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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 h 10 pour l'étude des questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. C'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons ce soir à notre comité M. Peter Underwood, sous-ministre de l'Agriculture et des Pêches de la Nouvelle-Écosse.

Bienvenue, monsieur Underwood. C'est un plaisir de vous compter parmi nous. Nous attendons avec impatience votre exposé. Je sais que vous avez été assez occupé au cours des dernières années par une certaine réorganisation au sein de votre ministère. Nous croyons savoir que les choses se passent bien. Nous apprécions que vous veniez témoigner devant nous ce soir pour nous faire part de vos impressions sur l'aquaculture en Nouvelle-Écosse.

M. Peter Underwood, sous-ministre, ministère de l'Agriculture et des Pêches, Nouvelle-Écosse: Merci beaucoup, monsieur le président. C'est vraiment un privilège pour moi de pouvoir m'adresser à vous ce soir. C'est un grand plaisir d'être à Ottawa, surtout en étant accueilli par le soleil après quatre journées de pluie battante sur la côte Est. C'était inspirant.

Monsieur le président, j'ai pensé que ce serait une bonne idée de vous donner un avant-goût de la situation de l'aquaculture en Nouvelle-Écosse, de nos projets d'avenir et de vous parler de certains des enjeux auxquels nous sommes confrontés pour développer notre industrie. Au fur et à mesure de mon exposé, vous constaterez que notre situation est unique au pays et en particulier dans les provinces atlantiques du Canada.

Si vous me laissez la parole pendant une quinzaine de minutes, monsieur le président, j'essaierai de vous dresser un tableau de notre industrie dans la magnifique province de la Nouvelle-Écosse.

En premier lieu, il est important de se poser les questions suivantes: Pourquoi l'aquaculture est-elle le bon choix pour une province comme la Nouvelle-Écosse? Pourquoi devrions-nous poursuivre la mise en valeur de cette industrie? Ces questions appellent trois réponses principales.

C'est une activité rurale. En Nouvelle-Écosse, il y a des occasions formidables dans nos régions métropolitaines, où il se passe toutes sortes de choses dans l'exploitation du pétrole et du gaz et dans la technologie de l'information. C'est extrêmement important pour la province. Cependant, la véritable épine dorsale de l'économie de la Nouvelle-Écosse est notre production dans nos collectivités rurales. La pêche est la principale industrie d'exportation de la province. Nous figurons au premier rang pour le poisson au pays et ce secteur est numéro un en Nouvelle-Écos se pour les exportations en dollars. À un moment donné, il se pourrait que nous soyions dépassés par le pétrole et le gaz; cependant, il est clair que les pêches sont importantes pour le secteur des ressources naturelles.

C'est une industrie à vocation scientifique. Ce n'est pas un secteur à basse technologie. Pour assurer le succès de ce secteur, il faut d'importantes connaissances et la Nouvelle-Écosse est capable de les fournir. Nous avons les outils de recherche, les infrastructures et les personnes qualifiées pour mener à bien ces activités. Nous estimons que la Nouvelle-Écosse peut le faire au niveau international.

Il est évident que les Pères de la Confédération ne pensaient pas à l'aquaculture lorsqu'ils ont rédigé la Constitution et réparti les pouvoirs. C'est ainsi que nous voyons les rôles des gouvernements. Le gouvernement provincial est le maître d'oeuvre en ce qui concerne l'octroi des droits de propriété pour les concessions et le choix des sites. Il aborde toute la question de la santé du poisson et de l'amélioration des services offerts à l'industrie. Il se concentre sur la mise en valeur de l'industrie. Nous avons également un rôle important de réglementation à jouer par le biais de l'utilisation des permis, qui constitue un instrument important permettant de régir et de surveiller l'industrie.

Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer au niveau de la recherche, des conseils sur le règlement des conflits dans la pêche d'espèces sauvages, de la navigation et des évaluations environnementales. Il a aussi un rôle important à jouer en matière de réglementation.

Nous travaillons dans un contexte global dans lequel l'aquacul ture acquiert de plus en plus d'importance pour satisfaire la demande mondiale de protéines de poisson. Les stocks de poissons sauvages n'augmenteront pas. De fait, ils ont probablement atteint leurs niveaux maximums dans la plupart des régions. Si vous lisez bon nombre des rapports internationaux, vous constaterez qu'ils sont probablement déjà dépassés dans de nombreuses régions. La demande ne fait qu'augmenter. Si nous voulons satisfaire la demande de protéines de fruits de mer, l'aquaculture représente l'une des principales options pour y parvenir.

Je suis extrêmement fier de la diapositive suivante. Vous entendez beaucoup parler du Nouveau-Brunswick. Vous en avez probablement entendu parler ce soir et de l'importance de leur aquaculture. Elle vaut 200 millions de dollars par an, ce qui est fantastique pour le Nouveau-Brunswick. La Nouvelle-Écosse c'est une autre histoire. Nous n'avons pas de secteur particulierdans lequel nous pouvons concentrer une énorme industrie salmoniculture. C'est un écosystème différent et une industrie différente. Il y a un certain nombre d'espèces différentes. Toutefois, nous sommes fiers de ce que nous avons pu réaliser au cours des dernières années.

Lorsque je suis arrivé comme sous-ministre des Pêches en 1994, notre chiffre d'affaires atteignait environ 4,7 millions de dollars. Nous avons examiné cette industrie, constaté qu'elle avait un avenir et fixé certains objectifs. Nous avons établi un objectif de 50 millions de dollars pour l'an 2000. Nous venons tout juste de recevoir nos statistiques définitives et nous dépassons légèrement cet objectif. C'est une courbe impressionnante. Nous réalisons régulièrement une croissance à deux chiffres dans la valeur à la ferme de l'aquaculture depuis que nous nous sommes fixé certains objectifs et que nous nous sommes efforcés de développer cette industrie. Si nous voulons qu'elle soit durable, il faudra le faire avec prudence et à un rythme mesuré. Je pense que cette diapositive reflète l'objectif que nous avons essayé d'atteindre.

Pour vous donner un instantané rapide de l'industrie, nous avons 372 sites, dont 50 p. 100 sont appelés des «sites de qualité». Bon nombre sont d'anciennes concessions ostréicoles. Il existe tout un éventail de sites. Comme je l'ai dit, notre force réside dans notre diversité. Il est particulièrement important de noter que nous sommes la seule province des Maritimes disposant d'importantes étendues d'eau en vue d'une expansion aquacole. Le Nouveau-Brunswick commence à atteindre ses limites pour la production de poissons à nagoires. L'Île-du-Prince-Édouard connaît une expansion de sa mytiliculture depuis un certain nombre d'années.

En Nouvelle-Écosse, nous cherchons de nouveaux sites. Des entreprises viennent de partout pour examiner les débouchés disponibles.

Nous voulons développer cette industrie pour favoriser la croissance de l'emploi. Notre production de poissons à nageoires a septuplé depuis 1994; notre production de crustacés et de coquillages a quadruplé; l'emploi a également quadruplé. Le nombre total d'emplois directs dans cette industrie atteint actuellement environ 1 100 personnes, mais il importe de noter que l'augmentation n'intervient pas uniquement dans la quantité des emplois. Le type d'emplois change également, avec moins d'emplois à temps partiel et plus d'emplois à temps plein, si bien qu'il y a également un changement dans la qualité des emplois.

À la lecture des journaux et de certains des mémoires qui ont été présentés à votre comité, vous apprendrez que l'impact de l'aquaculture sur l'environnement soulève quelques inquiétudes. Cet enjeu figure au centre de nos priorités et il est juste de dire que nous n'avons encore atteint nulle part l'énorme masse critique capable de nuire considérablement à l'environnement. Les problèmes concernant le poisson à nageoires sont les mêmes que dans les autres régions. Nous devons aborder les problèmes de rejets alimentaires, d'excréments, d'évasions et de santé.

À notre avis, le principal effet de l'élevage des crustacés et des coquillages sur l'environnement est d'ordre esthétique. Nous surveillons les autres secteurs de compétence et les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Nous avons l'intention de nous inspirer de ces expériences. Nous voulons que notre industrie profite de l'expérience acquise dans d'autres régions qui ont peut-être procédé plus rapidement que nous, en Nouvelle-Écosse, au développement de leurs industries.

Au cours de la dernière année, les choses ont énormément changé. Nous avons maintenant des évaluations environnementales des sites aquacoles et c'est une bonne chose. Mon exposé de ce soir est nettement différent de celui que je vous aurais présenté si la date initiale de votre audience, à l'automne dernier, n'avait pas été annulée. Des progrès énormes ont été réalisés de concert avec le gouvernement fédéral au sujet des évaluations environnementales et des approbations. J'y reviendrai plus tard.

