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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 5 - Témoignages du 25 avril 2001


OTTAWA, le mercredi 25 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Conférence des Mennonites au Canada, se réunit à 16 h 35 aujourd'hui pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous nous réunissons pour étudier le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Conférence des Mennonites au Canada. M. John Lohrenz, directeur des Relations avec les fidèles pour la Conférence des Mennonites au Canada comparait devant nous.

Vous avez la parole, monsieur Lohrenz.

M. John Lohrenz, directeur des Relations avec les fidèles, Conférence des Mennonites du Canada: Honorables sénateurs, c'est à la fois un privilège et un honneur de présenter un exposé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au nom de la Conférence des Mennonites au Canada.

La Corporation est un organisme national de coordinationqui regroupe 260 congrégations comptant en toutquelque 36 000 membres adultes dans six conférencesrégionales situées dans sept provinces. Elle joue un rôle de chef de file dans les domaines de la théologie, des missions, de l'éducation, des ressources et des affaires sociales. Elle est composée de Canadiens de langue anglaise et allemande, ainsi que de Chinois, de Vietnamiens, de Laotiens, de Thaïwanais, de Français et d'Espagnols arrivés plus récemment au pays. La Conférence de Mennonites au Canada a été créée dans l'Ouest canadien en 1902 afin d'assurer une direction aux Mennonites venus d'Europe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.

Le 14 mai 1947 est entrée en vigueur la Loi constituant en personne morale la Conférence des Mennonites au Canada. Cette conférence a évolué énormément au cours des dix dernières années, ce qui a exigé une révision de la loi de 1947.

Par exemple, en 1995 la Conférence des Mennonites de l'est du Canada qui regroupait 96 congrégations, s'est jointe à la Conférence des Mennonites au Canada. Bon nombre des Mennonites de l'est du Canada sont des descendants des Loyalistes et de Mennonites venus directement de Suisse ou d'Allemagne avant l'immigration mennonite dans l'Ouestcanadien en 1874. La fusion des deux organismes a modifié la dynamique de la Conférence des Mennonites au Canada, ce qui a donné lieu à l'adoption d'un nouveau nom, l'Église Mennonite Canada.

Un autre changement important a été la récente décision de donner un statut autonome à la Conférence des Mennonites au Canada par rapport à la Conférence générale de l'Église Mennonite, qui est un organisme nord-américain.

Aux termes de la loi de 1947, la Conférence devait se limiter à exercer ses activités au Canada. Lorsqu'elle a pris de l'ampleur, ses activités ont été facilitées et dirigées par la Conférence générale de l'Église Mennonite et, après 1995, par l'Église Mennonite des États-Unis également.

Depuis que la Conférence des Mennonites au Canada est devenue autonome, il est devenu essentiel qu'elle puisse mener des activités dans d'autres pays, étant donné notamment que des congrégations d'autres membres ethniques se sont jointes à elles.

La loi modificatrice proposée a pour objet de réviser et d'actualiser la loi constitutive de 1947, principalement en modifiant le nom de la personne morale, en levant certaines des restrictions qui figurent dans la loi actuelle et en supprimant des parties devenues inutiles.

La première modification principale proposée consiste à donner à la Corporation le nouveau nom d'Église Mennonite Canada, qui cadre avec ceux adoptés par des organismes nationaux analogues dans d'autres pays - par exemple l'Église Mennonite États-Unis.

La deuxième modification importante proposée consiste à réviser la mission et les pouvoirs de la Corporation afin qu'ils cadrent mieux avec le contexte actuel et les changements survenus depuis 1947. Les principales révisions consistent à donner à la Corporation les mêmes pouvoirs que ceux attribués à une personne physique et à lui permettre d'exercer ses activités à l'extérieur du Canada.

La troisième modification importante proposée consiste à lever certaines restrictions relatives à la conservation et à la disposition de biens immobiliers afin d'actualiser la loi relativement à la législation régissant les corporations, et à donner à la conférence des droits et privilèges identiques à ceux d'une personne physique.

