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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 11 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 heures pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères en général.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue à M. Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international. Comme c'est souvent le cas, il y a des imprévus. Le ministre doit participer à un vote à 17 h 30 et les sénateurs doivent faire de même à 17 h 50. Je propose que le ministre Pettigrew fasse son exposé.

L'honorable Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international: Merci. Je suis très heureux d'apprendre que le comité changera bientôt de nom afin de refléter son regain d'intérêt pour les questions de commerce international.

Je tiens à remercier les membres du Comité du travail de fond considérable qu'ils ont accompli la semaine dernière au sujet du projet de loi C-50 pendant mon séjour au Mexique, où j'ai assisté à la réunion de la Commission du libre- échange de l'ALENA et à celle des ministres de la l'APEC. J'ai rencontré le président Fox pour discuter de nos relations commerciales en général et celles que nous entretenons avec les États-Unis, plus particulièrement.

Je voudrais vous donner aujourd'hui une vue d'ensemble de nos réussites commerciales, de nos défis actuels et des objectifs de notre politique commerciale pour l'avenir.

Comme vous le savez presque tous, en mai 2000, j'ai lancé un nouveau produit: soit un rapport annuel exhaustif sur les échanges commerciaux du Canada que nous avons déposé à la Chambre. Ce document est essentiellement la fiche de rendement du gouvernement sur les activités économiques internationales de l'année. Permettez-moi tout d'abord de vous signaler les éléments saillants du Point sur le commerce en 2002, paru récemment.

[Français]

Le rapport de 2002 passe en revue une décennie de réussites éclatantes pour le commerce du Canada et montre clairement que les échanges commerciaux ont été un des moteurs de notre croissance économique. Nous le savons tous. L'année 2001 a été une année difficile pour l'économie mondiale. Malgré les obstacles créés par le ralentissement de l'économie mondiale et les attentats du 11 septembre, notre rendement est demeuré solide et continue d'être un des principaux catalyseurs de notre croissance économique.

L'économie nouvelle du Canada a joué un rôle de plus en plus important dans notre succès commercial. Voyons les résultats suivants: nos exportations correspondent à 43 p. 100 de notre PIB. L'an dernier nous avons affiché le plus long cycle de croissance économique ininterrompu de l'après-guerre de toute notre histoire, 10 années de croissance. Cent-soixante-sept mille emplois ont été créés, dont beaucoup sont liés directement ou indirectement au commerce. Le Canada continue d'avoir une bonne longueur d'avance sur ses partenaires commerciaux, le Mexique, le Japon, l'Union européenne, la Chine et sur le grand marché des États-Unis.

En 2001, le Canada a attiré 42,8 milliards de dollars en nouveaux investissements directs étrangers. Nouveau record d'autant plus impressionnant qu'il s'est produit une baisse marquée des fusions et acquisitions par rapport à l'année précédente.

Les Canadiens ont aussi investi un montant presque sans précédent à l'étranger l'an dernier, soit 57,3 milliards de dollars traduisant leur dynamisme et leur optimisme en ces temps difficiles. Que de réalisations remarquables en une année généralement pénible!

Bref en 2001, les Canadiens ont généralement bénéficié de plus d'emplois, de meilleurs débouchés, d'une productivité, d'une compétitivité internationale améliorée et d'un revenu supérieur.

[Traduction]

Permettez-moi de citer une autre source à l'appui de notre position au sujet de l'efficacité de nos politiques économiques et commerciales. Pour la troisième année consécutive, le Canada figure au premier rang des pays industrialisés dans le rapport KPMG de 2002. D'après celui-ci, le Canada est le pays industrialisé le plus concurrentiel quant aux coûts, ce qui est très impressionnant. J'ai l'intention de veiller à la poursuite du succès économique et commercial du Canada par deux moyens: des échanges commerciaux plus équitables, dans un cadre basé sur des règles, et des activités soutenues de promotion du commerce.

L'OMC demeure la pierre d'assise de notre politique commerciale. Le succès remporté l'an dernier à la conférence de Doha, au Qatar, représente la première étape d'un long processus visant la mise en place d'un système de commerce international fondé sur des règles qui répond aux besoins des pays les plus pauvres, tout en favorisant l'accroissement de la prospérité tant des pays en développement que des pays industrialisés.

Une de nos grandes priorités en 2002 sera de faire avancer les négociations à l'OMC et de faire valoir les intérêts du Canada dans des secteurs comme l'agriculture, les services et les produits industriels.

Je voudrais m'arrêter un instant sur les services parce qu'ils font partie du programme entrepris l'an dernier; nos négociations à ce sujet sont donc plus avancées que pour d'autres secteurs. Les services contribuent de plus en plus à la croissance des exportations du Canada. En effet, les exportations de services commerciaux, soit de services à valeur ajoutée axés sur la technologie de pointe, ont augmenté de 62 p. 100 depuis 1995 et expliquent la plus grande part de l'accroissement de l'emploi au cours de cette période. C'est pourquoi le Canada attache tant d'importance à ses négociations à l'OMC sur les services. Elles offrent la promesse d'ouvrir de nouveaux marchés, tout en respectant le droit des pays de préserver leurs politiques intérieures.

J'ai le plaisir aujourd'hui d'annoncer une approche des négociations sur les services visant à faire en sorte que les Canadiens soient les personnes les mieux informées du monde au sujet des négociations commerciales. Le Canada a été un chef de file dans l'accroissement de l'ouverture et de la transparence en matière de négociations commerciales. À Buenos Aires, il y a à peine un an, nous avons demandé de publier les projets de textes de négociations pour la Zone de libre-échange des Amériques. Nous maintiendrons cette tradition avec notre approche des négociations de l'AGCS, l'Accord général sur le commerce des services. Le Canada rendra publiques les offres conditionnelles qu'il mettra sur la table durant les négociations de l'AGCS. Il s'agit essentiellement des garanties proposées d'accès aux marchés que nous sommes disposés à offrir à d'autres pays en échange d'un meilleur accès à leurs marchés.

D'ici peu, nous rendrons également publique une description des demandes initiales d'accès aux marchés que le Canada présentera à d'autres pays. Elle constitue un instantané assez détaillé des obstacles auxquels nos sociétés sont confrontées et des secteurs dans lesquels nous sollicitons des ouvertures. Cette information a été réunie au terme de consultations approfondies avec les intéressés canadiens.

