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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 10 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 11 h 05 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude de l'état du système de soins de santé au Canada. Nous accueillons deux groupes de témoins ce matin, qui parleront tous deux de la question de l'information dans la santé. Le premier groupe est composé de Bill Pascal, directeur général du Bureau de la santé et de l'inforoute au gouvernement fédéral; du Dr John Millar, vice-président à la Recherche et l'analyse à l'Institut canadien d'information sur la santé, et du Dr Robert Filler, président de la Société canadienne de télésanté.

M. William J. Pascal, directeur général, Bureau de la santé et l'inforoute, Direction générale de l'inforoute, de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada: Je vais vous présenter les grandes lignes d'un rapport dont je vous communiquerai le texte en français et en anglais. Je voulais vous donner une petite idée de la façon dont nous avons progressé dans le domaine de l'infostructure au Canada, des défis que nous envisageons et de la façon dont nous y répondrons.

Nous souhaitons que les bonnes personnes reçoivent la bonne information au bon moment, pour pouvoir assurer les meilleurs soins de santé possible. Il y a tout un historique au travail que nous faisons au Canada.

Nous pourrions remonter au rapport Wilks de 1991, qui a débouché sur la création de l'Institut canadien d'information sur la santé. Le rapport de 1995 du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information a donné au gouvernement des conseils supplémentaires sur la façon de procéder. Une partie du rapport du Forum national sur la santé était aussi consacrée à l'informa tion sur la santé et à l'infostructure, et plus récemment, le Comité consultatif sur l'infostructure de la santé a présenté son rapport au ministre, M. Rock, en février 1999.

Tous ces rapports ont révélé de plus en plus clairement comment la population voyait la mise en place de l'information sur la santé au Canada. J'aimerais particulièrement souligner la vision formulée dans le rapport de 1999, sur laquelle travaillent tous les paliers de gouvernement, fédéral, provinciaux et territoriaux, pour aller de l'avant. Le rapport dit que nous essayons de donner aux particuliers et aux collectivités les moyens de faire des choix éclairés sur leur santé, la santé d'autrui et le système de santé du Canada. En renforçant la protection des renseignements personnels, on exploitera les infostructures fédéra les-provinciales-territoriales pour améliorer la qualité et l'accessi bilité de soins de santé intégrés. Le système fournira les informations et les services sur lesquels reposent la reddition de comptes, l'amélioration continue des soins de santé et une meilleure compréhension des facteurs déterminants de la santé. Tel a été notre point de départ.

À la base de tout cela, il y a l'idée que la technologie de l'information et de la communication peut contribuer utilement à faire progresser le système de santé et alimenter le système axé sur le patient dont tout le monde parle. Cette technologie permet de regrouper toutes les informations dont les praticiens, les décideurs et les chercheurs du Canada ont besoin pour prendre de meilleures décisions en matière de santé ou pour donner des conseils à des particuliers face à des problèmes de santé.

En outre, elle permet aux particuliers de se prendre en charge grâce à une information plus vaste qui leur permet de mieux contrôler leur santé.

Depuis ce rapport, nous avons regroupé le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires dans le cadre du «Comité consultatif sur l'infostructure de la santé». Les agents principaux de l'information de ces divers paliers de compétence y participent, et nous avons commencé à examiner comment nous pouvons travailler ensemble.

Dans l'exposé de notre vision, vous aurez remarqué que nous disons que nous devons développer ce qui existe déjà. Le système de santé de notre pays est en fait composé de 14 systèmes: un fédéral, 10 provinciaux et trois territoriaux. Ils travaillent effectivement ensemble, mais pour accomplir ce que nous souhaitons pour le Canada et pour réussir à transférer l'information de façon opportune et au bon endroit, nous devons tous coopérer. On ne peut pas le faire isolément. Les représentants de tous ces paliers de compétence coopèrent très activement pour essayer d'aller de l'avant.

Nous constatons aussi que nous ne pouvons pas tout faire d'un seul coup. Il vaut mieux bien faire certaines choses et passer ensuite aux suivantes. Autour de cette table, nous nous sommes entendus sur les trois domaines auxquels il est important de consacrer notre temps et notre énergie au cours des quelques années à venir.

La première chose est de commencer à mettre sur pied un dossier électronique de la santé. Ce sera un processus sur 10 ans, mais il faut l'entamer.

La deuxième chose à faire, c'est de construire des solutions intégrées pour les fournisseurs de soins. Cela veut dire mettre entre les mains des praticiens les outils qui leur permettront d'améliorer la façon dont ils assurent les soins. Il pourrait s'agir de lignes directrices pour la pratique clinique ou d'information sur les réactions négatives à un médicament. Les praticiens élaboreront des outils qui les aideront à pratiquer comme ils le veulent.

La troisième initiative consiste à transmettre au public des informations meilleures et plus fiables. Comme vous le savez sans doute, le système de santé est très asymétrique. La plupart du temps, ce sont les fournisseurs de soins qui disposent de l'information. Ce n'est pas un secteur où il y a un équilibre de l'information et par conséquent du pouvoir. À notre avis, il est important que le particulier qui est en contact avec le système de santé ait accès à l'information et soit mieux en mesure d'avoir un échange avec les praticiens ou d'autres personnes dans le système pour qu'ils puissent ensemble gérer les soins, par opposition à ce qui se passait quand ma mère allait voir le médecin. On lui disait ce qu'elle devait faire, et elle le faisait. Nous voulons modifier cette interaction.

Nous avons élaboré un plan tactique pour guider nos efforts sur ce front. Grâce au Comité consultatif, nous commençons à consacrer plus de temps et d'effort à définir ce qui se passe à cet égard.

Divers progrès en cours au Canada sont en train de façonner l'infostructure de la santé que nous essayons de tisser ensemble. Toutes les provinces ont investi considérablement dans l'infostructure de la santé. La Saskatchewan a mis sur pied le Réseau d'information sur la santé de la Saskatchewan. L'Alberta a construit le «we//net».

Nous commençons à construire l'infrastructure. L'élément clé, c'est de regrouper toutes ces infrastructures. Je vais vous parler du défi que constitue l'intégration de 14 secteurs de compétence.

D'autres choses se sont produites. Au niveau fédéral, nous essayons de faire avancer l'idée qu'en intégrant la technologie de l'information et de la communication dans le système de santé, on influe sur la prestation des soins de santé. Si l'on envisage le secteur de la santé comme un marché, nous n'en sommes probablement tous qu'au stade embryonnaire de la compréhension de la façon dont la technologie de l'information peut faciliter la prestation des soins. À titre d'exemple, l'industrie bancaire a mis 20 ans pour en arriver là où elle est maintenant en se servant de la technologie de l'information et de la communication pour améliorer la fourniture de services. Nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements de cette compréhension.

Au niveau fédéral, grâce à notre Programme de soutien à l'infostructure de la santé et à notre Programme des partenariats pour l'infostructure canadienne de la santé, nous avons exploité de bonnes idées. Nous les évaluons et nous partageons cette information.

À mon avis, nous sommes très bons pour placer des données dans le système, plutôt médiocres pour les transformer en information, assez nuls pour les transformer en savoir, et encore plus pitoyables pour partager ce savoir. Ce n'est pas faute de bonne volonté. C'est parce que chacun est tellement pris par ce qu'il fait qu'il est difficile de prendre du recul pour avoir une vision vraiment large.

Nous essayons de définir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et quelles sont les leçons que nous avons tirées. Nous voulons partager cela avec tout le monde, afin que quelqu'un travaillant sur un projet en Saskatchewan puisse s'adresser à un collègue en Nouvelle-Écosse pour améliorer le système et sans répéter les erreurs.

Lorsque les premiers ministres se sont réunis en septembre, le premier ministre a promis un demi-milliard de dollars pour mettre sur pied une société chargée d'accélérer l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans le système de santé. Cette société a été créée et l'argent versé. Nous sommes en train de mettre la dernière main à la composition du conseil d'administration pour permettre à la société de démarrer.

Se fondant sur les conseils émis par l'Infostructure de la santé, qui comprend les représentants des 14 gouvernements, celle-ci doit investir dans les domaines qui permettront de mettre en oeuvre une capacité pancanadienne de gestion de l'information. Je choisis mes mots avec soin. La société n'a pas pour mandat d'édifier une énorme base de données. Il s'agit d'une base de données largement diffusée, avec des mesures appropriées pour assurer le respect des renseignements personnels et de la confidentialité. Il est bon de transmettre l'information aux praticiens pour qu'ils puissent assurer de meilleurs soins. Si les personnes concernées y consentent, nous aurons la capacité de le faire.

Cela s'applique à l'endroit où les personnes se font soigner. Quatre-vingt-quinze pour cent des soins des santé sont dispensés dans l'intérieur d'un rayon de deux ou trois milles des domiciles des gens. Cependant, il y a dans ce secteur cinq ou six différents types de praticiens, notamment des médecins de premier recours, des dentistes, des spécialistes, des physiothérapeutes, des techniciens de laboratoire et des pharmaciens. Il n'y a aucun système efficace permettant à toutes ces personnes de connaître exactement le cas particulier de chacun en matière de santé. Y a-t-il des effets indésirables? Avec le consentement du patient, les résultats des premières analyses en laboratoire pourraient être connus dès l'arrivée à l'hôpital. C'est ce que nous essayons de faire.

Je pense qu'il y a maintenant un désir de travailler ensemble. Les conditions ont changé et je crois que notre transition dans le secteur de la santé devrait, même si la tâche paraît difficile à surmonter, se faire beaucoup plus rapidement que dans le secteur bancaire où il a fallu plus de 20 ans. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, la technologie est beaucoup plus évoluée qu'à l'époque. Au cours des cinq dernières années, j'ai vu utiliser pour gérer et obtenir l'information des méthodes que j'aurais cru très difficiles à réaliser.

Deuxièmement, on se sent maintenant beaucoup plus à l'aise qu'il y a cinq ou 10 ans dans l'environnement électronique où nous travaillons actuellement, dans la santé ou ailleurs. Par exemple, nous utilisons tous très naturellement des guichets bancaires automatiques pour avoir nos données financières.

En outre, la coopération entre gouvernements est nettement meilleure. Nous avons tous dépensé beaucoup d'argent pour ce que j'appelle le «champ vif». Nous avons fait beaucoup de choses qui n'ont pas donné de très bons résultats. Nous nous sommes rendu compte qu'il était plus logique d'investir ensemble, de partager le risque et de chercher des solutions communes.

C'est là-dessus que nous travaillons actuellement. Pour progresser au mieux, il nous faudrait deux choses. Tout d'abord, nous devons élaborer des normes communes pour plusieurs des secteurs sur lesquels nous voulons travailler. Premièrement, arriver à mettre au point des systèmes d'information pour recueillir les renseignements sur les médicaments et les résultats de laboratoire. Les praticiens nous ont dit que cela leur faciliterait beaucoup la tâche. De plus, on éviterait ainsi de nombreuses analyses inutiles et beaucoup d'effets indésirables liés aux médicaments.

Pour y parvenir, nous devons disposer d'un registre des patients et d'un registre des clients, et avoir une plate-forme solide. En effet, nous devons être sûrs que si nous déplaçons l'information, même d'un laboratoire au cabinet du médecin de premier recours à quelques mètres de là, cette information sera protégée et exacte.

Si nous arrivons à instaurer ces normes, nous pourrons commencer à aller plus loin. L'un des gros problèmes c'est que nous avons tous tenté cela individuellement, ce qui veut dire que nous arrivons à des solutions qui ne sont pas nécessairement compatibles.

Je pense qu'actuellement nous sommes sur la bonne voie.

Du point de vue des intervenants, j'ai parlé des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Les professionnels de la santé doivent participer activement. En fin de compte, s'ils ne sont pas d'accord pour utiliser ce que nous allons élaborer, nous l'aurons fait pour rien. Par conséquent, nous faisons appel aux professionnels de la santé pour façonner cette entreprise et construire les outils qu'ils souhaitent pouvoir utiliser.

Il faut aussi que le système soit facile à utiliser. Les professionnels de la santé doivent trouver que c'est quelque chose d'utile pour eux. Il faut qu'ils y trouvent leur compte lorsqu'ils travailleront dans un système de soins de santé beaucoup plus ancré, si je puis dire, dans la technologie de l'information.

Par ailleurs, il faut établir un dialogue avec nos concitoyens pour bien tenir compte de leur souci de respect de la vie privée et de la confidentialité. Dans le travail que nous essayons de faire au niveau fédéral-provincial-territorial, nous essayons de bien tenir compte de ces notions de vie privée, de confidentialité et de sécurité.

En fait, le mandat de la société stipule que tout financement qui lui sera accordé sera conditionnel au respect des questions de sécurité, de confidentialité et de vie privée.

Ce sont les choses sur lesquelles nous travaillons. On considère généralement que c'est un travail de longue haleine. Je pense qu'il faudra une dizaine d'années pour mettre sur pied à l'échelle du Canada tout entier un dispositif qui nous permettra de faire ce qui se fait dans d'autres secteurs, de faire des choses que non seulement les praticiens, mais aussi nos concitoyens jugeront utiles et précieuses. Voilà notre orientation. Elle débouchera sur de meilleurs soins et un meilleur accès. Nous commençons par regrouper les éléments d'un système de santé qui fonctionnait depuis des années sous forme d'îlots séparés. Cela nous permet aussi de faire la chasse au gaspillage. On ne réalisera peut-être pas d'économies, mais ce système donnera aux praticiens plus de temps pour mieux s'occuper de leurs patients.