La quatrième modification importante proposée consiste à permettre à la Corporation de tenir une assemblée générale annuelle tous les deux ans plutôt qu'une fois par an. La Conférence des Mennonites au Canada tient chaque année,depuis 1902, une assemblée annuelle de ses délégués. Chaque congrégation choisit ses délégués en fonction du nombre de ses membres. Vu ce qu'il en coûte pour réunir tous les délégués, il vaudrait peut-être mieux tenir une assemblée tous les deux ans et une téléconférence ou autre réunion de ce genre dans l'intervalle.

Les pourparlers amorcés au début de 1995 en vue de modifier la loi de 1947, se sont intensifiés avec la décision de réorganiser la Conférence générale de l'Église Mennonite et de faire de la Conférence des Mennonites au Canada un organisme autonome ne relevant plus de l'organisme nord-américain. On a d'abord procédé à la nomination d'un comité d'examen de l'acte constitutif qui a tenu sa première réunion en février 1999.

Après avoir étudié plusieurs possibilités, il a été décidé de poursuivre le projet de modification de la loi de 1947. On n'a pas tardé à constater que les pouvoirs spéciaux prévus par la loi étaient à la fois utiles et appréciables. Ils ont donné à la Conférence des Mennonites au Canada la latitude voulue et lui ont permis de croître dans un esprit d'unité, de réaliser son mandat et de remplir ses obligations sans grand souci législatif. La loide 1947 a été très utile à la corporation pendant plus de 50 ans.

Ensuite, nous avons amorcé des échanges de vue avec le légiste et conseiller parlementaire, M. Mark Audcent, son adjointe, Mme Deborah Palumbo, et dernièrement avec son prédécesseur, Raymond du Plessis. Grâce à leurs excellents avis et conseils, toutes nos exigences ont pu être satisfaites. Nous sommes également reconnaissants de l'excellent soutien qui nous a été fourni par le sénateur Sharon Carstairs et, plus récemment par le sénateur Richard Kroft.

Lors des assemblées annuelles des délégués, et au moyen de publications, nos membres ont été régulièrement informés des progrès accomplis. Deux fois par mois, les familles membres reçoivent gratuitement la revue Canadian Mennonite, qui leur fournit de l'information à jour.

Les dispositions prises à l'égard de la loi modificatrice ont été approuvées sans réserve à l'assemblée annuelle des délégués tenue à Lethbridge, en Alberta, en juillet 2000. Nous entrevoyons l'avenir avec optimisme et les démarches que nous avons faites n'ont donné lieu à pratiquement aucune opposition chez nos membres.

Honorables sénateurs, je vous présente ce mémoire dans un esprit enthousiaste et je vous prie d'approuver officiellement le projet de loi S-25.

Je suis prêt à répondre aux questions. Cependant, auparavant je tiens à vous signaler que le sénateur Kroft a accepté, à notre demande, de prier le comité d'étudier lors de l'étude article par article, d'un amendement de forme à l'article 2. Cet amendement préciserait le libellé du projet de loi relativement au nombre des membres de l'Église sous son nouveau nom.

La présidente: Merci.

Comme le sénateur Kroft n'est pas membre de ce comité il ne peut donc pas proposer d'amendement. Un membre des comités devra le faire après quoi nous voterons sur l'amendement et s'il est adopté, nous voterons sur le projet de loi modifié.

Cependant, avant d'en arriver là, combien de congrégations représentez-vous, monsieur Lohrenz?

M. Lohrenz: Nous représentons environ 260 congrégations dans sept provinces. Nous comptons quelque 36 000 membres adultes mais, compte tenu des enfants, ce chiffre estconsidérablement plus élevé.

La présidente: Est-ce que la Conférence des Mennonites, qui comprend désormais l'Ontario et un groupe de l'est du Canada ainsi que le groupe de l'Ouest composé d'immigrants arrivés plus récemment au pays, est un des groupes plus conservateurs?