Les détails de l'offre initiale du Canada seront mis au point au cours des prochains mois, mais une chose est déjà certaine: ni les systèmes de santé, d'instruction publique ou de services sociaux, ni la culture ne seront sur la table.

S'il y a un principe incontournable, c'est bien qu'un petit pays comme le Canada a besoin d'un système de commerce international fondé sur des règles. Comme nous l'avons à maintes reprises prouvé, quand les règles du jeu sont équitables, nous sommes en mesure non seulement d'affronter, mais aussi de battre les grands du monde.

En réalité, rien ne prouve davantage la nécessité d'avoir un système de commerce international fort et basé sur des règles, s'appliquant uniformément à tous les États, que nos relations commerciales avec les États-Unis. La montée récente du protectionnisme chez nos voisins du Sud est plus qu'un peu troublante. Le bois d'oeuvre et l'agriculture sont deux domaines où il faut défendre vigoureusement les intérêts canadiens et gérer efficacement et fermement nos relations commerciales avec les États-Unis.

Nos relations de longue date avec les États-Unis sont, dans une très large mesure, excellentes. Le commerce bilatéral de biens et de services atteint 1,85 milliard de dollars par jour. Les exportations du Canada aux États-Unis correspondent à 82 p. 100 de toutes nos exportations de biens et de services.

[Français]

Le groupe de travail sur les relations entre le Canada et les États-Unis que le premier ministre a annoncé récemment nous aidera à renforcer cette relation. En examinant la relation et en étudiant les manières de la renforcer, d'améliorer le dialogue entre les élus, de part et d'autres de la frontière, le groupe de travail peut favoriser une meilleure compréhension entre les deux pays.

Il y a deux quasi certitudes au sujet de l'avenir de la relation commerciale entre le Canada et les États-Unis. Les deux pays continueront à bénéficier énormément de leurs biens commerciaux et ils continueront à avoir des désaccords sur divers points. Je suis convaincu qu'un système fondé sur des règles demeure le moyen le plus efficace d'effacer les différends et de les régler équitablement. Il constitue la clé du vrai libre-échange qui est dans notre intérêt à tous.

Comme je l'ai déjà mentionné, la politique commerciale n'est qu'un des moyens de poursuivre le succès du Canada sur le plan commercial. L'autre moyen est celui de la promotion du commerce. Depuis le début de mon mandat au ministère du Commerce international, j'ai mené des missions commerciales dans 12 pays dont les dernières en Inde et au Mexique, en plus de participer à plusieurs missions commerciales d'Équipe Canada. Ces initiatives ont été couronnées de succès et ont contribué à accroître les débouchés du Canada en favorisant l'exportation de l'innovation et de l'ingéniosité canadienne. Le gouvernement continuera à mener des groupes de délégués d'entreprises sur les marchés actuels et émergents clés du monde entier.

Il ne faut pas oublier que dans nos discussions sur la politique commerciale, les statistiques et les indicateurs économiques ne révèlent que partiellement la réalité. Le commerce a une dimension personnelle, il touche directement la vie des Canadiens et des citoyens d'autres pays. La libéralisation du commerce vise en définitive à relever le niveau de vie, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.

L'histoire le prouve: les échanges commerciaux ont fourni les ressources qui ont permis aux gouvernements de protéger l'environnement, de renforcer le filet de sécurité sociale et de promouvoir nos valeurs fondamentales de tolérance, de compassion, de générosité, de démocratie et de primauté du droit.

Cela dit, j'envisage avec intérêt de poursuivre sur la voie que nous avons choisie pour aboutir à un système commercial fondé sur des règles plus libres, plus équitables, ainsi que pour assurer le succès continu du Canada en matière de commerce.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le ministre. Je cède la parole au sénateur Austin. Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.

Le sénateur Austin: J'aimerais discuter de la montée du protectionnisme aux États-Unis, phénomène que l'économiste américain Joseph Stiglitz a critiqué.

Dimanche dernier, M. Stiglitz, lauréat du prix Nobel d'économie et économiste en chef de la Banque mondiale depuis longtemps, a attaqué le projet de loi des États-Unis en matière d'agriculture. Au cours des neuf ou dix prochaines années, ce projet de loi permettra aux agriculteurs américains d'obtenir des subventions de l'ordre de 190 milliards de dollars. Selon M. Stiglitz, ce projet de loi constitue une odieuse mesure de protectionnisme américain et il soutient dans l'article qu'il a publié dans le New York Times qu'il sape la crédibilité des États-Unis.

Les leaders du monde économique états-unien réclament l'ouverture des marchés, la convertibilité des devises et la valeur de la concurrence sur le marché. Cependant, le Congrès des États-Unis a réfuté leurs arguments de longue date sur le jeu de l'économie mondiale.

Paul Krugman, éminent spécialiste international en matière d'économie mondiale, croit que le tarif douanier imposé à l'acier s'avère un mépris sans précédent des règles internationales. À son avis, cette mesure est une mesure à courte vue.

Dans sa manchette du 16 mai, le National Post écrit ceci: «Bush lacks ``nerve'': Pettigrew» («Bush n'a pas ``d'échine'': Pettigrew»). Lorsque j'ai lu cet article, je n'ai pas vu le mot «nerve», et je me méfie parfois des manchettes des journaux. Vous avez dit que le monde manque de courage pour influencer la politique commerciale des États-Unis.

Il me semble que les progrès réalisés à la conférence de Doha sont très sérieusement menacés par la réaction des États-Unis. On a considéré que M. Zoellick ne représentait absolument pas la politique américaine.

Quelle est notre stratégie en ce qui concerne le secteur de l'agriculture? Comment la communauté agricole canadienne peut-elle faire concurrence aux subventions américaines?

M. Pettigrew: Le terme «nerve» n'a pas été utilisé dans l'article du National Post, qui a été reproduit aux États-Unis en indiquant que j'avais dit que M. Bush n'était «pas courageux». Washington était très vexé que j'aie attaqué personnellement le président. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Cependant, ce sont des choses qui arrivent de temps en temps.

Il s'agissait d'une référence à un article dans lequel on disait que le premier ministre Jean Chrétien n'avait pu livrer la marchandise à Washington. J'ai dû appeler le journaliste en question et lui expliquer que le premier ministre de la Grande-Bretagne s'était rendu à Crawford, au Texas et que l'acier britannique n'avait pas été exempté de la mesure américaine. C'était une histoire plus compliquée qu'une simple question de relations personnelles parce que le premier ministre et le président s'entendent bien.