Si l'étendue et le coût des évaluations environnementales ne sont pas gérés convenablement, ils peuvent compromettre sérieusement le développement, en particulier des petits intervenants en Nouvelle-Écosse. Les premiers à subir le processus estiment le coût à 70 000 $ par site pour la seule évaluation environnementale. Dans bon nombre de nos petits sites de crustacés et de coquillages, les immobilisations de départ ne seraient que de 80 000 $ pour la première année. Nous estimons qu'il faut concevoir le processus d'évaluation pour répondre aux risques de l'activité. Il existe de nombreuses possibilités dans la législation régissant les évaluations environnementales pour adapter le processus d'évaluation en fonction des risques relatifs des activités évaluées et des permis délivrés.

De nombreux chercheurs et critiques de l'aquaculture diront que les sites ne devraient pas être approuvés tant que l'on n'a pas obtenu de réponses à toutes les questions. Ils veulent une modélisation de la baie et une modélisation des intrants/extrants ainsi que des réponses à toutes les questions sur les répercussions. Je pense qu'une approche plus prudente consiste à agir lentement et à surveiller l'impact au fur et à mesure. Si on ne remarque pas d'incidences environnementales importantes, peut-être que l'on pourra augmenter les activités. Il s'agit de combiner une évaluation initiale et une tentative en vue de répondre au plus grand nombre de questions possible. Nous estimons qu'il est important de surveiller les empreintes d'impact à l'intérieur et à l'extérieur des fermes aquacoles au fil du temps dans la vie réelle, au lieu d'essayer de faire toutes les expériences scientifiques au départ par le biais de modèles informatiques.

On ne peut pas sous-estimer les incidences de l'aquaculture sur les collectivités concernées. Dans notre province, on assiste à une hausse rapide du prix de l'immobilier sur la côte. Les propriétaires et les promoteurs de terrains de loisirs s'opposent presque toujours aux projets aquacoles. Je n'ai jamais vu d'endroit où les propriétaires de terrains étaient des partisans du développement. Le motif le plus souvent invoqué pour s'y opposer est la protection de l'environnement.

Lorsque j'étais sous-ministre de l'Environnement, j'étais chargé du choix des sites pour les décharges. Ce n'était pas comme les vieux dépotoirs. Il s'agissait de la nouvelle génération de décharges. J'éprouve plus de difficultés à trouver des sites aquacoles dans certaines régions que j'en avais pour trouver des sites de décharges.

Pour revenir à mon poste au ministère de l'Environnement, je pensais que l'aquaculture constituait une bonne façon de mesurer l'amélioration de la qualité des eaux côtières si l'on investissait, par exemple, dans une usine de traitement des eaux usées. En fin de compte, nous avons un moyen de mesurer, en termes financiers, l'avantage tiré de l'investissement dans la qualité de l'eau. Il s'est avéré que j'avais complètement tort sur ce sujet. Les gens ne considèrent l'aquaculture comme rien d'autre qu'un véritable problème environnemental. Nous devons aborder cette question.

Les conditions d'acceptation sont l'emploi et l'engagement de la collectivité dans le processus d'évaluation et de surveillance. Lorsque les promoteurs font beaucoup de travail au départ pour impliquer le milieu communautaire, très peu de problèmes surgissent pour obtenir l'acceptation de la collectivité et l'approbation du projet. Toutefois, dans un environnement réglementaire qui comporte autant de points d'approbation, l'absence d'un appui communautaire nécessite un travail long et ardu.

J'ai constaté un véritable revirement dans l'attitude de l'industrie à l'égard de l'engagement pris envers l'environnement et la collectivité. Elle considère dorénavant que sa réputation dans les questions de durabilité environnementale figure parmi ses principaux défis. La capacité de fournir des sites constitue l'un des plus grands obstacles à la croissance dans ce secteur, par opposition aux obstacles qui existaient il y a quelques années - le financement, la technologie et les marchés. Nous devons nous pencher sur les motifs de ces entraves. L'industrie a fait beaucoup de chemin, même durant la dernière année, en reconnaissant ce problème.

Maintenant que je suis également responsable de l'agriculture, je peux constater des similitudes entre les deux secteurs. Il y a cinq ans, les gens du monde agricole auraient prétendu qu'ils étaient les derniers gardiens et protecteurs des terres et qu'ils n'avaient pas besoin de règlements pour protéger l'environnement. Aujourd'hui, le milieu agricole constate que le principal obstacle à la croissance se situe au niveau de l'acceptation de leurs activités en raison des incidences environnementales. Je commence à établir certains liens intéressants entre les deux, car j'ai actuellement la responsabilité des deux portefeuilles en Nouvelle-Écosse.

L'industrie admet que les évaluations environnementales sont importantes, mais elle s'inquiète véritablement de leur coût et veut s'assurer que les exigences sont fondées sur les risques associés aux activités proposées.

J'ai constaté une nette amélioration au niveau de l'engagement des deux paliers de gouvernement envers l'aquaculture. Il est évident que le gouvernement fédéral et le ministre en poste ont redynamisé tout le dossier de l'aquaculture grâce à des ressources financières et humaines. En combinant les pêches à l'agriculture dans notre propre ministère, nous offrirons de nouveaux débouchés. Les ensembles de compétences disponibles dans le secteur agricole pour les méthodes de gestion des fermes et des entreprises seront maintenant mis à la disposition du milieu aquacole. Ce sera un avantage. Nous faisons assurément tout notre possible pour aider l'industrie à progresser. De nombreux projets de R-D ont été annoncés. Par exemple, AquaNet a été approuvé pour sept ans.

Je porte un autre chapeau au sein du nouveau Conseil fédéral des ministres des Pêches et de l'Aquaculture. Le conseil est structuré avec des groupes de travail qui se concentrent sur des problèmes présentant une importance particulière. L'aquaculture est de ce nombre. Je suis le sous-ministre qui surveille ce travail pour les secteurs de compétence dans l'ensemble du pays.

Durant mes 15 années comme fonctionnaire, je n'ai jamais constaté un engagement plus grand envers la coopération fédérale-provinciale dans un secteur où les champs de compétence sont flous. C'est assez encourageant et j'espère que cela continuera.

Les genres de problèmes que nous examinons englobent le processus de choix des sites, l'harmonisation des relations fédérales-provinciales, l'instauration de certaines normes de services en termes d'échéanciers pour l'approbation des permis et la coordination de la R-D. Ces points sont cruciaux pour le fédéralisme dans une région où vous avez un mélange de champs de compétence. Sans cela, nous ne dispensons pas au public le service qu'il mérite.

En résumé, les obstacles au développement résident dans notre capacité à trouver des sites. L'approbation compliquée, le climat et les exigences réglementaires ne sont en réalité qu'un sous-ensemble du premier. Le public perçoit l'industrie comme un secteur non durable, un élément pollueur et un destructeur des régions côtières. Pour les petits intervenants dans le métier, le financement demeure un problème au démarrage.

Pour nous, les débouchés sont nombreux. Nous sommes la seule province des Maritimes qui dispose d'eau pour procéder à une expansion. La plupart des intervenants se montrent intéressés par la Nouvelle-Écosse. Il y aura beaucoup de synergies entre le secteur des fermes traditionnelles et le nouveau ministère.

Je ne sais pas si vous avez visité une pisciculture. Je n'avais jamais entendu parler de celle-là. C'est une ferme d'élevage d'ombles de l'Arctique près de Truro qui utilise de l'eau d'un aquifère pour élever des ombles. Elle a de l'eau froide en permanence. Je n'avais jamais entendu parler de cette ferme parce qu'elle n'a pas eu besoin d'approbations du MPO. Il n'y avait pas de problèmes communautaires parce qu'elle était hébergée dans un bâtiment situé sur une ferme et pompait l'eau sous cette ferme. Ces gens livrent l'omble par service de messagerie à des restaurants huppés de Boston. C'est le genre de choses qui me passionnent vraiment. J'aimerais que toutes ces activités se déroulent sur terre un jour afin que nous n'ayions plus à nous préoccuper de cette question de compétence mixte.

Je pense que vous avez visité une ferme de flétan qui respecte parfaitement son plan d'affaires. Cela nous donnera nos 15 à 20 prochains p. 100 de croissance à mesure que nous avancerons. Cet exemple-là est intéressant. Nous sommes les chefs de file mondiaux dans ce secteur.

Comment le gouvernement fédéral peut-il aider la Nouvelle-Écosse? Nous avons besoin de conseils opportuns et pratiques pour trouver des sites. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral effectue non seulement les évaluations, mais les défende et adopte une position ferme à l'égard des collectivités qui prétendent que cela détruira l'environnement, alors que le travail d'évaluation a démontré en réalité que ce n'est pas le cas et que l'on peut prendre des mesures pour remédier aux préoccupations environnementales.

Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle solide de partenaire avec l'industrie et les provinces sur les questions de santé des poissons. Nous pouvons en offrir une partie, mais il faut effectuer beaucoup de recherches et de travail. Nous ne pouvons pas le faire seuls.

Il est clair que le gouvernement fédéral doit montrer l'exemple dans les efforts de R-D. J'estime qu'il le fait. De la R-D est effectuée dans de nombreux secteurs différents. Le principal problème pour nous aujourd'hui c'est de nous assurer que ces efforts sont coordonnés et ciblés pour l'industrie.

Le gouvernement fédéral devrait continuer à soutenir les commissaires au développement de l'aquaculture dans leurs efforts de réforme réglementaire. M. Bastien siège à notre groupe de travail dans le cadre du Conseil des ministres. Nous travaillons en étroite collaboration avec lui.

Nous avons besoin de soutien pour les efforts de développe ment déployés par la province.

En conclusion, monsieur le président, je crois que la Nouvelle-Écosse sera un chef de file dans le développement d'espèces de remplacement. Nous le prouvons déjà. Il est clair que la tendance sera aux grandes piscicultures. Il y aura davantage d'activités à terre une fois le travail de mise en place terminé. Je pense que c'est une évolution positive. Nous sommes persuadés que la croissance en Nouvelle-Écosse continuera de se situer entre 15 et 20 p. 100 par an au cours des cinq prochaines années.

Le président: Merci beaucoup. Ce fut un excellent exposé. Il sera très utile à notre comité. Votre enthousiasme est très évident.

Le sénateur Robichaud: À la fin de votre exposé, vous avez parlé d'un rôle pour le gouvernement fédéral en vue d'appuyer les efforts de développement déployés par la province. Voulez-vous dire par le biais de l'APECA, de programmes spéciaux de démarrage ou de subventions de démarrage? De quelle façon voyez-vous ce soutien être accordé à votre province?

M. Underwood: En raison du fait que l'un des principaux obstacles à la croissance de l'industrie est actuellement notre capacité à faire accepter l'industrie par la collectivité et à trouver des sites, nous avons besoin de collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral pour nous assurer que nos processus respectifs d'octroi de concessions, dans le cas de la province, et pour les travaux d'évaluation environnementale et de surveillance en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, fonctionnent en harmonie et sont efficients, équitables, scientifiques et factuels.

En fin de compte, la décision d'accorder ou non une concession est de nature politique. Nos chefs politiques ont besoin de bonnes données scientifiques et de bonnes informations pour pouvoir prendre des décisions éclairées. Il n'y aura pas toujours une acceptation complète dans une collectivité mais il faut avoir de bons renseignements, un bon programme de surveillance et un engagement d'effectuer un suivi et d'arrêter les activités si on a tort. Lorsque je parle de soutien des efforts de développement de la province, c'est d'un point de vue de la régie.

J'estime que nous devons avoir une planification plus intégrée et faire plus de travail au départ. Nous commençons à le faire. Nous effectuons un projet pilote sur la côte Est sur la gestion côtière intégrée. Cela signifie que nous essaierons d'examiner les bonnes possibilités d'aquaculture en dehors du contexte d'une demande particulière de concession. Autrement dit, nous effectuerons des travaux scientifiques et une océanographie descriptive et nous commencerons à identifier les secteurs dans lesquels différents types d'aquaculture seraient faisables. Ensuite, nous pourrons commencer à collaborer avec la collectivité pour lui faire accepter cette vision.

En rétrospective, il aurait mieux valu commencer à cartographier toute la province au début des années 80, effectuer toutes les recherches, morceler les sites et ensuite les vendre aux enchères à l'industrie. À 500 000 $ chaque, cela ferait plus que compenser pour toutes les recherches effectuées.

Le sénateur Buchanan: Nous aurions dû faire cela.

M. Underwood: Cela a été proposé mais, à l'époque, cela n'a pas été considéré comme la voie à suivre. Nous devons essayer d'imiter cette approche proactive. Cela exige beaucoup de collaboration. Nous commençons à constater un désir ardent du gouvernement fédéral de s'engager dans ce genre d'activité en raison du changement de point de mire dans la Loi sur les océans et de l'approche actuelle. Le MPO essaie de rattraper ses engagements en vertu de la Loi sur les océans et c'est l'une des façons d'y parvenir. Il peut commencer à envisager la planification avec les collectivités d'une façon proactive.

Nous n'avons pas besoin de subventions. Nous avons besoin de recherche et de soutien, en particulier si nous voulons être un chef de file dans le secteur des espèces de remplacement. Nous avons la capacité de le faire en Nouvelle-Écosse. Nous devrions exploiter cette capacité par le biais de la recherche appliquée pour la mise en valeur de l'aquaculture. C'est de ce genre de choses dont je parle.

Je ne pense pas que nous ayions besoin de subventions énormes pour mettre en valeur cette industrie. Nous avons des entreprises en pleine maturité qui veulent venir investir chez nous. Nous devrons continuer à appuyer les sociétés par le biais de prêts, mais nous sommes plus que disposés à le faire au niveau provincial. Nous n'avons pas besoin de la participation du gouvernement fédéral à ce volet.

Les deux points de mire qui sont vraiment importants sont la recherche et la régie.

Le sénateur Robichaud: Vous dites qu'il y a des entreprises qui veulent venir investir. Habituellement, lorsqu'il y a des débouchés, les gens sont prêts à venir avec des fonds à investir.

Dans certaines collectivités du Nouveau-Brunswick, l'activité de la pêche commerciale traditionnelle n'est plus ce qu'elle était. Les gens qui envisagent d'autres moyens pour compenser le fléchissement économique de leurs activités éprouvent des difficultés à mettre sur pied des entreprises, à obtenir les capitaux nécessaires pour faire les recherches convenables et ensuite à les faire je ne devrais pas dire «sortir de terre» mais plutôt démarrer dans l'eau.

M. Underwood: J'estime que la provenance des personnes ne devrait pas compter. En Nouvelle-Écosse, nous sommes des partisans du libre-échange. Nous importons et nous exportons du poisson. Les entreprises vont et viennent. L'exemple parfait est la société Scotian Halibut. Quel magnifique partenariat elle représente! Il y a une technologie islandaise, des investisseurs locaux et des possibilités locales de recherche et d'emploi. Tout cela se trouve regroupé pour offrir des débouchés commerciaux fantastiques. Des possibilités énormes s'offrent aux pêcheurs locaux. Un certain nombre d'entre eux se sont tournés vers l'aquaculture. Cela ne remplacera pas toutes les pertes subies dans la pêche au poisson de fond, mais la situation est la même dans les provinces de l'Atlantique. Il y a eu un énorme fléchissement de la pêche au poisson de fond et beaucoup de déplacements de gens.

Cependant, l'industrie est solide actuellement et il y a suffisamment de travail. Notre valeur à l'exportation continue d'atteindre des niveaux records. Il y a de la concurrence pour les travailleurs dans les deux secteurs. L'ouverture est là et nous ne regardons pas la provenance d'une compagnie. Les collectivités le font et toute entreprise, quelle que soit sa provenance, qui fait une proposition doit travailler avec cette collectivité. Bon nombre d'entre elles font appel à des personnes locales pour les aider à obtenir du soutien au sein de la collectivité. Il existe un certain nombre d'exemples de compagnies néo-brunswickoises qui arrivent et font appel à des aquaculteurs locaux, à des diplômés de nos programmes d'aquaculture, pour travailler avec la collectivité et faire accepter leur projet. Vous n'entendez pas beaucoup parler de ces projets. Ils franchissent les étapes du système en douceur sans déclencher de controverse.

Le sénateur Robichaud: Je ne voulais pas dire que nous devrions présélectionner les entreprises qui veulent exploiter des piscicultures. Je suis désolé si mes propos n'étaient pas assez clairs. Je souhaite seulement trouver des possibilités pour les collectivités locales qui éprouvent des problèmes dans certains cas. Je sais que la situation a changé un peu au Nouveau- Brunswick, où les pêcheurs commerciaux traditionnels étaient réticents à accepter l'aquaculture en général. La situation est-elle la même en Nouvelle-Écosse?

M. Underwood: Je comprends votre question maintenant. C'est exactement ce que nous nous efforçons de faire sur la côte Est avec notre projet pilote sur la gestion des zones côtières. Nous recherchons et nous identifions les possibilités d'aquaculture et nous collaborons avec la collectivité pour avoir accès aux compétences nécessaires, qu'il s'agisse de formation, de finances ou de soutien technique, en vue de faire progresser cette industrie. Ce n'est pas différent de ce que nous avons fait avec la société Scotian Halibut. Nous avons emmené certaines personnes locales intéressées en Islande et le projet de la société Scotian Halibut est finalement né de cette initiative. Nous sommes déjà en train d'identifier les besoins et les possibilités dans les collectivités pour voir si l'aquaculture a un rôle à jouer.

