37-2
37e législature,
2e session
(30 septembre 2002 - 12 novembre 2003)
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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 2 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche), se réunit aujourd'hui à 15 h 45, pour examiner le projet de loi en question. Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Nous avons le quorum. Je contournerai un peu le Règlement à cause du Sénat. On nous avait affirmé que le Sénat s'ajournerait à 15 h 30. La ministre est ici et j'ai horreur de faire perdre leur temps aux ministres. Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche), qui n'est pas sans conséquences pour les habitants de la côte Est, région dont proviennent plusieurs sénateurs ici présents. Comme le sénateur Lawson est ici, la côte Ouest est également représentée. Ainsi, tout le pays est représenté. Notre premier témoin est l'honorable Jane Stewart, ministre du Développement des ressources humaines. Elle est accompagnée de plusieurs fonctionnaires. Merci, madame la ministre. Veuillez faire votre exposé liminaire, après quoi nous passerons aux questions. L'honorable Jane Stewart, ministre du Développement des ressources humaines du Canada: Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de comparaître devant vous pour vous parler d'un projet de loi auquel j'attache beaucoup d'importance. Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont la sous-ministre Claire Morris, Wilma Vreeswijk, directrice générale intérimaire des Politiques du marché du travail, Gordon McFee, directeur du Développement des politiques et législation, Luc Leduc, avocat, Services juridiques, et Réal Bouchard, directeur de la Politique sociale du ministère des Finances. Les modifications inscrites dans le projet de loi C-2 sont très importantes car elles contribueront à faire en sorte que le régime d'assurance-emploi soit mieux adapté aux besoins des travailleurs canadiens. [Français] En 1996, nous avons transformé l'assurance-chômage en assurance-emploi. Nous nous étions donné comme objectif général de mettre l'accent, non pas sur le soutient passif du revenu des chômeurs, mais plutôt sur des mesures actives visant à les aider à réintégrer le marché du travail et ce, le plus rapidement possible. [Traduction] Dans le cadre des réformes de 1996, on a introduit un certain nombre de mesures actives, mises en oeuvre par les provinces et les territoires, pour assurer aux travailleurs un soutien dans le domaine de la formation, par exemple, et un certain nombre d'autres modifications conçues pour favoriser une participation plus forte au marché du travail. On a aussi établi un supplément familial pour venir en aide aux prestataires à faible revenu qui ont des enfants. En vertu de l'assurance-emploi, les prestataires qui entrent dans cette catégorie peuvent toucher jusqu'à 80 p. 100 de leur rémunération assurable, par opposition aux 55 p. 100 habituels. À l'époque, nous avons cependant compris que l'adoption de changements aussi fondamentaux allait nous obliger à suivre l'évolution du régime de très près pour veiller à ce qu'il fonctionne bien et donne les résultats escomptés. Nous avons mis sur pied un système de contrôle et d'évaluation pour mesurer les conséquences de toutes ces modifications et en faire rapport au ministère et au Parlement. Le projet de loi à l'étude aura notamment pour effet de reconduire jusqu'en 2006 ces travaux de grande importance. Les rapports annuels de contrôle et d'évaluation ont montré que, dans l'ensemble, la réforme fonctionne bien. Cependant, ils ont également révélé qu'il y a place à l'amélioration dans certains secteurs précis, ceux pour lesquels les modifications apportées en 1996 n'ont pas produit les résultats escomptés. D'abord il y a la règle de l'intensité; établie pour favoriser la participation au marché du travail, cette règle ne donne rien. En fait, elle a l'effet non intentionnel de pénaliser certains travailleurs, et en particulier ceux qui vivent dans les régions où les possibilités d'emploi sont très limitées. C'est ce que nous avons appris à la lecture des rapports annuels de contrôle et d'évaluation. En effet, les données mettent en évidence le caractère immuable de la proportion de prestataires fréquents, par rapport à l'ensemble des prestataires; le pourcentage, établi à 40 p. 100 avant la réforme, n'a pas diminué depuis. Les travailleurs saisonniers nous ont également signalé ce fait. Si les sénateurs approuvent ce projet de loi, la règle de l'intensité sera donc supprimée, rétroactivement au 1er octobre 2000. On doit également apporter des modifications à la disposition de remboursement de la loi, connue sous le nom de «récupération», mise en place pour dissuader les demandeurs à revenu élevé de toucher souvent des prestations. Les personnes dans cette situation doivent rembourser une partie des prestations d'assurance-emploi qui font passer leurs revenus au-dessus d'un certain seuil. Nous demeurons convaincus qu'il y a lieu de décourager les personnes à revenu élevé de présenter des demandes à répétition. Par ailleurs, pour que la disposition vise comme il se doit les travailleurs à revenu élevé, nous proposons de dégager les personnes qui gagnent moins de 48 750 $ de l'obligation de rembourser les prestations. En même temps, nous exonérons tout à fait certaines catégories de prestataires. Par exemple, la mesure ne s'appliquera plus aux personnes qui présentent une demande de prestations pour la première fois car, de toute évidence, elles ne sont pas des prestataires fréquents. De la même façon, les personnes qui touchent des prestations de maternité, de maladie ou encore des prestations parentales ne seront plus tenues de rembourser une partie des prestations. Il est évident que les parents qui demeurent à la maison pour s'occuper d'un nouveau-né, ou les personnes trop malades pour travailler, ne dépendent pas de l'assurance-emploi. Le resserrement des conditions d'admissibilité imposées aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active a constitué un autre volet important des modifications apportées en 1996. La mesure visait à dissuader les jeunes de s'engager dans un cycle de dépendance à l'égard de l'assurance-emploi, situation qui, dans l'ancien régime, était devenue un vrai problème. Cependant, les parents qui réintégraient le marché du travail après une absence prolongée pour élever leurs enfants étaient traités de la même façon que les nouveaux membres de la population active, même si, souvent, ils avaient une expérience professionnelle considérable. Ce projet de loi modifiera la disposition visant les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active, de façon à ce que les parents qui réintègrent le marché du travail n'aient pas à accumuler plus d'heures de travail que les autres prestataires pour avoir droit à des prestations régulières. Il y a enfin la question du mode d'établissement des taux de cotisation. Comme le savent sans doute les honorables sénateurs, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et le vérificateur général ont recommandé la révision du mode d'établissement des taux. De fait, en décembre 1999, le Comité permanent des finances recommandait: [...] le gouvernement fédéral devrait envisager de revoir les pratiques comptables relatives à l'assurance-emploi et le mode de calcul des cotisations. Il devrait en particulier envisager les mesures suivantes: une procédure d'établissement des cotisations fondée sur les dépenses à venir. Le gouvernement convient du bien-fondé d'une telle révision du mécanisme d'établissement des cotisations. Au cours des deux prochaines années, le ministère des Finances dirigera ces travaux de révision, avec le concours de mon ministère. La publication d'un exposé de principes cet automne sera suivie de consultations auprès des personnes et des groupes intéressés, des députés et des sénateurs, et de la Commission de l'assurance-emploi, composée de représentants des salariés et des employeurs. [Français] Pour nous assurer que les primes restent stables et prévisibles, c'est le gouverneur en conseil qui établirait les taux de cotisation jusqu'à la fin de l'examen. [Traduction] J'en profite pour souligner que ce taux a diminué régulièrement depuis 1994. À l'époque, le taux de cotisation s'établissait à 3,07 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable. En décembre dernier, nous avons annoncé une nouvelle réduction du taux, qui est passé de 2,40 $ à 2,25 $. Les employeurs et les salariés réaliseront donc en 2001 une économie d'environ 6,4 milliards de dollars par rapport au taux de 1994. [Français] Je crois que le projet de loi renferme des propositions équilibrées visant à bonifier un régime qui fonctionne bien. [Traduction] Ce n'est pas la première fois que nous procédons à des rajustements. En 1997, par exemple, nous avons lancé le projet pilote des «petites semaines» et en décembre dernier, nous avons assuré un meilleur soutien aux parents qui jonglent avec des responsabilités tant professionnelles que familiales, en majorant les prestations de maternité et les prestations parentales versées en vertu de l'assurance-emploi. J'ai tenu à rencontrer la population canadienne un peu partout au pays, à savoir au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, pour connaître son opinion sur l'assurance-emploi. Un programme de cette taille et de cette envergure se prête toujours à des améliorations et à des mises au point qui en assurent l'évolution au rythme des changements sur le marché du travail. [Français] Ainsi, le travail se poursuit comme il se doit pour nous doter d'un régime d'assurance-emploi adapté à nos besoins. [Traduction] L'automne dernier, les Canadiennes et les Canadiens nous ont signifié qu'ils appuyaient le gouvernement dans sa résolution d'aller de l'avant avec ces importants changements. Aujourd'hui, je suis heureuse de vous faire part de ces changements, honorables sénateurs, car votre appui nous permettra d'aller de l'avant et de mettre en vigueur ces nouvelles modalités d'application dont profiteront les travailleurs et les travailleuses, presque tout de suite après leur adoption. [Français] Je serai heureuse de recevoir vos commentaires. [Traduction] Le sénateur Murray: Je n'ai que quelques questions à poser. J'ai dévoilé involontairement ma première question à votre collègue du parti ministériel, le sénateur Carstairs, il y a quelque temps. Elle concerne le jugement qui a été rendu par un tribunal de Winnipeg, à savoir que la législation sur l'assurance-emploi avait des conséquences injustes pour les femmes qui, du fait qu'elles sont les principales dispensatrices de soins, éprouvent davantage de difficultés que les hommes à accumuler le nombre d'heures de travail nécessaires pour être admissibles. Le tribunal a décrété que la législation sur l'assurance-chômage allait à l'encontre des dispositions de la Charte concernant l'égalité. Vos options semblent être - et vous pouvez rectifier si je me trompe - d'en appeler de cette décision devant la Cour d'appel fédérale ou de modifier la loi. Avez-vous pris une décision à ce sujet? Mme Stewart: Nous avons effectivement reçu le jugement de l'arbitre sur l'affaire Lesiuk et nous l'examinons à la loupe. Nous ferons bientôt part de notre décision. Nous vous signalons toutefois que nous avons déjà apporté des modifications à la loi, et plus particulièrement en ce qui concerne le nombre d'heures de travail nécessaires pour avoir droit aux prestations spéciales. Comme vous le savez, initialement, il fallait avoir travaillé 700 heures. Maintenant, c'est 600. Nous examinons le jugement, comme vous pouvez l'imaginer, et nous donnerons notre avis d'ici peu. Le sénateur Murray: Pensez-vous que les modifications en cours sont susceptibles de satisfaire le tribunal? Mme Stewart: Vous comprenez certainement que je ne tiens pas à faire de commentaires dans le contexte de l'affaire Lesiuk. Cependant, pour ce qui est de reconnaître l'importance des difficultés de concilier les activités professionnelles et la famille, je suis très fière de certains des changements qui ont été apportés, et surtout de la modification du nombre d'heures de travail requises pour recevoir des prestations spéciales. On a doublé par ailleurs le montant des prestations parentales, ce qui laisse aux parents le choix de rester au foyer pendant une année pour prendre soin d'un nouveau-né. En outre, en ce qui concerne les personnes qui réintègrent la population active, nous nous sommes rendu compte que les femmes en particulier ont des liens très forts avec le marché du travail. Si elles quittent leur emploi pour élever leur famille, reviennent sur le marché du travail, puis se trouvent dans une situation où elles ont besoin de l'assurance-emploi, au lieu de les traiter comme de nouveaux venus, nous tiendrons compte de leurs activités professionnelles antérieures et reconnaîtrons que, parce qu'elles ont déjà été très actives sur le marché du travail, il convient de les soumettre aux normes d'admissibilité applicables dans ce genre de cas. Le sénateur Murray: Vous avez 30 jours pour décider si vous faites appel. L'échéance sera bientôt écoulée. Mme Stewart: C'est un fait, et nous prendrons une décision sans tarder. Le sénateur Murray: En ce qui concerne le processus d'établissement des taux de cotisation et la disposition du projet de loi qui spécifie que c'est le gouverneur en conseil qui fixera les taux des cotisation pour 2002 et 2003, vous nous avez dit que vous proposez ce changement parce que vous entamez un examen du mécanisme d'établissement des taux de cotisation, qui devrait durer deux ans et qui se déroulera sous la direction du ministère des Finances, avec le concours de votre ministère. Vous avez ainsi répondu à deux ou trois des questions que je comptais poser mais je me demande toujours sur quels points porte l'examen. Le processus semble assez simple, d'après les dispositions actuelles de la loi. Vous avez parlé des opinions du vérificateur général. En bref, il a dit que le processus devrait être transparent. Il veut savoir sur quoi la commission se base pour formuler ses recommandations. Vous avez parlé du comité de la Chambre des communes dont les opinions sont quelque peu différentes, pas en ce qui concerne la transparence mais en ce qui concerne les critères. Quels points précis est-on en train d'examiner? Je présume que c'est un comité interministériel qui s'en charge. Mme Stewart: Comme vous le signalez, sénateur, nous prenons cette initiative en raison de l'opinion de plus en plus répandue que le système et le processus d'établissement des taux de cotisation doivent être réexaminés dans un contexte contemporain. Le ministre des Finances prendra la direction des consultations et de l'évaluation. Mon ministère apportera sa collaboration. M. Bouchard pourrait peut-être faire quelques commentaires sur les travaux préparatoires aux consultations et sur le document qui sera publié cet automne. M. Réal Bouchard, directeur, Politique sociale, ministère des Finances: Honorables sénateurs, l'objectif de cet examen est d'instaurer un système d'établissement des taux de cotisation différent du système actuel. On s'est fixé deux objectifs fondamentaux: le premier est d'instaurer un système d'établissement des taux de cotisation qui ne couvre que les coûts du programme. Le deuxième objectif est de garantir la stabilité des taux au cours de ce que les économistes appellent un cycle économique. Il s'agit à la fois de couvrir uniquement les coûts du programme tout en garantissant une certaine stabilité. Ce sont les deux objectifs qui seront visés dans le cadre des efforts qui seront déployés pour régler les problèmes et trouver d'autres formules d'établissement des taux de cotisation. Le président: Ce document paraîtra au mois de septembre ou d'octobre mais comptez-vous en faire un document public? N'est-ce pas un document interne? M. Bouchard: C'est cela. Le document doit paraître à l'automne et nous établirons un plan de consultation pour expliquer la façon dont les parties intéressées seront consultées. Nous prévoyons tenir des audiences l'année prochaine. Le président: Est-ce qu'un changement de processus d'établissement des taux de cotisation nécessite des modifications à la loi? Autrement dit, lorsque le processus sera terminé, devrez-vous modifier le projet de loi? M. Bouchard: S'il s'agit de changements importants, il faudra présenter un projet de loi lorsque l'examen sera terminé et que le rapport aura été déposé au Parlement. Le président: Voulez-vous dire qu'un rapport sera publié après les consultations? M. Bouchard: Le Parlement sera informé des conclusions de l'examen. Le président: Je me permets de vous donner un petit conseil. Les consultations peuvent s'éterniser. D'une façon générale, on obtient 80 p. 100 des renseignements nécessaires au cours des deux premiers mois. Vous avez parlé de l'année prochaine. À mon