Le président: Il serait utile que le comité puisse comprendre dans quelle mesure votre projet, auquel nous sommes d'ailleurs favorables, nécessitera des modifications à ce qui était le projet de loi C-6, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Comme vous le savez, on a donné un an au secteur de la santé pour s'y préparer. Pas plus tard qu'hier, un témoin nous a dit que ce secteur n'était pas encore prêt. J'aimerais revenir sur cette question. Je ne voudrais pas que votre entreprise soit compromise à cause de cela.

Dr John S. Millar, vice-président, Recherche et analyse, Institut canadien d'information sur la santé: Merci beaucoup, sénateur Kirby, de m'avoir invité à comparaître devant votre comité au nom de l'ICIS. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le premier volume de vos rapports et je l'ai trouvé excellent. Je suis très heureux de participer à nouveau à ces travaux.

Ce matin, j'aimerais vous donner un aperçu de la situation actuelle de notre point de vue en ce qui concerne l'information sur la santé au Canada, et faire le point sur notre rapport qui est sorti hier. Je crois que vous l'avez tous reçu.

Je vous demande de m'excuser de ne pas avoir la traduction française de mon exposé et de mes documents, mais nous n'avons pas eu le temps de les faire traduire.

Le rapport découle directement de l'initiative du Carnet de route, pour laquelle le gouvernement fédéral a versé 95 millions de dollars il y a deux ans et demi, et dont il est le deuxième produit. Il est important de souligner que pour poursuivre ce travail, il est essentiel que ce genre de soutien se manifeste de façon continue.

Je vous rappelle que l'ICIS est régi par un conseil d'administration indépendant regroupant des sous-ministres fédéraux, des sous-ministres provinciaux de la Santé, des universitaires et d'autres personnes. Le financement est assuré à la fois par le gouvernement fédéral et les provinces. Nous avons des accords bilatéraux de partage de données avec les provinces.

Notre vision du système d'information sur la santé consiste à fournir une meilleure information partout dans le pays afin d'améliorer la santé. Le but est de remettre aux professionnels de la santé, aux gestionnaires et aux décideurs les données et l'information dont ils ont besoin pour répondre à deux grandes questions: comment se portent les Canadiens, et comment se porte le système de soins de santé au Canada?

Ce processus débouche sur une meilleure reddition de comptes, un meilleur système de soins de santé, et, en fin de compte, une meilleure santé et moins d'inégalités pour tous les Canadiens.

Je vous ai déjà montré ce graphique lors d'une précédente comparution. Vous voyez que les données et les informations sur la santé dont nous parlons ne sont nullement limitées au système de soins de santé. Les deux cases du bas sont directement liées au système de soins de santé, mais les deux du haut concernent l'état de santé de la population et la distribution ou les inégalités de la santé exprimés en mortalité, bien-être, etc.

Dans la deuxième partie, on regroupe les données sur les divers déterminants non médicaux de la santé tels que la pauvreté, les revenus, l'emploi, le logement, les soins durant la petite enfance, l'environnement et les comportements à risque, parmi bien d'autres.

Tout ceci a pour but de bien ancrer dans votre esprit l'idée que le système d'information sur la santé que nous envisageons déborde de loin le système de soins de santé lui-même.

J'aimerais me concentrer sur la question de la qualité des soins de santé, qui est sans doute votre préoccupation la plus immédiate. L'Institut de médecine des États-Unis a publié un document dont vous avez certainement entendu parler, intitulé Crossing the Quality Chasm. On y décrit trois grandes catégories de problèmes de qualité: la surutilisation des services, par exemple la surconsommation d'antibiotiques et le recours injustifié à des opérations chirurgicales majeures; le malfonction nement du système, par exemple les erreurs du système de santé, les infections nosocomiales et les réactions indésirables aux médicaments, dont je vous parlerai plus en détail; et la sous-utilisation de services efficaces tels que les vaccinations des enfants et des adultes, les tests de dépistage préventifs du cancer et bien d'autres.

Pour vous dire quelques mots du sujet des erreurs liées au système, et vous en avez certainement déjà entendu parler, Barbara Starfield a publié il y a quelques mois des estimations à ce sujet dans un éditorial du Journal of the American Medical Association. Environ 100 000 décès par an aux États-Unis sont liés à une erreur du système. Il s'agit notamment d'erreurs chirurgicales, d'erreurs lors de l'anesthésie, d'erreurs de médication, de toutes sortes d'erreurs. Mme Starfield précise que si l'on ajoute à cela les décès dus à des infections contractées lors d'hospitalisation et les décès consécutifs à des médications qui n'étaient pas erronées, le chiffre double et passe à 200 000. Ensuite, si l'on sort du milieu hospitalier pour prendre l'ensemble de la collectivité, on peut ajouter 200 000 décès liés à l'administration de médications. Ce ne sont pas toujours des erreurs, et ce ne sont pas toujours des décès qui auraient pu être évités, mais il reste que le système de soins de santé est une cause importante de décès aux États-Unis.

Si vous ajoutez à cela d'autres choses telles que les infections nosocomiales qui se développent dans les établissements de soins infirmiers et ailleurs, cette catégorie se classe parmi les premières en matière de cause de décès, avec l'équivalent de cinq 747 qui s'écraseraient chaque jour aux États-Unis.

Le président: Ces données sont vraiment rassurantes.

Dr Millar: Il vaut mieux prendre l'avion que d'aller à l'hôpital. Nous avons très peu de données pour le Canada, en tout cas pas de données systématiques, mais par extrapolation, on peut dire que le système ici n'est certainement pas meilleur. En prenant le rapport habituel de 10 à 1, cela nous donnerait 50 000 décès par an dus aux erreurs, aux infections et à des problèmes entraînés par des médications, soit un bilan analogue à celui des principales causes de décès au Canada, les maladies cardiaques et le cancer. Et ces chiffres ne parlent même pas de l'accroissement de la morbidité, de la durée accrue des séjours et de la hausse des coûts que cela entraîne. Au Canada, c'est l'équivalent d'un écrasement de 747 tous les deux jours.

Le seul encouragement pour l'instant, c'est que grâce au financement du Carnet de route, et en partenariat avec l'Institut canadien de recherches sur la santé, nous entreprenons des recherches dans le contexte canadien pour essayer au moins d'avoir une idée de l'ampleur des erreurs au sein du système hospitalier. Nous espérons que, quand nous aurons recueilli les résultats de ces recherches, dans un an et demi, nous pourrons vous soumettre des informations beaucoup plus solides sur la question.

Ce travail de recherche consiste en partie à exploiter des indicateurs précis que nous pourrons tirer des bases de données administratives pour mesurer les progrès accomplis au Canada.

J'aimerais vous donner un bref aperçu des points saillants de ce rapport. Vous aurez le temps de le lire à tête reposée. Les dépenses de santé, publiques et privées, continuent d'augmenter. Nous approchons des 96 milliards de dollars par an. Malgré cela, et je vous l'avais déjà dit l'an dernier, les dépenses du secteur public par habitant progressent plus vite dans les autres pays qu'au Canada. Nous nous classons vers le huitième ou dixième rang dans les pays de l'OCDE pour ce qui concerne le budget public par habitant dans ce domaine. Les États-Unis, malgré le fait qu'ils ont un système privatisé et soi-disant «concurrentiel», y consacrent nettement plus d'argent que nous.

Il y a des choses intéressantes à remarquer ici. On continue de fermer des lits d'hôpitaux. Selon des données publiées dans le rapport, ces fermetures de lits sont dans une certaine mesure compensées par des chirurgies d'un jour et des services rendus en dehors du milieu hospitalier. Comme l'a dit le ministre Rock lors de la conférence de presse, cela ne veut pas dire qu'on ne transfère pas une partie du fardeau de ces soins aux particuliers et aux familles. Nous n'avons pas de données à ce sujet, et il serait intéressant d'en avoir plus.

Nous constatons que le niveau de satisfaction des personnes qui ont bénéficié directement des soins de santé demeure élevé, de 80 à 90 p. 100. Selon les enquêtes, on constate dans l'ensemble un très bon degré de satisfaction chez les personnes qui sont personnellement en contact avec le système de soins de santé.

En revanche, chez les personnes qui se font une impression plus générale du système, le degré de satisfaction est descendu en 10 ans aux alentours de 60 à 70 p. 100. Le pourcentage s'est stabilisé ou a légèrement remonté l'an dernier.

Toutes ces fermetures de lits et cette intensification du niveau des soins de santé dans les hôpitaux se répercutent sur les médecins et les infirmières et infirmiers. Naturellement, les effectifs infirmiers par habitant ont baissé. Cela entraîne des absences motivées par le stress, etc. Vous avez toutes ces données dans le rapport.

Nous n'avons pas de données comparables sur l'ensemble du pays en ce qui concerne la question primordiale des délais d'attente. Nous pouvons mentionner des provinces comme l'Alberta, où l'on essaie de recueillir des données normalisées et comparables. C'est aussi le cas dans une certaine mesure en Ontario et en Colombie-Britannique, où les résultats sont mitigés. Dans certains cas, les délais diminuent, alors qu'ailleurs ils augmentent. Nous ne pouvons pas vraiment faire de comparai sons, mais nous y travaillons.

Nous présentons des données intéressantes sur les résultats. Pour la première fois, nous avons pu établir les chances de survie d'une personne admise à l'hôpital pour infarctus aigu du myocarde. Nous montrons que les chances de survivre un mois après une crise cardiaque vont du simple au double selon l'endroit du pays où l'on est hospitalisé.

L'espérance de vie continue de progresser et les taux de mortalité infantile de diminuer. Le taux de mortalité global continue de s'améliorer. Il y a eu encore une étude qui a montré que malgré les fermetures d'hôpitaux et les prédictions catastrophiques selon lesquelles on allait voir des gens mourir dans la rue, la situation ne s'est pas aggravée et le taux de mortalité a continué de s'améliorer dans les groupes précis qui ont été étudiés.

Sur un front plus général, il y a le constat très inquiétant de l'Initiative sur la santé de la population qui a mis en évidence une épidémie d'obésité dans notre jeunesse. Au cours de la dernière décennie, l'obésité a en gros doublé dans le groupe des 7 à 13 ans. Cette situation a d'énormes répercussions en aval, qu'il s'agisse de diabète, d'hypertension, de maladies cardiaques, de maladies rénales, de programmes de greffe, de soins hospitaliers, de soins par les médecins, de médicaments, etc. On sait que les jeunes qui sont obèses ont tendance à être obèses quand ils sont adultes. Si le nombre d'adultes obèses double, nous allons avoir de sérieux problèmes.

Comme je vous le disais l'an dernier, nous ne savons que peu de choses en comparaison de tout ce que nous ignorons. Nous commençons seulement à creuser un petit peu, à égratigner la surface. Les résultats concrets que nous mentionnons dans le rapport sont clairement dérivés du secteur hospitalier. Nous n'avons pas encore pu nous pencher sur le secteur des soins à domicile, des produits pharmaceutiques, des soins primaires et de la santé mentale. Pour tout cela, nous n'avons toujours pas de données. Il y a des projets en cours dans tous ces domaines. Donc, nous finirons par avoir des données. Comme je vous l'ai dit, nous corrigerons aux erreurs, et nous nous occuperons des coûts et de leur optimisation.

Ceci n'est qu'un très rapide aperçu de l'ensemble. On m'a demandé de parler des investissements actuels dans le système d'information sur la santé. C'est une estimation très vague, mais le montant est d'un à deux milliards de dollars pour l'ensemble du pays, soit 1 à 2 p. 100 des dépenses totales de la santé si l'on part d'un total de 96 milliards.

Comme l'a dit M. Pascal, les banques pratiquent depuis longtemps ce genre d'activité, de même que les compagnies d'assurances, les compagnies aériennes et les entreprises de livraison de colis. Toutes ces entreprises consacrent de 10 à 12 p. 100 de leur budget d'exploitation total au recueil, à la gestion et à l'analyse de données. L'écart est donc considérable. Où devrions-nous en être? Je crois que M. Pascal a dit que nous devrions être à 5 ou 6 p. 100.

M. Pascal: Les banques investissent environ 7 p. 100 de leurs frais d'exploitation courants dans ce genre d'activité, alors que les compagnies d'assurances y investissent environ 12 p. 100 de leur budget. Le secteur de la santé dépend tout autant de l'information que ces industries. Nous avons une dimension bien particulière. Nous sommes une industrie à réponse humaine compensatoire, c'est-à-dire qu'il y a une très importante interaction humaine qui complique la gestion de l'information. Il faudrait probablement au moins 7 ou 8 p. 100 du budget. Autrement dit, il faudrait au moins tripler ou quadrupler ce que j'appelle l'investissement dans la technologie de communication de l'information dans notre système de santé au Canada.

Dr Millar: Puisque nous voulons recueillir de meilleures informations, il faut évidemment tenir compte de cet élément de qualité. Nos données laissent à désirer, que ce soit en termes de contenu, comme je vous l'ai dit, ou en termes d'actualité. Par exemple, une bonne partie des données concernant l'espérance de vie qui figurent dans ce rapport datent de 1997. Elles remontent à quatre ans. Nous devons pouvoir nous procurer de meilleures données de base sur le rendement des hôpitaux, l'état de santé, etc. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, et cela nécessitera plus d'investissement. Nous avons beaucoup plus d'information sur les lignes aériennes, les automobiles, les magnétoscopes et les athlètes professionnels que sur notre propre système de soins de santé.

Il y a la question de la résistance du système. Les hôpitaux, les organismes et les professionnels de la santé sont habitués depuis longtemps à fonctionner, comme le disent les rapports de l'Institut de médecine, comme une industrie artisanale, en s'occupant d'eux-mêmes et de leurs propres normes de qualité, mais sans vouloir en parler publiquement. Il faut insister plus pour que ce secteur rende des comptes et informe les consommateurs qui, comme l'a dit M. Pascal, sont très mal informés dans l'ensemble.

