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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 25 - Témoignages du 4 juin 2002


OTTAWA, le mardi 4 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, qui a été saisi du projet de loi C-50, modifiant certaines lois en conséquence de l'accession de la République populaire de Chine à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, se rencontre aujourd'hui à 18 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous entendrons ce matin Mme Andrea Lyon et M. John Morrison, du ministère des Affaires étrangères, ainsi que M. Guillaume Cliche, du ministère des Finances.

Le sénateur Andreychuk: Je m'excuse de vous interrompre, monsieur le président, mais j'aimerais savoir si le ministre va comparaître devant le comité ce soir.

Le président: Excusez-moi, sénateur Andreychuk. J'ai oublié de vous dire que le ministre ne pouvait pas être avec nous ce soir pour nous présenter le projet de loi; il sera là pour la séance de mardi prochain.

Le sénateur Corbin: Je voudrais faire un rappel au Règlement. Nous avons reçu un document contenant les commentaires du gouvernement chinois au sujet du projet de loi C-50. Si je comprends bien, monsieur le président, c'est l'ambassade de Chine qui a fait parvenir ce document à votre bureau, à l'attention expresse des membres de notre comité et du Sénat. Je ne sais pas quel est le protocole habituel, mais il me semble que, s'il y a des divergences d'opinion dans l'interprétation d'un texte officiel, elles doivent être réglées au niveau des gouvernements, et non entre un gouvernement et un comité parlementaire de l'une ou l'autre chambre.

Je ne sais pas si les fonctionnaires qui sont ici sont au courant de l'existence de ce document. Ils pourraient peut-être nous dire s'ils le jugent acceptable et s'il a été reçu, pour respecter le protocole, aux plus hauts niveaux du gouvernement.

Le président: Merci, sénateur Corbin. Nous pouvons certainement poser des questions aux fonctionnaires. Mais permettez-moi de vous expliquer brièvement pourquoi nous avons reçu cette lettre.

Il y a quelqu'un de l'ambassade de Chine qui a communiqué avec mon bureau et qui m'a laissé entendre que l'ambassade voulait nous envoyer un témoin. Je me suis fait la même réflexion que vous. Cela ne me paraissait pas une façon appropriée de discuter d'une entente entre le Canada, la Chine et d'autres pays. En fait, la personne qui voulait comparaître devant nous ne venait pas de l'ambassade de Chine, mais de Shanghai. J'ai trouvé cela un peu inapproprié, comme vous l'avez souligné, puisqu'il s'agit d'une entente entre deux pays.

Vous avez reçu cette note parce que la solution que j'ai trouvée a été de suggérer aux gens de l'ambassade de nous envoyer une note pour que le comité l'étudie. Voilà où nous en sommes pour le moment.

Madame Lyon, vous pourriez peut-être nous en dire plus long sur cette question?

Mme Andrea Lyon, directrice, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: En ce qui concerne la requête du gouvernement chinois, nous avons effectivement été mis au courant des préoccupations soulevées dans ce document. Nous avons rencontré des représentants de l'ambassade de Chine pour discuter de leurs préoccupations et nous avons envoyé une réponse écrite au gouvernement chinois. Je crois que la greffière du Comité des affaires étrangères a reçu une copie de cette réponse.

Le président: Je suppose qu'elle se trouve dans la trousse que les sénateurs ont reçue à ce sujet-là.

Le sénateur Andreychuk: Non, elle n'y est pas.

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, puisque nous avons fait allusion à ce document, je pense qu'il serait approprié de le verser au procès-verbal. Nous devrions aussi avoir une copie de la réponse et l'inclure également dans le compte rendu du comité.

Le président: Certainement, ce sera fait.

Le sénateur Carney: Au sujet de la suggestion du sénateur Di Nino, comme nous n'aurons évidemment pas l'occasion de lire les commentaires que je viens de recevoir ni la lettre qu'on nous distribue en ce moment même, pourrions-nous revenir à cette question demain, après l'ajournement du Sénat, plutôt que d'essayer de régler cela à la hâte aujourd'hui?

Le président: C'est une bonne idée, sénateur Carney. Je n'ai pas d'objection à ce que nous remettions cette question à demain.

Nous devons nous demander s'il est approprié que le comité discute de quelque chose qui fait l'objet de négociations entre deux gouvernements. En tant que président du comité, je dois me demander si le gouvernement canadien comparaîtrait devant un comité des affaires étrangères du Congrès de la République populaire de Chine au sujet d'une question touchant nos rapports avec le gouvernement chinois. Est-ce que les choses se passeraient de cette façon? J'en doute un peu.

Mais nous devons demeurer ouverts à l'idée de recevoir des témoins. À l'occasion de notre étude sur la Russie, nous avons rencontré plusieurs premiers ministres et anciens premiers ministres, mais il n'en a pas été question dans le compte rendu de nos séances parce qu'il semble qu'en théorie, nous ne pouvons pas faire une place aux gouvernements étrangers dans nos délibérations. J'ai l'impression que le sénateur Austin trouve que ce n'est pas entièrement justifié, n'est-ce pas, sénateur Austin? Je ne sais pas. Je pense que nous aurions pu entendre certaines de ces personnes. Nous en avons discuté, et c'est pourquoi j'en parle aujourd'hui.

Le sénateur Austin: Ce que je pense, c'est que nous ne devons pas créer de précédent, ni dans un sens ni dans l'autre. Il y aura des cas où nous pourrions vouloir entendre un représentant d'un gouvernement étranger, mais c'est une question d'interprétation de l'esprit du protocole. C'est aux deux gouvernements de régler cette question, pas à nous. Mais, d'un autre côté, nous avons un projet de loi à étudier.

