Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches
Fascicule 9 - Témoignages du 16 octobre 2001
OTTAWA, le mardi 16 octobre 2001
Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui, à 19 heures, pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous allons poursuivre ce soir notre étude des questions relatives à l'industrie des pêches. Nous avons le privilège de recevoir M. Cuillerier, directeur général, Gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement.
Je vous remercie de comparaître devant le comité pour nous permettre de mieux comprendre les défis, les problèmes et les idées nouvelles concernant le secteur des pêches. Monsieur Cuillerier, la parole est à vous.
[Français]
M. Paul Cuillerier, directeur général, Gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement, ministère des Pêches et des Océans: Monsieur le président, j'aimerais d'abord vous remercier pour votre invitation. Je suis très heureux qu'on m'ait donné l'occasion de vous parler de la gestion de l'habitat du poisson au Canada. Je suis directeur général de la gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement. Deux de mes directeurs m'accompa gnent, soit Richard Nadeau, directeur des Opérations de l'habitat et Patrice LeBlanc, directeur du Programme de l'habitat, Gestion du développement des politiques.
[Traduction]
Comme vous le savez, la gestion durable des ressources halieutiques du Canada est un important domaine de la politique publique, compte tenu de son importante contribution à la prospérité économique du pays et de sa grande valeur pour la qualité de vie de tous les Canadiens. Le Canada bénéficie d'une faune aquatique très diversifiée qui peut procurer aux Canadiens des avantages économiques, sociaux et environnementaux à perpétuité. Mais le poisson n'est que l'un des éléments des ressources halieutiques. En fait, il est lui-même le produit d'une ressource canadienne encore plus fondamentale - l'habitat - c'est-à-dire le milieu vital dont les poissons dépendent directe ment ou indirectement et qui est essentiel pour soutenir la production des espèces de poissons qui vivent dans nos eaux douces et marines.
Non seulement des habitats de poisson sains et productifs apportent-ils des bienfaits économiques, sociaux et culturels aux Canadiens, mais ils sont également des indicateurs d'un environ nement sain et sûr, y compris des eaux propres et un biote aquatique diversifié. Les habitats du poisson en eaux douces et marines du Canada font face à d'importants enjeux dont les menaces biologiques, chimiques et physiques résultant de tout un éventail d'activités humaines qui ont des répercussions directes et indirectes sur la productivité de l'habitat. Ces menaces peuvent entraîner une détérioration ou une perte d'habitats du poisson attribuable à des changements, petits et grands, et se manifestant de manière plus ou moins évidente ou subtile.
Le Canada a mis en place un régime juridique qui tient compte de l'importance de conserver et de protéger les habitats du poisson en eaux douces et marines. Le gouvernement fédéral a une obligation constitutionnelle envers la conservation et la protection de l'habitat du poisson sans compter de solides pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les pêches en ce sens.
[Français]
Le ministère des Pêches et des Océans ne travaille pas seul à tenter d'atteindre les objectifs qui correspondent à sa vocation et il ne pourrait d'ailleurs y arriver autrement. De fait, la gestion de l'habitat est l'affaire de tous. Il est donc très important pour le ministère des Pêches et des Océans de collaborer avec le gouvernement des provinces et des territoires, d'autres ministères fédéraux, des administrations locales, des entreprises privées, des Premières nations et des groupes autochtones, des groupes communautaires et des bénévoles, des organisations internationa les et finalement, le grand public.
Le ministère des Pêches et des Océans a établi un cadre stratégique composé de deux éléments clés. Le premier est le principe d'aucune perte nette d'habitat du poisson qui traduit le concept de développement durable en termes opérationnels, et le second est la promotion d'une démarche équilibrée à l'égard des activités réglementaires et proactives.
[Traduction]
Tirant parti du régime juridique et du cadre stratégique s'appliquant à la conservation et à la protection de l'habitat du poisson, le MPO a créé un programme consacré à la gestion durable des ressources d'habitat du poisson du Canada ce dont je vais vous parler ce soir.
Plus précisément, j'aimerais examiner avec vous les points suivants: la définition et l'importance de l'habitat du poisson. J'examinerai également le programme de gestion de l'habitat du MPO, les enjeux que représente la mise en oeuvre de notre programme et l'avenir.
[Français]
J'ai un document qui pourrait être distribué. Je vais vous en parler maintenant si vous me le permettez.
Le président: Oui, absolument.
[Traduction]
Pour commencer par ce qu'est l'habitat du poisson et pourquoi il est important, je vous parlerai d'abord du programme de gestion de l'habitat du MPO, des lois et politiques, du mandat, des ressources, des endroits, des défis que nous devons relever et de l'avenir.
Voyons maintenant l'habitat du poisson, qui figure à la page suivante. Nous définissons l'habitat du poisson comme toute aire de frai et de grossissement, zone d'élevage, d'alimentation et de migration dont le poisson dépend directement ou indirectement pour son cycle vital.
Qu'est-ce que cela veut dire en termes simples? Il s'agit d'une définition assez vaste. Cela comprend non seulement l'eau proprement dite, mais également les zones qui apportent de la nourriture et une protection. Par exemple, la végétation offre une couverture et contrôle la température. Les deux sont nécessaires à la survie du poisson.
Nous passons ensuite à l'importance de l'habitat du poisson. Au Canada, l'habitat du poisson offre l'environnement requis pour soutenir la production du grand nombre d'espèces de poissons d'eau douce et de mer qui apportent aux Canadiens un vaste éventail d'avantages sur le plan économique, social, culturel et environnemental. L'habitat du poisson présente donc un intérêt particulier pour un grand nombre de parties prenantes et de clients, le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires ainsi que le grand public.
Les habitats du poisson revêtent une importance cruciale pour nos pêcheurs commerciaux. Les prises commerciales se chif fraient à plus d'un million de tonnes et leur valeur atteignait 1,7 milliard de dollars en 1998; nos exportations de poisson dépassaient 0,5 million de tonnes évaluées à 3,7 milliards de dollars en 1999.
Nous avons également des pêcheurs sportifs dont la plupart d'entre nous connaissent un certain nombre. Plus de 4,2 millions de pêcheurs à la ligne adultes ont dépensé 7,4 milliards de dollars. Cela représente un grand nombre de gens qui s'intéressent directement à l'habitat du poisson.
L'habitat du poisson soutient également la production d'espèces halieutiques qui revêtent une grande importance sociale et culturelle pour les Autochtones et constituent un élément important du tissu social et du mode de vie de nombreuses collectivités.
Des habitats du poisson sains sont également un indicateur d'un environnement sûr et sain, y compris l'eau propre. En fin de compte, sans habitat, il n'y a pas de poisson ni aucun des avantages qui en découlent pour les Canadiens.
Nous en arrivons au programme de gestion de l'habitat et à son fondement juridique. La Loi sur les pêches, une des lois les plus anciennes du pays, a été proclamée en 1868. Elle contient des dispositions concernant l'habitat qui confèrent au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir de conserver et de protéger l'habitat du poisson dans les eaux canadiennes. La loi s'applique à l'ensemble du pays, y compris les propriétés privées de chaque province et territoire.
Les deux principales dispositions de la loi portent sur la protection de l'habitat et la protection contre la pollution.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la protection de l'habitat, qui constitue notre champ de responsabilité, l'article 35 de la Loi sur les pêches interdit de détériorer, perturber ou détruire l'habitat du poisson sans autorisation. Il interdit de détériorer, perturber ou détruire cet habitat sans l'autorisation du ministre, tel que prévu au paragraphe 35(2) ou par un règlement.
La principale disposition de la Loi sur les pêches concernant la pollution est l'article 36 qui interdit le dépôt d'une substance dangereuse dans les eaux à moins que ce ne soit autorisé par règlement ou une autre loi du Parlement. L'administration de l'article 36 a été confiée au ministre fédéral de l'Environnement.
Depuis la proclamation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, en 1995, de nouvelles responsabilités ont été conférées au programme de gestion de l'habitat. Son mandat a été élargi pour qu'il effectue des évaluations environnementales conformément à la LCEE, avant que le ministère ne prenne de décisions réglementaires en vertu de la Loi sur les pêches, de la Loi sur la protection des eaux navigables et de la Loi sur l'Office national de l'énergie.
Je vais maintenant vous parler de notre politique de gestion de l'habitat du poisson. En 1986, le ministère des Pêches et des Océans a déposé au Parlement la politique de gestion de l'habitat du poisson - la politique de l'habitat, qui guide le programme de gestion de l'habitat du ministère. Cette politique cherche à assurer un juste équilibre entre la protection de l'habitat et le développe ment économique, un principe qui a été universellement reconnu en 1987 par le Rapport de la Commission Brundtland et, plus tard, au Sommet de la terre de Rio en 1992.
