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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 11 - Témoignages du 4 octobre 2001


OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles auquel est renvoyé le projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je souhaite la bienvenue aux sénateurs et à nos témoins à l'occasion de cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous en sommes à la troisième journée des audiences sur le projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Ce projet de loi est plus communément intitulé Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. S'il est adopté, il remplacera la Loi sur les jeunes contrevenants et sera la loi régissant le système de justice du Canada pour les adolescents.

Pour la gouverne de nos hôtes ou de ceux qui regardent éventuellement la télévision, nos audiences sur ce projet de loi ont débuté le 28 septembre, jour où la ministre de la Justice, Mme Anne McLellan, et son personnel étaient là pour nous donner un aperçu du projet de loi et pour répondre à des questions générales à ce sujet. Hier, nous avons entendu des représentants des groupes de victimes et avons vu un bref document d'information de Statistique Canada sur les tendances et les caractéristiques de la criminalité chez les jeunes.

Aujourd'hui, nous recevons deux groupes fort importants et essentiels pour un examen approfondi de ce projet de loi, l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec.

Avant de commencer, pour les téléspectateurs et les autres personnes présentes dans cette salle, j'aimerais prendre quelques instants pour vous donner des renseignements historiques au sujet de la salle dans laquelle nous nous réunissons aujourd'hui. Même certains témoins qui ont déjà comparu dans cette salle ne sont peut-être pas au courant de ce que je vais dire. Cet édifice, l'édifice de l'Est de la colline parlementaire, a été construit entre 1859 et 1866 et il nous donne la meilleure image de l'apparence des édifices du Parlement à l'époque de la Confédération. Jusqu'en 1976, cet édifice était le centre de l'exécutif au Canada, le Cabinet du gouverneur général, le Bureau du Conseil privé, qui est la salle de réunion du cabinet, et le Cabinet du premier ministre se trouvaient tous ici, jusqu'à l'époque du premier ministre Trudeau. Cette salle, à l'origine utilisée par le Secrétariat d'État du Canada, s'est par la suite transformée en un dédale de petits bureaux relevant du ministère des Affaires extérieures. La salle a l'apparence que nous lui connaissons aujourd'hui, depuis qu'elle a été rénovée pour le premier sommet du G-7, tenu ici en 1981. Elle sert maintenant de salle de réunion à notre comité.

Après ce préambule, je cède la parole aux témoins.

[Français]

Maître Francis Gervais, avocat, Barreau du Québec: Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le Barreau du Québec vous remercie de lui avoir donné l'occasion de se présenter devant vous aujourd'hui et de faire valoir la position des 19 000 avocats de la province de Québec.

Nous allons vous faire part de nos préoccupations relativement au projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents. Vous me permettrez tout d'abord de vous présenter d'une façon plus spécifique les gens qui m'accompagnent. À ma droite, Me Carole Brosseau, avocate au Service de recherche et législation. Elle suit le dossier depuis le début des différentes consultations auxquelles nous nous référerons ultérieurement. Nous accompagne également Mme Julie Delaney, stagiaire au Barreau du Québec. Elle a participé au dossier, mais elle a toutefois demandé à ce qu'on ne lui pose pas trop de questions. Vous comprendrez qu'elle est en période d'apprentissage et il nous fait plaisir de l'avoir avec nous ce matin. Me Brosseau répondra aux principales questions. Elle a une très bonne connaissance du dossier.

Comme vous pouvez le constater, nous avons fait cheminer récemment un résumé du mémoire du Barreau du Québec concernant le projet de loi C-7. Compte tenu de l'importance de cette pièce législative, il nous apparaissait fondamental de vous acheminer une analyse complète. Un document vous a donc été transmis ce matin ou vers la fin de la journée hier. Comme vous pourrez le constater, ce mémoire souligne, dans une première partie, notre position sur l'ensemble du projet de loi et, dans une deuxième partie, il expose des commentaires plus spécifiques relativement à certaines articles.

Ce mémoire s'inspire en grande partie de ce qui avait été présenté lors de notre comparution devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne à l'égard du projet de loi C-7 alors que nous proposions de nombreux amendements au projet de loi C-3. Malgré nos représentations, ces modifications n'apparaissent pas au projet de loi C-7 présentement à l'étude.

Vous me permettrez un petit aparté en disant que lorsque nous avions fait nos représentations, il semblerait que la ministre de la Justice les ait mal comprises parce que j'ai été interpellé comme bâtonnier et les journaux du 29 mai 2001 faisait dire à la ministre de la Justice que le Barreau du Québec était satisfait des modifications apportées à la loi. Il est exact que la lettre que mon prédécesseur à la ministre mentionnait, à la première page, que nous étions satisfaits des amendements. Mais à la deuxième page - et c'est un peu le résumé de notre propos aujourd'hui - nous soutenions - malgré ce qu'elle avait fait - qu'il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir et que nous n'étions pas satisfaits du projet de loi dans son ensemble.

La loi propose une réforme globale du système de justice pénale pour les adolescents qui aura un impact important sur l'administration de la justice pénale applicable aux adolescents, une réalité particulière au Québec. On n'a qu'à regarder les différentes coupures de journaux. La ministre, au mois de septembre, lorsqu'elle s'est présentée devant vous, aurait déclaré qu'elle reconnaissait la situation particulière du Québec. Je cite un extrait du Montreal Gazette du 28 septembre dernier où madame la ministre dit devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et je cite:

[Traduction]

Le Québec a moins recours à l'emprisonnement des adolescents que d'autres provinces.

[Français]

Je pense qu'effectivement, ce leitmotiv apparaît tout au long de la présentation de notre mémoire.

Avant de noter toutes les interventions du Barreau dans le dossier des jeunes contrevenants, permettez-moi de vous rappeler que le Barreau du Québec a pour mission première d'assurer la protection du public. La loi nous l'impose. Ce gouvernement, ainsi que la plupart des gouvernements provinciaux, ont toujours reconnu que le Barreau et les «law societies» sont des institutions essentielles à la protection de la valeur d'une société libre et démocratique comme la nôtre. Le Barreau du Québec, dans cette optique, cherche notamment à promouvoir l'équilibre entre les droits et les libertés individuels des citoyens et les pouvoirs de l'État.

Le Barreau se penche et s'appuie sur cette mission lorsque vient le temps d'orienter ses positions en analysant de façon détaillée tous les projets de loi qui affectent les droits des citoyens et des citoyennes et ce, dans la poursuite d'une société juste et sécuritaire. C'est la perspective que nous avons prise en examinant les dispositions législatives relatives à la Loi sur les jeunes contrevenants et les nouvelles propositions qui seront apportées dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Du côté historique, dès le 21 juillet 1989, le ministre fédéral de la Justice amorçait le processus dans un document de consultation intitulé «La loi pour les jeunes contrevenants, proposition d'amendements». Peu après, le ministère proposait le projet de loi C-58 qui contenait des modifications quant au renvoi de la juridiction normalement compétente pour un adolescent ayant commis une infraction, quant à la prolongation de la garde et en ce qui concerne la libération sous condition. Le Barreau du Québec avait alors produit un mémoire relativement à cette question.

En juillet 1991, le ministre fédéral de la Justice poursuivait son processus de consultation avec un document intitulé: «Document de travail sur le placement sous garde et l'examen des décisions». Le Barreau du Québec produisait alors un mémoire intitulé «Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel». Au mois d'août 1992, le ministère soumettait, pour réflexion, quatre documents de travail intitulés «Projet traitant du placement sous garde, de l'examen des décisions et de la réadaptation», «Recevabilité des déclarations faites par les adolescents et des personnes en autorité», «Dispositions relatives au dossier», et «Questions diverses».

Au mois de février 1993, le Barreau du Québec répondait à nouveau par la production d'un mémoire intitulé: «La Loi sur les jeunes contrevenants».

Le 2 juin 1994, le ministre de la Justice et procureur général, M. Allan Rock, déposait le projet de loi C-37 modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel. En septembre de la même année, le Barreau du Québec soumettait un mémoire. Déjà à cette époque, le Barreau du Québec percevait qu'en fait, le projet de loi C-37 constituait une réponse aux pressions de certains citoyens réclamant, afin d'accroître leur protection, une lutte plus efficace contre les crimes graves. Nous retrouvons encore ce leitmotiv derrière le projet de loi actuel.

À cette époque, le Barreau du Québec encourageait le Comité permanent de la justice et des questions juridiques à adopter et à promouvoir, au sein de la loi, une orientation qui permettrait l'atteinte d'un juste équilibre entre les besoins du jeune afin de faciliter sa réhabilitation et sa réinsertion sociale, d'une part et, d'autre part, la protection de la société.

En 1995, le Barreau du Québec répondait de nouveau à l'invitation du ministre de la Justice et procureur général du Canada et commentait la révision en profondeur de la loi qui a mené au treizième rapport du Comité permanent de la justice et des questions juridiques déposé le 27 avril 1997 et intitulé: «Le renouvellement de justice pour les jeunes».

Dans son mémoire, le Barreau du Québec affirmait que la réinsertion constituait encore un élément clé et quelque soit la répression qu'on voudrait exercer chez nos jeunes, nous ne pourrons jamais complètement éliminer les cas extrêmes et odieux. On ne voudrait pas d'une loi qui ne vise que ces cas.

En avril 1997, suite à ce rapport, la ministre et procureure générale du Canada, Mme Anne McLellan, déposait sa stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes, développée suite au treizième rapport du Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

Le Barreau répondait à cette stratégie en réaffirmant dans un important mémoire que les politiques visant les jeunes doivent favoriser leur intégration à la société et non leur exclusion. Le Barreau du Québec mettait alors en lumière que les problèmes d'ordre psychologique, l'exposition à la violence et à la pauvreté soient des facteurs qui amènent les jeunes contrevenants dans le système de justice pénale.

En 1999, la ministre de la Justice et procureure générale déposait le projet de loi C-68, dont la teneur du texte a été presque intégralement reprise lors du dépôt du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Le Barreau du Québec a déposé un imposant mémoire relatif à ce projet de loi.

Là encore, le Barreau du Québec réaffirmait que dans une société comme la nôtre, le législateur doit viser l'équilibre entre l'objectif de la protection de la société et le droit de l'adolescent d'être traité selon ses capacités de développement et de maturité.

L'un des principaux reproches fait par le Barreau à ce projet de loi était notamment le fait de consacrer autant d'attention au type de délit commis plutôt que de s'attarder au jeune contrevenant et de s'assurer de sa réinsertion sociale. Le même commentaire, quant à nous, s'applique et peut être formulé à l'égard du projet de loi C-7.

Dans La Presse du 16 juin, suite à une lettre de la ministre de la Justice adressée aux journalistes, on disait ceci et je cite:

Le projet de loi proposé comprend des mesures plus efficaces et mieux ciblées pour les jeunes contrevenants. Il tiendra dorénavant compte de la nature du crime et d'autres éléments tels les circonstances particulières l'entourant, la meilleure façon de le réhabiliter, de même que de l'obligation pour le gouvernement de protéger la société.

On voit que la première préoccupation qui apparaît dans l'énoncé de la ministre est la nature du crime.La Loi sur les jeunes contrevenants a été soumise à des réévaluations régulières et ce, particulièrement ces dernières années. Le Barreau du Québec partage la préoccupation du gouvernement de protéger le public mais ne croit pas que les moyens choisis par le projet de loi C-7 soient appropriés.

Certes, la loi comporte certaines améliorations. Il y a le maintien de l'âge de la responsabilité pénale à 12 ans, l'étendue des mesures extrajudiciaires, l'amélioration de la place dévolue aux parents et aux victimes, la clarification du concept favorisant la non-détention et les modifications apportées au processus de renvoi non automatique.

Notre mémoire est le fruit d'une étude détaillée faite par des gens issus de tous les milieux. Dans la liste, vous verrez des professeurs d'université, des sociologues, des gens qui travaillent auprès des jeunes, des avocats de pratique privée, des avocats de la Direction de la protection de la jeunesse. Tout le monde a participé à cette étude et le point de vue est unanime.

Ces gens ont été choisis pour leur connaissance et leur expérience dans le domaine du droit. Ils nous démontrent que cette loi doit être sérieusement modifiée pour répondre aux préoccupations du Québec.

Comme il l'avait fait à plusieurs reprises au cours des dernières années, le Barreau du Québec réitère l'importance de maintenir l'équilibre entre l'objectif de la protection de la société et le droit de l'adolescent d'être traité selon ses capacités de développement et de maturité. Or, cet équilibre essentiel n'est pas respecté dans la loi telle qu'elle se lit actuellement. Il faut faire attention parce que certains éléments du préambule peuvent laisser voir qu'il y aurait respect de cet équilibre. Souvenons-nous qu'en matière de rédaction législative, le préambule n'est ordinairement que le dernier élément auquel on réfère. Lorsqu'on est mal pris en matière d'interprétation et qu'on ne sait plus à quoi s'en remettre, on s'en remet au préambule. Ce n'est pas nécessairement par l'inclusion dans le préambule qu'on fait valoir des valeurs particulières.

Certains principes apparaissant à l'article 3 semblent très importants et modificateurs. Ces principes gouvernent de façon générale et les principes de chacun des articles recèlent des contradictions entre les principes généraux du début de la loi et ceux retrouvés ailleurs. Je laisserai Me Brosseau y revenir ultérieurement.

Bien que le préambule ainsi que certains principes tentent de d'équilibrer les besoins du jeune et la protection de la société, il n'en demeure pas moins que la structure même de la loi ne respecte pas cet objectif. En fait, l'importance du délit sera déterminante dans les choix qui seront faits dans le projet de loi C-7.

La reconnaissance du droit à l'avocat dès le début du processus et même après les procédures judiciaires est également revendiquée, particulièrement à cause de la complexité de la loi. Encore tout récemment, le 12 juillet, la Cour suprême rappelait que le Barreau et les avocats étaient des éléments importants dans le système judiciaire parce qu'ils avaient des connaissances et pouvaient fournir une garantie de compétence et de confidentialité.

