Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 29 - Témoignages du 30 avril 2002
OTTAWA, le mardi 30 avril 2002
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, et le projet de loi C-27, Loi concernant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire, se réunit aujourd'hui à 17 h 40 pour en faire l'examen.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous sommes heureux de vous accueillir en aussi grand nombre, surtout que vous venez d'endroits différents comme Terrace, Telkwa, Smithers, Kitimat et Port Edward. Je connais assez bien Kitimat et Terrace. Il y a plusieurs années, j'ai travaillé comme géologue de surface dans la région de Chilcotin, juste au sud de la vôtre.
Mme Betty J. Barton, présidente, Terrace and District Chamber of Commerce: Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole cet après-midi. Je suis ici en qualité de représentante de la ville de Terrace. Ensemble, la ville de Terrace et Thornhill ont une population de 21 000 habitants. La chambre de commerce compte près de 400 membres.
Depuis toujours, notre collectivité tire sa subsistance de l'exploitation forestière et de la pêche, deux secteurs déclinant à l'heure actuelle, pour employer un euphémisme. Nous craignons que le développement potentiel futur des ressources dans les aires marines du nord-ouest de la Colombie-Britannique soit fortement restreint par le projet de loi C-10, et c'est ce dont nous voulons vous entretenir aujourd'hui.
L'adoption de ce projet de loi pourrait limiter sensiblement les prises de nos pêcheurs, la pisciculture, le tourisme municipal, le transport maritime ainsi que l'exploration pétrolière et gazière.
Les articles 5 et 16 de la mesure nous inquiètent particulièrement. Il y est précisé qu'une aire marine de conservation peut être constituée ou agrandie par décret du gouverneur en conseil, mais qu'elle ne peut être réduite ou supprimée de la même façon. Nous estimons que de tels pouvoirs ne devraient pas être confiés au cabinet, mais plutôt aux autorités provinciales et locales, et que les communautés visées devraient avoir leur mot à dire dans ce processus.
Le week-end dernier, le Vancouver Sun a pris position en affirmant que la mesure proposée est un exemple du fait qu'on refile aux politiques municipaux la tâche de créer un environnement vivable sans pour autant leur donner les moyens de s'en acquitter.
Encore une fois, on voit des gens de l'Est prendre une décision qui aura une incidence négative sur la vie des habitants du nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Les consultations avec Parcs Canada au sujet de ce projet de loi ont été loin d'être satisfaisantes. Si cet examen en comité n'avait pas eu lieu, la poursuite des consultations aurait été douteuse. Nous tenons à porter cela à l'attention du comité.
Nous recommandons que soient révisées la méthode et les procédures liées à la mise en oeuvre du projet de loi sur les aires marines de conservation en vue d'inclure l'apport des autorités municipales, des collectivités touchées, des Autochtones et des groupes industriels pertinents. Nous savons que c'est ce que vous tentez de faire à ce stade-ci, par le biais de cette vidéoconférence, mais à notre avis, cela n'est pas suffisant. Nous recommandons qu'il faille adopter une loi du Parlement pour apporter quelque changement que ce soit aux aires marines de conservation.
Je n'irai pas par quatre chemins: nous estimons qu'il faut supprimer l'article 13 du projet de loi. Cette interdiction de se livrer à la prospection ou à l'exploitation minière dans les aires marines de conservation suscite de vives inquiétudes dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, une région économiquement déprimée. Nous, qui y vivons, souhaitons protéger notre environnement. Parallèlement, nous devons élargir notre assise économique. Nous sommes d'avis qu'il y a déjà suffisamment de chiens de garde — c'est-à-dire des organisations provinciales, fédérales, privées et environnementales — qui surveillent la prospection et l'exploitation pétrolière ainsi que toute autre entreprise économique dans nos eaux. Nous avons à notre actif de nombreux puits et entreprises d'exploitation pétrolière qui ont été menés dans le respect de l'environnement, comme tout le monde le sait, dans la mer du nord, avec Hibernia, et à Terra Nova, à Terre-Neuve. On a trouvé des solutions aux préoccupations environnementales que suscitait ce secteur dans le passé.
Selon nous, il faut viser l'équilibre et la souplesse entre l'utilisation économique et récréative de notre environnement marin. Nous espérons que le projet de loi C-10 sera révisé ou modifié pour garantir cela.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Groves, de Smithers.
Mme Jo Ann Groves, conseillère municipale, ville de Smithers: Monsieur le président, membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-10. Bien que la Ville de Smithers soit située à plusieurs centaines de kilomètres des côtes septentrionales de la Colombie-Britannique, je tiens à exprimer nos préoccupations concernant le projet de loi C-10 et ses répercussions sur le nord de la province.
Notre position est la suivante: le projet de loi, sous sa forme actuelle, aura un effet néfaste sur l'économie déjà déprimée dans la région nord-ouest de la Colombie-Britannique, et ce tant sur le plan économique qu'environnemental.
Nous craignons que le projet de loi C-10 ne fasse double emploi avec la Loi sur les océans. Pourquoi faut-il un autre texte législatif (et un autre niveau de bureaucratie océanique) alors que nous pourrions simplement modifier la Loi sur les océans pour permettre la création et la gestion des aires marines de conservation? Selon notre interprétation, ces aires, connues dans la Loi sur les océans sous le nom de «zones de protection marine», peuvent déjà être créées en vertu de la loi existante.
Il est donc recommandé qu'au lieu de proposer de nouvelles mesures législatives, le comité envisage de modifier la Loi sur les océans et confie la gestion des aires marines de conservation au ministère des Pêches et des Océans et à Parcs Canada. À défaut de donner suite à cette recommandation, nous convenons avec Mme Barton, de Terrace, qu'il faut amender les articles 15 et 16 et, idéalement, supprimer l'article 13.
Nous proposons de remplacer dans le préambule l'expression «principe de la prudence» par l'expression «principe de la prévention» qui figure dans le préambule de la Loi sur les océans. Le principe de la prévention n'est peut-être pas aussi rigoureux mais il est tout aussi vaste et traduit certainement l'esprit des mesures législatives proposées. Par contre, le principe de la prudence est trop strict et donne au texte législatif une forme rigide et inflexible alors que ce document est censé permettre aux collectivités directement touchées d'avoir leur mot à dire sur la meilleure façon de gérer les aires marines de conservation, tout en consultant les gouvernements et les autres parties visées.
En conclusion, il faut viser l'équilibre entre la protection et l'utilisation de l'environnement et, pour ce faire, il faut tenir compte des intérêts de toutes les parties qui dépendent de l'environnement marin ou que la question intéresse. Au nom de la Ville de Smithers, je vous invite fortement à réexaminer ces questions et la bureaucratie inutile que vous proposez de créer. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez été directe et concise.
Mme Sharon L. Hartwell, maire de la Corporation du village de Telkwa: Monsieur le président et sénateurs, je vous remercie de nous accorder cette courte période pour présenter encore une fois l'opinion de notre communauté. Si je monte aux barricades, c'est que cet enjeu revêt une importance cruciale pour toutes nos communautés, autochtones et non autochtones. Pour répéter ce qui a déjà été dit, nous souffrons en Colombie-Britannique, et particulièrement dans le nord. Nous attendons toujours des mesures d'assistance dans le dossier du bois d'oeuvre et nous tentons désespérément de sauver les forêts du dendroctone du pin. Les entreprises ferment leurs portes et le nombre de faillites est en hausse.
Les habitants du nord de la Colombie-Britannique sont à l'affût de débouchés économiques en vue de renforcer leurs communautés. Ils ne souhaitent pas qu'elles soient assujetties à davantage de restrictions. Le gouvernement fédéral est-il disposé à indemniser les communautés pour leurs pertes de revenus afin de leur permettre d'aller de l'avant dans d'autres domaines? La Colombie-Britannique compte déjà les plus grands parcs du pays.
À l'occasion d'une réunion du district régional tenue en octobre 2001, un représentant de Parcs Canada a fait un exposé en nous précisant que cela ne devait pas être considéré comme une consultation. Il a ajouté que les gens avaient le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultés. Compte tenu de l'importance de l'enjeu, je peux vous dire que dix minutes, c'est loin d'être suffisant pour vous communiquer toute l'information pertinente. Encore une fois, je vous invite à venir dans nos communautés pour voir comment nous vivons.
Les enjeux liés au patrimoine varient d'une province à l'autre. Pourquoi le gouvernement fédéral pense-t-il que la Colombie-Britannique ne prendra pas les mesures voulues pour protéger son patrimoine? Ce qui me dérange, c'est que les habitants de la Colombie-Britannique ne soient pas aussi largement consultés que d'autres. Nous sommes tous intéressés au premier chef par cette ressource et nous devons avoir autant d'occasions que les autres de se faire entendre.
Comme le temps nous est compté, nous avons décidé de fragmenter notre exposé pour aborder diverses dispositions du projet de loi. J'appuie les arguments déjà présentés, et je vais donc passer au paragraphe 7(2). Aux termes du projet de loi C-10, le comité saisi peut présenter à la Chambre un rapport de rejet de la proposition. Il n'est pas prévu qu'il fasse rapport advenant qu'il approuve la modification proposée. Pour s'assurer que le comité puisse examiner la proposition d'amendement concernant une aire marine de conservation, il faut renforcer le libellé de l'article 7.
