37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 17 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 11 h 05 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada. Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Honorables sénateurs, nous sommes ici pour poursuivre notre discussion sur l'état du système de soins de santé au Canada. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui un groupe de témoins qui vont nous parler de la question des soins à domicile, qui a été abordée indirectement à maintes reprises au cours de nos débats. Nous sommes très heureux de pouvoir entendre l'opinion des représentants de l'Association canadienne de soins et services à domicile, de l'Association canadienne de soins et services communautaires et de l'Ordre de Victoria du Canada. Merci à tous d'être venus. Nous entendrons d'abord Mme Nadine Henningsen, directrice exécutive de l'Association canadienne de soins et services à domicile. Mme Nadine Henningsen, directrice exécutive, Association canadienne de soins et services à domicile: Honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter ma collègue, Mme Evans, la trésorière de l'Association canadienne de soins et services à domicile. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. Notre association regroupe des planificateurs stratégiques, des administrateurs, des fournisseurs de services, des chercheurs et des éducateurs dans le domaine des soins de proximité et à domicile. Le mémoire intitulé: «Renforcer les soins à domicile, le temps d'agir» me servira de base pour mon exposé. Ce document est le fruit d'un consensus de nos membres et de notre conseil directeur. Il formule le point de vue de l'Association canadienne de soins et services à domicile et sert de voix collective à toutes les personnes qui assurent des soins de proximité et à domicile au Canada. Il est important que je commence par bien préciser un terme que je vais employer fréquemment au cours de mon exposé. Lorsque nous parlons de soins communautaires et à domicile, nous employons le terme «client» pour parler du patient. C'est une distinction importante que je voulais faire avant de commencer mon exposé. Au cours des 15 dernières années, on a largement reconnu que les soins de proximité et à domicile constituaient les éléments essentiels d'un système intégré de services de santé. Ce constat a été confirmé par une augmentation régulière des dépenses publiques dans le domaine des soins à domicile, qui sont passées de 1,2 p. 100 du total des dépenses de santé en 1981 à environ 4 p. 100 en 1997-98. Le programme de soins à domicile, c'est le programme qui permet de planifier les aides à domicile, de contrôler... Le président: Pouvez-vous me donner une précision? Vous parlez constamment de «soins à domicile et communautaires». Est-ce que c'est la même chose, ou non? Si vous devez nous l'expliquer plus tard, c'est très bien. Nous avons toujours parlé de soins à domicile, et nous ne savons pas exactement à quoi correspond l'expression «soins communautaires». Mme Henningsen: Le programme de soins à domicile est celui qui permet de planifier les services de soutien à domicile. Il permet de suivre et d'évaluer les besoins de la clientèle, de prodiguer des soins infirmiers, de faciliter l'exécution des activités quotidiennes et de fournir des services d'entretien domestique ou d'autres types d'aide permettant de mener une vie autonome. C'est là que la notion de soins communautaires intervient. Les services de soins communautaires, ce sont par exemple les repas livrés à domicile, les centres de jour, les services de relève et les services bénévoles. Les soins à domicile vont aussi de pair avec les hôpitaux de soins actifs, les établissements de soins palliatifs et de relève, les services de soins de longue durée, les services de santé mentale et les programmes de vie autonome, pour aider la clientèle à domicile et dans la collectivité. Les soins à domicile accomplissent trois objectifs principaux. Premièrement, ils remplacent les soins hospitaliers traditionnels et les établissements de soins de longue durée. Ils maintiennent et appuient l'autonomie, ce qui permet aux Canadiens de vivre de façon autonome à domicile plutôt que dans des institutions plus onéreuses. Les soins à domicile jouent aussi un rôle de prévention en améliorant la qualité de vie des clients, en contribuant à prévenir la déchéance physique et en procurant des interventions de courte durée mais intensives au domicile des clients. Quelles sont les forces qui influent sur la demande de soins à domicile et communautaires? Je vous parlerai de quatre forces essentielles qui alimentent cette demande. Tout d'abord, il y a une population de plus en plus vieillissante au Canada. Dans l'enquête nationale sur la santé de la population de 1989-89, 12 p. 100 des personnes âgées ont déclaré qu'elles bénéficiaient de soins à domicile à financement public. De plus en plus de personnes âgées exigent de pouvoir faire des choix, et cette attitude ne va faire que se renforcer avec le vieillissement de la génération des baby-boomers. La deuxième force, ce sont les pressions auxquelles sont confrontés les soignants «naturels». La plupart des soignants «naturels» sont des femmes qui doivent s'occuper des membres de la famille tout en s'acquittant dans bien des cas de multiples autres responsabilités, c'est-à-dire s'occuper de parents âgés et de leurs propres enfants tout en travaillant à plein temps. Cette combinaison de pressions peut non seulement entraîner des maladies liées au stress et l'absence au travail, mais également accroître le risque de négligence et de mauvais traitement des bénéficiaires. La troisième force, c'est l'avancée technologique. Les découvertes de la médecine ont permis de prolonger l'espérance de vie, de réduire la durée des hospitalisations, et mené aussi à la création de plus de services externes. Des maladies qui auparavant nécessitaient une hospitalisation, par exemple afin d'apaiser la douleur, peuvent maintenant être soignées à domicile. Les nouveaux protocoles de traitement et l'accessibilité à la haute technologie font que les soins palliatifs à domicile sont devenus une option réelle pour la population canadienne. La quatrième force, c'est la diminution du nombre de lits d'hôpitaux. De nos jours, la tendance est d'écourter la période d'hospitalisation et d'offrir des soins externes, d'où une plus grande utilisation des services communautaires. Les soins à domicile jouent un rôle critique pour que puisse fonctionner un secteur hospitalier composant avec moins de lits. Quels sont les avantages d'un système renforcé de soins de proximité et à domicile? Le renforcement de ces soins communautaires et à domicile se traduira par les résultats suivants. Premièrement, il permettra à l'ensemble du système de soins de santé de fonctionner de façon plus économique. Deuxièmement, il réduira les pressions au niveau des lits de soins actifs et des salles d'urgence en permettant la réalisation d'interventions médicales dans d'autres contextes, ce qui permettra de réserver les ressources hospitalières pour les cas où elles sont vraiment nécessaires. Troisièmement, il réduira la demande de lits de longue durée en laissant aux Canadiens âgés le choix de rester indépendants et de conserver leur dignité dans leur propre domicile et leur communauté. Quatrièmement, il contribuera au soutien des soignants et renforcera leur engagement. Que faut-il faire pour renforcer le système de soins à domicile et communautaires? Les membres de l'Association canadienne de soins et services à domicile estiment que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont un rôle fort à jouer pour renforcer le système de soins à domicile et communautaires en élaborant des normes nationales et en investissant dans les services, les ressources humaines et l'infrastructure nécessaires. À cette fin, nous recommandons que l'on travaille à la réalisation de trois objectifs fondamentaux. Premièrement, l'élaboration de normes nationales en matière de soins à domicile et de soins communautaires. Il est essentiel d'élaborer des normes nationales régissant la qualité et la prestation de soins à domicile afin d'assurer l'efficacité du système de santé du Canada et le traitement équitable des Canadiens dans toutes les régions du pays. On peut discuter du processus d'intégration de ces normes dans une loi nationale, mais le moment de débattre de leur importance est passé. Il s'agit d'une mission très importante pour les gouvernements national, provinciaux et territoriaux. Le deuxième objectif est d'accroître les effectifs des programmes de soins de santé au moyen de meilleures stratégies de formation et de rétention. La pénurie d'infirmières, d'aides familiales et de thérapeutes est critique dans certaines régions du Canada. Bien que cette pénurie de personnel témoigne de la rareté généralisée des travailleurs et travailleuses de la santé, elle est souvent exacerbée dans le secteur des soins à domicile du fait que ces travailleurs et travailleuses sont moins bien rémunérés et n'ont pas autant d'avantages sociaux que les travailleurs et travailleuses dans les hôpitaux et les établissements de soins de santé. Tant les salaires que les effectifs communautaires représentent un défi important. Nous devons offrir des salaires concurrentiels par rapport aux salaires payés dans les établissements de soins et les hôpitaux. Le perfectionnement professionnel permanent doit devenir une priorité afin de s'assurer de maintenir des normes de première qualité. Nous devons continuer de chercher les moyens les plus efficaces de travailler avec les fournisseurs de soins de santé, notamment les médecins de premier recours et les autres éléments du système de santé. Le troisième objectif est d'améliorer l'infrastructure des soins à domicile et communautaires. Les membres de l'Association canadienne de soins et services à domicile se rendent bien compte qu'on ne peut simplement continuer d'investir des ressources illimitées dans les mêmes infrastructures vétustes et dans les mêmes proportions. Le processus de renouvellement des soins de santé doit déboucher sur un système de santé soutenable pour l'ensemble de la population canadienne, peu importe où les soins sont prodigués. Par exemple, mettre en place un programme de soutien à domicile coûte moins cher que de nouveaux lits d'hôpitaux. Il importe d'établir une infrastructure de base là où les besoins existent pour que les soins à domicile soient accessibles, bien gérés et disponibles. Nous devons investir de façon à améliorer la qualité et la quantité des soins à domicile. Nous devons aussi veiller à disposer de la capacité qui nous permettra de répondre aux nombreux besoins différents des personnes de tous âges. L'Association canadienne de soins et services à domicile croit qu'il est important d'investir notre argent, nos compétences et notre temps en vue d'atteindre ces trois