Le Barreau du Québec s'objecte au remboursement éventuel par les parents de l'enfant des frais encourus pour assurer sa défense. En effet, le Barreau du Québec réitère la position prise par le Conseil général en juin 1995 qui s'était déjà prononcé sur la gratuité des services offerts par le représentant de l'État.

La loi introduit un système complexe de détermination de la peine dans lequel des adolescents, pour un même type d'infraction, pourront être soumis soit à une peine pour adolescent ou encore à une peine pour adulte. On introduit aussi un processus automatique de libération s'apparentant au système de libération conditionnelle que l'on connaît chez les adultes. Le Barreau soumet que toutes ces dispositions dénaturent les programmes de réhabilitation applicables aux jeunes.De plus en plus, la barrière entre le système de justice pénale pour les adolescents et le système pénal pour les adultes semble s'évaporer.

En ce qui concerne l'application de la présomption de renvoi, elle pourrait être applicable non seulement aux jeunes de 16 et 17 ans, telle qu'on la connaît dans la loi actuelle, mais également à ceux de 14 et 15 ans qui pourront, dans les cas déterminés par la loi, être visés par cette procédure. Par ailleurs, la flexibilité annoncée par la ministre se limite à la possibilité de soustraire les adolescents à une peine applicable aux adultes, par décret du lieutenant-gouverneur en conseil, ce qui est nettement insuffisant.

La loi offre également l'opportunité de diffuser dans les médias l'identité des jeunes déclarés coupables lorsqu'il s'agit soit d'une peine spécifique infligée pour une infraction désignée ou encore lorsque l'adolescent est assujetti à une peine applicable aux adultes.

Particulièrement dans ce dernier cas, lorsque l'adolescent est assujetti à une peine applicable aux adultes, cette disposition s'applique même si les délais d'appel ne sont pas épuisés. Le Barreau du Québec est toujours d'avis que l'identité d'un jeune ne doit pas être dévoilée, particulièrement lorsque ce dernier est condamné à une peine spécifique, notion de la peine que l'on rattache maintenant à la nouvelle disposition. D'ailleurs ce principe respecte l'esprit des règles internationales sur le respect de la vie privée des jeunes. Le Canada comme entité a décidé de participer à des ententes internationales. Il doit y avoir des conséquences à cette participation et à cette volonté de vouloir adhérer à des principes internationaux. Si la publication de l'identité des adolescents est réclamée pour certains, parce qu'on pense protéger la société, le Barreau du Québec estime qu'il faut résister à ces pressions et mieux expliquer aux citoyens le système de justice pénal relatif aux jeunes.

Encore faut-il rappeler, en conclusion, que l'autonomie du Barreau du Québec, par rapport à l'État, est un des fondements de notre système démocratique reconnu par la Cour suprême, dans le renvoi sur le Manitoba Law Society qui contribue activement au respect de la règle de droit ainsi que l'ordre constitutionnel.

L'histoire des institutions politiques occidentales démontre que les avocats et les barreaux ont joué un rôle essentiel dans la préservation des institutions démocratiques. C'est ainsi que le Barreau du Québec continuera de faire valoir ses prétentions pour faire avancer le droit à des principes qui tissent notre société et notre démocratie.

Si vous me permettez, je céderai la parole à Me Brosseau, qui fera une présentation plus technique sur certains aspects du projet de loi.

Maître Carole Brosseau, avocate, Barreau du Québec: Madame la présidente, j'aimerais rajouter un complément d'information plus spécifique. Il y a eu des modifications dans l'ensemble du projet de loi. Le processus a été assez long. Il y a eu des modifications notamment sur le plan des déclarations et des objectifs.

La valeur de l'intéressant préambule du projet de loi n'a pas été considérée par les tribunaux et par la doctrine actuelle. Cela veut dire que peu importe le contenu et les objectifs du préambule, ceux-ci ne seront pas considérés par les tribunaux et par une règle d'interprétation. On va plutôt se baser sur les objectifs fixés de façon générale à l'article 3 du projet de loi et de façon spécifique aux différentes parties déterminantes du projet de loi, à savoir le chapitre sur les mesures extrajudiciaires, la détermination de la peine et les mesures sur la mise sous garde.

De façon spécifique, ces objectifs auront priorité par rapport au préambule même si l'on spécifie qu'à titre supplétif, le dispositif de l'article 3 sur les principes s'applique. Malheureusement, comme je vous le disais tantôt, c'est encore de façon plus spécifique les objectifs de chacune des parties qui devront s'appliquer dans le cas de la mise sous garde où le premier objectif est la protection de la société et ce, contrairement à ce qui était prévue à l'article 3, où on mesure la réhabilitation du jeune de façon prioritaire par rapport à l'objectif de protection de la société.

C'est l'explication que je voulais donner dans le contexte où le projet de loi changera beaucoup la façon de faire du Québec par rapport à la loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Je vais vous donner une explication assez pratique. Dans la loi actuelle, il y a des mesures à prendre de façon automatique et graduelle, c'est-à-dire qu'on analyse le délit d'abord pour déterminer s'il y aura une mesure extrajudiciaire ou si on va passer au processus judiciaire.

Dans le cadre de l'application de la loi actuelle sur les jeunes contrevenants au Québec, on analyse la situation du jeune pour déterminer le processus dans lequel il va passer. Par exemple, au Québec on a un programme de mesures de rechange applicables. Il est certain que le délit est déterminant quant à la forme de réhabilitation à choisir pour le jeune. Dans des cas particuliers, l'indice d'un délinquant va faire en sorte qu'il peut très bien suivre un processus judiciaire car la réaction qu'il a eue, même si l'infraction semble mineure, peut avoir un impact important.

Dans le mémoire, on vous cite un vol de voiture comme exemple. Un jeune pourrait - les jeunes délinquants qui commettent des délits n'ont pas tous un profil de délinquant endurci - le faire de façon très spontanée en groupe.

De façon très spontanée, un soir, voler un véhicule automobile peut être le seul geste délinquant dans toute une adolescence. Pour d'autres, ce vol peut être un geste révélateur d'un profil délinquant qui risque de se perpétrer même à l'âge adulte.

Le Québec traite ces cas en fonction de la protection de la société et du profil du jeune pour assurer sa réhabilitation. Les automatismes vont faire en sorte que lorsque vous avez commis des délits - il y a des catégories entre un délit violent et non-violent - vous allez passer automatiquement dans un programme de mesures de rechange pour un délit violent. Cependant vous n'aurez certainement pas droit à un avertissement. Vous allez immédiatement subir un processus de sanctions, l'équivalent du programme de mesures de rechange ou le processus judiciaire. Je ne parle pas des infractions désignées à ce sujet.

Cet automatisme pose des problèmes dans l'application de la loi. Dans les règles de détermination de la peine, une fois que le jeune sera reconnu coupable de son geste, il y a aussi des automatismes: le Tribunal pour adolescent sera aux prises avec certains automatismes quant à l'application de la mesure elle-même. Est-ce que ce sera une peine spécifique aux jeunes? On les appelle peines spécifiques dans le projet de loi. Est-ce que ce sera une peine pour adultes?

Les peines pour adultes peuvent être appliquées à partir du moment où le jeune a commis un geste délinquant. Si on le compare au système adulte, ce geste délinquant serait passible d'une peine de deux ans et plus. Je vous épargnerai les mesures des articles 61 et suivants ayant trait aux avis. Ce sont ces automatismes qui posent problème. On voit un autre problème quant à l'utilisation des dossiers du jeune et de la confidentialité réelle de ces dossiers.

De façon très explicite, on cite dans le mémoire des dispositions législatives qui posent problème. De façon générale, beaucoup de personnes vont avoir accès au dossier du jeune.

Le principe retenu dans la loi, la confidentialité des informations et un accès limité au dossier du jeune, va se révéler très peu observé dans la réalité. Du moment que le policier peut donner des informations même aux compagnies d'assurance, vous comprendrez que cela pose un problème. Soit dit en passant, seules les compagnies comme La Baie, Zellers ou autres vont en profiter. Ce ne sera pas au bénéfice du jeune et des parents d'avoir cette information. C'est un problème réel.

C'est le problème des automatismes, de la rigueur et de l'observance rigoureuse de certaines règles établies. Tout est dans la loi. Je vais compléter là-dessus.

Il y a un problème fort important que la Loi sur les jeunes contrevenants ou le projet de loi C-7 ne traite malheureusement pas, c'est le fameux casier judiciaire du jeune. La loi n'apporte pas d'éclaircissement à ce sujet. Le Barreau du Québec a toujours dit, surtout pour des infractions qui ont amené à une peine spécifique, que le jeune ne soit pas préjudicié. Il ne faut pas oublier, contrairement à ce que l'on croit, que les délits chez les jeunes se commettent beaucoup entre eux et qu'ils ont souvent pour objet les groupes. Lorsqu'il y a délit contre les personnes, il s'agit souvent de voies de fait entre jeunes. La période de délinquance juvénile n'est pas très longue, cela peut durer deux ou trois ans pour les jeunes hommes entre 14 et 17 ans. En ce qui concerne les jeunes filles, il s'agit plus souvent de fugues qui surviennent de 15 à 16 ans.

Voilà en quoi consiste le profil du jeune délinquant. Le Barreau et les avocats qui oeuvrent dans le milieu de la jeunesse du Québec s'objectent à ce projet de loi en raison de ce profil qui est dû, notamment, aux automatismes et au manque d'attention accordé aux jeunes. Le jeune doit être au coeur de toute législation les concernant. Il ne faut surtout pas - c'est notre reproche au projet de loi - sombrer dans le système pour adultes, lequel pose des problèmes. Je pourrais vous en parler plus spécifiquement plus tard. Le système de libération conditionnelle et de sorties temporaires pose déjà des problèmes pour les adultes, alors l'adapter pour les jeunes ne serait pas recommandé. En résumé, voilà les aspects plus techniques qui créent des problèmes dans le projet de loi.

[Traduction]

Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: L'Association du Barreau canadien est heureuse de pouvoir présenter ses points de vue devant votre comité aujourd'hui. Selon nous, le projet de loi C-7 est une loi très importante pour les Canadiens.

L'Association du Barreau canadien est un organisme national qui représente plus de 37 000 juristes, avocats, notaires, professeurs et étudiants en droit dans l'ensemble du Canada. Le mémoire que vous avez reçu aujourd'hui se compose d'une lettre qui souligne quelques préoccupations majeures à propos du projet de loi, ainsi que d'un mémoire plus détaillé sur le projet de loi antérieur à celui-ci, soit le projet de loi C-3. Ces documents ont été préparés par la Section nationale de droit pénal de l'Association.

La Section nationale de droit pénal est unique en son genre, puisque ses 1 200 membres à l'échelle du pays sont à la fois des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense, si bien que les observations que nous faisons aujourd'hui sont équilibrées.

L'Association s'est fixé parmi ses objectifs prioritaires l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est également dans cette optique que nous vous présentons notre exposé aujourd'hui.

Je vais demander à Mme Schurman d'indiquer les aspects plus précis du projet de loi que nous aimerions porter à votre attention aujourd'hui.

Mme Isabel Schurman, présidente sortante, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien: Un système de justice pour adolescents juste et efficace doit se composer de trois éléments essentiels: la loi, les systèmes mis en place et les ressources pour les financer et enfin, l'engagement des gens et l'intervention de la nature humaine. L'un de ces éléments peut ne pas réussir, mais il faudrait parvenir à une loi qui soit la plus juste et la plus souple possible, assurer l'affectation du plus grand nombre de ressources possible pour atteindre les objectifs de cette loi, ainsi que prévoir les spécialistes les plus hautement qualifiés à l'intérieur du système. Si nous disposons de tout ceci, les risques d'échec seront peut-être bien atténués.

Il y a eu malheureusement beaucoup de publicité autour de quelques très rares crimes violents perpétrés par des jeunes de notre pays et cette publicité malencontreuse nous a éloignés de la réalité. En effet, la réalité, c'est que la criminalité parmi les jeunes dans notre pays diminue. La réalité, comme l'a expliqué Mme Brosseau, c'est que le genre de crime est souvent relié aux biens. Lorsqu'un crime est perpétré contre une personne, c'est souvent par un jeune contre un autre.

L'Association du Barreau canadien, comme Mme Thomson l'a expliqué, représente 37 000 avocats à l'échelle du pays. Nous avons créé un comité d'avocats - de la Couronne et de la défense - provenant de tout le pays, y compris du Québec. Je suis moi-même originaire de Montréal. Notre comité a examiné les projets de loi qui ont précédé le projet de loi C-7, ainsi que ce dernier.

Dans certaines régions du pays, on dit que cette mesure législative est absurde et trop indulgente. D'après le Québec, cette mesure législative est absurde et trop sévère. Or, c'est la même mesure législative, la même loi. Nous en concluons qu'aucune de ces réponses n'est exacte. Cette mesure législative n'est ni trop indulgente ni trop sévère et nous maintenons qu'elle est en général bonne, complète et qu'elle représente une approche raisonnée en matière de justice pour les jeunes dans notre pays.

Depuis des années, le Québec a parfaitement bien réussi à ne pas emprisonner d'enfants. Les enfants ne devraient pas être détenus. Le Québec a extrêmement bien réussi grâce à un programme de mesures de rechange qui fonctionne et qui est financé comme il se doit. Le Québec et la Colombie-Britannique, si je comprends bien, affichent les taux d'incarcération les plus bas parmi les jeunes de notre pays. Les taux des autres provinces sont plus élevés que ceux des États-Unis, du Royaume-Uni, de tout autre pays dont nous n'envions certainement pas la situation.

Cette loi appuie en grande partie le modèle québécois sans - et nous l'affirmons - supprimer quoi que ce soit de la capacité du Québec de continuer à faire ce qu'il a toujours fait avec autant de succès. Il serait dommage et complètement faux de procéder autrement.

Au comité de la Chambre des communes, j'ai eu l'honneur de prendre la parole et, à ce moment-là, le bâtonnier de l'époque, Denis Jacques, accompagné par Mme Brosseau, était présent. Si j'ai bien compris, le Québec considérait que cette mesure législative n'était pas nécessaire, mais que s'il fallait l'adopter, il faudrait en modifier quelques articles. L'Association du Barreau canadien n'est également pas d'accord avec certains articles et je vais les passer en revue au fur et à mesure de mon exposé.