Le comité saisi doit être tenu de faire rapport à la Chambre, qu'il approuve ou rejette la proposition de modification. Il est peu plausible que les députés ministériels d'un comité permanent rejettent un rapport présenté par leur propre ministre. En exigeant que le rapport soit soumis à la Chambre, que le comité approuve ou rejette la proposition d'amendement, les arguments sur lesquels s'appuie sa recommandation feront l'objet d'un juste débat au Parlement.
En ce qui a trait au paragraphe 7(3), nul ne peut prédire l'avenir, et la limite de trois heures applicable aux débats est extrêmement stricte et ne prend pas en considération l'éventuelle complexité des questions concernant les aires marines de conservation. Les citoyens de Telkwa sont convaincus qu'il faudrait supprimer intégralement cette disposition afin que l'on puisse prendre le temps voulu pour examiner la question soumise à la Chambre.
Aux termes de l'article 9, le ministre doit établir un plan directeur dans les cinq ans suivant la constitution d'une aire marine de conservation. C'est ridicule. En tant que représentants de Telkwa, nous estimons qu'un plan directeur devrait être établi avant la constitution d'une aire marine de conservation pour que le ministre et toutes les parties intéressées comprennent ce qui va se passer. Après tout, la Banque de développement du Canada exige un plan d'affaires avant de prêter de l'argent à une entreprise. Pourquoi interdire l'accès à une aire marine complète avant d'avoir en main un plan directeur?
Qui plus est, le paragraphe 9(2) prévoit un intervalle de cinq ans entre chaque réexamen du plan directeur. Nous sommes d'avis que ce délai est excessif et que cette période devrait être d'au plus trois ans. Chaque plan directeur devrait être considéré individuellement, puisqu'il se rapporte à une aire marine de conservation unique, mais il devrait s'écouler au maximum trois ans entre les examens. Cinq ans, c'est beaucoup trop long si le plan directeur ne fonctionne pas.
L'article 13 stipule: «Il est interdit de se livrer à la prospection ou à l'exploitation d'hydrocarbures, de minéraux, d'agrégats ou d'autres matières inorganiques dans une aire marine de conservation.» De plus, on ajoute qu'une fois constituée, une aire marine de conservation existera à perpétuité. Il faut absolument supprimer cette disposition.
Premièrement, elle ne tient pas compte du fait que l'objectif visé par la création de chaque aire marine de conservation est unique. Il est possible que la prospection et l'exploitation minière puissent coexister dans une aire marine de conservation donnée sans que cela porte atteinte à la raison d'être de cette aire en particulier. Il convient d'examiner chaque aire marine de conservation et le développement proposé au cas par cas afin de déterminer s'il est possible de trouver un équilibre entre l'utilisation et la protection de l'environnement naturel. En outre, l'interdiction relative à la prospection ou à l'exploitation minière est une atteinte au droit de la province d'exploiter ses ressources minières et ses cours d'eau intérieurs.
L'article 21, qui accorde au garde d'aire marine de conservation le pouvoir d'arrêter sans mandat toute personne dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle est sur le point de commettre une infraction, est une violation des droits individuels. Il s'agit là d'un pouvoir excessif que l'on devrait retirer du projet de loi. Enfin, l'article 22 confère au garde d'aire marine de conservation le pouvoir de pénétrer sur une propriété privée sans mandat. Les habitants de Telkwa jugent que ce pouvoir est abusif et qu'il viole les droits des citoyens à la vie privée.
Compte tenu du degré d'opposition auquel se heurte le projet de loi C-10, je suis confiante que les principes de la démocratie sur lesquels se fonde le Canada prévaudront et que le comité apportera au projet de loi C-10 les amendements qui s'imposent pour refléter les besoins exprimés par les Canadiens.
Le président: Merci, madame Hartwell. Au début de votre exposé, vous avez invité le comité à se rendre en Colombie-Britannique. Le projet de loi à l'étude ne vise pas seulement la Colombie-Britannique, mais aussi les provinces Maritimes sur la côte Est, le Labrador et l'Extrême-Arctique. Le lac Supérieur, les Grands lacs et le grand lac de l'Esclave y sont aussi assujettis. Certes, nous aurions beaucoup aimé visiter chaque endroit où un parc est susceptible de voir le jour, mais nous avons dû réfréner nos ardeurs pour respecter notre budget.
Mme Joanne Monahan, vice-présidente, district régional de Kitimat-Stikine: Honorables sénateurs, je vous remercie de bien vouloir écouter nos exposés cet après-midi. Premièrement, permettez-moi de vous dire que le district régional de Kitimat-Stikine, qui couvre une superficie de 100 000 kilomètres carrés au nord-ouest de la Colombie-Britannique, a une population de 44 000 habitants. Des collectivités grandes et petites ponctuent la très longue côte du district régional. Chaque communauté côtière, à sa façon, dépend des ressources marines pour assurer la subsistance de ses habitants ou d'une voie navigable pour le transport des marchandises.
L'économie de la région de Kitimat-Stikine est fortement tributaire de l'exploitation et du traitement des ressources naturelles, y compris les ressources marines. En tant qu'organe représentatif du gouvernement local pour ces communautés, le conseil d'administration du district régional de Kitimat-Stikine est soucieux de maintenir la viabilité du secteur des ressources et de faire en sorte que des perspectives d'avenir comme l'exploitation du pétrole et du gaz naturel marin ou l'aquaculture ne sont pas limitées par la politique gouvernementale. C'est pour toutes ces raisons que nous voulons exprimer les préoccupations du district régional de Kitimat-Stikine concernant le projet de loi C-10.
À l'heure actuelle, notre région est fort mal en point. J'ignore si les honorables sénateurs sont au courant, mais nous avons perdu des milliers d'emplois en raison de la crise du bois d'oeuvre.
Nous devons diversifier notre économie, et l'aquaculture est l'un des moyens de le faire. Tout le long de la côte, des localités ont présenté des demandes de permis de pisciculture qui doivent faire l'objet d'un examen. Il va de soi que ces localités craignent vivement que l'adoption du projet de loi C-10 empêche le développement de l'aquaculture, restreigne l'accès et décourage l'investissement dans le capital-risque.
La seconde industrie qui se profile à l'horizon pour la partie septentrionale de la côte de la Colombie-Britannique est l'exploration et la production de pétrole marin. D'après les évaluations de la ressource, il est possible que cela génère une activité plus grande que celle du projet Hibernia sur la côte Atlantique du Canada. Encore une fois, la politique du gouvernement fédéral peut appuyer cette transition économique ou la circonscrire en limitant l'accès aux ressources. Nous ne devons pas avoir les mains liées.
Il y a d'autres ressources encore inconnues. Par exemple, les plantes et les animaux marins qui abondent le long de la côte de la Colombie-Britannique pourraient être le fondement de nouvelles entreprises visant à approvisionner en produits à forte valeur ajoutée un marché international avide d'aliments, de constituants alimentaires et de produits pharmaceutiques.
Nous devons avoir notre mot à dire dans tous ces dossiers. Trois minutes, c'est bien, mais nous avons besoin de beaucoup plus. Nos préoccupations sont multiples. Les honorables sénateurs ont fait remarquer qu'ils se déplacent partout au Canada. C'est vrai. Cependant, nous vous invitons instamment encore une fois à venir dans notre région et à voir vous-mêmes ce qu'il en est.
Un autre aspect du projet de loi C-10 me dérange, soit qu'il en dit très peu au sujet de l'emplacement et de la taille des aires marines de conservation proposées. Je sais que des annexes accompagneront le projet de loi; cependant, nous ignorons où elles se trouvent. Nous n'avons pas vu de cartes. Comme les honorables sénateurs le savent, le gouvernement de la Colombie-Britannique se propose de transformer 12 p. 100 du territoire en zones protégées. Y a-t- il chevauchement? Existe-t-il un système équivalent de classification des écosystèmes pour l'environnement marin de la Colombie-Britannique? Le Parlement a-t-il déclaré un objectif quant à la superficie des zones marines protégées? Comment peut-on appuyer ce projet de loi sans connaître l'emplacement et la taille des réserves ou des aires marines de conservation proposés?
En conclusion, permettez-moi de dire que le projet de loi C-10 suscite des inquiétudes sérieuses car il risque d'avoir de graves répercussions sur l'économie de la région puisqu'il limite l'accès aux zones côtières et aux ressources sous- marines. La région est déjà fort mal en point. Le projet de loi C-10 représente une autre menace pour nos secteurs économiques traditionnels. La Colombie-Britannique est déjà durement touchée par la faiblesse du cours des produits de base, et par le biais du projet de loi sur les aires marines de conservation, on semble prêt à empêcher que nous nous tournions vers de nouveaux choix, comme la pisciculture et la production pétrolière.