objectifs - des normes nationales, des ressources humaines et une infrastructure. Nous devons travailler ensemble pour bâtir un système qui permettra aux Canadiennes et aux Canadiens de bénéficier des soins les plus appropriés prodigués par la personne la plus appropriée dans le contexte le plus approprié. Un système de soins à domicile et communautaires solide nous permettra de réaliser cet objectif. Merci. Le président: Docteur Alexander, pourriez-vous tout d'abord nous expliquer en quoi votre organisation se distingue de l'Association canadienne de soins et services à domicile? Dr Taylor Alexander, président-directeur général, Association canadienne de soins et services communautaires: Peut-être pourrais-je vous décrire l'étendue de nos activités de nos deux organisations et la portée des soins à domicile et communautaires ou de proximité. Quand on parle de soins à domicile et de proximité, on parle non seulement de services à domicile, mais aussi de services au niveau de la communauté. Pour notre organisation, cela inclut aussi les services dans des contextes d'institutionnalisation à long terme. Notre représentation de base correspond à ce secteur des soins à long terme. Nous sommes la voix nationale de ce secteur aussi. Le sénateur Morin: C'est cela, la différence entre soins à domicile et soins communautaires? Je ne crois pas qu'on ait répondu à la question du président à ce sujet. C'est la seule différence? Dr Alexander: Il y a plusieurs façons de voir la question. En général, par soins à domicile, on entend les soins fournis au domicile de la personne. Nous parlons de soins à domicile et de soins de proximité parce qu'il arrive souvent que les personnes qui reçoivent des soins à domicile se déplacent dans la communauté pour bénéficier de soins dans des hôpitaux de jour ou dans le cadre de divers programmes de soutien. Il y a en outre l'étape suivante, c'est-à-dire les soins institutionnels à long terme, qui constituent l'autre volet du continuum. J'espère que cela répond à votre question. Le président: Normalement, nous posons les questions à la fin, mais j'essaie de bien situer le contexte. Dans vos deux organisations, avez-vous des fournisseurs de soins du secteur privé aussi bien que du secteur public? Dr Alexander: Les deux. Mme Henningsen: Les deux. Le président: Donc, vous avez dans vos deux organisations des membres du secteur privé et du secteur public. La question de savoir de qui relève le système de prestations de soins ne vous dérange pas. Dr Alexander: Non. [Français] Honorables sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi de représenter aujourd'hui notre conseil d'administration et d'avoir l'occasion de partager avec vous quelques commentaires sur les soins à domicile au Canada. [Traduction] L'Association canadienne de soins et services communautaires est une association nationale bilingue sans but lucratif fondée en 1995 par suite de la fusion de Home Support Canada et de l'Association canadienne de soins et services communautaires. Notre principe directeur est l'engagement à exprimer fortement la voix nationale du secteur des soins communautaires, qui inclut les soins à domicile, les soins à long terme dans des institutions et les programmes de soutien communautaire tels que les repas livrés à domicile. Notre mission consiste à promouvoir l'élaboration de toute une gamme progressive de services de soins communautaires de grande qualité, souples, adaptés aux besoins et accessibles. Permettez-moi de vous mentionner diverses questions fondamentales sur lesquelles notre association s'est profondément engagée depuis plusieurs années. Nous aimerions suggérer diverses initiatives fédérales pour l'avenir. Les services officiels de soins à domicile et de proximité sont relativement récents dans le système de soins de santé du Canada et ce sont essentiellement développés depuis environ 25 ans. Dans certains champs de compétence, le phénomène est encore plus récent. Les données nationales sur ce secteur sont relativement restreintes, mais d'après un rapport de Statistique Canada publié en 1999, environ 613 000 Canadiennes et Canadiens bénéficiaient de soins dans le cadre de programmes provinciaux de soins à domicile. Sur ce total, environ 400 000 étaient des personnes âgées, qui représentaient environ 12 p. 100 du total des aînés. Plus de trois millions de Canadiens, surtout des femmes, fournissent gratuitement des soins à domicile à des membres de leur famille malades. Bien souvent, cela entraîne pour ces Canadiennes et Canadiens de profondes difficultés personnelles et financières. Pourtant, les programmes de soins à domicile s'appuient énormément sur l'aide vitale qu'apportent ces très nombreux soignants familiaux dévoués, et ils ne pourraient pas fonctionner sans cela. Par contre, il y a très peu de services de soutien et de stimulants efficaces pour aider ces soignants dévoués, et il est urgent de trouver des solutions novatrices pour assurer les soins. Il faut immédiatement modifier le système fiscal et les politiques d'emploi entre autres. Dans l'ensemble, ce secteur se caractérise par des salaires et avantages inférieurs à ceux qui sont proposés dans les hôpitaux, notamment pour les auxiliaires qui, dans certaines provinces, touchent en gros le salaire minimum. Comme il n'y a pas de normes nationales, il y a une mosaïque de programmes à travers le pays. Il arrive souvent que des services importants ne soient pas couverts ou ne le soient que partiellement, ce qui entraîne de profondes inégalités d'une province ou d'un territoire à l'autre. En fait, d'après Santé Canada, environ 20 p. 100 des soignants familiaux déclarent que leurs proches doivent se passer de services parce qu'ils n'ont pas les moyens de leur payer ces services. Les soins de proximité et à domicile ne sont pas assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé, ce qui fait que l'on se retrouve avec un système à deux vitesses au Canada. Les patients qui doivent recevoir des soins à domicile sont souvent étonnés d'apprendre qu'ils doivent payer ces soins de leur propre proche. Seulement 4 p. 100 environ de l'ensemble des dépenses publiques dans le domaine de la santé sont consacrées aux soins à domicile, qui représentent à peine 2,1 milliards de dollars par an. Les données sur les dépenses financières sont aussi rares et quand elles existent, elles n'incluent pas les auxiliaires qui assurent l'essentiel des soins à domicile. Parallèlement à cela, le pourcentage des dépenses publiques consacrées aux soins à domicile varie énormément d'une province ou d'un territoire à l'autre, et il y a donc des disparités très importantes au niveau de la prestation et de l'étendue des services fournis dans le pays. L'ACSSC estime que le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer pour mettre en place dans tout le Canada un programme de soins à domicile et de proximité équitable et durable. Le point suivant dont je voudrais vous parler s'intitule: «Le travail inachevé du régime d'assurance-maladie, un programme national de soins de proximité et à domicile». Comme je vous l'ai déjà dit, il n'existe pas de normes nationales de soins à domicile et de proximité. Ce secteur n'est pas inclut dans les principes de la Loi canadienne sur la santé. Cette lacune flagrante dans notre programme stratégique national nous a amenés à avoir un système de soins de santé à deux vitesses à l'américaine pour ce qui est des soins de proximité et à domicile. Il arrive souvent que des services essentiels, par exemple la fourniture de produits pharmaceutiques, soient couverts par le régime d'assurance-maladie tant que les personnes sont hospitalisées, mais plus à partir du moment où elles rentrent chez elles. C'est leur santé qui est menacée si ces personnes n'ont pas les moyens de se payer ces traitements. Les services d'aide à domicile, qui sont essentiels pour permettre aux personnes de préserver leur indépendance, ne sont souvent que partiellement couverts, et même parfois pas du tout, par les programmes publics. Là encore, on remet en question l'indépendance des personnes et l'on fait grimper les coûts parce qu'on est obligé d'avoir plus d'hospitalisation. On ne devrait pas accepter que les Canadiennes et Canadiens qui vivent dans les provinces dites «démunies» soient désavantagés et placés dans des situations précaires parce que leur province n'a pas le financement nécessaire pour leur offre des soins communautaires et à domicile semblables à ceux que l'on trouve dans d'autres provinces plus riches. Il faut d'urgence réaliser un accord fédéral-provincial-territorial sur un tronc commun de services de soins à domicile et communautaires essentiels auquel s'appliqueraient les principes de la Loi canadienne sur la santé. Les services assurés devraient inclure au moins les services suivants: l'aide à domicile apportée par des auxiliaires, les soins infirmiers, le travail social, la physiothérapie, l'ergothérapie, les soins palliatifs, les médicaments sur ordonnance, les services de relève et la gestion de cas. En outre, il faudrait que cet accord soit suffisamment souple pour qu'on puisse réaliser les combinaisons de ces services nécessaires pour assurer l'indépendance des patients sans se heurter aux obstacles d'une bureaucratie tatillonne ou à d'autres restrictions de politique. Je vais maintenant passer à la recommandation que nous souhaitons présenter car on nous a demandé ce matin de parler du rôle du gouvernement fédéral. Mes commentaires se ramèneront donc à une recommandation sur ce point. L'ACSSC recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces et territoires pour réaliser un accord sur un tronc commun de services de soins à domicile et de proximité. Il devrait aussi élaborer des normes nationales pour la prestation et l'administration de ces services qui s'inspireraient des principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Enfin, il devrait réaliser l'analyse financière nécessaire pour déterminer les niveaux de contribution fédéraux nécessaires pour appuyer ces services. Il faudrait remettre les fonds le plus rapidement possible aux provinces et aux territoires qui seraient tenus de les consacrer aux soins à domicile et de proximité et devraient répondre de la bonne répartition de ces fonds. Le point suivant dont je voudrais vous parler, honorables sénateurs, ce sont les ressources humaines et le défi du recrutement, du maintien et de la formation. Comme l'a dit mon collègue, nous assistons à une crise nationale de plus en plus grave pour ce qui est de la disponibilité, de la répartition, du recrutement et du maintien en poste des agents des programmes de soins à domicile et de proximité. Les réformes des soins de santé, les licenciements d'infirmières et infirmiers, les bas salaires, les conditions de travail difficiles, la mauvaise formation et la complexité croissante des soins depuis des années ont rendu le contexte de travail de ce secteur de