D'après le Québec, cette mesure législative n'était pas nécessaire, parce que le Québec fonctionnait déjà de cette façon. C'est très bien, cela se fait au Québec, mais pas dans le reste du pays où il faudrait encourager les gens à ne pas emprisonner des jeunes pour des actes qui ne méritent pas la détention.

À notre humble avis, cette loi semble appuyer des mesures de rechange et considère la prison comme un dernier recours - comme il se doit. La prison, la détention ou l'incarcération devraient être une solution de dernier recours pour nos jeunes. Après tout, c'est nous qui devons leur apprendre à grandir. Nous sommes après tout les personnes responsables. Le projet de loi met l'accent sur la réadaptation. Au dire de nombreuses collectivités autochtones au Canada, il faut tout un village pour élever un enfant. Beaucoup de nos enfants sont élevés sans village. L'accent mis par ce projet de loi sur la participation des familles, des collectivités et des victimes donnera peut-être à certains de ces enfants un village dans lequel ils pourront grandir.

Il faut bien le dire, nous entrevoyons des problèmes. C'est ce que nous affirmons dans notre mémoire.

Nous avons toujours dit que si l'État souhaite transférer un adolescent dans un système pour adultes ou lui faire purger une peine pour adultes dans le nouveau système, ce qui change dans ce nouveau système, c'est qu'il n'est pas transféré dans un système pour adultes, mais qu'il est traité comme un adulte à l'étape de la détermination de la peine - la charge de la preuve devrait toujours incomber à l'État. C'est à l'État qui poursuit de dire pourquoi cette personne ne mérite pas d'être traitée comme un adolescent. La charge de la preuve ne devrait pas incomber à l'adolescent.

L'âge requis devrait toujours être fixé à 16 ans. Nous avons dit à plusieurs reprises que le mécanisme actuel prévu par Loi sur les jeunes contrevenants ne posait aucun problème. La charge de la preuve doit incomber à la Couronne et l'âge requis doit toujours être fixé à 16 ans, avec la possibilité de l'abaisser à 14 ans pour prendre en compte les exceptions prévues dans le système actuel.

Nous avons également dit que les transferts, qu'ils soient vers un autre système ou un autre genre de peine, devraient se limiter à la catégorie des infractions les plus graves dans les circonstances les plus exceptionnelles. Le système actuel le permet.

Nous ne croyons pas que la loi des trois fautes soit acceptable au plan philosophique. Cette loi est appliquée pour les adultes en Californie et c'est à peu près la même chose dans ce cas-ci. Nous n'y croyons pas. Nous sommes tout à fait en faveur du pouvoir discrétionnaire accordé au juge. Il est possible qu'un juge décide qu'une seule infraction représente un problème majeur, alors que dans le cas de dix infractions, le juge peut dire: «examinez toutes les circonstances, cet enfant n'est pas un criminel.» Nous sommes pour le pouvoir discrétionnaire accordé à un juge, car c'est la clé de tout notre système. Nous pensons que les parties devraient être en mesure de demander à un juge d'envisager toutes les circonstances.

Après notre dernier témoignage, le gouvernement a resserré sa définition de «infraction grave avec violence» dans le cas de trois fautes, mais il n'a pas réglé le caractère arbitraire intrinsèque de toute la loi des trois fautes.

Nous affirmons catégoriquement que les procédures réservées aux contrevenants dangereux ne devraient jamais s'appliquer aux adolescents. Selon le libellé actuel de la loi, elles s'appliqueraient aux adolescents qui feraient l'objet d'une peine pour adulte, et nous avons des réserves à ce sujet. Les procédures réservées aux contrevenants dangereux devraient être une mesure de dernier ressort, lorsqu'il n'y a plus rien d'autre à faire; il serait regrettable d'envisager une mesure de dernier ressort, lorsque nous parlons de personnes qui n'ont pas même atteint l'âge de la majorité.

La Loi sur les jeunes contrevenants prévoit un mécanisme pour les questions de publication et en cas de danger possible, une personne, un agent de police ou un procureur de la Couronne peut demander à un juge de publier un nom. Selon nous, ce mécanisme, tel qu'il existe, est suffisant.

Après notre témoignage sur la dernière ébauche, le gouvernement a modifié des articles relatifs à l'admissibilité des déclarations des adolescents. Nous avons été satisfaits de voir ce changement, mais nous n'avons pas été satisfaits de la dernière version. Le changement donne actuellement au juge le pouvoir discrétionnaire de déclarer irrecevables des déclarations d'adolescents dans des cas d'irrégularités techniques. Ce n'est pas aussi global que la loi actuelle et la loi actuelle est juste. Nous croyons que ce n'est peut-être pas nécessaire dans les circonstances.

Nous croyons que tous les gouvernements devraient affecter des ressources pour régler les questions d'interception, d'intervention et de réadaptation.

Nous sommes heureux de voir, comme mes collègues du Barreau du Québec, que l'âge de la majorité n'a pas été abaissé au-dessous de 12 ans. Les enfants de moins de 12 ans relèvent de la compétence des agences de protection de l'enfance.

Nous sommes satisfaits du changement apporté par le gouvernement qui permet aux adolescents accusés d'infractions mineures avec violence, ou qui ont peut-être déjà eu maille à partir avec la justice, d'être toujours admissibles à des mesures de rechange, car c'est juste et flexible.

Nous sommes heureux de voir que le gouvernement accepte une disposition particulière pour les contrevenants autochtones, ce qui, à notre avis est juste et cadre avec l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue.

Pour ce qui est des articles relatifs à la liberté surveillée et le suivi après la détermination de la peine, nous ne partageons pas avec nos collègues du Barreau du Québec la crainte que les enfants venant de centres de détention soient mis en liberté conditionnelle, comme s'ils étaient adultes. Si ces organes sont bien établis, la liberté surveillée pourrait être justement l'aide et le soutien dont a peut-être besoin ce jeune pour trouver sa voie. Nous rejetons toute hypothèse générale voulant que ce genre de surveillance soit justement ce qui se pratique dans le cas des adultes.

Nos craintes au sujet de la formule d'un tiers/deux tiers étaient que les juges ne prononcent une sentence plus longue dans certaines régions du pays, pour compenser peut-être le fait que la personne sera libérée après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Ce serait dommage parce que la réinsertion sociale fait partie de toute sentence. Cette liberté surveillée n'est pas aussi restrictive que la détention, mais elle fait partie de la sentence. Nous espérons que les juges ne réagiront pas en rallongeant la durée des sentences.

Il se peut qu'il faille apporter de légers remaniements au fil des ans, qu'il faille modifier ou changer les dispositions. Toutefois, nous ne croyons pas qu'il faut rejeter une approche complète et fondée sur des principes à la justice pénale pour les jeunes du pays.

Nous ne croyons pas non plus qu'il s'agit d'un retour en arrière. Au contraire, nous estimons que la loi nous fait faire plusieurs pas en avant, dont l'insistance sur les mesures de rechange dans les régions du Canada où elles sont non seulement sous-utilisées, mais inutilisées, n'est pas le moindre.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je suis vraiment impressionné par la teneur des communications des témoins parce que c'est un projet de loi très difficile. J'ai tout de même une ou deux questions préliminaires à vous poser, car je suis sûr que mes collègues vont entrer dans le vif du sujet par la suite. Il y a au Québec un renvoi à la Cour d'appel. Quelle est la réaction du Barreau là-dessus? Est-ce que vous intervenez? Est-ce que vous partagez cet avis?

M. Gervais: Le Barreau n'a pas l'intention pour l'instant d'étudier la question à moins qu'on nous le demande. La politique du Barreau a toujours été de faire des représentations comme celle d'aujourd'hui. Ce n'est pas nécessairement le rôle du Barreau de tenir des débats plus politisés. Le Barreau fait ses représentations là où il croit devoir les faire. On ne l'a pas demandé au Barreau et il n'a pas l'intention d'intervenir.

Le sénateur Beaudoin: Le système québécois est différent. J'ai pris note de tout ce que vous aimez et surtout de ce que vous n'aimez pas. Considérez-vous que le projet de loi peut être amendé ou si c'est peine perdue? Vous situez-vous trop loin de la philosophie du projet de loi C-7 pour qu'il puisse fonctionner même avec des amendements?

Mme Brosseau: Lors du premier exercice sur le projet de loi C-3, le Barreau avait proposé plusieurs amendements législatifs. Le projet de loi C-7 reproduit plusieurs amendements que le Barreau suggérait, lesquels atténuaient certaines réticences qu'il avait. C'est mentionné dans le mémoire révisé qu'on vous a transmis.

Par ailleurs, si le Barreau se déclarait satisfait, cela voudrait dire que toutes les modifications demandées ont été accordées. Je doute fort qu'on puisse arriver à ce résultat complet d'ici la fin de l'exercice. Par ailleurs, pour être pleinement satisfaisant, toute la question du dossier judiciaire des jeunes devrait être revue. Malheureusement, cet aspect n'est pas soulevé dans le projet de loi C-7. Cette réclamation avait été faite. Quant au processus de renvoi et à la mécanique, le Barreau préfère le projet de loi C-7 à la Loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Cependant, le Barreau n'a jamais été d'accord pour que les jeunes de moins de 18 ans soient susceptibles d'être jugés comme des adultes. Cela n'est pas satisfaisant sur ce plan.

Le sénateur Beaudoin: Votre exposé exprime clairement votre désaccord profond sur certains points. Ce projet de loi adopté avec quelques amendements fort importants pourrait-il vous être acceptable? Est-ce peine perdue? S'agit-il de deux systèmes si différents qu'ils sont irréconciliables? Le Barreau peut-il s'adapter à cette loi si des amendements profonds et importants sont apportés?

M. Gervais: Tout dépendra du degré d'amendement. Évidemment, je crois qu'on le Barreau du Québec a démontré qu'il était satisfait de ce qui avait été fait entre les projets de loi C-3 et C-7. Il y a des points sur lesquels on n'est pas d'accord.

Tout dépend de l'étendue des amendements et je pense que votre question peut être hypothétique dans ce sens. On pourrait être satisfaits du projet de loi C-7, mais quels seront les amendements importants? Ce sera probablement votre prochaine question.

Il ne s'agit pas de dire qu'on prend tout et on jette tout. Il y a quand même des choses importantes pour nous, sur lesquelles on vient faire des représentations. Si les amendements touchent les points sur lesquels on est satisfaits, je crois qu'on pourrait «vivre avec».

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Vous dites qu'elle représente une amélioration pour le Barreau canadien. Je vous pose la même question. Vous avez des réserves au sujet du projet de loi. Je crois savoir, d'après ce que vous avez dit, qu'il y aurait peut-être moyen d'y répondre. On pourrait modifier les dispositions qui vous déplaisent, et le projet de loi serait alors acceptable.

Mme Schurman: C'est ce que nous croyons, effectivement.

Le sénateur Beaudoin: C'est ce que pense l'Association du Barreau canadien?

Mme Schurman: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Vous examinez la question dans l'optique d'une loi fédérale. Il s'agit d'un régime fédéral également, mais est-ce un régime fédéral qui pourrait être concilié avec celui du Québec?

Mme Schurman: Nous le croyons.

[Français]

Nous pensons que rien dans cette loi ne va empêcher le Québec de faire ce qu'il fait présentement. Au contraire, cela encouragera les autres provinces à faire de même.

Par contre, il revient aux provinces et au gouvernement fédéral la responsabilité de s'assurer qu'il y ait suffisamment de fonds nécessaires au développement de systèmes de mesures de rechange.

Le Québec a bénéficié de ces fonds et les résultats ont été excessivement positifs. Dans le cas des autres provinces, la loi fera en sorte qu'elles soient encouragées à faire ce que le Québec fait présentement, mais il faut que les ressources financières y soient.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Je me demande si je puis poser la même question aux représentants du Barreau du Québec.

[Français]

Vous semblez dire qu'avec tel ou tel amendement, vous pourriez vivre avec ce système. Évidemment, cela supposerait sans doute beaucoup d'amendements, mais je pose la question. Si on y arrivait, pouvez vivre avec le projet de loi ou si c'est une fin de non-recevoir due à une mentalité trop différente?

M. Gervais: Vous attaquez le coeur même de la question. Si vos amendements majeurs touchent à la mentalité, il est facile de répondre à la question. Si les amendements majeurs auxquels vous faites allusion ne touchent pas à la mentalité, peut-être qu'on ne pourra pas «vivre avec».

Le sénateur Beaudoin: Cela répond à ma question.

M. Gervais: Cela dépend jusqu'où on peut aller dans les amendements.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Je remercie les deux groupes d'être venus et de nous avoir exposé leurs vues. Cela nous est très utile.

Je connais et j'appuie le modèle québécois parce qu'il semble coïncider avec les intérêts des jeunes et des collectivités.

L'un d'entre vous a commencé son exposé en déclarant que, lorsque vous vous êtes réunis en tant qu'avocats, certains affirmaient que la loi n'était pas suffisamment musclée et qu'elle ne protégeait pas vraiment la société. D'autres affirmaient au contraire qu'elle était trop sévère et qu'il faudrait y insister davantage sur la réhabilitation; les opinions étaient très partagées d'un bout à l'autre du pays. Pourtant, vous nous avez remis ici un mémoire qui affirme que le projet de loi est bien, à l'exception de...

Comment en êtes-vous venus à cette conclusion, si les divergences étaient si grandes?

Mme Schurman: Ce que je disais, c'est que les membres du groupe initial venaient de coins du pays où c'était le sentiment général. Le groupe - en excluant ceux qui sont ici - était composé d'un nombre exceptionnel de juristes qui ont une approche très sage et qui ont eu la patience d'étudier le projet de loi article par article et d'observer la réalité. Ils faisaient valoir les opinions dominantes dans leur coin de pays, comme je l'ai fait moi-même, mais ils demeuraient également ouverts aux autres et disaient: «Voilà ce qu'on en pense chez nous, mais voyez cet article et cet autre article».