Je veux simplement souligner pour le compte rendu qu'il pourrait y avoir d'autres situations dans lesquelles nous n'aurions pas à nous pencher sur l'interprétation d'un accord entre le Canada et un autre pays, mais sur une question de politique gouvernementale au sujet de laquelle il pourrait être très intéressant de connaître le point de vue d'un gouvernement étranger. Par exemple, quand nous avons étudié le traité et le protocole touchant le fleuve Columbia, le prédécesseur de notre comité et le comité de la Chambre ont entendu des témoins représentant le gouvernement américain.

Le sénateur Carney: Si j'ai suggéré que nous laissions cela à demain, c'est simplement parce que nous ne savons pas de quoi il s'agit puisque nous n'avons pas lu le document. Je ne l'ai pas lu parce que je viens de le recevoir il y a quelques minutes à peine. Je n'ai donc aucun moyen de juger de son contenu.

Le président: Nous nous en occuperons demain.

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, on vient de nous distribuer deux documents. Il y a d'abord une réponse du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international à la personne qui nous a envoyé la lettre, je présume. Non, il s'agit de quelqu'un d'autre. L'autre document semble être une note. J'aimerais demander à nos témoins s'ils ont vu une copie de la lettre que l'ambassade nous a envoyée.

Mme Lyon: Oui, nous l'avons vue.

Le sénateur Di Nino: Est-ce que c'est à cela que vous répondez?

Le président: À quoi, sénateur Di Nino?

Le sénateur Di Nino: À cette lettre?

Mme Lyon: Je ne vois pas le document.

Le sénateur Di Nino: On nous a remis une copie d'une lettre datée du 29 avril, que le MAECI a envoyée au ministre- conseiller Liu Guosheng.

Mme Lyon: Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Di Nino: Je voulais simplement être certain que nous en avions tous un exemplaire. Est-ce qu'il s'agit de la réponse à la lettre que l'ambassade a envoyée à notre greffière, Line Gravel, ou d'une réponse à la note?

Mme Lyon: C'est une réponse à la note. Les deux documents portent sur les mêmes questions.

Le sénateur Di Nino: La lettre couvre les deux?

Mme Lyon: Oui.

Le président: Alors, puis-je demander à Andrea Lyon de nous faire sa présentation? Permettez-moi simplement de vous dire que, si votre présentation est suffisamment courte, nous pourrons entendre les autres témoins et passer ensuite aux questions. Veuillez continuer.

Mme Lyon: Le 11 décembre 2001, la Chine accédait à l'Organisation mondiale du commerce après 15 ans de négociations. Les conditions de cette admission entraîneront, pour les exportateurs canadiens de biens et de services, des améliorations importantes et très positives au chapitre de l'accès au marché chinois.

Les négociations visant l'accession d'un pays à l'OMC ne nécessitent habituellement pas de modifications aux lois canadiennes, étant donné qu'il incombe au nouveau membre de faire des concessions et de procéder à tout changement requis sur le plan intérieur. Toutefois, le projet de loi C-50 permettra au Canada de mettre pleinement en oeuvre certains droits spéciaux convenus lors des négociations en vue de l'accession de la Chine à l'OMC. Les nouveaux droits prévus dans le projet de loi C-50 permettent l'adoption de mesures de sauvegarde exclusivement à l'égard de la Chine, ainsi que l'application de règles visant les pays n'ayant pas une économie de marché dans le cadre des enquêtes antidumping sur des produits chinois. Ce sont des mesures temporaires.

Les sauvegardes visant exclusivement la Chine, qui pourront être adoptées pendant une période de 12 ans à compter de l'accession de ce pays à l'OMC, comprennent des sauvegardes visant des produits précis et des sauvegardes en cas de détournement des échanges. En vertu des dispositions antidumping, les membres de l'OMC pourront appliquer des règles de comparabilité des prix dans les enquêtes antidumping sur des produits chinois pendant que la Chine effectue sa transition vers une économie de marché. Ce droit sera en vigueur pour une période de 15 ans à partir de la date de l'accession de la Chine à l'OMC.

Ces mesures viendront s'ajouter aux dispositions qui existent déjà dans la législation canadienne sur les sauvegardes et les procédures antidumping. Les politiques et les lois du Canada en matière de commerce qui touchent à ces aspects sont fondées sur les accords de l'OMC, et leur orientation en découle. D'autres membres de l'OMC prennent également les dispositions nécessaires pour modifier leur cadre réglementaire ou législatif national, au besoin, afin d'assurer la pleine mise en oeuvre de ces nouveaux droits.

Les mesures prévues par le projet de loi C-50 sont fondées sur le texte, négocié et convenu, du protocole d'accession de la Chine à l'OMC.

Ces modifications législatives s'avèrent nécessaires afin d'intégrer les nouvelles dispositions dans le cadre législatif canadien. Les lois qui seront modifiées sont la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, afin de mettre en place des procédures pour l'adoption et l'application d'enquêtes sur des sauvegardes visant exclusivement la Chine; le Tarif des douanes, pour permettre l'imposition de surtaxes dans le cadre de toute mesure de sauvegarde visant exclusivement la Chine; la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, afin d'autoriser l'ajout de certains biens à la liste des marchandises d'importation contrôlée aux fins de l'application de mesures de sauvegarde visant exclusivement la Chine, et enfin, la Loi sur les mesures spéciales d'importation, pour permettre au Canada d'appliquer des règles spéciales de comparabilité des prix.

Nous ne prévoyons pas qu'il y aura, en conséquence de l'accession de la Chine à l'OMC, davantage de hausses soudaines des importations chinoises qui causeraient un préjudice et qui nous obligeraient à appliquer des mesures de sauvegarde visant exclusivement ce pays. L'accès de la Chine au marché canadien est déjà passablement ouvert, et les conditions de cet accès resteront en grande partie les mêmes.

