Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 28 mars 2001
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons cet après-midi pour poursuivre les travaux que nous menons dans le cadre de notre deuxième rapport sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine des soins de santé. À ce stade-ci de nos travaux, nous abordons les principaux générateurs de coûts qui influent sur le système de santé.
Cet après-midi, nos témoins parleront de l'impact du prix des médicaments sur les soins de santé. Je vais demander à chacun d'eux de présenter un exposé, après quoi nous aurons une discussion en table ronde.
Je propose que nous commencions par le Dr Coambs, dont la société est affiliée au Centre de promotion de la santé de l'Université de Toronto.
Le Dr Robert Coambs, président, Health Promotion Research: Monsieur le président, pourquoi le prix des médicaments augmente-t-il? Pourquoi a-t-on toujours l'impression qu'une terrible catastrophe nous attend au prochain tournant? En fait, le prix des médicaments augmente en flèche. Si on ne regarde que les données pécuniaires, on constate cette augmentation massive. En ce qui concerne le graphique que nous avons sous les yeux, le fait intéressant est que, à peu près à ce moment-ci, on déployait des efforts vigoureux pour juguler l'augmentation. En fait, ces efforts ont été fructueux. Nous sommes tous au courant des difficultés politiques qui en ont découlé. Si je fais cette remarque, c'est simplement pour montrer qu'il est possible de contenir le taux de croissance. Cependant, le taux de croissance s'inscrit dans une réalité inévitable.
Si on analyse le graphique en pourcentage du PIB, on constate une situation différente, quoique similaire en un sens. À la fin, cependant, nous devons faire le constat d'une tendance à la hausse continue. Bien entendu, nous ne sommes pas les seuls dans cette situation.
On constate un schéma analogue dans les pays de l'OCDE en général. Nous en avons choisi quatre dont le cas est particulièrement intéressant. Si on prend l'année 1960 pour point de départ et qu'on poursuit jusqu'en 1997, on constate qu'il y a eu des augmentations partout. Le cas de l'Allemagne est particulièrement intéressant parce qu'il se compare au nôtre. Au départ, le niveau était relativement peu élevé. Or, ce pays se rapproche aujourd'hui d'une proportion de 11 p. 100 du PIB. Au Royaume-Uni, le niveau est plus faible, mais il augmente toujours. Vous constaterez une augmentation dans tous les pays de l'OCDE. Les systèmes de soins de santé font face à une demande colossale.
Nous savons peu de choses au sujet des États-Unis. Ce qu'il y a, c'est que c'est, parmi tous les pays industrialisés, celui où les dépenses sont les plus élevées en pourcentage du PIB. Le Canada est loin d'être le meneur à ce chapitre. Vous constaterez également que, chez nous, les dépenses se sont pour l'essentiel stabilisées au cours des sept dernières années, probablement en raison de la réduction des dépenses et des efforts de compression.
On a donc affaire à une pression à la hausse irrésistible qui entraîne de graves problèmes. Sénateurs, n'oubliez pas que les chiffres projetés ici représentent non pas les sommes dépensées, mais bien plutôt un pourcentage du PIB. Il semble bien que nous ayons affaire à une tendance à la hausse.
Nous faisons actuellement face à de formidables pressions à la hausse. Récemment, nous n'avons pas réagi à cette pression en augmentant les dépenses. On a établi un nouvel ordre de priorités, modifié les budgets et étudié les possibilités qui s'offrent à nous.
Réfléchissons à ce qui peut être fait parce qu'il y a certaines solutions. Cependant, je m'en tiendrai à celles qui relèvent du sens commun.
D'abord, nous devons composer avec une augmentation des coûts, mais il n'y a pas d'inflation, du moins pas comme les médias voudraient nous le faire croire. En fait, le système de soins de santé est en déflation. Pardonnez-moi de m'adresser à une si auguste assemblée dans des mots si simples. En effet, des sénateurs ont présidé bon nombre de commissions chargées de fixer les prix, et ainsi de suite.
On parle d'inflation lorsque le coût d'achat de produits identiques augmente au fil du temps. Si le prix d'un pain double, mais que sa qualité triple, on a en fait affaire à une déflation. Bien entendu, il s'agit d'un problème commun aux yeux des économistes. Dans le débat qui entoure le système de soins de santé, on perd de vue un aspect, c'est-à-dire que les ressources consacrées aux soins de santé sont en réalité en déflation, au sens où le coût d'un type de soin donné est aujourd'hui moins élevé qu'auparavant. Le Valium coûtait cher; il est aujourd'hui bon marché. Il en va de même pour le Prozac. Les transplantations de reins sont aujourd'hui bien moins coûteuses qu'autrefois. Dans le système de soins de santé, pratiquement tous les coûts unitaires auxquels vous pouvez penser tendent à diminuer. Il n'y a pas d'inflation. En fait, nous obtenons chaque unité de soin à meilleur compte que jamais auparavant, et la tendance se maintiendra vraisemblablement. La déflation nous est d'un grand secours. Sans elle, l'augmentation des dépenses serait beaucoup plus prononcée.
Le coût des soins de santé diminue, et les médicaments et d'autres services coûtent moins cher. Une fois retirés du formulaire, les médicaments coûtent moins cher, peu importe d'où ils sont partis.
Comment pouvons-nous nous en tenir à 10 p. 100? En fait, la hausse a trait à la quantité de soins de santé pouvant être assurés par personne, mais la demande augmente à un rythme plus rapide. Ainsi, nous sommes témoins d'augmentations de ce que nous pouvons offrir à un patient du point de vue des coûts unitaires, mais la demande augmente très rapidement. Le nombre de services possibles augmente très rapidement.
À ce propos, je vous demande de tourner votre attention vers les activités récentes. Autrefois, les transplantations de reins étaient une grosse affaire; aujourd'hui, il s'agit d'interventions relativement routinières. Il en va de même pour les dialyses. Il n'y a pas si longtemps, la chirurgie arthroscopique et le diagnostic des tumeurs cérébrales étaient impossibles. Le traitement de la dépression était lui aussi impossible; aujourd'hui, il est routinier. Les Canadiens tiennent à ces services. Nous sommes témoins de formidables augmentations de la demande. On met de meilleurs traitements au point pour la schizophrénie, l'arthrite, la maladie d'Alzheimer, les maladies coronariennes et le cancer. On pourrait allonger la liste. Ce qu'il y a, c'est que la situation n'est pas statique. Tout ne s'arrêtera pas cette année avec la liste des nouveaux services offerts parce que, l'année prochaine, il y aura un afflux de nouveaux services. Même si nous voulions limiter ces services au niveau des patients, nous en serions incapables. Nous ne pourrions pas non plus les limiter au niveau clinique parce que les médecins tiennent à mettre ces procédures à la disposition de leurs patients.
Actuellement, les décideurs tiennent pour acquis qu'ils n'ont qu'une enveloppe de 10 p. 100. Si, cependant, vous tenez compte de sa désaffection, j'oserais affirmer que le public consent implicitement à une enveloppe correspondant à 11 p. 100 du PIB. Il demande plus de soins et des soins de meilleure qualité. Il demande qu'on y consacre plus d'argent. Il n'y a pas d'échappatoire. Si nous allons de l'avant, nous augmenterons les dépenses en pourcentage du PIB.
Comme je l'ai mentionné à propos du chiffre cité auparavant, nous n'irions pas, ce faisant, à l'encontre de ce que font les pays de l'OCDE. En fait, une telle mesure serait relativement conforme à la tradition canadienne. Le problème tient plutôt à la façon de procéder. De façon plus précise, comment, même si nous allons de l'avant, pouvons-nous tirer des avantages de nos investissements? Par le passé, nous avons appris que le simple fait d'investir ne garantit pas nécessairement des avantages.
Il y a certaines façons directes et simples de procéder. L'une d'elles consiste à réduire la demande. J'ai dit que la demande augmente. Nous devons donc la gérer. Nous ne pourrons jamais l'éliminer, mais nous pouvons la réduire et la gérer. À titre d'exemple, nous pouvons adopter des programmes de prévention et d'intervention précoce. Je fais référence aux programmes «bien-pensants» d'autrefois. Vous vous en souvenez? Nous croyions pouvoir faire quelque chose de bien à leur sujet, mais nous n'avons pas donné suite. Nous leur avons consacré beaucoup d'argent. Aujourd'hui, ces programmes ont des assises beaucoup plus scientifiques qu'auparavant. Si nous options pour des programmes de prévention étayés par des données scientifiques, un grand nombre d'options s'offriraient à nous.
L'autre solution consiste à réduire les coûts unitaires, ce qui explique peut-être que je prends la parole à l'occasion d'une séance consacrée aux produits pharmaceutiques. De toute évidence, une façon de réduire les coûts unitaires consiste à éviter les hospitalisations autant que possible, ce qu'on peut obtenir au moyen des médicaments. Il ne doit pas s'agir obligatoirement de médicaments brevetés, mais nous devons mieux utiliser les outils à notre disposition.
En ce qui concerne la satisfaction de la demande en soins de santé, nous constatons ce que font les médias. Ils discutent avec des professionnels de la santé et des associations professionnelles pour tenter d'établir ce qui doit être fait. Nous devons mettre l'accent sur le patient. Vous savez ce qu'on fait dans ce domaine du droit de la famille? Nous mettons l'accent sur les besoins de l'enfant et faisons fi de tout le reste. Tout est subordonné aux besoins de l'enfant. Ce n'est pas ce que nous faisons ici avec les patients. Nous ne disons pas: «Que vous pensiez que je devrais vous accorder plus d'argent ne m'importe pas, docteur Untel.» On aurait plutôt intérêt à poser la question suivante: «Que proposez-vous pour améliorer la santé des patients?»
En ce qui concerne l'espérance de vie au Canada, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. Au Canada, l'espérance de vie est très longue, chez les hommes aussi bien que chez les femmes. Le Japon nous devance, mais nous sommes parmi les pays qui viennent au premier rang dans ce domaine, ce qui nous fait très bien paraître. Notre système de soins de santé est des plus efficace. Quoi que nous fassions, nous le faisons très bien.
Les États-Unis ne se sortent pas aussi bien d'affaire, ce qui n'est peut-être pas aussi encourageant. Nous avons peut-être une idée des causes de cette situation. Cependant, la situation est plus inexplicable lorsqu'on se tourne vers Cuba ou le Costa Rica. Pourquoi les résultats que nous obtenons sont-ils à peine supérieurs à ceux du Costa Rica? Il est certain que nous dépensons plus d'argent par patient. À mon avis, c'est parce que notre mode d'allocation des ressources est terriblement mauvais. Lorsque certaines personnes laissent entendre qu'il ne suffit pas d'investir davantage, espérons que personne n'aura l'idée d'aller chercher des données du Costa Rica, parce que, dans ce cas, nous aurons beaucoup de mal à nous justifier.
Ces genres de programmes donnent des résultats. Ce que vous avez maintenant sous les yeux est une publicité californienne. On la voit sur des panneaux-réclame aux quatre coins de l'État, où le taux de tabagisme s'établit aujourd'hui à environ 16 p. 100. Or c'est en recourant aux mesures que j'ai décrites que la Californie est parvenue à ce résultat. Elle utilise une taxe spéciale, soit une petite somme d'argent, et la consacre expressément à des programmes de prévention et d'intervention précoce. Comme résultat tangible, on a ainsi obtenu un ralentissement de la montée du tabagisme.
La diapositive qui suit porte sur le respect des ordonnances. Quel que soit le médicament, vous constaterez de terribles taux d'abandon des médicaments.
Le graphique concerne les hypocholestérolémiants. Ce sont des données d'excellente qualité qui nous viennent de la Saskatchewan. On s'y intéresse à l'utilisation des hypocholestérolémiants sur une période de deux ans. On doit prendre ces médicaments pour une période d'environ 18 mois à deux ans avant d'en tirer des avantages cliniques. Prenons 100 patients qui commencent à utiliser le médicament. Après 800 jours, on obtient le taux illustré ici. Essentiellement, seulement un patient sur 10 continue de prendre le médicament. Vous vous direz peut-être: «D'accord, mais ce ne sont que des hypocholestérolémiants.» Je vous soumets que le problème ne concerne pas que les hypocholestérolémiants. Il y a des livres à ce sujet. On observe de graves problèmes de conformité avec tous les médicaments destinés au soin des maladies chroniques.
Pour ce qui est des coûts unitaires, vous constaterez que les personnes représentées ici ne bénéficient d'aucune protection. Elles ont un taux de cholestérol élevé, mais sont sans défense face au problème. Elles se retrouvent dans les hôpitaux, où elles obstruent les artères des corridors, faute d'une protection suffisante. On a alors affaire à des coûts unitaires aux proportions astronomiques, alors qu'il aurait pu en être autrement. Nous n'aurions eu besoin que d'un bon programme de soutien des patients pour veiller à ce que les intéressés prennent leurs médicaments correctement.
La prochaine donnée a trait à un problème pour lequel nous sommes relativement bien connus. Il indique que l'économie perd de sept à neuf milliards de dollars par année en raison de la non-conformité. C'est plus que le coût de tous les médicaments combiné.
Le président: Pouvez-vous dire ce que vous entendez par «non-conformité»?
Le Dr Coambs: C'est ainsi qu'on désigne le fait de ne pas prendre assez de médicaments ou d'interrompre le traitement de façon précoce. Les gens en prennent de temps en temps ou cessent carrément le traitement. Certains en prennent de façon intermittente ou s'octroient des «congés de médicaments». Il arrive qu'on vous prescrive deux médicaments. Vous vous souvenez des médicaments comme l'Aspirine qui constituent de très bons analgésiques mais qui irritent l'estomac? Il arrive qu'on vous prescrive deux médicaments, un pour la douleur et l'autre pour les irritations de l'estomac, et pourtant vous ne prenez que l'un des deux.
Dans un tel cas, la non-conformité peut présenter un problème.
Vous vous trouvez également en situation de non-conformité si vous faites un usage abusif des opiacés ou des médicaments pour l'angine. C'est ce qu'on veut dire par «non-conformité».
Nous nous ferons un plaisir de vous faire parvenir un exemplaire du livre. Le non-contrôle de ce type de coûts unitaires est très coûteux pour notre système.
Prenons le cas de 100 personnes chez qui on a diagnostiqué un problème d'hypertension. Chez combien de ces 100 personnes le problème est-il maîtrisé? N'oubliez pas qu'environ 4,1 millions de Canadiens souffrent d'hypertension. Maintenant, prélevez un échantillon de 100 d'entre eux et établissez le pourcentage de ceux chez qui le problème est maîtrisé. Combien diriez-vous?
Le sénateur LeBreton: 20 p. 100.
Le Dr Coambs: En fait, c'est 16 p. 100. Le problème n'est pas maîtrisé pour 84 p. 100 des personnes pour qui il devrait l'être. Chez ces personnes, le problème n'est pas diagnostiqué, ou encore elles ne présentent aucun symptôme.
Les cardiologues vous diront que le chiffre est de 24 p. 100 parce qu'ils ne voient qu'environ la moitié des patients chez qui le problème est décelé. Qu'arrive-t-il aux 86 p. 100? Ils engorgent les hôpitaux, souffrent et meurent. Ils coûtent cher au système de soins de santé et souffrent inutilement. Nous devons examiner ce type de dépenses parce que le rapport coûts-avantages du traitement est nettement plus favorable que celui des transplantations cardiaques.