Enfin, le district régional craint que cette mesure restreigne inutilement l'accès à des utilisations récréatives et économiques pendant la longue période des négociations sur les revendications territoriales. Le plus navrant, à nos yeux, c'est que cette politique figure dans un projet de loi rédigé dans le but louable de protéger l'environnement.
M. Ed Wampler, maire, district de Port Edward: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec tous les propos que nous venons d'entendre. J'avais l'intention de faire moi-même certaines de ces observations, mais je ne veux pas répéter, comme un vieux disque usé, ce qui a déjà été dit.
J'ai aussi des préoccupations au sujet des articles 5, 16 et 13, en particulier. Une autre chose me chicote — et je sais qu'on en a déjà parlé —, c'est qu'aucun amendement n'a été apporté à la Loi sur les océans pour assurer la protection des aires marines de conservation.
Il y a autre chose qui m'inquiète énormément. Je ne sais pas si les sénateurs sont au courant, mais les autorités de la Colombie-Britannique sont en train de mettre au point un plan de gestion du territoire et des ressources qui vise les ressources financières au même moment où vous discutez du projet de loi C-10, qui s'applique aux aires marines. Y a-t- il un conflit entre ces deux propositions législatives?
Mes collègues ont déjà fait les commentaires que j'avais l'intention de faire.
M. Bill Beldesi, président, district régional de Skeena-Queen Charlotte: Honorables sénateurs, à l'instar de mes collègues, je veux remercier les membres du comité de prendre le temps de nous entendre aujourd'hui.
Le district régional de Skeena-Queen Charlotte comprend la région où je vis, les îles de la Reine Charlotte, la ville de Prince Rupert, le district de Port Edward et les environs.
L'une des choses que nous partageons tous est ce lien et cette proximité avec la mer. Nous en dépendons pour nos déplacements, notre travail et nos loisirs. Certains d'entre nous ont même choisi d'y vivre.
Le district régional de Skeena-Queen Charlotte fait front commun avec toutes les collectivités de la côte du nord- ouest de la Colombie-Britannique pour s'opposer au projet de loi C-10. Nous adoptons cette position car nous sommes convaincus que cette mesure législative inutilement restrictive compromettra le mode de vie et les professions que nous avons choisies.
Nous remercions les honorables sénateurs de nous permettre d'avoir cette discussion, de nous donner cette dernière chance de nous exprimer. Nos efforts pour convaincre les députés de la Chambre des communes de venir dans le nord et de s'entretenir avec les citoyens de la région qui seront touchés au premier chef par cette mesure se sont soldés par un échec. Pour être franc, votre intervention est notre dernier espoir.
L'histoire n'a guère été tendre à l'endroit des communautés rurales, particulièrement sur la côte de la Colombie- Britannique où Parcs Canada a décidé de créer des parcs nationaux. Voilà pourquoi nous sommes doublement préoccupés par la volonté du gouvernement, exprimée dans le projet de loi C-10, de créer 29 parcs marins.
J'habite dans la région depuis plusieurs années, et je signale que le dossier du parc Gwaii Haanas n'est pas encore réglé en ce qui concerne les résidents locaux.
Pour ce qui est de la consultation concernant le projet de loi C-10, il n'y a pas eu de critères ou de processus clairement définis que les gens auraient pu suivre. Chose certaine, elle n'a pas réuni les véritables intervenants qui auraient dû participer aux travaux sur le projet de loi C-10: les pêcheurs, les Premières nations et le gouvernement local, pour n'en nommer que quelques-uns. Si c'est ça la consultation, tout ce qu'on peut en dire, c'est qu'elle est passée tout à fait à côté de la plaque.
Je voudrais mettre de nouveau en relief le chevauchement découlant de la mesure proposée. À notre avis, le projet de loi C-10 va créer un autre palier bureaucratique en vue de constituer les aires marines de conservation. Or, la Loi sur les océans de 1997 autorise déjà le ministre à créer des zones marines protégées s'il en voit la nécessité.
Un autre élément a été évacué, soit que le ministère des Pêches et des Océans travaille en collaboration avec un groupe d'intervenants qui fonctionne très bien. Ces derniers en arrivent à leurs décisions de façon consensuelle. De quelle façon le règlement découlant du projet de loi C-10 va-t-il s'intégrer à ces décisions obtenues grâce à un dur labeur? À mon avis, ce ne sera pas possible.
Il y aura chevauchements entre les responsabilités de Patrimoine Canada et de P et O dans des domaines comme la pêche, l'aquaculture, la navigation maritime et la sécurité. Que va-t-il se passer? À notre avis, cela se traduira par une utilisation inefficace des effectifs et un énorme gaspillage des deniers publics.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, en raison de la piètre conjoncture économique constante dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, certaines communautés luttent carrément pour leur survie. Nous n'avons certes pas besoin d'une mesure aussi restrictive que le projet de loi C-10 qui aura pour effet de tuer le développement économique futur ou d'en faire grimper les coûts, qu'il s'agisse d'exploitation pétrolière et gazière, de production d'électricité au moyen de parcs marins d'éoliennes, l'installation sous-marine de lignes de transmission ou de pipelines, de débouchés accrus en aquaculture ou, possiblement, de prospection minière.
En conclusion, j'invite instamment les honorables sénateurs à examiner de près la mesure proposée et à s'opposer au projet de loi C-10. Merci beaucoup.
M. Robert Corless, adjoint au maire, district de Kitimat: Honorables sénateurs, notre conseil municipal a l'habitude de traiter de questions d'environnement et il connaît bien la feuille de route du secteur industriel à cet égard. Les sociétés Alcan, Eurochem et Methanex sont présentes dans notre collectivité.
Selon nous, le projet de loi à l'étude découle d'une orientation de politique énoncée par Parcs Canada dans les années 80. Il est conçu davantage pour respecter des contingents internationaux que pour répondre aux besoins actuels et futurs des Canadiens. Autrement dit, cette mesure est fondée sur des hypothèses dépassées et des idéaux internationaux. Le projet de loi C-10 n'est tout simplement pas nécessaire.
Le Canada n'a pas besoin de restrictions absolues et générales pour préserver ses valeurs. Il suffit d'une réglementation applicable à certains intérêts spécifiques. Nous disposons déjà d'organismes de réglementation capables de gérer les ressources individuelles.
Notre milieu marin bénéficie d'un examen minutieux, de la prudence nécessaire et, au bout du compte, de la protection voulue puisqu'il relève de nombreuses autorités dont la Loi sur les Océans, la Loi sur les espèces sauvages au Canada et la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. D'ailleurs, le ministère des Pêches et des Océans est habilité à créer des zones de protection marine. Qui plus est, Environnement Canada peut constituer des réserves nationales de faune ou de faune marine en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Allié à la législation environnementale de la Colombie-Britannique, le processus de la LCEE, qui prévoit de multiples mesures de précaution de l'environnement marin et des écosystèmes, englobe les mesures de garde les plus exhaustives du monde en vue d'assurer la pérennité de l'environnement.
Indépendamment des répercussions des décisions d'aujourd'hui pour les générations futures d'ici 50 ou 100 ans, une fois qu'une aire marine de conservation est circonscrite et établie en vertu de l'annexe I, il est impossible de la supprimer ou d'en réduire la taille sans modifier la loi. Il s'agit là d'un abus de pouvoir de la part du gouvernement.
L'expression «principe de précaution» n'est pas conforme à la formulation employée dans d'autres mesures législatives fédérales portant sur l'environnement marin. Pour assurer la correspondance avec la Loi sur les océans, il faudrait employer l'expression «approche de précaution».
À notre avis, ce projet de loi est inutile. L'industrie pétrolière de la côte Est a fait la preuve qu'elle était conscientisée dans ses activités d'exploration et de production. Les entreprises implantées chez nous ont prouvé qu'elles sont en mesure de se conduire avec toute la diligence voulue dans le domaine de l'environnement, et nous appuyons leur bilan à cet égard.
Le sénateur Banks: Merci beaucoup, mesdames et messieurs, d'avoir pris le temps d'exprimer votre opinion.
Au lieu de poser des questions précises, je vais essayer de répondre à certaines de vos préoccupations de façon générale, si vous le voulez bien.
Le président: Le sénateur Banks est chargé de piloter ce projet de loi à la Chambre. Autrement dit, c'est l'homme de pointe du gouvernement. C'est lui qu'il vous faut impressionner.
Le sénateur Banks: C'est le président qu'il faut impressionner, je vous le garantis.
Le président a raison. Je suis ce qu'on appelle dans notre vocabulaire parlementaire le «parrain» du projet de loi au Sénat.
J'espère que vous en arriverez à comprendre que vous n'avez aucune raison de vous inquiéter pour le moment. Le projet de loi à l'étude ne constitue pas d'aires marines de conservation. Il instaure le cadre et le processus en vertu duquel on pourra ou non créer des aires marines de conservation.