Grâce aux mesures prévues, on s'assure que le Canada et les industries canadiennes touchées pourront exercer la gamme complète des droits convenus lors des négociations. Les intervenants de ces industries ont appuyé les mesures proposées, car elles fournissent des outils additionnels pour réagir à d'éventuelles hausses soudaines des importations chinoises susceptibles de causer un préjudice.

Je suis accompagnée de collègues du ministère des Finances et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Carney: Je tiens à féliciter la personne qui a rédigé le résumé législatif de ce projet de loi; il est extrêmement bien fait. Je l'ai lu, et j'ai lu aussi le projet de loi, qui est assez clair. J'ai quelques questions à poser au sujet des mesures d'exception et de ce que vous avez dit au sujet du fait qu'il s'agissait d'un arrangement spécial.

On peut lire dans le résumé législatif, et je cite:

L'accession de la Chine à l'OMC revêt une grande importance en raison de la taille du pays et des répercussions que ce dernier peut avoir sur les marchés mondiaux [...]

Et, ce qui m'intéresse tout particulièrement:

[...] et parce que les conditions de cette accession établiront un précédent pour les autres économies en transition qui ont demandé d'adhérer à l'OMC.

Si ce projet de loi crée un précédent en accordant des conditions particulières à la Chine, pouvez-me dire de quelle nature est ce précédent et quelles pourraient être les autres économies en transition touchées par cette mesure législative?

Mme Lyon: Nous sommes actuellement en négociations avec la Russie en vue de son accession à l'Organisation mondiale du commerce. Vous aurez sûrement constaté, en parcourant le résumé du projet de loi, qu'il y a des domaines, par exemple en ce qui concerne les règles de comparabilité des prix, où le projet de loi prévoit la possibilité d'ajouter d'autres pays auxquels nous voudrions appliquer les mêmes règles. La Russie est un des pays pour lesquels certaines des dispositions résultant de ces négociations pourraient être applicables plus tard.

Cela dit, en ce qui a trait aux dispositions sur les sauvegardes spéciales, c'est certainement un élément très particulier. Il ne s'applique actuellement qu'aux importations provenant de la Chine. Dans le contexte des négociations avec la Russie, nous ne prévoyons pas que ce genre de chose soit nécessaire. Cependant, ces négociations ne sont pas encore très avancées.

Le sénateur Carney: Quels sont les autres pays considérés comme des économies en transition? À quels autres candidats à l'accession à l'OMC cet arrangement pourrait-il s'appliquer?

Mme Lyon: Je dirais qu'il s'agit surtout de la Russie. Nous sommes actuellement en négociations avec une trentaine de pays. Le Viêtnam viendrait tout de suite après la Russie en termes d'importance économique. L'Arabie Saoudite va également accéder à l'Organisation mondiale du commerce. Mais les autres pays sont beaucoup plus petits.

Le sénateur Carney: Est-ce que ce sont des pays en développement?

Mme Lyon: Oui.

Le sénateur Carney: Quand vous dites que ce sont des précédents, est-ce que c'est surtout en termes d'orientation ou de dispositions juridiques? J'essaie de savoir si ces précédents seraient applicables à certaines des économies les moins développées.

Mme Lyon: Pas nécessairement. Les pourparlers avec les autres pays sont loin d'être aussi avancés que les négociations avec la Russie, par exemple, que nous espérons voir se conclure d'ici quelques années. Les autres ne sont pas rendus aussi loin. Je peux difficilement vous dire dans quelle mesure ce serait applicable.

Pour ce qui est de votre question sur les précédents juridiques, ceci n'impose aucun précédent juridique concernant ce que nous devons inclure dans les négociations subséquentes.

Le sénateurCarney: C'est important parce que certains éléments de ce projet de loi consacrent des précédents sur ce qui pourrait être offert à d'autres pays.

Deuxièmement, si je comprends bien, Hong Kong et Taïwan sont déjà membres de l'OMC?

Mme Lyon: Oui.

Le sénateur Carney: En quoi les dispositions de ce projet de loi sont-elles différentes du traitement que nous réservons à Hong Kong, à Taïwan et aux autres territoires douaniers distincts?

Mme Lyon: Les sauvegardes visant exclusivement la Chine sont propres à la Chine. Elles ne pourraient s'appliquer qu'aux importations chinoises. Il n'y a pas de mécanismes exclusifs similaires pour d'autres membres de l'OMC. Il y a évidemment des droits généraux en matière de sauvegardes, qui s'appliquent à l'ensemble des pays de l'OMC, mais il n'y a rien de spécifique pour Taïwan ou pour Hong Kong, ce qui fait qu'il n'y a pas vraiment de mesures de ce genre applicables à ces autres membres de l'OMC.

Le sénateur Carney: Puisque Hong Kong réexporte beaucoup de produits chinois, pourquoi l'approche adoptée envers Hong Kong n'est-elle pas semblable à l'approche visant la Chine? De toute évidence, le traitement n'est pas le même pour les produits transbordés à Hong Kong que pour ceux qui partent de Shanghai, par exemple. Pourquoi?

Mme Lyon: Ces mesures s'appliquent aux marchandises provenant de la Chine, par opposition à celles qui peuvent être transbordées et transformées d'une manière ou d'une autre. Les produits qui feront l'objet de ces mesures de sauvegarde devront provenir de ce pays.

Le sénateur Carney: Mais Hong Kong fait partie de la Chine, non?

Mme Lyon: C'est un territoire douanier distinct. Pour les fins des douanes, les marchandises seraient considérées comme provenant de la Chine, et non d'un autre pays membre de l'OMC.