moins en moins attrayant. La plupart des soins à domicile sont assurés par des auxiliaires qui sont presque toujours des femmes. Bien souvent, ce sont des immigrantes récentes, peu éduquées, pour qui l'anglais est une deuxième langue. Beaucoup de ces soignantes à domicile sont victimes de diverses formes d'abus au domicile de leurs clients, mais souvent elles fournissent gratuitement des services en dehors des heures normales pour permettre à leurs clients de recevoir toute l'aide dont ils ont besoin. Les écarts considérables au niveau des salaires et des avantages d'une région à l'autre du pays attirent les travailleurs vers des régions où ils sont mieux payés, ce qui ne fait qu'aggraver les pénuries dans les régions où les salaires sont bas, par exemple certaines des provinces atlantiques. En raison de la pénurie de travailleurs au Canada, certaines agences sont obligées d'aller recruter à l'étranger dans des pays en développement, ce qui peut entraîner là aussi une pénurie de travailleurs. Faute d'effectifs correctement formés en nombre suffisant, les programmes de soins à domicile ne peuvent pas réaliser pleinement leur mandat et l'indépendance de leurs clients est menacée, ce qui ne fait qu'intensifier les pressions qui s'exercent sur le système de soins actifs. J'aimerais faire des recommandations concernant les ressources humaines. L'ACSSC recommande que le gouvernement fédéral collabore étroitement avec les provinces et territoires pour élaborer une stratégie nationale de ressources humaines pour les soins à domicile et de proximité qui permettra d'obtenir une offre et une répartition adéquate de soigneurs à domicile et de proximité correctement formés dans tout le Canada. Cette stratégie devrait inclure des dispositions permettant aux provinces d'appuyer la formation et l'acquisition de compétences, notamment chez les auxiliaires, et permettant aux divers organismes d'offrir des traitements et avantages adéquats qui leur permettront de recruter du personnel et de le conserver, et d'éviter que ces agents ne se tournent vers le secteur des soins institutionnels ou d'autres secteurs. Nous avons évoqué précédemment l'aide aux soignants, les soignants naturels qui aident des membres de leur famille en payant un prix personnel très élevé sur le plan affectif, physique et même financier. J'ai déjà dit qu'il y a au moins trois millions de soignants de ce genre au Canada, qui vont des adolescents aux vieillards. Je n'entrerai pas dans le détail du contexte. Je pense qu'on connaît bien la question. Nous connaissons l'ampleur du problème et nous savons que les aides sont extrêmement limitées au Canada. Notre organisation a récemment effectué une étude. Nous avons constaté que les soignants naturels avaient besoin de quatre types d'aides - des renseignements et des conseils, du temps pour eux-mêmes, un soutien psychosocial et des porte-parole. Aucune de ces interventions ne coûte très cher. Pourtant, si ces soutiens existaient, leurs avantages seraient réels. Nous recommandons que le gouvernement fédéral collabore étroitement avec les provinces et les territoires pour élaborer une stratégie nationale de relève, afin de donner aux soignants du temps de repos leur permettant de récupérer et d'avoir une vie personnelle et un peu de loisirs. Cette stratégie devrait viser à aider les soignants qui s'occupent de membres de leur famille. Les services de relève devraient être inclus dans le tronc commun de services assurés dans le contexte d'un programme national de soins à domicile et de proximité. Il faudrait envisager dans le cadre de cette stratégie tout un éventail de mécanismes financiers pour aider les soignants, notamment des mesures fiscales, des politiques d'emploi, le régime d'assurance-emploi et le régime de pensions ainsi que des versements directs. Enfin, on m'a invité à faire quelques commentaires sur la question des soins palliatifs. À cet égard, j'ai consulté l'Association canadienne des soins palliatifs et j'aimerais vous faire part de quelques réflexions sur ce sujet des soins palliatifs à domicile au Canada. D'après l'Association canadienne des soins palliatifs, environ 225 000 personnes meurent chaque année au Canada. En 1997, un sondage Angus Reid a révélé qu'environ 80 p. 100 des Canadiens préféraient mourir chez eux. Or, c'est souvent impossible faute de services de soins palliatifs à domicile. Ces services varient dans le pays; les zones rurales et éloignées sont particulièrement mal servies. Dans l'ensemble, seuls 10 p. 100 environ des Canadiens ont accès à des services de soins palliatifs. Il y a aussi une pénurie généralisée de gestion adéquate de la douleur parce que bien souvent les patients et leur famille n'ont tout simplement pas les moyens de se payer les médicaments nécessaires pour calmer la douleur. Cette tragédie se traduit par des souffrances inutiles pour les personnes malades. En outre, comme les personnes âgées souffrent fréquemment de multiples problèmes de santé, dont la démence, la douleur est parfois difficile à localiser et par conséquent à traiter. J'ai consulté la documentation sur la question et j'aimerais vous dire en quoi consistent des soins optimaux au terme de la vie. Dans un rapport remarquable publié récemment par Fisher et al., on souligne que trois thèmes sous-jacents sont essentiels pour assurer des soins optimaux aux termes de la vie: le confort, la communication et le soutien. Là encore, ce ne sont pas des interventions très coûteuses ou qui nécessitent une technologie poussée. Les éléments d'une mort satisfaisante se définissent de la façon suivante: ne pas souffrir, avoir le meilleur niveau de fonctionnement possible, trouver une solution aux conflits anciens, satisfaire les derniers souhaits et laisser le contrôle des soins à d'autres personnes importantes. L'ACSSC recommande que les services de soins palliatifs et les produits pharmaceutiques soient inclus dans le tronc commun de services assurés dans le contexte d'un programme national de soins à domicile et de proximité pour permettre à tous les Canadiens et Canadiennes de mourir dans la dignité. Le président: Merci à tous deux pour vos exposés excellents et stimulants. Si vous le voulez bien, nous allons passer au témoin suivant. Mme Diane McLeod, vice-présidente, Planification des politiques et relations gouvernementales, région centrale, Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada: Honorables sénateurs, je suis accompagnée du Dr Bill Gekowski, qui est membre de notre conseil national et président de notre comité de parrainage. L'Ordre de Victoria du Canada (VON), organisme de bienfaisance national, est une organisation sans but lucratif qui fournit des soins à la collectivité depuis 1897. Les infirmières du VON étaient là pour s'occuper des personnes touchées par la pandémie de grippe de 1918-19, qui entraîna la mort de plus de 50 000 Canadiens et en rendit gravement malades bien plus encore. Des programmes comme les soins de maternité, les cliniques de périculture, les programmes de soins de santé scolaires et les programmes de soins à domicile ont tous été lancés par le VON. À l'origine, il y avait quatre succursales de l'Ordre, à Halifax, Montréal, Toronto et Ottawa. Aujourd'hui, le VON a 67 succursales qui répondent aux besoins de soins des Canadiens dans quelque 1 300 localités à travers neuf provinces. Ce matin, je vais vous présenter le point de vue d'un organisme de prestations de soins à domicile et de proximité. Les services d'infirmières à domicile demeurent notre service principal, mais nous reconnaissons qu'il ne suffit pas d'avoir des infirmières pour garder les gens chez eux. De bons services de soutien sont un élément essentiel des services communautaire et depuis plus d'un siècle le VON élabore des programmes novateurs pour répondre aux besoins des personnes dans les communautés que nous desservons. Le président: Pourrais-je vous demander de nous donner les grandes lignes plutôt que de lire un mémoire de 15 pages? J'aimerais garder plus de temps pour les questions. Mme McLeod: Très bien. J'ajoute que nous offrons de nombreux autres services en plus des services d'infirmières et infirmiers professionnels, notamment des repas à domicile, des cliniques de soins alimentaires et des services de relève. Une grande partie de nos programmes s'adressent aux éléments les plus vulnérables de notre société, ceux qui n'ont pas les moyens de se payer ces services. Nous pouvons réaliser ces programmes grâce à un vaste effectif de bénévoles. Nous en avons 15 000 au Canada, et nous travaillons aussi avec 8 000 professionnels des soins de santé. En ce début de siècle, le besoin de services communautaires ne fait que croître car de plus en plus les gens sortent rapidement des hôpitaux et reçoivent des soins à domicile au lieu d'être hospitalisés. Mes collègues ont déjà parlé des besoins dans ce domaine, et je ne vais donc pas entrer dans le détail. Ce matin, j'aimerais aborder six questions avec vous. Mes collègues en ont évoqué quelques-unes, mais j'aimerais vous les présenter sous notre angle. Nous voulons attirer votre attention sur la nécessité de mettre en place des normes nationales. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les soins à domicile sont un véritable méli-mélo de services à travers le Canada. Chaque province a sa propre idée des besoins. Ces idées sont régies par une vision provinciale de la façon dont on répondra à ces besoins. Dans chaque province et presque dans chaque région, il y a un ensemble particulier de normes et de démarches pour répondre à ces besoins, de sorte que les services offerts aux Canadiens sont très inégaux. Nous considérons qu'il faut élaborer des normes nationales et que ces normes doivent être conçues avec la collaboration et la coopération de tous les paliers de gouvernement, des fournisseurs de soins de santé et des simples citoyens du Canada. En l'absence de telles normes, il n'est pas question d'espérer avoir un programme de soins de santé unifié dans le secteur communautaire. Il faut manifestement améliorer les systèmes d'information. Comme on l'a déjà dit, on manque dans le secteur communautaire d'information statistique qui permettrait de prendre des décisions essentielles pour la prestation des soins. Pour l'instant, nous nous contentons essentiellement d'un système de paperasserie. Non seulement se traduit par un manque d'efficacité colossale et des coûts supplémentaires, mais aussi, ce qui est peut-être plus grave, cela nous empêche d'évaluer correctement la qualité des services. Contrairement au secteur institutionnel, les gouvernements du Canada n'ont pas investi substantiellement dans l'élaboration d'un système d'information pour les soins à domicile. Le VON estime qu'il faut investir au niveau national dans les systèmes d'information. Il faut donner la priorité à ces investissements dans l'avenir si l'on veut que les services fournis à l'échelle communautaire fassent