37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 8 - Témoignages du 30 mai 2001
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, se réunit à 16 h 40 aujourd'hui pour étudier le projet de loi. Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil. [Traduction] La présidente: Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Boudria. Le ministre témoigne devant notre comité aujourd'hui à propos du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Monsieur le ministre, nous vous écoutons. L'honorable Don Boudria, leader du gouvernement à la Chambre des communes: Madame la présidente, honorables sénateurs, je suis accompagné de M. Michael Peirce et de Mme Roxanne Guérard, tous deux experts techniques du Conseil privé, qui m'assisteront avec votre permission. [Français] Honorables sénateurs, il me fait plaisir aujourd'hui d'avoir l'opportunité de comparaître devant le comité du Sénat afin de vous entretenir et de vous demander respectueusement l'adoption du projet de loi C-9, lequel comporte certaines modifications à la Loi électorale du Canada, ainsi qu'à la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Comme vous le savez, les modifications sont principalement de deux ordres. D'une part, nous devons apporter des modifications à la Loi électorale du Canada pour répondre à la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans la cause Figueroa, dans laquelle la Cour a déclaré que les dispositions concernant l'identification des partis politiques sur le bulletin de vote contrevenaient à l'article 3 de la Charte. Dans un deuxième temps, je veux profiter de cette occasion pour apporter quelques corrections d'ordre technique, mais aussi pour respecter un engagement que j'avais fait ultérieurement devant, je crois, ce même comité du Sénat. D'abord, il faut se conformer à la décision rendue en août dernier par la Cour d'appel de l'Ontario dans le cas de M. Figueroa. Cette Cour avait en effet déclaré que l'on contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés en exigeant qu'un parti présente au moins 50 candidats avant que le nom puisse figurer sur le bulletin de vote. Vous vous souviendrez sans doute que M. Figueroa avait dit que plus de 50 candidats, ce n'était pas raisonnable et, deuxièmement, qu'il avait droit aux subsides donnés aux partis politiques même s'il avait moins de 50 candidats. Toujours est-il que la Cour lui avait donné raison dans un cas mais pas dans l'autre. La Cour a reconnu qu'il revenait au Parlement de déterminer le nombre minimal approprié de candidats - moins de 50 bien sûr, puisque 50 était trop haut - et nous a donné jusqu'au 16 août de cette année pour que nous puissions remédier à cette situation. [Traduction] La Cour a statué que l'appartenance politique pouvait jouer un rôle dans le choix que fait un électeur et que, par conséquent, il est important d'identifier clairement l'appartenance politique sur le bulletin de vote si l'on veut respecter le droit de vote. Cependant, la cour a reconnu que le gouvernement est justifié de mettre en place les mesures voulues pour éviter que les électeurs ne soient confus ou induits en erreur. Autrement dit, la mention «Don Boudria du Parti Don Boudria» est inutile. L'électeur est confus. Je cite la cour: Le bulletin de vote est l'un des symboles les plus vénérés de notre démocratie. Il ne doit pas s'agir d'un formulaire sur lequel un candidat, sous prétexte d'afficher son appartenance politique, peut inscrire des renseignements susceptibles de tourner en dérision le processus électoral ou de faire valoir un programme strictement personnel. Au comité de la Chambre, une députée a demandé: «Est-ce que je pourrais dire par exemple que je suis Carolyn Parrish du Parti Remax Realty pour faire de la publicité à mon entreprise?» Bien sûr, la cour s'est prononcée sur cette question. Dans le jugement, la cour affirme également que l'appartenance du candidat à un parti constitue des informations valables pour les électeurs qui veulent prendre des décisions informées, et que les électeurs ont le droit d'avoir assez d'information pour faire un choix informé. S'il s'agit d'un parti politique au vrai sens du terme, cela doit être mentionné, même si ce parti compte moins de 50 candidats. Le projet de loi C-9 préconise une approche équilibrée à cet égard. On y répond aux préoccupations de la cour d'une manière qui protège l'intégrité du système électoral. Pour ce faire, on abaisse le seuil à 12 candidats, soit moins du quart que ce qu'on avait avant. [Français] Le nombre de 12 députés appartient déjà à notre tradition parlementaire, puisque c'est le nombre à la Chambre des communes pour constituer une formation politique dans les règles de la Chambre. Cela voudrait dire qu'un parti qui a présenté 12 candidats devrait élire 100 p. 100 de ses candidats à tout coup pour devenir un parti à la Chambre des Communes. Cela est peut-être exagéré, mais c'est au moins théoriquement possible. Le nombre 12 a un fondement dans la loi actuelle. En 1991, la commission Lortie avait proposé le seuil de 15 candidats. Comme 12 condidats est moins sévère que 15 candidats, et si le nombre de 15 condidats respecte d'avance la décision des tribunaux, nous croyons que 12 le fait davantage. De l'avis du gouvernement, le nombre 12 sous-entend une participation organisée - preuve à l'appui, on le reconnaît à la Chambre des communes - dans le processus électoral par un nombre de candidats partageant un objectif commun. On peut alors parler d'un parti politique sans induire l'électorat en erreur. C'est donc un parti politique. [Traduction] Pour éviter la confusion que causerait un seuil trop bas si deux personnes dans un bar, pour employer un exemple excessif, décidaient de se constituer en parti politique, mais le seuil est suffisamment élevé pour respecter le jugement de la cour. Comme l'a affirmé la Cour d'appel dans l'arrêt Figueroa: On pourrait également induire en erreur les électeurs si le bulletin de vote indiquait qu'un candidat était affilié à un parti politique qui ne serait pas un parti politique dans le vrai sens du terme. Autrement dit, prétendre qu'une entité est un parti alors que c'est faux n'aide en rien l'électeur. En fait, c'est le contraire. Voilà pourquoi un seuil d'un ou deux candidats, ou quelque chose du genre, ne respecterait pas ce critère à mon avis. Je cite encore la cour, qui a dit: On comprend que les partis politiques sont des organisations ayant des membres, un chef et un programme. Le fait de mentionner une appartenance politique sur le bulletin de vote qui ne serait en réalité qu'un nom choisi par un seul candidat pourrait induire l'électeur en erreur. Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu d'un seuil qui ne serait que de un ou deux candidats. Cela n'aurait pas été plus respectueux du jugement de la cour que le chiffre 50, dont elle avait dit qu'il ne convenait pas. Nous estimons qu'un parti ne devrait pas avoir son nom sur le bulletin à moins de présenter suffisamment de candidats pour en faire un «vrai» parti au «vrai sens du terme», pour reprendre l'expression du tribunal. Le chiffre de 12, pour toutes les raisons que j'ai énumérées, atteint ce critère. Nous estimons qu'il est alors juste de parler d'un «parti» sans tromper l'électorat. De plus, le projet de loi apporte une modification souhaitée par le Sénat, à savoir que le directeur général des élections devra obtenir l'accord préalable d'un comité du Sénat avant d'utiliser la procédure de vote électronique pour un vote officiel. Pendant le processus du projet de loi C-2, les contraintes de temps pesaient sur nous. Le Sénat a accepté, et je l'en remercie, d'adopter le projet de loi tel qu'il était, sous réserve que j'apporterais la correction lors de la prochaine révision. C'est ce que je propose de faire dans le projet de loi que je soumets à votre attention. J'espère que ceci corrige à votre satisfaction le point soulevé par les membres du comité et le Sénat en général. [Français] Voilà les modifications techniques. Il y a également des changements terminologiques pour harmoniser les dispositions de la Loi électorale du Canada ainsi que celles de la Loi sur les révisions des limites des circonscriptions électorales. Des terminologies françaises et anglaises ne concordaient pas bien. Comme vous pouvez le constater, les modifications ont une teneur plutôt technique et ne devraient pas soulever trop de controverse. En terminant, je tiens à vous remercier pour l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant ce comité et de soumettre respectueusement à votre approbation mon projet de loi. [Traduction] Le sénateur Moore: À propos de la décision Figueroa et après avoir entendu notre recommandation à propos d'un minimum de 12 députés élus pour former un parti, quelle est l'autorité pour cela? Est-ce une règle pour la Chambre des communes ou est-ce une loi? Il n'est pas question de cette possibilité dans la décision Figueroa. La Cour n'a rien recommandé, comme vous l'avez dit. Je n'ai pas pu trouver de mention de cela. Je sais que c'est la pratique, mais je ne sais pas qu'elle est l'autorité. Pourriez-vous nous en dire quelques mots? M. Boudria: Cela se trouve dans le règlement, que le Président a souvent invoqué dans ses décisions. C'est ce que le Président appelle un «parti politique reconnu». C'est-à-dire «reconnu» comme un groupe à la Chambre, autrement dit, qui paie le salaire d'un whip et la rémunération d'un chef. Le sénateur Moore: Y a-t-il un budget pour la recherche? M. Boudria: Oui. Le budget pour la recherche est accordé selon le nombre de députés, mais pour former un tout, créer un bureau de recherche, on utilise le même chiffre. On dit qu'un parti qui compte 12 membres est utilisé dans la Loi sur le Parlement du Canada; la Loi sur les relations de travail au Parlement, qui porte sur le personnel du bureau de recherche et ainsi de suite; la Loi sur le référendum ainsi que la Loi sur les mesures d'urgence. Voilà certaines des lois qui se servent de ce chiffre. À ma connaissance, aucun autre chiffre n'est utilisé ailleurs pour les partis politiques, autres que le chiffre de 50, que la Cour a rejeté. Le sénateur Moore: Le principal texte est donc le règlement de la Chambre? M. Boudria: C'en est un, plus ceux que je viens d'énumérer. Si vous me permettez, le chiffre que nous utilisons pour les besoins de la Chambre est très proche de celui dont avait parlé la commission royale. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, elle avait parlé de 15. La Cour nous avait dit qu'il devait y avoir une sorte de «fondement en droit» pour le chiffre. Ils nous ont dit que l'on ne pouvait pas choisir un chiffre au hasard. Il fallait que cela découle de quelque chose. Il ne fait pas de doute que la pratique à la Chambre des communes depuis plusieurs dizaines d'années est bien connue et est de notoriété publique. De fait, ces dernières semaines, c'était de notoriété publique puisque l'on se demandait si un groupe de députés dissidents s'ils atteignaient le seuil de 12, pouvait être reconnu comme un parti. C'est très à-propos dans le sens actuel, mais dans un contexte très différent. Le sénateur Moore: S'ils sont 12, devraient-ils demander au Président d'être reconnus comme parti ou y a-t-il reconnaissance de cette entité comme un groupe? Vous avez sans doute dû y réfléchir vous-même, dans vos autres fonctions? M. Boudria: Oui. Mes autres fonctions sont celles de leader du gouvernement à la Chambre des communes. De fait, cette reconnaissance n'est pas tout à fait claire parce que ce n'est jamais arrivé. Cela déborde un peu le cadre du projet de loi, mais c'est fascinant pour les parlementaires en général. Grosso modo, la situation est la suivante: chaque fois que 12 députés ou plus ont siégé à la Chambre, c'était le résultat d'une élection. Il y a des cas où un petit groupe de députés a quitté un parti politique pour former le leur, mais ils n'ont jamais atteint le seuil de 12 et n'ont donc jamais demandé à être reconnus comme groupe officiel. Le chiffre de 12 est la base de l'exigence. Les deux cas qui me viennent à l'esprit sont les huit députés qui se sont regroupés pour former le Bloc québécois, avec Jean Lapierre. Ils n'étaient pas 12, et n'ont jamais demandé de rémunération supplémentaire. L'autre cas a été la scission du Crédit social qui a amené la formation du Ralliement des créditistes, mais encore une fois le plus petit groupe de deux n'avait pas 12 membres et la question ne s'est pas posée. Le Président Milliken a indiqué, par l'intermédiaire de son service de presse je crois, qu'il lui faudra se prononcer sur la question, que la reconnaissance ne se faisait pas d'office parce que ce n'est jamais arrivé et que personne n'a jamais été élu de cette façon. Je ne le cite pas textuellement. La présidente: Les Intransigeants comptaient-ils 12 députés dans les années 30? Je ne me souviens plus combien ils étaient. Le sénateur Stollery: Il n'avait pas de budget à cette époque. Ça ne change donc rien. Le sénateur Fraser: Vous avez répondu à des points intéressants. J'aimerais connaître un peu plus votre pensée sur la question, si possible, monsieur le ministre. Je sais que le chiffre magique à la Chambre des communes est 12 depuis 1963. Évidemment, il y a maintenant plus de députés qu'en 1963. J'imagine qu'un jour il y aura des pressions pour modifier ce chiffre à la hausse ou à la baisse. Je peux concevoir des arguments solides d'un côté ou de l'autre, selon le résultat de la délimitation des circonscriptions. En reprenant le chiffre de 12 dans la loi - vous avez cité d'autres lois où ce chiffre est retenu - ce chiffre ne devient-il pas immuable? Même si de l'avis général le chiffre de 12 ne convenait plus, serions-nous paralysés du fait qu'il est consacré dans le droit? M. Boudria: C'est une question intéressante. Le chiffre était de 12 lorsque le nombre de députés était de 262. Il est passé à 266, 282 puis 285, d'après mes souvenirs, sauf une fois où il a baissé, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Le chiffre a augmenté un peu. Après la prochaine délimitation des circonscriptions, le chiffre pourra augmenter de cinq ou six. Ce n'est pas impossible. On pourra peut-être soutenir que, proportionnellement, le chiffre de 12 en 1962 devrait être de 15 ou 16 aujourd'hui. Peut-être, mais les députés n'ont jamais soulevé la question. Il n'a jamais été question d'augmenter le chiffre. Encore une fois, l'objectif du projet de loi est d'utiliser la mesure la plus large possible tout en tenant compte du fait que 50 est trop élevé et un est trop bas. La Cour nous a dit les deux choses. Entre les deux, il semble que nous ayons deux chiffres que nous puissions utiliser, 12 et 15. Douze a été suggéré parce que c'est celui qui est utilisé un peu partout, comme je l'ai dit il y a quelques instants. Quinze a été suggéré parce que la Commission royale sur la réforme électorale, la commission Lortie, avait utilisé ce chiffre. Si 15 est applicable et respecte la décision de la Cour, 12 la respecte encore plus. J'ai donc retenu la mesure qui, à mon avis satisfait le mieux la décision de la Cour. Je pense que c'est le cas ici. La question qui pourra finir par se poser est la suivante: si nous augmentons le chiffre à 15, par exemple, pour les besoins de la Chambre des communes, faudrait-il modifier cette loi? Peut-être, mais pas forcément. Actuellement, le chiffre de 12 est utilisé dans l'hypothèse qu'il ne sera applicable que si vous élisez 100 p. 100 de vos candidats, ce qui est au moins irréaliste, même si c'est possible en théorie. J'imagine qu'on pourrait l'augmenter à un moment donné, mais pour les besoins de cette loi, 12 est acceptable et 12 est suffisamment élevé pour que ce ne soit pas 1 ou 2, ce qui ne ferait rien, et ne permettrait pas à quelqu'un de répéter le nom de son parti, le nom de sa rue, ou le nom de son entreprise comme le nom de son parti politique d'une façon qui conduirait les électeurs en erreur. Douze est un seuil suffisamment élevé pour avoir un certain sens. Le sénateur Fraser: Savons-nous combien de partis seraient acceptés avec cette règle alors qu'ils ne l'étaient pas en vertu de la règle des 50? M. Boudria: Non. Il est intéressant de noter que si la règle des 12 avait existé, des candidats indépendants auraient pu se regrouper uniquement parce que la règle existait. Ce n'est que pure conjecture de ma part. Nous savons que le Parti communiste aurait respecté la règle, mais pas pour obtenir des fonds. Le reste n'est que conjecture. La présidente: Qu'en est-il du parti du vol yogique? M. Boudria: Le parti répondait aux deux critères. Ce groupe est le prolongement d'une organisation religieuse qui se prétend un parti politique, de l'avis d'aucuns, pour obtenir l'avantage fiscal des contributions. Nous avons modifié la loi il y a environ huit ans sur proposition de Ian McLellan, qui était alors député et qui est par la suite devenu vice-président adjoint. Il a proposé une modification selon laquelle, à moins qu'un parti n'obtienne 5 p. 100 du vote dans une province donnée, la subvention ne sera pas accordée, même si les autres critères étaient respectés. L'objectif était d'empêcher des gens de se dire parti politique à seule fin d'obtenir de l'argent du contribuable canadien. Le sénateur Prud'homme: C'est le sujet de ma vie politique. J'ai siégé à un comité de la Chambre des communes pendant 30 ans à étudier la loi électorale. J'ai vu des changements survenir et je me suis opposé à certains d'entre eux. L'expérience prouvera sans doute que nous aurions dû réfléchir un peu plus longtemps. Par exemple, la question de 12 donne un résultat que je n'approuve pas. Si l'on souhaite se servir de 12 pour régler beaucoup de problèmes, je dis d'accord, mais je vais poser des questions plus détaillées au directeur général des élections à propos de la paperasse. [Français] Toute la papeterie que cela va entraîner pour le directeur général des élections avec des partis politiques comptant seulement 12 députés. Je me souviens aussi d'un autre précédent, à savoir lorsque le Bloc Québécois est devenu parti officiel de l'opposition et qu'ils se sont retrouvés avec 50 députés nez à nez avec ce qui s'appelait à l'époque le Parti réformiste. Une décision a dû être prise à savoir qui serait l'opposition officielle. Et sans que l'on vote, il a été décidé que les électeurs avaient choisi d'abord le Bloc Québécois, même s'il n'avait que 50 députés. Cela est inquiétant et on ne s'est jamais demandé ce qui pourrait se passer à l'avenir. On ne le sait pas. Je ne changerai jamais d'opinion sur le vote électronique. Les expériences américaines nous donnent de plus en plus raison. Toutefois, si le projet de loi est mis au vote, je voterai pour le projet de loi. Mais je crois qu'il est bon que les sénateurs et députés réfléchissent davantage au sujet du vote électronique. À plusieurs reprises je questionné M. Hamel, l'ancien directeur général des élections, ainsi que l'actuel directeur général des élections, M. Kingsley au sujet de la question des 36 jours. Ce sont deux hommes compétents, sans l'ombre d'un doute. La raison donnée afin de ne pas diminuer le nombre de jours était toujours la révision, car cela prend énormément de temps et c'est un processus incroyable. Mais voilà que soudainement, à la dernière élection - j'avais à ce moment-là visé juste - les électeurs ne sont plus obligés de s'inscrire puisqu'ils peuvent le faire le jour de l'élection. Il a fallu inventer tout un nouveau système pour les citoyens canadiens afin qu'ils puissent aller au bureau de vote, le jour de l'élection, si tel est soudainement leur désir et non pas seulement s'ils avaient été oubliés. Parce qu'il y a des gens qui n'aiment pas donner leur nom. Ils disent qu'ils verront le jour de l'élection puisque maintenant la loi leur permet de s'inscrire le jour de l'élection. Je vous prédis, monsieur le ministre, que cela deviendra de plus en plus populaire. À la dernière élection, je me suis intitulé observateur. C'était incroyable le nombre de gens qui attendaient en rang pour pouvoir s'inscrire le jour de l'élection. On demandait seulement deux cartes d'identité pour les inscrire. Alors que pour la révision cela demande plusieurs jours. Vos adjoints pourront nous dire combien de jours exactement sont nécessaires. Cela demande de la révision et des réviseurs. Mais voilà que tout à coup, le jour de l'élection, si cela ne fait pas votre affaire, vous pouvez vous inscrire le jour même. On pensait qu'il n'y aurait que quelques dizaines de milliers de personnes dans ce cas, mais c'était dans les centaines de milliers de gens. Je ne sais pas comment cela s'est passé dans votre comté car vous êtes bien organisés et tout le monde veut aller voter pour vous. La preuve est d'ailleurs là puisque vous avez obtenu la plus forte majorité. Par contre, cela n'a pas été le cas dans les grandes villes que je représente. Il y a des gens des villes ici, comme le sénateur Fraser