Quand nous nous sommes assis à la table après de nombreuses réunions pour examiner le projet de loi et le dépouiller, nous nous sommes rendu compte qu'il n'avait pas beaucoup de points en commun avec le modèle si efficace du Québec. Nous avons constaté également que d'autres mesures prises dans d'autres provinces et considérées comme étant moins rigides pouvaient en fait profiter à d'autres provinces, comme ces programmes de mesures de rechange, et que ce que l'on qualifiait de si sévère était peut-être sujet à interprétation.

Bien sûr, comme vous le savez, il y a plusieurs points au sujet desquels nous avons pu nous entendre. Pour le reste, nous avons tous réussi, après beaucoup de travail concerté, à nous demander quelle solution serait la meilleure pour les jeunes Canadiens. Quelle est la meilleure approche pour éviter la criminalité chez les jeunes au Canada et pour aider ceux qui ont des problèmes?

Chaque personne n'épousait peut-être pas les opinions régnant dans son coin de pays, mais elle les a fait connaître. Certaines personnes les ont défendues, d'autres pas. Cependant, elles en ont parlé. Ce qui nous a étonnés, c'est que ce texte législatif ait pu, à lui seul, donner lieu à des opinions si diamétralement opposées. C'était tout à fait déroutant.

Nous avons décidé d'aborder la loi un article à la fois et de poser la question: «Qu'est-ce qui est bon pour nos jeunes et qu'est-ce qui ne l'est pas? Le projet de loi est-il si mauvais?» Nous avons conclu que ce n'était pas le cas. Le projet de loi a peut-être besoin de peaufinement, mais c'est un texte législatif qui cherche à régler bien des points à la fois, dans des régions du pays aux priorités variées. Toutefois, il traite de la question d'une manière complète et s'appuie sur de solides principes.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez fait remarquer que le projet de loi à l'étude traite de beaucoup de choses.

Mme Schurman: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Ai-je raison de croire qu'il faut des ressources pour en assurer l'efficacité?

Mme Schurman: Dans la mesure où les programmes de mesures de rechange et certains autres articles sont visés, assurément. C'est une juste évaluation.

Le sénateur Andreychuk: Êtes-vous en train de dire que le Québec est la province qui a débloqué des ressources pour les mesures de rechange sous le régime actuel de la loi? Vous avez fait valoir un point dont les autres n'ont pas parlé. Qu'est-ce qui vous porte à croire que, sous le régime proposé, ces ressources seront affectées, ailleurs qu'au Québec?

Mme Schurman: J'entrevois des situations où, par exemple dans une région où la loi a pour principe que la détention est un dernier recours, mais où le jeune est condamné à la détention parce qu'il n'existe pas de mesures de rechange, en tant qu'avocate, je me sentirais parfaitement à l'aise de contester cette sentence devant les tribunaux. Je demanderais aux tribunaux de régler le problème en ce qui a trait aux ressources, de sorte que nous ne dépendions pas strictement du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial en particulier. La loi nous fournirait les outils nous permettant d'aller de l'avant, et nous pourrions dire: «Dites au gouvernement de faire ce qu'il faut pour éviter que nos jeunes soient incarcérés d'office».

Le sénateur Andreychuk: Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, telle que je la comprends et que je l'ai appliquée, l'incarcération était aussi censée être un dernier recours.

Mme Schurman: Oui, mais la façon dont le régime est décrit dans cette nouvelle loi, il est beaucoup plus précis et mieux élaboré en termes des mesures à prendre avant même de se présenter devant un juge. Même le nombre d'articles dans la loi est beaucoup plus grand. Il est si détaillé que j'estime qu'il sera un outil beaucoup plus puissant. On pourrait aller devant le juge et dire: «La première étape n'a pas été respectée, ni la deuxième, ni la troisième, parce que cela ne se fait pas dans cette province; il n'y a pas d'argent pour le faire». Les tribunaux pourraient peut-être ordonner que le problème soit réglé.

Le sénateur Andreychuk: Ne craignez-vous pas que la nouvelle loi oppose le système judiciaire à la volonté provinciale en insistant sur la traduction du jeune devant les tribunaux, si la province n'a pas déjà débloqué ces ressources?

Mme Schurman: J'ignore si nous les opposons l'un à l'autre ou si nous les forçons à travailler ensemble.

Nous voyons effectivement des sources de problèmes. Bien sûr que c'est une préoccupation. Nous en voyons dans divers domaines. Toutefois, le tribunal a pour rôle, en partie, en vue de protéger les valeurs constitutionnelles du pays de réagir à ces situations où l'État ne fait peut-être pas ce qu'il doit faire pour respecter l'esprit de la loi. Ce genre de risque existe toujours. Par contre, il est aussi avantageux que le pouvoir exécutif ne soit pas le seul à décider, que nos tribunaux puissent aussi exercer un pouvoir de surveillance et décider, dans ce cas-ci, qu'il y a un manque de justice. Je vois cela comme un fait rassurant, plutôt qu'un incitatif à la discussion.

Le sénateur Andreychuk: Il est question en réalité de services sociaux, des ressources provinciales de compétence provinciale consacrées à des mesures de rechange. Vous dites que tous ces services sociaux ne sont pas fournis directement par la province qui exerce sa compétence légitime. Nous allons donc maintenant rendre cela officiel dans le processus judiciaire, pour que les tribunaux demandent aux provinces de faire ce que selon vous elles devraient déjà faire en vertu de leur compétence.

Mme Schurman: Si vous vous rendez là. Il se peut aussi que plusieurs provinces disent: «C'est logique. Nous voyons ce qui se fait et nous comprenons le principe qui sous-tend la loi». On ne peut pas supposer que les provinces ne changeront pas d'idée et ne diront pas: «Nous avons un problème et nous pouvons peut-être le résoudre en adoptant la méthode québécoise. Nous pouvons peut-être apprendre du modèle québécois et nous en inspirer». Il est à espérer qu'on n'en arrivera pas là.

Le sénateur Andreychuk: Je peux peut-être poser ma dernière question à laquelle les témoins pourront répondre par écrit. Ma préoccupation relativement à l'Association du Barreau canadien, c'est que nous faisons notre meilleur travail quand nous conférons aux professionnels le pouvoir discrétionnaire d'examiner le cas de chaque enfant. La différence entre la Loi sur les jeunes contrevenants et l'actuel projet de loi C-7, c'est que ce dernier semble entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la magistrature et de tout l'appareil judiciaire, précisant comment il exercera ce pouvoir. Cela ne mine-t-il pas le travail fait par nos bons professionnels qui se consacrent 24 heures par jour, sept jours par semaine, à travailler auprès des jeunes dans nos collectivités?

Mme Schurman: Si c'est le résultat, soit, mais nous sommes aussi d'accord avec le pouvoir discrétionnaire judiciaire et la capacité d'examiner le cas de chaque enfant individuellement.

Le sénateur Cools: Je remercie les témoins de nous avoir fait un exposé aussi sérieux et d'une aussi bonne qualité. De toute évidence, il a été bien préparé et mûrement réfléchi. Ma question pèse peu dans l'ordre des choses.

J'ai été étonnée d'entendre les témoins dire essentiellement que les jeunes de moins de 18 ans ne devraient pas être traités comme des adultes. En d'autres mots, les témoins confirment le fait que les enfants sont des enfants et qu'il faudrait les traiter comme tels. Pendant que les témoins faisaient ces déclarations, je me suis dit que les lois sur le divorce, par contre, voient les choses autrement. Ainsi, d'après le droit du divorce, la personne de plus de 18 ans n'est pas un adulte, mais un enfant et, aux fins de l'aliment versé à l'ex-conjoint pour un enfant, je crois même qu'on utilise l'expression «enfant adulte».

Le sénateur Beaudoin: Cette expression se trouve-t-elle dans la loi?

Le sénateur Cools: C'est une question très compliquée. Toutefois, l'expression utilisée est «enfant adulte», et l'âge a été porté de 16 à 18 ans. Auparavant, il était de 16 ans. Les enfant adultes doivent avoir plus de 18 ans, plus que l'âge de la majorité.

La présidente: C'est l'expression utilisée, je crois, aux fins de l'aliment dû à un enfant adulte qui fréquente encore un établissement d'enseignement.

Le sénateur Cools: Quelle que soit la raison.

La présidente: Je fais remarquer que cela est sans rapport avec le projet de loi à l'étude.

Le sénateur Cools: Si, cela a un rapport. Comment les mêmes lois du pays relatives aux enfants et aux adultes peuvent-elles avoir des optiques aussi opposées et conflictuelles? Je me demande pourquoi une série de lois va dans un sens et l'autre série, celle qui s'applique aux jeunes qui ont des démêlés avec la justice, dans un autre. Puisque vous avez beaucoup réfléchi aux principes sur lesquels s'appuient les lois, avez-vous des commentaires à faire au sujet de ces courants tout à fait opposés?

M. Gervais: Quand il est question d'enfants aux termes de la Loi sur la divorce, il est question de dépendance financière. Un enfant de plus de 18 ans qui fait des études ou qui a un handicap physique ou autre qui l'empêche d'être financièrement indépendant sera réputé être un enfant.

Dans la loi à l'étude ce matin, il est question d'une responsabilité personnelle. La loi dit que, lorsque vous assumez votre responsabilité personnelle, il faut vous considérer comme un enfant si vous avez moins de 18 ans, mais comme un adulte si vous avez plus de 18 ans. Il n'est pas question de la même chose.

Mme Schurman: Je ne vais même pas prétendre connaître le droit actuel de la famille. Il serait par contre juste de dire qu'on relèvera souvent des situations, dans le droit canadien, où, aux fins d'une loi en particulier, une définition précise est adoptée et qu'elle diffère quelque peu ou beaucoup des autres lois. Cela ne signifie pas forcément qu'il y a un conflit intrinsèque. Au contraire, cela signifie peut-être qu'on tente d'aider et de protéger un certain groupe dans un domaine ou un autre.

Le sénateur Joyal: Vous avez demandé que soient retranchés les paragraphes 145(5) et (6) du projet de loi. Le 29 février, vous avez témoigné devant la Chambre des communes au sujet de cette recommandation même, et je cite ce que vous avez dit à ce moment-là:

[Français]

Vous déclarez:

Nous sommes d'avis qu'il serait inconstitutionnel de créer un paragraphe énonçant que toutes les mesures de protection prévues au paragraphe 1 à 4 doivent être respectées en ce qui touche les déclarations faites par les adolescents, et ensuite permettre qu'un juge refuse d'admettre en preuve une déclaration faite par un adolescent s'il est convaincu que cela n'aura pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

Vous dites aussi:

La Cour suprême du Canada a statué à plusieurs reprises que la preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même d'une manière qui va à l'encontre de la Charte aurait justement cet effet. Nous pensons que les risques seront grand que ces paragraphes que nous trouvons fondamentalement injustes soient jugés inconstitutionnels.

Pourriez-vous élaborer un peu plus à ce sujet?

Mme Schurman: À l'époque, lorsque j'ai fait ces représentations, ces articles n'étaient pas encore amendés. Je dois toutefois vous dire au préalable que le Barreau canadien n'a pas encore pris position en ce qui concerne le renvoi. Lorsque je me suis présentée devant le comité de la Chambre des communes, les amendements n'y étaient pas. Les articles étaient beaucoup plus larges par rapport à la latitude accordée à un juge. On permettait de déclarer admissible une preuve malgré une violation qu'on qualifiera de majeure des droits de la personne du jeune. On s'est objecté parce qu'effectivement cela allait à l'encontre de la jurisprudence en cette matière. Cela est maintenant amendé.

L'amendement réduit de beaucoup le problème avec ces paragraphes. L'amendement dit maintenant qu'un juge peut admettre une déclaration si la violation est technique. Le terme «technique» n'est pas encore défini. J'y ai fait allusion tout à l'heure. Cela nous met encore mal à l'aise parce que cela n'offre pas les protections de la section 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne pourrais pas parler avec autant de vigueur que devant la Chambre des communes parce que les amendements font en sorte que ce sont deux paragraphes très différents maintenant comparativement à ce que cela était à l'époque.

Le sénateur Joyal: Peut-il y avoir encore un problème d'interprétation et de conformité à la Charte même sur la base de l'amendement? Le nouveau paragraphe (6) parle de «technical irregularity» et en français, on dit:

[...] peut admettre en preuve une déclaration faite par l'adolescent poursuivi - même dans le cas où l'observation des conditions visées aux alinéas (2)b) à d) est entachée d'irrégularités techniques [...]

Mme Schurman: Le Barreau canadien n'a pas pris une position sur le renvoi, mais cela deviendra une question de fait plutôt qu'une question de section comme telle et nécessairement inconstitutionnelle. Je dis cela sous toute réserve, c'est ma perspective personnelle.

Le sénateur Joyal: Il y a quelque chose que j'arrive difficilement à concilier entre votre affirmation et celle de la présentation du Barreau du Québec. Le Barreau du Québec nous dit que dans l'évaluation de la situation à traiter, la philosophie de la Loi sur les jeunes contrevenants, telle qu'elle a été interprétée au Québec jusqu'à présent, prend en compte l'ensemble de la situation du jeune.

En d'autres mots, on prend en compte non seulement le crime commis - qui est disons celui de voler une voiture - mais les circonstances à l'intérieur desquelles tout cela a été fait, sa situation personnelle, familiale, et caetera avant de déterminer quelle approche on prendra.

Vous nous dites maintenant que le projet de loi change fondamentalement cette approche en se concentrant sur la nature du délit. Madame Schurman nous dit que maintenant que le Québec a été performant, on veut exporter - si je peux utiliser l'expression - le système du Québec dans les autres provinces canadiennes mais sur une base différente. C'est ce que je ne comprends pas. Je ne comprends pas le hiatus, en d'autres mots, la marche que vous sautez pour nous garantir que ce que le projet de loi cherche à faire va effectivement être fait ailleurs alors qu'on change la prémisse sur laquelle on a élaboré le système au Québec. Les budgets peuvent être augmentés, diminués et coupés. Les provinces peuvent décider unilatéralement, comme M. Klein le fait actuellement, de procéder à des fermetures de services. Le Red Deer advocate nous rapporte que M. Klein va procéder à la fermeture de quatre camps pour les jeunes.