avis, vous auriez intérêt à terminer les consultations pour Noël, à en tirer les conclusions et à résoudre le problème au lieu d'étirer le processus de consultation. Mme Stewart: C'est pourquoi nous avons prévu une période de battement de deux ans, sachant l'intérêt que suscite ce sujet et que le ministre des Finances jouera un rôle de premier plan. Conscients du fait qu'il sera peut-être nécessaire de présenter un projet de loi, nous avons jugé nécessaire de prévoir un délai de deux ans. Le sénateur Murray: Le vérificateur général n'est pas le conseiller juridique du gouvernement mais il a examiné la loi actuelle, étudié le niveau actuel des taux de cotisation et évalué la taille de l'excédent dans la caisse d'assurance-emploi. Sa conclusion, que je considère très modérée, est qu'il lui serait difficile de conclure que l'esprit de la loi est respecté. Mme Stewart: Sénateur, à ce propos, je voudrais vous rappeler qu'il n'y a pas bien longtemps, pendant une très courte période, un déficit important avait remplacé l'excédent. Une baisse de huit milliards de dollars s'était produite en quelques mois. C'est pourquoi nous parlons de stabilité et de prévisibilité. Nous savons ce que c'est. Ce changement brusque s'est produit au beau milieu d'une récession, à un moment où il a fallu modifier les taux de cotisation pour compenser l'augmentation rapide des coûts liés au paiement des prestations. Si j'ai bonne mémoire, d'après des évaluations indépendantes, cette hausse rapide des taux de cotisation avait entraîné la perte de 200 000 emplois. Nous savons à quelle rapidité les réserves peuvent s'épuiser. Des discussions sont en cours au sujet de la durée d'un cycle économique. Elles s'inscriront dans le cadre de cet examen. Nous devons tenir compte des événements antérieurs et des revirements de situation spectaculaires. Ces antécédents seront pris en compte dans le cadre des consultations prévues. Le sénateur Murray: Je ne vous demanderai pas de dire quelles seront, d'après vous, les conséquences des taux de cotisation extrêmement élevés sur la création d'emplois au Canada. Votre collègue, M. Martin, disait encore clairement, il n'y a pas si longtemps, ce qu'il pensait des cotisations sociales et de leur influence sur la croissance économique. À propos de l'excédent qui s'est transformé en déficit, je vous rappelle que, pendant plusieurs années durant la récession, le gouvernement antérieur avait absorbé le déficit parce qu'il ne voulait pas augmenter les taux de cotisation et, par conséquent, aggraver le chômage. En examinant l'historique de la caisse d'AE, j'ai été stupéfait de voir avec quelle rapidité le déficit était redevenu un excédent. En deux ans, un déficit considérable s'est transformé en un excédent d'un demi-milliard de dollars, ce qui est un exploit. Certains de vos collègues ont affirmé à la Chambre qu'au cours des 18 dernières années, la caisse avait été en déficit pendant 10 ans. Je ne crois pas que ce soit une raison pour maintenir les taux de cotisation à leur niveau actuel ni une excuse valable pour avoir un excédent. En ce qui concerne le processus d'établissement des taux de cotisation qui aura lieu pour 2002 et 2003, si l'article 9 du projet de loi est adopté et que les dispositions actuelles de la loi sont suspendues, nous supprimerons en même temps les critères fixés par la loi. Le gouvernement s'engage-t-il à respecter la série de critères énoncés à l'article 66 de la loi, autrement dit à fixer les taux de cotisation pour 2002 et 2003 de façon à faire suffisamment de recettes au cours du cycle économique pour financer le programme et maintenir les taux à un niveau relativement stable? Mme Stewart: Nous avons déjà manifesté l'intention de continuer à réduire les taux de cotisation, dans la mesure de nos moyens. Vous avez parlé du niveau des taux de cotisation. Je tiens à rappeler que nous avons réduit les taux de cotisation de l'assurance-emploi chaque année. Vous avez fait allusion aux conséquences des taux de cotisation sur le nombre d'emplois créés. Sachez qu'il dépasse largement les deux millions, à l'heure actuelle. Nous devons examiner la question sous tous ses angles. À mon avis, la voie dans laquelle le gouvernement s'est engagé jusqu'à présent a produit de bons résultats. Il fait tout son possible pour réduire les taux de cotisation et faire de nouveaux investissements majeurs, dont le doublement des prestations parentales n'est pas le moindre. À mesure que le cycle économique progresse, nous tenons à faire en sorte qu'il y ait une certaine constance et une certaine stabilité pendant l'examen du processus, et c'est précisément le point sur lequel le vérificateur général et les Canadiens veulent que nous axions nos efforts. Le sénateur Murray: Comptez-vous faire un examen plus approfondi de l'ensemble du régime d'assurance-emploi? D'après le Congrès du travail du Canada et d'autres organismes, 37 p. 100 seulement des chômeurs reçoivent actuellement des prestations dans le cadre de ce programme. Si vous pouvez prouver que ce chiffre est faux, n'hésitez pas à le faire. Mme Stewart: Ce pourcentage est le ratio PC (prestataires-chômeurs) qui s'applique à l'ensemble des citoyens. Un critère plus exact d'évaluation de l'efficacité de l'assurance-emploi est le nombre de Canadiens qui ont un emploi rémunéré et paient des cotisations et le pourcentage de Canadiens qui seraient admissibles aux prestations en cas de besoin. Il est d'environ 88 p. 100. À propos de votre première question, dans laquelle vous demandiez si nous comptions faire un examen approfondi, l'approche que nous avons adoptée depuis les modifications de 1966, qui consiste à reconnaître l'opportunité d'évaluer chaque année les incidences de l'assurance-emploi et des dispositions de la loi sur les Canadiens, s'est avérée efficace. Le régime de contrôle et d'évaluation, qui sera prolongé jusqu'en 2006 si vous approuvez ce projet de loi, est excellent. Chaque année, la commission fait une évaluation de l'assurance-emploi. Des experts renommés examinent les diverses parties de la loi et présentent des rapports sur ses incidences. Le processus de l'examen annuel et de présentation d'un rapport au Parlement nous permet de savoir où l'on en est et il a permis d'apporter divers changements, non seulement dans le contexte du projet de loi C-2, mais aussi dans celui de l'introduction du projet pilote des «petites semaines» et du changement du nombre d'heures nécessaires pour recevoir des prestations spéciales. J'aime ce système d'examen et d'évaluation périodique et j'apprécie que le Parlement puisse examiner les changements dans le contexte de l'évolution constante de la population active et du marché. Le sénateur Robertson: Je voudrais revenir à la question qu'a posée le sénateur Murray au sujet du pourcentage de chômeurs qui n'ont pas droit aux prestations d'assurance-emploi. D'après les informations que j'ai pu obtenir, 34 p. 100 des personnes qui ne sont pas admissibles dépendent de leurs parents - souvent assez âgés - pour survivre. Madame la ministre, pensez-vous que le gouvernement ait l'obligation de concevoir un système d'assurance-emploi permettant d'accommoder le pourcentage de travailleurs qui ne sont pas admissibles actuellement? Ce pourcentage est très élevé et c'est une source de problèmes pour les familles. Mme Stewart: C'est une question importante. L'assurance-emploi a pour objet de couvrir les Canadiens qui se retrouvent sans emploi de façon tout à fait involontaire. Elle est là pour répondre aux besoins des Canadiens qui ont un emploi rémunéré et paient des cotisations avec l'aide de leur employeur. Elle est ciblée et est très efficace pour les Canadiens qu'elle est censée aider. En ce qui concerne l'opportunité d'instaurer d'autres programmes et services pour aider les Canadiens qui sont sans emploi, comme des programmes d'assistance sociale ou d'autres programmes analogues, nous avons décidé, en outre, de tenir compte du fait que certains groupes de Canadiens ont besoin à l'occasion d'un investissement et d'un appui de nature plus stratégique. Développement des ressources humaines Canada administre des programmes comme les Fonds d'intégration, dans le but d'aider les Canadiens atteints d'un handicap à avoir accès au marché du travail. Nos programmes s'adressant à la jeunesse ont pour but principal d'aider les jeunes à trouver leur premier emploi, qui est d'une importance capitale pour eux, soit par le biais du Programme d'été pour étudiants ou de la stratégie «Jeunesse à risque». Grâce à nos régimes de subventions et de contributions, nous avons identifié des programmes visant à aider, souvent avec le concours d'autres intervenants, divers groupes de Canadiens qui ont plus de difficulté d'accès au marché du travail. Le sénateur Robertson: Madame la ministre, vous pourriez peut-être nous dire quel pourcentage de jeunes ont pu trouver un emploi lucratif après leur première expérience avec votre ministère. Mme Stewart: Le taux d'efficacité de ces programmes est très élevé. Il s'agit très souvent de jeunes à risque qui n'ont pas été capables de trouver naturellement un moyen d'accès au marché du travail. Grâce à des partenariats et à des projets très innovateurs, nous atteignons parfois un taux de réussite de 60 p. 100 dans des régions très défavorisées. Je pense notamment à un projet qui est en cours à Edmonton, où je suis allée dernièrement avec le sénateur Fairbairn. Il y en avait un autre à Victoria, dont le taux de réussite était de 95 p. 100. Le taux de réussite moyen est très supérieur à 50 p. 100 et dépasse bien souvent 75 p. 100. Le sénateur Robertson: C'est encourageant. Il y a un grand nombre d'entrepreneurs au Canada, dont beaucoup de femmes. Ils créent des PME dans des secteurs où ils peuvent concilier leurs activités professionnelles avec leur style de vie, leurs contraintes familiales et avec d'autres facteurs. Ces petits entrepreneurs sont-ils toujours non admissibles? Si c'est le cas, pouvez-vous dire pourquoi? Mme Stewart: L'assurance-emploi ne s'adresse pas aux travailleurs autonomes. Nous continuons de faire des sondages et de consulter les Canadiens, en particulier les travailleurs autonomes, pour savoir si cela les intéresse de payer des cotisations: ils continuent de dire que non. Le sénateur Robertson: Ce n'est pas ce qu'on m'a dit. Mme Stewart: Divers changements se sont produits sur le marché du travail en ce qui concerne les travailleurs autonomes. Un nombre croissant d'entrepreneurs sont des sous-traitants dont les activités ne correspondent pas exactement à notre définition du travail autonome. Nous continuerons de suivre ce qui se passe sur le marché du travail pour voir s'il n'y aurait pas lieu d'adopter des stratégies plus efficaces dans le contexte de la politique gouvernementale. Comme par le passé, l'assurance-emploi s'adresse à ceux et celles qui ont un emploi rémunéré et pas aux travailleurs autonomes. Le sénateur Robertson: Vous affirmez que les personnes que vous avez consultées ne veulent pas payer de cotisations mais, d'après les renseignements que j'ai pu obtenir, beaucoup de travailleurs autonomes seraient disposés à en payer. On pourrait peut-être prévoir un système assez flexible. Mme Stewart: Vous reconnaîtrez que les personnes qui veulent recevoir des prestations devraient cotiser. Le sénateur Robertson: Oui, bien sûr, en vertu de dispositions très strictes. Il faudrait toutefois leur donner l'occasion de contribuer si elles le désirent pour leur permettre de bénéficier de cette protection. Le sénateur Lawson: Madame la ministre, je voudrais parler des services d'aide au placement dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Je suis sûr que vous êtes au courant. Nous avons eu de brefs entretiens à ce sujet. Plusieurs entrepreneurs et plusieurs de leurs employés m'ont parlé de leurs préoccupations. Certains d'entre eux m'ont donné l'impression d'être réticents à manifester leurs préoccupations, de crainte d'être pénalisés en étant rayés de la liste des entrepreneurs. Qu'elles soient fondées ou non, ces craintes ne devraient pas exister. Je ne révélerai pas mes sources, mais on m'a dit que, dans la région de Vancouver, les clubs d'aide au placement et les programmes de planification de carrière et de transition, ne sont pas inutiles et qu'en aidant les chômeurs à se retrouver un emploi, ils contribuent à la prospérité économique, à court terme comme à long terme. On m'a aussi signalé que les budgets de ces programmes sont minimes et que les employés chargés de les mettre en oeuvre travaillent énormément, pour des salaires qui ne seraient pas jugés acceptables par les syndicats. Les augmentations pour compenser la hausse du coût de la vie sont peu fréquentes. Ils n'ont aucune sécurité d'emploi, car les contrats sont renouvelables chaque année, et ils n'ont droit à aucun avantage social. On m'a enfin demandé de rappeler aux Canadiens et Canadiennes que la plupart de ces programmes subventionnés ont été utiles et que les employés de DRHC et les fournisseurs de services sont généralement très consciencieux et rendent scrupuleusement des comptes. En ce qui concerne les contrats, les entrepreneurs doivent soumissionner à un prix tellement bas qu'ils n'arrivent pas à cotiser à des régimes de sécurité sociale de base. Ils n'ont pas d'assurance-maladie et pas de pension. Ils travaillent aux termes de contrats d'une durée d'un an, qui peuvent être renouvelés pendant une dizaine d'années. Après dix années de service, ces personnes n'ont aucune assurance-maladie et autres avantages sociaux. Si elles prennent les congés auxquels elles ont droit légalement, elles doivent se trouver des remplaçants. Or, les contrats ne sont pas assez lucratifs pour cela. Dans les circonstances actuelles, les entrepreneurs doivent soumissionner à bas prix pour décrocher un contrat. Il me semble que certains critères minimums devraient s'appliquer à ceux qui sont des collaborateurs ou des sous-traitants de l'État. Je ne dis pas qu'ils doivent être syndiqués, mais plutôt qu'il faudrait appliquer des normes minimales. Les taux de rémunération devraient être identiques ou analogues aux sommes que débourserait un ministère si le travail devait être fait par ses fonctionnaires. Les contrats devraient contenir des clauses concernant les prestations d'assurance-maladie et les prestations de retraite. D'après une des recommandations que j'ai entendues, il faudrait offrir des contrats d'une durée de deux ou trois ans, tout en imposant des rapports mensuels ou trimestriels, des examens, des évaluations et des vérifications de reddition de comptes. Cela permettrait aux fournisseurs de services d'avoir du personnel, de faire de la planification à long terme et de se concentrer sur le service à la clientèle, ce qui ferait réaliser des économies à la longue. C'est une recommandation très intéressante. Le personnel qualifié est difficile à garder. Le ministère trouve des travailleurs qualifiés - c'est le but recherché - mais ceux-ci quittent dès qu'ils trouvent d'autres occasions plus intéressantes et plus lucratives. Voilà ce qui me préoccupe. Est-il possible d'adopter une nouvelle politique sociale ou une nouvelle politique officielle applicable à tous les entrepreneurs? Il ne faut pas que le seul critère des appels d'offres soit d'obtenir des soumissions à un prix tellement ridicule qu'il soit exclu d'imposer des conditions salariales minimales. Ce serait dans l'intérêt de toutes les parties. Le gouvernement serait mieux équipé. Il pourrait retenir ses employés et les former sans craindre qu'ils ne quittent leur emploi à la première occasion. Il est possible d'aider un grand nombre de personnes à se retrouver un emploi, ce qui est, finalement, le but de tous ces efforts. Mme Stewart: Avant le début de la séance, j'ai eu l'occasion de parler avec le sénateur Lawson des contrats que nous passons avec des tiers. Si j'ai bonne mémoire, nous avons environ 46 000 contrats un peu partout au pays. Cette stratégie nous a aidés à offrir, à l'échelle locale, des services adaptés aux besoins communautaires. Le problème soulevé par le sénateur est le suivant: quand nous faisons un appel d'offres pour ces contrats autonomes, ne conviendrait-il pas d'inclure dans nos exigences des normes minimales en matière de rémunération et d'avantages sociaux? Actuellement, nous suivons la loi de l'offre et de la demande. Si des organismes et des collectivités soumissionnent, c'est à eux de décider du salaire et des avantages sociaux de leurs employés. Ils doivent s'adapter aux exigences du contrat en conséquence. Vous demandez si le gouvernement ne devrait pas intervenir dans la façon dont les employeurs doivent traiter leurs employés, ce qui est intéressant. Je pourrai m'informer à ce sujet. Je prends bonne note de la question. Il faudrait tenir des consultations et y réfléchir pour voir s'il convient d'imposer officiellement des salaires et des avantages sociaux minimums dans