Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches
Fascicule 4 - Témoignages du 2 mai 2001
OTTAWA, le mercredi 2 mai 2001
Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous entendons aujourd'hui des témoins du Bureau du vérificateur général ainsi que du ministère des Pêches et des Océans.
M. Ronald C. Thompson, vérificateur général adjoint, Relations internationales, Bureau du vérificateur général du Canada: Honorables sénateurs, les deux collègues qui m'accompagnent aujourd'hui sont M. Gerry Chu, directeur, Direction générale des opérations de vérification et M. John Sokolowski, vérificateur principal, Direction générale des opérations de vérification.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de discuter des résultats de notre vérification du ministère des Pêches et des Océans, présentés dans le chapitre 30 de notre rapport de décembre 2000 intitulé «Les effets de la salmoniculture en Colombie-Britannique sur la gestion des stocks de saumon sauvage».
Il s'agit de notre troisième vérification des programmes de gestion du saumon du Pacifique du ministère depuis 1997. Les chapitres de vérification antérieurs portaient sur la protection de l'habitat et sur le rôle du ministère dans la gestion des pêches du saumon du Pacifique. Lors de vérifications antérieures, nous avions constaté la perte continue de l'habitat du saumon et le déclin de certains stocks de saumon sauvage. En effet, les stocks de saumon sauvage du Pacifique subissent des pressions considérables et leur état est devenu préoccupant.
Vous êtes certainement au courant de l'importance de l'industrie de la salmoniculture au Canada, qui est le quatrième producteur salmonicole en importance au monde. La production de la Colombie-Britannique représente près de 70 p. 100 de la production nationale. Dix-sept entreprises de salmoniculture exploitaient 105 établissements salmonicoles à la fin de notre vérification. Au cours de la dernière décennie, leur production a augmenté de façon constante. Même s'il existe un moratoire depuis 1995 sur l'expansion de l'industrie salmonicole, il semble que ce moratoire pourrait être levé dans un proche avenir.
Le gouvernement fédéral et la province sont responsables de la réglementation de l'aquaculture en Colombie-Britannique en vertu d'un protocole d'entente sur le développement de l'aquacul ture, signé en 1988. La province est responsable, notamment, de la gestion et du développement de l'industrie salmonicole. Pêches et Océans, par ailleurs, est chargé de la réglementation de certains secteurs, y compris la conservation et la protection du poisson et de son habitat. Dans le cadre de la Stratégie fédérale de développement de l'aquaculture, mise en place en 1995, le ministère doit également veiller à ce que ses activités en matière de développement de l'aquaculture soient conformes au développement durable.
Nous avons vérifié si le ministère s'acquittait de ses responsabilités législatives en ce qui a trait à la conservation et à la production du poisson, notamment les stocks de saumon. Je tiens à souligner que nous nous sommes concentrés sur le rôle du ministère en tant qu'organisme de réglementation et non sur les mérites de l'industrie aquacole.
Pour ce qui est de la réglementation de la salmoniculture en Colombie-Britannique, nous avons constaté que le ministère ne s'acquitte pas entièrement de ses obligations en vertu de la Loi sur les pêches. Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais faire un bref exposé sur nos observations.
En tant qu'organisme de réglementation de la salmoniculture, Pêches et Océans fait de la gestion de risques. La salmoniculture pose des risques, dont l'impact éventuel des substances nocives sur l'habitat du poisson et les effets de l'interaction possible entre le saumon d'élevage de l'Atlantique et les stocks de saumon sauvage. Le ministère gère actuellement l'industrie de la salmoniculture en supposant qu'elle ne pose qu'un faible risque global pour le saumon sauvage et son habitat. Toutefois, nous craignons qu'il fasse peu pour surveiller et évaluer les effets actuels et éventuels de la salmoniculture.
Nous avons constaté notamment que le ministère ne surveille pas adéquatement les incidences des établissements salmonicoles sur le poisson environnant et son habitat. Cela est particulièrement troublant, compte tenu qu'il est chargé d'appliquer la Loi sur les pêches - notamment, les articles 35 et 36, qui interdisent la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson ainsi que le rejet de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons.
Au moment de notre vérification, le ministère n'avait pas déterminé comment il appliquera la Loi sur les pêches pour protéger l'habitat du poisson contre les effets de la salmoniculture. Un facteur important est le manque de données scientifiques, car grâce à de telles données, le ministère pourrait élaborer des critères pour déterminer ce qui constitue une détérioration, une destruction ou une perturbation de l'habitat liée à la salmoniculture. Cela est préoccupant parce que la province est en train d'élaborer des règlements qui pourraient être incompatibles avec la loi fédérale. Nous recommandons fortement au ministère de prendre immédiatement des mesures pour régler la situation.
Le ministère suppose que l'industrie de la salmoniculture ne pose qu'un faible risque d'après un examen provincial de la salmoniculture réalisé en 1997 - un examen qui reflétait les pratiques salmonicoles et les niveaux de production alors existants. Toutefois, le ministère n'a pas évalué le risque que pourrait poser l'expansion de l'industrie et il n'avait, au moment de la vérification, aucun plan officiel pour gérer ce risque et en évaluer les impacts environnementaux éventuels.
Les opinions scientifiques divergent quant aux effets de la salmoniculture sur les stocks de saumon sauvage et l'environnement. En outre, il y a très peu d'études qui s'appliquent directement à la situation en Colombie-Britannique.
Pour faire face à l'expansion possible de la salmoniculture, nous croyons que le ministère devra être bien informé des effets éventuels qu'elle entraînerait sur les stocks de saumon sauvage. Pour obtenir une information adéquate, il faut à la fois pouvoir compter sur une recherche de bonne qualité et sur une surveillance efficace. Lors de notre vérification, nous avons constaté qu'il ne portait pas une attention suffisante à l'établisse ment des priorités à l'égard des besoins en recherche dans ce domaine. Le ministère effectue des recherches, mais nous avons constaté des lacunes dans l'information - par exemple, en ce qui concerne le risque que le saumon d'élevage transmette des maladies aux stocks de saumon sauvage. Nous avons également noté des lacunes dans la surveillance - par exemple, l'état des stocks de saumon sauvage à proximité d'établissements salmoni coles existants et éventuels.
En outre, au moment de la vérification, le ministère ne surveillait pas adéquatement ce qu'il advient des saumons d'élevage évadés. Nous avons relevé que des individus de tous les stades biologiques du saumon de l'Atlantique vivent dans des cours d'eau de la Colombie-Britannique. Ces saumons se sont aussi reproduits avec succès dans certaines rivières. Dans notre rapport, nous soulevons la question de savoir si les saumons de l'Atlantique pourront s'adapter aux conditions locales et s'établir dans les cours d'eau côtiers de la Colombie-Britannique.
Finalement, la salmoniculture pourrait, à notre avis, au fil du temps accroître la pression exercée sur les stocks de saumon sauvage, particulièrement si l'industrie prend de l'expansion. Pour assurer la coexistence de la pêche durable du saumon et de l'industrie de la salmoniculture, il est urgent que le ministère comble ces lacunes en consultation avec la province.
En conclusion, j'aimerais vous exposer six raisons pour lesquelles nous insistons tellement sur la nécessité de s'intéresser davantage à la science et à la recherche.
Premièrement, des données scientifiques sont nécessaires pour élaborer des critères administratifs servant à déterminer ce qui constitue une détérioration, une perturbation ou une destruction de l'habitat liée à la salmoniculture.
Deuxièmement, des données scientifiques sont nécessaires pour élaborer des règlements et des critères servant à déterminer quand les substances nocives constituent un problème et quand ce n'est pas le cas.
Troisièmement, des données scientifiques sont nécessaires pour déterminer des critères plus crédibles pour le choix des sites d'établissements salmonicoles.
Quatrièmement, si le moratoire est levé et si l'industrie aquicole prend effectivement de l'expansion, une évaluation environnementale cumulative pourrait être exigée aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Le ministère et peut-être d'autres intervenants ont besoin de connaissances scientifiques pour effectuer une telle évaluation.
Cinquièmement, des recherches sont nécessaires pour cerner et évaluer les risques de l'interaction entre le saumon d'élevage de l'Atlantique et le saumon sauvage.
Sixièmement, des connaissances scientifiques sont nécessaires afin de traiter les risques que peut poser le saumon transgénique pour l'industrie salmonicole.
Tout compte fait, il nous semble que le ministère soit déterminé à prendre des mesures pour régler les questions soulevées dans notre chapitre. À cet égard, le Programme de l'aquaculture durable évalué à 75 millions de dollars - dont fait état la réponse du ministère à notre chapitre - sera particulièrement important.
Voilà qui termine ma déclaration d'ouverture. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Je demanderais maintenant à Mme Forand du ministère des Pêches et des Océans de nous présenter ses collègues et de faire son exposé.
Mme Liseanne Forand, sous-ministre adjointe, Politique, ministère des Pêches et des Océans: Monsieur le président, je vais vous présenter mes collègues du ministère.
[Français]
À ma gauche, M. Paul Cuillerier, directeur général, gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement.
[Traduction]
Mme Forand: À sa gauche, Mme Iola Price, directrice, Direction des sciences de l'aquaculture, Direction générale des sciences, des océans et de l'aquaculture.
[Français]
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité et de faire le point sur l'engagement et l'approche du MPO au sujet de la mise sur pied d'une industrie aquacole durable, digne de la confiance des Canadiennes et des Canadiens. Ce dossier a fait de grands progrès au cours de l'année qui vient de passer.
[Traduction]
Je vais informer le comité sur trois fronts. Premièrement, j'aimerais faire un bref survol du plan d'action du MPO en aquaculture. Deuxièmement, je veux parler des progrès réalisés et de la situation de chacun des divers éléments du plan d'action. Troisièmement, je vais expliquer comment les mesures que nous prenons actuellement et nos investissements sont conformes aux observations et aux recommandations du rapport du vérificateur général.
Le plan stratégique du ministère des Pêches et des Océans donne deux objectifs pour l'aquaculture: accroître la confiance publique envers le développement aquacole durable pour l'environnement et renforcer la compétitivité de l'industrie à l'échelle mondiale.
[Français]
Pour ce faire, le ministère a préparé un plan d'action fondé sur quatre thèmes: un environnement sain; des poissons sains et des produits de qualité; l'utilisation partagée de nos ressources aquatiques, et une industrie compétitive. Chacun des éléments du plan d'action du MPO appuie au moins un de ces thèmes.
[Traduction]
Je tiens simplement à préciser que nous avons remis au comité un tableau graphique du plan d'action de sorte qu'il est peut-être plus facile de suivre chacun des éléments.
Le premier élément du plan d'action est le Programme d'aquaculture durable, dont M. Thompson a déjà parlé.