et quelques autres. [Traduction] La question de 36 jours a-t-elle été étudiée à votre satisfaction? Est-ce là seulement à cause de la révision. L'a-t-on révisée? Ma deuxième question porte sur le nouveau paragraphe 68(2) à propos du candidat qui décède avant 14 heures le cinquième jour précédant le jour de clôture. Ça me préoccupe. C'est à l'article 9, page 3 du projet de loi. Ma dernière question porte sur l'ambiguïté que je constate à l'article 14 à propos du port d'un emblème ou d'un drapeau à un bureau de scrutin. Vous savez ce qui s'est passé au Québec. Des gens se sont battus dans les bureaux de scrutin parce que beaucoup de gens portaient le drapeau canadien. Ils étaient fiers de le porter pour toutes sortes de raisons politiques. Est-ce à cela que l'on pense? Si c'est le cas, comment peut-on concilier ça? Je vais poser cette question au directeur général des élections. Le paragraphe 166(2) proposé prévoit qu'une personne peut porter un insigne précisant son nom et le nom du parti politique. Dans l'autre article, aucune identification n'est permise. Peut-être ai-je mal compris. La présidente: Je crois que le paragraphe 166(2) se rapporte aux représentants d'un candidat dans un bureau de scrutin. Le sénateur Prud'homme: Oui, mais cet article est très précis. Nous ne voulons pas que les travailleurs portent d'insignes. Vous connaissez la procédure, comme beaucoup d'entre nous qui ont participé au processus politique. On essaie toujours d'éviter les identifications. Maintenant, on dit que chacun peut porter un insigne. M. Boudria: Diverses questions ont été soulevées et je m'efforcerai d'y répondre. L'une portait sur le nombre de sièges à la Chambre des communes et au fonctionnement du processus. Essentiellement, l'opposition officielle est le parti reconnu par le Président comme opposition officielle. Je présume que le raisonnement est celui qui avait été appliqué par le Président à l'époque, Gilbert Parent. Il a dit que même si le nombre de sièges des deux partis était le même, cela ne changerait rien au fait que l'un des partis est déjà l'opposition officielle et que, à moins qu'un autre parti ait davantage de sièges, cela ne justifierait pas que le premier soit délogé de la position qu'il avait à la Chambre. Voilà en résumé la logique invoquée par le Président. Je crois qu'elle est facile à comprendre. L'autre parti avait invoqué le règlement et demandé le statut d'opposition officielle, prétendant que même s'il avait le même nombre de sièges, plus d'électeurs avaient voté pour lui, ce qui justifiait qu'il devienne l'opposition officielle. Le Président a rejeté cet argument. Il a dit que ce qui comptait, c'était le nombre de sièges, et non les votes ni rien de ce genre. Voilà essentiellement ce qu'on disait à l'époque. Quant au nombre de jours de campagne, je dois dire que j'ai moi-même fait bon nombre de campagnes électorales, mais peut-être pas autant que l'honorable sénateur Prud'homme, bien entendu. J'ai vécu des campagnes de 60 jours. Certains, ici, en ont aussi organisé. J'ai fait une campagne de 50 jours. Il en a été ainsi pendant quelque temps, parce qu'on avait modernisé la création de la liste des électeurs. On est tombé à 36 jours, depuis qu'on n'a plus à préparer la liste des électeurs pendant la campagne électorale. En effet, quand il n'est plus nécessaire de préparer la liste électorale pendant la campagne, moins de jours sont nécessaires. Que pensent les députés des 36 jours? Certains estiment que c'est à peu près raisonnable. D'autres trouvent que c'est encore un peu long. J'en ai entendu d'autres encore dire que c'était un peu court. Bien entendu, ceux qui perdent une élection croient toujours que s'ils avaient eu plus de temps, ils auraient gagné davantage de votes. Et ceux qui gagnent croient toujours que même en moins de temps, ils auraient aussi bien réussi. Je ne devrais pas dire toujours, mais je pense que c'est en général ainsi que les gens voient les choses. Ce n'est que lorsque le directeur général des élections aura présenté à la Chambre son rapport sur la dernière élection que nous envisagerons des amendements de fond à la loi. C'est à peu près ainsi qu'on fonctionne habituellement, pour les amendements de fond. Le rapport du directeur général des élections est déposé au comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Des audiences ont lieu à ce sujet. Tous les partis politiques enregistrés sont consultés. Ensuite, le comité consultatif des partis existants présente sa position au directeur général des élections. J'espère avoir bien respecté la séquence des événements. Ensuite, cela est intégré à un rapport déposé à la Chambre. Le gouvernement prépare alors une ébauche de projet de loi qui passe toutes les étapes que nous connaissons bien, pour modifier substantielle ment la Loi électorale. Bien entendu, nous ne faisons rien de ce genre ici. En fait, certains partis politiques m'ont demandé d'ajouter tel ou tel amendement qui leur tenait à coeur, mais j'ai refusé. Le projet de loi vise deux objectifs. Il réagit à l'arrêt de la Cour suprême et il corrige certaines anomalies de la loi. C'est un processus courant. J'avais pris l'engagement envers les honora bles sénateurs que je présenterais un amendement particulier dans le prochain projet de loi, et c'est ce que j'ai fait. J'espère avoir satisfait les règles relatives à l'inclusion de changements de fond, qui nécessitent la consultation des partis politiques, pour suivre la procédure habituelle. Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de modifier la loi électorale. Je m'en suis donc abstenu. En résumé, les amendements de fond viendront plus tard, comme toujours. On peut toujours faire quelque chose pour améliorer le système. Pour ce qui est des deux modifications relatives à l'identification sur le bulletin de scrutin, celle de l'article 68, imposant au parti de ne soutenir qu'un seul candidat par circonscription et modifier, de manière à remplacer «le parti enregistré ou le parti admissible» par «le parti politique». Nous avons donc maintenant deux différents types de partis inscrits sur le bulletin. Il y a les partis qui ont au moins 50 candidats et qui reçoivent une subvention. Les autres ont au moins 12 candidats et peuvent inscrire leur nom sur le bulletin. Les modifications doivent en tenir compte. Dans les bureaux de scrutin, il faut pouvoir représenter les candidats, quel que soit leur parti. La modification découle de la création de cette nouvelle catégorie de parti politique. J'espère que les spécialistes qui m'accompagnent trouvent mes réponses assez bonnes. Au sujet des insignes, ils sont interdits, sauf pour l'insigne émis par Élections Canada. Ce macaron d'Élections Canada est habituellement de couleur grise. Le nom du parti politique y est toujours écrit dans le même format, le même style, la même taille de caractère, afin que tous ceux qui le portent ne puissent s'en servir pour faire de la réclame. Le macaron est destiné à identifier la personne. C'est le même macaron, de même taille que celui que portent les membres du personnel électoral, sauf que pour ceux-ci, aucun nom de parti n'y figure. On y verrait plutôt la fonction du représentant d'Élections Canada, par exemple, «agent électoral» ou «scrutateur». Le sénateur Prud'homme: Le paragraphe 14(2) dit le contraire. La présidente: Il s'agit du représentant d'un candidat dans un bureau de scrutin. Le sénateur Prud'homme: Oui, avec son nom. M. Boudria: Il s'agit du formulaire prescrit, l'autocollant gris. Le sénateur Prud'homme: Revenons à la question du drapeau. Cela signifie qu'il faudra ordonner à tous les travailleurs d'élections que le jour de l'élection, ils ne portent rien dont il est fait mention à l'article 14.1. Il faudrait que la ligne directrice soit claire. J'ai participé à 12 élections. On annonçait le bureau de scrutin et ce qui était le plus visible pour le faire, c'était le drapeau canadien. Quand un électeur y entrait, il savait immédiatement qui travaillait pour lui. Nous disons alors que ce n'était pas juste, et des batailles commençaient. Peu m'importe. Tant qu'on reconnaît qu'un ordre doit être donné pour que seul soit permis le deuxième élément, au haut de la page 5 - l'insigne fourni par le directeur général des élections du Canada. Des instructions très strictes doivent être fournies. La présidente: C'est peut-être une chose dont nous voudrons reparler au directeur général des élections, quand il viendra, un peu plus tard aujourd'hui. M. Boudria: Pour ce qui est des instructions données par le directeur général des élections à ses fonctionnaires, sur ce qu'ils doivent reconnaître comme un insigne acceptable ou inacceptable à l'extérieur, ou ce qui doit être jugé comme un affichage, il s'agit de questions administratives. Il n'y a pas de règle écrite. Ce n'est pas une nouvelle condition. Ce n'est pas ce que vise ce paragraphe. Ce paragraphe se rapporte uniquement au fait qu'il y en aura de deux sortes à l'avenir, plutôt qu'une. La situation décrite par le sénateur Prud'homme existe depuis déjà longtemps. Bien entendu, tout candidat, ou toute personne qui a travaillé pour un candidat dans divers bureaux de scrutin peut administrer la chose avec plus ou moins de rigueur. Ils peuvent demander aux gens de porter une chemise d'une couleur particulière, et de retourner chez eux avant le vote. Dans un autre bureau, ils laisseront passer quelque chose qui ressemble énormément à un symbole de campagne, sans s'y opposer. Ce sont des questions pour lesquelles on s'en remet souvent au jugement de chacun. Mais le directeur général des élections pourra vous répondre de manière plus précise. [Français] Le sénateur Joyal: Monsieur le ministre, je voudrais souligner l'appréciation du personnel et de mes collègues au comité, pour avoir honoré votre engagement à l'égard du comité, en vue de modifier l'article 18(1) de la précédente loi électorale étudiée par ce comité, afin de reconnaître au Sénat le même statut et le même intérêt pour nous assurer que les études menées en vue de modifier le système de votation au Canada puissent faire l'objet de notre considération. Je suis certain que mes collègues vous sont reconnaissants également d'avoir maintenu votre parole et nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui. Quel est l'élément essentiel de votre raisonnement à l'effet que le chiffre 12 serait plus acceptable que le chiffre 49? En d'autres mots, si jamais le projet de loi retournait devant les tribunaux