les ententes contractuelles. Le sénateur Lawson: Ce système a évolué de telle sorte que vous exploitez les travailleurs et les maintenez à un faible niveau de rémunération. Avant les restrictions budgétaires, ces programmes étaient annoncés, si bien que les chômeurs savaient où s'adresser pour qu'on les aide à trouver un emploi. Les personnes qui travaillent en sous-traitance ne sont pas en mesure d'attirer l'attention de quelqu'un sur ce genre de services. À une certaine époque, de l'information était transmise par d'autres bureaux mais on a réduit ces services. Mme Stewart: Nous parlons des prestations de la partie II. Le ministère qui fournit les prestations aux termes de la partie I - c'est-à-dire les fonds nécessaires - consulte généralement les prestataires pour savoir quelles mesures il conviendrait de mettre en place ultérieurement en ce qui les concerne. Il faudrait peut-être mieux informer les Canadiens, mais les prestations de la partie II sont destinées aux bénéficiaires des mesures de soutien du revenu. C'est dans les centres locaux de ressources humaines que les conversations on lieu. Le sénateur Lawson: On dirait que la communication est interrompue en ce qui concerne les services destinés aux personnes qui doivent se recycler pour pouvoir trouver un emploi. Le taux de réussite est pourtant élevé parmi ceux et celles qui arrivent à en bénéficier. Mme Stewart: C'est un fait. Le sénateur Lawson: Il est nécessaire d'examiner cette question. Mme Stewart: Nous pourrons peut-être obtenir des renseignements plus précis auprès des personnes qui vous en ont parlé, pour voir si leur expérience pourrait nous guider. Le sénateur Lawson: Il y aurait peut-être moyen de réunir toutes ces personnes. Je me ferais un plaisir de participer à titre d'observateur. Mme Stewart: Je me demande ce qu'en penserait le Bureau de la concurrence. Le sénateur Graham: Madame la ministre, je signale que la plupart d'entre nous se font du mauvais sang depuis les modifications qui sont entrées en vigueur en 1996. Je suis heureux que vous apportiez de nouvelles modifications. Je voudrais vous poser une question toute simple qui concerne le coût estimatif de la suppression de la règle de l'intensité. Avez-vous établi un coût estimatif? Mon expert en calculs et moi avons évalué ce coût à environ 250 millions de dollars par an. Le président: L'année prochaine, quand vous publierez votre document, les fonctionnaires pourraient-ils veiller à en envoyer des exemplaires à notre greffière pour qu'elle puisse les distribuer aux membres? Nous aimerions peut-être que vous nous consultiez également. Le sénateur Murray: Je voudrais aborder un autre sujet sur lequel je ne voudrais pas priver la ministre de faire des commentaires. Elle préférera peut-être céder la place au représentant du ministère des Finances. Je pensais qu'elle parlerait du rapport du FMI dans lequel on reproche notamment à notre approche en matière d'assurance- emploi d'être inefficace. Ce qui se dégage des commentaires de ce rapport, intitulé «Perspectives de l'économie mondiale», est que, pour accroître la flexibilité du marché du travail et faire baisser le chômage structurel, il faudrait adopter de nouvelles mesures visant à réduire la fréquence d'utilisation de l'assurance-emploi et à supprimer les prestations complémentaires régionales. On peut en conclure que le FMI estime que la mobilité de la main-d'oeuvre n'est pas suffisante au Canada. Qu'en pense le ministère des Finances? Mme Stewart: Comme vous l'avez signalé, le FMI reconnaît que nous avons favorisé la flexibilité grâce aux modifications que nous avons apportées à la loi en 1996 et grâce à la Prestation nationale pour enfants. Ces mesures ont encouragé les Canadiens à faible revenu à réintégrer la population active et à cesser de compter sur l'aide sociale. Le message que j'ai à faire, c'est que ces changements ne signifient pas que nous renonçons aux principes fondamentaux qui sous-tendent les modifications apportées en 1996. En ce qui concerne la diminution de la dépendance à l'égard de l'assurance-emploi, je rappelle que divers changements ont été mis en oeuvre, dont le plus important est le dénominateur. Je vous garantis que cette mesure encourage les Canadiens à trouver du travail supplémentaire. À ce propos, nous avons constaté qu'ils trouvent effectivement des semaines de travail supplémentaires. Dans le cadre de l'évaluation permanente de la règle de l'intensité, nous avons constaté qu'elle est considérée comme une mesure punitive. Elle n'a pas modifié le nombre de prestataires fréquents et, par conséquent, elle n'est pas efficace. Le sénateur Murray: Et les prestations régionales. Mme Stewart: Elles sont disponibles à l'échelle du pays. Je n'arrive pas à croire que le FMI tienne à ce que nous maintenions un programme qui s'est avéré inefficace. Le sénateur Murray: En ce qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre, y a-t-il assez de Québécois, d'habitants du Cap-Breton et de Terre-Neuviens à Fort McMurray, en Alberta, ou en faut-il davantage? Mme Stewart: C'est une question très importante. Avec le concours des ministres responsables du marché du travail, nous donnons suite à la directive des premiers ministres concernant les barrières interprovinciales. D'ici le 1er juillet, nous devons avoir examiné tous les obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre, dans l'ensemble du pays, et avoir trouvé des moyens de les atténuer. C'est une priorité. Le sénateur Murray: Pensez-vous qu'il y ait des obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre? Mme Stewart: Comme l'indique une étude récente effectuée par Statistique Canada, les Canadiens sont prêts à envisager diverses options. Notre défi est de reconnaître que nous pouvons diversifier beaucoup plus les options, dans toutes les collectivités du pays. À mon avis, nous devons examiner des options qui permettront à toutes les collectivités canadiennes de développer le genre d'économie qu'elles souhaitent établir. Je crois que nous avons fait des progrès à cet égard mais nous avons encore du pain sur la planche. Je suis sincèrement convaincue que la technologie nous aidera à mener cette tâche à bien. Le sénateur Fairbairn: Ma question vient se greffer à celle du sénateur Murray. À propos des obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre auxquels vous avez fait allusion, est-ce que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée n'en est pas un, surtout dans une localité comme Fort McMurray, qui a besoin de main-d'oeuvre spécialisée pour travailler dans les entreprises d'exploitation des sables pétrolifères? Mme Stewart: De fait, nous avons mentionné très clairement dans le discours du Trône que, dans une économie du savoir, ce sont les ressources humaines qui sont le moteur de l'économie. C'est en améliorant le bagage de compétences de tous les Canadiens qu'on pourra garder le cap dans une conjoncture économique qui connaît des hauts et des bas. J'ai oublié de donner une précision en répondant à la question du sénateur Robertson sur les subventions et contributions. Une aptitude fondamentale à lire et à écrire est essentielle pour divers groupes de Canadiens qui ont besoin d'aide pour avoir accès au marché du travail et être admissibles à l'assurance-emploi. Nous devons collaborer de façon plus étroite avec les provinces et les territoires dans ce domaine. Nous reconnaissons qu'au Canada, le niveau d'alphabétisation n'est pas encore aussi élevé qu'il ne serait souhaitable et qu'il faut investir davantage dans ce domaine. Le président: Merci, madame la ministre. Honorables sénateurs, notre prochain témoin est Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada par intérim. Elle remplace M. Denis Desautels. Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada par intérim, Bureau du vérificateur général du Canada: Je vous remercie de nous donner la possibilité de comparaître pour faire des commentaires sur le manque de clarté de la méthode d'établissement des taux de cotisation à l'assurance-emploi. Je suis accompagnée de Nancy Cheng et de John Hodgins, deux directeurs principaux du Bureau. Mme Cheng a participé à la vérification des états financiers du compte de l'assurance-emploi et M. Hodgins a participé à la vérification des comptes publics du gouvernement du Canada. L'observation de vérification qui a été déposée au Parlement en février 2001 porte sur l'établissement des taux de cotisation et le solde du compte de l'assurance-emploi. Il y a six semaines à peine, M. Desautels a comparu sur le même sujet devant le Comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes. Il a informé les membres du comité à l'égard de l'inquiétude que nous avons formulée dans notre observation de vérification et de l'incidence du projet de loi C-2 sur notre observation. Aujourd'hui, j'aimerais insister sur ces mêmes préoccupations pour faciliter vos délibérations sur le projet de loi C-2. La Loi sur l'assurance-emploi exige que les taux de cotisation à l'AE soient fixés à un niveau qui permette d'assurer un apport de revenus suffisant pour couvrir les coûts du régime d'assurance-emploi tout en maintenant une certaine stabilité des taux au cours d'un cycle économique. La loi ne fournit pas d'interprétation ni de définition particulières, mais le compte de l'assurance-emploi devrait être en équilibre au cours d'un cycle économique. Le solde cumulé du compte constituerait un facteur pertinent et important pour établir les taux de cotisation. Pour faciliter l'atteinte de ces objectifs, l'actuaire en chef du ministère prépare chaque année une analyse actuarielle appuyant le processus d'établissement des taux. La Commission de l'assurance-emploi du Canada, composée de représentants des employeurs, des employés et du gouvernement, fixe les taux. Ces taux doivent être approuvés par le gouverneur en conseil, sur recommandation des ministres du Développement des ressources humaines et des Finances. Au cours des dernières années, le solde du compte de l'assurance-emploi a continué de croître au point d'avoir largement dépassé le montant considéré suffisant par l'actuaire en chef. Le surplus croissant du compte a aidé à réduire la dette nette du gouvernement et contribué à son excédent annuel. Pendant ce temps, le solde excédentaire de l'AE a été crédité des revenus d'intérêts des comptes généraux du gouvernement. Nous avons commencé à attirer l'attention sur cette situation dans le rapport du vérificateur général sur les états financiers du compte de l'assurance-emploi, pour la première fois en 1999, et ensuite, en 2000. [Français] Dans notre observation de vérification, nous avons signalé que le solde, au 31 mars 2000, atteignait 28 milliards de dollars, soit beaucoup plus que le montant maximal jugé suffisant par l'actuaire en chef. En effet, ce dernier a estimé dans son plus récent rapport sur les taux de cotisation pour l'année 2001, qu'une réserve de 10 à 15 milliards de dollars accumulés à la veille d'une récession économique devrait suffire. L'actuaire en chef a estimé que pour 2001, le taux de cotisation des employés, fixé entre 1,75 $ et 2,10 $ par tranche de cent dollars de rémunération assurable, couvrirait les coûts à long terme. De fait, le taux de cotisation des employés a été fixé à 2,25 $ pour 2001. Il est possible que d'autres facteurs ou hypothèses aient été pris en compte dans l'établissement de ces taux. Dans les rapports du vérificateur, et suite à la vérification, nous avons fortement recommandé au gouvernement et à la commission de divulguer tous les facteurs qu'ils ont pris en compte dans l'établissement des taux. À notre avis, la transparence est nécessaire pour donner au Parlement l'assurance que l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi est respecté. Entre-temps, le solde du compte de l'assurance-emploi a poursuivi sa croissance. Il dépassait probablement les 35 milliards de dollars à la fin de mars 2001. À ce niveau, comme M. Desautels l'a déjà mentionné, il nous sera très difficile de conclure que l'esprit de la loi est respecté. Revenons au projet de loi C-2. Essentiellement, ce projet de loi réintroduit les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-44, déposé en septembre dernier. Le dépôt du projet de loi C-2 n'a pas atténué notre inquiétude. L'article 9 du projet de loi C-2, propose de suspendre les méthodes actuelles d'établissement de cotisations à l'assurance-emploi pour deux ans. Le gouverneur en conseil aurait plein pouvoir pour fixer les taux pour 2002 et 2003 et ce, sans la participation de la commission. Le projet de loi ne contient aucune exigence visant à assurer une transparence plus grande. [Traduction] À notre avis, le comité pourrait juger utile d'étudier et d'inclure les points suivants dans son rapport. Premièrement, le gouvernement doit prendre l'engagement de procéder à un examen du processus d'établissement des taux d'AE, comme le décrivent les notes explicatives du projet de loi C-44. Sans cet examen, il serait inutile de suspendre l'article 66 de la loi pendant deux ans. Deuxièmement, l'examen doit donner lieu à un processus d'établissement des taux qui soit plus transparent et qui exige l'observation d'une procédure établie ainsi que des points de référence clairs et adéquats. Ces points de référence sont nécessaires pour garantir l'intégrité financière du Programme d'assurance-emploi. Il pourrait comprendre la consultation de la Commission afin de connaître les points de vue des employeurs et des employés, l'avis de l'actuaire en chef du ministère et le niveau de la réserve existante, entre autres choses. Enfin, l'examen doit porter sur le solde croissant du compte de l'assurance-emploi accumulé à ce jour. Voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Nous répondrons avec plaisir à vos questions. Le président: Je crois que vous étiez dans la salle lorsque le sénateur Murray a discuté de l'établissement des taux avec la ministre. Mme Fraser: Oui. Le président: Auriez-vous des commentaires à faire sur l'approche utilisée pour élaborer un mécanisme d'établissement des taux? La ministre et les représentants du ministère des Finances ont parlé d'un document qui sera publié à l'automne et qui sera suivi d'un processus de consultation. Que pensez-vous du processus en général? Faites-vous partie du groupe interministériel qui collabore à la préparation de ce document? Mme Fraser: Monsieur le président, c'est la première fois que j'entends parler de ce processus. Le président: Je sais déjà à quoi m'en tenir en ce qui concerne ma deuxième question. Mme Fraser: À ce que je sache, le Bureau du vérificateur général n'a pas participé à ce processus. Je n'ai aucune critique ou commentaire à faire au sujet du processus tel qu'il a été décrit aujourd'hui. Le président: Votre réponse à ma deuxième question m'étonne. Comment se fait-il que le vérificateur général ne participe pas à ce genre de processus? En ce qui concerne par exemple l'apport de diverses modifications à la loi concernant les institutions financières, le Bureau du surintendant des institutions financières, bien qu'il soit un organisme de réglementation, participe activement aux négociations. Le CRTC, quant à lui, participe généralement aux discussions avec les groupes interministériels qui portent sur diverses modifications à des lois concernant le secteur de la radiodiffusion ou des télécommunications. Y a-t-il une raison pour que le vérificateur général ne participe pas à un tel processus, bien qu'il relève du domaine de la reddition de comptes, problème que vous avez abordé dans vos rapports? Mme Fraser: Le bureau évite soigneusement de se mêler des politiques proprement dites. Nous faisons des recommandations concernant leur mise en oeuvre, ou des commentaires, lorsque nous pensons que c'est pertinent. Nous estimons toutefois que nous n'avons pas à participer à l'élaboration des politiques. Le président: En ce sens, vous êtes un vérificateur externe et ne jouez pas le même rôle qu'un vérificateur interne dans une entreprise. Mme Fraser: C'est exact. Nous veillons soigneusement à conserver notre indépendance. Le sénateur Murray: Le vérificateur général précédent, M. Ken Dye, ne mâchait pas ses mots lorsqu'il signalait que le gouvernement intégrait le compte de l'AE à ses comptes généraux. Si j'ai bien compris les raisons qu'il a invoquées, le gouvernement continuera d'agir ainsi tant qu'il devra éponger les déficits éventuels et tant qu'il pourra mettre le grappin à volonté sur tout excédent. À l'époque, le compte de l'AE accusait un déficit et M. Dye a dit que ce déficit devait être ajouté au déficit budgétaire du ministre des Finances; c'est ainsi que les comptes ont été consolidés. Très peu de temps après, le gouvernement a cessé de contribuer au compte. C'est en partie ce qui a causé la situation actuelle et c'est de là que vient ce chapitre de l'histoire de la caisse. M. Desautels a dit au comité de la Chambre des