Le problème, c'est le système américain, ce n'est pas une question de relations personnelles. C'est le fait que le système américain entrave l'équité. Sénateur Austin, vous dites que le protectionnisme des États-Unis que reflètent le projet de loi agricole, le problème du bois d'oeuvre et de l'acier est en train de saper la crédibilité des États-Unis. Vous avez raison, et plus encore. Cela ralentit l'économie américaine. Lorsque les Américains se privent d'acier, ils nuisent au secteur du transport, notamment. Lorsqu'ils se privent du bois d'oeuvre canadien, ils ralentissent le secteur de la construction résidentielle. C'est ce secteur qui a alimenté leur économie l'an dernier. Non seulement les Américains perdent leur crédibilité, mais ils nuisent à leur propre économie.

À mon avis, les États-Unis se tirent dans le pied.

Pour revenir à votre première question, nous avons eu deux importantes réunions des ministres du Commerce.

Lorsque les ministres de l'OCDE se sont rencontrés à Paris, ça a été un mauvais moment pour la diplomatie américaine. M. Zoellick n'y était pas parce qu'il devait participer à un vote sur l'administration de la promotion du commerce au Sénat, ce qu'il a obtenu. On est maintenant à l'étape de la conférence.

Cependant, M. Zoellick a participé à la réunion de l'APEC où l'esprit était plus constructif. Il a tenté de rassurer tout le monde en disant que les États-Unis faisaient encore vraiment leur part. Nous avons essayé de le croire parce que c'est ce que nous pouvons souhaiter de mieux pour le système de commerce international. Nous espérons que les Américains vont se remuer durant l'été et jouer à nouveau ce rôle de leadership que nous attendons d'eux.

M. Zoellick a déposé les lois sur le commerce international des États-Unis au début de la conférence de Doha en novembre, exerçant ainsi un leadership influent. Je l'ai félicité d'avoir fait preuve à la conférence de Doha de la souplesse nécessaire au lancement de la ronde de négociations.

Cependant, on doit rectifier certains événements qui se sont produits depuis la conférence. J'ai toujours confiance que la ronde de Doha peut aller de l'avant, et que les Américains joueront le rôle qui leur convient, mais ils se sont compliqué la tâche.

Quant à savoir ce dont ont besoin les agriculteurs canadiens, c'est une question que l'on devrait poser au ministre de l'Agriculture. Le ministre de l'Agriculture, Lyle Vanclief, travaille actuellement avec la communauté agricole et les agriculteurs. Il sait ce qu'il faut faire pour aider les agriculteurs canadiens. Et j'appuie mon collègue.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Il y a une entente entre l'Union européenne et le Mexique. Pourquoi n'y en a-t-il pas avec le Canada?

[Traduction]

J'aimerais savoir où en sont rendues les négociations avec...

[Français]

... l'ALE, la Norvège, la Suisse et aussi avec Singapour.

M. Pettigrew: Concernant l'Union européenne et le Mexique, le Canada serait en faveur d'un accord de libre- échange, sauf que nos amis européens n'ont pas le même enthousiasme. Ils ont des accords de libre-échange qu'avec des pays en développement. Le Canada n'étant pas un pays émergent, ils préfèrent que nous continuions dans le contexte multilatéral ou dans les travaux bilatéraux, mais pas avec un accord de libre-échange complet. C'est tout de même quelque chose que nous continuons à étudier.

Le sénateur Bolduc: Est-ce à cause de l'influence en Afrique?

M. Pettigrew: Je ne veux pas jeter de blâmes. Nous avons des partisans, mais chaque fois que je parle à un nouveau ministre, j'ai un nouvel alignement des pays. On dit parfois que les Anglais et les Espagnols sont de notre côté, et que ce sont les Français et les Allemands qui résistent davantage, alors que d'autres fois, on dit que les Allemands sont de chauds partisans. C'est donc très difficile de suivre la situation.

Le sénateur Bolduc: Si on ne peut pas échanger avec eux, 80 ou 90 p. 100 de nos exportations seront dirigées vers les États-Unis, comme c'est le cas présentement. S'en va-t-on vers une sorte de marché commun avec les Américains ou avec une union douanière ou avec une union monétaire? Est-ce que cela vous effraie?

M. Pettigrew: Si je regarde tous les pays de la planète, ils exportent 80 p. 100 de leurs biens et services à 1 000 milles autour de leurs frontières. Le Canada n'est pas différent de l'Allemagne. Les coûts de transport et les familiarités des cultures, cela adonne bien pour les autres puisqu'ils ont peut-être huit ou 14 pays à 1 000 milles de leurs frontières. Ils ont un bel équilibre. Au Canada, on n'a qu'un seul voisin. Même dans le nord, on est loin des clients. Je parle du voisin russe. Le Canada n'est pas dans une situation différente des autres à exporter 80 p. 100 de ses biens et services à 1 000 milles de ses frontières.

Nos succès sur les marchés américains sont spectaculaires et remarquables. On a malheureusement de grands problèmes — comme celui du bois d'oeuvre — qui sont extrêmement pénibles pour les Canadiens. Il faut quand même admettre que c'est un marché très réceptif à l'endroit de nos produits, sauf lorsqu'on rencontre un lobby comme celui- là.

Cela n'empêche pas que toutes nos missions commerciales dans les autres pays ont comme objectif d'ouvrir de nouveaux marchés à nos exportateurs. On est sensible à l'importance de trouver d'autres débouchés pour nos produits.

Maintenant, je ne suis pas effrayé par nos succès sur le marché américain. Au contraire, je suis fier et nous devons continuer à faire le meilleur travail possible.

Au sujet de l'ALE, je passerai la parole à Don Stephenson qui est le négociateur en chef pour le Canada. Il y a un an, nous avons arrêté les négociations parce que nous avions un problème du coté des chantiers navals au pays.

Le sénateur Bolduc: Vous voulez dire avec l'ALE?

M. Pettigrew: Je parle de l'ALE. Je pourrai vous parler de Singapour après.

Le sénateur Bolduc: Les produits maritimes, c'est à cause de la Norvège?

M. Pettigrew: Oui. Je dois maintenant m'absenter pour aller voter, je reviendrai tout de suite après.

Le président: Très bien. On vous attend et entre-temps, on entend M. Stephenson.

