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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 27 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été déféré le projet de loi C-10 concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, se réunit aujourd'hui à 9 h 32 afin d'étudier le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons ce matin au sujet du projet de loi C-10 et nous accueillons Sarah Dover du Fonds mondial pour la nature (Canada).

Mme Sarah Dover, conseillère en politiques, Fonds mondial pour la nature (Canada): Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous dans le cadre de vos délibérations sur le projet de loi C-10. Au Fonds mondial pour la nature, ma tâche est de communiquer aux décideurs en poste à Ottawa les activités communautaires de même que les efforts sur le plan scientifique du Fonds mondial pour la nature.

Le Fonds mondial pour la nature (Canada) a un effectif d'environ 70 personnes réparties un peu partout au pays et le long de toutes les côtes. Je suis fière d'être la seule personne à l'effectif affectée aux relations gouvernementales, ce qui est très révélateur de l'importance qu'attache notre organisme à notre présence sur le terrain, à travailler avec les gens qui sont touchés par ce que nous défendons.

Nous tenons à remercier sincèrement la ministre du Patrimoine canadien, les membres de son personnel et tous les parlementaires qui ont permis, grâce à leur travail acharné, à cet important projet de loi de parvenir à ce stade.

Le Fonds mondial pour la nature (Canada) a été fondé en 1967. Il s'agit de l'un des plus importants et prospères organismes de conservation au pays. Nous oeuvrons au Canada et à l'étranger et nous recevons actuellement l'appui actif de plus de 50 000 Canadiens et Canadiennes.

Le Fonds mondial pour la nature (Canada) fait partie d'un organisme mondial qui compte près de 5 millions de membres réguliers, un réseau de 27 organismes nationaux, 22 bureaux de coordination des secteurs et cinq organismes associés. Le Fonds mondial pour la nature (international) est le plus important organisme indépendant au monde qui se consacre à la conservation de la nature.

Une importante priorité du Fonds mondial pour la nature (Canada) est de réaliser un réseau d'aires marines protégées représentatives d'ici 2010. Pour atteindre cet objectif, nous avons notamment ouvert des bureaux régionaux à Halifax, du côté de l'Atlantique, et à Prince Rupert, du côté du Pacifique.

Nous avons également publié un document scientifique référentiel intitulé, «Planning for Representative Marine Protected Areas: A framework for Canada's Oceans». Ce système de classification est facile à comprendre grâce à la carte qui l'accompagne.

Avec la permission du président, je laisserai ces documents au greffier à l'intention des sénateurs, sénateurs, attachés de recherche et membres du personnel que cela intéresserait.

Le Fonds mondial pour la nature est déterminé à voir ce projet de loi adopté depuis qu'il a été déposé.

Encore une fois, avec la permission du président, je laisserai au greffier deux documents qui donnent les détails de la position du FMN sur le projet de loi C-10. Il y a d'abord le mémoire que nous avons présenté au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, et ensuite une note d'information publiée après l'étape du comité.

Vous constaterez que dans l'évolution de ces documents, le comité a adopté certains amendements proposés par le WWF, mais bien évidemment pas tous. Bien que nous soyons déçus du fait de certaines omissions, nous estimons qu'il s'agit d'un bon projet de loi qui donnera de bons résultats «sur l'eau» et au niveau communautaire. Nous vous prions très instamment d'examiner les questions importantes qui font l'objet de ce projet de loi et, en bout de ligne, de le renvoyer au Sénat sans amendement.

Dans le discours du Trône 2001, la Gouverneure générale Adrienne Clarkson disait ce qui suit:

Les Canadiens sont les gardiens d'une part importante de la faune et de la flore de la planète. Le gouvernement investira donc dans la création de parcs nationaux et mettra en oeuvre un plan pour rétablir l'intégrité écologique de ceux qui existent déjà. Il travaillera de concert avec ses partenaires en faveur d'une gestion durable plus intégrée des océans du Canada. Et il présentera à nouveau le projet de loi sur les aires marines de conservation et sur la protection des espèces en péril.

L'engagement vis-à-vis de la conservation marine était une réitération d'engagements précédents pris par le gouvernement dans d'autres discours du Trône et Livres rouges. Le projet de loi C-10 permettra au gouvernement, grâce aux efforts synchronisés de Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et Parcs Canada, de s'orienter vers une vision ambitieuse et nécessaire d'un réseau national d'aires marines protégées.

La conservation marine n'a jamais été aussi urgente. Nos riches ressources marines sont de plus en plus menacées. En outre, nos engagements pris à l'échelle internationale de protéger notre environnement marin unique ont de loin dépassé nos résultats au pays.

En juin 1992, le Canada ratifiait la Convention sur la diversité biologique, qui comporte un engagement de créer un réseau d'aires protégées. Le Canada est vraiment une nation maritime et la bonne fortune de notre patrimoine national s'accompagne d'une grande responsabilité de le protéger et de le gérer judicieusement.

Onze des 13 provinces et territoires ont des éléments côtiers. Nous avons la plus longue ligne de côte au monde et nous venons au deuxième rang pour ce qui est de la superficie de notre plateau continental. Nous retrouvons chez nous un vaste éventail d'habitats marins, notamment des rivages rocheux, des plages sablonneuses, des récifs d'algues, des forêts de varech, des récifs coralliens, des estuaires, des herbiers, des marais maritimes et des vasières.

Le patrimoine marin du Canada comprend des valeurs analogues à ce que représenteraient sous l'eau les parcs nationaux de Banff et de Jasper, mais il n'est pas reconnu ni protégé.

Le projet de loi C-10 est une étape cruciale qui va permettre au gouvernement de faire de la conservation marine efficace. Les aires marines de conservation (ou AMC) peuvent régler quelques-unes des plus graves menaces auxquelles les milieux marins sont confrontés, notamment la destruction des habitats, la surexploitation, la surpêche et la pollution.

L'objectif louable du projet de loi C-10 est de créer un réseau d'aires marines de conservation représentatives pour le bienfait, l'éducation et l'agrément de la population canadienne et mondiale.

Un point fort du projet de loi C-10 est la relation réciproque établie entre la conservation et le développement durable. La différence la plus frappante entre la Loi sur les parcs nationaux du Canada et le présent projet de loi est l'omniprésence du développement durable dans ce dernier.

Le projet de loi C-10 vient à juste titre modifier la Loi sur les parcs nationaux du Canada et transfère la responsabilité pertinente dans un projet de loi distinct qui examine précisément les besoins du milieu marin particulier et des collectivités côtières qui dépendent économiquement et culturellement des océans.