communes que c'est une caisse ou un compte théorique et qu'il n'y a pas de compte bancaire distinct. Il est consolidé. Il a ajouté que la loi indique comment les taux de cotisation devaient être établis, et qu'elle donne également d'autres directives, et qu'il fallait par conséquent la respecter. Je suppose que vous ne ferez pas de commentaires à ce sujet, mais il est assez évident, à mes yeux et à ceux de bien d'autres personnes, que les cotisations d'AE ressemblent de plus en plus à une charge sociale et que le gouvernement utilise ces recettes pour financer des activités générales, dans divers ministères. Où nous mènera cet examen? Je me demande si, au bout du compte, l'AE ne deviendra pas une charge sociale comme les autres, dont le gouvernement pourrait disposer à sa guise, après avoir cessé de feindre qu'il existe un compte de l'AE. Est-ce que, dans son domaine de compétence, le vérificateur général a des préoccupations à ce sujet et, s'il en a, quelles sont-elles? Y a-t-il, à votre point de vue, qui n'est pas un point de vue politique, des arguments qui vont à l'encontre de la recommandation que fera le prochain groupe de témoins, à savoir que la caisse d'AE devienne une caisse indépendante? Y a-t-il des arguments importants qui s'opposent à cela, vu sous l'angle du vérificateur général? Mme Fraser: Sénateur Murray, vous avez raison en ce qui concerne la consolidation du compte de l'AE; il n'y a pas de compte bancaire distinct. Il s'agit d'un compte théorique qui sert principalement à déterminer, de diverses façons, l'efficacité du Régime d'AE et qui devrait, à notre avis, servir à déterminer le processus d'établissement des taux de cotisation. Les divers vérificateurs généraux ont toujours considéré l'assurance-emploi comme un programme gouvernemental parmi tant d'autres. Son financement est différent parce qu'il est assorti d'un taux de cotisation spécial, mais c'est un programme fédéral. Le gouvernement peut le modifier à volonté. Par conséquent, ce programme doit être inclus dans les Comptes publics du Canada. Tant qu'il pourra être modifié par le gouvernement, il est inutile de vouloir créer un organisme indépendant. Il serait considéré de toute façon comme un programme gouvernemental. Comme vous l'avez peut-être constaté en lisant certains des derniers rapports de M. Desautels, la création de divers organismes indépendants du gouvernement central, sur lesquels on n'obtient que de maigres renseignements ou qui n'ont pas beaucoup de comptes à rendre au Parlement, nous préoccupe de plus en plus. En ce qui concerne la perspective de la création d'un autre organisme indépendant, c'est la question de la reddition de comptes qui nous préoccupe. Tant que le gouvernement pourra établir les taux de cotisation et le montant des prestations, il s'agira d'un programme gouvernemental et, par conséquent, les comptes de ce programme doivent faire partie des Comptes publics du Canada. Je ne peux pas faire de commentaires sur l'issue de cet examen. Si, comme vous l'avez supposé, cela devenait une taxe comme les autres, elle représenterait un revenu pour les Comptes publics du Canada; les dépenses seraient payées à même ce compte et je présume qu'il n'y aurait plus de compte de l'AE à surveiller; il faudrait voir. De toute évidence, il s'agit d'une suspension pour deux ans. Si la loi n'est pas modifiée, nous reviendrons à la formule actuelle avec un compte de l'AE et un processus d'établissement des taux de cotisation tels qu'énoncés dans les dispositions actuelles de la loi. Le sénateur Murray: Est-ce que, du point de vue du gouverneur général, la surveillance est un facteur important? Mme Fraser: Oui, lorsqu'on se base sur les dispositions concernant l'établissement du taux de cotisation et lorsqu'on dit que le taux devrait produire des revenus suffisants pendant une certaine période. C'est là notre problème. Le sénateur Murray: En fait, vous citez la loi. Je voudrais savoir si, compte tenu de la façon dont les fonds nécessaires sont recueillis pour financer, théoriquement, le régime d'AE, est-il important, pour le vérificateur général, qu'il y ait une loi contenant des dispositions sur la surveillance, entre autres choses, et énonçant les critères correspondants? Déconseilleriez-vous d'adopter une mesure législative qui mettrait fin à tout cela? Mme Fraser: L'absence de compte ne me préoccuperait pas pour autant que la méthode d'établissement des taux de cotisation soit énoncée clairement et que l'on ait des points de repère ou de référence. Le sénateur Murray: Est-ce le cas pour toute autre taxe? Je me fais l'avocat du diable et, par diable, j'entends le ministère des Finances. Aucun critère de ce genre n'est prévu pour les autres taxes perçues par le gouvernement. Mme Fraser: C'est exact. Le sénateur Murray: Pourquoi serait-ce important dans ce cas-ci? Mme Fraser: Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Le sénateur Murray: Cela dépend des diverses hypothèses que j'ai avancées. Êtes-vous préoccupée par l'utilisation que le gouvernement fait de la caisse? C'est une caisse d'assurance qui sert maintenant à financer toutes sortes de programmes gouvernementaux. Près d'un milliard de dollars sont utilisés pour les paiements de transfert aux provinces. C'est peut-être un peu moins que cela. Peu importe, une bonne partie des fonds que contient cette caisse est utilisée pour les paiements de transfert faits aux provinces pour divers programmes de DRHC. Tous ces changements ont été apportés par le biais de la loi. C'est donc en fin de compte le Parlement qui en a décidé ainsi. Le fait que le Parlement - pour ne pas rejeter toute la responsabilité sur les gouvernements - ait décidé d'utiliser cette caisse à d'autres fins ne vous préoccupe-t-il pas, étant donné le mode de perception de ces fonds et le but précis dans lequel ils sont recueillis? Est-ce un sujet de préoccupation pour le vérificateur général? Mme Fraser: J'ai deux réponses à cette question. La première est que, en ce qui concerne la vérification du compte de l'AE, certaines dépenses seulement, spécifiées dans la loi, peuvent être portées à ce compte. Les dépenses n'ayant rien à voir avec les programmes d'assurance-emploi ne peuvent pas être portées à ce compte et, par conséquent, les dépenses qui figurent dans les états financiers du compte de l'AE proprement dit sont celles qui y sont directement liées. Si l'on part du principe que les taux devraient être établis de façon à ce que les recettes et les dépenses s'équilibrent à la longue, cela ne poserait pas de problèmes puisque les recettes seraient égales aux dépenses jugées appropriées pour ce compte. Le sénateur Murray: Qui décide quelles dépenses sont appropriées? Mme Fraser: C'est spécifié dans la loi. Le sénateur Murray: Oui. Autrement dit, vous me donnez la même réponse que celle que j'avais suggérée d'emblée. La loi a tranché. En fait, en ce qui concerne les programmes qui sont conçus dans le cadre d'une mesure législative, on constate que la caisse d'AE sert à financer la majeure partie des programmes fédéraux de formation et de perfectionnement axés sur l'accès au marché du travail. C'est dans ce but que des fonds sont transférés aux provinces, c'est pour aider les personnes qui ne sont pas admissibles du tout à l'AE. Mme Fraser: Comme le sénateur peut s'en rendre compte, nous ne pouvons pas faire de commentaires sur les politiques. Le sénateur Murray: J'arrête de poser des questions pour l'instant. Le président: Je voudrais poser des questions sur deux sujets qui ont été abordés par le sénateur Murray. Même si vous ne pouvez pas faire de commentaires sur les politiques, auriez-vous des objections à témoigner devant un comité comme le nôtre pour exprimer vos opinions sur les options qui seront exposées dans le document qui doit être publié à l'automne? Mme Fraser: Aucune. Le président: Nous sommes d'accord en ce qui concerne la taille de l'excédent. Pour ce qui est d'équilibrer les recettes et les dépenses sur un cycle économique, il y a deux façons d'y arriver. L'une consiste à exiger que le solde net soit nul à la fin du cycle économique en question. Une autre façon d'arriver au même résultat consisterait à décider que la caisse ne peut en aucun cas être déficitaire. Autrement dit, il ne s'agit plus seulement de couvrir les frais mais de ne jamais être en déficit. Dans les deux cas, on pourrait dire que les dépenses et les recettes sont équilibrées sur la durée du cycle économique. Pouvez-vous dire laquelle de ces deux méthodes vous semble la plus appropriée? Mme Fraser: Non, je ne peux pas le dire. Le président: Comprenez-vous la distinction que je fais? Mme Fraser: Oui. Je vous conseille de consulter le rapport de l'actuaire en chef qui recommande un solde de 10 à 15 milliards de dollars à la veille d'une récession. Ce serait le dernier cas que vous avez mentionné, à savoir que la caisse ne devrait jamais être en déficit. Le président: C'est l'opinion actuarielle classique pour bien d'autres types d'assurances. Mme Fraser: L'actuaire en chef recommande un solde de 10 à 15 milliards de dollars pour pouvoir faire face au pire. Le président: J'essayais tout simplement de comprendre la définition que vous utilisez. Dans les compagnies d'assurance, les actuaires en chef ne considèrent pas que l'on peut rentrer dans ses frais quand le solde est nul. Pour eux, rentrer dans ses frais signifie que, dans la pire des éventualités, le solde ne soit jamais négatif. Est-ce une interprétation raisonnable? Êtes-vous du même avis? Mme Fraser: Oui. Monsieur le président, je crois que c'est la mesure la plus prudente sinon, on pourrait se retrouver avec un solde négatif en cas de ralentissement économique. Le sénateur Graham: Vous avez dit que l'actuaire en chef estimait qu'il serait nécessaire d'avoir une réserve de 10 à 15 milliards de dollars. Actuellement, la réserve se chiffre à 35 milliards de dollars, d'après les estimations. Le vérificateur général a-t-il un chiffre en tête qui permettrait au gouvernement au pouvoir d'avoir une marge de sécurité suffisante? Mme Fraser: Non. Nous demandons que le processus d'établissement des taux indique comment les taux en question ont été fixés. L'actuaire en chef recommande une marge de sécurité de 10 à 15 milliards de dollars. D'autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte; on pourrait estimer notamment qu'une réserve plus importante serait nécessaire, mais nous n'avons pas reçu d'explication à ce sujet. Le sénateur Graham: Voulez-vous dire que vous n'êtes pas en mesure d'affirmer que la réserve actuelle de 35 milliards de dollars est excessive? Mme Fraser: Tout ce que je peux dire, c'est que nous n'avons pas reçu suffisamment de renseignements pour justifier une réserve de 35 milliards de dollars ni les taux actuels. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de tirer la conclusion que le processus d'établissement des taux de cotisation est conforme aux dispositions actuelles de la loi. Le sénateur Graham: Est-ce que, à votre avis, la réserve représente une obligation légale du gouvernement envers les cotisants? Mme Fraser: Non. Le sénateur Robertson: J'ai une question à poser. Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez immédiatement. J'essaie toujours. J'apprends des choses intéressantes. Si la situation évolue comme je le comprends, pourquoi appeler cela de l'assurance-emploi étant donné que vos politiques en font une charge fiscale pour les employés comme pour les employeurs? Il vaudrait mieux qu'on lui donne un autre nom et que les citoyens sachent à quoi s'en tenir. On ne sait plus très bien à quoi on a affaire. Le président: Je crois que c'est le sénateur Murray qui a commencé à parler de taxe sur un ton qui pourrait être qualifié d'ironique. Quoi qu'il en soit, les représentants du gouvernement qui ont témoigné n'ont pas employé ce terme. Le sénateur Robertson: Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à cette question. J'y réfléchirai encore. Le président: Mes collègues n'ont plus d'autres questions à poser. Merci d'être venue, madame Fraser. Je remercie également les personnes qui vous accompagnent. Nos derniers groupes de témoins sont les représentants du Congrès du travail du Canada et ceux de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Les représentants de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires sont Joyce Reynolds, directrice principale des Affaires gouvernementales, et Mike Ferrabee, qui est vice-président de ce service. Ceux du Congrès du travail du Canada sont Kevin Hayes, économiste principal, et Nancy Riche, secrétaire-trésorière. Je donne d'abord la parole aux représentants de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Je me souviens des longues conversations que nous avons eues avec des représentants de votre association lorsque nous tentions d'examiner la question de la taxe de vente harmonisée dans la région de l'Atlantique. Nous avons contribué à résoudre un problème sur lequel vous aviez attiré notre attention. M. Mike Ferrabee, vice-président, Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires: Monsieur le président, je tiens à vous féliciter pour l'excellent travail que votre comité a fait à propos de l'inclusion de la taxe dans le prix de vente dans la région de l'Atlantique. Le président: C'était le Comité permanent des banques. M. Ferrabee: Excusez-moi. Vous avez raison, c'était le comité des banques. Honorables sénateurs, notre industrie représente 15 500 membres qui exploitent 46 500 établissements dans les diverses régions du pays. Ce qui est le plus important, dans le contexte du projet de loi C-2, c'est qu'elle emploie près d'un million de Canadiens, soit environ 6,5 p. 100 de la population active du pays. Un pourcentage très élevé de nos employés sont des jeunes, des femmes et de nouveaux membres de la population active. Notre secteur verse environ 535 millions de dollars par an en cotisations d'AE. Comme employeurs, nous payons 60 p. 100 des frais du régime d'AE. Étant donné que notre secteur comprend surtout de petites entreprises, vous n'aurez certainement aucune difficulté à comprendre que nous ayons des opinions très précises sur le régime actuel et sur les changements qu'il faudrait y apporter. Nous croyons qu'il est grand temps de procéder à une réforme de ce régime, mais ce n'est pas l'objet principal de notre exposé. Nous sommes ici pour attirer votre attention sur un article en particulier du projet de loi, qui peut sembler inoffensif à première vue. Nous estimons toutefois que cet article est fondamentalement antidémocratique, voire dangereux. Comme législateurs, vous savez probablement que le Canada est, de tous les pays démocratiques occidentaux, celui où la concentration des pouvoirs au niveau de l'exécutif est la plus forte. L'article 9 du projet de loi laisse prévoir un accroissement des pouvoirs de l'exécutif du fait que les taux de cotisation seront fixés pour les deux prochaines années par décret du conseil. Cet article permettra au gouvernement de prendre des décisions sans même consulter la Commission de l'AE. Il convient de se demander pour quelles raisons. Ce serait peut-être compréhensible si le compte de l'AE était déficitaire mais nous savons très bien que c'est loin d'être le cas. Il affiche actuellement un excédent de 35 milliards de dollars et, par conséquent, on ne peut invoquer le prétexte d'un déficit pour justifier une telle initiative. La situation financière du pays est-elle alarmante? Nous savons tous que non. Le budget affiche également un excédent. En ce qui me concerne, cette décision s'explique par la soif de pouvoir de nos dirigeants. Alors que c'est une commission consultative qui est chargée de recommander les taux de cotisation, avec le changement proposé, cela ferait une décision de plus prise unilatéralement. Vous devriez faire savoir à l'exécutif que la consultation et la démocratie sont importantes, que la plupart des décisions sont déjà prises par lui et qu'il aurait intérêt à s'abstenir d'intervenir, dans le cas présent. Vous devriez en outre recommander d'instituer une commission indépendante qui veillerait à ce que l'exécutif, dans sa soif de pouvoir, ne puisse grignoter le droit des citoyens, qui financent le régime, d'avoir leur mot à dire dans l'établissement du taux. Je passe maintenant la parole à Joyce Reynolds. Mme Joyce Reynolds, directrice principale, Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires: Comme l'a signalé M. Ferrabee, nous sommes là aujourd'hui pour vous faire part de nos préoccupations au sujet du détournement des cotisations d'AE à des fins qui n'ont aucun rapport avec l'assurance-emploi et vous prier de supprimer l'article 9 du projet de loi qui prive la Commission de l'assurance-emploi de ses pouvoirs d'établissement du taux de cotisation. Aucun autre témoin à l'autre endroit n'a appuyé cet article du projet de loi et presque tous les groupes qui ont témoigné ont manifesté leur opposition