M. Don Stephenson, directeur général, Direction des services, des investissements et de la propriété intellectuelle, ministère du Commerce international: Il n'y a pas de négociations en cours. Elles ont été suspendues il y a plus d'un an pour permettre au gouvernement d'étudier les questions soulevées sur le plan du secteur de la construction maritime.

Nous avons repris les négociations avec l'industrie en décembre. J'ai fait une tournée au Canada pour parler directement avec les représentants de l'industrie aux mois d'avril et mai. À l'heure actuelle, nous travaillons de façon interministérielle pour essayer de trouver des solutions aux problèmes et aux inquiétudes soulevées par l'industrie. Pour l'instant, il n'y a pas de négociations.

Le sénateur Bolduc: La Norvège a un droit de veto, n'est-ce pas? Qu'en dit la Suisse?

M. Stephenson: Je ne prendrai pas position pour les autres pays dans les négociations. Une entente sans le secteur de la construction maritime ne serait pas acceptée.

[Traduction]

Le président: Les sénateurs Graham et Setlakwe ne sont pas encore intervenus, mais le ministre a dû partir. Avec tout le respect que je dois aux fonctionnaires, devrions-nous suspendre la séance pour quelques minutes?

Le sénateur Bolduc: Pourrions-nous nous réunir à huis clos et terminer la question de l'Ukraine?

Le sénateur Corbin: Rien ne nous empêche de poser des questions de fait aux fonctionnaires. On abordera les questions de politique avec le ministre lorsqu'il reviendra. Cela nous permettrait d'avancer.

Le président: Sénateur Corbin, il y a une autre raison pour laquelle il ne faut pas mélanger les questions. Nous devons libérer la salle lorsqu'une question est abordée à huis clos.

Le sénateur Corbin: Il y a quelques années, nous ne réussissions pas à vendre nos pommes de terre aux Américains. Avez-vous fait quelque chose pour résoudre ce problème? Les Américains ont invoqué des motifs étranges pour ne pas accepter nos pommes de terre chez eux. À votre avis, étaient-ils de bonne foi ou n'était-ce qu'une autre raison pour limiter le libre commerce entre nos deux pays?

M. Claude Carrière, directeur général, Direction de la politique commerciale générale, ministère du Commerce international: Sénateur Corbin, je crois que vous faites référence aux récentes mesures adoptées en 2001.

Le sénateur Corbin: L'Île-du-Prince-Édouard en a été gravement touchée.

M. Carrière: Les États-Unis avaient le droit de se protéger. Cependant, nous estimons qu'ils ont exagéré et qu'ils ont adopté des mesures excessives. En bout de ligne, ils ont réduit leurs exigences et les échanges commerciaux ont pu reprendre.

Le sénateur Corbin: Cela n'a pas fait mal aux Américains.

M. Carrière: C'est exact. Les Américains diront que s'ils n'ont pas subi de dommages, c'est parce qu'ils ont enrayé la propagation du problème.

Le sénateur Corbin: Ils ont adopté une mesure préventive, comme ils le font souvent.

M. Carrière: À notre avis, ils ont exagéré.

Le sénateur Day: L'Entente Canada-Chili ne prévoyait pas notre droit de protester contre le dumping du saumon d'élevage du Chili aux États-Unis. Les États-Unis sont notre principal marché pour le saumon. Cela nuit à notre industrie atlantique des pêches. Pouvez-vous me dire où on en est? Où en sont les négociations actuellement pour essayer de régler le problème, soit entre le Canada et le Chili, soit entre le Canada et les États-Unis?

M. Carrière: Nous avons travaillé là-dessus avec l'industrie de l'aquaculture au Nouveau-Brunswick et avons soulevé le problème auprès des Chiliens. Il y a un problème en ce qui concerne l'exportation du saumon aux États- Unis. Comme vous le savez, il y a eu ralentissement de l'économie aux États-Unis depuis le 11 septembre et le prix du saumon a chuté. Cela a affecté sérieusement nos opérations commerciales avec notre voisin. Le Chili exporte des quantités importantes de saumon à destination des États-Unis et fait face à une poursuite antidumping.

Le sénateur Day: De la part des États-Unis?

M. Carrière: Oui, c'est exact. L'an prochain, le Chili devra faire face à des marges de dumping plus élevées. Heureusement pour nous, les prix aux États-Unis ont commencé à se raffermir et ont augmenté récemment de quelque 30 p. 100. Au fur et à mesure que le marché reprendra de la vigueur, les problèmes devraient s'atténuer considérablement. Quoi qu'il en soit, nous discutons actuellement de la question avec le Chili. Le problème, c'est le marché américain, et nous n'avons pas beaucoup d'influence sur ce marché.

Le sénateur Austin: Est-ce que les discussions se poursuivent sur la modification des dispositions du chapitre 11 qui permet aux entreprises d'intenter une action si elles estiment avoir subi un traitement inéquitable de la part d'un gouvernement hôte?

M. Stephenson: Oui. Lors de la réunion de la Commission de l'ALENA au Mexique, il y a eu entente pour demander aux fonctionnaires de reprendre ces discussions qui recommenceront dans environ dix jours. Les fonctionnaires fourniront d'autres renseignements aux sous-ministres et ensuite aux ministres d'ici à la fin d'octobre.

Le sénateur Austin: Je crains que des entreprises forestières canadiennes aient entrepris des poursuites en vertu du chapitre 11 en ce qui concerne le différend du bois d'oeuvre. Je crois savoir que les discussions pourraient mener à ce que l'on convient d'appeler des «droits acquis» en vertu du chapitre 11 entre les trois pays.

M. Stephenson: On ne sait pas si les discussions de l'ALENA donneraient quelque précision ou interprétation pour déterminer si ce droit pourrait être un «droit acquis» ou pourrait avoir un effet rétroactif. Ça dépend de ce que les ministres décideront.

Il y a une poursuite contre le Canada seulement et il y a quelques jours à peine, dans la décision Pope et Talbot, le tribunal a imposé une adjudication finale pour dommages-intérêts. Déboutant une décision initiale de plus de 500 millions de dollars US en dommages-intérêts contre le Canada, le tribunal a ramené ce montant à moins de 500 000 dollars US. Cela n'a rien à voir avec l'administration de l'entente sur le bois d'oeuvre, mais simplement avec la façon dont nous avons effectué une vérification administrative de la firme.

Le sénateur Austin: Est-ce que cela concerne le quota dans l'affaire Pope et Talbot?