dans une contestation éventuelle sur cette base, est-ce que le seul argument pourrait être pour vous de vous appuyer sur la tradition et les précédents de la Chambre des communes? Comme vous l'avez souligné vous-même, le chiffre 12 a une valeur relative dans le temps. Si, suite aux résultats du recensement décennal, la prochaine étude allait démontrer qu'il y avait besoin de sièges additionnels à la Chambre des communes, sa valeur absolue diminuerait d'autant. Le tribunal ayant apprécié un critère objectif, sur quoi fondez-vous votre raisonnement pour conclure que le chiffre 12 rencontrerait le test que la Cour a appuyé pour déclarer que le nombre 49 ne rencontrait pas le test de raisonnabilité de l'article 1 de la Charte? M. Boudria: Tout d'abord, le chiffre 50 ne fonctionne pas et on sait pourquoi, le tribunal l'a affirmé. Le tribunal nous a également dit qu'un chiffre trop petit n'était pas la bonne approche non plus. Je vais citer une partie de la décision du tribunal. Je vais la lire en anglais puisqu'il apparaît, dans ce contexte, en anglais sur mon document. À la page 24, il est mentionné: [Traduction] Les électeurs pourraient être aussi induits en erreur si le bulletin de vote indique qu'un candidat est affilié à un parti politique qui, dans les faits, n'est pas un véritable parti politique. On entend généralement par parti politique une organisation qui compte des membres, un chef et un programme. On pourrait induire les électeurs en erreur en faisant figurer sur le bulletin de vote le nom d'un parti politique qui, en réalité, n'est rien de plus qu'un nom choisi par le candidat. Le tribunal nous dit qu'un ne suffit pas. S'il n'y a qu'une personne, ça ne compte pas. Il faut que ce soit une organisation quelconque. La Cour dit aussi que si le nombre n'est pas assez important, cela peut être trompeur. [Français] Le tribunal ne nous a pas donné de direction claire, mais a dit que le nombre 50 c'est trop et que 1, c'est trop petit. Entre ces deux chiffres, bien sûr il faut choisir. La décision de la Cour nous dit que le chiffre suggéré doit avoir un fondement en droit. Le chiffre 12 existe depuis des décennies, que ce soit dans les arrêtés de la Régie interne, dans les Règlements de la Chambre des communes, dans les décisions du Président, dans la Loi référendaire, dans la Loi sur les standards d'emploi, et dans la Loi sur le Parlement du Canada. Ce chiffre a donc un grand fondement historique en droit. On pense que ce chiffre respecte la décision de la Cour. Peut-être que les chiffres 13 ou 11 le feraient aussi bien, mais le chiffre 11 n'a pas de fondement en droit et n'est pas utilisé ailleurs. Le chiffre 12 l'est, et plusieurs fois comme je l'ai indiqué. C'est le chiffre le plus fort, si je puis le décrire ainsi. En fait, la commission Lortie avait recommandé le chiffre 15. Comme c'était une commission royale d'enquête, elle avait un certain poids, je pense. Elle avait été formée en vertu d'un statut quasi-juridique sur la création des commissions d'enquête de ce genre. Son rapport a donc un certain poids et, d'ailleurs, les tribunaux ont utilisé les recommandations de la commission Lortie pour appuyer leurs décisions dans le passé. Donc, le chiffre 15 aurait sans doute fonctionné aussi. Si les deux fonctionnent, pourquoi ne pas utiliser le plus large, celui qui donne le plus d'occasions de s'exprimer à des groupes qui veulent s'appeler une formation politique? Voilà un peu le raisonnement. Le sénateur Joyal: Si vous relisez le passage du jugement que vous avez cité à la page 24, la Cour ajoute un élément essentiel lorsqu'elle parle d'organisation. Un parti politique, c'est plus que 12 personnes qui, à la veille d'un scrutin, se réunissent et conviennent de défendre une cause. Selon l'acception populaire, un parti politique est une organisation munie d'une structure, d'un exécutif et d'un président. C'est une organisation qui, par la vente de cartes de membre, fait appel à un large public. Par ses initiatives de recrutement, par sa visibilité, elle ouvre ses portes et offre la chance à des personnes de partager la promotion d'objectifs communs et ce, par des débats et des prises de position publiques. C'est à mon avis la conception populaire d'un parti politique et l'extrait que vous citez à la page 24 y fait référence. Un parti politique doit avoir des membres et quand on dit des membres, c'est plus qu'une personne. Toujours en respectant le jugement et pour tenter d'éviter la prolifération légale des groupuscules marginaux, n'aurait-il pas été souhaitable de définir le parti politique comme la Cour nous invite à le faire? M. Boudria: Le sujet est intéressant, sauf qu'au moment où on se parle, il n'existe pas de définition semblable pour les grands partis politiques. D'une certaine façon, on aurait un seuil plus difficile à franchir pour ces groupuscules qu'on en a pour les plus grandes formations politiques. On se rappellera que lors de mon élection en 1984, la formation politique à laquelle j'appartiens n'avait pas de cartes de membre à Terre-Neuve. Si je ne m'abuse, les cartes ont été introduites autour de 1990. Le sénateur Prud'homme: Il n'y avait pas encore d'aile fédérale. M. Boudria: C'était en quelque sorte une quasi-élection primaire, où tout le monde dans le village se présentait et élisait le candidat du Parti libéral. J'ignore si on faisait la même chose dans les autres partis, mais à Terre-Neuve, cela s'est fait jusqu'à tout récemment. Le Parti libéral a sa carte de membre nationale depuis peu car à l'époque, il ne se considérait pas comme étant un parti, mais bien comme étant une fédération de partis. Le terme «quartiers généraux» a été identifié comme étant la Fédération libérale nationale. Jusqu'à tout récemment, on n'a même pas eu à vivre avec ces exigences plus sévères. Je dois dire que nous avons contesté le chiffre 50 et que nous avons perdu en première instance. Par la suite, on nous a dit qu'étant donné que c'était en première instance, les tribunaux comprendraient qu'un seuil assez élevé est nécessaire pour identifier ce groupe. Donc, le nombre 50 n'est pas si exigeant, après tout, dans un pays où on a maintenant 301 circonscriptions électorales. Nous étions convaincus que le chiffre 50 était le bon et convaincus ou non, on a perdu. Bien que ce chiffre ne soit pas tellement onéreux, il l'était aux yeux du tribunal. Le sénateur Prud'homme: Il faut respecter cela. M. Boudria: Il faut respecter cela, mais maintenant il faut réduire à moins de 50 et plus que 1. Parmi les chiffres proposés, celui qui avait un fondement en loi et qui nous était facilement disponible était le chiffre 12. Quinze l'était aussi, mais un peu plus onéreux. Je pense tout de même qu'à la lumière de la décision de la Cour, si on avait utilisé un chiffre plus élevé que 12, le chiffre 20 par exemple, il y a certainement une école de pensée qui nous aurait dit qu'il aurait été préférable de changer le chiffre 12 à 20 pour un parti à la Chambre des communes également parce qu'autrement, le fondement de notre décision aurait été très faible. Finalement, il est très subjectif de déterminer ce qu'est un vrai parti si on utilise d'autres critères que des chiffres. Ce sont les seuls critères qu'on a déjà pour les autres: c'est le nombre de candidats. Pour être éligible à la subvention, il faut avoir 50 candidats et dans une démocratie, ce chiffre restera toujours subjectif. Sur le bulletin de vote, le chiffre 12 apparaît et n'accorde rien de plus au groupuscule en question. Pour le candidat ou la candidate indépendante, il sera dorénavant indiqué: «Jean Tremblay, candidat communiste» sur le bulletin de vote, pourvu qu'il y ait 12 candidats ou plus. Toutefois, cela ne les rend pas éligibles aux fonds. La question de l'éligibilité aux fonds avait également été contestée, perdue en première instance et gagnée en Cour d'appel. Au moment où on se parle, cela devra aussi atteindre un niveau plus élevé. On attend la décision de la Cour et j'espère qu'on nous donnera raison sur ce point. Autrement, le défi serait majeur puisque ces groupuscules auraient droit à des fonds. [Traduction] Le sénateur Bryden: Si j'ai bien compris, pour obtenir la désignation de parti politique dans une élection partielle, une organisation doit avoir présenté 12 candidats à l'élection précédente. C'est ce que dit l'article 12. Si c'est un nouveau parti, comment pourrez-vous le désigner comme tel puisqu'il n'a pas pu présenter 12 candidats à l'élection précédente? Je ne veux pas faire le malin. Imaginez qu'un parti se scinde en deux; il y a donc un nouveau parti issu d'un premier qui avait présenté plus de 12 candidats. Ce nouveau parti s'est constitué entre deux élections générales. La présidente: Ce pourrait aussi être un parti qui s'est réorganisé et s'est donné un nouveau nom, comme l'Alliance. Le sénateur Fraser: Ou le Bloc Québécois. Le sénateur Bryden: Allez-vous poser les questions pour moi? Voilà pourquoi je ne viens plus à ce comité. On me laisse jamais poser une question. Ils attendent cette cible facile depuis un an. Disons qu'une élection partielle est déclenchée quelque part au pays et qu'il y a les candidats habituels - un conservateur, un libéral, un allianciste. Disons que des groupes dissidents se sont réunis officieusement. Pour cette élection partielle, un groupe devient officiellement un parti. Ces 8 ou 15 personnes qui ont quitté l'Alliance, par exemple, font tout ce qu'elles doivent faire pour devenir un parti politique. Elles se donnent un président, une liste de membres et un nom, disons, le «Parti de la nouvelle alliance». Elles présentent un candidat et ce candidat veut que son nom figure sur la liste. D'après le raisonnement de la Cour, ce groupe ayant fait tout ce qu'il devait faire - il s'est doté de principes, il compte des membres - croyez-vous que le tribunal aurait raison de permettre au bureau électoral de faire figurer le nom du nouveau parti sur le bulletin de vote à cette élection partielle? Si ce groupe satisfait à tous les critères d'un parti politique mais qu'il n'existait pas à l'élection générale précédente, serait-il impossible d'indiquer que ce candidat est un candidat de ce nouveau parti? M. Boudria: Un candidat ne suffit pas à créer un parti politique. Le tribunal a été très clair dans sa décision à ce sujet. Si ce candidat ne s'est pas présenté à une élection précédente et qu'il est le seul de son organisation à briguer les suffrages, n'est-il pas tout aussi légitime de dire que cela ne