[Traduction]

Dans un article intitulé «Work camps could close to cut costs», le journal rapportait hier que le ministère du Solliciteur général cherche des moyens de retrancher 2,4 millions de dollars de son budget de 240 millions de dollars.

[Français]

En d'autres mots, par un acte de volonté politique, on sera maintenant certain que la réhabilitation deviendra l'élément dominant de la philosophie appliquée dans des dispositions de loi fondées essentiellement sur la détermination de la nature de l'offense. Je voudrais bien que ce résultat se produise, mais ce n'est pas satisfaisant de le dire. Encore faut-il voir dans la loi les dispositions précises qui vont nous garantir cela. Je ne comprends pas comment la présentation que nous avons eu du Barreau du Québec qui élabore l'approche qu'ils ont mis au point, une approche d'évaluation d'ensemble plutôt qu'un automatisme va, tout à coup, se retrouver dans les autres provinces alors qu'on a changé la base sur laquelle le système fonctionne. La base de l'argent qui va venir éventuellement. On va utiliser l'appât de l'argent pour inciter les provinces qui ont une approche différente à adopter le système au Québec.

[Traduction]

On va se servir d'argent pour les convaincre alors que nous savons tous que l'argent est un facteur qui varie selon les circonstances et tout le reste. Le journal de ce matin montre que l'Alberta, une province où le taux de détention est élevé, réduira ses initiatives en matière de réhabilitation. Voilà ce qui me pose problème dans ce que vous avez proposé.

[Français]

Mme Schurman: Lorsque ma collègue parle d'automatisme et de l'accent mis sur la nature de l'infraction, on parle de certaines catégories pour lesquelles on va changer les règles du jeu. Plutôt que d'avoir quelques infractions plus sérieuses, on aura aussi la possibilité de traiter comme un adulte quelqu'un qui aura commis trois infractions violentes mal définies selon différentes personnes. Mais pour la vaste majorité des infractions, comme celles contre la propriété, on voit dans à l'article 4 de la partie 1 toutes les mesures alternatives qui s'appliqueront, pas selon un vol de livres ou un vol d'auto mais selon la vaste majorité des infractions. Si c'est une question d'automatisme, nous ne sommes pas d'accord.Nous croyons que cette loi encouragera le traitement à l'extérieur du système judiciaire de la vaste majorité des crimes commis par les jeunes sans que les jeunes soient incarcérés. Il restera à régler les problèmes avec lesquels nous ne sommes pas toujours d'accord, c'est-à-dire le fardeau sur le jeune pour les questions de transfert et des trois violations violentes. Je dois dire que les mesures alternatives dans la loi sont quand même disponibles sur une vaste base. On ne dit pas, pour les policiers ou les travailleurs sociaux, qu'on n'a pas le loisir de regarder le jeune, la situation et les circonstances.

Présentement, par exemple, dans la province de Québec, ce n'est pas devant un juge qu'on amènera un jeune pour la première fois pour un vol à l'étalage. Il recevra un avis de se présenter dans le bureau d'un travailleur social. Le jeune peut y aller avec sa mère, son père ou un avocat. La conversation est privée, privilégiée, si jamais il décide qu'il préfère subir son procès. On ne peut pas utiliser cette conversation contre lui. L'idée est d'encourager le jeune à admettre ce qu'il a fait et de voir s'il y a une chance de réadaptation. Qu'il s'agisse d'un juge, d'un policier ou d'un travailleur social, dans la vaste majorité des infractions, on encourage ce pouvoir d'évaluer la situation du jeune et la nature de l'infraction.

Quand ce sont des automatismes et je qualifierais les trois violations violentes comme en étant un, on est en désaccord également. On doit avoir une discrétion judiciaire ou autre pour évaluer à toute les étapes la situation de la personne et les circonstances de l'infraction.

Mme Brosseau: Je ne partage pas l'avis de ma collègue. L'article 62 du projet de loi dit qu'un jeune est susceptible d'avoir une peine d'adulte, non seulement pour des infractions désignées, mais pour une infraction qui entraînerait une peine de deux ans et plus à un adulte. J'ai dressé une nomenclature des infractions dans le Code criminel à cet égard.Je fais abstraction des projets de loi C-15 et C-24. J'ai noté 18 pages complètes d'infractions qui amènent des peines de deux ans et plus.

Le sénateur Joyal: Peut-on les avoir?

Mme Brosseau: Si vous le permettez, je vais vous en faire parvenir des photocopies. Ma collègue disait qu'il y avait la loi, les ressources et la façon d'appliquer la loi. Le même problème se reproduira ou se superposera au projet de loi C-7.

Lorsqu'il dépose un nouveau projet de loi, le législateur ne peut par parler pour ne rien dire. L'interprétation jurisprudentielle suivant l'adoption de ce projet de loi fera en sorte qu'on déterminera des balises.

À mon avis, le profil de délinquant contre les biens est une chose, mais ce type de délinquant peut ne pas avoir un profil de délinquant qui soit susceptible de bénéficier d'une mesure plus souple. Je ne crois pas que ce mécanisme soit atténué par les propos de ma collègue. Je ne partage pas son avis à cause de l'article 62. Les ressources sont une chose et la façon d'appliquer la loi en est une autre.

La loi actuelle ne présentait pas de problèmes pour le Québec. Essentiellement, je ne pense pas que ce soit la même chose. Est-ce que cela se traduira par un durcissement des mesures de la part du Québec? On verra. Est-ce qu'il y aura un assouplissement par rapport aux autres provinces? On verra.

Ce sera intéressant s'il y a davantage de mesures extrajudiciaires. Il ne faut pas oublier les prérogatives positives et les programmes qui pourront être établis par le lieutenant-gouverneur en conseil en ce qui a trait à la discrétion du policier.

Les policiers ne sont pas du tout intéressés à exercer cette discrétion. Ils sont inquiets, ils ne se sentent pas à l'aise parce qu'ils ne sont pas habilités à savoir si quelque chose est important ou pas. Qu'arrivera-t-il avec les avertissements qui ne sont pas des sanctions? Qu'arrivera-t-il avec les programmes de mesures de rechange? Quelle sera la nature des programmes du lieutenant-gouverneur en conseil? C'est à vérifier. C'est à la discrétion du législateur et c'est une prérogative provinciale. Tout cela sera déterminant dans les choix que fera la province.

Il est à remarquer qu'on se dirige de plus en plus vers le profit adulte quant à la façon de traiter les délinquants adultes. Dans les conventions internationales, on affirme qu'un jeune en voie de développement doit être considéré de façon particulière. On maintient un système particulier pour adolescents, mais on a tendance à emprunter du système adulte pour l'appliquer aux adolescents. Voilà où le bât blesse.

[Traduction]

Mme Schurman: À titre indicatif, je précise qu'à mon avis, votre étude de l'article 62 du projet de loi ne saurait être complète s'il n'est pas tenu compte de l'article 72. En effet, à l'article 62, il est question des infractions désignées - les meurtres et les meurtres au deuxième degré. Dans le deuxième alinéa, il est question de toute infraction pour laquelle un adulte aurait pu être condamné à deux ans ou plus d'emprisonnement.

L'article 72 prévoit une audience durant laquelle le tribunal pour adolescents examinera toutes les circonstances et toutes les caractéristiques du contrevenant. Le pouvoir discrétionnaire se trouve à l'article 72 du projet de loi.

Le problème, c'est quand le fardeau de faire la demande repose sur les épaules de l'adolescent, une toute autre question. Le pouvoir discrétionnaire existe pour tout, sauf dans le cas de ces infractions désignées. Il faut le lire comme un tout.

Le premier paragraphe de l'article 62 dit que la peine «est» imposée, puis on insère le pouvoir discrétionnaire à l'alinéa b). C'est un peu trompeur.

[Français]

Mme Schurman: L'alinéa 62(b) vous réfère à l'alinéa 72(1)(b).

[Traduction]

La présidente: Vous faites allusion à l'alinéa 72(1)b) qui dit que le tribunal ordonne l'imposition de la peine applicable aux adultes s'il estime qu'une peine conforme aux principes et objectifs énoncés au sous-alinéa 3(1)b)(ii) et à l'article 38 ne serait pas d'une durée suffisante. Voilà où réside le pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Beaudoin: Cela ne change rien à ce qu'a dit Mme Brosseau.

Mme Schurman: Au paragraphe 72(1), on peut lire que le «tribunal pour adolescents tient compte de la gravité de l'infraction et des circonstances de sa perpétration et de l'âge, de la maturité, de la personnalité, des antécédents et des condamnations antérieures de l'adolescent». Voilà où s'exerce le pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Beaudoin: Mme Brosseau pourrait-elle nous parler à ce sujet? Y a-t-il un changement?

[Français]

Mme Brosseau: Selon moi, cela ne change pas. Les discours peuvent parfois être contradictoires et c'est la raison pour laquelle les tribunaux existent. Il ne s'agit pas ici de tenir un discours contradictoire mais à mon avis, cela ne changera strictement rien quant à l'approche possible de certaines provinces pour l'élaboration de programmes.

Le sénateur Andreychuck parlait tout à l'heure de la discrétion qui sera accordée au responsable de l'administration des peines et de la discrétion accordée à l'aspect social de la loi.

Il y a une discrétion judiciaire et aussi une très grande discrétion laissée au délégué de la Direction de la protection de la jeunesse qui, au Québec, voit à l'application des deux lois.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Le témoin a déjà abordé ma question suivante qui concerne la convention internationale et le régime qui se rapproche d'un régime pour adultes. C'est une question clé au sujet de la constitutionnalité du projet de loi et j'y reviendrai à un autre tour de table.

[Français]

Le sénateur Fraser: L'article 6 mentionne la discrétion des policiers. Vous craignez qu'un policier qui ne se sent pas habilité à poser un jugement correct, par prudence, penchera automatiquement vers le système judiciaire. Est-ce exact?

Mme Brosseau: D'après mon expérience et en vertu de l'article de la loi, le lieutenant-gouverneur en conseil peut prévoir un programme particulier pour les policiers et le procureur de la Couronne. Il y aura probablement un système établi par le lieutenent-gouverneur en conseil pour déterminer les règles du jeu des policiers dans ces circonstances.

Le sénateur Fraser: Cela concerne seulement les mises en garde mais le policier conserve quand même sa discrétion avec ou sans programme provincial.

Mme Brosseau: À l'heure actuelle, la discrétion, au niveau des sanctions extrajudiciaires, était toujours une responsabilité qui relevait du procureur général. Pour le Québec, elle relève du substitut du procureur général. C'est une discrétion qui ne changera pas, mais dans le cas des avertissements, les policiers ont manifesté beaucoup de crainte parce qu'ils doivent conserver des dossiers sur les mesures extrajudiciaires qu'ils ont prises parce qu'ils peuvent divulguer cette information.

Le fait que le lieutenant-gouverneur en conseil peut établir un programme les guidera davantage dans cette procédure. Mais en l'absence de programme, la discrétion qui n'est pas obligatoire peut difficilement être exécutable de la part des policiers parce qu'ils ont manifesté leur crainte à cet égard.

Le sénateur Fraser: J'ai trouvé que cela offrait beaucoup de protection pour les jeunes.

Mme Brosseau: Ce n'est pas une mauvaise disposition que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse avoir des règles généralisées pour l'ensemble de ce vaste territoire.

Le sénateur Fraser: Maintenant, en ce qui concerne la publication des noms des jeunes contrevenants, je lis dans votre résumé:

[Traduction]

Ce principe respecte l'esprit des règles internationales sur le respect de la vie privée des jeunes.

[Français]

Pourriez-vous élaborer sur ce sujet et aussi sur la distinction entre l'esprit et la lettre de ces règles quant à la signification de la loi internationale au sujet du respect de la vie privée? La liste d'exceptions est longue.

Mme Brosseau: Dans le projet de loi, on établit le principe de la confidentialité. Il y a une obligation générale à cet égard. Les gens qui reçoivent de l'information ne doivent pas la transmettre à d'autres. Mais il y a une liste exhaustive de personnes qui peuvent avoir accès à de l'information dans les dossiers. Sur ce plan, il n'y avait pas de discrimination entre le profil social du jeune versus les procédures purement judiciaires. On était un peu mal à l'aise avec cette définition parce que l'information peut être trop généralisée. L'information sera accessible à beaucoup de personnes, y compris les comités consultatifs qui, entre autres, représentent beaucoup de personnes. Au surplus, les gens auront accès à cette information pour différentes choses. C'est assez compliqué.

Le sénateur Fraser: Je ne connais pas le système de droit international à ce sujet.

Mme Brosseau: Il faudrait parler des Règles de Beijing.

Le sénateur Fraser: Un article de la convention des Nations Unies dit:

[Traduction]

Il faut respecter la vie privée à toutes les étapes de la procédure.

[Français]

Quand j'ai posé cette question à d'autres témoins de ce comité, on m'a répondu que cela ne voulait pas dire que le nom ne devait jamais être publié.

Mme Brosseau: Il s'agit des Règles de Beijing. On retrouve les règles 8.1 et 8.2 relatives à la publication. Elles s'ajoutent au soutien de la Convention relative des droits de l'enfant. Elles s'intitulent: «Protection de la vie privée»:

Le droit du mineur à la protection de sa vie privée doit être respecté à tous les stades afin d'éviter qu'il ne lui soit causé du tort par une publicité inutile et par la qualification pénale. En principe, aucune information pouvant conduire à l'identification d'un délinquant juvénile ne doit être publiée.

Aucune information donc.

Le sénateur Fraser: Et cela à n'importe quel moment?

Mme Brosseau: Dans le cas prévu, c'est l'identité des jeunes; dans le cas d'une peine spécifique, donc une peine juvénile, il n'y a pas d'identification. Dans le cas où un jeune est condamné à une peine adulte, le processus de renvoi est à la fin. Il peut y avoir identification du jeune au moment de la sentence sans que les délais d'appel ne soient écoulés. On avait demandé que les délais d'appel soient au moins écoulés, ou à défaut que le processus d'appel soit complété avant d'identifier le jeune même s'il était condamné à une peine adulte.