partie d'un système intégré. Actuellement, nous fonctionnons dans un monde complètement cloisonné où le secteur communautaire n'a qu'une priorité très secondaire. Il faut manifestement améliorer les pratiques en matière de ressources humaines. C'est une question extrêmement importante pour le VON qui fournit des ressources humaines. Ce qui fait la qualité de la communauté, c'est la force et le niveau de compétence des infirmières et infirmiers, des soignants à domicile et des thérapeutes qui interagissent avec les clients et leur fournissent des services. Nous avons actuellement de graves problèmes de ressources humaines. Il y a des pénuries, comme vous le savez très bien, et de graves problèmes de disparité des salaires. Le contexte de travail est incertain et délicat pour ces gens-là. En ce qui concerne les infirmières et infirmiers, tout le monde est au courant de la pénurie. Dans le secteur communautaire, en particulier en Ontario par suite d'une concurrence organisée et d'une disparité des salaires, il y a un grave problème de pénurie. En Ontario, dans certains cas, les infirmières communautaires touchent jusqu'à 25 p. 100 de moins que leurs homologues qui travaillent dans des institutions. Dans ces conditions, nous ne pouvons absolument pas recruter et conserver le personnel de qualité dont nous avons besoin pour fournir les soins nécessaires dans la communauté. Dans d'autres régions du Canada, la situation est meilleure. Lorsque les infirmières travaillent dans le cadre d'un modèle régional de régie de la santé, elles ont des conditions de travail plus régulières et un traitement normalisé. Le problème ne se pose pas de la même façon partout au Canada, mais il existe néanmoins. En ce qui concerne les travailleurs qui fournissent une aide à domicile, il y a actuellement un important éventail de problèmes d'un bout à l'autre du pays. En raison des faibles salaires, de la mauvaise formation et de l'insuffisance des systèmes de soutien, on voit des travailleurs non qualifiés et sans surveillance assurer des soins complexes. Le VON collabore avec d'autres organisations de soins de santé et le ministère du Développement des ressources humaines pour entreprendre une étude et une analyse de cette question. Nous sommes convaincus qu'il faut prendre des mesures pour rectifier le problème de la disparité salariale dont sont victimes les infirmières et infirmiers et les travailleurs à domicile, le problème des conditions de travail pour toutes les personnes qui travaillent dans la communauté et le problème des besoins de formation. Il faut élaborer des politiques d'aide aux organisations sans but lucratif. Au cours des 25 dernières années, plusieurs gouvernements provinciaux ont adopté des politiques et des démarches qui semblent avoir pour effet de saper et de réduire la présence d'organisations sans but lucratif telles que le VON. Ces politiques semblent guidées par le souci de réaliser des économies et de contrôler les services, et l'idée erronée que les gouvernements sont mieux en mesure d'administrer des services que les organisations sans but lucratif. Au fil des ans, le VON a été rejeté de nombreuses communautés de ce pays par les autorités régionales de la santé ou les gouvernements provinciaux qui ont décidé de prendre à leur propre compte les services. Les avantages supplémentaires que le VON apporte à la communauté disparaissent du même coup. De nombreux gouvernements ne semblent pas s'en soucier. Or, grâce au réseau de 15 000 bénévoles dont j'ai déjà parlé, le VON peut offrir des programmes caritatifs répondant à des besoins individuels sur le plan de la santé ou sur le plan social qui sont actuellement négligés dans les programmes financés par les gouvernements. Chaque fois qu'une politique gouvernementale vient limiter les capacités d'expansion d'une organisation de bénévoles, elle réduit aussi la capacité de cette organisation à répondre aux nouveaux besoins de la communauté. Nous estimons qu'il faudrait que tous les paliers de gouvernement du Canada revoient la façon dont ils répondent aux besoins de leurs communautés. Ils devraient aussi encourager et appuyer les organisations sans but lucratif au lieu d'entraver leur action. Nous pensons qu'il faut vraiment faire des recherches dans ce domaine. J'ai déjà mentionné, comme mes collègues, la pénurie de données statistiques et d'analyses quantitatives et qualitatives de la situation au Canada. Pour se doter des meilleures pratiques et acquérir de nouvelles connaissances sur la prestation des soins, il faut que la société s'engage à investir dans la recherche. Actuellement, l'essentiel du financement de la recherche va à des organisations établies comme les hôpitaux et les universités. Nous recommandons vivement au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d'envisager sérieusement d'inclure dans son rapport des recommandations sur la nécessité de cibler des recherches sur le secteur communautaire. Il faut reconnaître et appuyer les soignants «naturels». Je pense que mes collègues l'ont déjà affirmé de façon très énergique. Le VON est d'accord avec cette idée. Nous ne cessons de constater que les soignants naturels sont accablés par l'absence de services dans la communauté et l'absence d'appui à leur action. C'est une situation critique à laquelle il faut trouver une solution pour le bien des clients victimes de maladies chroniques, handicapés ou mourants. En conclusion, nous présentons dans ce document des recommandations que j'ai à peu près toutes mentionnées. Il faut élaborer des normes nationales et investir dans des systèmes d'information pour nous aider à communiquer avec le secteur institutionnel et entre nous afin d'améliorer les soins aux clients. Il faut que le gouvernement fédéral prenne dans toute la mesure du possible l'initiative d'examiner les problèmes de formation des ressources humaines et de rectifier le problème de la disparité salariale. Nous souhaiterions profondément qu'on examine la création de politiques d'appui aux organisations caritatives sans but lucratif. Tant que les gouvernements ne comprendront pas et ne reconnaîtront pas l'importance de cette aide aux organisations sans but lucratif, ces organisations continueront à subir des pressions énormes et à être menacées d'extinction. On ne saurait insister suffisamment sur le besoin de recherche dans le secteur communautaire. Encore une fois, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'engage à élaborer des programmes et politiques reconnaissant et appuyant le rôle important et essentiel des soignants naturels dans le contexte du système de soins de santé du Canada. Le président: Merci à tous pour vos intéressants exposés. Le sénateur Morin: C'est un problème très important. Il est regrettable que le plan du ministre Rock ait échoué il y a un an. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral l'approuvait. Ce sont les provinces qui ont torpillé ce plan. La situation serait complètement différente aujourd'hui si le plan du ministre avait été mis en oeuvre. Il est intéressant de constater que la génétique moléculaire mène aux soins à domicile. Monsieur le président, vous vous souvenez que nous disions hier qu'il était important d'avoir un fondement scientifique. Nous le constatons ce matin. Dans vos deux organisations, vous avez des organisations publiques sans but lucratif et des organisations privées, ce qui, j'imagine, est un euphémisme pour «à but lucratif». J'aimerais avoir votre point de vue. Y a-t-il une place pour ces deux types d'organisations? Si oui, laquelle? Je constate que dans votre document vous mentionnez des considérations de valeurs sociales et d'efficacité. Je me demandais si vous pensiez plus particulièrement à un type de soins ou à un autre. Mon autre question concerne l'écart considérable des soins à domicile d'une province à l'autre. Vous avez évoqué cette question, docteur Alexander. Il n'y a pas du tout d'homogénéité à cet égard. Dans ma province, le Québec, la situation est lamentable. Nous consacrons bien moins que la moyenne nationale à ces soins. Peut-être pourriez-vous nous dire quelques mots sur ces écarts considérables. Naturellement, vous ne pouvez pas nous présenter un bilan détaillé, mais un aperçu d'ensemble nous serait très utile. Madame McLeod, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut faire des recherches dans ce domaine. Le programme des ICRS lancé il y a un an a précisément pour but d'aider à la recherche sur les services de santé. Il existe un programme intitulé «Programme d'alliance communautaire». Je vous recommande vivement d'aller rencontrer le Dr Bernstein, qui est président de cette organisation. Quand vous l'aurez rencontré, si vous n'êtes pas satisfait, téléphonez-moi. Il faut faire des recherches dans ces domaines pour pouvoir prendre de bonnes décisions fondées sur du concret. Je vous recommande vivement de rencontrer le Dr Bernstein. Vous n'aurez pas de problème à avoir un rendez-vous. Si vous en avez, appelez-moi. Mme Henningsen: Pour répondre à votre question sur les organismes sans but lucratif ou à but lucratif et la participation du privé dans les soins à domicile et de proximité, l'Association canadienne de soins et services à domicile estime que les deux types d'organisations ont un rôle important et productif à jouer. Pour nous, il doit s'agir d'un rôle axé sur la prestation de services. Ce devrait être le meilleur fournisseur de services qui fournit des soins de qualité au chevet du patient. À notre avis, la question de savoir s'il s'agit d'un organisme à but lucratif ou non ne devrait pas intervenir dans le choix du fournisseur de services. Nous croyons aussi fortement à des partenariats entre secteurs public et privé qui pourraient réunir des organisations gouvernementales et des organisations privées à but lucratif. Nous constatons que c'est quelque chose de très avantageux dans le domaine de la R-D. L'un des grands défis au niveau des soins à domicile et de proximité, c'est le fait qu'il existe de nombreuses organisations privées - par exemple des fournisseurs d'équipement - qui investissent constamment dans la recherche et qui ont des produits vraiment intéressants à proposer qui amélioreraient la qualité de vie de notre clientèle. Malheureusement, ces organisations privées se heurtent à tellement de difficultés administratives quand elles veulent faire approuver leur produit par le gouvernement et les organismes administratifs que les produits ne parviennent pas jusqu'au client. Nous sommes en faveur de regrouper le rôle administratif du gouvernement et les activités des entreprises privées à but lucratif ou sans but lucratif pour faire bénéficier le client de ce partenariat. Le président: Au début de votre réponse, vous avez dit que l'important n'était pas que ce soit un organisme public ou privé, mais que ce qui comptait c'était d'avoir les meilleurs soins. Quand vous employez l'adjectif «meilleur», vous