M. Lohrenz: Dans l'Église mennonite, la Conférence des Mennonites au Canada serait considérée comme le groupe le plus libéral. L'autre est peut-être un peu plus conservateur, mais il y a eu une intégration et il en a résulté une seule conférence. Étant donné qu'il s'agit d'un groupe différent de gens, on a exigé un changement de nom. Au départ, la plupart des membres de la Conférence des Mennonites au Canada étaient des Mennonites qui avaient immigré dans notre pays après 1874 et la plupart d'entre eux venaient directement de Russie. Il y a eu par la suite une autre immigration en 1920 et une autre après la Deuxième Guerre mondiale en 1948 et après.

Parmi les Mennonites, les Mennonites de l'est du Canada sont considérés comme les anciens Mennonites parce qu'ils sont ici depuis beaucoup plus longtemps. Ils sont venus après la Révolution américaine en tant que loyalistes, et bon nombre d'entre eux sont venus directement soit de Suisse ou d'Allema gne. Ils ont au Canada une histoire et une tradition qui datent depuis bien plus longtemps que la Conférence des Mennonites au Canada.

Le sénateur Nolin: L'amendement visant à changer le nom, me rend perplexe. J'ai sous les yeux l'amendement proposé que je viens de recevoir. Dans le projet de loi, le paragraphe 1 de l'article 1 traite du nouveau nom. L'amendement proposé que j'ai sous les yeux vise à modifier l'article 2 du projet de loi.

Est-ce que M. du Plessis pourrait nous l'expliquer?

M. Raymond du Plessis, avocat: L'article 1 du projet de loi est en caractères gras, ce qui signifie qu'il ne fera pas partie de la loi de constitution en corporation. Une fois le projet de loi adopté, cet article deviendra périmé, tout comme les autres articles qui proposent des amendements. Chaque article qui présente un amendement est en caractères gras parce qu'il deviendra périmé une fois que le bill sera adopté.

Cela dit, nous passons à l'article 2, qui va en fait proposer un nouvel article 1 à ce qui deviendra la loi fusionnée de l'Église, une fois que ce projet de loi sera adopté. La motiond'amendement proposerait un nouvel article 1 au véritable acte constitutif.

Le sénateur Nolin: C'est-à-dire que le nom figurera dans le nouvel acte constitutif proposé.

M. du Plessis: C'est exact.

Le sénateur Nolin: Il faudra déposer l'amendement.

La présidente: Pas aujourd'hui semble-t-il, me dit-on, mais demain lorsque nous étudierons le projet de loi article par article.

Sénateur Kroft, avez-vous quelque chose à ajouter?

Le sénateur Kroft: Non, merci.

La présidente: Le sénateur Corbin espérait être des nôtres aujourd'hui parce qu'il éprouvait certaines inquiétudes du fait que ce genre de question soit soumise au Sénat et non à un organisme de réglementation. Qu'on présente ce projet de loi au Sénat nous rappelle l'ancienne loi sur le divorce, où les gens étaient tenus de s'adresser à notre Chambre pour divorcer. Peut-être, monsieur du Plessis, pourriez-vous nous en parler un peu.

M. du Plessis: La seule raison pour laquelle ce genre de projet de loi est présenté au Sénat c'est parce qu'en vertu de l'ancien système, les corporations de ce genre étaient constituées en personne morale par des lois spéciales du Parlement.

En outre, la mesure d'application générale - c'est-à-dire la Loi sur les corporations canadiennes - renferme une disposition selon laquelle toute corporation constituée en personne morale aux termes de cette loi doit tenir une assemblée annuelle générale. Certaines de ces organisations, comme les Églises, on vous l'a d'ailleurs dit aujourd'hui, peuvent vouloir ne tenir une assemblée que tous les deux ou trois ans, ce qui fait qu'elles ne tombent pas tout à fait sous le coup de la loi générale. Ce genre de projet de loi ne se présentera pas souvent, sauf dans le cas d'institutions qui ont été constituées en personne morale par une loi spéciale il y a bien des années.

On a exprimé une certaine crainte au sujet des sociétés seules. C'est une affaire différente, qui peut être réglementée par une loi d'intérêt général. Je crois que c'est une question qui intéresse le Sénat; ce genre de constitution en corporation pourrait être réglementée par une loi du Parlement à l'avenir.