Le sénateur Carney: C'est important, à mon avis, en raison de la renaissance commerciale de Shanghai, qui semble chercher à remplacer Hong Kong dans l'univers du commerce international. Je ne vois vraiment pas comment vous pouvez appliquer une série de règles à une région de la Chine et une autre série de règles à une autre région sans que cela ait de répercussions.

Quelles seraient les conséquences de cette politique pour les échanges de marchandises entre la Chine et le Canada? Est-ce que cela signifierait que les produits provenant de Hong Kong auraient la préférence sur notre marché?

Mme Lyon: Non. Il y a tout un ensemble de conditions qui s'appliqueraient avant que le Canada ou tout autre membre de l'OMC puisse appliquer les mesures de sauvegarde spéciales dont il est question dans le projet de loi. Ces mesures de sauvegarde sont semblables aux règles qui s'appliquent à toute enquête ordinaire à cet égard.

Il faudrait pouvoir démontrer qu'il y a eu préjudice. Il faudrait que le TCCE rende un jugement et que le gouvernement présente ses conclusions avant que des droits puissent être imposés sur des produits chinois en vertu d'une mesure administrative.

En fait, s'il s'avérait que les produits en question portent préjudice à l'industrie canadienne, les produits provenant de tous les autres pays bénéficieraient effectivement d'un avantage préférentiel puisqu'ils ne seraient pas assujettis aux mêmes droits.

Le sénateur Carney: Ne pensez-vous que cela ouvre la porte aux abus?

Mme Lyon: Le TCCE est un organe quasi judiciaire indépendant. Il exerce ses activités dans le respect total de nos obligations vis-à-vis de l'OMC.

Le sénateur Carney: Est-ce que le mandat du TCCE permet à ses membres d'examiner des situations comme celle que j'ai décrite — c'est-à-dire, essentiellement, des cas de fraude ou de fausses représentations concernant l'origine de certaines marchandises parce que nous ne traiterions pas de la même façon Taïwan, Hong Kong et la République populaire de Chine? Si vous le reconnaissez, nous pourrons poursuivre et vous pourrez nous dire ce que vous entendez faire à ce sujet-là.

Mme Lyon: L'Agence canadienne des douanes et du revenu serait responsable de s'assurer que les marchandises ont effectivement été produites en Chine, dans l'exemple dont vous parlez. Elle a cette obligation, et elle dispose des capacités nécessaires pour le faire. C'est à elle de s'assurer que les règles sont appliquées correctement.

Le sénateur Carney: Je suis certaine que d'autres membres du comité voudront poursuivre cette discussion. La Chine est un immense marché, qui est important pour nous. Je ne vois vraiment pas comment cette approche peut se justifier.

Je comprends la question des sauvegardes. Je comprends la question des hausses soudaines des importations. Je comprends la question du détournement des échanges. Je pense que c'est ce dont il est question ici. Nous aimerions qu'on nous fournisse de meilleures raisons pour traiter un partenaire commercial différemment d'un autre.

Vous voudrez peut-être réfléchir à cette question et nous faire part de vos conclusions. J'ai d'autres questions à poser, mais je vais attendre.

Le président: Je voudrais poser une question avant de laisser la parole au sénateur Di Nino.

Le projet de loi se rapporte à l'accession à l'OMC. Ce n'est pas nous qui négocions; c'est l'OMC, avec la Chine. Est- ce que ces négociations se déroulent à l'OMC, à Genève? Nous faisons partie des pays de l'OMC qui ont établi ces règles communes en matière de commerce. Corrigez-moi si je me trompe, mais la Chine ne s'est pas entendue seulement avec nous; elle s'est entendue avec l'OMC, dans le cadre de cet accord. C'est exact?

Mme Lyon: C'est exact.

Le président: Après des années de négociations avec l'OMC à Genève, j'imagine?

Mme Lyon: En effet. Ces règles ont été négociées sur plusieurs années.

Le président: Il y a une centaine d'autres signataires à cet accord, à part le Canada, et ils devront tous faire la même chose que nous, n'est-ce pas?

Mme Lyon: Tous les autres membres de l'OMC ont les mêmes droits, en effet.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais avoir une petite précision sur ce dernier point. Est-ce que la loi qu'on nous demande d'adopter aura son pendant dans tous les 129 autres pays membres de l'OMC? Est-ce qu'il y aura des dispositions semblables à celles du projet de loi C-50 aux États-Unis, dans l'Union européenne et dans les pays africains?

Mme Lyon: Oui. En fait, les États-Unis ont déjà promulgué leur loi à cet égard. D'autres pays sont en train d'en adopter une, dont la Corée et le Japon. Les pays signataires ne devront pas tous modifier leur législation pour mettre en oeuvre ces dispositions ou pour en favoriser la mise en oeuvre; tout dépend de leur cadre législatif et réglementaire. Mais, en effet, les autres pays membres de l'OMC devront prendre des mesures semblables à ce que nous faisons ici pour pouvoir se prévaloir de ces droits en matière de sauvegardes.

Le sénateur Di Nino: Est-ce qu'il y a des pays qui ne le feront pas ou qui ont indiqué qu'ils ne le feraient pas?

Mme Lyon: Nous n'avons reçu aucune indication en ce sens.

Le sénateur Di Nino: Vous vous attendez à ce que les 129 pays adoptent ce document?

Mme Lyon: Nous nous attendons à ce qu'ils prennent tous les mesures nécessaires, sur le plan intérieur, pour pouvoir se prévaloir de ces droits, en effet.

