Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 7 novembre 2001
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, auquel a été renvoyé le projet de loi S-34, Loi relative à la sanction royale des projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, se réunit aujourd'hui à 12 h 07 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum. Nous pouvons entamer nos travaux sur le projet de loi S-34. M. Aimers et M. Benoit ont tout deux témoigné plus d'une fois devant des comités du Sénat sur cette question. La longue histoire des projets de loi qui ont précédé celui-ci est bien connue au Sénat. C'est toutefois la première fois que nous sommes saisis d'un projet de loi émanant du gouvernement bien que, par le passé, le gouvernement au Sénat ait accepté le principe du projet de loi et en ait appuyé les versions précédentes en deuxième lecture.
Nous recevons aujourd'hui, de la Ligue monarchiste du Canada, M. John Aimers et M. Paul Benoit. Après leur exposé, nous entendrons le professeur David Smith, de l'Université de la Saskatchewan. Si le temps le permet, le sénateur Grafstein aimerait prendre la parole. C'est sans doute faire preuve d'optimisme que de penser que nous nous rendrons jusqu'à l'alinéa 1b) de notre ordre du jour, à savoir l'étude article par article du projet de loi. Sur ce, j'invite M. Aimers ou M. Benoit à faire leur exposé.
M. John Aimers, président du Dominion, Ligue monarchis te du Canada: Honorables sénateurs, je vous sais gré de cette occasion de comparaître devant votre comité. C'est un honneur tout particulier que de témoigner juste avant le professeur David Smith, dont les travaux à l'égard de la Couronne au Canada sont si innovateurs et appréciés. Comme je le lui ai dit il y a quelques instants, après leur lecture, je me demande de quel côté il se trouve vraiment. Ses ouvrages sont fascinants, et je m'en suis servi. Je respecte énormément le professeur Smith.
Je désire apporter deux petites corrections au mémoire qui a été remis aux sénateurs. J'ai attribué à tort à Michael Valpy la phrase «La monarchie est notre grand extincteur d'incendie national». Michael l'a répétée bien des fois, mais je crois comprendre qu'elle provient en fait d'un ouvrage du professeur Frank McKinnon intitulé The Crown in Canada.
Mon français ne s'est pas amélioré avec les années et, malheureusement, j'ai fait dire à la reine des mots qu'elle n'utilisera probablement jamais. J'ai utilisé la phrase «La reine ne veut pas» plutôt que «La reine s'avisera». Je m'en excuse. Je voulais apporter ces corrections dès le départ.
Le projet de loi S-34 comporte, d'après nous, des problèmes fondamentaux. Par-dessus tout, nous le considérons comme une proposition dénuée d'imagination qui porte atteinte à une procédure typiquement canadienne qui a évolué relativement à la sanction royale. Sa seule amélioration se situe sur le plan de l'efficacité. En suivant la même logique, je suppose que les lettres de créance des diplomates, que Son Excellence passe des heures innombrables à recevoir en personne de la part de chaque ambassadeur et de chaque haut-commissaire à Rideau Hall, pourraient lui être envoyées par la poste, et qu'elle y répondrait de la même manière. Par extension, cette logique nous amènerait à dire que nous pourrions présenter nos hommages au Canada par courrier ou avoir des députés et d'autres fonctionnaires prêter serment en privé ou y souscrire dans des documents qui seraient envoyés au bureau du greffier.
Il relègue le rôle de la Reine au Parlement à celui de secrétaire à Rideau Hall. Il dissimule une procédure qui a évolué au Canada. Il diminue la grande importance des symboles et des gestes contenus dans notre Constitution et notre compréhension de ce que nous sommes comme Canadiens. Par-dessus tout, il fait rater aux esprits créateurs au Parlement, à Rideau Hall et ailleurs, l'occasion de donner un nouveau souffle à la fierté, à l'éducation, aux réjouissances partagées, au sentiment d'accomplissement, au rapprochement et à la dignité.
Ce qui est encore plus important, il nous rappelle à tous qu'il existe au Canada, tant au sens légal que moral, d'autres sources de pouvoir que l'on puisse imaginer vu l'accroissement soutenu de pouvoir que nous avons constaté au niveau de l'exécutif politique, en particulier concentré au Cabinet du premier ministre, et qui a évolué au fil des décennies.
À une époque où, grâce au travail d'organisations aussi variées que la Société Radio-Canada, Historica et l'Institut du Dominion, nous assistons au retour du pendule et où nous acquérons tous une plus grande conscience des traditions et de l'histoire canadiennes, une connaissance du Canada qui ne repose pas sur l'émotion et les marques de patriotisme - aussi gratifiantes que soient ces pratiques de temps en temps - mais sur l'histoire, les faits, l'information et une meilleure compréhension de notre Constitu tion et de nos institutions.
Ce projet de loi va à contre-courant des progrès considérables accomplis à cet égard. Il est des plus importants que nous conservions certains éléments de l'actuelle cérémonie entourant la sanction royale et que nous en tirions parti de façon imaginative et créative, comme nous l'avons fait pour tant d'institutions typiquement canadiennes héritées de nos ancêtres parlementaires britanniques, parce que la reine est rarement vue en train de s'acquitter de gestes constitutionnels au Canada. Ce projet de loi cherche à fixer par statut ce que l'imagination et un vif respect pour une connaissance de nos institutions pourraient mieux modifier et améliorer.
Nous avons recommandé diverses améliorations à la pratique existante dans notre mémoire. L'octroi de la sanction royale sur une base régulière devrait être une priorité de la gouverneure générale. La cérémonie devrait être vue du public, qui devrait pouvoir y assister en personne ou par le truchement des médias. En fait, on pourrait accommoder le Parlement - et j'ai été frappé par les remarques du sénateur Grafstein à une récente séance de ce comité à cet égard - en programmant régulière ment des cérémonies de sanction royale immédiatement après les réunions du caucus national des partis. Cela leur conférerait un merveilleux symbolisme. On verrait, au coeur du Parlement, la dissidence, la partisanerie et la férocité des sentiments qui font partie naturellement et à bon droit de la vie parlementaire, suivies de tous les partis réunis au cours d'une cérémonie représentant l'unité - les choses qui ne changent pas, les choses qui ne sont pas soumises à la partisanerie et à la rancoeur mais, plutôt, celles sur lesquelles s'entendent tous les Canadiens. Comme les édifices de la Chambre et du Sénat sont dispersés, ce serait le plus grand avantage plutôt que le plus petit jusqu'à ce que le projet de reconstruction aille de l'avant.
Le projet de loi S-34 favorise le bien-être de la seule élite politique, et non pas celui du royaume, de ses institutions, de notre capacité de les adapter et de les moderniser, du peuple du Canada et de notre capacité indubitable d'influer sur les institutions qui font de nous des Canadiens et qui sont au coeur du processus législatif, dont l'aboutissement garantit qu'aucune majorité ne pourra jamais abuser de son pouvoir, au sens constitutionnel.
Il est ironique que nous discutions encore de cela en cette année du Jubilé où nous célébrerons tous ensemble les 50 ans du règne d'une femme remarquable. Que vous soyez monarchiste, républicain ou indifférent, nous devons tous convenir que, en 50 ans et plus de vie publique, la reine n'a jamais fait passer sa convenance personnelle en premier. C'est une créature et une esclave du devoir. La reine n'a jamais fait passer sa convenance personnelle en premier. Je dirais que ce projet de loi recherche la commodité, mais que, ce faisant, il menace de nombreuses initiatives positives que cette assemblée et d'autres qui tiennent les leviers du pouvoir à Ottawa pourraient prendre pour améliorer la sanction royale, sans accomplir rien de positif mais, plutôt, en portant atteinte et en menaçant la reconnaissance manifeste de la population et notre propre souvenir quotidien que tout pouvoir politique au Canada est prêté, qu'il n'existe pas de droit dans les mains de quiconque.
