produite par des forces hydrauliques. Cela a également amené une base industrielle qui est propre à la disponibilité de cette ressource. Dans le bilan énergétique de la province de Québec, on constate l'importance considérable de l'électricité, par rapport à l'Ontario. Au Québec, par exemple, l'industrie de l'aluminium est très présente, et elle consomme des quantités d'énergie très importantes. C'est la même chose pour le magnésium. Ce sont des procédés industriels qui utilisent des volumes d'énergie électrique très importants. Il y a également une prédominance de l'usage de l'électricité dans le chauffage résidentiel au Québec. Depuis environ 25 ans, la majorité des foyers québécois se chauffent à l'électricité. C'est ce qui explique la différence entre les deux profils énergétiques des provinces. À la page suivante, on voit le marché desservi par Gaz Métropolitain. On peut facilement deviner que dans ce profil de 160 000 clients, la concentration des volumes vendus se situe en secteurs industriel et commercial. Ce sont les marchés pour lesquels Gaz Métro approvisionne et livre son énergie. Ce sont des marchés où les fluctuations de prix ont un impact considérable. Les entreprises sont souvent en concurrence avec le marché interne et le marché externe en même temps. Les secteurs des pâtes et papier, de l'aluminium et du bois sont autant en concurrence sur le marché interne que sur le marché externe. Il y a donc de fortes exportations dans plusieurs marchés industriels. Vous voyez, à la page suivante, un graphique qui vous montre l'évolution du prix du gaz naturel en Alberta de 1990 à 2001. On remarque une stabilité dans les prix pendant presque dix ans, et on voit qu'il y a eu une hausse très importante la dernière année. Vous l'avez sans doute lu dans les journaux ou, peut-être, avez-vous vu vos factures augmenter d'une façon considérable. Cette augmentation a envoyé un signal de prix fort important au marché. Il y a deux éléments qui jouent lorsqu'on a un tel signal de prix: la demande et l'offre. À la page suivante, on voit les augmentations de prix d'année en année. J'aimerais d'abord vous rappeler que le prix fixé au client comporte trois éléments: le prix du gaz lui-même, le prix du transport et le prix de la distribution. Ces trois éléments sont reflétés dans le montant total de la facture envoyée au client. Gaz Métropolitain est rémunérée uniquement sur la portion distribution. C'est-à-dire que les volumes de gaz qu'on livre et leur transport de l'Ouest canadien jusqu'à l'intérieur de la province sont inclus dans la facture, mais sans aucun bénéfice pour Gaz Métropolitain. C'est ce qu'on appelle un «pass on» en anglais. C'est passé directement au tarif. Gaz Métro est donc rémunérée uniquement sur les volumes qu'elle transporte. Notre intérêt est d'assurer que le coût de l'acheminement des volumes de gaz à l'intérieur de la franchise de l'entreprise soit le plus bas possible. Il est fondamental pour l'entreprise que nos clients aient accès à une source énergétique compétitive dans les meilleures conditions possibles, parce que le succès de ces entreprises dépend, évidemment, d'un approvisionnement fiable, sécuritaire et à des prix compétitifs. Si les entreprises à l'intérieur de notre territoire performent correctement, elles vont utiliser du gaz naturel. Notre objectif fondamental est de trouver tous les moyens pour avoir des approvisionnements fiables et concurrentiels. De mai 2000 à mai 2001, le prix du gaz a augmenté de 92 p. 100; le transport, de 12,5 p. 100; et la distribution, d'environ 1,8 p. 100. La distribution est stable. Cependant, le prix du gaz a connu une augmentation de prix très considérable. Quel est l'impact pour les consommateurs? Dans le tableau, on démontre quatre types de consommateur: un industriel en service continu, un client industriel en service intermittent, un client commercial et un client résidentiel. À la page suivante, vous voyez la situation concurrentielle pour trois grands marchés de l'entreprise. La ligne bleue correspond au gaz naturel, la ligne verte au prix de l'électricité et la ligne jaune au prix du mazout numéro 2 ou de l'huile légère. On voit que le positionnement du gaz naturel par rapport aux autres formes d'énergie s'est passablement détérioré. Lorsqu'on regarde le marché industriel, on remarque que la concurrence électrique n'est pas vraiment présente dans ce marché; il s'agit plutôt la concurrence du mazout numéro 6. On voit également une détérioration du positionnement concurrentiel du gaz naturel par rapport au mazout. Il n'est pas intéressant, pour une entreprise qui est rémunérée sur les volumes qu'elle transporte, d'avoir une telle situation concurrentielle aujourd'hui. Il y a des enjeux pour l'entreprise. Si on regarde les niveaux résidentiel et commercial, on peut prévoir des réductions de livraison année après année de l'ordre de 4 à 5 p. 100. Quant aux volumes pour la grande entreprise, on peut prévoir des réductions de l'ordre de 15 p. 100. Cela constitue un défi pour l'entreprise et pour l'ensemble de sa clientèle. Pourquoi a-t-on des prix si élevés? Plusieurs consommateurs se posent cette question. On a beaucoup puisé dans le bassin de l'Ouest canadien, et d'une certaine façon, on peut dire qu'il est passablement «essoufflé». C'est un bassin qui a fourni beaucoup gaz dans le passé et qui continue de rendre des volumes de gaz importants. Cependant, il est de plus en plus difficile d'accroître sa production d'une façon importante. C'est pourquoi on pense, ces jours-ci, aller vers des ressources un peu plus éloignées pour approvisionner des volumes de gaz plus considérables. Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, le marché américain est assoiffé. Actuellement, il y a un contexte énergétique assez particulier en Amérique du Nord. C'est un marché qui est prêt à payer le prix de la ressource. L'énergie est un bien essentiel pour toutes les sociétés industrielles. On ne veut pas manquer d'énergie. Il y a un prix à payer et les gens sont prêts à le payer. Récemment, les systèmes de transport se sont intégrés davantage dans les marchés canadien et américain. Pensons aux extensions importantes de gazoducs, que ce soit le projet Northern Border ou le projet Alliance. À la page suivante, on voit l'évolution de la demande de gaz naturel au Canada. Dans les années 1996-1997, la demande a été plus importante qu'en 1998-1999. On explique la baisse de la demande par des hivers plus doux. C'est un impact qui a eu pour effet la hausse de prix qu'on connaît aujourd'hui. Pendant deux ou trois années consécutives, ne voyait pas dans le marché une demande qui se construisait. Les prix demeuraient relativement bas, et il n'y a pas eu de signal de prix adéquat pour répondre à un hiver normal, avec une croissance économique soutenue et importante. Un autre élément important est la croissance de la demande de gaz pour la génération du pouvoir électrique. Lorsqu'on regarde la demande par secteur - le graphique inférieur de la page - on voit la projection de la croissance pour la production électrique pour 2000 à 2005. On parle d'un accroissement de 5,4 p. 100. Si on se base sur la demande totale au Canada, on voit que la demande pour 2000 à 2005 devrait atteindre 3 p. 100 par année. Il est important de regarder en même temps la demande aux États-Unis, compte tenu du fait que les deux marchés sont fortement intégrés. On observe, sur ces deux tableaux, la croissance de la demande américaine. On constate le même phénomène que j'expliquais pour le marché canadien, c'est-à-dire un besoin maximum en 1996-1997 qui a diminué en 1998-1999, en raison d'hivers doux. Il y a, par la suite, une croissance fort importante principalement due à l'augmentation de la demande pour la génération d'électricité au moyen du gaz naturel. On parle d'une croissance de l'ordre de 6,6 p. 100. Si on regarde le cas du Golfe du Mexique, sur le premier tableau en haut à gauche, on remarque une décroissance graduelle, au fil des années, de la capacité de production de ce bassin gazier et ce, autant pour les réserves «onshore» que les réserves «offshore». Pour ce qui est de l'Ouest canadien, on voit une faible croissance année après année. Dans le Sud-Ouest américain, il y a une baisse, et dans l'Ouest américain, une légère hausse. Ce qui fait que c'est à peu près stable dans le marché américain, si on exclut le Golfe du Mexique. Pour l'Amérique du Nord, on a une faible croissance, si on fait exception de l'année 1997 où il y a eu des températures plus froides, et où les champs gaziers ont produit davantage pour répondre à la demande. Aujourd'hui, on produit à un rythme inférieur à celui de 1997. Le tableau suivant démontre un accroissement important des activités de forage au Canada et aux États-Unis. Le tableau touche 20 ans d'exploration et de développement de bassins gaziers, tant au Canada qu'aux États-Unis. Complètement à droite du tableau, on constate que la croissance du nombre de puits forés a été très considérable entre 1999 et 2000, sans nécessairement voir une augmentation de production proportionnelle. Cela explique le commentaire précédent au sujet du bassin «essoufflé». On peut forer, mais le niveau de production n'est pas aussi important que de par le passé, et il y a davantage de puits qui sont forés pour le développement plutôt que pour l'exploration. Sur le graphique, la ligne en vert correspond aux puits d'exploration qui permettent de prévoir ce qu'on peut produire dans les années à venir. Quant aux puits de développement, ils servent à mettre de la réserve en exploitation immédiatement. On constate donc qu'on cherche à mettre des volumes en production rapidement, mais qu'il y a peu d'exploration à long terme. Le tableau suivant démontre l'importance des exportations canadiennes vers le marché américain. C'est une chance, évidemment, pour la production de gaz canadien. Il y a un accroissement fort significatif. Le Canada exporte plus de 50 p. 100 de sa production gazière et ce, depuis les années 1996-1997. Le pourcentage de la production canadienne qui est exportée se situe actuellement aux environs de 56 p. 100, et on peut s'attendre à voir ce pourcentage s'accroître au fil des années. Au tableau suivant, on voit l'évolution du prix canadien, le prix à Empress - à la frontière de l'Alberta - comparé au prix Nymex, le prix américain. Ce tableau touche la période de 1993 à 2001. Historiquement, on a toujours vu un écart de prix entre le marché canadien et le marché américain. Le fait d'avoir augmenté les interconnections entre le Canada et les Etats-Unis et la construction de gazoducs ont fait que les deux marchés se sont intégrés, de sorte que maintenant, le prix canadien et le prix américain se sont, à toutes fins pratiques, équilibrés. Ils ont convergé rapidement au cours des derniers mois. Aujourd'hui, on voit des prix de 7,00 $ et 8,00 $ le gigajoule. Ces prix reflètent un déséquilibre entre le besoin du marché et la capacité des producteurs à offrir ce que le marché cherche à obtenir. Dans la partie supérieure du tableau de la page suivante, on observe qu'il y a également un déséquilibre entre les projections de nature fondamentale. Vous avez ici cinq entreprises ou organismes qui font des projections de nature fondamentale, comparées à des projections du marché financier. Il y a un écart entre les deux. Si on prend la moyenne des projections fondamentales, on voit que pour l'année 2002, on parle d'un prix de 5,78 $. C'est le prix dans un peu moins d'un an. Lorsqu'on prend le marché financier, on parle de 6,50 $. Cet écart s'accroît de façon importante lorsqu'on regarde un peu plus loin, soit en 2005. Le marché fondamental projette 4,39 $ alors que le marché financier est à 5,82 $ le gigajoule. Ceci termine ma présentation. Je dirais, en conclusion, que le marché de Gaz Métropolitain est un marché fortement commercial et industriel. C'est un marché où la concurrence importante frappe très rapidement les consommateurs et la clientèle de Gaz Métropolitain. Essentiellement, notre enjeu est l'accès à la ressource au meilleur prix possible, c'est-à-dire au prix du marché. C'est ce qui est important pour les consommateurs québécois. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Sophie Brochu. Mme Sophie Brochu, vice-présidente, Développement des affaires et approvisionnements gaziers, Gaz Métropolitain: La mise en contexte est toujours intéressante. Les présentations d'André sont toujours un peu arides, mais elles sont tellement essentielles pour comprendre la suite des choses. Le graphique que vous avez devant vous illustre les principaux gazoducs qui influencent la donne actuelle sur le marché gazier québécois. En bleu, vous avez le système de TransCanada qui, depuis plusieurs années, alimente le marché canadien en gaz naturel. TransCanada possède deux bras: un bras qui passe par le nord de l'Ontario et un autre qui rentre au Sud de l'Ontario. Pour les fins de notre discussion, on appellera le Sud de l'Ontario la région de Dawn. En jaune, vous avez le gazoduc de Northern Border qui est là depuis quelques années et qui a accru sa capacité d'exportation au cours des toutes dernières années. En rouge, vous avez le gazoduc Alliance qui est entré en service en novembre 2000. Il est venu, d'un seul coup, chambouler complètement la dynamique économique des livraisons de gaz en Amérique. Je m'explique. Le gazoduc Alliance est venu ajouter une capacité de transport de 1,3 Bcf de gaz naturel par jour, en comparaison des 7 Bcf qui étaient, jusqu'à ce moment-là, transportés par TCPL. Ce projet était mené par les producteurs de l'Ouest canadien, et il était, évidemment, extrêmement prisé. C'était à juste titre, parce que les producteurs souhaitaient amener leur gaz naturel sur le marché américain pour en obtenir un meilleur prix. Ils ont réussi. Le gaz naturel canadien coule aujourd'hui à capacité maximale sur le gazoduc d'Alliance. Par exemple, les gens qui sont situés dans le Sud de l'Ontario, à Dawn, ont aujourd'hui deux options pour acheminer le gaz naturel de l'Ouest canadien jusqu'à leur marché: l'acheter dans l'Ouest et le transporter sur TCPL (le système en bleu) ou l'acheter dans l'Ouest et le transporter sur Alliance (le système en rouge). Ils peuvent également l'acheter dans la région de Chicago, parce qu'au même moment où Alliance a été mise en production, le gazoduc Vector, en vert, est entré en service. C'est le corollaire d'Alliance et il permet d'acheter du gaz naturel dans la région de Chicago et de le ramener dans le Sud de l'Ontario. Le Sud de l'Ontario est maintenant aux confluents de plusieurs systèmes de transport. Le marché de Chicago s'est donc vu noyé, littéralement, de gaz naturel parce qu'il ne s'est pas accru, lui, de 1,3 Bcf par jour. Il était jusque-là alimenté en partie par du gaz canadien, sur Northern Border, mais également à partir du Golfe du Mexique. Il y a donc eu une chute importante des prix dans la région de Chicago. Ceci fait qu'aujourd'hui, dans le Sud de l'Ontario, les gens s'approvisionnent davantage à Chicago que dans l'Ouest canadien. Ceux qui paient le prix de cette chute de prix sont les gens qui ont payé les capacités fermes de transport sur le système d'Alliance. En conséquence, il y a ce qu'on appelle le «decontracting» sur le système de TCPL. Au fur et à mesure que les contrats viennent à échéance sur TCPL, les gens au Sud de l'Ontario délaissent TCPL et choisissent une solution de rechange plus compétitive. Parlons maintenant du Québec. Le Québec demeure approvisionné par le système de TCPL. Or, le système de TCPL est réglementé de façon conventionnelle. Si, par exemple, le coût d'opération du système de TCPL est de 100 $ par année, et que nous sommes dix utilisateurs pour des capacités équivalentes, chaque utilisateur va payer 10 $ par année pour le système de TCPL. Le jour où les gens du Sud de l'Ontario mettent fin à leur contrat avec TCPL, on se retrouve à cinq sur le système de TCPL, et chacun doit maintenant payer 20 $ au lieu de 10 $. Le marché gazier québécois est un «price taker» non seulement sur le coût de l'approvisionnement de sa molécule, mais également sur le coût de son transport livré en franchise. Gaz Métropolitain est donc un marché captif. La page suivante illustre avec éloquence ce que cette spirale de la mort entraîne chez notre clientèle. Vous voyez que le système de TCPL perd certains clients. Pour le service ferme, il est le seul qui puisse alimenter Gaz Métropolitain. Évidemment, le prix s'accroît parce qu'il y a moins d'utilisateurs du système. Si on poussait la caricature à sa limite, un jour, il ne resterait qu'une usine au Québec qui paierait l'entièreté du système de TCPL. Cela illustre bien ce qui se passe ici. On peut observer l'évolution du tarif de TCPL livré au Québec au cours des dernières années. On peut voir que la tangente en pointillé rouge ne se stabilise pas beaucoup à court terme. Vous voyez que de 0,89 $ par unité transportée sur TCPL en 1998, notre clientèle doit aujourd'hui assumer des frais de 1,13 $. Et cela continue. Au Québec, comparativement à d'autres marchés gaziers au Canada, non seulement on doit supporter une hausse des prix absolue, comme le reste du Canada, mais on doit, en plus, faire face à une hausse des coûts de transport. Vous conviendrez aussi que si vous opérez un système de transport comme celui de TCPL et que vous regardez sur votre carte où sont vos revenus garantis ou votre clientèle captive, vous en voyez deux. Vous voyez Gaz Métropolitain et certains clients industriels qui sont dans le Nord de l'Ontario. Les gens du Nord de l'Ontario ne peuvent pas accéder, eux non plus, aux ressources accessibles à Chicago de manière économique, parce que le coût de transport pour aller dans le Nord de l'Ontario est le même. Le Nord de l'Ontario et le Québec vivent une situation un petit peu difficile; situation que nous cherchons à changer. Cela dit, le prochain tableau illustre très bien l'impact de cette situation. Je vais vous expliquer comment cela fonctionne. On va y aller de manière systématique. Le prix américain est le prix Nymex. Dans le bas, vous avez les marchés de Chicago, du Sud de l'Ontario et de Boston. Les graphiques rouges illustrent la baisse relative, non pas la baisse absolue, du prix sur ces trois marchés depuis 1996. Le prix Nymex a augmenté, mais le prix relatif à Chicago, à Boston et à Dawn a diminué au cours des années. Tandis qu'à Montréal, si vous regardez à droite, vous voyez que le prix relatif livré à Montréal par rapport à la base Nymex de 1996 n'a cessé de s'accroître pour être plus élevé. En fait, cela illustre la détérioration de la position compétitive et économique du Québec dans son ensemble. Quelle en est l'analyse? En Alberta, les producteurs ont souhaité diversifier leur marché. C'est tout à fait normal et c'était la bonne chose à faire. Ils ont augmenté leur capacité d'exportation vers des marchés plus lucratifs. Ce marché a fixé le prix continental. Donc à Boston, à Chicago et dans le Sud de l'Ontario, il y a diversité des sources d'approvisionnement, diversité des sources de transport, compétition et baisse des coûts marginaux. Au Québec, pas d'alternative. C'est un marché captif, et il y a donc une augmentation des coûts et une perte de compétitivité par rapport à l'Ontario et aux États-Unis. Par exemple, si vous avez une usine de pâtes et papier au Québec qui consomme du gaz naturel et qui a un compétiteur ailleurs qu'au Québec, le compétiteur fait mieux que l'usine implantée au Québec. Vous pouvez donc être assurés que si l'intrant gazier est le facteur de localisation, le prochain investissement n'aura pas lieu au Québec. Le constat est dur. Il nous amène, depuis plusieurs années, à travailler de manière positive et à diversifier nos approvisionnements. J'aimerais maintenant vous parler du projet Cartier. J'en arrive au graphique qui illustre le projet. Il vise à raccorder les marchés gaziers du Québec, de l'Ontario, du Nord de l'Ontario et du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick au bassin émergeant sur la côte atlantique. Le blanc représente le système de Maritimes and North East Pipeline qui achemine actuellement la production sur la côte Est, en transitant par la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, mais acheminant la plus grande partie de ce gaz sur le marché de Boston. Le projet de raccordement auquel on veut vous sensibiliser aujourd'hui consiste d'abord en une expansion du système de Maritimes and North East qui doit avoir lieu au Nouveau-Brunswick. Le projet Cartier est un projet de gazoduc tout à fait indépendant des autres systèmes de gazoducs. Il viendrait raccorder le système de Maritimes and North East à celui de TQM dans la région de Québec. Le système gazier actuel prend fin dans la région de Québec. Ce qu'on cherche à faire, c'est se raccorder à un bassin qui est sur la côte Est. Il faut donc qu'il y ait construction de deux portions de gazoduc: une portion au Nouveau-Brunswick par Maritimes and North East et une portion au Québec par Cartier. Enbridge et Gaz Métropolitain se partagent les actions de Cartier 50/50. Notre motivation stratégique, on a eu l'occasion de l'expliquer, est évidemment la diversification de notre portefeuille. Il est crucial d'augmenter la compétition au plan de la ressource gazière et du transport. Le bassin atlantique est à 1 500 kilomètres de Montréal. Le bassin de l'Ouest à 3 500 kilomètres - et je n'ai pas encore calculé la distance pour me rendre en Alaska, mais c'est sûrement plus loin que la côte Est. Il n'y a donc pas de doute que plus un marché est près de sa source de production, plus il est compétitif. C'est une règle fondamentale. Ce projet nous permet également d'amener du gaz naturel dans des régions qui ne verraient pas la disponibilité du gaz naturel autrement. On parle du Bas Saint-Laurent et du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. Les infrastructures de transport coûtent cher. Le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick ne pourrait pas se payer une telle infrastructure. Parce qu'on s'en vient livrer des volumes importants au Québec, le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick peut être desservi. Le projet Cartier comporte 270 millions de dollars d'investissement au Québec, financé à 100 p. 100 par le secteur privé. Notre capacité annuelle de transport serait de 67 Bcf la première année et de 125 Bcf une fois développé. En comparaison, le marché actuel du Québec fait 250 Bcf, et les marchés de l'Ontario font 860 Bcf. Pour mettre des chiffres en perspective, le projet Cartier, à terme, pourrait approvisionner la moitié des volumes consommés au Québec. Les entreprises Gaz Métropolitain et Enbridge Consumers - le distributeur de la grande région de Toronto - se sont engagées à contracter chacune 50 p. 100 de la capacité initiale, ou à peu près. C'est donc 30 Bcf pour Gaz Métropolitain et 30 Bcf pour Enbridge Consumers dans la région de Toronto. Vous me demanderez surement quel est le problème. Le problème, c'est que le bassin de la côte Est est extrêmement prometteur et ce, tous les analystes, tous les producteurs et tous les gens qui cherchent à s'y associer le savent. C'est un bassin qui va se développer bien au-delà de que ce que les chiffres officiels ont avancé jusqu'ici. On parle de SOEI ici, le Sable Offshore Exploration. C'est un regroupement de producteurs, dont trois producteurs dominants. Et cela, c'est une chose qu'il faut comprendre. Le propos que l'on tient n'est pas de dire que c'est mauvais. Il faut seulement comprendre que c'est la réalité. Dans l'Ouest canadien, vous avez 120 producteurs. Sur la côte Ouest présentement, vous avez, en fait, trois ou quatre producteurs. Je m'explique. Vous avez SOEI, avec des participations très marginales, dans lequel il y a trois producteurs: Mobil, Imperial et Shell. Imperial et Mobil ont fusionné. Il reste Imperial, qui est en fait Imperial Oil, dirigée à partir de Houston. Vous avez Shell et Exxon Mobil dans SOEI qui contrôlent effectivement la production de SOEI. Vous avez également Pan Canadian, qui a développé de la production et qui va entrer en service en 2004-2005. Le premier bloc de producteurs a été dédié à 100 p. 100 à Maritimes and North East, le système qui amène le gaz naturel dans la région de Boston. Les producteurs se sont engagés à prendre la capacité de transport de Maritimes and North East. Pour accéder à du gaz naturel sur la Côte Est, il faut soit conclure une entente avec Pan Canadian pour le gaz qu'elle doit mettre en production en 2004 ou 2005, ou bien conclure une entente avec SOEI pour la Phase II. On ne sait pas quand la Phase II débutera. On sait qu'il va y avoir du gaz, mais on ne sait pas exactement quelle quantité il y aura. Par ailleurs, tout le monde dit: Il y a beaucoup de gaz, puis le gaz va se développer. Cela m'amène à l'autre page. Le Nord-Est des États-Unis est donc desservi en gaz de la Côte Est depuis 2000. Depuis 2000, aussi, le Nord-Est des États-Unis - et ici, je parle de la région de Boston - est désservi par PMGTS, qui amène du gaz naturel de l'Ouest canadien jusqu'au marché de Boston. En fait, la région de Boston est chanceuse parce qu'elle a la concurrence du gaz canadien de deux sources, des deux bassins, en plus d'avoir la concurrence du gaz du Gulf Coast. Nous envions le sort de Boston, et nous aimerions être dans la même situation. Vous n'êtes pas sans savoir que tout le monde veut le gaz naturel canadien pour faire de la génération électrique dans le Nord-Est des États-Unis. Présentement, ce n'est pas tellement compliqué, on se bat contre le Président Bush, ce qui n'est pas rien. La carte est assez importante ici. Cela vaut la peine qu'on s'y attarde. On revoit, encore une fois, le système de Maritimes and North East dont on a parlé, qui amène le gaz naturel dans la région de Boston. Le système de Maritimes and North East est la propriété d'un certain nombre de joueurs, dont un joueur qui s'appelle Duke Pipeline. Duke Pipeline est aussi le promoteur d'un projet qui s'appelle Hubline. Vous voyez Hubline qui, lui, veut amener du gaz naturel jusque dans la région de Boston et un peu plus au sud de Boston. Mais, Duke est aussi propriétaire d'un autre projet qui veut amener ce gaz naturel-là dans la région de New York. Or, Duke est aussi un propriétaire de Maritimes and North East Canada. Les gens développent des gazoducs aux États-Unis, puis ils ont besoin de gaz pour rentabiliser leurs gazoducs aux États-Unis. On doit donc faire affaire avec ces gens-là pour qu'ils acceptent de construire une extension de leur système afin de permettre un raccordement au marché du Québec, de l'Ontario et du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. Or, la ressource est rare. De là le noeud gordien dans lequel nous sommes. En fait, et ça revient aux propos d'introduction de Stéphane: «Let the market decide». On est d'accord avec cela, pour autant qu'il y ait un marché. Pour qu'il y ait un marché, il faut qu'il y ait de la liquidité, il faut qu'il y ait des acheteurs, puis il faut qu'il y ait une foule de vendeurs. On ne dit pas que c'est mauvais, mais il faut bien constater une chose. Ce dont on parle en termes de production et de transport, c'est d'un oligopole. C'est un oligopole extrêmement puissant et avec lequel on est condamnés à s'entendre. Et si on ne s'entend pas, il n'y a pas de marché pour arbitrer qui devrait avoir le gaz naturel. Nous, Enbridge Consumers, sommes prêts à payer le prix de marché continental, le prix américain. Nous sommes prêts à investir notre argent. Le problème nous avons, c'est que nous sommes condamnés à nous entendre. Et si nous ne nous entendons, le gaz naturel s'en va aux États-Unis. La page suivante résume le propos. L'Ontario et le Québec font concurrence présentement avec les États-Unis pour contracter une portion marginale. Il faut comprendre que ce dont on parle, c'est de moins de 200 MMpc par jour, alors que la production prouvée va monter facilement à 1 000 MMpc par jour, donc à peu près 1 Bcf. Et, en fait, les prévisions sont à 2 Bcf. Donc, 2 000 Bcf. Ce qu'on cherche à avoir, c'est près 15 à 20 p. 100 de la production totale sur Sable Island. Nous sommes prêts à payer le prix. Nous sommes prêts à investir notre argent. Nous n'avons pas besoin de l'argent du gouvernement. On veut jouer au baseball et on veut frapper la balle. Devant nous, on a celui qui a la balle, l'arbitre, le terrain, les bâtons, et puis le gars qui passe la tondeuse sur le gazon. Vous comprenez? Ce à quoi nous voulions vous sensibiliser, c'est que nous sommes prêts à jouer le jeu du marché. Mais le marché, dans ce cas précis, c'est bien dommage, mais il ne fonctionne pas. On a des appuis solides pour ce projet. Ce n'est pas le projet d'une province. Ce n'est pas le projet d'un distributeur gazier. C'est le projet d'un centre canadien, du Nord de l'Ontario, de la grande région de Toronto, du Québec, du Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick et le gouvernement du Québec reconnaissent l'importance de ce projet, pour les raisons qu'on a expliquées tout à l'heure. Ils ont signé ensemble une entente pour dire: comment pouvons-nous favoriser et harmoniser nos processus de revue environnementale pour s'assurer que ce ne soit plus compliqué qu'il ne le faut? Le Québec joue très bien à la balle dans ce cas-ci. L'Association des consommateurs industriels de gaz appuie le projet. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse appuie, lui aussi, le projet. Je répète que le secteur privé est prêt à investir. Les marchés sont prêts à contracter le transport du gaz naturel. Nous sommes prêts à payer le prix de marché. Le gaz est là. Alors, la question qu'on se pose, c'est: le Québec, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick vont-ils avoir une chance équitable d'accéder à cette ressource-là? En conclusion, la question qu'on se pose et qu'on vous pose très respectueusement est la suivante: quelle est la vision énergétique du gouvernement canadien quant au développement de cette ressource? Encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en question le libre échange. Cela n'a rien à voir. Il faut être bien conscients: «Let the market decide» est un leitmotiv derrière lequel il est facile de se réfugier. «Let the market decide», pour autant qu'il y ait un marché, c'est merveilleux. Mais dans ce cas-ci, il n'y en a pas. En fait, il n'y en a qu'un. [Traduction] Le président: Bien sûr, vos problèmes diffèrent de ceux de l'Ouest. Là-bas, l'électricité et le gaz sont étroitement reliés parce que c'est le gaz naturel qui produit la plus grande partie de l'électricité. Ici, le prix de l'électricité est essentiellement le même pour tous, sauf pour les clients résidentiels, qui semblent connaître une hausse. Ce prix est inférieur à la valeur que cela représente en BTU, le million de BTU de gaz naturel qu'il faut pour produire cette électricité. Est-ce qu'on estime, au Québec, que le prix de l'électricité sera réglementé à long terme, qu'on ne lui permettra pas de fluctuer en fonction du prix de l'énergie? [Français] M. Boulanger: Au sujet de la question de l'électricité, monsieur le président, je ne crois pas que l'électricité au Québec va flotter, comme vous le mentionnez, c'est-à-dire, avoir un prix de marché à court terme. Il a été décidé récemment qu'il y avait ce qu'on appelle un bloc patrimonial, avec un prix d'électricité qui est gelé. Par contre, lorsqu'on indique dans des graphiques le prix de l'électricité en fonction des les marchés résidentiel ou commercial, il y a certains endroits, évidemment, dans le secteur résidentiel et dans le secteur commercial aussi, où on est en concurrence avec l'électricité. Mais l'enjeu ici, ce n'est pas un enjeu de concurrence avec l'électricité. C'est essentiellement un enjeu d'avoir accès à une ressource qui est compétitive, pour être capable de produire des biens qui sont compétitifs avec le marché soit interne ou externe. Lorsqu'on est dans le marché de la grande entreprise ou de la grande industrie, ou de la plus petite industrie, ou du commercial, l'électricité n'est pas un enjeu concurrentiel pour l'entreprise. Pour les entreprises qui produisent des biens, il est important qu'elles soient compétitives dans les marchés où elles oeuvrent, où elles ont à concurrencer, soit avec des Ontariens ou des Américains, et d'arriver, au bout du compte, à un coût de revient ou à un coût de production qui est compétitif. [Traduction] Le président: Certains sénateurs ont du mal à comprendre pourquoi vous faites une distinction entre les BTU provenant de l'électricité et les BTU provenant du gaz naturel. Autrement dit, nous estimons que les deux marchés sont inter-reliés. Je suis certain que l'hydroélectricité que vous exportez aux États de la Nouvelle-Angleterre a un prix par BTU tout à fait concurrentiel avec le gaz. Cette électricité n'est pas bon marché. [Français] M. Boulanger: Vous avez tout à fait raison. Le marché de l'exportation suit le prix de l'électricité vendue. Il suit le prix de marché en ce qui a trait à l'exportation. Relativement au marché interne au Québec, c'est un prix qui est fixe. Le sénateur Hervieux-Payette: Madame Brochu, je pense que la balle est dans notre camp. Ils ont peut-être le champ puis les arbitres puis le bâton de baseball, mais je pense qu'on a la balle. Il s'agit donc de savoir ce qu'on va faire avec la balle. Au sujet du tableau Nymex 1996, je vous demanderais une petite explication. Est-ce que les chiffres que vous indiquez comprennent le prix du transport, le prix du gaz et puis, de fait, les trois composantes du prix du gaz? Mme Brochu: La réponse est oui. Maintenant, le chiffre que vous voyez, ce n'est pas le prix livré. Le chiffre que vous voyez, c'est l'écart par rapport à 1996 et par rapport au prix Nymex de 1996. Alors, si le prix Nymex monte, ce que vous voyez ici, c'est que l'écart ... Nymex, par exemple, serait stable entre 1996 et 2000. Le prix livré au Québec aurait augmenté comparé aux montants que vous voyez là, année sur année. Évidemment, le prix Nymex augmente lui aussi. Ce qui fait que le prix livré au Québec augmente, comme partout en Amérique. Mais ce qu'il est important de voir, c'est que sur les autres marchés, où il y a de la concurrence des systèmes de transport et des bassins de production, le prix relatif par rapport à 1996 a diminué. Ce que vous voyez ici, ce n'est pas un prix livré. C'est un différentiel par rapport à un prix américain de 1996. Le sénateur Hervieux-Payette: Mon autre question est la suivante. La propriété de Gaz Métropolitain, Hydro-Québec est un actionnaire important, mais quels sont les autres actionnaires importants face au marché du grand public? M. Boulanger: En fait, Gaz Métropolitain est détenue par une société qui s'appelle Noverco. Et c'est dans Noverco qu'on retrouve Hydro-Québec, dans l'ordre de 32 p. 100. En fait, non, je vais reprendre mes paroles. Vous avez Hydro-Québec, Gaz de France et Enbridge, qui sont les principaux actionnaires dans Noverco. Et ces gens détiennent une participation dans Gaz Métropolitain inc. qui, elle, est à la Bourse, en fait, et devient la Société de Gaz Métropolitain, une société en commandite qui est à la Bourse, où on retrouve une participation du public dans l'ordre de 23 p. 100. L'un dans l'autre, Hydro-Québec est dans l'ordre de 32 p. 100 dans Gaz Métropolitain, le public est à 23 p. 100, Enbridge est de l'ordre de 24 p. 100, si ma mémoire est bonne, et Gaz de France est à près 16 p. 100. Voilà la composition de la propriété de Gaz Métropolitain. Le sénateur Hervieux-Payette: Et Enbridge est une société canadienne? M. Boulanger: Oui. Le sénateur Hervieux-Payette: Cela nous permet de voir qui sont les joueurs et qui sont les concurrents. Quand on parle de ceux qui sont propriétaires ou qui développent, ne comptant pas ceux qui ont fait l'exploration, la construction de l'autre partie du pipeline dans l'Est, MNE, est-ce aussi une propriété américaine? Mme Brochu: En fait, Maritimes and North East est composée de deux tronçons: un tronçon canadien, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et un tronçon aux États-Unis, entre la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine jusque dans la région de Boston. L'actionnariat des deux tronçons est le même. Vous avez à l'actionnariat West Coast, société basée à Vancouver, dans la famille de West Coast Energy. Vous avez aussi Duke Pipeline. Duke Pipeline fait partie d'un grand groupe énergétique qui, par ailleurs, produit environ 35 000 mégawatts d'électricité aujourd'hui, essentiellement à partir du gaz naturel aux États-Unis. Et vous avez aussi Mobil, à hauteur de 12,5 p. 100. Il y a également d'autres joueurs, avec des participations moins grandes. Les grands joueurs, ce sont West Coast et Duke Pipeline. West Coast est l'opérateur canadien, et Duke Pipeline est l'opérateur de la portion américaine. Le sénateur Hervieux-Payette: Peut-être pourriez-vous nous expliquer les coûts de transport. Lorsque le gazoduc de TransCanada Pipelines a été construit... [Français] Le sénateur Hervieux-Payette: Le prix du transport s'ajuste au fur et à mesure que de nouveaux pipelines sont construits. Une formule de péréquation entre les vieux et les nouveaux pipelines permet ainsi aux gens qui voyagent plus loin de payer des coûts de transport raisonnables. En termes de coûts de transport, Réseau Alliance, TransCanada PipeLines ou MNE fonctionnent-ils selon une formule semblable? Pour ce qui est de la portion canadienne, ces coûts sont autorisés par la Commission nationale de l'énergie. Les coûts pour le consommateur sont-ils assujettis aux mêmes règles que celles qui régissent les anciens et les nouveaux pipelines? Mme Brochu: En fait, il y a des principes de base. N'étant pas experte en matière de réglementation, je vous répondrai selon mon expérience en tant que femme d'affaires. Au Canada, la compagnie TransCanada PipeLines est réglementée par l'Office national de l'énergie. Ses tarifs sont approuvés par l'Office national de l'énergie. Quand TransCanada PipeLines développe son système, l'Office national de l'énergie voit à ce que des mécanismes tarifaires équivalents et logiques s'appliquent d'une génération à l'autre. Pour Maritimes and North East, qui gèrent un tronçon canadien et américain, le tronçon canadien est réglementé par l'Office national de l'énergie, et le tronçon américain par la FIRQ. En 1997, l'Office national de l'énergie a reçu une demande de soumission de la part de deux groupes différents: l'un était producteur et l'autre transporteur. Ces deux groupes présentaient deux projets différents mais qui allaient de pair. Ils avaient aussi comme objectif commun d'aller aux États-Unis. L'Office national de l'énergie, après avoir étudié la proposition, a conclu que la demande de production était justifiée et que le marché était présent. L'ONE a approuvé le projet en fonction de ses propres règles, puis a fixé des tarifs justes et raisonnables. Le sénateur Nolin: Ma question s'adresserait plutôt aux représentants d'Hydro-Québec. Je suis étonné qu'aucun représentant ne soit ici pour y répondre. Monsieur Bertrand, Hydro-Québec détient 23 p. 100 des actions de Gaz Métropolitain. M. Bertrand: Trente pour cent. Le sénateur Nolin: Si on inclut la participation du public. M. Bertrand: Ce serait alors de l'ordre de 40 p. 100. Le sénateur Nolin: C'est un actionnaire important. À première vue, il semble contradictoire qu'Hydro-Québec soit votre actionnaire, puisque vous êtes en compétition sur les marchés énergétiques au Québec. Quel est l'intérêt pour Hydro-Québec d'être un actionnaire aussi important de Gaz Métropolitain? M. Boulanger: Les ressources énergétiques, si nous voulons parler en termes de concurrence, sont complémentaires. Notre société est absente des marchés où elle ne croit pas avoir sa place. C'est le cas pour notre marché résidentiel. C'est ce qui explique qu'au Québec, notre clientèle compte 160 000 abonnés au lieu de 3 500 000, par exemple, en Ontario. Gaz Métropolitain n'est pas présente aux endroits où on privilégie une autre ressource énergétique. Gaz Métropolitain, essentiellement, livre des volumes d'énergie aux grandes et aux petites industries, dans le secteur commercial et institutionnel. C'est dans ce créneau que le marché du gaz naturel est fort et solide. Gaz Métropolitain représente pour Hydro-Québec un bon placement financier. Hydro-Québec garde ainsi une vue d'ensemble sur la situation énergétique globale à l'échelle de la province, sans plus. Une entente sur la division des marchés n'existe d'aucune façon. Gaz Métropolitain est une entreprise avec des actions cotées en Bourse. L'entreprise a un conseil d'administration et des règles qui lui sont propres. Gaz Métropolitain vise des marchés différents. Au Canada, nous sommes concurrentiels avec d'autres types d'énergie, ce qui est sain pour le consommateur aussi. Pour certains procédés industriels, nous évaluons si l'utilisation de l'électricité est préférable à celle du gaz naturel. Nous ne considérons pas uniquement le coût de l'énergie, mais le coût total de production d'un bien. Le sénateur Nolin: Le prix du gaz qui transite dans le réseau de transport est-il fixe, indépendamment de qui l'achètera? M. Boulanger: Pas vraiment. Le prix du gaz naturel est déréglementé depuis 1985. Les consommateurs peuvent donc s'engager avec le fournisseur de leur choix ou encore avec un courtier qui oeuvre à l'intérieur de la franchise chez Gaz Métropolitain. Le prix de la molécule de gaz peut varier ainsi d'un fournisseur à l'autre. Le sénateur Nolin: Je parlais plutôt du point de production. Dans la première partie de votre tableau, vous décrivez une augmentation de 92 p. 100 du prix de la molécule de gaz sur un an. Le transport, pour sa part, a subi une augmentation de 12,5 p. 100. Gaz Métropolitain n'a aucune influence sur ces prix? M. Boulanger: Tout à fait. Le sénateur Nolin: Gaz Métropolitain n'est responsable que d'une augmentation de 1,8 p. 100? M. Boulanger: Exactement. Le sénateur Nolin: Gaz Métropolitain paie, sur tout le gaz qu'il achète, l'augmentation de 92 p. 100 sur un an? M. Boulanger: Oui, mais ce n'est pas si simple. Le prix du marché résulte d'un ensemble d'éléments distincts. Gaz