[Français]
En août dernier, le ministre des Pêches et des Océans a annoncé le programme d'aquaculture durable. Un investissement de 75 millions de dollars sur cinq ans, c'est-à-dire 15 millions de dollars par année sur une base continue. Ce programme couvre trois domaines: premièrement, les sciences, la recherche et le développement, qui recevra un montant de 32,5 millions de dollars par année sur cinq ans; deuxièmement, le domaine de la santé, recevra 20 millions de dollars, sur cinq ans; et troisièmement, un cadre amélioré de gestion et de réglementation, qui demande un investissement de 22,5 millions de dollars échelonné sur cinq ans. Je vais maintenant expliquer chacun de ces trois domaines.
[Traduction]
L'élément des sciences et de R-D du plan d'action - 32,5 millions de dollars sur cinq ans - comprend deux volets. Premièrement, le ministère investit 20 millions de dollars sur cinq ans dans un Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture, ce que nous appelons le PCRDA. Le PCRDA sera administré par le MPO et fournira des fonds à des projets de R-D qui sont proposés et financés conjointement par le secteur privé. Le programme permettra à des scientifiques du MPO de travailler en étroite collaboration avec l'industrie pour mettre au point de nouvelles technologies de production et faire des recherches sur l'utilisation possible d'espèces de poissons non produites à grande échelle comme l'esturgeon, l'aiglefin et le flétan.
Le deuxième volet de l'élément sciences et R-D du Programme d'aquaculture durable comprend un investissement de 13,5 millions de dollars sur cinq ans visant à augmenter la capacité du ministère de répondre aux besoins des sciences de l'environnement et des sciences biologiques. Ce financement a maintenant été alloué aux groupes scientifiques régionaux et appuie des domaines de recherches prioritaires. De tels domaines comprennent les effets proches et éloignés des installations d'élevage sur l'habitat benthique, ainsi qu'une évaluation de toute répercussion cumulative et de la capacité d'assimilation de trois régions côtières, y compris l'archipel Broughton en Colombie- Britannique. Ces travaux sont conformes au rapport du vérificateur général.
[Français]
Le deuxième élément du programme est la santé humaine. Il vise à renforcer le programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques pour garantir la salubrité et la qualité du poisson et des produits, renforçant ainsi la confiance des consommateurs et des marchés à l'égard de l'aquaculture.
[Traduction]
À l'appui du Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques (PCCSM), un investissement de 20 millions de dollars sur cinq ans a été alloué au MPO, à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et à Environnement Canada. Ces fonds permettront à l'ACIA et à Environnement Canada d'accroître leur capacité de contrôler et de classer les zones de croissance des mollusques et permettront au MPO de mieux contrôler l'accès aux zones de récolte au moyen de patrouilles et de permis.
Le troisième domaine porte sur un cadre amélioré de gestion et de réglementation qui comprend trois sous-éléments. Premièrement, la sécurité maritime. Nous investissons 6,75 millions de dollars sur cinq ans pour rehausser la capacité du MPO de mettre en place le Programme de protection de la navigation à la Garde côtière et ce, pour évaluer les questions de navigation liées à l'aquaculture et traiter les demandes d'approba tion en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables.
Deuxièmement, la gestion de l'habitat. Nous investissons 7,5 millions de dollars sur cinq ans pour accroître la capacité du MPO et d'Environnement Canada d'évaluer les effets de l'aquaculture sur le poisson, son habitat et les oiseaux migrateurs, tout en augmentant la capacité du MPO d'effectuer des évaluations environnementales en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de contrôler le rendement des aquaculteurs de façon à mieux assurer la conformité aux règlements appliqués par le ministère.
Troisièmement, la cohérence du programme et des politiques. Nous investissons 7 millions de dollars sur cinq ans pour établir un Bureau de l'aquaculture durable au MPO qui apporterait davantage d'intégration et de cohérence aux activités liées aux programmes d'aquaculture à l'échelle du ministère et qui servirait de point de contact pour les intervenants.
Le deuxième élément du plan d'action en aquaculture du MPO vise à établir un environnement réglementaire favorable. Cet aspect du plan d'action raffine les processus et établit des normes régissant la prise de décisions, tant pour le gouvernement que pour l'industrie. Les travaux à court terme qui sont actuellement effectués comprennent les activités suivantes: clarification du processus d'évaluation environnementale dans l'optique de l'aquaculture, assortie d'un guide national énonçant les besoins d'information pour évaluer les effets environnementaux de l'aquaculture marine - tant pour les poissons, mollusques et crustacés.
Nous sommes également en train d'élaborer un guide national pour l'application de l'article 35 de la Loi sur les pêches à l'aquaculture - ce dont a parlé M. Thompson. Nous envisageons également de produire d'autres documents d'orientation sur l'application des dispositions de l'article 36 de la Loi sur les pêches, les introductions et les transferts d'organismes aquatiques, l'application des pouvoirs de gestion du poisson à l'aquaculture, l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables et plus particulièrement, la durée des approbations de la LPEN.
Au besoin, ces efforts contribueront à la préparation de modifications législatives et réglementaires exhaustives. Nous avons réalisé de grands progrès dans l'élaboration de ces lignes directrices et prévoyons être en mesure de remettre des versions provisoires à l'industrie et aux provinces au cours des prochaines semaines.
Le troisième élément de notre plan d'action porte sur la création d'un environnement politique favorable qui aille de pair avec un environnement réglementaire habilitant.
[Français]
Le troisième élément de notre plan d'action porte sur la création d'un environnement politique favorable pour établir certaines conditions pour le développement durable de cette industrie au Canada. Premièrement, nous dressons un cadre politique visant à orienter le MPO et nos employés pour appliquer les politiques actuelles au secteur de l'aquaculture ou élaborer de nouvelles politiques et de nouveaux programmes.
[Traduction]
L'élément suivant du plan d'action est un Programme national de santé des animaux aquatiques. Le MPO collabore avec l'industrie et les provinces pour établir une stratégie nationale sur la santé des animaux aquatiques comprenant trois grands éléments. Premièrement, des lois, des règlements et des program mes renforcés pour le contrôle des maladies et la gestion des risques; deuxièmement, des connaissances accrues et des infrastructures solides pour améliorer la santé du poisson, les méthodes de diagnostic et la compréhension de la répartition des maladies; troisièmement, des programmes basés sur la stratégie apporteraient une plus grande certitude dans la gestion des maladies, en réduiraient les répercussions sur le poisson d'élevage et comporteraient certains avantages pour les stocks sauvages.
Le dernier élément du plan d'action est un dialogue soutenu et constructif avec les provinces et les territoires par le truchement du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture, qui a créé un groupe de travail sur l'aquaculture pour harmoniser les processus, comme les demandes d'établissements aquacoles. Nous faisons de bons progrès dans tous les aspects de ce plan d'action.
Avant de terminer, j'aimerais maintenant parler du rapport du vérificateur général et répondre brièvement à ses quatre principales recommandations. Pour ce qui est de préciser davantage l'application des articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches aux activités aquacoles, les activités que j'ai mentionnées plus tôt dans l'aspect d'environnement réglementaire favorable de notre plan d'action y répondent de toute évidence. Nous sommes en train d'élaborer des documents d'orientation, de travailler sur les définitions et nous cherchons à obtenir les données scientifiques nécessaires pour assumer nos obligations dans ce domaine.
Pour ce qui est du contrôle et de l'application des règlements concernant l'habitat, le MPO a ajouté trois équivalents à temps plein à ses ressources actuelles dans la région du Pacifique dans le cadre du Programme d'aquaculture durable. En plus de ses propres efforts de contrôle, le MPO travaille en étroite collaboration avec les ministères provinciaux de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêches et de l'Environnement, des Terres et des Parcs qui entreprennent une évaluation intensive des effets des élevages de poisson sur l'environnement benthique. Ces activités sont conformes à la recommandation du vérificateur pour que nous renforcions nos capacités de contrôle et collaborions avec la Colombie-Britannique au sujet des exploitations d'élevage du saumon.
[Français]
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le MPO a maintenant obtenu d'importantes ressources nouvelles pour les sciences biologiques et environnementales, et les priorités de recherches ont été établies. Ces priorités sont généralement conformes aux observations faites dans le rapport du vérificateur général.
[Traduction]
Pour ce qui est de l'observation du vérificateur général concernant le Programme de surveillance du saumon de l'Atlantique, je suis heureuse de signaler qu'au cours de l'exercice financier 2000-2001, les activités de ce programme se sont intensifiées et des efforts additionnels ont été déployés en surveillance active. Des fonds accrus de la province, une contribution importante de l'industrie et une affectation du ministère ont appuyé le tout.
[Français]
Pour terminer, nous croyons que les nouveaux investissements consacrés à l'aquaculture permettent au ministère de créer les conditions qui permettront mieux à cette industrie prometteuse de faire concurrence à l'échelle internationale. Par ailleurs, nous croyons que ces nouveaux investissements et le plan d'action du MPO, positionnent le ministère de façon à mieux répondre aux importantes préoccupations exprimées par le vérificateur général et établissent un fondement solide pour accroître la confiance publique envers la durabilité environnementale de ce secteur.
[Traduction]
Le président: Merci. Je ne connais pas l'expression «habitat benthique». Pourriez-vous nous l'expliquer?
Mme Forand: Je vais demander à mon collègue de la Direction des habitats, ou à sa collègue, Mme Price, de vous expliquer scientifiquement le sens de cette expression.
Mme Iola Price, directrice, Direction des sciences de l'aquaculture, Direction générale des sciences, des océans et de l'aquaculture: Les benthos, ce sont les petits animaux et les plantes qui vivent au fond de l'océan. Le mot benthique est l'adjectif qui décrit les benthos qui y vivent. Il qualifie ce qui vit au fond des océans. Les études que nous menons au MPO avec les provinces et l'industrie portent sur l'impact de l'écoulement du contenu des cages à saumon sur les benthos, ou sur d'autres organismes aquatiques qui vivent sous les cages.
Le sénateur Robertson: Je remercie les deux groupes d'être venus témoigner ce soir. Vous nous avez donné beaucoup d'information, ce qui nous tiendra occupés pendant un certain temps. C'est la première fois que je lis votre déclaration d'ouverture, madame Forand. S'agit-il là de votre réponse aux commentaires du vérificateur général lors de sa vérification sur la côte Ouest? Considérez-vous votre déclaration d'ouverture comme une réponse à ses observations?
Mme Forand: Oui, c'est en partie une réponse aux commentaires du vérificateur général, mais aussi, en partie, la réalisation des objectifs que nous avions établis dans notre plan stratégique. Au moment où l'équipe du vérificateur général faisait son travail il y a un an, nous étions en train d'élaborer les éléments d'une proposition en vue de l'établissement d'un programme d'aquaculture durable. Nous sommes heureux de constater que ce que nous devions faire et les investissements que nous devions engager sont tout à fait conformes aux commentai res du vérificateur général. Ses commentaires dans le chapitre 30 furent appréciés parce qu'ils reflétaient les domaines et les éléments qui nécessitaient des investissements plus importants.