Le sénateur Forrestall: Comme tout le monde, je suis quelque peu impressionné par le potentiel. Toutefois, je ne suis pas emballé par cela en déployant un effort d'imagination. Vous devez vivre en permanence dans un environnement de champ de bataille. Si vous ne le faites pas, je vous présenterai les gens du port de St. Anns, de la baie de St. Anns. Franchement, c'est une collectivité de gens relativement intelligents voisins des propriétaires terriens, des gens qui utilisent la baie à des fins récréatives et autres.

J'ai été porté à croire qu'il y a eu un certain nombre d'études. L'une d'entre elles, si vous vous en souvenez, a été trouvée il y a deux ou trois semaines dans la bibliothèque du bureau de comté et à quatre ou cinq autres endroits. Vous pouviez vous présenter et examiner cet énorme document, mais vous ne pouviez pas le photocopier ou l'emprunter ou en faire autre chose du genre. Tout cela n'a évidemment fait qu'aggraver une situation très difficile.

Ces gens qui ont demandé mon aide m'ont dit - et j'ai bien hâte d'éclaircir certaines questions pour eux - que trois ou quatre chercheurs, l'un d'entre eux étant un professeur agrégé de l'université Dalhousie, ont étudié le problème du port de St. Anns et ont conclu que le projet proposé était beaucoup trop gros pour le débit actuel d'échange d'eau pour demeurer propre. Il serait regrettable, si vous vouliez faire avancer un projet de cette envergure, de vous heurter uniquement à quatre chercheurs ayant conclu que cela posera un problème. Êtes-vous familier avec ce dossier?

M. Underwood: Je suis familier avec la demande et avec le dossier.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous me dire de quelle entreprise il s'agit? Je ne connais même pas le nom de l'entreprise qui a déposé la demande.

M. Underwood: Je pense qu'il s'agit de la société Five Aqua. Il s'agit d'un partenariat entre un groupe de pêcheurs de la baie de St. Anns et une société de l'Île-du-Prince-Édouard. Ils possèdent déjà un site relativement petit.

Le sénateur Forrestall: Je crois savoir qu'ils ont déposé un certain nombre de demandes dans divers ports et secteurs de la Nouvelle-Écosse et que le gouvernement, pour diverses raisons, les a rejetées. Ils concentrent actuellement leurs efforts dans la baie de St. Anns, mais plus particulièrement autour du port. Est-ce vrai? Est-ce le quatrième ou le cinquième endroit?

M. Underwood: Je n'en suis pas certain. Je sais qu'ils avaient déposé une demande à la baie de Tatamagouche. C'était le secteur le plus controversé. Le ministre a rejeté cette demande-là.

Le sénateur Forrestall: Vous souvenez-vous, comme ça, du motif du rejet?

M. Underwood: Si je me souviens bien, c'était principalement à cause de l'opposition de la collectivité.

Le sénateur Forrestall: L'opposition de la collectivité. Ainsi, le gouvernement se préoccupe des souhaits et des désirs de la collectivité voisine?

M. Underwood: Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la décision finale concernant l'émission ou non d'un permis est de nature politique. La différence entre la baie de St. Anns et la baie de Tatamagouche réside dans le fait que, dans le dernier cas, la demande avait été présentée avant qu'il soit nécessaire de faire une évaluation environnementale. En ce qui concerne l'environnement, nous avons toujours opéré avec une diligence raisonnable mais, en tant que province, nous n'avions pas la capacité de recherche pour effectuer des évaluations complètes. Nous avions besoin par la suite d'une surveillance pour nous assurer que nos projections concernant les répercussions environnementales étaient correctes, mais le cas de la baie de St. Anns est la première des demandes présentées par de grosses compagnies de crustacés et de coquillages qui subit réellement le processus officiel d'évaluation environnementale.

Je ne peux assurément pas discuter des mérites de ce dossier parce qu'il est encore sur le bureau du ministre mais, en fin de compte, cette évaluation fera partie du dossier qui lui sera transmis pour lui permettre de décider d'accorder ou non cette concession. En feront également partie, évidemment, tous les renseignements communiqués et toutes les inquiétudes exprimées, à la fois par les partisans et par les détracteurs du projet. Il y a eu beaucoup d'échanges de correspondance à propos de cette demande en particulier.

Le sénateur Forrestall: Je ne suis pas au courant de votre correspondance, mais si vous en voulez, je peux vous en envoyer. Je peux vous adresser également la liste des appels téléphoniques.

M. Underwood: Nous avons un dossier étoffé.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais obtenir des éclaircissements sur la question des études environnementales. Une étude environnementale a été effectuée et elle était, je présume, conforme au processus exigé d'un demandeur. Est-ce exact?

M. Underwood: Les demandeurs, sous la direction du ministère fédéral des Pêches et Océans (MPO), effectuent une évaluation et répondent aux questions qui leur sont posées par le ministère. Je crois comprendre que nous en sommes actuellement au stade où ce document d'évaluation a été terminé et est actuellement examiné par le MPO. Une fois que ce dernier aura terminé cet examen, il fera connaître ses conclusions. Je n'aurai peut-être pas les détails, mais je saurai si le projet devrait ou non continuer. S'il doit se poursuivre, quelles seront les répercussions environnementales? Si on prévoit des répercussions environnementales, quelles mesures doivent prendre les demandeurs pour les atténuer? Ce sont les conditions en vertu desquelles le projet pourrait se poursuivre.

Le sénateur Forrestall: Pour rester dans la bonne direction, est-ce que les travaux des chercheurs que j'ai mentionnés, et d'une ou deux autres personnes, ont été pris en compte par les gens qui ont effectué l'étude environnementale? Je présume que cela n'est pas fait par les demandeurs. Ils doivent avoir engagé des chercheurs professionnels pour faire l'étude. Êtes-vous au courant des travaux impressionnants de ce groupe de biologistes du milieu marin? Mme Milewski est vice-présidente du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick. Tout le monde était d'accord sur la capacité. Est-ce que leurs travaux ont été pris en considération?

M. Underwood: Je crois comprendre que l'examen et l'évaluation de ce travail sont en cours.

Le sénateur Forrestall: Je vous adresse mes excuses. Je croyais avoir compris qu'ils avaient terminé une évaluation environnementale et l'avaient présentée. Les gens de cette région de la Nouvelle-Écosse ont réclamé à grands cris de voir cette étude. Elle avait été achevée puisqu'elle était exposée publiquement dans les bibliothèques, ce qui la rendait immédiatement disponible pour en faire des photocopies. Cela n'a pas duré très longtemps parce que, en fin de compte, des copies ont été mises à la disposition des gens. Est-ce dans l'ensemble exact?

M. Underwood: Oui, je dirais que c'est exact dans l'ensem ble, mais il y a une différence entre la compagnie qui achève l'évaluation et l'évaluation qui fait l'objet d'un examen et d'une décision par l'organisme de réglementation qui l'a demandée. Je crois savoir que cela n'a pas encore eu lieu.

Le président: Pour être bien certain, le site de St. Anns dont vous parlez est une ferme mytilicole, simplement pour donner plus de précisions en vue du procès-verbal.

Le sénateur Meighen: Bienvenue. Il est agréable de vous voir ici même en personne, plutôt que par le miracle de la technologie moderne.

Monsieur Underwood, vous avez dit dans votre exposé que l'aquaculture est une industrie un peu plus récente en Nouvelle- Écosse comparativement à certaines de vos provinces soeurs des Maritimes. Vous avez également dit que vous espériez apprendre de leurs erreurs afin de les éviter. Cela me semble éminemment raisonnable.

Le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick a témoigné devant nous. J'ai une citation tirée de cette rencontre, au cours de laquelle Mme Milewski et Mme Harvey étaient des témoins. Elles ont déclaré: «Il semble y avoir un problème de communication entre les deux paliers de gouvernement». Je présume qu'elles voulaient dire entre le Nouveau-Brunswick et le gouvernement fédéral. «Je pense pouvoir dire que nous sommes généralement très mécontents de la façon dont s'est déroulé le processus d'examen fédéral et le nouveau processus d'approba tion provincial. L'industrie de l'aquaculture est tout aussi fâchée à ce sujet».

Il me semble que vous éprouvez certains problèmes très fondamentaux dans cette industrie. Il y a le problème des demandes de sites, qui est grave au Nouveau-Brunswick. Comment vous proposez-vous de l'aborder, ou comment l'abordez-vous en Nouvelle-Écosse, car il concerne les deux champs de compétence, fédéral et provincial?