Voilà qui conclut mon exposé.
Le président: Je vous remercie.
Nous allons maintenant le Dr Jeff Poston, président de l'Association canadienne des pharmaciens.
Le Dr Jeff Poston, directeur général, Association des pharmaciens du Canada: J'aimerais tout d'abord apporter une correction. Je suis le directeur général de l'Association des pharmaciens du Canada. Notre président se nomme Gary King. Il travaille dans une pharmacie hospitalière.
Le président: J'ignore s'il s'agit d'une promotion ou d'une rétrogradation.
Le Dr Poston: C'est une rétrogradation.
Je tiens à remercier les membres du comité et vous-même de l'occasion que vous nous donnez de parler aujourd'hui de la vente, du coût et de l'utilisation des médicaments. L'Association des pharmaciens du Canada est l'association professionnelle nationale composée de bénévoles qui représente les pharmaciens dans toutes les sphères d'activités. Nos membres travaillent dans des pharmacies communautaires, des pharmacies hospitalières, l'industrie pharmaceutique ou effectuent de la recherche.
Les pharmaciens sont les fournisseurs de soins de santé les plus faciles d'accès au Canada. Nous sommes présents sur toutes les rues principales et dans tous les hôpitaux. Par ailleurs, de nombreuses pharmacies sont ouvertes pendant des heures prolongées pour assurer un meilleur service aux collectivités. Les pharmaciens, qui ont à leur compte au moins cinq années d'études universitaires, doivent, après avoir leur permis d'exercice, répondre à certaines des conditions les plus rigoureuses imposées aux professionnels de la santé pour l'actualisation de leurs compétences professionnelles. Nous sommes bien intégrés dans nos collectivités, et des enquêtes successives menées auprès de consommateurs indiquent que le public est très satisfait de nous.
Jour après jour, les pharmaciens apportent une contribution considérable aux soins primaires en réglant les problèmes liés aux médicaments qu'éprouvent les patients, en contribuant à la conformité des patients -- le problème défini dans le témoignage précédent --, en traitant des maladies mineures et en faisant la promotion de la santé. Cependant, il est admis que les connaissances et les compétences des pharmaciens sont sous-utilisées, problème qui s'inscrit dans le cadre de notre discussion d'aujourd'hui.
Il y a une mise en garde que je tiens à faire concernant tout le débat actuel sur les soins de santé. Comme bon nombre de professionnels de la santé, nous faisons face à une pénurie critique. Déjà, nous assistons à la fermeture de pharmacies dans des régions rurales. Si le problème n'est pas réglé, il sera extrêmement difficile d'améliorer les soins aux patients.
Je tiens à mettre l'accent sur trois questions. Au cours des dix dernières années, nous avons consacré beaucoup de temps à l'examen détaillé de ces questions. Il s'agit de l'augmentation vertigineuse des dépenses liées aux médicaments, de la promotion de l'utilisation optimale des médicaments et des meilleurs traitements possibles et, enfin, des problèmes imputables à un accès insuffisant aux avantages découlant des médicaments.
Une bonne partie de notre mémoire porte sur le document de travail que nous vous avons fait parvenir un peu plus tôt, soit «Un régime national d'assurance-médicaments: le complément naturel du système de santé canadien», dans lequel nous nous penchons sur les défis que nous devons relever pour mettre au point un régime national d'assurance-médicaments.
Notre association a cherché activement à mieux comprendre le phénomène de l'augmentation en flèche des dépenses liées aux médicaments et s'est employée à trouver des moyens d'assurer l'efficience et l'optimisation de tels régimes.
Je vais vous présenter quelques statistiques pertinentes. Au début des années 90, nous avons observé des augmentations des dépenses liées aux médicaments supérieures à 10 p. 100, soit nettement plus que le taux d'inflation. Les gouvernements provinciaux ont pris diverses mesures de contrôle des prix, non sans un certain succès. Au milieu des années 90, ils ont réussi à ramener les augmentations sous la barre des 10 p. 100. Au début des années 2000, les augmentations supérieures à 10 p. 100 sont toutefois de retour. Pour l'an 2000, en effet, l'on prévoit une croissance de 12 p. 100 des dépenses affectées aux médicaments.
Les changements qui se sont produits dans les années 90 ont eu un certain nombre de conséquences, en particulier le fait que les régimes publics ont passé des coûts aux consommateurs canadiens ou encore aux assureurs et aux employeurs privés.
Le plafonnement des honoraires des pharmaciens est l'un des moyens que les assureurs privés ont trouvé pour maîtriser les coûts. Inutile de le dire, nous nous sommes dès lors intéressés d'encore plus près à cette question et avons créé la Coalition de la pharmacie canadienne sur l'assurance-médicaments pour collaborer de façon constructive avec le secteur privé à la recherche de stratégies de gestion des coûts.
Le contrôle du coût des médicaments a également eu pour conséquence l'augmentation du fardeau administratif assumé par les pharmaciens. Ainsi, le coût de l'exécution des ordonnances a, en 1997, augmenté en moyenne de 28 000 $ par pharmacie.
Pendant que nous étions témoins de cette transformation des régimes d'assurance-médicaments des secteurs privé et public, des données se sont accumulées sur la prescription et l'utilisation inappropriée des médicaments. On a estimé jusqu'à 50 p. 100 la proportion des patients qui ne se conforment pas aux schémas posologiques ou qui cessent prématurément de prendre les médicaments qui leur ont été prescrits pour des maladies chroniques. Certaines études comme celle du Dr Coambs font état de niveaux encore plus élevés.
Heureusement, on a également de plus en plus de preuves de la contribution que les pharmaciens peuvent apporter pour optimiser l'utilisation des médicaments. Si des stratégies de gestion de l'utilisation des médicaments comme les programmes de pharmacothérapie initiale peuvent permettre de réaliser des économies, c'est lorsque les pharmaciens prennent le temps de s'asseoir avec les patients pour examiner leur traitement d'un oeil critique qu'on obtient l'amélioration la plus grande.
Dans une étude menée récemment en Ontario, des pharmaciens ont passé en revue les médicaments pris par des aînés à qui on avait prescrit cinq médicaments ou plus. Chez 88 p. 100 de ces patients, on a détecté, en moyenne 3,23 problèmes liés aux médicaments. Le pharmacien a informé le médecin traitant du patient des problèmes. Dans 69 p. 100 des cas, le médecin a accepté les modifications recommandées par le pharmaciens.
Au vu des modifications des régimes d'assurance-médicaments auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, les préoccupations relatives à l'accès des patients canadiens à la pharmacothérapie de base se sont fait de plus en plus pressantes.
Les soins de santé à deux vitesses sont bel et bien une réalité. Les premières estimations varient, mais environ trois millions de Canadiens n'ont aucune assurance-médicaments, et il est probable que l'assurance dont bénéficie une autre tranche de 3 millions ou plus d'entre eux est inadéquate, en raison des franchises et des quotes-parts élevées qui ont été introduites dans de nombreux régimes publics dans les années 90.
Dans un article récent évaluant les effets du partage des coûts au Québec réalisé par Tamblyn et ses collaborateurs, on a constaté que les patients se passent des médicaments essentiels, effectuent des visites plus fréquentes à la salle d'urgence et souffrent en conséquence de maux plus aigus.
Dans ce contexte, il est clair qu'on doit faire quelque chose. Afin d'être à l'avant-garde de l'appel lancé en faveur d'un régime national d'assurance-médicaments, nous avons formé la Coalition de la pharmacie canadienne sur l'assurance-médicaments, qui a produit le document auquel j'ai fait allusion plus tôt.
Ayant constaté la nécessité d'un régime national d'assurance-médicaments, nous pensons qu'il doit être érigé sur quatre fondements. Premièrement, nous avons besoin d'un ensemble d'objectifs et de principes directeurs. Nous croyons que ces principes devraient être fondés sur ceux de la Loi canadienne sur la santé, mais que trois nouveaux principes doivent y être ajoutés, nommément l'abordabilité, l'efficacité et l'efficience.
La participation active des principaux intervenants est le deuxième fondement. On ne peut imputer à un seul groupe la responsabilité des problèmes liés à l'utilisation des médicaments, et ce n'est pas non plus un seul groupe qui pourra les régler. Nous devons compter sur l'apport des patients, de tous les fournisseurs de soins de santé de même que du secteur privé.
À l'heure actuelle, les pharmaciens, qui sont sous-utilisés, pourraient jouer un rôle beaucoup plus grand dans la prestation des soins primaires, ce qui aurait pour effet d'alléger les pressions qui s'exercent dans d'autres secteurs. Des pharmaciens communautaires et hospitaliers ont déjà joué ce rôle. À titre d'exemple récent précieux, citons l'autorisation qu'on a donnée aux pharmaciens de la Colombie-Britannique de prescrire des contraceptifs hormonaux d'urgence, lesquels sont désormais plus faciles d'accès quand les femmes en ont besoin.
Le troisième et peut-être le plus important des fondements d'un programme national d'assurance-médicaments est le leadership gouvernemental. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent avoir la volonté politique de s'attaquer au changement. On doit assurer un financement viable, et les fonctionnaires doivent assurer une administration efficace et rentable.
On devrait mettre un terme au dédoublement des efforts imputable à l'établissement de dix régimes publics d'assurance-médicaments ou plus.
Le quatrième fondement a trait au financement et à la mise en <#0139>uvre. S'il est nécessaire, le partage des coûts devrait être minimal. Il ne devrait pas avoir pour effet de faire porter un fardeau indu aux patients. Il est difficile de projeter les coûts d'un programme national d'assurance-médicaments, mais les secteurs public et privé doivent s'attaquer de concert à cette question. Au Québec, nous avons été témoins d'une audacieuse avancée stratégique. Nous devons examiner leur expérience de près pour établir les leçons qu'on peut en tirer.
Nous croyons que la meilleure solution consiste à procéder par étapes, les avantages allant d'abord à ceux qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, nous aimerions formuler aux gouvernements fédéral et provinciaux six recommandations qui s'ajoutent à celles qui figurent déjà dans notre document de travail.
La première étape consiste à financer la recherche qui évalue d'un oeil critique la qualité de l'utilisation des médicaments. On a beaucoup insisté sur les coûts des médicaments, sans s'intéresser de près à la qualité de l'utilisation des médicaments. C'est grâce à une meilleure qualité de l'utilisation des médicaments que nous pourrons réaliser de véritables économies, du point de vue des coûts et des vies humaines. Les évaluations devraient mettre l'accent sur la valeur des interventions mises au point pour améliorer la qualité de l'utilisation des médicaments.
Nous recommandons aux provinces, au moment où elles s'apprêtent à réformer leurs soins primaires, d'examiner des moyens d'intégrer les pharmaciens aux modèles proposés de prestations des soins primaires. De tels modèles devraient être conçus de manière à assurer une utilisation maximale des services consultatifs que les pharmaciens sont en mesure d'offrir pour assurer l'optimisation des pharmacothérapies.
Dans un même ordre d'idées, on recommande que les pharmaciens soient rémunérés pour les services de consultation qu'ils assurent. On doit dissocier le remboursement de la vente d'un produit.
En ce qui a trait aux détails du régime d'assurance- médicaments, nous aimerions d'abord avoircertaines preuves tangibles de mesures prises en rapport avec l'engagement lié à la gestion pharmaceutique que les premiers ministres ont pris dans le communiqué sur la santé publié en septembre. À cet égard, nous préconisons l'adoption d'un plan détaillé d'harmonisation des régimes provinciaux d'assurance-médicaments et des réductions des dédoublements d'activités dans l'administration des régimes publics.
Nous croyons qu'il est important que les secteurs public et privé commencent à se parler. Par ailleurs, on devrait enclencher le processus de consultation visant à définir des approches de l'intégration des régimes d'assurance-médicaments des secteurs public et privé.
Notre recommandation finale, c'est qu'il est grand temps qu'on s'attaque à l'établissement d'un régime national d'assurance-médicaments et que, dans le contexte des deux recommandations précédentes, on franchisse une première étape en assurant une protection suffisante aux personnes qui ne sont actuellement pas assurées, en particulier les familles à faible revenu, les enfants, les personnes entre deux emplois et les travailleurs autonomes moins bien nantis.
Parmi les principaux éléments de coûts qui exigent la prise de toutes ces mesures, citons le vieillissement de la population, les percées rapides réalisées dans certains types de traitement, par exemple la thérapie génique, et l'émergence de la pharmacogénomique. Cette science est fascinante et, à certains égards, effrayante. Nous sommes témoins d'augmentations considérables du point de vue du raffinement et du coût des traitements. On devra tenir de grands débats sur les dilemmes éthiques et moraux que soulèvent certaines de ces thérapies.
Une chose est sûre: le modèle économique qui a soutenu l'industrie pharmaceutique tout au long du XXe siècle se transformera très vraisemblablement au XXIe siècle sous la pression de la recherche en génétique.
Le président: Je vous remercie.
Le Dr Roger A. Korman, président, IMS Health, Canada: Comme j'ai déjà comparu devant le comité et que j'ai présenté IMS, je tiendrai pour acquis que vous connaissez nos antécédents.
Le président: Nous avons déjà reçu la publicité. Nous vous saurions donc gré d'aller droit au but.
Le Dr Korman: La question que vous posez, c'est-à-dire pourquoi le coût des médicaments augmente-t-il? est très grave. De toute évidence, il n'y a pas d'information définitive.
Je vais maintenant faire porter mes commentaires sur deux axes de réflexion. Le premier, c'est que nous avons besoin d'une évaluation uniforme et continue. Deuxièmement, nous pouvons proposer certaines explications pour les écarts observés dans l'utilisation, mais il est certain qu'on devra réaliser plus de recherche.
En ce qui concerne l'évaluation continue, tout corps organique, qu'il s'agisse d'un organisme, d'une organisation ou d'une société, a besoin de rétroaction. Or, ce qui nous fait défaut, comme l'ont mentionné les témoins précédents, c'est tout simplement des rétroactions sur la situation actuelle Ainsi, la société ne peut maintenir l'équilibre en ce qui a trait au financement ou à toute autre intervention dans le domaine des soins de santé.
Pour maintenir l'équilibre, nous devons nous doter d'un mécanisme d'évaluation qui porte non seulement sur la maladie, mais aussi sur les interventions et, enfin, la population elle-même. Nous pouvons regrouper ces éléments en trois dimensions: la maladie, le traitement et les résultats. Tant et aussi longtemps que nous ne colligerons pas de tels renseignements pour ensuite les réintroduire dans le système, diffuser les résultats et éduquer les praticiens aussi bien que les décideurs, nous ne serons pas en mesure de comprendre les résultats pour la santé. En effet, nous nous sommes engagés sur une route sans savoir où elle mène et sans avoir une idée claire de la quantité de carburant que contient le réservoir, de la vitesse à laquelle nous roulons ni de la direction dans laquelle nous allons.
Pour situer la question dans le contexte des trois dimensions de la Loi canadienne sur la santé, nous pouvons examiner l'augmentation des coûts du point de vue de l'accès universel, de la qualité des soins et de l'impact sur la dimension économique.
Le coût total de l'utilisation des médicaments est aujourd'hui documenté. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de répondre de façon définitive à la question de savoir si ces dépenses sont trop importantes ou si elles ne le sont pas assez. Nous pouvons plus ou moins répondre à cette question, mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à la suivante: l'état de santé des Canadiens est-il meilleur?