Nous étions satisfaits d'avoir pu établir un programme, de le faire approuver et d'obtenir les fonds nécessaires à sa mise en 9uvre. Cela nous a permis, tout en nous soumettant aux observations du vérificateur général, d'atteindre nos deux principaux objectifs, à savoir: accroître la confiance du public, ce qui est très important pour l'avenir de l'aquaculture au Canada, et nous assurer en même temps de pouvoir accroître la compétitivité de notre industrie à l'échelle mondiale. Autrement dit, nous nous sommes assurés que l'aquaculture au Canada n'est ni plus coûteuse, ni plus difficile que n'importe où ailleurs au monde, ce qui ouvre la concurrence à nos producteurs aquacoles. Nous avions deux objectifs et nous étions convaincus que les composantes de ce programme s'équilibrent bien dans ces deux domaines.
Le sénateur Robertson: Monsieur Thompson, est-ce que cette déclaration vous rassure quant aux préoccupations que vous avez exprimées lors de la vérification?
M. Thompson: Certainement, le travail qu'a décrit Mme Forand vient régler et continuera de régler les problèmes soulevés dans le chapitre. Mme Forand et ses collègues savent mieux que moi que les embûches sont dans les détails et les applications. Ainsi, nous surveillerons la situation au cours des prochaines années en tant que vérificateurs externes du Parlement. En ce qui a trait à la quantité de travail, nous en sommes tout à fait satisfaits et contents.
Le sénateur Robertson: Je vais être plus précise. Monsieur Thompson, comment en êtes-vous arrivés à décider de faire trois vérifications, depuis 1997, du Plan de gestion du saumon du Pacifique du MPO?
M. Thompson: Nous avons un bureau sur la côte Ouest à Vancouver. L'industrie du saumon occupe une place assez importante dans l'industrie de la pêche sur la côte Ouest. Nous avons passé en revue certains domaines de notre plan stratégique il y a quelques années pour déterminer quels grands programmes devrions-nous examiner au nom du Parlement, et dans quelle région. L'industrie du saumon sur la côte Ouest était extrêmement importante et nous avons convenu qu'il nous fallait la vérifier. Nous avons décidé de procéder par étapes plutôt que de ratisser trop large en même temps. C'est ainsi qu'on en est arrivés à examiner l'industrie du saumon et à rédiger trois chapitres à ce sujet.
Le sénateur Robertson: Est-ce simplement parce que vous n'avez pas eu le temps ou y a-t-il une autre raison pour laquelle vous n'avez pas fait de vérification sur la côte Est?
M. Thompson: Nous n'avions pas l'intention d'examiner la situation dans tout le pays. Nous estimions impossible de le faire pour une chose qui paraissait aussi difficile que l'aquaculture, si bien que nous avons limité la portée de notre vérification à la côte Ouest et aux effets de l'aquaculture sur les stocks de saumon sauvage. Peut-être aurions-nous pu élargir notre investigation, mais nous voulions être capables d'assimiler ce que nous ferions, si vous voulez, et nous assurer que nous pourrions faire le travail prévu.
Le sénateur Robertson: Ma question suivante s'adresse à nouveau à la SMA du MPO. Si le vérificateur général faisait une vérification de l'aquaculture qui se pratique dans la baie de Fundy, à votre avis, qu'est-ce qu'il recommanderait et comment y répondriez-vous? Je sais que ma question est quelque peu hypothétique, mais ceux d'entre nous qui viennent de la côte Est s'intéressent particulièrement aussi à la question.
Mme Forand: J'hésite à me mettre personnellement à la place des vérificateurs. Pourtant, j'ose espérer que s'ils examinaient les activités aquacoles de la baie de Fundy en 2001, ils constateraient que la collaboration entre la province et le gouvernement fédéral s'est améliorée et que des mécanismes ont été mis en place pour coordonner le travail à faire - qu'il s'agisse de surveillance, de contrôle des maladies ou d'études sur les demandes d'établisse ments - et que le tout est fait de façon conforme et professionnelle, appuyé sur des recherches scientifiques.
Je crois que les vérificateurs constateraient également que les investissements que nous faisons par le truchement du Programme d'aquaculture durable permettent de mieux nous assurer que les sites d'aquaculture ne nuisent pas à la navigation et qu'ils ne constituent pas une menace à l'habitat. Plus particulièrement, je crois qu'ils reconnaîtraient que nous avons adopté une «approche de gestion adaptée». Quand nous ignorons quelles seraient les répercussions sur l'habitat, notamment, nous mettons en place des protocoles de surveillance et de contrôle afin que l'industrie, la province et le gouvernement fédéral puissent effectuer une surveillance conjointe continue. De cette façon, ils peuvent s'entendre à l'avance sur les signaux indiquant la nécessité d'intervenir en cas de problèmes, et sur les mesures qui devront être prises.
Je suis peut-être trop optimiste, mais j'ose espérer que le vérificateur général trouverait des choses positives à dire sur la gestion de l'industrie de l'aquaculture dans la baie de Fundy.
Le sénateur Robertson: À votre avis, est-ce que l'écosystème peut accueillir d'autres exploitations dans la baie de Fundy et, plus spécifiquement, comment le savez-vous?
Mme Forand: Nous continuons de faire des études dans cette région. Certains des crédits provenant du Programme d'aquaculture durable seront affectés aux travaux scientifiques qu'entreprend actuellement le ministère sur la capacité d'assimilation et d'autres considérations dans la baie de Fundy. Le Nouveau-Brunswick a créé cette année un plan de gestion de l'aquaculture pour la baie de Fundy qui comporte plusieurs objectifs, notamment l'établissement d'un système de classement par année selon lequel on allouerait des catégories pour les années impaires dans une baie, et des catégories pour les années paires dans une autre. La province tente ainsi de répartir plus équitablement les piscicultures, dans la mesure du possible.
Et nous collaborons avec la province pour entreprendre certains travaux dès l'été afin d'examiner les possibilités d'exploitation piscicole dans des régions qui ne sont pas encore exploitées. Il ne fait aucun doute qu'à un moment donné, on atteint une limite. Nous ne croyons pas en être arrivés là, mais nous aimerions envisager d'autres endroits propices à la pisciculture. Cela ne fait aucun doute. Il y a une limite à l'expansion. Nous n'en sommes pas là, mais nous continuons de surveiller étroitement les répercussions que cela peut avoir.
Le sénateur Robertson: J'aimerais poser des questions au sujet de l'exactitude de la science. On nous dit toujours que les recherches scientifiques sont en cours, on nous informe sur les stocks de poisson à tel endroit. Tout à coup, il n'y en a plus de poissons. Mais je vais attendre à la prochaine ronde de questions.
Le sénateur Chalifoux: Ma première question concerne les relations entre votre ministère et la province de la Colombie-Bri tannique. Les relations sont-elles bonnes? Que se passe-t-il?
Mme Forand: En ce qui concerne l'aquaculture, nos relations avec la Colombie-Britannique sont très positives, surtout depuis un an ou deux. Avant, on a connu certaines difficultés sur toute une gamme de questions. La province a adopté une nouvelle politique de gestion de l'aquaculture à l'automne de 1999, dont l'objectif était de doubler la production de mollusques le long de la côte. La Colombie-Britannique a également adopté certains mécanismes pour que les piscicultures de saumon qui n'étaient pas avantageusement situées puissent s'installer ailleurs, ou pour que les piscicultures de saumon qui souhaitaient utiliser la toute nouvelle technologie soient autorisées à le faire.
Depuis, pour faciliter l'application de la politique, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Colombie-Britannique au processus d'approbation des emplacements. Nous avons siégé ensemble à plusieurs comités, comme nous l'avons fait au Nouveau-Brunswick. Ce que nous tentons surtout de faire actuellement, c'est d'harmoniser nos exigences concernant la surveillance et l'information donnée dans le cadre du processus de demande des emplacements et d'harmoniser la surveillance constante. Il ne s'agit pas de faire passer les besoins de la province avant les nôtres, mais bien plutôt de faire connaître nos exigences. Ainsi, le gouvernement fédéral peut réglementer et surveiller adéquatement cette industrie et lui spécifier les renseignements dont nous avons besoin et quand nous en avons besoin. De la même façon, la province fait valoir sa responsabilité sur la location des emplacements et spécifie ses propres besoins de renseignements aux requérants, et quand elle veut ces renseignements. Tout cela pourrait être conjugué en un seul processus, autant que faire se peut, dans le but de mieux satisfaire les besoins des demandeurs et d'autres personnes intéressées par ces demandes.
Le sénateur Chalifoux: D'après le rapport du vérificateur général, la Colombie-Britannique assure près de 70 p. 100 de la production de poisson au Canada. La province compte 17 sociétés qui exploitent 105 piscicultures de saumon. Ma question est la suivante: pourquoi le ministère des Pêches a-t-il importé du saumon de l'Atlantique dans le Pacifique?
Mme Forand: La décision a été prise il y a quelque temps. Je demanderais peut-être à ma collègue, Mme Price, qui est de la Direction des sciences, si elle a des commentaires à faire sur les différences entre le saumon de l'Atlantique et du Pacifique et pourquoi cette espèce a été retenue. Ce que je crois savoir, c'est qu'au départ, le saumon de l'Atlantique a été choisi parce qu'on en connaissait les méthodes de production.
Le saumon de l'Atlantique, disait-on, atteignait plus rapidement sa maturité et se vendait mieux. Des efforts ont été déployés au début du siècle pour implanter le saumon de l'Atlantique dans les eaux du Pacifique, mais ça n'a pas fonctionné. Le saumon de l'Atlantique n'a pas survécu. Je suppose que les spécialistes ont considéré que le risque d'hybridation était minime après avoir mené ces expériences.
Je crois savoir qu'à l'époque, on ne connaissait pas grand-chose des méthodes de production du saumon du Pacifique parce que la grande partie de la recherche avait été faite sur le saumon de l'Atlantique. C'est donc pour cela qu'il constituait une espèce plus intéressante. Je dois dire que les piscicultures de la Colombie-Britannique ne produisent pas exclusivement du sau mon de l'Atlantique. Quantité de saumon chinook du Pacifique est également produit. J'aimerais savoir ce que Mme Price en pense.
Mme Price: Je n'étais pas au ministère lorsque la décision a été prise, mais j'ai lu certaines choses à ce sujet. L'État de Washington avait introduit le saumon de l'Atlantique dans l'aquaculture deux ans auparavant. On avait un problème de compétitivité de l'industrie canadienne par rapport à l'industrie américaine. Le saumon de l'Atlantique s'imposait progressive ment comme la norme de l'industrie dans le monde entier, semblait-il. C'était l'espèce préférée des consommateurs de partout. L'industrie a dit au ministère que le saumon de l'Atlantique raflerait la plus grande part du marché.