de façon catégorique. Les entreprises et les travailleurs dénoncent à l'unanimité le projet du gouvernement d'exclure totalement les employeurs et les salariés du processus d'établissement du taux de cotisation. Les représentants des quatre partis de l'opposition ont critiqué cette disposition antidémocratique et parfaitement inutile qui permettra au gouvernement d'imposer indéfiniment des taux de cotisation trop élevés aux cotisants, voire pire encore, de confisquer des fonds qui leur appartiennent actuellement. Contrairement aux représentants syndicaux, nous ne sommes pas convaincus de la nécessité de supprimer la règle de l'intensité et de réduire les taux de récupération en ce qui concerne les travailleurs saisonniers à revenu élevé. Une telle initiative serait avantageuse pour les Canadiens qui ont un revenu relativement confortable mais qui ne travaillent qu'une partie de l'année mais désavantagerait, par contre, les petits salariés de notre secteur qui travaillent toute l'année. Nous sommes d'accord avec le FMI en ce qui concerne son opinion sur le projet de loi C-2 et sa recommandation portant sur l'adoption de nouvelles mesures visant à accroître la flexibilité du marché du travail et à réduire le chômage structurel. Nous espérons que vous reconnaîtrez qu'il est nécessaire de faire une étude minutieuse du régime d'AE et que vos efforts aboutiront à un réexamen en profondeur du régime. Nous estimons que l'on ne peut pas faire grand-chose en ce moment pour empêcher l'adoption des dispositions du projet de loi C-2 qui constituent un revirement par rapport aux modifications qui avaient été apportées à la loi en 1996. Par conséquent, nous parlerons principalement de la disposition qui, de l'avis unanime des cotisants, doit disparaître, soit l'article 9. Nous estimons que c'est à ce niveau-là que le Sénat, puisqu'il a l'occasion de procéder à un second examen impartial, peut s'avérer le plus efficace. L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, l'ACRSA, demande en outre à votre comité d'appuyer sa recommandation concernant l'inclusion d'une exemption annuelle de base (EAB) dans le régime d'AE. Le projet de loi C-2 est exclusivement axé sur les prestations et ne se préoccupe pas des coûts. La loi de 1996 a entraîné d'énormes coûts supplémentaires pour les employeurs qui embauchent des employés débutants dans des entreprises à forte proportion de main-d'oeuvre telles que celle des services alimentaires. Une EAB permettrait de rendre cette charge sociale moins régressive et moins punitive pour les entreprises à forte proportion de main-d'oeuvre et les travailleurs à faible revenu. L'assurance-emploi est, comme tout le monde le sait, un régime d'assurance, et les cotisations qui permettent de le financer sont maintenant payées exclusivement par les employeurs et les employés. Jusqu'en 1990, le gouvernement fédéral apportait l'équivalent de 20 p. 100 ou presque des recettes de l'AE pour couvrir les coûts des prestations supplémentaires régionales et des prestations versées aux pêcheurs autonomes. À l'heure actuelle, ce sont non seulement les employeurs et les employés qui supportent tous les frais, mais plus de 40 p. 100 des cotisations qu'ils versent servent à financer des programmes gouvernementaux qui n'ont absolument rien à voir avec l'assurance-emploi. Le compte de l'AE accuse actuellement un excédent d'environ 35 milliards de dollars, qui atteindra 39 milliards de dollars d'ici la fin de l'année selon des prévisions extrêmement prudentes en ce qui concerne le taux de chômage. Le gouvernement a dit que les raisons qui le poussaient à priver la commission de ses pouvoirs en matière d'établissement du taux de cotisation étaient d'instaurer un nouveau processus d'établissement des taux fondé sur les dépenses à venir. Les taux seraient par conséquent fixés sans tenir compte de l'excédent accumulé dans le compte de l'AE ou des intérêts qui sont dus à ce compte. Cette initiative déchargerait le gouvernement d'une obligation morale de 39 milliards de dollars envers les employeurs et les employés canadiens. Ce serait inadmissible. C'est comme si ma banque confisquait mes économies. Certes, je sais que le compte en banque n'est qu'un compte théorique et que les sommes que j'y dépose sont utilisées à d'autres fins, mais il y a des lois et des règlements qui protègent mon placement tout comme il y a une loi qui protège l'investissement des cotisants de l'AE. Selon le vérificateur général: La loi stipule que toutes les cotisations doivent être créditées au compte de l'assurance-emploi et que le compte peut être utilisé pour acquitter les prestations et couvrir des mesures de soutien ainsi que des frais d'administration. Il ne serait donc pas légal d'utiliser les cotisations ou de se servir du compte pour faire des versements à d'autres fins que celles décrites aux articles [...] de la Loi [...] Le gouvernement a contourné cette obligation en maintenant une inscription comptable mais en amassant de façon irresponsable près de 40 milliards de dollars dans ce compte théorique. Comme cette réserve a atteint des proportions embarrassantes et qu'il n'a aucun espoir d'arriver à rembourser cette somme, il essaie de changer les règles. Plusieurs parlementaires ont essayé de justifier cette initiative en invoquant l'argument que le compte de l'assurance-emploi avait été intégré en 1986 au Compte du revenu consolidé. D'après eux, le gouvernement a assumé la responsabilité du compte de l'AE pendant 10 des 18 dernières années et ce compte profite des intérêts versés lorsqu'il est excédentaire alors que la caisse est renflouée par le gouvernement lorsqu'il est déficitaire. C'est en réalité l'inverse. La figure 2, à la page 7 de notre mémoire, indique les années au cours desquelles le compte a été déficitaire. Ces déficits ont tous été remboursés avec les intérêts. Cependant, comme le compte est excédentaire, le gouvernement propose de fixer les taux de cotisation sans tenir compte des intervenants auxquels ont doit de l'intérêt sur les cotisations. Pour reprendre le parallèle avec les banques, c'est comme si ma banque me disait qu'elle avait de bonnes raisons de confisquer mes économies et les intérêts qu'elle me doit sous prétexte qu'elle m'a fait un prêt il y a une dizaine d'années, même si je l'ai remboursé au complet, avec les intérêts. En privant la Commission de l'AE de ses pouvoirs en matière d'établissement des taux, le projet de loi C-2 supprime complètement l'obligation déjà très restreinte de rendre des comptes sur le régime d'AE. Le processus parlementaire et les présentes audiences ont précisément pour but la reddition des comptes et l'intégrité. C'est une occasion pour le Sénat de défendre ces principes importants. Nous vous prions de mettre un terme à une initiative qui consiste, en quelque sorte, à voler les cotisations qui ont été versées de bonne foi par des millions de travailleurs ou travailleuses et par leurs employeurs. On a demandé à notre association en 1994 de donner son opinion sur un système anticyclique d'établissement des taux de cotisation. Nous avons dit qu'un tel système paraissait raisonnable mais que nous ne pouvions pas l'appuyer sans avoir une garantie légale que l'excédent serait accumulé uniquement pour faire face à un ralentissement économique. Nous avons dit que les excédents s'étaient avérés des proies irrésistibles pour le gouvernement et qu'ils avaient été détournés vers d'autres initiatives. Sept ans plus tard, nos craintes s'avèrent justifiées. C'est pourquoi, étant donné que vous êtes investis d'un mandat public, nous vous prions de réinstituer un compte véritablement autonome, géré en toute indépendance du gouvernement, afin de répondre aux besoins et aux préoccupations des cotisants. Si le gouvernement persiste à considérer l'assurance-emploi comme une autre charge fiscale, il doit cesser de feindre qu'il s'agit d'assurance-emploi et en faire une taxe plus progressive. Le projet de loi C-2 accélère une tendance inquiétante à alléger le fardeau fiscal des entreprises génératrices de revenus et à alourdir celui des entreprises créatrices d'emplois. Au Canada, les charges sociales ont augmenté quatre fois plus que dans les autres pays du G7 et le taux de croissance des charges fiscales a été le troisième le plus élevé des 25 pays de l'OCDE, entre 1980 et 1996. Les charges sociales désavantagent les entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre et les petits salariés. Elles ont un effet particulièrement néfaste dans le secteur des services alimentaires où une forte proportion des employés sont des jeunes et où, par rapport au salaire, les charges fiscales sont excessives. Par conséquent, les employeurs hésitent à engager de jeunes travailleurs sans expérience et ce sont les jeunes qui sont les principales victimes des pertes d'emplois lorsque les charges sociales augmentent. Le ministre Martin l'a reconnu en 1994, lorsqu'il a dit: Nous pensons qu'il n'y a rien de plus ridicule qu'une taxe sur l'embauche. Car c'est en fait ce à quoi reviennent des charges sociales élevées. Elles ont progressé de façon spectaculaire au cours des ans. Elles affectent beaucoup plus les employés qui sont au bas de l'échelle des salaires que ceux qui sont à l'autre bout. Cette déclaration est encore plus pertinente dans le contexte actuel, étant donné que les charges patronales ont continué d'augmenter. La loi de 1996 a encore accru les charges pour les travailleurs débutants et leurs employeurs en supprimant l'exemption d'AE prévue pour les semaines de 15 heures. Conscient de ces charges supplémentaires, le gouvernement a adopté une disposition prévoyant une réduction de cotisations pour les employés touchant moins de 2 000 $ par an et a instauré deux programmes: «Pour l'embauche de nouveaux travailleurs» et «Pour l'embauche de jeunes travailleurs». Le dégrèvement n'aide pas les employés qui ont un revenu de 2 500 $, 3 000 $ ou 7 000 $ qui paient toujours des cotisations représentant une trop forte proportion de leur revenu par rapport aux travailleurs à revenu élevé. Ces deux programmes ont disparu alors que le problème qu'ils étaient censés régler s'est aggravé. Une exemption annuelle de base est prévue dans le Régime de pensions du Canada et dans le Régime des rentes du Québec: la première tranche de revenu de 3 500 $ n'est pas cotisable. Notre association propose d'instaurer une exemption annuelle de base de 2 000 $ sur les cotisations d'AE pour rendre ce régime plus progressif également. Une exemption annuelle de base serait pour le gouvernement la manière la plus efficace d'accorder de façon permanente une réduction de cotisations d'AE aux entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre et à celles qui sont les plus touchées par des charges sociales qui ne tiennent pas compte des profits. Ce serait un système facile à administrer pour les employeurs et pour les employés parce que c'est déjà le cas dans le Régime de pensions du Canada et dans le Régime des rentes du Québec. Les coûts, les avantages et la facilité d'administration sont exposés dans notre mémoire. Nous vous remercions de nous avons donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous vous prions de rétablir une certaine intégrité et une certaine responsabilité financière dans le système d'AE en supprimant l'article 9 du projet de loi et en recommandant de faire à nouveau du compte de l'AE un compte autonome géré en toute indépendance du gouvernement. Nous espérons que vous envisagerez de faire en sorte que les charges sociales assorties à l'AE soient moins régressives en recommandant l'instauration d'une exemption annuelle de base, qui augmentera le salaire réel des Canadiens qui sont au bas de l'échelle des revenus et les occasions d'emplois pour eux. Mme Nancy Riche, secrétaire-trésorière, Congrès du travail du Canada: Honorables sénateurs, nous appuyons le projet de loi en grande partie en raison de deux ou trois de ses dispositions mais, après avoir écouté l'exposé précédent, je suis presque prête à vous demander de le rejeter. Bien que je ne sois pas d'accord sur tous les points, j'estime que l'exposé précédent contient des commentaires très pertinents. Le Congrès du travail du Canada est, comme vous le savez, la voix du mouvement syndical à l'échelle nationale. Nous représentons et sommes les porte-parole d'environ 2,3 millions de travailleuses et travailleurs canadiens et de leurs familles. Nous sommes heureux de vous présenter un mémoire aujourd'hui. Au fil des années, nous avons consacré beaucoup de temps à l'étude de modifications à la Loi sur l'AE et, dans certains cas, le Sénat était notre seul espoir. Dans l'ensemble, je pense que nous ne sommes parvenus tout au plus qu'à retarder certains changements indésirables. Le projet de loi C-2 est très décevant. Nous nous étions opposés vigoureusement aux modifications proposées dans le projet de loi de 1996 et les quelques changements proposés dans le projet de loi actuel ne suffisent pas. Il renferme quelques dispositions que nous appuyons, d'autres auxquelles nous nous opposons et d'autres encore que nous voudrions voir modifier. Ce projet de loi ne va pas assez loin pour satisfaire au besoin manifeste de modernisation du régime d'assurance-emploi. Les Canadiens et les Canadiennes veulent un régime moderne qui témoigne des réalités du monde du travail actuel. Ils veulent un régime qui permette de tenir compte de l'évolution en ce qui a trait au temps de travail et à la distribution du travail. Ils veulent un régime qui établisse un meilleur équilibre entre les responsabilités professionnelles et les responsabilités familiales. Ils veulent un régime qui encourage la formation et l'éducation en milieu de travail. Ils veulent un régime qui utilise honnêtement les fonds qu'ils y investissent et qui remet de l'argent aux travailleurs et travailleuses et à leurs communautés quand ils en ont besoin. Le projet de loi ne représente qu'un petit pas vers ces objectifs, un pas trop petit pour aider vraiment les familles actives sur le marché du travail et tous ceux et celles qui comptent sur le régime. C'est pour cela que nous sommes déçus. Je parlerai d'abord de ce que nous approuvons dans ce projet de loi. Contrairement aux témoins précédents, nous appuyons pleinement l'élimination de la règle de l'intensité et des pénalités de récupération. Ce sont des changements que nous réclamons aux parlementaires depuis longtemps. Le projet de loi C-2 élimine quatre des pénalités les plus injustes du régime. Deux d'entre elles ont été instaurées à l'adoption, en 1996, de la Loi sur l'assurance-emploi. Il s'agit de la règle de l'intensité et de la pénalité imposée aux personnes qui ont déjà reçu plus de 20 semaines de prestations et dont les revenus dépassent 39 000 $. Ces odieuses mesures avaient été ajoutées afin de punir les «récidivistes», c'est-à-dire les travailleurs et les travailleuses d'industries saisonnières qui se font périodiquement mettre à pied et qui réclament des prestations d'assurance quand ils perdent leur source de revenu. Il s'agit de personnes travaillant dans les secteurs vitaux de notre économie que sont le tourisme, la construction, la fabrication d'automobiles, l'éducation, les transports, les services gouvernementaux, la foresterie et les pêches. La règle de l'intensité désavantage un demi-million de personnes par année. Des dizaines de milliers d'entre elles ont déjà vu leurs taux de prestations ramenés à 50 p. 100 de leurs gains hebdomadaires. Les travailleurs ou travailleuses qui voient leurs prestations récupérées en vertu de la pénalité imposée au personnel saisonnier ont perdu des milliers de dollars chacun. Le projet de loi C-2 modifie d'autres pénalités de récupération adoptées vers le milieu des années 70 et rendues encore plus punitives en 1996, en abaissant le seuil de revenu imposable. La plupart des fonds récupérés le sont auprès des prestataires de quatre provinces: l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec. Nous estimons que toutes les récupérations devraient être éliminées. Le gouvernement lui-même a reconnu qu'il était insensé d'imposer des récupérations aux bénéficiaires de prestations de maternité, de prestations parentales et de prestations de maladie. Nous sommes heureux que les récupérations soient éliminées dans ces cas et que les personnes présentant une demande pour la première fois soient exemptées, mais nous soutenons que la récupération fiscale de prestations reçues par suite d'un congédiement est totalement insensée. Nous recommandons au comité de voir à ce que l'exemption de la récupération de 30 p. 100 sur les prestations spéciales soit appliquée également aux prestations ordinaires. Quel que soit le revenu du travailleur ou de la travailleuse, sa mise à pied est indépendante de sa volonté. C'est là un aspect très important. Une gigantesque campagne de dénigrement systématique est menée depuis plusieurs années contre les