L'écart observé dans l'utilisation de diverses thérapies est spectaculaire, comme le montre la présente diapositive. Lorsqu'on examine la question de l'accès universel, on constate toutefois rapidement l'existence d'écarts marqués dans l'utilisation de diverses thérapies au pays. En particulier, nous avons, dans le cadre du présent exposé, mis l'accent sur deux types de thérapies, c'est-à-dire l'utilisation des benzodiazépines et celle du Ritalin pour combattre le trouble déficitaire de l'attention. Au Canada, on note des écarts particulièrement spectaculaires que la seule répartition des populations ne peut expliquer.
L'écart observé dans l'utilisation des benzodiazépines au pays est supérieur à un facteur de deux.
Avec cette information provenant de l'analyse des petites régions, nous pouvons, à l'examen du cas de la province de l'Alberta, constater des écarts géographiques distincts, selon l'axe nord-sud. À l'étude de petites régions, par exemple à Calgary -- et nous l'avons fait dans de nombreuses régions métropolitaines --, nous constatons que l'utilisation des benzodiazépines peut varier de moins de 1 p. 100 à plus de 8 p. 100 dans certains quartiers pauvres de Halifax.
Nous savons qu'il existe un écart considérable dans l'utilisation des produits pharmaceutiques, qui ne correspond pas à la répartition de la population.
Le sénateur Morin: Sait-on si le phénomène est lié au statut économique des régions?
Le Dr Korman: Nous avons noté une corrélation entre l'utilisation des benzodiazépines et le statut socio-économique. Le taux d'utilisation est plus élevé dans les régions au statut socio-économique faible. Le phénomène s'explique peut-être par l'accès réduit de ces populations à d'autres formes de psychothérapies, la pharmacothérapie devenant dans de tels cas la seule solution de rechange. De plus, nous pouvons constater des corrélations, mais nous ne comprenons pas l'enchaînement causal.
En ce qui concerne l'utilisation du méthylphénidate, communément connu sous le nom de Ritalin, pour le traitement des troubles déficitaires de l'attention au Québec et en Ontario, on constate des écarts saisonniers importants correspondant à l'année scolaire. À titre d'exemple, nous ne savons pas pourquoi le taux d'abandon est de 63 p. 100 au Québec pendant l'été, comparativement à 32 p. 100 en Ontario. Est-ce parce que les enfants québécois sont plus en santé ou parce que les médecins du Québec répondent aux changements observés chez les enfants?
Le président: Le schéma est le même. Le schéma saisonnier est identique.
Le Dr Korman: Le schéma saisonnier est identique, mais la réduction de l'utilisation pendant les mois d'été est beaucoup plus grande dans une région que dans l'autre. Y a-t-il différentes écoles de pensée? Les populations ont-elles des sensibilités différentes? Tels sont les facteurs qui peuvent nous aider à comprendre l'utilisation.
En ce qui concerne d'autres aspects de la qualité des soins, d'autres écarts et, une fois de plus, l'utilisation des benzodiazépines, on note des différences majeures liées à l'âge et au sexe.
Il y a une statistique qui n'est pas présentée ici. En fait, nous avons constaté que l'utilisation des benzodiazépines entretenait une corrélation plus forte avec l'âge du médecin qu'avec celui du patient. Cela n'est pas surprenant. Les médecins plus âgés utilisent des médicaments plus anciens. Parmi les 100 médecins qui prescrivent le plus de benzodiazépines en Alberta, au Québec et en Ontario, 90 p. 100 ont obtenu leur diplôme avant 1981. Il s'agit d'un autre facteur critique lié à l'utilisation des produits pharmaceutiques qui renvoie à la formation médicale permanente et à la mesure dans laquelle les médecins sont au courant des thérapies les plus récentes.
Si, une fois de plus, on se compare aux autres pays, on constate -- autre statistique spectaculaire relative à l'utilisation des antibiotiques -- que nous consommons deux fois plus d'antibiotiques que la Hollande. En Alberta, il existe un projet fascinant appelé «Do Bugs Need Drugs?» (Les microbes ont-ils besoin de médicaments?) Quand les médecins sont rééduqués et confrontés à leur propre pratique, nous constatons que la diminution de l'utilisation peut se chiffrer à 13 p. 100. Comme on l'a déjà mentionné, le fait de réintroduire l'information dans le système et de rééduquer les praticiens peut à coup sûr avoir une incidence sur l'utilisation des médicaments.
Le sénateur Morin: Vous n'avez pas de statistiques récentes à ce sujet. En effet, j'ai l'impression que les taux d'utilisation ont beaucoup diminué au Canada. On a beaucoup insisté pour que les médecins recourent moins fréquemment aux antibiotiques.
Le Dr Korman: Les données d'IMS datent de février de cette année. En fait, nous constatons au pays une diminution de l'utilisation des antibiotiques. Il est certain que des progrès ont été réalisés en ce sens.
Le président: Nous allons demander à nos recherchistes de vous parler, sénateur Morin, parce que je crois qu'il serait utile aux fins de notre rapport que nous misions sur des données plus à jour. Le schéma est fascinant, mais nous allons obtenir des données à jour.
Le sénateur Morin: Je suis certain que le taux d'utilisation a diminué.
Le Dr Korman: Je ne sais plus très bien où j'en suis, mais j'espère que nous aurons encore du temps pour les questions.
Le président: Oui, nous avons beaucoup de temps.
Le Dr Korman: En ce qui concerne le Ritalin, nous constatons un écart spectaculaire entre les schémas d'utilisation au Canada et aux États-Unis. Les deux pays sont sur le même continent. Les médecins assistent aux mêmes conférences et lisent les mêmes documents. Doit-on en conclure que nous traitons mieux le trouble déficitaire de l'attention que les praticiens des États-Unis? Il est difficile de le dire, mais les différences entre les schémas d'utilisation n'en sont pas moins spectaculaires.
Compte tenu des écarts selon la spécialité des médecins et pour aller rapidement dans l'intérêt de gagner du temps, on constate que ce sont des psychiatres qui, au pays, sont responsables des deux tiers des diagnostics du trouble déficitaire de l'attention, mais qu'ils ne comptent que pour le tiers des ordonnances. De toute évidence, il existe une différence dans la perception et l'utilisation des soins pharmaceutiques selon les spécialités.
Nous savons que l'information au niveau des médecins revêt une très grande importance pour l'évaluation des schémas de soins. Au Québec, il y a environ 17 000 médecins. Environ 5 000 d'entre eux prescrivent du méthylphénidate, et 53 p. 100 d'entre eux sont responsables de 25 p. 100 du total des ordonnances. Une autre tranche de 131 d'entre eux comptent pour les 25 p. 100 suivants, et une autre de 408, pour les 25 p. 100 suivants. Au Québec, on peut imputer à environ 600 médecins environ 75 p. 100 des utilisations du médicament. Il s'agit d'un schéma frappant. Pour modifier ce schéma, on n'a qu'à s'attaquer aux habitudes de pratique d'un très petit groupe de médecins
On pourra dire que l'analyse porte sur toutes sortes de médecins. Nous avons étudié le schéma pour un groupe, soit les pédiatres, et constaté les mêmes écarts spectaculaires qu'on voudrait pouvoir expliquer par des fluctuations démographiques. Nous constatons que 33 p. 100 des pédiatres de la province sont responsables du tiers des ordonnances.
On constate des écarts des plus spectaculaires dans les soins pharmaceutiques de même que dans l'utilisation et la perception des médicaments. On a observé la transformation du schéma d'utilisation général, mais, une fois de plus, nous ignorons si les soins sont bons ou mauvais. Au vu de l'information dont nous disposons, il est très difficile de se prononcer.
Comme je l'ai indiqué, nous savons que jusqu'à la moitié des patients ne prennent pas leurs médicaments tels qu'ils ont été prescrits. Cependant, d'autres recherches montrent que la moitié des patients qui sortent du cabinet d'un médecin ne comprennent pas le médicament qui leur a été prescrit, pourquoi on l'a prescrit ni comment ils doivent le prendre. Ils se rendent alors dans une pharmacie communautaire -- et le Dr Poston a évoqué les malheurs des pharmacies communautaires. Les pharmaciens sont sous-financés ou luttent pour recevoir le financement qui leur permettrait d'assurer des soins consultatifs, et le patient, une fois de plus, est mal servi. À la lumière des renseignements dont on dispose actuellement, personne ne devrait s'étonner d'entendre le Dr Coambs présenter des données faisant état de taux de conformité de l'ordre de 10 à 15 ou à 20 p. 100.
Le président: Je vous remercie.
Mme Barbara Ouellet, directrice, Soins à domicile et produits pharmaceutiques, Direction générale des politiques et de la consultation, Santé Canada: Merci de m'avoir invitée aujourd'hui. Comme vous avez demandé à Santé Canada que je comparaisse aujourd'hui, je crois comprendre que la séance porte spécifiquement sur l'analyse de deux documents récents ou peut-être plus tout à fait aussi récents, le premier intitulé «Prix et générateurs de coûts des médicaments 1990-1997» et l'autre, «Utilisation des médicaments au Canada». Publiés en 1999, ces documents ont à l'origine été produits du point de vue fédéral-provincial, suivant la demande de la conférence des sous-ministres.
Je sais que vous avez reçu ces rapports. Je ne vais donc pas prendre trop de temps pour résumer l'information qui y figure, mais je tiens à préciser que les questions pharmaceutiques ont alors été définies comme constituant un secteur prioritaire. Un programme de travaux coopératifs de deux ans en a découlé: les documents que j'ai mentionnés ont été produits grâce à la collaboration des membres d'un comité fédéral-provincial-territorial connu sous le nom de Comité des questions pharmaceutiques. M. David Bougher, du ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta, et moi-même présidons ensemble ce comité, qui est composé de gestionnaires de régimes d'assurance-médicaments de programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le comité compte aussi des représentants du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) et de l'Institut canadien d'information sur la santé.
Comme je l'ai indiqué, je me suis aujourd'hui donné pour objectif de résumer certaines des conclusions des deux rapports auxquels j'ai fait allusion.
«Prix et générateurs de coûts des médicaments» témoigne de l'efficacité de la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux en matière de recherche et d'analyse dans le secteur crucial des soins de santé.
Des analyses des prix et des tendances en matière de dépenses, des niveaux de prix et des générateurs de coûts liés aux produits pharmaceutiques d'ordonnance ont été réalisées dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse. Les principales conclusions de ces analyses sont entre autres les suivantes: sur sept ans, soit de 1990 à 1997, les six régimes que j'ai mentionnés ont subi une augmentation de 44 p. 100 de leurs dépenses reliées aux médicaments d'ordonnance, qui sont passées de 1,5 milliard de dollars à 2,2 milliards de dollars.
L'augmentation des dépenses de 44 p. 100 était surtout attribuable à des facteurs comme l'utilisation accrue des médicaments existants -- par «médicaments existants», on entend ceux qui étaient déjà utilisés en 1990, si bien que tout médicament ayant vu le jour après 1991 a été considéré comme nouveau aux fins de l'analyse.
L'autre facteur clé a été l'impact des médicaments plus nouveaux, qui étaient aussi plus onéreux.
Autre conclusion: on a assisté, en 1997, à une majoration de 13 p. 100 des dépenses au titre des médicaments non brevetés vendus par un seul fabricant -- ces médicaments ne sont pas réglementés par le CEPMB. Le prix de ces médicaments était en moyenne de 30 p. 100 supérieur aux prix médians dans les pays étrangers, notamment la France, l'Allemagne, l'Italie, la Suisse, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Le président: Aux fins du compte rendu, quel est le nom exact du CEPMB, le conseil chargé de l'examen des prix?
Mme Ouellet: C'est le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Le président: Pouvez-vous me donner de médicament non breveté par rapport à un médicament breveté?
Mme Ouellet: N'étant pas pharmacienne, je ne vais pas citer de noms. Essentiellement, un médicament breveté est un médicament pour lequel le fabricant a présenté une demande au commissaire aux brevets.
Le président: Les médicaments en question sont visés par la règle des 20 ans.
Mme Ouellet: Oui. Il peut y avoir des médicaments qui, par exemple, étaient brevetés et ne le sont plus. Les médicaments génériques appartiennent aussi à la catégorie des médicaments non brevetés. Les médicaments à fournisseur exclusif peuvent également être non brevetés.
Par rapport aux médicaments non brevetés vendus par un seul fabricant dont les prix étaient de 30 p. 100 supérieurs aux prix médians dans les pays étrangers, les prix des médicaments brevetés réglementés par le CEPMB sont passés à 11 p. 100 de moins que les prix médians dans les pays étrangers. On constate donc l'impact du CEPMB.
Le sénateur Morin: C'est très important. Autrement dit, le coût des médicaments génériques est beaucoup plus élevé au Canada que dans tout autre pays. On l'ignore souvent. Le témoin fait ressortir un enjeu très important.
Mme Ouellet: Selon une analyse interprovinciale, entre 1993 et 1997, les écarts de prix entre ces six provinces se sont rétrécis pour passer en moyenne de 8,8 p. 100 à 5 p. 100. On note partout au pays une certaine convergence dans le domaine des médicaments d'ordonnance.
Vous seriez peut-être intéressés d'apprendre que les travaux sur les prix des médicaments et les générateurs de prix se sont poursuivis à l'initiative du Comité fédéral-provincial-territorial sur les produits pharmaceutiques. En 1999, Santé Canada a, avec des fonds provenant du budget pour l'exercice, signé un protocole d'entente avec le CEPMB en vue de mener d'autres études sur les prix et les tendances en matière de dépenses, les niveaux de prix et les générateurs de coûts liés aux produits pharmaceutiques d'ordonnance. Dans le cadre de ces travaux, on entend s'intéresser aux provinces qui n'ont pas été visées et s'intéresser au régime fédéral d'assurance-médicaments pour les Premières nations, le Programme des services de santé non assurés. Ces travaux sont actuellement en cours. À la fin, nous aurons fait enquête sur l'ensemble des administrations de même que sur l'ensemble des régimes provinciaux et fédéraux.
La pertinence de ces travaux a été mise en lumière par l'importance accordée aux questions relatives à la gestion des produits pharmaceutiques dans le communiqué sur la santé découlant de la réunion des premiers ministres du 11 septembre 2000.
Vous savez probablement que, en mars, l'Institut canadien d'information sur la santé a publié son propre rapport sur les dépenses de médicaments couvrant la période allant de 1985 à 2000. Histoire d'en donner un bref aperçu, je souligne qu'on y précise que le coût des médicaments continue à absorber une part croissante des dépenses canadiennes de santé. Il représente en effet la deuxième catégorie de dépenses de santé en importance après les services hospitaliers. On l'a peut-être déjà souligné.
On s'attend à ce que les dépenses liées aux médicaments atteignent les 14,7 milliards de dollars en 2001, soit 15,5 p. 100 des dépenses de santé totales. La hausse fera suite aux augmentations de 8,9 p. 100 et de 9 p. 100 enregistrées en 1999 et en 2000.
Le deuxième rapport auquel vous m'avez demandé de m'adresser s'intitule «Utilisation des médicaments au Canada». À l'instar du rapport sur le prix et les générateurs de coûts des médicaments, le rapport sur l'utilisation des médicaments a été réalisé sous la direction du Comité fédéral-provincial-territorial sur les produits pharmaceutiques. Il avait pour objectif de déterminer l'ampleur des problèmes liés à l'utilisation des médicaments au Canada et d'établir ainsi que d'évaluer d'éventuelles initiatives visant à atténuer ces problèmes.