Le sénateur Di Nino: À mon avis, quand nous parlons de ces questions, nous ne devrions pas mettre Taïwan et Hong Kong dans le même sac. Taïwan ne fait pas partie de la Chine, mais Hong Kong en fait partie. Cela dit, j'aimerais avoir quelques précisions sur les dispositions touchant les sauvegardes visant des produits précis et les sauvegardes en cas de détournement des échanges.

Est-ce la première fois que des sauvegardes de ce genre sont prévues dans les négociations avec un pays qui souhaite accéder à l'OMC?

Mme Lyon: Oui, c'est la première fois que des mesures de sauvegarde exclusives à un pays ont été négociées.

Le sénateur Di Nino: Il n'y a aucun membre de l'OMC qui a fait l'objet de dispositions similaires?

Mme Lyon: Non..

Le sénateur Di Nino: Pour faire suite à la question du sénateur Carney, pouvez-vous nous dire comment nous pouvons nous assurer que des produits fabriqués quelque part en Chine ne passeront pas par Hong Kong avant d'être acheminés vers d'autres pays membres de l'OMC? Est-ce qu'il y a un mécanisme en place à cette fin?

Mme Lyon: Encore une fois, cela relève de l'Agence canadienne des douanes et du revenu, qui est responsable de ce genre de chose.

Je voudrais ajouter, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je pense, que l'accession de la Chine ne changera pas grand-chose en ce qui concerne l'accès des produits chinois au marché canadien; nous ne prévoyons donc pas de hausses soudaines des importations qui pourraient nous obliger, nous ou nos industries nationales, à appliquer cette disposition. Cependant, cela a été négocié, et c'est à nous de prendre les moyens de nous en prévaloir au besoin.

Le sénateur Di Nino: À combien s'élèvent les importations chinoises au Canada?

Mme Lyon: À environ 12 milliards de dollars.

Le sénateur Di Nino: Ce chiffre a augmenté de façon relativement constante ces dernières années. Et il pourrait augmenter encore beaucoup plus. Il me semble que ce serait très difficile si ce chiffre grimpait à 18 milliards et que nous nous rendions compte que certains produits sont fabriqués ailleurs. S'il y a des dispositions de ce genre dans le projet de loi, c'est qu'il y a une raison. Ce qui me frustre, c'est que je me demande bien comment nous pourrons veiller à l'application de cet arrangement. Est-ce que nous allons tout simplement les croire sur parole?

Mme Lyon: Je peux vous répéter ce que j'ai déjà dit au sujet des responsabilités existantes de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Elle a précisément pour mandat de s'assurer que les règles régissant les importations sont respectées, conformément aux lois et règlements du Canada.

Le sénateur Di Nino: Je comprends mal comment vous pouvez imposer à un autre ministère des conditions qu'il sera presque impossible de faire respecter. Ces dispositions ont été adoptées pour la première fois pour la Chine, et pour aucun autre pays, parce que vous devez craindre que le gouvernement chinois n'abuse des relations découlant de son accession à l'OMC.

Mme Lyon: Je voudrais commenter ce que vous venez de dire au sujet des possibilités d'abus. Le recours au mécanisme des sauvegardes ne veut pas dire que nous pensons que la Chine applique des pratiques commerciales déloyales. Ce n'est pas comme les droits compensatoires ou les mesures antidumping, qui impliquent l'application de pratiques commerciales déloyales. C'est une disposition dont les membres de l'OMC pourront se prévaloir en cas de hausses soudaines des importations susceptibles de causer un préjudice, mais pas nécessairement à cause de pratiques commerciales déloyales. C'est un mécanisme de transition qui laissera à l'industrie nationale le temps de s'ajuster et d'apporter les correctifs nécessaires.

En fait, tant l'accord de l'OMC que cet accord en particulier prévoient une indemnisation lorsqu'une mesure de sauvegarde demeurera en place après un certain temps. Donc, bien que les sauvegardes exclusives à la Chine soient exceptionnelles, la notion de sauvegardes ne l'est pas; elle existe depuis un certain temps.

Le sénateur Di Nino: Il n'en demeure pas moins que, pour la première fois dans les négociations avec les 129 pays qui sont maintenant membres de l'OMC, on a jugé bon de prévoir des sauvegardes qui n'existaient pas jusque-là. Il doit bien y avoir une raison. Je ne vois pas comment nous pouvons demander à un autre ministère de veiller au respect des dispositions en vigueur par suite des préoccupations soulevées et de l'adoption du projet de loi. J'aimerais que nous réfléchissions un peu à cette question et que nous y revenions plus tard, à moins qu'un de mes collègues veuille poursuivre la discussion à ce sujet.

Le président: Je voudrais éclaircir un autre point pour ma satisfaction personnelle. Nous modifions certaines de nos lois parce que la Chine va devenir membre de l'OMC. Comme vous l'avez dit, cela ne change pas grand-chose aux règles du commerce entre le Canada et la Chine. Nos échanges commerciaux, dans les deux sens, s'élèvent à 12 ou 13 milliards de dollars, mais cet accord ne concerne pas uniquement notre pays. Le Canada n'est qu'un signataire sur 130. Il y en a 129 autres. Nous ne sommes responsables que du 130e de l'accord.

Est-ce que j'ai raison de supposer que d'autres pays pourraient avoir des problèmes à cause des importations chinoises? D'autres pays comme l'Argentine, le Brésil, l'Afrique du Sud ou l'Union européenne peuvent avoir d'autres problèmes que nous en ce qui concerne la Chine, mais comme nous avons contribué au 130ede cet accord, nous avons tous accepté la même chose. Il y a beaucoup d'aspects de cet accord qui ne porteront peut-être pas beaucoup à conséquence pour nous, mais qui pourraient être importants pour d'autres pays. Est-ce que j'ai raison ou si je me trompe?