M. Pascal a déjà mentionné les questions de vie privée. Je tiens à souligner que, de notre point de vue, il est extrêmement important de trouver un équilibre entre la vie privée d'un côté et le maintien d'une bonne communication des données, pour que nous puissions disposer de solides données sur le rendement du système.

La réputation de l'ICIS en matière de respect de la sécurité et de la confidentialité des informations sur la santé de personnes identifiées n'est plus à faire. C'est essentiel pour établir ces liens et fournir ces données. Pour l'instant, nous travaillons efficacement dans le cadre des lois provinciales et des accords bilatéraux de partage de données, que l'on est en train de renforcer et d'harmoniser dans tout le pays. Nous souhaitons vivement continuer à travailler dans ce contexte, car cela marche extrêmement bien. Nous pouvons garantir le respect absolu de la confidentialité des données, et en même temps, compte tenu des liens nécessaires, etc., publier le genre de données que vous avez dans ce rapport.

Ce sera absolument essentiel pour permettre l'évaluation continue des résultats et pour le processus d'imputabilité. Ces dispositions ne sont nullement entravées ou gênées par la loi fédérale prévue. Nous voyons que l'accès des chercheurs à nos bases de données est déjà influencé par le fait qu'il faut prévoir et anticiper.

J'ajouterai que lorsque le ministre Manley a présenté ce qui était à l'époque le projet de loi C-6, il a précisé que l'ICIS ne devait pas être inclus dans les dispositions du projet de loi. Il faudra absolument préserver l'intégrité du flux des données.

Le président: Au lieu de le dire simplement, il aurait été bon de l'écrire dans le projet de loi. C'est un véritable problème. Mais nous y reviendrons.

Dr Millar: Pour ce qui est des solutions à apporter à certains de ces problèmes, il est évident qu'il faudra encore investir. M. Pascal a souligné l'importance des dossiers médicaux électroniques. Dans le domaine de la santé, nous devons passer du style artisanat familial à une culture de recherche constante de la qualité optimale.

Je m'en tiendrai là, monsieur le président. On m'a demandé de parler du rôle des intervenants, mais je dépasse le temps qui m'a été imparti. Nous pourrons revenir à cela si vous le désirez.

Dr Robert Filler, président, Société canadienne de télésanté: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à venir au comité aujourd'hui. Je vous invite tous à regarder une brochure que j'ai distribuée. Vous y trouverez une illustration de l'essentiel de mes propos.

Je voudrais décrire ce que nous entendons par télésanté. Vous en avez entendu parler à 30 000 pieds d'altitude et vous avez eu quelques autres renseignements. Je vais vous présenter le sujet au ras du sol, au niveau de la rue. Je vais expliquer de quelle façon les nouveaux progrès technologiques commencent à transformer les soins de santé et ont le potentiel de rétablir l'ordre dans le chaos qui existe actuellement dans notre système.

Lorsque je mentionne le mot «télésanté» à mes amis, ils me demandent de quoi il s'agit. C'est pourquoi j'ai jugé bon de définir le terme afin que vous le compreniez bien, parce qu'on utilise souvent ce mot de différentes façons.

Il y a cinq composantes de base en télésanté. La première, qui s'appelait télémédecine, correspond à des consultations à distance au moyen de vidéoconférences. La vidéoconférence est interactive et se fait en direct, et utilise une assez grande largeur de bande, pour ceux qui connaissent la technologie. C'est un peu comme de regarder une entrevue en direct sur CNN. Grâce à ce matériel, et avec des appareils à l'autre bout, nous pouvons soigner des patients à de grandes distances. On comprend tout de suite les problèmes que pose la géographie au Canada et l'intérêt que peut avoir un tel système dans ces conditions.

Nous utilisons également les vidéoconférences pour l'enseignement et la formation. Il en faut beaucoup, particulièrement dans les localités éloignées, où les problèmes de soins sont de plus en plus compliqués, et c'est un autre aspect important de la télésanté.

Le côté information de santé est un service au public. Je crois que M. Pascal en a parlé tout à l'heure. C'est le type de renseignements de santé que les consommateurs peuvent trouver sur Internet, et que beaucoup d'entre vous connaissent bien.

Il y a ensuite le dossier médical électronique, c'est-à-dire le transfert des données de laboratoire et des dossiers de santé. Il y a un autre domaine de soins que nous avons appelé suivi, télésoin et triage. Je vous donnerai davantage de précisions à ce sujet au fur et à mesure. Certains de ces aspects correspondent à des éléments individuels.

À la fin de mon exposé, j'espère que vous aurez compris de quelle façon tous ces éléments doivent se combiner pour créer le système technologique homogène qui doit être mis en place au cours des prochaines années en ce XXIe siècle.

Il existe un assez grand nombre d'applications de télésanté au Canada aujourd'hui. Il y a les téléconsultations et le télé- enseignement. Par exemple, on travaille beaucoup de cette façon en Nouvelle-Écosse du fait du manque de radiologues. Les radios prises dans des endroits où il n'y a pas de radiologues sont transmises à des centres où les films peuvent être lus. La télépsychiatrie est en plein essor. Pour la plupart, les patients disent qu'ils préfèrent voir le psychiatre à la télévision plutôt que d'être assis en personne dans son bureau. Ils ont le sentiment qu'on respecte davantage leur vie privée de cette façon.

Le ministère de la Santé de l'Ontario a appelé le télétriage «télésanté», et il s'agit de centres d'appels infirmiers. Le Nouveau-Brunswick a été le précurseur dans ce domaine et en Ontario il existe maintenant des centres d'appels infirmiers fonctionnant 24 heures par jour et où les gens peuvent téléphoner pour obtenir des renseignements médicaux. On peut alors aiguiller les patients vers les endroits appropriés, ou les faire rester à la maison. Cela a été très utile pour faire diminuer le nombre de personnes se présentant aux salles d'urgence.

Il y a aussi la question du télésoin à domicile, où l'on dispense des soins à domicile au moyen de vidéoconférences. Les données sont envoyées à partir du domicile de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'aller à l'hôpital. De cette façon, les gens peuvent rester près de chez eux et loin des grands centres, ce que tout le monde recherche dans le domaine de la santé.

Ensuite, je voulais dire un mot du dossier médical électronique. Beaucoup de gens travaillent là-dessus. C'est l'élément qui relie tous les autres, parce que lorsqu'un médecin voit un patient, le dossier médical doit être à côté de lui. Ce ne peut pas être un fatras caché dans un coin. Le dossier du patient doit faire partie intégrante de toutes les autres applications des soins de santé quotidiens. On ne peut plus avoir les 28 millions de systèmes différents qu'on a aujourd'hui. Il faut des systèmes qui se parlent, afin que les patients puissent être soignés où qu'ils se trouvent, en disposant de l'information appropriée.

Je voudrais attirer votre attention sur une diapositive qui montre les liens de télésanté de l'Hôpital pour enfants malades à partir de mai 2000. Ce sont des liens partant des grandes villes vers différentes localités dans l'ensemble du pays. Ce service est disponible partout où il y a des lignes téléphoniques à grande vitesse, pas uniquement pour l'Hôpital pour enfants malades, où je travaille, mais pour beaucoup d'autres localités également. Il devrait y avoir une grande expansion dans ce secteur.

Ensuite, je voudrais parler des téléconsultations interactives en direct. Un jour, il y avait une petite fille à Thunder Bay et je leur parlais, à elle et à sa mère, depuis Toronto. Voici sa radio. Là, on a l'impression de voir vraiment le patient, en ayant toutes les données voulues à son sujet. La seule chose que l'on ne puisse pas faire avec cette technique, c'est de toucher, mais il y a beaucoup d'autres choses qui ont remplacé le toucher. Nous avons l'IRM, les tomodensitogrammes et les échographies qui sont plus exacts que le toucher. Bien souvent, le toucher n'est pas vraiment nécessaire.

Cela ajoute une autre dimension et l'on se sent bien de pouvoir voir les personnes, de pouvoir leur parler directement, plutôt qu'uniquement par téléphone, ou plutôt que de recevoir les radios par messager. Cela fait une grosse différence. Il peut y avoir un véritable dialogue entre le médecin et le patient.

Nous avons étudié les économies réalisées. J'ai un document sur ce sujet. Ce qui est intéressant, c'est que cela ne représente sans doute pas beaucoup d'économies pour les ministères de la santé. Pour l'instant, nous n'avons pas fait une bonne analyse des coûts. C'est une économie pour ce qui est des subventions de voyage dans le Nord. Compte tenu du coût du transport pour un enfant et sa famille à partir de Thunder Bay, les économies moyennes par famille se montaient à 1 300 $ de la région de Thunder Bay à Toronto. C'est très important pour les familles.

L'image suivante représente un enfant, dont l'une des mains ne semble pas tout à fait normale. Je vous en parle parce que c'est un bon exemple pour illustrer le fonctionnement du système. C'est un garçon dont la main a été coupée lors d'un accident dans une ferme et remise en place à Toronto. Il avait besoin de physiothérapie à long terme. Cette physiothérapie spéciale ne se faisait pas dans sa région. Grâce aux téléconférences, nos physiothérapeutes ont pu donner les instructions nécessaires aux physiothérapeutes locaux, et nous avons ensuite assuré le suivi. Cela permet au jeune garçon de quitter notre hôpital et de rentrer chez lui, à 500 milles de distance.

La partie suivante, qui est particulièrement intéressante, présente de nouveaux soins de santé à domicile qui vont bientôt être possibles. Dans l'un de nos projets, nous avons installé une station de suivi à l'intérieur de l'hôpital. Au lieu d'un système basé à l'hôpital, nous voulions une maison et un fournisseur de soins communautaires.

Les infirmières du centre d'accès aux soins communautaires sont reliées aux infirmières et aux médecins de l'hôpital et aux médecins de famille.

À la page suivante, vous pouvez voir à quoi ça ressemble. Il y a au domicile un petit écran de télévision avec une caméra au-dessus. Cette caméra va aussi transmettre des données. Nous pouvons avoir des renseignements sur la tension artérielle des personnes malades. Nous pouvons savoir quelle est la quantité d'oxygène dans leur sang. Nous pouvons faire tout cela et transmettre ces données, ainsi que l'image en direct à un centre d'appels, que vous allez voir à la page suivante, où l'infirmière est assise et regarde l'enfant à la maison.

Il faudra déterminer les économies dans tout cela. Il est clair que l'infirmière pourrait voir beaucoup plus de personnes à leur domicile si nous enlevions ce qu'on a appelé «le temps passé derrière le pare-brise». C'est-à-dire, si les infirmières ne passaient pas six heures par jour dans leur voiture. Elles pourraient voir des patients six heures par jour. Ce système devrait donc permettre de réaliser des gains considérables.

Je voudrais dire un mot à propos de la prestation de soins de santé aujourd'hui, et voir ce que ceci peut signifier pour l'avenir. À la page suivante se trouve un schéma que j'ai découpé dans le Ontario Medical Review. Ça s'intitule le «chaos actuel des soins de santé». À mon avis, c'est frappant et ça résume parfaitement la situation. C'est tout à fait la situation des soins de santé au Canada actuellement. Tout est déconnecté. Tout malade ayant eu besoin de services sait qu'il faut traiter avec plus d'une personne. Dieu seul sait ce qui peut arriver. C'est la situation aujourd'hui.

Il y a un autre exemple du système actuel à la page suivante. Ces «P» dans les cercles représentent une personne, le même patient. La personne peut être vue dans un ou deux hôpitaux. Il peut y avoir pour s'occuper d'elle un travailleur social, un médecin de famille, un spécialiste et d'autres personnes, comme des sages-femmes et des infirmières de soins communautaires. Tout ce que vous voulez. Ce sont toujours des rencontres individuelles. Sans aucun lien entre elles.

À la page suivante, intitulée «Besoins prioritaires - Soins de santé au Canada», on trouve un résumé des résultats de la conférence des premiers ministres l'automne dernier. Vous voyez là tous les éléments que nous désirons tous - un meilleur accès aux soins, le rapprochement des soins des collectivités et des citoyens, une extension des soins communautaires et à domicile, la réforme des soins primaires, l'éducation et la formation pour recruter et maintenir en poste le personnel de santé dans les régions éloignées, une amélioration des technologies de communications et d'information qui permettra d'intégrer tous ces services à tous les points de soins, et la promotion de la santé et du bien-être.

Si vous vous souvenez de la première diapositive que j'ai montrée au sujet de la télésanté, vous vous rendrez compte que la technologie qui rend tout cela possible existe, si l'intégration est bien faite et si tous les systèmes sont connectés entre eux.

Il y a eu récemment plusieurs annonces importantes aux niveaux fédéral et provincial. J'en ai fait la liste. Des subventions du PPICS d'une valeur de 80 millions de dollars ont été accordées récemment. Une nouvelle société, l'Inforoute canadienne de la santé, a été établie avec 500 millions de dollars, et elle devrait renforcer ce qui se fait actuellement. Les membres du comité connaissent peut-être le Groupe de travail sur l'accès universel. Il s'agit d'une initiative d'Industrie Canada visant à étendre la bande large à tout le pays pour 2004.

C'est crucial pour la télésanté parce que nous avons besoin de la bande large pour voir les images en direct. Pour voir l'échocardiogramme d'un enfant du Nunavut, nous avons besoin de la bande large. Elle est nécessaire pour expliquer à la personne se trouvant sur place ce qu'elle doit faire et comment obtenir la bonne image.