C'était un très bref résumé de ce que nous avons soumis par écrit plus en détail. Moi-même ainsi que M. Benoit serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Vous préconisez la perpétuation du symbolisme de la Couronne au Parlement, et c'est en fait à cela que revient la Constitution. Les parlements du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, pour en nommer trois, se sont éloignés de la pratique originale de 1867 que nous avons suivie au Canada pour la sanction royale.
Diriez-vous qu'ils ont affaibli le rôle joué par la Couronne avec leurs processus particuliers d'une forme plus exécutive de la sanction royale?
M. Aimers: Au Royaume-Uni, où le Président des Communes et le chancelier font rapport de la sanction, la situation est tout à fait différente parce que jour après jour, on voit la reine accomplir des actes constitutionnels et s'acquitter du rôle d'un monarque. Au Canada, nous avons la chance de pouvoir compter sur la gouverneure générale et les lieutenants-gouverneurs pour faire cela, mais on ne peut comparer leur rôle à la puissance et au symbolisme primaire de la reine qui s'acquitte de ces actes. Je dirais que si nous avons maintenu la pratique au Canada, c'est précisément parce que nous voulions que le processus législatif soit finalement considéré non pas comme un processus aboutis sant à la division, mais à l'unité. Dans mon mémoire, je décris en détail la nature réconciliante et festive des cérémonies qui pourraient être organisées.
Au Canada, nous ne suivons certainement pas servilement le modèle de Westminster pour bien d'autres de nos pratiques et divisions. Nous avons mis au point des pratiques canadiennes. J'estime important de maintenir la tradition.
Le président: Pensez-vous que nous pourrions accroître l'intérêt du public envers la cérémonie qui semble avoir été mise au point avec le temps? Comme vous le savez, elle est considérée si formaliste que ni les élites politiques, pour reprendre votre expression, ni les intellos, ne semblent beaucoup s'y intéresser ou à la formalité du pouvoir sous bien des formes. Qu'en pensez-vous?
M. Aimers: Votre analyse est juste, mais je crois qu'on devrait revoir certaines des propositions que le sénateur Grafstein, d'autres et nous avons formulées pour ce qui est de rendre la cérémonie visible et lui assurer un public. Tout d'abord, si nécessaire, on pourrait accroître la participation à la cérémonie en accommodant davantage les parlementaires, peut-être en la tenant après les réunions des caucus nationaux. Rideau Hall a fait quelque chose de semblable en rendant les cérémonies très ordinaires d'acceptation des lettres de créance des ambassadeurs étrangers et des hauts-commissaires plus accessibles à un segment plus grand de la population en y invitant des écoliers. Il existe des publics spontanés à Ottawa qu'on pourrait, avec du temps et de la planification, amener à participer en personne et par le truchement des médias, surtout que nous avons actuellement une gouverneure générale qui s'avère être une excellente communicatrice, et qui est très désireuse d'adapter son rôle aux réalités de ce nouveau millénaire et de ce nouveau siècle. Il existe chez tous ces individus et ces institutions une faculté d'en arriver à un tout attrayant.
En l'appelant ainsi, je ne veux pas me montrer irrespectueux. Ça ne prendrait que 15 ou 20 minutes pour faire apprécier une de nos institutions, la Couronne au Parlement - c'est plutôt fondamental, comme vous l'avez fait observer, à nos yeux à tous - sans en faire une cérémonie stérile tenue à 4 heures le jeudi après-midi. Cela pourrait être fait sans statut, par le biais des voies normales.
M. Paul Benoit, vice-président du Dominion, Ligue monar chiste du Canada: Si vous me le permettez, sénateurs, j'aimerais ajouter que, d'après mon expérience au Sénat, une petite clientèle s'intéressait en fait à la cérémonie de la sanction royale. Elle se composait de deux groupes très différents. L'un d'entre eux était les Autochtones. J'ai été frappé de constater que chaque fois qu'une mesure concernant les Autochtones franchissait les différentes étapes aux chambres, on s'intéressait à cette dernière cérémonie. On m'appelait, comme le greffier à cette époque, pour déterminer quand l'événement aurait lieu. Ils voulaient y assister. La cérémonie comportait un aspect théâtral qui était encore très frappant et vivant pour eux.
L'autre groupe se composait de nos fonctionnaires souvent diffamés, qui peuvent passer des années à travailler sur une mesure législative donnée. C'est l'aboutissement de beaucoup de travail et de réunions, pour lequel ils n'obtiennent pas beaucoup de crédit. Cette cérémonie ferme le dossier pour eux d'une façon significative. La mesure peut ne même pas être controversée, elle peut être courante, mais il y ont mis beaucoup de travail.
Tout à l'honneur du Président du Sénat, il arrivait parfois que certains de ces fonctionnaires soient invités à des cérémonies entourant la sanction royale. C'était apprécié et cela constituait une charmante façon de terminer un processus qui aurait pu autrement être davantage controversé, politique ou partisan.
Le président: Concernant la législation nisga'a, je conviens avec vous que la communauté nisga'a a apprécié la cérémonie de sanction royale et la présence de la gouverneure générale. C'est là un exemple récent de gens qui ont reconnu que dans certaines circonstances la cérémonie est dès plus appropriées et méritées.
Je vais poursuivre avec ma dernière question, seulement pour que soit consigné au compte rendu votre avis sur ce que j'appellerai, pour faciliter la consultation, la forme exécutive de la sanction royale. Je crois comprendre que vous la considérez comme quelque chose à laquelle il ne faudrait recourir que dans des circonstances spéciales et limitées. Ai-je raison?
M. Aimers: Tout à fait, sénateur. Je crois qu'elle confère à la cérémonie une invisibilité encore plus grande qu'à l'heure actuelle, qu'il y aurait en effet des circonstances très particulières dans lesquelles on l'utiliserait, si je comprends ce que vous appelez la forme exécutive.
Le président: Oui. C'est la forme de sanction royale octroyée par avis annoncé par les deux Présidents des Chambresrespectives.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Le projet de loi S-34 n'abolit pas la cérémonie de la sanction royale, mais propose une formule un peu différente qui restreindra peut-être la cérémonie. Pour ma part, cela me laisse indifférent. Je crois au symbole et comme vous, je pense que c'est une tradition. Malheureusement, nous ne sommes pas de bons communicateurs. Les sénateurs siègent en privé et non en public où la population serait au plan des communications à la radiodiffusion et à la télédiffusion. À l'occasion et ce, très rarement, les comités du Sénat sont télédiffusés.
Aujourd'hui, le CRTC a rendu une décision sur le grand besoin d'établir un réseau national de télédiffusion des séances parlemen taires de la Chambre des communes. Il n'est pas question du Sénat. On a été exclu. Je vous rappelle qu'actuellement, la cérémonie de la sanction royale commence au Sénat en privé et se poursuit à la Chambre des communes, où elle est télédiffusée. Le huissier du Bâton noir invite les députés à venir au Sénat, ce qu'ils font à l'occasion, mais en très petit nombre. À ce moment, c'est encore en vase clos, c'est-à-dire que ce n'est pas télédiffusé. La Gouverneure générale ne vient que rarement. Elle est venue dernièrement parce que les juges ne voulaient pas venir. C'était un peu symbolique, mais elle est venue. Cela se fait à huis clos au sens communications télévisuelles et autres.
Si cette cérémonie était tenue publiquement, on pourrait revenir à l'essentiel, c'est-à-dire faire connaître aux Canadiens ce que le Sénat, ce que le Parlement a à faire lorsqu'il approuve un projet de loi. Le numéro d'identification d'un projet de loi n'explicite pas ce qu'est le projet de loi en question, alors les gens ne s'y intéressent pas. Plusieurs députés ne viennent pas à la cérémonie de la sanction royale parce qu'ils ne la comprennent pas. Il serait peut-être nécessaire de rendre la cérémonie plus visible avant de l'abolir afin que les Canadiens puissent se prononcer à savoir s'ils l'aiment ou pas.