M. Stephenson: C'est exact.

Le sénateur Graham: Comment décririez-vous le désir que semblent manifester actuellement les Européens pour une entente de libre-échange avec l'Europe?

M. Carrière: Le désir du Canada?

Le sénateur Graham: Non, l'appétit des Européens pour une entente de libre-échange.

M. Carrière: Avec le Canada?

Le sénateur Graham: Une entente bilatérale.

M. Carrière: Les Européens ont manifesté peu d'enthousiasme à l'égard d'une entente de libre-échange avec le Canada. Ils n'ont pas dit «non», mais pas dit «oui» non plus. Ils ont souvent fait remarquer qu'une entente de libre- échange avec le Canada ne leur serait pas avantageuse.

Le sénateur Graham: Et quelle est notre position?

M. Carrière: Nous estimons qu'il y a amplement de place pour améliorer notre position en Europe. C'est pourquoi nous sommes assez chauds à l'idée, comme l'ont précisé un certain nombre de comités parlementaires.

Le président: Notre comité a travaillé là-dessus.

M. Carrière: Les comités ont dit qu'à leur avis, il serait très intéressant d'avoir un accord de libre-échange avec l'Europe.

Le président: Je me suis intéressé aux discussions de la Commission des pêches à Bruxelles. L'affaire a eu un certain écho parce qu'elle a eu des répercussions sur les Espagnols et sur leur irritation à l'égard de la politique des pêches. Qu'est-ce qui a été fait à la Commission des pêches de l'Union européenne? Est-ce que les séquelles du différend concernant les pêches avec l'Union européenne nous pendent toujours au-dessus de la tête dans nos importantes tentatives de conclure une entente de libre-échange avec l'Union européenne? Est-ce que cela nous hante toujours? Il y a eu des articles dans The Financial Times et dans la presse européenne au sujet de ce qui s'est passé à la Commission des pêches.

M. Carrière: Monsieur le président, je m'excuse. Je ne connais pas cet incident-là. Cependant, on a dit que les Espagnols avaient des doutes et qu'ils se souviennent de ce qui s'est passé.

Ils ne sont probablement pas les plus grands alliés que le Canada pourrait avoir dans une campagne pour convaincre les Européens de conclure une entente de libre-échange.

Le sénateur Graham: Est-ce que le gouvernement canadien travaille actuellement dans le but de réaliser une analyse de rentabilisation? Est-ce exact?

M. Carrière: Nous sommes en train d'évaluer les éléments qui pourraient être inclus dans une entente de libre- échange ou une négociation de libre-échange avec l'Europe. Nous avons examiné les avantages et les inconvénients d'une telle négociation. Cette évaluation ne s'est pas traduite par ce que l'on pourrait appeler une analyse de rentabilisation. En général, une analyse de rentabilisation est plutôt concentrée sur les seuls avantages. Nous avons examiné les deux côtés. Cela demeure une évaluation interne pour le gouvernement.

Certes, des avantages importants ont été repérés, mais ce genre de négociations peut aussi présenter des inconvénients.

Le sénateur Graham: Serait-il honnête de demander quand l'évaluation pourrait être terminée? Est-ce que vous avez des échéanciers réalistes quand vous travaillez à de telles propositions?

M. Carrière: Actuellement, non. Nous travaillons toujours là-dessus.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, j'aimerais faire un rappel au Règlement.

Je crois que lorsque la sonnerie commence, notre règlement requiert l'ajournement du comité. Je viens tout juste d'entendre la sonnerie.

Le président: Nous allons suspendre nos travaux. Nous n'allons pas nous ajourner.

Le sénateur Austin: Je crois que le vote est à 17 h 50. Nous devrions être en mesure de reprendre à 18 heures.

Le sénateur Day: Est-ce que la permission que nous avons obtenue à la Chambre...

Le président: Non, pas pour un vote.

Avec le plus grand des respects pour nos témoins, je vais suspendre la réunion pendant environ 15 minutes. Nous allons revenir en bas le plus rapidement possible.

Je rappelle aux honorables sénateurs que nous avons d'importantes questions à régler à la fin de la comparution du ministre et je crois que nous pourrons le faire rapidement.

Le comité suspend ses travaux.

Le comité reprend ses travaux.

Le président: Honorables sénateurs, nous pouvons maintenant reprendre nos travaux.

[Français]

Le sénateur Corbin: J'ai appris qu'il y avait eu fuite importante de capitaux et d'investissements des Etats-Unis. Lors de votre présentation, vous avez dit qu'en 2001 le Canada avait reçu plus de 48,2 milliards de dollars en nouveaux investissements. Premièrement, existe-t-il un lien direct entre ces deux phénomènes? Et, deuxièmement, le Canada profite-t-il de cette fuite de capitaux?

M. Pettigrew: Je n'ai pas vu d'analyses précises concernant les sources de ces investissements, dont beaucoup sont Américains. Probablement qu'il y a un lien quoiqu'on ne m'ait pas parlé d'un changement significatif par rapport aux tendances habituelles.

Le sénateur Corbin: C'est connu qu'il y a eu un retrait draconien des capitaux étrangers des États-Unis depuis les événements du 11 septembre.

M. Pettigrew: D'accord, mais je ne peux pas confirmer ce fait. Je ne suis pas au courant de cette réalité et je ne sais pas s'il y a eu au contraire, à la faveur du Canada, une grande augmentation. Je n'ai pas encore les données concernant les trois derniers mois de l'année.

Le sénateur Corbin: C'est ce que j'ai entendu sur les ondes de Radio-Canada en fin de semaine et c'est ce que j'ai aussi lu dans différents médias.

M. Pettigrew: Méfiez-vous, sénateur Corbin! C'est une blague à l'endroit de nos amis les journalistes.

Le sénateur Corbin: Je sais qu'il faut toujours se méfier des analystes.

[Traduction]

Le sénateur Graham: Le gouvernement canadien a été mis au défi par certaines personnes, certaines provinces et certains analystes d'établir un lien entre le différend au sujet du bois d'oeuvre et des mesures possibles de restrictions du commerce dans d'autres secteurs de l'économie. L'exemple est toujours les exportations d'énergie à destination des États-Unis. Cela me rappelle une situation que nous avons vécue ici il y a quelques années lorsque les gens d'une région de notre pays disaient à une autre région de laisser les gens de l'Est geler dans l'obscurité.

Le ministre pourrait-il décrire les avantages et les inconvénients de cette option?