La présidente: Monsieur du Plessis, quand vous parlez de corporation seule vous voulez bien dire une seule, n'est-ce pas?

M. du Plessis: C'est exact.

M. Lohrenz: Nous avons envisagé différentes façons de procéder et après en avoir discuté avec divers avocats et le conseiller juridique ici, la meilleure solution pour nous était d'adopter cette formule. C'est ce qu'on nous a conseillé de faire. J'imagine que si nous devions recommencer au début, et établir un nouvel acte constitutif, ce n'est probablement pas ainsi que nous procéderions.

Le sénateur Nolin: Combien de congrégations proviennent de la province de Québec?

M. Lohrenz: Je ne peux pas répondre immédiatement à cette question. Il en a à Montréal. Il y en a au moins une à Montréal et soit une ou deux au nord de Montréal, près de Rouyn. Il y en a une au Nouveau-Brunswick, aucune dans l'Île-du-Prince- Édouard, à Terre-Neuve ou en Nouvelle-Écosse. La majorité descongrégations de l'est du Canada se trouvent en Ontario.

Le sénateur Nolin: Dans l'est du Canada, quand lacongrégation de 1996 s'est jointe à la conférence, la plupart d'entre elles étaient en Ontario?

M. Lohrenz: C'est exact.

La présidente: La majorité, j'imagine, se trouvent dans la région de Kitchener-Waterloo. Il y en a un certain nombre dans la région de St. Catharines de même que dans celle de Leamington. Les trois principales régions sont Leamington, la péninsule du Niagara et Kitchener-Waterloo; il y en a une à Toronto et une à Ottawa.

Le sénateur Joyal: Ma question porte sur les observations qu'a faites M. du Plessis. J'ai essayé de comprendre les motifs d'ordre juridique de la lacune qu'on trouve dans la loi au Canada, soit au niveau fédéral ou provincial, qui obligent une Église à obtenir une charte fédérale grâce à une loi spéciale. Nous savons tous que dans nos provinces respectives, il existe un grand nombre d'ordres religieux et d'églises qui ont un statut juridique qui n'ont rien à voir avec une loi ou une charte fédérale.

J'essaie de comprendre, pour ce qui est de l'évolution de la législation dans la province et au Canada, comment il se fait que l'organisation mennonite a besoin d'obtenir une charte fédérale. Pourquoi, par exemple, est-ce que l'Église anglicane du Canada ou la Roman Catholic Church in Canada ou bien d'autres confessions religieuses n'ont-elles pas besoin de cette législation fédérale? J'essaie de comprendre pourquoi le Parlement du Canada doit se pencher sur la demande formulée dans une pétition, comme celle dont nous sommes saisis aujourd'hui?

Je sais que c'est une question complexe parce que la situation varie peut-être d'une province à une autre; cependant,pourriez-vous nous éclairer un peu sur cet aspect de la question.

M. du Plessis: L'objet de la loi fédérale est de traiter d'une situation qui existera dans tout le Canada et qui relève de la compétence du Parlement.

Je crois que, dans le cas des Mennonites, certaines des congrégations possèdent déjà une charte provinciale.

M. Lohrenz: C'est exact.

M. du Plessis: Par conséquent, l'objet du projet de loi présenté consiste à réaliser un objectif de portée nationale. Je crois que certaines des autres Églises détiennent une charte provinciale. On me dit que l'Église unie est constituée en personne morale en tant qu'église nationale.

Votre question est vraiment complexe et je ne peux pas vous fournir une réponse complète sauf pour dire que n'importe quel groupe qui veut se constituer en personne morale a le droit de le faire, et il peut le faire au niveau provincial ou national.

L'honorable sénateur a parlé d'une lacune possible. Nous savons que pour les sociétés commerciales, il existe la Loi canadienne sur les sociétés par actions, qui a été présentée je crois dans les années 80. À cette époque-là, le Parlement avait été saisi d'un projet de loi visant à créer une loi équivalente pour toutes les sociétés sans but lucratif mais il n'a abouti à rien à cause de l'opposition des oeuvres de bienfaisance et des organisations qui auraient été régies par ce projet de loi. C'est peut-être ce qui explique un peu une lacune dans la législation.