J'ai une question du même genre concernant la réglementation de l'environnement. Nous avons entendu des témoignages contradictoires sur l'état du milieu marin directement en dessous des cages en filet. Il y a des questions concernant les évasions et les maladies. Les premières concernent tout particulièrement la Nouvelle-Écosse, je pense. Il y a la question des poissons évadés qui sont des espèces non indigènes ou exotiques. Il existe des piscicultures en Nouvelle-Écosse où l'on élève des truites arc-en-ciel. Pouvez-vous me rassurer quelque peu en me disant que ces problèmes, qui sont indigènes de l'industrie - et je ne rejette le blâme sur personne - seront étudiés avec plus de sérieux qu'au Nouveau-Brunswick, selon les témoignages que nous avons entendus?

M. Underwood: C'est une longue question qui comporte de nombreux volets. Je vais essayer d'y répondre car elle est honnête.

Tout d'abord, à la différence de la région de la baie du Nouveau-Brunswick, il ne s'agit pas d'un problème correctif. Nulle part en Nouvelle-Écosse nous ne sommes confrontés à une situation dans laquelle la densité de l'aquaculture a atteint un point tel que des questions sérieuses ont été posées à propos de la densité et des maladies.

Je pense que l'on peut aborder le problème dès le début grâce à de bonnes évaluations environnementales comportant des travaux océanographiques descriptifs nous permettant de prendre des décisions prudentes. Ces décisions touchent le choix et la quantité des poissons qui seront placés dans certaines régions afin que l'activité puisse être soutenue.

Le sénateur Meighen: Convenez-vous qu'il y a une limite finie à ce qu'une région donnée peut soutenir?

M. Underwood: Absolument. Avant d'être sous-ministre, j'étais chercheur. Je comprends parfaitement cela. Toutefois, je ne pense pas que l'on puisse toujours calculer les chiffres à l'aide de modèles. Parfois, il faut faire des projections basées sur de bonnes données scientifiques et ensuite les surveiller. On appelle cela «l'expérimentation sur place» dans le cadre de laquelle on surveille l'activité, à mesure qu'elle progresse, pour évaluer ses répercussions et pour décider s'il y a trop de poissons sur le plan de la santé ou des incidences environnementales. De cette façon, on peut gérer la situation. J'estime qu'en progressant lentement et en surveillant attentivement, on peut résoudre ce problème.

Nous prenons la question des évasions très au sérieux.

Nous estimons que l'industrie devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les évasions. Nous disposons maintenant d'un programme qui oblige à déclarer les évasions en vertu de nos conditions d'émission des permis. Nous appuyons pleinement, tant à l'échelle provinciale que nationale, l'élaboration de codes de pratique dans l'industrie qui comporteraient les meilleures pratiques pour éviter l'évasion des poissons.

Il existe un mécanisme pour se pencher sur chacun des problèmes qui sont soulevés. C'est la façon d'aborder les questions environnementales. Si vous ne les abordez pas, vous en arriverez au syndrome «pas dans ma cour» qui empêchera toute activité, par le simple fait que vous n'êtes pas en mesure de répondre à ces questions. Vous ne pouvez pas dire que vous faites tout avec prudence et que vous utilisez les meilleures pratiques pour examiner ces inquiétudes. C'est l'industrie qui doit le faire.

Le sénateur Meighen: C'est davantage un commentaire qu'une question. Il est évident que l'industrie est intéressée à éviter les évasions, car c'est de l'argent qui s'échappe à la nage. Nous devons trouver un moyen d'améliorer le confinement.

Si mes renseignements sont exacts, le nombre d'évasions augmente au lieu de diminuer, même si c'est davantage au Nouveau-Brunswick qu'en Nouvelle-Écosse. Il est évident que l'on élève également davantage de poissons au Nouveau-Brunswick, alors je suppose que la loi des moyennes s'applique dans ce cas.

J'aimerais vous poser une question sur la répartition de la responsabilité entre les autorités provinciales et fédérales. Êtes-vous convaincu que chacun des paliers sait qui fait quoi à qui et comment? Y a-t-il des chevauchements?

M. Underwood: Comme je vous l'ai dit dans mon exposé d'ouverture, la réponse à cette question aurait été bien différente il y a six mois. Il y a de la place pour une amélioration. Je pense qu'il y a toujours de la place pour une amélioration dans le fédéralisme coopératif.

Comme je l'ai également mentionné dans mon introduction, d'après mon expérience il semble y avoir une volonté sans précédent de régler ce problème entre les deux paliers de gouvernement. J'ai bon espoir que cela arrivera.

C'est un véritable défi car le poisson nage et l'eau coule. Les gouvernements aiment les petits cadres bien ordonnés à l'intérieur desquels on peut fonctionner. C'est un véritable défi pour le psyché des bureaucraties et des gouvernements de penser différemment lorsqu'il s'agit d'établir des régimes de régie interne sur des choses qui coulent et qui nagent. Nous avons le même problème dans les domaines internationaux.

Les municipalités sont les mieux placées pour l'attribution des permis pour l'aquaculture. Elles parviennent bien à trouver ce qui est acceptable dans la collectivité et à effectuer l'exercice de zonage. Malheureusement, ce n'est pas une responsabilité municipale.

Le processus est davantage apparenté à un processus de zonage. C'est la raison pour laquelle nous commençons à étudier le projet pilote au large de la côte Est. Nous examinerons une activité de zonage davantage communautaire qui fait participer les habitants locaux d'une façon beaucoup plus constructive avant l'arrivée des demandeurs avec des propositions. Nous envisa geons un exercice de planification avant que se présente une occasion de mise en valeur.

Le président: Je suis certain que le sénateur Adams voudra faire mention de la question de l'omble de l'Arctique à Truro. Venant de l'Arctique, il souhaitera peut-être approfondir cette question. Nous nous rendons compte que Truro, en Nouvelle- Écosse, se trouve presque exactement à mi-chemin entre l'équateur et le pôle Nord, mais c'est la première fois que nous entendons parler d'élevage d'ombles dans cette région.

Le sénateur Adams: J'aimerais obtenir davantage de précisions sur la façon dont cela fonctionne. Est-ce que l'on élève des ombles en descendant le long de la côte Est?

M. Underwood: Oui, l'omble grandit très bien en captivité. Cependant, comme pour tout poisson, la clé du succès consiste à trouver la température optimale. Il s'avère qu'il y a un aquifère dans cette région de la Nouvelle-Écosse contenant suffisamment d'eau à la bonne température, été comme hiver. Il n'est pas nécessaire de faire chauffer l'eau; il n'est pas nécessaire de la refroidir. Tout ce qu'il faut faire, c'est la pomper.

Les ombles grandissent magnifiquement bien. Ils sont élevés dans des réservoirs situés dans des bâtiments appartenant à une ancienne ferme laitière.

Le sénateur Adams: Est-ce que l'eau vient de la mer?

M. Underwood: Non, c'est de l'eau douce provenant d'un aquifère. C'est un puits foré.

Le sénateur Adams: Nous n'avons pas cela dans l'Arctique. Nous avons des gelées estivales.

Le sénateur Buchanan: Merci. Je dois mentionner au départ que Peter Underwood a entamé son illustre carrière au ministère des Pêches sous les ordres d'un ministre des Pêches très compétent et d'un premier ministre très compétent qui dirigeait un gouvernement responsable. J'ai été premier ministre pendant 13 ans. M. Underwood a travaillé au ministère des Pêches durant sept de ces années. Vous savez maintenant qui était ce premier ministre compétent.

Il est intéressant de parler d'aquaculture. J'ai été ministre des Pêches en 1968, 1969 et durant une partie de 1970. C'est la période durant laquelle l'aquaculture a vraiment démarré.

Je vais vous raconter une petite histoire, si vous m'accordez une minute.

Le président: C'est au procès-verbal.

Le sénateur Buchanan: Gordon Tidman, qui est aujourd'hui juge à la Cour Suprême, Gerry Ritzi, qui est maintenant retraité à Truro, et moi-même avons été nommés au cabinet en même temps. Deux semaines après notre nomination, nous déjeunions ensemble. M. Ritzi nous a annoncé: «Eh bien, on vient tout juste de m'apprendre que j'allais faire un beau voyage à Seattle, Washington et San Francisco pour promouvoir l'industrie de la Nouvelle-Écosse». On les appelait les «voyages de homards».

Gordon Tidman nous a déclaré: «Je pars à Atlanta en Géorgie. Les ministres des Services sociaux ont été invités là-bas pour étudier de nouvelles méthodes dans le sud des États-Unis. Et vous, allez-vous quelque part?»

