37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2001 Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 44 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada. Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil. [Traduction] Le président: Chers collègues, nous tenons aujourd'hui notre seule séance sur le gouvernement fédéral et la prestation des services de santé. Comme vous le savez, pour le gouvernement fédéral, la politique en matière de soins de santé est essentiellement une question de politique et non pas de prestation de services. Nous accueillons aujourd'hui des représentants de Santé Canada et d'Affaires indiennes et du Nord Canada, et nous entendrons ensuite des exposés par des représentants de divers groupes autochtones qui bénéficient de ces services de santé. Voilà donc notre programme des trois prochaines heures. Nous accueillons Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, accompagné de ses collaborateurs, et nous accueillons également Mme Chantal Bernier, sous-ministre adjointe, Programmes et politiques socio-économiques aux Affaires indiennes et du Nord Canada. M. Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale des Premières nations et des Inuits, Santé Canada: Je suis accompagné aujourd'hui de Jérôme Berthelette, conseiller spécial en matière de santé des Autochtones à Santé Canada, et de Peter Cooney, directeur général intérimaire des services de santé non assurés, soit le programme d'assurance qui offre des services de santé supplémentaires aux Premières nations et aux Inuits. J'ai remis à la greffière du comité des copies d'un exposé que vous avez peut-être devant vous, en français et en anglais. J'y présente quelques points et je décris en quoi consiste la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. On y donne des précisions sur notre clientèle, les programmes et services que nous fournissons, les défis auxquels nous sommes confrontés ainsi qu'une idée de nos orientations futures. Je vais passer à travers ce document rapidement, mais vous voudrez peut-être suivre ce qui pourrait être utile. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits est l'organisme qui fournit en fait les services de santé sur les réserves et qui prodigue également des soins curatifs dans certaines situations. Nous faisons également la promotion de la santé et nous offrons des services de santé environnementale, d'hygiène publique, en plus de mener des initiatives générales de promotion de la santé en général et de santé de la population. Pour ce qui est de nos objectifs, nous visons l'obtention de meilleurs résultats cliniques pour les Premières nations et les Inuits; un accès à des services de santé de qualité pour ces populations; et un soutien d'une plus grande prise en charge des programmes et des services de santé par les Premières nations et les Inuits. Je vais faire un peu l'historique du service. Le gouvernement fédéral s'intéresse très activement à ce secteur depuis longtemps et participe à la prestation des services de santé aux Premières nations depuis 1904. Nous avons commencé à construire des hôpitaux en 1917. Nous avons embauché nos premières infirmières en 1922. En 1924, toutes les réserves comptaient des médecins travaillant à temps partiel et il y avait des infirmières partout. À la fin des années 80 et au début des années 90, nous avons commencé à encourager les Premières nations à participer à la gestion, au contrôle et à la prestation des services de santé. Aujourd'hui, environ 80 p. 100 des services de santé communautaires sont gérés et offerts par les Premières nations elles-mêmes. Elles reçoivent le financement nécessaire de notre programme fédéral, mais ce sont elles qui offrent les services. [Français] Les gens que nous desservons, une population de 790 000 membres, des Premières nations et des Inuits sont bénéficiaires de l'assurance-maladie supplémentaire pour les médicaments, les soins dentaires, les soins des yeux. Nous servons 389 000 habitants des collectivités ou des réserves où nous donnons un suivi direct. Selon les prévisions, la croissance démographique chez les Premières nations au cours des prochaines dix années sera de 135 000 personnes, soit une augmentation de 2 p. 100 par année. La population autochtone est très jeune, 40 p. 100 ont moins de 20 ans. D'habitude, les Autochtones demeurent dans les petits villages, 77 p. 100 des collectivités ont moins de 1 000 habitants. [Traduction] Si nous comparons le passé au présent, nous constatons que nous avons enregistré des gains importants. Depuis 1979, la mortalité infantile a chuté de moitié, mais demeure tout de même à un taux deux fois supérieur à celui de la population générale. L'espérance de vie dans les Premières nations et chez les Inuits a augmenté de 10 ans au cours de la même période. Nous sommes toujours aux prises avec d'importants problèmes. Les maladies du coeur sont 1,3 fois plus élevées, l'arthrite, deux fois plus élevée et le diabète est quatre fois plus élevé chez les hommes autochtones. Nous sommes toujours aux prises avec d'importants problèmes dans le domaine de la santé mentale et des blessures. Le taux de suicide est six fois plus élevé dans les communautés autochtones; le taux des blessures est trois fois plus élevé et la tuberculose demeure un problème important et difficile à régler puisque les taux sont de huit à dix fois supérieurs à ce qu'on trouve dans la population générale. La Commission royale sur les peuples autochtones a souligné que malgré des améliorations considérables, l'écart entre les Autochtones et les non-Autochtones demeure extrêmement grand au niveau de la santé et du bien-être. Nous consacrons environ 1,3 milliard de dollars par année à nos programmes et services, dont des services de traitement de première ligne dans 198 collectivités. C'est dans les collectivités isolées ou semi-isolées que le gouvernement fédéral offre des services de santé. Nous avons des infirmières sur place; nous avons des cliniques et nous offrons des soins d'urgence ainsi que des soins infirmiers et des soins de santé quotidiens aux populations de ces collectivités. Nous offrons des services de santé publique dans environ 435 collectivités. Nous offrons des programmes de prévention et de promotion tels que le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, des programmes de prévention des maladies chroniques et des maladies infectieuses dans plus de 700 collectivités. Nous avons également un programme d'envergure de lutte contre les toxicomanies dans le cadre duquel nous finançons 64 centres de traitement et des travailleurs en toxicomanie dans les collectivités autochtones. Le programme d'assurance-maladie que nous offrons est le plus important en la matière au niveau fédéral. C'est un des programmes d'assurance-maladie les plus importants au pays. Il s'agit d'un programme d'assurance-maladie complémentaire qui couvre les médicaments, les soins dentaires, les soins de la vue et l'accès aux services médicaux de 690 000 personnes. J'ai donné à la greffière du comité une carte détaillée des collectivités que nous desservons. Nous nous trouvons dans de nombreuses localités au Canada; nous n'offrons pas de services directement dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, mais nous avons conclu des ententes avec ces deux gouvernements territoriaux afin qu'ils gèrent les services pour notre compte. Nous avons transféré ces responsabilités aux gouvernements territoriaux dans le cadre du transfert général des responsabilités en matière de soins de santé. De plus, nous offrons essentiellement des services d'un bout à l'autre du pays. J'ai inclus un tableau qui donne une idée du genre d'établissements que nous avons. Nous exploitons toujours quatre petits hôpitaux, mais nous tentons d'abandonner ce genre de service. Nous avons 77 postes de soins infirmiers, 217 centres de soins de santé et plusieurs autres installations. Sur un budget de 1,3 milliard de dollars, environ la moitié est consacrée aux services de santé non assurés, un programme d'assurance qui paie les médicaments, les soins de la vue, et cetera. L'autre moitié de cette somme est consacrée aux services de santé communautaire, ce qui inclut les services curatifs et la promotion de la santé. En ce qui concerne les dépenses liées aux services de santé publique, ce sont les transferts des responsabilités aux Premières nations qui en forment la plus grande partie. Le reste est divisé également entre les soins primaires, la santé publique et la promotion de la santé. La dépense la plus importante du programme d'assurance vient des médicaments, soit environ 225 millions de dollars par année. Ensuite, il y a le transport, qui devient de plus en plus notre responsabilité. Nous avons pour objectif de fournir le service ou de s'assurer que les Autochtones dans les réserves peuvent avoir accès aux services. Parce que les provinces ont d'une façon générale centralisé les services dans les plus grands centres, nos coûts de transport augmentent, car nous fournissons le transport à ceux qui habitent, par exemple, dans le nord du Manitoba pour qu'ils puissent se rendre à Winnipeg recevoir des services de soins de santé secondaires ou tertiaires. Les services de santé non assurés défraient le coût des médicaments, des services dentaires, du transport médical, des soins de la vue et des soins de santé. Vous pouvez voir qu'il y a croissance. Nous enregistrons une croissance importante de la population que nous assurons et des coûts assurés. J'aimerais mentionner quatre initiatives que nous avons récemment lancées. Il y a le système d'information sur la santé des Premières nations et des Inuits. Le gouvernement a lancé la mise au point d'un système d'information qui donne accès à une information beaucoup plus précise sur les services que nous offrons, l'efficacité de ces services et le niveau de santé dans les collectivités. Il s'agit d'un programme qui sera mis en place progressivement et il reste encore beaucoup de travail à faire à ce chapitre. Le gouvernement a maintenant mis en place un programme de soins à domicile et en milieu communautaire à l'intention des Autochtones sur les réserves. L'an dernier, ce budget était de 45 millions de dollars, mais cette année, il a doublé à 90 millions de dollars. Une autre initiative importante récente est celle sur le diabète chez les Autochtones. Nous consacrons environ 11 millions de dollars par année à cette initiative qui vise à la fois à améliorer les services aux diabétiques et à financer des services de prévention primaire et de promotion afin d'éviter la croissance du diabète dans cette population. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones des réserves est un autre programme mis en place récemment par le gouvernement. Il s'agit d'un vaste programme de prévention. Si on peut offrir de l'aide aux enfants en bas âge, ils en retireront des avantages importants sur les plans social et de la santé pendant toute leur vie. Nous travaillons en collaboration avec les provinces et les territoires puisque nos services doivent s'intégrer aux leurs. Ce sont les provinces et les territoires qui offrent les services d'hôpitaux et de médecins, mais nous intervenons à divers niveaux. Notre programme est très décentralisé, comme vous le savez, vu la nature même du système de services de santé au Canada. Les Autochtones qui vivent dans les réserves ont droit aux services assurés fournis par les provinces. Par conséquent, les médecins qui se rendent dans les centres que nous exploitons sont en général rémunérés pour leurs services selon le barème provincial d'honoraires. Nous éprouvons de la difficulté à inciter les médecins à se rendre dans ces localités. Dans de nombreux cas, nous prenons des dispositions pour défrayer leurs coûts de transport, ou nous leur garantissons un certain montant pour qu'ils se rendent dans les localités et nous comblons tout simplement la différence, déduction faite de la tarification provinciale. Nous faisons face aux mêmes défis que le reste du système de soins de santé: une pénurie de médecins et d'infirmières et infirmiers. La plupart de nos collectivités sont isolées. C'est un grand défi que de garder et d'attirer des médecins et des infirmières et infirmiers pour y travailler. Le coût des médicaments, de la technologie médicale, du transport augmente considérablement. Il devient difficile d'obtenir certains services spécialisés. L'incidence des maladies, tel le diabète, augmente, ce qui entraîne la nécessité de soins tertiaires et parfois un accès difficile. Manifestement, nous devons mieux coordonner ces services avec les provinces. La santé est liée à la situation sociale et économique dans les localités. Nous travaillons à changer ces conditions qui prévalent depuis longtemps, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. Je vais terminer, monsieur le président, en disant que les premiers ministres ont signé l'automne dernier l'entente sur la santé. Cette entente établit trois grands objectifs: préserver, protéger et améliorer l'état de santé de la population canadienne; assurer un accès en temps opportun aux services; et assurer la viabilité à long terme du système de santé. Cette entente repose sur plusieurs éléments et objectifs sous-jacents. Elle régit les services que le gouvernement fédéral offre aux Premières nations et aux Inuits et détermine en fait notre orientation future. Le ministre a déclaré au cours de réunions avec les ministres provinciaux de la santé et les dirigeants des Premières nations et des Inuits que nous sommes en train de renouveler le système. Nous avons mis en place des structures afin de favoriser des discussions sur la façon de mettre en oeuvre les dispositions de l'entente sur la santé d'une manière qui respecte l'esprit de collaboration et de collégialité qui doit régner lorsque nous travaillons avec les provinces, les territoires, les Premières nations et les Inuits. [Français] Mme Chantal Bernier, Direction générale des Premières nations et des Inuits: Monsieur le président, je suis accompagnée par Mme Terry Harrison à ma droite. Mme Harrison est directrice à la Direction générale des programmes sociaux et des politiques sociales dans le secteur que je dirige, le Secteur des politiques et programmes socio-économiques aux Affaires indiennes et du Nord. Selon sa loi habilitante, le ministère des Affaires indiennes et du Nord est responsable de toutes questions relatives aux Indiens et aux Inuits du Nord canadien, sauf les questions spécifiquement assignées à un autre ministère. La santé est justement une de ces questions. Cependant, si mon ministère n'est pas directement responsable de la santé des Premières nations et des Inuits, nous sommes responsables d'autres questions qui affectent la santé des Autochtones, notamment la qualité de l'eau, le logement, la sécurité du revenu, les services aux enfants et aux familles, l'éducation et le développement économique. J'aimerais vous décrire notre intervention dans chacun de ces domaines. D'abord, la qualité de l'eau. Les événements récents nous ont rappelé l'importance de la qualité de l'eau pour la santé. Le ministère est responsable de l'infrastructure et de la formation des opérateurs d'usines de traitement d'eau. Depuis plusieurs années, nous avons accru nos efforts en ce sens par des réallocations budgétaires internes en faveur de l'amélioration des installations. Dernièrement, nous avons encore intensifié nos efforts en augmentant les ressources aux programmes de formation pour toucher un plus grand nombre d'opérateurs en procédant à l'évaluation détaillée de l'état des usines de traitement d'eau pour établir exactement les besoins relatifs à l'infrastructure. Nous sommes sur le point de mettre en 9uvre une campagne d'information dans les collectivités pour assurer la meilleure gestion possible collective et individuelle de la gestion du traitement de l'eau. [Traduction] La qualité du logement, particulièrement en ce qui concerne la moisissure et le surpeuplement, a manifestement une incidence sur la santé. Le programme de logement offre un soutien nécessaire aux Premières nations et aux personnes qui vivent dans les réserves, leur permettant d'avoir accès à un logement sécuritaire et abordable. Nous savons qu'il faut rénover les logements insalubres, construire de nouveaux logements, réduire le surpeuplement et loger les nouvelles familles, tout en tentant de remédier à des problèmes liés à la santé et à la sécurité tels que la contamination par la moisissure. En juillet 1996, le gouvernement a annoncé une nouvelle politique fédérale du logement dans les réserves qui constituait un changement marqué par rapport à l'approche précédente. Aux termes du cadre stratégique de 1996, les Premières nations ont plus de souplesse quant à l'utilisation des fonds. Cela leur permet de mettre en place de bonnes structures de gouvernance du logement et de répondre plus efficacement aux besoins de leurs collectivités. Nous enregistrons des progrès dans les conditions du logement. Au cours des cinq dernières années, le nombre total de logements dans les réserves a augmenté de plus 13 p. 100, passant d'environ 78 000 unités à environ 88 000. Au cours de la même période, le pourcentage de logements adéquats a également augmenté, passant d'environ 50 p. 100 des logements à 57 p. 100 des logements. [Français] Passons maintenant à la sécurité du revenu. Le taux moyen de dépendance à l'égard de l'aide sociale dans les communautés autochtones était, en 1999-2000, de 37,5 p. 100. Suite à la réforme de la Sécurité du revenu, nous travaillons conjointement avec les Premières nations à l'élaboration d'un nouveau cadre stratégique pour l'aide sociale afin d'en faire un instrument qui favorise l'autonomie, qui aide à la transition pour passer de l'aide sociale au marché du travail, contribuant par le fait même à améliorer le bien-être individuel et collectif. En général, les services sociaux contribuent à un bon état de santé, et notre ministère fournit un éventail des services sociaux sur les réserves. Par exemple, nos services de soins aux adultes aident les personnes agées et les adultes souffrant d'un handicap qui résident sur les réserves. Ces services incluent l'aide ménagère, afin d'appuyer les personnes dans leur vie quotidienne, ainsi que des services en résidence où sont fournis des soins limités. Ces services complètent ceux de Santé Canada et font partie d'une continuité de soins que nous sommes à développer. D'autres services sociaux incluent l'aide aux enfants et aux familles, des refuges pour les victimes de violence familiale et une variété de programmes pour enfants comme la composante autochtone de la prestation nationale pour les enfants. [Traduction] En ce qui concerne l'éducation, il existe un lien bien établi entre l'éducation et la santé. En moyenne, les Autochtones sont moins scolarisés que les non-Autochtones. Le pourcentage d'Autochtones adultes qui n'ont pas terminé leur neuvième année est considérablement supérieur à celui des adultes non-autochtones. Le MAINC finance l'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire et soutient toute une gamme de stratégies d'emploi à l'intention des jeunes. Cette programmation contribue à améliorer la participation au marché du travail et les résultats sur le plan professionnel, ce qui atténue la pauvreté et améliore la santé dans ces collectivités. [Français] L'an dernier, avec l'aide du rapport du vérificateur général sur l'éducation des Premières nations, nous avons intensifié nos efforts en ce sens. Avec les Premières nations, nous avons cerné des domaines prioritaires d'intervention comme la mise sur pied d'un programme d'éducation spécial; ce qui est particulièrement nécessaire pour les Premières nations considérant le taux élevé d'enfants qui naissent avec des handicaps physiques ou mentaux. Nous avons également cerné comme priorité le transfert de compétence sur l'éducation aux Premières nations, l'amélioration de l'infrastructure technologique étant également essentielle. [Traduction] Enfin, il y a le développement économique qui va de concert avec le développement social. Les deux créent des conditions qui favorisent la santé des personnes et des collectivités. Le développement économique est l'un des éléments essentiels pour lutter contre toute la gamme de conditions dans les réserves de façon durable et pour donner l'espoir qui est essentiel au bien-être mental. Il nous faut mettre en place une fondation solide qui nous permettra de tirer le maximum de nos investissements dans le développement économique. Par conséquent, puisque le développement économique améliore les conditions favorables à la santé, il faut des personnes en santé pour augmenter l'activité économique. Par conséquent, la stratégie du gouvernement doit être holistique et chercher à aider les Premières nations à tirer le profit des possibilités économiques en mettant l'accent sur les aspects suivants. [Français] D'abord, dans le domaine du capital humain, le vérificateur général a fait remarquer dans son rapport sur l'éducation, que les retards à ce chapitre ont un lien direct avec l'emploi, le revenu, le bien-être et l'autosuffisance économique. Il nous faut continuer à mettre l'accent sur le développement de la première enfance et sur une bonne instruction de base et assurer une formation professionnelle ciblée afin d'en obtenir les avantages. L'exercice des pouvoirs maintenant: des recherches ont démontré que l'exercice réel des pouvoirs par les Premières nations aide à établir des communautés et des économies solides en créant un climat qui encourage et soutient, évidemment, l'investissement et la création d'entreprises. Notre ministère 9uvre à l'établissement de partenariat qui investiront dans les infrastructures indispensables dans les domaines comme les chemins d'accès, les sources d'énergie, les liens de télécommunications et l'habitation. Cela rendra les règles du jeu plus équitables et permettra aux Premières nations d'avoir plus facilement accès à de nouvelles possibilités. Cette stratégie fournira aux Autochtones et à leur collectivité des outils leur permettant de participer plus efficacement à l'économie canadienne et à trouver des solutions aux situations décrites dans le rapport du vérificateur général, c'est-à-dire le retard socio-économique lié à l'éducation. Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions. Si jamais vous me demandez des données que je n'ai pas avec moi, il me fera plaisir de vous les faire parvenir ultérieurement. [Traduction] Le président: Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais vous poser quelques questions de fait. Je vais commencer par M. Potter. Votre terminologie me laisse un peu perplexe. À la diapositive 18, vous parlez de compléter les régimes provinciaux ou les régimes assurés par un tiers. Si un Autochtone vit dans une réserve, le coût entier du service est défrayé par le gouvernement fédéral même si le service peut être donné de la même façon qu'à un autre citoyen de la province. Cela signifie que vous remboursez la province. Est-ce bien cela? M. Potter: Les services assurés aux termes de la Loi canadienne sur la santé, tels que les services dans les hôpitaux et chez le médecin, sont offerts et payés par les gouvernements provinciaux. Le président: Ce que vous appelez les services aux termes de la Loi canadienne sur la santé, je préfère les appeler les hôpitaux et les médecins, car les gens pensent que les services assurés aux termes de la Loi canadienne sur la santé sont beaucoup plus exhaustifs qu'ils ne le sont. Toutefois, aux termes de la Loi canadienne sur la santé, les résidents autochtones d'une province sont traités de la même façon que tous les autres résidents de la province, qu'ils vivent dans une réserve ou non? M. Potter: En principe, c'est exact. Le président: Je m'inquiète toujours lorsqu'on dit «en principe». M. Potter: Un résident autochtone d'une réserve située dans la partie sud de la province, près d'une ville, a accès essentiellement aux services provinciaux - médecins, services cliniques et hospitaliers. C'est différent toutefois pour les résidents d'une localité isolée du grand nord de la province où il n'y a pas de services réguliers de transport. Le président: Prenons comme exemple la circonscription de Peace River. M. Potter: Dans un tel cas, bien qu'en théorie les services sont assurés et disponibles, ils ne le sont qu'avec l'intervention et le financement du gouvernement fédéral. Dans ces localités isolées, le gouvernement fédéral s'assure qu'il y a des infirmières sur place. Nous rémunérons ces infirmières; il s'agit d'infirmières praticiennes. Ces infirmières fournissent les soins primaires de base et les soins d'urgence, financés par le gouvernement fédéral. Le président: Ces services sont financés directement par le gouvernement fédéral? M. Potter: Directement, oui. Dans ces localités, nous tentons habituellement de prendre des dispositions pour qu'il y ait des services de médecin. En général, un médecin se présente à la clinique peut-être une fois ou deux par semaine, ou une fois à tous les 15 jours. Ces services sont rémunérés à l'acte. Le régime provincial d'assurance-maladie est facturé pour ces services. En général, ce n'est pas assez payant pour assurer le service. Nous concluons donc des contrats. Dans le nord de l'Ontario, nous avons un contrat avec l'université McMaster qui fournit des services de médecin dans les collectivités. Nous payons McMaster, selon le contrat, et ensuite nous présentons une demande au gouvernement provincial pour les honoraires à l'acte que les médecins ont touchés. En général, cela ne représente qu'une petite partie du coût global. Le président: J'ai une autre question de fait, au sujet des services non assurés que vous avez décrits. Lorsque vous dites non assurés, c'est au sens où il ne s'agit pas de services hospitaliers ou de services de médecin qui sont assurés par la Loi canadienne sur la santé. À la diapositive 18, vous mentionnez les médicaments, les services dentaires, le transport médical, les soins de la vue, et cetera. Dans votre commentaire, vous avez laissé entendre qu'il s'agit de programmes de soins de santé complémentaires. Vous avez dit à un moment quelconque qu'il y avait des «cotisations». Ai-je raison de croire que les bénéficiaires de ces programmes versent des cotisations? M. Potter: Non. Je m'excuse si je vous ai induit en erreur. Le président: J'ai peut-être mal compris. M. Potter: Dans le cadre du programme, nous versons les cotisations de résidents autochtones qui vivent dans des provinces où il faut cotiser au régime d'assurance-maladie. Je parle de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Nous versons les cotisations à la province. Le service est fourni. Ce service couvre les médicaments, les soins dentaires, les soins de santé et les soins de la vue. C'est semblable à l'assurance offerte par un employeur. Le président: Quand vous dites que vous fournissez le service, qu'entendez-vous au juste? M. Potter: Nous assurons ces soins et nous concluons des contrats avec des fournisseurs. Nous fonctionnons comme une compagnie d'assurance ordinaire, privée. Le président: Pourquoi? Pourquoi ne pas donner cela en sous-traitance? M. Potter: En fait, dans l'ensemble, l'administration est donnée à contrat, mais le gouvernement gère les règlements et les politiques. Nous le faisons notamment parce que la plupart des assureurs privés gèrent leurs programmes en se fondant sur un pourcentage des primes ou des dépenses, ce qui n'incite pas toujours à examiner attentivement les coûts. Dans cette situation, les assurés ne cotisent pas. En d'autres termes, le gouvernement fédéral verse la cotisation des Autochtones et des Inuits. Vu cette situation, les assurés n'ont pas les mêmes raisons qu'un assureur privé d'empêcher les cotisations d'augmenter. Compte tenu que nous sommes l'unique payeur, que nous payons tous les coûts sans qu'il n'y ait de cotisations ou de quotes-parts de l'assuré, nous gérons les coûts et l'efficacité du programme. Le président: Je ne vais pas contester ce que vous dites, mais j'aimerais faire une remarque. En ce qui concerne les employés du gouvernement fédéral, ou quiconque cotisant à un régime d'assurance d'un employeur, si l'on suit votre logique, on pourrait croire que le fait qu'ils versent une cotisation influe sur leur comportement. Au cours de toutes mes années sur le marché du travail, et j'ai été assujetti à de nombreux régimes différents, je ne connais pas d'employés qui, assurés par un régime d'employeur, aient modifié leur comportement parce que tout abus pouvait entraîner une augmentation des taux. Je veux m'assurer que je comprends bien ce que vous essayez de faire valoir. M. Potter: Je ne voulais pas dire qu'il y avait abus. Il s'agit du genre de services que vous fournissez et des politiques sur lesquelles vous fondez le régime. Dans le cadre du régime de la fonction publique, les gens acceptent que certains services dentaires soient plafonnés. Ils font le lien entre ce plafond et la cotisation versée, ce qui n'existe pas dans le programme que nous offrons puisque nous défrayons le coût entier du service. Le président: Madame Bernier, en ce qui concerne l'éducation, par opposition à la santé, le gouvernement fédéral administre les écoles et paie le coût de l'enseignement postsecondaire, n'est-ce pas? Mme Bernier: Nous n'administrons pas toutes les écoles. Il ne reste que quelques écoles administrées par le gouvernement fédéral. Les bandes administrent les écoles. Toutefois, nous payons pour les étudiants qui vivent dans les réserves. Le président: De ce point de vue, la situation est-elle différente de celle des soins de santé puisque vous considérez les résidents des réserves comme s'il s'agissait de résidents d'une municipalité. Sur le plan de l'éducation, que faites-vous pour un Autochtone inscrit qui ne vit pas dans une réserve? Le sénateur Morin: Et la santé. Voilà ma question. Mme Bernier: Notre programme d'éducation est limité uniquement à l'enseignement dans les réserves, à l'exception de l'enseignement postsecondaire parce que les établissements d'enseignement postsecondaire se trouvent hors réserve. Par conséquent, l'étudiant qui vient d'une réserve recevra une aide. Le président: Qu'arrive-t-il s'il s'agit d'un Autochtone inscrit qui vit hors réserve mais qui souhaite faire des études postsecondaires? Mme Bernier: Nous n'offrons pas l'enseignement postsecondaire à tous les étudiants autochtones. De fait, nous débattons de cette question. Le budget est limité, et nous ne pouvons pas financer tous les étudiants. Nous accordons une certaine somme par collectivité; de fait, c'est la collectivité qui donne l'argent aux étudiants qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires, et ce sont des étudiants qui vivent dans les réserves. En ce qui concerne l'enseignement primaire et secondaire des Premières nations, l'enseignement est donné dans la réserve s'il y a une école de bande. Si des enfants vivent près d'une école qui est hors réserve, une école administrée par la province, les enfants vont à cette école et nous remboursons la province. Le président: Vous remboursez la municipalité. Mme Bernier: Nous remboursons l'école. Le président: Il y a paiement. C'est ce que je cherchais à savoir. Le sénateur Morin: Ma question porte sur la responsabilité du gouvernement fédéral en ce qui concerne les Autochtones qui vivent hors réserve. M. Potter: Dans le cadre du programme, environ la moitié de notre budget est consacrée aux services communautaires, et l'autre moitié au service d'assurance. Les services communautaires sont donnés dans la collectivité et comprennent la promotion de la santé, les soins de santé, les soins d'hygiène publique et les services de santé environnementale. Ces services sont donnés dans les réserves. C'est comme un service municipal, un centre de santé public dans la réserve. L'autre moitié du programme, la partie assurée - c'est-à-dire le programme des services de santé non assurés - s'adresse à tous les Indiens inscrits et aux Inuits. Le sénateur Morin: Qu'ils vivent en région urbaine ou dans les réserves? M. Potter: En effet. Le sénateur Morin: Quelle proportion vivrait dans les réserves et quelle proportion en région urbaine? M. Potter: C'est environ moitié moitié. Le sénateur Morin: Ces Indiens urbanisés obtiennent des médicaments payés, qu'ils soient en ville ou ailleurs? M. Potter: Le programme d'assurance est un programme second payeur. Le programme des services de santé non assurés a été établi de façon à ce que l'on aille se faire rembourser ailleurs d'abord et ensuite chez nous. Un Indien inscrit qui travaille en ville et dont l'employeur offre une assurance santé s'adresserait là d'abord. Le sénateur Morin: Qu'en est-il d'un chômeur? M. Potter: À moins que le régime provincial d'aide sociale ne paie, c'est nous qui payons. Le président: Vous êtes le payeur de «dernier recours». M. Potter: Oui. Le président: En ce qui concerne les Inuits, dont vous avez parlé uniquement pour dire que vous financez les deux gouvernements territoriaux directement et que ce sont eux qui offrent le service, en est-il ainsi pour l'éducation comme pour la santé? Mme Bernier: Non, il y a eu dévolution. Nous n'offrons pas de service d'éducation aux Inuits. Nous avons quelques programmes à l'intention des Inuits, mais il y a eu dévolution dans la plupart des cas. Le président: Vous versez des sommes au gouvernement territorial qui lui offre le service? Où vous êtes-vous retirés complètement? Mme Bernier: Cela ne passe pas par notre ministère. Les jeunes Inuits peuvent se prévaloir de certains de nos programmes, mais le programme d'éducation vise les habitants au sud du 60e parallèle. Le président: Au nord du 60e parallèle, vous ne vous occupez pas d'éducation mais de services de santé. Votre rôle est-il différent de celui que vous avez dans le transfert de fonds à une province qui, à son tour, administre un programme de santé? Vous transférez des montants, dans le cas qui nous occupe, au gouvernement territorial. M. Potter: C'est un peu compliqué. Au Yukon, nous assurons les services directs en milieu communautaire. Nous avons récemment signé une entente avec les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut visant le transfert de fonds à ces gouvernements; en retour, ils administrent la majorité des services en milieu communautaire. Nous avons ajouté certains services depuis la signature de cette entente, comme les services destinés aux enfants, et nous participons à des programmes directs et à des services dans le Nord. Nous avons récemment conclu une entente avec les