suffit pas pour qu'il puisse prétendre appartenir à un parti politique? C'est ce qu'a dit la Cour. Voilà la décision à laquelle vous faites face. L'argument contraire est le suivant: «Il y a déjà à la Chambre des communes des membres du même groupe». Toutefois, ce ne sont pas des élections générales; il n'y a pas 12 candidats, il n'y en a qu'un, et ce groupe ne constitue pas encore un parti politique. Quelle est la différence entre cet unique candidat et le candidat unique qui, d'après la précision de la Cour, ne suffit pas à constituer un parti? C'est le même nombre. Il n'y a qu'un candidat. Le sénateur Bryden: Cette règle s'appliquerait-elle aussi si deux élections partielles se tenaient le même jour et que ce groupe présentait un candidat dans chacune de ces circonscriptions? M. Boudria: Oui. Le sénateur Bryden: D'après mon interprétation, 12 me semble acceptable. Il est probable que les tribunaux jugeraient qu'un groupe constitue un parti politique s'il a présenté 12 candidats aux dernières élections. D'après la preuve prima facies, c'est un parti. Cela nous apparaît acceptable. Toutefois, je ne crois pas que cela exclut les arguments d'un groupe qui aurait légitimement rempli toutes les autres exigences de la Cour. Prenons le cas du Parti communiste. Il a un président. C'est une organisation qui compte des membres et qui satisfait à toutes ces exigences. C'est donc un parti légitime. Un autre groupe pourrait prétendre être un parti. Il n'a peut-être pas 12 candidats, mais il en a peut-être plus d'un. Si le groupe présente plus de 12 candidats, la preuve est faite. Si c'était 15, ce serait pareil. Toutefois, si un parti politique par ailleurs légitime présente plus d'un candidat, il serait difficile de justifier le refus de lui accorder le statut de parti. Pensez au cas où un parti rapetisse. Il a présenté 50 candidats aux dernières élections. Mais il en est maintenant au point où il n'a plus les moyens que de présenter 10 candidats; il se considère néanmoins comme un parti. Ces candidats sont légitimes. Le parti a un siège social, des numéros de téléphone et tout ce dont on parle dans le projet de loi. Même si ce parti n'a pas 12 candidats, je doute que les tribunaux lui refuseraient la désignation de parti. Le sénateur Moore: C'est ce que voulait M. Figueroa. C'est ce qui l'a motivé. L'autre Parti communiste était plus puissant que le sien et lui avait soutiré des membres. Voilà pourquoi il a fait appel au tribunal, mais il a perdu sa cause. Par ailleurs, sénateur Bryden, si mon groupe comptait 12 membres et que l'un d'entre eux voulait se porter candidat à une élection partielle, rien n'empêche les 13 membres de briguer l'investiture. Dès que 12 personnes retiennent l'investiture, le nom de votre parti peut figurer sur le bulletin de vote. Le sénateur Bryden: Ma question porte sur une élection partielle dans une seule circonscription. Il se peut qu'un parti n'ait pas présenté 12 candidats parce qu'il vient d'être créé ou qu'il vient de se constituer à partir d'un autre parti, mais s'il veut présenter un candidat à cette élection partielle sous son égide, il ne s'agit pas tout simplement d'ajouter des noms. J'estime que les tribunaux pourront difficilement refuser à ce candidat le droit d'indiquer son appartenance à ce parti. M. Boudria: Nous en revenons à la prémisse selon laquelle le nombre de candidats choisis doit avoir un fondement en droit. Le sénateur Bryden: Vous avez un nombre légitime? M. Boudria: Le nombre 12 n'est pas sans fondement. Si un groupe ne présente qu'un seul candidat et prétend être un parti politique, le tribunal pourra très bien faire valoir que le nombre 1 n'est pas fondé en droit. Avec un seul député, on ne peut obtenir le statut de parti à la Chambre des communes, on ne peut faire ni ceci, ni cela. Le nombre de candidats que ce parti préconise est le nombre indiqué pour cette élection partielle. Un seul candidat n'est tout simplement pas suffisant. On ne retrouve ce nombre nulle part ailleurs. Encore une fois, je vous renvoie à la décision de la Cour d'appel de l'Ontario: le nombre «un» ne fait l'objet d'aucune autre loi ou pratique. Ce que vous décrivez s'est produit à deux reprises; ces deux cas auraient été touchés par ces dispositions législatives si elles avaient eu force de loi. Il s'agit des cas de M. Duceppe et de Mme Deborah Grey. Deborah Grey a été élue comme indépen dante. Je ne crois pas qu'elle ait eu alors une appartenance politique. Je suis certain que M. Duceppe n'en avait pas. D'ailleurs, pendant sa campagne, les membres de son groupe débattaient encore du nom qu'il se donnerait. Il s'est porté candidat comme indépendant. Je crois que c'est à cette époque qu'on a trouvé le nom de Bloc. Vous vous souvenez sans doute que ce groupe ne prétendait même pas être un parti. Il se disait différent parce que certains de ses membres étaient à droite et d'autres, à gauche. Ce qu'ils avaient en commun, c'était de faire partie d'un bloc, par opposition à un parti, visant à promouvoir la souveraineté du Québec. Voilà pourquoi ils ont donné à la structure un nom de «bloc» plutôt que de «parti». Ce qui est curieux, c'est que ce groupe ne voulait même pas être un parti, mais qu'il en est devenu un. Le sénateur Bryden: Que serait-il arrivé si le Bloc avait réclamé la désignation d'un parti légitime? M. Boudria: À l'époque, il ne satisfaisait pas aux critères des 50 candidats. Son candidat a été élu. Ce qui identifie un candidat sur un bulletin de vote est utile, mais ce n'est pas le seul outil. Aux élections subséquentes, le Bloc a satisfait à toutes les conditions et présenté une liste complète de candidats. Un nombre suffisant d'entre eux a été élu pour faire du Bloc un parti, conformément au règlement de la Chambre et aux autres pratiques que j'ai déjà décrites. Personne ne pourrait prétendre que ces règles empêchent la création de nouveaux partis politiques. Deux des cinq partis politiques siégeant à la Chambre des communes à l'heure actuelle n'existaient même pas il y a 10 ans. De toute façon, nous ne savons même plus si ce sont deux partis ou deux partis et demi. Le sénateur Moore: Je voudrais une précision aux fins du compte rendu. À la Chambre des communes, seuls les partis ayant fait élire au moins 12 candidats ont le statut officiel de parti, n'est-ce pas? M. Boudria: C'est exact. Le sénateur Moore: En vertu de la Loi électorale du Canada, un groupe doit présenter au moins 12 candidats pour que son nom figure comme parti politique à côté du nom de ses candidats sur le bulletin de vote. Je veux qu'on s'entende sur les termes. Pour obtenir un remboursement, entre autres choses, aux termes de la Loi électorale après des élections générales, tout parti inscrit doit présenter au moins 50 candidats, n'est-ce pas? M. Boudria: Oui. Le parti qui présente au moins 50 candidats est un parti «enregistré», celui qui présente au moins 12 candidats et qui voit son nom figurer sur les bulletins de vote est un «parti politique» et, dans le jargon de la Chambre des communes, un parti est «reconnu» lorsqu'il a le statut officiel de parti et reconnu comme tel par le président de la Chambre. La présidente: Qu'est-ce qu'un parti admissible? M. Boudria: On me dit qu'un parti est «admissible» dès qu'il demande à être enregistré et jusqu'au moment où il compte 50 candidats. Autrement dit, ce parti est admissible au statut de parti enregistré. Le sénateur Buchanan: Monsieur le ministre, j'ai pour vous une question qui vous a peut-être été posée sur une autre tribune. Il y a peut-être contradiction entre deux dispositions du projet de loi. Vous en avez certainement entendu parler. M. Peter MacKay estime qu'il y a contradiction entre le paragraphe 323(1) et ce qu'on propose comme paragraphe 335(1), plus précisément dans l'emploi du terme «minuit». Minuit marque-t-il le début d'une nouvelle journée ou la fin d'une journée? Si minuit est le début d'une nouvelle journée, le nouveau paragraphe 335(1) contredit le paragraphe 323(1). Les fonctionnaires font une recherche au moment même où nous nous parlons. Cette question a été soulevée au comité de la Chambre des communes. Deux termes différents ont été employés. J'ai ici la transcription de mon deuxième témoignage devant ce comité. Je le lirai peut-être, aux fins du compte rendu, pour aider la présidente et les honorables sénateurs. En lisant l'article 335 du projet de loi C-9 et l'article 323 de la Loi électorale du Canada, M. MacKay s'est demandé pourquoi le libellé de ces deux dispositions n'avait pas été harmonisé. Voici pourquoi: l'article 323 prévoit une interdiction, alors que l'article 335 accorde une permission. Voilà pourquoi les deux libellés sont différents. D'après l'avis que nous avons reçu, ces dispositions sont harmonisées parce qu'elles tiennent toutes les deux compte du fait que la période d'interdiction a été limitée au jour du scrutin. Ces deux articles traitent, comme vous vous en souvenez sans doute, de périodes d'interdiction assez longues. Nous les avons supprimées sauf pour le jour du scrutin. Nous avons décidé il y a quelques années que les habitants d'une région du pays ne devraient pas croire que le pays avait déjà tranché avant même qu'ils puissent participer au processus électoral. C'était particulièrement important pour les habitants de l'Ouest. Pour remédier à ce problème, nous avons harmonisé les heures de vote à l'échelle du pays, même s'il y a encore une heure de décalage en Colombie-Britannique. Nous l'avons fait pour que tous les Canadiens estiment que leur contribution est égale à celle des autres, peu importe où ils habitent. Même dans le cas de la Colombie-Britannique, il faut au moins une heure avant d'obtenir les premiers résultats et les bureaux de scrutin seront alors fermés. Il y a donc harmonisation à une heure près. Nous avons décidé de supprimer les longues périodes d'interdiction par suite de la décision Thompson, si je ne m'abuse, afin de garantir que le vote de chacun était le même et que les résultats d'une région du pays n'influaient pas sur ceux des autres. Or, avec les sondages des votants, c'était impossible à moins de prévoir une interdiction le jour des élections. Par conséquent, le jour des élections, il est interdit de faire de la publicité et de mener des sondages afin que nous puissions remplir l'engagement que nous avions pris à peine quelques années plus tôt à la demande des habitants de l'Ouest. Sinon, les efforts que nous avions déployés pendant des années auraient été