Il y a un coût à cela, mais il est convenu que la bande large nationale ne doit pas servir uniquement aux besoins en santé. Elle pourrait également être utilisée à des fins éducatives et d'autres fonctions sociales.

À l'avenir, cette technologie doit connecter nos hôpitaux et nos communautés. Nous pourrions nous passer de ce chaos dans le domaine de la santé.

À l'avant-dernière page, j'ai montré la convergence des applications de télésanté et de la technologie. La dernière page décrit un patient au centre, avec les services communautaires, les professionnels hospitaliers et les médecins de famille tous reliés électroniquement.

Le président: Merci, docteur Filler, de cet exposé passionnant. J'ai beaucoup aimé vos trois tableaux des systèmes de soins du XIXe, du XXe et du XXIe siècles.

Le sénateur LeBreton: Nous pourrions poser de nombreuses questions. Je crois que vous, monsieur Pascal, vous avez parlé des informations de santé et des secteurs sur lesquels vous concentrez - les dossiers médicaux électroniques, les solutions intégrées et la communication de l'information au public. J'ai une question précise sur la confidentialité et le Dr Millar va peut-être vouloir y répondre aussi.

Certains témoins nous ont parlé des progrès rapides dans le domaine des tests génétiques, de sorte qu'il est possible d'identifier les personnes génétiquement susceptibles à certaines maladies comme le cancer, le diabète, ou les cardiopathies. Le Dr Bernstein, de l'Institut de recherche en santé du Canada, a appelé cela «bagage génétique».

Étant donné que ces renseignements sont disponibles et qu'ils peuvent être utilisés aussi bien à de bonnes qu'à de mauvaises fins, comment pouvons-nous rester sur la bonne voie et éviter un genre de discrimination génétique? Par exemple, si une entreprise envisage d'embaucher une personne mais s'aperçoit que celle-ci risque d'avoir une certaine maladie, peut-être va-t-elle décider de ne pas prendre cette personne? Si ces renseignements arrivaient jusqu'aux compagnies d'assurances, refuseraient-elles d'assurer l'intéressé, ou l'obligeraient-elles à payer une prime plus élevée?

Que fait-on à ce propos, soit à Santé Canada, soit à l'Institut canadien d'information sur la santé? Je crois, docteur Millar, que vous avez inclus les questions de confidentialité dans votre liste de préoccupations et de problèmes.

Dr Millar: Nous devons reconnaître que le public se préoccupe beaucoup de la question que vous venez de soulever.

En revanche, lorsque les gens vont à l'hôpital, ils veulent vraiment savoir s'ils vont survivre à une crise cardiaque ou pas. Les gens veulent pouvoir comparer leur communauté aux autres ou à la province voisine pour ce qui est par exemple du traitement du cancer. Tout cela doit être pris en considération.

Pour rassurer le public, nous devons veiller à ce qu'il existe des dispositions satisfaisantes pour assurer le respect de la vie privée, de la confidentialité et la sécurité. La loi actuelle permet de le faire dans une grande mesure mais il faut la renforcer.

Dans toute la mesure du possible, nous devons veiller à ce que les organisations comme la nôtre traitent les renseignements d'ordre privé de façon appropriée. Il faut être sûr que les organisations fonctionnent selon les dispositions légalement reconnues, et disposent de moyens adéquats pour être sûres que les données ne vont pas se retrouver entre les mains d'une compagnie d'assurance, d'un employeur, ou de quelqu'un d'autre. Nous ne devons absolument pas communiquer ces données. La loi qui sera présentée, quelle qu'elle soit, devra comporter ces dispositions. Cependant, en même temps, il faut que l'on puisse utiliser les données à des fins qui sont dans l'intérêt du public.

M. Pascal: Le système actuel, où l'on est inondé de papier, est plus ouvert aux abus que si les renseignements étaient en format électronique.

Au fond, il faut savoir comment les gouvernements veulent répondre aux préoccupations du public en matière de vie privée et de confidentialité. Il s'agit de passer à des systèmes d'information électroniques dans de nombreux secteurs du pays.

Tout cela pose la question du respect des renseignements personnels et de la confidentialité. À mon point de vue, c'est positif, parce que nous avons tous été obligés, quelle que soit notre place dans le système, que nous soyons des entreprises ou des institutions, de repenser nos relations avec les personnes qui travaillent pour nous ou avec les personnes que nous servons. Cela a donné lieu à un débat intéressant et dynamique dans tout le pays.

Quel est cet équilibre? Nous voulons tous que nos renseignements personnels et la confidentialité soient respectés. Nous voulons aussi pouvoir bénéficier de soins de qualité. Nous voulons aussi être sûrs que le gouvernement, ou le système de santé dans ce cas particulier, prend les précautions appropriées, de sorte que si l'on observe des tendances dans des profils de maladies, nous puissions être en mesure de réagir rapidement. Nous ne voulons pas attendre jusqu'à ce que les conséquences de ces tendances apparaissent: augmentation du nombre de décès, ou nombre croissant de personnes se trouvant dans des situations dangereuses.

Je vois cela comme un plus, et nous commençons à y voir plus clair. L'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan ont déjà des lois, bien que seul le Manitoba ait promulgué la sienne. L'Ontario a traversé toutes sortes de difficultés pour présenter une loi, et je crois qu'elle sera présentée à nouveau. En fait, tous les provinces et territoires se demandent ce qu'il faudrait adopter pour être sûrs de répondre aux désirs du public.

Nous devons arriver à mieux mesurer l'opinion publique sur ce qui est raisonnable. Où est cet équilibre? De quel type d'équilibre s'agit-il? D'un point de vue purement technologique, il y a des solutions qui dépasseront de très loin la simple protection des renseignements qui existe actuellement sur papier.

Deuxièmement, cela vous permet de savoir qui a vu vos renseignements, et peut donner un recours si vous pensez que quelqu'un a eu indûment accès à ces renseignements. Il faudrait un droit de recours, et actuellement il n'y en a pas. Si vous voulez regrouper tous les éléments de votre dossier médical, vous devez aller à six ou sept endroits différents. Dans certains cas, vous devez payer pour obtenir ce dossier et vous ne savez pas exactement qui a pu le voir. Ceci présente vraiment des avantages mais les gouvernements et les institutions doivent faire vite.

Les gouvernements, mais aussi les institutions de santé doivent avoir leurs propres protocoles internes pour guider leurs employés quant à la façon de permettre l'accès aux renseignements et de les utiliser. Je suis allé voir plusieurs institutions qui ont des protocoles internes que j'ai trouvés très forts, à tel point que si l'on voit des renseignements sur une personne que l'on ne devrait pas avoir, on est renvoyé.

C'est cela que nous devons viser. Nous devons être très sérieux et très stricts sur ce sujet, mais il faut essayer de trouver un juste équilibre. Le débat actuel est une bonne chose.

Le président: Si j'ai l'air frustré, c'est parce que je le suis. Lorsque ce comité a reporté d'un an de plus l'application du projet de loi C-6 - le projet de loi sur la protection des renseignements personnels - au secteur des soins de santé, c'était dans l'espoir, et même dans l'attente, que le secteur des soins de santé reconnaisse qu'il disposait de 24 mois pour régler le problème. Si le projet de loi C-6 devait s'appliquer au secteur de la santé sous sa forme actuelle, il y aurait des problèmes considérables. C'est cela qui nous a amenés à repousser l'application au départ. Quelqu'un nous a dit hier, et le Dr Millar continue de le dire aujourd'hui, qu'il est essentiel de résoudre le problème. J'ai l'impression qu'au cours des 16 mois écoulés depuis le début du report de 24 mois, le secteur des soins de santé n'a pas réglé les problèmes. On se rend compte maintenant que la date limite approche et c'est l'angoisse.

Il y a sûrement quelqu'un - et je suppose que c'est une personne qui se trouve à Santé Canada - qui est chargé de trouver une façon de régler le problème. Qui est responsable? J'aimerais bien l'avoir comme témoin devant notre comité. Allons-nous en fait résoudre ceci avant le 31 décembre, ou aurons-nous en janvier le problème que nous avons essayé d'éviter?

M. Pascal: Je suis optimiste. Je vois cela comme un défi pour le système de santé. Étant donné la nature fédérée de notre système de soins de santé et sa structure, et selon le point de vue où l'on se place, certaines choses sont jugées commerciales et d'autres pas; et certains laboratoires ont tous les problèmes dans leurs systèmes et d'autres non. Il y a un peu de tout.

Nous avons travaillé de concert avec des personnes du secteur de la santé pour définir ce qui était exigé du point de vue de la confidentialité et de la protection des renseignements personnels, afin que nous puissions continuer à respecter la loi en place. En vertu du projet de loi C-6, s'il y a des dispositions législatives similaires dans une province ou un territoire, elles auraient préséance.

Le projet de loi C-6 a lancé un processus dans lequel le secteur de la santé examine très sérieusement le problème de la vie privée et de la confidentialité, et essaie de le gérer.

Nous avons fait différentes choses pour essayer de voir les réactions des uns et des autres, et afin de déterminer s'il fallait apporter certains éclaircissements. Nous avons réuni six groupes au niveau national pour examiner nos mesures. Il y avait l'Association médicale canadienne, l'Association pharmaceutique canadienne, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association des consommateurs du Canada, l'Association canadienne des soins de santé et l'Association dentaire canadienne.

Le président: C'est intéressant. Les personnes les plus touchées par le projet de loi C-6 sont les diverses organisations de recherche, or elles ne faisaient pas partie de votre groupe de six, pas plus que certains des groupes industriels. J'ai l'impression que vous vous en êtes tenus à une bonne clientèle classique en oubliant les deux groupes qui sont les plus directement et les plus immédiatement touchés.

M. Pascal: J'essaie de prendre des blocs gérables. Si l'on réunissait tous ceux qui ont quelque chose à voir avec ce projet de loi, il y aurait un débat gigantesque, et je ne sais pas si l'on réussirait à le conclure. J'essaie de poser des jalons et d'avancer vers un peu plus de clarté avec ce groupe.

L'ICRS a travaillé parallèlement en conjonction avec les chercheurs de la santé. Ils sont allés jusqu'à concevoir un guide qui comporte des questions et réponses destinées à aider le monde de la recherche. Ce guide a été élaboré avec un apport du bureau du Commissaire à la protection de la vie privée. Ce n'est pas comme si on n'avait rien fait.

Au cours des discussions avec ces six groupes, les opinions étaient encore partagées sur l'équilibre à réaliser. Ce n'est pas facile à définir. Tout dépend de l'interprétation de la loi, d'un côté ou de l'autre, et quelque part il y a une continuité. Il faut tenir compte des besoins du public et les respecter pour que les Canadiens puissent bénéficier du partage de l'information tout en ayant la garantie du respect de leur vie privée et de la confidentialité des informations. Je ne sais pas exactement où se situe le point d'équilibre, mais je sais que la meilleure façon de commencer, c'est de réunir tout le monde pour en discuter. On peut alors déterminer s'il y a des points sur lesquels on s'entend, et si l'on peut trouver une solution. Ce n'est pas facile.

Le président: Personne ne le conteste. Toutefois, qu'allez-vous faire le 31 décembre? Je suis un pragmatiste. En fin de compte, il faudra que quelqu'un prenne la décision. La conséquence du pouvoir, c'est qu'on a le droit de prendre la décision. Aucune décision ne satisfera tout le monde, donc vous devez bien reconnaître d'emblée qu'il y aura des gens qui seront furieux contre le gouvernement fédéral. Le pire résultat, c'est la mise en application du projet de loi C-6. C'est sur cette voie que le train est lancé, si personne ne prend la responsabilité. Il faut trouver une meilleure solution que celle que nous avons maintenant. Il est impossible d'obtenir un consensus de tout le monde. Par conséquent, pourquoi est-ce que quelqu'un ne prend pas le taureau par les cornes, et ne prend pas cette décision?

M. Pascal: Nous entamons un deuxième processus. Nous avons déjà discuté avec le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée de la réalisation de ce que nous appelons un «guide d'interprétation» pour le secteur des affaires. Nous travaillons maintenant avec le bureau à la préparation d'un guide analogue pour le secteur de la santé. Dans ce guide, on formule des interprétations de l'application du projet de loi C-6 à ce secteur. Nous donnons le plus d'éclaircissements possible au secteur de la santé pour que ses intervenants sachent comment réagir et s'y préparent. Le guide les aidera aussi à répondre aux problèmes de vie privée et de confidentialité dans leur propre secteur d'activité.

Nous avons entamé ce processus et nous espérons avoir une ébauche dans les trois prochains mois.

Vous avez raison, sénateur, il y a des gens qui seront contents de nous et d'autres qui ne le seront pas, mais nous devons éclaircir les choses. Il vaut mieux apporter ces éclaircissements pour que les gens sachent à quoi s'attendre et puissent y réagir.

Nous commençons à investir plus dans la technologie de communication de l'information dans la santé. Je veux m'assurer que les solutions que nous envisageons correspondent au niveau de confidentialité et de respect de la vie privée que nous souhaitons. Nous voulons tracer cette voie de façon à intégrer dans ces systèmes la capacité et la souplesse nécessaires pour permettre aux professionnels de la santé de le gérer lorsque nous faisons ces investissements. C'est un instrument destiné à les aider.

Le président: Pensez-vous que vous aurez réglé le problème d'ici au 31 décembre? Sinon, vous êtes en difficulté.

Dr Millar: Nous risquons d'avoir un problème. Je suis très heureux de voir que vous essayez de le régler. Vous avez les moyens de faire avancer tout cela et nous avons peur qu'il ne soit pas résolu.

Le président: Nous sommes dans le même camp.