Il est possible que, à l'avenir, on présentera une mesure concernant les sociétés sans but lucratif, ce qui permettra aux nouveaux groupes qui veulent se constituer en personne morale, de l'être en vertu de cette mesure. À vrai dire, il incombe aux organisations de décider si elles veulent que leur propre organisme soit régi par la loi provinciale. Je suis sûr que nous connaissons tous des exemples d'églises qui sont régies par une mesure précise à caractère local; pour d'autres, la mesure a une portée nationale.

M. Lohrenz: Si ma mémoire est fidèle, l'Église unie était assujettie à une mesure analogue lorsqu'elle a été constituée en personne morale en 1946. Je sais que des mesures analogues existent pour d'autres groupes. Les Mennonites ne sont pas le seul groupe à procéder de la sorte. Dans les années 40, c'était la façon reconnue de constituer en corporation des organismes nationaux.

Le sénateur Joyal: Normalement, lorsqu'un groupe de gens veulent se constituer en personne morale, il existe une disposition disant à qui l'actif de la corporation serait remis en cas de dissolution. Pouvez-vous nous indiquer, dans votre acte constitu tif, où figure cet aspect?

M. Lohrenz: Il n'est probablement pas inclus dans la mesure actuelle.

M. du Plessis: En 1947, lors de la constitution en personne morale, on n'a pas tenu compte de cet aspect. C'est cependant une excellente question.

Le sénateur Joyal: Je soulève la question trèsrespectueusement, madame la présidente, parce que j'habite une province où c'est une question qui se pose. Certains ordres religieux doivent disparaître graduellement parce qu'ils recrutent très peu de membres. La responsabilité des avoirs leur incombe, et dans certains cas ces avoirs sont énormes, ce qui soulève une question de droit des sociétés. Lorsque le privilège est accordé par une assemblée législative ou par le Parlement du Canada d'agir à titre de corporation, l'Assemblée législative doit toujours tenir compte de garantir les avantages des cessions financières. Par exemple, on délivre toujours des reçus. Le ministère du Revenu s'assure toujours que si, à un certain moment, une société cesse d'exister, il existe une disposition précise pour remettre les avoirs à quelque autre oeuvre de bienfaisance qui continuera à exercer ses activités dans le même domaine. J'ai lu les documents présentés et je me demandais si on avait prévu ce genre de choses.

M. du Plessis: Cette disposition se trouve plus souvent en rapport avec des associations à but non lucratif qu'avec des églises. Je suppose que lorsqu'une église se constitue en personne morale, on suppose qu'elle poursuivra ses activités pendant bien longtemps. Je l'ai vu dans des mesures législatives relatives à des organismes de bienfaisance, à des organismes bénévoles ou sans but lucratif, mais je ne l'ai jamais vu dans une mesure législative touchant une église.

Si une organisation telle une église est dissoute, il y a des lois provinciales et fédérales sur les biens en déshérence. Je vais devoir examiner cela de plus près. Ce projet de loi couvre des situations pour lesquelles il n'existe aucune dispositiond'aliénation des biens, et ces derniers reviennent en fait à l'État.

Le sénateur Joyal: Je comprends cela, je sais que le comité doit le mettre aux voix, mais serait-il possible d'avoir d'autres explications quant à la situation de l'Église des Mennonites du Canada? Je vous en serais reconnaissant.

M. du Plessis: Aimeriez-vous les recevoir demain?

Le sénateur Joyal: Oui, si c'est possible, je ne veux pas modifier le programme, mais c'est un aspect important de la discussion.

Le sénateur Gustafson: Cette situation ne serait-elle pas couverte par l'église locale? Si un immeuble d'une église locale est fermé et vendu, est-ce que ce n'est pas l'église locale qui s'en charge?