trois gouvernements territoriaux pour appuyer ce que nous appelons «le programme de mieux-être pour le Nord» qui cherche à intégrer nos activités pour que nous puissions agir de façon intégrée. Pour ce qui est des Inuits, les choses ne sont pas aussi simples ou aussi claires puisqu'il n'y a pas de système de réserve. Les communautés ne sont pas des réserves et ne sont donc pas sur le territoire domanial. Nous concluons des ententes avec les Inuits directement ou par l'entremise du gouvernement territorial. Le président: En fonction d'un dénombrement de la population? M. Potter: En fonction de la population. Il existe une formule qui représente un calcul à peu près par habitant. Le sénateur Callbeck: Madame Bernier, je voulais vous parler d'un commentaire qui figure à la page 4. L'autre jour je parlais à un Métis, une personne que je jugeais assez bien renseignée, qui m'a dit que le gouvernement fédéral n'avait aucun programme de santé pour les aînés autochtones, sur réserves ou à l'extérieur des réserves. Au haut de la page 4 vous parlez des services de soins aux adultes qui aident les personnes âgées et les adultes souffrant de handicaps qui résident sur réserves. Ce programme vient-il d'être mis sur pied ou existe-t-il depuis un bon moment? Mme Bernier: Il y a une distinction entre ce que nous appelons un programme de santé et un programme d'aide sociale. Le MAINC offre une aide sociale, non pas un programme de santé. Parfois la distinction est assez difficile à faire: quand des soins deviennent-ils médicaux ou quand s'agit-il simplement de soins sociaux? C'est là la distinction. Nous offrons une aide sociale mais non médicale. Par exemple, je vous parle dans mes notes des soins à domicile et je signale que nous n'offrons pas des soins de santé à domicile. Nous offrons plutôt des services d'aide ménagère. Le sénateur Callbeck: Cette aide existe-t-elle depuis un bon moment ou s'agit-il là de nouveaux services? Mme Bernier: Je serai heureuse de vous faire parvenir des renseignements quant à la date d'entrée en vigueur du programme. Le sénateur Callbeck: J'aimerais avoir des statistiques sur les services qui relèvent de ce Programme de services de soins aux adultes. Monsieur Potter, voulez-vous ajouter quelque chose? M. Potter: La personne à qui vous parliez a probablement cerné un problème au niveau des services des soins infirmiers sur réserves. Dans l'ensemble, nous n'avons pas vraiment de politiques dans ce domaine. Il y a plusieurs années des choses avaient été faites sans qu'on ait un budget ou même une politique. Les ministres de la Santé et des Affaires inuites ont décrété un moratoire sur certaines activités dans ce secteur et nous essayons actuellement d'élaborer une politique. Nous essayons de composer avec ce problème. Comment répondre aux besoins de soins en établissements des aînés quand vous avez de très petites collectivités? Comme je l'ai dit, 77 p. 100 des collectivités comptent moins de 1 000 habitants. Actuellement, nous encourageons les municipalités à conclure des ententes avec les municipalités voisines ou les provinces afin de trouver des places dans les foyers hors-réserve. Cependant, dans nombre de collectivités, on insiste pour créer des foyers ou des centres de services complémentaires de santé sur réserves, et le problème à ce moment-là devient un problème de taille, de la façon de maintenir ces centres et d'administrer une politique dans ce secteur. La personne à qui vous avez parlé a probablement cerné un problème dont nous sommes conscients et sur lequel les deux ministères se penchent afin de trouver une façon de répondre aux besoins et de mettre sur pied un programme de services. Le sénateur Callbeck: Il existe une pénurie de travailleurs de la santé dans certaines régions; un rapport publié en décembre 1999 révèle que 45 p. 100 - 233 postes de soins infirmiers dans les collectivités isolées du nord - étaient vacants ou comblés de façon temporaire. La situation s'améliore-t-elle? Empire-t-elle? Quelle est la situation? M. Potter: Nous avons adopté des politiques visant à retenir le personnel infirmier que nous avons et à attirer de nouveaux infirmiers et infirmières dans ces collectivités. La situation n'a pas vraiment beaucoup changé. Nous avons mis sur pied des programmes visant à aider les infirmiers et infirmières en formation; nous payons les frais de subsistance et les frais de scolarité pour leur dernière année de formation en échange de services dans nos collectivités. Ce rapport est exact. Environ 45 p. 100 des collectivités du nord n'ont pas un infirmier ou une infirmière en permanence. Cependant, ce n'est pas qu'aucun service n'est offert; nous avons des contrats pour les services, des contrats temporaires. Nous sommes en contact avec des organismes privés qui assurent des services de soins infirmiers. Nous avons trouvé des façons d'alléger le fardeau, mais c'est un problème continu. Il devient de plus en plus difficile d'avoir accès à des infirmiers et infirmières, en raison de leur âge et des possibilités de retraire, et il nous est donc très difficile d'attirer des infirmiers et infirmières dans les collectivités isolées. Nous en sommes conscients, et nous avons jugé que ce secteur méritait une plus grande attention. Je suis actuellement en train de recruter une personne qui occupera le poste d'agent principal des soins infirmiers à la direction; de cette façon, on pourra accorder une beaucoup plus grande attention à ce problème et essayer de créer le genre de programmes nécessaires pour attirer et conserver les services d'infirmiers et d'infirmières dans ces collectivités. Le sénateur Callbeck: Et qu'en est-il du recrutement de travailleurs de la santé autochtones? Prend-on des mesures spéciales en ce sens? M. Potter: Il existe diverses mesures à l'échelle du pays. C'est un secteur où nous offrons une aide limitée, mais il s'agit surtout là d'éducation et de formation, ce qui relève des gouvernements provinciaux. Il existe des programmes spéciaux dans certaines écoles de médecine universitaires où l'on réserve des places pour les Autochtones dans les programmes de soins infirmiers. On m'a dit qu'un des gros problèmes est la nature de ces programmes et leur succès. J'ai rencontré le doyen d'une école de soins infirmiers l'autre jour qui m'a expliqué qu'ils avaient eu un programme, et qu'ils avaient pu intéresser environ 40 personnes. À la fin du programme de deux ans, ils avaient tous abandonné. Il y a de graves problèmes. On m'a dit qu'il n'y a qu'entre 1 000 ou 2 000 infirmiers ou infirmières autochtones au Canada sur un total de 260 000. Je crois que nous n'avons que 100 médecins autochtones sur une possibilité de 50 000 ou 60 000 médecins au Canada. Nous avons identifié ce besoin. Évidemment, il faut accorder plus d'attention au dossier et il faut avoir une plus grande collaboration avec les provinces qui s'occupent des programmes de formation. Le sénateur Roche: Monsieur le président, j'hésite un peu à poser ma question de crainte que les témoins ne pensent que je les accuse de quelque chose. Le sénateur Morin: Nous vous défendrons. Le sénateur Roche: Je suis quelque peu confus. Nous sommes ici cet après-midi, si j'ai bien compris, pour discuter de la santé des Autochtones. Quel est l'état de santé des Autochtones? Le président: Nous sommes ici pour discuter du rôle du gouvernement fédéral à l'égard de la prestation de services de soins de santé aux Autochtones. Le sénateur Roche: J'y viendrai. J'aimerais présenter d'abord un préambule. Le taux de tuberculose est sept fois plus élevé chez les Autochtones que dans la population générale. Le taux de problèmes cardiaques est trois fois plus élevé. Le taux de mortalité infantile est deux fois plus élevé chez les Premières nations que dans le reste du pays. Le taux de suicide est deux à trois fois plus élevé que dans la population en général, et chez les jeunes, de cinq à six fois plus élevé. Le taux d'abus d'alcool et de solvants est chose courante chez les Premières nations et les Inuits. Le nombre de cas de sida est à la hausse. Il y a beaucoup plus de fumeurs chez les Autochtones que dans l'ensemble de la population. L'espérance de vie des Autochtones est moins longue, soit sept ans de moins. Il s'agit là de commentaires très négatifs à faire sur une partie de la population canadienne. J'aurais cru que nos témoins viendraient au comité en colère pour secouer les politiciens dans cette salle et, par le fait même, le système pour se plaindre de cette situation inacceptable. Ce que je viens de dire ne représente rien de nouveau. Ceux qui sont conscients des problèmes des Premières nations et qui sont au courant du rapport de la Commission royale d'enquête qui a été publié il y a deux ou trois ans connaissent bien ces problèmes. Les témoins nous ont donné des documents qui indiquent que les systèmes de santé des Premières nations et des Inuits doivent relever des défis importants, y compris une pénurie de médecins, un coût croissant des médicaments, une infrastructure vieillissante et un besoin plus marqué de services spécialisés. Ce n'est rien en comparaison de l'ampleur et de la gravité du problème. Je sais que nos témoins représentent des ministères. Peut-être mes commentaires devraient-ils être adressés aux politiciens qui ont élaboré les politiques que ces ministères doivent respecter. Cependant, je me demande pourquoi ils ne nous donnent pas les vrais renseignements et ne nous rappellent pas à quel point ce problème est grave. Si les sénateurs membres de ce comité doivent déposer un rapport sur le système de soins de santé au Canada, j'aurais cru que nos témoins nous auraient dit toutes ces choses pour nous rappeler de les mentionner dans notre rapport. Allons-nous simplement ignorer toutes ces choses que j'ai mentionnées et ne parler que des transferts entre les systèmes et des questions de paperasserie? Monsieur le président, ce n'est pas en jouant dans les papiers qu'on pourra régler les problèmes qui sous-tendent le service de soins de santé aux Autochtones. L'entente en matière de santé des premiers ministres fait état de trois grands principes, dont un est de préserver, protéger et améliorer l'état de santé de la population canadienne. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral fait beaucoup pour préserver, protéger et améliorer l'état de santé de la population autochtone. Il faut absolument agir. J'espère que les témoins ne penseront pas que je m'attaquais à eux en faisant ces commentaires. Pas du tout. Je sais qu'ils font leur travail. Cependant, je dois m'élever avec vigueur contre la situation. Si notre comité désire se pencher sérieusement sur la santé des Autochtones, il faut nous attaquer aux problèmes et pas simplement parler de rapport. Le président: Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez dit. J'aimerais cependant préciser que certaines des choses que vous avez dites, sénateur Roche, avaient déjà été mentionnées par les témoins. Cependant, il est clair que votre liste était meilleure et plus détaillée. Monsieur Potter, voulez-vous ajouter quelque chose? M. Potter: Oui, monsieur le président. Tout d'abord, si le comité désire avoir de plus amples renseignements sur l'état de santé des Premières nations et des Inuits en ce qui a trait aux données épidémiologiques, nous serons heureux de vous fournir ces renseignements. Puisqu'il peut s'agir d'un très gros problème, nous ne l'avons pas abordé aujourd'hui parce qu'il aurait fallu trop de temps. De plus, j'espère que notre façon de procéder n'a pas poussé les sénateurs à croire que cette question ne nous tient pas à coeur. Ceux qui travaillent dans ce secteur sont passionnés par la question. Ils sont dévoués. Ils travaillent, sans se soucier de leurs situations personnelles, dans des situations très difficiles. Ils ont à coeur l'état de santé des Premières nations et des Inuits. Je m'excuse si vous jugez que je n'ai pas bien su communiquer cette passion. Tous les jours, pour chaque patient, dans chaque système, on demande des améliorations et du système et de l'état de santé des Premières nations et des Inuits. Enfin, l'amélioration de l'état de santé n'est pas une chose qui peut être assurée exclusivement par des services de soins de santé. Comme ma collègue l'a mentionné, l'éducation est un élément clé si l'on veut améliorer l'état de santé. L'emploi et le climat social dans lequel vivent les gens sont également des facteurs très importants. Tous ces éléments doivent entrer en ligne de compte quand on élabore un système de prestation de services de soins de santé afin d'améliorer la situation. Nous collaborons justement à l'atteinte de cet objectif. Le défi est de taille. Si je n'ai pas su vraiment vous communiquer cette situation, je m'en excuse. Des gens passionnés et dévoués travaillent pour le gouvernement fédéral et ils veulent vraiment améliorer les statistiques que vous nous avez présentées, monsieur le sénateur. Le président: Pour revenir à ce qu'a dit le sénateur Roche, la question de l'état de santé de la communauté autochtone a été abordée par plusieurs témoins et a été mentionnée dans des données sur l'état de santé de divers segments de la population canadienne. Certains membres du comité ont été renversés d'apprendre les données mentionnées par le sénateur Roche. Nous savons que la politique c'est souvent l'art de faire du surplace. De fait, lorsqu'on étudie les relations fédérales-provinciales, on se demande souvent si ce n'est pas vraiment la stratégie que l'on emploie. Et je parle en connaissance de cause parce que j'ai été témoin de relations fédérales-provinciales des deux côtés. Le gouvernement fédéral ne peut blâmer personne d'autre pour cette situation. C'est pourquoi j'ai demandé s'il était vrai que le gouvernement fédéral était chargé de la prestation. Pour être honnête, nous sommes très inquiets du fait qu'une partie de la population canadienne vive dans de telles conditions. Mme Bernier a mentionné qu'il y avait plus de logements améliorés mais elle a également dit - et c'est mon expression - que seulement 57 p. 100 des logements sont jugés adéquats. À titre de Canadien, je juge que c'est inadéquat. Le comité devra se pencher sur cette question et nous devrons vous inviter à nouveau à l'automne lorsque nous rédigerons notre rapport. Nous serons peut-être en mesure d'exercer quelque influence sur le gouvernement fédéral, peut-être même de le provoquer, et de sensibiliser le reste du pays à ce problème. Le sénateur Robertson: J'aimerais tout comme le sénateur Roche signaler que nos commentaires ne visent pas les fonctionnaires. Sans vouloir faire de politique, je suis très gênée quand je parle de déclarations, de livres rouges, et de discours du Trône qui mentionnent ce que le gouvernement va faire pour améliorer les conditions dans lesquelles vivent les Autochtones. Matthew Coon Come a peut-être mieux décrit la situation lorsque le 24 mai 2001 il a parlé d'une catastrophe dans le domaine des droits de la personne, une catastrophe que vivent nos Autochtones. Nous savons tous que le Canada n'est pas le meilleur exemple de la communauté internationale en ce qui a trait au traitement de ses Premières nations. On en a beaucoup parlé. Nous devons nous attaquer à la source de ces problèmes et trouver des solutions. C'est décourageant et gênant d'avoir des Autochtones qui vivent dans de telles conditions, d'avoir des Autochtones qui boivent de l'eau qui peut être dangereuse. Évidemment, cela se produit aussi dans d'autres collectivités de nos jours, mais dans ces autres collectivités, le problème est plus facile à régler. Nous savons que le logement a un impact sur la santé. Nous savons que les circonstances sociales ont un impact sur la santé; si vous vivez dans la pauvreté, vous êtes moins en santé. Ces choses sont indissociables. Ce n'est pas une évaluation vraiment scientifique de la situation. Cependant, nous entendons toujours ces commentaires - que nous allons faire quelque chose. Évidemment, nous ne vous donnons pas les outils nécessaires pour faire ce qu'il veut que vous fassiez. Par «il», j'entends le gouvernement. Je crois que c'est regrettable. Par exemple, qui contrôle la qualité de l'eau que boivent nos Autochtones? Qui est chargé de votre service de santé publique? Je crois que la bonne santé commence par la santé publique. M. Potter: À la direction générale dont je suis chargé, nous avons des responsables de la santé environnementale qui vérifient la salubrité de l'eau dans ces collectivités. Nous avons des systèmes qui assurent une vérification à intervalles réguliers. S'il y a des problèmes, on conseille à la bande de faire bouillir l'eau ou de se servir d'autres sources. Le sénateur Robertson: Vous leur dites de faire bouillir l'eau, mais que faites-vous pour régler le problème qui les force justement à faire bouillir leur eau? M. Potter: Il y a un partage de responsabilités. Du côté santé, nous procédons à des vérifications et nous décidons s'il y a un danger pour la santé. Puis nous disons aux responsables, soit la bande, qui reçoit l'aide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il faut régler le problème. Dans certains cas, ce n'est pas facile. Maniwaki, une communauté qui n'est pas très loin d'ici, doit recevoir son approvisionnement en eau potable en bouteilles parce qu'elle compte sur un système de puits et que l'uranium naturel que contiennent les roches dans cette formation a entraîné une concentration élevée d'isotopes radioactifs dans l'eau. Nous devons donc trouver une façon d'acheminer l'eau à partir d'un endroit éloigné. Actuellement, cette collectivité se sert d'un système d'eau en bouteilles. Le problème est difficile à régler dans de nombreuses petites collectivités ou collectivités isolées. Le sénateur Robertson: Si le problème se produisait dans une collectivité non autochtone, on trouverait une façon de le régler. Le sénateur Morin: J'aimerais parler des indicateurs de santé. Vous ne pourrez peut-être pas me répondre immédiatement, mais je crois que ces indicateurs sont importants. Je suis tout aussi indigné que le sénateur Roche devant cette situation car ces indicateurs sont absolument inacceptables dans un pays comme le Canada. Si 50 p. 100 des Indiens inscrits sont en milieu urbain et 50 p. 100 vivent dans des réserves, y a-t-il une différence entre les indicateurs de santé de ces groupes? Leur espérance de vie est-elle la même? Les autres facteurs sont-ils les mêmes? Le sénateur Gill, du Québec, m'a dit que les indicateurs de santé sont meilleurs au Québec qu'ailleurs. Est-ce vrai? Y a-t-il des différences selon la province quand on parle des indicateurs de santé des Premières nations? Enfin, y a-t-il une différence entre les indicateurs de santé des Autochtones et ceux des collectivités isolées? Par exemple, une étude a été effectuée au Québec et a révélé que les indicateurs de santé étaient très inquiétants dans les collectivités isolées, les collectivités du nord, celles de la région de Gaspé ou les petites collectivités où le taux de chômage est élevé et le niveau de scolarité faible. Une étude effectuée à Montréal révèle que la différence d'espérance de vie entre l'ouest de l'île et l'est de l'île est de 12 ans, différence plus importante que celle qui existe entre les Premières nations et l'ensemble de la population canadienne. Ces indicateurs de santé sont-ils expliqués simplement en fonction de l'éducation, du développement économique et des services offerts aux enfants, ou existe-t-il également un élément associé aux restrictions culturelles? Si ces indicateurs sont semblables pour les collectivités isolées ou les pauvres vivant en région urbaine, nous devrions régler ce problème comme nous réglons les problèmes du reste de la population canadienne. Si les indicateurs de santé sont plus faibles qu'ils le seraient uniquement pour ces raisons, nous devons nous pencher sur des problèmes plus épineux. Je parle des restrictions culturelles. Je suis fort conscient de cet élément. Ce n'est peut-être pas aussi important que les indicateurs de santé. Vous n'avez peut-être pas ces renseignements à la portée de la main, mais vous pouvez sans aucun doute comprendre pourquoi je pose la question. M. Potter: Je pourrais vous fournir des précisions, mais je connais la réponse générale à ces questions. Vous avez posé la question: Existe-t-il une différence entre les indicateurs de santé des résidents de zones urbaines et de ceux qui vivent dans des régions isolées ou rurales. Oui, il existe une différence. Dans l'ensemble, elle existe également pour les Premières nations comme pour les autres Canadiens. Les gens vivant en région urbaine ont tendance à être en meilleure santé que ceux qui vivent en région rurale. L'éducation semble être un facteur: il y a un lien entre l'éducation et l'état de santé. Ainsi, les membres des Premières nations qui ont une meilleure éducation sont habituellement en meilleure santé. Vous avez demandé s'il y avait un aspect culturel à ces différences. C'est une question à laquelle il est un peu plus difficile de répondre. Je crois que vous entendrez ce soir des témoins qui seront peut-être mieux en mesure de répondre que moi. Cela semble avoir un impact sur l'état de santé puisque la santé semble être liée à un sens de contrôle et d'autorité et un sens d'appartenance. Le sénateur Morin: Peut-être n'ai-je pas été clair. Je crois que nous devrions comparer les indicateurs de santé des petites collectivités isolées qui ne sont pas des collectivités autochtones aux indicateurs que l'on retrouve dans les réserves. S'ils sont clairement différents, cela veut dire qu'il y a un élément culturel. La majorité des petites collectivités du Québec sont canadiennes françaises et ne sont pas différentes des communautés urbaines. Je sais qu'il y a une différence. Je sais que la restriction culturelle est une question importante sur laquelle il faut se pencher. J'essaie simplement de déterminer s'il y a un élément culturel associé aux indicateurs de santé faibles que nous retrouvons chez les Premières nations. M. Potter: Je ne connais pas la réponse à la question. Nous pourrions nous pencher sur le dossier pour voir si de fait il y a un lien. Le président: Cela nous serait utile puisque nous voulons passer également à une étude plus générale. Nous communiquerons avec vous plus tard, et nous vous rencontrerons sans aucun doute à nouveau à l'automne. Sénateurs, nous devons maintenant entendre un groupe de six témoins. Je sais que plusieurs personnes aimeraient s'installer à la table. En raison de contraintes de temps et d'espace, nous devons n'entendre qu'une seule personne par groupe. Je sais que tous les témoins de ce groupe ont une déclaration préliminaire à faire. Comme nous voulons pouvoir poser le plus grand nombre de questions possible, je demanderais aux témoins d'être brefs et de faire ressortir en cinq minutes les faits saillants de leur exposé. Notre premier témoin est Elaine Johnston, de l'Assemblée des premières nations. Mme Elaine Johnston, directrice des services de santé, Assemblée des premières nations: Honorables sénateurs, je suis infirmière