La période de questions est télédiffusée actuellement et est très populaire. CPAC a investi 40 millions de dollars depuis sept ou huit ans afin de pouvoir retransmettre aux Canadiens la période de questions de la Chambre des communes. Après cela, l'indice d'écoute tombe à pratiquement rien. Les débats parlementaires, selon la formule actuelle, ce n'est pas du théâtre, ni du cinéma, ni même de la bonne télévision.
Le Sénat aurait peut-être avantage à rentabiliser la sanction royale plutôt que de l'abolir ou de la réduire. Il devrait en faire une cérémonie entièrement publique et expliquée par des autorités ou des gens non partisans, qui expliqueraient aux Canadiens la cérémonie de la sanction royale qui donne le consentement de la reine à tel ou tel projet de loi pour en faire une loi.
Je n'ai pas lu votre mémoire au complet, mais j'ai écouté vos remarques. Vous avez dit que la cérémonie devrait être plus visible. Est-ce bien ce que vous voulez dire, c'est-à-dire qu'elle soit télédiffusée et expliquée pour être mieux comprise et probablement plus appréciée?
M. Aimers: Vous avez bien compris notre présentation. On a toujours dit que, pour les différents sujets qui touchent la monarchie, il était essentiel d'avoir une bonne compréhension. Trop souvent, notre compréhension ou pseudo-compréhension des institutions et de notre vie nationale se fait sur la base de rumeurs ou de faits mal compris. Nous sommes convaincus que, si cette cérémonie - comme les autres aspects de la monarchie au Canada - étaient enseignés, visibles, et ouverts, les Canadiens pourraient ensuite prendre une décision basée sur l'intellect et non pas sur les émotions.
Le sénateur Gauthier: Le sénateur Grafstein nous a rappelé dernièrement que le Gouverneur général a trois fonctions importantes. La sanction royale en est une, mais il vient rarement et je ne comprends pas pourquoi. Pourtant, Rideau Hall n'est à peine qu'à deux ou trois kilomètres d'ici. Comme l'a suggéré le sénateur Grafstein, peut-être la cérémonie devrait-elle se tenir régulièrement à telle heure ou tel jour, pour une période d'essai, afin de voir si ce ne serait pas une meilleure solution. Je crois au symbole et je pense que c'est important.
M. Benoit: C'est dommage que le Sénat n'ait pas son propre réseau CPAC. Il y a environ 150 chaînes disponibles, alors il pourrait y avoir au moins deux ou trois réseaux entièrement voués aux affaires publiques et aux affaires de la colline parlementaire, si ce n'est pas trop demander. Vous auriez alors l'occasion de faire mieux connaître l'excellent travail qui se fait ici. En fait de cote de popularité, il faut faire attention. Souvent, il s'agit de rendre disponible, accessible et transparent ce qui se passe ici. C'est ce qui compte pour que des jeunes, n'importe où au pays, puissent voir ce qui se passe au Parlement, et non pas le nombre de personnes qui regardent une session en particulier.
[Traduction]
Le sénateur Joyal: Je ne dirais pas que je me sens mal à l'aise, mais il me semble que les Canadiens en général sont d'avis que nous essayons aujourd'hui d'étudier une situation qui est la manifestation d'un problème beaucoup plus profond. Les auteurs d'ouvrages sur le système politique canadien semblent être d'avis que la monarchie constitutionnelle est quelque chose dont ils préfèrent se dissocier. Ils préfèrent mettre la Constitution d'un côté et la monarchie de l'autre.
Je n'entends certainement pas vous faire un exposé là-dessus, mais dans l'esprit de beaucoup de gens, la monarchie est considérée comme un vestige du passé colonial. Nous avons regagné notre pleine souveraineté pour finalement être les maîtres de notre propre Constitution. Le processus naturel voudrait que nous atteignions le stage d'évolution où nous gouvernerions seulement avec la Constitution et non plus avec la monarchie.
J'ai réfléchi à cette situation et je reconnais qu'aujourd'hui nous essayons de trouver des accommodements. Je suis mal à l'aise face à ce projet de loi parce qu'il consacre la faiblesse du système, la faiblesse de l'incompréhension. Nous sommes maintenant amenés à légiférer là-dessus parce que nous savons que la Gouverneure générale n'assiste pas de façon régulière aux cérémonies de la sanction royale. Je ne pointe pas du doigt l'actuelle Gouverneure générale. Ce serait injuste et ce n'est pas dans ma façon de faire. La Gouverneure générale ne semble pas attacher beaucoup d'importance ou de priorité, comme vous l'avez dit, au principe de la reine au Parlement. À mes yeux, c'est la fonction la plus importante car elle englobe la souveraineté de la nation dans la fonction la plus importante de la souveraineté, que sont les lois.
Je siège au Sénat depuis quatre ans maintenant; j'ai passé quatre ans à la Chambre des communes. J'ai vu les juges de la Cour suprême assister à des cérémonies de la sanction royale. Si nous adoptions telles quelles les propositions du sénateur Grafstein, nous accorderions de la visibilité à la cérémonie sans, en même temps, nous attendre réellement à ce que la Gouverneu re générale y assiste, et nous consacrerions le système qui, à notre avis, ne convient pas. Pourquoi? La reine au Parlement n'est pas la justice au Parlement.
Comme vous l'avez dit clairement, nous n'avons pas retenu le modèle de la Chambre des lords parce que les juges, ici, ne sont pas membres du Sénat comme les juges britanniques sont membres de la Chambre des lords. Nous disposons maintenant de nos propres institutions.
J'utilise cette expression en toute déférence envers le sénateur Grafstein, mais nous enchâsserions quelque chose qui n'est pas catholique sur le plan des principes. Ce n'est pas respectueux. Il existe un rôle pour le corps législatif, et il en existe un pour le judiciaire. Nous donnerions de la visibilité à une impression que le juge vient ici expliquer qu'il est le dépositaire de la continuité de la nation et du principe organique de la nation. Je suis désolé, mais le judiciaire n'est pas le principe organique des institutions de notre nation.
Quand je regarde le projet de loi, je me dis que si nous voulons conserver une visibilité, ce doit être avec le pouvoir constitution nel qu'incarne le Gouverneur général. Autrement dit, il faut choisir. Si nous voulons revoir cette procédure, nous devons nous pencher sur la situation fondamentale, à savoir qu'au cours des ans, nous n'avons pas vu le gouverneur général assumer de façon visible ce rôle constitutionnel ou expliquer aux Canadiens le rôle législatif de sa charge. C'est comme si le pouvoir constitutionnel demeure toujours...
[Français]
... en deça de sa responsabilité. Parfois j'ai presque l'impression que la Gouverneure générale est gênée de dire qu'elle a une responsabilité législative et qu'elle l'assume au nom de tous les Canadiens. Il y a à la fois une sorte de laissez-faire de la tradition comme dit le projet de loi ...
[Traduction]
...l a façon traditionnelle de faire les choses...
[Français]
... qui a amené les juges de la Cour suprême a assumer presque la totalité de la fonction. Ce n'est qu'exceptionnellement que la Gouverneure générale vient au Sénat participer à la cérémonie. En même temps, les représentants de la Couronne canadienne n'ont pas eux-mêmes expliqué le principe.
[Traduction]
... qu'ils incarnent dans leur rôle. La question est en suspens, mais personne ne semble vouloir y toucher.
Ce projet de loi est important. Comme l'ont dit le sénateur Gauthier et d'autres, nous avons parlé de symboles, et on ne peut pas les traiter de la même façon que si on décidait où mettre le bureau d'un service en particulier. C'est plus fondamental que cela.
Comme pays, à court terme, nous ne nous sommes pas engagés à changer la monarchie constitutionnelle au Canada. Ça ne semble pas être prévu dans un avenir prochain. Réglons la situation. Il peut exister des circonstances exceptionnelles où la sanction royale doit être octroyée à la chambre. Il pourrait s'agir d'une urgence, de grèves, ou de quelque chose d'imprévu. Le système a besoin de souplesse. Il faut cependant bien comprendre les principes.