Lorsque le projet de loi C-10 sera adopté — et je pense qu'il le sera —, voici ce qu'il dira, en substance: «Voici les règles et les étapes qu'il convient de suivre avant de constituer une aire marine de conservation.» Je vous renvoie à l'article 7 du projet de loi. C'est en vertu de cette disposition que la consultation que vous réclamez devrait avoir lieu. Il y est stipulé que les deux Chambres du Parlement — et cela signifie l'une ou l'autre, non les deux — peuvent décider, après avoir examiné les recommandations du gouvernement concernant la constitution d'une aire marine de conservation, de ne pas donner le feu vert au projet, sans fournir de raisons à quiconque.
Je vous rappelle qu'il s'agit là du cadre législatif proposé. La mesure ne crée aucune aire marine de conservation. Cependant, on y exprime clairement l'intention d'en constituer quelques-unes. Je pense que les consultations devraient porter, comme on l'a dit, sur les paramètres suivants: où ces aires seront-elles situées? Quelle sera leur superficie maritime et terrestre? Quelle sera exactement leur taille? Ces questions ne figurent pas dans le projet de loi. Elles seront mises sur le tapis conformément à l'article 7.
Elles seront également évoquées dans le plan directeur auquel vous avez aussi fait référence. Le projet de loi exige qu'un plan directeur soit établi après la consultation obligatoire auprès des collectivités côtières touchées. Je peux vous donner l'assurance — en me fondant non seulement sur des engagements, mais sur des faits historiques — que lorsque le ministère constate, à la suite de ses entretiens avec les habitants de la région, que ces derniers ne veulent pas d'une aire marine de conservation, les choses ne vont pas plus loin et cela ne se concrétise pas. C'est vérifiable, parce que c'est déjà arrivé. Une proposition en ce sens a été faite dans une certaine région du Canada et les communautés concernées ont exprimé leur opposition. On n'est pas allé plus loin. S'il y a de l'opposition, cela ne se fera pas.
Les collectivités bénéficient de diverses protections. Premièrement, il y a cet engagement. Deuxièmement, lorsque le ministère décide qu'il souhaite constituer une AMC à tel ou tel endroit, c'est à ce moment-là que les consultations vont débuter. C'est alors que vous pourrez entrer dans les détails et répondre en disant que vous ne souhaitez pas qu'il y ait une aire marine de conservation à cet endroit.
Il est vrai qu'une fois qu'une aire marine de conservation est constituée, si l'on découvre ultérieurement du pétrole, de l'or ou quoi que ce soit au fond de l'océan, il ne sera pas possible d'en faire l'extraction.
Cependant, dans les cas où des moyens éprouvés et pratiques de recouvrer ces ressources existent, la zone en question ne sera tout simplement pas considérée comme une aire marine de conservation possible.
Je ne pense pas que l'une ou l'autre des chambres du Parlement permettrait la constitution d'une aire marine de conservation ou AMC, à un endroit où il y aurait des réserves pétrolières prouvées à l'égard desquelles une société quelconque aurait manifesté de l'intérêt.
J'ai un autre argument à apporter au sujet de la Loi sur les océans et des zones de protection marine. Les aires marines de conservation et les zones de protection marine sont deux choses fondamentalement différentes. Dans une zone de protection marine — et le ministère le confirmera — P et O n'a pas l'intention d'appliquer le développement durable.
Permettez-moi de faire une parenthèse. Dans chaque aire marine de conservation, il y aura au moins deux types de zones, et peut-être plus. La première sera une zone jouissant d'un haut niveau de protection. La seconde, par définition, permettra un développement durable poussé qui englobera l'aquaculture, la pêche et de nombreuses autres activités. Une zone de protection marine, ce n'est pas la même chose qu'une aire marine de conservation. Ce sont deux instruments de conservation totalement différents. Les zones de protection marine, qui sont mises en oeuvre par P et O, sont de petites zones dont certaines caractéristiques clés, comme les frayères, sont fortement protégées. Une aire marine de conservation n'est pas tellement un parc national mais plutôt une aire de gestion consciente pouvant englober des activités à long terme durables. Ce sont donc deux outils différents et, à notre avis, complémentaires. J'espère que j'aurai l'occasion de répondre à des questions et d'en poser ultérieurement. Je vais maintenant céder la parole à d'autres membres du comité.
Le président: Le projet de loi stipule clairement qu'aucune production pétrolière ou gazière ne sera autorisée. Vous dites que cela pourrait tout de même arriver. Pourtant, l'article 13 dit: «Il est interdit de se livrer à la prospection ou à l'exploitation d'hydrocarbures, de minéraux, d'agrégats ou d'autres matières inorganiques dans une aire marine de conservation.»
D'après ce libellé, il semble que le projet de loi retire de la circulation une zone qui pourrait être fort vaste. Que répondez-vous à cela?
Le sénateur Banks: Une fois qu'une aire marine de conservation est constituée, il est impossible d'y faire de la prospection, du forage ou de l'exploitation minière.
Le président: Voici ma deuxième question. Quelle forme prendra le processus de consultation? Cette consultation se limitera-t-elle à un ou deux coups de téléphone d'Ottawa à des amis à Kitimat?
Le sénateur Banks: C'est une bonne question. À cela, je répondrai qu'il y a déjà des exemples de consultations qui ont déjà eu lieu et qui se sont déroulées pendant des mois et des années. Les consultations ne sont pas nécessairement brèves ou superficielles. Un coup de téléphone ou deux, cela ne constitue pas une consultation.
Encore une fois, le processus de consultation a duré deux ans. Au début, les collectivités côtières avaient de sérieuses réserves. À cause de ces réserves, rien n'a été fait. Graduellement, avec le temps, les gens ont commencé à voir l'autre côté de la médaille. Il faut toujours s'efforcer de voir l'autre côté de la médaille. Au bout du compte, les collectivités visées ont demandé s'il ne serait pas possible de revenir là-dessus car elles pensent que ce pourrait être avantageux pour elles.
J'espère que lorsque ces consultations auront lieu, vous prendrez en compte les enjeux et l'information qui présentent l'autre côté de la médaille, comme les avantages potentiels liés à la création d'une AMC, particulièrement pour le tourisme.
Mme Hartwell: Si vous dites que nous avons le droit de refuser une proposition, pourquoi ce projet de loi va-t-il de l'avant maintenant?
Le sénateur Banks: Sans ce projet de loi, aucune proposition ne pourrait vous être soumise.
Mme Hartwell: Nous n'en voulons pas.
Le sénateur Banks: Vous ne le savez pas encore.
Mme Hartwell: Sans vouloir vous manquer de respect, comme je suis une femme, je le sais.
Si vous dites que dans une aire de conservation il peut y avoir des zones où l'on pourrait forer...
Le sénateur Banks: Je m'excuse de vous interrompre, mais je n'ai pas dit qu'il y aurait une zone où l'on pourrait forer. Il n'y a aucune zone dans une AMC où l'on pourra faire de la prospection pétrolière.
Mme Hartwell: Point final.
Le sénateur Banks: Point final. Il y aura au moins deux zones — et dans certains cas peut-être plus — dans une AMC. S'il y en a deux, la première jouira d'une haute protection et toute activité commerciale y sera interdite. Dans le cas de la seconde zone, il est présumé que des activités comme l'aquaculture, la pêche, le tourisme et autres seront non seulement autorisées mais encouragées.
Mme Hartwell: Il y aura des activités comme le tourisme, mais rien d'autre. En l'absence d'une aire marine de conservation, s'il y a des travaux de forage, je crois savoir que toutes les redevances iront directement dans les coffres du gouvernement fédéral, et que la province ne touchera rien. Est-ce exact?
Le sénateur Banks: Toutes les redevances relatives aux droits miniers au large des côtes appartiennent au gouvernement du Canada. Cependant, bien que cela ne soit pas encore le cas en Colombie-Britannique en raison du moratoire, la pratique en vigueur jusqu'à maintenant dans l'Atlantique a été de verser toutes les redevances payables pour le pétrole extrait au large des côtes aux autorités provinciales, avec une réduction correspondante des paiements de péréquation.
Le président: La question de l'exploration au large des côtes est compliquée par l'absence d'un règlement des revendications territoriales avec les peuples autochtones. Avant de donner le feu vert à la prospection pétrolière, il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que les peuples autochtones s'entendent sur le partage des retombées. Le gouvernement fédéral sera le maître d'oeuvre des activités de prospection, mais un accord global doit intervenir avant toute chose. Par exemple, il a fallu à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve et au Labrador environ trois ou quatre ans pour régler cela.
Mme Hartwell: Nous avons reçu copie de la correspondance échangée entre M. Jones et le président. Je voudrais bien savoir ce qui serait inclus dans ces aires. Je conviens qu'une disposition du projet de loi prévoit la tenue de consultations. Mais c'est un niveau de consultation différent de celui qui est requis pour les Premières nations et d'autres groupes d'intérêt. À mon avis, ce n'est ni juste ni acceptable.
Le président: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Avez-vous dit qu'il était juste ou injuste de consulter les Premières nations.
Mme Hartwell: Tout ce que je dis, c'est que nous devrions être traités sur un pied d'égalité. Chaque partie devrait être consultée également. On laisse entendre que certains intervenants seront traités différemment, et je ne pense pas que c'est juste. C'était là mon commentaire.