autorisée de profession. Je suis membre de la Première nation de Serpent River. J'ai travaillé dans de nombreuses collectivités du Nord. La question de la santé des membres des Premières nations m'importe beaucoup parce que j'ai travaillé dans des collectivités affligées par un taux de suicide élevé. J'ai dû moi-même faire face à des cas où des jeunes étaient parvenus à se suicider. À titre d'infirmière, j'ai eu beaucoup de mal à supporter la souffrance des familles de ces jeunes suicidés. Lorsque je parle de la santé, j'en parle avec passion. L'une des premières choses sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention - et je sais que l'un des sénateurs vous a transmis les préoccupations du chef national - est le piètre état de santé des Premières nations. Les programmes et les services manquent dans les collectivités autochtones et le gouvernement n'a pas encore donné suite aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones qui visent à améliorer la situation actuelle. Vous avez devant les yeux, honorables sénateurs, certaines des statistiques qu'on vous a déjà citées. En 1995, l'espérance de vie chez les hommes des Premières nations était de 69 ans et chez les femmes, de 76 ans. Le taux de mortalité est de 1,5 fois plus élevé que dans la population générale. Les principales causes de décès sont les blessures, l'empoisonnement, les accidents de voiture et les suicides. Il existe des collectivités autochtones au pays où le taux de suicide est très élevé. L'incidence du diabète est de deux à trois fois supérieure dans la population autochtone à ce qu'elle est dans la population générale. L'incidence de la tuberculose est 18 fois plus élevée. Quant au sida, son incidence est 11 fois plus élevée dans la population autochtone que dans l'ensemble de la population canadienne. L'«Étude de santé régionale chez les Premières nations et les Inuits» publiée par l'Assemblée des premières nations présente ces statistiques. Nous avons collaboré avec nos collectivités à recueillir les données qui vous ont été soumises. Le défi que nous avons dû relever est d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral pour mener cette enquête dont l'objet est de nous permettre de recueillir l'information nécessaire. Or, le gouvernement n'a pas reconnu notre capacité de recueillir ce genre de renseignement. On a posé la question plus tôt de savoir s'il est possible de comparer les données sur les résidents du Nord aux données sur la population urbaine du Sud. Nous avons tenté de le faire, mais la difficulté c'est que nous n'avons pas obtenu de fonds du gouvernement pour nous permettre de faire ce genre de recherche. Nous nous préoccupons tout particulièrement du lien entre ce piètre état de santé et les conditions de vie qui prévalent dans les collectivités des Premières nations ainsi que les conditions sociales et économiques déplorables dans ces collectivités où les gens vivent en deçà du seuil de pauvreté, s'entassent à plusieurs dans des logements insalubres, sont exposés à de l'eau polluée, où les systèmes d'égout sont inadéquats et où les services professionnels notamment n'existent pas. Quant on parle de santé en général, il faut tenir compte des divers facteurs qui influent sur la santé. Il est intéressant de noter que l'Organisation mondiale de la santé reconnaît qu'un bon état de santé repose sur le maintien de systèmes sociaux, économiques et culturels sains. Inversement, l'exploitation et l'humiliation des sociétés mèneront inévitablement à des problèmes de santé aux niveaux collectif et individuel. Les Premières nations ont connu des années d'oppression et de colonisation; les conséquences de cette situation sont évidentes dans les collectivités et prennent la forme de maladies, de toxicomanies et de luttes pour affirmer le droit inhérent à l'autodétermination. L'amélioration de l'état de santé général des Premières nations passe par l'affirmation de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ainsi que par la revigoration de nos langues et de nos pratiques culturelles. La reconnaissance du droit des Premières nations à l'autonomie gouvernementale est essentielle à la santé des collectivités et des infrastructures. Le colonialisme se reflète cependant encore dans les mentalités et la législation. Si je fais cette remarque, c'est que le ministre des Affaires indiennes a annoncé son intention d'imposer une loi qui dictera encore davantage aux Premières nations comment elles se gouverneront et seront gouvernées. Cette oppression systématique continuera de miner le droit inhérent des Premières nations à l'autodétermination. On peut attribuer le fort taux de décrochage chez les Premières nations au piètre état de santé et aux mauvaises conditions sociales dans lesquels elles vivent. Le quart des membres des Premières nations n'ont pas terminé leur neuvième année et seulement 3 p. 100 d'entre eux possèdent un diplôme universitaire. Plus de la moitié de la population des Premières nations a moins de 25 ans. Le fort taux de décrochage scolaire s'accompagne de taux de chômage élevés et d'une dépendance sur l'aide sociale. Quarante-neuf pour cent des membres des Premières nations d'au moins 15 ans ont un revenu annuel inférieur à 10 000 $ et le revenu annuel moyen des Autochtones s'élève à 17 382 $. Ce faible niveau de revenu a un lien direct avec le mauvais état de santé des Premières nations, les piètres conditions sociales dans lesquelles elles vivent et le taux d'incarcération élevé qui les afflige. Le manque d'estime de soi, qu'on peut attribuer au manque d'éducation, au faible revenu et aux conditions de logement inadéquates qui caractérisent les Premières nations peut être remplacé par la fierté et l'espoir que les Premières nations puissent véritablement se gouverner. La pauvreté, la mauvaise santé, le manque d'éducation, la violence familiale et d'autres problèmes constituent un cercle vicieux. Pour briser ce cycle, il faut adopter une stratégie coordonnée permettant de lutter contre ces problèmes. Il est dans l'intérêt de tout le Canada que les Premières nations adoptent des modèles d'intendance viables qui leur permettront de créer des collectivités en santé. Ce processus permettra aux Premières nations de contribuer de façon valable à l'économie et aux infrastructures canadiennes. Chez les Premières nations, le concept de bien-être englobe les quatre aspects de l'existence humaine. Certaines Premières nations appellent ce concept «cercle d'influences». On estime que le bien-être et l'état de santé optimal sont liés non seulement aux aspects physiques de la santé, mais aussi aux besoins émotifs, mentaux et spirituels de la personne. Il en découle que les Premières nations ont une vue d'ensemble de la santé contrairement au modèle biomédical. Je parle ici à titre d'infirmière dont la formation repose sur le modèle biomédical qui ne tient pas compte de tous les aspects de la santé. Le cercle d'influences reflète le fait que les Premières nations ne voient pas la personne comme un corps seulement. Pour qu'une personne soit en santé ou atteigne l'état de bien-être, il doit exister un équilibre dans les quatre aspects de notre vie. L'attention voulue doit être portée à ces quatre aspects de la personne. Il faut qu'une personne ne soit pas qu'équilibrée mais qu'elle vive aussi en harmonie avec sa collectivité. L'harmonie doit se refléter à tous les niveaux et dans tous les aspects de notre vie. La prévention de la maladie et la promotion de la santé et de modes de vie sains passent par la création de collectivités et de gouvernements en santé. Pour établir dans quelles mesures Santé Canada s'acquitte de ses responsabilités à l'égard des Premières nations et du Parlement, il conviendrait, en collaboration avec les Premières nations, d'évaluer les activités de promotion de la santé et de prévention des maladies mises en oeuvre par le ministère. Des stratégies globales doivent être élaborées en collaboration avec les Premières nations, des stratégies qui accorderont la place voulue aux pratiques culturelles et aux pratiques exemplaires tout en appuyant l'objectif de l'autodétermination des Premières nations. Les Premières nations ont une relation particulière avec la Couronne, c'est-à-dire le gouvernement fédéral. Cette relation se fonde sur des textes et des traités historiques reposant sur l'objectif de la coexistence pacifique. Les Premières nations étaient des nations au moment où ces traités et ces relations ont été établis et elles continuent aujourd'hui d'affermer leur droit à s'autogouverner. Les traités précisent la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations. Les Premières nations soutiennent qu'elles doivent participer à l'élaboration des politiques et des lois qui les visent. Un partenariat respectant la relation historique qui existe entre les Premières nations et la Couronne et reconnaissant le droit inhérent des Premières nations à s'autogouverner donnera aux Premières nations les moyens d'améliorer leur sort et se traduira par des collectivités et des économies en santé. La mise en oeuvre des traités et le règlement des revendications territoriales ont été compromis par le manque de collaboration des gouvernements provinciaux qui eux aussi ont des obligations à l'égard des Premières nations. Les Premières nations soutiennent qu'elles doivent participer à toutes les discussions ainsi qu'à l'élaboration de toutes politiques et lois les visant. Les provinces ne devraient participer au processus que lorsque les Premières nations et le gouvernement fédéral conviennent que c'est nécessaire à la réalisation de l'objectif visé. Le gouvernement fédéral a lancé un processus de transfert des responsabilités, particulièrement dans le domaine de la santé. Ce processus prévoit le transfert des fonds au titre de la santé et des services sociaux aux gouvernements provinciaux qui sont chargés de dispenser des services dans le domaine de la santé, des services sociaux et l'éducation. Le niveau de financement est établi selon une formule fondée sur la population provinciale, laquelle comprend les Premières nations situées dans les limites de la province. Ce processus a été établi sans la participation des Premières nations. Le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus sur le cadre de l'union sociale et ont exclu les dirigeants des Premières nations de ces discussions. Il est impérieux que les dirigeants des Premières nations participent aux discussions sur l'entente cadre sur l'union sociale et sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. À mesure que les Premières nations s'autogouverneront et que leur droit inhérent à l'autodétermination sera reconnu dans la Constitution canadienne, l'entente cadre sur l'union sociale revêtira encore plus d'importance pour les Premières nations puisqu'elles devront négocier avec les gouvernements provinciaux pour obtenir des services de santé. Rien n'incite les provinces à négocier avec les Premières nations; les provinces n'ont pas conclu de traités avec les Premières nations et n'ont pas de responsabilités fiduciaires à leur égard. Voilà pourquoi il est impérieux que le gouvernement fédéral prévoie la participation des Premières nations aux discussions et à l'élaboration des politiques visant le transfert des responsabilités fédérales à l'égard des Premières nations aux provinces. En outre, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada, a participé au transfert administratif des services de santé aux collectivités des Premières nations. Cette initiative qui est supposément