Dans l'église à laquelle j'appartiens, on s'inquiète vraiment d'être poursuivis, comme c'est le cas pour de nombreuses églises aujourd'hui. La corporation décide qu'il serait préférable que les congrégations soient chacune propriétaire de ses biens. Sur le plan financier, une église peut faire faillite après des poursuites,mais cela n'aurait pas d'incidence sur tout le groupe de, dans votre cas, 260 églises. Les documents de l'église ont peut-être prévu tout cela. Ces dispositions ne s'appliqueraient pas dans ce cas-ci, mais elles s'appliqueraient certainement entre le siège social, la corporation et les diverses églises locales.

M. Lohrenz: En ce qui concerne la Conférence des Mennoni tes au Canada, chaque congrégation est propriétaire de ses biens et de son lieu du culte. La Conférence des Mennonites au Canada n'est pas propriétaire d'églises.

Le sénateur Gustafson: C'est votre réponse.

M. Lohrenz: Le seul bien que détienne la Conférence des Mennonites au Canada est l'immeuble du siège social. Elle peut posséder quelques biens, mais c'est très limité. Tout le reste appartient aux différentes congrégations. Ces dernières ont le droit de se retirer ou de rester.

Le sénateur Gustafson: C'est ce que nous appelons la démocratie.

Le sénateur Nolin: Le problème demeure, même s'il s'agit d'un seul immeuble à bureaux. La question soulevée par le sénateur Joyal est valide. Nous devrons peut-être attendre un peu plus et présenter des amendements afin de mieux parer à la possibilité d'aliénation.

La présidente: Que se passerait-il dans une région comme la péninsule du Niagara où la promotion immobilière est en plein essor? Si une congrégation, qui peut être rurale ou non, veut s'installer dans une autre région, de quelle façon aliène-t-on les biens de cette église et comment passe-t-on à la suivante?

M. Lohrenz: C'est la congrégation qui prend la décision. Elle vend ce bien et en achète un autre. C'est une décision locale. Cette décision n'a rien à voir avec qui que ce soit d'autre. C'est la décision d'une congrégation, au même titre que vous achèteriez une maison et la vendriez, puis en achèteriez une autre. Ce ne serait pas une question du ressort de la Conférence des Mennonites du Canada ou de l'Église des Mennonites du Canada. Ce serait une question du ressort de la congrégation locale.

Le sénateur Joyal: J'ai connaissance d'un cas précis au seinde l'Église catholique romaine où une paroisse a décidé d'abandonner son identité juridique pour fusionner avec une autre paroisse à des fins de développement ou de modification de la configuration sociologique. Cette situation s'est beaucoupproduite dans des grandes villes au Québec. Je suis convaincu que cela se passe, un grand nombre d'entre nous pourraient en témoigner, ailleurs au Canada.

La question de l'aliénation des biens est une question importante. La corporation des évêques a un droit de veto sur les biens; elle peut confisquer les biens de la paroisse locale et décider de leur aliénation. La paroisse locale ne peut pas décider de vendre tant qu'elle n'a pas l'autorisation d'aliéner ses biens. Je ne veux pas entrer dans des détails, mais la Cour d'appel du Québec a cassé des décisions prises par des paroisses parce qu'il a été jugé que ces décisions n'avaient pas été entérinées par l'autorité épiscopale du diocèse. C'est une sorte de législation très complexe.

Les Mennonites sont confrontés aux mêmes changements et défis que toutes les autres églises. C'est un aspect important. Dans les années 40, comme l'a dit M. du Plessis, tout le monde pensait que l'Église était là pour toujours, mais ces changements et réorganisations font partie de notre réalité. Pouvez-vous nous éclairer sur la structure juridique qui régit ces aspects des activités de l'Église? Le cas échéant, cela pourrait nous être très utile pour discuter de questions connexes à un autre moment.

Le sénateur Cools: Cet échange m'a rappelé une question particulière, bien qu'elle ne porte pas vraiment sur le sujet de l'aliénation des biens lorsqu'une église ferme ses livres. Ma question a plutôt trait aux fonctions de votre organisation que l'on pourrait décrire comme un organisme de bienfaisance.