introduisez une notion de valeur. Pourriez-vous m'expliquer? Est-ce que par «meilleur» vous voulez dire le plus efficace? Quels sont les critères qui vous permettent de dire que quelqu'un est meilleur que quelqu'un d'autre? Mme Henningsen: Il y a différentes façons de déterminer quels sont les meilleurs soins. Bien sûr, on a divers outils d'évaluation pour divers programmes de soins à domicile au Canada. Les meilleurs soins, ce serait ceux qui sont fournis par les travailleurs à domicile les plus qualifiés, les mieux formés et les mieux aidés, que ce soit des infirmières ou infirmiers ou des auxiliaires à domicile. On étudierait l'organisation qui fournit les services et on verrait comment elle recrute son personnel, comment elle vérifie les qualifications, comment elle forme et soutient les soignants. Il y a aussi le besoin de soutien administratif. Nous chercherions à voir si l'on réduit les coûts sur le plan administratif pour consacrer les fonds aux travailleurs qui s'occupent des clients à domicile. Nous recommandons qu'on abolisse tous les rôles administratifs autres que ceux qui visent à aider les travailleurs à domicile ou les clients. C'est là qu'il faut insister. Dr Alexander: Notre association cherche activement à élaborer des ressources et des supports de formation permettant de garantir une pratique de haute qualité dans ce secteur. C'est une de nos principales activités. Pour nous, la question n'est pas de savoir si cela doit être le secteur privé ou le secteur public. Ce qui nous intéresse, c'est la qualité d'ensemble des soins et l'aide qu'on peut apporter à ce secteur pour qu'il puisse faire son travail. Nous savons qu'il y a un énorme besoin d'outils de formation de haute qualité, de ressources et de divers types d'aide pour permettre à ce secteur de mieux faire son travail. C'est une des principales activités dont nous nous occupons. La question devient purement théorique si l'on envisage de mettre sur pied un programme national de soins à domicile et de proximité. À ce moment-là, ce sont l'administration publique et le financement public qui interviennent. Le débat sur le public et le privé prend une tournure tout à fait différente. Nous recommandons un programme national de soins à domicile et de proximité pour régler ce problème. Comme vous le savez, les médecins du Canada sont pratiquement des praticiens privés payés avec des fonds publics. Les hôpitaux sont des établissements privés à financement public. Au Canada, nous avons réglé ce problème des médecins et des soins hospitaliers à l'aide des principes de la Loi canadienne sur la santé, qui transcendent très bien cette question. Mme Henningsen: Il est important d'examiner la fonction de gestion des cas de soins à domicile quand on a ce débat sur les organismes à but lucratif ou non lucratif. Le cas des soins à domicile et communautaires est unique dans ce contexte de gestion des cas. Le gestionnaire des cas fait une évaluation et détermine le niveau de soins dont le client a besoin et les services requis. Ce gestionnaire de cas gère en quelque sorte le plan de soins continus. L'Association canadienne de soins et services à domicile estime que c'est le gouvernement, l'administration publique qui devrait avoir cette fonction de gestion des cas. Les gestionnaires de cas sont les directeurs ou les contrôleurs. Les fournisseurs de services, que l'on parle de matériel ou d'infirmières, ne font que suivre ce plan de gestion des cas contrôlé. Cela n'existe que dans le contexte des soins à domicile et de proximité. Ce n'est pas le cas dans un hôpital. Le président: Pour quelle raison dites-vous cela? Si je vous comprends bien, vous dites que c'est le secteur public qui devrait gérer les cas et que peu importe que les services soient fournis par un organisme privé ou public. Pour quelle raison faudrait-il que le gestionnaire de cas appartienne au secteur public? Mme Henningsen: Nous aimerions être inclus dans le programme national de soins à domicile. Nous pourrions être plus transparents et rendre de meilleurs comptes, comme nous devons le faire, si cette fonction était gérée par l'administration publique. Le sénateur Morin: J'aimerais savoir si Mme McLeod pense que cette gestion des cas devrait relever du secteur public ou du secteur privé. Je sais bien que l'idéal, ce serait un programme national de soins à domicile. On a fait cette proposition il y a un an, et elle a été rejetée. Nous pourrions recommencer tous les ans, mais apparemment les provinces rejetteraient à chaque fois la proposition. Elles veulent des fonds libres de tout engagement. C'est aussi simple que cela. Elles l'ont dit il y a un an et elles le répéteront. Ce matin, dans le Globe and Mail, l'Ontario le réaffirmait encore. Nous pourrions le recommander, mais il faut être réaliste. Si nous n'avons pas de programme national de soins à domicile, quel est le meilleur compromis possible? Y a-t-il une place pour les organismes privés et publics? Madame McLeod, vous n'avez pas dit tout à fait la même chose que ce que nous venons d'entendre à propos du rôle du gouvernement en matière de gestion des cas. Mme McLeod: C'est une question intéressante. C'est le système de l'Ontario que je connais le mieux. Je nuancerai donc ma réponse en disant qu'elle s'applique à l'Ontario. Dans ce système, le gestionnaire de cas a le rôle que Mme Henningsen a décrit. Je pense que ce rôle est essentiel dans les cas les plus complexes. Toutefois, lorsqu'il y a un professionnel chez le patient - une infirmière, un physiothérapeute ou un ergothérapeute - ce professionnel peut très bien s'occuper de la gestion courante du plan de soins. Il y a la question de la reddition de comptes que nous ne devons pas perdre de vue. Il s'agit d'argent public. Nous recevons ces deniers publics en tant qu'organisation de prestations de services, et il est normal qu'on puisse nous demander des comptes. Actuellement, c'est à cela que sert le poste de gestionnaire des cas. Il n'y a rien de mal à cette obligation de rendre des comptes. Quant à savoir si le gestionnaire des cas devrait être un employé public ou privé, je ne suis pas trop sûre. Ce sont des gens qui sont financés par le secteur public pour l'instant, et il faudrait probablement maintenir cette situation. Ces gestionnaires doivent justifier de la façon dont l'argent est dépensé dans le cadre des programmes actuels de soins à domicile. En tant que fournisseurs de soins, nous devons leur faire rapport et veiller à ce que l'argent soit dépensé conformément aux objectifs du plan de soins. À cet égard, c'est un mécanisme très coopératif. Je ne suis pas certaine d'avoir totalement répondu à votre question. Le sénateur Robertson: À propos de la gestion des cas, j'aimerais que vous nous parliez un peu des problèmes que cela pose. Dans plusieurs zones de compétence, le gestionnaire de cas intervient dans le transfert d'une personne âgée vers un foyer ou une maison de soins spéciaux. Souvent, ce gestionnaire de cas irrite les autres professionnels, qui sont prêts à autoriser le transfert du patient. Ils ne peuvent pas agir sur les recommandations du médecin tant que cette consultation n'a pas eu lieu. Je ne sais pas si c'est parce qu'il n'y a pas suffisamment de gestionnaires de cas, mais en tout cas il y a des retards. Que pensez-vous des compétences professionnelles que l'on peut exiger d'un gestionnaire de cas? Comment peut-on améliorer l'efficacité de leurs rapports avec les travailleurs de la santé qui ont traité le patient jusqu'à ce moment-là? J'ai l'impression qu'il y a un blocage à ce niveau. Mme Henningsen: C'est intéressant que vous disiez que le gestionnaire de cas entraîne des retards. Les gestionnaires de cas, en théorie tout au moins, jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement harmonieux des soins à domicile et communautaires. L'un des défis du système vient de ce que l'Ontario est la seule province qui a effectivement des critères normalisés de gestion des cas. C'est la seule province à en avoir. Ailleurs, on peut être gestionnaire de cas sans avoir certaines qualifications, et il n'y a pas de programme de formation. Si vous habitez au Nouveau-Brunswick, vous pouvez être gestionnaire de cas simplement parce que vous le voulez. En Ontario, on exige certaines qualifications. Il faut avoir suivi un programme de formation bien précis pour comprendre en quoi consiste le rôle du gestionnaire de cas. Ce rôle est essentiel pour assurer au client une transition en douceur et sans le moindre accroc. Dans le cas que vous avez mentionné, celui d'une personne pour laquelle on envisage des soins à long terme ou des aides communautaires différentes, le gestionnaire de cas répond à un besoin en ce sens qu'il aide à trouver le service qui correspond bien aux besoins de la personne. Toutefois, il y a beaucoup de travail à faire dans le domaine de la gestion des cas. Le sénateur Robertson: C'est une bonne chose car je crois vraiment qu'il est très important que les gestionnaires de cas soient qualifiés et bien formés pour assurer une transition en douceur. Le sénateur LeBreton: Quand les gens dans le grand public entendent des expressions comme «soins à domicile» et «soins communautaires», ils comprennent la notion de soins communautaires. Je pense que ce qu'ils voient, ce sont des cliniques ou des endroits où ils peuvent aller. En revanche, pensez-vous qu'il y ait un vaste malentendu sur toute la notion de soins à domicile et ce que cela implique? En fait, les gens ne pensent pas beaucoup aux soins à domicile tant qu'ils ne sont pas confrontés à ce besoin. Pourriez-vous tous nos donner votre point de vue là-dessus? Notre population vieillit. Nous allons avoir de plus en plus besoin de soins à domicile. Comment peut-on aider le public à mieux s'informer sur cette question? Je suis sûre que si vous alliez poser la question dans la rue, les gens reconnaîtraient votre organisation, le VON, parce qu'elle existe depuis longtemps. Mais comment peut-on sensibiliser la population à la notion de soins à domicile? Comment feriez-vous? Dr Alexander: C'est une question qui en suscite beaucoup d'autres. Il y a tout d'abord la croyance erronée la plus répandue, qui est que les soins à domicile soient couverts par l'assurance-maladie. Les gens sont tous étonnés d'apprendre qu'ils doivent payer directement ces services. Ils sont aussi étonnés lorsqu'ils constatent qu'il n'y a pas assez de personnel et pas assez de gestionnaires de cas pour coordonner les soins. Dans ce cas-là, c'est l'individu lui-même qui doit jouer le rôle de gestionnaire de cas. Les soins à domicile peuvent réserver beaucoup de surprises désagréables à cause du genre de crise dont nous parlons ce matin. En revanche, de nombreux sondages ont montré qu'il y avait un très vaste appui national aux soins à domicile et à un programme national de soins à domicile et de proximité. À cet égard, le grand public est en avance sur les politiciens. Le grand public