liée à la reconnaissance du droit des Autochtones à s'autogouverner n'a pas vraiment permis aux Premières nations d'avoir un véritable droit de regard sur la prestation des services de santé. Il s'agissait essentiellement d'un transfert administratif pour lequel le gouvernement fédéral cherchait à refiler à un autre palier de gouvernement la responsabilité financière de la prestation de services de santé à une population dont le taux de croissance est deux fois celui de l'ensemble de la population canadienne et dont le niveau de santé est comparable aux populations du tiers monde. Les Premières nations qui ont accepté le transfert des responsabilités en matière de services de santé parviennent avec mal à offrir le même niveau de services qu'avant le transfert et font face à des déficits dans le domaine de la santé alors que les services offerts diminuent. En vertu du Programme des services de santé non assurés, les Premières nations ont droit à des services de santé étendus et à des médicaments d'ordonnance. Ce programme a été mis sur pied dans l'objectif de relever le niveau de santé des collectivités des Premières nations pour qu'il se compare à celui du reste du Canada. Bien que les dépenses engagées au titre de ce programme aient augmenté considérablement, la santé des Premières nations ne s'est pas améliorée. Les fonds accordés au titre des services de santé ne suffisent pas à répondre aux besoins des Premières nations. Si le transfert de ces programmes ne s'accompagne pas de fonds supplémentaires, il est assuré que les Premières nations ne parviendront pas à les gérer de façon à ce qu'ils permettent d'améliorer la santé de leurs membres. Les Premières nations doivent participer à l'élaboration des plans fédéraux en vue du transfert des services de santé. Les gouvernements et les dirigeants des Premières nations sont en mesure de faire participer leurs membres à l'élaboration des cadres et des stratégies permettant de répondre aux besoins de santé des Premières nations et elles peuvent recourir à cette fin à des méthodes de gestion des ressources adéquates et transparentes. Les Premières nations participent actuellement à plusieurs initiatives conjointes avec le gouvernement fédéral qui sont prometteuses. Le processus de renouvellement de la santé mis en oeuvre par Santé Canada est un exemple de ce genre de partenariat. Dans le cadre de cette initiative, on procède à un examen des services de santé actuellement offerts par la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits afin d'établir la stratégie la mieux indiquée pour répondre aux besoins des Premières nations et pour optimiser l'utilisation des ressources. Les Premières nations continuent à vouloir établir de véritables partenariats avec le gouvernement fédéral en vue d'élaborer des stratégies et des cadres d'intervention qui permettront de répondre aux besoins des Premières nations et qui appuieront les efforts qu'elles déploient pour atteindre l'autodétermination, pour s'autogouverner et pour protéger leurs droits inhérents et leurs droits issus des traités. Les Premières nations souhaitent participer, à titre de partenaires égaux, à l'étude du système canadien de soins de santé ainsi qu'à toutes discussions, analyses ou initiatives législatives susceptibles d'avoir une incidence sur la prestation des services de santé à leurs membres. J'aimerais conclure en faisant remarquer au comité que si l'on veut que la santé des collectivités des Premières nations s'améliore, il est nécessaire de faire participer les Premières nations à l'élaboration des stratégies d'intervention. Nous pouvons faire profiter le processus de notre expérience de certaines pratiques déjà en cours. Nous avons les réponses aux problèmes qui se posent dans le domaine de la santé. Nous aimerions aider le comité sénatorial à élaborer certaines options en vue de relever l'état de santé des collectivités des Premières nations. Je crois comprendre que le comité sénatorial se préoccupe vivement de l'état de santé des peuples autochtones. Je vous invite à venir dans nos collectivités pour apprendre à nous connaître. Voilà une façon pour vous de vous rendre compte par vous-mêmes de ce qui se passe dans nos collectivités. Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Nous comptons vous parler de nouveau à l'automne. Permettez-moi de vous poser une question au sujet de votre déclaration préliminaire. Vous avez dit que vous aviez espéré pouvoir mener un certain nombre d'études mais que cela vous a été impossible. Vous avez fait valoir que le gouvernement fédéral ne finançait pas les études portant sur les questions qu'a soulevées plus tôt le sénateur Morin. Les attachés de recherche du comité communiqueront avec vous quelque temps au cours du mois. Il nous serait utile de connaître la nature des études auxquelles vous avez songé. Nous accueillons maintenant M. Morin, du Ralliement national des Métis. M. Gerald Morin, président, Ralliement national des Métis: Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, dirigeants autochtones nationaux et autres témoins. Le Conseil national des Métis est heureux de l'occasion qui lui est donnée de comparaître aujourd'hui devant le comité qui étudie la question de l'état de santé des Autochtones. J'aimerais d'abord remercier tous les membres du comité d'avoir pris les dispositions voulues pour entendre les dirigeants autochtones nationaux. Le Ralliement national des Métis est l'organisme national représentant la Nation métisse au Canada. Le ralliement a été créé en 1983 après que le gouvernement eut reconnu dans la Constitution du Canada que les Métis constituaient un peuple distinct ayant des droits autochtones. Le Ralliement national des Métis a été le porte-parole de la Nation métisse dans les négociations constitutionnelles, mais c'est lui qui défend le point de vue des Métis lors de négociations avec le gouvernement fédéral dans le cadre de conférences et de colloques nationaux. Il représente également les intérêts du peuple métis sur la scène internationale. Le Ralliement national des Métis se compose d'organismes locaux, régionaux et provinciaux. Le conseil d'administration du Ralliement compte les présidents de chaque organisation membre provinciale ainsi que le président du RNM. Les cinq membres qui gouvernent le RMN sont: la Nation métisse de l'Ontario, la Fédération métisse du Manitoba, la Nation métisse de la Saskatchewan, la Nation métisse de l'Alberta et le Conseil provincial métis de la Colombie-Britannique. Les présidents régionaux ou provinciaux ainsi que leurs conseils respectifs sont élus par scrutin secret tenu dans l'ensemble de la province auquel tous les Métis ont le droit de participer. Le RNM et nos organisations membres représentent collectivement les intérêts de la Nation métisse dont le foyer historique est l'ouest du Canada. Les organismes membres du RNM possèdent des moyens considérables leur permettant de mettre en oeuvre des programmes de santé. Au Manitoba, par exemple, le gouvernement provincial a commencé à transférer les responsabilités en matière de services familiaux et sociaux à la Fédération des Métis du Manitoba. En Colombie-Britannique, aux termes d'un accord sur les services auprès des enfants et des familles métis, les responsabilités pour la mise en oeuvre de ces programmes doivent être transférées au Conseil provincial métis de la Colombie-Britannique. Au fil des années, nos organisations membres - particulièrement dans les provinces des Prairies - ont créé de nombreuses institutions qui oeuvrent dans de nombreux domaines dont ceux de la santé, de la justice, des services familiaux, de la lutte contre les toxicomanes et du développement économique. Ensemble, nos organisations membres réalisent des programmes et dispensent des services d'une valeur de plusieurs millions de dollars dans le but de lutter contre certains des problèmes qui affligent nos collectivités ainsi que pour répondre aux besoins de notre peuple. Il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour régler vraiment ces problèmes dont je vous parlerai un peu plus tard, mais des efforts en ce sens sont en cours et nous disposons des moyens voulus à cette fin. Le RNM estime avoir établi une bonne relation avec l'interlocuteur fédéral métis, le ministre Ralph Goodale. Depuis la publication de «Rassembler nos forces», le Rassemblement national des Métis et le gouvernement fédéral ont été animés d'un désir sincère de faire progresser les discussions portant sur les questions qui intéressent la Nation métisse. Nous avons bon espoir que cet automne, le cabinet approuve le mémoire que le ministre lui a présenté et qui porte sur la signature d'un accord cadre avec la Nation métisse qui précisera ses droits ainsi que ses compétences en ce qui touche la prestation de services. Nous misons sur cet accord cadre pour surmonter certaines des difficultés auxquelles nous faisons face dans nos rapports avec le gouvernement fédéral. Malheureusement, Santé Canada ne semble pas prêt comme d'autres ministères fédéraux à permettre la participation des Métis. Le ministère mine la relation que nous voulons construire avec le gouvernement fédéral. À Santé Canada, c'est surtout la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits qui met en oeuvre des programmes de santé destinés aux Autochtones. Il en résulte que les Métis sont exclus de la plupart des initiatives fédérales en matière de santé. M. Potter, sous-ministre adjoint de Santé Canada, a affirmé au comité que le personnel de Santé Canada se préoccupe énormément de la santé des Premières nations et des Inuits. Que faut-il comprendre au sujet de la santé des Métis au Canada lorsqu'il admet ouvertement que le personnel du ministère ne se préoccupe pas du tout des Métis ou qu'il exclut notre peuple dans ses propos? Lorsqu'on considère que le terme «Autochtone» s'entend exclusivement des «Premières nations» et des «Inuits», cela exclut complètement notre peuple. Il s'agit d'un véritable problème. Le racisme et la discrimination institutionnels à l'égard de notre peuple fait en sorte qu'il nous est très difficile d'avoir accès aux ressources de santé voulues pour lutter contre les problèmes urgents auxquels sont confrontées nos collectivités comme d'autres collectivités autochtones. L'état de santé global des Métis est aussi mauvais ou est même pire que celui d'autres Autochtones. Il est équivalent à l'état de santé des gens qui vivent dans le tiers monde. L'espérance de vie des Métis est moins élevée que celle de la population en général; les maladies infectieuses y sont plus fréquentes; le taux d'affliction pouvant causer la mort est plus élevé que dans l'ensemble de la population ainsi que le nombre de blessures, d'agressions violentes et de comportements autodestructeurs. Tout semble indiquer que le débat national sur les soins de santé s'intensifiera à mesure que les gouvernements provinciaux et fédéral continueront de s'interroger au sujet de l'avenir du système de soins de santé au Canada. Les Autochtones ne représentent qu'une faible partie de la population globale du Canada; or, un nombre disproportionné d'Autochtones sont en mauvaise santé. Il ne s'agit pas pour nous d'obtenir par charité un accès accru au système de santé canadien. Les Métis sont considérés comme un peuple autochtone; nous sommes l'un des trois peuples autochtones reconnus dans la Constitution du Canada, la loi suprême du pays. Nous possédons des droits inhérents qui sont inscrits dans la Constitution ainsi que dans le droit et les textes internationaux. Nous ne