La structure d'une église peut être tout à fait énorme et très complexe. Je suis anglicane, et essayer de comprendre la structure de notre église prendrait toute une vie et davantage.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est en grande partie un amendement d'une loi datant de 1947. Pouvez-vous me donner des précisions sur la façon dont cette loi interagit avec vos responsabilités, par exemple, en tant qu'organisme de bienfaisan ce aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu? Je suppose que vous avez ce statut et que les dons que vous recevez sont déductibles d'impôt.

J'avais l'impression que le statut d'organisme de bienfaisance était assorti d'un ensemble de règlements portant sur la façon dont les biens d'un organisme de bienfaisance sont aliénés au moment d'une liquidation. Je peux faire erreur à ce sujet.

M. Lohrenz: Je ne connais pas tous les détails, mais je peux répondre de la façon suivante. Tout d'abord, les congrégations choisissent la proportion ou le montant qu'elles envoient à la Conférence des Mennonites au Canada. Essentiellement, ce que ne peuvent faire les congrégations, c'est une plus grande organisation qui le fait. Les conférences provinciales régissent certaines activités qui peuvent mieux se réaliser à ce niveau qu'au niveau des congrégations. Puis il y a des aspects qui sont confiés à l'organisation nationale. Par exemple, jusqu'à tout récemment, les missions étrangères étaient visées par l'organisme nord-américain. Par conséquent, tout doit être comptabilisé en tant qu'organisme de bienfaisance. Je sais que le trésorier doit donner tous les renseignements détaillés nécessaires chaque année quant à l'affectation des fonds et à leur utilisation.

Le sénateur Cools: Pourtant, cette loi ne confère aucun statut d'organisme de bienfaisance. C'est la Loi de l'impôt sur le revenu qui le fait, les dispositions sur les organismes de bienfaisance. Au sujet des questions précédentes, cette loi régit la façon de faire des sollicitations, de les comptabiliser et de les affecter. Le processus est habituellement complexe, mais nous pouvons en fait vous poser des questions sur la façon dont les règlements sont régis par une autre loi fédérale. M. du Plessis nous a quittés, mais peut-être que nous pourrions essayer d'examiner un certain nombre de ces questions plus tard, par l'entremise de notre personnel actuel.

J'aimerais vous dire, chers collègues, que j'aime voir des organisations comme celles-ci comparaître devant le Sénat. J'aime voir le public du Canada se présenter devant le Sénat. J'aime voir le Sénat du Canada agir dans sa pleine capacité juridique et législative.

Plus tôt, notre présidente a parlé de la Loi sur le divorce d'une certaine époque. J'ai lu un grand nombre des débats qui s'y rapportaient. En 1968, les députés, plus particulièrement les sénateurs, pensaient vraiment que nous progressions à pas de géant lorsque nous avons adopté la Loi sur le divorce. Maintenant, nous avons les preuves qui nous indiquent que le Sénat a bien fait sa tâche et démêlé les questions de façon complète parce que personne n'osait demander un divorce au Canada tant que le tout n'était pas en règle.

J'aime que certains secteurs d'activité continuent d'exiger que des personnes comparaissent devant le Parlement au sujet d'une loi fédérale. Comme je l'ai dit auparavant, monsieur le président et chers collègues - et je ne veux pas accabler davantage notre attaché de recherche - nous pourrions peut-être obtenir des renseignements sur le fonctionnement d'une telle loi ainsi que sur les diverses autres lois qui régissent les églises. Les questions du sénateur Nolin et du sénateur Joyal pourraient peut-être trouver réponse du même coup. C'est une question vraiment complexe.

Le président: Je ne demanderai pas à M. Lohrenz de répondre parce que la question ne relève probablement pas de la portée de cet amendement ni de la loi initiale. Il serait intéressant de connaître l'interaction avec la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Gustafson: La vente des biens de l'église locale ne serait-elle pas couverte par la constitution de l'église générale? Vous avez bien une constitution?