La politique de l'habitat comprend un objectif global qui est un gain net de capacité. Elle comprend trois objectifs, soit la conservation, la reconstitution et l'aménagement de l'habitat de même qu'un principe directeur voulant qu'il n'y ait aucune perte nette de la capacité de production des habitats, et c'est sur ces objectifs que doivent reposer les décisions.
La politique englobe huit stratégies de mise en oeuvre qui cherchent à aborder la conservation et la protection de l'habitat du poisson de façon équilibrée. La première, que nous appliquons depuis des années, est la protection et le respect des règlements. Depuis deux ans, nous avons cherché des façons plus proactives de traiter avec le public, les autres niveaux de gouvernement et les Autochtones. Nous souhaitons une meilleure coopération car, comme je l'ai déjà mentionné, nous croyons que l'habitat du poisson doit être protégé par tout le monde.
Nous passons ensuite au programme de gestion de l'habitat. La législation et la politique que nous avons examinées confèrent au programme de gestion de l'habitat la responsabilité de conserver et de protéger l'habitat du poisson dans les eaux douces et marines du Canada et d'effectuer des évaluations environnemen tales des projets de développement qui exigent des décisions réglementaires.
Le programme de gestion de l'habitat emploie un peu plus de 400 personnes qui, de Terre-Neuve jusqu'au Pacifique et jusqu'au Nord administrent le programme avec un budget d'environ 38,7 millions de dollars.
La mise en oeuvre du programme de gestion de l'habitat du MPO est décentralisée dans six régions. Vous pouvez constater que la région du golfe ne dispose d'aucune ressource. C'est parce qu'il y a une dizaine de jours, le ministère des Pêches et des Océans l'a désignée comme une nouvelle région. Nous allons maintenant négocier de nouvelles ressources pour cette région.
La mise en oeuvre du programme est décentralisée dans six régions dont le personnel est réparti dans environ 70 bureaux situés aux quatre coins du pays.
Le sénateur Meighen: Où est le golfe?
M. Cuillerier: Comme vous pouvez le voir, cette région fait partie de Terre-Neuve.
Le sénateur Meighen: Cela comprend-il tout le golfe du Saint-Laurent?
M. Cuillerier: Le graphique indique l'emplacement des ressources.
Le sénateur Watt: Monsieur le président, je voudrais savoir ce que signifie ETP?
M. Cuillerier: ETP veut dire «équivalent plein temps» ou, en jargon bureaucratique, «années-personnes». C'est le nombre de personnes que nous avons affectées à ce programme.
Le sénateur Watt: C'est pour le centre et l'Arctique.
M. Cuillerier: Le nombre pour cette région est de 186.
Le sénateur Watt: Où se cachent-ils?
M. Cuillerier: Voudriez-vous tout de suite la réponse à cette question, sénateur Watt?
M. Cuillerier: Comme vous le savez, après un an ou deux de négociations avec les provinces, le gouvernement fédéral a décidé, en 1999, de mettre en oeuvre un programme de gestion de l'habitat au sein du MPO et de ne pas déléguer ces responsabilités aux provinces. Il s'agissait surtout de provinces intérieures c'est-à-dire l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario. Avant 1999, les trois provinces des Prairies et l'Ontario devaient appliquer les dispositions de la Loi sur les pêches régissant l'habitat.
Après des années de discussion avec les provinces quant au désir du gouvernement fédéral de confier aux provinces un plus grand nombre de responsabilités à l'égard des dispositions de la Loi sur les pêches régissant l'habitat, il y a eu une entente avec les gouvernements provinciaux. Malheureusement, le projet de délégation est tombé dans une impasse après deux ans de négociation intensive. L'Ontario a abandonné la table de négociation en 1997 et l'Alberta au début de 1999. Cela a marqué la fin des discussions.
Le gouvernement fédéral et le Cabinet nous ont demandé d'élaborer un programme. Je suis entré au ministère à l'automne 1999. Nous avons alors reçu 28 millions de dollars pour mettre un programme en oeuvre d'un bout à l'autre du pays et combler les lacunes aux endroits où nous n'étions pas présents afin d'assurer la protection de l'habitat dans l'ensemble du Canada. Nous pouvions nous payer le luxe d'avoir un peu partout des gens pour examiner les projets susceptibles de nuire à l'habitat du poisson.
Nous avons alors révisé le programme. Bien entendu, nous devions consacrer certaines ressources à soutenir le programme en Ontario et dans les trois provinces des Prairies. Nous avons affecté 103 personnes à l'Ontario, ce qui représente l'équivalent d'emplois à plein temps, pour le programme ontarien. En Alberta, nous avions au total 49 personnes. En Saskatchewan, nous en avons au total 48 et au Manitoba 31. C'est de cette façon que le programme a été mis en place dans les trois provinces des Prairies et en Ontario.
Nous sommes en train d'embaucher du personnel pour occuper ces postes. En Ontario, depuis que la province a rompu les négociations en 1997, nous avons recruté des employés pour le programme. La dotation de nos bureaux de l'Ontario est terminée à environ 90-95 p. 100. Je peux vous dire exactement où se trouvent nos bureaux de l'Ontario de même que ceux des Prairies.
Il a fallu plus de temps pour doter les postes des provinces des Prairies de même que pour trouver un bon emplacement pour ces bureaux. On m'a dit que le recrutement était terminé à environ 60 p. 100 dans les trois provinces des Prairies. D'ici la fin de l'exercice financier, nous espérons qu'un plus grand nombre de ces postes seront comblés pour assurer la mise en oeuvre du programme.
Le sénateur Adams: Pourquoi joignez-vous le centre à l'Arctique? Vous avez seulement mentionné l'Ontario et l'Alberta.
M. Cuillerier: Vous avez raison, sénateur.
Le sénateur Adams: N'y a-t-il pas d'employés à plein temps dans les territoires, le Nunavut et le Yukon?
M. Cuillerier: Notre présence dans le Nord est insuffisante. Je suis le premier à le reconnaître. Nous cherchons des moyens de résoudre ce problème. Nous participons actuellement à une initiative concernant les sciences et la technologie nordiques ainsi qu'aux initiatives reliées au pétrole et au gaz. Nous y participons parce que nous sommes conscients de la nécessité de mieux assurer notre présence dans le Nord. Toutes les activités de développement économique qui se passent dans le Nord exigent cette présence, mais elle est insuffisante. Nous sommes en train de chercher une solution. C'est un problème que le ministère devra résoudre rapidement.
Le sénateur Adams: Monsieur le président, jusqu'à mainte nant nous nous sommes surtout souciés de la gestion de l'habitat. Ne vous préoccupez-vous pas du tourisme?
M. Cuillerier: Le développement économique a été assez vigoureux au Canada. Le nombre de projets de développement qui se répercutent sur l'habitat du poisson un peu partout au Canada a également augmenté. En 1999, nous avons constaté que le ministère des Pêches et des Océans examinait chaque année 12 000 projets. Cela peut inclure n'importe quoi, de l'installation d'un ponceau à la construction du pont Champlain, ici à Ottawa, en passant par la Baie de Voisey et les mines de diamant dans le Nord. Nous nous intéressons à un grand nombre d'activités de développement économique aux quatre coins du pays. Sur les 12 000 projets de développement que nous avons examinés, 800 ont fait l'objet d'une évaluation environnementale aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, parce qu'ils avaient d'importantes conséquences pour l'habitat du poisson.
Le MPO a également joué un rôle très important sur ce plan. Nous avons assumé la responsabilité de 11 des 12 examens effectués par une commission d'évaluation environnementale. Ces examens sont les plus approfondis que prévoie la Loi. Notre taux de participation à des études détaillées est de plus de 60 p. 100.
Chaque fois qu'une mine ou un territoire forestier doit être exploité, il y a probablement un cours d'eau à traverser. Les gens viennent frapper à notre porte pour nous demander s'il faut tenir compte de l'habitat du poisson. Voilà pourquoi nous participons à ces projets un peu partout au Canada. Nous nous occupons de ce genre de projets.
Comme je l'ai dit, nous comptons environ 70 bureaux répartis aux quatre coins du pays. Notre personnel est réparti entre ces bureaux. Nous sommes en train de doter les postes des provinces des Prairies afin de disposer prochainement d'un effectif complet.
D'après les sondages que nous avons réalisés un peu partout, le public s'inquiète surtout de la diminution et de la perte de l'habitat du poisson. Les gens veulent qu'un bon équilibre soit assuré entre le développement économique et la protection de l'environnement. C'est à cela que vise le développement durable.