Métropolitain fournit environ 40 p. 100 de ses clients avec du gaz de réseau dont le prix suit l'évolution du marché. Cette année, le prix du gaz de réseau se situe aux environs de sept à huit dollars le gigajoule. Des clients industriels peuvent avoir signé un contrat sur une base annuelle au mois de mai, au mois de juillet ou au mois de septembre de l'an dernier. D'autres clients peuvent avoir signé un contrat avec un fournisseur à un prix donné, mais avec un indice mensuel qui varie d'un mois à l'autre. Le prix de marché résulte de la moyenne de ces variantes, ce qui représente l'augmentation de 92 p.100. L'augmentation du prix de marché dans le secteur industriel est beaucoup plus élevée que 92 p. 100, parce que la majorité des grandes industries ont signé un contrat sur une base mensuelle. L'hiver dernier, le prix du gigajoule a atteint un maximum de 14 $. Des clients ont dû payer le gaz jusqu'à 12, 13 et même 14 $ le gigajoule. Le sénateur Nolin: Je m'expliquais mal comment, avec une augmentation de 1,8 p. 100 seulement, vous pouviez obtenir un écart allant du simple au double entre votre client domestique et votre client industriel. Vous avez sensiblement répondu à la question. M. Boulanger: Pour le consommateur-type, nous équilibrons la part des différentes composantes, que ce soit la molécule de gaz ou le gaz lui-même, le transport et la distribution. Pour un client résidentiel, la part de la distribution sur sa facture est plus importante. Cependant, l'augmentation de 1,8 p. 100 vient réduire l'effet de la hausse du prix du gaz sur la facture totale. Le sénateur Nolin: Madame Brochu, à la fin de votre présentation vous dites que vous ne voulez pas remettre en question l'ALENA, parce qu'à l'intérieur de ce cadre, en matière d'approvisionnement énergétique, le Canada est capable de négocier efficacement avec les États-Unis. Les Américains ont annoncé hier leur plan à long terme d'approvisionnement énergétique, les Canadiens également. Vous dites aussi que vous avez une réponse, un rôle à jouer à propos de cet approvisionnement et de ce plan. Vous vous demandez quelle est la politique du gouvernement fédéral et comment cette politique peut affecter le projet Cartier. Si vous pouviez communiquer avec le ministre de l'Énergie, quel message voudriez-vous qu'il transmette à son Cabinet? Mme Brochu: J'aimerais d'abord qu'on remette les choses dans leur contexte. Que le Canada et les États-Unis échangent leurs énergies respectives est certainement très sain. Il en va de même pour les producteurs de l'Ouest et de la Côte Est. C'est non seulement sain mais fondamental. Il est tout aussi important que des Canadiens puissent soumissionner équitablement des contrats sur le gaz. Les Canadiens sont prêts à investir et à payer le même prix que les Américains. L'infrastructure est une pierre angulaire du transport. Vous auriez beau avoir la plus belle gare, si la voie ferrée ne passe pas devant, le train n'arrivera jamais. Nous cherchons à implanter cette infrastructure, ne serait-ce que pour que le Gouvernement canadien ait une politique sur l'infrastrucure et qu'il dise: «Écoutez, la production de Sable Island s'est implantée d'abord sur le marché de Boston. Cela nous a permis de desservir le marché gazier en Nouvelle-Écosse et dans une partie du Nouveau-Brunswick. Ce fut une très belle entreprise.» Cependant, ne détenir que 8 p. 100 de ce bassin nous apparaît un peu faible. Nous ne demandons pas d'argent au gouvernement. Deux scénarios sont possibles: l'investissement provient soit du secteur privé, soit du gouvernement. Malgré une carrière encore jeune, j'ai compris que le gouvernement ne veut pas nécessairement investir sur le plan des infrastructures. Aujourd'hui, pour monter une infrastructure qui coûte 300, 400 ou 500 millions de dollars, il faut aller à la banque. Cependant, la banque nous prête l'argent si nous avons un contrat. Et pour obtenir un contrat, il faut que le ceux qui détiennent l'infrastructure de l'autre côté acceptent de construire chez nous, sinon nous construisons un «merchant pipeline» à nos propres risques. Quand les investisseurs nous disent: «Pas d'investissement, pas de retour» nous savons quoi faire. On ne mentionne nulle part que des Canadiens qui sont prêts à assumer ces coûts pourront avoir accès à une petite partie de la ressource. [Traduction] Le sénateur Kenny: Je ne vois pas ce que vous entendez par gazoduc de commerçant. Il y a des gazoducs de commerçant de l'ouest du Canada jusqu'en Californie. Le gazoduc de commer çant n'est pas une impossibilité. J'aimerais revenir à votre graphique sur le gaz naturel comparé aux autres sources d'énergie. Du point de vue du consommateur, il me semble qu'il n'est pas nécessaire que le gaz se fasse concurrence pour que le consommateur soit bien servi. L'électricité peut combler tous les besoins des consommateurs. Comme consommateur, lorsque je regarde les prix, votre produit ne me semble pas très attrayant. Je préfère l'électricité. Votre prix est de 22 $, alors que je peux obtenir de l'électricité pour 17 $. Pourquoi choisirait-on le gaz? Mme Brochu: Il est facile de construire un gazoduc de commerçant lorsqu'il y a de nombreux producteurs et un marché. S'il y a un marché, un tel gazoduc est la solution sensée. Mais si vous érigez une infrastructure sans savoir si vous aurez accès au gaz, vous êtes pris au dépourvu. La situation, en ce qui concerne les gazoducs, est bien différente ici de celle de l'Ouest, en raison du nombre de joueurs. Sur la côte Est, il y a un oligopole, ce qui n'est pas le cas dans l'Ouest. [Français] M. Boulanger: En ce qui concerne l'électricité, il n'est pas seulement question d'avoir accès à une source d'énergie. Le problème n'est pas là. La source d'énergie doit être concurrentielle sur les différents marchés. C'est fondamental. L'énergie éolienne pourrait suppléer l'électricité, mais à un prix exorbitant, non compétitif. Il s'agit donc d'un enjeu commercial. Il est essentiel de fournir de l'énergie à des prix compétitifs pour obtenir une part du marché. [Traduction] Le sénateur Kenny: Sauf votre respect, comment peut-on avoir un produit dont le prix est toujours stable? Pour l'énergie, pour l'électricité, il n'y a aucune fluctuation. Or, il n'y a pas un seul autre endroit dans le monde où le prix de l'électricité ne changera jamais. Cette situation est très inhabituelle, n'est-ce pas? [Français] M. Boulanger: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la compagnie Gaz Métropolitain n'est pas présente aux endroits où elle ne peut pas être concurrentielle. C'est pour cette raison que dans le secteur résidentiel, par exemple, elle compte 160 000 clients au lieu des millions qu'on retrouve un peu partout en Amérique du Nord. La situation est différente au Québec. Nous le constatons dans le marché que nous desservons. Dans la première partie de notre présentation, nous avons expliqué que notre place sur le marché québécois représentait 16 à 17 p. 100 du bilan énergétique. Une des raisons qui expliquent cet état des choses est que les secteurs de l'aluminium et du magnésium, qui emploient des procédés requérant des volumes d'énergie électrique considérables, font contrepoids au bilan énergétique du Québec, en comparaison de celui de l'Ontario, par exemple. La compagnie Gaz Métropolitain est absente de tous les secteurs où elle juge n'être pas compétitive. Elle est présente dans les secteurs industriels et commerciaux où elle livre 90 p. 100 de son volume. [Traduction] Le sénateur Kenny: Sauf votre respect, monsieur Boulanger, si je comprends bien ce tableau, vous semblez être en mesure de concurrencer les autres sources d'énergie sur les marchés commerciaux, mais pas pour ce qui est des prix que vous offrez au consommateur, et c'est lui qui en paie le prix. Vos partenaires de Enbridge nous ont dit la semaine dernière que leurs meilleurs marchés sont ceux des clients résidentiels. Si on me demandait si je préfère mon énergie à 22 $ l'unité ou à 17 $ l'unité, je sais ce que je répondrais. Ici, à Montréal, le gaz et l'électricité sont disponibles. Ici, à Montréal, vos prix sont-ils semblables à ceux de l'électricité? [Français] M. Boulanger: Tout à fait. Les graphiques illustrant le marché résidentiel démontrent que l'électricité est effectivement moins cher que le gaz naturel. Voilà pourquoi nous sommes donc absents de ce marché. Nous ciblons le marché haut de gamme, où nous desservons les consommateurs qui recherchent le gaz naturel pour des raisons de confort, ou parce qu'ils désirent des plaques de cuisson ou des foyers au gaz. Toutefois, c'est un faible marché par rapport à l'ensemble du marché de l'entreprise. Dans le secteur commercial, le gaz est compétitif par rapport à l'électricité. Nous ne sommes pas menacés à moyen terme sur ce marché, d'autant plus qu'il n'est pas facilement accessible pour l'électricité. Le consommateur n'est pas content de voir sur sa facture que le prix du gaz a monté, mais il ne changera pas pour autant à l'électricité. [Traduction] Le sénateur Kenny: J'ai beaucoup entendu parler de postes et d'égalité des chances. Vous me dites que votre principal actionnaire, qui détient un tiers de votre entreprise, peut obtenir son électricité à prix fixe, l'électricité rivalisant directement avec le gaz naturel, et vous vous demandez pourquoi vous ne vous en tirez pas mieux. Celui qui détient un tiers de votre entreprise peut offrir un prix de 5 $ inférieur au vôtre. Cela ne m'étonne pas. Ça ne m'étonne pas que votre marché soit si petit. [Français] M. Boulanger: Nous ne disons pas qu'Hydro-Québec nous cause des difficultés. Nous connaissons très bien la situation concurrentielle de notre marché. Nous nous branchons sur les marchés où nous savons que les consommateurs en apprécient la valeur. Un secteur tel que le résidentiel ne nous permet pas de penser à un développement tous azimuts. Par contre, les secteurs commercial et industriel ont besoin du gaz naturel pour leur production et ils veulent avoir accès à cette ressource au meilleur prix possible. La ressource est fondamentale pour ces industries. On le voit, d'ailleurs, dans tous les parcs industriels un peu partout au Québec. Lorsqu'un parc industriel n'a pas accès au gaz naturel, il est désavantagé par rapport à un parc qui a du gaz naturel sur son site. C'est un facteur important dans le choix de l'emplacement géographique des entreprises. Mme Brochu: J'aimerais mentionner que le graphique représente les années à partir de 1999, alors qu'il aurait pu commencer bien avant. Depuis des années, le gaz naturel a toujours été compétitif avec l'électricité dans les secteurs commercial et institutionnel. Les écoles et les hôpitaux du Québec sont chauffés au gaz naturel, et ce, depuis que le gaz leur est accessible. Nous partageons avec vous aujourd'hui notre réalité des tous derniers mois. Nous ne voulons pas envoyer paître les hôpitaux. Nous désirons conserver notre clientèle, continuer à les servir. Ils apprécient le gaz naturel. Nous vivons un creux compétitif. Notre objectif est de tout faire pour réduire le prix du gaz naturel livré en franchises. Depuis des années, le gaz a toujours été plus compétitif que l'électricité dans le secteur instutionnnel et gouvernemental. [Traduction] Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas la première fois que je parle de gazoducs au Québec. Les 13 années pendant lesquelles j'ai été le premier ministre de la plus belle province du pays, la Nouvelle-Écosse, j'ai participé ici et à Québec à des rencontres avec les représentants des gouvernements Lévesque et Bourassa, de Gaz Métropolitain, d'Hydro-Québec et du gouvernement fédéral, à Ottawa. Tout comme le gouvernement de la Nouvelle- Écosse, j'ai fait activement la promotion du gazoduc TransQuébec et Maritimes. Ce projet a échoué car il ne jouissait d'aucun appui du fédéral et parce que le marché était bon, mais pas le prix, ni ici, ni aux États-Unis. J'aimerais d'abord corriger ce que vous avez dit, je crois, sur certains des petits joueurs dans les Maritimes et le Nord-Est. Nova Scotia Power détient le même pourcentage de parts que Mobil, 12,5 p. 100. Je tenais à le préciser. Lorsqu'on a commencé à planifier l'exploitation de l'île de Sable, il était évident que les marchés du Québec et de l'Ontario étaient les plus près. Pour toutes sortes de raisons qui sont apparues ces dernières années, le gazoduc TQM n'est pas devenu réalité, même dans les derniers aspects concurrentiels du gazoduc Maritimes et du Nord-Est par opposition au gazoduc TQM. Cela dit, vous savez sans doute que les phases à venir du gazoduc de l'île de Sable seront encore plus importantes que l'étape actuelle. De plus, la région au large de l'île du Cap-Breton contient autant sinon davantage de gaz naturel que les systèmes de l'île de Sable. Selon les estimations, cette quantité est phénoménale. On parle de 10 à 24 Tcf, une quantité énorme de gaz naturel. Dès que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse auront réglé leurs différends, on entreprendra la première étape. On passera à la deuxième étape dès que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse aura pris des arrangements avec Mobil et d'autres. Il y aura sans aucun doute de nouveaux gazoducs qui relieront la Nouvelle-Écosse au marché de Boston. Pour en avoir parlé avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse et d'autres, je sais qu'on préconise le prolongement du gazoduc des Maritimes et du Nord-Est et du gazoduc Cartier jusqu'au Québec et en Ontario. Il est intéressant de noter que, pour la première fois dans l'histoire du pays, la Nouvelle-Écosse pourrait sauver l'économie du Québec et de l'Ontario. C'est incroyable, mais c'est ce qui se produira. Est-ce que vous nous dites que le nouveau gazoduc qui transportera le gaz de l'île de Sable et du Cap-Breton vers le Québec et l'Ontario pourrait servir à l'exportation du gaz de la Nouvelle-Écosse vers le marché de Boston? Je me suis entretenu avec John Hamm la semaine dernière et il ne fait aucun doute que la Nouvelle-Écosse préconise la construction d'un nouveau gazoduc, le gazoduc Cartier dans le nord-est des Maritimes, mais pas si cela signifie que la Nouvelle-Écosse ne retire plus autant de redevances du marché de Boston et n'obtient un nouveau contrat pour les nouveaux approvisionnements en gaz. Bien des gens, compris moi-même, estiment que le contrat qu'a obtenu le gouvernement il y quelques années n'est pas le meilleur. Si le Québec est concurrentiel pour ce qui est du marché de Boston, la Nouvelle-Écosse appuiera le gazoduc Cartier. Mme Brochu: C'est formidable, et nous abondons dans le même sens. Le sénateur Banks: Je sais que cette question n'est ni simple ni facile, mais elle m'apparaît fondamentale; je reviens à la question du sénateur Nolin. Il me semble tout à fait déraisonnable pour les Albertains d'exiger d'avoir vue sur l'océan Atlantique et pour les Néo-Brunswickois d'exiger un accès facile aux Rocheuses. C'est irréaliste. Le transport transfrontalier, libre et sans obstacle, du gaz naturel se faisait bien avant que n'intervienne l'accord de libre-échange, et encore moins l'ALENA, en 1985, je crois. Vous avez laissé entendre, cela nous ramène à la question du sénateur Nolin, que le gouvernement fédéral devrait vous aider à accroître le nombre de fournisseurs auxquels vous avez accès, ce qui vous rendrait plus concurrentiel et mieux en mesure de négocier. J'aimerais que vous me disiez précisément ce que devrait faire le gouvernement fédéral pour vous aider. Devrait-il intervenir, accorder une part du marché à Boston et une autre au Québec? Devrait-il réglementer l'approvisionnement en gaz? Que devrait faire le gouvernement fédéral, à votre avis? [Français] Mme Brochu: Le gouvernement fédéral doit d'abord s'assurer de bien comprendre l'impact de ses décisions et de celles de ses organismes réglementaires. J'ai des exemples pour illustrer mon propos. Les exportations de gaz naturel remontent bien avant l'ALENA. Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, un producteur canadien qui souhaitait exporter aux États-Unis devait demander une licence d'exportation à l'Office national de l'énergie. L'Office accordait la licence après avoir jugé que la demande répondait aux critères d'équité, d'offre et de demande, et cetera. Si nécessaire, l'Office tenait des audiences publiques. L'Office, depuis lors, malgré un enthousiasme tout à fait légitime de se mettre à jour et de devenir plus proactif, a adopté des mesures plus rigides. Maritimes and North East et Alliance ont fait les frais de ces changements. Un «blanket order», qui n'est pas une licence d'exportation, était délivré auparavant en 48 heures, sans besoin de préciser les points de départ ou d'arrivée de la marchandise destinée à l'exportation. Tout se passe devant l'Office national de l'Énergie. Nous n'avons plus de forum où débattre de questions telles que l'équité entre les Canadiens et les Américains, quelles en sont ses bases, et cetera, ni où exposer nos revendications. Gaz Métropolitain ne tient pas à se plaindre de la manière dont les exportations se font entre le Canada et les États-Unis. Ce n'est pas le genre d'histoires qu'elle veut faire. Cependant, il est important que vous sachiez qu'il n'existe plus de filet de sécurité aujourd'hui. Vous évoquiez à juste titre le développement très important des gazoducs et du marché gazier dans les régions de Sable Island et du Cap-Breton. On peut facilement imaginer qu'à l'avenir, le gaz soit transporté à Boston sans même toucher le continent. Dans l'éventualité où il y aurait beaucoup de gaz, il n'y a pas de problème, mais aujourd'hui, nous sommes au fait que Maritimes and North East est en train de planifier le raccord de son système pour être capable de transporter jusqu'à 2 Bcf de gaz naturel. En 1997, nous avons essayé de nous raccorder, mais nous n'avons pas pu le faire pour les raisons que vous connaissez. Aujourd'hui, nous tentons de nous raccorder à nouveau. Plus nous attendrons, plus ce sera difficile, parce que les systèmes de transport déjà en place en profiteront pour s'emparer de la production aléatoire. Or, l'obtention d'une licence pour construire un gazoduc comme celui que nous voulons nécessite entre deux et trois ans de représentations devant l'Office national de l'énergie. Nous ne serons jamais prêts à temps pour nous emparer de la production aléatoire à moins qu'un arbitre ne tranche la question pour écourter ce délai. Le nom même de l'ALENA n'implique-t-il pas la notion de liberté pour les Canadiens autant que pour les Américains de présenter des soumissions? [Traduction] Le président: Vous risquez de refaire votre exposé. Le sénateur Banks: En bref, vous souhaitez que l'on ressuscite le système de contrôle? [Français] Mme Brochu: Il ne s'agit pas d'être en contrôle. M. Bertrand: La dynamique du marché a changé et la réglementation aussi. Les perspectives d'avenir ne sont plus les mêmes. [Traduction] Le sénateur Banks: Je ne vois pas comment le gouvernement fédéral pourrait vous garantir cela. Comment pourrait-il le faire? [Français] Mme Brochu: Nous voudrions que notre premier ministre dise, comme le répète fréquemment le président des Etats-Unis, que l'énergie, pour les Canadiens aussi, c'est important. Ensuite, que le gouvernement fédéral reconnaisse le projet Cartier comme un projet qui s'inscrit logiquement dans le cadre des priorités énergétiques canadiennes. Nous ne demandons pas des sommes d'argent, simplement de dire des bons de mots. Quand on s'assoit à la table de négocation avec Maritimes and North East, on joue au plus fort: mon président est plus fort que ton premier ministre, et cetera. C'est la façon dont cela se passe. Nous avons alors l'impression, quoiqu'il advienne, que le gaz ira aux États-Unis parce que les Américains en ont besoin. La pression qu'ils exercent est terrible. Nous ne recevons jamais d'appui de la part du gouvernement fédéral pour nous dire: Cartier, c'est une très bonne affaire! [Traduction] Le sénateur Buchanan: Vous souhaitez que tous soient sur un pied d'égalité. Mme Brochu: Oui. Le sénateur Buchanan: Mais pas au détriment de la province productrice, la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Eyton: Le problème pour tous, mais surtout pour vous, c'est que, actuellement, le prix du gaz est très élevé. J'y suis très sensible, parce que je suis associé à un groupe d'entreprises qui, jusqu'à il y a environ un an et demi, était propriétaire de Canadian Hunter, un grand producteur canadien de gaz naturel, et que nous avons fait preuve de prévoyance et de jugement en vendant nos actions à 26,50 $ chacune. Elles transigent aujourd'hui à 45 $ chacune. Nous avons perdu beaucoup d'argent parce que nous n'avons pas compris le marché et nous n'avons pas su anticiper l'augmentation du prix du gaz. Dans votre analyse d'aujourd'hui, vous avez fait des observations sur la concurrence et sur les prix. Mais nous savons tous que cette situation ne peut perdurer. Si j'ai bien compris vos remarques et votre mémoire que j'ai feuilleté - il est très clair, c'est un excellent mémoire - le problème, c'est qu'il n'y a pas de concurrence sans infrastructure. Or, il faut une infrastructure avant qu'il y ait concurrence. La question est donc de savoir si nous sommes disposés à payer le prix du marché pour appuyer cette infrastructure, car sans cette infrastructure, il ne peut y avoir concurrence. Sans infrastructure, on ne peut rien faire. C'est une condition sine qua non. Essentiellement, vous pouvez concurrencer vos rivaux, et vous le faites, dans un environnement convenable et vous ne demandez pas de subvention. Plus particulièrement, le gaz naturel peut concurrencer toutes les autres sources d'énergie - et les prévisions concernant le prix du gaz naturel pour les cinq prochaines années sont rassurantes. Actuellement, on prévoit que le prix de 7,77 $ baissera de façon radicale au cours des cinq prochaines années pour atteindre 4,30 $. Vous êtes prêt à payer le prix du marché et à appuyer une infrastructure afin d'être concurrentiel. D'ailleurs, nous estimons que les forces du marché deviendront de plus en plus concurrentielles et que le prix du gaz naturel ne pourra rester élevé comme il l'est actuellement. Ai-je bien résumé votre exposé? Pour mes fins personnelles, ai-je bien traduit votre pensée? J'envisage la question du point de vue du marché. [Français] M. Boulanger: Oui, tout à fait. Les prix du gaz aujourd'hui reflètent un déséquilibre entre l'offre et la demande, mais cette situation devrait se replacer dans un avenir relativement proche. Il importe d'avoir accès de manière équitable à cette ressource, au moindre coût possible. La proximité des bassins gaziers se répercute aussi dans le cours du marché. La mise sur pied d'un réseau d'interrelations est cruciale si nous voulons rester compétitifs. [Traduction] Le sénateur Eyton: Vos arguments sont convaincants; ils se fondent sur le fait que vous êtes prêt à payer le prix du marché. Vos arguments sont très convaincants. Le président: Soit dit en passant, j'étais à St. John's, à Terre-Neuve, avant-hier. Ils sont aussi prêts à vous vendre du gaz. Il y a d'autres sources de gaz naturel dans l'Atlantique. [Français] Le sénateur Hervieux-Payette: On s'étonne de l'écart qui existe entre les prix du gaz pour les secteurs résidentiel et commercial. Mon hypothèse est à l'effet que la différence entre le prix commercial de l'électricité par rapport au prix commercial du gaz explique le fait que le prix commercial de l'électricité ne soit pas le même que pour le résidentiel. Serait-ce cette différence qui permettrait à Gaz Métropolitain d'être sur le marché commercial? M. Boulanger: Vous avez en partie raison. Le tarif pour l'électricité dans le secteur résidentiel est subventionné par les différentes classes tarifaires qui varient selon les différents types de clients. On ne paie pas le vrai coût. C'est une des raisons qui expliquent, entre autres, pourquoi le coût de l'électricité est si intéressant pour le marché résidentiel au Québec. Le sénateur Nolin: Madame Brochu, pour bien résumer votre pensée, dans un premier temps, vous voudriez que le gouvernement du Canada affirme haut et fort, en réponse au vice-président Cheney venu au Canada nous présenter son plan à long terme, qu'il accepte de participer à la réalisation de ce programme pour les Américains. Il faudrait quand même leur offrir quelque chose. On ne peut pas dire non en partant. Deuxièmement, vous voudriez que le Canada affirme l'importance de l'accès de toutes ses composantes à un marché de gaz naturel compétitif. Troisièmement, vous voudriez que le gouvernement du Canada s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires, tant sur le plan de la réglementation que sur celui des négociations bilatérales avec les États-Unis, pour que le projet se réalise. Mme Brochu: Oui. En fait, l'énergie n'est pas une commodité. Elle ne se transige pas comme telle. La Californie, par exemple, ne fera pas faillite si elle n'a pas de café demain matin, mais l'énergie, c'est fondamental. Nous sommes quand même tous en faveur d'un marché, mais nous devons réaliser que sur la côte Est, présentement, ce marché n'existe pas. Quand le producteur est à la fois le transporteur et le client, le marché compte très peu d'acteurs. Si on appuie cette façon de faire, on exclut la possibilité pour des Canadiens qui veulent payer le prix de marché d'investir dans ce marché. Le sénateur Nolin: Vous venez de nous démontrer que toutes les composantes canadiennes n'ont pas accès à un marché compétitif du gaz naturel en ce moment. Mme Brochu: Présentement, c'est extrêmement difficile. Le sénateur Maheu: Est-ce que le simple consommateur résidentiel canadien ou québécois peut s'attendre à voir Gaz Métropolitain s'intéresser à ses besoins plutôt qu'à son marché compétitif, avec des coûts presque égaux à l'électricité, dans les secteurs industriel et commercial? M. Boulanger: Excellente question. L'entreprise, il y a environ 13 ou 14 ans avait pris la décision de se retirer du marché résidentiel parce qu'elle ne pouvait y être compétitive. Au fur et à mesure que Gaz Métropolitain raccordait des clients résidentiels, la base tarifaire de l'entreprise augmentait, et, du même coup, le montant sur la facture des consommateurs. En affaires, quant on augmente les prix tout le temps, on perd ses clients au profit des compétiteurs. Ce n'était pas économiquement souhaitable de faire cela. Maintenant, le contexte a évolué. Il y a trois ans maintenant, nous avons pris une nouvelle orientation commerciale et nous ciblons à nouveau les marchés résidentiels. Nous constatons de plus en plus que des consommateurs veulent avoir accès au gaz naturel comme énergie de chauffage. Lors de la tempête du verglas, des foyers québécois ont été durement affectés par une panne d'électricité qui a duré jusqu'à 25 jours consécutifs seulement pour le mois de janvier. Le gaz naturel est alors apparu comme une alternative énergétique heureuse par rapport à l'électricité. Nous avions déjà commencé alors à changer de position sur le marché à l'aide de stratégies commerciales bien ciblées. Nous sommes conscients du fait que nous ne pourrions pas construire un réseau qui desservirait le marché résidentiel à l'échelle de la province, mais, jusqu'à un certain point, nous voulons offrir aux consommateurs qui le désirent la possibilité d'avoir accès au gaz naturel. Aux alentours de Montréal présentement, une centaine de projets résidentiels alimentés au gaz naturel sont en développement. L'an dernier, nous avons raccordé tout près de 3 000 nouvelles résidences. C'est peu en comparaison de l'Ontario, mais pour le Québec, c'est énorme, compte tenu du fait qu'il y a trois ans, nous raccordions environ 200 foyers par année. Le sénateur Maheu: Ce n'est vraiment pas prioritaire pour Gaz Métropolitain, dans le fond. Vous avez seulement quelques petits projets ici et là. Vous parlez du chauffage au gaz naturel comme solution de rechange lorsque surviennent des pannes d'électricité. Cependant, l'électricité n'est-elle pas nécessaire pour que le chauffage au gaz naturel fonctionne? M. Boulanger: Cela dépend des équipements. Un