Dans ce cas-ci, je ne suis pas certain que nous ayons corrigé les faiblesses que nous constatons jour après jour quand nous octroyons la sanction royale. C'est comme si cela nous gênait, et la majorité des gens qui participent à la cérémonie ne comprennent même pas ce qu'ils font et de quoi il retourne. Ce n'est pas leur responsabilité.
Collectivement, nous avons évité de comprendre le principe de la monarchie constitutionnelle. Nous l'avons assimilé à la personne de Sa Majesté. C'est la monarchie, donc, c'est la reine. Comme vous l'avez dit, la reine est irréprochable. Cependant, nous n'arrivons pas à comprendre qu'il existe une distinction entre la personne de la reine et notre système, qui nous a donné la liberté et la capacité d'élaborer le système que nous avons. Comment concilier cela dans un projet de loi?
M. Aimers: À notre avis, ce projet de loi va élargir ce fossé de la compréhension ou du manque fondamental de reconnaissance de la façon dont nous en sommes arrivés à être une monarchie constitutionnelle, de la façon qu'elle a évolué de façon différente au Canada - de façon très différente des autres royaumes du Commonwealth - et de la raison pour laquelle il est important que la Reine et le Parlement, la Couronne et le Parlement, tous deux étant l'expression morale et juridique de ce que nous sommes, soient proclamés et célébrés plutôt que, comme vous l'avez dit, dissimulés. La gouverneure générale actuelle a accordé la sanction royale à deux reprises en personne au cours des deux ans et demi de son mandat, et je crois que M. LeBlanc a fait approximativement la même chose à la même fréquence.
Je me rappelle avoir assisté à une séance du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui étudiait un projet de loi du sénateur Lynch-Staunton, écoutant sénateur après sénateur dire: «Pourquoi le gouverneur général ne vient-il pas plus souvent sur la colline octroyer la sanction?» Ce qu'il y a d'étonnant cette fois-ci, c'est que le projet de loi dont vous êtes saisis est un projet de loi qui émane du gouvernement. Ce n'est pas une initiative parlementaire.
La Constitution oblige le Gouverneur général à assumer un rôle reposant sur des avis. Les conseillers constitutionnels de Son Excellence, c'est-à-dire le gouvernement du jour démocratique ment élu, semblent donner ici à Son Excellence un avis très clair selon lequel ils ne tiennent pas à sa présence ni à une explicitation de sa fonction et de son rôle, de notre Constitution, de la Couronne et du Parlement et de la Couronne et du pays. Ce serait là pour moi un message très peu rassurant si j'étais un responsable à Rideau Hall ou à une section quelconque des Opérations gouvernementales au Bureau du Conseil privé. J'y verrais une manifestation concrète du désir de minimiser et de dissimuler encore une autre activité des plus fondamentales de la Couronne au Canada. Voilà ce que j'en déduirais. J'ignore ce que l'on peut faire pour prévenir à une telle situation.
Le sénateur Stratton: Je vous remercie d'être venus témoi gner. Examinons justement ce qu'il conviendrait de faire. Selon moi, ce n'est qu'en convainquant les Canadiens du bien-fondé de cette position que nous pouvons espérer réaliser concrètement ce que vous recherchez. Selon moi, ce n'est pas en adoptant une loi du Parlement que l'on y parviendra. À mon avis, c'est peine perdue si l'on ne rend pas la chose plus attrayante pour les Canadiens, si l'on n'éveille pas leur intérêt et si l'on ne rend pas la participation du Gouverneur général plus intéressante.
Quelles mesures faudrait-il prendre? J'ai glané ici et là des brides de mesures que l'on pourrait prendre, mais comment voyez-vous personnellement le déroulement de cette cérémonie pour qu'elle soit plus attrayante pour les Canadiens et plus attrayante pour le Gouverneur général de manière à assurer sa présence?
M. Aimers: Vous trouverez la réponse à cela dans notre mémoire, monsieur le sénateur. Il y est question de la participation des médias. Le fait qu'ils soient là suffit ordinaire ment pour attirer des personnes chargées précisément de communiquer efficacement les positions qu'elles adoptent. C'est une voie de communication que les Gouverneurs généraux n'ont certainement pas hésité à exploiter au fil des ans.
Le sénateur Stratton: Pourquoi les médias voudraient-ils être présents?
M. Aimers: La chaîne parlementaire CPAC couvrirait ces événements. D'après ce que j'ai pu voir au fil des ans de la navigation sur les chaînes de télévision, qui sont toujours omniprésentes, cela m'étonne toujours, chaque fois que je participe à une émission assez obscure diffusée sur la chaîne parlementaire, de voir le nombre de gens qui viennent me voir pour me dire: «Je vous ai vu hier soir à la télévision.» Ces émissions attirent parfois un nombre de téléspectateurs plus élevé que les actualités nationales.
Le sénateur Stratton: On peut regarder ces émissions à 5 h 30 le matin.
M. Aimers: Il faudrait bien sûr une stratégie concertée. Le sénateur Joyal a abordé la question de la personne qui se chargerait de conseiller officiellement Son Excellence, si ce n'est pas le premier ministre ou le gouvernement du jour, en disant: «Monsieur/Madame, c'est important. Il faut en faire une priorité. Il faut y réserver une place dans votre emploi du temps. Ces événements seront tenus régulièrement afin que d'autres interve nants puissent y participer et nous vous en informerons à l'avance, mais nous tenons à votre présence, Votre Excellence.» Je ne saurais vous dire exactement ce qu'il faut faire pour qu'une telle situation se concrétise, mais ce serait sans doute un début si les gens pouvaient lire à propos de ces cérémonies ou les regarder et comprendre ainsi ce que vous voulez faire.
M. Benoit: Il y a un lien entre la cérémonie de la sanction royale et le discours du Trône. Ce dernier recèle un élément de solution, car c'est un événement ou une cérémonie qui a évolué au fil des ans en fonction du style du titulaire de la charge et de sa capacité de se sentir à l'aise lorsqu'il y a une présence militaire ou lorsque c'est surtout une présence civile, ou encore lorsqu'il y a de la musique. Ce sont tous des facteurs qui interviennent dans le déroulement d'une cérémonie. En laissant libre cours à son imagination et à son goût du spectacle, on peut utilement se représenter ces deux événements comme étant des appuie-livres, la sanction royale se trouvant à un bout et le discours du Trône, à l'autre bout. Si l'on touche à l'un des appuie-livres en adoptant une initiative législative comme celle-ci, l'on touche aussi à l'autre appuie-livres. C'est ce qui se produira à un moment donné. Essayez de vous représenter ces deux choses comme une paire, comme des appuie-livres soutenant notre cadre constitutionnel.
Le sénateur Stratton: Si on en fait un spectacle, qui en assumera la responsabilité? C'est ce dont il est question ici: en faire un spectacle, rendre l'événement attrayant aux citoyens et attrayant au gouverneur général pour assurer leur participation. Si elle participe, elle veut être certaine qu'il y aura là une audience et pas simplement quatre personnes assises là qui s'ennuient à mort.
M. Aimers: Ce sont vous les parlementaires qui devez mettre cela en place, parce que c'est une cérémonie qui se déroule dans l'enceinte du Parlement du Canada.
Le président: Nous vous remercions de vos observations.
Monsieur Smith, je vous prie de nous présenter votre exposé.
M. David Smith, professeur, Université de la Saskatchewan: Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole à propos du projet de loi S-34. Je m'excuse de n'avoir pu vous fournir mes observations écrites qu'aujourd'hui seulement.
Ce week-end-ci, il y a eu à l'Université de la Saskatchewan une conférence sur les hauts fonctionnaires du Parlement. Quatre des cinq hauts fonctionnaires étaient présents. Le commissaire à la protection de la vie privée a refusé de participer. Nous avons eu le plaisir d'accueillir cependant le commissaire à l'information, le commissaire aux langues officielles, le directeur général des élections et le vérificateur général. Ce fut une conférence formidable. Elle fera l'objet d'un livre. À ma connaissance, c'est la première fois qu'il y avait une telle étude des hauts fonctionnaires du Parlement.