Mme Lyon: Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous ne prévoyons pas avoir besoin de ces mesures et nous ne les appliquerons peut-être jamais, mais elles sont là. Elles ont été négociées, comme vous l'avez souligné à juste titre, avec les autres pays membres de l'Organisation mondiale du commerce. C'est un des résultats de ces négociations.

Le sénateur Carney: Ce qui compte, ce n'est pas que le Canada ne soit qu'un des 130 signataires de cet accord. C'est de savoir si ce projet de loi reflète ou respecte fidèlement les termes de l'accord. Je pense que Mme Lyon fait signe que oui. L'important, ce n'est pas que le Canada ne soit qu'un signataire sur 130. L'important, c'est que ce projet de loi interprète et reflète correctement cet accord. Voilà ce qui compte.

Le président: Ma question visait seulement à clarifier ce que le sénateur Di Nino a dit au sujet des problèmes touchant les importations. Il se peut qu'il y ait des problèmes à cet égard pour l'Afrique du Sud ou pour d'autres pays.

[Français]

Le sénateur Corbin: Ma question concerne l'exportation de produits canadiens prohibés pour exportation ou qui tombent sous le sceau de l'embargo. Je fais allusion à du matériel stratégique ou du matériel qui pourrait servir à des fins de guerre en Chine ou ailleurs en vertu des accords qui existent, par exemple, entre la Chine et l'Iran.

Est-ce que ce projet de loi change quoi que ce soit au régime de l'exportation de matières prohibées ou sous embargo vers la Chine?

[Traduction]

Mme Lyon: Cela n'ajoute pas de droits nouveaux ou d'obligations nouvelles, et cela ne change rien à la situation concernant les exportations canadiennes. Les exportations canadiennes vers certains pays peuvent être visées par la liste des marchandises d'exportation contrôlée, en fonction de la nature des produits en question et des marchés auxquels ils sont destinés. Je n'ai pas en main de données précises au sujet des pays et des produits visés, mais nous pourrions certainement en fournir au comité.

Le sénateur Corbin: Quel est le ministère responsable de l'établissement et de la surveillance de ce que vous appelez la liste des marchandises d'exportation contrôlée?

Mme Lyon: C'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Le sénateur Corbin: Est-ce qu'il y a actuellement une liste de marchandises concernant la Chine?

Mme Lyon: Je ne peux pas vous confirmer quels sont les produits sur la liste.

Mon collègue du bureau de la Chine voudra peut-être vous répondre.

M. John Morrison, directeur, Direction de la Chine et de la Mongolie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Il y a une liste de produits. Elle ne s'applique pas par pays, mais elle est adoptée par un groupe de pays qui se réunissent. Je ne me souviens pas du nom de l'organisation.

Ce groupe, composé surtout de pays occidentaux, s'est entendu sur une classification selon que les produits servent uniquement à faire la guerre, qu'ils peuvent avoir un double usage — c'est-à-dire servir à des fins pacifiques ou militaires — ou qu'ils ne suscitent aucune inquiétude.

Selon cette classification, par exemple, quand une entreprise canadienne souhaite exporter un produit en Chine, elle doit présenter une demande d'exportation à notre ministère, qui examine de quel type de produit il s'agit et à qui il doit servir en Chine, et qui décide ensuite s'il y a lieu d'approuver ou non l'exportation de ce produit. Voilà ce qui se passe dans le cas des exportations.

Le sénateur Corbin: Vous avez dit que vous étiez prêts à nous fournir cette liste. Pouvez-vous le faire, s'il vous plaît?

M. Morrison: Nous vous enverrons quelque chose.

Le sénateur Corbin: Si vous aviez quelque chose qui concerne expressément la Chine, ce serait utile.

M. Morrison: Je ne pense pas qu'il y ait une liste qui s'applique uniquement à la Chine. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une liste de produits destinés à des zones de guerre ou à des pays qui ne font pas partie de l'OTAN, par exemple. Et l'OTAN a aussi une classification de produits.

Le sénateur Corbin: Comment pouvez-vous surveiller cela? Nous savons tous que la Chine n'est pas le seul pays dont les interventions suscitent des troubles en sol étranger, ou qui aide d'autres gouvernements nationaux à atteindre certains objectifs non pacifiques ou même à se livrer à des actes d'agression. Comment pouvons-nous être certains que, dans nos échanges avec la Chine dans le secteur des communications, par exemple, l'utilisation finale sera acceptable à tous égards pour les Canadiens, afin de faire avancer la cause de la paix sur Terre, parce que la Chine a déjà été active sur certains de ces fronts — et qu'elle l'est encore, j'imagine. Comment pouvons-nous être certains que nos exportations serviront uniquement à des fins pacifiques?

M. Morrison: Nous ne pouvons pas en être sûrs à 100 p. 100.

Le sénateur Corbin: Mais est-ce que nous ne devrions pas l'être?

M. Morrison: Comme je l'ai dit, nous ne pouvons pas en être sûrs à 100 p. 100. Je dirais qu'il y a un risque pour certains produits, mais c'est un risque calculé. Dans la plupart des cas, nous examinons de quel type de produit il s'agit. Par exemple, si c'est un système de guidage de missiles, je peux vous garantir que nous ne l'exporterons pas en Chine.

Le sénateur Corbin: C'est un exemple extrême.

M. Morrison: Mais il y a des cas de ce genre. Dans le cas des technologies à double usage, nous cherchons à évaluer les probabilités que ces technologies servent à des fins non pacifiques ou qu'elles nuisent aux intérêts canadiens sur le plan stratégique.