Le sénateur Fraser: Avec tous ces délais, vous pourriez accepter que le nom soit publié à la fin du processus?

Mme Brosseau: On s'est objecté à la divulgation de l'identité du jeune. On préfère qu'elle ne soit jamais connue. Si on part du principe qu'un jeune est soumis à des règles adultes, il faut appliquer toutes les règles adultes. Cela veut dire aussi l'identification du jeune. Mais dans le cas d'une peine spécifique, non, jamais. On ne peut pas refuser aux jeunes condamnés à une peine adulte l'accès au système de libération conditionnelle. Ce serai inéquitable. Le problème consiste à les traiter comme des adultes. C'est la source du problème.

[Traduction]

La présidente: Si je puis intervenir pour juste une minute, le nom de l'adolescent est cependant publié, actuellement, dans certaines circonstances, avant même qu'il soit jugé coupable. Le projet de loi ne représente-t-il pas une amélioration par rapport à cet égard?

[Français]

Mme Brosseau: Actuellement, c'est dans le système adulte. Selon le principe, à partir du moment où le jeune est condamné à une peine adulte, étant assimilé à une personne adulte, son identité peut être connue. Ces règles générales s'appliquent parce que les procès sont publics.

La justice doit être publique. Cela ajoute de la crédibilité et de la transparence à tout le processus judiciaire. Actuellement, le renvoi se fait au début, ce qui est une amélioration.

Le sénateur Nolin: Les questions de principe sont intéressantes, mais il s'agit toujours de voir comment ces opinions générales s'appliquent dans le menu détail des dispositions. Ce projet de loi est assez complexe.

J'aimerais poser une question sur l'article 146. Il en a été question dans le mémoire du Barreau canadien devant la Chambre des communes. Leur texte de ce matin est un peu atténué face à cette opinion. Le Barreau du Québec n'a pas émis d'opinion sur la fameuse déclaration.

Mme Brosseau: Dans le mémoire, on a pris note des améliorations faites. Par ailleurs, la position de nos membres reste inchangée.

Le sénateur Nolin: Vous vous opposez à tout changement, même technique?

Mme Brosseau: Il y a une grande controverse sur cette question de l'admissibilité. On fonctionne par consensus et on maintient le statu quo quant à notre position sur le projet de loi C-3 et sur le projet de loi C-7.

Le sénateur Nolin: Autrement dit, il s'agit d'une déclaration qui ne rencontre pas les critères prévus à l'article 146. Il faut que tous les critères soient remplis, pas simplement la déclaration volontaire, mais aussi le droit à l'avocat si le désir en était manifesté, sinon la déclaration est jugée inadmissible.

Mme Brosseau: Oui.

Le sénateur Nolin: Nous entendrons le juge Jasmin, qui a examiné tout le processus au Québec. Je présume que vous êtes d'accord avec le rapport de M. Jasmin sur les jeunes contrevenants.

Mme Brosseau: Oui.

Le sénateur Nolin: J'aurais une question à Mme Schurman concernant l'avis aux parents en vertu de l'article 11. C'est un petit détail. Vous le mentionniez dans votre mémoire devant la Chambre des communes. Vous semblez dire que si on ne rejoint pas les parents - l'agent est obligé d'aviser les parents - des mesures extrajudiciaires ne devraient pas être accordées aux jeunes. Advenant le cas où on ne puisse rejoindre les parents, même si on est convaincu que les mesures extrajudiciaire devraient s'appliquer, de ce fait, il ne devrait pas y avoir de mesures extrajudiciaires.

Mme Schurman: Ce serait préjudiciable pour le jeune.

Le sénateur Nolin: Je trouve cela aussi, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Schurman: Je vais vérifier. Je me suis posée la question à savoir si ce n'était pas un des articles qui avaient été amendés? Je ne suis pas certaine.

Le sénateur Nolin: Je vais citer l'article en question.

Mme Schurman: On est toujours d'avis qu'on ne doit pas retarder ou éliminer la possibilité de mesures alternatives simplement parce qu'on ne rejoint pas le parent.

Le sénateur Nolin: En anglais, le mot «shall» est toujours là, et en français, c'est le mot «doit». L'article dit ceci, et je cite:

La personne chargée de la mise en oeuvre du programme dans le cadre duquel il est fait recours à la sanction extrajudiciaire doit informer de la sanction le père ou la mère de l'adolescent qui en fait l'objet.

Mme Schurman: Si l'enfant n'est pas éligible parce qu'on ne rejoint pas le parent, c'est injuste envers le jeune. Notre position demeure la même.

Mme Brosseau: Ils ont remplacé l'agent de police, le procureur général, par...

Le sénateur Nolin: Par l'agent.

Mme Brosseau: Non, je veux dire qu'il y avait une instauration de certains programmes. Cela ne change rien spécifiquement. Cela devrait être intégré au programme.

Sachez qu'au Québec, on éprouve la même difficulté. Je travaille dans les deux systèmes, y compris la Loi sur la protection de la jeunesse. La difficulté liée à l'avis aux parents a également été soulevée. Pour régler la situation, on va faire tous les efforts possibles et raisonnables. Il est probable que les programmes optent pour ce genre d'attribut.

Le sénateur Nolin: Même si la loi prévoit le mot «doit»?

Mme Brosseau: C'est-à-dire qu'ils vont faire tout ce qui est possible et prévoir toutes les modalités pour rejoindre les parents. Je pense que le principe de ma collègue est correct, mais cela pourrait être intégré.

Le sénateur Nolin: Madame Brosseau, étant donné que vous pratiquez dans le domaine de la criminalité juvénile, j'aimerais vous entendre sur cette fiction selon laquelle la cour supérieure d'une division criminelle peut siéger en matière juvénile. Comment cela s'applique-t-il dans la vie de tous les jours lorsqu'un jeune est accusé de meurtre? C'est une fiction qui m'apparaît un peu irréaliste.

Mme Brosseau: Il y a quelques années déjà que j'ai quitté la pratique, mais par expérience et avec les connaissances transmises par mes collègues, je pourrais vraisemblablement répondre à votre question.

Actuellement, le juge va se déplacer au tribunal de la jeunesse où des salles ont déjà été prévues pour les procès avec juge et jury. À Montréal en tout cas, une salle est prévue pour les procès avec juge et jury. Le juge va se déplacer et il y restera tout au long du procès. Ce sera une autre mentalité, un autre type de juge. Je ne sais pas comment cela s'effectuera dans la réalité, mais les infrastructures sont déjà en place.

Le sénateur Nolin: En ce moment, comment cela s'applique-t-il?

Mme Brosseau: C'est le jeune qui va devant la cour pour adultes. Je pense sincèrement que le fait de laisser le jeune dans un environnement où il y a des jeunes de 18 ans et moins constitue une amélioration.

Le sénateur Nolin: Madame Schurman, quelle est l'expérience des autres provinces?

Mme Schurman: Les membres du Barreau canadien ont la même position quant à l'idée d'avoir un seul tribunal pour les jeunes, que ce soit devant jury ou non. Les juges connaissent cette matière, ils connaissent le milieu et les jeunes. On évitera ainsi qu'une personne soit transférée et se retrouve devant un juge qui n'a jamais devant lui un jeune de 16 ou 17 ans et qui n'est pas du tout conscient des particularités de l'esprit du jeune. C'est une très bonne idée d'avoir une seule structure.

Le sénateur Nolin: Ce ne sera pas un juge de la cour supérieure? Ce sera un juge qui va se déplacer?

Mme Brosseau: C'est exact.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: J'aimerais que nous parlions de certaines questions de fond d'un point de vue constitutionnel, mais tout d'abord je tiens à parler de cette idée de traiter des enfants de moins de 16 ans comme des criminels. Je pars du principe fondamental de droit dont fait état le Code criminel, soit que nul n'est censé ignorer la loi. Êtes-vous convaincue qu'un jeune de 14 ans ne devrait pas pouvoir invoquer son ignorance de la loi?

Laissez-moi vous donner des exemples. En vertu du Code criminel, comme vous le savez, il existe une procédure très précise relative aux arrestations, au mandat et à la communication de renseignements, toutes des étapes cruciales à franchir pour déclencher le processus pénal. C'était auparavant une infraction de common law et il pouvait y avoir des exceptions à la règle, mais notre Code criminel est clair. Sauf dans des circonstances très précises, nul n'est censé ignorer la loi.

Croyez-vous qu'on devrait placer l'unique fardeau sur les épaules d'un adolescent de 14 ans, tout comme on le ferait à celui de 17 ans? Ma question s'adresse à ceux d'entre vous qui appuyez le projet de loi à l'étude, avec lequel vous êtes toutes deux d'accord. Le Code criminel pèse de tout son poids.

Mme Schurman: Je réfléchis à votre question. Ce n'est pas un point auquel j'ai beaucoup réfléchi. Je le trouve intéressant.

Le sénateur Grafstein: C'est une question profonde qui va au coeur même du Code criminel. Je ne souhaite pas que vous répondiez à pied levé. Je vous demanderais d'abord d'y réfléchir, puis de nous répondre par écrit.

Mme Schurman: Je préfère cette façon de faire, car les collègues qui travaillent au sein de ce comité avec moi pourraient bien avoir des opinions divergentes au sujet de cette question profonde.

Le sénateur Grafstein: Pendant que vous y réfléchissez, voici une autre question au sujet de laquelle j'aimerais que vous fassiez une réflexion. Aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, il faut qu'il y ait un minimum d'intention criminelle, particulièrement lorsque cela s'applique à des enfants traités différemment aux termes de traités internationaux. Nous contournons le problème, dans les faits, en les assujettissant au Code criminel, de sorte que la norme minimale d'intention criminelle ne s'applique pas à l'adolescent de 14 ans, contrairement au jeune de 17 ans.

Vous connaissez la norme minimale de mens rea qui s'applique aux jeunes. L'intention criminelle n'est pas établie de la même façon chez les enfants que chez les adultes.

Le sénateur Pearson: Pour le bénéfice de ceux qui nous regardent peut-être à la télévision, pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par mens rea?

Le sénateur Grafstein: Le mens rea est la base du droit criminel, c'est-à-dire qu'une personne est réputée non coupable, à moins que la Couronne ne puisse prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'elle avait l'intention de commettre l'acte, ce qui signifie qu'elle comprend la nature et le déroulement de l'infraction. C'est limité. L'ignorance de la loi n'est pas un moyen de défense parce qu'il s'agit d'une infraction criminelle. On ne peut pas dire qu'on ne savait pas que c'était interdit. On est réputé avoir eu l'intention de commettre l'acte et la capacité d'avoir cette intention.

Je laisse à ces sages témoins le soin de mieux expliquer l'expression parce qu'elle va au coeur de la raison pour laquelle traduire des jeunes devant un tribunal pour adultes est si préoccupant et qu'on cherche tant à savoir où il faut tirer la ligne. Je crois que vous savez tous ce dont je parle. C'est une des pierres d'assise du Code criminel. Voilà qui met fin à nom discours philosophique. Passons maintenant à des situations plus concrètes.

Le sénateur Joyal: Cela fait partie de la question constitutionnelle.

Le sénateur Grafstein: C'est une question philosophique, mais elle fait aussi partie de la Charte.

Retournons à l'article 61 du projet de loi. Je me réjouis que le personnel m'ait rappelé cette question. Voilà 40 ans que je suis sorti de l'école de droit. Si je suis un peu rouillé, corrigez-moi. L'article 91.27 de la Constitution dispose que la loi criminelle est de compétence exclusivement fédérale. Quelqu'un en doute-t-il? Donc, la loi criminelle est de compétence exclusivement fédérale. Tous au pays le reconnaissent déjà. Ce principe est admis depuis 1867 dans toutes les régions du pays. Il n'y a pas de problème. Cela sous-entend que le pouvoir fédéral doit être le même partout au pays. L'administration de la justice aux termes de l'article 92.14 peut se faire différemment, mais il n'existe qu'une seule loi.

Maintenant, arrêtez-vous à l'article 61. Qu'est-ce que dit cet article? Aucun de vous n'en a parlé dans son mémoire. Je n'ai pas vérifié la transcription des délibérations, à la Chambre des communes. Vous y avez peut-être fait allusion là-bas.

Cet article ne représente-t-il pas une délégation de pouvoir ultra vires? Le gouvernement fédéral n'est-il pas en train de déléguer à un cabinet le pouvoir de décider s'il convient d'abaisser de 16 à 14 ans l'âge auquel s'applique le renvoi désigné au Canada, plutôt que de conserver ce pouvoir dans la sphère de compétence fédérale? La disposition n'est-elle pas ultra vires par rapport à l'article 91.27?

Mme Schurman: Nous ne nous sommes pas arrêtés à cette question. Nous avons débattu jusqu'à un certain point - ce dont ne fait pas état notre mémoire - de la question de savoir si cet article en particulier pourrait devenir source de problèmes, en ce sens qu'un jeune de 15 ans pourrait être traité comme un adulte dans une province alors que le jeune de 16 ans d'une autre province est traité comme un adolescent.

Le sénateur Grafstein: J'y viens dans un instant.

Mme Schurman: Nous nous sommes posé la question, mais nous n'en avons pas fait état dans notre mémoire.

Le sénateur Grafstein: C'est une toute autre question. C'est une question qui relève de la Charte, soit que tous sont égaux devant la loi. Il existe deux questions ici, sous la rubrique «Constitution». L'une concerne l'ancienne Constitution et l'autre, la nouvelle. Dans l'ancienne Constitution, il est très clair que le pouvoir fédéral était confirmé à l'article 91.27 et qu'à moins que les principes de droit n'aient changé, le gouvernement fédéral n'a pas le droit de déléguer son pouvoir en matière criminelle. Il est le seul à avoir ce pouvoir.

[Français]

Mme Brosseau: La question que vous posez au sujet de l'article 15(1) de la Charte sera, entre autres, traitée par la Cour d'appel.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: Je ne pose pas la question en rapport avec la Charte. Je le ferai dans un instant.

[Français]

Le sénateur Nolin: L'application uniforme de la loi.

Mme Brosseau: Oui, c'est exact, mais je viens de vous dire que c'est une des questions qui sera traitée.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: Si vous ne l'avez pas déjà fait, pourriez-vous y réfléchir et nous envoyer votre réponse?