L'industrie s'inquiète des retards et du manque d'uniformité dans les examens ou les propositions. Telles sont les préoccupa tions qui reviennent constamment, et qui sont parfois justifiées. Malheureusement, je crois que ces inquiétudes ne sont pas toujours fondées. Nous reconnaissons toutefois que nous devons essayer d'améliorer les choses. Nous sommes en train d'essayer de réduire les retards. Les gens estiment que les délais sont trop longs, parce que nous examinons trop de détails, ce qui retarde le projet.
L'année dernière, nous avons lancé dans notre site Web un système de demande en ligne qui permet de nous adresser une demande directement par Internet. Que les projets de développe ment se situent dans le secteur minier, dans le secteur forestier ou tout autre secteur, il faut que les gens sachent dès le départ quelles sont les exigences du ministère avant de se lancer. Malheureuse ment, ce n'est pas toujours clair. Nous sommes en train de clarifier toutes nos lignes directrices et nos documents destinés à guider l'industrie.
Nous travaillons aussi avec les provinces. Un grand nombre des projets auxquels nous participons intéressent également les organismes provinciaux. Nous voudrions essayer d'harmoniser nos méthodes afin que nous obtenions tous l'information en même temps, que nous perdions moins de temps et, bien entendu, que nous puissions prendre de meilleures décisions.
Nous voulons améliorer l'équilibre entre les activités de réglementation et les activités de prévention. Comme je l'ai mentionné, notre politique de gestion de l'habitat comprend huit stratégies. Nous pouvons dire que la seule stratégie qui ait été entièrement mise en oeuvre est celle qui se rapporte à la réglementation et à l'application. C'est une stratégie réactive. Dans une certaine mesure, il faut l'appliquer avec des ressources limitées et en collaboration avec les provinces. Ce n'est pas une tâche facile. Nous devons toutefois améliorer les choses. Nous voulons être plus proactifs.
Nous avons entamé des pourparlers avec l'Alberta, la Saskat chewan, le Manitoba, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Nous voulons nous entendre avec les provinces sur la façon dont nous pouvons nous soutenir mutuellement et éviter les chevauchements et les dédoublements. Nous espérons ainsi pouvoir rationaliser tout le processus, tant dans l'intérêt du système provincial que du système fédéral.
Nous devons être plus proactifs. Nous voulons aller dans les écoles pour parler aux enfants de l'importance de l'habitat du poisson. Nous voulons travailler avec l'industrie. Au cours des deux derniers mois, j'ai rencontré l'Association canadienne de l'électricité, l'Association canadienne des producteurs pétroliers et l'Association forestière canadienne pour leur faire part de certaines de nos inquiétudes concernant leur secteur tandis que ces dernières nous ont fait part de leurs préoccupations vis-à-vis du ministère. Nous avons des dialogues de ce genre.
Certaines industries veulent maintenant conclure avec nous des protocoles ou des ententes et veulent également un échange d'information. Je crois que l'Association canadienne de l'électri cité souhaite intégrer dans ses programmes de formation du personnel certaines de nos dispositions concernant l'habitat du poisson. Nous voulons également faire en sorte que nos employés connaissent les exigences de cette association.
Ces nombreux contacts favorisent un dialogue plus transparent, des discussions plus ouvertes et une meilleure connaissance des renseignements requis. Nous espérons que tout cela nous permettra de prendre plus rapidement les décisions concernant les projets.
Nous voulons améliorer notre base de connaissances scientifi ques. J'estime que nous ne disposons pas de fonds suffisants pour nos recherches. Nous avons environ 200 environnementalistes dans les laboratoires des quatre coins du pays. Nous avons un fonds stratégique de 5,4 millions de dollars qui peut être renouvelé chaque année. Nous voulons être certains de diriger cet argent vers les priorités. Nous voulons aussi que nos décisions se basent sur des données scientifiques et que les gens comprennent comment et pourquoi nous les prenons. Notre programme scientifique revêt une importance cruciale pour soutenir le programme de gestion de l'habitat.
Bien entendu, nous voulons faire participer le public au processus. Si nous avons un bon programme de gestion, plus de gens y participeront et l'habitat viendra en tête de liste de leurs priorités. Nous pourrons ainsi beaucoup mieux protéger l'habitat du poisson à l'avenir.
Pour ce qui est de l'avenir, nous voulons rationaliser le processus de réglementation. Nous sommes en train de mettre au point un système de demandes par Internet. Nous renforçons notre capacité de faire en sorte que les exigences en matière d'habitat du poisson soient intégrées dans la planification et la gestion.
Nous travaillons de concert avec les provinces et l'industrie. Nous avons renforcé modestement notre capacité scientifique et nous cherchons, avec les provinces, des moyens de joindre nos efforts sur le plan des sciences. Nous établissons des partenariats avec les organismes provinciaux, l'industrie, les organismes non gouvernementaux et les Premières nations. J'ai rencontré aujourd'hui des représentants de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, la FSIN, pour discuter de la façon dont nous pourrions travailler ensemble. Voilà les discussions que nous menons régulièrement avec les divers groupes du pays.
Le sénateur Adams: Je m'inquiète surtout de ce que fait le ministère et de nos besoins de pêche au Nunavut. J'ai rencontré un représentant de Tourisme Canada, M. Jim Watson, l'ancien maire d'Ottawa, avec qui j'ai parlé du nouveau Territoire du Nunavut et de l'habitat du poisson.
Notre territoire compte des centaines de lacs. Si quelqu'un veut établir un camp de pêche, le ministère doit-il évaluer d'abord le nombre de poissons pour établir le nombre de prises autorisées? Les gens qui vivent dans les petites localités du Nunavut veulent savoir ce qu'ils peuvent faire comme pêche commerciale. À l'heure actuelle, la seule collectivité du Nunavut qui pratique la pêche commerciale est Pangnirtung. Cambridge Bay reçoit quelques visiteurs qui veulent pêcher l'omble de l'Arctique. Pour ce qui est de l'avenir, je crains surtout que nous ne fassions aucun progrès.
J'aimerais aussi en savoir plus au sujet du chiffre de 186 employés que vous avez pour le centre et l'Arctique. Le ministère des Pêches et des Océans va-t-il s'occuper des problèmes concernant les écloseries dans le Nunavut?
La réglementation actuelle n'autorise pas les Nunavummiut à pratiquer la pêche commerciale. Ces gens-là restent chez eux avec leur famille. Nous avons actuellement une quarantaine de pêcheurs de l'île de Baffin qui ne peuvent aller nulle part. Comment peuvent-ils contacter le gouvernement pour obtenir les bateaux et l'équipement dont ils ont besoin pour pêcher? On répond à ces besoins dans le reste du Canada, mais pas au Nunavut.
M. Cuillerier: Je peux vous assurer que nous comprenons le mandat de notre ministère. Nous sommes là pour conserver et protéger l'habitat du poisson. La gestion des pêches est sous la responsabilité d'un autre secteur du MPO. Ce secteur établit des quotas pour la pêche commerciale, la pêche sportive et la pêche de subsistance. Je n'aime pas présenter les choses ainsi, car cela semble très bureaucratique, mais c'est un autre secteur du ministère qui s'occupe de ces questions.
Nous voulons avoir une meilleure présence au Nunavut. Au cours des prochains mois, nous devrons nous pencher sur le problème du pétrole et du gaz du Nord, parce qu'il faudra régler la question de la sécurité énergétique aux États-Unis et au Canada. Nous devrons parler de la mer de Beaufort, de la vallée du MacKenzie et des projets de Foothills Pipeline. Nous ne savons pas exactement quelle sera la voie choisie, mais nous savons que l'industrie devra prendre ses décisions et qu'elles auront des répercussions dans le Nord.
Nous devons veiller à protéger ces ressources dans le Nord. Nous sommes en train de nous y préparer. Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons environ 128 employés dans les trois provinces des Prairies. Nous avons demandé à nos bureaux régionaux d'envoyer du personnel dans le Nord à cause de l'augmentation de la demande. Nous en sommes très conscients.
Nous ne nous occupons pas de la gestion des pêches. Nous veillons à ce que l'habitat soit préservé afin qu'il y ait davantage de poissons à l'avenir. Nous voulons faire en sorte que ce niveau de protection soit assuré d'un bout à l'autre du pays. Je sais qu'il reste des lacunes à combler, notamment dans quelques régions du Nord et sans doute aussi dans le centre de la Colombie-Britanni que ainsi qu'ailleurs où nous ne sommes pas suffisamment présents. Nous sommes en train d'y remédier.
Le sénateur Meighen: Pourriez-vous préciser si votre rôle est toujours proactif ou réactif? Autrement, si je vois le président creuser dans sa cour trop près d'un cours d'eau, est-ce que je peux vous téléphoner pour vous demander de venir voir ce qu'il fait?