prestataires de l'assurance-chômage. On les qualifie de «récidivistes». On avait imaginé, bien avant l'arrivée au pouvoir des libéraux, de qualifier de «contrevenantes» les personnes qui, après avoir versé des cotisations à un régime spécial, touchent des prestations. Les prestataires dont les revenus sont supérieurs à la moyenne reçoivent déjà une plus faible proportion de leur rémunération antérieure à cause du maximum imposé sur les prestations. Ils paient déjà plus d'impôt sur leurs prestations parce que notre régime d'impôt sur le revenu est progressif. Voici ce que le projet de loi C-2 ne fait pas. Il ne facilite pas l'admissibilité des personnes travaillant dans des industries saisonnières. Il ne contribue que très peu à l'élimination des règles d'admissibilité qui, chaque année, privent de prestations ordinaires près d'un million de sans-emploi qui auraient eu droit à ces prestations selon les règles qui étaient en vigueur au cours de la dernière récession. Il n'aide nullement à réduire le nombre démesuré de femmes, de jeunes travailleurs et travailleuses et de travailleurs et travailleuses âgés qui se voient privés de prestations, malgré ce qui a été prétendu. Le projet de loi C-2 aide bien peu la plupart des nouveaux parents. Un nombre de femmes pouvant atteindre 100 000 n'auraient toujours pas droit à des prestations de maternité ou à des prestations parentales si le projet de loi entrait en vigueur. Quatre-vingt pour cent des femmes de 25 à 44 ans font partie de la population active du Canada. Moins de la moitié de celles qui ont eu des bébés dernièrement reçoivent des prestations d'AE. Le projet de loi C-2 n'aide nullement les 600 000 sans-emploi qui n'ont pas droit à des prestations, même s'ils ont travaillé et payé des cotisations d'AE pendant des années. Bon nombre d'entre eux sont âgés. Ils mettent plus longtemps que les autres à trouver un nouvel emploi à cause de leurs obligations familiales, de leurs conditions de logement, et de leurs relations dans la communauté ainsi qu'à cause de la discrimination fondée sur l'âge. C'est arbitraire et inéquitable. Une proportion grandissante de la population active et des personnes qui s'apprêtent à entrer sur le marché du travail participe à de longs programmes d'éducation et de formation. Il est curieux que le projet de loi C-2 néglige cette réalité. Il ne protège guère contre la perte d'emploi les personnes qui subissent de plus en plus des pressions pour qu'elles investissent du temps et de l'argent dans ce que l'on appelle l'éducation permanente. Dans le cadre d'une autre campagne d'envergure menée depuis quelques années, on insiste beaucoup sur l'importance capitale d'une formation en haute technologie et d'un apprentissage permanent. Pourtant, nous pénalisons ceux et celles qui suivent ce conseil. En dernier lieu, le projet de loi ne reconnaît pas la croissance fulgurante des formes atypiques de travail: à temps partiel, temporaire, sur demande et autonome. Bien que près de la moitié de la population active occupe des emplois atypiques, le projet de loi C-2 ne modifie nullement les conditions, les définitions et les normes privilégiant les travailleurs et les travailleuses qui occupent des emplois permanents à plein temps à longueur d'année. Nous demandons au comité de recommander l'abolition de la condition de 910 heures applicable aux rentrants. Cela permettrait à des milliers de sans-emploi de plus, qui ont passé un an ou plus à l'extérieur de la population active, d'avoir droit à des prestations. Nous demandons également au comité de recommander que la norme variable d'admissibilité de 420 à 700 heures soit remplacée par une condition d'admissibilité uniforme à l'échelle nationale de 360 heures, et que la période de prestations soit allongée. Nous savons très bien que le gouvernement ne peut plus invoquer l'excuse qu'il n'a pas les moyens financiers nécessaires. L'AE appartient aux travailleurs et aux travailleuses. Nous sommes entièrement d'accord avec le témoin précédent sur ce point. Une partie de mon exposé traite de l'énorme soi-disant excédent qui atteint 36 milliards de dollars, accumulé dans le compte de l'assurance-emploi. Entendons-nous bien: ce n'est pas un excédent. C'est une accumulation de prestations non versées. Ce sont des prestations pour lesquelles les travailleurs et travailleuses et leurs employeurs ont versé des cotisations. Nous nous opposons aux dispositions du projet de loi C-2 qui visent à faire passer le pouvoir de fixer les cotisations pour 2002 et 2003 de la Commission de l'assurance-emploi du Canada au ministère des Finances, sans pouvoir affirmer qu'il ne le fait pas déjà depuis plusieurs années. Cela, nous le savons tous également. Nous recommandons que la Commission de l'assurance-emploi du Canada conserve son pouvoir de fixer les cotisations. Nous nous opposons aux dispositions qui permettent au gouvernement de s'emparer annuellement de plus de 7 milliards de dollars qui appartiennent aux sans-emploi et de s'en servir comme source de revenu. Nous recommandons que des dispositions soient incorporées au projet de loi pour préserver l'intégrité de la caisse du régime instauré pour aider les personnes au chômage. L'assurance-emploi est une assurance et non un instrument politique budgétaire. C'est un élément crucial du filet de sécurité sociale du Canada, et il appartient aux travailleurs ou travailleuses et aux employeurs qui paient les cotisations. Les fonds recueillis en vue de verser des prestations d'AE devraient être conservés en fiducie. Ils ne devraient pas être confiés au gouvernement, sauf à crédit. Le gouvernement reçoit actuellement plus d'argent de l'AE que les sans-emploi touchant des prestations ordinaires. L'intérêt sur le soi-disant excédent cumulatif de 36 milliards de dollars dépasse le total des prestations de maternité et des prestations parentales. Nous demandons au comité d'ajouter au projet de loi C-2 des dispositions donnant plus de pouvoir et plus d'autonomie à la commission et de créer un fonds en fiducie de l'assurance-emploi entièrement indépendant. L'actuel excédent constitué de prestations impayées devrait être remis aux travailleurs et travailleuses et à leurs communautés. Il devrait servir à assurer les travailleurs et travailleuses contre la perte totale de revenus par suite de la perte de leur emploi. Il devrait en outre servir à porter la couverture de l'AE de 37 p. 100 à au moins 70 p. 100 des sans-emploi. En terminant, je tiens à remercier les membres de ce comité de m'avoir entendue aujourd'hui. Comme je l'ai indiqué au début de cet exposé, ce projet de loi est décevant. Il a été présenté comme étant un redressement des mesures odieuses adoptées en 1996 mais il ne fait qu'effleurer les problèmes qu'elles ont engendrés, sans compter la défaite spectaculaire des candidats libéraux dans la région de l'Atlantique. C'est très bien. Je suis pour. Les citoyens ont parlé et le gouvernement a essayé d'agir. Les Canadiens et les Canadiennes veulent un régime d'assurance-emploi qui offre une protection contre la perte de revenu à la population active d'aujourd'hui. Ils ont besoin d'un régime modernisé favorisant la formation et rendant l'éducation permanente accessible aux familles de travailleurs et travailleuses. Il leur faut un régime sur lequel ils puissent compter pour les aider quand ils en ont besoin. Je voudrais encore faire deux ou trois commentaires. Nous avons annexé à notre mémoire les recommandations que nous faisons en ce qui concerne la modernisation du régime d'AE. Nous sommes convaincus qu'il est temps d'envisager une réforme du régime en raison de l'évolution du marché du travail. Nous considérons que les conditions actuelles sont là pour un certain temps. Je suppose que la plupart d'entre vous sont au courant du jugement rendu par un tribunal de Winnipeg dans l'affaire Lesiuk. Dans cette affaire, le juge a conclu que cette femme n'avait pas reçu les prestations parce qu'il lui manquait seulement 33 heures sur les 700 heures nécessaires pour être admissible et qu'elle avait droit à ces prestations d'après les dispositions de la loi en place avant 1996. D'après les dernières rumeurs, le gouvernement fera appel. L'échéance pour faire appel doit tomber cette semaine. Il avait 30 jours à partir de la date du jugement. Je vous prie d'examiner cette affaire. Elle est très pertinente dans le contexte du projet de loi C-2. Ce sont les dispositions de la loi que le gouvernement n'a pas modifiées cette fois-ci que le juge demande au gouvernement d'examiner. J'ai terminé. M. Hodgins est prêt à répondre à vos questions. Pour ma part, j'étais chargée de présenter le mémoire. Le sénateur LeBreton: Monsieur Ferrabee et madame Reynolds, à propos d'intensité de la main-d'oeuvre et de revenus modiques, vous avez mentionné spécifiquement les jeunes. Quel est le pourcentage de femmes dans la population active? Mme Reynolds: Je ne le sais pas au juste, mais les femmes doivent représenter entre 60 et 65 p. 100 des travailleurs et travailleuses de notre secteur. Le sénateur LeBreton: Quand on y ajoute le problème non seulement des jeunes qui font leur entrée sur le marché du travail mais aussi des femmes qui font partie d'une tranche de revenu inférieure, pour la plupart des mères de famille monoparentale, ou de celles dont le revenu représente un apport supplémentaire important pour le ménage. Je crois que cela mérite d'être signalé. J'apprécierais les commentaires que vous pourriez faire en ce qui concerne les femmes en général et plus particulièrement au sujet de l'incidence de cette situation sur leur viabilité économique, leur famille et leur communauté. Mme Reynolds: Il y a beaucoup de femmes dans notre secteur. La plupart d'entre elles essaient de concilier les responsabilités familiales avec un emploi à temps partiel. Elles sont tenues de verser des cotisations, même si leurs chances de toucher des prestations sont extrêmement restreintes. Avant 1996, les personnes qui travaillaient moins de 15 heures par semaine ne devaient pas payer de cotisations. L'autre groupe qui est pénalisé par la loi adoptée en 1996 sont les étudiants. En 1996, lorsque nous avons témoigné devant ce comité, nous avons suggéré qu'une exemption pour les étudiants était une des solutions de rechange à l'exemption accordée aux travailleurs et travailleuses qui faisaient moins de 15 heures par semaine. Pas mal de gens appuyaient cette recommandation. Par contre, l'administration de ce genre de programme aurait posé des problèmes. Nous pensons que l'exemption annuelle de base est la meilleure solution de rechange pour aider les étudiants et les femmes qui travaillent à temps partiel et qui versent en cotisations à l'AE un pourcentage plus élevé de leurs revenus pourtant nettement inférieurs à ceux des autres travailleurs. Mme Riche: Nous ne sommes pas d'accord. Lorsque la limite était de 15 heures par semaine, nous étions un des groupes à préconiser la couverture dès la première heure de travail, dont M. Axworthy a vanté les mérites quand il a apporté diverses modifications au régime. Alors qu'une personne qui travaillait moins de 15 heures par semaine n'était pas admissible, nous avions l'impression, confirmée d'ailleurs par plusieurs études que, pendant toute la période où cette règle a été appliquée, bien des employés n'étaient engagés que pour 14 heures de travail par semaine. En ce qui concerne les femmes, je dirais que le pourcentage est beaucoup plus élevé dans le secteur du commerce de détail et des services. Environ 70 p. 100 des travailleurs à temps partiel sont des femmes. La solution ne consiste pas à prévoir une exemption mais à permettre aux travailleurs et travailleuses de remplir plus facilement les conditions d'admissibilité aux prestations, comme c'était censé l'être au début du régime. Nous recommandons que le nombre d'heures soit abaissé à 360 et que des prestations raisonnables soient versées. Je suppose que lorsque votre groupe demande une exemption pour les travailleurs et travailleuses, cela sous-entend également une exemption pour l'employeur. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, faisait la même recommandation et le gouvernement a instauré une exemption en s'attendant à ce que cela crée des emplois supplémentaires. Ce ne fut pas le cas. Nous estimons que la couverture dès la première heure de travail permet à tous les travailleurs et travailleuses d'être admissibles et de toucher des prestations. Le but est de les rendre admissibles et pas de les exclure du régime. Le sénateur LeBreton: Voulez-vous dire que cette charge sociale est une taxe qu'ils paient mais dont ils ne retirent rien? Mme Riche: Je trouve intéressant qu'on l'appelle une charge sociale. Cela a toujours été une cotisation mais c'est devenu une taxe. On joue sur les mots. En ce qui concerne la suppression de la règle de l'intensité aux termes de ce projet de loi, une femme de Terre-Neuve m'a dit que cela lui ferait un supplément de 27 $ par semaine, ce qui pourrait l'aider à payer sa facture d'électricité. Nous n'appuyons pas plusieurs des changements proposés parce qu'ils font une grosse différence. Nous avons besoin de quelques changements supplémentaires pour que les travailleurs et travailleuses ne paient pas plus qu'avant. Bien sûr, bien des personnes touchent davantage qu'elles n'ont versé en cotisations. Je n'ai jamais eu de gros accident de voiture mais quelqu'un profite de la prime d'assurance que je paie, en cas d'accident. C'est le propre d'une assurance. Le sénateur LeBreton: C'est un véritable régime d'assurance. M. Ferrabee: Nous approuvons entièrement l'établissement d'un véritable régime d'assurance. Le sénateur LeBreton: Madame Reynolds, dans votre exposé, vous recommandez fortement la suppression de l'article 9. Je dois dire que ma réaction a été de me demander si nous n'avions pas déjà accordé suffisamment de pouvoirs au ministre des Finances sans lui donner en outre celui de fixer les cotisations. Est-ce que le Congrès du travail du Canada est également en faveur de la suppression de cet article? Mme Riche: Absolument. Nous sommes très en faveur de l'indépendance de la commission. Au cours des années précédentes, nous avons reçu des lettres nous signalant que les cotisations allaient être modifiées et nous demandant de faire des recommandations. Nous avons tous un représentant à la commission. Il y a un représentant des travailleurs et des travailleuses et un représentant des employeurs. Nous estimons que ce n'est pas assez. Nous sommes toutefois entièrement en faveur de la suppression de l'article 9. Le sénateur Murray: Madame Riche, la raison pour laquelle certains d'entre nous appellent cela une charge sociale est précisément celle que vous avez signalée dans votre mémoire, à savoir que les fonds sont utilisés pour les dépenses générales du gouvernement. Comment appelleriez-vous cela à part une taxe? Mme Riche: C'est ainsi qu'on l'appelait avant. C'est peut-être ce qu'on a fait au début, puis on s'est mis à employer ce terme. Le sénateur Murray: M. Hayes était là quand la ministre a témoigné. Il sait donc probablement qu'elle n'a pas révélé ce que le gouvernement compte faire au sujet du jugement du tribunal de Winnipeg. D'après les médias, il y a 60 autres affaires en cours et l'on attend la suite de cette affaire. La ministre a deux options: faire appel devant la Cour d'appel fédérale ou modifier la loi. Pensez-vous que d'autres options soient possibles? Mme Riche: Le jugement de la Cour d'appel pourrait confirmer la décision de l'arbitre, à savoir que les prestations seront payées en fonction des dispositions antérieures de la loi, ce qui est étrange. C'est la décision initiale. Le sénateur Murray: La ministre semblait dire, bien que je ne sois pas parvenu à le lui faire dire clairement, que le projet de loi C-2 contenait des dispositions susceptibles de satisfaire le tribunal. Mme Riche: Je suppose qu'elle parlait de la diminution du minimum de 700 heures à 600 heures. M. Kevin Hayes, économiste principal, Congrès du travail du Canada: Le minimum de 600 heures a été instauré le printemps dernier dans le projet de loi d'exécution du budget. L'affaire Lesiuk portait sur des prestations ordinaires et sur le minimum de 700 heures. Aucune disposition du présent projet de loi n'a une incidence sur cette affaire. Le sénateur Murray: Vous étiez là également, monsieur Hayes, lorsque j'ai parlé à la ministre du chiffre que j'ai trouvé dans quelques documents du CTC - auquel Mme Riche a fait allusion - indiquant que 37 p. 100 seulement des sans-emploi recevaient des prestations. La ministre a rétorqué que le pourcentage de personnes ayant un emploi rémunéré était un chiffre plus pertinent. Vous l'avez entendu dire cela. Je veux vous donner l'occasion de défendre vos opinions. M. Hayes: Je suis arrivé en retard et, par conséquent, je ne l'ai pas entendu dire cela. Nos chiffres sont établis essentiellement de la façon suivante: nous divisons le nombre de personnes qui reçoivent des prestations ordinaires par le niveau de chômage mensuel. Le nombre de prestataires ordinaires que nous comptons est celui des prestataires qui n'ont aucun revenu supplémentaire pendant qu'ils reçoivent des prestations. Lorsque Statistique Canada fait son enquête mensuelle sur la population active, il compte comme personnes actives celles qui gagnent ne fût-ce qu'un dollar. Nos chiffres sont simplement basés sur ce ratio. Le sénateur Murray: D'après les facteurs sur lesquels elle base ses calculs, la ministre estime que le pourcentage atteint 88 p. 100 des personnes ayant un emploi rémunéré. M. Hayes: J'ai vu l'étude qui est parue il y a deux ou trois ans. Elle reposait sur un argument très compliqué fondé essentiellement sur les personnes admissibles, c'est-à-dire celles qui sont admissibles selon le règlement, que ce soit dans le passé ou à présent. Ce que nous mettons en doute, c'est l'admissibilité. Le sénateur Murray: Nous ne pousserons pas la discussion plus loin. En ce qui concerne l'indépendance du compte de l'AE, les représentants de l'Association des restaurateurs et ceux du CTC semblent être d'accord. Le vérificateur général a dit qu'à son avis, lorsque c'est le gouvernement qui perçoit les cotisations, il s'agit d'un programme gouvernemental et qu'il n'est dès lors plus question d'indépendance. Le vérificateur général tient le gouvernement responsable. Si on crée une caisse totalement indépendante du gouvernement, qui élaborerait les programmes? Quel serait le rôle du gouvernement? Qui couvrirait le déficit éventuel? Mme Riche: Nous avons toujours dit que la commission devrait être un organisme indépendant qui rende des comptes au Parlement. Nous n'avons jamais dit qu'elle devrait être livrée à elle-même. Nous avons dit qu'elle devrait rendre des comptes au Parlement. Nous élargirions la commission pour qu'elle représente tous les intervenants, y compris le gouvernement. Nous considérons et avons toujours considéré le gouvernement comme un intervenant. Il est actuellement un intervenant plus puissant que les sans-emploi parce qu'il touche plus d'argent. Nous n'avons jamais pensé que le gouvernement devrait être exclu. L'ancien système en vertu duquel le gouvernement ajoutait aux recettes des cotisations des fonds destinés à aider les régions du pays où le taux de chômage est élevé et à payer des prestations de pêcheurs était efficace. Comme l'a expliqué Mme Reynolds, tout le déficit que devait absorber le gouvernement lorsque le taux de chômage était élevé et qu'il devait renflouer la caisse était remboursé. Il était remboursé intégralement. Nous n'avons jamais pensé à laisser le gouvernement complètement à l'écart. Cependant, nous n'admettons pas que la ministre des Finances tienne les travailleurs et travailleuses et les employeurs à l'écart. Le sénateur Murray: Quel genre de rapport une commission indépendante ferait-elle au Parlement? Mme Reynolds: Nous concevons un système quelque peu analogue au Régime de pensions du Canada. Nous voudrions une caisse distincte, à vrai dire. Je comprends les craintes du vérificateur général au sujet d'un éventuel déficit mais le compte est actuellement excédentaire de près de 40 milliards de dollars. On pourrait établir des lignes directrices pour éviter que le régime ne soit déficitaire tout en restant une caisse spéciale. Mme Riche: Vous avez demandé ce qu'une commission indépendante ferait. Nous commencerions par moderniser le régime. Aucun des changements qui ont été apportés ces dernières années n'ont tenu compte de l'évolution de la main-d'oeuvre au cours des 10, 20 ou 30 prochaines années, ni de ce que le régime d'AE fera pour la population. Cela aiderait à établir les cotisations. Avant 1996, lorsqu'on envisageait des modifications législatives, un groupe de référence formé de représentants des entreprises collaborait avec DRHC. Certaines modifications étaient quasi identiques à ce que ce groupe avait recommandé. Nous avions toutefois réclamé un traitement égal mais ne l'avons jamais obtenu. J'ai fait partie de plusieurs organismes formés de représentants des travailleurs et de représentants des employeurs et les deux parties s'entendaient généralement; elles collaborent. Au sein de l'ex-Centre canadien du marché du travail et de la productivité, appelé actuellement Canadian Labour and Business Centre, nous sommes souvent d'accord sur les questions importantes. Actuellement, le président de la commission est sous-ministre à DRHC. Je me demande pourquoi nous ne pourrions pas collaborer pour établir les cotisations, préparer les modifications et recommander des modifications législatives à l'AE plutôt que de continuer à procéder comme on le fait actuellement à DRHC, c'est-à-dire du sommet à la base. Le sénateur Murray: Je n'ai pas entièrement lu votre mémoire, mais j'ai entendu ce que vous avez dit et j'ai lu votre témoignage devant le comité de la Chambre des communes. Vous étiez l'un des rares sinon l'unique témoin à avoir parlé de l'évolution à long terme de la population active, par exemple. Vous affirmez qu'il n'est pas acceptable que le gouvernement utilise chaque année 7 milliards de dollars provenant de la caisse d'assurance-emploi comme source de revenu. Je suis d'accord avec vous mais vous parlez d'autres utilisations possibles des fonds que contient la caisse, comme la formation en milieu de travail et d'autres initiatives de ce genre. En faisant cela, vous inciteriez en fait le gouvernement à utiliser les fonds à d'autres fins. Mme Riche: Non. Ce n'est pas du tout la même chose de donner des prestations d'AE à une personne pour qu'elle suive une formation pour être apte à obtenir un autre emploi. Nous assimilons cela à la recherche d'emploi. Pour cela, il faut avoir certains atouts. Dans certains cas, il s'agit de compétences. Ce n'est pas la même chose que lorsque Paul Martin, le ministre des Finances, se sert de l'argent pour payer le déficit. Il a dit par écrit à un maire de la Saskatchewan qu'on ne pourrait rien faire d'autre avec les fonds de l'AE parce qu'on avait besoin de l'argent pour rembourser le déficit. C'est tout autre chose que d'aider un travailleur ou une travailleuse à se recycler. Même si nous devons continuer à lutter, nous avons accepté que la maternité entraîne un arrêt de rémunération. Je suis sûre que mes collègues ne sont pas d'accord. C'est dans des cas semblables que doivent intervenir les assurances et la sécurité sociale. Nous avons déjà accepté le principe d'utiliser le fonds fiduciaire à diverses autres fins dans le contexte d'un régime d'assurance-chômage. D'autres utilisations, comme le remboursement du déficit, ne sont toutefois pas acceptables. On dit que l'excédent est d'environ 36 milliards de dollars mais je ne sais pas si on a calculé les intérêts. Cette somme est toujours inscrite comme prêt dans les livres. Le sénateur Murray: Pensez-vous que les cotisations devraient être réduites? Mme Riche: C'est toujours un dilemme pour nous. Nous nous posons la question tous les ans. Parfois, elles devraient être réduites et parfois, augmentées. Étant donné l'état actuel de la caisse, on pourrait probablement les réduire pratiquement à zéro s'il reste beaucoup d'argent, mais nous ne sommes pas en faveur de cela. M. Ferrabee: Absolument. Je suis très heureux que vous soyez d'accord avec nous. Mme Riche: Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Nous accepterions peut-être que les cotisations soient légèrement réduites. La FTQ, la Fédération des travailleurs du Québec, a accepté que l'on réduise les cotisations. Cela nous rend toutefois nerveux. Le sénateur Murray: Je terminerai par une question concernant la politique générale. Je sais ce que vous pensiez de certaines des recommandations de la Commission Forget. Vos représentants à cette commission ont présenté un rapport distinct. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris vos opinions sur ce que le président de la commission royale d'enquête, Donald Macdonald, disait, mais que pensez-vous du principe général qui consiste à créer des programmes distincts de soutien du revenu, non reliés à l'assurance-emploi, pour les travailleurs saisonniers et les pêcheurs, par exemple. Mme Riche: Cela a déjà été le cas. Il y a déjà eu un programme de prestations de pêcheurs. Nous sommes prêts à examiner n'importe quelle proposition si nous estimons que nos interlocuteurs nous écoutent vraiment. Nous sommes prêts à envisager des études, à moderniser le programme et à procéder à divers changements. Actuellement, le principe qu'applique le gouvernement est qu'il n'y a plus de travailleurs saisonniers, mais du travail saisonnier. Si j'ai bonne mémoire, nous avons dit au gouvernement que ce ne serait pas un problème s'il n'y avait pas de saisons au Canada. Toutes ces questions devraient faire l'objet de discussions; le tout est de savoir avec qui et qui sera écouté. On hésite à dire que c'est effectivement une bonne idée, parce que la semaine prochaine, ce projet de loi sera adopté sans qu'on en ait discuté à fond. Je suis convaincue que les associations d'employeurs et les associations de travailleurs peuvent s'entendre. On finit toujours par trouver un moyen terme. Je crois qu'il faut examiner toutes les options. M. Ferrabee: Je ne perds pas de vue ce que l'on fait. Il faudrait effectivement élaborer un processus. Nous sommes dans un pays démocratique. On espère donc que les deux camps aient l'occasion de donner leur avis. C'est le problème en ce qui concerne l'article 9. Pour une raison inexplicable, le ministre des Finances a décidé qu'il n'avait nul besoin de consulter qui que ce soit. Le sénateur Murray: Je sais que vous n'êtes pas méfiante de nature mais où pensez-vous que le gouvernement veut en venir avec cette suspension de deux ans et la délégation de la responsabilité d'établir les cotisations au gouverneur en conseil? Quel genre de résultat cela risque de donner? Mme Riche: Je crois que le gouvernement veut faire passer la caisse de l'AE dans le Compte des recettes générales. Le mouvement a été amorcé il y a deux ans. Le contenu de la caisse est actuellement considéré comme un prêt. Je pense que le gouvernement veut transférer ce compte au Compte des recettes générales et le traiter entièrement comme des recettes fiscales pour en faire ce qu'il veut. C'est le ministre des Finances qui a les pleins pouvoirs en la matière et, théoriquement, le Parlement. Bien entendu, vous ne viviez pas au Québec et vous ne savez pas très bien ce qu'est la démocratie «à la canadienne». Le président: Monsieur Ferrabee, étiez-vous là quand la ministre a témoigné? M. Ferrabee: La ministre sortait au moment où j'entrais dans l'édifice. Le président: Vers le mois de septembre, le gouvernement prévoit entamer des consultations sur un document qu'il compte publier au sujet du mode d'établissement des taux de cotisation. Nous avons demandé que ce document soit mis à notre disposition et nous avons demandé à la vérificatrice générale par intérim si elle accepterait de témoigner. Nous sommes entièrement d'accord avec le CTC en ce qui concerne la consultation. D'après ce que la ministre et ses fonctionnaires ont dit, j'ai l'impression que le gouvernement a l'intention d'entamer ce processus à l'automne. Vous pourrez vérifier dans le compte rendu des délibérations de cette séance, parce qu'elle en a parlé de façon assez précise. Mme Reynolds: Ce qui nous préoccupe c'est que, lorsque le projet de loi a été déposé, le gouvernement a annoncé son intention de suivre les recommandations du Comité permanent des finances et d'établir les taux de cotisation en prévision des dépenses à venir. Après avoir entendu notre exposé, vous savez que nous estimons que le gouvernement a l'obligation morale de conserver cet excédent de 39 milliards de dollars exclusivement pour les cotisants. M. Ferrabee: Pourquoi se débarrasser d'un processus de consultation pour entamer ensuite un nouveau processus de consultation? Le président: Je ne le sais pas. Je vous transmets des informations que nous avons reçues avant votre arrivée. Le sénateur Graham: Je dois dire que je n'aimais pas la loi de 1996. Mme Riche a affirmé que l'on menait à travers le pays une campagne contre les prestataires de l'AE. Elle a également laissé entendre que la défaite spectaculaire de nombreux candidats libéraux en 1997 est peut-être due aux modifications législatives apportées en 1996. L'assurance-emploi, ou l'assurance-chômage comme l'on l'appelait autrefois, a eu une forte influence sur ma carrière politique. J'étais candidat en 1958. Le thème principal de ma plate-forme électorale dans la belle circonscription historique qui porte actuellement le nom Pictou-Antigonish-Guysborough était la suppression du chômage. J'ai été battu par 191 voix dans le cadre du raz-de-marée électoral qui a porté M. Diefenbaker au pouvoir. Je me suis fait injurier par l'opposition. Aux assemblées que nous avions tous les soirs dans la salle paroissiale ou à l'école locale, l'opposition m'injuriait parce que je voulais qu'on mette un terme au chômage. Le sénateur Murray: Vous auriez dû être plus clair. Le sénateur Graham: De toute évidence, ma plate-forme électorale manquait de clarté. Par contre, aux élections de 1997, auxquelles Mme Riche a fait allusion, presque tous les candidats libéraux de la Nouvelle-Écosse ont été battus à plate couture et c'est ainsi que je me suis retrouvé au Cabinet. Mme Reynolds: Voulez-vous dire que tout malheur a de bons côtés? Le sénateur Graham: Alors que mon étoile montait, le sénateur Fairbairn a fait une sortie élégante. Quoi qu'il en soit, les initiatives que prend le gouvernement et celles qu'il ne prend pas ont une forte influence sur la vie de millions de Canadiens et nous avons de grosses responsabilités à cet égard. Je suis content des changements qui ont été apportés et j'ai lutté ardemment en faveur de ces changements. Madame Riche, je voudrais connaître votre opinion sur une question que j'ai posée à la vérificatrice générale par intérim. La réserve que contient le compte de l'AE représente-t-elle une responsabilité légale, envers les cotisants, pour le gouvernement fédéral? Mme Riche: Je pense que c'est prévu dans la loi. Le gouvernement a une responsabilité légale envers les cotisants. Mme Reynolds: C'est ce que je pense également. Mme Riche: À quoi d'autre serviraient les fonds? C'est un régime tout simple. On verse des cotisations et on récupère des prestations. Il a toujours été entendu, en vertu de la loi, que l'administration de la caisse est une administration distincte. Les seuls objectifs étaient ceux qui avaient été énoncés dans la loi. En 1996, on a décidé que la caisse couvrirait beaucoup moins de cas et c'est ainsi que le gouvernement a réalisé un excédent. Le sénateur Graham: Je vous remercie pour vos opinions qui sont diamétralement opposées à celles de la vérificatrice générale par intérim. Elle a dit qu'elle ne pensait pas que cela représentait une responsabilité légale, si j'ai bonne mémoire. Mme Reynolds: La vérificatrice générale a dit qu'il ne serait donc pas légal d'utiliser les cotisations ou de se servir du compte pour faire des versements à d'autres fins que celles décrites dans la loi. Ce sont ses propos. Je crois que je peux donner une explication. Les propos que vous avez cités sont ceux de M. Desautels. En répondant à une question du sénateur Graham, Mme Fraser, qui est vérificatrice générale intérimaire, du fait que M. Desautels a pris sa retraite, a donné une opinion différente. Mme Riche: Il serait utile d'avoir l'opinion d'un juriste à ce sujet. Ce n'est pas que je veuille dire que la vérificatrice générale par intérim ait tort. Le président: Il ne faudrait pas s'enliser dans ce genre de discussion, qui est très semblable à celle que Mme Riche et moi avons depuis des années au sujet du surplus d'apport dans les régimes de retraite, et quant à savoir à qui appartient ce surplus. Mme Riche: C'est toutefois plus compliqué. Lorsque la loi contient des dispositions concernant un excédent, c'est que le but est d'avoir un excédent pour rembourser le déficit. C'est une chose que l'on n'arrivera peut-être jamais à prouver, sauf par la lettre que le ministre a écrite. C'est une tactique quelque peu immorale. Mme Reynolds: Nous avions d'abord un excédent de 5 ou 6 milliards de dollars, puis de 8 ou 9 milliards de dollars. On nous a dit que cette réserve était accumulée en prévision des mauvais jours, afin de protéger les employeurs et les travailleurs ou travailleuses contre des hausses de cotisation en cas de ralentissement économique. L'excédent a ensuite atteint 15 milliards de dollars, somme qui, d'après l'actuaire en chef, est le maximum à accumuler par mesure de précaution. C'est alors que les prétextes ont changé tout d'un coup: il ne s'agissait plus d'un fonds de réserve. On a argué qu'il était nécessaire pour rembourser le déficit et pour financer d'autres