Le sénateur Morin: Avez-vous des solutions précises? Tout le monde reconnaît le problème, mais personne ne propose de solutions. Ce n'est pas à nous de définir les solutions.

Dr Millar: Nous avons étudié la question avec nos juristes, mais nous ne sommes pas experts en rédaction législative.

Le sénateur Morin: Avez-vous une position?

Dr Millar: Oui. À l'origine, l'ICIS ne devait pas être couvert en tant qu'entreprise commerciale. Nous tenons vraiment, quelle que soit la solution retenue, à ne pas être considérés comme une entreprise commerciale. Même si une toute petite proportion de nos données peut être échangée moyennant un recouvrement des coûts, un dixième de 1 p. 100 de nos activités, nous ne voulons pas être catalogués comme entreprise commerciale et risquer d'éventuelles retombées législatives.

Le sénateur Morin: Actuellement, vous avez interrompu certains projets de recherche à cause de la loi.

Dr Millar: C'est exact.

Le sénateur Morin: Si l'on ne change pas la loi, il va falloir arrêter d'autres projets de recherche.

Dr Millar: À moins qu'on éclaircisse les choses, c'est exact.

Le président: C'est absurde. Il faut régler ce problème.

Le sénateur Fairbairn: Merci à tous. Toutes ces interventions ont été fascinantes et extrêmement encourageantes ce matin. Pour tous ceux d'entre nous qui ont été confrontés, dans le cadre de leur famille, à la fragmentation du système, il est très encourageant de constater les progrès et la réflexion auxquels on assiste actuellement dans tout le pays.

M. Pascal a parlé de capacité pancanadienne de gestion de l'information et déclaré que nous vivons maintenant dans un environnement électronique, qui facilite énormément ce genre de choses dans le contexte de notre géographie.

Ce que vous dites est exact. La génération montante, et même les enfants, sont branchés. Il reste cependant quelques lacunes très préoccupantes, et j'aimerais avoir vos commentaires à cet égard. L'une de ces lacunes concerne les personnes âgées, qui ont besoin du système de santé au quotidien. Certaines de ces personnes se sont mises à l'ordinateur, mais beaucoup d'autres ne l'ont pas fait et ne veulent pas le faire. Elles sont à l'écart de tout ce dont vous parlez aujourd'hui, mais il est extrêmement important qu'elles soient aussi branchées.

L'autre lacune concerne les compétences. Plus de 40 p. 100 de nos concitoyens ont des difficultés plus ou moins grandes à lire, écrire et communiquer dans l'une des langues que nous parlons ici aujourd'hui. Ces gens-là sont aussi en marge des démarches très optimistes et tournées vers l'avenir sur lesquelles vous travaillez.

Donc, parallèlement à ce merveilleux travail d'établissement de liens technologiques que vous accomplissez, il faut tenir compte de cette partie de notre population qui a besoin de liens d'une toute autre nature. J'espère qu'à tous les niveaux de la profession médicale, on n'oubliera pas ces gens en marge, car ce sont eux qui sont dans la situation la plus précaire s'ils ne peuvent pas se brancher et s'ils ne savent pas où s'adresser.

Dr Filler: La technologie dont j'ai parlé est extrêmement simple et conviviale. Il n'est même pas nécessaire de demander à un patient de se servir d'un ordinateur ou même d'un matériel de vidéoconférence. Il peut suffire d'appuyer sur un bouton à la maison pour être en communication avec une station d'écoute. Ce n'est pas compliqué, même pour des gens qui n'ont jamais vu un ordinateur. S'ils ont vu une télévision, tout ira bien. S'il y a des problèmes de ce genre, je n'en ai pas entendu parler. Il y a beaucoup de programmes à domicile auxquels participent des personnes âgées. Elles adorent cela parce qu'elles ont ainsi une possibilité de se brancher qu'elles n'avaient jamais eue avant.

Nous avons effectivement un problème avec les gens qui ne comprennent pas la langue. Il y a toutes sortes de problèmes de langue à Toronto, et nous essayons d'y répondre. Il est beaucoup plus facile de répondre à ce problème au moyen d'un système de télécommunications faisant appel à quelques interprètes - c'est d'ailleurs tout ce qu'il y a, soit dit en passant - pour une vaste population. En fait, toutes ces choses sont déjà disponibles. AT&T fournit des traducteurs dans le domaine de la santé. Si c'est à cela que vous pensez, je pense que la technologie ne fera qu'améliorer la situation et non l'aggraver.

Le sénateur Fairbairn: Je ne pensais pas particulièrement aux problèmes de langue. Les personnes auxquelles je pense sont des personnes qui ont des problèmes d'alphabétisation. Je ne parlais pas des immigrants.

Dr Filler: Je pense que, dans l'ensemble, tout ce dont je vous parlais marcherait. En fait, nous avons utilisé ce système dans des communautés très reculées. Je ne pense pas que ce soit un obstacle.

M. Pascal: Nous avons commencé à évaluer plusieurs projets de télésanté. Nous avons essayé de contacter des personnes en zone rurale isolée qui, bien souvent, n'avaient jamais été exposées à un contexte ou à des appareils électroniques qui sont plus courants dans les grands centres urbains. Les outils sont très simples. Nous ne nous sommes pas heurtés à beaucoup de résistance. En fait, en général, quand j'envoie quelqu'un travailler avec une personne à domicile, les gens aiment mieux cela.

Deuxièmement, du point de vue technologique, nous élaborons maintenant des solutions grâce auxquelles l'interaction électronique sera aussi aisée qu'un coup de téléphone. Quand on téléphone, on ne pense absolument pas à la technologie. On décroche le téléphone, on compose le numéro, et cela marche.

On en est déjà à ce point pour certaines solutions dans d'autres secteurs, et je pense qu'elles vont déborder sur le secteur de la santé. Les outils seront très simples.

Permettez-moi de faire une comparaison. Dans une dizaine d'années, vous aurez un dispositif de communication à la maison. Ce ne sera pas une télévision. Ce sera un écran de télévision plat, probablement un écran à plasma, collé sur votre mur. Il sera activité à la voix. Vous lui parlerez. Vous direz: «Appelle-moi le médecin.» Il appellera automatiquement le médecin. Vous discuterez avec lui. Vous aurez une encoche dans laquelle vous pourrez mettre votre doigt, et l'appareil vous fera automatique ment un test sanguin et prendra votre pouls.

Cette technologie existe déjà. Ce n'est pas du rêve.

Le président: Ce n'est pas de la science-fiction.

M. Pascal: Tout cela existe déjà. On est en train d'organiser tout cela. Nous vivrons dans un environnement où il sera beaucoup plus facile pour le public et pour les groupes qui présentent à notre avis des risques élevés, en raison de problèmes d'alphabétisation ou de difficulté d'accès, d'interagir avec le système de santé. J'ai vu des démonstrations de tout cela. C'est quelque chose qui existe. Il va suffire de réduire les coûts et de rendre cette technologie plus universelle, mais cela va arriver.

Bientôt, on pourra faire des interventions sur la santé des gens qui étaient complètement du domaine du rêve auparavant.

Le sénateur Graham: Tout ceci est très intéressant. Vous dites, monsieur Pascal, que cette technologie existe déjà. Où?

M. Pascal: Les écrans au plasma existent. Les logiciels à activation vocale existent. Il faut améliorer tout cela. Les logiciels en français ne fonctionnent pas encore très bien. Ces logiciels à commande vocale ne marchent pas très bien si l'on a un fort accent, mais chaque année la technologie progresse. Il faudra qu'elle devienne encore plus poussée et précise pour que des médecins comme le Dr Filler ou le Dr Millar puisse pratiquer la médecine grâce à ces moyens.

On utilise déjà ces technologies dans diverses industries manufacturières ou de technologie de pointe. De nombreuses entreprises de logiciel et de matériel essaient d'adapter leurs produits au monde de la santé. Ces entreprises savent bien que la gestion de l'information est importante pour le secteur de la santé, peut-être même plus que pour bien d'autres secteurs.

C'est à nous de le prouver. C'est à nous de proposer un outil valable aux professionnels de la santé et à d'autres personnes, pour leur montrer que cette technologie est fonctionnelle et efficace. Pour qu'ils l'adoptent, il faut qu'ils se sentent à l'aise avec cette technologie.

Je pense qu'il faut prévoir à peu près cinq ans pour qu'elle devienne vraiment intégrée à notre mode de comportement dans la santé.

Le sénateur Graham: Docteur Filler, quand vous parliez de télésanté, de téléconsultations, de téléradiologie et de vidéoconférences, vous avez mentionné plus précisément la Nouvelle-Écosse. Je crois que le programme a été lancé il y a environ trois ans.

Dr Filler: Un peu plus, je crois, probablement quatre ou cinq.

Le sénateur Graham: Quoi qu'il en soit, j'étais là quand on a lancé ce programme, de même que le ministre responsable de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais plus si j'ai coupé un ruban ou appuyé sur un bouton, mais en tout cas cela m'a fasciné.

Le sénateur Morin: Il a coupé tellement de rubans qu'il ne s'en souvient plus.

Le sénateur Graham: J'ai été fasciné par les possibilités et par le fait que les habitants de petites localités comme Pictou County, Bridgewater, Annapolis Valley ou Sydney, pouvaient communiquer par conférence avec les spécialistes situés à Halifax. Si quelqu'un avait un accident, on pouvait lui faire une radio qui était envoyée à Halifax. On n'avait pas besoin d'emmener le patient à Halifax. Ce programme a-t-il été une réussite, et dans quelles autres provinces trouve-t-on ce service?

Dr Filler: Il est disponible à Terre-Neuve et partiellement en Alberta. L'Ontario n'a pas de système spécifiquement pour la radiologie. J'ai vu les chiffres pour la Nouvelle-Écosse, on parle de 10 000 à 20 000 radios par an maintenant. C'est probable ment là qu'il y a la plus grosse progression de leurs activités de télésanté.

La Nouvelle-Écosse est aussi reliée aux autres provinces des Maritimes. Il y a une union avec les autres provinces pour ce genre d'activité.

Ce dispositif marche exceptionnellement bien car l'image retransmise est exactement de la même qualité que ce que l'on voit sur place. De toute façon, le radiologue ne voit généralement pas le patient. Ce programme marche très bien.

Le sénateur Graham: Il y a tellement de questions, monsieur le président.

J'aimerais passer au Dr Millar. Vous avez parlé de données inadéquates. Vous avez parlé d'extrapolation de données prove nant des États-Unis. Pourquoi les données sont-elles inadéquates? Pourquoi n'en a-t-on pas au Canada?

Dr Millar: Par manque de fonds. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Graham: C'est un problème de financement?

Dr Millar: Avec les 95 millions de dollars que nous avons eus pour le Carnet de route, nous avons pu élaborer, par exemple, des indicateurs de rendement pour les soins de santé ou les soins à domicile. Ce montant nous permettra d'établir les indicateurs de rendement pour ces secteurs.

Mais pour que ces données commencent à circuler, il faut que les gouvernements provinciaux mettent en place les systèmes d'entrée de données, les ordinateurs, tout le branchement, des millions de dollars d'investissement supplémentaires. Or, on ne l'a pas fait. Tout ce qu'on a essayé de faire, c'est recueillir des données sur les hôpitaux, et encore, il s'agissait surtout des dépenses, du nombre de lits, de la durée des séjours, de la gestion en général et pas des résultats.

Cela n'a jamais fait partie de la mentalité traditionnelle dans le secteur de la santé. Notre cas n'est pas unique. C'est la même chose partout ailleurs dans le monde. En fait, nous sommes en avance sur la plupart des autres dans bien des cas.

Le sénateur Graham: Quand vous avez parlé de questions de qualité, vous avez mentionné la surconsommation d'antibiotiques. Est-ce que c'est très fréquent et qui en est responsable?

Dr Millar: C'est une consommation très répandue. La responsabilité est partagée: il y a les patients, les médecins et les compagnies pharmaceutiques. Personne n'a de chiffres concrets, mais nous savons que cette pratique est très répandue. En fait, c'est aussi le cas dans la pratique vétérinaire. On utilise énormément d'antibiotiques pour traiter les animaux, et cela a des répercussions sur les humains. C'est très répandu.

La bonne nouvelle de ce côté-là, c'est qu'on commence à encourager les médecins à prescrire des ordonnances de façon plus responsable.

Le problème est aussi lié aux patients. Ils ont mal à la gorge et ils veulent avoir des antibiotiques, ils insistent pour que leur médecin leur en donne. Si le médecin ne leur prescrit pas d'antibiotiques, ils vont en voir un autre. Il y a donc beaucoup de problèmes systémiques ici.

Le sénateur Graham: Peut-être serait-il utile de consacrer plus d'argent à l'éducation et aux programmes de prévention comme on en a déjà parlé ici?

Dr Millar: Oui. En général, l'éducation et les programmes de prévention sont toujours une très bonne chose. Il faut cependant préparer très soigneusement ce genre d'intervention, car l'éducation en soi ne donne pas toujours les résultats escomptés. Quelquefois, il faut utiliser d'autres moyens, par exemple obtenir de bonnes données pour que le système soit bien géré.

Le sénateur Morin: J'aurais deux questions pour le Dr Millar et deux pour M. Pascal. Je vais commencer par M. Pascal.

Tout ce que nous avons entendu ce matin est extrêmement important. Nous ne saurions avancer assez vite dans ce domaine.

Dans tout cela, qu'est-ce qui relève spécifiquement de la compétence fédérale? Nous examinons la situation sous l'angle fédéral.

Ma seconde question est la suivante: pourriez-vous nous donner une définition de la santé électronique et du rôle du secteur privé? Je sais que le secteur privé joue un rôle important aux États-Unis. Pensez-vous qu'il pourrait jouer un rôle analogue dans le domaine de la santé électronique au Canada?