Compte tenu des besoins particuliers de l'environnement marin, le projet de loi C-10 nécessite que les AMC soient gérées «sans compromettre les éléments et fonctions des écosystèmes des terres immergées qui en font partie et des eaux qui les recouvrent». Cet article du projet de loi, de même que d'autres, soulage Parcs Canada du fardeau d'essayer de conserver le milieu marin à l'aide d'une mesure législative qui a été rédigée avec un contexte terrestre à l'esprit.

Dans la même veine, le projet de loi C-10 reconnaît la réalité du lien qui existe entre les océans et les collectivités côtières.

Une AMC qui n'a pas l'appui de ses collectivités n'atteindra jamais ses objectifs de conservation. Le projet de loi C- 10 fait en sorte que les collectivités côtières auront les pouvoirs nécessaires pour déterminer si elles veulent une AMC, en plus de les intégrer dans les processus de création et de gestion.

Le projet de loi nécessite une consultation des collectivités comme condition préalable à l'élaboration d'une politique en matière d'aires marines de conservation ainsi qu'à la création et à la modification de sites précis. Les collectivités doivent également participer à la mise sur pied de comités consultatifs locaux. Ces dispositions législatives, conjuguées aux lignes directrices et politiques de Parcs Canada, feront en sorte que les collectivités seront effectivement des parties prenantes.

Les dispositions relatives au zonage du projet de loi C-10 élucident le mariage entre la conservation et le développement durable dans le projet de loi C-10. Ces dispositions exigent du ministre qu'il désigne des aires précises de protection élevée ainsi que des aires de développement durable au sein de chaque AMC. Un autre aspect positif du zonage est la souplesse. Le processus de planification de gestion peut cerner plus de deux types de zones et, par conséquent, examine de façon créatrice les besoins des collectivités et la conservation.

L'investissement des collectivités dans le plan directeur est protégé par les dispositions de délivrance de permis qui stipulent que tous les permis doivent être conformes au plan directeur provisoire et au plan directeur. La collaboration est un principe sous-jacent du projet de loi. Les articles qui ont trait à la consultation des collectivités comportent également la consultation d'autres paliers de gouvernement et ministères pertinents au niveau fédéral. En outre, le comité permanent de la Chambre des communes a modifié le projet de loi de façon à s'assurer qu'il y ait un plan d'action clair lorsque le titre de propriété des terres n'est pas évident.

Le projet de loi C-10, à juste titre, ne laisse pas tomber les aspects positifs de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Un grand nombre des éléments-cadres des processus de gestion et de création sont semblables. Par exemple, un grand nombre des exigences en matière de rapports et de suivi parlementaire ne seront pas étrangères pour les membres de votre comité et tous les parlementaires. Ces processus ont été perfectionnés dans le cadre de l'expérience terrestre.

L'inclusion du principe de la prudence dans le préambule et les articles portant sur le plan directeur du projet de loi est une caractéristique positive. Le projet de loi C-10 fait de la gestion des écosystèmes et du principe de la prudence les principaux enjeux de l'établissement de plans directeurs. Ainsi, dans le cadre de la planification de gestion, on pourra prendre des mesures préventives lorsqu'il y aura des preuves de préjudice sans pour autant avoir une certitude scientifique totale. Dans ce contexte, le principe de la prudence reconnaît la complexité et les inconnues persistantes liées à la science du milieu marin.

En conclusion, nous vous exhortons une fois de plus à adopter sans le modifier le projet de loi C-10. La promulgation de ce projet de loi permettra aux collectivités, aux Premières nations, aux groupes écologistes, aux parties intéressées, aux gouvernements et à d'autres intervenants d'aller de l'avant et d'établir un réseau d'aires marines protégées représentatives au Canada.

L'adoption du projet de loi permettra d'avancer immédiatement vers l'établissement de deux grands sites: le lac Supérieur Ouest et la réserve de l'aire marine de conservation Gwaii Haanas. Il est plus que temps que ces deux sites soient désignés et par leur création rapide, le gouvernement donnerait le signal attendu de son intention d'aller de l'avant.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner non plus la question du financement de la conservation marine. Le dernier budget fédéral, et c'est compréhensif compte tenu des questions de sécurité nationale, ne prévoyait aucun fonds à l'égard de la stratégie de gestion des océans de Pêches et Océans Canada ni de la création de nouvelles aires par Parcs Canada. Le manque de fonds pour la coordination, l'élaboration d'une vision, l'établissement et le maintien de parcs nationaux, d'aires marines protégées et d'aires marines de conservation est une grande préoccupation pour le Fonds mondial de la nature.

Encore une fois, merci d'inclure le WWF dans vos délibérations au sujet du projet de loi C-10. Je serai des plus heureuses de répondre à vos questions.

Le sénateur Cochrane: Dans votre mémoire, vous avez mentionné deux sites, le lac Supérieur Ouest et la réserve de l'aire marine de conservation Gwaii Haanas. Qu'y a-t-il de particulier au sujet de ces deux zones?

Mme Dover: Toutes les aires désignées comme sites éventuels d'aires marines de conservation présentent des éléments clés. Le plus important est le soutien des collectivités, ce qui est le cas pour le lac Supérieur Ouest, également pour Gwaii Haanas, quoique d'autres discussions sont de toute évidence nécessaires sur la côte nord de la Colombie- Britannique relativement à ce site.

L'autre aspect est que ce sont des sites importants sur le plan écologique, qu'ils ont une taille suffisante et ont des valeurs marines.

Le sénateur Cochrane: Quelles sortes de valeurs marines ont-ils?

Mme Dover: Ces valeurs sont déterminées au cas par cas. Les sites établis par Parcs Canada seraient grands et représentatifs de l'écosystème dans lequel ils se trouvent. Pensez, par exemple, à la formation d'un comité représentatif d'un groupe plus large de la société. Si vous deviez constituer un comité d'ingénieurs, qui devrait en faire partie pour que le comité soit représentatif de l'ensemble? La sélection des principales aires qui procureront une représentation durable des écosystèmes plus larges suit en quelque sorte un modèle semblable.

Le sénateur Cochrane: Combien de temps s'écoulera-t-il entre le moment où vous trouvez un site désigné et sa création et son exploitation?

Mme Dover: J'aimerais bien avoir plus d'expérience à ce sujet. Cependant, une grande partie de tout cela dépend de l'avancement des consultations au sein de la collectivité. De par leur nature même, ces discussions progressent lentement.

Le sénateur Cochrane: Je suppose que la collectivité et tous les autres groupes sont d'accord avec ce processus.