foyer au gaz naturel peut suffire à la majorité des besoins de chauffage d'une maison, et il n'est pas besoin d'électricité pour le faire fonctionner. C'est la même chose pour la cuisinière. Plusieurs chauffe-eau domestiques n'ont pas besoin d'électricité pour fonctionner. Les besoins de base peuvent être rencontrés. Comme je l'ai déjà dit plus haut, les gens ne recherchent pas le gaz naturel uniquement pour cette raison. [Traduction] Le président: Je remercie les représentants de Gaz Métropolitain. Comme vous avez pu le constater, nous avions beaucoup de questions à vous poser. Nous aurions pu poursuivre la discussion toute la journée, mais nous attendons d'autres témoins - non, il ne s'agit pas des représentants d'Hydro-Québec. Merci beaucoup d'être venue. Le sénateur Nolin: Il convient peut-être d'indiquer, aux fins du compte rendu, qu'Hydro-Québec a été invitée à témoigner, mais qu'elle a refusé. J'ignore pourquoi, mais il m'apparaît important de signaler qu'Hydro-Québec a été invitée et que ses représentants auraient pu répondre à bon nombre de nos questions, questions que nous avons dû poser aux représentants de Gaz Métropolitain ce matin. Hydro-Québec aurait pu nous expliquer le fonctionnement du marché de l'énergie au Québec. Le président: Merci, sénateur Nolin. Votre déclaration figurera au compte rendu. Notre deuxième groupe de témoins nous entretiendra de l'hydrogène comme combustible de remplacement. Ce sujet a été abordé pendant nos audiences à Vancouver où les représentants de Ballard nous ont entretenus de la pile à combustible. Monsieur Bose, vous avez la parole. M. Tapan K. Bose, président, Association canadienne de l'hydrogène: Outre mon association avec l'Association cana dienne de l'hydrogène, je suis directeur de l'Institut de recherche sur l'hydrogène de l'Université du Québec à Trois-Rivières. L'Association canadienne de l'hydrogène est une association à but non lucratif composée d'universités, d'organismes de recherche, de représentants du secteur et de petites entreprises. Notre objectif est de promouvoir l'usage et le développement de l'énergie associés à l'hydrogène, des systèmes et technologies énergétiques à hydrogène, ainsi que le rôle de l'hydrogène comme source d'énergie sûre pour l'environnement. Le président du conseil d'administration est Geoffrey Ballard, fondateur de Ballard Energy Systems et président actuel de General Hydrogen. Ronald Venter, vice-recteur de l'Université de Toronto, est vice-président et trésorier. Le conseil d'administration est constitué de représentants du secteur et du domaine universitaire de toutes les régions du pays: M. Dominique Kluyskens, expert-conseil; Gerald McLean, de l'Université de Victoria; Pierre Rivard, président et PDG de Hydrogenics Corporation; Barry Pruden, autrefois de l'Université de Calgary, et Alexander K. Stuart, président du conseil de Stuart Energy Systems. Notre association participe aussi à l'organisation de conférences nationales et internationales et d'ateliers thématiques. Nous avons récemment tenu la première réunion canadienne sur l'entreposage de l'hydrogène à l'aide de nanostructures de carbone à Trois-Rivières, ainsi qu'une rencontre sur les piles à combustible à l'intention des investisseurs en collaboration avec TD Securities à Toronto. Deux cent vingt personnes, dont 180 investisseurs, ont assisté à cette dernière rencontre. C'est peut-être une coïncidence, mais depuis lors, les actions de certaines entreprises canadiennes de piles à combustible ont augmenté de 50 p. 100. Si vous suivez le marché, vous aurez constaté que les actions de trois entreprises, Global Thermoelectric, Hydrogenics et Ballard ont toutes grimpé de 50 p. 100. Nous avons peut-être contribué à cette hausse en rassemblant, au cours de cette réunion, des représentants des différents secteurs et des investisseurs. Voilà le rôle que l'Association canadienne de l'hydrogène peut jouer et espère jouer à l'avenir. Plus de 300 participants d'un peu partout dans le monde ont assisté à notre dernière assemblée annuelle à Québec. La prochaine se tiendra au Victoria Convention Centre, en Colombie- Britannique, du 17 au 20 juin. Nous participons aussi à l'organisation de la prochaine conférence mondiale sur l'hydrogène qui aura lieu à Montréal en juin 2002, à l'hôtel Reine Elizabeth. L'énergie est la pierre angulaire de notre niveau de vie. Notre économie dépend d'approvisionnements en énergie fiables et à prix concurrentiel. L'énergie est l'un des principaux produits commerciaux puisque le Canada est un grand producteur et exportateur de combustible hydrocarboné, d'uranium, d'électricité et de charbon. Notre système énergétique actuel se fonde sur des ressources polluantes et non renouvelables. En fonction d'une croissance modeste de 2 p. 100 de l'utilisation, on consommera davantage de pétrole au cours des 20 prochaines années qu'on ne l'a jamais fait dans toute l'histoire humaine. En matière environnementale, le groupe d'experts intergouver nemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a conclu que le climat de la terre change en raison d'une contribution anthropogénique certaine au niveau de CO2 dans l'atmosphère. La concentration atmosphérique de gaz à effet de serre est actuellement de 30 p. 100 supérieure à ce qu'elle était au début de la révolution industrielle. La température a connu une hausse allant de 0,3 à 0,6 degré Celsius au cours du présent siècle. Les deux dernières décennies ont été parmi les plus chaudes des 100 dernières années. Récemment, année après année, on enregistre des températures records. On assiste aussi à une augmentation du niveau de la mer, à un retrait des glaciers et à des conditions météo exceptionnelles de plus en plus fréquentes. La plus grande partie de la contribution anthropogénique à l'effet de serre est directement attribuable au déboisement et à la combustion des combustibles fossiles. Sans une réduction radicale des émissions nocives, le GIEC prévoit une augmentation de la température de surface pouvant aller jusqu'à 6 degrés. Les changements climatiques prévus pourraient avoir un effet perturbateur sur notre économie et notre qualité de vie en mettant en péril notre santé, notre approvisionnement en aliments et en eau fraîche, la biodiversité et notre habitat. Dans ce contexte, mesdames et messieurs les sénateurs, le Canada devrait peut-être adopter une position différente de celle des Américains qui favorisent les combustibles fossiles. Outre leurs effets sur le climat de la planète, les combustibles fossiles émettent du monoxyde de carbone, des oxydes d'azote, des contaminants organiques volatiles et de particulaires. Le monoxyde de carbone est toxique pour les humains. Les oxydes de l'azote, qu'émettent les moteurs thermiques, constituent le principal ingrédient du smog, lequel nuit à la santé des humains en causant des dommages aux poumons et l'irritation des yeux. Les particulaires peuvent aussi entraîner des dommages aux poumons. Les carbures d'hydrogène contribuent à la formation de l'ozone et, par conséquent, au smog. Comme on s'inquiète de plus en plus des conséquences du changement climatique et de l'épuisement des combustibles hydrocarbonés, l'utilisation de sources d'énergie propres et renouvelables revêt de plus en plus d'importance. Les États-Unis et le Canada sont, par habitant, parmi les pires producteurs d'anhydride carbonique, lequel est, de l'avis de la plupart des scientifiques, la principale cause du réchauffement de la planète. Les engagements de Kyoto, s'ils sont remplis, exigent une réduction de 6 p. 100 des niveaux de 1990 d'ici 2012, soit une réduction de 25 p. 100 des niveaux prévus pour le Canada si on ne tient pas compte du protocole de Kyoto. Cette baisse nécessitera des changements importants dans la façon dont nous produisons et utilisons l'énergie, mais nous offrira aussi de nouvelles occasions d'affaires, de croissance économique et de création d'emplois. Au cours des 150 dernières années, en matière énergétique, la tendance a été de réduire le niveau de carbone et d'augmenter le contenu en hydrogène de nos combustibles. Cette tendance s'accompagne du déclin des combustibles solides - tels que le bois et le charbon - et de la montée de l'usage de combustibles gazeux, tels que le gaz naturel et, un jour, l'hydrogène, qui en viendront à dominer le marché de l'énergie. Chaque combustible prédominant, le bois, le charbon, le pétrole, le gaz naturel et, enfin, peut-être, l'hydrogène pur, contenait plus d'hydrogène et moins de carbone que son prédécesseur et était plus propre et plus puissant. Comme vous pouvez le constater, nous avons commencé par le bois et la houille qui contenaient davantage d'atomes de carbone. Puis, nous sommes passés au gaz naturel, qui se compose surtout de méthane et qui comporte un atome de carbone pour quatre atomes d'hydrogène - c'est le CH4. Enfin, il y a l'hydrogène, qui ne contient pas de carbone. Le président: Mais l'hydrogène provient de quelque chose. M. Bose: Comme je vous l'expliquerai, vous pouvez obtenir de l'hydrogène à partir du vent et du soleil, de l'électricité produite par le vent et le soleil. L'énergie produite par la combustion d'un kilogramme d'hydrogène est environ cinq fois supérieure à celle produite par le bois, quatre fois supérieure à celle produite par le charbon et deux fois et demie supérieure à celle produite par le pétrole, le kérosène ou le gaz naturel. La combustion d'hydrogène ne produit aucun CO2, alors que pour chaque kilowatt-heure d'énergie, le charbon produit 0,4 kilogramme de CO2, le pétrole, 0,28 et le gaz naturel, 0,2. L'hydrogène est important pour notre économie, parce qu'il est couramment utilisé dans le secteur de la transformation et parce que c'est le vecteur énergétique de choix pour un système d'énergie renouvelable et propre. Tout système d'énergie compte sur des sources d'énergie primaires pour produire de l'électricité. Étant donné que l'électricité ne peut être entreposée pendant de longues périodes et qu'elle est difficile à transporter sur de longues distances, elle n'est pas idéale pour le secteur du transport ni pour les sources fixes hors réseau à certains endroits. Il faut donc un vecteur d'énergie qui peut être entreposé indéfiniment et transporté sur de grandes distances. C'est le rôle que jouent les combustibles fossiles dans notre système énergétique actuel. Toutefois, les combustibles fossiles nuisent à l'environnement et seront un jour épuisés. L'hydrogène est l'élément le plus abondant de notre univers, mais, sur terre, il se trouve toujours associé chimiquement à d'autres atomes. On peut produire de l'hydrogène à partir de l'eau, grâce à l'électrolyse, et le convertir ensuite en électricité de façon très efficiente. Contrairement aux combustibles fossiles, l'hydrogène n'a pour sous-produits que l'eau et une certaine chaleur. Un cycle de production et d'entreposage de l'électricité à partir de l'hydrogène est propre et renouvelable. Notre système actuel fondé sur le carbone a toujours compté sur le moteur thermique comme principal dispositif de conversion de l'énergie chimique en travail. Bien que l'hydrogène puisse être utilisé dans le moteur thermique, le meilleur dispositif de conversion de l'énergie produite par l'hydrogène est la pile à combustible. Contrairement au moteur thermique, qui brûle le combustible à des températures élevées, la plupart des piles à combustible utilisent des réactions électrochimiques à des températures moindres, qui sont essentiellement le processus contraire de l'électrolyse. Les piles à combustible sont environ deux fois plus efficientes que les moteurs thermiques et n'ont pour sous-produits que l'électricité, l'eau et une quantité modérée de chaleur. De plus, les piles à combustible comportent moins de pièces qu'un moteur thermique et peuvent donc fonctionner pendant un an ou plus avec un entretien minime. En outre, elles ont été utilisées dans des conditions extrêmes, telles que l'Antarctique, avec succès. Comparativement aux batteries traditionnelles, les piles à combustible sont avantageuses parce que l'électricité et l'énergie sont découplées. Les batteries présentent un inconvénient: plus la distance à parcourir est grande, plus la batterie doit être volumineuse. Dans le cas des piles à combustible, tout ce qu'il faut, c'est davantage d'hydrogène. Si vous voulez 10 piles à combustible, elles seront découplées. Dans le cas de la batterie, on doit augmenter sa taille si on veut davantage d'énergie. Mais si vous voulez aller loin avec des piles à combustible, vous n'avez pas à augmenter leur taille. Il vous suffit d'augmenter la quantité d'hydrogène. Il y a découplage. Le moteur à piles fonctionnera tant qu'il y aura du combustible, et ce, avec la même puissance. Les piles à combustible peuvent servir à la production d'électricité à partir d'une source fixe ou d'une source mobile. Les questions technologiques qu'il faudra régler avant que l'hydrogène ne puisse faire son entrée sur le marché de l'énergie portent sur sa production, son entreposage et son utilisation. C'est la production d'hydrogène à partir de gaz naturel qui est la moins coûteuse, mais on pourrait obtenir de l'hydrogène renouvelable avec de l'eau, au moyen de l'électrolyse, l'électricité étant produite par des sources renouvelables telles que le vent ou le soleil. L'entreposage de l'hydrogène est peut-être la question la plus importante. L'énergie de combustion par unité de masse de l'hydrogène est l'une des meilleures, mais en raison de sa faible densité, son énergie de combustion par unité de volume est toutefois l'une des plus faibles, car l'hydrogène est léger mais volumineux. Il faut aussi tenir compte de l'absence d'une infrastructure de distribution et du prix des piles à combustible qui reste très élevé si on le compare à celui du moteur thermique. Des activités intenses de R-D ont mené à des technologies d'entreposage prometteuses par compression, par liquéfaction avancée et par utilisation de sorbants solides. On peut contourner l'absence d'infrastructure de distribution en installant d'abord des piles à