Comme l'a dit Mme Forand, on possédait beaucoup d'information sur la technologie de la culture du saumon de l'Atlantique. Fait intéressant à signaler, la majeure partie, voire au moins une bonne partie de l'information sur l'amélioration de l'espèce provenait des recherches de notre propre ministère sur le saumon de l'Atlantique sur la côte Est. On produit aujourd'hui du saumon du Pacifique - du chinook et du cohoe. Le pourcentage du marché du saumon de culture de la Colombie-Britannique a quelque peu diminué, mais la province occupe 15 p. 100 du marché. Le saumon de l'Atlantique est plus docile en captivité, il s'y adapte plus rapidement, atteint plus rapidement sa maturité et, comme je l'ai dit, est plus en demande sur les marchés.
Le sénateur Chalifoux: Le mixage d'espèces comme celles-là m'inquiète beaucoup parce que cela peut causer des maladies ou d'autres problèmes qu'on ne connaît pas maintenant. Je n'aime pas beaucoup ces expériences de génétique.
Madame Forand, vous avez parlé de recherche scientifique. Les Nisga'a ont conclu une entente dont une partie porte sur la migration anadrome des saumons. Les Nisga'a ont établi un partenariat avec votre ministère. Quand vous avez parlé de science et de scientifiques, je ne vous ai pas entendu parler de l'expertise des peuples autochtones qui pêchent depuis des milliers d'années et qui connaissent bien les habitats. Est-ce que vous travaillez actuellement avec les communautés autochtones de la Colombie-Britannique pour établir de bonnes relations? Nos gens ont perdu beaucoup d'emplois, et ils en souffrent énormé ment; pourtant, leur expertise n'est même pas prise en compte.
Mme Forand: Je vais vous donner une réponse générale, après quoi je vais demander à ma collègue, Mme Price, d'ajouter son point de vue scientifique.
Quand on parle d'investissements dans la science, la R-D, surtout quand on parle de la recherche scientifique qu'effectue le MPO, notre politique est de tenir compte de la valeur des connaissances locales et traditionnelles. Nous n'avons pas toujours autant de mécanismes que nous devrions pour profiter du savoir traditionnel, mais c'est là une chose que nous reconnais sons et que nous cherchons à améliorer.
En ce qui concerne les relations avec les Premières nations de la Colombie-Britannique, et pour ce qui est des Nisga'a et des autres Premières nations avec qui nous avons des ententes, nous déployons des efforts pour intégrer le savoir traditionnel et local que ces gens peuvent apporter à nos relations. Même chose pour la recherche et la science environnementale sur les habitats de poisson et sur les autres questions concernant le secteur de l'aquaculture.
Mme Price: Je ne suis pas certaine d'avoir quoi que ce soit à ajouter à ce qu'a dit Mme Forand, sauf que le ministère est actuellement en pourparlers avec tous les groupes autochtones du Canada et nous utilisons leur connaissance de l'environnement.
Nous encourageons les Autochtones de tout le Canada à profiter, selon leurs conditions, des possibilités d'aquaculture dans des endroits qui leur conviennent et avec des espèces qui peuvent être disponibles à l'échelle locale et facilement cultivables. Je crois savoir que les Premières nations de la Colombie-Britannique s'intéressent beaucoup à la culture des mollusques. Nous encourageons les groupes locaux et les bandes à bénéficier de l'industrie de l'aquaculture, s'ils le veulent. C'est à eux ou à vous de décider.
Le sénateur Chalifoux: Est-ce qu'ils sont rémunérés au même titre que vos scientifiques parce que leur travail est tout aussi valide? Est-ce qu'on les paie pour leur expertise?
Mme Forand: Je n'ai pas de détails là-dessus, sénateur, mais je suis certaine de pouvoir obtenir l'information sur les ententes avec les Premières nations de la Colombie-Britannique et d'ailleurs. En général, nos ententes englobent une vaste gamme d'activités - surveillance, recherche scientifique, collecte de données, et cetera.
D'après mon expérience, il y a toujours une subvention ou une entente de contribution entre les Premières nations et le ministère pour la cueillette de l'information et le travail à faire. Dans l'ensemble, les personnes qui font le travail sont rémunérées par les Premières nations à même les subventions et les contributions qu'elles reçoivent de nous.
Nous vous fournirons de plus amples renseignements sur nos relations avec les Premières nations et l'utilisation du savoir traditionnel et local.
Le sénateur Chalifoux: J'aimerais bien. J'ai posé la question parce que pendant de nombreuses années, les chercheurs et les scientifiques sont venus dans nos communautés, nous ont parlé et sont ensuite retournés chez eux pour terminer leurs thèses. Beaucoup ont obtenu leur baccalauréat, leur maîtrise et d'autres diplômes sur le dos de nos peuples. C'est pourquoi il est temps que certains de nos membres reçoivent un certain avantage du savoir traditionnel qu'ils transmettent.
Le sénateur Cook: J'aimerais vous parler de votre plan d'action en matière d'aquaculture. J'ai été emballée quand j'en ai fait la lecture parce qu'on y aborde beaucoup de choses qui me préoccupent, surtout la santé des poissons. Jusqu'à ce que j'en arrive à la fin où on dit que vous travaillez avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux parce que la compéten ce de cette industrie est une compétence partagée. Je me demande dans quelle mesure votre plan est efficace compte tenu qu'il y a deux intervenants dans le jeu?
Pourriez-vous aussi m'aider à comprendre la structure et certaines des répercussions de l'industrie car il est dangereux d'en savoir trop peu. J'ai entendu le témoignage de M. Rideout, directeur général de la Canadian Aquaculture Alliance. Où son organisme s'intègre-t-il dans votre structure? Qui est responsable de ce nouveau secteur emballant? Qui est responsable des répercussions qui sont encore inconnues, surtout dans le domaine de la santé des poissons? Pourriez-vous m'aider à comprendre ces éléments?
Mme Forand: Je vais faire de mon mieux pour décrire brièvement les questions de compétence qui entrent en jeu dans la gestion de l'aquaculture. La Constitution canadienne n'est certes pas très utile à cet égard. Les rédacteurs de la Constitution n'avaient pas en tête l'aquaculture lorsqu'ils ont fait la répartition des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral. Cependant, dans l'application de la Constitution, bien que les avocats soient mal préparés à établir des distinctions subtiles, nous trouvons de fermes et fructueux accommodements pour travailler avec les provinces et l'industrie.
Je vais tenter de vous rassurer sur l'efficacité de notre plan d'action, par exemple. Si nous travaillons en harmonie, n'est-ce pas efficace? De fait, nos domaines de compétence sont assez clairs. Par exemple, le gouvernement fédéral, par le truchement du MPO, est responsable de la sécurité de la navigation en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, et de la protection des stocks de poisson et des habitats en vertu de la Loi sur les pêches. Ces deux mesures législatives nous donnent des responsa bilités et des obligations claires et précises pour ce qui est de la protection de ces deux domaines. Par exemple, la province a la responsabilité de délivrer un permis à la personne qui veut pratiquer l'aquaculture dans un emplacement donné. Elle délivre le permis de location parce que chaque province en a le pouvoir, sauf l'Île-du-Prince-Édouard où c'est le gouvernement fédéral qui exerce le pouvoir au nom de cette province. Ce pouvoir a été assumé à la demande de l'Île-du-Prince-Édouard.
Même si la province peut émettre un bail, elle ne peut délivrer un permis d'habitat de poisson ni un permis de protection des eaux navigables. Ces deux questions nécessitent une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Lorsqu'un requérant présente une demande d'emplacement pour fins d'aquaculture, il doit présenter sa demande à la province. La province communique immédiatement avec le MPO pour lui demander son opinion. L'installation touchera-t-elle l'habitat des poissons et, le cas échéant, quelles mesures d'atténuation devront être prises? Cela aura-t-il un impact sur la navigation? Si oui, il faudra délivrer un permis et effectuer une évaluation environnementale. C'est notre façon de collaborer pour assurer la simultanéité des processus, ce qui évite au requérant d'attendre peut-être quatre mois pour obtenir toutes les approbations de la province, et quatre autres mois pour obtenir toutes les approbations du gouvernement fédéral. Nous essayons de traiter les demandes en même temps.
Nos responsabilités en matière d'approbations sont distinctes. Nous avons certainement pleine compétence et contrôle total sur l'évaluation des dommages causés aux habitats de poisson, et sur l'évaluation de tous les obstacles à la navigation. Cela ne fait aucun doute. Chacun d'entre nous a son propre rôle à jouer. L'harmonisation constitue l'un des objectifs du plan d'action. Le nôtre est de nous assurer de définir clairement les responsabilités respectives, de nous assurer que les requérants comprennent qui est responsable de quoi et, dans la mesure du possible, d'harmoniser nos processus afin de pouvoir travailler simultanément et d'être aussi efficaces que possible pour le requérant.
Le sénateur Cook: Mais où se situe la Canadian Aquaculture Alliance dans l'équation?
Mme Forand: Il s'agit d'une organisation de l'industrie, qu'on qualifie d'organisation représentative, de lobby ou d'organisation politique pour l'industrie. L'Alliance a toujours été structurée comme s'il s'agissait pratiquement d'une fédération d'associa tions provinciales - Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Colombie-Britannique, et cetera. Elles réunissent les fonds pour former cette association et présenter un front uni chaque fois que cela est possible. Ainsi, l'Alliance peut défendre le point de vue de l'industrie.
Nous sommes satisfaits d'avoir un interlocuteur comme M. Rideout. Nous pouvons ainsi nous adresser à l'ensemble de son industrie par son entremise. M. Rideout peut consulter ses membres et nous revenir. Mais c'est un représentant de l'industrie et il ne fait pas valoir tous les intérêts dont nous devons tenir compte. Il représente l'industrie de l'aquaculture au Canada. Et cette industrie est de plus en plus désireuse de travailler en collaboration avec nous, notamment pour établir des codes de conduite. Par exemple, on veut rassembler l'industrie et obtenir consensus en ce qui a trait à ses besoins. Ensuite, on s'amène à la table et on les informe de nos exigences en matière d'assurance, de surveillance et autres considérations que contiendrait un code de conduite. Si nous pouvons conclure une entente, ça devient une initiative partagée.
Le sénateur Cook: Diriez-vous alors qu'il s'agit d'une compétence partagée qui inclut le dialogue avec les provinces et l'Alliance, mais qu'essentiellement, c'est le MPO qui a le dernier mot?
Mme Forand: Oui, c'est le MPO qui a le dernier mot, surtout en ce qui concerne la protection des stocks de poisson, les habitats et la sécurité de la navigation.
Le sénateur Cook: Mais qu'advient-il de la santé des poissons?
Mme Forand: La santé des poissons également.
Le sénateur Adams: Monsieur Thompson, depuis qu'on pêche et qu'on produit du saumon, il y a des problèmes, surtout sur la côte de la Colombie-Britannique. On se chamaille au sujet du poisson et il y a deux ou trois ans, on a dû interrompre la pêche à cause des luttes entre les pêcheurs américains et les pêcheurs canadiens. Comment les choses se passent-elles maintenant? Est-ce que les choses vont mieux pour les pêcheurs? Je me souviens précisément du témoignage de certains Autochtones devant le comité. Ils ont dû mettre un terme à la pêche parce qu'il n'y avait plus de poisson. Comment le système fonctionne-t-il aujourd'hui? Est-ce mieux pour les pêcheurs? Les syndicats sont-ils satisfaits maintenant? Est-ce qu'ils obtiennent leur argent? Comment ça fonctionne?