croit profondément aux soins à domicile. J'ai déjà dit tout à l'heure en parlant des soins palliatifs que 80 p. 100 des Canadiens préféreraient mourir chez eux. À cause des faiblesses du système actuel que nous avons décrites ce matin, il est impossible d'organiser des soins à domicile dans de très nombreux cas. Cela peut être frustrant pour nos concitoyens. Mme Henningsen: J'ajouterais quelques mots aux remarques du Dr Alexander. Sénateur, vous avez tout à fait raison. Les Canadiens ne se préoccupent pas des soins à domicile tant qu'ils n'ont pas besoin de ces soins. Cela m'est arrivé, et je suis la directrice exécutive de l'Association canadienne de soins et services à domicile. Je ne me rendais pas compte qu'il faudrait dépenser autant d'énergie pour ramener mon mari à la maison. Il y aurait diverses façons d'aider nos concitoyens lorsqu'ils sont confrontés à une crise. Dans ce cas-là, ils cherchent des réponses rapides et simples. Le rôle de gestion des cas est essentiel. Les gestionnaires de cas sont la bouée de sauvetage des gens dans ces situations de crise. Si une personne cherche de l'aide, on va rapidement la mettre en contact avec un gestionnaire de cas par le biais du centre d'accès communautaire ou de l'hôpital. Les médecins de famille ont montré qu'ils étaient prêts et intéressés à comprendre les soins à domicile. Il faut prendre le temps et faire les investissements nécessaires pour aider les médecins à mieux comprendre cette notion de soins à domicile et à la présenter à leurs patients. Dans le cas des personnes âgées en particulier, ce que dit et ce que fait le médecin est très important. Ces personnes vont suivre les recommandations de leur médecin. Si le médecin peut expliquer à ses patients en quoi consiste le programme de soins à domicile ou communautaires, il peut contribuer à calmer leur angoisse. Mme McLeod: Si une personne se trouve dans le contexte des centres d'accès aux soins communautaires, elle a le lien avec le système de soins. C'est un rôle qui découle des précédents programmes de soins à domicile en Ontario: le gestionnaire de cas peut aider la personne à obtenir les services requis. Il s'occupe aussi de la demande d'admission dans un établissement de soins à long terme. Le rôle du gestionnaire de cas a certainement permis le rapprochement de ces services. S'il faut organiser des soins à domicile, il faut le faire de façon coordonnée. C'est excellent. Toutefois, cette situation n'est pas uniforme dans tout le pays. Elle n'est pas non plus uniforme au niveau des particuliers. Si une personne n'a pas droit au service par le biais du CCAC, elle est livrée à elle-même. Le terme «méli-mélo» semble un peu négatif, mais c'est celui que j'ai utilisé dans mon exposé. Il y a beaucoup de services communautaires excellents, mais par où commencer? C'est très compliqué si l'on n'a pas un gestionnaire de cas pour vous aider à vous y retrouver. Cela peut être frustrant et angoissant; on ne sait pas qui va payer. C'est peut-être la personne qui va payer. Il y a beaucoup d'écarts à cet égard d'un endroit à l'autre du pays. Le sénateur LeBreton: Ceci m'amène tout naturellement à la question suivante. Le Dr Alexander a mentionné dans son mémoire que les soins à domicile et les soins de proximité n'étaient pas assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Certaines personnes ont besoin de soins palliatifs de longue durée et n'ont pas les moyens de les payer. On les laisse dans d'autres institutions, si la famille n'a pas les moyens de payer les soins à long terme. Qu'advient-il de ces personnes? De plus, quel est le coût pour le système de santé? Il doit y avoir des milliers de personnes qui sont laissées à l'hôpital parce que leurs familles n'ont pas les moyens de payer des soins de longue durée dans des centres privés. Quel coût cela représente-t-il pour le système? Où vont ces personnes? Que leur arrive-t-il? Dr Alexander: Je ne sais pas si l'on n'a jamais calculé le coût à l'échelle nationale. De nombreuses études ont été réalisées sur le problème de ce que l'on appelle péjorativement «les bloqueurs de lit» dans les hôpitaux de soins actifs. On se trouve dans cette situation à la fin d'une période de traitement actif lorsqu'il n'y a pas suffisamment de lits de soins de longue durée localement ou que les services de soutien à domicile locaux sont insuffisants pour permettre à la personne de sortir de l'hôpital. La personne se languit dans un lit de soins actifs à un coût phénoménal pour le système. C'est une pratique tout à fait inefficace et le niveau de soins fournis n'est absolument pas adéquat. Les lits sont bloqués parce que les autres aides n'ont jamais été mises en place. J'en reviens à mes commentaires sur le système de santé à deux vitesses de style américain qui existe dans les soins à domicile de proximité. Chaque province a ses propres politiques sur la façon de gérer les finances des patients recevant des soins de longue durée. Très souvent, les malades doivent dépenser tous leurs actifs personnels lorsqu'ils entrent dans un centre de soins de longue durée. La province peut alors leur allouer une petite indemnité pour leur permettre de subsister ensuite. L'autre question, parallèle à ce que vous disiez, sénateur LeBreton, c'est l'impact qui se produit sur le secteur des soins à domicile lorsqu'on fait sortir de l'hôpital de plus en plus tôt des patients de plus en plus malades. Alors qu'au départ les soins à domicile étaient conçus pour aider les personnes non seulement dans les phases aiguës mais aussi sur de longues périodes, il faut consacrer maintenant de plus en plus de ressources à ce que l'on appelle «la substitution des soins actifs». Autrement dit, c'est comme l'hôpital à la maison avec toutes les ressources très coûteuses et toute la technologie que ceci implique. Il y a moins de ressources disponibles pour assurer la composante long terme des soins à domicile - les soins qui se poursuivent longtemps à la maison. Ce sont actuellement des incitatifs pervers qui s'exercent sur le système et il faut régler ce problème. Le sénateur LeBreton: Vous avez tout à fait raison. C'est un système à deux vitesses. Le sénateur Graham: Mes félicitations aux trois organisations qui se trouvent ici. Nous sommes fiers du service que vous offrez aux Canadiens. J'ai une brève question à vous poser. Il s'agit des infirmières de l'Ordre de Victoria. Vous dites que vous avez des services dans neuf provinces. Laquelle n'est pas représentée? Mme McLeod: L'Île-du-Prince-Édouard. Le sénateur Graham: Ça m'étonne. Le président: Je n'en reviens pas. Le sénateur Graham: Nous vous avons entendu dire qu'il fallait effectuer une analyse. Une analyse pourrait-elle montrer les économies représentées par l'utilisation du lit de soins à domicile par opposition au lit de soins actifs dont parlait le sénateur LeBreton? Dr Alexander: Il y a eu une série d'études excellentes financées par le Fonds pour l'adaptation des services de santé et effectuées par la Hollander Analytical Services et la University of Victoria. Ces études ont démontré que les soins à domicile étaient généralement beaucoup moins onéreux que les soins dans un centre de soins actifs. Le débat a fait rage pendant de nombreuses années pour savoir ce qui était le plus cher. Il y a aussi eu une excellente étude réalisée en Saskatchewan il y a peu de temps qui a montré des économies que l'on pouvait réaliser en dispensant les soins à la maison plutôt qu'à l'hôpital. Je serais heureux de vous donner les références. Le sénateur Morin: Nous avons cela dans les documents qui nous ont été présentés ce matin. Le président: Si je comprends bien, nous avons fait de modestes efforts pour obtenir l'une des études dont vous parlez. Je ne sais trop pourquoi, nous ne l'avons pas eue. Si vous pouviez nous en donner un exemplaire, nous en serions très contents. Le sénateur Morin: Ces chiffres sont ici dans un des exposés. Le président: Nous pourrons peut-être vous demander plus tard comment obtenir ces renseignements. Mme Henningsen: L'étude du groupe Hollander financée par le Fonds pour l'adaptation des services de santé est très intéressante. L'étude regroupe environ 16 ou 17 sous-études qui ont porté sur le coût-efficacité des soins à domicile dans différentes régions du Canada. C'est très complet. Le sénateur Graham: Allons-nous avoir les chiffres, monsieur le président? Le président: Oui. Le sénateur Graham: Quelle est la formation des personnes qui dispensent les soins à domicile? Mme Henningsen: Dans quelle province habitez-vous? Le sénateur Graham: En Nouvelle-Écosse. Vous disiez tout à l'heure qu'il faudrait des normes nationales. Parlons-en. Mme Henningsen: Malheureusement, il n'y a pas de programme de formation déterminé pour les personnes dispensant des soins à domicile. Les exigences en matière de formation dépendent de la politique de chaque province et c'est pour cela que je vous ai demandé en plaisantant quelle était votre province. Certaines provinces ont des critères définis. L'Ontario a un programme de formation assez strict. Je crois qu'il s'agit d'un programme de trois ans pour les intervenants des services de soutien à domicile. En Nouvelle-Écosse, on est en train d'élaborer un programme de formation actuellement. On ne semble pas encore l'avoir mis en oeuvre. En Saskatchewan, il n'y a pas de programme de formation pour les personnes fournissant le soutien à domicile. C'est géré par l'agence de services. Le sénateur Graham: Une personne qui séjourne dans un centre de soins de longue durée paye en fonction de ses moyens. Est-ce exact? Dr Alexander: Là encore, ça varie d'une province à l'autre. Le président: La réponse est oui, on paye selon ses moyens. Cependant, les règles utilisées pour définir les ressources dont on dispose, et donc la somme à payer, sont différentes dans chaque province. Le sénateur Graham: Par conséquent, certaines personnes pourraient aller gratuitement dans un centre de soins de longue durée, si elles n'ont pas les moyens de payer. Le gouvernement provincial paye les frais. D'autres personnes qui ont des ressources vont devoir tout dépenser pour recevoir les mêmes soins. Si une personne a les ressources, elles sont utilisées pour les services qui sont dispensés à tous les Canadiens, où qu'ils habitent. Vous dites aussi que le type de services offerts varie d'une province à l'autre. Mme Henningsen: Oui, et d'une région à l'autre. Par exemple, dans la région d'Ottawa-Carleton, il se peut que vous ayez accès à des services différents de ceux que vous auriez dans la région de Mississauga. Il y a aussi des différences à l'intérieur des provinces. Le sénateur Graham: Docteur Alexander, l'une de vos huit recommandations stipule ceci: [...] élaborer des normes nationales pour la fourniture et l'administration de ces services selon les principes contenus dans la Loi canadienne sur la santé, et entreprendre l'analyse financière nécessaire pour établir les niveaux