M. Cuillerier: Ce sont des situations que nous examinons avec soin. Nous réagissons lorsque les gens nous informent que quelqu'un construit un quai ou remblaie la rive. Nous allons voir ce qui se passe. Nous pouvons imposer certaines sanctions, mais nous préférons ne pas avoir à le faire. Nous veillons à ce que les gens fassent les réparations voulues s'ils ont causé des dommages. Nous préférons agir de façon préventive. Voilà ce que nous disons à l'industrie.
Si quelqu'un veut exploiter une carrière quelque part, par exemple, nous préférons participer à la planification du projet. Nous voulons discuter des questions concernant les eaux souterraines. Nous voulons voir s'il y a des cours d'eau dans le secteur et si cette carrière va avoir des conséquences pour l'habitat du poisson. En faisant vos travaux et en construisant d'une certaine façon, vous pouvez protéger l'habitat du poisson et éviter de vous heurter à la réglementation. Si nous participons à la planification, nous aurons moins besoin d'intervenir à la fin ou de faire respecter les exigences.
Le sénateur Meighen: Cela semble encourageant. Voulez-vous dire que vous pourriez jouer le rôle d'arbitre ou de médiateur si quelqu'un voulait, par exemple, modifier la rive en construisant un quai pour son bateau et que vous pourriez suggérer une autre solution qui n'endommagerait pas la rive?
M. Cuillerier: Je ne pense pas que nous nous considérons comme des médiateurs ou des arbitres. Nous sommes là pour protéger l'habitat du poisson. Des gens peuvent venir nous dire qu'ils comptent construire un pont. Peu nous importe que ce soit un pont ou autre chose, nous voulons protéger l'habitat du poisson et les guider le mieux possible pour entreprendre les travaux qu'ils comptent faire.
Si quelqu'un nous dit qu'une personne est en train de modifier la rive, nous allons voir l'intéressé. Si nous déterminons qu'il y a infraction à la Loi sur les pêches, nous veillerons à ce que la situation soit corrigée. Bien entendu, nous allons discuter confidentiellement avec l'intéressé et veiller à ce que le problème soit réglé à la satisfaction de tous.
Le sénateur Meighen: Si vous concluez qu'il y a eu altération, perturbation ou destructions de l'habitat, pouvez-vous refuser d'émettre une autorisation en vertu des articles 35 ou 36 de la Loi sur les pêches?
M. Cuillerier: Oui, nous pourrions refuser.
Le sénateur Meighen: Par conséquent, le quai, la carrière ou le pont ne seront pas construits, n'est-ce pas?
M. Cuillerier: Effectivement, ce ne serait pas construit.
Le sénateur Adams: Ou un pipeline?
M. Cuillerier: Ou un pipeline.
Le sénateur Meighen: Ne risquez-vous pas d'en arriver à cette conclusion une fois que le pont, le pipeline ou la carrière sont aux trois quarts terminés?
M. Cuillerier: C'est un des défis que nous devons relever. Nous nous trouvons parfois devant des projets qui ont été autorisés par le gouvernement provincial. Ces promoteurs ont oublié le MPO et sont allés de l'avant. En cours de route, quelqu'un leur a dit qu'ils devaient discuter de l'habitat du poisson avec le MPO. Il nous est déjà arrivé de nous trouver devant ces problèmes en cours de construction. Ce n'est pas facile. Ce genre de situation est de moins en moins fréquente en raison de notre présence. Nous sommes davantage connus un peu partout. Les gens nous parlent. Néanmoins, il y a parfois des situations malheureuses et il faut y remédier.
Le sénateur Meighen: Je vous tire mon chapeau. Ce doit être un véritable cauchemar d'avoir à traiter avec 10 provinces qui ont des régimes différents. Pourriez-vous me dire ce qu'il en est dans la région du pays d'où je viens, l'Ontario? Quelqu'un a mentionné que l'Ontario avait rompu les négociations. Quelle est la situation en Ontario?
M. Cuillerier: En fait, nous avons d'excellentes relations avec les fonctionnaires de cette province. Nous travaillons en collabo ration très étroite avec les offices de protection de la nature que le gouvernement provincial a mis sur pied. Ce sont eux qui assurent généralement la liaison avec notre ministère. Lorsqu'un projet doit être entrepris dans une région où il y a un office de protection de la nature - et c'est le cas pour la majeure partie du sud de l'Ontario - ce dernier reçoit la demande. Il commence par voir si le projet aura des répercussions sur l'habitat du poisson. Ce sont des gens que nous avons formés. S'ils estiment qu'aucun problème ne se pose, le promoteur peut commencer les travaux, mais dans le cas contraire, les responsables de la conservation nous soumettent le dossier. Le premier examen se fait donc au niveau local. Les gens de la région connaissent et comprennent mieux ces projets.
Lorsque le dossier nous est renvoyé, nous l'examinons. Nous envoyons un biologiste parler au promoteur. Nous déterminons s'il risque d'y avoir des répercussions sur l'habitat du poisson. Si c'est le cas, nous essayons de faire trois choses. Nous voulons d'abord éviter tout problème pour l'habitat du poisson. Si ce n'est pas possible à cause de la nature du projet ou de son emplacement, nous essayons d'atténuer les conséquences. Par conséquent, le projet est réalisé de façon à avoir moins de conséquences néfastes. Nous devons être rassurés sur ce point. Finalement, s'il n'est pas possible d'éviter ou d'atténuer la perturbation de l'habitat, nous optons pour la compensation. Nous émettons toujours une autorisation en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches s'il y a des répercussions sur l'habitat du poisson. Conformément au principe de l'absence de perte nette, nous voulons une compensation pour la perte d'habitat. Nous négocions avec le promoteur pour trouver une option compensa toire de façon à ce que ce principe soit respecté.
Le sénateur Meighen: Lorsque l'Ontario a cessé de délivrer des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches, quelles en ont été les conséquences?
M. Cuillerier: Nous croyons que nous faisons un excellent travail en Ontario pour ce qui est de protéger l'habitat du poisson. Nous pensons que l'Ontario s'est soustrait à ses responsabilités un peu avant 1997. Nous voulions être certains que les Ontariens connaissaient les exigences. Nous avons commencé par les informer de la présence du gouvernement fédéral et faire en sorte qu'ils soient au courant de certaines des exigences de Pêches et Océans. Nous y sommes arrivés grâce à la rumeur publique, à nos contacts et à la publicité et les gens devraient maintenant savoir qu'ils doivent nous parler avant de se lancer dans un projet.
Le sénateur Meighen: Selon le budget des dépenses du ministère se rapportant à l'Ontario, les dépenses pour l'habitat du poisson et l'écologie s'établissaient à 135 millions de dollars en 2000-2001. Les dépenses prévues devraient passer à 97,2 millions cette année. L'an prochain, 2002-2003, elles tomberont à 92,3 millions et à 80,8 millions au cours de l'exercice suivant, 2003-2004. Votre budget est en baisse.
Le sénateur Adams a laissé entendre, et je suis d'accord avec lui, que vous n'avez pas suffisamment de personnel pour vous acquitter de toutes vos responsabilités. Dans quelles dépenses allez-vous sabrer lorsque votre budget va tomber de 130 millions à 80 millions?
M. Cuillerier: Je voudrais répondre à cette question de façon plus complète, par écrit. Je crois toutefois que ce secteur d'activité comprend le programme des Océans. Je ne sais pas exactement si le budget du programme des Océans est en baisse.
Il se peut, sénateur, qu'en 1999, lorsque nous avons obtenu un peu d'argent pour mettre le programme en oeuvre, nous ayons reçu plus au départ parce que nous voulions acheter du matériel, notamment des camions. Nous avions besoin de camions et de machines pour faire notre travail. On nous a donné plus d'argent pour les premières années et notre budget a été diminué par la suite. Nous nous sommes retrouvés avec 33 millions. Nous serons maintenant plafonnés à 28 millions. Nous avons disposé d'un peu plus d'argent les premières années pour pouvoir faire certains achats de biens d'équipement et d'autres dépenses. Ce budget permettra de financer notre personnel et le programme. Il va se stabiliser aux 28 millions de dollars dont nous disposons pour cette année, plus l'argent déjà attribué avant la décision de 1999.
Le sénateur Meighen: Je suis satisfait de votre réponse. Si vous avez quelque chose à ajouter, pourriez-vous communiquer avec le comité?
M. Cuillerier: Nous allons en prendre note.
Le sénateur Meighen: N'avez-vous pas obtenu une subvention ou une affectation spéciale pour la protection de l'habitat du poisson sur la côte Ouest, plus particulièrement pour la protection du saumon?
M. Cuillerier: Il s'agit du programme des ressources halieuti ques canadiennes. Ce programme a reçu 100 millions de dollars pour plusieurs années. Je crois qu'il prend fin l'année prochaine. Je cherche les renseignements que j'ai à ce sujet.