M. Lohrenz: Oui.

Le sénateur Gustafson: Est-ce que cette constitution ne couvrirait pas l'autonomie de l'église locale qui peut agir selon les directives des membres qui votent au sein du conseil local?

M. Lohrenz: L'église à laquelle j'appartiens s'appelle la Fort Garry Mennonite Fellowship. Les membres de cette congrégation sont propriétaires de l'immeuble et peuvent en disposer à leur guise.

Le sénateur Gustafson: C'est un processus démocratique.

M. Lohrenz: Dans la plupart des cas, l'argent ainsi amassé serait remis à un autre organisme de bienfaisance, au lieu d'être remis à un ou plusieurs membres. La nature de l'entente est qu'aucune personne ne détient les droits de propriété - seuls les membres, et non les personnes individuellement. Personne ne pourrait en tirer un avantage.

De nombreuses congrégations ont mis fin à leurs activitésen raison des changements démographiques survenusdans les régions rurales. Elles peuvent transférer leurs biens àune ou plusieurs autres congrégations, mais les personnes individuellement ne peuvent en tirer un avantage.

Je suis d'accord qu'il y a d'autres lois qui couvrent toute cette question de fin des activités.

Le sénateur Kroft: Je m'excuse d'être en retard. Je m'excuse également de ne pas vous faire profiter d'une plus grande expertise en tant que parrain du projet de loi.

J'ai une certaine connaissance de la collectivité mennonite et j'ai envers elle une reconnaissance considérable, en particulier là où j'habite. La collectivité joue un rôle important dans nos vies au Manitoba.

Les questions soulevées ici, ainsi que toute la notion de savoir si c'est équitable, approprié, bon, mauvais ou autre pour un organisme pétitionnaire de comparaître devant le Sénat, sont fascinantes. Ma seule inquiétude...

Le sénateur Cools: Vous voulez seulement que ce projet de loi soit adopté.

Le sénateur Kroft: ... c'est que nous ne laissions pas ce groupe de personnes aux prises avec des questions encore plus vastes de préoccupation et de spéculation.

Le sénateur Cools: Ne vous inquiétez pas, ce ne sont pas les partisans de l'église qui manquent autour.

Le sénateur Moore: J'aimerais donner un suivi à laquestion du sénateur Gustafson. Lorsqu'une congrégation décide de liquider ses biens, a-t-elle besoin d'une simple majoritéde 50 p. 100 plus un, ou est-ce que l'aliénation d'un bien important, tel qu'un immeuble, exige une plus grande majorité?

M. Lohrenz: D'après mon expérience, je suppose que s'il s'agit d'une majorité simple plus un, la décision n'est pas vraiment une décision entière. Mettre fin à ses activités en tant que congrégation est une question importante. À un moment ou l'autre, une décision est prise et les membres de la congrégation agissent très démocratiquement dans le cadre de ce processus. Cet aspect ne m'inquiète pas.

Il y a eu des clivages dans des congrégations où on se livrait à d'autres sortes de batailles, et les biens ont été divisés d'une certaine façon, soit par les membres, soit en vertu d'une quelconque autre entente. Cela s'est produit dans la région de Winnipeg où nous comptons 18 congrégations. Dans le monde, c'est à Winnipeg que l'on retrouve le plus grand nombre de Mennonites. Si vous comptez toutes les églises mennonites, y compris celles-ci, il y en a probablement 40 à Winnipeg.

La présidente: C'est très intéressant. S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie les témoins d'avoir fait preuve d'une si grande patience à notre endroit. Nous passerons à l'étude article par article du projet de loi demain matin à 10 h 45. Je ne pense pas que vous aurez de problèmes.

Chers collègues, c'est le seul projet de loi dont nous sommes saisis. Nous avons convenu de tenir une réunion informelle avec les sénateurs Austin et Stratton mercredi prochain à l'heure habituelle de nos réunions pour discuter des comités du Sénat. Nous pourrions aussi aborder à ce moment-là la question du rapport provisoire de notre réunion avec le directeur général des élections.

La séance est levée.


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