Mme Dover: Nous commençons par une première proposition fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles, puis nous passons au processus des consultations pour élaborer un plan directeur provisoire et évaluer le soutien au sein de la collectivité.

Le sénateur Cochrane: Une question qui a été soulevée de façon régulière dans le cadre des discussions sur le projet de loi C-10 au sein du comité, c'est l'incidence négative éventuelle sur les moyens de subsistance des personnes qui travaillent dans les industries. Je pense dans le présent cas à la pêche. Pourriez-vous dire aux membres du comité l'incidence, le cas échéant, que la présente mesure législative proposée aurait selon vous sur cette industrie?

Mme Dover: Les aires marines de conservation sont un type unique d'aires protégées. Elles ne sont pas petites, ce que nous appelons des zones à ne pas exploiter, mais ce sont des zones de haute protection dans lesquelles il ne serait pas permis de pêcher. Les aires marines de conservation sont accores, de sorte qu'elles sont vastes. Elles peuvent comprendre des zones où la pêche ne serait pas permise. Elles sont gérées en vue du développement durable, en fonction des besoins de la collectivité.

L'expérience des aires marines protégées dans d'autres régions du monde nous a enseigné que dans ces types d'initiatives de conservation, la pêche est l'industrie qui tend le plus à en tirer parti. La raison en est que nous pouvons protéger les aspects de l'écosystème sur lesquels les poissons comptent pour maintenir des populations en santé, que nous garantissons la survie de pêcheries en santé.

Le sénateur Comeau: C'est toujours un plaisir de se joindre au comité lorsqu'on discute de tels sujets. Madame Dover, j'aimerais vous remercier d'être venue témoigner et de nous faire part de vos idées et de nous transmettre l'enthousiasme avec lequel vous abordez la question. Je partage bon nombre des points de vue que vous avez soulevés aujourd'hui sur la protection de notre environnement.

Cependant, ce que je crois comprendre de ce projet de loi — et je l'ai lu à maintes reprises —, c'est qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la protection des pêcheries, de l'habitat ou des aires marines. Ce n'est pas son intention. Si je comprends bien, ce projet de loi vise à créer des aires représentatives pour le bénéfice et l'éducation des visiteurs et à protéger ces aires pour les générations à venir. Est-ce que je me trompe?

À la page 4 de votre exposé, vous parlez de protéger l'habitat, y compris les rivages rocheux, les plages sablonneuses, les vasières, et cetera. Vous avez utilisé les mots «non protégées» et «menaces sérieuses auxquelles sont confrontés les milieux marins, y compris la destruction de l'habitat, la surexploitation et la surpêche de même que la pollution». En outre, dans quelques-unes de vos réponses au sénateur Cochrane, vous avez parlé d'«initiatives de conservation». Ce sont là tous des objectifs que j'appuie à 100 p. 100. Cependant, selon la ministre, telle n'est pas l'intention du projet de loi. Ai-je raison?

Mme Dover: Nous disons peut-être la même chose, mais en employant des mots quelque peu différents. Il est évident que le projet de loi ne vise pas à établir des aires de protection véritable à protéger contre toutes les activités liées à l'eau. Le projet de loi cherche de toute évidence à créer non pas ce que j'appellerais un équilibre entre le développement durable et l'environnement, mais plutôt une coexistence saine.

Le sénateur Comeau: Le projet de loi parle de recourir aux outils de gestion du développement durable, il traite de l'objectif du développement durable et du principe de la prudence. Cependant, si l'on revient à l'essentiel, si ce projet de loi a un objectif autre que l'établissement d'aires marines protégées représentatives, je pense qu'on nous a trompés.

Je soulève ce point parce que, dans votre exposé, vous mentionnez souvent la notion d'aires marines protégées qui, comme vous le savez, relèvent de la Loi sur les océans. En fin de compte, la loi relève du ministère des Pêches et des Océans. Malheureusement, le concept des aires marines protégées est l'un des outils que nous n'avons pas utilisés depuis 1997. Même si le projet de loi n'a pas été présenté par mon parti, nous l'avons appuyé entièrement. Pour l'instant, nous ne protégeons pas ces aires. Sommes-nous, par d'autres moyens comme les aires marines de conservation, en train de faire ce que nous aurions dû faire à l'aide de l'initiative des aires marines protégées découlant de la Loi sur les océans?

Je reviens au fait que vous parlez d'«aires marines protégées», ce qui est tout à fait différent. Qu'en pensez-vous? Est- ce que je me trompe là-dessus également?

Mme Dover: Vous soulevez deux points très importants. Pour ce qui est de la protection, ou de la raison d'être des AMC, il me semble que nous sommes tout à fait au diapason. Il vous faut comprendre que nous engageons des gens qui vivent dans les communautés où ils travaillent. Il est absolument essentiel que les collectivités appuient une proposition d'AMC. Nous n'appuierions aucune proposition à laquelle ne souscriraient pas les Premières nations ou les collectivités concernées. Pour ce qui est du plan directeur, les besoins de la collectivité côtière doivent être mis en oeuvre.

La raison d'être du projet de loi, c'est la conservation. C'est un objectif que nous atteignons en mariant le développement durable et les besoins en matière de conservation. S'il nous fallait consacrer le temps et l'investissement d'une collectivité dans l'établissement d'une aire qui ne protégerait pas efficacement l'environnement, alors nous leur ferions perdre leur temps. Il est important d'atteindre cet objectif de conservation d'une façon qui n'abuse pas de la confiance des collectivités côtières.

Le sénateur Comeau: Pourrions-nous en tenir à la question de la participation des collectivités côtières? Je crois comprendre que vous avez un petit bureau à Halifax. En avez-vous également un sur la côte Ouest?

Mme Dover: Oui. Notre bureau régional du Pacifique se trouve à Prince Rupert.

Le sénateur Comeau: Combien de gens travaillent au bureau de Halifax?

Mme Dover: Je pense qu'il y en a environ cinq.

Le sénateur Comeau: Savez-vous s'il y a beaucoup de pêche qui se fait à partir d'Halifax?

Mme Dover: Non.

Le sénateur Comeau: En passant, il y en a très peu. Les collectivités de pêcheurs ne se trouvent pas à Halifax. Cela me rappelle l'époque où des ministres prenaient l'avion à destination d'Halifax et revenaient en disant à quel point il était agréable de visiter les Maritimes.

Le sénateur Cochrane: Le Canada Atlantique.