M. Thompson: Je peux faire un commentaire ou deux et peut-être que ma collègue, Mme Forand, voudra ajouter ses commentaires également. Il me semble que les points de vue sont assez différents sur la question de la production du saumon sur la côte Ouest. Il y a ceux qui pensent que cela cause des problèmes graves. D'autres disent qu'il y a peut-être des problèmes, mais qu'il existe des possibilités incroyables dans ce domaine également.
Je dirais qu'il y a une tension constructive en ce qui concerne l'aquaculture - plus particulièrement la production du saumon - sur la côte Ouest.
Cette tension peut être très fructueuse. On se concentre, comme on l'a vu, sur le travail accompli pour la production de saumon sur la côte Ouest. Ce qui encourage le ministère à entreprendre de la recherche dans des domaines qui lui permettront peut-être de devenir un organisme de réglementation plus efficace. C'est une bonne chose. Le fait de faire ce qu'il faut offre des possibilités incroyables.
Il y a également une volonté de la part du ministère, et on l'espère, d'autres intervenants pour que tout fonctionne bien. Cependant, comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à une question qui a été posée, il nous semble que les embûches sont dans les détails et dans les applications. Nous - le ministère et les vérificateurs externes - devrons tous nous assurer que le travail planifié et exécuté par le ministère permet véritablement de régler les préoccupations que nous soulevons dans le chapitre. De fait, bon nombre de ces préoccupations sont celles dont vous avez parlé dans votre question.
Nous affichons un optimisme prudent - aussi prudent que des vérificateurs puissent l'être dans ce monde - à savoir que les planètes sont bien alignées pour nous permettre de régler les problèmes que nous soulevons. Or, nous voulons voir comment le travail qui est planifié permet de régler ces enjeux. Je dirais que votre comité peut jouer un rôle assez important pour faciliter la résolution de ces problèmes.
Tous les ministères - et le MPO ne fait pas exception - disposent de ressources spécifiques et d'un certain échéancier pour faire leur travail. Je pense que le ministère s'occuperait des secteurs où il y a volonté politique et intérêt de la part des parlementaires de régler certains problèmes précis. En réalité, le ministère peut «garder la main au feu» pour être sûr que le travail qu'il planifie est effectué et que les problèmes que votre comité a exprimés sont examinés comme il se doit.
Le sénateur Adams: Vous dites qu'il y a 17 sociétés qui exploitent 105 entreprises aquicoles. Il y avait des quotas avant l'exploitation. Maintenant, on a les propriétaires de piscicultures de saumon. Les gens pêchent et ils ont des quotas à respecter chaque année. Comment ce système de quotas fonctionne-t-il pour la pêche au saumon?
M. Thompson: Je ne connais pas très bien l'évolution de la situation en ce qui concerne les stocks, les quotas et ce genre de choses. Si vous permettez, je demanderai à Mme Forand de répondre à cette question. Une chose que je pourrais peut-être clarifier, c'est que, d'après ce que nous savons, aucune autre pisciculture de saumon ne s'est établie sur la côte Ouest depuis l'imposition du moratoire. De fait, il y a plus de saumons, mais ces quantités supplémentaires proviennent des piscicultures actuelles. Il n'y a pas de nouvelles piscicultures qui ont été crées.
Mme Forand: Bien que le MPO appuie le développement durable de l'aquaculture au Canada, y compris la salmoniculture en Colombie-Britannique, nous ne considérons aucunement que cette salmoniculture remplace la pêche du saumon sauvage. De fait, nous continuons de gérer les stocks de saumon sauvage en tant que tels et ce, pour assurer leur survie. Nous ne voyons pas de compromis entre les stocks de saumon sauvage et le poisson d'élevage. Il y a des emplacements qui se prêtent parfaitement à l'élevage de poisson et certaines personnes sont très bien équipées pour le faire. Il y a des investissements qui méritent d'être faits dans le poisson d'élevage.
De même, il y a des stocks de poisson sauvage à protéger. De fait, le ministère a publié un document l'an dernier intitulé «Draft Wild Salmon Policy for B.C.» touchant particulièrement le saumon du Pacifique. Les auteurs du document établissent la façon dont nous chercherons à gérer le saumon sauvage pour préserver la biodiversité du saumon de la côte Ouest et protéger les stocks qui sont importants - tant pour eux-mêmes que pour la pêche commerciale ou récréative des Premières nations et d'autres pêches. À notre avis, ces activités ne s'excluent pas mutuellement et ne sont pas incompatibles. Certes, nous devons faire nos devoirs en ce qui concerne le saumon sauvage et considérer l'aquaculture comme une autre industrie qui est viable pour la Colombie-Britannique.
Le sénateur Adams: Est-ce que vous savez s'il existe une écloserie viable pour le poisson ou le saumon en Colombie- Britannique?
Mme Forand: Il y a des stations salmonicoles en Colombie- Britannique. Dans l'ébauche de politique sur le saumon sauvage, il est question des considérations à prendre en compte pour les stations d'alevinage du saumon et pour le saumon d'élevage, par opposition à ce qu'on appellerait les «stocks sauvages», c'est-à- dire ceux qui peuvent être retracés, je crois que c'est ce que dit la politique, deux générations en amont en ce qui a trait au frai dans les cours d'eau. Il y a encore certaines activités d'alevinage qui se font en Colombie-Britannique. Nous pourrions obtenir plus d'information à ce sujet si vous le souhaitez, sénateur.
Le sénateur Adams: Je suis allé à Victoria, en Colombie- Britannique, après quoi je me suis rendu dans l'État de Washington pour visiter une importante station salmonicole. Les Américains nous ont dit que la plupart du saumon que l'on produisait chez nous descend chez eux. Et cela les inquiète. Dès que le poisson descend dans la mer, peu importe d'où il provient, il va aller où il veut, même aux États-Unis.
Le sénateur Watt: Premièrement, j'aimerais préciser que dans ma région, que l'on appelle Nunavik, nous avions à une certaine époque du saumon de l'Atlantique en abondance, quand j'étais plus jeune. Mais il n'y en a plus autant qu'avant. Je me souviens d'avoir essayé de transporter un saumon qui était plus gros que moi. J'avais probablement neuf ans à l'époque.
Nous avons effectivement trois importantes rivières à saumon, mais ces rivières se sont épuisées avec le temps au point où les stocks sont maintenant méconnaissables, que ce soit du saumon de l'Atlantique ou un mélange de saumon de l'Atlantique et de ouananiche. On ne sait pas comment ça se fait. Pêches et Océans devrait prendre un peu de temps pour élaborer des programmes afin de voir ce qui se passe actuellement, comment nous pouvons améliorer le stock et le ramener dans nos rivières.
Monsieur Thompson, si j'ai bien compris votre exposé, vous dites que le MPO devrait être plus vigilant pour étudier la situation non seulement dans la zone de l'habitat, mais pour ce qui concerne les stocks régionaux, c'est-à-dire les stocks sauvages. Vous avez dit ici que ces stocks ont diminué considérablement.
Vous avez également dit qu'il y a 17 sociétés de pisciculture de saumon actuellement et elles augmentent la production.
Est-ce qu'il se fait une évaluation environnementale avant de décider de l'emplacement de l'aquaculture? Y a-t-il une évaluation adéquate qui tienne compte des impacts qui pourraient être adjacents à cet emplacement en particulier? Je pense que nous devons nous préoccuper de la santé des stocks sauvages, mais également de la santé des êtres humains.
Si on ne contrôle pas vraiment la situation, on se rendra peut-être compte qu'on est en train de ruiner les stocks naturels et de devenir un danger pour nous-mêmes. Cela m'inquiète.
M. Thompson: La façon dont je comprends le fonctionnement du système viendra peut-être atténuer vos préoccupations, sénateur. D'après ce que je comprends, s'il doit y avoir expansion de l'industrie de l'aquaculture sur la côte Ouest, cela va provoquer une évaluation environnementale. Si l'expansion était importante, je suppose qu'on ferait une évaluation environnemen tale rigoureuse. Cela fait partie du processus et de la loi. Si elle est faite comme il se doit, l'évaluation environnementale devrait permettre de régler les questions qui vous inquiètent.
En ce qui concerne les piscicultures de saumon actuelles, la province a fait une évaluation environnementale. Évaluation que l'on retrouve dans la SAR (Salmon Aquaculture Review) qui a été faite en 1997 et dont nous parlons dans le chapitre. C'est sur cette évaluation que s'est fié le ministère depuis lors pour examiner la question des piscicultures de saumon sur la côte Ouest et conclure qu'elles représentent une activité à faibles risques. Nous soulignons dans le chapitre qu'en ce qui concerne les piscicultures de saumon actuelles, les éléments qui permettaient d'affirmer qu'elles présentaient peu de risques ne sont peut-être plus aussi adéquats aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a trois ou quatre ans. La production de ces piscicultures de saumon a augmenté considérablement.
Certaines des hypothèses qui sous-tendent la SAR de 1997 semblent ne plus être aussi pertinentes. Plus précisément, nous savons maintenant que le poisson de l'Atlantique qui s'est échappé des piscicultures peut se reproduire dans les eaux canadiennes. On ne le pensait pas lorsque la SAR a été effectuée. Aujourd'hui, cela semble se confirmer.
Mme Forand: Comme M. Thompson l'a indiqué, toute demande d'établissement d'aquaculture doit être évaluée, qu'il s'agisse d'une pisciculture pour le mollusque ou pour le saumon. Comme il l'a dit, il y a encore un moratoire sur les nouvelles piscicultures de saumon en Colombie-Britannique. Chaque demande doit faire l'objet d'une évaluation en vertu de la Loi sur les pêches pour voir si le projet menace l'habitat. Presque toutes les installations que l'on établit pour la pisciculture représentent effectivement un risque possible pour la navigation et ainsi nécessitent la délivrance d'un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables et font l'objet d'une évaluation environnementale. Chaque évaluation doit déterminer non seulement l'impact de l'établissement pour lequel la demande est présentée, mais également l'impact cumulatif de cet établissement en plus des autres établissements de même que les impacts socio-économiques.
On ne tient pas seulement compte des préoccupations du MPO lorsqu'une évaluation environnementale est demandée. On examine des éléments comme les oiseaux migrateurs et d'autres impacts sur l'environnement et le milieu socio-économique ainsi que sur l'environnement naturel. Je crois que nous pouvons vous rassurer, parce que l'évaluation environnementale fait partie du processus d'approbation concernant les piscicultures de saumon.