de contribution fédéraux appropriés pour permettre les services. Vous voulez que le gouvernement fédéral paye l'analyse, ce qui me semble très approprié. Le sénateur Morin: Et les soins. Le sénateur Graham: Une fois qu'il paye l'analyse, il est automatiquement coopté. Le sénateur Morin: C'est le plan du ministre Rock. Le sénateur Graham: Voulez-vous approfondir un peu ceci ou donner des précisions sur votre recommandation? Dr Alexander: Je voudrais tout d'abord revenir à la question des normes nationales. Il y a, par exemple, les normes établies par le Conseil canadien d'agrément des services de santé sur l'agrément des soins à domicile et des soins de longue durée. Ces normes existent. Les centres de soins de longue durée et les programmes de soins à domicile dans tout le pays sont déjà accrédités en ce moment. On ajoute sans cesse de nouveaux éléments. Ces normes portent principalement sur l'administration et l'organisation des programmes, etc. Il existe des normes concernant la formation. Celles-ci ne sont pas en place dans tout le pays. Il n'y a pas de normes nationales de formation pour les personnes dispensant des soins à domicile. Ceci se fait dans les provinces; chaque province est différente. Certaines fournissent un soutien financier; d'autres pas. Certains intervenants détenant un certificat de soins de santé doivent payer leur formation sur leur salaire, ce qui est un fardeau beaucoup trop lourd. En ce qui a trait aux normes nationales que j'ai mentionnées dans la recommandation, ce serait des normes touchant la prestation de services de base. Ces normes devraient reprendre tous les principes de la Loi canadienne sur la santé afin de soutenir ces services. Ce sont les normes que nous connaissons au niveau du pays. Elles sont parfaitement défendables. On a parlé d'analyse parce que pour l'instant, personne ne sait ce que cela coûterait. On a cité des chiffres à la conférence d'orientation du ministre Rock en 1998 à Halifax. L'un des commentateurs a dit qu'une somme d'un milliard de dollars pourrait permettre de lancer un programme national de soins à domicile. Peut-être que oui, peut-être que non. Ce n'est qu'un chiffre. Il faut que quelqu'un réfléchisse concrètement. Or il n'est possible de faire cette analyse que si l'on s'entend exactement sur ce qui va être couvert et à quel niveau. Dans mon esprit, les deux se suivent. Nous devons d'abord arriver à cette entente. Pour revenir à un commentaire fait tout à l'heure par le sénateur Morin sur la question d'un programme national et de la difficulté politique, je suis sensible à ce problème. En même temps les dispositions de l'accord-cadre d'union sociale n'exigent pas le consentement unanime de toutes les provinces et des territoires pour permettre au gouvernement fédéral de monter un programme. Il y a une certaine marge de manoeuvre politique ici. Lors de leur accord sur la santé en septembre dernier, les premiers ministres ont convenu d'inscrire les soins à domicile au programme national. Je pense qu'il y a là un certain nombre d'options envisageables pour aller de l'avant. Le sénateur LeBreton: Pour faire cette étude, il faudrait aussi examiner les économies réalisées par les personnes qui reçoivent les soins à domicile. Le sénateur Robertson: Vous avez été le groupe de témoins le plus rafraîchissant que nous ayons eu. Je vous félicite pour votre exposé. Le sénateur LeBreton: Étiez-vous là lors de la comparution des infirmières et infirmiers hier? Cette séance a été excellente aussi. Le sénateur Robertson: Vous avez répondu à beaucoup de mes questions dans vos exposés, mais j'en ai d'autres. Dieu merci, il y a maintenant des gens qui parlent d'abattre les cloisons. Malheureusement, les ministères ont pour habitude de construire des murailles autour de leurs programmes et de s'y cramponner comme si leur vie dépendait de la préservation de ce qu'ils ont toujours fait, ce qui est assez pénible. Parfois, il faut abattre les cloisons au sein des ministères. Nous pourrions envisager cela pour l'avenir. L'orthophonie s'adresse généralement aux enfants dans les écoles ou aux personnes âgées qui ont eu une attaque. Ces services sont disponibles dans les grands centres, mais notre population est très diverse. Il est important de partager les services des membres du personnel pour qu'ils soient plus rentables. Par exemple, les orthophonistes en zones peu peuplées ne travailleraient pas nécessairement avec des enfants uniquement ou avec des personnes âgées uniquement, mais avec les deux. En partageant les services de ces orthophonistes entre les deux groupes, on économiserait l'argent des contribuables. C'est quelque chose à envisager. J'aimerais savoir si vous avec l'expérience de modes différents de financement du système de santé. Les Canadiens considèrent que ce système englobe à peu près tout ce dont nous avons parlé. Malheureusement, nous devons travailler pour le financer, je suis entièrement d'accord là-dessus. Avez-vous eu connaissance de cas où le financement des services de santé était assuré verticalement par le ministère de la Santé? Autrement dit, l'argent va du ministère à l'hôpital, du ministère au foyer de soins, du ministère à la santé publique et du ministère à la santé mentale. Je sais qu'il existe des modèles dans lesquels on verse un montant global à un groupe de coordination dans une région ou une zone. Les membres du conseil de ce groupe de coordination déterminent les besoins les plus importants. Est-ce que ce mode de financement est meilleur à votre avis que le mode vertical? Avez-vous examiné les effets de ces deux modes, le mode vertical et le mode de financement d'un groupe de coordination? Dr Alexander: Personnellement, je n'ai pas vu d'études d'évaluation. Je crois que quand le système de soins de santé du Québec a été réformé il y a quelques années à la suite des travaux de la commission Castonguay-Nepveu, c'est l'une des orientations qui ont été suivies avec la création des commissions régionales. Ce modèle a l'air bon, en tout cas sur le papier. C'est un modèle à fondement démocratique qui donne aux communautés la responsabilité de répartir les ressources et de les axer sur l'état de santé et en même temps d'améliorer l'état de santé grâce au financement. C'est un modèle qui mérite d'être étudié. Il faudrait élaborer pour cela un protocole d'évaluation. Les autres modèles sont beaucoup plus traditionnels. Ceci renvoie au commentaire formulé dans votre document où vous parlez de structurer le financement des soins de santé en fonction de la santé de la population. Nous savons que la composante services de santé n'est pas la seule qui contribue à améliorer la santé de la population. Je crois que c'est dans cette direction que vous vous orientez. Le sénateur Robertson: Le sénateur Morin pourra peut-être nous aider à obtenir des renseignements à ce sujet. Je sais qu'on a essayé cette démarche dans d'autres secteurs de compétences, et qu'il y a peut-être des modèles. Je ne sais pas si ces tentatives ont été des réussites. J'aimerais maintenant élargir un peu le champ. Si vous n'avez rien sur ce sujet, peut-être pourriez-vous nous dire où faire des recherches. Docteur Alexander, vous avez dit que vous aviez un département de recherche. Les chercheurs de ce département connaissent-ils un pays où l'on intègre toutes les composantes du système de soins de santé et les prestations pour personnes âgées? J'ai regardé des témoins assez avancés un soir. Je crois qu'ils étaient de Singapour. Leurs prestations de vieillesse sont intégrées aux autres prestations de santé. J'ai eu l'impression que cela pourrait être une piste intéressante pour nous. Avez-vous connaissance de ce genre de choses? Dr Alexander: Personnellement non, mais je me ferais un plaisir de vérifier pour vous. Le sénateur Robertson: Il y a d'autres pays aussi, mais c'est Singapour qui me vient à l'esprit. Mme Henningsen: J'aurais peut-être une piste pour vous. Récemment, j'ai présenté un exposé lors d'une conférence à Budapest, en Hongrie. Là-bas, j'ai rencontré un collègue allemand qui m'a décrit un mode de financement intéressant où il y a une forme d'assurance pour les soins infirmiers, les prestations de vieillesse, l'assurance-chômage et l'indemnisation des accidents du travail. Tout cela est couvert par l'assurance. Je ne veux pas entrer dans le détail car je ne connais pas bien cette situation, mais je pourrais vous envoyer les documents. Le sénateur Robertson: Je crois qu'il y a un régime assez semblable en Autriche. Il se passe beaucoup de choses dans les autres pays. D'après ce que nous ont dit les témoins jusqu'à présent, il semble que dans l'ensemble notre système de prestations de soins soit dépassé. Il est temps de faire un sérieux ménage là-dedans et de revoir la prestation des services. Je vous remercie pour vos excellents exposés. Le sénateur Cordy: Ma question vient prolonger celle du sénateur LeBreton au sujet des malentendus dans le public sur la question des soins à domicile. Docteur Alexander, vous avez parlé de l'aspect financier de ces soins. Il y a un autre malentendu à ce sujet: bien des gens pensent que quand quelqu'un sort de l'hôpital, il va pouvoir avoir des soins à domicile, sinon à plein temps, du moins une bonne partie du temps. Ils sont désemparés quand ils s'aperçoivent que le soignant à domicile ne vient qu'une heure par jour ou peut-être même seulement trois fois par semaine. Soudain, c'est un dilemme pour la famille, car souvent ces situations se présentent brutalement. Dans bien des cas, les gens n'ont pas le temps de se préparer. Docteur Alexander, l'une de vos recommandations est que le gouvernement fédéral débloque des fonds pour les soins de relève. Toutefois, nous avons accueilli ici le Dr Armstrong, des Centres d'excellence des femmes en matière de soins de santé. Elle nous a dit que la plupart du temps, les soignants à domicile étaient des femmes. Dans certains cas, elles choisissent d'être la personne soignante; dans d'autres cas, c'est une responsabilité qui s'impose à elles. Les soins de relève ne suffisent pas; il faut fournir une aide à la famille. Parfois, les gens qui ont besoin de cette aide sont des gens qui sont confrontés à des attitudes agressives ou qui ont du mal à surmonter la situation. Avez-vous envisagez ce genre de choses quand vous avez examiné la question des soins de relève, ou cette recommandation particulière? Dr Alexander: Tout à fait. Merci pour cette question. Je ferais une distinction entre les «soins de relève», qui sont un service qu'on fournit généralement, ou qu'on fournissait traditionnellement à la personne malade et le «répit», qui est une forme de pause permettant au soignant de se reposer. Mes commentaires porteront sur ce deuxième type de relève. L'étude que nous avons entreprise en 1998 et terminée a fait date. Nous avons constaté en parcourant le pays qu'il y avait très peu de programmes de soins à domicile axés sur les besoins du