Mme Schurman: Vous voulez savoir s'il s'agit d'une délégation ultra vires des pouvoirs en matière criminelle?

Le sénateur Grafstein: Cette disposition ouvre la voie à une application inégale du droit criminel au pays et elle confère le pouvoir aux provinces par opposition au gouvernement fédéral. Or, le droit criminel dit bien qu'il n'y a qu'une seule loi pour tous les Canadiens. C'est pourquoi le droit criminel relève exclusivement du gouvernement fédéral.

Cela étant dit, madame la présidente, les témoins nous répondront ultérieurement.

J'aimerais maintenant passer à l'autre question, qui est tout aussi pertinente mais un peu plus compliquée. Il s'agit de l'application du principe de l'égalité aux yeux de la loi, prévu dans la Charte.

Parlons de «mineur» plutôt que d'«adolescent». Si un mineur de moins de 16 ans peut être traité différemment selon la province, comment peut-on alors dire que la Charte est respectée?

Mme Schurman: Ce que nous avons constaté dans l'application de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, c'est qu'au cas par cas, les procureurs pourraient demander qu'une personne en particulier soit traitée comme un adulte. Je crois que j'aimerais répondre à votre question, parce que nous avons eu plusieurs de ce qu'on pourrait appeler échanges électroniques au sujet de cette question, une fois le projet de loi C-7 en vigueur. Il serait peut-être sage de vous répondre par écrit à ce sujet parce que c'est un véritable enjeu. La différence entre cela et la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle est que cela ne se fera pas au cas par cas. Chaque province le fera différemment.

De plus, étant donné que l'Association du Barreau canadien n'a pas pris position au sujet du renvoi à la Cour d'appel, je n'irai pas plus loin parce que cela aussi pourrait entrer en jeu.

Le sénateur Grafstein: Dans votre mémoire, votre première recommandation est que l'âge requis pour l'application d'un renvoi désigné ne soit abaissé en deçà de l'âge actuel de 16 ans. Savoir si c'est constitutionnel, social ou pratique est une autre paire de manches, mais en dernier recours, nous nous trouvons dans la même position, soit que si nous permettons en fait que ce nouveau code soit appliqué de manière inégale, nous ne donnons pas suite finalement à votre première recommandation. Manifestement, l'article 61 vous préoccupe. Il faisait l'objet de votre première recommandation.

Mme Schurman: C'est juste.

Le sénateur Grafstein: Parlons-en.

[Français]

Le sénateur Nolin: Madame Schurman, vous allez nous écrire. Et je ne voudrais pas, parce qu'il y a un renvoi devant la Cour d'appel du Québec, que vous n'osiez émettre votre opinion parce que cela pourrait servir devant les tribunaux du Québec.

Mme Schurman: Non, c'est certain, mais je ne peux pas vous donner une opinion personnelle aujourd'hui. Je vais vérifier l'opinion du Barreau canadien, pas la mienne.

Le sénateur Nolin:Je comprends. Je vous dis cela parce que vous avez fait allusion au fait qu'il y avait un renvoi devant la Cour d'appel du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord avec vous. C'est un fait que les tribunaux ne devraient pas nous empêcher d'émettre une opinion juridique - au contraire.

[Français]

Mme Schurman: Je veux dire que si le Barreau canadien prend position, ils prendront, par exemple, une certaine position devant la Cour d'appel, et il pourra être convenu qu'ils viennent vous en faire part.

Le sénateur Nolin: Oui, mais si vous décidiez, pour des raisons qui sont les vôtres, de ne pas intervenir devant les tribunaux du Québec, cela ne doit pas être un argument pour ne pas répondre à nos questions. Je voulais seulement que ce soit clair entre nous.

[Traduction]

La présidente: Le sénateur Grafstein a soulevé un point très important. Ce qu'il nous faut vraiment savoir au sujet de cette question, c'est si l'article 61 du projet de loi représente une délégation du pouvoir fédéral. La Cour suprême a déclaré que la délégation du pouvoir fédéral était inconstitutionnelle. Nous ne pouvons pas le faire.

Le sénateur Grafstein: Je reviens à votre première recommandation au sujet d'un point qui manifestement est source de préoccupation. Supposons que je suis dans le tort et que l'article 61 du projet de loi est constitutionnel - ce que je ne crois pas, d'un point de vue de justice pénale. En tenant compte du fait qu'un mineur est différent d'une personne majeure, vous avez clairement dit que la portée de l'article 61 du projet de loi, en termes de définition, est beaucoup trop vague, qu'elle inclut la conduite avec facultés affaiblies, le préjudice corporel, une bagarre entre adolescents dans une salle de classe ou sur un terrain de jeux; l'infraction devient un crime désigné, soit la négligence criminelle causant la mort.

À nouveau, le meurtre ne me pose pas de problème, pas plus que le kidnapping. Toutefois, le droit criminel fait sûrement preuve d'une grande sagesse en établissant des degrés de responsabilité pour les crimes graves. Ici, nous avons tout jeté par-dessus bord.

Plutôt que d'avoir des pouvoirs progressifs, nous avons décidé de conférer tous les pouvoirs au procureur général d'une province qui peut presque décider que tout est un crime grave. La portée n'est-elle pas trop grande et ne va-t-elle pas à l'encontre de la progression qui est prévue dans le Code criminel? Je parle des grands principes sur lesquels repose le Code criminel. Je me demande simplement ce que vous en pensez.

Mme Schurman: Je n'en suis pas sûre. Pour commencer, faites-vous allusion à l'article 62 du projet de loi?

Le sénateur Grafstein: Je me réfère à la page 9 de votre mémoire.

Mme Schurman: Du mémoire présenté à la Chambre des communes.

Le sénateur Grafstein: On peut y lire:

La conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, la conduite avec facultés affaiblies causant la mort, la négligence criminelle causant des lésions corporelles, la négligence criminelle causant la mort, l'agression sexuelle, les voies de fait graves, le vol, le kidnapping, la séquestration, l'extorsion de fonds, le vol par effraction et les infractions commises à l'aide d'armes sont toutes susceptibles d'entrer dans cette catégorie et faire, par conséquent, l'objet d'un renvoi désigné.

Voilà un pouvoir très vaste à l'égard de personnes mineures.

Cela nous ramène à nouveau à toute cette question d'intention, de l'intention criminelle qui selon moi est difficile à prouver. Si la portée est trop grande - et j'ai tendance à le croire -, comment limiter l'application des infractions désignées? Où faudrait-il tirer la ligne?

Mme Schurman: Notre grande difficulté, lorsque nous avons rédigé le mémoire, était la définition d'infractions graves avec violence. À l'époque, elle incluait plus que n'inclut actuellement la version modifiée. Les trois infractions nous posent un problème, même en présence de la nouvelle définition d'infractions graves avec violence. Nous ne croyons pas que le système devrait fonctionner ainsi.

La nouvelle définition limite certaines des infractions qui pourraient tomber dans cette catégorie. Nous ne sommes pas sûrs que le problème se trouve dans la définition. C'est peut-être tout le principe des trois infractions. Même si la définition est limitée - et ce mémoire reposait sur le texte avant sa modification -, nous continuons d'être mal à l'aise avec cet article parce que nous ne croyons pas que le système de justice pour les adolescents devrait avoir pour principe qu'après trois chances, il n'y a plus de salut.

Le sénateur Grafstein: Il serait utile que vous nous mettiez cela par écrit pour que nous puissions l'examiner. Il est difficile de traiter avec des principes. Veuillez nous dire où vous tracez la ligne de démarcation et comment.

Le sénateur Nolin: Nous avons devant nous un mémoire que l'Association du Barreau canadien a soumis à la Chambre des communes. Le projet de loi a été amendé depuis. Dans votre lettre, vous dites que certaines de vos recommandations sont différentes en raison de ces amendements. Pourriez-vous nous soumettre un texte précisant quelles recommandations vous souhaitez maintenir ou ne pas maintenir?

Mme Schurman: Volontiers.

La présidente: Je rappelle à mes collègues que les témoins sont venus comparaître ici à très brève échéance.

Le sénateur Grafstein: Nous leur demandons leur aide. Nous ne leur reprochons rien.

[Français]

Le sénateur Nolin: Vous êtes peut-être les témoins les plus importants que nous allons recevoir. Vous travaillerez avec la loi que le Parlement adoptera.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Mes questions s'adressent au Barreau du Québec. Je pose la première par simple curiosité et la seconde pour obtenir une précision.

Je suis intriguée par les statistiques qu'on nous a présentées au sujet du nombre de cas, du nombre de jeunes inculpés, et cetera. Y a-t-il une raison particulière qui explique pourquoi le Québec a renvoyé davantage de jeunes au système pour adultes que toute autre province, à l'exception du Manitoba, deux années de suite? Y a-t-il des circonstances spéciales, un incident où un groupe de jeunes aurait été impliqué, ou y a-t-il une autre explication?

[Français]

Mme Brosseau: Malheureusement, je ne pourrai pas vous répondre de façon claire à savoir combien de cas et comment ces cas ont été réglés. Un des cas qui me vient en tête est celui du jeune qui avait tué toute sa famille alors qu'il était en secondaire III ou IV. Je parle du jeune surnommé Martin, entre autres, mais c'est difficile de vous répondre. L'ampleur du délit en soi a été déterminante et le renvoi a été décidé. Ce cas n'est pas le seul, mais je n'ai pas vraiment vérifié cette question.

[Traduction]

M. Gervais: Je voudrais avoir une précision. Vous voulez savoir si un incident particulier s'est produit? Par exemple, si la participation d'une quinzaine de jeunes dans un incident pourrait expliquer la situation pour une année donnée? Est-ce là votre question?

Le sénateur Pearson: C'est arrivé deux années de suite.

M. Gervais: Vous voulez savoir s'il s'est produit quelque chose de particulier? Nous n'avons pas de réponse à cette question.

Le sénateur Pearson: D'après les statistiques, le Québec a invoqué la Loi sur les jeunes contrevenants pour renvoyer des jeunes au tribunal pour adultes plus souvent que d'autres provinces.

M. Gervais: Il n'y a pas d'incident spécial que je puisse invoquer pour expliquer cela. Il n'y a ni exemple, ni cas ou circonstance particulière mettant en cause un grand nombre de jeunes. Rien ne me vient à l'esprit.

Mme Schurman: Si cela peut vous être utile, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs de mes collègues qui ont ce que nous appelons «une pratique à grand débit» au tribunal pour adolescents. Je me souviens d'avoir été étonnée lorsque plusieurs d'entre eux m'ont dit que cela relevait du choix des adolescents. Un grand nombre d'adolescents qui sont tout près de la limite préfèrent les conditions auxquelles ils seront assujettis dans le système pour adultes. Il ne s'agit pas là d'audiences contestées. Apparemment, il y a un pourcentage élevé de demandes. Ce n'est que ouïe dire, mais je me souviens d'avoir été remise à ma place par un de mes collègues ayant une pratique à grand débit qui m'a dit qu'il n'y avait pas lieu de se plaindre. C'est le choix du client. Le fait que cette voie ait été choisie ou non - autrement dit s'agit-il d'audiences litigieuses? -, est un facteur dont il faut tenir compte. Je ne pense pas que ce soit le cas.

Le sénateur Pearson: Vous avez soulevé une question qui a déjà été évoquée dans le cadre de l'examen de la modification de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1995, soit que bien des cas, le traitement accordé aux jeunes dans le système pour adultes est meilleur que dans le système juvénile. Je pense que c'est un élément dont il faut tenir compte et qui devrait nous amener à nuancer notre réaction face à certaines choses.

Vous avez aussi dit quelque chose que je n'ai jamais entendu. D'après vous, en vertu de la nouvelle loi, il serait possible pour les compagnies d'assurance et les commerces... où trouverait-on une telle référence?

[Français]

Mme Brosseau: Je vais vous donner la disposition exacte, il s'agit de l'accès au dossier. Il est écrit clairement que les policiers peuvent donner de l'information aux compagnies d'assurance. À ce moment-là, les informations détenues par les compagnies d'assurance profiteront aux grandes surfaces. C'est l'article 125(4):

L'agent de la paix peut communiquer à une compagnie d'assurance les renseignements contenus dans un dossier tenu en application des articles 114 (dossiers des tribunaux) ou 115 (dossiers de police) [...]

Cela veut dire que même les mesures, mêmes les avertissements, et cetera, sont inclus là-dedans.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Dans le contexte d'une enquête d'une une réclamation, il y a l'étape de la communication. Je suis complètement perdue.

Le sénateur Grafstein: Cela concerne le vol ou les dommages à la propriété.

Le sénateur Fraser: Selon l'article proposé, un agent de la paix peut communiquer à une compagnie d'assurance des renseignements contenus dans un dossier pour l'investigation d'une réclamation découlant d'une infraction commise par l'adolescent. Autrement dit, cela s'inscrit dans le contexte de l'enquête menée par la compagnie d'assurance?

[Français]

Mme Brosseau: Non, dans le cadre d'une enquête policière.

Le sénateur Fraser: C'est pour l'investigation d'une réclamation découlant d'une infraction commise par l'adolescent?

Mme Brosseau: Oui. Il faut comprendre que le dossier du policier est à l'étape de l'enquête.

Le sénateur Fraser: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Je crois savoir que cet article existait déjà dans la Loi sur les jeunes contrevenants.

Le sénateur Fraser: J'essaie d'en comprendre la signification.

[Français]

Prenons l'exemple de quelqu'un qui a brisé ma fenêtre. Le policier peut par la suite aller dire à la compagnie d'assurances qui l'a brisée? Pourquoi a-t-elle besoin de savoir qui l'a fait?

Mme Brosseau: Parce qu'ils sont les subrogés dans les droits de la victime.

Le sénateur Nolin: L'argument du Barreau va plus loin. Du moment que cette information est dans les dossiers de la compagnie d'assurances, il n'y a rien dans la loi qui empêche sa divulgation. Est-ce exact?

Mme Brosseau: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Cela ne figurait pas dans la mesure; c'est donc une chose qui n'a pas changé.