J'ai répondu: «Non, on ne m'a fait part de rien». J'étais le ministre des Pêches et des Travaux publics. De retour à mon bureau, une note me demandait d'appeler le sous-ministre des Pêches de l'époque. Elle disait: «Monsieur le ministre, puis-je venir vous voir? J'ai un petit voyage en tête pour observer de nouvelles méthodes que, je pense, vous apprécierez».

Je me disais que cela semblait formidable. Je pensais que la Suède avait de nouvelles méthodes de commercialisation. Le sous-ministre voulait sûrement que je me rende en Suède pour examiner de nouvelles méthodes d'emballage et de commercialisation.

Il est entré dans mon bureau et s'est assis. Je lui ai demandé: «Brian, où allons-nous?»

Il m'a répondu: «Nous avons quelques nouveaux bancs d'huîtres en descendant le long de la côte Est. Je pense qu'il est temps que vous y alliez pour vous rendre compte par vous- même».

Je me suis rendu sur la côte Est. M. Underwood se rappellera des bancs d'huîtres que l'on trouve là-bas. C'était les premiers en Nouvelle-Écosse, je crois.

Le sénateur Meighen a parlé de truites arc-en-ciel. Les premières fermes d'élevage de truites arc-en-ciel se trouvaient également sur la côte Est. J'étais ministre des Pêches lors de l'inauguration en grande pompe suivie d'un magnifique dîner. Toutefois, cela n'a duré que sept ou huit mois, si je me souviens bien. Toutes les truites sont mortes d'une maladie quelconque.

Vous ne pourriez pas vous en souvenir, monsieur Underwood; vous étiez à l'époque à l'université Dalhousie. Les gros compartiments en béton sont toujours là. C'était énorme et coûteux.

Un aspect de l'aquaculture dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse - et M. Underwood s'en souviendra également parce qu'il était au ministère à l'époque - est la présence, du milieu à la fin des années 80, de problèmes dans la région de la baie de Prospect avec l'élevage de saumons en enclos. Le problème se posait avec les pêcheurs locaux, qui s'opposaient avec vigueur à l'aquaculture et qui sortaient la nuit, ouvraient les enclos et laissaient les saumons s'échapper. Il y avait une jeune femme qui se lançait dans l'aquaculture mais, à cause des pêcheurs locaux, elle a déménagé son emplacement deux ou trois fois.

J'ai été impliqué dans les tout débuts de l'aquaculture. Elle a prospéré en raison de l'expertise de gens comme Peter Underwood.

Quelle a été la valeur marchande totale de l'industrie de la pêche en Nouvelle-Écosse durant le dernier exercice financier?

M. Underwood: Parlez-vous de l'industrie de la pêche ou de l'industrie de l'aquaculture?

Le sénateur Buchanan: De l'industrie de la pêche.

M. Underwood: La valeur à l'exportation atteint environ 1,2 milliard de dollars. La valeur au débarquement serait de 750 millions de dollars.

Le sénateur Buchanan: Quelle est la valeur de l'industrie d'aquaculture?

M. Underwood: La valeur à la ferme serait de 50,2 millions de dollars.

Le sénateur Buchanan: Elle augmente chaque année, si je comprends bien.

M. Underwood: En 1999, elle atteignait 35 millions de dollars. Durant toute la période écoulée depuis 1994, elle a connu une croissance à deux chiffres.

Le sénateur Buchanan: Les membres du comité compren dront et se rendront compte que l'industrie de la pêche est prospère en Nouvelle-Écosse, comme l'a dit M. Underwood. La valeur marchande des produits du poisson dépasse le milliard de dollars. Vous pouvez comparer ce chiffre à celui d'il y a 20 ou 25 ans, alors qu'elle atteignait 100 millions, 200 millions de dollars. De fait, la valeur totale des crustacés et des coquillages atteignait 200 millions de dollars au début des années 70. Nous avons parcouru bien du chemin depuis.

Je tiens également à faire mention de la situation dans la baie de St. Anns. Il y là-bas une personne qui téléphone de temps à autre au sujet de l'aquaculture. J'ai parlé de la situation à votre ministre au nom du monsieur de Baddeck, que le sénateurDe Bané connaît également.

Le sénateur De Bané: Lorsque j'étais ministre des Pêches, mes rencontres avec nos pêcheurs du sud-ouest de la Nouvelle- Écosse étaient des événements mémorables.

Le sénateur Buchanan: Je m'en souviens très bien.

Le sénateur Mahovlich: Il y a quelques semaines, j'ai posé une question au sujet des marées au Nouveau-Brunswick, qui sont les plus fortes au monde. Je pensais que la région serait idéale pour l'aquaculture. Deux jours plus tard, j'ai lu un article dans le journal sur la pêche au poisson sauvage. Les pêcheurs de la région de St. Andrews prétendaient que le poisson sauvage de l'Atlantique avait diminué et ils n'arrivaient pas à trouver pourquoi. Sauriez-vous quelque chose à ce sujet? L'avez-vous étudié? Je sais que les gens blâmeront l'aquaculture.

M. Underwood: Ils peuvent voir et toucher l'aquaculture, et il y a ceux qui blâment l'aquaculture, mais il faut examiner l'ensemble de l'écosystème dans lequel vit le saumon. Les facteurs à prendre en considération sont les barrages, les habitudes d'utilisation des terres, l'érosion des rivières, la qualité de l'eau, les pluies acides et la prédation. Il y a toute une série de problèmes possibles; par conséquent, je ne prétendrai pas pouvoir répondre à cette question. Les chercheurs se querellent à ce sujet. Cela m'embête de les entendre dire que l'effondrement du saumon de l'Atlantique est causé par l'aquaculture, parce que ce ne peut en aucun cas être l'unique facteur. Ce peut être l'un des facteurs contributifs ou non, mais nous avons constaté que les populations de saumon sont stressées, surtout dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse. Nous savons que c'est à cause des pluies acides. Les rivières ne peuvent plus soutenir les populations. Nous faisons face à ce problème parce que nous sommes le tuyau d'échappement du nord-est des États-Unis.

Le sénateur Mahovlich: La situation ne s'améliore-t-elle pas?

M. Underwood: Nous avons effectué beaucoup de travail avec les Américains. La situation s'améliore en ce qui concerne le taux de dépôt, mais nous avions émis l'hypothèse qu'en éliminant le problème, il se résoudrait de lui-même. L'environnement ne prend pas toujours le même chemin de retour. Lorsque vous lui faites du tort, et que vous supprimez ensuite la cause de ce tort, il ne revient pas automatiquement à son état antérieur.

Le sénateur Mahovlich: Nous connaissons ce problème dans le nord de l'Ontario, dans les Muskokas. Nous rejetions le blâme sur Sudbury. Ils ont réglé le problème et nous pouvons maintenant manger du poisson parce que le niveau de mercure a nettement baissé dans ces lacs. La pêche y est bien meilleure depuis que Sudbury a réglé son problème.

M. Underwood: Le mercure peut se frayer son chemin dans le système, mais on reçoit davantage d'acide dans les sols, alors il continue à faire effet longtemps après que vous en supprimez la source. C'est ce que l'on découvre aujourd'hui.

Le sénateur Meighen: Monsieur Underwood, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que l'aquaculture est responsable du déclin du saumon de l'Atlantique. Je me réfère à la baie de Fundy, en particulier à la partie intérieure de la baie de Fundy. J'ai entendu dire que les saumons de l'Atlantique ont pratiquement disparu des rivières de l'intérieur de la baie de Fundy, que la pression exercée sur les quelques poissons restants par les évasions, la transmission des maladies et cetera, et la concurrence pour l'habitat et tout le reste, est extrêmement dangereuse.

M. Underwood: Ce genre d'argument est sensé et nous préoccupe. Je pense que l'industrie reconnaît qu'elle doit réduire le nombre d'évasions. J'ai entendu à l'occasion des gens rejeter le blâme sur l'aquaculture.

Le sénateur Meighen: Le saumon a commencé à décliner dans la baie de Fundy bien avant l'apparition de l'aquaculture.

Le sénateur Buchanan: N'est-il pas vrai que le saumon de l'Atlantique effectue actuellement un retour?

M. Underwood: Non.

Le président: L'une des inquiétudes, soulevée devant nous, est la conversion du poisson sous-utilisé, c'est-à-dire du poisson dans les mers du Sud, ou ailleurs, en aliments pour poissons. Le facteur de conversion est d'environ 4 pour 1. Il faut bien plus de poissons chétifs pour produire les aliments. Cet argument nous a été présenté en comité et nous aimerions obtenir vos commentaires pour savoir si c'est un moyen économique de produire du poisson avec les niveaux de protéine exigés par le marché.

M. Underwood: Je devrais avoir les chiffres sur le bout de la langue, mais ce n'est pas le cas.

Le président: Nous recherchons l'argumentation générale.