combustible dans les véhicules de transport public. L'autobus urbain est un marché de démarrage idéal pour les applications de la pile à combustible dans le secteur automobile, car l'infrastructure d'entretien et de ravitaillement est centralisée. En revanche, l'usage de piles à combustible dans les automobiles pourrait être plus difficile. La pile à combustible est tout indiquée pour les autobus, car ceux-ci ont un système d'entretien central et se ravitaillent à un poste central. Leur longue durée de vie et faible coût d'entretien compensent leur coût en immobilisations, et la production de masse est moins problématique que pour les véhicules passagers. À l'heure actuelle, les autobus à pile à combustible Ballard peuvent accueillir 60 passagers. L'hydrogène pressurisé est entreposé sur le toit. Il y a aussi un réservoir, qui est fait au Canada et qui est vendu par Dynatech. Ces autobus ont une autonomie de 400 kilomètres et une puissance nominale de 275 chevaux-vapeur. Le moteur employant la pile à combustible loge dans un compartiment de même taille que celui d'un moteur diesel. Des démonstrations d'autobus à pile à combustible ont été menées avec succès à Munich, Hambourg, Chicago, Vancouver et Los Angeles. Récemment, 10 villes européennes ont annoncé l'achat de 30 autobus à pile à combustible Ballard au total dans le cadre de ce qui pourrait être la première étape vers la constitution de grands parcs d'autobus à pile à combustible. Presque toutes les grandes sociétés automobiles participent à la conception de voitures à pile à combustible. Le problème immédiat reste le coût, mais on s'attend à ce qu'il soit compensé par l'élaboration de méthodes de production de masse. On se préoccupe aussi du coût de l'hydrogène et des risques associés à l'utilisation de l'hydrogène comme combustible de remplacement. Le coût de l'hydrogène produit par électrolyse dépend du coût de l'électricité et du coût en immobilisations de l'équipement. L'électricité, toutefois, n'est pas bon marché; l'infrastructure nécessaire pour l'électrolyse ne l'est pas non plus. Si l'électricité coûte cinq cents le kilowatt-heure, le prix de l'hydrogène est d'environ 10 $ par millier de pieds cubes standard, ou 5 $ par dollar équivalent essence. Cependant, si on utilise le surplus d'électricité lorsque le coût marginal de l'énergie est faible, la production d'hydrogène serait beaucoup moins coûteuse. Ainsi, l'électricité produite en période creuse pourrait servir à produire de l'hydrogène bon marché. L'hydrogène industriel est produit dans une grande mesure par vaporeformage du gaz naturel, habituellement à grande échelle à 800 degrés Celsius. Il sert à la production d'ammoniac et de méthanol ou pour la valorisation et le raffinage du pétrole. Parce que le méthane n'est pas une source renouvelable d'hydrogène, le vaporeformage ne constitue pas, à long terme, une méthode pouvant constituer le fondement d'un nouveau système énergétique à base d'hydrogène. L'incident du Hindenburg illustre bien la perception qu'on a du risque associé à l'utilisation de l'hydrogène comme énergie de remplacement. Le Hindenburg, le plus grand aéronef à parcourir le ciel, a été détruit par le feu lors de son 63e vol le 6 mai 1937 à Lakehurst, au New Jersey. Officiellement, 35 des 97 passagers et l'un des 231 employés au sol sont morts. Le public et la presse ont attribué l'accident à l'hydrogène et le grand public a conservé cette perception de l'hydrogène depuis. Une enquête détaillée menée par Addison Bain de la NASA a démontré que ce jour-là, les conditions atmosphériques et du dirigeable étaient propices à la formation d'une quantité importante d'électricité statique. Le tissu ayant servi à la fabrication de l'enveloppe de l'aéronef était sensible à l'allumage par courant d'arc et susceptible de favoriser la propagation des flammes. L'hydrogène n'était que l'un des nombreux combustibles se trouvant à bord: l'enveloppe en soi était suffisamment inflammable et réactive pour provoquer l'accident. L'enquêteur a conclu que le Hindenburg aurait brûlé même s'il avait été gonflé à l'hélium. Les ingénieurs allemands qui ont enquêté sur l'incident le savaient pertinemment. Otto Beyersdorff, ingénieur électricien, a écrit le 28 juin 1937 sur le désastre du Hindenburg que la véritable cause de l'incendie était l'inflammabilité extrême de la couverture et les décharges de nature électrostatique. La grande zone d'inflammabilité de l'hydrogène associée à une faible valeur d'énergie d'allumage minimale constitue aussi une préoccupation. Toutefois, la faible énergie d'allumage minimale de l'hydrogène ne s'applique qu'au mélange stochiométrique d'hydrogène et d'air. Avec une bonne ventilation et de bons détecteurs, il est peu probable qu'on arrive à de telles concentrations avec de grands volumes. À la température de la pièce, l'hydrogène se dissipe rapidement dans l'air. C'est un gaz de gonflement qui se diffuse rapidement dans l'air. Lorsque la concentration d'hydrogène dans l'air est inférieure à 9 p. 100, l'énergie d'allumage nécessaire pour déclencher le processus de combustion est semblable à celle des combustibles hydrocarbonés tels que le méthane. Il est très difficile de provoquer l'allumage à la limite de la zone d'inflammabilité, même dans les meilleures conditions expérimentales. On se préoccupe aussi de la grande zone de détonabilité de l'hydrogène, surtout si on le compare à d'autres combustibles tels que le méthane. Les explosions d'hydrogène, toutefois, sont très difficiles à réaliser dans de grands espaces et nécessitent une importante source d'allumage. De plus, les flammes d'hydrogène ont une faible émissivité si on les compare aux hydrocarbures. En dépit de la grande énergie de combustion, le flux thermique est habituellement comparable ou même inférieur à celui des flammes d'hydrocarbures. Le flux thermique n'est pas le principal danger des flammes d'hydrogène, bien que le fait que les flammes soient difficiles à voir reste préoccupant. La principale menace est celle que représentent les propriétés de détonation de l'hydrogène. Dans l'ensemble, l'hydrogène n'est pas plus dangereux que nos combustibles actuels si on l'utilise convenablement. Par l'adoption de règlements, les législateurs ont pu exercer une grande influence sur les technologies de l'hydrogène. Les plus récentes normes californiennes sur les rejets des véhicules se trouvent dans le document intitulé «California Exhaust Emission Standards and Test Procedures for 2003 and Subsequent Model Zero-Emission Vehicles, and 2001 and Subsequent Model Hybrid Electric Vehicles, in the Passenger Car, Light-Duty Truck and Medium-duty Vehicle Classes». Ce règlement stipule que les nouveaux modèles 2003 et les modèles subséquents d'automobiles de tourisme, des camions légers et des véhicules de poids moyen seront certifiés véhicules sans émissions s'ils ne produisent aucun rejet de polluants courants dans toutes les conditions et dans tout mode de fonctionnement. Il précise qu'un pourcentage minimal, allant de 10 à 16 p. 100 de 2003 à 2018, des véhicules produits par les fabricants et livrés pour vente en Californie doivent être des véhicules sans émissions. Ces pourcentages sont assujettis à certaines conditions qui diffèrent selon la taille du fabricant. Le pourcentage minimal peut être atteint en partie ou en entier par des véhicules à faibles émissions selon la taille du fabricant prévue par la norme. Les technologies relatives à l'hydrogène et à la pile à combustible évoluent rapidement. Nous assistons à la naissance d'un tout nouveau secteur qui s'est engagé à fournir des moyens de transport et des systèmes de production d'énergie fixes propres et renouvelables. Les centres de recherche et de technologie canadiens sont à l'avant-plan de cette évolution remarquable. Les grands centres de recherche universitaire se trouvent à l'Universi té de Victoria (Institute for Integrated Energy Systems), à l'Université de Toronto (Centre for Electrochemical Studies) et à l'Université de Québec à Trois-Rivières (Institut de recherche sur l'hydrogène). Les activités de R-D en matière d'hydrogène au Canada portent sur tous les aspects de l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur d'énergie, y compris les applications de la pile à combustible, l'entreposage de l'hydrogène, la sécurité et les normes. Le Conseil national de recherches a récemment mis sur pied un centre de recherche sur la pile à combustible à Vancouver, en Colombie- Britannique. Les gouvernements, fédéral et provin ciaux, ont beaucoup aidé le secteur à élaborer des technologies d'hydrogène à la fine pointe grâce à du soutien financier à long terme et du soutien d'experts. Je saisis cette occasion pour mentionner le rôle exemplaire qu'ont joué Ressources naturelles Canada et la Défense nationale dans la création de Ballard Power Systems, une entreprise canadienne de renommée mondiale. Vous savez sans doute que, pendant ses premières années à Vancouver, Ballard a bénéficié de fonds de recherche provenant surtout de Ressources naturelles Canada et de la Défense nationale. J'en profite aussi pour formuler les recommandations suivantes: le Canada a toute l'infrastructure nécessaire pour se doter d'un secteur de niveau international en matière d'hydrogène et de pile à combustible. Il serait bon que le gouvernement canadien prenne l'initiative de lancer des projets de démonstration d'autobus à pile à combustible dans les grandes villes canadiennes. Ce faisant, il donnerait tout un coup de pouce au secteur canadien de la pile à combustible ainsi qu'aux entreprises intéressées à mettre sur pied des postes de ravitaillement en hydrogène. Deuxièmement, il faudrait augmenter les fonds consacrés aux activités de R-D dans le cadre du programme d'hydrogène et de pile à combustible à Ressources naturelles Canada. Ce program me a connu beaucoup de succès et a contribué à l'établissement du secteur émergent de l'hydrogène et de la pile à combustible au Canada. Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait envisager des incitatifs à l'usage de l'hydrogène et des piles à combustible sur le marché. Il pourrait s'agir d'incitatifs financiers ou de règlements plus stricts en matière de rejets. Le président: À la première page de votre mémoire, vous parlez de nanostructures de carbone à Trois-Rivières. Je ne sais trop ce que c'est. M. Bose: Il s'agit de nanotechnologie. L'Alberta tente de mettre sur pied un conseil de recherches en sciences naturelles sur les nanotechnologies. Un nanotube est un prolongement du carbone 60. Le carbone 60 a une structure en dôme, et le nanotube est simplement allongé jusqu'à ce qu'il ait un diamètre de deux nanomètres. On a réussi à entreposer environ 5 ou 6 p. 100 d'hydrogène à la température de la pièce dans de tels tubes. Ces tubes sont toutefois difficiles à produire et sont très coûteux. Le président: Ces tubes ne seront pas placés sous terre. M. Bose: Ils sont produits par une décharge électrique, une décharge de plasma et des particules de suie sont produites au fond. Les nanotubes sont produits avec d'autres carbones 60. Il faut encore trouver des façons de les séparer. C'est de la recherche fondamentale qui a un grand potentiel pour l'entrepo sage d'hydrogène. À l'heure actuelle, la pression est très élevée. Les autobus Ballard comportent un cylindre sous pression sur le toit. Il serait bon que, un jour, on puisse entreposer 5 ou 6 p. 100 de l'hydrogène dans des nanotubes, car on pourrait ainsi entreposer beaucoup plus d'hydrogène et accroître l'autonomie de l'automobile ou de l'autobus. C'est une grande découverte pour l'entreposage de l'hydrogène. [Français] Le sénateur Nolin: Monsieur Bose, vous avez bien illustré, dans vos remarques préliminaires, que le Canada n'est pas en reste dans le domaine de la recherche au niveau de cet élément aussi noble que l'hydrogène. Un des problèmes, et vous y avez fait allusion dans la réponse au président, est la question du transport et de la sécurité du transport de ce produit. Quel est le niveau de la recherche et des découvertes qui ont été développées ici, au Canada ou en partenariat avec d'autres pays, au niveau du transport de l'hydrogène? M. Bose: Pour le transport de l'hydrogène, on développe encore des standards. Vous savez qu'au Canada, le secrétariat est au Bureau de normalisation. Sylvie Gingras est la secrétaire, et je suis le président de ce comité. Donc, tous les standards qu'on développe dans le domaine de l'hydrogène sont développés au Canada, avec la participation, évidemment, des 15 pays qui sont membres «P», c'est-à-dire «participating members». À ce jour, nous avons développé deux standards internationaux. Nous sommes en train d'en développer encore six ou sept. Nous avons reçu les fonds du ministère des Ressources naturelles et en collaboration avec le Department of Energy, le DOE, notre institut de Trois-Rivières et EnRel aux États-Unis, nous avons coordonné la publication d'un livre, Source Book for Hydrogen Applications. Ce livre à a été imprimé par la compagnie Tisec de Montréal. Ont collaboré à ce livre quatre Canadiens et quatre Américains, y compris M. Addison Bain, de la NASA. Je faisais partie de l'équipe des Canadiens pour la rédaction de ce livre sur la sécurité. Je collabore présentement à la rédaction d'un autre livre avec M. Bob Hay de Tisec et M. Pierre Ménard. Ce livre servira à adapter le livre déjà publié aux besoins de l'industrie, ainsi que le Source Book Lite, écrit d'une façon plus simple. Si on prend les précautions nécessaires, l'hydrogène n'est pas plus dangereux qu'un autre carburant. Le sénateur Nolin: Vous avez bien expliqué le problème d'approvisionnement pour les automobiles. Ce problème est beaucoup moins grave lorsqu'il s'agit d'une flotte d'autobus, par exemple. M. Bose: Exactement. Le sénateur Nolin: De la recherche a-t-elle été faite ou des coûts ont-ils été examinés quant à l'usage de l'hydrogène dans le transport ferroviaire? M. Bose: Je pense que CN était intéressée à un moment donné. Ils avaient invité Martin Hammerly du ministère des Ressources naturelles, pour