Je tiens à féliciter le Dr Millar de son excellent rapport, qui a été très bien accueilli dans la presse hier. Vous êtes vraiment sur la bonne voie. Nous manquions d'évaluations de notre système, et c'est quelque chose de très important.

Vous avez mentionné, naturellement, 1 milliard de dollars, le montant du financement total du système d'information sur la santé. Quel est le montant du budget de l'ICIS? Idéalement, il vous faudrait combien? Vous dites qu'on manque beaucoup d'information. Quel montant vous faudrait-il, et quelle partie de ce montant devrait être apportée par le gouvernement fédéral?

Vous vous souvenez, monsieur le président, que nous avons déjà discuté de la possibilité de créer un poste de directeur de la Santé publique au Canada. En un sens, il s'agit ici d'un rapport d'un directeur de la santé publique. Je me demandais si le Dr Millar avait des idées là-dessus.

M. Pascal: Nous représentons les 14 autorités législatives. Nous assurons des services de santé directs à presque 1 million de personnes au palier fédéral, que ce soit dans le cadre des Premières nations ou des Affaires des anciens combattants, de la Défense nationale, de la GRC et des établissements correction nels. Nous avons un rôle actif car nous voulons veiller à ce que nos services soient égaux à tous les autres services rendus dans le pays.

Dans un contexte plus vaste, nous avons un rôle tout à fait unique et actif au Canada. Nous sommes un peu comme un courtier qui essaie de trouver le point commun pour fonctionner dans tous les provinces et territoires. Dans le monde de la santé, à mon avis, on ne peut pas faire cavalier seul. Il y a beaucoup trop de pièces dans le système de santé. Il faut essayer d'établir des partenariats et exploiter les compétences dont on dispose. Au niveau fédéral, nous avons des compétences. Nous pouvons faire un travail de recherche et de formulation de l'information. Nous pouvons établir de vastes cadres politiques, et nous aimerions bien que le système de santé du Canada fonctionne dans un cadre comme l'ACS. Nous sommes parfaitement placés pour ce genre de travail. Les provinces et les territoires sont parfaitement placés pour assurer la prestation concrète des services aux individus relevant de leur compétence.

Nous essayons de voir comment nous pouvons exploiter nos compétences et trouver des domaines dans lesquels nous pouvons collaborer. C'est un rôle que nous jouons depuis un certain nombre d'années. Nous allons continuer à jouer ce rôle, surtout pour maintenir la lancée vers ce monde de santé électronique.

Le sénateur Morin: Pourriez-vous nous définir cette notion de «santé électronique»?

M. Pascal: Pour moi, ce sont tous les aspects de la pratique médicale pour lesquels on peut numériser les processus. Atten tion, il y aura toujours des secteurs de notre système de santé qui resteront à l'écart de ce contexte électronique, car ce sont des secteurs à très forte réponse humaine compensatoire. Ce que nous fournissons, c'est la capacité de numériser les processus, de numériser l'information pour pouvoir la transmettre, qu'il s'agisse de radios, d'images ou de vidéoconférences, de façon à pouvoir soigner plus efficacement les particuliers.

Pour ce qui est du secteur privé, là encore j'en reviens à ma croyance dans les compétences. Les gouvernements sont les instruments tout à fait appropriés pour établir les cadres permettant de faire respecter le principe de l'équité au Canada.

Les professionnels du secteur privé sont excellents. C'est dans ce domaine que l'on prend beaucoup de risques. C'est là qu'on réfléchit et qu'on innove. Il appartient au gouvernement de définir ses relations avec ce secteur privé. Je crois personnellement qu'il appartiendra toujours aux gouvernements de gérer le système de soins de santé et de veiller à avoir le bon cadre de politique publique.

Dr Millar: J'aimerais commencer par la question concernant le directeur de la santé publique. Je sais que la question a déjà été abordée au Forum national sur la santé. Les participants ont conclu que ce n'était pas la meilleure solution pour le Canada. J'ai tendance à être d'accord avec eux pour deux raisons.

Quand on pense au poste de directeur de la santé publique, on pense au travail de C. Everett Koop. Certes, il a joué un rôle efficace dans le domaine de l'avortement, du tabac et du VIH. Depuis, on a retranché ce poste dans l'administration. Il fonctionne maintenant dans le cadre d'un exercice intitulé «Healthy People 2010» (Une population saine en 2010). C'est une entreprise bureaucratique hautement structurée dans le domaine de la santé. Ce n'est plus un modèle vers lequel nous pourrions nous tourner maintenant.

Au Canada, le Forum national a estimé que ce n'était pas une bonne idée, parce que l'idée qu'une personne nommée au niveau fédéral se prononcerait sur des programmes provinciaux ne serait pas bien reçue. Au lieu de cela, les participants ont dit: «Nous avons besoin d'une fonction analogue. Nous devons trouver un moyen de présenter régulièrement aux Canadiens des rapports sur leur santé, sur les déterminants de la santé et éventuellement sur le rendement du système de soins de santé, mais la meilleure façon de le faire dans la tradition canadienne, c'est d'avoir un processus de coopération fédérale-provinciale.» Les participants ont proposé qu'un organisme comme l'ICIS assume ce rôle. En fait, les 95 millions de dollars versés à l'ICIS pour le projet Carnet de route devaient en un sens servir à cela, à présenter des rapports au public.

Je pense que nous pouvons accomplir ces fonctions, si le financement se maintient. Cela m'amène à répondre à votre deuxième question. Vous vous souviendrez que les 95 millions de dollars étaient répartis en trois volets. Il y avait une quarantaine de millions pour Statistique Canada, qui s'en sert essentiellement pour des enquêtes sur la santé des Canadiens; 20 millions pour l'Initiative sur la santé de la population canadienne qui a été intégrée à l'ICIS; et 35 millions pour l'ICIS. Cela représente 55 millions de dollars sur quatre ans pour l'ICIS. Nous avons ainsi en gros doublé notre budget de fonctionnement qui est passé de 12 millions de dollars à environ 25 millions de dollars par an. Le ratio de financement sur lequel vous m'interrogiez est passé d'environ 50 p. 100 pour le fédéral et 50 p. 100 pour les gouvernements provinciaux à 80 p. 100 pour le gouvernement fédéral et 20 p. 100 pour les gouvernements provinciaux. C'est là que nous en sommes actuellement. Nous n'en sommes qu'à mi-chemin du financement du Carnet de route. Ce cycle prendra fin dans un an et demi.

Actuellement, nous essayons d'obtenir le renouvellement de ces fonds. Pour répondre précisément à votre question, simple ment pour maintenir les investissements actuels, nous aurions besoin d'un budget de fonctionnement d'environ 25 millions de dollars. Pour nous attaquer à de nouveaux domaines très importants, par exemple le recueil de données sur le taux d'erreurs dans la santé dont je vous ai parlé, ou la détermination du rendement dans le domaine des soins de santé primaire, il faudrait augmenter ce budget, probablement de 20 p. 100 au moins.

Le sénateur Cook: Je peux vous garantir que vous avez accompli une chose ce matin. Vous m'avez complètement chamboulé l'esprit.

J'aimerais voir un peu comment nous allons envisager ces nouvelles données, ces nouvelles informations et cette vision pour fournir ce genre de soins de santé à nos concitoyens, ce qui est l'objectif ultime, je suppose. Compte tenu de cette nouvelle dimension, quelles seront à votre avis les répercussions sur les programmes des écoles de médecine, des écoles d'infirmières et infirmiers et des collèges techniques? Est-ce que cela va signifier un cours supplémentaire pour les médecins et les infirmières et infirmiers? Que va-t-il se passer?

J'imagine l'infirmière complètement stressée dans un hôpital qui essaie de faire de son mieux pour s'occuper des patients, et je vois toutes ces choses merveilleuses qui apparaissent un peu partout. J'ai le cerveau qui sature. Comment pensez-vous que tout cela va se concrétiser sous forme d'aide aux clients?

Dr Millar: Tout cela fait déjà partie des programmes scolaires. Le rapport que vous avez sous les yeux avait déjà été largement utilisé, sous sa forme précédente, dans les universités comme manuel pour les infirmières et infirmiers, les médecins, et cetera. Dans la perspective de la «nouvelle santé publique», si vous voulez, de nombreuses écoles de médecine ont déjà des cours bien précis sur la santé de la population. Donc, on donne déjà un enseignement très vaste aux étudiants en médecine et en soins infirmiers. Peut-être le Dr Filler pourra-t-il nous parler de la façon de traiter les erreurs.

À certains endroits, on dit aux intervenants qu'il faut immédiatement prévenir le patient. On s'excuse, et ensuite on fait tout ce qu'on peut pour rectifier l'erreur. C'est une procédure qui donne d'excellents résultats. Je sais qu'on introduit cette façon de faire dans certains programmes, mais je ne sais pas dans quelle mesure c'est généralisé dans tout le pays.

Dr Filler: Dans les grands hôpitaux universitaires, en tout cas, la plupart du temps il y a ce qu'on appelle des séances sur la morbidité et la mortalité. On examine ces questions de façon régulière. Par exemple, dans mon programme, on le fait toutes les semaines. On discute de tous les accidents, de toutes les erreurs, ou pas nécessairement des erreurs, mais des choses qui ont mal tourné. On discute non pas pour prendre des mesures disciplinaires, mais pour éviter que de telles situations ne se reproduisent. Il y a de nombreuses pratiques analogues dans certains endroits, mais c'est très inégal. Cela n'arrive peut-être jamais dans les hôpitaux communautaires, parce qu'ils ne sont pas organisés pour cela. C'est pourtant une pratique très importante pour essayer de rectifier les problèmes systématiques.

Le sénateur Cook: Je crois vous avoir entendu dire qu'on encourageait les directions provinciales de la santé à lancer cette base de données pour qu'elle soit accessible?

Dr Millar: Les bases de données dont je parlais, oui. Si nous voulons avoir de meilleures données sur le rendement dans le domaine des soins de santé primaires, des soins à domicile, de l'utilisation de produits pharmaceutiques et de la santé mentale, il faut absolument que les gouvernements provinciaux investissent dans la création des systèmes qui nous permettront d'avoir ces données.

Le sénateur Fairbairn: Docteur Millar, quand vous avez parlé d'épidémie d'obésité chez les jeunes, j'ai sursauté. Je me suis précipitée sur votre rapport, dans lequel vous nous dites qu'en 1981, 15 p. 100 des garçons et des filles avaient une surcharge pondérale. Ce pourcentage est passé à près de 29 p. 100 pour les garçons et 23 p. 100 pour les filles en 1996. Au cours de cette période, le taux d'obésité des enfants a plus que doublé.

Il y a quelques semaines, j'étais au Sommet national des sports où l'on aurait pu s'attendre à entendre parler de compétition et d'excellence - ce qui a été le cas effectivement - mais où l'un des grands sujets de discussion a été la baisse de participation aux activités sportives et athlétiques chez les jeunes de notre pays.

Quand on a demandé aux gens qui étaient là quelle était l'explication à ce phénomène, on a parlé des coupures et de problèmes analogues remontant à plusieurs années. Il y a en partie le fait qu'il n'y a plus autant de programmes et d'installations à la disposition des écoles ou de la communauté qu'autrefois. Il y a aussi le fait que les jeunes sont attirés par d'autres domaines, qu'ils sont moins enclins à pratiquer des sports et plus attirés par des activités sédentaires comme l'informatique.

Va-t-on s'attaquer spécifiquement à ce problème dans le programme d'éducation sur la santé? Comme vous le dites, les conséquences de cette situation sur la population adulte sont terrifiantes. Autrefois, quand un enfant était un peu grassouillet, on disait souvent à ses parents de ne pas s'inquiéter, que cela allait lui passer. D'après ce que vous nous dites, et vous n'êtes pas le seul, ce n'est plus du tout le cas.

J'aimerais savoir vous estimez que, dans tout ce contexte de communications et d'éducation sur la santé, il faudrait se concentrer beaucoup plus activement sur ce sujet, car c'est vraiment un problème national?

Dr Millar: C'est un sujet dont je pourrais parler longtemps.

Vous m'interrogez sur les répercussions d'un tel constat sur notre politique. Mon mandat consiste en partie, à condition qu'il soit maintenu et que les ressources aussi soient maintenues, à faire exactement ce que vous dites. Nous pouvons faire l'analyse stratégique, publier un rapport et le remettre aux décideurs du pays.

Nous avons ce mandat et nous allons très bientôt commencer à faire ce travail. C'est un problème cumulatif. Non seulement ces enfants ont un problème d'obésité de plus en plus important, mais en général ce sont des enfants qui vivent dans des milieux défavorisés. Il y a donc un obstacle financier qui fait qu'ils ne peuvent pas participer autant à des activités sportives que les enfants plus riches. Le problème se complique donc de cette façon. Il y a les questions d'accès aux activités physiques et à une bonne nutrition. Les écoles n'ont plus d'éducation physique suivie, et elles ont des cafétérias où l'on donne des frites aux enfants. Les conclusions stratégiques sont assez faciles à tirer. Nous allons nous en occuper.

Le sénateur Fairbairn: J'espère bien.

Le président: Je remercie nos trois témoins d'être venus. Nous avons hâte de vous retrouver pour discuter de la question de la vie privée, monsieur Pascal, au début septembre, après l'ajournement de cet été.

Sénateurs, notre dernier témoin aujourd'hui est David Cow perthwaite. Je ne savais pas que vous aviez changé le nom de votre ministère, qui est devenu le ministère de la Santé et du Mieux-être. Je crois que c'est un progrès fantastique. Je suis enchanté de ce titre. Dans vos remarques d'ouverture, vous pourriez peut-être nous dire quand vous avez changé ce nom et pourquoi, car je pense que c'est une question de vision importante.