Le président: Je ne pense pas que les élus municipaux sont invités, compte tenu de ce qui s'est fait dans le passé. Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les Premières nations négocieront ensemble comment tout cela va fonctionner.
Les municipalités sont les créatures des provinces. Si les autorités provinciales veulent vous faire participer au processus quotidien, aux négociations laborieuses, c'est à elles d'en décider.
Le gouvernement fédéral ne peut donner aux dirigeants provinciaux l'ordre de vous inviter, pas plus que nous ne pouvons vous inviter si les dirigeants provinciaux ne veulent pas de vous à la table. C'est ça le hic.
M. Beldesi: Je vis dans les îles de la Reine-Charlotte où, récemment, les Haïdas ont invité à bras ouverts les représentants municipaux à participer à toute la planification, ainsi qu'aux négociations. Soyez vigilants. C'est peut- être une voie que d'autres régions de la Colombie-Britannique décideront de suivre.
Mme Monahan: Je viens d'entendre que le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et, dans notre région, les gouvernements autochtones négocieront ensemble. Je tiens à souligner que les municipalités sont également un palier de gouvernement, en fait le seul qui est tenu d'équilibrer son budget. Et pourtant, bien des fois, nous sommes exclues. Je suis la présidente sortante de la Fédération canadienne des municipalités, et je peux vous dire que nous travaillons depuis très longtemps non seulement sur cette question, mais aussi sur le projet de loi C-10 et ses répercussions dans nos régions.
Je voudrais maintenant aborder la question autochtone. Vous avez parlé de prospection pétrolière ainsi que de frayères, deux sujets qui m'intéressent. Même si le projet de loi s'intitule: «Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada», et qu'il a manifestement des objectifs très louables, il risque d'entraver sérieusement l'utilisation de vastes zones côtières au cours de la période des négociations sur les revendications territoriales, qui prendront on ne sait combien d'années. Dans le district autochtone de Kitimat-Stikine, nous négocions avec cinq bandes. Les Nisga'a en sont arrivés à un règlement après 100 ans de négociation, et cela vise notre territoire immédiat.
Certaines contraintes relatives à l'usage des terres et des ressources pendant les négociations sur les revendications territoriales sont acceptables, mais le fait d'interdire l'accès aux utilisateurs actuels ou de soustraire de vastes zones de la côte de la Colombie-Britannique à toute activité économique ne l'est pas, et si c'est là l'intention du gouvernement fédéral, il ne devrait pas la présenter sous le couvert d'une mesure de conservation.
Le président: Le sénateur Christensen a une question. Elle connaît très bien le dossier des rajustements aux revendications territoriales, parce que le gouvernement du Yukon a eu un problème semblable à celui qui est imminent en Colombie-Britannique.
Le sénateur Christensen: Au Yukon, 14 bandes différentes ont négocié. Douze d'entre elles ont complété le processus et les deux autres sont sur le point de ratifier.
Le dossier des revendications territoriales est tout à fait pertinent dans toute question de développement économique n'importe où au Canada, mais dans le cas qui nous occupe, nous étudions un projet de loi qui suscite manifestement chez vous de graves préoccupations. Il semble y avoir un très grand degré d'uniformité dans les points de vue que vous nous avez communiqués.
Les opinions que vous venez d'énoncer sont-elles uniformément partagées dans tout le nord de la Colombie- Britannique? À votre connaissance, est-ce que toutes les collectivités sont du même avis que vous?
Mme Monahan: Oui, et mes collègues ici présents sont également du même avis.
Le sénateur Christensen: Toutes les localités?
Mme Monahan: Oui.
Le sénateur Christensen: Comme le sénateur Banks l'a fait remarquer, ce projet de loi ne crée pas de parcs; il permet la création d'aires marines de conservation une fois qu'on aura procédé à la consultation.
Quand les fonctionnaires du ministère ont témoigné devant nous au sujet de ce projet de loi, nous avons abordé avec eux les questions que vous avez soulevées au sujet de la Colombie-Britannique. Comme on l'a dit, il s'agit d'un projet de loi d'envergure nationale. Un certain nombre de régions ont été identifiées, où le Canada croit qu'à long terme, des réserves devraient être établies. Nous avons insisté énormément là-dessus auprès des fonctionnaires. En réponse à toutes nos questions, on nous a dit que, comme c'est arrivé à Terre-Neuve, si, après le processus de consultation, les collectivités ne veulent pas aller de l'avant, aucune aire marine de conservation ne sera créée.
Dans 10 ou 15 ans, peut-être voudra-t-on reconsidérer la question. Quand la prospection aura été faite, si l'on n'a trouvé aucun minerai, ni pétrole ni gaz, les gens y verront peut-être un avantage économique sur le plan du tourisme. La question pourra alors être réexaminée. C'est l'information et l'assurance que nous avons reçues des représentants du ministère quand nous avons étudié ce projet de loi.
Je veux être certaine à 100 p. 100 que toutes les localités de la région septentrionale expriment les mêmes préoccupations que vous.
Mme Monahan: Oui, c'est le cas. Vous savez peut-être que divers groupes revendiquent actuellement 110 p. 100 de la Colombie-Britannique. Nous avons des terres que nous pourrions céder dans le nord, tandis que dans le sud, ils n'en ont pas. Ils vont devoir régler à coup d'argent. Nous ne voulons pas que toutes nos terres soient réservées dans le nord, parce que les Autochtones vont en inclure une partie dans leurs revendications territoriales. Nous voulons que ces terres soient libres, pour que ce projet puisse avoir lieu et aussi pour être équitables envers eux.
Cela nous préoccupe énormément.
Le président: Vous avez dit que vous êtes tous du même avis et que vous voulez tous faire en sorte que le développement extracôtier se fasse. Quelques-unes de vos chroniques de Vancouver ont traversé les Montagnes rocheuses et je les ai lues. Ils semblent craindre que le développement se fasse au détriment d'un environnement naturel vierge, du tourisme, de la pêche, et cetera. Êtes-vous vraiment convaincu que le développement peut se faire tout en sauvegardant le tourisme et la pêche?
Mme Monahan: Si cela ne peut pas se faire, nous ne sommes certainement pas aussi avancés qu'on le prétend. Nous avons de la technologie capable de nous amener sur la lune, de sorte que si nous ne pouvons pas faire cela, il y a quelque chose qui cloche quelque part. Je peux vous dire qu'un chroniqueur qui écrit dans un journal de Vancouver n'est probablement jamais venu ici. Ces gens-là ne comprennent pas la problématique. Nous sommes à 1 000 milles de distance par la route. Ils écoutent des ouï-dire. Ils regardent une carte et disent: «Ce territoire est vierge et nous voulons qu'il le reste». Ils se fichent éperdument de ce que nous faisons pour gagner notre vie ici. Je vis ici depuis 30 ans et je sais à quoi ressemblent ces chroniqueurs.
Mme Groves: J'ai ici une chronique qui a été publiée dans un journal de Vancouver samedi. On y traite des renseignements tirés du recensement de 2001 que l'on vient de publier. Il est très important que vous compreniez bien que la population diminue dans les localités du nord-ouest. Nous devons encourager le développement et la croissance économique. Les familles et les jeunes s'en vont.
Dans cet éditorial d'un journal, on dit que le recensement est une carte du passé qui nous aide à comprendre l'avenir. Deux tendances très nettes se font jour: premièrement, beaucoup de régions de la province sont confrontées au déclin à l'avenir, à moins que la tendance soit inversée. Partout dans le nord, les localités de l'intérieur vivant des ressources deviennent lentement mais sûrement des villes fantômes. Mackenzie, qui se trouve au nord de Prince George, a perdu un habitant sur huit depuis cinq ans, l'une des plus fortes baisses au Canada, à cause du marasme de l'industrie forestière.
On ajoute dans l'article que la deuxième tendance est que la croissance est concentrée dans les villes, surtout dans le grand Vancouver. La population de la Colombie-Britannique a augmenté de 183 000 personnes depuis cinq ans, et 85 p. 100 de cette augmentation se situe dans le grand Vancouver. C'est une tendance nationale. Plus de la moitié de la population du Canada habite maintenant dans la région de Montréal, le sud de l'Ontario, le corridor Edmonton- Calgary, le grand Vancouver et le sud de l'île de Vancouver. Beaucoup d'experts s'attendent à ce que ces deux tendances s'accélèrent.
On prévoit le transfert continu des emplois du secteur des ressources aux secteurs du savoir et des services qui sont concentrés dans les villes. Le défi, maintenant, c'est de trouver le moyen de préserver la richesse et la vitalité des localités rurales et des petites villes, tout en adaptant nos institutions, notre gouvernement et notre infrastructure à une Colombie-Britannique qui est maintenant très différente.
Le président: Vous semblez avoir préparé cette intervention à l'avance. C'est très bien. Je suis content de voir que les titres et qualités des chroniqueurs experts de Vancouver qui restent en ville et qui ne savent pas de quoi ils parlent sont les mêmes que partout ailleurs au Canada.