La principale conclusion qui ressort de ces travaux est que le nombre d'ordonnances gratuites s'est établie à environ 254 millions au Canada en 1998, ce qui représente une augmentation de 5,4 p. 100 par rapport à l'année précédente. Ce chiffre se traduit par une moyenne de 8,3 ordonnances par citoyen en 1998.
La pharmacothérapie prend de plus en plus de place dans le système de soins de santé. À ce titre, elle doit donc offrir un bon rapport coût-efficacité. C'est ainsi qu'on pourra optimiser les résultats pour la santé et éviter d'autres coûts inutiles -- je crois que certains intervenants ont déjà fait allusion à certains de ces impacts.
Le Canada ne dispose pas de données exhaustives fiables sur l'utilisation et le coût des médicaments, ce qui constitue en soi un obstacle à l'analyse, notamment celle de certaines orientations stratégiques ou conséquences éventuelles de ces orientations. Les Canadiens sont de plus en quête d'une information faisant autorité, fondée sur des preuves et adaptée au patient qui leur serait communiquée au moment où on leur remet leur ordonnance ou au moment où elle est exécutée.
Mis ensemble, ces efforts sont importants. Je tiens à souligner que, dans le cadre de ces travaux, nous avons travaillé en collaboration avec l'Association médicale canadienne, l'Association des pharmaciens du Canada et d'autres.
En guise de conclusion, j'ajoute qu'on retrouve dans le communiqué des premiers ministres certains autres secteurs prioritaires sur lesquels devront porter les travaux futurs des gouvernements. À ce propos, citons l'évaluation des questions relatives aux pratiques exemplaires, des analyses de l'efficience des produits pharmaceutiques et la mesure dans laquelle certains mécanismes gouvernementaux d'évaluation des données provenant d'essais cliniques et d'autres sources pourront être rationalisés. En fait, il se peut même qu'il y ait certains domaines d'intérêt commun à propos desquels nous pourrons mener des travaux conjoints.
Le président: Je vais poser aux membres du groupe une question de portée générale. Comme point de départ, je me référerai directement à un commentaire qu'à fait le Dr Poston à la fin de son témoignage, c'est-à-dire que la première étape devrait consister à assurer une protection adéquate aux personnes qui n'ont actuellement pas d'assurance-médicaments, en particulier les familles à faible revenu, les enfants, les personnes entre deux emplois et les travailleurs autonomes.
J'aimerais avoir une idée de ce que nous savons au sujet de ces personnes. Par exemple, avons-nous des données sur les ordonnances qui ont été données, mais que les patients n'ont pas fait exécuter faute d'argent? Avons-nous des données sur les ordonnances qui ont été données, exécutées, mais, dans les faits, mal utilisées? Avons-nous des données sur les personnes qui ont besoin de médicaments, mais qui ne les obtiennent pas, principalement en raison de considérations économiques? Disposons-nous de données qui portent généralement sur ces questions?
Le Dr Coambs: Dans toute cette affaire, l'élément le plus important se trouve dans votre dernière question. Bien entendu, c'est aussi celui à propos duquel il est le plus facile de répondre. Après tout, il existe d'assez nombreuses études publiées, au Canada et aux États-Unis, qui font état de très forts compromis entre l'accès aux médicaments et l'utilisation de ces derniers et les conséquences qui s'ensuivent.
Si, en d'autres termes, vous haussez le prix des médicaments ou rendez ces derniers moins accessibles, les gens feront exécuter moins d'ordonnances, renouvelleront moins d'ordonnances et utiliseront davantage d'autres ressources de santé. Si vous leur interdisez l'accès aux médicaments, ils feront augmenter les coûts liés aux hospitalisations. Oui, les facteurs économiques représentent un obstacle, et d'autres questions relatives à l'accès en représentent un autre.
Le président: J'ai toujours cru que les données économiques étaient par nature variables. Disposons-nous de données objectives?
Le Dr Korman: Le Dr Tamblyn a évalué l'impact du régime québécois, et le comité doit se procurer ces renseignements. S'il a assuré une protection universelle, le régime a également entraîné une augmentation de la franchise ou de la quote-part. Il a eu, comme le Dr Coambs l'a souligné, un impact mesurable.
Le Dr Poston: La mauvaise nouvelle, c'est que nous ne possédons pas de bonnes données pour le Canada. Des études ont été réalisées aux États-Unis, et l'article récent du Dr Tamblyn, auquel j'ai fait allusion dans notre mémoire, est l'une des premières études significative réalisée au Canada pour illustrer la portée du problème. J'ai fait allusion au fardeau administratif que les pharmaciens doivent actuellement assumer. Une bonne partie du problème s'explique par le fait que les gens se présentent avec des ordonnances se rapportant à des médicaments qui ne sont plus assurés par leur régime. Le médecin n'est pas au courant des médicaments qui sont assurés. Il se contente de donner l'ordonnance. Au cours des six derniers mois ou de la dernière année, le régime public ou privé d'assurance-médicaments a subi des modifications. Le médicament n'est plus assuré. Nos membres se voient dans l'obligation de téléphoner au médecin et de lui expliquer que le médicament n'est plus assuré ou encore de demander au patient de retourner voir son médecin, ce qui entraîne des coûts additionnels, sans parler des inconvénients.
Il est certain que nous entendons beaucoup de témoignages anecdotiques. Dans des établissements des quatre coins du pays, nos membres sont confrontés chaque jour à des cas où le médecin a rédigé une ordonnance pour deux médicaments. La question que le patient pose au pharmacien est la suivante: «Je n'ai pas les moyens de prendre les deux. Lequel devrais-je choisir? Choisissez pour moi et dites-moi celui que je dois absolument prendre.» Voilà le fardeau que les modifications apportées aux régimes d'assurance-médicaments font porter aux pharmaciens communautaires et aux patients.
Nous n'avons pas de bonnes données à ce sujet. L'article du Dr Tamblyn est le premier effort exhaustif visant à étudier le phénomène au Canada, mais je crois que les préoccupations à la base sont considérables.
Mme Ouellet: Je suis d'accord pour dire que les études nous seraient utiles. Il serait utile que le comité se procure un autre rapport que nous avons financé plutôt massivement aux termes du Fonds pour l'adaptation des services de santé. Le rapport porte sur l'accès des Canadiens à l'assurance pour les médicaments d'ordonnance. Dans l'étude, on a défini trois échelles et tenté de mesurer l'accès pour chacune: la première porte sur les coûts habituels, la deuxième, sur les dépenses en cas de catastrophe -- ici, on a essentiellement affaire à la protection illimitée -- et la dernière, sur la capacité générale de payer. Dans le contexte de cette étude, nous avons défini la capacité de payer en fonction du pourcentage du revenu disponible consacré aux médicaments. Je pense que l'étude pourrait vous fournir des renseignements utiles, et nous pourrons vous la faire parvenir.
Le président: S'agit-il d'un document public?
Mme Ouellet: Oui.
Le président: De quand datent les données?
Mme Ouellet: L'étude a été publiée l'année dernière. Elle est donc relativement récente. Je vous en ferai parvenir des exemplaires.
Le Dr Poston: J'aimerais ajouter un élément de plus. L'une des conclusions communes aux études dans le cadre desquelles des pharmaciens ont évalué d'un point de vue critique la pharmacothérapie -- les données en question proviennent à la fois des États-Unis et du Canada --, c'est que, dans environ 20 p. 100 des cas, on a recommandé d'augmenter la quantité de médicaments. Lorsqu'on cherche à évaluer les améliorations tout en tenant compte des économies de coût, cette situation pose toujours problème. Assez souvent, on a affaire à des patients qui ont vraiment besoin de médicaments et qui, pour diverses raisons, ne les reçoivent pas. Dans ce cas-ci, une augmentation des quantités de médicaments était recommandée dans quelque 20 p. 100 des cas. De toute évidence, nous devons évaluer l'impact du fait de ne pas recevoir de traitement sur la santé à long terme.
Le sénateur LeBreton: Vos témoignages ont été des plus utiles et des plus éclairants. J'ai des questions à poser à chacun d'entre vous relativement à ce que vous avez dit.
Ma première question s'adresse au Dr Coambs. Dans votre témoignage, vous avez émis l'hypothèse que le public consent implicitement à une enveloppe correspondant à 11 p. 100 du PIB. Je ne le conteste pas. Je crois que le public est disposé à dépenser un pourcentage plus grand du PIB. Sur quoi avez-vous fondé votre affirmation? Comment avez-vous abouti à ce chiffre? S'agit-il d'une hypothèse? Quelles sont certaines des données que vous avez utilisées pour en arriver à 11 p. 100 du PIB?
Le Dr Coambs: C'est une bonne question. Je suis heureux que vous l'ayez posée. En fait, je m'attendais à ce que quelqu'un le fasse. Il s'agit pour l'essentiel d'une tendance à la hausse commune à tous les pays de l'OCDE. Il est raisonnablement sûr de postuler que le Canada demeurera près de l'échelon supérieur, mais sous les États-Unis. Le chiffre de 11 p. 100 est une estimation de ma part.
En fait, pour répondre à votre question de façon très succincte, il s'agit d'une estimation au jugé.
Le sénateur LeBreton: C'est au moins ça.
Le Dr Coambs: Le mieux que je pourrais faire consisterait à vous présenter les données sous-jacentes qui ont conduit à la conclusion, en particulier la tendance à la hausse que j'ai observée. Pour moi, c'est une affirmation facile à faire. À titre de politicien, vous devez faire bouger les choses. Mais c'est bel et bien la direction dans laquelle les données semblent pointer.
Le sénateur LeBreton: Interrogé à propos des enjeux, le public vous donne raison.
Le Dr Coambs: Les citoyens ne disent pas: «Nous avons besoin d'une enveloppe correspondant à 11 p. 100 du PIB.» Ce qu'ils disent, c'est plutôt: «Mon oncle a été hospitalisé et a reçu des soins de mauvaise qualité. Il aurait dû être mieux traité.»
Le sénateur Morin: Le fait que la tendance soit vers une proportion de 11. p. 100 ne signifie pas nécessairement que les contribuables soient disposés à payer des impôts qui conduiront à un tel pourcentage, ni que les provinces seront d'accord pour payer autant. Pour ma part, je ne suis pas d'accord pour dire que les provinces ou les contribuables sont prêts à éponger la facture.
Le Dr Coambs: Ce que je dis, de façon plus précise, c'est que l'électorat semble nous montrer de toutes sortes de façon -- qu'il s'agisse de sondages d'opinion publique ou des habitudes de vote -- qu'il est insatisfait du niveau actuel de dépenses dans les soins de santé. L'idée de faire porter le pourcentage à 11 p. 100 ne me plaisait même pas parce que la façon dont nous dépensons aujourd'hui les crédits à notre disposition me déplaît. Cependant, je crois que nous devons hausser légèrement les dépenses pour dégager la marge de manoeuvre dont nous avons besoin pour corriger les problèmes. En effet, nous devrons investir dans certains programmes de prévention et d'intervention précoce, faute de quoi nous risquons de nous retrouver coincés à long terme. Nous pouvons ou bien entrer de plain-pied dans l'avenir ou attendre qu'on nous y fasse entrer de force. Dans la dernière hypothèse, nous devrons consacrer des sommes considérables à des actes médicaux de dernière minute comme nous le faisons aujourd'hui, sans faire de véritables percées qui permettent de prolonger sensiblement la longévité.
Le sénateur LeBreton: Le pourcentage est probablement exact. Votre hypothèse est probablement exacte. Ce que les citoyens nous disent probablement, c'est: «Prenez de l'argent ailleurs, et investissez-le ici.» Cependant, ils ne sont pas disposés à payer plus d'impôt.
Le Dr Coambs: Oui.
Le sénateur LeBreton: Maintenant, docteur Poston, en ce qui concerne la prescription et l'utilisation impropres de médicaments, en particulier en ce qui touche les aînés et leur consommation de médicaments d'ordonnance, comment les pharmaciens exercent-ils un contrôle et une surveillance? Existe-t-il un système qui leur permette de savoir dans quelles circonstances il y a abus de médicaments? Quel pouvoir d'intervention exercent-ils? Ils ne voudront pas mettre en doute les ordonnances des médecins. Tout irait bien si les patients obtenaient tous leurs médicaments d'ordonnance à la même pharmacie. Existe-t-il un lien entre pharmaciens? Existe-t-il un réseau qui permettrait de repérer un aîné qui se procure trois médicaments d'ordonnance dans une pharmacie, deux dans une autre et encore deux ailleurs? L'aîné en question pourrait mettre sa santé en péril.
Le Dr Poston: Je vais d'abord répondre à la dernière partie de votre question. Pour l'essentiel, les pharmaciens ne sont pas en mesure d'échanger des données. En fait, je ne crois pas qu'on réalisera beaucoup de progrès dans ce domaine en raison du débat actuel sur la protection des renseignements personnels.
En Colombie-Britannique, toutes les pharmacies sont reliées entre elles. Les médicaments d'ordonnance vendus en Colombie-Britannique, qu'ils soient payés par le secteur public ou le secteur privé, passent tous par le commutateur du gouvernement.
En fait, on trouve dans la base de données du régime d'assurance-maladie de la Colombie-Britannique une liste de tous les médicaments d'ordonnance qu'un patient a reçus, peu importe qui les a payés. Un pharmacien qui exerce sa profession en Colombie-Britannique a accès à ce fichier complet.
Le sénateur LeBreton: Est-ce un peu comme une carte à mémoire?
Le Dr Poston: Non. Il s'agit simplement de la façon dont le réseau d'information sur la santé est organisé en Colombie-Britannique. PharmaNet est la technologie utilisée.
Dans la plupart des régimes publics et dans la plupart des régimes privés, le paiement des médicaments d'ordonnance est réglé en ligne et en temps réel à la pharmacie. Au moment où il remplit l'ordonnance, le médecin sait qu'il sera payé. La base de données du payeur et celle de la pharmacie s'échangent des données. En Colombie-Britannique -- je crois qu'on s'affaire à un projet du même genre au Manitoba et en Saskatchewan --, le régime est en mesure de mettre à la disposition des pharmaciens un dossier complet des médicaments, par l'entremise des systèmes PharmaNet.
Le sénateur Ferretti Barth: Fonctionne-t-on de cette façon au Québec aussi?
Le Dr Poston: Oui. La technologie de l'information est en voie de régler le problème de l'accès aux dossiers. Un des grands secteurs qui fait l'objet de débats, c'est qu'il arrive souvent que les pharmaciens ne disposent pas de renseignements sur les raisons pour lesquelles le médicaments a été prescrit. Le problème s'est posé récemment en Ontario en raison de certaines des politiques du Programme de médicaments gratuits de l'Ontario.
En ce qui concerne la première partie de votre question, maintenant, c'est l'un des problèmes qui ont pour effet de rendre le contrôle des résultats relativement difficile. Pour pouvoir contrôler les résultats de façon efficace, on doit avoir accès à l'information. On peut assurer le suivi des patients qui viennent pour des renouvellements. Il existe également des programmes expérimentaux visant à mettre un système de rappel à la disposition des pharmaciens. La charge de travail est telle qu'ils ne peuvent pas rappeler tout le monde, mais ils communiqueront avec les patients qui, à leur avis, en ont vraiment besoin.