en vain. J'espère que vous avez compris mon raisonnement. La présidente: Monsieur le ministre, je crois que la confusion porte sur la question de savoir si minuit indique le début ou la fin d'une journée. Lorsqu'on parle de minuit la veille du jour du scrutin, est-ce 24 heures avant le début du jour du scrutin ou au début même du jour du scrutin? M. Boudria: C'est le début du jour du scrutin. Le sénateur Buchanan: Il y a environ deux semaines, à l'un de ces jeux télévisés, The Weakest Link, Jeopardy ou Who Wants to be a Millionaire, on a justement posé la question de savoir si minuit marquait le début ou la fin d'une journée. Malheureusement, j'ai oublié la réponse. La présidente: Aux fins électorales, quelle est la réponse? M. Boudria: L'interdiction s'applique au jour du scrutin dans son intégralité, à partir de minuit et incluant ce jour particulier. L'interdiction se termine non pas à minuit, mais à la fermeture des bureaux de scrutin. Le sénateur Buchanan: Y a-t-il une interprétation du sens de «minuit»? M. Boudria: Peut-être que mon collègue du ministère pourrait vous lire l'article en question. Il est clairement stipulé que ces interdictions s'appliquent au jour du scrutin et se terminent à la fermeture des bureaux de scrutin. Le sénateur Buchanan: Cet article parle de minuit la veille du jour du scrutin, le jour du scrutin étant un lundi. Cela signifie-t-il que le lundi est entièrement exclu, ou que l'interdiction se termine à minuit lundi, ou commence à minuit lundi? M. Boudria: Pendant la période commençant à la délivrance des brefs d'une élection générale et se terminant à minuit la veille du jour du scrutin, soit 24 heures. Le sénateur Buchanan: Est-ce que «minuit» pourrait signifier le début de la journée qui précède le jour du scrutin ou la fin de la journée qui précède le jour du scrutin? Autrement dit y a-t-il une interprétation juridique du mot «minuit»? M. Michael Peirce, directeur, Opérations juridiques, Bu reau du Conseil privé: Pour répondre à votre question, je ne crois pas que cela fasse l'objet d'un litige juridique. C'est peut-être une question intéressante pour les jeux télévisés, mais elle n'a pas donné lieu à de différends juridiques. Cet article porte clairement sur la période commençant à la délivrance des brefs et se terminant au début du jour du scrutin. Le sénateur Buchanan: Le début du jour du scrutin. Vous dites que minuit marque le début du jour du scrutin. Le sénateur Moore: Il dit que minuit marque la fin de la journée. Le sénateur Fraser: Quel est le fondement juridique de votre interprétation? M. Peirce: Je pourrais vous trouver un fondement juridique, mais l'interprétation m'apparaît claire dans le contexte. Ces dispositions portent sur la radiodiffusion. Elles doivent être interprétées en fonction de la période d'interdiction que nous avons décrite. L'interprétation de ces deux dispositions ensemble ne peut donner lieu à un litige en droit. M. Boudria: Je ne suis pas expert en ce qui concerne minuit, mais il me semble que 24 heures vient après 23 heures, après quoi on recommence à 0100. Vingt-quatre heures, c'est le même jour que 23 heures. Le sénateur Buchanan: On s'est posé la même question au sujet de l'an 2000 et du nouveau millénaire. La présidente: On vient de me dire qu'à l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, il y a eu une discussion interminable sur 12 p.m. Est-ce que c'est midi ou bien minuit? La discussion a duré plusieurs jours. Le sénateur Buchanan: On en a parlé dans les journaux; c'était la semaine dernière. Les Néo-écossais sont des gens très intelligents. La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre de nous avoir consacré autant de temps et d'avoir inscrit cette disposition dans le projet de loi. Nous l'apprécions beaucoup. M. Boudria: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître, et je vous remercie également d'avance pour l'attention que vous accordez à ce projet de loi. La présidente: Nous avons maintenant M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, qui est accompagné de Mme Diane Davidson, directrice des Services juridiques, Élections Canada, et de madame Janice Vézina, directrice, Financement des élections. Monsieur Kingsley, je vous en prie. M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, Élections Canada: Membres distingués du comité, sénateur Prud'homme, je vous remercie de m'accorder l'occasion de partager avec vous mon point de vue sur le projet de loi C-9 et, avec l'aide de mes collègues, de répondre aux questions que vous pourriez me poser. Le projet de loi C-9 propose deux types de modifications à la Loi électorale du Canada. Le premier type de changements est d'ordre technique. Il s'agit de modifications qui ont pour objectif de corriger certains détails de la nouvelle Loi électorale du Canada, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2000, soit avant la plus récente élection générale. J'aimerais particulièrement attirer votre attention sur l'article 18.1 sur la Loi électorale du Canada tel que modifié par le projet de loi C-9 qui exigerait l'agrément du Sénat tout comme celui du comité de la Chambre des communes qui traite habituellement des questions électorales, à toute proposition que je ferais concernant l'utilisation d'un nouveau processus de vote électronique à une élection générale ou partielle ultérieure. Ce changement rejoint ce que j'avais exprimé dans une lettre envoyée à ce comité l'an dernier, dans laquelle j'avais offert de comparaître devant les membres de ce comité pour discuter de toute proposition sur la mise à l'essai d'un processus de vote électronique. Les modifications techniques proposées par le projet de loi C-9 comme celui que je viens de décrire ne soulèvent aucun inquiétude pour mon bureau. Le deuxième type de changements touche davantage à la teneur de la Loi électorale du Canada. En effet, le projet de loi C-9 modifierait la loi de façon à ce que la possibilité de mentionner l'appartenance politique d'un candidat sur les bulletins de vote ne soit plus limitée aux seuls candidats des partis enregistrés. Je limiterais mes commentaires aux modifications proposées par le projet de loi concernant la mention de l'appartenance politique sur les bulletins de vote parce qu'elles soulèvent, d'après moi, certaines questions importantes. La question de l'appartenance politique sur le bulletin de vote a été soulevée pour la première fois lorsque le Parti communiste du Canada, dirigé par Miguel Figueroa, a entamé une poursuite devant la Cour de l'Ontario (Division générale) contre le procureur général du Canada prétendant que les exigences régissant l'enregistrement des partis nuisaient aux petits partis politiques. M. Figueroa contestait la constitutionnalité de l'exigence voulant qu'un candidat obtienne 15 p. 100 des votes dans sa circonscription pour avoir droit au remboursement de la moitié du cautionnement de 1 000 $, la radiation automatique du parti qui n'appuie pas 50 candidats, l'exigence voulant que seuls les candidats des partis enregistrés puissent inscrire le nom de leur parti sur le bulletin de vote et la liquidation de l'actif d'un parti enregistré qui ne réussit pas à appuyer 50 candidats. La Cour de première instance a donné raison à M. Figueroa sur toutes ces questions. Le procureur général en a appelé de la décision de première instance quant à l'exigence de présenter 50 candidats pour être un parti enregistré et à la question de l'appartenance politique sur le bulletin de vote. Le projet de loi C-2 a réglé la question du cautionnement ainsi que celle de la radiation automatique et de la liquidation de l'actif. Le 16 août 2000, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu sa décision. Elle a déterminé que le principe de l'enregistrement des partis, avec ses avantages limités aux partis qui soutiennent au moins 50 candidats à une élection générale, était constitutionnel. Pour rafraîchir votre mémoire, les avantages importants offerts aux partis enregistrés sont les suivants: le droit d'émettre des reçus d'impôt, le droit au remboursement d'un pourcentage des dépenses électorales, le droit de recevoir le surplus de ses candidats, le droit de participer pleinement au régime de répartition du temps d'émission fourni à des taux préférentiels pendant les heures de grande écoute ainsi que le droit de recevoir les listes électorales définitives. La Cour d'appel a reconnu que ces avantages devraient être réservés aux partis politiques qui démontrent un certain niveau d'engagement. Elle a convenu de plus que la condition de soutenir 50 candidats est un critère raisonnable pour juger du niveau d'engagement. Certains aspects de la décision de la Cour qui touchent à la question des avantages réservés aux partis qui ont soutenu au moins 50 candidats, et plus précisément le droit d'émettre des reçus d'impôt, font l'objet d'un appel à la Cour suprême du Canada. En effet, le 15 mars 2001, la Cour suprême a accordé à M. Figueroa le droit d'interjeter appel. Je ne compte donc pas m'attarder sur cette question-là. La Cour d'appel de l'Ontario a toutefois déterminé que la possibilité pour les candidats de faire inscrire leur appartenance politique sur le bulletin de vote était une question distincte des avantages octroyés aux partis enregis trés. La Cour a ainsi invalidé les dispositions de la Loi électorale du Canada qui limitaient aux seuls candidats des partis enregistrés le droit d'inscrire leur appartenance politique sur le bulletin de vote. D'après la Cour d'appel de l'Ontario, réserver la mention de l'appartenance politique aux partis enregistrés empiète sur le droit de vote garanti par l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui inclut le droit de tout électeur de voter en connaissance de cause. De l'avis de la Cour, le droit de vote implique le droit à l'information pleine et entière nécessaire pour voter en connaissance de cause. Selon la Cour, l'appartenance politique d'un candidat est non seulement une information nécessaire pour permettre un vote éclairé, il s'agit d'une information fondamentale pour les électeurs. En parlant du Parti communiste du Canada, la Cour a déclaré ce qui suit, et je cite: Le PCC est un parti politique reconnu au sens généralement accepté de ce concept. Il a un chef, des dirigeants, des membres et un programme, et il choisit et parraine des candidats aux élections. Le PCC est prêt à s'enregistrer et, par conséquent, à respecter les diverses dispositions réglementant la mention