Le sénateur Keon: Vous êtes manifestement très inquiet à l'idée que vous pourriez fort bien être littéralement assis sur des ressources qui pourraient enrichir votre région, et que le projet de loi proposé pourrait nuire aux possibilités de prospection, et cetera.
Je soupçonne qu'il n'y a pas grand chance que ce projet de loi ne soit pas adopté. Il me semble que ce sont les articles 16 et 13 qui vous effraient le plus, et aussi à un degré moindre l'article 5. Vous semblez parler à l'unisson quand il s'agit des articles 16 et 13.
Où en êtes-vous dans vos travaux de prospection pour savoir s'il y a là-bas du pétrole et des ressources minérales? Il me semble que si vous aviez des attentes raisonnables, le gouvernement ferait certainement marche arrière et ne vous imposerait pas une aire marine de conservation.
Mme Monahan: Je peux vous renseigner là-dessus. Certaines compagnies pétrolières ont fait de la prospection dans le secteur en question en 1958. Elles ont trouvé d'énormes quantités de pétrole. Elles ont dit que le gisement serait beaucoup plus important que celui d'Hibernia. Vous voyez bien que cela déboucherait certainement sur un très important développement économique dont nous avons désespérément besoin dans notre région.
Mme Hartwell: Madame Monahan, reprenez-moi si je me trompe, mais n'étaient-ils pas disposés à développer le pétrole et le gaz extracôtiers avant l'élection du gouvernement néo-démocrate?
Mme Monahan: Ils avaient déjà commencé, mais ne pouvaient pas en faire plus.
Mme Hartwell: Nous savons que les ressources sont là.
Mme Monahan: Nous savons que les ressources sont là. Ils ont fait des forages, mais quand l'ancien gouvernement est arrivé au pouvoir, il a décrété un moratoire.
Le sénateur Keon: Vous parlez du dernier gouvernement provincial?
Mme Monahan: Oui, le gouvernement NPD.
Le sénateur Keon: Y a-t-il quelque espoir que ce moratoire soit maintenant levé?
Mme Monahan: Nous estimons assurément qu'il y a de l'espoir, oui. Nous pensons que cela pourrait probablement se faire dès vendredi prochain.
Le sénateur Keon: Que pourrions-nous faire pour que vous soyez plus à l'aise avec les articles 13 et 16?
Mme Monahan: Je n'en ai pas le texte sous les yeux.
Mme Barton: Nous aimerions que vous éliminiez complètement l'article 13, parce que nous estimons que c'est une interdiction absolue de toute prospection minière ou extraction. Nous aimerions que vous supprimiez complètement le projet de loi C-10. Mais si vous ne le faites pas et s'il doit être adopté de toute manière, vous pourriez au moins vous débarrasser de l'article 13. Au moins, nous aurions alors la possibilité à l'avenir de participer au processus de consultation, de savoir si les gens dans la région veulent de la prospection, de faire venir les compagnies pétrolières et, espérons-le, d'avoir une économie en plein essor.
Ce qui me préoccupe, dans tout cela, c'est que le processus de consultation dans le nord-ouest a été réduit au minimum jusqu'à maintenant, et une fois que le projet de loi C-10 aura été adopté, combien d'autres consultations auront lieu avant que ces aires marines de conservation soient établies partout où l'on en fait la demande le long de la côte? La consultation est pleine d'incertitude, d'après ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, que ce soit à Parcs Canada, dans nos municipalités locales, les districts régionaux, le gouvernement provincial ou quiconque s'intéresse à cette question.
Mme Hartwell: Pour nous, il semble que ce soit la dernière heure. Est-ce que cela ne peut pas se faire province par province? Faut-il tout faire globalement dans une seule mesure législative?
Le président: Je vais laisser le sénateur Banks répondre à cela.
Le sénateur Banks: Oui. C'est un projet de loi de portée nationale. Il doit s'appliquer aux eaux visées dans l'ensemble du Canada.
Mme Hartwell: Pourquoi?
Le sénateur Banks: Parce que c'est le gouvernement du Canada et que c'est ainsi que cela fonctionne. Nous avons des parcs nationaux à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique, dans tous les territoires et dans toutes les provinces. Il y a des normes nationales que toutes les provinces et territoires doivent respecter.
Puisque j'ai la parole, je veux en profiter pour m'assurer que vous comprenez bien ce que j'ai dit au sujet de l'absence de forage. Si nous éliminions l'article 13 du projet de loi, la mesure deviendrait à peu près inutile à un égard, qui est important. Il y aura dans les aires marines de conservation des secteurs, comme je l'ai dit, où le développement pourra se faire — non pas l'extraction minière, mais des entreprises commerciales, la pêche, l'aquaculture, le tourisme, n'importe quelle activité en fait; non seulement ce sera permis, mais ce sera encouragé. Cependant, dans chaque AMC, un autre secteur sera presque complètement protégé. C'est ce dont il est fait mention à l'article 13. Par exemple, pour donner un exemple absurde, il n'y a aucune possibilité que l'on puisse faire des forages pétroliers dans le parc national de Banff, de Jasper ou de Yoho, peu importe quelle quantité on a trouvée. Il n'en est pas question. Ce que l'on peut trouver dans ces endroits ne fait aucune différence.
Je dois vous dire qu'au sujet de Banff, le gouvernement du Canada a commis cette erreur il y a de nombreuses années. J'ignore si vous êtes déjà allé à Banff en voiture à partir de l'est, mais quand vous arrivez au pied des Rocheuses, la première chose qui attire l'oeil, c'est la plus laide, la plus horrible, la plus dégoûtante cimenterie du monde entier, qui a remplacé une montagne. Cette montagne se trouvait dans un parc national. La décision a été prise à l'époque de modifier les limites du parc national pour que l'on puisse construire cette épouvantable usine.
Je plaisante en partie, parce qu'en fait, cette usine a été très utile. Mais voici où je veux en venir: une fois qu'un parc national est établi, et une fois que la partie entièrement protégée d'une AMC est établie, il est interdit d'y faire de la prospection pétrolière ou minérale. C'est un élément tellement important de ce projet de loi. Si nous devions le supprimer, cela détruirait littéralement la moitié de la raison d'être du projet de loi. L'autre moitié, c'est le développement durable et tout ce qui s'ensuit.
Le président: Pour que vous ne pensiez pas que c'est trop draconien, je précise qu'avant la création d'un parc national, les compagnies pétrolières ou minières pourront, de concert avec vous, avoir leur mot à dire sur l'emplacement du parc en question. Vous pourrez dire: «Déplaçons-le de quelques kilomètres dans telle ou telle direction». Autrement dit, cela n'arrivera pas comme par un coup de baguette magique. Vous ne vous réveillerez pas un matin pour vous retrouver dans un parc. Il y aura des consultations auprès du gouvernement provincial et de vous- même. Vous pourrez fort bien avoir vos propres géologues, ingénieurs, et cetera, pour vous conseiller. La participation sera considérable.
Le sénateur Banks a raison. Une fois qu'un parc est créé, on ne peut plus faire marche arrière. J'ai participé à cette décision, et il y a encore des gens dans les Territoires du Nord-Ouest qui veulent me pendre en effigie parce que je refusais l'ouverture d'une mine de fer dans un parc dans l'Arctique supérieur. Dès que l'on permet qu'un parc national soit utilisé à des fins de production commerciale de minéraux ou de pétrole, on déclenche un mouvement qui peut faire boule de neige.
L'important, c'est que vous-même et l'industrie aurez amplement l'occasion de vous assurer que l'on n'aille pas établir un parc sur un autre gisement Hibernia.
Le sénateur Banks: J'espère que vous serez en partie réconfortés, messieurs dames, comme je le suis moi-même, par le fait que les gisements de pétrole rapportent beaucoup d'argent et que les gouvernements aiment l'argent. Je ne pense pas que vous pourriez trouver un seul exemple de réserves de pétrole prouvées, n'importe où dans notre pays, dont le gouvernement du Canada aurait interdit l'exploitation.
Mme Monahan: Comme gouvernement, vous devez prendre en compte la provenance de vos recettes fiscales. Elles viennent, essentiellement, des ressources. Le nord de la Colombie-Britannique paie des sommes énormes en recettes fiscales aux gouvernements fédéral et provincial pour nos propres ressources naturelles, mais on dirait que nous sommes toujours presque pénalisés parce que nous vivons ici. Nous commençons à avoir des fourmis dans les jambes.
Quant à la consultation, en Colombie-Britannique, on nous a imposé un parc dont personne ne voulait, sauf une poignée d'environnementalistes, qui eux, le désiraient ardemment. Ce sont ces gens-là qui ont été consultés. Quant à nous, nous n'avons pas eu notre mot à dire. Vous comprenez maintenant pourquoi nous sommes méfiants.
Mme Hartwell: Si vous êtes en train de nous dire aujourd'hui, monsieur le président, que tout cela sera imposé, que vous nous donnez l'occasion de parler, mais que ce sera adopté de toute manière, nous n'avons aucune assurance, quand le gouvernement fédéral aura donné le feu vert, que le gouvernement provincial n'en fera pas autant, alors nous n'aurons plus voix au chapitre.