M. Pettigrew: Je me souviens de ces malheureuses observations, mais elles ont été faites dans un autre contexte. Je crois que notre pays est beaucoup plus uni aujourd'hui et que l'harmonie est beaucoup plus grande au sein de la fédération.

Le sénateur a raison de dire qu'il y a des personnes qui demandent pourquoi nous ne faisons pas ce lien. À mon avis, l'établissement d'un tel lien devrait demeurer une tentation plutôt qu'une politique. Nous affichons un excédent commercial de 90 milliards de dollars avec les États-Unis. Si nous commençons à jouer ce jeu de l'«oeil pour oeil, dent pour dent», nous irions au-delà de ce que l'OMC pourrait permettre comme mesure de représailles. Nous allons faire ce que l'OMC et l'ALENA nous permettent de faire dans nos relations commerciales et nous allons obtenir gain de cause. À mon avis, ce serait délicat que de commencer à nous faire justice nous-mêmes. C'est pourquoi nous croyons à un système axé sur les règles. Nous ne devrions pas tenter de nous faire justice nous-mêmes.

Le premier ministre a dit que les Américains devaient réfléchir au sujet des secteurs de l'énergie et du bois d'oeuvre. Il est important de suivre le jeu du premier ministre plutôt que d'essayer de tout ramener à une politique.

Le sénateur Graham: Les Américains devraient y réfléchir pas seulement maintenant mais pour l'avenir.

M. Pettigrew: C'est exact.

Le sénateur Andreychuk: Notre comité vient tout juste de terminer l'examen du projet de loi C-50. Nous n'avons pas eu l'avantage de votre présence ou d'un secrétaire parlementaire ni de quiconque pour défendre la politique. J'espère qu'à l'avenir, cela sera l'exception et non la règle. À mon avis, le projet de loi était une mesure très importante qui méritait le type de dialogue que nous pourrions avoir eu avec vous.

M. Pettigrew: L'honorable sénateur aura peut-être remarqué que j'ai parlé de cette question dans les premiers paragraphes de mes observations aujourd'hui. Je tiens à ce que les sénateurs sachent que j'aurais bien aimé venir au Sénat à ce moment-là. J'ai proposé que mon secrétaire parlementaire y soit et on m'a dit qu'il n'était pas considéré comme celui qu'on voulait, on voulait le ministre. J'ai offert de changer la date et de venir à la première date possible après mon retour du Mexique. J'aime bien travailler de façon constructive avec le Sénat.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, merci de le préciser au compte rendu. Je ne le savais pas.

Le président: Moi non plus, sénateur.

Le sénateur Andreychuk: Il me semblait que cela ne fonctionnait pas de la façon dont vous fonctionnez normalement, si bien que j'étais un peu surprise. Nous devrions nous assurer de pouvoir nous adapter à vos disponibilités dans la mesure du possible. La situation ne devrait pas se reproduire.

J'aimerais revenir aux économies axées sur les règles et aux systèmes de commerce de même nature, que je préconise et auxquels je m'intéresse depuis plus longtemps que je n'oserais le dire. Nous avons réalisé certains progrès concernant le secteur agricole pour lequel nous avons aussi préconisé un système de commerce axé sur les règles. Mais le fait est que nous n'avons pas réalisé suffisamment de progrès pour en faire une politique viable. Si nous voulons avoir un système axé sur les règles, il nous faut certains mécanismes d'application de ces règles sur lesquels nous pouvons compter. Aussi loin que je puisse voir, nous comptons encore sur la bonne volonté politique de nos voisins.

Il nous faut réfléchir à d'autres méthodes d'application que les mécanismes que nous avons en place. Je suis assez âgée pour me souvenir quand nous avons fait partie du Groupe Cairns en réponse au GATT.

Ce qui m'inquiète, c'est que pendant que l'on continue à réclamer un système axé sur les règles et qu'on encourage les autres, nous perdons du terrain et nous perdons des collectivités agricoles. Ces récentes subventions des États-Unis sont probablement plus avantageuses pour les grandes entreprises que pour les collectivités agricoles. Nous allons nous expulser nous-mêmes du marché si nous continuons de prendre plus de temps. Je regarde le calendrier de la communauté européenne pour ce qui est de l'adhésion à une politique agricole plus ouverte et plus souple et je me rends compte que cela nous désavantage.

J'espère que le ministre de l'Agriculture trouvera une mesure correctrice, mais c'est un pis-aller. J'espère que votre réflexion favorisera une nouvelle approche et que nous n'en resterons pas aux mécanismes habituels d'exécution des jugements qui sont rendus.

Est-ce qu'il y a une réflexion créatrice pour servir ce que je pense être une bonne politique, mais qui ne fonctionne pas?

M. Pettigrew: La situation est très complexe. Nous cherchons à voir si le projet de loi américain pour les agriculteurs respecte les obligations de commerce international des États-Unis. Nous ne sommes pas certains que ce soit le cas, même si eux disent le contraire.

Le sénateur Bolduc: Nous avons eu une rencontre Canada-États-Unis il y a à peu près deux semaines au Rhode Island, où un membre du Congrès nous a dit que dans le projet de loi américain, il est prévu que le secrétaire à l'Agriculture peut modifier le tarif pour le rendre conforme à celui de l'Organisation mondiale du commerce.

Le sénateur Grafstein: Le représentant du Congrès américain a dit qu'il y a une disposition qui permet au secrétaire à l'Agriculture d'établir une exemption. Ce qu'on nous a clairement dit, c'est qu'il était préférable de poursuivre la question après le mois de novembre.

Le président: S'il vous plaît, laissez le ministre répondre.

M. Pettigrew: J'ai eu une discussion avec l'ambassadeur Bob Zoellick au Mexique il y a deux semaines sur la question. Les États-Unis respectent leurs obligations commerciales internationales, et le niveau de subventions permis par le projet de loi agricole des États-Unis est conforme à la catégorie orange négociée plus tôt à l'Uruguay Round. Je m'oppose très fortement à ce que les États-Unis subventionnent la production de légumineuses à grain, qui est une récolte importante pour de nombreux pays en développement. C'est la première fois qu'un pays subventionne une telle récolte. Je pense que cette politique les amène dans la mauvaise direction.