Le sénateur Comeau: Vous avez raison. Pour les collectivités côtières, consultation est synonyme de rencontre avec les gens qui font effectivement partie de l'industrie — les personnes qui pratiquent la pêche, même si je préfère encore utiliser le mot «pêcheurs» — et ceux qui travaillent dans les usines. Au fil des ans, ils ont fini par mettre au point un processus de consultation avec le ministère des Pêches et des Océans. Ce n'est peut-être pas la plus grande des relations, mais du moins ils se connaissent. Parfois, lorsque vous avez à traiter avec le gouvernement, c'est le syndrome «de la personne que l'on connaît» — au moins vous savez à quoi vous attendre.

Maintenant, nous avons un groupe tout à fait nouveau qui débarque dans ces collectivités où les gens s'affairent à pêcher et à gagner leur vie. Ce nouveau groupe relève de Parcs Canada et consultera les gens sur la création d'aires marines de conservation. Les gens diront, «nous avons déjà tenu des consultations sur les aires marines protégées». À quoi une personne du nouveau groupe répondra, «c'est différent, car cette mesure-ci vise la conservation; l'autre parlait de protection». Avez-vous idée de la confusion que cela engendrera dans les collectivités, alors que le gouvernement devrait essayer de garder les choses simples car ces gens essaient de gagner leur vie? Ce que j'en comprends, c'est une nouvelle force protectrice.

Il est proposé dans le projet de loi une présence de Parcs Canada afin de favoriser le maintien de l'ordre et l'exécution de la loi dans ces aires de conservation. Le ministre nommerait l'agence. Ce que je crains, c'est que cela se retourne contre nous pour ce qui est des efforts de créer des aires marines protégées et des aires marines de conservation car les gens seront tannés et diront, «non, nous ne voulons plus rien entendre à ce sujet». Pourquoi n'a-t- on pas laissé le tout à l'application de la Loi sur les océans au lieu de venir l'intégrer à ce nouveau projet de loi?

Mme Dover: Je suis à la fois en accord et en désaccord avec vous.

Le sénateur Comeau: J'aime toujours ça.

Mme Dover: C'est toujours la position sûre à prendre.

Il y a environ 19 ministères qui ont diverses responsabilités au plan marin. Dire qu'un ministère devrait avoir compétence sur les questions marines est aussi ambitieux que de dire qu'un ministère devrait avoir compétence sur les questions terrestres.

Le sénateur Comeau: Il y aurait un ministère responsable.

Mme Dover: Oui. Maintenant, les aires marines protégées ou les aires marines de conservation — et je suis heureuse de vous présenter cette distinction — sont des outils de conservation. Nous avons des outils semblables qui sont mis en oeuvre par différents ministères dans un contexte terrestre. Les aires marines de conservation et les aires marines protégées sont fondamentalement différentes. Dans les aires marines protégées — Pêches et Océans vous le confirmera si vous le lui demandez — ils n'ont pas du tout l'intention de faire des choses comme du développement durable dans les aires protégées. Ce sont des outils de conservation différents. Les aires marines protégées, telles qu'elles sont mises en oeuvre par Pêches et Océans, sont de petites zones où on accorde une protection élevée aux principales caractéristiques telles que les lieux de ponte.

Songez à une aire marine de conservation comme étant un peu moins un parc national et plus une zone de gestion consciencieuse. Ce sont des outils différents et complémentaires.

Cela étant dit, il est absolument essentiel qu'il y ait une coordination, en particulier lorsqu'il est question de collectivités côtières, entre les divers ministères. Cela va au coeur même du message final que je vous ai laissé — nous cherchons désespérément à ce que le ministère des Pêches et des Océans reçoive les fonds nécessaires pour réussir dans ses efforts de coordination.

Tant que la stratégie sur les océans n'aura pas les fonds nécessaires, il n'y aura aucun effort de coordination fructueux entre les trois ministères. Cela ne veut pas dire que les différents ministères ne réussiront pas au site par site. Cependant, une vision audacieuse, ambitieuse pour des aires marines de conservation et des aires marines protégées au Canada ne peut se faire s'il n'y a pas les fonds nécessaires pour une stratégie des océans.

Le sénateur Comeau: Vous avez indiqué que le projet de loi faisait appel à un processus complet de consultation. Pourriez-vous me dire à quel article du projet de loi il en est question?

Mme Dover: À l'article 10.

Le sénateur Comeau:

Le ministre consulte les ministres et organismes fédéraux et provinciaux concernés, les organisations... et les communautés côtières...

Qui doivent-ils consulter? Doivent-ils se rendre à Halifax et rencontrer les gens qui pratiquent la pêche à Halifax?

Le président: Le projet de loi dit les communautés côtières touchées.

Mme Dover: Si je peux attirer votre attention sur les définitions contenues dans la mesure législative proposée, il y a une définition qui clarifie toute cette question.

Si vous me le permettez, une mesure législative n'est qu'un simple outil de relations publiques. C'est certainement le cas avec les parcs nationaux, de même qu'avec les aires marines de conservation, que la mesure législative complète des lignes directrices extrêmement exhaustives traitant de l'établissement et de la gestion des aires. Une des réussites du réseau de parcs nationaux a été de créer un historique d'une consultation fructueuse.

Le président: Le premier projet de loi disait que le ministre devait fournir des occasions de consulter les collectivités touchées. Maintenant, il dit que le ministre consulte; c'est différent. Ce qui me préoccupe dans tout cela, c'est qu'il semble supposer que toutes les personnes d'une collectivité touchée pensent exactement la même chose. Il se pourrait que ce ne soit pas le cas, en particulier sur la côte Ouest, où certaines personnes songent à l'exploration pétrolière tandis que d'autres pourraient penser au poisson de fond ou à quelque chose du genre.

Le projet de loi indique-t-il les personnes qu'il faut écouter? S'agira-t-il de la personne qui veut exploiter des placers, donc qui tamise le fond marin et qui dérange vraiment les pêcheries? C'est ce que l'on fait dans le sud-ouest africain pour trouver de l'or et des diamants. Il y a aussi le forage pétrolier, qui cause très peu de dommages au fond marin. Une collectivité côtière pourrait vouloir qu'il y ait un certain développement car la pêche a diminué au point qu'elle ne peut plus soutenir la collectivité. Que feriez-vous?

Mme Dover: La question importante ici pour les collectivités côtières et les Premières nations est de savoir comment la mesure législative garantit une consultation efficace.

À mon avis, une partie de cette question ne peut pas, et ne devrait pas, être traitée à outrance par la mesure législative. Il importe qu'une articulation stricte des processus auxquels participerait une collectivité se retrouve dans la mesure législative, en plus d'une obligation de consulter les collectivités touchées afin qu'elles participent également à la création des comités consultatifs locaux.