M. Underwood: Tout d'abord, le taux de conversion est beaucoup plus élevé pour la viande. Je suis également dans l'agriculture alors je ne veux pas parler de façon péjorative de l'industrie agricole. Le facteur clé c'est que grâce à la recherche, et aux méthodes d'élevage, on peut constamment améliorer ce taux de conversion. C'est ce que nous devons nous efforcer de faire.

Du côté du poisson à nageoires, le taux est assez efficient. Du côté des crustacés et des coquillages, il n'y a pas besoin de les nourrir et c'est formidable.

Le président: J'aimerais retourner à la question de la baie de St. Anns, où on propose d'établir une ferme mytilicole. On me dit que les moules sont des bivalves qui ne polluent pas. Elles sont supposées nettoyer l'eau qu'elles absorbent à cause de leur système de filtration.

Vous avez mentionné que même une ferme mytilicole aurait besoin d'une évaluation environnementale. Pourquoi, si les moules n'endommagent pas l'environnement? S'agit-il d'une question de navigation ou d'une question d'esthétique du site? J'essaie de saisir cette question, car je ne vois pas comment les moules polluent.

M. Underwood: La réponse technique à votre question est qu'une évaluation environnementale est requise parce qu'il faut un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. C'est la réponse technique.

Il y a toujours des enjeux environnementaux. Même s'il n'y a pas de dépôt massif de matières fécales ou d'inquiétudes à propos des aliments inutilisés qui pourraient être associés aux fermes d'élevage de poissons à nageoires, chaque fois que vous amenez quelque chose dans un écosystème comme cela, il faut répondre à des questions. Il y a des inquiétudes, qu'elles aient trait à la navigation et à l'utilisation de l'eau, aux répercussions de la migration du poisson ou aux dépôts de matières fécales provenant des moules. Il faut répondre à ces questions.

Chaque fois que vous faites quelque chose à l'environnement, il y a un impact. La question concerne le degré de cet impact. Pour l'évaluer, il faut faire une évaluation environnementale.

Le sénateur De Bané: Monsieur Underwood, comment le Canada dans son ensemble se compare-t-il aux autres pays qui ont démarré dans l'aquaculture avant nous? Je pense surtout aux pays scandinaves. Sommes-nous à égalité avec eux?

M. Underwood: Je n'ai pas les chiffres exacts. Il est clair que la Norvège et le Chili ont pris la technologie canadienne de l'Atlantique et l'ont utilisée énormément à leur avantage.

Le sénateur De Bané: La Norvège a fait cela?

M. Underwood: Le Chili l'a fait également. Ils utilisent notre technologie et produisent bien davantage que nous. Je n'ai pas ces chiffres.

Nous devrions représenter un faible pourcentage de la production mondiale. Si nous comptons aux environs de 45 millions de tonnes de produits de l'aquaculture, nous ne devrions représenter rien d'autre qu'une infime fraction de cette production mondiale. Pour la valeur totale à la ferme, elle atteint environ 400 millions de dollars. Je ne veux pas donner les chiffres au hasard, mais c'est un pourcentage à un seul chiffre de la production mondiale.

Le sénateur De Bané: Lorsque nous avons débuté dans le domaine de l'aquaculture dans les années 80, il y a eu quelques grandes faillites, en particulier sur la côte Ouest, pour toutes sortes de raisons, notamment des bactéries et que sais-je encore. Diriez-vous que nos connaissances actuelles sur la pratique d'une aquaculture sécuritaire sont aussi bonnes que celles de pays comme la Norvège ou des autres pays scandinaves?

M. Underwood: Oui, nous sommes peut-être même en avance dans un certain nombre de domaines, en particulier pour quelques-unes des espèces de remplacement autres que le saumon et pour certains des travaux que nous avons effectués sur les crustacés et les coquillages. Nous avons le potentiel d'être ce que les ministres ont dit souhaiter pour notre pays, c'est-à-dire un chef de file mondial en aquaculture. Nous avons le potentiel de le faire convenablement.

Le sénateur De Bané: Êtes-vous préoccupé par le fait qu'une surcapacité aurait un effet dépresseur sur les prix?

M. Underwood: Toutes les espèces aquacoles semblent traverser une évolution. Elles démarrent dans un marché à créneaux comme le saumon à 7 $ la livre; c'est un nouveau produit-créneau et il exige un prix très élevé. De plus en plus de gens le produisent et il devient un produit de base. Ensuite, il y a ceux qui travaillent dans le secteur des produits de base et qui essaient de canaliser leur produit vers un marché à créneaux. C'est une évolution. À mon avis, nous devons mettre au premier plan le plus grand nombre possible de ces produits avant qu'ils ne deviennent des produits de base. Le véritable avantage se situe durant les dix premières années environ, quand vous obtenez 9 $ la livre, comme c'est le cas actuellement pour le flétan. Il n'est pas nécessaire de produire des quantités énormes. Vous réalisez votre bénéfice sur la qualité et sur le prix.

Le sénateur De Bané: L'un des grands avantages de l'aquaculture c'est que vous pouvez récolter pour vendre. Dans certaines régions, ils reçoivent une télécopie d'un client disant qu'il a besoin de tant de livres. C'est seulement à ce moment-là que l'on tue le poisson et qu'on le livre dans les deux jours. On tue pour vendre et la production est vraiment tributaire du marché. Dans un sens, c'est beaucoup mieux.

M. Underwood: Vous avez raison, sénateur. Ce n'est pas seulement la possibilité de tuer pour vendre; vous pouvez commencer à vous lancer dans des activités comme le marché en vif. C'est bizarre, mais la plus grande valeur que vous pouvez ajouter à un poisson c'est de le livrer vivant sur le marché. Nous le savons dans la pêche au homard et nous le faisons depuis des années.

Nous effectuons actuellement des expériences sur l'expédition de poissons vivants en conteneurs par fret aérien vers le marché de Tokyo. Le supplément que vous obtenez pour livrer un poisson qui frétille encore de la queue est phénoménal. Vous ne pouvez vraiment faire cela qu'avec les produits aquacoles.

Cela vous permet également de présenter au menu de restaurants des plats que vous ne seriez normalement pas en mesure d'offrir, comme du flétan, qui était toujours une prise accidentelle. On en voyait à l'occasion dans les marchés de poissons. Si vous en élevez, vous pouvez le mettre au menu et le livrer de la taille et à la date que vous voulez. Il complète vraiment le poisson sauvage. Je ne pense pas qu'il le menace du tout.

Le sénateur De Bané: Le Japon est-il actif en aquaculture?

M. Underwood: Je sais qu'ils en font. Depuis des millénaires, l'Asie est extrêmement active en aquaculture.

Le sénateur Meighen: Leurs activités sont surtout terrestres, n'est-ce pas?

M. Underwood: Il s'agit en majorité d'invertébrés élevés en étang, comme des crevettes.

Le président: Je ne peux m'empêcher de faire remarquer que le sénateur De Bané a été autrefois ministre fédéral des Pêches. C'est probablement à l'époque où vous avez débuté votre carrière, monsieur Underwood.

M. Underwood: C'était juste avant.

Le président: Le sénateur Robichaud a été secrétaire d'État aux Pêches au niveau fédéral il y a quelques années. Nous avons également le sénateur Buchanan, qui a été ministre provincial des Pêches.

Le sénateur De Bané: C'était le bon temps.

Le président: Je ne peux m'empêcher d'en parler. Vous avez été toute une attraction ici ce soir, monsieur Underwood. Vous avez attiré les gros bonnets. C'est une bonne note pour vous.

Le sénateur Forrestall: Je n'ai jamais été ministre des Pêches mais lorsque ces deux-là n'étaient encore que des projets dans les yeux pétillants de leurs parents, je construisais des barrages.

Je voudrais revenir à la baie de St. Anns. Votre réponse au président sur la nature de la moule m'a plu. Si les moules étaient aussi bonnes que le président le croit, nous les aurions eues dans le port de Halifax pour quelques milliers de dollars il y a 50 ans et nous n'aurions pas la pollution que nous y constatons actuellement.

Le président: Je ne peux m'empêcher de dire cela en passant: n'assimilez jamais la croyance à la forme de la question. Je n'exprime pas forcément ma croyance; je formule des questions.

Le sénateur Forrestall: Je plaisantais.

Avez-vous une idée de la date à laquelle l'examen fédéral de l'évaluation environnementale sera achevé?

M. Underwood: Je n'ai entendu parler d'aucune date précise mais je suppose que cela ne tardera pas plus que d'ici quelques mois. Cela ne devrait pas durer plus longtemps. Nous parlons de coopération pour accélérer l'examen des évaluations et le processus d'émission des permis. Nous voulons un système qui prendrait de six mois à un an du début à la fin. Celui-ci dure depuis un certain temps déjà, alors j'ose espérer entendre parler d'eux bientôt - et le plus tôt sera le mieux.