Il y a aussi d'autres questions qui se posent, par exemple celle des droits de propriété intellectuelle. Nous avertissons les entreprises du danger qu'il y a à ne pas respecter pleinement les lois sur le droit d'auteur dans certains pays, par exemple en Chine. Quant à savoir si l'entreprise veut prendre un tel risque, c'est une décision commerciale, et c'est à elle de la prendre. Certaines entreprises jugent que le risque en vaut la peine parce qu'une fois qu'elles ont copié une technologie, la technologie d'origine a progressé; elles sont rendues tellement loin que cela n'a plus d'importance et, entre temps, elles ont imposé leur image de marque.

Mais cela concerne les exportations du Canada vers la Chine, alors que le projet de loi vise les importations de la Chine vers le Canada. C'est un peu différent, je pense.

Le sénateur Corbin: En effet, mais il y a un lien.

Le sénateur Andreychuk: Les premiers pays qui ont adhéré à l'OMC ne sont pas liés par ce genre d'accord parce que, comme vous l'avez dit, c'est le premier. Combien y a-t-il d'autres pays qui ont accédé au système de l'OMC à la suite de négociations spéciales, comme la Chine? Je sais qu'il y en a un ou deux, mais je ne sais pas combien exactement.

Mme Lyon: Je vais devoir vous revenir avec des chiffres précis. Quand le GATT, le prédécesseur de l'OMC, a vu le jour à la fin des années 40, je pense qu'il comprenait de 40 à 50 membres initiaux, auxquels divers autres pays se sont ajoutés par la suite. Je pense que l'OMC compte actuellement environ 142 ou 143 membres.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites que les importations de la Chine vers le Canada ne posent pas de problèmes particuliers — même si le déséquilibre commercial est assez marqué à cet égard — et que ce sont d'autres membres qui ont soulevé cette question. Pouvez-vous nous dire quels sont ces autres membres et quelles préoccupations les ont portés à croire qu'ils avaient besoin de sauvegardes? Pourquoi sommes-nous si différents de ces autres pays?

Mme Lyon: Je dirais que ces dispositions ont été négociées par mesure de précaution, compte tenu de la taille et de la puissance de l'économie chinoise. Comme je l'ai mentionné dans une de mes réponses précédentes, la Chine avait une des économies les plus importantes à l'extérieur de l'OMC. Son cas n'était pas du même ordre que celui de nombreux autres pays qui font actuellement la queue pour se joindre à l'OMC.

La Chine, par exemple, est aujourd'hui la quatrième exportatrice de biens et de services au monde. Son PIB connaît un taux de croissance extrêmement impressionnant, et son économie est gigantesque. La Chine possède une classe moyenne croissante, ce qui en fait une puissance économique bien différente de ce qui était le cas dans les négociations précédentes. Par conséquent, compte tenu de l'importance des exportations chinoises et du fait que les Chinois n'ont pas encore terminé leur transition vers l'économie de marché, les membres de l'OMC ont jugé — et la Chine était d'accord — que des mesures de sauvegarde de ce genre étaient souhaitables dans les circonstances. Évidemment, les Américains comptaient parmi les principaux partisans de ces mesures.

Le sénateur Andreychuk: Si la situation préoccupe les Américains, et d'autres également, à cause de la taille et de l'importance de la Chine, pourquoi est-ce qu'elle n'inquiète pas aussi le Canada — si j'ai bien compris votre dernière réponse?

Mme Lyon: Je ne dirais pas nécessairement que cela n'inquiète pas le Canada. Mais cela ne faisait pas partie de nos priorités de négociation. Cependant, les pourparlers sur l'accession à l'OMC et le document qui en a résulté sont fondés sur le consensus; tout le monde était d'accord. Nous n'avions certainement pas d'objections, mais nous n'aurions pas été parmi les premiers à réclamer ces droits.

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais en revenir au commentaire du sénateur Carney sur Hong Kong et le reste de la Chine. Nous avons tous constaté les problèmes que posent les règles sur le pays d'origine, et l'obligation de déterminer où les produits ont été fabriqués et qui y a ajouté quoi. À la lumière des études réalisées par notre comité et ailleurs, il semble que les structures et les attitudes en Chine ne sont pas les mêmes qu'ailleurs. La primauté du droit n'y a pas la même signification. Les Chinois commencent à se bâtir un droit commercial. Ce sont des entrepreneurs tout aussi innovateurs que ceux d'ailleurs, à bien des égards. Il me semble que nous avons un problème ici parce que nous ne serons pas capables de contrôler ou de comprendre où les produits seront fabriqués et que nous ne pourrons peut-être pas interdire les interprétations nouvelles que la Chine pourrait donner à ces sauvegardes.

Je suppose que les différences entre Hong Kong et la Chine vont s'atténuer avec le temps. Par conséquent, nous avons mis deux régimes en place, et je ne pense pas que nous ayons vraiment créé le genre de sauvegardes que nous prévoyions.

Mme Lyon: Les responsabilités de l'ACDR, en ce qui concerne l'application des mesures douanières, n'ont pas changé depuis l'accession de la Chine. La Chine n'augmentera pas nécessairement ses exportations maintenant qu'elle est membre de l'OMC. Elle pourrait les augmenter pour toutes sortes d'autres raisons, mais cela fait partie des responsabilités actuelles de l'ACDR, comme avant et comme à l'avenir.

Le sénateur Andreychuk: Vous me placez devant un dilemme. Les sauvegardes s'appliqueraient censément aux produits venant de Chine, mais Hong Kong et les autres seraient visés par les règles de l'OMC. Quelles sauvegardes pourrions-nous appliquer en cas de hausses soudaines et préjudiciables des importations en provenance de Hong Kong?