Je suppose que si vous m'avez invité, c'est parce que j'ai publié des choses à propos de la Couronne. Je suppose que l'on se dit que ce projet de loi est un sujet auquel je m'intéresse et que je connais bien. C'est vrai jusqu'à un certain point. La procédure de la sanction royale est un sujet d'étude pour moi, mais même dans mon cas, j'ai éprouvé de la difficulté à réunir la documentation qu'il me fallait pour faire ma recherche. Ceux qui étudient le gouvernement du Canada ont certainement de la difficulté à trouver un ouvrage qui aborde ce sujet un peu en profondeur.
Une telle lacune suffit-elle à nous convaincre qu'il faut modifier la procédure actuelle du Parlement du Canada? Sans doute que oui, mais en quel sens? Est-ce pour en réduire ou en rehausser la présence en tant qu'élément essentiel de l'établisse ment des lois?
Les partisans du changement préconisent une procédure de rechange pour l'octroi de la sanction royale. La procédure traditionnelle revêt avant tout un caractère personnel. La sanction est accordée par un juge de la Cour suprême du Canada agissant à titre de suppléant du Gouverneur général. La procédure de rechange proposée dans le projet de loi S-34 revêt surtout un caractère impersonnel; la sanction peut être accordée au moyen d'une déclaration écrite.
Nous avons déjà entendu à maintes reprises les arguments en faveur du changement et je m'abstiendrai de les répéter. Disons simplement qu'ils sont de deux ordres. Premièrement, il y a ceux qui visent à augmenter l'efficacité en général parce que, prétend-t-on, le moment de la cérémonie traditionnelle de la sanction royale est mal choisi, la participation laisse à désirer, et un fardeau supplémentaire est imposé aux juges. On argue en général que l'octroi de la sanction royale doit se faire avec à la fois plus de célérité et plus de pragmatisme.
Quant au second groupe d'arguments, on pourrait dire qu'ils découlent de certaines conclusions théoriques à propos du statu quo, selon lesquelles la cérémonie actuelle de la sanction royale est insignifiante, est une routine, une formalité vide de sens, et elle crée l'indifférence.
Il y a un troisième groupe d'arguments que l'on pourrait appeler l'influence de l'exemple comparative. Dans aucun autre régime politique semblable à celui du Canada voit-on une telle procédure de sanction royale. En Grande-Bretagne, on y a mis fin en 1967, alors que ça faisait plus de 100 ans que le souverain n'avait pas accordé la sanction royale en personne. La sanction était communiquée au Parlement par la commission royale. La méthode de la commission royale est encore possible, mais la procédure courante est la signature par la reine de lettres patentes octroyant la sanction royale, cette sanction royale étant signifiée à chacune des Chambres du Parlement.
En Australie, la sanction royale a toujours été octroyée au moyen d'une déclaration écrite. En passant, l'influence de l'exemple comparative est contestable. Il y a longtemps,dans un autre contexte, Sir Joseph Pope, le biographe deJohn A. Macdonald, a affirmé que l'exemple de l'Australie n'est pas un exemple. Au fait, si on tient à un précédent, il y a une autre disposition constitutionnelle en Australie, l'article 62, qu'il conviendrait de retenir. Elle crée un conseil exécutif fédéral, l'équivalent de notre Conseil privé, chargé de conseiller le Gouverneur général. Selon l'usage en Australie, le conseil est ordinairement composé du Gouverneur général et de deux ou trois ministres ou des secrétaires parlementaires. Il y a plus de 100 ans qu'on a vu une telle façon de procéder dans ce pays. Lorsque l'on fonde son argument sur un exemple, il ne faut pas faire le difficile.
Sans doute à cause de notre passé colonial, les Canadiens sont portés depuis longtemps à se comparer politiquement aux autres, par exemple à la France, à la Grande-Bretagne et aux États-Unis. Quelle que soit la raison et quel que soit le sujet, par exemple, la réforme du Sénat ou une charte des droits immuable, on semble refuser d'accorder un caractère typiquement canadien à notre Constitution et à nos institutions. Pourtant, la Couronne canadien ne et l'usage au Canada relativement à la Couronne devraient être ce qui compte lorsqu'il est question de sanction royale.
Tout comme un exemple comparatif peut être trompeur, il faut se méfier aussi de la pression exercée par une opinion générale ou quasiment générale en faveur du changement - il est impossible que 40 millions de Français aient tous raison. Je demande votre indulgence si je m'écarte un peu du sujet pour vous parler d'un événement qui s'est produit à l'Université de la Saskatchewan il y a 6 ou 7 ans. Jusqu'au milieu des années 90, l'administration universitaire à Saskatoon, du côté du corps professoral, se faisait au moyen d'un conseil professoral composé de l'ensemble des 800 ou 900 membres du corps professoral. Le conseil était présidé par le recteur de l'université. C'était donc un conseil nombreux, mais le quorum pour la tenue de ses assemblées était 5 p. 100 des membres en règle, c'est-à-dire environ 40 membres. Pour diverses raisons qu'il ne serait pas utile que je vous relate, la participation aux assemblées du conseil a périclité et c'était toujours les mêmes personnes qui étaient présentes. Il arrivait cependant à l'occasion qu'elles n'étaient pas en nombre suffisant pour constituer un quorum. Il a fallu annuler des réunions qui étaient prévues depuis longtemps. L'emploi du temps des administrateurs était perturbé.
La solution, s'est-on dit, est un conseil représentatif élu par voie collégiale. On a réglé ainsi le problème du quorum. Le recteur pouvait utiliser plus efficacement son temps. Reste à savoir cependant si la participation du corps professoral à l'administration de l'université s'est améliorée. Les personnes qui étaient toujours présentes autrefois à l'ancien conseil plénier occupent aujourd'hui des postes élus, parfois par acclamation. Les professeurs ne sont pas plus au courant des affaires de l'université et n'y participent pas plus. Au fait, l'ancien système qui permettait à tous les membres du corps professoral de participer, au point même où il était possible de noyauter une réunion, permettait mieux que le système représentatif d'exprimer passion nément des vues sur des questions données. Il reste certainement à démontrer que le conseil représentatif était un organe qui représentait ou que l'ancien conseil, rejeté présumément parce que sa taille le rendait inefficace et peu pratique, était un organe qui ne représentait pas. La leçon à tirer de cette histoire est qu'il faut être prudent lorsqu'on applique des modèles à la réforme institutionnelle.
Pourquoi veut-on un changement? Ce qui est un problème de forme pour une personne, est une question de principe pour une autre. L'inefficacité peut être quelque chose de subjectif.
Trois possibilités s'offrent au comité dans la question de la sanction royale. La première est le maintien du statu quo, c'est-à-dire que le suppléant du Gouverneur général en présence de temps à autre, mais pas régulièrement, des sénateurs et des députés, octroie la sanction royale.
La deuxième possibilité est l'adoption du changement proposé dans le projet de loi S-34. Il s'agit essentiellement d'une procédure de rechange pour l'octroi de la sanction royale par déclaration écrite, en prévoyant un nombre minimal obligatoire de cas où la sanction royale sera octroyée selon les formalités présentement en usage.
La troisième possibilité est l'adoption des amendements du sénateur Grafstein. Ceux-ci prévoient notamment la présence du premier ministre ou du vice-premier ministre à la cérémonie de sanction royale au Sénat, la présence du gouverneur général en personne, sauf dans des circonstances exceptionnelles, à l'occa sion d'une cérémonie de sanction royale fixée à une date précise et où les deux chambres siègent, et prévoyant enfin la sanction royale par déclaration écrite dans des circonstances exceptionnel les seulement et à pas plus de deux occasions par année civile.