Il existe également des programmes expérimentaux faisant appel à des modèles de pratiques axés sur la consultation en vertu desquels les pharmaciens, au moyen de mécanismes de financement distinct ou d'autres dispositions, ont le temps de s'asseoir et de discuter plus en détails avec les patients.
Le sénateur Robertson: Pourriez-vous nous dire qui a accès à PharmaNet?
Le Dr Poston: Les pharmaciens communautaires y ont accès. Je crois que les pharmaciens hospitaliers y ont aussi accès. C'est à peu près tout.
Le sénateur Robertson: L'automne dernier, la question de l'accès à l'information dont disposent les pharmaciens s'est posée au moment de l'étude des dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels. Je suis d'accord avec vous pour dire que les pharmaciens devraient jouer un rôle plus important. Pour tout dire, je ne sais pas ce que je ferais sans mon pharmacien. Je ne veux pas dire de mal de mon médecin de famille. Il est si occupé que j'évite de le déranger.
L'automne dernier, on nous a dit qu'il existe des groupes spécialisés dans la collecte de données qui achètent des dossiers de pharmaciens pour les renseignements qu'on y retrouve.
J'aimerais savoir dans quelle mesure ces dossiers sont accessibles aux organisations ou aux groupes dont l'activité consiste à collecter et à distribuer de tels dossiers, qui renferment beaucoup de renseignements personnels. C'est l'un des arguments qui ont été soulevés à répétition devant nous au moment de l'étude des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels.
Le Dr Poston: Je vais répondre d'abord, puis demander au Dr Korman de compléter mes propos.
Ce qu'il y a d'intéressant dans le programme PharmaNet de la Colombie-Britannique, c'est que les patients peuvent utiliser un numéro d'identification personnel pour contrôler l'accès à leur dossier, comme nous le faisons pour effectuer des transactions avec notre banque ou par l'intermédiaire du réseau Interac. Le patient doit choisir d'utiliser un numéro d'identification personnel.
Le sénateur Robertson: Quel est le pourcentage d'entre eux qui utilisent le numéro?
Le Dr Poston: Il est très faible.
En ce qui concerne la vente de dossiers, ce qui arrive habituellement -- et c'est l'un des objets du litige --, c'est que certaines pharmacies vendent des données aux fins de recherches et d'études de marché, mais le nom du patient est retiré. On retrouve des renseignements sur l'utilisation des médicaments d'ordonnance, mais on ne peut identifier les patients. C'est ainsi qu'on fonctionne.
Le sénateur Robertson: Nous pourrions en débattre encore une fois.
Le Dr Korman: Je ne suis pas en mesure de parler des règles d'accès à PharmaNet, mais je pense qu'elles sont bien documentées. Je crois savoir que PharmaNet «désidentifie» les renseignements sommaires fournis à des fins de recherches.
En ce qui concerne nos propres pratiques, je vais une fois de plus renvoyer la balle dans le camp du Dr Poston. Dans l'ensemble du pays, l'accès à l'information dont nous bénéficierons sera régi par les règles provinciales applicables aux pharmacies, et nous n'avons aucun intérêt à colliger de tels renseignements à propos de patients identifiés. Cependant, je pense que les dispositions législatives provinciales en vigueur au pays interdisent ce genre d'accès. Je crois que le point de contrôle est bien réglementé.
Le Dr Poston: Il est certain que ce genre d'accès est interdit dans certaines provinces, en Colombie-Britannique, par exemple. Dans d'autres provinces, on exige que le patient ne puisse être identifié.
Nous avons servi de secrétariat au groupe de travail national financé par Santé Canada qui a pour mandat d'étudier les questions relatives à la protection des renseignements personnels sur la santé. Un des sujets de débat et de litige a trait à l'utilisation appropriée des renseignements ou des renseignements identifiés et «désidentifiés». Vous en entendrez assurément parler de nouveau.
Le président: Au profit des membres du comité, je signale que la question dont nous discutons avec le gouvernement relativement au projet de loi C-6 pourrait très bien être soumise de nouveau à l'examen du comité. Si, aux termes de l'entente à laquelle nous en sommes arrivés, on ne parvient à une solution à l'amiable acceptable pour toutes les parties d'ici deux ou trois mois, la question nous sera soumise de nouveau. J'en ai discuté la semaine dernière avec des hauts fonctionnaires.
Le Dr Coambs: La bonne façon d'aborder la question consiste à passer par les patients. Il existe de nombreuses façons de collecter des données. Essentiellement, nous avons affaire à des données recueillies au niveau des patients à propos desquelles les identificateurs ont été retirés ou non. Ces identificateurs devront être présents pour que les pharmacies puissent échanger des données.
Si, en dernière analyse, nous allons exploiter le régime d'assurance-médicaments, nous aurons besoin de données sur les patients associées à des identificateurs, et nous allons échanger des renseignements. Je sais que c'est préoccupant, mais, après tout, tous les régimes provinciaux d'assurance-maladie utilisent également des renseignements sur les patients. Certaines provinces les mettent à la disposition des chercheurs; d'autres, non. Certaines échangent les données et effectuent des recherches spécialisées, d'autres, non.
Ce qu'il y a, c'est que des renseignements seront échangés de toute façon. Si, en fait, nous adoptons un régime d'assurance-médicaments qui fonctionne correctement, nous allons devoir, d'une façon ou d'une autre, recueillir un certain type de données universelles sur les patients. Sinon, comment allons-nous pouvoir éviter de gaspiller de l'argent en médicaments d'ordonnance superflus ou d'assurer un suivi des patients pour nous assurer qu'ils prennent bel et bien leurs médicaments ou que, par exemple, ils font renouveler leurs ordonnances d'insuline?
Au total, 50 p. 100 des diabétiques ne font pas renouveler leurs ordonnances. C'est un problème. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.
Le sénateur Robertson: Il me semble qu'on nous a dit que certaines société pharmaceutiques pourraient obtenir auprès des pharmacies le nom des médecins qui n'utilisent pas leurs produits.
Le Dr Coambs: Il s'agit de données recueillies au niveau des médecins. C'est différent.
Le sénateur Robertson: Quoi qu'il en soit, les sociétés obtiennent des dossiers. Ensuite, des représentants rendent visite aux médecins et s'assurent qu'ils comprennent comment prescrire leurs médicaments aux patients et s'efforcent de vendre leurs produits. Il s'agit d'un autre enjeu relatif à la protection des renseignements personnels. Si j'en parle, c'est parce que je sais que la question préoccupe bon nombre de nos collègues du Sénat.
Le Dr Coambs: Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que c'est terrible et qu'il faut éviter d'agir parce que la tâche qui nous attend est compliquée et intimidante. Malheureusement, je pense que nous allons devoir nous engager sur la voie tracée par le projet de loi C-6, retrousser nos manches et trouver le moyen de parvenir à nos fins. Les renseignements seront utilisés. Dans tous les ministères provinciaux, on évoque la possibilité de constituer des dossier électroniques sur les patients. Nous allons devoir contrôler la situation ou nous laisser contrôler par elle.
Le sénateur Robertson: Vous avez probablement raison.
Le sénateur LeBreton: Je crois qu'il y a eu des améliorations. Tôt ou tard, nous allons être confrontés à la réalité.
Docteur Korman, j'aimerais poser une question précise au sujet de la diapositive 21 qui figure à la page 11 de votre reliure. J'ai été choquée par les données comparatives entre le Canada et les États-Unis concernant les prescriptions de Ritalin. Avez-vous plus de renseignements au sujet de ces données? Les Canadiens prescrivent-ils trop souvent ce médicament, ou sommes-nous moins tolérants à l'endroit des enfants plus actifs? Comment expliquer le phénomène? Le savez-vous? Avez-vous eu l'occasion de vous y intéresser?
Le Dr Korman: Je pense que votre question soulève un enjeu plus vaste. Les renseignements au sujet des raisons qui expliquent le recours à une pratique de multiples façons font systématiquement défaut. Ce n'est que tout récemment que j'ai vu les chiffres pour les États-Unis, et j'ai moi-même été choqué par la différence. On peut penser que les médecins canadiens sont mieux formés et mieux informés, ou qu'ils ont recours au médicament comme il se doit. Pour le moment, c'est très difficile à dire.
Le sénateur LeBreton: Lorsqu'une statistique comme celle-ci se fait jour dans votre étude, y a-t-il un mécanisme qui permette de déclencher la réalisation de nouvelles recherches? Que se passe-t-il? En reste-t-on à une statistique dans un graphique?
Le Dr Korman: Nous sommes en mesure d'analyser les données à certains niveaux géographiques. De toute évidence, nous voulons d'abord établir s'il existe un lien entre les données démographiques au sens large qui justifie un tel écart. Dans ce cadre, nous nous intéresserons à certains domaines d'analyse, ou nous nous pencherons sur des groupes de praticiens.
Pour en revenir à la question de la valeur de l'information, on doit conclure qu'il s'agit là de l'une des utilisations les plus précieuses -- comparer des groupes de praticiens et tenter de comprendre la situation de leur population locale, sans compter que leur spécialité ou leur profil de formation explique peut-être aussi les écarts. Nous avons épluché certaines des corrélations, mais nous ne comprenons pas nécessairement la véritable cause de l'écart. Nous constatons qu'il existe un écart selon le statut socio-économique de la population et sa capacité d'obtenir des médicaments d'ordonnance ou d'avoir accès à d'autres types de soins. Si, pour en revenir à l'exemple du Ritalin, on n'a pas accès à des services de psychothérapie ou qu'on bénéficie d'un accès limité au régime provincial, le taux d'utilisation plus élevé du médicament constitue peut-être une solution de rechange généralement efficace. Nous constaterons des écarts dans les profils des médecins qui correspondent aux écarts observés dans les utilisations.
Nous n'en sommes encore qu'à la surface. Voilà où nous sommes déchirés. Oui, le système a besoin de plus de ressources, mais, en même temps, la compréhension que nous avons de la qualité de l'utilisation des ressources existantes est si limitée que les choix ne sont pas faciles à faire.
Le sénateur Fairbairn: Le graphique en question m'a choquée, moi aussi. J'aurais plutôt cru que c'était le contraire. Par le truchement de la recherche, il existe certains nouveaux types de thérapies qui font l'objet d'essais et de tests et qui, de fait, sont utilisés au Canada et qui ont trait aux problèmes au trouble déficitaire de l'attention, sans qu'on mette l'accent sur les médicaments. À Calgary, il y a une clinique dans laquelle on a eu recours à d'autres stratégies, axées sur un certain type de scanner cérébral, ou je ne sais trop. L'accès à ce type de traitement serait-il plus répandu aux États-Unis qu'ici? Aurait-on plus souvent recours au Ritalin ici faute de certains de ces mécanismes en voie de développement?
Le Dr Coambs: Pour répondre à votre question, je vais coiffer un de mes autres chapeaux, soit celui de psychologue. Essentiellement, on a eu recours aux médicaments comme le Ritalin pour traiter l'hyperactivité au cours d'une période prolongée. En fait, il s'agit de très bons médicaments. Il y a environ dix ans, ils ont commencé à perdre en popularité parce que, à peu près comme vous l'avez dit, on s'est dit qu'il y avait probablement une meilleure solution. On n'en a pas trouvé. Les Canadiens, qui ont beaucoup moins la phobie des médicaments que les Américains, ont compris que la meilleure solution consistait pour le moment à remédier au problème au moyen du méthylphénidate et à une thérapie concurrente. Le médicament est redevenu populaire parce que les cliniciens ont compris qu'il représentait la meilleure solution. Les Américains s'inquiéteront toujours de tout ce qui peut faire l'objet d'abus. Nous prescrivons beaucoup plus de codéine, et ils prescrivent beaucoup plus de produits qui, à leurs yeux, ne créent pas de dépendance, mais qui, en réalité, en créent une, par exemple le Darvon. Les Américains, qui ont la phobie des stupéfiants, ont des pratiques plutôt bizarres en matière de prescription, tandis que, au Canada, nous sommes plus susceptibles de dire: «Si le produit est utile, nous allons le prescrire et gérer les risques d'abus».
Le Dr Poston: Si vous utilisez le méthylphénidate comme micro-exemple des problèmes qui se posent, je pense que vous devez faire preuve d'une extrême prudence dans l'interprétation des données fondées sur des écarts observés dans de petites régions. Restons-en à l'exemple du méthylphénidate. D'abord, nous devons nous inspirer de la médecine fondée sur l'expérience clinique pour mettre au point des lignes directrices relatives aux ordonnances qui favorisent une utilisation appropriée du méthylphénidate aux fins de la maîtrise du trouble en question. S'agit-il, oui ou non, du meilleur choix de traitement? Chez qui procure-t-il de bons résultats? Qui sont les patients qui répondent bien au traitement? Qui sont ceux qui y répondent mal? Adoptons de bonnes lignes directrices relatives aux ordonnances. Cependant, nous devrions nous assurer d'interpréter correctement l'utilisation des données et nous intéresser à la question de la qualité de l'utilisation. Si votre enfant est atteint du trouble déficitaire de l'attention, vous le conduirez chez le médecin qui, à Ottawa, traite le mieux l'hyperactivité et le trouble déficitaire de l'attention. Il est clair que le médecin en question prescrira souvent ce médicament particulier. Il est tout à fait normal d'observer de telles concentrations.
C'est ce qui est à la base de notre première recommandation. L'IRSC doit mener des études pour évaluer à titre prioritaire la qualité de l'utilisation des médicaments. D'après les données dont nous disposons, nous ne savons pas si l'utilisation des médicaments a été appropriée ou non. L'administre-t-on aux bons enfants? Utilise-t-on les bonnes doses? Quels sont les résultats? Comme l'a indiqué le Dr Korman, on doit aller plus loin que les données sur l'utilisation et s'intéresser à la question de la qualité. Nous saurons alors que des lignes directrices ont été adoptées et que les médicaments sont prescrits et pris adéquatement. Tous ces systèmes devront être en place avant que nous n'envisagions l'établissement d'un régime national d'assurance-médicaments.
Le Dr Korman: Pour être sûr qu'on comprenne bien, je rappelle que nous disposons d'une tonne de données, mais que les mécanismes qui permettent de les réintroduire dans le système font défaut. Quand elles sont réintroduites dans le système, les données ont un effet considérable. Dans le contexte approprié, elles peuvent avoir un effet positif. J'ai fait allusion à l'étude albertaine, «Do Bugs Need Drugs?» C'était une initiative de santé publique. On a présenté à nouveau aux médecins les lignes directrices relatives aux ordonnances, et on a assisté à une diminution de 13 p. 100 de l'utilisation des antibiotiques et à une utilisation plus appropriée des divers niveaux de thérapie.
Pour l'essentiel, la difficulté tient au fait que de nombreuses personnes ont la phobie des données. C'est un peu comme si l'information allait porter ombrage à leurs idées fausses. Les gens ont le sentiment de faire de leur mieux et d'avoir des connaissances à jour. Combien avez-vous rencontré de personnes qui ne se font pas une haute idée d'elles-mêmes?
Nous devons aller au-delà du contexte du partage de l'information et procéder de façon éducative, et non punitive.
Nous devons d'abord relever le défi considérable qui consiste à colliger des données de bonne qualité, puis à les évaluer et enfin à les réintroduire dans le système de façon qu'elles puissent produire un impact considérable. Elles auront un impact considérable.