Le sénateur Beaudoin: Êtes-vous en désaccord avec cela? Est-ce là position du Barreau du Québec?

Mme Brosseau: Oui.

La présidente: Cela aurait probablement rapport avec des accidents de voiture, alors?

Le sénateur Grafstein: Avec toute infraction contre les biens, mais ce n'est pas précisé. Il n'y a pas de restrictions.

M. Gervais: Cela pourrait être aussi pour des raisons personnelles, si quelqu'un est victime d'un préjudice quelconque.

La présidente: Cette disposition existe déjà.

Le sénateur Grafstein: Je pense qu'elle a été élargie. Il faut comparer les deux. Cette disposition m'apparaît plus vaste. Il ne s'agit même pas de crimes, mais d'allégations.

Mme Schurman: Je vous renvoie à l'article 44.2 de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, qui stipule:

44.2(2) Un agent de la paix peut communiquer à une compagnie d'assurance des renseignements contenus dans un dossier tenu en application de l'article 42 pour l'investigation d'une réclamation découlant d'une infraction commise par l'adolescent visé par le dossier ou qui lui est imputée.

La présidente: Le libellé est repris mot pour mot.

Mme Schurman: C'est ce qu'il semble bien. C'est sans doute pourquoi nous n'en avons pas parlé. Je me demandais pourquoi nous l'avions passé sous silence, et c'est sans doute parce que le libellé a été repris mot pour mot.

La présidente: Ce n'est pas une nouvelle disposition.

Le sénateur Pearson: Je voulais savoir s'il était nécessaire d'explorer davantage la question de la confidentialité.

Le sénateur Joyal: J'ai une question supplémentaire. Au sujet de la première question posée par le sénateur Pearson, nos témoins pourraient-ils nous fournir de plus amples explications en tenant compte de ce qui a été évoqué? Je pense que c'est un élément intéressant. Vous serait-il possible de nous fournir plus d'informations?

M. Gervais: Simplement pour m'en assurer, la question était la suivante: Y a-t-il une raison pour laquelle, au Québec, le nombre de renvois semble plus élevé?

Le sénateur Joyal: Au cours des deux dernières années.

La présidente: Cela se rapporte sans doute aux deux dernières années où des statistiques ont été rapportées.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Est-il possible d'avoir une réponse?

M. Gervais: C'est possible de regarder, je ne sais pas s'il y a des réponses.

Mme Brosseau: Il va falloir que je vérifie avec le ministère de la Justice et le procureur général pour voir s'il y a des motifs particuliers.

[Traduction]

Le sénateur Moore: Je veux revenir sur la question de la publication des noms soulevée par le sénateur Fraser. Hier, nous avons entendu des témoins du Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes. Selon eux, la collectivité a le droit de connaître l'identité des jeunes qui commettent des crimes graves. Ils préconisent même que leurs noms soient intégrés à la banque du Centre d'information de la police canadienne.

D'après le Barreau du Québec, il ne faut pas divulguer l'identité d'un jeune qui relève du système judiciaire pour les jeunes et cette position est conforme aux règles internationales relatives au respect de la vie privée des jeunes.

J'ai reçu ces mémoires juste avant de venir ici aujourd'hui. Je n'ai rien vu dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien à ce sujet. Cela m'a peut-être échappé. Quoi qu'il en soit, d'après les dirigeants du Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes, la publication des noms des contrevenants est importante car à leurs yeux, c'est un moyen d'assurer la transparence et la responsabilisation.

Je voudrais que les porte-parole des deux organismes que nous entendons aujourd'hui nous disent quelle est leur position à cet égard et de quelle façon ils perçoivent la transparence et la responsabilisation, deux facteurs mis de l'avant par les témoins du Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes.

Mme Schurman: Même si vous ne l'avez pas vu dans la documentation, j'y ai fait allusion tout à l'heure. Dans le régime de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, un agent de police ou certains groupes de parties intéressées peuvent demander au procureur général de divulguer ces renseignements s'il y a de bonnes raisons de croire que la sécurité d'une personne peut être menacée ou si la protection du public l'exige. À l'heure actuelle, la loi prévoit certains critères. L'Association du Barreau canadien estime que le cadre actuel est adéquat et que c'était là la meilleure façon d'aborder le problème car à ce moment-là, le pouvoir judiciaire discrétionnaire, auquel nous attachons énormément d'importance, entrerait en jeu au moment de décider s'il est nécessaire de rendre publique l'identité d'un jeune en particulier. Nous craignons que dans des circonstances extrêmement difficiles, des citoyens en colère s'en prennent à des jeunes. Nous ne voulons surtout pas que certaines dispositions fassent en sorte qu'il soit facile de dresser les listes de ces jeunes qui seraient alors stigmatisés pour le reste de leur vie, ce qui ne devrait sans doute pas arriver. Notre position est énoncée dans notre mémoire, mais je vais la réitérer: nous estimons que le système actuel assure une protection adéquate pour tous, pourvu que la lettre de la loi soit respectée.

[Français]

Mme Brosseau: Si je peux aider ma collègue, je vais lui rendre la pareille, il s'agit de l'article 44 de la Loi sur les jeunes contrevenants.

[Traduction]

La présidente: Je voudrais poser une question avant de passer au deuxième tour de table. Hier, nos deux témoins ont déclaré que cette mesure serait acceptable pourvu que nous puissions la réviser, pourvu qu'un examen ait lieu dans cinq ans. Cela atténuerait-il vos préoccupations à l'égard du projet de loi?

Mme Schurman: Nous avons vu cela dans le passé, avec la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle faisait l'objet d'un processus d'examen quinquennal. Ce n'est pas une mauvaise idée. Cependant, cela ne permettra sans doute pas de résoudre des problèmes fondamentaux si des sénateurs ou d'autres intervenants en arrivent à conclure que certains des problèmes soulevés par un côté ou l'autre ne sont pas fondamentaux. Un examen quinquennal ne permettra peut-être pas de corriger le tir. Cela dit, ce n'est pas une mauvaise idée car il y aura nécessairement de multiples problèmes mineurs auxquels personne d'entre nous n'a encore pensé qui feront surface au fil des ans et qu'il faudra régler.

[Français]

M. Gervais: Notre position ressemble à celle de ma collègue. Évidemment, personne n'est contre une révision après cinq ans, mais de quelle loi? Si c'est le projet de loi tel qu'il est, cela ne sert à rien, on vient de tourner en rond. Cependant s'il est amendé profondément et sérieusement comme le mentionnait le sénateur Beaudoin lors de sa première question, nous serions toujours intéressés à une révision de cinq ans.

J'ai souvent entendu des gens mentionner «the Quebec system». Il ne faut pas oublier que «the Quebec system» fonctionne selon un texte de loi fédéral. On a trouvé des aménagements dans un texte de loi. Ce n'est pas une loi différente. Nous avons adapté dans la loi fédérale les deux autres principes auxquels on a référé. L'application et les gens qui travaillent au principe font toute la différence du monde entre une justice pour les juvéniles et une justice pour les adultes.

[Traduction]

La présidente: Il est plus facile pour la province d'adapter cette mesure, n'est-ce pas?

M. Gervais: La mesure actuelle nous facilite les choses, mais pas celle dont nous sommes saisis.

Le sénateur Joyal: Si j'ai bien compris votre exposé, certaines de vos recommandations prennent en compte votre interprétation des instruments internationaux relatifs au statut de l'enfant. Vous avez mentionné la convention de l'enfant et les règles connexes.

[Français]

Avez-vous fait une étude générale des obligations qui découlent de l'application de ces dispositions dans le contexte du système particulier des jeunes contrevenants?

Mme Brosseau: Vous pourrez retrouver en détail dans notre mémoire ce qui a trait aux obligations. On a ressorti les obligations qui, à notre avis, ne correspondaient pas à celles où le Canada s'était engagé.

On ne l'a pas relevé de façon systématique. Cela pourrait être fait même avec le pacte relatif aux droits civils et politiques. On a fait un survol de la Convention internationale des obligations et des Règles de Beijing qui étaient spécifiques aux jeunes. S'il fallait faire ce profil, sur le plan du droit international, il faudrait être systématique, il faudrait aller davantage dans d'autres conventions pour faire une analyse comparative.

Le sénateur Joyal: Vous ne l'avez pas faite jusqu'à présent?

Mme Brosseau: Pas de façon aussi systématique, on s'est servi des dispositions de la Convention internationale des obligations et des Règles de Beijing.

Le sénateur Pearson: Je vais vérifier si le rapport de la province de Québec au Comité sur les droits des enfants mentionne des réserves.

Mme Brosseau: Il s'inspire beaucoup de notre rapport sur le projet de loi C-3 et qu'on reprend dans le projet de loi C-7. Les réserves sont indiquées avec les dispositions avec lesquelles on pense que le projet de loi faillit. Est-ce que l'objectif de votre question était d'obtenir un tableau comparatif entre les dispositions de la mise sous garde?

Le sénateur Joyal: L'ensemble de ce qu'on poursuit comme philosophie sur le plan de ces instrument internationaux par rapport à ce qu'on retrouve comme économie de système dans le projet de loi.

Mme Brosseau: On le fait en général. On a ressorti les dispositions qui étaient à notre avis en infraction avec les conventions internationales. On l'a fait de façon générale, mais nous n'avons pas fait de tableau comparatif. Cela peut se faire, mais vous nous donnez de nombreux devoirs. On voudrait juste savoir quand on aura à les rendre.

Le sénateur Fraser: Qu'est-ce que vous entendez par Règles de Beijing?

Mme Brosseau: Lorsqu'il y a eu des rencontres internationales, on a établi certaines règles spécifiques, par exemple, sur l'incarcération des jeunes et sur différents aspects qui touchaient particulièrement les jeunes. Ces règles ne sont pas exclusives aux jeunes. Dans ces réunions internationales, cela se faisait dans le cadre, par exemple, des rencontres de femmes.

Le sénateur Fraser: Ce sont des règles d'interprétation des conventions?

Mme Brosseau: Exactement.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: C'est une formule convenue. Ce n'est pas une convention.

[Français]

Mme Brosseau: Ce n'est pas la même teneur. Je pourrais vous faire un bref résumé.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Dans le même contexte, étant donné que les tribunaux canadiens devront examiner cette question, pensez-vous qu'il y a déjà eu une analyse comparative du système canadien de justice pour les jeunes et de celui d'autres démocraties occidentales? Il s'agirait évidemment de pays qui ont signé ou ratifié ces conventions internationales. Comme vous l'avez noté dans votre exposé, ce type d'analyse comparative est un élément très important si nous voulons nous assurer de respecter l'esprit de ces conventions.

D'ailleurs, ces conventions représentent plus qu'un assemblage d'articles divers. Elles concrétisent toute une philosophie. Il importe de faire en sorte que le Canada applique un système de justice pour les jeunes qui respecte les conventions internationales. Sur le plan national, nos efforts doivent refléter les grands objectifs que nous préconisons sur la scène internationale.

[Français]

Mme Brosseau: Votre question est très intéressante. On n'a pas fait cet exercice.

[Traduction]

Mme Schurman: Je suppose que cette information sur les études comparatives doit être disponible au ministère de la Justice.

Le sénateur Beaudoin: Peut-être à la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Pearson: En Amérique latine, la question ne se pose même pas car dans bien des cas, l'âge de la responsabilité pénale est 18 ans.

La présidente: Nous allons entendre des hauts fonctionnaires du ministère qui nous fourniront cette documentation.

Le sénateur Beaudoin: J'aimerais poser une question au témoin de l'Association du Barreau canadien. Quelqu'un s'est-il penché sur la constitutionnalité du projet de loi?

Mme Schurman: Mme Thomson, qui travaille au siège social de l'Association du Barreau canadien, m'informe qu'à l'heure actuelle, l'Association est en train de décider si elle demandera la qualité d'intervenant ou la possibilité d'intervenir d'une façon quelconque au renvoi à la Cour d'appel.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: La même question s'adresse au Barreau du Québec. Il y a un renvoi devant la Cour d'appel du Québec qui ira à la Cour suprême. Est-ce que le Barreau est en train de faire une étude à ce sujet? Est-ce constitutionnel ou non, et cetera?

M. Gervais: Pour ce qui est d'une étude empirique, je ne pourrais pas vous dire, mais certains éléments touchant les aspects constitutionnels ont été étudiés dans la présentation. Il n'y a pas eu de vue d'ensemble sur la loi relativement aux questions constitutionnelles.

[Traduction]

Le sénateur Grafstein: C'est un vieux débat. Il vous est familier, ainsi qu'aux autres membres du comité. Les préambules renfermant des énoncés de principe sont inutiles et contradictoires et qui plus est, ils servent davantage de planche à billets pour les avocats que de mécanisme contribuant à éclaircir la signification du projet de loi.

Dans les deux mémoires, on affirme la même chose. Le projet de loi ne se trouverait-il pas amélioré si l'on supprimait le préambule et les deux articles déclaratoires?

Mme Schurman: Ce n'est pas une question à laquelle nous pouvons répondre par écrit.

Le sénateur Grafstein: Vous avez dit toutes les deux que ces dispositions sont contradictoires, litigieuses, imprécises et contraires aux dispositions. Qu'ajoutent-t-elles, sinon de la confusion? Il n'y a pas de préambule dans le Code criminel.

M. Gervais: Sénateur, vos questions reprennent nos commentaires. En fait, il ne faut pas simplement lire le préambule et insérer des dispositions interprétatives, mais l'ensemble du projet de loi. C'est à vous de décider s'il y a lieu de le garder dans la mesure. Nous vous faisons part de nos commentaires quant à son utilité.

Le sénateur Grafstein: Pour plus de certitude, il serait plus simple de supprimer le préambule et la déclaration de principe.

Mme Schurman: C'est vrai, sauf dans les circonstances évoquées par M. Gervais ce matin. Dans des circonstances exceptionnelles, devant une question particulièrement nébuleuse, il est possible que les juges puissent s'y référer pour tenter d'en extraire la signification profonde. Peut-être qu'il ne semblera pas aussi contradictoire qu'il vous semble aujourd'hui et qu'il gagnera en clarté dans le contexte d'un problème spécifique.

La présidente: Je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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