leur expliquer la situation de l'hydrogène. C'est tout ce que je sais. Il n'y a pas eu d'autres efforts. Vous avez raison, les locomotives offre beaucoup de possibilités. Le sénateur Nolin: J'aurais une dernière question ayant trait au problème énergétique dans les pays en voie de développement et l'aide que le Canada et ses partenaires peuvent apporter à ces pays. Connaissez-vous des projets de cette nature? M. Bose: À l'heure actuelle, nous développons des liens avec l'Argentine. Notre institut étudie présentement un projet sur les éoliennes où de l'électricité est produite par les éoliennes, et si on n'a pas besoin d'électricité, on utilise cette électricité pour produire l'hydrogène. Comme je vous l'ai dit, on ne peut pas stocker l'électricité, parce que si on stocke une pile, l'électricité fuit. On utilise donc cette méthode de stocker par l'intermédiaire de l'hydrogène. Des pourparlers ont eu lieu avec des gens de l'Argentine, car comme vous le savez, dans la région de la Patagonie, l'efficacité du vent est de presque 45 p. 100 J'ai impliqué SNC-Lavalin dans ce projet. Le représentant argentin était présent lors de la semaine d'Americana à Montréal, récemment. Le représentant Argentin, SNC-Lavalin et moi-même avons discuté de la situation. J'ai aussi organisé une rencontre avec le vice-président de SNC-Lavalin et M. Sandy Stuart, président de Stuart Energy Systems. D'après nous, si on peut développer un consortium avec une compagnie d'électrolyseur et une compagnie d'ingénierie comme SNC-Lavalin, le potentiel est énorme. On a fait le premier pas afin que les compagnies canadiennes puissent s'installer en Argentine où la qualité du vent est très bonne. Les pays en voie de développement offrent peut-être la meilleure possibilité parce qu'ils n'ont pas d'infrastructures. Si on commence de cette façon, le Canada pourrait faire un pas de géant. La compagnie SNC-Lavalin soutenue par des fonds en provenance de la Banque mondiale et de l'Export Development Corporation du Canada seront disponibles. [Traduction] Le sénateur Spivak: D'ici 2003, ce devra être 10 p. 100. M. Bose: Dix pour cent. Le sénateur Spivak: Ce ne sera pas des voitures à pile d'hydrogène. M. Bose: Non, il y aura aussi des voitures électriques. Le sénateur Spivak: Ou des hybrides. M. Bose: Il y aura aussi des hybrides. Le sénateur Spivak: D'ici quand croyez-vous pouvoir faire fonctionner les voitures grâce à des piles à combustible? M. Bose: Les parcs automobiles représentent la première étape. Nous avons une occasion formidable de progresser car, à Vancouver, le poste de ravitaillement a été construit par Stuart Energy Systems, l'une des plus importantes sociétés de produc tion d'hydrogène. Stuart a vendu son système à 90 pays. Nous avons Stuart, nous avons Ballard, mais aussi de petites entreprises telles que H Power Corp., à Montréal, Hydrogenics, l'entreprise de Pierre Rivard, à Toronto, et Global Thermoelectric Systems, à Calgary. Nous avons au Canada d'énormes possibilités technologiques et le gouvernement pourrait jouer un rôle important. Il a déjà participé à l'élaboration de ces technologies en finançant la R-D. Il peut continuer de faire cela mais il devrait aussi participer aux démonstrations. Pierre Rivard a passé du temps à notre institut; un autre chercheur, le vice-président du génie, a passé sept ans à notre institut. L'existence des instituts de recherches sur l'hydrogène dans les différentes régions du pays est importante. De ceux qui travaillent à notre institut, deux ou trois travaillent à Hydro-Québec, à Hydrogenics et à H Power. Il est important d'appuyer l'enseignement et les laboratoires à l'échelle du pays pour former les ingénieurs et les scientifiques qu'il nous faut dans ce domaine. Le sénateur Spivak: Vous êtes donc d'avis que les piles à combustible fonctionneront à l'hydrogène seulement. M. Bose: Pour les automobiles, ce sera l'hydrogène, mais pour les systèmes décentralisés, ce pourrait être le gaz naturel. Le sénateur Spivak: Je pense à la production d'énergie décentralisée dont nous avons entendu parler. Si nous n'employons pas l'hydrogène, nous ne réduirons pas de beaucoup les rejets de carbone. La baisse des rejets ne serait pas ce qu'elle pourrait être. Qu'en est-il de cette production décentralisée? On nous dit que nous n'aurons qu'à brancher notre voiture à la maison ou au travail pour la recharger. Est-ce utopique? M. Bose: Pas du tout. Le sénateur Spivak: D'ici quand serait-ce possible? M. Bose: Cela se fera probablement plus rapidement que pour les voitures. On a calculé le coût de distribution de l'énergie produite par les installations fixes. Il serait d'environ 1 000 $ par kilowatt-heure, alors que pour les voitures, ce coût ne peut être supérieur à 100 $. Il nous faudra attendre plus longtemps pour en arriver à un tel coût, alors que sous peu, on pourrait avoir une pile à combustible oxyde solide pour 1 000 $ le kilowatt-heure. Le sénateur Spivak: Si la production d'énergie est décentralisée, vous n'avez pas besoin d'infrastructure. S'agit-il ici de la pile à combustible oxyde solide plutôt que la pile à combustible Ballard? M. Bose: Ballard produit aussi un système à membrane d'échange de protons de 250 kilowatts. Cette société distribue des installations fixes à grande puissance. Avec le temps, ce sera plus facile avec le gaz naturel. Si nous ne faisons pas de progrès à ce chapitre, l'infrastructure pour l'hydrogène pourrait constituer un problème. Le sénateur Spivak: Si vous commencez avec le gaz naturel, vous pouvez convertir ces génératrices décentralisées à l'hydrogène, n'est-ce pas? Mais cela coûterait très cher. M. Bose: L'oxyde solide utilise l'hydrogène. La seule différence, c'est la température élevée. La température est de 1 000 degrés, ou 600 ou 800 degrés. Le gaz naturel est converti en hydrogène au sein du système. Vous n'avez pas à le faire avant. Le sénateur Spivak: Est-ce faisable pour les génératrices domestiques? M. Bose: Absolument. H Power Corp., de Montréal, tente de concevoir des systèmes pour usage résidentiel. H Power se spécialise dans les usages résidentiels. Le sénateur Spivak: C'est stupéfiant. D'ici quand pourra-t-on voir les résultats? M. Bose: D'ici l'an 2010. Le sénateur Spivak: Je serai peut-être encore ici. Le sénateur Christensen: Pour ma gouverne et pour faire suite à la question du sénateur Spivak sur la distribution, sur les postes de ravitaillement, qui semblent être un problème pour les automobiles, l'hydrogène serait-il produit sur place, à ces postes de ravitaillement, ou devrait-il passer par un système de distribution? M. Bose: Si vous passez par Vancouver, vous devriez aller visiter le poste de ravitaillement qu'il y a là - mais vous y êtes déjà allés. Le sénateur Adams: Nous y sommes allés. M. Bose: Ce poste de ravitaillement fonctionne à l'électrolyse. À Vancouver, B.C. Hydro produit de l'hydro-électricité très propre. Cette électricité sert ensuite à séparer l'eau et produire de l'hydrogène. C'est ainsi que fonctionne le système. Ces postes de ravitaillement doivent toutefois être construits et ils sont coûteux. Ils coûtent cher, mais ils sont très propres. J'ai notamment recommandé que le gouvernement fédéral entreprenne, par exemple, des projets de démonstration d'autobus à Montréal et à Toronto, ainsi qu'ailleurs au pays; les postes de ravitaillement pourraient être installés aux postes centraux, même s'ils sont coûteux, car le smog disparaîtra. Les gens seront probablement prêts à payer. Je sais que Chicago utilise trois autobus Ballard. Il semble que ceux qui attendent l'autobus et qui savent que le suivant est un autobus Ballard sont prêts à l'attendre. Le sénateur Christensen: L'hydrogène est produit sur place, au poste de ravitaillement, mais il faut quand même une autre source d'énergie pour produire cet hydrogène, n'est-ce pas? M. Bose: L'hydrogène n'est pas une source primaire comme l'électricité. Le sénateur Christensen: Comme je viens du Nord, je m'intéresse à l'usage qu'on pourrait faire de ces piles pour la production d'énergie dans les régions isolées. M. Bose: Dans le Nord, où habitent les Inuits, c'est venteux. On pourrait se servir du vent. En Gaspésie, on produit ainsi 100 mégawatts d'énergie. Si le vent est suffisant, on a une efficience de 30 ou 35 p. 100 et on peut produire de l'électricité pour cinq cents le kilowatt-heure. Le sénateur Christensen: Que pensez-vous de l'énergie photovoltaïque? M. Bose: Cette technologie est peu évoluée car le coût de production de l'électricité à partir du sable est encore plus grand que celui de l'énergie éolienne. Le prix des éoliennes a beaucoup baissé. Lorsque l'efficacité est de 35 p. 100, vous pouvez produire de l'électricité pour quatre ou cinq cents le kilowatt-heure. Le sénateur Christensen: Il faut ensuite entreposer cette énergie à long terme. M. Bose: Vous pouvez utiliser l'électricité directement, mais vous pouvez aussi entreposer l'énergie électrique avec l'hydro gène. [Français] Le sénateur Nolin: Je crois comprendre que Ballard est en partenariat avec un institut de recherche de l'Allemagne? M. Bose: Ils ont leur propre compagnie. Le sénateur Nolin: Le Centre de recherche fondamental en Allemagne... M. Bose: Oui. Le sénateur Nolin: Est-ce une information que vous avez et que vous ne pouvez pas divulger? M. Bose: Non, j'ai visité la compagnie Ballard. Ils travaillent avec DaimlerChrysler et ils ont une compagnie en Allemagne, tout près de Stuttgart. Ils travaillent en très étroitement collaboration avec DaimlerChrysler. DaimlerChrysler et Ford sont actionnaires de Ballard. [Traduction] Le sénateur Spivak: Vous dites que c'est coûteux. Toutefois, avez-vous fait une étude comparative des coûts et des avantages, y compris les coûts externes, des combustibles fossiles et des autres sources d'énergie? M. Bose: Oui. Une telle étude serait nécessaire et le gouvernement fédéral pourrait la faire. Il faudrait tenir compte des coûts externes, tels que le nombre de personnes qui tombent malades, le nombre d'asthmatiques qui meurent. Si vous tenez compte de tout cela, vous constaterez probablement que le coût du pétrole est trop élevé. Le sénateur Spivak: Il y a d'autres coûts externes à part les coûts pour la santé. M. Bose: Il est difficile de les prendre en compte, mais je crois qu'il devrait y avoir une série d'études sur les facteurs externes. Le véritable coût du pétrole ne tient pas uniquement au coût de production. Il y a aussi les effets sur la santé et, si on les prend en compte, l'hydrogène revient beaucoup moins cher. Le sénateur Spivak: Il y a aussi les coûts environnementaux. M. Bose: Oui. Le sénateur Buchanan: Comme vous l'avez dit, on peut produire de l'hydrogène à partir du gaz naturel. M. Bose: Oui. Le sénateur Buchanan: Nous avons littéralement des billions de pieds cubes de gaz naturel au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Il y a un projet qui est à l'étude depuis le milieu des années 80 et qui s'appelle Synfuels. Il est dirigé par Alistair Gillespie. Le projet permettrait de produire du pétrole en liquéfiant le charbon. Nous produisons beaucoup de charbon au Cap-Breton. On avait prévu construire une usine à Port Hawkesbury, qui se trouve très près du gazoduc, et l'idée était d'extraire l'hydrogène du gaz naturel pour l'injecter dans le charbon dans le cadre du procédé de liquéfaction. Êtes-vous au courant de ce projet ou de ce procédé? M. Bose: Je ne suis pas au courant de ce projet. Le sénateur Buchanan: Et le procédé d'injection d'hydrogène? M. Bose: On se sert d'hydrogène pour alléger le pétrole lourd. Le Canada est l'un des premiers producteurs d'hydrogène, le premier au monde pour ce qui est de la production par habitant. L'hydrogène est surtout utilisé par le secteur pétrochimique. On s'en sert également dans le secteur agricole de même que dans le secteur de la transformation. Nous le considérons plutôt comme un vecteur énergétique. Le sénateur Buchanan: Ce serait justement le cas ici, parce que nous avons examiné le procédé de liquéfaction du charbon par injection d'hydrogène extrait du gaz naturel et les résultats sont concluants. Le procédé donne de bons résultats dans d'autres régions du monde. Je voudrais savoir si vous êtes au courant du projet Synfuels. M. Bose: J'en ai entendu parler. Le président: Il convient peut-être de signaler que nous espérons recevoir Alistair Gillespie à notre comité, et nous espérons bien que le sénateur Buchanan y sera. Le sénateur Buchanan: Non seulement j'y serai, mais je veillerai à ce qu'il y soit aussi. Le président: Avant que nous ne levions la séance, j'ai une question à poser. Quand nous les avons rencontrés à Vancouver, les représentants de Ballard nous ont laissé entendre que, de façon provisoire, le combustible qui servirait à alimenter la pile pourrait bien n'être que de l'essence ordinaire. M. Bose: Additionnée de méthanol. Le président: Autrement dit, ils pourraient se servir d'essence additionnée de méthanol à 20 p. 100 et faire plaisir aux agriculteurs en même temps. Ils ne semblaient pas avoir de chiffres à nous donner sur la réduction de l'effet polluant par rapport aux hydrocarbures ordinaires. M. Bose: Il y aurait certainement une réduction. Le président: Je n'ai pas pu obtenir plus d'information. M. Bose: Je ne peux pas vous donner de chiffres précis. Je pense qu'au bout du compte, le méthanol pourrait être utilisé de façon provisoire. Le président: Serait-ce trop vous demander que de nous envoyer une note concernant l'importance de la réduction qu'on obtiendrait par rapport à l'essence? Il ne faut pas oublier que l'essence est une véritable vache à lait pour le gouvernement. Il en retire plus que le producteur. Le sevrage serait brutal. M. Bose: Nous ne proposons pas d'éliminer complètement l'essence. Nous voulons simplement que le gouvernement fasse un premier pas. Le président: Pourriez-vous nous envoyer une note? M. Bose: Je peux vous envoyer une note sur l'importance de la réduction qui pourrait être obtenue. Le président: Merci beaucoup. La discussion de ce matin a été des plus intéressantes et informatives. La séance est levée.