Le sénateur Meighen: Ce programme visait-il à protéger l'habitat du poisson?
M. Cuillerier: Il visait l'habitat et sa reconstitution unique ment pour le saumon. Ce programme prendra fin cette année. Il est financé avec le reste d'un fonds de dotation de 30 millions de dollars qui était géré par les collectivités locales. Ces dernières espèrent poursuivre les programmes de gestion et de reconstitu tion de l'habitat du saumon grâce aux intérêts de ce fonds de dotation.
Le sénateur Meighen: Vu que ce programme semble avoir donné d'assez bons résultats sur la côte Ouest, avez-vous prévu un programme similaire pour la côte Est?
M. Cuillerier: Malheureusement pas. Nous avons rencontré la Fédération des pêcheurs de saumon du Nouveau-Brunswick et plusieurs représentants des collectivités du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Nous avons récemment rencontré des gens de l'Ontario. Les représentants de l'Ontario ont également reçu un fonds de dotation dont ils utiliseront les intérêts pour financer quelques activités de reconstitution et de gestion sur la côte Est. Ces initiatives ont été lancées l'année dernière. Quand nous avons obtenu, en 1999, l'argent nécessaire pour mettre en oeuvre ces 28 programmes, le Cabinet nous a demandé de lui présenter un rapport. Nous voulons faire rapport de la façon dont nous avons géré le programme pour être plus proactifs et moins réactifs et de la façon dont nous travaillons avec les autorités provinciales pour atteindre nos objectifs communs.
Nous espérions obtenir des fonds supplémentaires pour combler certaines des lacunes dans nos effectifs répartis dans l'ensemble du pays et examiner les fonds de dotation qui ont donné de bons résultats. Nous n'en sommes pas encore là. Je ne sais pas où la situation financière actuelle nous conduira.
Le président: Pourriez-vous nous fournir quelques chiffres?
M. Cuillerier: Certainement.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé d'ententes conclues avec les provinces pour rationaliser le processus. Une de ces ententes porte-t-elle sur le processus d'évaluation environnemen tale?
M. Cuillerier: Oui.
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Dois-je conclure que l'évaluation environ nementale a été rationalisée entre le gouvernement fédéral et ces provinces?
M. Cuillerier: Non. Je dois apporter une précision. C'est l'Agence canadienne d'évaluation environnementale qui assure l'harmonisation de la Loi canadienne sur l'évaluation environne mentale avec les lois provinciales. L'Agence est en train de négocier, et ce depuis plusieurs années, un processus d'évaluation environnementale harmonisé avec les provinces.
Les provinces ont parfois certains problèmes en ce qui concerne l'habitat du poisson. Elles en ont en tout cas à propos des pêches. Lorsqu'un projet nous est soumis, nous tenons à nous assurer que les exigences quant aux renseignements à fournir sont harmonisées aux niveaux provincial et fédéral.
Le sénateur Callbeck: Vous nous avez dit que vous aviez neuf bureaux dans les Maritimes. Néanmoins, si je regarde la carte, je vois qu'il y en a 11. Si vous ajoutez vos quatre bureaux du golfe aux sept des Maritimes, cela donne 11. Est-ce que quatre de ces bureaux des Maritimes seront à proximité du golfe?
M. Cuillerier: Nous discutons actuellement de ces questions. Je sais que Tracadie, Moncton et Charlottetown desserviront la région du golfe.
M. Richard Nadeau, directeur, Opérations de l'habitat et des sciences de l'environnement, ministère des Pêches et des Océans: Ces bureaux existent déjà.
M. Cuillerier: Ils sont déjà en place.
Le sénateur Callbeck: Vont-ils faire partie de la région du golfe?
M. Cuillerier: Oui.
Le sénateur Callbeck: Je vois une zone bleue sur la carte qui délimite la région du golfe. Est-ce que Charlottetown en fait partie?
M. Patrice LeBlanc, directeur, Programmes de l'habitat, Gestion de l'habitat et des sciences de l'environnement, ministère des Pêches et des Océans: Le golfe comprend l'Île-du-Prince-Édouard, une partie du Nouveau-Brunswick et une partie de la Nouvelle-Écosse. Cette zone est délimitée par les eaux qui se déversent dans le golfe du Saint-Laurent.
Le sénateur Callbeck: Dans ce cas, cela ne correspond pas au golfe.
M. Cuillerier: Les limites ne sont pas indiquées de façon précise.
Le sénateur Callbeck: L'Île-du-Prince-Édouard sera incluse dans le golfe.
M. Cuillerier: Elle fait partie de la région du golfe.
Le sénateur Callbeck: À la page précédente, il est question d'ETP et des fonds disponibles. Faut-il en conclure qu'en ce qui concerne les Maritimes, une partie de ces 45 ETP se trouvera dans la région du golfe?
M. Cuillerier: C'est exact.
Le sénateur Callbeck: Vous n'en ajouterez pas d'autres?
M. Nadeau: Il y a six ans, il y avait une région distincte, celle de Scotia Fundy, qui comprenait une partie du Nouveau- Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Cette région a été fusionnée avec l'ancienne région du golfe pour créer la région des Maritimes. Le chiffre que vous voyez là correspond au nombre total de personnes qui travaillaient dans ces deux régions à ce moment-là. Les ressources seront donc divisées en conséquence.
Le sénateur Callbeck: Comment expliquez-vous cette divi sion?
M. Nadeau: Les pêcheurs du Nouveau-Brunswick pêchent surtout dans le golfe du Saint-Laurent, tandis qu'en Nouvelle- Écosse, ils pêchent principalement dans la plate-forme Scotian et les Bancs. Quelques années après cette fusion, les pêcheurs du Nouveau-Brunswick se sont plaints de ne pas être bien desservis par Pêches et Océans parce que les pêches étaient gérées à partir de Halifax ou de Dartmouth. Ces plaintes ont amené le ministère à recréer la région des pêches. La région des pêches du golfe a donc été créée il y a environ trois ans et demi.
Une partie du personnel de la région du golfe s'occupait de la pêche. Certaines personnes qui travaillaient dans le même immeuble étaient rattachées aux Maritimes et s'occupaient des océans, de l'habitat et des sciences. Le ministère a finalement décidé de réunir de nouveau tout le monde. Le golfe est une région entièrement autonome.
Le sénateur Callbeck: Les gens de l'Île-du-Prince-Édouard en sont tous satisfaits?
M. Nadeau: Je dirais que oui.
Le sénateur Callbeck: C'est tout ce que je veux savoir.
Le sénateur Watt: Je voudrais aborder trois questions. La première concerne les conflits entre le gouvernement fédéral et les provinces. Lors de la réalisation du projet d'Hydro-Québec à laquelle j'ai participé au début des années 70, jusqu'en 1980, je me suis posé un tas de questions. Je me suis d'abord demandé ce que faisait Pêches et Océans en ce qui concerne l'amélioration des habitats du poisson dans la région de la Baie James? Lorsque des conflits surgissent, le gouvernement provincial s'occupe de l'aménagement tandis que le gouvernement fédéral tente de s'acquitter de ses responsabilités. J'ai participé aux négociations entre les deux gouvernements. A-t-on mis au point un nouveau mécanisme pour résoudre les conflits ou le régime reste-t-il le même qu'avant?
M. Cuillerier: Vous parlez du Québec, sénateur Watt?
Le sénateur Watt: Oui.
M. Nadeau: Rien n'a changé. Ce n'est pas mieux qu'il y a 10 ans. Il y a une dizaine d'années, nous avions une sorte d'entente avec divers ministères provinciaux pour la mise en oeuvre de nos programmes et pour procéder ensemble à nos évaluations environnementales. Même si ce n'était pas un accord officiel, nous faisions au moins un échange d'information. Nous participions au processus d'évaluation environnementale. Nous échangions des opinions sur différents projets.
Il y a quelques années, le Québec nous a dit ouvertement qu'il avait son propre champ de responsabilité, et nous le nôtre. Il nous a dit que nous devions chacun faire notre travail. Si nous devons discuter, nous le ferons.
Le sénateur Watt: Surtout lorsqu'il s'agit d'un projet énorme dans lequel on a investi des millions sinon des milliards de dollars. Par le passé, il est parfois arrivé que le gouvernement fédéral ne se retire peut-être pas complètement, mais exerce des pressions moins fortes alors qu'il n'aurait pas dû selon moi. C'est une des raisons pour lesquelles je voulais savoir si la situation avait changé depuis 30 ans.
L'étude d'impact est-elle le seul mécanisme qui existe actuellement?
M. Nadeau: Le Québec est l'une des rares provinces avec lesquelles nous n'avons pas d'entente d'harmonisation. Le seul accord, auquel participent les Cris et les Inuits du Québec, est la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui prévoit que les quatre parties peuvent se réunir pour discuter de l'évaluation environnementale.