Mme Lyon: L'accord sur l'OMC contient une disposition générale sur les sauvegardes. Elle se trouvait dans l'accord original du GATT, qui a été négocié en 1947, et elle prévoit des mesures très similaires, qui permettraient à un membre de l'OMC d'imposer des surtaxes, des droits ou des quotas temporaires en cas de hausse soudaine et préjudiciable des importations, conformément au même genre de procédure, à savoir une enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur, un jugement de ce tribunal et, pour finir, une décision du gouvernement.

Il y a donc bel et bien des droits généraux en matière de sauvegardes, dont le Canada peut se prévaloir en ce qui concerne les importations de tous les autres pays.

Le sénateur Andreychuk: En quoi ces droits généraux sont-ils différents de ceux qui sont prévus dans ce projet de loi? Est-ce que ce sont les mêmes ou, sinon, en quoi sont-ils différents?

Mme Lyon: La première différence, c'est que, dans ce cas-ci, les mesures s'appliquent exclusivement à la Chine.

Le sénateur Andreychuk: Je veux dire en termes de mécanisme et de processus.

Mme Lyon: C'est également différent en ce sens que les exigences relatives à la démonstration d'un préjudice ne sont pas les mêmes. Elles sont plus souples dans le cas de la Chine que dans celui des sauvegardes générales. Il y a aussi la question de la durée. Ces sauvegardes expirent après un certain temps. Par exemple, les sauvegardes visant exclusivement la Chine vont prendre fin en 2013. Voilà, en gros, quelles sont les différences essentielles.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites que les exigences prévues dans le projet de loi C-50 sont plus souples que pour les sauvegardes générales?

Mme Lyon: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Dois-je comprendre que les normes sont moins strictes et que les mesures sont moins sévères que pour les sauvegardes générales? Si c'est le cas, est-ce que le Canada pourrait appliquer aussi des sauvegardes générales ou si l'adoption de ce projet de loi nous en empêcherait?

Mme Lyon: Contre la Chine?

Le sénateur Andreychuk: Oui.

Mme Lyon: Nous pourrions quand même avoir recours aux sauvegardes générales.

Le sénateur Andreychuk: Nous aurions toujours le choix entre l'imposition de sauvegardes générales contre la Chine et l'application du mécanisme prévu ici?

Mme Lyon: En effet. C'est en fait l'industrie canadienne qui lancerait le processus. Il serait possible d'appliquer l'une ou l'autre des deux formules, mais puisque les exigences relatives à la détermination d'un préjudice ne sont pas les mêmes dans les deux cas, j'ai l'impression qu'on préférerait avoir recours aux mécanismes de sauvegarde spécifiques à la Chine.

En ce qui concerne les exigences de détermination d'un préjudice, le projet de loi C-50 applique le critère de la désorganisation du marché — c'est ce qui permettrait d'amorcer le processus — alors que les sauvegardes générales ne pourraient s'appliquer qu'en cas de préjudice grave, ce qui est un critère un peu plus exigeant.

Le sénateur Carney: Je voudrais d'abord faire un commentaire pour le compte rendu, pour faire suite à la question du sénateur Di Nino au sujet de la différence entre Hong Kong et Taïwan. Je pense qu'il est important de préciser pour le compte rendu qu'il y a trois entités en cause: premièrement, la République populaire de Chine; deuxièmement, le territoire douanier distinct de Taïwan, Penghu, Kinmen et Matsu; et troisièmement, Hong Kong, qui est un territoire douanier distinct appartenant à la Chine. C'est ainsi que ces trois entités sont décrites. Je voulais que ce soit clair dans le compte rendu.

Le président: Est-ce qu'il n'est pas question de la République populaire de Chine?

Le sénateur Carney: Il est question de Taïwan et de Hong Kong.

Le président: Ce n'est pas la même chose.

Le sénateur Carney: Je voulais lire leurs noms officiels pour le compte rendu, parce que le sénateur Di Nino a souligné que ces entités avaient un statut particulier. Je suis certaine que notre attaché de recherche s'assurera que nous avons les bons noms. Il s'agit du territoire douanier distinct de Taïwan, Penghu, Kinmen et Matsu, du territoire douanier distinct de Chine, c'est-à-dire Hong Kong, et de la République populaire de Chine. Nous savons de quoi nous parlons, mais je voulais m'assurer que la terminologie était uniforme.

Pourriez-vous nous fournir, madame Lyon — puisqu'il s'agit d'un projet de loi qui s'applique à un pays en particulier et qui crée un précédent —, une liste précise des éléments qui sont propres au projet de loi, par opposition aux dispositions habituelles qui s'appliquent aux autres pays? J'aimerais avoir, pour référence, une liste détaillée des éléments de ce projet de loi qui s'appliquent exclusivement à la Chine.

Puisqu'il s'agit d'une première, j'aimerais savoir aussi qui va servir d'arbitre en cas de différend. Puisque c'est une nouvelle entente et que c'est la première fois que nous appliquons cette approche discriminatoire comportant des éléments distincts, s'il y a un différend découlant par exemple de la lettre du consul chinois, chacun des pays pourrait se tourner, non pas vers le TCCE, mais vers...

Le président: C'est le mécanisme de règlement des différends de l'OMC qui s'appliquerait, n'est-ce pas?

Mme Lyon: Oui.

Le sénateur Carney: En cas de désaccord au sujet de l'application de cette loi, les deux parties pourraient avoir recours au mécanisme de règlement des différends de l'OMC?

Mme Lyon: C'est exact.

Le président: Honorables sénateurs, il est 19 heures. Nous allons nous interrompre pendant dix minutes, le temps de vider la salle avant de continuer à huis clos.

Je remercie nos témoins. Nous poursuivrons cette discussion demain. J'espère que nous pourrons procéder à l'étude article par article du projet de loi C-50 à ce moment-là.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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