Le sénateur Forrestall: Lorsque l'examen sera achevé et que vous l'aurez en mains, votre ministère a-t-il l'intention de le ramener dans la région de la baie de St. Anns à des fins de discussion en réunions publiques avant de prendre la décision finale d'accorder une concession?

M. Underwood: La législation qui régit la responsabilité du ministre en matière de concessions ne nous oblige pas à refaire une autre ronde de consultations dans la collectivité. Le ministre a la prérogative de le faire, s'il le souhaite.

Le sénateur Forrestall: Si les habitants de la baie de St. Anns opposent une résistance sérieuse, et je ne peux qu'en déduire qu'ils sont sérieux pour diverses raisons, pas toutes d'ordre environnemental, il leur incomberait d'exercer les formes de pression habituelles sur le ministère provincial en particulier?

M. Underwood: Le ministre est parfaitement tenu au courant de toute la correspondance et de toute l'information que nous recevons. Tout cela fait partie du dossier qui est transmis avec les recommandations du personnel.

Le sénateur Forrestall: Je ne peux que présenter des conclusions.

Le président: Nous allons garder un oeil sur ce dossier.

Le sénateur Forrestall: Ensuite, vous n'aurez plus à vous soucier de moi pendant un bon bout de temps.

Je n'ai pas été impliqué dans le volet professionnel des pêches, mais j'étais dans les parages lorsque vous êtes venu travailler pour la province. Tout comme l'ancien premier ministre, j'ai toujours pensé que la province avait été chanceuse de votre venue. Je me rappelle que vous étiez beaucoup trop jeune pour un travail si ardu.

M. Underwood: Le temps a résolu ce problème.

Le sénateur Forrestall: Merci beaucoup d'être venu témoi gner ici. Je vous demande seulement de communiquer au ministre la profonde préoccupation de ces gens. Vous pouvez l'informer que je dirai aux gens de la baie de St. Anns que, s'ils veulent éviter les plaisirs de l'aquaculture dans le port, ils feraient mieux de monter une opposition très visible et bien informée à l'émission du permis. Je présume qu'une fois qu'il est accordé, il est plutôt difficile de le révoquer?

M. Underwood: Ce ne devrait pas être le cas et c'est l'une des responsabilités de la régie interne. Nous fixons des critères rattachés à ces permis. Nous ne nous contentons pas de les octroyer et de ne plus nous en préoccuper par la suite. L'une de nos responsabilités consiste à utiliser notre mécanisme d'octroi des permis comme structure de régie efficace. Nous devons stipuler que si les conditions du permis ne sont pas respectées, la concession sera révoquée. Nous pouvons le faire.

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux d'entendre cela. Vous laissez entendre que les évaluations environnementales sont une bonne chose. Cependant, l'étendue et la qualité des évaluations peuvent entraver sérieusement l'expansion des petits intervenants dans l'industrie néo-écossaise. Le coût d'entrée est estimé à 70 000 $ par site pour la seule évaluation environnementale et les immobilisations totales se situent aux environs de 80 000 $. Il s'agit d'une dépense absolument disproportionnée pour ce qui pourrait être une responsabilité gouvernementale, afin de nous assurer que le petit entrepreneur ne soit pas incapable d'avoir accès à la pêche, comme l'a suggéré mon collègue le sénateur Robichaud. C'est très important et votre commentaire antérieur est valable à l'effet que si nous avions jeté un regard sur la province il y a 20 ans, nous aurions peut-être aujourd'hui un régime connu et éprouvé. Nous connaîtrions la capacité de ces baies, de ces passages et de ces ports, et la vie pourrait être plus facile aujourd'hui pour les demandeurs.

Le sénateur Buchanan: Monsieur Underwood, je me trompe peut-être, mais j'ai cru comprendre que, dans des rivières comme la Restigouche, la Miramichi, la Margaree et la East Saint Mary's, il y avait un peu de retours durant les dernières années. Les poissons ne commencent-ils pas à revenir?

M. Underwood: Je ne connais pas les chiffres par coeur pour les diverses rivières mais, dans certaines régions, on constate une certaine amélioration des retours, même si les niveaux sont encore très faibles. Les stocks de l'intérieur de la baie de Fundy sont dans un état très alarmant.

Le sénateur Buchanan: Est-ce dû en partie au fait que l'on prend moins de saumons au filet au large du Groenland?

M. Underwood: On entend parler de tant de raisons différentes pour le déclin du saumon de l'Atlantique et c'en est une. Le gouvernement du Canada a présenté sur la scène internationale ce problème de la prise des saumons au filet lorsqu'ils partent pour leur voyage océanique. Je siège au conseil consultatif de R-D pour Environnement Canada. Il y a là des chercheurs qui semblent avoir déterminé que la cause de l'effondrement du saumon de l'Atlantique est ce qu'ils appellent «les perturbateurs du système endocrinien», ce qui arrive lorsque les poissons sont exposés aux effluents des usines de pâtes et papiers. Cela dérange leur capacité en vue d'arriver à maturité et d'affronter la vie en dehors des rivières. Qui sait? Il faut déployer des efforts concertés pour examiner les stocks de saumon sur la côte Est. Le gouvernement fédéral dépense des sommes considérables pour répondre aux questions sur la côte Ouest et nous estimons qu'il devrait faire la même chose sur la côte Est.

Le sénateur Buchanan: Qu'en est-il de la salmoniculture qui a été lancée à la fin des années 80 aux environs de Lingan et des centrales électriques? Les Autochtones près d'Eskasoni allaient démarrer quelque chose dans les eaux rejetées par la centrale électrique de Lingan. Qu'est-il advenu de ce projet?

M. Underwood: Cela a fait partie des pêcheries Eskasoni Fisheries, qui sont devenues à leur tour un élément de la compagnie Scotia Rainbow. Ils utilisaient Lingan comme un élément de leur processus de croissance et cela semblait fonctionner. Pendant un certain temps, l'eau est chaude et le poisson peut grandir en hiver. Si je comprends bien, l'exploitation de Lingan faisait partie du cycle du produit dans cette installation. Elle est toujours utilisée, mais pas selon les plans initiaux.

Le sénateur Buchanan: Qu'advient-il de la salmoniculture à Digby, près des terminus des traversiers?

M. Underwood: Le poisson grandit très bien là-bas. Annapo lis n'a pas aussi bien tourné à cause des courants. Certains sites sont fabuleux mais, dans d'autres régions, la dérive tidale est si forte qu'ils ont été incapables de fabriquer une cage capable de fonctionner.

Le sénateur Buchanan: Je sais qu'il y a quelques années, une tempête a fouetté les enclos et qu'il y a eu beaucoup d'évasions.

Je tiens à dire, monsieur le président, que l'industrie des pêches en Nouvelle-Écosse a bénéficié de la présence de quelques excellents sous-ministres.

Le sénateur Mahovlich: À cette époque-là, la Miramichi était la meilleure rivière de pêche au monde. J'y suis allé l'an dernier et il n'y avait rien à prendre. Les usines de pâtes et papiers déversaient leurs effluents dans cette rivière. Cette pratique a-t-elle cessé? La rivière a-t-elle été nettoyée?

M. Underwood: Depuis près d'une décennie maintenant, des règlements plutôt draconiens régissent les effluents sortant des usines de pâtes et papiers.

Le sénateur Mahovlich: Ils ne fonctionnent toujours pas.

M. Underwood: La situation s'est considérablement améliorée par rapport à il y a dix ans. Je ne pourrais pas dire s'il s'agit encore d'un facteur compromettant.

Le président: Merci, monsieur Underwood, pour toute l'aide que nous avons obtenue de votre ministère lors de notre visite chez vous l'été dernier. Ce fut une bonne expérience d'apprentissage. Nous avons rencontré des gens très enthousiastes au sujet de leur industrie.

Merci également d'être venu témoigner. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements à inclure dans notre rapport.

Je demande aux membres du comité s'ils sont d'accord pour que les documents présentés ce soir par M. Underwood soient annexés au rapport du comité?

Des sénateurs: D'accord.

Le président: Sénateurs, notre prochaine rencontre aura lieu le 29 mai. Nous aurons, entre autres témoins, Yves Bastien, Commissaire au développement de l'aquaculture, dont le rapport est maintenant mis à la disposition des sénateurs sur demande. Il a fait des commentaires sur l'examen environnemental.

M. Underwood: M. Bastien a également rédigé un rapport analysant toutes les lois fédérales et provinciales en rapport avec l'aquaculture et formulant des recommandations en vue d'effectuer une mise au point. C'est un bon document contenant beaucoup de conseils en vue d'améliorer nos systèmes. Il est court et très facile à lire: l'aquaculture en bref.

La séance est levée.


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