Les tribunaux nous ont aidés dans une certaine mesure à comprendre ce que signifie une consultation. Les tribunaux ont dit clairement que le gouvernement fédéral ne peut plus faire paraître une publicité dans les journaux locaux ou faire du publipostage dans les collectivités rurales et dire qu'il s'agit d'une consultation efficace.

Les tribunaux ont interprété les principaux éléments associés à la consultation comme étant l'intégration dans les processus, grâce à leur redéfinition de ce que signifie «consultation» par rapport aux Premières nations. Un certain nombre des assurances que vous voulez obtenir pour les collectivités ne devraient pas se retrouver dans la mesure législative. Cela éliminerait inévitablement certains aspects de ces collectivités, ou ne s'appliquerait tout simplement pas à des circonstances uniques.

Comment pouvons-nous décrire dans une mesure législative un processus de consultation qui pourrait résumer des questions délicates pour la collectivité sur la côte Est, la côte Ouest ou dans le Nord? Les processus de consultation doivent être différents et correspondre aux besoins propres des collectivités. Parcs Canada a des lignes directrices sur les consultations, et il se peut que le suivi de leur part au sujet de ces processus de consultation vous mettront un peu plus à l'aise.

Le sénateur Christensen: Dans quelles mesures le processus de consultation sur la côte Ouest sera-t-il une réussite? Nous avons reçu beaucoup de courrier de gens qui sont très inquiets à ce sujet. La mise en valeur des ressources pétrolières et minières semble être une possibilité, en particulier dans la région de la Reine-Charlotte, et remplace l'industrie de la pêche qui a perdu ses ressources alors que les gens sont à la recherche d'autres formes de travail. Dans quelles mesures pensez-vous que ces consultations seront une réussite? Je suis tout à fait d'accord que le projet de loi prévoit ce processus, et à moins qu'il y ait un appui total des collectivités, ces aires ne seront pas créées.

Mme Dover: À notre bureau régional du Pacifique, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas parler de conservation sans également parler de dynamisation de l'économie à l'échelle communautaire. Bien sûr nous comprenons que nous sommes dans une situation difficile en tant qu'organisation ayant une considérable expertise dans les domaines de la conservation et de l'environnement, mais moins en ce qui touche le développement économique reposant sur d'autres activités.

Pendant l'élaboration de notre position sur le moratoire de l'exploration pétrolière au large des côtes, nous avons veillé à qu'elle tienne compte des besoins de la collectivité, et nous appuyons la mise en oeuvre de diverses activités industrielles, ce qui inclut non seulement les hydrocarbures marins, mais aussi des activités telles que l'aquaculture qui tiennent compte de la conservation et des besoins à long terme des générations à venir.

Le fait qu'il y ait une consultation en cours depuis 1988 nous aide dans deux des cinq aires sur la côte Ouest. Une de ces aires, le détroit d'Hecate, nécessite une plus grande communication avec la collectivité sur ce que pourraient être les réelles répercussions du projet de loi sur la possibilité d'exploration pétrolière et gazière au large.

Je peux toutefois vous assurer qu'il est impossible, même avec les esprits les plus complices et les lobbyistes les plus puissants d'Ottawa, d'interdire l'exploration gazière et pétrolière à l'aide de ce projet de loi. Si j'étais un lobbyiste veillant aux intérêts de l'industrie pétrolière et gazière, ce que je ne suis pas, je conseillerais à ces parties de s'inquiéter davantage de l'intégration de ces intérêts à la Loi sur l'évaluation environnementale, ou de la conclusion d'une entente fédérale-provinciale sur les hydrocarbures marins, que de ce projet de loi-ci. Il peut donner à l'industrie ce dont elle a besoin. L'industrie doit savoir ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Où elle va et où elle ne va pas. L'établissement d'une AMNC est l'occasion parfaite de cartographier afin de déterminer ce qui n'est pas à vendre avant que tous se précipitent dans la région. Autrement dit, nous établissons ces valeurs de conservation en tant que société et ensuite nous déterminons les meilleurs efforts à déployer pour les activités à l'extérieur de ces valeurs.

Le sénateur Christensen: Votre association oeuvre partout dans le monde. Quels renseignements pouvez-vous nous donner à propos des mesures législatives semblables qui seraient mises en oeuvre dans d'autres pays?

Mme Dover: Nous sommes loin derrière d'autres pays pour ce qui est des aires marines de conservation. Les États- Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà en place des mesures législatives, des politiques et ou du financement depuis le milieu des années 70. Leur progression est relative, mais ces pays nous battent facilement pour ce qui est de leurs efforts.

Le sénateur Christensen: Existe-t-il une mesure législative semblable qui prévoit un processus exhaustif de consultation des aires touchées?

Mme Dover: Oui, tout à fait. Un grand nombre de ces processus de consultation correspondent au type d'aire qui est établie, qu'il s'agisse d'une aire de protection élevée ou de développement durable.

Les États-Unis ont adopté des mesures législatives pertinentes depuis le milieu des années 70, même au niveau des États.

Le sénateur Adams: Pouvez-vous me dire combien de personnes dans votre organisme ont travaillé dans des collectivités des Premières nations?

Mme Dover: Pour l'aspect marin, je suis tout à fait au courant de notre relation avec la nation Haida. Nous avons une membre de notre personnel qui vit sur Haida G'waii. Son emploi à temps plein est d'assurer une liaison avec cette collectivité sur plusieurs questions, et très certainement sur le site éventuel.

Le sénateur Adams: De quelle collectivité s'agit-il?

Mme Dover: C'est la rive nord Pacifique de la Colombie-Britannique, la nation Haida. Vous connaissez peut-être l'endroit sous le nom des îles de la Reine-Charlotte.

Le sénateur Adams: Je pensais que vous parliez de la collectivité dans l'Est qui a des ennuis avec les homards.

Vous avez parlé de deux collectivités du Nord. Pouvez-vous me parler du problème concernant les parcs marins dans le Nord?

Mme Dover: Je ne suis pas tout à fait au courant de ce qui se passe du côté des aires marines de conservation dans le Nord. C'est en cours de négociation par l'entremise de notre programme de l'Arctique. Le Service canadien de la faune établira ce site en vertu de sa loi. Je serais plus heureuse de vous faire un suivi sur le sujet.

Le sénateur Adams: De quels mammifères parlons-nous? Quels types de mammifères ont besoin d'une protection marine? Nous avons différents types de mammifères.

Mme Dover: Exact. Je serais heureuse d'assurer un suivi pour vous à ce sujet.