Nous allons devoir surveiller étroitement comment le gouvernement américain mettra en oeuvre cette politique dans les limites du projet de loi. Comme M. Carrière l'a mentionné tout à l'heure, les légumineuses à grain sont une importante récolte aussi pour la Saskatchewan. Nous ne les subventionnons pas, parce que ce serait répréhensible de notre point de vue et de celui des pays en développement.

Aux États-Unis, la loi qui a été adoptée ne s'éloigne pas tellement du niveau qui existait en 1995 et 2000. Nous devons surveiller cela de près. Premièrement, nous n'apprécions pas qu'ils procèdent par voie législative parce que cela rend les choses plus difficiles. Est-ce que cela devient maintenant la nouvelle norme pour d'autres investissements spéciaux qui vont répondre davantage à leurs besoins en matière de commerce international — la catégorie orange, et cetera?

Quant au fond même de la question concernant des mesures disciplinaires plus rigoureuses, je suis d'accord avec vous. À l'OMC, le Canada est en faveur d'une zone de libre-échange des Amériques, et de mécanismes rigoureux de discipline. Le mécanisme de règlement des différends devrait être renforcé et amélioré.

Le problème avec l'agriculture, c'est que nous n'avons pas eu beaucoup de règles à faire respecter jusqu'à maintenant parce que nous ne nous occupions que d'agriculture. Il y a eu une mesure d'exemption au sujet des exportations agricoles exigée par les États-Unis en 1954. Nous n'avons pas élaboré de règles pour traiter de commerce international en agriculture avant les négociations de l'Uruguay Round. Nous nous y sommes d'abord intéressés, mais pas en détail. C'était simplement une première «amorce». Nous espérons être en mesure à l'OMC, en tant que membre du Groupe Cairns et d'autres avec nos partenaires, d'établir de meilleures règles pour le commerce international en agriculture.

Le président: Considérant que 86 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec un seul pays, que pensez-vous des risques que cela comporte pour notre souveraineté? On se pose la question au Canada. Je comprends que nous avons toujours eu d'importantes relations commerciales avec les États-Unis et j'ai lu le rapport MacDonald. Je faisais partie de notre comité lorsque nous avons conclu l'entente de libre-échange, donc nous avons beaucoup d'expérience sur le sujet.

Je suis certain que vous y avez réfléchi longuement parce que la question doit vous être posée assez souvent. Y a-t-il des risques pour notre souveraineté? Est-ce que le fait que cet énorme surplus, 86 p. 100 de nos échanges commerciaux, se fasse avec un pays, un seul pays, ne complique pas notre capacité de manoeuvrer à l'échelle internationale?

M. Pettigrew: Je ne vois pas les choses de cette façon. Je crois que le Canada a défini son identité lorsqu'il a partagé le continent nord-américain avec les États-Unis. Nous sommes toujours influencés par nos voisins. Chaque pays définit sont identité selon ses voisins et son continent. Les Canadiens ont construit un pays extraordinaire tout en tenant compte du fait que nous partageons le continent avec les États-Unis. Mais cela est peut-être ma propre réflexion en tant que Québécois qui a dû réfléchir beaucoup à la question de la souveraineté. Le fait que nous ayons des échanges commerciaux aussi dynamiques avec les États-Unis et que nous réussissions tellement sur ce marché fait de notre pays une nation beaucoup plus souveraine. Je crois que le Canada est plus souverain parce que nous tirons si bien notre épingle du jeu sur le marché américain. Cela nous permet d'établir les programmes sociaux que nous voulons parce que ces échanges commerciaux sont porteurs de la prospérité dont nous avons besoin au Canada. Le fait de bien réussir sur ce marché nous permet d'avoir de meilleures institutions culturelles et de plus gros investissements. Le Canada exporte 38 p. 100 de son PIB aux États-Unis. Aujourd'hui, nous exportons 46 p. 100 de notre PIB au total, alors que cette proportion n'était que de 25 p. 100 il y a dix ans. Nous avons fait des progrès, nous sommes passés de 25 p. 100 à 46 p. 100 de notre PIB. De tous les pays industrialisés, nous sommes celui qui réussit le mieux dans le domaine des exportations.

Les États-Unis n'exportent que 11 p. 100 de leur PIB. Le Japon, reconnu comme puissance mondiale, n'exporte que 13 à 14 p. 100 de son PIB. Des pays comme la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne exportent environ 25 p. 100. Nous exportons 46 p. 100, ce qui permet au Canada de ne pas avoir de déficit, voire un excédent. Le fait que nous réussissions bien sur le marché américain est au coeur de notre souveraineté.

Le président: À la fin des années 50, notre déficit n'était pas très élevé. Nous avons créé tous nos programmes sociaux dans les années 60, au moment où nos échanges avec les États-Unis, je pense, se situaient dans les 60 p. 100 et non à 86 p. 100. Les choses ont augmenté, ce qui, pour bien des gens, veut dire que nous sommes plus dépendants d'un seul marché que tout autre pays au monde.

M. Pettigrew: À ce moment-là, nous avions la préférence du Commonwealth et le système impérial de préférence. Le Royaume-Uni a adhéré à la Communauté européenne en 1973. Le Mexique a le même ratio d'échange, nous ne sommes pas le seul pays au monde.

Le président: Le Mexique est un pays du tiers monde.

M. Pettigrew: Bien sûr, nous subissons des influences, mais en même temps, cela nous donne beaucoup de liberté. Si nous ne devons avoir qu'un seul voisin, il est préférable que ce soit les États-Unis plutôt que bien d'autres pays.

Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, vous avez dirigé une mission commerciale au Mexique et vous en revenez tout juste. J'aimerais avoir vos commentaires sur deux points. L'un est l'inquiétude avouée que le Mexique soit plus un rival qu'un partenaire. Certains craignent que le Mexique, au cours des cinq à dix prochaines années, exportera aux États-Unis à peu près le même pourcentage que le Canada aujourd'hui. Je fais ici référence à un discours de Mme Anne Golden, présidente-directrice générale du Conference Board du Canada.

Je sais que vous avez rencontré le président Fox, qui propose une vision préconisant l'union douanière et un marché commun en Amérique du Nord. Est-ce qu'il a abordé ces questions avec vous? Quelle a été la teneur de ces discussions?

M. Pettigrew: Le président Fox a fait part d'une vision à long terme de l'avenir. Il croit que nous devrions adopter une approche européenne en matière d'intégration. Dans mes discussions avec mon homologue et avec le président mexicains, je leur ai dit que le Canada n'était pas très chaud à l'idée d'officialiser une forme d'entente actuellement. Les Canadiens sont très satisfaits de l'actuel Accord de libre-échange nord-américain avec le Mexique et les États-Unis.