Le sénateur Watt: Il y a davantage de travail à faire dans ce domaine si l'on veut trouver une solution globale au problème.
M. Nadeau: En effet.
Le sénateur Watt: Nous avons tous tendance à voir les choses sous un angle différent. Vous avez dit que ce qui vous incite à intervenir, c'est l'ampleur du projet. Il pourrait s'agir d'un projet hydroélectrique, d'un projet minier ou autre.
Un peu plus tôt, vous avez mentionné que la population du pays augmentait. La population de l'Arctique augmente égale ment assez rapidement, à un rythme sans doute supérieur à la moyenne, d'après les journaux. Les problèmes que crée cette croissance démographique ne sont peut-être pas directement sous la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans, mais votre ministère doit certainement s'inquiéter du déversement des eaux d'égout dans le réseau fluvial puis dans l'océan. Avez-vous des programmes qui cherchent à trouver des moyens de contrôler ces effluents et de permettre aux petites collectivités de commencer à s'autoréglementer. À l'heure actuelle, elles n'ont aucune réglementation.
Dans ma petite localité de Kuujjuaq, qui compte 2 500 à 3 000 habitants, les fosses septiques sont pompées dans des camions qui sont vidés dans une petite rivière située à proximité. Cette rivière rejoint le réseau fluvial. Cette situation dure depuis trop longtemps. Le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures pour inciter le gouvernement du Québec ou les gouvernements régionaux ou locaux à faire quelque chose pour mettre un terme à ces agissements tout à fait inacceptables. J'estime que cela devrait faire partie de vos responsabilités. Je reconnais que les rejets des mines ou des ouvrages hydroélectriques posent un problème, mais les déchets municipaux peuvent également être un gros problème. Kuujjuaq n'est sans doute pas un exemple isolé de ce qui se passe dans l'Arctique et je vous rappelle ce qui s'est produit en Ontario où l'eau potable a été contaminée. C'est un problème qui peut sembler insignifiant au départ, mais qui risque d'avoir de graves conséquences. Votre ministère devrait examiner et essayer d'y remédier.
Dans votre présentation vous avez mentionné un chiffre de 5 millions de dollars, je crois, pour votre fonds stratégique.
Ai-je raison de croire que vous étiez à Kuujjuaq lorsque le comité s'est rendu là-bas?
M. Cuillerier: Non, sénateur, je n'étais pas présent personnel lement.
Le sénateur Watt: Nous avons une petite entreprise privée qui s'est lancée dans la valorisation de l'omble de l'Arctique dans un endroit isolé près de la Baie d'Ungava. Elle l'a fait de sa propre initiative, sans aide du gouvernement fédéral. Elle a peut-être reçu un peu d'aide technique des représentants de la province. Elle a cherché à obtenir une aide financière. Vous êtes responsables de la reconstitution et de l'amélioration des habitats et c'est précisé ment ce que fait cette petite entreprise.
La semaine prochaine, nous entendrons un témoin de Kuujjuaq. Des représentants de votre ministère devraient peut-être venir écouter ce qu'il a à dire. Il pourrait vous être utile d'entendre ce témoignage.
Le président: De toute façon, vous êtes invités si vous désirez venir.
Le sénateur Watt: Si vous avez de l'argent, et vous avez mentionné un chiffre de 5 millions de dollars, je pense que cette entreprise serait admissible à ce programme. Y serait-elle admissible?
M. Cuillerier: Les 5 millions de dollars dont j'ai parlé représentent le budget dont nous disposons pour financer notre programme de sciences de l'environnement.
Le sénateur Watt: Cela pourrait s'y rapporter.
M. Cuillerier: Je ne dis pas le contraire, mais cet argent est destiné à notre programme scientifique. Notre personnel des diverses régions du pays essaie d'examiner les choses sur le plan scientifique et de trouver des solutions visant à protéger l'habitat du poisson et à nous donner des conseils utiles à cet égard. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de fonds importants pour la reconstitution et la gestion. Je me ferais un plaisir de rencontrer ces personnes de Kuujjuaq pour discuter avec elles de la façon dont nous pouvons joindre nos efforts.
Le sénateur Watt: J'aimerais pouvoir discuter avec l'une des personnes qui participent à ce programme pour obtenir de plus amples renseignements. Je pourrais ensuite vous en dire plus sur ce que ces gens essaient de faire dans le Nord. Il serait également utile que vous puissiez les rencontrer. Je pourrais organiser une rencontre privée entre vous et ces personnes lorsqu'elles seront là.
M. Cuillerier: Avec plaisir, sénateur.
Le sénateur Mahovlich: Il y a quelques années, je suis allé dans le Nord de l'Ontario avec le Comité sur la forêt boréale et un environnementaliste est venu témoigner. Il s'est plaint de ce que les forêts étaient coupées à blanc jusqu'à 15 pieds des lacs et des rivières. C'était conforme à la réglementation forestière. Je lui ai demandé quelle distance il recommanderait et il a répondu 60 pieds. Avez-vous imposé une nouvelle restriction ou s'agit-il toujours de 15 pieds?
M. Nadeau: La zone tampon habituelle n'est pas de 15 pieds, mais de 15 mètres.
M. Cuillerier: Cela donne 45 pieds.
Le sénateur Mahovlich: Dans l'un de ces lacs, cela avait l'air de 15 pieds. Les arbres situés sur les cinq premiers pieds meurent parce qu'ils sont exposés. Il ne reste ensuite que 10 pieds et toute la boue, toute la couche arable part dans les rivières et les lacs.
M. Cuillerier: Cela se répercute certainement sur l'habitat du poisson.
M. Nadeau: La directive habituelle, selon la topographie, prévoit 15 à 30 mètres. En fait, l'entreprise lit les directives, mais celui qui coupe les arbres ne le fait pas toujours.
Le sénateur Mahovlich: Dans ce cas, il faut effectuer une surveillance.
M. Nadeau: Nous avons une cause dont je ne peux pas vous parler parce qu'elle est devant les tribunaux. Mais nous avons intenté des poursuites contre une société. Un de nos nouveaux agents des pêches faisait sa tournée dans une des provinces lorsqu'il a vu les ouvriers d'une entreprise forestière couper des arbres jusqu'au bord de la rivière. Il a demandé à voir leur permis. Ils ont prétendu qu'ils avaient des permis de la province pour faire leur travail, mais ils n'ont pas pu les produire. Nous devrons peut-être poursuivre la province parce qu'elle a dit qu'elle avait autorisé ces coupes. Voilà ce qui se passe lorsqu'on n'a pas suffisamment d'agents pour faire le tour du pays. Mais grâce à l'augmentation du nombre d'agents d'application, les règlements seront mieux respectés.
Le sénateur Mahovlich: J'ai un chalet au bord d'un lac qui devient de plus en plus surpeuplé. Le soir, il y a autant de lumière qu'en ville.
Des terrains qui étaient marécageux et peu intéressants pour des acheteurs potentiels sont maintenant vendus et asséchés. Les huards qui fréquentaient ces marécages ont disparu. J'ai bien peur qu'ils ne reviennent pas. La province autorise-t-elle ce genre de choses? Il faut sans doute obtenir une permission, n'est-ce pas?
M. Nadeau: Il faut d'abord l'autorisation de la province, mais la destruction de marécages exige une autorisation du ministère des Pêches. Quand des marécages se trouvent à côté d'un lac, c'est encore plus important pour l'habitat du poisson. Les gens ont tendance à ne voir que le lac et l'eau. Ils ne pensent pas à ce qui se trouve en dessous de l'eau. Un marécage est assez différent d'un lac. La plupart du temps, il dégage une odeur et les propriétaires des chalets situés près d'un marécage préféreraient que ce secteur soit passé au bulldozer ou transformé en plage. Mais ce n'est pas autorisé. La réglementation provinciale est assez stricte sur ce sujet. Ces travaux ne peuvent jamais avoir lieu sans examen de la part des autorités provinciales ou fédérales.
Le sénateur Mahovlich: À part le fait que les Grands Lacs sont une zone de pêche, ils font partie de notre frontière avec les États-Unis. Avez-vous des ententes spéciales avec les provinces au sujet de ces eaux? Les Grands Lacs sont-ils placés uniquement sous la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans?
M. Nadeau: La situation des Grands Lacs est assez compli quée. Ils sont gérés par différents régimes. Le plus important est la Commission mixte internationale, une commission américano- canadienne qui est constituée des provinces riveraines, du gouvernement fédéral ainsi que du gouvernement fédéral améri cain et des États américains riverains.
Le sénateur Mahovlich: Ils travaillent ensemble.