J'aimerais aborder chacune de ces trois possibilités. La première, le statu quo, est rejetée par ceux qui préconisent une procédure de rechange parce qu'ils y voient une formalité qui, par définition, n'a pas de caractère essentiel; ou parce que les modalités actuelles ne sont pas dignes d'un événement de cette importance, qui représente littéralement la convergence des trois branches de gouvernement. Pour reprendre les paroles de W.P.M. Kennedy, l'éminent constitutionnaliste, c'est l'aboutisse ment de l'édification d'une loi qui a franchi les diverses lectures et qui a été décortiquée en comité.
Deuxièmement, selon les opposants au projet de loi S-34, la procédure de rechange qui est proposée, c'est-à-dire la sanction royale par déclaration écrite, deviendra la norme même si la cérémonie de sanction royale en personne est conservée. On entend dire - et c'est le cas ici - que si le projet de loi S-34 prévoit un nombre minimal de cérémonies de sanction royale en personne, ces cérémonies revêtiront un caractère encore plus spécial qu'à l'heure actuelle. C'est se tromper de cible. Si la sanction royale en personne est importante, disent les opposants au projet de loi S-34, ce n'est pas parce qu'elle est spéciale mais bien parce qu'elle n'est pas spéciale. Ce qui mérite d'être souligné, ce n'est pas la rareté de la sanction royale en personne, mais bien son caractère ordinaire.
La Couronne n'est pas une décoration. Elle est le coeur de la démocratie parlementaire du Canada. Par le Parlement, elle incarne les valeurs qui unissent les Canadiens.
La sanction royale a lieu lorsque la reine en son Parlement légifère. C'est là que le représentant de la Couronne personnifie la nation; le Sénat incarne le principe fédéral; et la Chambre des communes représente le peuple par l'intermédiaire de leurs représentants. La description des organes peut être contestée, mais pas les organes eux-mêmes ni leur inclusion selon des modalités que tous peuvent voir.
L'amendement que propose le sénateur Grafstein vise à tenir compte de ces aspects multiples de la cérémonie de sanction royale. J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait être prudent lorsque l'on invoquait des exemples comparatifs. Il est impossible toutefois de ne pas tenir compte de ceux-ci. Si la Grande-Bretagne et l'Australie, avec lesquelles le Canada a tant d'affinités politiques, ne tiennent pas à ce que la sanction royale se fasse en personne, pourquoi le Canada ne leur emboîte-t-il pas le pas?
Je dirais que la réponse est liée à la place qu'occupe le Parlement dans chacun de ces régimes politiques. En Australie, le Parlement est subordonné au pouvoir constitutif du peuple exprimé dans le Sénat élu et dans un mode de révision où le peuple est le pouvoir déterminant. En Grande-Bretagne, la souveraineté populaire, que la Commission royale sur la réforme de la Chambre des lords a appelé «le dépositaire ultime de l'autorité démocratique», est la Chambre des communes.
La monarchie est extrêmement importante dans la Constitution britannique, mais ce n'est pas la même importance qu'au Canada. Le Canada est une fédération composée de provinces mais possédant deux langues officielles, le multiculturalisme officiel et une dimension autochtone émergente. Les rouages du Parlement sont pour les Canadiens le miroir de la structure fondamentale de leur Constitution.
Un reproche que l'on entend constamment à propos du fonctionnement de l'appareil gouvernemental au Canada est que l'intérêt du grand public ne parvient pas à se faire entendre. La cérémonie de sanction royale nous dit que cet intérêt est exprimé plus clairement que ce que permettrait le projet de loi S-34, car cette mesure aurait pour effet de submerger aussi bien le gouverneur général que le Sénat.
Une cérémonie qui ne concorde pas avec la réalité politique ne parviendra pas à changer les attitudes mais au moins elle ne confirme pas, comme le ferait le projet de loi S-34, la marginalisation de l'élément tant national que fédéral de la Constitution en faveur de la chose politique.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le professeur Smith, pour cet exposé fort intéressant.
Le sénateur Di Nino: Vous avez parlé des diverses possibilités. Je serais porté à dire que la réponse pourrait se trouver dans un amalgame de ces choix d'action. En vous écoutant, j'ai eu l'idée d'une disposition dans ce projet de loi disant que des sénateurs représentant les deux côtés de la Chambre pourraient demander dans le cas d'une mesure législative donnée, que la sanction royale soit octroyée selon les modalités d'usage. De cette façon, vous pourriez veiller dans cette chambre à ce que la cérémonie soit exécutée de temps à autre selon des modalités qui, de l'avis des sénateurs, sont dignes d'une mesure législative donnée. Est-ce une méthode rationnelle d'après vous?
M. Smith: En quoi une telle disposition différerait-elle de l'amendement du sénateur Grafstein prévoyant une cérémonie en personne selon les modalités d'usage? Ce que vous décrivez, c'est une méthode «sur demande».
Le sénateur Di Nino: La cérémonie aurait lieu à la demande du Sénat, plutôt que selon un programme établi.
M. Smith: L'autre corde à mon arc, ou peu importe la métaphore, est le bicaméralisme. Dans ces questions, l'égalité est une chose qui me préoccupe beaucoup. Lorsqu'il est question du Parlement, il est très important selon moi de reconnaître que le Parlement est composé d'une assemblée législative bicamérale et de la Couronne. Dans la Loi sur la clarté référendaire, l'une des Chambres est isolée; j'en ai parlé la dernière fois que j'ai témoigné. C'est tout un problème. On pourrait s'exposer ici au même reproche. Toutefois, je me suis peut-être mépris sur le sens de la question.
Le sénateur Andreychuk: Je vous remercie de l'éclairage que vous venez de donner à ce projet de loi parce que je ne l'avais vraiment pas abordé de la façon que vous l'avez présenté dans vos commentaires.
Dites-vous que si le projet de loi S-34 est adopté, le rôle du Sénat sera amoindri?
M. Smith: À l'heure actuelle, la sanction royale est accordée dans la salle du Sénat par la voie du suppléant du Gouverneur général. Dans le cas d'une déclaration écrite, le Parlement serait avisé de la sanction royale, mais il n'y aurait pas de cérémonie. Ai-je raison de dire que le Sénat, qui est aujourd'hui la tribune ou le lieu de la cérémonie de sanction royale, n'aurait plus ce rôle?
Je reconnais que le projet de loi prévoit un nombre minimal de cérémonies. Je ne dis pas que c'est insignifiant. N'empêche que, selon moi, lorsqu'il y a un tel formalisme, l'événement, ordinairement, ne s'en trouve pas rehaussé mais plutôt déprécié. Prêter un caractère formel à une chose peut avoir un effet contraire à celui souhaité.
Le sénateur Andreychuk: Parlez-vous de l'effet pratique plutôt que de l'effet sur le plan de la loi?
M. Smith: J'ai cité le cas de l'Australie et de la Grande-Bretagne, où un tel résultat a été constaté. J'essaie de me protéger en évoquant ces choses en disant que ce sont des pays très différents. C'est une considération importante. Elle semble obscure, mais ce n'est pas le cas, vu son importance. La souveraineté populaire n'existe pas dans notre pays. Nous ne l'avons pas sous la forme de la révision de la Constitution. Le pouvoir constitutif du peuple n'est pas prévu dans la loi. Il devrait peut-être l'être, mais ce n'est pas le cas.
Nous n'avons pas un Sénat élu. Il vous incombe donc d'établir où le pouvoir souverain se situe dans la Constitution. Il se situe dans la Couronne en son Parlement. La mesure proposée mine ou marginalise ce principe central que, j'en conviens parfaitement étant professeur depuis de nombreuses années, peu de gens comprennent en fin de compte.
Le président: J'aimerais que l'on nous parle, en guise de complément logique, de l'usage dans certaines de nos provinces. Pourriez-vous décrire l'usage en Ontario et en Saskatchewan?