Quant à la question de savoir si nous nous fions sur l'évaluation environnementale de 1997 pour prendre nos décisions aujourd'hui, j'ajouterais les éléments suivants. Comme il a été établi dans le programme de l'aquaculture durable et d'autres investissements, nous dépensons actuellement plus d'un million de dollars par année pour faire d'autres recherches scientifiques et d'autres études sur les répercussions de l'aquaculture sur l'environnement, l'habitat et les maladies du poisson. Nous améliorons actuellement nos connaissances sur les impacts cumulatifs et individuels des piscicultures.
Le sénateur Watt: Je ne comprends vraiment pas qu'on n'ait pas pensé que le poisson se reproduirait quand les gens ont commencé à discuter pour savoir s'il pouvait se reproduire ou non. Nous nous reproduisons tous. Je n'entrerai pas là-dedans.
Est-il possible, alors, que nous retrouvions dans le nord du Québec le genre de saumon que nous ne connaissons pas? Ce n'est pas du saumon ordinaire auquel nous sommes habitués. Est-il possible que ce saumon soit le produit de la reproduction de ces poissons d'élevage qui ont réussi à se mélanger avec les stocks sauvages?
Mme Forand: Monsieur le président, je vais tenter de répondre à la question et je demanderai peut-être à ma collègue, Mme Price, si elle a quelque chose à ajouter. La situation du saumon sauvage de l'Atlantique au Canada, au Groenland, en Islande et en Europe fait l'objet d'énormément de préoccupations et d'importantes études. Il ne fait aucun doute que les retours de saumon sauvage de l'Atlantique ont diminué de façon dramatique depuis le milieu des années 80 et continuent de diminuer. Les gens pensent que le déclin va s'arrêter, mais pourtant les stocks diminuent toujours.
Nous avons accordé énormément d'attention et de soin au saumon de l'Atlantique et il n'y a plus de pêche commerciale pour notre saumon de l'Atlantique sauvage nulle part au Canada. Les pêches récréatives sont strictement contrôlées. On fait surtout de la prise que l'on relâche. Et pourtant, les chiffres diminuent. De toute évidence, ce n'est pas l'exploitation qui contribue à ce déclin.
Les scientifiques ont examiné le problème. Il semble que ce soit une question de survie dans l'océan, mais ils ne savent pas où la survie se fait dans l'océan - est-ce que c'est près de la côte, loin de la côte? Ce sont des poissons qui voyagent beaucoup durant leur vie.
Quant à savoir si on remarque des changements dans le saumon et s'ils sont liés à la pisciculture d'une façon ou d'une autre, je ne suis au courant d'aucune recherche sur les changements génétiques du saumon sauvage de l'Atlantique. Je pourrais peut-être espérer vous rassurer en disant qu'en ce qui concerne le saumon d'élevage de l'Atlantique sur la côte est du Canada, nous avons effectivement adopté une règle précisant que seules les souches locales de poisson sont autorisées à être produites dans une région donnée. Autrement dit, nous n'introduisons pas de nouveaux types de saumon de l'Atlantique dans des régions où ce saumon n'existait pas au préalable dans le but de préserver l'intégrité génétique des stocks locaux.
Le sénateur Watt: Est-ce qu'un système de surveillance adéquat a été mis en place?
Mme Forand: Oui, tout à fait. Ma collègue, Mme Price, pourrait vous donner plus de renseignements concernant l'intro duction des stocks.
Mme Price: À ce que je sache, il n'y a eu aucune migration de saumon d'élevage échappé dans la région de Nunavik. Je connais un peu la ouananiche parce que j'ai grandi dans le nord de l'Ontario. La ouananiche, c'est un saumon d'eau douce de l'Atlantique retenu dans les eaux intérieures - à cause de changements dans l'environnement terrestre. La terre s'est soulevée après que les glaciers se sont retirés et ces saumons n'ont pas pu retourner à la mer. Ils se sont adaptés à la vie en eau douce. Il y a du saumon kokanee en Colombie-Britannique qui est une forme de saumon d'intérieur du Pacifique. Il n'a pas le choix de retourner dans l'océan.
Je ne suis pas au courant que le saumon de l'Atlantique ait migré dans des régions où on ne le trouve pas traditionnellement. Nous aimerions voir des spécimens. Nous pourrions alors demander aux experts du ministère des Pêches et des Océans de les inspecter et de voir d'où ils proviennent. Serait-il possible d'obtenir des spécimens, même des écailles ou certaines parties du poisson que l'on voit dans les rivières où on ne les avait jamais vus auparavant?
Le sénateur Watt: J'aimerais faire une observation sur le fait qu'on manque peut-être d'information scientifique. Le savoir traditionnel et l'information scientifique vont de pair. Je veux m'assurer qu'on ne tentera pas de séparer les deux. Tous les groupes scientifiques que j'ai rencontrés parlent aux personnes qui ont un sens commun lorsqu'elles veulent en savoir plus. Il y a des personnes qui possèdent un savoir traditionnel. Ces personnes peuvent donner un bon savoir traditionnel, elles ont les connaissances, elles écoutent, et elles ne parlent pas.
Vous avez mentionné que le MPO ne respectait pas nécessairement ses obligations en vertu de la Loi sur les pêches. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, ou si vous l'avez déjà fait? Je ne veux pas prendre trop de temps du comité.
Le président: Nous pourrions peut-être aborder cette question lors de la deuxième ronde, si cela ne vous dérange pas.
Mais avant de passer à la deuxième ronde, j'aimerais faufiler quelques questions. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que j'appellerais le degré de risque acceptable que présente la pisciculture. Je ne parlerai pas ici de mollusques, mais de poisson.
J'aimerais savoir si vous avez été capables d'établir une mesure. Rien ne peut être totalement exempt de risques. Tout le monde le sait. À la réunion annuelle de 1999 de l'Association aquicole du Canada, le ministre a parlé d'utiliser une approche prudente, et de viabilité, dans la mise en 9uvre du programme d'aquaculture. Comme vous le savez, le processus de prudence consiste à errer par prudence. Le commissaire de l'aquaculture a qualifié l'approche prudente d'expression à la mode parfaitement inutile dans le vrai monde. Il y a fait allusion lors d'une conférence sur le développement de l'aquaculture.
J'essaie de voir si vous, en tant que vérificateur général adjoint, avez été capable de prendre le pouls du ministère à ce sujet. Avez-vous été en mesure de déterminer en quoi consiste cette approche préventive? Si oui, est-elle en vigueur actuellement?
M. Thompson: Pour vous répondre bien simplement, nous avons constaté au moment où nous faisions le travail, que nous ne pensions pas que le ministère avait les outils nécessaires pour se permettre de s'engager dans une approche sérieuse basée sur les risques. Plus spécifiquement, il n'avait pas encore eu la possibilité d'établir des critères sûrs pour définir ce qui constitue une détérioration, une perturbation ou la destruction des habitats du poisson résultant de l'exploitation salmonicole sur la côte Ouest. Ça, c'est pour l'article 35 de la Loi sur les pêches.
En outre, le ministère n'avait pas établi de règlements ni de critères pour déterminer le moment où des substances nocives constituent ou non un problème. On se réfère ici à l'article 36 de la loi du ministère des Pêches et des Océans.
À notre avis, il y avait encore du travail à faire pour établir, de concert avec la province, des critères de localisation uniformes et crédibles pour les piscicultures - surtout si le nombre de piscicultures doit augmenter.
Mon dernier point concerne cette évaluation environnementale qui stimule la confiance de tous ceux d'entre nous qui ont participé à son élaboration. Pour s'assurer que de bonnes évaluations environnementales sont faites, il semblait nécessaire de combler ces deux ou trois lacunes à l'époque. Ainsi, lorsqu'on fait une évaluation environnementale ou une évaluation environnementale cumulative, l'objectif est de déterminer de façon cohérente et crédible ce qui constitue une détérioration, une perturbation ou la destruction de l'habitat du poisson, et de déterminer également quand le dépôt de substances nocives se révèle un problème ou non.
En résumé, nous avons supposé que le ministère n'avait pas les outils nécessaires pour s'engager dans l'adoption d'une approche adéquate fondée sur les risques pour examiner la question des piscicultures de saumon sur la côte Ouest.
Le président: Vous disiez que le ministère n'avait pas les outils à l'époque. Êtes-vous convaincu qu'il dispose maintenant des outils de gestion axés sur les risques?
M. Thompson: Monsieur le président, lorsque nous avons terminé la vérification, nous estimions qu'il ne les avait pas. Mme Forand et ses collègues ont évoqué les travaux en cours pour mettre en place, d'après ce que je comprends, les outils nécessaires pour faire ce travail. Nous n'avons pas fait de vérification depuis, et je ne peux faire de commentaires là-dessus.
Le président: Je ne vous obligerai pas à le faire non plus.
J'aimerais poser une autre question pertinente. L'une des pierres angulaires du plan d'action du MPO consiste à accroître la compétitivité de l'industrie à l'échelle mondiale. Cela m'inquiète un peu en ce sens que si nous sommes compétitifs à l'échelle internationale, nous devons produire du poisson de même qualité que le poisson produit par l'industrie dans des pays comme le Chili, la Norvège, la Suède et ailleurs. Je ne connais pas les balises que ces pays utilisent pour produire un poisson qui est concurrentiel.
De toute évidence, si nous voulons être concurrentiels, nous risquons d'être tentés de court-circuiter les mesures et de nuire à l'habitat et à l'environnement. Ces méthodes ont toujours été rejetées au Canada. De toute évidence, c'est le prix qui va compter en bout de ligne.
Même si nous voulons effectivement voir notre industrie de l'aquaculture croître et prospérer, sommes-nous en train d'établir un objectif que nous ne souhaiterions peut-être pas atteindre ici au Canada? Est-ce là une chose que vous examinez?
M. Thompson: Je demanderais, monsieur le président, que Mme Forand réponde à cette question.
Mme Forand: Quand nous mentionnons nos objectifs en matière d'aquaculture au MPO, nous nous référons toujours aux deux objectifs suivants: accroître la confiance du public et la compétitivité de l'industrie à l'échelle mondiale. Vous avez bien raison de demander à quel prix nous sommes prêts à accroître notre compétitivité à l'échelle mondiale.
Nous croyons fermement que si nous pouvons faire la preuve que l'aquaculture canadienne met sur le marché des produits de façon viable, avec le minimum d'impacts sur l'environnement, cela se traduira par un avantage concurrentiel.
Le genre de relations que nous souhaitons établir avec l'industrie et les provinces est de travailler ensemble à atténuer le fardeau réglementaire inutile. Soyons aussi efficaces que possible. Évitons que les gens attendent dix mois une approbation si cela n'est pas nécessaire parce que nous n'avons pas suffisamment de personnes pour faire le travail. Assurons-nous de rationaliser les processus et de travailler de façon aussi efficace que possible. Assumons également la nécessité de garantir que ces produits ont été conçus et exploités de façon viable.
Nous croyons que dans le marché actuel, en tenant compte de l'intérêt manifesté par les consommateurs envers l'écoétiquetage et d'autres préoccupations partout dans le monde, cette tendance favorise notre industrie sur le plan de la concurrence et des prix. Nous croyons que nous avons le soutien des consommateurs.