Le sénateur Adams: L'été dernier, le MPO s'inquiétait au sujet de certains ours polaires et bélugas. Je ne sais pas si cela vous concerne ou non, mais je vis dans la collectivité. Il y a 27 collectivités au Nunavut, et seulement celle de Baker Lake est intérieure. Les 26 autres sont toutes le long d'aires marines.

Je suis d'accord avec le sénateur Comeau. Je ne vois rien dans ce projet de loi pour protéger les mammifères de l'extinction. Il y a environ 10 ans, les travaux de notre comité ne portaient jamais sur la protection des mammifères. Nous nous inquiétons des chasseurs de baleines et autres personnes qui essaient d'établir une entreprise dans cette région du Saint-Laurent. On mettait sur pied des entreprises pour permettre à des gens d'effectuer des excursions et voir la faune, mais cela n'avait rien à voir avec la protection des animaux.

J'ai le même sentiment que le sénateur Comeau. Je ne pense pas que vous soyez convaincue que dès que le projet de loi sera adopté, il devrait y avoir des parcs pour mammifères partout sur la côte.

Souvent, en été, j'allais me promener. Je ne demandais pas de guide. Je me rendais au dépotoir de Rankin pour y prendre des choses. Un jour, j'ai vu un type. Je ne lui ai pas demandé pour quel ministère il travaillait. Il m'a demandé, «Monsieur Adams, sortez-vous très souvent»? J'ai répondu «Oui». Il m'a dit, «Je cherche un certain type d'oiseau au long bec. Il est de couleur foncée».

Je ne lui ai pas demandé ce qu'il faisait au dépotoir car les seuls oiseaux qu'on y trouve sont les goélands et les corbeaux. Il avait un beau véhicule à quatre roues motrices et il pouvait aller n'importe où, mais il ne savait pas comment aller sur la terre chercher son oiseau.

Je peux sortir en tout temps. Je vois toutes sortes d'oiseaux, mais je ne sais pas si on les pense disparus. Personne m'a posé la question. Parfois, des gens d'Ottawa se rendent là-bas et recommandent des choses au gouvernement concernant leurs préoccupations sans consulter la collectivité.

Avez-vous des préoccupations au sujet d'autres sortes de mammifères?

Mme Dover: Il serait sage de dire que je me préoccupe de tous les mammifères.

Cependant, j'aimerais demander à M. Peter Ewens, notre directeur des programmes des parcs qui travaille directement à notre aire marine protégée principale dans le Nord, d'en faire le suivi. Il a l'expertise voulue.

Mon incapacité de répondre à votre question est révélatrice de mes lacunes, et non de l'organisation qui n'a aucune priorité dans le Nord. Nous avons des choses qui se déroulent dans chacun des territoires, y compris le Nunavut. Je sais que M. Ewens s'est rendu dans votre collectivité à plusieurs reprises. Je lui demanderai de faire le suivi avec vous étant donné qu'il a les connaissances voulues pour vous en parler.

Le sénateur Adams: Dans quelles collectivités avez-vous des bureaux?

Mme Dover: Je vais devoir lui demander de vous donner cette information précise. Je m'excuse de ne pouvoir répondre à vos questions.

Un des aspects frustrants mais quand même positifs, c'est qu'une fois que l'établissement d'une AMC est adopté, rien ne se produit. Cela signifie à toutes fins pratiques que nous avons amorcé le pistolet de départ. Nous pouvons alors entreprendre un processus de consultation des collectivités.

Cela étant dit, ces aires seront négociées par Parcs Canada. Le Service canadien de la faune, par l'entremise d'Environnement Canada, participe aux négociations entourant l'aire dans votre coin du pays. Cette négociation se fait par le biais d'une autre mesure législative qui ne comporte pas les mêmes exigences de consultation que le présent projet de loi. C'est d'ailleurs une des choses qui fait que la présente mesure législative proposée est forte. M. Ewens sera en mesure de vous en parler davantage.

Le sénateur Cochrane: Le WWF (Canada) a recommandé que tous les permis renvoient aux objectifs du plan directeur, faisant remarquer que 19 ministères différents ont une forme d'autorité de gestion sur les océans.

Combien de ministères auraient compétence pour délivrer des permis touchant une aire marine de conservation?

Mme Dover: Je crois comprendre qu'il y a deux autres ministères qui délivreraient des permis pour ce qui est de la navigation et de la pêche.

Le sénateur Cochrane: De quels ministères s'agit-il?

Mme Dover: Transports, et Pêches et Océans Canada. Je serais certainement disposée à me faire corriger sur ce point par Parcs Canada, mais je peux vous assurer qu'il n'y a pas 19 ministères qui délivrent ces permis.

Cependant, je serais même prête à dire que si c'était le cas, ce qui ne l'est pas, il est tout de même essentiel que les permis renvoient au processus de planification de gestion. Étant donné que le processus concernant les plans directeurs relève d'un ministère, la délivrance d'un permis touchant les activités d'un autre ministère doit se faire de façon à assurer la coordination entre ces différents ministères.

Bien qu'il soit important de veiller à protéger l'aire, c'est l'une des meilleures façons pour nous de protéger les intérêts de la collectivité. Lorsqu'on négocie des AMC avec la collectivité, elles sont négociées sous la réserve de la participation de la collectivité par le biais du plan directeur. On peut facilement imaginer que la confiance de la collectivité pourrait être brisée si un autre ministère, qui ne participe à ce processus, délivrait des permis concernant une activité négociée ou déterminée à l'extérieur de ce processus de planification.

Le sénateur Cochrane: Envisagez-vous un organisme qui procéderait à une évaluation indépendante visant à déterminer si le permis est ou non conforme à ce plan?

Mme Dover: Encore une fois, cela met en évidence les lacunes de la mesure législative en général. Il serait nécessaire d'élaborer des lignes directrices sur la façon de mettre en corrélation le processus de délivrance des permis et celui de planification de gestion.

Ce n'est pas dissemblable à d'autres types de processus de délivrance de permis qui ont été mis en place par le biais de la Loi sur les pêches ou qui seront nécessaires en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Le sénateur Cochrane: Ces lignes directrices se trouveront-elles dans le plan?

Mme Dover: Il y aurait certainement une occasion de le faire. À mon avis, Parcs Canada devrait élaborer une ligne directrice générique au niveau interministériel de façon à permettre une certaine uniformité et prévisibilité dans la délivrance de ces permis.

Le sénateur Cochrane: Pourquoi pensez-vous que Parcs Canada est l'organisme pour le faire, plutôt que le MPO?

Mme Dover: Le plus fort argument est que c'est le MPO qui le fera.

Le sénateur Comeau: Ont-ils dit «Non»?