de l'appartenance politique sur le bulletin de vote. En interdisant aux candidats du PCC d'indiquer leur appartenance politique sur le bulletin de vote, la législation ne fait rien pour éviter d'embrouiller les électeurs ou de les induire en erreur. Au contraire, elle les prive d'un renseignement qui pourrait les aider à décider pour qui ils voteront. Certains électeurs, et l'histoire révèle qu'ils sont rares, voudront voter pour un candidat ou une candidate parce que cette personne est soutenue par le PCC. D'autres, et l'histoire suggère qu'il s'agit de la grande majorité, ne voteraient jamais pour un candidat soutenu par le PCC. Dans un cas comme dans l'autre, l'électeur aura plus de facilité à prendre une décision éclairée si l'appartenance politique du candidat au PCC figure sur le bulletin de vote. [Français] Comme le laisse entendre la Cour d'appel de l'Ontario, le Parti communiste du Canada remplit toutes les exigences juridiques nécessaires pour être reconnu comme parti politique au vrai sens du mot. En effet, cette organisation avait un chef, des dirigeants, des membres et une plate-forme politique. La Cour a préféré laisser au Parlement le soin de légiférer sur la question de l'appartenance politique sur le bulletin de vote étant donné la complexité de la loi et l'interaction des différentes dispositions législatives touchant cette question. Cependant, il est intéressant de constater que la Cour a émis ses commentaires en sachant qu'à l'élection générale de 1993, le Parti communiste du Canada n'avait appuyé que sept candidats et aucun à l'élection générale de 1997. En réponse à la décision rendue dans l'affaire Figueroa, le projet de loi C-9 propose d'autoriser chaque parti qui satisfait aux exigences applicables aux partis admissibles, et qui parraine au moins 12 candidats confirmés à une élection générale, à avoir son nom indiqué sur le bulletin de vote aux élections subséquentes. Aussi, seul le nom des partis qui ont parrainé 12 candidats à l'élection générale précédente pourrait figurer sur le bulletin de vote à une élection partielle. Par conséquent, les candidats d'un parti politique créé après une élection générale ne pourraient pas indiquer leur appartenance politique sur le bulletin de vote. J'ai déjà indiqué devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre que, selon moi, un seul candidat à une élection partielle, représentant un parti politique ayant répondu aux exigences de la loi, devrait être en mesure d'inscrire son appartenance politique sur le bulletin de vote. Il s'ensuit logiqument qu'un seul candidat à une élection générale représentant un parti politique ayant répondu aux exigences de la loi, devrait également être en mesure de placer son appartenance politique sur le bulletin de vote. J'espère que ces observations vous seront utiles. Par ailleurs, les observations que nous avons pu faire sur la façon dont fonctionne le processus électoral sous le régime de la nouvelle Loi électorale du Canada lors de la 37e élection générale du 27 novembre 2000, ainsi que les consultations que nous menons me permettront de présenter au Parlement, cet automne, des recommandations en vue de modifications législatives plus en profondeur que celles qui sont suggérées dans le projet de loi C-9 et que d'aucuns jugeront essentielles au maintien des principes fondamentaux de notre système électoral. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions. Le sénateur Fraser: Est-ce que vous suggérez que l'on fasse un amendement? M. Kingsley: Je suis ici pour vous présenter mon point de vue et pour vous dire qu'à mon sens, même si la Cour d'appel de l'Ontario ne s'est pas prononcée sur le nombre et qu'elle a laissé le jugement au Parlement, mon avis est à l'effet qu'un seul candidat devrait suffire lorsque vient le moment de mettre le nom du parti sur le bulletin de vote. Pour répondre à cette exigence fondamentale que la Cour a identifiée, à savoir que l'électeur a le droit de savoir quelle est l'affiliation politique du candidat. Que vous décidiez ou non de procéder par un amendement est entièrement entre vos mains, mais il y a évidemment une suggestion implicite dans ce que je vous dis. Le sénateur Fraser: Vous avez suivi les discussions de la Chambre des communes et avez donc suivi la logique disant que 12 est un chiffre bien enraciné dans nos habitudes ou coutumes dans la législation, ce qui en fait un chiffre logique. Pourquoi n'avez-vous pas été persuadé par ces arguments? M. Kingsley: Parce que le chiffre 12, à ma connaissance, ne s'applique que dans le seul cas des ententes au Parlement concernant la reconnaissance d'un parti pour du financement supplémentaire. Ce sont 12 personne élues. On parle ici de candidatures. Le changement de la Cour s'applique pour un parti qui a très peu de chances de succès électoral. L'argument des 12 élus ne me vient donc même pas à l'esprit. Pourquoi 12 candidatures équivaudraient à 12 élus, je ne le sais pas. En d'autres mots, je n'ai jamais pu faire le lien intellectuel qui me permettrait de me sentir à l'aise avec ce chiffre 12. C'est en fonction du jugement de la Cour que j'ai pensé qu'un seul suffirait, et surtout en reconnaissance du fait que les partis politiques peuvent se former très rapidement et en fonction des besoins de l'électorat. On l'a vu dans l'histoire du Canada, ainsi que dans l'histoire plus récente, qu'il peut y avoir des élections partielles n'importe quand et que ces formations politiques n'auraient pas le droit d'afficher le nom de leurs candidats. J'ai aussi été impressionné par l'argument qui a été fait par le représentant du Parti de l'héritage chrétien à notre comité aviseur des partis politiques. Il a dit que lors de la dernière élection, le Parti de l'héritage chrétien n'avait pu identifier ses candidats avec le nom du parti parce qu'il n'en avait pas 50, et qu'un électeur avait dit au chef du parti que même s'il avait reconnu que le candidat était le même pour le parti, cet électeur avait voté contre cette personne car elle pensait qu'elle n'avait plus le nom du parti parce qu'elle avait changé d'affiliation politique. On ne peut pas faire des lois basées sur une seule personne, me direz-vous. J'ai tout de même été impressionné. Je me suis demandé quel était l'envers de la médaille, à savoir quel serait le dommage de n'exiger qu'une seule candidature si l'on atteint l'objectif de la Cour d'identifier le parti avec lequel un candidat est associé ou une candidate est associée? Le sénateur Fraser: À supposer que le parti a bien suivi... M. Kingsley: ...tout ce qui est requis selon la Loi électorale du Canada. On ne parle pas ici d'un groupe informel qui s'est formé et qui voudrait avoir les noms sur le bulletin de vote. Il y a des exigences, selon la loi : il faut qu'il y ait un chef, qu'il se soit inscrit, qu'il y ait 100 signatures vérifiées par mon bureau. Il faut un agent officiel, un vérificateur et qu'ils soumettent des rapports de façon régulière et qu'ils mettent à jour leurs dossiers comme tout le monde. Si ces gens sont en règle, selon la loi, je me suis dit qu'une seule candidature devrait suffire pour que l'électeur canadien puisse savoir quelle est l'affiliation de cette personne. De plus, ce qui complète mon raisonnement, c'est que tous les autres bénéfices découlant du fait de former un parti et qui ont une implication pour les deniers publics ne sont réservés que pour les partis qui parrainent 50 candidatures. On verra ce que la Cour suprême dira du nombre 50, mais tous ces bénéfices sont à part. La Cour d'appel de l'Ontario a rendu un jugement utile en ce sens qu'elle a permis d'identifier qu'il est possible d'avoir un certain nombre pour une fin, sous la Loi électorale, et un autre nombre pour d'autres fins sous la Loi électorale. C'est un concept auquel je n'avais pas pensé et que je trouve fort utile, parce que la portée n'est pas la même. C'est la raison pour laquelle j'ai pensé qu'une seule candidature suffirait. J'ai aussi pensé à la formation du Parti de la marijuana, par exemple, qui s'est formé très rapidement au niveau fédéral et qui a même réussi à parrainer 79 candidatures. Ce parti aurait pu démarrer très lentement avec une élections partielle. Je me suis dit que ce soit ce parti ou un autre, une seule candidature devrait suffire pour que le nom soit sur le bulletin de vote. Le sénateur Fraser: J'imagine que vous avez fait valoir ces arguments devant le comité de la Chambre des communes? M. Kingsley: Pas avec autant de détails, parce qu'on ne m'a pas questionné sur autant de détails. Le sénateur Fraser: Mais vous avez dû approfondir la discussion? M. Kingsley: J'ai certainement eu l'occasion de dire ce que je pensais. Les députés ont pu en disposer comme ils voulaient, comme le comité du Sénat voudra bien le faire aussi. Le sénateur Prud'homme: S'ils ont compris. [Traduction] Le sénateur Pearson: Je dois reconnaître que vos arguments me semblent très convaincants, d'autant plus qu'on introduit maintenant une distinction en ce qui concerne les dépenses. Une personne est autorisée à se présenter en tant qu'indépendant; c'est bien ça n'est-ce pas; on peut se désigner soi-même comme un indépendant? M. Kingsley: Effectivement, si vous êtes seul, si vous préférez être seul, vous pouvez être désigné indépendant ou encore n'avoir aucune désignation. Vous avez le choix. Le sénateur Pearson: Rien ne vous empêche d'inscrire sur le bulletin de vote la mention «indépendant», et par conséquent, rien n'empêcherait d'indiquer le nom d'un parti. Comme vous le dites, c'est une simple information. L'électeur qui consulte la liste possède un détail supplémentaire, même s'il ne sait pas forcément ce que veut dire «Rhinocéros». C'est un argument intéressant. Cela n'empêchera pas que les frais de ces gens-là seront plus élevés puisqu'ils devront payer eux-mêmes leur acompte, si je peux m'exprimer ainsi. Une des contraintes, c'est que le tribunal a accordé quelques mois seulement au gouvernement pour changer cela. La présidente: Une assez longue période. Le sénateur Pearson: Je tiens à dire que cela me semble logique. La présidente: Toutefois, si cet automne le directeur général des élections présente des recommandations au Parlement, comme il vient de nous l'annoncer, s'il suggère des amendements législatifs qui vont plus loin que les dispositions de ce projet de loi, il aura peut-être une autre occasion de faire valoir ses arguments. Le sénateur Fraser: Faudrait que ce soit une législature différente. La