M. Smith: Je crois savoir que dans la plupart des provinces, c'est-à-dire sauf au Québec, la sanction royale est accordée en personne. À ce sujet - et je ne suis pas un constitution-naliste -, je me posais des questions à propos des articles 55et 90 de la Loi constitutionnelle et de la mesure dans laquelle la modification de la procédure au Parlement aurait des répercus sions sur les procédures dans les provinces. L'article 90 de la Constitution fixe les rapports entre les provinces et la sanction royale. C'est une question que j'aimerais approfondir, mais je n'ai pas de réponse pour le moment.
Le président: Je crois savoir qu'en Ontario, il y a une sorte de sanction exécutive.
M. Smith: On y a eu recours une fois lorsque le lieutenant-gouverneur était à l'hôpital.
Le président: Selon l'usage, le lieutenant-gouverneur n'a pas à se présenter à Queen's Park pour octroyer la sanction royale. C'est fait dans son bureau à Queen's Park et non pas dans la salle même. Sauf erreur, la procédure est la même en Saskatchewan.
M. Smith: J'ignorais que c'est ce que l'on fait en Saskatche wan.
Le président: Je vous remercie de cet exposé intéressant.
Le sénateur Andreychuk: J'ai encore une question. Préconi sez-vous le statu quo?
M. Smith: Non, je préconise les amendements que propose le sénateur Grafstein. À défaut de leur adoption, c'est le statu quo que je préférerais, mais je préconise avant tout la proposition du sénateur Grafstein parce qu'il est important de faire comprendre aux citoyens la centralité du Parlement dans la vie nationale du pays, et parce que le Parlement est composé de trois choses: la Couronne et les deux Chambres.
Le sénateur Grafstein: Je suis déchiré: il y a mes propositions et il y a le projet de loi, mais mes propositions sont justement un projet aussi et les suggestions, corrections ou modifications sont les bienvenues.
Je tiens à séparer tout de suite les pommes des oranges. L'usage dans les provinces n'est pas pertinent dans notre débat. Le professeur Smith a bien fait de mentionner le bicaméralisme au niveau fédéral. Nous avons affaire ici à un usage bicaméral. Les articles 55 et 90 contiennent des subtilités que nous n'avons pas à décortiquer mais qui ont quand même un effet d'entraînement que je m'abstiendrai de décrire davantage ici.
Nous devons tenir compte de notre système. Le professeur Smith l'a bien dit, il est différent de par sa nature et du point de vue constitutionnel, de l'usage au Royaume-Uni et en Australie. Nous avons ici un problème qui est plus profond. C'est ainsi parce qu'en Angleterre, la Chambre des lords a établi sa légitimité et sa crédibilité, et en Australie, elle les a acquises parce qu'elle est élue. Elle a son lieu de légitimité. Nous, ici au Sénat, nous sommes mal en point parce que les gens disent qu'élection est synonyme de légitimité, de sorte que notre posture et notre position sont limitées.
Je dis cela en guise de préambule. Je veux revenir à notre sujet - la sanction royale. Je crois qu'il y a de la confusion chez les gens parce qu'ils croient que la sanction royale est symbolique. Ce n'est pas le cas. La sanction royale est une pratique imbue de symbolisme mais qui n'est pas symbolique. Elle est l'essence même de la Couronne en son Parlement et de la démocratie parlementaire constitutionnelle. Je répète ce que tous les témoins ont dit: elle rassemble sous son aile les trois essences, la Couronne, la Chambre des communes et le Sénat, pour qu'elles s'unissent concrètement en droit. Sans les trois essences, sans l'architectonique, le droit est une chimère. Voilà l'essence, le coeur même, de la Couronne en son Parlement et de la démocratie parlementaire.
Nous n'avons pas un régime présidentiel. Il est intéressant de noter cependant que dans le régime présidentiel, on a adopté une forme moderne de la procédure, c'est-à-dire une forme vulgarisée de la sanction royale. De quoi s'agit-il au juste? Tous les décideurs des deux Chambres s'assoient autour du président pendant qu'il signe le projet de loi. Les deux Chambres se réunissent et le chef de l'exécutif, le président, signe la mesure et ensuite les plumes sont distribuées. À ce moment-là, il se produit deux choses: l'événement a lieu au vu et au su de tous et les gens savent qu'un projet de loi a été adopté. Si vous lisez le New York Times de cette journée-là, on y mentionnera que les trois éléments constitutifs - l'exécutif, la Chambre des représentants et le Sénat - se sont réunis pour adopter le projet de loi. Tout cela se fait d'une manière qui reprend ce que nous faisons en nous réunissant pour la sanction royale. Le lendemain, le Washington Post et le New York Times ainsi que d'autres médias font état de l'adoption du projet de loi. Il y a éducation du public à propos de la mesure.
Que sait le public du Sénat et du Parlement? Il sait qu'il y a une période de questions et qu'il y a des querelles partisanes. Personne ne sait vraiment comment le Parlement fonctionne, nos universitaires compris.
Il y a un mois environ, j'étais à l'Université St. Francis Xavier pour donner une conférence Allan MacEachen. Avant la conférence, je me suis entretenu avec une classe d'étudiants de 4e année en science politique. Je me suis retrouvé en plein débat politique avec le professeur au sujet du rôle du Sénat. Ce professeur enseignait la science politique sans comprendre le rôle du Sénat. Il n'est pas le seul. Le professeur Hogg, sommité en matière de Constitution, affirme que le Sénat n'a jamais été efficace. C'est ce qu'il dit dans son document. Pourtant, on dit de lui qu'il est un expert en matière constitutionnelle. Il y a de l'ignorance monumentale à propos du rôle du Sénat et du rôle du Parlement.
Nous avons ici une occasion formidable. Nous pouvons réunir les trois éléments constitutionnels, la Couronne et les deux chambres, et nous pouvons renseigner les gens sur le sens de tout cela. À l'heure actuelle, le public ne comprend pas notre processus. Bien franchement, je m'aventurerais à dire qu'il n'y a pas 5 p. 100 du Parlement qui comprend la nature historique de la sanction royale.
La sanction royale n'est pas symbolique. Le travail du sénateur Joyal et d'autres m'a incité à poursuivre mes recherches. La sanction royale était et est aujourd'hui une déclaration publique, une proclamation publique. Pourquoi? La réponse est claire, il suffit de consulter le Code criminel. Le code dit que nul n'est censé ignorer la loi. Chaque citoyen est censé connaître la loi. Dire dans un tribunal pénal que vous ne connaissiez pas la loi n'est pas une défense. Ce principe remonte à l'ancien rôle de la proclamation, lorsque la Couronne - Sa Majesté - se présen tait avec les deux chambres du Parlement pour proclamer la loi. Cette proclamation était affichée au mur pour que tous puissent la lire et les gens disaient: «Voici la loi.» Voilà l'origine de la sanction royale. Pour le citoyen, l'ignorance de la loi n'était pas une défense.
Par conséquent, nous aurons lamentablement échoué si nous ne proclamons pas publiquement que nous avons adopté une loi. La sanction royale nous donne une occasion unique de le faire.
Je voudrais que la sanction royale comporte les trois V: viable, vivifié et visible. Honorables sénateurs nous possédons tous les éléments pour le faire sans difficulté. Nous devons réunir ces éléments à un moment particulier. Je songe à l'adoption d'une loi qui prévoirait que la sanction royale ait lieu à date fixe avec la présence du Gouverneur général, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Le premier ministre et le vice-premier ministre doivent être présents et il faut un quorum valable.
La sanction royale pourrait avoir lieu immédiatement après la réunion des caucus parce que tout le monde est là le mercredi matin. Le premier ministre a dit que le mercredi était le jour le plus important de la semaine. Il est présent, sauf de rares exceptions de même que les ministres et les partis. C'est une occasion unique. Les réunions de caucus pourraient prendre fin à midi. À 13 heures nous pourrions avoir une sanction royale d'un quart d'heure. En pratique, c'est très facile à faire. Il nous suffit de franchir le hall, et c'est fait. En outre, les représentants de la presse nationale sont présents parce qu'ils sont tous là à l'affût des nouvelles à l'extérieur des salles où se tiennent les caucus.