M. David Cowperthwaite, directeur, Système d'information, ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick: Honorables sénateurs, le ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick est entré en activité il y a un an, quand le gouvernement du Nouveau-Brunswick a décidé de séparer les services familiaux et communautaires et de créer le «ministère des Services familiaux et communautaires». Le ministère de la Santé s'occupe directement des services de soins de santé, de santé publique et de santé mentale, et continue à administrer les autres programmes financiers.

Nous allons avoir une autre innovation intéressante dans un an, lorsqu'on créera les autorités régionales de la santé. C'est un autre sujet dont je pourrais vous parler pendant une heure.

Mais la question aujourd'hui, c'est le point de vue provincial sur l'infostructure de la santé. Je vous ai remis un mémoire que je vais brièvement commenter. Je soulignerai simplement quelques-uns des points clés de ce texte. La bonne nouvelle au Canada aujourd'hui, c'est qu'il y a manifestement une vague de collaboration des gouvernements sur les systèmes d'information sur la santé. C'est une bonne chose. C'est dans une certaine mesure une collaboration forcée, dictée par la nécessité financière. Dans les provinces et territoires, les ressources nécessaires pour répondre aux besoins font tragiquement défaut. Vos témoins ce matin ont parlé de la faiblesse des investissements dans l'infostructure de la santé au Canada.

Il faut faire un effort accru pour offrir de bons soins aux Canadiens et en même temps bien gérer le système.

Les gouvernements du Canada ont un plan pour répondre à ces besoins. Il s'appuie sur un rapport de février 1999 intitulé «Inforoute-santé du Canada: Voies vers une meilleure santé», et les divers comités dont vous avez entendu parler ce matin, par exemple le Comité consultatif sur l'infostructure de la santé, ont développé ce rapport et ont rédigé les grandes lignes et le plan tactique de l'infostructure nationale de la santé.

En outre, les provinces et territoires ont conçu leurs propres plans détaillés, qui reprennent les mêmes idées en allant un peu plus loin. À titre d'exemple, je présente dans mon document le plan du Nouveau-Brunswick pour l'infostructure de la santé. Si vous examinez toutes ces initiatives, vous constaterez qu'il y a au niveau fédéral, provincial et territorial et au niveau des autorités régionales de la santé une vision commune de ce qu'il faut faire dans le domaine de l'infostructure de la santé. Nous visons tous la même cible et nous nous entendons assez bien sur la façon d'y parvenir.

Cette vision, celle que l'on élabore au Nouveau-Brunswick aussi bien qu'ailleurs dans le pays, est essentiellement axée sur la décentralisation. Nous n'envisageons pas un énorme ordinateur où seraient regroupées toutes les données. Ce n'est pas comme cela qu'on obtiendra des résultats. Notre démarche consiste à construire une série de bases de données compatibles, comparables et connectées les unes aux autres. Quand je parle de cette notion, j'aime bien parler de «stratégie des îles et des ponts», où l'on construit des îles d'information semblable, que ce soit des systèmes d'information hospitalière, des informations de labora toire ou des informations sur les vaccinations. Ces îles séparées vont devenir une grande île intégrée permettant de réaliser des économies de fonctionnement. Les ponts permettant la transmission de données dans les conditions de sécurité voulues assureront l'interconnexion de ces îles d'information.

Grâce à cette démarche, nous pourrons construire pas à pas l'infostructure nationale de la santé. C'est une démarche pratique qui débouche sur un résultat concret.

Pour en revenir au rapport du Nouveau-Brunswick, vous constaterez que nous avons adopté cette même stratégie des îles et des ponts dans nos plans plus précis. Nous avons besoin de plus d'information pour gérer le système de soins de santé et administrer de bons soins au Canada, mais nous devons commencer par bien gérer les informations dont nous disposons déjà. Or, ce n'est pas ce que nous faisons. Nous pouvons réaliser des grains substantiels en intégrant et en normalisant tous les éléments d'information que nous avons. Une bonne partie de ce que je dis, dans le document d'information et ailleurs, c'est qu'il faut intégrer ce que nous avons et le rendre plus aisément accessible.

La façon dont le gouvernement fédéral soutient le développement des initiatives de soins de santé et de la technologie de l'information au Canada pose un problème. En fait, l'approche utilisée encourage les disparités régionales. Je vais prendre l'exemple du Programme des partenariats pour l'infostructure canadienne de la santé, ou PPICS, qui a été récemment annoncé et dont on a parlé ce matin. Ce programme prévoit des investissements de 80 millions de dollars pour développer la télésanté et les dossiers médicaux électroniques. Le financement fédéral était limité à 50 p. 100 des coûts admissibles jusqu'à concurrence d'un montant maximum pour chaque projet. Là, c'était presque bien. Il est trop tôt pour juger du PPICS dans son ensemble, mais l'approche suivie pose un problème. Dans la mesure où il faut fournir des fonds de contrepartie, ceux qui ont des projets financés actuellement peuvent obtenir de l'argent pour les faire aller plus loin et passer au mode national. C'est attrayant dans la mesure où il y a de nouveaux investissements fédéraux, mais cela veut dire que ceux qui avaient déjà de l'argent en ont reçu encore plus dans le cadre du PPICS. Ceux qui avaient les plus grands besoins financiers ou qui étaient le plus touchés par les disparités régionales n'ont pas eu la possibilité de faire une demande.

Le PPICS fait partie de l'histoire récente que nous pouvons examiner. Mais c'est dans la société Inforoute-santé du Canada dont on a parlé ce matin que se trouve le principal potentiel. Les premiers ministres ont accepté d'investir 500 millions de dollars dans cette nouvelle société pour faire avancer les dossiers médicaux électroniques. Cette société est en train d'élaborer son axe stratégique. Si elle emprunte la même voie que le PPICS et n'investit que là où des projets sont déjà financés, elle perpétuera les inégalités et permettra aux riches de continuer à s'enrichir, au lieu de s'attaquer aux disparités régionales. Selon l'approche recommandée dans le plan directeur national et le plan technique dont M. Pascal a parlé, il est indispensable de se concentrer sur les régions où les besoins sont les plus grands, où il existe une volonté d'agir et où l'on est déterminé à mettre en oeuvre les changements qui s'imposeront.

Je voulais faire une autre remarque sur l'équilibre entre développement et déploiement. Le Dr Millar m'a donné une excellente introduction en parlant du travail du Carnet de route de l'ICIS. Certes nous reconnaissons la valeur du travail de l'ICIS et du rapport que l'institut vient de terminer, mais les initiatives du Carnet de route créent un certain nombre de nouvelles bases de données. En l'absence d'une stratégie de déploiement approprié, l'ICIS créera en fait des bases de données vides, et l'argent du Carnet de route ne sera pas rentabilisé au niveau de la gestion des soins de santé au Canada. Il faut établir un équilibre entre déploiement et développement. Il faut assurer au cycle de développement un déploiement complet pour pouvoir retirer les avantages prévus. Si nous voulons améliorer les soins de santé, nous devons mettre en oeuvre complètement les systèmes qui couvrent l'ensemble du pays. Et actuellement nous ne le faisons pas.

Enfin, je voudrais dire un mot de la confidentialité des renseignements personnels. Au lieu d'ignorer la question, comme ça pu être le cas autrefois, on a entrepris des efforts législatifs pour essayer de la régler d'une façon cohérente. Les ministres de la Santé des provinces et des territoires sont en train de signer un accord pour harmoniser les lois sur la protection des renseignements personnels et s'engager à respecter les principes du code modèle de l'ACN pour le respect de la vie privée. Nous établissons une norme et nous nous engageons à l'adopter. Le Nouveau-Brunswick a ratifié cet accord et a été encore plus loin. Le mois dernier, nous avons promulgué la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui met en oeuvre en fait le code modèle de l'ACN pour les renseignements gérés par le gouvernement au Nouveau-Brunswick, notamment les renseigne ments personnels de santé.

La question est importante. Je crois que beaucoup d'habitants du Nouveau-Brunswick et d'autres Canadiens font généralement confiance au gouvernement pour gérer convenablement l'information. Tant qu'ils estiment qu'il y a une raison de partager l'information et que cela présente un intérêt, ils y consentiront. Cependant, certaines personnes feront passer la vie privée avant le partage de l'information. Ce faisant, elles choisiront aussi de bénéficier d'un niveau de soins de santé moins élevé. Je crois qu'on ne peut rien y changer. Nous devons leur montrer que les soins qu'elles recevront seront meilleurs grâce au partage de l'information. Nous devons les éduquer en leur montrant les choix qui s'offrent, mais certaines personnes privilégieront leur vie privée plutôt que leur santé et je crois que nous devons respecter ce choix.

Vous étudiez différentes questions touchant le système canadien de santé et vous avez un horizon de 25 ans. Dans les provinces et les territoires, nous savons qu'il est nécessaire de pouvoir planifier à aussi long terme. Mais pour les questions d'infostructure, nous avons tendance à préférer un terme plus court. Il s'agit de technologies qui ont une vie efficace de trois à 10 ans. Nous devons penser à l'obsolescence et au cycle de remplacement des systèmes. Pour assurer la prestation quotidienne des soins de santé, nous devons adopter une perspective à court terme pour transmettre l'information là où elle est nécessaire au moment où il le faut, c'est-à-dire maintenant.

Se concentrer sur le court terme, cela ne signifie pas avoir la vue courte, et nous continuons à garder les yeux sur ces objectifs à long terme pour le dossier électronique de la santé que nous construisons jour après jour.

Nous pouvons améliorer la prestation de soins de santé au Canada aujourd'hui en intégrant et en normalisant les informations que nous avons et en utilisant ce dont nous disposons maintenant. Après cette brève introduction, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: J'en ai plusieurs, mais je commencerai par le sénateur Cohen, qui vient lui aussi de votre province, le Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cohen: La protection des informations personnelles s'applique-t-elle aussi au secteur privé? Les règles sont-elles les mêmes?

M. Cowperthwaite: Non. Le projet de loi en question concerne le secteur public. Le secteur privé est du domaine du projet de loi C-6. Nous n'avons pas cherché à légiférer dans un domaine où le gouvernement fédéral intervenait déjà.

Le sénateur Cohen: Dans votre rapport sur le plan tactique, j'ai particulièrement noté la recommandation 3, qui concerne la création d'un conseil des normes d'information sur la santé et établit des priorités pour l'élaboration de normes en fonction des exigences du plan tactique. Pourriez-vous développer ce point?

M. Cowperthwaite: Les ministères du gouvernement du Nouveau-Brunswick ont entamé une bonne démarche en ce qui concerne la normalisation des informations.

Il faut appeler les choses par leur nom. Cela peut paraître évident, mais c'est souvent difficile. Nous avons besoin de toute une structure de définition des données. Nous le faisons assez bien dans ce cycle ministériel. Nous ne le faisons pas aussi bien dans le reste du système de soins de santé.

Le but de cette recommandation est de regrouper des personnes qui élaboreront des normes en collaboration avec l'ICIS, parce que nous ne voulons pas inventer quelque chose, mais plutôt adopter une norme nationale appropriée au Nouveau-Brunswick. Ce sera une démarche d'échanges, de collaboration. Des personnes de l'ICIS ont participé directement à certains de nos projets récents pour nous permettre de nous assurer que nos normes complètent les normes nationales et vont contribuer à résoudre les problèmes qu'elles posent.

Le sénateur Cohen: Vous pensez que ce sera un outil efficace?

M. Cowperthwaite: Je le crois, oui. Il y a déjà beaucoup de gens qui participent ou sont prêts à participer à ce système. Je dirais que le secteur hospitalier et le secteur institutionnel appuient fermement cette recommandation - évidemment, puisqu'elle fait partie du rapport. Le ministère est d'accord. Au Nouveau-Brunswick, nous n'avons pas encore réussi à convaincre le monde des médecins d'élaborer des dossiers électroniques pour leurs bureaux. Je ne peux pas parler en leur nom.

Le président: Pourrais-je approfondir cela? Les données primaires viennent des bureaux des médecins eux-mêmes, n'est-ce pas? Comment peut-on les convaincre de participer à la collecte électronique de ces données? Faudrait-il modifier vos politiques de financement? Je pose la question parce qu'ils pensent peut-être que cela leur prend plus de temps de présenter cette information sous forme électronique plutôt que de griffonner quelques mots dans le dossier d'un patient. Par conséquent, si cela signifie qu'ils ne peuvent pas voir autant de patients et si l'on continue à avoir un ticket modérateur, en quelque sorte, cela veut dire que vous leur coûtez de l'argent. Avez-vous des idées là-dessus ou un plan pour régler ce problème?

M. Cowperthwaite: Vous avez raison. Effectivement, les médecins estiment qu'ils ne sont pas là pour recueillir des informations pour le gouvernement, mais pour servir leurs patients. Le ticket modérateur ne fait qu'exacerber cette attitude. Ils ne veulent pas recueillir plus d'information qu'il n'en faut pour servir leurs patients. Notre stratégie a plusieurs volets. Premièrement, nous gérerons mieux nos données en intégrant les informations que détient actuellement le gouvernement et en les présentant aux médecins sous un format plus utile. Un médecin m'a dit récemment durant l'une de nos consultations qu'à chaque fois qu'un patient se présente en salle d'urgence, la première chose qu'on fait, c'est vérifier les dossiers de l'hôpital pour avoir l'historique complet de toutes les visites de cette personne à cet hôpital. Nous voulons leur donner accès à ces informations dans leur bureau pour que le système soit plus complet. Ils verront que c'est quelque chose d'utile et nous pourrons en tirer un profit assez rapidement simplement en utilisant les données que nous avons déjà. Quand nous en serons là, je pense que nous pourrons convaincre ces médecins qu'en nous communiquant des données de leurs dossiers, ils se rendront service eux-mêmes. Mais tant que nous ne leur aurons pas montré que nous pouvons gérer et présenter les données d'une manière qui leur soit utile dans le contexte actuel du ticket modérateur - et cette situation n'évolue pas très vite - je ne pense pas que nous pourrons les convaincre d'enregistrer les données électroniquement, et je crois qu'ils continueront à griffonner sur un bout de papier.