activités. Nous estimons avoir été induits en erreur quant aux motifs de l'accumulation d'un tel excédent. Le sénateur LeBreton: L'actuaire en chef a dit qu'une réserve de 11 à 15 milliards de dollars serait suffisante pour protéger les chômeurs en cas de récession. M. Ferrabee: Et cela couvrirait toutes les éventualités. Le sénateur Graham: Permettez-moi d'intervenir. Si l'actuaire en chef a dit qu'une réserve de 10 à 15 milliards de dollars serait, à son avis, suffisante, vos économistes ont-ils en tête un chiffre qui permettrait au gouvernement d'avoir une marge de sécurité suffisante? Mme Reynolds: Nous estimons qu'un excédent de 5 à 6 milliards de dollars suffirait. D'après la figure 1, qui se trouve à la page 4 de notre mémoire, qui indique les recettes, les dépenses et le solde cumulatif du compte de l'assurance-emploi, l'excédent n'avait encore jamais atteint 6 milliards de dollars, même s'il a presque atteint ce niveau au début des années 90, parce que le gouvernement avait décidé sans crier gare de retirer sa contribution de 20 p. 100. Dans les circonstances actuelles, un chiffre de 5 à 6 milliards de dollars semble suffisant. M. Hayes: L'actuaire parlé d'un chiffre à peu près équivalent au paiement de deux années de prestations ordinaires, soit environ 7 milliards de dollars par an actuellement. Il a dit que ce serait une marge de sécurité suffisante. Le problème dans ce cas, c'est la loi. Le concept de «cycle économique» n'a jamais été défini parce que cela arrange bien le gouvernement. Il n'y a pas de limite, de toute évidence. Dans le genre de régime que nous préconisons, et qui existait d'ailleurs autrefois, le montant annuel des prestations versées se chiffrerait à 7 milliards de dollars. Il faudrait donc un excédent d'environ 7 milliards de dollars, du fait que le pourcentage des sans-emploi recevant des prestations d'AE a baissé de 74 à 27 p. 100. Autrement dit, la réduction des prestations de chômage, rien qu'en couverture, représente environ 7 milliards de dollars. Cela ne tient pas compte de divers autres changements comme la réduction du plafond de revenu assurable et le gel de la période maximale de prestations. Le sénateur Murray: C'est un des facteurs responsables du passage d'un déficit à un excédent. J'en ai parlé avec la ministre. À ce moment-là, je ne connaissais pas encore les chiffres. Quoi qu'il en soit, le compte était déficitaire de 5,8 milliards de dollars au cours de l'exercice 1993 et, en 1995, il y avait un excédent de 666 millions de dollars. Ce revirement de situation est dû à l'amélioration de la situation économique, à l'augmentation des cotisations et peut-être surtout aux modifications apportées en 1994. M. Ferrabee: Ces modifications n'étaient pas en vigueur au cours de l'exercice 1994. Ne sont-elles pas entrées en vigueur en 1996? Le sénateur Murray: Le budget de 1994 a fait baisser le coût total des prestations de 2 milliards de dollars. M. Ferrabee: C'est exact. Ce changement n'était-il pas dû en majeure partie à la hausse des cotisations? Le sénateur Murray: Peut-être. Mme Reynolds: Une de nos préoccupations actuelles est que l'approche anticyclique en matière d'établissement des taux de cotisation devait permettre d'accumuler une réserve pour les mauvais jours. Si l'on adopte une méthode d'établissement des taux de cotisation fondée sur les dépenses à venir, les employeurs et les employés ne seront pas protégés contre les hausses de cotisations en cas de récession. Après avoir versé des cotisations trop élevées pendant des années, on risque de voir celles-ci augmenter à nouveau en cas de récession. Le sénateur Murray: Le ministre n'a aucun critère à respecter. Mme Riche: C'est là que réside le problème. Si vous pensez comme nous que l'excédent est une infamie, qu'est-ce qu'il faut faire? Les employeurs exigeront une réduction des cotisations qui pourrait nous obliger, d'ici quelques années, à relever considérablement les taux de cotisation. Quant à nous, nous préconisons de rembourser les cotisations aux travailleurs et travailleuses. Il faut faire attention parce que, si l'on veut rectifier l'erreur que le gouvernement a commise à propos de l'excédent, il faudrait d'abord en discuter. M. Ferrabee: N'accepteriez-vous pas qu'on rembourse les cotisations aux travailleurs et travailleuses? Mme Riche: Que voulez-vous dire? Je voudrais que les cotisations soient remboursées aux travailleurs et travailleuses sous forme de prestations. Quand on signe une entente collective, le but n'est pas uniquement de toucher des primes mais aussi d'obtenir des hausses salariales cumulatives, qui progressent d'année en année. Il faut modifier le système et on en a maintenant les moyens. Le sénateur Murray: Vous admettez tout de même que l'on ne pourrait pas réduire les cotisations. Mme Riche: C'est possible. Le sénateur Murray: Est-ce seulement possible? Mme Riche: Cela risque de nous entraîner sur une très mauvaise pente. Si l'on se met à réduire les primes sous prétexte que l'on dispose d'un excédent important, il n'y aura plus d'excédent. Si l'on met des changements en application, la suppression de l'intensité dans la règle de la récupération pourrait entraîner une réduction. M. Ferrabee: Les cotisations rapportent six ou sept fois plus que la somme dont on a besoin. Mme Riche: Dans plusieurs provinces, moins de 30 p. 100 des travailleurs et travailleuses sont admissibles. Le sénateur Graham: L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires estime, pour sa part, qu'une réserve de 5 à 6 milliards de dollars serait suffisante. Je ne sais pas très bien ce que le CTC considère comme une réserve suffisante. Mme Riche: Il faut tenir compte des programmes. Pour le moment, le montant annuel des prestations versées se chiffre à 7 milliards de dollars. Si vous estimez qu'il faudrait doubler ce montant, cela ferait 14 milliards de dollars. Nous ne pensons toutefois pas que le programme actuel soit suffisant. De toute évidence, nous établirions le montant de la réserve en fonction du type de programme que nous voudrions instaurer. Les paiements annuels seraient déterminés dans le cadre d'un régime modernisé. M. Hayes: Les prestations ordinaires atteindraient probablement 10 ou 11 milliards de dollars, au lieu de 7 milliards de dollars. Le sénateur Graham: Dans le contexte du régime actuel? Mme Riche: Non, dans le cadre d'un régime modernisé. Nous avons de la difficulté à répondre, parce que nous sommes extrêmement insatisfaits de la situation actuelle. Le sénateur Graham: Pourriez-vous citer un chiffre en vous basant sur le régime actuel? M. Hayes: Nous aurions tendance à être d'accord avec l'actuaire qui a cité un chiffre de 15 milliards de dollars. Le sénateur Cordy: Ma question s'adresse à Mme Riche. J'ai trouvé intéressant le passage de votre exposé où il est question de moderniser le régime d'assurance-emploi, surtout quand vous avez parlé d'essayer de concilier les obligations professionnelles et les responsabilités familiales. J'ai eu des discussions à ce sujet à plusieurs reprises avec des amis Néo-Écossais et avec des collègues, à Ottawa. Les jeunes qui débutent sur le marché du travail, qui veulent se faire un nom ou progresser dans quelque secteur que ce soit ou avec quelque employeur que ce soit, doivent faire de très longues heures de travail. Au début des années 80, un diplôme universitaire très prisé était un diplôme en loisirs. À cette époque, on pensait que les gens auraient tellement de loisirs qu'il faudrait de nombreux diplômés dans cette spécialité pour planifier des activités. J'aimerais beaucoup que l'on ait besoin d'engager un directeur ou une directrice des loisirs mais nous n'avons plus de loisirs. Les jeunes qui débutent sur le marché du travail n'en ont pas non plus. Quels changements pourrait-on apporter pour réaliser un certain équilibre dans ce domaine? Faudrait-il que cela fasse l'objet d'un document tout à fait distinct? Mme Riche: Cela devrait faire l'objet d'un document tout à fait distinct. Pour changer de sujet, je dirais qu'un programme national de garderies ne ferait pas de tort. Après avoir accablé le gouvernement de critiques au sujet de l'assurance-emploi, je tiens toutefois à le féliciter en ce qui concerne le congé parental de 52 semaines. C'est une excellente initiative. Les parents pourraient prendre ce congé, pourvu qu'ils touchent des prestations raisonnables, mais le principe même du congé est excellent. C'est du côté des prestations que nous apporterions des améliorations. La plupart des ententes collectives actuelles prévoient des congés pour les urgences familiales. Pendant des années, ces congés n'étaient pas payés; les employés avaient droit à 10 jours de congés non payés. On pourrait envisager un congé non payé de cinq jours pour les urgences familiales, augmenter le montant des prestations et permettre aux parents actifs de suivre des cours de formation et de perfectionnement. Un des deux parents pourrait aller suivre des cours de formation et toucher des prestations d'assurance-emploi pendant une période de six semaines à six mois. M. Hayes: Votre mémoire contient une recommandation à laquelle le projet de loi répond en partie, à savoir se débarrasser de la règle concernant les rentrants. C'est un des critères d'admissibilité les plus difficiles à remplir. Cette règle est particulièrement défavorable pour les femmes. Je crois que les études effectuées par DRHC indiquent le nombre de personnes qui réintègrent le marché du travail après en être sorties pour une période prolongée. L'injustice à laquelle le gouvernement essaie de mettre fin dans le cadre de ce projet de loi n'aidera que 100 000 personnes qui ont droit à des prestations de maternité et à des prestations parentales. En fait, je dirais que 100 000 personnes qui auraient dû être exemptées également seraient laissées pour compte. Autrement dit, l'AE ne devrait pas tenir compte du fait qu'une personne ait déjà demandé des prestations de maternité ou des prestations parentales. Elle devrait être basée sur le fait que les travailleurs paient des cotisations et ont des enfants dont ils doivent prendre soin. L'affaire Lesiuk est une excellente analyse des problèmes qui se posent actuellement. Elle révèle tous les dilemmes auxquels sont confrontées les familles contemporaines. M. Ferrabee: Je voudrais que, lorsque vous consulterez les grands syndicats, la grande entreprise et les grosses administrations publiques, vous teniez également compte des répercussions que la plupart de ces politiques ont pour les petites entreprises qui comptent deux ou trois employés plutôt que 3 000. Le président: Je remercie les témoins. Nous avons trouvé votre témoignage très intéressant et très instructif. Suite à ces discussions sur le document relatif au processus d'établissement des taux de cotisation qui sera déposé, serait-il utile que j'envoie une lettre au ministre des Finances, et une copie à la ministre de DRHC, lui faisant savoir que lorsque le document sera rendu public, cet automne, nous comptons participer au processus de consultation? Il semble que ce soit une bonne solution, plutôt que d'attendre que le gouvernement tienne les consultations, ait préparé un rapport et ait pris une décision. Je pense que je pourrais envoyer une lettre au ministre des Finances au nom du comité, et une copie à la ministre du Développement des ressources humaines. Des voix: D'accord. Le président: C'est ce que je ferai. Ma deuxième question concerne le projet de loi proprement dit. J'ai fait distribuer un feuillet contenant des propositions sur lesquelles je voudrais que vous fassiez des commentaires. Le sénateur Murray: J'ai parcouru rapidement ce document. Mon premier commentaire est que je n'ai pas eu suffisamment l'occasion d'en discuter avec mes collègues du Parti conservateur. Le président: Personne ne l'a vu non plus du côté des libéraux. Le sénateur Murray: Je n'ai pas eu l'occasion de consulter mes collègues. Tout ce que je pourrais dire pourrait être contredit par la majorité. Par ailleurs, si l'on décide d'aller de l'avant et de faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement, je signale que cela ne nous empêcherait nullement de présenter des amendements à l'étape de la troisième lecture. Le président: Je comprends. Le sénateur Murray: Troisièmement, en ce qui concerne la teneur du rapport, quelques sénateurs ont peut-être d'autres idées. Je voudrais apporter deux ou trois changements au dernier paragraphe. Je vais faire preuve d'une logique implacable. Vous dites «de nombreux membres du comité estiment...» Pourquoi de nombreux membres? Pourquoi ne pas dire «le comité estime...»? Le président: Parfait. Le sénateur Murray: «Le comité estime que la taille de la réserve» - et j'ajouterais un tiret - «et, par conséquent, le niveau des cotisations - sont excessifs compte tenu de ce qui est nécessaire pour respecter l'esprit de la loi.» On ne peut pas dire que l'excédent est trop élevé si l'on n'approuve pas le niveau des cotisations. Le président: C'est d'une logique implacable. Le sénateur Murray: J'ajouterais également à ce paragraphe les propos de la vérificatrice générale par intérim. Elle a dit la même chose que M. Desautels, à savoir qu'il lui serait difficile de conclure que l'esprit de la loi est respecté - ou quelque chose d'approchant. Ce sont les seuls commentaires que j'avais à faire. Le sénateur LeBreton: Ne voulions-nous pas faire des commentaires sur l'article 9? Je sais que nous ne modifierons pas le projet de loi, mais est-il possible de faire une observation sur la délégation de cette responsabilité au ministre des Finances? Le président: Les témoins se sont dits très préoccupés à ce sujet. Nous pourrions ajouter un paragraphe. Nous pourrions faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement. Je voudrais avoir l'autorisation de reformuler les commentaires mais en les clarifiant avec le sénateur Murray ou le sénateur LeBreton. Je ferai reformuler le rapport ce soir. Si vous trouvez cette nouvelle version satisfaisante, je voudrais faire rapport du projet de loi demain sans propositions d'amendement mais en faisant des observations sur lesquelles nous nous sommes entendus. Le sénateur LeBreton: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans propositions d'amendement, mais avec des observations. Le sénateur Cordy: J'appuie la motion. Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs? Des voix: D'accord. Le sénateur Murray: L'étape de la troisième lecture devrait avoir lieu la semaine prochaine. Le président: Elle ne pourrait pas commencer demain. Tout comme je n'avais aucune confirmation que le Sénat lèverait la séance à 15 h 30 aujourd'hui, je n'ai pas non plus reçu d'instructions m'indiquant que le gouvernement aurait besoin de notre consentement pour demain. Je suppose qu'il ne serait pas accordé. Il serait impensable de vouloir passer à l'étape de la troisième lecture demain. Je présume qu'elle aura lieu la semaine prochaine. Si l'on souhaite apporter des amendements, rien ne nous en empêchera. Honorables sénateurs, nous nous réunirons demain matin. Nous nous réunirons deux fois la semaine prochaine pour parler de santé. Je voudrais que la greffière dise si nous pouvons présenter systématiquement une motion tous les mardis qui nous autorise à siéger à 15 h 30 les mercredis. Le sénateur Fairbairn: C'est ce qu'on nous avait dit, mais ce ne fut pas le cas et c'est ainsi que nous nous sommes trouvés coincés aujourd'hui. Le sénateur Murray: Ce comité, dont je ne suis pas un membre régulier, a un programme très chargé. Je vous comprends. Ou bien on intervient tous les mercredis ou tous les mardis au Sénat pour lui demander la permission de siéger en même temps que lui, ou on conclut une entente à l'amiable ou encore, on passe un ordre précisant que, quoi qu'il arrive, le Sénat ajournera à 15 h 30 tous les mercredis. Le président: Je n'ai aucune objection à me lever au Sénat tous les mardis pour présenter une motion. L'autre option, qui serait beaucoup plus simple, serait de passer un ordre de la Chambre. C'est la deuxième semaine de suite que nous devons attendre que le Sénat ajourne avant d'entamer notre séance. Nous avons davantage de travail le mercredi et, par conséquent, cela nous pose plus de problèmes. Je suis agacé par ce qui s'est passé aujourd'hui. Le sénateur LeBreton: Parmi les témoins, il y a des ministres, et plusieurs personnes qui doivent faire un long déplacement. Le sénateur Graham: J'ai une observation à faire. Nous pourrions peut-être avoir des discussions avec les leaders des deux partis. Nous avons probablement fait fausse route en ce qui concerne l'entente que nous avions conclue. La question de l'ajournement à 15 h 30 les mercredis, parce que c'est une journée où le comité siège, doit être examinée par les leaders. Une entente claire est nécessaire. Le président: Nous attendons des témoins très importants pour les mercredis à venir. La séance est levée.