Le Sénat reprendrait ainsi la place que lui confère la Constitution comme l'une des deux entités essentielles de la démocratie parlementaire dans le système bicaméral, comme le professeur Smith l'a signalé.
Ce que je pense en outre, comme cela ne figure pas dans le projet de loi, c'est que ceux qui sont responsables de présenter le projet de loi au Sénat, le président du comité notamment, en expliqueraient la teneur. Cela imposerait un fardeau supplémentai re aux présidents de comités. Si un comité dispose d'un budget pour l'adoption d'un bill, cette responsabilité inclut la publication des rapports parce que nous voulons que le public en soit informé. Nous avons dévalorisé notre rôle en publiant les dispositions proposées d'un projet de loi.
Si l'on procédait de la sorte régulièrement, les élèves dans les écoles du pays pourraient regarder la cérémonie et la comprendre. Cela pourrait faire partie du programme d'études national. Il y aurait de la collaboration. Ce serait facile à faire et ce serait rentable.
Cette décision sortirait le Parlement de l'ignorance crasse éprouvée à son égard en ce moment, et éclairerait les gens sur son rôle. Cela n'implique aucune dépense. Tout ce que nous disons à Son Excellence c'est que, une fois par mois, elle doit passer un quart d'heure au bout de la rue et faire ce à quoi elle excelle: faire savoir à la nation quel est le rôle du Parlement.
Il en va de même du premier ministre. Il devrait faire savoir à la nation ce qu'il fait si bien. «Parlementaires, faites connaître vos talents de législateurs et éduquez le public.» C'est facile à faire.
À mes yeux, ce n'est pas du symbolisme. En ce qui me concerne c'est l'essence de la démocratie parlementaire.
Je suis sénateur depuis longtemps. En ma qualité de sénateur, la plus grande déconvenue que j'éprouve, et je sais que c'est un sentiment que partagent des sénateurs de toute allégeance, c'est de voir que le travail diligent que nous accomplissons la plupart du temps n'est pas compris. Chaque semaine, quand je rentre chez moi mon épouse me demande ce que j'ai fait pendant la semaine. Elle me dit alors qu'elle ne comprend pas. Je crois que vous éprouvez tous cette déconvenue.
Passons maintenant à la proposition, monsieur le président. Je vous sais gré de votre indulgence. Une cérémonie serait organisée une fois par mois. Elle pourrait avoir lieu le mercredi et le premier ministre ainsi que le Gouverneur général y assisteraient. Si on trouve qu'une fois par mois c'est trop souvent, elle pourrait avoir lieu tous les deux mois.
J'ai parlé d'une fois par mois, parce que c'est ce que l'on demanderait à Son Excellence, soit de venir au plus six fois par an passer 15 minutes avec nous au bout de la rue. Parmi toutes ses responsabilités constitutionnelles, c'est la plus importante. Elle prime tout.
Honorables sénateurs, vous êtes saisis de la proposition. Elle est circonstanciée. Elle est verbeuse. On peut la modifier. Je crois que vous comprendrez l'essentiel de ce que je dis.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont appuyé cette initiative.
Le président: Je tiens à remercier le sénateur Grafstein de sa perspicacité et du travail qu'il a accompli pour le comité.
J'aimerais formuler quelques observations sur le sujet de la sanction royale, sans aborder toutefois la théorie de la Couronne au Parlement, qui a été discutée éloquemment. J'aimerais commenter la réalité du Parlement à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement.
La réalité, à mon avis, c'est que l'autre Chambre a très peu d'intérêt, pour ne pas dire aucun, aux propositions formulées pour modifier la procédure de la sanction royale. Le gouvernement offre un compromis: nous garderions la formule traditionnelle de la sanction royale comme telle pour au moins une fois par an, et à part cela nous adopterions une formule de sanction royale de type administratif.
Si nous modifions le projet de loi et le renvoyons à la Chambre, il y a de fortes chances qu'il expirera au Feuilleton de l'autre endroit. On n'apportera pas de changements à la procédure employée pour la sanction royale. Cette solution sera peut-être acceptable à mes collègues.
Je conclurai en disant que mardi, le 20 novembre 2001, nous commencerons une discussion à huis clos sur le sujet de la sanction royale. Puis nous aborderons toujours à huis clos dont nous avons traité, en commençant par l'exposé de M. Audcent.
Le sénateur Murray: Quel sera l'objet d'une discussion à huis clos sur la sanction royale?
Le président: Je m'en remets au comité.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais me lancer dans une discussion avec le sénateur Grafstein sur deux ou trois points qu'il a signalés. Il conviendrait d'avoir une réunion publique.
Le président: Je n'y vois aucun inconvénient.
Le sénateur Di Nino: Peut-être pourrons-nous reparler de la question à un autre moment parce que j'ai des questions à poser et des observations à faire.
Le sénateur Grafstein: Je voudrais répondre à l'observation qu'on a faite au sujet de l'autre endroit. Mes constatations au sujet de l'autre Chambre me rappellent l'adage: «Une fois fait, ils se rendront à l'évidence.» Montrez-leur un micro et un auditoire et ils seront convaincus. Si la cérémonie devient un grand événement public télévisé, ils arriveront en masse. Ils nous écarteront pour avoir la sellette en premier. Je voudrais qu'on réunisse les législateurs des deux Chambres à une table ronde.
Le président: L'idée, sénateur Di Nino, c'est que si nous voulons discuter davantage de la question en public, c'est très bien. Cependant, viendra un moment où nous devrons aborder nos relations avec l'autre endroit à huis clos.
Le sénateur Di Nino: J'en conviens.
Le président: La discussion sur la sanction royale mettra en cause en partie nos rapports avec l'autre endroit et avec l'exécutif.
Le sénateur Joyal: J'ai parfaitement compris ce que vous avez dit. L'autre endroit n'a aucun intérêt à réviser la formule de la sanction royale.
Le président: C'est ce que je crois. J'ai peut-être tort.
Le sénateur Joyal: À mon avis il s'agit là d'une question importante de principe et je l'ai soulevée dans le passé. Notre objectif premier n'est pas de redéfinir la sanction royale en fonction de l'intérêt que cela peut présenter pour l'autre endroit. Je le dis avec le plus grand respect pour l'autre Chambre.
Nous avons un rôle constitutionnel à jouer, comme l'a si bien le professeur Smith. Nous incarnons le principe fédéral. Je parle en mon propre nom à titre de sénateur. Cependant, toutefois, je ne suis pas insensible au sentiment que pourraient avoir les députés parce que, bien entendu, j'ai siégé à la Chambre plus longtemps qu'au Sénat.
Si nous devons mettre au point un nouveau système, je veux qu'il soit rationnel et qu'il ait un fondement constitutionnel. Je ne veux pas en venir à une entente pour essayer de satisfaire les préjugés de l'autre endroit. Nous avons un rôle à jouer et nous le jouerons comme bon nous semble. L'autre endroit se prononcera sur la question.
Le président: Je crois que tout le monde le comprend. Nous constituons l'une des deux Chambres du Parlement. Il se peut fort bien que nous proposions des amendements, que nous les envoyions à la Chambre et que nous utilisions le mécanisme rarement employé d'une conférence entre les deux Chambres pour essayer de résoudre la question des modifications à apporter à la sanction royale.
L'avenir nous réserve des moments intéressants. Nous com mencerons par une discussion publique le mardi 20 novem bre 2001. Quand le comité sera prêt, nous entamerons une séance à huis clos parce qu'il y a des questions dans nos rapports avec l'autre endroit qu'il faut aborder à huis clos.
Comme l'approbation des dépenses des témoins n'est pas automatique, je dois demander une motion à cet effet.
Le sénateur Joyal: J'en fais la proposition.
Le président: Est-ce entendu?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup. Donc, à mardi prochain, le 20 novembre 2001.
La séance est levée.