M. Nadeau: Oui, ils travaillent ensemble à gérer les pêches, à gérer le problème de la lamproie et autres nuisances et à gérer le niveau des lacs et le débit du Saint-Laurent.
Le président: Mes renseignements ne sont peut-être pas à jour, mais si je me souviens bien, il y a eu des accords entre le gouvernement fédéral et les provinces jusqu'à une certaine date. Ai-je bien compris qu'en 1999, tout cela a pris fin si bien qu'après, le gouvernement fédéral a pris sous sa responsabilité les anciens accords bilatéraux sur la gestion de l'habitat? Ai-je bien compris?
M. Cuillerier: Je ne sais pas dans quelle mesure nous avions des ententes officielles, mais les dispositions de la Loi sur les pêches concernant l'habitat ont été déléguées à certaines provinces. Il y avait un régime en place. Avions-nous des ententes officielles, monsieur LeBlanc?
M. LeBlanc: Non, la seule province avec laquelle nous avions une entente auxiliaire était l'Ontario, pour la gestion de l'habitat. Nous en avons maintenant une avec la Colombie-Britannique. Néanmoins, dans les provinces de l'intérieur, nous avons des ententes pour la gestion du poisson et non pas de l'habitat. Pour ce qui est de l'Ontario et des provinces des Prairies, nous avons des ententes qui remontent au début du siècle dernier, dans le cadre des diverses lois, ententes et décisions des tribunaux concernant la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Telle est la situation pour les provinces de l'intérieur et la Colombie-Britannique.
Par exemple, la Colombie-Britannique gère une partie du poisson d'eau douce au nom du gouvernement fédéral, mais aucune des espèces anadromes soit le saumon et une partie de l'omble.
Le président: La seule province avec laquelle vous aviez un accord écrit pour la gestion de l'habitat du poisson était l'Ontario.
M. LeBlanc: Oui, et maintenant, nous avons une entente avec la Colombie-Britannique. Nous l'avons signée en l'an 2000.
Le président: La Colombie-Britannique est la seule province en plus de l'Ontario.
M. LeBlanc: C'est exact.
Le président: Au cours des années, avez-vous essayé de pousser plus loin ces accords sur la gestion de l'habitat, comme vous l'avez fait pour l'aquaculture?
M. LeBlanc: Oui, sénateur. Nous avons des discussions permanentes dans le cadre d'une nouvelle initiative appelée l'Initiative des pêches d'eau douce, avec les provinces de l'intérieur et ces discussions portent principalement sur la gestion de l'habitat.
En même temps, nous avons eu des réunions avec les fonctionnaires du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince- Édouard et de la Nouvelle-Écosse en vue de l'établissement d'un accord bilatéral sur la gestion de l'habitat. Nous reprenons les discussions avec l'Ontario en vue de conclure un nouvel accord sur la gestion de l'habitat. Je dois assister, la semaine prochaine, à des réunions sur le sujet. Pour l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan, nous sommes en train d'établir les protocoles afin que nous puissions au moins nous entendre sur la façon dont nous allons travailler, étant donné que nous avons mis en place un certain nombre de nouveaux agents dans ces provinces.
Nous aurons également des réunions avec les territoires, le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Nous progressons sur plusieurs fronts.
Le président: Je fais partie d'un organisme bénévole qui travaille parfois à proximité d'un plan d'eau. Jusqu'ici, nous avons toujours demandé l'autorisation de la province pour faire ce genre de travail. Si j'ai bien compris, les provinces informent toujours le gouvernement fédéral de ce qui se passe. Le feront-elles de façon purement informelle?
M. LeBlanc: Cela dépend de la province.
Le président: Et la Nouvelle-Écosse?
M. LeBlanc: Pour ce qui est de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons des ententes pour l'examen des propositions. Le gouvernement provincial reçoit une demande de permis pour la modification des eaux. Il l'examine en tenant compte de nos exigences. Il établit les lignes directrices régissant le projet, que nous n'avons pas besoin de voir, du moment que les directives sont suivies. Par exemple, si vous installez un ponceau en suivant les directives que nous avons établies, la province vous accordera un permis, mais elle y joindra nos directives pour que les intentions de la Loi sur les pêches soient bien respectées.
Le président: Je l'ai remarqué lorsque nous avons soumis des demandes de modification des eaux. Le système fonctionne, même s'il est informel.
M. LeBlanc: C'est exact.
Le président: Pourriez-vous nous fournir un tableau ou un graphique donnant ce genre de renseignements pour chaque province?
Ai-je bien compris que l'un de vos objectifs était de rendre ce processus plus officiel?
M. Cuillerier: Je crois que c'est très important.
Le président: Je suppose que ce serait à la fois dans l'intérêt de la province et votre intérêt étant donné les ressources nécessaires. Je sais que la Nouvelle-Écosse est assez efficace à en juger par la façon dont elle travaille.
M. LeBlanc: Nous avons de bonnes relations avec les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard avec lesquels nous collaborons à l'examen des propositions. Oui, nous voudrions que ce soit beaucoup plus officiel et avoir ce que nous appelons des «protocoles» pour que tout le monde sache exactement ce qu'il faut faire, quand et pourquoi.
Nous nous sommes entendus au moins pour que les provinces nous informent lorsque nos directives ne sont pas respectées. Nous voudrions, à la fin de l'année, évaluer ce qui a été réalisé par ces méthodes afin de pouvoir présenter un meilleur rapport au Parlement. Comme vous le savez, nous devons faire rapport de la façon dont nous protégeons l'habitat du poisson. Vous avez un exemplaire de notre rapport annuel au Parlement pour 1999-2000.
Le président: Pour en revenir à la question hypothétique du sénateur Meighen, si je décide de construire un nouveau quai à mon chalet et que je commence à le construire sans que personne ne s'interpose, le ministère peut-il, un an ou deux plus tard, me dire que j'aurais dû obtenir la permission et que je dois donc enlever mon quai, en plus de payer une amende?
M. Nadeau: Nous l'avons déjà fait.
M. Cuillerier: Oui, sur la rivière des Outaouais. Ce que vous faites se répercute également sur la zone avoisinante et le rivage de vos voisins. Si vous mettez davantage de sable dans l'eau, cela favorise la croissance des algues et d'autres espèces. Cela se répercute dans l'ensemble de l'habitat. Malheureusement, nous devons parfois prendre des mesures rétroactives. Ce n'est pas agréable. Tout dépend, bien entendu, de la gravité de la situation.
Le président: Si je construis un quai devant mon chalet, vous pourriez intervenir rétroactivement?
M. Cuillerier: Nous tenons compte de la productivité de l'habitat. S'il s'agit d'un habitat très productif, cela devient très important. Dans une zone où l'habitat n'est pas très productif, nous pouvons négocier d'autres conditions. Cela dépend de la productivité et de l'importance des travaux.
Le président: Pourriez-vous faire un exemple pour montrer aux autres ce qui les attend s'ils n'obtiennent pas de permis?
M. Nadeau: Si cela arrive, c'est presque une mesure d'application. Nous devons prouver que vous avez endommagé l'habitat du poisson.
Le président: Je ne comprends pas encore très bien la notion d'absence de perte nette. Cela veut-il dire que, si le gouvernement fait une chose qui endommage l'habitat, il doit, pour compenser, augmenter la productivité ailleurs afin qu'il n'y ait pas de perte nette de productivité?
M. Cuillerier: Nous compensons par autre chose.
Le président: Par conséquent, l'absence de perte nette signifie que vous devez toujours essayer d'améliorer la situation.
M. Nadeau: C'est la dernière option. Nous le faisons que nous croyons que la perte de productivité de l'habitat peut être compensée ailleurs dans le même secteur. C'est une mesure à prendre en dernier ressort.
Si nous classons les diverses options par ordre de priorité, la première qu'appliquent nos agents est le changement d'emplace ment. Lorsque quelqu'un fait une proposition, nous effectuons une évaluation. Si le ministère ne peut pas accepter les dommages qui en résulteraient, ou si certains facteurs empêchent le MPO de répondre à ses objectifs, nous demanderons que le projet soit réalisé ailleurs. Ce n'est pas toujours possible. Quand ce n'est pas possible, il faut le réviser. Cela peut consister à réaligner un brise-lames ou choisir un meilleur emplacement pour un quai, à modifier sa forme ou sa conception pour qu'il cause moins de dommages à l'habitat du poisson.
L'option suivante est l'atténuation complète des dommages, si possible. Dans bien des cas, c'est seulement une question de temps. Si vous faites les travaux au printemps quand le saumon remonte la rivière, cela peut causer des dommages. Si vous les faites plus tard au cours de l'été ou à l'automne, il y aura moins de dommages parce que le poisson est déjà en amont. Voilà le genre de mesures d'atténuation dont nous parlons.