Le président: Je crois que l'Alaska, qui ne produit pas de poisson en aquaculture, commercialise son saumon sauvage comme étant un produit écologique. Les responsables utilisent ce mot bien spécial. Je crois qu'ils le qualifient de «poisson organique». C'est un bon truc de marketing de leur part.
Je suis heureux que ces conditions soient au centre de votre plan d'action mondial.
Le vérificateur général a fait référence aux articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches quand il a exprimé son appréhension, à savoir que le ministère sanctionne les projets d'expansion de l'industrie en se fondant sur les données provinciales de 1997. Bien sûr, nous parlons ici de la Colombie-Britannique. Depuis cette date, les emplacements existants se sont développés et le gouvernement provincial lèvera même le moratoire bientôt. Ça pourrait être plus tôt que nous le croyons tous, selon les résultats des élections.
Je m'inquiète des observations du vérificateur: nous ne sommes peut-être pas prêts. Votre plan de gestion ne serait pas tout à fait prêt. Si le moratoire est levé, on pourrait approuver des emplacements trop rapidement et nous le regretterions longtemps. Je rappelle que de nombreuses personnes qui ont comparu devant le comité nous ont manifesté leur confiance en toute sincérité et honnêteté. Est-ce que nous sommes prêts à ce que le moratoire soit levé?
Mme Forand: Par suite des recommandations et des observa tions formulées dans le rapport du vérificateur général, par suite également de nos propres observations en ce qui concerne les responsabilités de notre ministère envers l'industrie de l'aquaculture, nous avons commencé à travailler sur les trois éléments dont M. Thompson a parlé tout à l'heure. Quant aux critères retenus pour mesurer les perturbations ou détériorations de l'habitat des poissons, ils font l'objet d'étude au moment où on se parle.
Nous prévoyons soumettre des ébauches pour fins de discus sion dans quelques semaines. À moins que le gouvernement de la Colombie-Britannique lèvre son moratoire la semaine prochaine, ces critères seront fixés, ils auront l'approbation de tout le ministère et s'appliqueront de façon uniforme dans tout le pays.
Quant aux critères pour le dépôt de substances nocives, c'est Environnement Canada qui applique la disposition sur les substances nocives prévue à l'article 36. Cela prendra plus de temps. Cependant, nous avons commencé à identifier les substances dangereuses et les niveaux qui pourraient être acceptables. Cela nécessitera pas mal de travail, mais ce travail est commencé et sera achevé au cours des prochains mois. Nous collaborerons également avec la province pour établir les critères concernant les établissements avant la levée du moratoire. Ces critères-là intéressent la province tout autant que nous.
Pour rassurer le comité sur la façon dont les demandes ont été traitées dans le passé, regardons les statistiques. Au cours des quelque dix dernières années au Canada, elles indiquent que le ministère a rejeté 500 demandes d'établissement d'aquaculture pour les mollusques et le poisson à l'extérieur de la Colombie- Britannique. Ce qui prouve qu'une demande d'établissement n'est pas automatiquement approuvée. Un processus rigoureux doit être suivi.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, à mesure que nous augmentons notre surveillance, nous obtenons plus de ressources pour le faire. Nous travaillons de concert avec les provinces et l'industrie à cet égard. Monsieur le président, cela nous ramène à votre question sur l'approche prudente. Voici comment nous fonctionnons quand nous parlons de gestion adaptée. Si les probabilités de danger et le facteur d'incertitude sont élevés, nous adoptons une approche très prudente. Lorsque les probabilités de dommages sont moins élevées, un emplacement pourrait être approuvé. Nous n'approuvons pas nécessairement la demande, mais dans le doute, nous mettons en place l'approche de gestion adaptée. Nous exerçons une surveillance plus stricte, nous cherchons à obtenir d'autres renseignements et à tenter d'éliminer le doute le plus possible au cours de notre investigation, en partenariat avec la province et le requérant.
Je me fais leur interprète pour vous dire que nous avons constaté que les représentants de l'industrie avec qui nous avons travaillé, et qui voulaient établir de nouveaux emplacements ou agrandir leurs emplacements, ont fait preuve de collaboration en acceptant d'assumer leur part de responsabilité pour cette surveillance. Ils reconnaissent l'importance de pouvoir démontrer que leur production est saine et sécuritaire.
Le président: Une dernière question à ce sujet.
À plusieurs reprises, le vérificateur général a déploré la pénurie de fonds pour la recherche. Je ne parle pas de R-D pour les produits, mais plutôt de la recherche fondamentale en vue de prendre les bonnes décisions. Je viens tout juste de regarder les chiffres. D'après ce que je comprends, quelque 13,5 millions de dollars sont prévus pour la recherche au cours des cinq prochaines années. Si je divise ce montant par cinq, ça nous donne 2,7 millions de dollars par année. Et si je divise encore la somme en deux entre les deux côtes, la côte Est et la côte Ouest - et je ne suis pas certain que ce soit divisé si également - on en arrive à 1,35 million de dollars par année.
Si l'on tient compte des préoccupations qui ont été soulevées auprès du comité au cours de l'an dernier, j'ai de la misère à accepter que 1,35 million de dollars par année soit suffisant pour exécuter la recherche que, je pense, on nous a affirmé être nécessaire. Ce chiffre de 1,35 million de dollars m'inquiète vraiment. Pourriez-vous faire des commentaires à cet égard, s'il vous plaît?
Mme Forand: D'abord je dirais que pour ce qui touche le Programme d'aquaculture durable, vos calculs sont exacts. Pour ce qui est de l'aspect scientifique au MPO, 2,5 millions de dollars par année sont diversement répartis dans les régions en fonction de leur implication dans l'aquaculture. Par exemple, la région du Pacifique obtient approximativement 350 000 $ de ce montant par année. Les Maritimes, 470 000 $. Terre-Neuve en obtient une partie, et ainsi de suite. C'est la part allouée à l'aspect scientifique, mais il y a aussi 1,25 million de dollars consacré à l'habitat. Certains travaux sur les habitats, bien sûr, même s'ils ne constituent pas des travaux de recherche scientifique spécifiques, contribuent également aux objectifs que nous visons.
Ce qu'il est important de retenir, c'est qu'il s'agit de financement par reconduction, de fonds supplémentaires. D'autres travaux de recherche sont réalisés dans le cadre de nos programmes réguliers déjà en place. En outre, nous disposons de fonds stratégiques, pour la science environnementale et pour la science biologique, que nous utilisons actuellement pour réaliser des initiatives spéciales.
J'ajouterais que Pêches et Océans n'est pas seul dans le domaine de la science aquicole et halieutique. Il existe un consortium d'universités qui ont été réunies sous le titre de «Aqua Net» dont la responsabilité a été confiée à l'université Memorial. Ce consortium mène diverses activités. De fait, nous pouvons indiquer au comité une page de site Web où on retrouve la liste de tous les projets de recherche qui ont été approuvés avec leur financement.
Il y a beaucoup d'argent là aussi. Il y a toute une gamme d'activités de recherche qui sont actuellement menées. Nous nous sommes également entretenus avec des chercheurs qui veulent nous avoir comme partenaires par le truchement de chaires universitaires et de centres d'excellence.
Vous avez raison de dire qu'une somme de 2,35 millions de dollars par année est prévue pour le volet scientifique du MPO, mais je tiens à vous préciser qu'il s'agit de financement par reconduction en plus de ce que nous faisons déjà.
Le président: J'apprécierais que vous nous donniez cette adresse sur le site Web afin que nous l'intégrions à nos propres renseignements.
Le sénateur Robertson: Il y a quelques années, des scientifiques du ministère sont venus nous parler de la taille de la morue à ce moment-là, comparativement à la taille qu'elle avait quelques années auparavant, à un certain âge. On avait noté que la taille avait diminué.
Nous avons eu des discussions sur la disparition du saumon et du poisson de fond. Je ne crois pas que nous ayons le temps de discuter de toutes ces questions, mais il serait peut-être bon pour le comité qu'un représentant de la Direction scientifique du ministère des Pêches et des Océans nous explique comment se fait leur recherche et quels sont leurs résultats.
Je suis certaine que la recherche s'améliore d'année en année. M. Thompson dit dans son document que le saumon d'élevage de l'Atlantique est présent dans les cours d'eau de la Colombie- Britannique à toutes les étapes de la vie. Cela étant dit, une question me vient automatiquement à l'esprit: Comment en êtes-vous arrivés à déterminer cela? On s'imagine quelqu'un qui est assis sur les berges de chaque cours d'eau avec un filet à pêche. On ne sait jamais. J'aimerais savoir comment c'est fait, comment vous en arrivez là.
On nous donne tous ces renseignements. C'est la raison pour laquelle j'aime les scientifiques, ils peuvent faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Hier soir, un témoin nous a soulevé la question du dépôt des substances nocives et des effets de ces substances sur le poisson et son habitat. Hier soir également, l'industrie canadienne de l'aquaculture a prétendu que la nourriture pour poisson non consommée qui se dépose dans le fond n'est pas un problème. Selon notre témoin, toute la nourriture est consommée. Est-ce que c'est vrai? Comment savez-vous si toute la nourriture est absorbée?
Je viens de la ferme, et je ne pense pas que je pourrais savoir si les animaux mangent toute leur nourriture ou pas. De toute évidence, il y a beaucoup de recherches scientifiques qui se font et dont on n'est pas au courant.
Nous n'avons peut-être pas le temps ce soir d'examiner cette question-là, mais j'aimerais que des scientifiques viennent témoigner.
Le président: C'est noté. J'ai demandé au greffier d'en prendre note. L'invitation sera lancée.
Le sénateur Robertson: Monsieur Thompson, pouvez-vous répondre à ma question qui est de savoir «comment» vous obtenez ces informations, si vous le pouvez?
M. Thompson: Je vais imposer cette tâche à mon collègue, M. Sokolowski, qui a travaillé à la vérification, et qui voudra peut-être ajouter un commentaire ou deux si vous êtes d'accord.
M. John Sokolowski, vérificateur senior, Direction générale des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada: Les données sur la présence du saumon d'élevage de l'Atlantique et ses étapes de vie sont des données qui ont été recueillies par les pêcheurs commerciaux et sportifs. Les données sont cueillies et envoyées aux provinces et au programme de surveillance du saumon de l'Atlantique du MPO dans le cadre duquel on fait également des relevés des jeunes saumons de l'Atlantique qui sont des rejetons du saumon original qui s'est échappé. Ils en ont trouvé dans plus de 79 rivières et cours d'eau. C'est l'information qui est à l'origine de notre commentaire.
Le sénateur Watt: J'aimerais revenir au point 6 de la présentation. Je l'ai lu et relu. Y a-t-il autre chose que ce que vous avez déjà souligné dans votre exposé que, à votre avis, le comité devrait faire? Il y a beaucoup de bonnes données qui nous intéressent dans votre présentation. Y a-t-il autre chose?