Le sénateur Morin: J'aimerais faire trois brefs commentaires. Le premier s'adresse au Dr Poston. Il a fait allusion à l'expérience audacieuse du Québec. Parlait-il de l'introduction des frais modérateurs pour les patients âgés? Faisait-il référence aux deux lois de retour au travail que l'assemblée législative a adoptées pour les pharmaciens? Faisait-il référence au régime d'assurance-médicaments, qui est de loin le plus coûteux au pays?
Les données présentées par le Dr Korman m'ont intéressé. Je n'avais pas en main les données pour la dernière année. En fait, on a assisté à une hausse de 15 à 17 p. 100 par année. Je constate que, l'année dernière, le Québec occupe encore une fois le premier rang, avec 11 p. 100. Les autres provinces sont à 3 p. 100, 2 p. 100 et 4 p. 100, tandis que le Québec, avec son régime d'assurance-médicaments, est à 11 p. 100. Vous avez eu raison de dire que l'expérience était audacieuse.
Le Dr Poston: Vous soulevez d'excellentes questions.
Le sénateur Morin: Devrais-je poser toutes mes questions d'abord?
Deuxièmement, je suis tout à fait d'accord avec le Dr Korman pour dire que nous avons besoin de données. C'est, à mes yeux, très important. Nous aurons d'autres occasions de débattre des données. Je comprends les préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels. Je prends acte de la discussion que nous avons eue cet après-midi au sujet de l'absolue nécessité d'un plus grand nombre de données sur l'utilisation des médicaments, les régions, les patients et les médecins, de façon que nous puissions compter sur une rétroaction. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de rétroaction pour les médecins ni pour les régions. Je crois que c'est très important. Si, pour une raison ou pour une autre, on observe chez quelqu'un un schéma inhabituel, il devrait, me semble-t-il, y avoir une rétroaction.
Je m'attendais à ce que nos spécialistes formulent davantage de recommandations concernant le rôle du gouvernement fédéral. Une bonne part des enjeux dont nous avons débattu relève en vérité du provincial. Par exemple, devrions-nous adopter un formulaire national? Cela serait utile. Les provinces sont sujettes à de trop nombreuses pressions politiques pour introduire de nouveaux médicaments. Dans chacune des provinces, on retrouve un fort lobby de la sclérose en plaques, ce qui est très bien, et il s'efforce d'obtenir l'introduction de nouveaux médicaments coûteux. C'est son travail. Cependant, il serait plus facile d'établir un formulaire national grâce auquel le gouvernement fédéral, ou encore les provinces avec l'aide du gouvernement fédéral, pourraient résister à ces fortes pressions politiques. Vous voyez, il arrive souvent que les scientifiques se prononcent tous contre l'inscription d'un nouveau médicament dans le formulaire, alors que le ministre cède enfin aux pressions politiques. Personnellement, je pense qu'il s'agirait d'un excellent moyen de contrer cette tendance.
Je m'attendais à ce que le Dr Poston parle davantage des ordonnances données par les pharmaciens. Pour ma part, j'y crois fermement. Vous y avez fait brièvement allusion à propos des contraceptifs. Je pense qu'il existe un vaste domaine dans lequel on pourrait recourir davantage aux ordonnances données par des pharmaciens. La mesure donnerait aux pharmaciens la possibilité de jouer un rôle important, tout en permettant une réduction des coûts. Malheureusement, comme vous le savez probablement à la lumière des travaux effectués au sud de la frontière sur les organisations de soins de santé intégrés (OSSI), rien ne prouve que l'utilisation des médicaments fondée sur des données scientifiques se traduit par une diminution du volume. Au contraire, elle entraîne une augmentation du volume. Les hypocholestérolémiants que vous avez cités en exemple, se traduisent non pas par une réduction des coûts, mais bien plutôt par une augmentation des coûts, parce qu'ils sont coûteux et qu'on doit traiter 1 000 patients pour prévenir un seul cas. Je ne dis pas qu'il ne faut pas les utiliser, mais on ne doit pas y voir une procédure qui entraîne une diminution des coûts. Au contraire, elle les fait augmenter.
Le principal problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés, comme vous l'avez mentionné, c'est le fait que nous tentons de trouver des moyens de réduire les coûts.
Le Dr Poston: L'expérience audacieuse à laquelle je faisais allusion, c'est l'introduction d'un régime universel d'assurance-médicaments, en particulier l'accent mis sur l'intégration du financement public et privé. C'est la première tentative du genre -- je ne devrais peut-être pas utiliser le mot «expérience» -- dans laquelle nous avons été témoins d'efforts constructifs et créatifs d'intégration des secteurs public et privé dans le financement d'un régime d'assurance-médicaments. Nous devons l'étudier avec soin. La question de savoir si un tel modèle pourrait être reproduit ailleurs au pays reste ouverte parce que l'histoire de l'industrie québécoise de l'assurance est relativement particulière.
Par ailleurs, il est clair que certaines des hypothèses sur lesquelles repose le régimes se sont depuis révélées fausses et ont entraîné des problèmes, sans parler d'autres problèmes qui se sont fait jour. Cependant, je dois louer le gouvernement du Québec de chercher à évaluer les modifications apportées. La plupart des gouvernements provinciaux du Canada ont apporté d'importantes modifications à leur régime d'assurance-médicaments, sans accorder une grande importance à l'évaluation. On doit féliciter le Québec d'avoir investi dans l'évaluation de l'impact du régime.
L'augmentation des coûts dont nous sommes témoins représente un enjeu distinct au Québec puisque la province a choisi de soutenir l'industrie pharmaceutique internationale à l'intérieur de ses frontières. Jusqu'à un certain point, la politique stratégique sur le régime provincial d'assurance-médicaments rend compte d'une approche moins restrictive de l'inscription de nouveaux médicaments que celle qu'on retrouve dans d'autres provinces. Ainsi, nous constatons des augmentations de coûts. C'étaient mes commentaires à propos de la première question.
Devrions-nous adopter un formulaire national? Nous dirions que oui. Dans le rapport que nous avons distribué, nous avons analysé la question et recommandé l'adoption d'un tel formulaire. Je pense que les avantages sont supérieurs aux inconvénients.
En ce qui concerne les ordonnances établies par les pharmaciens, nous avons préparé un document de travail pour la profession. Par ailleurs, il y a actuellement un débat des plus actifs au sein de la profession au sujet de la forme exacte que pourrait prendre l'octroi aux pharmaciens du droit de dispenser des ordonnances. Comme je l'ai indiqué, des progrès initiaux ont été réalisés en Colombie-Britannique en ce qui a trait à la contraception d'urgence, et la Saskatchewan comme l'Ontario s'intéressent de près à ce modèle.
Le Dr Coambs: Pour répondre à ce qu'a dit le sénateur Morin au sujet des coûts, y a-t-il un compromis possible? Je comprends vos préoccupations. Si on remboursait tous les hypocholestérolémiants, les coûts seraient élevés. Vous réaliseriez peut-être des économies au chapitre des hospitalisations, mais vous avez le sentiment que vous essuieriez une perte nette. Je pense qu'il s'agit d'une position intéressante. À mon avis, on est fondé à se montrer sceptique face à toutes les catégories de médicaments. En ce qui concerne le cholestérol en particulier, il est probable que le remboursement d'un médicament générique tout au moins -- dans cette catégorie, on retrouve certains nouveaux médicaments génériques de qualité -- serait efficient. Dans un tel cas, il est clair qu'on réaliserait une bonne affaire à tous les points de vue. En ce qui concerne les antidépresseurs, il est certain que le coût des médicaments est minime par rapport aux coûts connexes. Essentiellement, on obtient un schéma différent dans chacun des cas. Sans antidépresseurs, on a affaire à des pertes de productivité considérables parce que les gens ne sont pas en mesure de travailler. En comparaison, les médicaments sont bon marché. Pour ce qui est du cholestérol, un décès coûte environ 400 000 $. Il s'agit d'une évaluation très prudente tenant pour acquis que les personnes de plus de 65 ans n'ont plus de valeur. Si vous mourez dans la force de l'âge, vous perdez, mais quelques décès seulement peuvent payer pour beaucoup de médicaments.
Le président: Expliquez ce que vous nous dites. Il s'agit d'un chiffre merveilleux tiré d'on ne sait où. Expliquez-nous en gros comment vous l'établissez.
Le Dr Coambs: Je fais allusion aux personnes qui meurent dans la force de l'âge. C'est un chiffre auquel les économistes sanitaires sont arrivés. Nous nous y intéressons actuellement dans une publication que nous sommes à terminer. Essentiellement, nous examinons la productivité de la personne calculée sur une année et le nombre d'années qu'elle a à vivre. Si on tient pour acquis qu'elle cesse d'être productive dès le moment où elle prend sa retraite et qu'elle n'a dès lors plus de valeur, on aboutit malgré tout à un tel résultat. Si vous mourez dans la force de l'âge, vous perdez environ 400 000 $.
Le président: Si, selon votre théorie, une personne meurt à 70 ans, il n'y a pas de coût.
Le Dr Coambs: Exactement.
Le sénateur Morin: On vous rembourse.
Le président: Il fallait bien un économiste pour en arriver là.
Le Dr Coambs: C'est ainsi que les économistes pensent.
Le président: Vous venez tout juste de rétablir le scepticisme naturel que j'éprouve face aux sciences de l'économie.
Le Dr Coambs: Ce qu'il y a, c'est qu'il s'agit d'une estimation très prudente. Le remboursement des médicaments se paie-t-il tout seul? Habituellement, oui. Devrions-nous faire preuve de scepticisme dans chacun des cas et nous assurer que les calculs se vérifient? Assurément.
Le sénateur Keon: On parle beaucoup d'un éventuel régime national d'assurance-médicaments. Il me semble que nous faisons tout à l'envers. On met uniquement l'accent sur les médicaments. Vous avez déjà cité certains exemples, mais, en réalité, les médicaments ne sont qu'un outil utilisé aux fins de la gestion d'une maladie. Si nous ne connaissons pas les conséquences de la maladie en regard des médicaments utilisés, nous ne faisons pratiquement que perdre notre temps.
L'hypertension est un bon exemple. Si on regarde les choses en face, la situation actuelle est un fouillis total. Une fois de plus, on se retrouve avec le problème que présentent des personnes qui prennent des anti-hypertenseurs correspondant à leurs moyens parce que les nouveaux inhibiteurs de l'enzyme de conversion ne sont pas remboursés par les régimes ou encore parce qu'ils ne sont pas traités comme il se doit, et ainsi de suite. Vous avez déjà mentionné qu'environ 20 p. 100 sont traités adéquatement.
Si, par conséquent, les témoins réunis ici veulent me convaincre du bien-fondé de l'établissement d'un régime national d'assurance-médicaments, je crois que le régime en question devra être axé sur les grandes maladies associées à une consommation de médicaments d'importance. Vous devez bien disposer de ressources sur la santé de la population et de ressources épidémiologiques qui permettent de constater les résultats des interventions que vous faites.
Les médicaments ont fait l'objet d'une très grande quantité de bonnes études épidémiologiques. Je ne dis pas le contraire, mais elles sont toutes axées sur les médicaments et dirigées par les sociétés pharmaceutiques. Elles ne sont pas axées sur les maladies.
Le Dr Korman: Posons le problème de façon générale. En ce qui concerne la création éventuelle d'un programme d'assurance-médicaments, je suis déchiré. Je ne fais pas la promotion d'une politique ni d'un régime. D'une part, nous savons que certaines personnes n'ont pas les moyens de se procurer des médicaments importants. Lorsque, d'autre part, nous nous intéressons à la seule utilisation des médicaments, sans égard aux maladies, de nombreuses études montrent qu'environ 10 p. 100 des ordonnances ne sont pas exécutées, parfois pour des raisons économiques, mais aussi parce que les patients ne comprennent pas pourquoi des médicaments leur ont été prescrits.
Une bonne partie des recherches consacrées depuis 50 ans à la conformité des patients fait état des mêmes résultats. Environ le tiers des patients prennent leurs médicaments jusqu'à l'obtention de l'effet thérapeutique souhaité. Environ le tiers ne le font pas. Dans ces cas, on a affaire à un gaspillage. L'autre tiers des patients prennent leurs médicaments, selon la gravité de la maladie, les symptômes et une multitude d'autres facteurs.
Au moment même où nous envisageons d'accroître les dépenses et les ressources affectées au système, nous savons que l'efficience de l'utilisation de ces dépenses est plutôt douteuse. Souvent, je me représente ma voiture sur la route: la carte n'est pas du tout claire, et je dispose de très peu d'indicateurs. Envisageons-nous de faire le plein d'un super carburant à seule fin d'aller plus vite? Je ne suis pas du tout certain que ce soit la bonne chose à faire.
Je me dis que nous devons veiller à ce que le pays mise sur un approvisionnement en eau d'excellente qualité parce que nous savons que la santé publique a un effet substantiel beaucoup plus grand que les interventions médicales. Nous devons également compter sur une nutrition d'excellente qualité, et cette question nous ramène à certaines causes des maladies auxquelles les médecins sont confrontés dans leur cabinet.
Je compte parmi les ardents partisans de votre raisonnement selon lequel nous devons mettre davantage l'accent sur la façon dont nous utilisons les ressources dans le système, par opposition à l'adoption d'une approche tous azimuts en vertu de laquelle on tient pour acquis qu'un programme donné constitue la meilleure façon de produire un impact.
Le Dr Coambs: Dans mon exposé, j'ai fait allusion aux coûts unitaires. Peut-être n'ai-je pas apporté toutes les précisions voulues. Je faisais allusion non pas au coût unitaire d'un médicament, mais bien à celui d'une maladie. Si on parle d'hypertension, voilà l'unité utilisée. Combien en coûte-t-il pour contrôler cette unité?
Pendant un moment, oublions combien coûte une paire de gants de caoutchouc ou la civière de l'hôpital. Intéressons-nous aux coûts totaux du traitement de l'hypertension. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que nous devons partir du tout que représente le problème de santé éprouvé par le patient. Voilà l'unité que j'utilise. Je suis d'accord avec ce principe.
Le Dr Poston: Je suis d'accord avec ce qu'ont dit mes collègues. Lorsque nous avons plaidé en faveur d'une enquête sur la mise au point d'un éventuel régime national d'assurance-médicaments, vous aurez remarqué que nous avons insisté sur la nécessité d'ajouter les principes de l'efficience et de l'abordabilité. Nous devons tenir compte des questions liées à l'efficience auxquelles le Dr Korman a fait allusion.
L'essentiel, dans le cas qui nous occupe, c'est que nous avons affaire à une question d'équité. Même si on ciblait les grandes maladies, par exemple, et qu'on avait recours à des interventions pharmacologiques pour gérer avec succès une maladie de façon à améliorer grandement la qualité de vie d'une personne, d'autres personnes qui font partie du système actuel canadien n'ont pas droit au même médicament faute de pouvoir en assumer les coûts. La question du financement des interventions dans le domaine de la santé soulève un très grave problème d'équité.
Le sénateur Keon: Vous avez tout à fait raison. Il s'agit d'un terrible problème. La question que je vous pose, cependant, est la suivante: comment pouvons-nous envisager une solution? Dans son exposé, le Dr Coambs a, me semble-t-il, tenté d'examiner la possibilité de prévenir les conséquences graves dès les premiers signes d'une maladie.