Mme Dover: Ils ont dit «Non». Ils voient d'importantes zones de développement durable à gestion spéciale dans l'océan qui ne relèvent plus de leur autorité. C'était un argument puissant. Une aire marine protégée par Pêches et Océans est un autre outil de conservation.

Par exemple, imaginez les trois tactiques différentes que nous pouvons utiliser pour protéger les espèces en péril: mettre en oeuvre différentes sortes d'interdictions, intendance avec les propriétaires fonciers et reproduction en captivité. Il y a différentes sortes d'outils que l'on peut utiliser pour réaliser les objectifs en matière de conservation. Les aires protégées et les aires de conservation en sont deux exemples.

Outre le MPO, le Service canadien de la faune et Parcs Canada qui ont des façons complémentaires de protéger les espaces marins, Parcs Canada est l'organisme le mieux placé pour gérer ce type d'activité. Il a une histoire de création et de gestion réussies d'aires protégées grâce à son expérience sur terre. Il est reconnu pour sa capacité d'intégrer des activités comme le tourisme et l'éducation et de mettre en corrélation les intérêts de la collectivité avec la science.

Bien que vous ne puissiez songer à Parcs Canada en tant que ministère à vocation marine, il possède une très grande expérience des processus nécessaires pour protéger les espaces.

Le président: La chambre de commerce et l'Association canadienne des producteurs pétroliers ont soulevé l'approche préventive par opposition au principe de la prudence. Pensez-vous que le gouvernement devrait établir une différence entre les deux? Le gouvernement devrait-il adopter l'expression «approche préventive», telle qu'elle est définie au principe 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement? Avez-vous quelque chose à ce sujet, ou est-ce quelque chose de tout à fait différent?

Mme Dover: Je savais que la Chambre de commerce du Canada avait comparu devant vous sur ce sujet de sorte que je suis heureuse de répondre.

L'inclusion du principe de la prudence dans le projet de loi est l'une des caractéristiques les plus favorables. Elle nous permet de nous assurer qu'il y aura une approche préventive de la gestion des préjudices au sein de nos AMC. Considérez que c'est une autre tactique importante pour protéger des investissements clés dans l'aire marine de conservation. Il est vrai dans ce cas-ci de dire que mieux vaut prévenir que guérir, même là où nous pourrions mettre en oeuvre un palliatif.

Cela nous permet de nous assurer que dans une telle situation, lorsque nous ne sommes pas certains du préjudice qui pourrait être causé et qu'il subsiste une incertitude sur le plan scientifique, certaines mesures seraient préventives.

Le président: Parlez-vous de l'approche préventive?

Mme Dover: Permettez-moi une mise en garde pour répondre à cette question. Le Bureau du Conseil privé a présenté deux documents de travail sur le principe de la prudence/l'approche préventive en vue d'une vaste consultation. Il s'agit d'une importante discussion faisant intervenir des intérêts importants de tous les secteurs de la société. Ouvrir la discussion sur une modification du projet de loi sur ce point, c'est s'offrir un «paquet de troubles».

Il n'y a aucun danger à établir un précédent dans un sens comme dans l'autre étant donné que le principe de la prudence est inclus dans le projet de loi.

Le principe de la prudence est mentionné comme l'un des deux principes directeurs dans l'établissement des plans directeurs. Le seul autre endroit où le principe de la prudence figure dans le projet de loi, c'est dans le préambule.

L'inquiétude voulant que ce projet de loi puisse donner une définition plus évoluée ou plus avancée sur le plan juridique du principe de la prudence est totalement non fondée parce qu'il ne figure pas dans l'article sur l'interprétation.

Cela signifie que quelle que soit la façon de faire que le gouvernement adopte pour définir et appliquer le principe de la prudence, il s'appliquera de façon universelle, tant au présent projet de loi qu'à toute autre forme du principe qui existe dans d'autres mesures législatives.

Cela étant dit, je suis heureuse de vous dresser un portrait du «paquet de troubles» que provoque la discussion sur l'approche préventive/le principe de la prudence.

Le principe de la prudence existe sous diverses formes depuis environ les années 30 en Allemagne. Il se fonde sur une norme générique, au niveau du ménage, de la collectivité qui essaie de faire en sorte que des mesures préventives sont en place lorsque les familles, les collectivités, la santé humaine et l'environnement sont en cause. On adopte une approche logique pour s'assurer que les niveaux de préjudice ne soumettent pas les gens à des conséquences excessives de même qu'à des solutions coûteuses et écrasantes.

La Déclaration de Rio ne suffit pas. Il y a plusieurs problèmes dont il faut tenir compte au moment de définir le principe de la prudence. Il faut comprendre que tout ce débat se fait à l'extérieur du projet de loi C-10. Je dis simplement cela pour donner aux honorables sénateurs une idée de ce qui se dit au sujet du principe de la prudence.

La Déclaration de Rio établit un niveau de préoccupation au sujet des types de préjudices qu'il faut déterminer afin de déclencher l'application du principe de la prudence qui est trop élevée.

Par exemple, cela veut dire que si l'on mettait en oeuvre une déclaration comme celle de Rio pour ce qui est d'une aire marine de conservation, une prolifération d'algues qui ne causerait qu'un rash chez vos enfants pourrait ne pas être considérée grave ou irréversible. Nous soupçonnons, et ce n'est qu'un soupçon, que la maladie de Parkinson pourrait être reliée aux pesticides et nous n'avons aucune preuve que le préjudice est grave ou irrévocable pour qu'une norme scientifique puisse déclencher la mise en oeuvre du principe de la prudence.

La Déclaration de Rio ne suffit pas non plus en ce sens qu'elle sous-entend une analyse coûts-avantages dans la mise en oeuvre du principe de la prudence. S'il y a incertitude sur le plan scientifique, comment sommes-nous censés effectuer une analyse logique coûts-avantages? C'est le problème. Le troisième aspect que vous pourriez vouloir considérer en ce qui concerne le principe de la prudence, encore une fois en dehors du contexte du projet de loi C-10, c'est de quelle façon il est mis en oeuvre.

Il importe pour vous de savoir que la mise en oeuvre du principe est contextuelle. Le contexte dans lequel nous mettrions en oeuvre le principe de la prudence dans des aires marines de conservation est essentiellement différent de la façon que nous le mettrions en oeuvre, par exemple, dans la gestion de substances toxiques.

Ce que nous voyons en ce moment, même dans l'incertitude entourant la définition du principe de la prudence, c'est une approche motivée de l'élaboration d'une mesure législative où nous, de façon générale, obtenons une référence au principe de la prudence, à son inclusion dans un préambule ou, ce qui a plus d'influence, dans un article d'application ou d'interprétation. Alors, le principe de la prudence se retrouvera également dans un article opérationnel de la mesure législative.