Le président: J'espère que vous n'êtes pas paranoïaque. Vous vivez dans le plus joli paysage d'Amérique du Nord, avec la mer, la pêche et des gens sympathiques. Vous êtes probablement dans le plus beau coin du monde entier.
Mme Groves: Nous voulons qu'il reste comme cela.
Le président: C'est précisément le problème. Les environnementalistes veulent qu'il reste tel quel, et il y aura donc des compromis. Comme je l'ai dit, je ne pense pas qu'on écarterait quelque chose de valeur, une pêcherie ou un gisement de pétrole ou quoi que ce soit d'autre, que l'on n'en tiendrait pas compte avant de fixer les limites du parc. Aucun effort n'a jamais été fait, du moins au Canada, pour essayer d'utiliser les parcs comme obstacle au développement. Les limites des parcs sont déterminées en vue de préserver quelque caractéristique désirable.
M. Corless: Vous comprendrez les inquiétudes de mes collègues au sujet de la consultation. Notre conseil a dû écrire deux fois pour obtenir une rencontre pour faire connaître notre point de vue. Nous avons de vives préoccupations au sujet du processus de consultation, parce qu'il y en a eu très peu jusqu'à maintenant. Franchement, nous avons beaucoup de mal à faire confiance au processus.
Le président: La plus grande partie de l'humanité est dans le même cas. Le sénateur Banks a fait remarquer que ce changement devra être approuvé par la Chambre des communes et par le Sénat. Comme le Sénat n'a pas à se soucier de gagner les prochaines élections, il pourrait adopter une approche quelque peu différente de celle de la Chambre des communes. Nous pensons avoir établi le programme de manière que vous ayez votre mot à dire.
Le sénateur Cochrane: Ma question s'adresse à M. Beldesi, de la région de la Reine-Charlotte.
Mme Monahan: Il est déjà parti. Est-ce que quelqu'un d'autre peut vous répondre?
Le sénateur Cochrane: Je voulais poser une question au sujet des observations qu'il a faites. Il a mentionné l'expérience locale dans le cas de la création d'autres parcs nationaux. Je me demandais s'il pourrait nous donner des précisions là-dessus et nous dire à quoi il faisait allusion.
Mme Monahan: Peut-être pourrions-nous communiquer avec lui et lui demander de vous écrire.
M. Corless: Il faisait allusion au parc national du sud de l'île Moresby.
Le sénateur Cochrane: Parlez-nous-en. Quel était le problème? Quels étaient ses liens avec Parcs Canada?
M. Corless: Je ne peux pas vous en dire grand-chose, sinon que cela leur a été imposé. Je sais que l'on a interdit l'exploitation forestière. Apparemment, c'était un très bon secteur pour le bûcheronnage.
Mme Monahan: Beaucoup de gens ont perdu leur emploi et n'ont pu s'en trouver un autre. Il y a eu des suicides. Des familles ont éclaté. La situation était épouvantable sur l'île.
Le président: Monsieur Wampler, je pense que vous avez dit que vous craignez que Parcs Canada soit chargé des parcs marins et qu'à votre avis, nous devrions les assujettir plutôt à la Loi sur les océans. Nous avons des parcs terrestres. Nous avons constaté qu'il existe un besoin d'une administration spéciale chargée des parcs, plutôt que de confier le tout au ministère de l'Environnement, des Pêches ou de l'Agriculture. Il y a une foule de ministères qui aimeraient exploiter les parcs, mais je pense que les Canadiens estiment que, compte tenu du genre de parcs que nous avons, depuis l'Arctique supérieur jusqu'aux régions urbanisées et à la côte Ouest, Parcs Canada fait du meilleur travail pour ce qui est de coordonner tous les intérêts. J'admets que le ministère des Océans pourrait faire du meilleur travail à certains égards, et je suis sûr qu'en Alberta, il serait probablement préférable que ce soit les services des mines ou de la géologie qui s'occupent de Banff. Par contre, on aurait alors une foule de ministères différents qui administreraient différents parcs. Je pense que cela pourrait être une piste de solution. Voudriez-vous nous faire part de votre réflexion là-dessus.
Mme Hartwell: Nous voulions éviter de faire double emploi avec la Loi sur les océans. La Loi sur les océans s'occupait des parcs existants et nous n'avions nul besoin d'un nouveau projet de loi C-10.
Le président: Avez-vous toujours été contents de la Loi sur les océans?
Mme Hartwell: Oui. Elle semblait répondre à tous les besoins pour ce qui est des parcs, et nous n'avons pas besoin d'un projet de loi C-10 qui vient étendre énormément la portée de la loi.
Le président: Aucun de vous n'est pêcheur, n'est-ce pas?
Mme Hartwell: Il y a quelques pêcheurs dans ma localité, oui.
Mme Monahan: Nous avons beaucoup de parents.
Mme Hartwell: La plupart pêchent en été et bûchent en hiver. Ils habitent dans de petites localités et font les deux pour pouvoir gagner assez pour subvenir aux besoins de leur famille. La mesure proposée touche absolument tout. Si le gouvernement veut favoriser la pêche récréative plutôt que commerciale, cette mesure ne convient peut-être pas non plus. Je ne pense pas que nous ayons entendu d'interventions de la part de ce groupe de gens.
Le sénateur Eyton: J'apprécie beaucoup de pouvoir ainsi vous parler à distance. Je trouve que le système fonctionne très bien. Je constate qu'il y a beaucoup de scepticisme. Comme nous sommes le 30 avril, jour de déclaration d'impôt, ça me rappelle cette petite phrase: «Je travaille pour le Revenu national et je suis ici pour vous aider». Vos commentaires me font penser à cette situation.
J'ai une observation à faire à mon collègue le sénateur Banks. J'ignore pourquoi on ne pourrait pas avoir une loi fédérale qui serait conditionnelle à l'adhésion des provinces. En fait, les normes nationales et leur application se feraient province par province, ou peut-être même région par région. J'ignore pourquoi on ne pourrait pas avoir une application partielle qui serait étendue au fur et à mesure que l'on obtient l'approbation des autorités qui seraient régies par la loi. Je suis un indécrottable avocat et je ne devrais peut-être donc pas dire un mot à ce sujet, mais je ne vois pas pourquoi ce serait impossible.
Le sénateur Banks: Je vais répondre à cela de la façon suivante: aucune aire marine de conservation ne pourra être créée sans l'approbation de la province s'il y a la moindre parcelle de terre provinciale en cause.
Le sénateur Eyton: Non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Le sénateur Banks: Oui, tout à fait.
Le sénateur Eyton: Je considère qu'il s'agit de protéger ces terres. Cependant, nous sommes ici en présence d'une intervention fédérale qui a des répercussions considérables sur les gens qui habitent dans une certaine province et qui voudraient peut-être exprimer leurs vues ou leurs préoccupations au sujet de la désignation fédérale de terres fédérales qui se trouvent en bordure des régions où ils habitent.
Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible.
Le sénateur Keon a été optimiste quand il a dit que certaines dispositions semblaient susciter vos préoccupations. Par contre, je cochais les articles au fur et à mesure de votre exposé, et je n'ai pu m'empêcher de constater que vous avez dénoncé en fait le projet de loi tout entier. Vous semblez assez confiant d'exprimer l'opposition de tous les gens visés là-bas. Est-ce également le cas de votre tout nouveau gouvernement provincial?
Mme Hartwell: Fondamentalement, oui. En fait, j'ai rencontré le premier ministre Campbell pour en discuter. Ils essaient de lever le moratoire. J'en conclus qu'ils veulent relancer la croissance et le développement. Ils ont déjà promis que la prospection pétrolière et gazière extracôtière pourrait avoir lieu, pourvu que cela se fasse dans le respect de l'environnement. Nous sommes d'accord avec cela. C'est pourquoi il a été élu.
Le sénateur Eyton: Je veux être plus précis que cela. Savez-vous quelle est la position du gouvernement provincial sur le projet de loi C-10?
Mme Monahan: J'ai eu des entretiens avec eux. Je crois qu'ils estiment que la législation actuelle est suffisante. Le gouvernement provincial a déjà mis de côté, comme je l'ai dit, 12 p. 100 de notre territoire érigé en parcs. Il y a aussi beaucoup d'autres directives. Si l'on additionne la province et le gouvernement fédéral, nous croulons déjà sous une avalanche de réglementation.
Nous devons rencontrer le caucus du nord dans deux jours. Ce sera certainement l'un des sujets abordés.
Le sénateur Eyton: C'est important de le savoir.
Pendant que vous protestiez contre divers articles, je me demandais s'il était possible de rendre ce projet de loi le moindrement acceptable. J'ai noté certains passages clés pendant votre exposé. J'ai d'abord écrit le mot «consultation». J'y reviendrai dans un instant.
Le deuxième passage, qui me semblait raisonnable, était ceci: «un plan de gestion avant le fait, et non pas cinq ans après le fait.»