M. Thompson: Je pense que nous avons couvert, dans la déclaration préliminaire et notre discussion ce soir, les questions qui nous préoccupent. Quant à savoir ce que le comité pourrait faire, il pourrait réfléchir à ce dont nous avons parlé tout à l'heure. Dans une bureaucratie et un gouvernement occupés par de nombreuses priorités et possédant des ressources restreintes, nous avons besoin de soutien - surtout de soutien politique, pour faire des choses importantes.
Même si nous ne nous sommes penchés que sur les piscicultures de saumon sur la côte Ouest, la réglementation de l'aquaculture est une chose importante. Je pense que votre comité pourrait rendre service aux Canadiens s'il attirait l'attention du ministère - pour lui garder la main dans le feu, si vous me permettez cette expression un peu dure. Il faut s'assurer que le travail qui est planifié est effectué, et que le ministère règle les problèmes qui préoccupent votre comité, le ministère et tous les intervenants.
Le sénateur Watt: Est-il vrai qu'à cause du manque de fonds, Pêches et Océans fait preuve de laxisme envers certaines de ses responsabilités? Devrions-nous tenir compte d'une telle attitude dans la finalisation du rapport?
Mme Forand: La recherche sur l'aquaculture et la recherche sur les autres stocks et les habitats dans l'Arctique sont très coûteuses. C'est difficile et ça demande des efforts.
Le sénateur Watt: Le béluga, par exemple.
Mme Forand: Il y a beaucoup d'exemples - le turbot, l'aiglefin. Notre ministère est bien déterminé à faire tout le travail qu'il doit faire dans l'Arctique. Je peux assurer votre comité que nous cherchons des fonds, de quelque ampleur soient-ils. Nous collaborons actuellement avec d'autres ministères, gouvernements et pays dans le cadre des activités circumpolaires. Nous sommes conscients de la nécessité de faire plus de recherche dans l'Arctique. Nous continuons de consacrer autant de nos ressources que nous le pouvons à cette région et à chercher d'autres sources de financement pour accroître celles que nous avons.
Je ne pense pas que l'on pourrait qualifier notre approche de laxiste. Nous essayons de faire le plus possible avec les ressources que nous avons et nous cherchons activement d'autres ressources pour accroître notre couverture dans le Nord.
Le sénateur Cook: Votre programme d'aquaculture durable - votre budget de 75 millions $- est-il mis en 9uvre par votre personnel actuel? Avez-vous dû ajouter du personnel?
J'aimerais poser une autre brève question. Où sont ses locaux? Qui en est responsable?
Mme Forand: Nous avons mis en 9uvre ce programme avec certains de nos employés existants et quelques nouveaux employés.
Quant à savoir où il est mis en 9uvre et par qui, il est appliqué dans tout le pays. L'ensemble des ressources de ce programme - tant le financement que les crédits salariaux - a été accordé aux bureaux régionaux. Nous avons distribué ces fonds de Terre- Neuve à Victoria en fonction des véritables besoins. Quant au nombre de personnes, je dirais qu'environ 75 employés supplémentaires ont été engagés par le ministère pour mettre ce programme en place.
Le sénateur Cook: Je suis Terre-Neuvienne, je connais donc un peu les travaux de l'université Memorial avec son programme Aqua Net. Sous la direction générale des centres d'excellence qui font le travail, quelles sont les limites quant à la recherche que peut faire Aqua Net, particulièrement en ce qui touche votre ministère? Est-ce que les travaux sont partagés avec vous? Avez-vous votre mot à dire ou si cela se fait par le truchement du centre d'excellence? Où cela s'arrête-t-il afin que cela puisse revenir là où c'est nécessaire?
Mme Forand: Je vais tenter de vous donner une première réponse à cette question et demander ensuite à ma collègue, Mme Price, qui est représentante du centre scientifique, si elle a des choses à ajouter.
Nous participons de façon très active à l'initiative Aqua Net et à d'autres initiatives. Nous avons rencontré les responsables de l'organisation d'Aqua Net à la fin de l'an dernier, soit en décembre. Nous avons un autre programme de partenariat, le Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture (PCRDA). Nous avons les centres d'excellence. Le Conseil national de recherches fait du travail dans ce domaine. Il y a des conseils subventionnaires qui font également la même chose.
Nous avons tenu un atelier en janvier afin de réunir tous ces groupes subventionnaires. Nous souhaitions faire connaître nos programmes parce que nous voulons que le travail soit utile partout. Nous ne voulons pas payer deux fois pour la même chose, pas de chevauchements, pas de dédoublements. Et nous désirons avoir accès au résultat de ce travail, nous assurer que les fruits de ce travail sont offerts à tout le monde. Il est devenu un peu à la mode de parler de partenariats avec l'industrie et d'avoir des programmes de jumelage. Nous ne voulons pas que ces programmes échouent parce que nous allons tous chercher à obtenir des fonds de jumelage d'une industrie qui est assez prometteuse et le prouve un peu; il y a de nombreux petits exploitants qui n'ont pas les fonds correspondant aux investissements du gouvernement dans ces régions. Nous voulions nous assurer que tout était fait non pas d'une façon ultra- coordonnée, mais au moins que toutes les personnes impliquées aient l'information sur le travail réalisé.
L'atelier a été utile. Nous assurerons le suivi grâce à un atelier avec l'industrie et les provinces pour les impliquer également.
C'est une longue réponse à votre question, sénateur, pour dire que nous sommes impliqués avec les deux parties. L'information provenant de leur recherche sera mise à la disposition de la communauté scientifique. Nous prévoyons également avec elle nous assurer que le travail que nous faisons et celui que d'autres font sont complémentaires et ne viennent pas dédoubler les travaux de recherche.
Mme Price: J'ajouterais que les travaux de recherche que fait Aqua Net avec les fonds de recherche seront publiés dans des revues scientifiques. C'est ce que font les professeurs d'université. En outre, ils se sont engagés à tenir des ateliers et à effectuer le transfert technologique par le truchement d'agents de développement universitaires qui sont engagés spécifiquement pour transmettre l'information aux gens qui en ont besoin. Ils vont publier des fiches signalétiques sur des questions précises. Ces fiches signalétiques feront le point sur des petites portions de la recherche dans un langage facile à comprendre, et pas nécessairement dans le jargon des termes scientifiques difficilement compréhensibles.
Il y a aussi un certain nombre de personnes au ministère des Pêches et des Océans dans le secteur scientifique qui ont le statut de professeurs adjoints. Ils enseignent à temps partiel gratuitement à l'université. En tant que professeurs adjoints, ils peuvent participer aux programmes d'Aqua Net.
Il y a des gens au MPO qui travailleront en partenariat, ou en parallèle, avec les universitaires. Les gens d'Aqua Net, de l'industrie de l'aquaculture et de la province travailleront tous ensemble pour produire cette information, la publier et la distribuer aux personnes qui la veulent et qui en ont besoin.
Nous collaborons également avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour que tous les titres des projets et les noms des personnes qui y travaillent figurent sur un site Web accessible gratuitement à quiconque a un ordinateur. Vous pouvez aller dans une bibliothèque publique ou utiliser votre propre ordinateur pour cliquer sur l'inventaire de la recherche aquicole canadienne, et qui comprend également beaucoup d'information sur le domaine.
Nous travaillons à faire en sorte que tous les projets figurent sur la liste afin que quiconque veut se renseigner sur qui travaille à quoi puisse trouver l'information. Les gens peuvent entrer dans le système, taper un mot pour savoir qui fait quoi, où et quand les choses ont commencé, quand le programme sera terminé et quels sont les résultats prévus.
Nous cherchons à transmettre cette information au grand public, aux personnes qui s'intéressent à l'aquaculture, aux groupes environnementaux - à quiconque s'intéresse à cette information et ce, de la façon la plus facile, la plus accessible et la plus rapide qui soit.
Le sénateur Cook: On me dit que le MPO est l'organisme qui recueillera les données - le service d'archivage si on veut - de toute cette information recueillie par diverses personnes. Qu'est- ce qui peut nous assurer que cette information est utilisée de façon responsable? Je veux savoir quel est l'essentiel.
Mme Price: C'est un des endroits où vient l'information. Nous recevons de nombreux appels téléphoniques et de nombreuses lettres de gens qui demandent de l'information. C'est seulement un des endroits. Vous pouvez obtenir de l'information sur l'Internet. Les scientifiques vont publier dans des revues scientifiques afin que les étudiants et d'autres lecteurs de la revue puissent y avoir accès.
Nous ne sommes qu'un élément de tout le réseau de personnes qui recevront et transmettront l'information à quiconque la voudra. Je ne dirais pas que nous sommes le seul dépositaire parce que je ne crois pas que ce soit juste. Nous voulons transmettre l'information.
Le sénateur Cook: N'y a-t-il pas un risque de dédoublement des efforts si cela n'est pas coordonné un moment donné avec toutes ces choses différentes qui se passent?
Mme Price: Oui. C'est une des raisons pour lesquelles je travaille avec le ministère de l'Agriculture à l'établissement de cette base de données sur le Web qui soit accessible à tout le monde. Il y a un mécanisme de coordination, comme je l'ai dit. Nous avons tenu des réunions avec les gens d'Aqua Net et d'autres organismes de financement pour déterminer qui fait quoi, qui finance quoi et quelles sont les priorités. Le PCRDA a tenu des réunions dans tout le Canada pour parler avec les gens de l'industrie, les provinces et d'autres ministères fédéraux, afin d'établir les priorités et les façons de les réaliser. Nous voulons nous assurer qu'une priorité n'est pas prise en charge à plusieurs endroits en nous basant sur les connaissances des uns et des autres.
Nous utilisons divers mécanismes pour nous assurer de réduire au minimum les dédoublements. On ne peut jamais les éliminer, mais nous faisons tout pour y arriver.
Le président: Avant de terminer, j'aimerais demander aux membres du comité s'ils sont d'accord pour que nous joignions en annexe les documents de Pêches et Océans Canada de même que le document du vérificateur général qui ont été produits pour notre comité.
Des voix: D'accord.
Le président: Mardi prochain, soit le 8 mai 2001 à 19 heures, le ministre du Développement durable du Nunavut sera avec nous. La soirée devrait être intéressante.
Le mercredi 9 mai 2001 à 17 h 45, il y aura vidéoconférence avec des témoins de la Colombie-Britannique. Là encore, ça devrait être intéressant. Ce sont des témoins que nous a recommandé d'entendre le sénateur Carney.
Aux témoins de ce soir, au nom des membres du comité, je vous transmets notre vive appréciation pour avoir contribué à notre compréhension de cet élément complexe de l'industrie. Nous comprenons maintenant mieux les choses. Nous apprécions votre enthousiasme - même à cette heure tardive - pour une question qui a continué de motiver nos membres. Je vous en remercie. Votre témoignage nous a été des plus utiles et le sera au cours des prochaines semaines lorsque nous entreprendrons la partie finale de notre étude sur l'aquaculture.
La séance est levée.