soignant à domicile ou de la personne qui allait sur place au domicile du patient pour s'occuper de lui. Dans bien des cas, nous ne savions vraiment pas comment apporter une aide satisfaisante à ces personnes. L'un des apports de cette étude a été de suggérer diverses manières de répondre de façon plus appropriée aux besoins de ces personnes. Encore une fois, ce ne sont pas nécessairement des stratégies très coûteuses s'il s'agit simplement de permettre à ces personnes de faire une pause ou d'avoir un peu de temps libre. Je me ferais un plaisir de vous communiquer notre rapport qui décrit tout cela de façon très détaillée. Le président: Docteur Alexander, dans votre document vous mentionnez des idées d'utilisation du système fiscal comme stimulant. Avez-vous des propositions concrètes à cet égard? Si oui, je serais heureux de les examiner. Dr Alexander: J'aimerais bien que nous ayons des propositions concrètes. Je regrette de vous dire que nous n'en avons pas. Manifestement, nous estimons que c'est un domaine qui mérite d'être creusé. Le président: Ma deuxième question découle de vos réponses aux sénateurs Morin et Graham. Le sénateur Morin a dit qu'il était difficile, voire impossible, de faire passer politiquement un programme national. Le sénateur Graham a parlé des moyens de financement. Par exemple, la façon dont les gens paient s'ils sont dans une maison de soins ou un établissement de soins de longue durée, en ce sens qu'ils paient plus ou moins en fonction de leurs moyens. En outre, vous avez parlé tous les trois des principes de la Loi canadienne sur la santé. J'aimerais savoir si vous êtes vraiment convaincus des principes de cette loi. Le genre de programme qui fonctionne dans les maisons de soins, où l'on paye en fonction de ses moyens, ne correspond pas aux principes de la Loi canadienne sur la santé, ce qui ne signifie d'ailleurs pas que ce soit un mauvais programme. Comment réagissez-vous à l'idée d'un programme de soins à domicile où la personne paierait de la même façon que dans un établissement de soins de longue durée, c'est-à-dire en fonction de ses ressources? Quelle est votre réaction à l'idée du sénateur Graham d'étendre ce principe aux soins à domicile, et de sortir ainsi des principes de la Loi canadienne sur la santé? S'il est si difficile de faire accepter l'idée d'un programme national de soins à domicile, pourrait-on définir les paramètres d'un programme ciblant - initialement du moins - uniquement les soins palliatifs? Politiquement, il est beaucoup plus facile de faire accepter un programme national de soins palliatifs que de faire passer l'idée d'un programme complet de soins à domicile, qui sont difficiles à fournir à la population. Peut-on savoir quand les soins à domicile respectent vraiment les critères des soins palliatifs? Ce sont deux idées, et j'aimerais bien avoir votre réaction à tous les trois à cette suggestion. Dr Alexander: Reprendre pour les soins à domicile le modèle des soins de longue durée, je ne pense pas que cela nous mènerait bien loin. On créerait encore un obstacle aux soins. Les études ont montré, les unes après les autres, que quand les gens s'aperçoivent qu'ils doivent payer les soins, ils ont tendance à ne pas y recourir. Nous ne voudrions surtout pas dissuader nos concitoyens d'essayer d'obtenir des soins au moment où ils sont le plus vulnérables dans leur existence. La deuxième question concerne le niveau de soins dont ils ont besoin. S'ils font un calcul mental et décident qu'ils n'ont pas nécessairement les moyens de se payer ces soins, il y a alors une sorte d'autosélection. Nous créons des obstacles aux soins au lieu d'encourager les gens à obtenir les soins dont ils ont besoin. Personnellement, je ne pense pas qu'on réglerait beaucoup de problèmes en transposant dans le système des soins à domicile la démarche à deux vitesses des soins de longue durée. Je ne connais pas la dynamique politique des soins palliatifs. Je crois que les provinces ont du mal à accepter toute forme de financement ciblée. La question porterait sur les niveaux de financement, la portée du financement et l'intrusion fédérale, en quelque sorte, dans le champ de compétence. La dynamique est la même. Quant à savoir si les provinces trouveront cela plus pratique, je l'ignore. Il est certain que les soins palliatifs touchent une corde sensible et qu'il y a à cet égard un besoin très fort au Canada. C'est peut-être le point d'entrée au niveau provincial, mais pour l'instant c'est encore discutable. Personnellement, je préférerais que cela s'inscrive dans le cadre d'un programme complet. Le président: Nous le préférerions tous. S'il n'est pas possible d'avoir un programme complet, quelle devrait être la première étape? Les soins palliatifs pourraient-ils être une première étape raisonnable? Le sénateur Morin: Ce n'est pas la partie la plus coûteuse des soins à domicile. Ce qui coûte le plus cher, c'est ce qu'on appelle les soins actifs. Le sénateur Robertson: Mais si l'on commençait par un seul volet, est-ce qu'on n'appliquerait pas le principe du cloisonnement? Le président: C'est pour cela que je pose la question. Je n'y avais pas réfléchi avant aujourd'hui. Madame Henningsen, vous avez des commentaires? Mme Henningsen: Pour ce qui est du paiement des services de soins à domicile, l'Association canadienne de soins et services à domicile n'est pas trop à cheval sur le respect de la Loi canadienne sur la santé. Nous estimons qu'il faut partager la responsabilité des soins à domicile et de proximité. À notre avis, si on éduque le public et si l'on planifie les besoins de soins à domicile, on permettra aux Canadiens de bénéficier de services à domicile. Je vais vous donner un exemple. Il y a actuellement des programmes qui sont couverts par une assurance pour soins de longue durée. Nous savons très bien que nous vieillissons tous. Nous savons aussi que nous préférons rester chez nous et que nous ne voulons pas être placés dans un établissement. Il vaudrait mieux donc commencer à préparer cela tout de suite. Nous recommandons un partage de la responsabilité. Il y a un modèle au Manitoba dans lequel on autorise les programmes de soins à domicile à dépenser pour ces soins à domicile un montant qui peut aller jusqu'à l'équivalent de ce que coûterait le placement du patient dans un établissement de soins de longue durée. En gros, on considère qu'il y a un montant donné pour chaque client, qu'il soit placé dans un établissement de soins de longue durée ou qu'il reçoive des soins à domicile. Si nous sommes mieux à même de déterminer combien coûte une personne placée dans un établissement de soins de longue durée par opposition à une personne qui reste à la maison, nous pourrons déterminer les paramètres de base des besoins de financement public. Je pense qu'il n'est pas réaliste de vouloir tout financer à l'aide des fonds publics. Les soins de santé sont quelque chose de trop vaste. Il n'est pas question d'augmenter encore nos impôts. Je parle ici de la source de financement. Pour ce qui est des soins palliatifs, comme le disait le Dr Alexander, c'est une question très affective. Ce sont des soins de haute intensité. Du point de vue du système, la référence aux soins actifs est le moyen le plus simple et le plus rapide de déterminer la valeur des soins à domicile, car on peut faire la comparaison avec un lit d'hôpital. On ne veut pas se limiter uniquement aux soins actifs ou aux soins palliatifs. Il n'y aura pas de programme national de soins à domicile, mais il faudrait que nous ayons une base nationale de normes. Que devraient inclure les soins à domicile? Ils devraient inclure les soins au terme de la vie, les soins de longue durée et les soins actifs. On pourra alors parler des services qui devraient être inclus. Nous pourrions proposer cet objectif aux provinces. C'est la cible que nous nous sommes nous-mêmes donnée. Actuellement, chaque province décrit de manière différente les soins à domicile et les soins communautaires. Nous sommes notre propre ennemi puisque nous avons une vision différente de cette notion d'une province à l'autre. Si nous pouvions avoir une définition commune et un objectif commun, nous avancerions. Mme McLeod: Sur la question de la capacité de payer, je suis d'accord avec le Dr Alexander: si ces services sont payants, beaucoup de personnes n'en profiteront pas. La santé continuera à se détériorer. Le patient finira par se retrouver dans un établissement de soins de longue durée ou à l'hôpital. C'est un risque réel. Nous nous soucions plus de la régularité des services. Il devrait y avoir un niveau normalisé de services pour l'ensemble du pays. Ainsi, une intervenante à domicile en Ontario aurait les mêmes qualifications que son homologue à Terre-Neuve ou au Québec. Le président: L'éventail de services et le niveau de formation seraient comparables. Mme McLeod: Ce serait une question très importante. Pour ce qui est de la question du programme de soins palliatifs, il serait très difficile de déterminer à quel moment un individu a besoin de soins palliatifs. Le président: C'est pour cela que j'ai posé ma question. Mme McLeod: Il n'est pas facile d'y répondre. Bien que ce soit une idée intéressante à envisager, je ne suis pas sûre que nous ayons la définition pour l'instant. Le président: Nous avons parlé de soins palliatifs, et je ne savais pas comment on décidait de transférer un malade à un service de soins palliatifs. J'imagine que c'est le médecin qui est juge. Merci à tous d'être venus. Tous ces exposés ont été extraordinaires. Sénateurs, j'ai une déclaration à vous faire et j'aurais besoin d'une petite motion. La petite motion concerne le sous-comité que nous avons constitué il y a quelque temps. Nous devons officiellement nommer cinq membres à ce sous-comité, même s'il est bien entendu que des membres du comité pourront se substituer à d'autres. J'aimerais proposer une motion autorisant les sénateurs LeBreton, Cook, Cordy, Robertson et moi-même à faire partie de ce sous-comité qui pourra gérer ses finances conformément aux articles 32 et 34 de la Loi sur le Sénat. Êtes-vous d'accord? Des voix: D'accord. Le président: Permettez-moi de vous rappeler que la semaine prochaine, le Sénat ne siégera pas, et nous n'aurons donc pas de réunion. Le lundi 28 mai 2001 et les deux lundis suivants, nous aurons des vidéoconférences. Elles commenceront à 9 h du matin à cause du décalage horaire avec l'Europe. Je vous invite donc instamment à être à l'heure. Nos témoins en Europe seront là à l'heure aussi. Ces vidéoconférences auront lieu dans la pièce 257 de l'édifice de l'Est. Nous transmettrons l'information à vos bureaux. Le 30 mai 2001, nous aurons une longue séance car nous avons décidé de faire le tour complet de la question de la santé des Autochtones en une seule séance. Le 31 mai 2001, nous aurons plusieurs groupes de témoins sur la santé en milieu rural. Merci beaucoup d'être venus. La séance est levée.