Le président: Par conséquent, on aura beau élaborer d'excellents systèmes électroniques au plan national et provincial, c'est-à-dire mettre en place des systèmes, on aura quand même un gros problème pour entrer les données de base dans le système.

M. Cowperthwaite: Oui. Même si vous avez toute l'information hospitalière, l'information du laboratoire, l'information de la pharmacie et toutes les informations sur les visites du régime d'assurance médicale, il vous manque quand même le diagnostic.

Le président: Au niveau du médecin généraliste?

M. Cowperthwaite: Au niveau du généraliste local dans son bureau. C'est le gros élément qui nous manque.

Le président: Un élément crucial.

M. Cowperthwaite: J'en conviens.

Le président: Je me demande si cela risque de poser problème à l'avenir.

M. Cowperthwaite: Certainement.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Cowperthwaite, quand on entend quelqu'un avec votre réputation et vos connaissances nous dire que certains des nouveaux mécanismes de financement risquent d'encourager les disparités régionales, il y a de quoi être inquiet. Vous nous dites que les projets actuellement financés pourront mieux profiter de ces nouvelles initiatives, alors que les responsables de projets qui ont les plus grands besoins n'auront pas vraiment la possibilité de présenter une demande de financement. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Cowperthwaite: C'est juste.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais que vous nous donniez davantage de précisions sur ce sujet et j'aimerais également savoir si vous auriez des données qui nous permettraient de voir dans quelles régions du pays la population est désavantagée par un effort pourtant bien intentionné, parce que ce n'est pas du tout ce que nous recherchons.

M. Cowperthwaite: Je voudrais reprendre l'exemple du programme PPICS que j'ai mentionné dans mes remarques tout à l'heure. C'est un bon programme, pratiquement à tous les points de vue. Il y a eu des consultations avec toutes les provinces au sujet de sa structure et des critères de sélection de projets. Des membres du Comité consultatif des sous-ministres, le CCSM, ont aussi participé à la sélection de projets. Il devait y avoir un lien entre ce que faisaient la main droite et la main gauche. Tout ceci a été très bien fait. Cependant, le financement n'était que de 50 p. 100. Il fallait en effet prouver que l'on avait déjà 50 p. 100 du financement pour le projet. Il fallait avoir fait au moins la moitié du chemin pour pouvoir présenter une demande afin d'obtenir l'argent pour aller jusqu'au bout.

Je pourrais citer plusieurs exemples au Nouveau-Brunswick de cas où il aurait été possible de faire des choses très utiles en matière de soins de santé mais où il n'était même pas possible de présenter une demande dans le cadre du PPICS parce que nous savions que nous n'avions pas les 50 p. 100 nécessaires. Nous avons fait une demande dans un domaine, la télésanté en radiologie. Nous avons été sélectionnés pour cela, et nous avons été très heureux de recevoir ces fonds supplémentaires qui ont permis de progresser et de répondre à l'un de nos besoins, mais beaucoup d'autres choses n'ont pas été faites. À mon avis, le programme du gouvernement fédéral, qui ciblait le développement et visait à obtenir un dollar de rendement pour une dépense de 50 sous, passe à côté d'une bonne occasion de rééquilibrer certains des besoins. J'ai bien l'impression qu'il doit y avoir eu beaucoup d'autres cas où les gens avaient d'excellentes idées de projets et de grands besoins en matière de services mais dont on n'a jamais entendu parler dans le cadre du programme PPICS.

Le sénateur Fairbairn: Pensez-vous que ces difficultés sont plus prononcées dans la région atlantique qu'ailleurs?

M. Cowperthwaite: Je sais que ces problèmes sont en tout cas très communs dans la région atlantique. Je sais que certaines personnes des territoires sont du même avis. Je ne suis pas à même de parler au nom des autres provinces.

Le sénateur Graham: J'ai été encouragé, comme nous tous sans doute, de vous entendre dire qu'il y avait une excellente collaboration entre le gouvernement fédéral et les autres gouvernements.

J'ai été étonné que vous disiez que certaines personnes préféraient donner la priorité à leur vie privée et refusaient de consentir au partage de l'information, et que de ce fait, elles optaient pour un niveau inférieur de soins de santé dans la mesure où les soignants n'avaient pas accès à des renseignements pertinents disponibles.

Pourriez-vous nous donner des précisions sur ce point et peut-être un exemple? Il me semble qu'ils ont déjà ouvert la porte en s'adressant à un prestataire de soins de santé, qu'il s'agisse du médecin de famille ou d'un autre professionnel, et pourtant ces personnes d'après vous refusent de fournir les renseignements nécessaires à leur traitement.

M. Cowperthwaite: Je vais prendre un exemple personnel. Il n'y a pas très longtemps, je suis allé à une clinique avec mon fils qui venait de se couper. On nous a demandé des renseignements avant de lui faire une suture au pouce. C'est une situation assez simple. On nous a posé deux ou trois questions. S'il y avait eu des antécédents de violence qui auraient pu se trouver dans des dossiers gouvernementaux consignant les cas de violence familiale, et si le médecin urgentiste en avait eu connaissance, cela aurait pu éveiller des soupçons qui auraient pu aboutir à une meilleure qualité de soins. Par exemple, si l'enfant avait été vu pour une série de coupures sur une certaine période, ce pouvait être le signe d'un problème d'autoviolence, par exemple.

Dans la situation actuelle, on dit ce que l'on veut bien dire au prestataire de soins dans ces cas-là. Je vais donner les renseignements dont je me souviens, et c'est cela qui va servir de base pour déterminer les soins. S'il existe un dossier médical électronique qu'on permet au médecin ou à l'infirmière de consulter, il se peut qu'ils arrivent à dégager un profil qui ne serait pas visible autrement. C'est difficile lorsque les gens sont pressés pour fournir les services, parce que notre système souffre bien sûr du nombre de patients qui demandent à être vus, surtout dans une salle d'urgence à l'hôpital. Au fait, il a fallu six heures et demie pour cette coupure.

Le sénateur Graham: Quelle a été la durée de l'attente au total?

M. Cowperthwaite: Six heures et 23 minutes.

Le sénateur Graham: Sept minutes pour la suture.

M. Cowperthwaite: Oui. Le clou, c'est que le docteur a dit que la coupure était belle, et qu'il allait juste mettre un pansement et nous renvoyer à la maison.

Le sénateur Morin: Je pense que ce matin, on a dit que 82 p. 100 des Canadiens étaient satisfaits des soins qu'ils recevaient. Avez-vous été content des soins que vous avez obtenus?

M. Cowperthwaite: Mon fils est en bonne santé; je suis content de cela.

Le sénateur Morin: Vous êtes satisfait.

M. Cowperthwaite: Pour revenir à la réponse à votre question, je dirais qu'il est important que les autres prestataires de soins aient toute cette information lorsqu'ils traitent un patient. Que ce soit un généraliste dans une salle d'urgence ou l'une de nos infirmières de télétriage, c'est la même chose. Nous dirigeons le service de télétriage. On peut téléphoner à une infirmière de salle d'urgence pour savoir quoi faire dans une situation donnée. C'est en fonction de ces informations très précises que l'infirmiè re pourra déterminer s'il faut vous envoyer à l'urgence, vous conseiller de voir votre médecin le lendemain, ou simplement vous dire de vous soigner seul. Si les renseignements voulus ne sont pas là, si vous optez pour la protection de votre vie privée, soit en ne donnant pas les renseignements, soit en refusant de donner accès à votre dossier électronique, vous choisissez un niveau de soins de santé inférieur.

Le sénateur Cohen: D'après vous, quel pourcentage des dépenses totales en santé le Canada devrait-il investir dans l'infostructure canadienne de la santé?

M. Cowperthwaite: Je pense qu'il faut doubler le montant. Vous avez entendu ce matin des chiffres selon lesquels nous dépensons de 1 à 2 p. 100, alors que d'autres secteurs axés sur l'information y consacrent de 7 à 10 p. 100 de leur budget. Je pense que l'on en aurait vraiment pour son argent en matière de qualité de soins si l'on doublait la somme. Je crois vraiment que ce serait possible. Au Nouveau-Brunswick, nous pourrions améliorer l'accès pour les personnes des zones rurales, ce qui est actuellement l'une de nos priorités dans nos initiatives de télésanté.

Le président: J'aimerais revenir un instant à votre loi sur les renseignements personnels. Je crois que vous avez dit qu'elle ne s'appliquait qu'au secteur public.

M. Cowperthwaite: C'est juste.

Le président: Supposons que quelqu'un aille dans un laboratoire privé. Cette personne a une demande d'analyse de sang venant de son médecin ou même de l'hôpital. Votre loi ne couvre sans doute pas ce qu'un laboratoire privé peut faire de ses données, n'est-ce pas?

J'essaie de comprendre exactement ce qui est privé et ce qui est public dans votre esprit. Nous avons là un organisme du secteur privé qui travaille à la demande d'un médecin du secteur public.

M. Cowperthwaite: L'exemple ne fonctionne pas très bien au Nouveau-Brunswick parce que tous les laboratoires fonctionnent dans le cadre du système hospitalier. Prenons l'exemple d'un médecin qui veut vous envoyer dans une clinique privée de physiothérapie.

Le président: Est-ce couvert par votre régime d'assurance maladie?

M. Cowperthwaite: Non. Ce serait un service privé. La loi ne préciserait pas ce que le physiothérapeute peut faire des renseignements de santé pertinents.

Le président: Le projet de loi fédéral C-6, si.

M. Cowperthwaite: C'est exact.

Le président: Le projet de loi fédéral C-6, sous sa forme actuelle, interdirait au physiothérapeute de renvoyer les renseignements au médecin sans l'accord du patient?

M. Cowperthwaite: Oui. Le médecin pourrait envoyer quelqu'un voir un physiothérapeute. En faisant ce que le médecin a demandé, le physiothérapeute pourrait observer un autre problème, éventuellement très grave, et il lui serait interdit de communiquer ces renseignements au généraliste.

Le président: Cependant, dans de nombreuses provinces, les laboratoires sont des organismes privés. Selon le projet de loi C-6, le médecin peut vous envoyer faire une analyse de sang mais ne peut pas avoir les résultats?

M. Cowperthwaite: Non, à moins que vous vouliez que le médecin les reçoive.

Le président: J'ai toujours trouvé cela complètement absurde depuis qu'on nous a informés du problème il y a un an et demi. En tout cas, du point de vue provincial, pensez-vous qu'il est essentiel de résoudre le problème que pose apparemment le projet de loi C-6?

M. Cowperthwaite: Je pense que dans la plupart des cas, le patient envoyé en physiothérapie à qui l'on demande si le physiothérapeute peut communiquer les résultats au médecin va dire oui. Je crois que la plupart des Canadiens vont donner leur consentement; par conséquent je ne crois pas que ce soit problématique. Mais il peut y avoir quelques personnes qui décident de ne pas consentir à cela.

Le sénateur Morin: Actuellement, il n'est pas nécessaire de donner son consentement pour que ces renseignements fassent le va-et-vient. C'est une procédure additionnelle, avec des coûts et du papier supplémentaires.

Le président: Ce qui nous inquiète c'est que le véritable impact s'exerce sur le comité de la recherche, si l'on regroupe des données sur le diabète, par exemple, alors que dans bien des cas le chercheur ne connaît même pas le patient individuel.

Le sénateur Morin: Ce n'est pas seulement une décision privée. Si je suis malade et que je ne suis pas mon traitement, c'est privé, à moins que je n'aie une maladie contagieuse auquel cas un juge peut m'obliger à accepter le traitement. C'est aussi la question du bien commun, comme on l'a dit dans le rapport de ce matin. Nous n'avons pas demandé leur avis à toutes ces personnes qui ont eu des pontages cardiaques. Si on leur avait demandé, on n'aurait jamais eu un aussi bon rapport. Je crois que le bien commun est important. Ce n'est pas uniquement une décision privée avec des conséquences privées. Nous n'aurions pas de rapports comme celui que nous avons reçu ce matin si nous devions demander le consentement de chacun pour pouvoir transmettre l'information.

M. Cowperthwaite: Vous avez certainement raison. Je parlais uniquement ici des renseignements personnels identifiables, pas des renseignements regroupés.

Le sénateur Morin: Non, c'est identifiable. Si l'on me fait un pontage cardiaque à l'hôpital, il faut pouvoir me suivre pour savoir si je vais mourir au bout d'un an ou au bout de six mois. Ce sont des renseignements identifiables. Ce n'est pas regroupé. C'est très important. Ce sont des renseignements personnels identifiables.

Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu devant notre comité. Vos commentaires sur l'importance du financement pour assurer le déploiement et d'autres choses sont accueillis par des oreilles réceptives puisque la majorité des membres du comité viennent de la région atlantique.

Le sénateur Fairbairn: Ceci vaut aussi pour ceux qui ne sont pas du Canada atlantique.

Le président: C'est vrai - même les membres qui viennent de la riche province de l'Alberta.

La séance est levée. 


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