J'ai depuis longtemps le sentiment que tout notre système de soins de santé est malade. Par exemple, j'ai consacré toute ma vie au coeur. Si on s'intéresse au coeur, on pourra, me semble-t-il, avoir un impact sur la population locale, et c'est exactement ce que nous avons fait.
Si, à titre d'exemple, le gouvernement fédéral pouvait s'occuper des enjeux politiques qui se rattachent à ce débat et que l'on pouvait définir et publier le mode idéal de traitement de l'hypertension au moyen des médicaments, je pense qu'on pourrait éliminer les problèmes liés au patient qui souhaite obtenir un inhibiteur de l'enzyme de conversion au-dessus de ses moyens. Je serais intéressé à vous entendre à ce sujet.
J'ai beaucoup apprécié chacun de vos exposés.
Le Dr Korman: J'en reviens invariablement au thème de toute ma vie, à savoir l'information. Le système donne lieu à un incroyable gaspillage. Des médicaments sont prescrits de façon inappropriée, pour une raison ou pour une autre, ou prescrits, mais non utilisés. Je me tourne donc vers ce que nous pouvons faire pour réduire le gaspillage de façon à dégager les ressources qu'il monopolise. Vous soulevez un point très valable au sujet de l'équité, et je n'ai pas de réponse facile à vous donner.
J'en reviens à ce que j'ai dit: si nous pouvions réintroduire l'information sur le terrain, de façon que les praticiens et les patients comprennent ce qu'est une bonne pratique, nous pourrions dire: «Eh bien, voici la situation idéale.» Nous étudions un projet en vertu duquel nous remettrons aux médecins leurs profils de prescription et leurs normes de pratique.
Nous ne connaissons ni leurs patients ni leurs diagnostics, mais nous en sommes aux premiers balbutiements d'une pratique en vertu de laquelle un médecin a accès aux lignes directrices axées sur les pratiques exemplaires et ses propres habitudes. Les praticiens commenceront alors à se poser une série de questions, par exemple: «Pourrais-je faire du meilleur travail? Comment puis-je obtenir une rétroaction sur ce que je fais?» De toute évidence, les médecins ont à coeur de donner de bons soins, faute de quoi ils feraient autre chose. Si nous sommes en mesure de réintroduire des données dans le système, je pense que nous serons en mesure de récupérer certaines des ressources.
Le sénateur Morin: La rétroaction aux médecins et aux régions est très importante.
Le sénateur Robertson: Docteur Korman, vous avez évoqué une question d'un grand intérêt -- la salubrité de l'eau, la santé publique, et cetera, autant de facteurs qui ont une grande incidence sur la santé des Canadiens. Je m'éloigne des produits pharmaceutiques pendant un instant. Avez-vous de l'information sur les pays qui, du point de vue de la longévité, s'en tirent beaucoup mieux que nous? Comment, en d'autres termes, peut-on commencer à inculquer très tôt dans la vie des gens les principes d'une vie et d'un mode de vie sains, et cetera? Certains pays y réussissent très bien. Avez-vous des données à ce sujet?
Le Dr Korman: Malheureusement, non. Cependant, c'est précisément le genre de questions que nous devrions nous poser et auxquelles nous devrions répondre, notamment dans le but de déterminer les résultats.
Le sénateur Morin: Nous ne nous tirons pas si mal d'affaire. Nous venons au deuxième rang mondial.
Le président: Au deuxième rang mondial de quoi?
Le sénateur Morin: De la longévité. Si les membres des Premières nations jouissaient du même état de santé que les autres Canadiens, nous viendrions au premier rang mondial à ce chapitre, et de loin. Nous ne nous tirons pas si mal d'affaire. L'état de santé des Canadiens est bon. Ces données figurent dans le rapport que vous avez présenté au Sénat aujourd'hui même, monsieur le président.
Le président: Ce que vous dites constitue également un bien triste commentaire sur le traitement que nous avons réservé aux Autochtones.
Le sénateur Morin: C'est le problème principal. Ce qui est encore plus tragique, c'est que cette question relève de la responsabilité du gouvernement fédéral.
Le président: Exclusivement.
Le sénateur Morin: Oui. Nous ne pouvons pas désigner d'autre coupable.
Le sénateur Fairbairn: Dans vos commentaires, docteur Poston, vous avez fait allusion à vos préoccupations et à celles de l'industrie concernant la situation qui se fait jour dans les régions rurales. On dit toujours qu'il est difficile de recruter ou de retenir des praticiens. Je n'avais pas envisagé la situation des pharmacies et des pharmaciens sous le même angle. S'agit-il, comme pour de nombreux médecins, d'une question de qualité de vie dans les régions rurales ou éloignées? Les personnes qui travaillent dans l'industrie pharmaceutique et dans les pharmacies se heurtent-elles au même genre d'obstacle, ou s'agit-il d'autre chose? Le problème a-t-il trait à la capacité de gagner sa vie ou à la qualité de la vie?
Le Dr Poston: La situation est légèrement différente de celle des médecins. En ce qui concerne le phénomène des fermetures d'établissements dont nous avons été témoins, signalons que les pharmaciens en milieu rural exploitent habituellement des pharmacies indépendantes. En raison de la pénurie nationale à laquelle nous sommes confrontés, ils ne sont pas en mesure d'obtenir de l'aide. Ils décident donc de prendre une retraite anticipée et de fermer boutique. Nous avons pu recruter des pharmaciens qui acceptent de travailler en milieu rural, mais habituellement les pharmacies doivent verser des salaires nettement supérieurs pour les attirer. Là où il y a pénurie, nous sommes témoins d'un exode de cerveaux vers le sud de la frontière, par exemple, où on verse des salaires plus élevés pour attirer des pharmaciens. S'ils doivent choisir entre Seattle ou le nord rural de la Colombie-Britannique, les pharmaciens choisissent Seattle. Voilà le genre d'effet avec lequel nous devons composer. Jusqu'à un certain point, il s'agit d'un problème économique. Ce n'est pas tant que les pharmaciens ne veulent pas travailler dans les milieux ruraux. À cause de la pénurie, ils devient de plus en plus difficile de recruter un nombre de pharmaciens suffisant pour soulager ceux qui sont déjà en poste, ce qui entraîne simplement la fermeture d'établissements.
Le sénateur Fairbairn: Que pouvez-vous faire pour corriger la situation?
Le Dr Poston: Nous travaillons en étroite collaboration avec DRHC. Nous avons réalisé une analyse de la conjoncture, et nous préparons une étude du secteur professionnel pour tenter de mettre au point un modèle de prévision qui nous aidera à mieux planifier les ressources humaines des pharmacies de même qu'à tenter de prédire ces cycles. Nous avons constaté l'existence de cycles dans les besoins en ressources humaines pour les pharmacies, et nous tentons de pousser l'évaluation et l'étude de la question. DRHC dirige une initiative qui vise à élargir la perspective au moyen de la planification intégrée des ressources humaines dans le domaine de la santé. Par exemple, que doit faire un médecin, et où a-t-on besoin d'un médecin? Où a-t-on besoin d'une infirmière, et comment devrions-nous utiliser les infirmières? Aujourd'hui, j'ai plaidé en faveur de l'octroi d'un rôle plus grand aux pharmaciens, particulièrement dans le domaine des soins primaires. Où devrions-nous recourir à des pharmaciens, et quelle est la meilleure utilisation que nous puissions faire de leurs compétences? Comment peut-on confier aux techniciens en pharmacie plus de tâches liées à l'exécution de routine des ordonnances? Nous devons étudier la situation d'ensemble pour régler le problème des ressources humaines dans le domaine de la santé. Nous faisons ce que nous pouvons au sein de notre propre secteur. Le problème, c'est que, traditionnellement, le Canada a réglé le problème en important quelques Britanniques ou Sud-Africains de plus. La mauvaise nouvelle, c'est que la Grande-Bretagne et la plupart des autres pays anglophones sont aussi aux prises avec une grave pénurie de pharmaciens. Pour le moment, nous ne pouvons faire appel à la solution à laquelle nous avons eu recours pendant des années.
Le sénateur Fairbairn: J'adresserai ma prochaine à Mme Ouellet, puis les autres témoins pourront intervenir. J'ai longtemps été mêlée à la question de l'alphabétisation au Canada, de même qu'à la capacité des Canadiens de lire, d'écrire et de communiquer de façon significative.
J'ai été frappée par le rapport sur l'utilisation des médicaments et l'accent qu'on met à la fin sur l'importance de l'information, l'accès à des données de qualité et à l'expertise requise, sans parler de votre témoignage d'aujourd'hui. Nous avons fait allusion à d'autres enquêtes et à des données qui proviennent de pays de l'OCDE de même qu'aux données des plus raffinées que procure Statistique Canada. On nous dit que plus de 40 p. 100 des adultes du Canada sont à risque en raison de la difficulté qu'ils éprouvent à des degrés divers à lire et à écrire des textes clairement présentés, aptitude que toutes les personnes ici présentes tiendraient pour acquise. Chez les aînés du Canada, la proportion passe à plus de 60 p. 100.
Dans tout le travail que j'ai fait, je ne sache pas qu'il y ait rien de plus terrifiant que l'impact sur les personnes incapables de lire et de comprendre la posologie de leurs médicaments. En plus de la capacité de lire, on doit tenir compte des problèmes de vision chez les aînés. Le problème des jeunes mères, souvent des adolescentes, qui ont des enfants et qui éprouvent de la difficulté à lire ne serait-ce que les directives pour la préparation du lait maternisé est tout aussi consternant.
Santé Canada a-t-il tenté de conclure des partenariats, avec des médecins, des dentistes ou des pharmaciens, pour préconiser l'utilisation d'une langue claire, simple et lisible, de façon que les intéressés puissent comprendre et utiliser correctement les médicaments de première nécessité et d'intérêt vital qui leur sont prescrits?
Au fil des ans, on a été témoin de nombreux incidents plutôt terribles. Il doit y avoir une solution. Dans vos travaux, vous intéressez-vous à cette question? Quelqu'un réfléchit-il à une solution éventuelle? Le problème touche potentiellement des millions de Canadiens.
Mme Ouellet: De façon générale, je dirais qu'il est certain que cette question revêt une grande importance pour Santé Canada. Je n'irai pas jusqu'à dire que nous avons lancé des initiatives majeures portant sur la question à l'étude aujourd'hui, c'est-à-dire les médicaments d'ordonnance, la lecture des étiquettes, la compréhension des interactions, et cetera. À mon avis, il s'agit d'un domaine important dans lequel nous devons approfondir la réflexion sur les impacts de la non-conformité -- qu'elle soit imputable à la confusion du patient face au médicament qui lui a été prescrit, à une mauvaise lecture des directives ou à l'incapacité de les comprendre. Franchement, certains des points que le Dr Poston a soulevés en rapport avec le rôle des pharmaciens sont importants.
Nous avons discuté avec les provinces de la question des soins primaires. Vous savez peut-être que, à la suite de l'entente que les premiers ministres ont signée en septembre, le gouvernement fédéral a débloqué des fonds pour aider les provinces à constituer des équipes multidisciplinaires composées de fournisseurs de soins de première ligne afin de doter les Canadiens d'un guichet unique d'information. L'information peut venir d'un médecin, d'un pharmacien, d'une infirmière ou d'un regroupement de fournisseurs qui tentent de travailler de concert pour répondre à des besoins. En fait, les organismes de soins primaires exerceraient en quelque sorte une fonction d'approche ou d'évaluation des besoins. À ce titre, ils seraient en mesure d'identifier les personnes à risque pour un certain nombre de raisons, y compris la capacité de lire et d'écrire, lesquelles ne reçoivent peut-être pas les soins dont elles ont besoin ou ne tirent peut-être pas tous les avantages possibles des médicaments d'ordonnance ou d'autres types d'interventions.
Nous l'avons fait dans le domaine, par exemple, de la santé cardiaque, en travaillant en étroite collaboration avec une diversité d'organisations professionnelles et bénévoles. Nous avons tenté de lancer des initiatives communautaires capables d'effectuer des travaux d'approche, de parler des maladies et des traitements adéquats ainsi que de soutenir les particuliers. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il s'agit d'un domaine important en ce qui a trait aux conséquences potentiellement néfastes de l'utilisation des médicaments.
Le Dr Poston: Vous avez raison de dire que nous n'avons pas fait un très bon travail dans ce domaine. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Association canadienne de santé publique, qui a entrepris une importante campagne liée à l'alphabétisation et à la santé. Au fil des ans, nous avons exercé des pressions auprès de Santé Canada relativement au problème des noms dont l'orthographe ou la prononciation se ressemblent, dans l'espoir d'atténuer la confusion, en particulier en ce qui a trait aux médicaments en vente libre. Dans le cadre d'une initiative permanente, Santé Canada s'intéresse à l'étiquetage des médicaments en vente libre. Il s'agit indubitablement d'un problème.
Bon nombre de systèmes logiciels utilisés dans les pharmacies sont aujourd'hui en mesure d'imprimer un feuillet d'information remis au patient au moment de l'exécution de son ordonnance. Les systèmes les plus perfectionnés vous permettent même de choisir le niveau de complexité de la langue utilisée dans le feuillet. La pratique n'est pas encore répandue, mais la technologie existe bel et bien. Nous réalisons certains progrès.
Nous avons mis au point un programme appelé «Just Checking», soit un questionnaire en dix points simple que les pharmaciens communautaires utilisent pour dépister les problèmes liés aux médicaments chez les aînés. Nous avons mis au point cet outil à l'aide de groupes témoins d'aînés, et ce sont les problèmes simples qui sont ressortis, Ce qui préoccupait les aînés, ce n'était pas les grands dilemmes thérapeutiques. En fait, ils tenaient plutôt à être en mesure de lire l'étiquette, de pouvoir ouvrir le contenant et de disposer d'un instrument qui leur rappelle de prendre leurs médicaments. Voilà les problèmes de base rencontrés par les aînés, et le programme que nous avons mis au point a notamment porté sur le conditionnement et l'étiquetage. C'est ainsi que nous avons conçu une série de conseils et de lignes directrices que les pharmaciens peuvent utiliser pour rendre l'information plus facile à lire. C'est un problème auquel nous continuons de nous intéresser.
Une autre complication, qui soulève des questions liées à la protection des renseignements personnels, tient au fait qu'il arrive souvent que le pharmacien ne voie pas le patient. C'est un soignant, un fils, une fille, un parent ou un voisin qui se rend à la pharmacie. Nous avons plaidé en faveur de la mise sur pied d'un programme en vertu duquel des pharmaciens se rendent au domicile des patients qui en ont besoin. Certaines provinces ont d'ailleurs financé le programme à titre expérimental. Souvent, c'est le résident en hygiène ou l'infirmière communautaire qui se rend à la pharmacie et dit: «Les médicaments de Mme Unetelle sont un véritable fouillis. Pourriez-vous aller lui rendre visite?» Il existe des aides à la conformité et divers dispositifs qui peuvent faciliter la gestion des médicaments, mais il s'agit à coup sûr d'un aspect pratique des soins de tous les jours dispensés au patient où chacun doit tenter de faire un meilleur travail.
Le sénateur Fairbairn: Particulièrement dans le contexte du recours de plus en plus fréquent aux soins à domicile, qui rend la situation encore plus complexe.