Le fait qu'il soit inscrit dans le préambule du projet de loi C-10 ne nous donne aucune certitude ni clarté quant à la façon dont il sera défini, mais sa simple présence nous donne la capacité d'agir de façon préventive sur le plan opérationnel.

Quant à une distinction entre le principe et l'approche, même si le document du Conseil privé ne fait aucune distinction dans leur utilisation, ces deux termes ne sont pas interchangeables. Traditionnellement, nos discussions et notre expérience à l'échelle internationale font que le principe de la prudence est une ligne directrice générale tandis que l'approche préventive comporte des mesures de mise en oeuvre comme une approche de prévention de la pollution.

Le président: Je ne suis pas certain de vous avoir suivi.

Mme Dover: En résumé: ne vous inquiétez pas.

Le président: Je vais lire le mémoire.

Le sénateur Mahovlich: Nous parlons de Parcs Canada. Est-ce que le Fonds mondial pour la nature exerce un suivi des parcs, comme le parc Algonquin en Ontario? Vérifie-t-il la situation du parc? J'y suis allé pêcher à plusieurs reprises. J'ai traversé le parc en voiture. J'ai pêché dans d'autres parcs du nord du Québec. Assurez-vous un contrôle de ces parcs pour en connaître la situation?

Mme Dover: Pas d'une façon directe. Nous sommes à élaborer un important rapport sur le contrôle et nous présentons des observations sur le statut de la biodiversité au Canada. Il y aura une composante portant sur les aires protégées.

Cependant, nous n'exerçons aucun contrôle au niveau des questions pratiques d'application sur le terrain.

Le sénateur Comeau: Puisqu'on a abordé le «paquet de troubles» touchant le principe de la prudence, ai-je bien compris que l'expression «principe de la prudence» ne se retrouve que dans le préambule?

Mme Dover: Non, elle se retrouve en deux endroits.

Le sénateur Comeau: C'est exact. Je l'ai relevée au paragraphe 9(4).

Ce serait la première fois que le principe de la prudence est utilisé sans une explication conceptuelle, contrairement à ce qui est fait dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il renvoie effectivement à certaines conditions réelles. C'est la première indication que nous appliquerons le principe de la prudence. Ai-je bien compris? C'est la première mesure législative proposée où je constate qu'on l'utilise d'une façon aussi directe.

Mme Dover: Le Canada s'est engagé vis-à-vis de plusieurs traités internationaux qu'il a ratifiés et qui contiennent diverses formes du principe de la prudence.

Le sénateur Corbeau: C'est au niveau international. Je reviens à la mesure législative canadienne, et non aux traités internationaux. «Principe de la prudence» renvoie à des situations internationales tandis que «approche préventive» renvoie à des situations nationales?

Mme Dover: Non, monsieur, c'est inexact.

Le sénateur Comeau: Est-ce le contraire?

Mme Dover: Non, il n'y aucune insinuation de compétence dans la distinction entre «principe» et «approche». Il existe des traités internationaux qui comportent des formes différentes du principe de la prudence qui auront un effet exécutoire sur le Canada. L'un d'entre eux est la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.

Le sénateur Comeau: Je ne tiens pas à approfondir cette question. Est-ce la première fois que l'expression «principe de la prudence» figure dans une mesure législative proposée au Canada sans une explication conceptuelle?

Mme Dover: En toute franchise, je pense que ce qui est sous-jacent à votre question est incorrect.

Le sénateur Comeau: Cela me va. Je ferai des recherches. On m'a fait savoir qu'il s'agit de la première fois que les mots «principe de la prudence» figurent sans une définition.

Mme Dover: Il n'y a aucune définition du «principe de la prudence» dans la LCPE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Le sénateur Comeau: Elle donne une explication conceptuelle.

Mme Dover: L'article dans lequel figure le principe de la prudence dans la LCPE fait un renvoi semblable, voire identique, à «réel». Cependant, vous devez comprendre que ces termes sont aussi vagues dans le sens législatif qu'un principe de la prudence autonome.

Le sénateur Comeau: Au moins elle donne une petite explication. C'est la première fois, d'après ce que je peux comprendre, que l'expression «principe de la prudence» figure dans le document.

Mme Dover: Vous laissez entendre que cela établit une sorte de précédent important, et en réalité ce n'est pas le cas.

Le sénateur Comeau: Je ne sous-entends rien. Je pose une question. Nous sommes des législateurs et nous essayons de trouver la signification des choses. Si nous adoptons une mesure législative, nous devons essayer d'en comprendre le libellé. Je soulève le point selon lequel il s'agit de la première fois que cela se produit.

Le président et vous avez fait mention d'un document, «Une perspective canadienne sur l'approche/principe de précaution», qui fait partie d'une consultation des gens de l'industrie, des utilisateurs et des collectivités. Le gouvernement a fait parvenir ce document en demandant des conseils ou des idées sur ce que devrait être le principe de précaution. Je crois comprendre que les réponses devaient parvenir au plus tard le 31 mars 2002. Même le gouvernement a indiqué dans le document qu'il avait des préoccupations quant à l'expression «principe de précaution». On a mis en évidence la possibilité d'une utilisation erronée ou abusive. Par exemple, on s'inquiète qu'il pourrait s'appliquer à un risque perçu pour lequel il n'existe aucune donnée scientifique.

Je ne dis pas cela. Le gouvernement le dit dans un document de consultation. Pourtant, nous avons un projet de loi qui utilise l'expression «principe de précaution» alors que le gouvernement n'a pas encore terminé ses propres consultations. Cela m'inquiète que nous disions, «Nous voulons vous consulter, vous les Canadiens et les Canadiennes; par conséquent, nous vous faisons parvenir ces documents. Veuillez répondre au plus tard le 31 mars. Cependant, entre-temps, nous utilisons l'expression dans notre mesure législative».

Mme Dover: Permettez-moi de vous répondre. Le gouvernement canadien doit d'abord résoudre ses relations par traité avec les Premières nations. Le présent projet de loi a des répercussions massives sur cette question juridique naissante. Les problèmes d'ordre juridique sont constamment en évolution et transition. La question du principe de la prudence va bien au-delà du projet de loi en question. La référence au principe de la prudence n'est pas très prescriptive et permet au gouvernement de résoudre le processus de consultation de façon à ce que le projet de loi C-10 ne prescrive pas à l'avance ce que sera la conclusion du processus.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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