présidente: Cela pourrait figurer dans un autre projet de loi. Ces suggestions n'auront pas été rejetées puisqu'elles n'auront pas été faites. Le sénateur Fraser: L'argument relatif aux informations négatives m'a particulièrement frappée. Qui pourrait jamais avoir envie de voter par un candidat du Parti marijuana, ou quelque chose de ce genre? Il y a des considérations de fond. Le sénateur Atkins: Je suis d'accord avec M. Peirce. On suppose que l'identité du parti est un avantage. Cela pourrait ne pas être le cas. Je ne vois aucun inconvénient à ce que vos proposiez ces amendements à l'automne. J'ajouterais seulement une autre chose, je déplore qu'il soit impossible d'utiliser l'argument du débat quand on parle de droits et d'avantages. Au cours de ma carrière, j'ai vu 38 campagnes électorales, et je sais que pour un candidat la plus grosse affaire, ce sont les préparatifs pour la campagne. M. Kingsley: Je ne vous suis pas vraiment. Le sénateur Moore: Il fait allusion aux débats de chefs. La présidente: Il faudrait définir les questions relatives aux débats. M. Kingsley: Mon rapport ne contiendra aucune recommanda tion sur les débats de chefs. Le sénateur Prud'homme: J'aimerais vous référer à la page 11 du texte anglais et 12 du texte français. Les textes ne concordent pas et j'aimerais savoir lequel est le bon, l'anglais ou le français? [Français] M. Kingsley: Je n'ai que mon texte dans les deux langues officielles. Nous attendons donc d'avoir les textes dans chacune des deux langues. Nous avons tout donné au greffier du comité et je n'ai qu'une seule version. Le sénateur Prud'homme: Il n'y a pas de problèmes, vous allez le voir tout de suite, en anglais et en français. Je ne sais pas laquelle est officielle. M. Kingsley: Il manque le mot «by-election» en français. Le sénateur Prud'homme: Je ferai une suggestion. Le sénateur Atkins qui a beaucoup d'expérience en organisation électorale a dit qu'il avait bien écouté les propos de Mme Pearson, qui a bien compris l'esprit de ce que nous a dit M. Kingsley. [Traduction] Vous vous souvenez de ce que j'ai dit tout à l'heure, 50 candidats minimum. Je suis même allé plus loin. D'après la loi, il faut 50 candidats dans trois provinces au moins. Certains penseront que cette exigence pour devenir un parti reconnu et pour recevoir de l'argent est trop sévère. Il faudrait trouver 50 candidats dans trois provinces au moins. Toutefois, c'est un argument que je n'ai pas gagné. Les péquistes s'en sont félicités, je ne pensais pas forcément à eux. Comme nous l'avons entendu, vous ne voulez pas apporter de modifications. Si la majorité des gens partageaient l'opinion de M. Pearson, je me joindrais à eux. Toutefois, le comité peut toujours exprimer son opinion. Nous avons de bons rédacteurs. Nous pouvons expliquer au Sénat en quoi consiste l'opinion de M. Kingsley et, dans notre rapport, nous pourrions donner des explications et mentionner comment nous voyons la situation future. Cela montrerait à la Chambre des communes que nous avons étudié le projet de loi de façon exhaustive, mais que nous avons choisi de ne pas leur imposer un fardeau supplémentaire en apportant des modifications, comme nous aurions parfaitement pu le faire. Le temps que le Sénat termine la troisième lecture de ce projet de loi, la Chambre aura ajourné et nous considérons toute proposition d'amendement comme une insulte. Madame la présidente, je souhaite qu'il y ait des consultations avec vos éminents collaborateurs. Je ne vois pas de mal à cela. La présidente: Je confère. Je suis votre raisonnement. Nous pouvons annexer les remarques aussi. [Français] Je pense que nous pouvons recommander à la Chambre d'adopter le projet de loi sans amendement, mais avec des suggestions, et ce pas nécessairement à l'intérieur d'un discours mais dans le rapport à la Chambre. [Traduction] La présidente: Je vous propose de présenter des remarques plutôt que des recommandations. Le sénateur Prud'homme: Je préférerais le terme «recom mandations», mais je n'insisterai pas. Si c'est inclus dans le rapport, le comité en fera ce qu'il jugera bon. La présidente: Nous verrons cela lors de l'étude article par article du projet de loi la semaine prochaine. Je pense que M. Kingsley se rend bien compte de ce qu'il a été persuasif. Il sait aussi qu'il pourra revenir à la charge cet automne. Le sénateur Prud'homme: Les 36 jours sont prévus, donc nous aurons peut-être le temps d'en discuter cet été avant la rédaction de votre rapport complet. Les 36 jours ont été délibérément voulus à cause de la révision. Il faut du temps pour cette révision. Les Canadiens semblent préférer s'inscrire le jour des élections, et contourner ainsi tous les bureaux de révision. Pensez-vous qu'il serait équitable et possible d'avoir des élections dans les 30 jours à l'avenir? M. Kingsley: J'aimerais attendre que les prochaines élections générales soient terminées et que nous ayons amélioré le registre des électeurs avant de me prononcer à ce sujet. Je formulerai mon point de vue sur la question de l'inscription le jour du scrutin et les moyens de resserrer éventuellement cette procédure. Le sénateur Prud'homme: J'ai lu votre rapport. Je suis allé devant les tribunaux plusieurs fois en tant que représentant du Parti libéral, et j'ai gagné sur la question du redécoupage. Je ne vous critique pas. Nous avons maintenant un recensement, qui va ouvrir la porte à des commissions. Vous nous avez envoyé un excellent calendrier, mais je n'ai pas vu de première date possible pour les élections. M. Kingsley: Le 1er juillet 2004 serait la première date possible pour des élections tenant compte des effets du redécoupage. Le sénateur Prud'homme: Et tous les directeurs du scrutin seraient nommés et formés. La présidente: Si tout va bien. M. Kingsley: Si aucun des organismes autorisés à le faire ne demande un report, ce serait la première date possible. Je ne peux pas vous garantir que tous les directeurs du scrutin seront nommés à temps. Ce n'est pas de mon ressort. Cela relève entièrement du gouverneur en conseil. J'imagine qu'ils seraient nommés, car il n'y aurait que 90 jours pour le faire, mais c'est une possibilité. Le sénateur Prud'homme: D'après votre expérience, même si la première date possible est en 2004, c'est peu plausible. Au cours des 40 dernières années, il a toujours fallu sept ou neuf ans. Nous avons toujours pensé que cela s'appliquerait à la prochaine élection, mais cela a toujours été l'élection suivante. La présidente: Les choses prennent toujours plus de temps qu'on ne le pense. M. Kingsley: Il y a toujours eu une suspension de la loi jusqu'ici. Le calendrier que je vous ai envoyé ne tient pas compte de la possibilité d'une suspension. Il ne porte que sur la question des demandes de délai. J'ai bien dit: «si aucun des organismes autorisés à le faire ne demande de délai». On n'en a pas demandé la dernière fois, donc c'est un scénario plausible, et c'est ce que j'ai essayé de vous présenter dans le calendrier que je vous ai envoyé. J'ai cependant estimé qu'il était important que tous les Canadiens sachent que, pour que le redécoupage puisse prendre effet, les prochaines élections ne devraient pas avoir lieu avant le 1er juillet 2004. La présidente: Vous avez posé les jalons à l'avance. M. Kingsley: C'est une des fonctions du directeur général des élections. Le sénateur Fraser: Puisque j'ai été la première à soulever cette question de l'appartenance politique sur le bulletin de vote, j'aimerais énoncer officiellement la façon dont je comprends la philosophie du Sénat en général, et en tout cas dont je conçois la mienne sur ces questions. Je suis très réticente - et je crois que nous le sommes tous - à modifier une disposition électorale en profondeur si elle a déjà été approuvée par la Chambre des communes. Nous ne faisons pas ce genre de chose à la légère. L'exception, ce serait le cas où une disposition aurait été tellement mal rédigée qu'elle n'aurait aucun sens où qu'elle enfreindrait de façon flagrante les droits de la personne. Je n'ai pas vraiment réfléchi à fond sur cette question. J'ai essayé de parcourir la décision Figueroa de la Cour d'appel de l'Ontario tout en écoutant. Il me semble cependant que nous en sommes pratiquement au même point avec cette affaire-ci. Toutefois, je le répète, je préférerais toujours laisser la Chambre des communes régler correctement dans toute la mesure du possible les problèmes de fond concernant les élections. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'échange entre vous-même et le sénateur Prud'homme. Cette question me sidère. Le sénateur Prud'homme: Disons pour mémoire que c'est toute la beauté d'un monde civilisé. Je prends une position radicalement opposée à celle du sénateur Fraser pour une raison. J'ai siégé pendant 30 ans à la Chambre des communes et j'ai assisté à d'innombrables redécoupages. J'ai dans mon bureau une liste de tous les districts où je me suis présenté. Pour avoir une fin de journée un peu plus excitante, je dirais que j'estime que les derniers à avoir leur mot à dire sur le redécoupage ou sur les lois électorales, ce sont précisément les gens qui sont élus, parce qu'ils sont directement intéressés au fonctionnement de la loi. Je me suis toujours dit que cela devrait être réservé au Sénat parce que les sénateurs ne sont pas élus. Cela pourrait être un excellent débat. La présidente: Dixit le sénateur Prud'homme qui livra ses combats et les remporta maintes et maintes fois. Le sénateur Prud'homme: Nous avons jadis reporté des redécoupages électoraux qui auraient pu avoir lieu plus tôt parce qu'il y avait des députés qui hurlaient: «Vous allez changer ma circonscription». Il n'y a pas de «ma circonscription» qui tienne. Le remaniement doit suivre son cours. Le Sénat, dans sa sagesse, dit que la loi doit suivre son cours et les élections ont été déclenchées, si je me souviens bien, conformément à la nouvelle loi. Vous me corrigerez si je me trompe. M. Kingsley: Les changements n'ont pas été réalisés à temps pour les élections générales de 1993. Ils l'ont été tout juste pour les élections générales de 1997. La présidente: Merci beaucoup d'être venu comparaître ici à cette heure tardive. Demain, nous examinerons trois projets de loi. Pour les projets de loi S-27 et S-28, nous aurons des témoins et nous passerons à l'examen article par article. Ensuite, nous reprendrons notre examen du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi électorale. La séance est levée.