Nous sommes d'ardents supporters de la Banque interaméricaine de développement. La Banque a attribué 40 milliards de dollars pour le renforcement des capacités en Amérique latine, y compris le Mexique, destinés à des projets d'infrastructure. Cela reflète l'opinion publique canadienne en ce moment.

Le président a une vision qu'il projette sur une trentaine d'années, mais dans 30 ans, j'aurai 81 ans et je ne serai plus ministre. Je ne serai plus ici à ce moment-là.

Le président: Le président Fox non plus.

M. Pettigrew: Son mandat n'est que de six ans et il en a déjà deux d'écoulés. Je n'accepte pas l'idée que le Mexique soit davantage un rival qu'un partenaire. Les gens nous observent et constatent que le Canada a une économie qui a franchi la barre du billion de dollars. Nous exportons 38 p. 100 de notre PIB aux États-Unis. C'est un chiffre énorme et impressionnant. Le Mexique bénéficie d'une économie en émergence, mais il est très loin derrière nous. Certains croient que dans 20 ans, si les tendances se maintiennent, le Mexique exportera davantage aux États-Unis et que nous ne serons plus le premier exportateur à destination de ce pays.

Tous les présidents américains qui sont venus ici ont parlé du Japon comme l'exportateur numéro un. Les Américains ne savent pas que c'est nous. Je vais demander aux gens de la presse de ne pas le rappeler aux Américains parce que cela nous crée plus de problèmes qu'autre chose.

Plus les Mexicains réussissent aux États-Unis, plus cela me réjouit. Pourquoi? Parce qu'ils achètent plus de biens canadiens.

Lorsque le Mexique réussira à pénétrer le marché américain, il deviendra un bon client pour nous, parce que nous avons une bonne relation avec les Mexicains. Nous avons signé avec eux cet accord de libre-échange et nous avons beaucoup d'affinités avec les sociétés mexicaines. L'évolution de la situation modifiera peut-être les chiffres dont vous parliez, monsieur le président. Je ne veux absolument pas réduire nos relations commerciales avec les États-Unis. Au contraire, et le plus possible. À mon avis, les Mexicains ne sont pas des rivaux, mais des partenaires. Quand ils réussiront à pénétrer le marché américain, et même s'ils nous rattrapent, ils ne deviendront que de meilleurs clients pour nous.

Le sénateur Grafstein: J'ai passé beaucoup de temps à étudier la question Canada-États-Unis. Permettez-moi d'en soulever un aspect. Lorsqu'on examine notre excédent commercial avec les États-Unis, la plupart des sénateurs seront peut-être surpris d'apprendre que l'ensemble de notre excédent est basé sur nos exportations d'énergie. Il est vrai que nous faisons une bonne concurrence aux Américains en ce qui concerne le commerce, mais l'ensemble de notre excédent commercial est en réalité attribuable à l'exportation d'énergie et probablement surtout à l'exportation de gaz.

M. Pettigrew: L'agriculture représente aussi 20 p. 100.

Le sénateur Grafstein: Je tiens à séparer les deux. Si j'ai plus de temps, je parlerai d'agriculture.

Le problème auquel font face les Américains est différent aujourd'hui de ce qu'il était avant septembre dernier. C'est-à-dire que les Américains parlent maintenant de sécurité des approvisionnements et non plus du coût des approvisionnements. Cela nous place dans une situation très particulière pour nous inciter à agir le plus rapidement possible et à construire non pas un pipeline, mais deux, et ceci parce que ce sont les Américains qui vont financer le pipeline. Et en prime, cela redonnera vie à nos sidérurgies au Canada et aux États-Unis. Et n'oublions pas que nous sommes les meilleurs fabricants de pipelines au monde.

Est-ce que le gouvernement a décidé d'accélérer vigoureusement la construction des deux pipelines en même temps afin d'augmenter le potentiel d'exportation de l'énergie aux États-Unis? Cela améliorerait certainement la situation de l'emploi dans les sidérurgies et les industries connexes au Canada.

M. Pettigrew: Non, nous n'avons pas décidé d'entreprendre la construction de deux pipelines en même temps. Comme vous le savez, il y a des discussions. C'est une décision que l'Office national de l'énergie doit prendre à un moment ou à un autre. Je prends note de votre opinion. Le ministre de l'Énergie pourrait peut-être y répondre. Je n'entrerai pas trop dans les détails parce que je ne veux pas le contredire. Mais je peux vous affirmer que nous n'avons pas pris cette décision.

Le sénateur Grafstein: Il existe d'énormes possibilités aux États-Unis.

M. Pettigrew: J'en prends note et je transmettrai votre observation au ministre de l'Énergie.

Le sénateur Grafstein: En ce qui concerne les subventions agricoles, tant le Canada que les États-Unis sont dans le même bateau. Nous faisons face aux subventions protectionnistes les plus importantes au monde. L'Union européenne consacre 60 p. 100 de son budget aux subventions agricoles. Nous encourageons les agriculteurs canadiens et américains à être concurrentiels, mais le protectionnisme les empêche de faire concurrence aux Européens.

Il existe deux moyens de régler ce problème: l'un d'eux est d'attaquer ces subventions sur le plan politique. Le deuxième est de conclure une entente de libre-échange avec l'Europe. Est-ce que le Canada ou les États-Unis ont essayé l'un ou l'autre de ces mécanismes? Quelle est notre position à ce sujet?

M. Pettigrew: Nous prévoyons attaquer les subventions lors de la ronde de négociations de Doha. C'est là une priorité absolue de notre gouvernement, de nos partenaires du Groupe Cairns et des États-Unis également. Vous avez parfaitement raison de dire que les subventions européennes sont extrêmement élevées et qu'elles compromettent tant les agriculteurs américains que canadiens.

Une zone de libre-échange n'est sans doute pas négociable entre l'Union européenne et les États-Unis et le Canada à cause de l'agriculture. C'est l'agriculture qui est la source de l'hésitation des Européens à envisager un accord commercial avec l'Amérique. Avec les États-Unis dans l'équation, tout accord avec les Européens s'évanouit.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons vous inviter à nouveau. Votre témoignage a été intéressant. Le comité est sur le point d'aborder cette question et j'apprécie énormément vos propos.

La séance se poursuit à huis clos.


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