Le troisième, c'est la désignation de ces aires «à perpétuité», de sorte qu'il serait impossible de revenir en arrière dans le cadre d'un processus d'examen.
Pour revenir à la consultation, il est souvent question de «consultation» dans le projet de loi. Je voudrais lire l'article 10.À l'époque bénie où j'étais avocat, j'adorais rédiger des ententes dans lesquelles la partie qui était mon client avait pour seule obligation de consulter l'autre partie. C'était merveilleux. Cela voulait dire que mon client avait toute liberté de faire ce qui lui plaisait, après avoir pris la peine de consulter dans le cadre d'un processus quelconque.
C'est dans cette optique que j'envisage l'article 10, qui dit:
Le ministre consulte les ministres et organismes fédéraux et provinciaux concernés, les organisations et gouvernements autochtones, les organismes constitués aux termes d'accords sur des revendications territoriales et les communautés côtières touchées, ainsi que les autres personnes ou organismes qu'il estime indiqués en ce qui touche l'élaboration de la politique et des règlements relatifs aux aires marines de conservation et la constitution des aires marines de conservation projetées ou la modification des aires existantes, ainsi que les autres questions qu'il juge indiquées.
Cela se limite donc à ce que le ministre juge indiqué.
À la lumière des trois points que j'ai énumérés, et peut-être auriez-vous quelque chose d'autre à ajouter, serait-il possible, en modifiant deux ou trois dispositions de ce projet de loi, de le rendre plus acceptable à vos yeux?
M. Corless: Puisque vous êtes un «indécrottable avocat», pour reprendre votre expression, vous pouvez constater qu'on ne dit pas quand nous serons consultés. Nous voici à la onzième heure et l'on nous donne enfin la chance de dire un mot. On ne peut pas appeler cela de la consultation.
Le président: C'est l'autre aspect que les avocats adorent dans des ententes de ce genre. Il n'y a pas d'échéancier. La situation peut perdurer, jusqu'à ce qu'on lègue le tout à ses enfants.
Le sénateur Banks: Par contre, le sénateur Eyton nous offre aujourd'hui ses services gratuitement à nous tous: voilà qui est remarquable.
Le président: Voudriez-vous nous faire part de vos conclusions finales?
Avant d'en arriver là, je voulais dire aux gens de Prince Rupert et de Port Edward qu'à moins de 100 milles au nord de chez vous, il y a le Monument national américain de Misty Fiords. Je ne pense pas qu'ils permettent la moindre prospection pétrolière extracôtière, jusqu'à Ketchikan. Il y a des aires protégées aux États-Unis, ce qui ne semble pas avoir freiné l'industrie pétrolière de l'Alaska.
Mme Monahan: C'est exact, mais ils permettent aussi d'autres activités de prospection.
Nous pensons que tout cela sera un gâchis. Nous n'avons aucune raison de croire que ce ne sera pas le cas. Nous n'avons pas eu notre mot à dire. À l'heure actuelle, nous sommes très en colère contre les Américains à cause du conflit du bois d'oeuvre. Ce n'est pas vraiment un sujet qu'il convient d'aborder.
M. Corless: Je voudrais faire une observation au sujet de l'Alaska. Ils font beaucoup plus de prospection sur terre. Nos gouvernements semblent avoir peur de s'attaquer au problème d'un pipeline. C'est ce qui rend un peu plus acceptable la prospection pétrolière et gazière dans le détroit d'Hécate. Personne ne sait comment traiter avec tous les niveaux de gouvernement, à quoi s'ajoutent maintenant les revendications territoriales, en vue de construire un pipeline quelconque en vue de sortir le pétrole et le gaz du bassin de Bowser, qui se trouve pratiquement à nos portes ici. Il y a d'autres méthodes, mais personne ne sait comment s'en sortir. C'est pourquoi nous pensons que le pétrole et le gaz du détroit de Hécate pourraient être une solution à ce problème. Peut-être que d'autres niveaux de gouvernement voient les choses sous le même angle.
Le président: Auriez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Hartwell: Je voudrais avoir le dernier mot. J'ai dit dans ma déclaration d'ouverture que nous avons l'impression qu'on va nous imposer une aire marine de conservation sans aucune consultation. Je ne crois pas que le tourisme compensera la perte des revenus pétroliers et gaziers.
Cela dit, avez-vous quelque chose à offrir en termes de compensation monétaire aux localités et à la province pour que nous puissions aller de l'avant avec un plan quelconque?
Le président: Comme vous le savez, on a établi un plan de ce genre dans les Maritimes quand la pêche à la morue s'est effondrée. J'ignore si le gouvernement fédéral travaille à l'élaboration d'un plan quelconque pour compenser la perte de revenus. Je suppose que vos pêches ne vont pas très bien, pas plus que le secteur du bois d'oeuvre. Cela dépend de l'efficacité de votre premier ministre provincial pour ce qui est de plaider sa cause à Ottawa. Pour les gens des Maritimes, cela a pris du temps, mais ils ont fini par avoir gain de cause.
C'est toujours possible, mais cela ne fait pas partie des travaux de notre comité.
Mme Hartwell: Je comprends cela. Combien de temps avons-nous avant l'adoption de ce projet de loi?
Le président: En tant que président du comité, je ne le sais pas. Nous avons encore quelques personnes à entendre. Nous ferons alors rapport du projet de loi au Sénat, avec des propositions d'amendement ou des recommandations. Il sera discuté au Sénat et l'on passera ensuite à la troisième lecture. Je ne crois pas que cela puisse se faire avant la mi- juin ou la fin juin. Ce sera peut-être même reporté à l'automne. Mais ce sera probablement plutôt en juin.
Le sénateur Banks: Je voudrais revenir à la question du sénateur Eyton au sujet de la mise en oeuvre province par province. Je ne prétends assurément pas savoir combien de terres appartenant au fédéral se trouvent en Colombie- Britannique. Je vais toutefois avancer un chiffre, et je vous demande de me reprendre immédiatement si je me trompe, car cela ruinerait mon argumentation. Je dirais qu'à l'exception de la partie sud de l'île Moresby, la plus grande partie du territoire appartient à la province. On ne peut pas dire exactement où se trouveront les aires marines de conservation.
Cependant, il est certain que certaines d'entre elles se situeront le long des côtes et engloberont donc, presque par définition, une partie du littoral. Les seules terres qui peuvent être englobées dans une aire marine de conservation, après consultation, ce sont des terres qui appartiennent clairement, à toutes fins pratiques, à la Couronne du chef du Canada.
L'AMC que j'envisage, et qui comprendrait non seulement les eaux et les fonds marins, mais aussi une partie de la côte, ne pourrait pas être créée à moins que la province, si je comprends bien, soit disposée à rétrocéder cette terre au gouvernement du Canada. Le projet de loi l'interdira expressément.
Quand on proposera des AMC qui engloberaient un littoral appartenant au gouvernement de la Colombie- Britannique, on ne pourrait pas aller de l'avant sans avoir obtenu l'accord de ce gouvernement et même sans que le titre des terres visées ait été cédé au gouvernement du Canada. Par conséquent, il y a là un certain degré de protection.
Je voudrais aborder un dernier point. Vous avez dit à maintes reprises que la consultation a été réduite au minimum jusqu'à maintenant. Si nous étions à la Chambre des communes, je demanderais: «Vous dites que vous avez des réserves et que vous n'avez pas été consultés, mais à propos de quelle AMC exactement?» La réponse serait: «Nous ne le savons pas encore». Mon argument est que les consultations vraiment importantes ne peuvent pas commencer tant qu'on n'a pas établi exactement de quoi il s'agit, tant qu'on ne peut pas dire: voici l'AMC envisagée, en voici la longueur, la largeur et la profondeur, voici le littoral qui sera englobé et voici la nature exacte des deux secteurs différents qui seront visés.
Je reconnais que vous n'avez pas encore été consulté. Le processus n'est pas commencé. J'affirme en toute confiance que vous verrez, quand on aura proposé l'établissement d'une AMC et qu'un plan initial aura été mis en place, qu'il y aura énormément de consultations et que l'on accordera le plus grand poids aux interventions.
Mme Monahan: Je suis contente d'entendre qu'il y aura des consultations. J'ai toutefois entendu dire que cette consultation serait entre les gouvernements fédéral et provincial et les peuples autochtones. Les sénateurs doivent se rendre compte que la totalité de la Colombie-Britannique est actuellement visée par des revendications territoriales autochtones. Ils revendiquent la totalité du territoire. Ils n'obtiendront pas tout, mais si, par exemple, une frayère devait être englobée dans une aire de conservation, il y aurait certainement un tollé parmi les peuples autochtones, et l'on sait ce qui arrive quand ils sont mécontents.
Si vous les consultez au sujet des cours d'eau qui sont des frayères, nos exploitants commerciaux, qui font la pêche ou l'aquaculture, ne pourraient pas gagner autant d'argent pour faire vivre leur famille. C'est l'une de nos inquiétudes.
Le président: Je vous remercie pour vos présentations.
La séance est levée.