Le Dr Coambs: Nous avons proposé une façon de procéder. Nous avons un formulaire national, et si la société pharmaceutique X souhaite y faire inscrire un médicament, elle devra mettre sur pied un programme de soutien des patients, y compris un numéro sans frais que toute personne peut composer pour obtenir de l'information. Nous en ferons d'ailleurs un programme d'approche. Le groupe du Dr Poston nous fournira de l'information, ou encore notre système d'information sur les patients nous fournira le nom de ceux qui ne renouvellent pas leurs médicaments, et nous communiquerons avec eux pour déterminer s'il y a un problème. Dans un tel cas, il est possible que les patients n'aient pas compris les directives. Qui épongera la facture? La société pharmaceutique, du moins si elle tient à ce que son médicament soit dans le formulaire. C'est ce qui les motive. Tout le monde gagne. La société pharmaceutique a son inscription, mais, en contrepartie, nous obtenons que les patients utilisent leurs médicaments de façon plus efficace et appropriée et que ceux qui ont besoin d'aide en obtiennent.
La ligne téléphonique vise les patients qui ne renouvellent pas leurs médicaments ou qui éprouvent des difficultés. Le jeu en vaut la chandelle parce que nous réussissons à éviter des hospitalisations ou la mort de patients, qui est en soi coûteuse.
C'était ma solution. Bien entendu, elle doit s'inscrire dans le cadre d'un régime d'assurance-médicaments. Le régime d'assurance-médicaments s'accompagne d'un formulaire national. Si elle souhaite faire inscrire le médicament X sur le formulaire, la société doit faire le nécessaire.
Le sénateur Robertson: Madame Ouellet, la plupart des provinces misent sur une forme de préautorisation des nouveaux médicaments qui passe par les spécialistes cliniques ou les comités. Les résultats sont-ils ou non concluants? Les seules informations que je possède me sont venues du ministère des Anciens combattants, où on me dit que l'utilisation d'un comité de spécialistes chargé de la préautorisation des médicaments avait permis d'économiser des millions de dollars -- le dernier chiffre était, je crois de dix millions de dollars. Avez-vous des informations à ce sujet?
Ma deuxième question s'adresse également à Mme Ouellet. Les ministres provinciaux et les membres de leur personnel avec qui vous travaillez soulèvent-ils des problèmes constitutionnels face au programme national d'assurance-médicaments?
Mme Ouellet: Je vais d'abord répondre à la première question, parce que la deuxième est relativement «piégée».
La seule autre province à propos de laquelle je puisse faire des commentaires est la Colombie-Britannique. Des représentants de la Colombie-Britannique et moi-même avons assisté à une conférence qui s'est déroulée plus tôt cette semaine. On leur a alors demandé si l'approche utilisée par la province, à savoir le système d'établissement du coût en fonction du produit de référence et le processus d'approbation préalable, ne visait pas à permettre l'accès à différents types de médicaments en fonction des besoins. Ils nous ont informé -- il n'y a pas encore de document publié, mais je crois comprendre que ce sera bientôt le cas -- que trois universités se penchent actuellement sur les impacts.
L'Université de Washington étudie les agents de suppression de l'acide gastrique, l'université McMaster, les médicaments contre l'angine, et Harvard, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Des établissements tentent de définir -- de toute évidence, on se heurte ici à des données limitées -- les impacts sur les coûts des régimes d'assurance-médicaments de même que les hospitalisations ou les visites chez le médecin inattendues ou en hausse, ou encore, si vous préférez, d'autres indices de «sous-traitement». Ces données ne sont pas encore disponibles.
Il est très utile que la Colombie-Britannique, au même titre, je crois, que d'autres provinces, se préoccupe au plus haut point des budgets généraux de la santé. Elles ont beau s'intéresser de près aux augmentations supérieures à 10 p. 100 des budgets de leur régime d'assurance-médicaments, elles ne peuvent agir au détriment de l'utilisation adéquate d'autres ressources dans le système. On se préoccupe de plus en plus de la gestion non seulement des budgets affectés aux médicaments, mais aussi de l'utilisation générale des services. Cela signifie que, dans les faits, certains budgets affectés aux médicaments continueront d'augmenter dans la mesure où on pourra prouver qu'ils procurent des avantages ailleurs dans le système et contribuent à un meilleur état de santé général.
En ce qui concerne le régime d'assurance-médicaments, les gouvernements ont, au début des années 90, présenté une proposition relativement générale portant sur des aspects dont il a été question ici, notamment les formulaires nationaux. Le problème, c'est que les provinces tentent de gérer leurs ressources de la façon qui répond le mieux aux besoins de leur propre population. Si, par exemple, elles comptent parmi leurs habitants un grand nombre d'aînés, elles feront face à une certaine demande d'accès à des produits pharmaceutiques pour cette tranche de la population. Si, dans la population, on retrouve, un grand nombre de personnes atteintes du sida, les provinces devront également répondre aux besoins des intéressés. Elles tentent désespérément de faire en sorte que les médicaments inscrits répondent aux besoins des citoyens. Au fur et à mesure que certains médicaments perdent de leur efficacité et que des médicaments de meilleure qualité sont proposés, peut-on retirer certains produits du formulaire? Pour le moment, je dirais que les provinces n'ont ni le désir ni la volonté d'évoquer la création d'un formulaire national parce qu'elles doivent bénéficier de la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins de leurs populations respectives, qui, soutiennent-elles, diffèrent.
Le président: Je dois poser une question en raison de votre dernière phrase. Je peux imaginer que les provinces vous diront que les besoins diffèrent selon les populations. Elles ont beau le dire, il n'y a absolument rien de factuel qui le prouve. Lorsqu'on a affaire à un million de personnes ou plus, les besoins de base des citoyens dans le domaine de la santé ne varient pas du tout du point de vue statistique, dans le contexte canadien en tout cas. Êtes-vous d'accord avec ce que j'avance, ou suis-je dans l'erreur?
Mme Ouellet: Je dirais que vous avez généralement raison au niveau de la population. En même temps, nous savons que la proportion d'aînés ou celle, par exemple, de personnes atteintes du VIH-sida, peut varier d'une province à l'autre, selon la composition démographique de chacune.
Le président: Cela n'a rien à voir avec le formulaire. La question a plutôt trait au taux d'utilisation des différents médicaments inscrits dans le formulaire. Je comprends cela. Si une population se compose exclusivement d'aînés, le taux d'utilisation des médicaments sera différent. Cela n'a rien à voir avec l'établissement d'une liste commune de médicaments.
Mme Ouellet: C'est vrai, sauf que, le moment venu de décider d'inscrire ou non un médicament, la plupart des provinces -- et certaines demandent qu'on couche ces données par écrit -- s'intéressent à l'utilisation projetée et, par conséquent, au coût total des médicaments inscrits dans cinq ou dix ans.
Le président: Je n'en doute pas. Ce que vous nous dites -- et c'est effrayant --, c'est que les médicaments qui sont coûteux et qui touchent un vaste segment de la population sont moins susceptibles d'être inscrits dans le formulaire parce que, par définition, ils monopoliseront une part plus grande du budget que les médicaments moins coûteux qui influent sur un moins grand nombre de personnes. La façon d'aborder le problème que vous avez décrite -- et c'est ainsi, je crois, que bon nombre de personnes qui ne s'intéressent qu'au coût l'appréhenderont -- constitue la façon la plus perverse qui se puisse imaginer de décider des médicaments qui seront inscrits au formulaire.
Mme Ouellet: Je ne présenterais pas les choses tout à fait comme vous l'avez fait. La décision d'inscrire ou de ne pas inscrire un document est prise sur la foi d'un certain nombre de critères. De toute évidence, les avantages thérapeutiques plus grands que procure un médicament par rapport à ceux qui existent déjà représentent un facteur clé. Les médicaments «novateurs» auront des avantages thérapeutiques importants par rapport à ceux qui existent déjà. Même si les clients éventuels d'une telle catégorie de médicaments sont peu nombreux, les provinces ne refuseront pas de les inscrire en raison de leur coût élevé. La situation est beaucoup plus difficile lorsqu'on a affaire à des médicaments qui n'offrent que des avantages très modérés ou mineurs par rapport au traitement existant. Certaines provinces tiennent simplement à conserver la marge de manoeuvre nécessaire pour choisir de ne pas se désinscrire. D'autres décideront peut-être que les médicaments en question offrent à leurs populations des avantages suffisants pour justifier une inscription. Je ne crois pas qu'il s'agisse de limiter les traitements offerts à une clientèle limitée et coûteuse donnée. De toute évidence, votre question repose sur des considérations constitutionnelles.
Le président: Non, pas la mienne.
Mme Ouellet: C'était à tout le moins le cas de la question initiale. On devra toujours composer avec la volonté d'équilibrer les ressources nécessaires pour répondre à la demande et la marge de manoeuvre nécessaire pour décider, en particulier en rapport avec les questions marginales, la mesure dans laquelle on a le sentiment que les citoyens bénéficieront d'avantages.
Le Dr Coambs: Oui, il est possible que chacune des provinces soulève des objections à propos du formulaire national, mais on peut malgré tout en créer un et dire: «Voici le formulaire national. Nous vous recommandons de l'utiliser.» Cela ne veut pas dire que toutes les provinces l'adopteront, mais la plupart le feront parce qu'il est beaucoup plus facile d'utiliser quelque chose qui est déjà prêt. Vous voyez, c'est ce que fait la société General Motors le moment venu de décider des médicaments qu'elle remboursera aux travailleurs. Elle dit: «Où est le formulaire provincial de l'Ontario? C'est lui que nous allons utiliser.» On a couramment recours aux formulaires déjà existants. Une telle démarche serait légitime. Nous n'avons qu'à établir un formulaire et, au fil des ans, à convaincre les provinces de l'utiliser.
Je pense que Mme Ouellet est trop gentille à l'endroit des provinces. Il est vrai que c'est un médicament contre la migraine dont le coût unitaire est relativement élevé. Dans chacune des provinces, on exerce d'énormes pressions sur les responsables du formulaire pour les amener à dire: «Eh bien, peut-être devrions-nous "désinscrire" le médicament parce qu'il est trop coûteux.» Ils cèdent souvent à ce genre de pression, mais pas toujours. C'est un des principaux éléments de la dynamique.
Nous avons tourné autour du pot tout l'après-midi. Le principal problème tient à l'effet de cloisonnement. Comment peut-on gérer une maladie lorsque les responsables tentent d'administrer leur propre budget cloisonné et se disputent les ressources disponibles, tandis que le pauvre petit patient ne sait plus où donner de la tête?
Le Dr Poston: Les commentaires que nous venons d'entendre nous ramènent tout droit au principe de l'universalité. Si on adopte ce principe, la logique se défend à 100 p. 100. On nous sert toutes sortes d'éléments rhétoriques au sujet des responsables de l'administration de régimes d'assurance-médicaments de type «catastrophe». Voilà pourquoi la logique semble perverse aux Canadiens habitués à un régime de soins de santé public. Les formulaires ciblés sont en voie de devenir importants. Le fait de cibler les dépenses des régimes d'assurance-médicaments provinciaux des personnes qui en contrôlent l'accès au moyen d'enjeux comme ceux-là coûtera très cher. Quels seront les avantages? Si on adopte le principe de l'universalité, bon nombre de problèmes disparaissent.
Le président: C'est pourquoi nous n'avons pas de régime universel de santé public. Ce que nous avons, c'est un régime universel d'accès aux hôpitaux et aux médecins, ce qui est relativement différent.
Le sénateur Cohen: Plus tôt aujourd'hui, on nous a dit que les médicaments génériques coûtent souvent plus cher ici qu'aux États-Unis. Le sénateur Morin a affirmé qu'on devait s'attaquer à ce problème.
Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui s'occupe des questions pharmaceutiques et vérifie le prix des médicaments a également constaté que, au Canada, le prix de certains médicaments génériques était supérieur à celui de leurs équivalents brevetés.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. À titre de profane, j'ai toujours cru que les médicaments génériques étaient moins coûteux et donc plus accessibles. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Le Dr Poston: Dans le cadre des multiples consultations et examens qui se sont succédé relativement au CEPMB et aux dispositions législatives sur les brevets au cours des sept ou huit dernières années, je dirais, notre association a sans cesse demandé que le mandat soit élargi de manière à s'appliquer à tous les médicaments remboursés par les régimes publics au Canada. Ainsi, on s'intéresserait aux médicaments brevetés, non brevetés et génériques. Si nous nous dirigeons vers un régime national d'assurance-médicaments, il est certain que nous en ferons une condition essentielle.
L'une des conséquences du régime unique d'octroi obligatoire de licence en vigueur au Canada est l'affaiblissement de la concurrence entre les sociétés qui fabriquent des médicaments génériques au sein de notre marché. Cela dit, le marché en question est de plus en plus concurrentiel. On assiste à des changements structurels qui favoriseront la concurrence. Dans d'autres pays, en particulier en Europe, la concurrence est plus vive au sein du marché des produits génériques.
Le sénateur Morin: Ce que nous disons, c'est que, au Canada, les médicaments brevetés coûtent entre 10 et 15 p. 100 de moins qu'ailleurs dans le monde, tandis que les médicaments génériques coûtent 30 p. 100 de plus. Nous ne disons pas que les médicaments génériques coûtent plus que les médicaments brevetés. Nous ne faisons que comparer les uns et les autres aux prix pratiqués ailleurs dans le monde. Les médicaments génériques demeurent moins coûteux que les médicaments brevetés.
Le président: Les données montrent que nous réussissons mieux à contrôler le coût des médicaments brevetés que ceux des médicaments génériques lorsqu'on utilise les prix internationaux correspondants comme cadre de référence.
Mme Ouellet: Comme vous l'avez dit, la différence s'explique par le fait que nous nous tirons très bien d'affaire au chapitre des médicaments brevetés. Avant l'avènement du CEPMB, le prix des médicaments brevetés était également élevé par rapport à celui des sept pays utilisés à des fins de comparaison que j'ai mentionnés. Nous nous situions au-dessus de la ligne médiane. Nous sommes parvenus à faire réduire le prix des médicaments brevetés. Cependant, le prix des médicaments génériques n'est ni géré ni influencé de la même façon.
Le Dr Coambs: Au risque que le Dr Poston ne m'adresse plus jamais la parole, j'ajoute qu'il ne faut pas oublier qu'on ne vend pas un médicament générique à un patient: on le vend à quelqu'un qui en assurera la distribution. Les fabricants de médicaments génériques effectuent beaucoup de travail auprès des pharmacies et des chaînes de pharmacies. Ils tiennent à être dans les bonnes grâces des pharmacies. Le représentant qui vend des Valium doit faire face à cinq concurrents qui vendent le même produit. Le prix est à peu près le même. Il est possible qu'il offre des avantages ou des primes, ou encore qu'il consente des escomptes de volume à la pharmacie ou à la chaîne de pharmacies, pour s'assurer que le pharmacien vend son produit. Les ententes conclues avec les pharmaciens dans le cadre des accords existants expliquent peut-être en partie le problème lié à l'établissement des prix.
Le Dr Poston: Les gouvernements provinciaux, qui sont au courant de ces problèmes, s'y attaquent au moyen de certaines des stratégies de remboursement qu'ils mettent au point.
Le président: Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie tous des deux heures et demie fascinantes que vous venez de nous faire vivre.
La séance est levée.