La compensation est la dernière option.
Le sénateur Watt: L'atténuation fait-elle également appel à la compensation? S'il est impossible de remédier à la détérioration de l'habitat, s'il s'agit de travaux plus importants, n'auriez-vous pas à envisager une compensation?
M. Nadeau: Selon la Loi sur les pêches, non, ce n'est pas la même chose.
Le sénateur Watt: Cela a pourtant été fait bien souvent.
M. Nadeau: Vous parlez d'une compensation physique?
Le sénateur Watt: Oui. J'ai participé très souvent à ce genre d'activité.
M. Nadeau: Chaque fois que nous émettons une autorisation, elle doit être accompagnée d'une entente de compensation. Nous négocions une entente avec les promoteurs pour que la capacité de production de l'habitat soit compensée.
Le sénateur Watt: Je veux faire valoir que l'habitat n'est pas toujours la considération la plus importante. Il arrive parfois que d'autres intérêts l'emportent, par exemple ceux du promoteur.
M. Nadeau: Cela peut arriver.
Le sénateur Watt: Cela arrive souvent.
M. Nadeau: Nous rejetons certaines propositions.
Le sénateur Watt: Je n'en dirai pas plus, mais j'ai vu cela bien souvent.
Le sénateur Cook: J'ai beaucoup entendu parler des autres provinces du Canada. Quels protocoles avez-vous en place pour Terre-Neuve?
M. LeBlanc: Nous avons entamé des pourparlers avec Terre-Neuve dans le but de conclure une entente bilatérale sur la gestion de l'habitat. Comme vous le savez, à Terre-Neuve, le gouvernement fédéral gère à la fois les pêches et l'habitat, contrairement à la situation en Ontario où il gère seulement les pêches et où nous devons travailler en collaboration très étroite avec la province. Nous devons toujours coopérer étroitement avec Terre-Neuve, surtout lorsque nous procédons à des examens importants dans le cadre de sa législation.
Nous avons communiqué avec les fonctionnaires de Terre- Neuve et entamé des discussions. Nous ne nous sommes pas encore rencontrés. Ces discussions ont eu lieu au téléphone. Nous comptons les rencontrer pour voir si une entente les intéresse. Si c'est le cas, nous négocierons un accord avec les responsables de la région et de l'administration centrale.
Le sénateur Cook: Je pense surtout aux activités industrielles qui ont des répercussions sur l'habitat du poisson. Je pense à l'usine de phosphore de Long Harbour qui a été un désastre, selon moi. Il se peut qu'une nouvelle fonderie soit construite dans la Baie de Voisey, près de l'océan. Elle aurait certainement d'importantes répercussions sur l'habitat du poisson. Je ne demande ce qui se passe en haute mer ou si c'est couvert par l'évaluation environnementale?
M. Nadeau: Je ne peux rien vous dire en ce qui concerne l'usine de phosphore.
Le sénateur Cook: C'était hier. Le hareng était rouge et le homard avait trois pinces.
M. Nadeau: Je peux vous parler de la construction éventuelle d'une usine de traitement du nickel près de la Baie Argentia. Le projet qui a été examiné était plus important que celui qu'on envisage actuellement. Cette région est couverte. Nous entrete nons d'excellentes relations de travail avec Terre-Neuve. Nous travaillons en collaboration étroite. La province a mis en place le même processus que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle- Écosse. Il s'agit d'un comité de liaison. Tous les ministères fédéraux, provinciaux et autres organismes qui doivent prendre des décisions sur les divers projets travaillent ensemble pour effectuer la meilleure évaluation possible et décider de ce qui peut être autorisé ou non.
En ce qui concerne la haute mer, l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers en assume la responsabilité et il se passe beaucoup de choses à Terre-Neuve.
Le sénateur Cook: Avez-vous délégué vos responsabilités?
M. Nadeau: Non. C'est le ministre responsable de Ressources naturelles Canada qui assume la responsabilité de la Cana da-Nova Scotia Offshore Petroleum Board, la CNOPB, du côté fédéral. Tous ces projets sont également examinés dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Aux termes de cette loi, nous partageons avec l'Office, qui est également responsable de la réglementation en vertu de la LCEE, la responsabilité d'Hibernia, de Terra Nova et de White Rose. Nous participons à tous ces examens. Nous formulons des conseils et des recommandations à l'Office quant aux projets acceptables ou non. Nous émettons également des autorisations.
Le sénateur Cook: Vous assumez également la responsabilité des installations d'entreposage situées au bord de l'eau telles qu'à Whiffen Head, n'est-ce pas?
M. Nadeau: Le terminal de Whiffen Head a fait l'objet d'une entente de compensation importante étant donné que l'habitat du homard et certaines zones de frai du capelan ont été endommagés. L'entreprise a mis sur pied un programme de compensation qui se chiffrait à des centaines de milliers de dollars. Ce programme se poursuit et nous continuons de le surveiller avec l'entreprise. Il semble bien fonctionner.
Le sénateur Adams: Je me souviens de notre étude du projet de loi C-14 quand cette mesure a été renvoyée au Comité des transports. Quelle est la collaboration entre Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans et la Garde côtière? Le projet de loi C-14 porte sur les questions environne mentales de même que l'habitat du poisson. Dans quelle mesure collaborez-vous?
Si je me lance, à l'avenir, dans une entreprise avec une grande société, qui dois-je aller voir en premier? Dois-je d'abord m'adresser à vous ou à Environnement Canada? Quelle est votre collaboration avec les autres ministères?
M. Cuillerier: Si j'ai bien compris votre question, sénateur, vous voulez savoir dans quelle mesure nous collaborons avec Environnement Canada.
Le sénateur Adams: C'est exact.
M. Cuillerier: Nous travaillons en collaboration étroite. Aujourd'hui, il y a eu une réunion de la haute direction des deux ministères pour étudier des problèmes communs tels que les eaux d'égout municipales. Plusieurs questions ont été abordées. Nous sommes en communication constante avec Environnement Cana da. Nous parlons chaque semaine aux fonctionnaires d'Environne ment Canada. Nous avons des problèmes communs.
Comme je l'ai dit, le ministère de l'Environnement gère l'article 36 de la Loi sur les pêches, les dispositions concernant la pollution. Nous travaillons de concert à plusieurs projets. Nous devons coopérer étroitement étant donné que nos objectifs se rejoignent et se complètent. Nous nous consultons aussi pour d'autres projets.
Le sénateur Adams: Si cela concerne l'environnement ou l'habitat du poisson, les décisions doivent-elles être prises à la fois par votre ministère et Environnement Canada? Qui prend la décision finale?
M. Cuillerier: C'est le ministère des Pêches et des Océans qui prend la décision finale en ce qui concerne l'habitat du poisson. C'est notre responsabilité.
[Français]
Le président: Je remercie les témoins pour leur exposé qui était très instructif. Je les remercie également de vouloir rencontrer les commettants du sénateur Watt lorsqu'ils seront de retour.
[Traduction]
Certaines questions peuvent se poser au fur et à mesure que nous progressons dans notre étude de l'habitat. Si c'est le cas, pouvons-nous vous demander de comparaître de nouveau devant le comité? Nous vous donnerons un préavis suffisant, bien entendu. Vers la fin de notre étude, nous vous demanderons certainement de nous aider de nouveau afin de ne pas nous trouver embourbés dans des questions que nous ne comprenons pas.
M. Cuillerier: C'est avec plaisir que nous sommes venus ici ce soir pour discuter avec vous. Je vous le dis en toute sincérité. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire, il est important que plus de gens prennent conscience des problèmes que soulève l'habitat du poisson. Cela regarde tout le monde. C'est essentiel pour l'environnement, pour tout ce que nous faisons au Canada. Nous nous ferons un grand plaisir de répondre à vos questions. N'hésitez pas à nous appeler et nous nous ferons un plaisir de vous rencontrer.
Le président: Quand nous avons envisagé d'étudier l'habitat du poisson, tous les sénateurs présents ici ce soir, ainsi que plusieurs autres, ont convenu que nous devions absolument nous pencher sur ce sujet. Je vous remercie une fois de plus pour votre comparution de ce soir.
Êtes-vous d'accord pour que les documents que le MPO nous a remis ce soir soient annexés aux procès-verbaux?
Des voix: D'accord.
M. Nadeau: Pour ce qui est de la question du sénateur Mahovlich concernant les Grands Lacs, le Bureau du vérificateur général vient de publier un rapport qui fait état du bon travail que les ministères fédéraux accomplissent dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent. Cela couvre le MPO, Environnement Canada, la Commission mixte internationale et tous les groupes fédéraux qui participent à la gestion des Grands Lacs. C'est un excellent rapport.
La séance est levée.