permettrons pas au gouvernement fédéral de faire fi des droits du peuple métis et de notre droit à l'autodétermination. Bien que le système de santé du Canada soit reconnu comme l'un des meilleurs au monde, de nombreux Métis n'ont pas accès à des soins de qualité. Les querelles de compétence fédérales-provinciales, les obstacles culturels et l'isolement géographique réduisent notre accès au système de soins de santé. Les collectivités métisses font face à bon nombre des mêmes problèmes que ceux que connaissent les autres collectivités autochtones à la différence que le gouvernement fédéral ne prête pas vraiment beaucoup d'attention aux questions de santé touchant les Autochtones. Le problème fondamental qui se pose est que Santé Canada n'est pas prêt à traiter équitablement les Métis et à les considérer comme l'un des peuples autochtones du Canada. De plus, l'un des grands problèmes pour nous, c'est que, depuis la Confédération, le gouvernement fédéral prétend qu'il n'a aucune responsabilité constitutionnelle à l'égard du peuple métis, comme c'est le cas pour les Premières nations et les Inuits. Voilà qui revient à une forme de racisme et de discrimination érigée en système, du fait que notre peuple ne peut pas aborder avec le gouvernement fédéral la question de l'autodétermination, ainsi que d'autres questions liées aux droits comme l'accès au territoire et aux ressources qui nous permettrait d'améliorer le bien-être de nos populations. Cela veut dire également que nous n'avons à peu près pas accès à l'ensemble des programmes offerts par le truchement du gouvernement fédéral aux peuples autochtones pour les aider à surmonter les mêmes conditions de vie terribles que celles qui existent dans nos collectivités. En matière de santé, il faut savoir que bon nombre des collectivités métisses manquent de services de santé de base. Le système de soins de santé n'est pas également accessible à tous. Pour ceux qui vivent dans les régions nordiques et des collectivités isolées, il manque de services spécialisés et les coûts de santé sont exorbitants. Le système actuel est fragmenté et il serait avantageux pour nos collectivités de bénéficier de régimes de prestations de soins de santé où seraient intégrés les services sociaux et les services de santé. Les problèmes sont globaux. Une approche globale s'impose donc. Il faut aborder les aspects sociaux, économiques et sanitaires en plus de régler le problème de fond, à savoir la question des droits des Métis et de l'autodétermination de notre peuple au sein du Canada. Pour le RNM, il importe que toute amélioration apportée au système canadien de soins de santé englobe des règles d'accès qui accordent des possibilités égales de soins de santé et de services sociaux à l'ensemble de la population métisse. Je n'aborderai pas la question de la recherche de façon détaillée. Cependant, j'aimerais faire savoir qu'il n'existe pas suffisamment d'information - en matière de recherche et des données - concernant les peuples autochtones et que cela nous pose problème. Certaines statistiques sont fournies par l'une enquête post-censitaire de Statistique Canada de 1996 et d'autres aussi par la Commission royale sur les peuples autochtones. Il y a cependant une pénurie grave de recherches, de données et de renseignements concernant la santé et la démographie des Métis au Canada. Pour résoudre la question des compétences notamment et obtenir un accès équitable aux programmes du gouvernement fédéral, il nous faut un répertoire national des Métis, de manière à ce que nous puissions recenser nos gens et savoir combien il y a de Métis et où ils vivent. Nous disposerions ainsi d'informations utiles sur le plan démographique. Elles nous permettraient de déterminer comment améliorer la situation économique et sociale de nos collectivités. Pour nous, les obstacles sont nombreux en matière de santé. Nos gens vivent dans des logements insalubres et, dans bien des cas, ils sont pauvres. Il faut régler ces problèmes. J'ai déjà parlé de violence, d'aliénation et de désespoir. Parlons également des faibles taux d'alphabétisation et de l'accès restreint aux services de santé. Il faut envisager tous ces aspects pour améliorer la santé de notre population dans une perspective globale. Dans le document «Rassembler nos forces», on recommandait une initiative autochtone visant le diabète. Effectivement, le taux de diabète est très élevé parmi les nôtres. Le gouvernement va dépenser 58 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre de l'initiative de lutte contre le diabète chez les Autochtones. Cependant, bien peu de ce financement visera les Métis. Le volet du programme visant les Métis et les initiatives hors réserve a été limité à des mesures de prévention et de vulgarisation. Par contre, sur les réserves et chez les Inuits, le programme vise l'aspect des soins et du traitement. À la fin de la dernière année financière, soit l'année 2001, Santé Canada indiquait que le programme de prévention visant les Métis, les Autochtones hors réserve et les Inuits affichait une péremption de 74 p. 100 de son financement. Ainsi, 1,85 million de dollars est retourné au gouvernement fédéral parce qu'ils n'avaient pas été dépensés selon les affectations prévues. Pourtant, le Conseil national des Métis avait déposé des propositions, lesquelles avaient été rejetées du revers de la main par Santé Canada. Ainsi, nous n'avons pas accès à des sommes qui nous ont été affectées par le gouvernement fédéral et qui sont devenues périmées. Voilà l'un des problèmes. Nous nous interrogeons sérieusement, par ailleurs, au sujet des initiatives en matière de lutte contre le diabète et il nous faut certainement trouver des solutions à cet égard. Pour ce qui est de l'Organisation nationale sur la santé des Autochtones, nous avons accueilli favorablement l'annonce du gouvernement fédéral selon laquelle elle serait intégrée à l'Institut de la santé autochtone dans le cadre de recommandations de «Rassembler nos forces». Nous sommes d'accord en principe, même si nous entretenons de sérieuses inquiétudes à cet égard. Tout d'abord, la mise en oeuvre englobe l'ensemble des Autochtones et les Métis sont marginalisés. Nous comptons deux membres sur un conseil de 15 membres. En deuxième lieu, la mise en oeuvre est prévue de manière à court-circuiter les organisations qui représentent de façon légitime la Nation métisse. Je tiens à affirmer bien clairement que le CNM a la compétence et le mandat pour représenter la Nation métisse sur toutes les questions, y compris celles qui ont trait à la santé. Ni l'Organisation nationale sur la santé des Autochtones, ni une autre organisation ne peut usurper notre compétence comme représentant de notre peuple et nous allons continuer à représenter les intérêts de notre peuple sur toutes les questions - et certainement dans le domaine de la santé. Je vous remercie de m'avoir écouté. Il faut des initiatives en matière de santé et nous sommes disposés à collaborer avec vous pour trouver des solutions et pour assurer une meilleure santé à notre peuple et à l'ensemble des Canadiens. Le président: Le directeur scientifique de l'Institut de la santé autochtone comparaîtra tout juste après vous et peut-être voulez-vous rester pour l'entendre. Notre troisième intervenant est M. Larry Gordon, de Inuit Tapirisat du Canada. M. Larry Gordon, Inuit Tapirisat du Canada: Je suis content de prendre la parole au nom d'Inuit Tapirisat du Canada. Nous espérons que les renseignements que nous allons partager avec vous vont nous aider dans nos orientations alors que nous cherchons transformer radicalement la santé des Inuits. Je suis le directeur exécutif de la Division du développement communautaire de la Corporation régionale inuvialuite, à Inuvit. Je fais partie du Comité de la santé de l'Inuit Tapirisat. D'autres membres du Comité de la santé participent à cet exposé. Puisque vous avez en main notre mémoire, je ne vais pas le résumer. J'aimerais donner au comité matière à réflexion sur certains enjeux clés qui confrontent les Inuits du Nord du Canada. Permettez-moi tout d'abord de vous dire qui sont les Inuits. Des milliers d'entre eux vivent dans le sud, mais la majorité des Inuits vivent dans 53 localités isolées éparpillées dans le nord du Canada, dans le nord du Labrador, à Inuvik, dans le nord du Québec, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. La plupart de nos localités ne sont accessibles que par voie aérienne. Par conséquent, le coût de la vie, qui englobe les frais de transport, d'alimentation et de logement, est probablement le plus élevé au Canada, ce qui fait qu'un bon état de santé représente un défi pour nous. Les services et programmes de santé accessibles avec aux Inuits sont bien loin de ceux que les Canadiens du sud prennent pour acquis. Nous savons que l'égalité n'est pas réalisable du jour au lendemain et que nous sommes ici victimes de l'isolement de nos collectivités. Nous avons par contre la volonté de collaborer pour réaliser notre objectif, de sorte que les services de santé atteindront le niveau qui correspond à nos besoins. Par exemple, les patients qui souffrent de maladies graves sont traités dans les grands centres nordiques ou transportés par avion au sud. Ainsi, des familles et des collectivités sont séparées et cela se répercute sur le bien-être des personnes et la durée de leur convalescence. Cette situation a aussi un effet psychologique sur les patients, leur famille et leur collectivité. Cela entraîne également des coûts additionnels, pour assurer notamment les frais de transport et de séjour de ceux qui se rendent dans le sud comme traducteurs ou accompagnateurs. La partie, la qualité et la prestation des services de santé dans le Nord varient selon les régions, mais un fait demeure: les soins de santé offerts dans les petits centres de santé restreints. L'équipement jugé essentiel pour sauver des vies - comme les défibrillateurs - dans le sud du Canada, n'est généralement pas disponible dans la plupart des petites collectivités du Nord. Pour assurer les services de santé de base en réponse aux besoins, les Inuits agissent en partenariat avec les gouvernements fédéral, territorial et provincial. On peut citer à titre d'exemple de réussite les centres de sages-femmes de Rankin Inlet, de Pangnirtung et de Povungnituk. Il existe également à Pangnirtung un groupe d'aînés qui proposent des solutions aux problèmes de santé mentale des jeunes de la collectivité. Au Labrador, on applique une approche communautaire, souple et innovatrice pour la prestation de toute une gamme de programmes de santé sous la direction de la Commission des services de santé des Inuits du Labrador. Des comités de santé communautaire informent régulièrement la commission des besoins locaux et ont une grande incidence sur la façon dont les services seront conçus et dispensés, dans les domaines comme la santé mentale, les soins à domicile et le diabète. Les projets dont j'ai parlé nous fournissent d'excellents exemples de collaboration entre les Inuits et les divers paliers de gouvernement pour ce qui est de répondre aux besoins à échelle locale. La réponse aux besoins est adaptée au contexte culturel. Il ne faut pas perdre de vue que notre culture, notre façon de vivre, ainsi que les ressources naturelles dont nous disposons sont à la base même de notre nutrition et de notre santé. Cependant, ces dernières années cette base s'est vue menacer par une contamination grandissante de la chaîne alimentaire de l'Arctique par des agents polluants d'origine aussi bien intérieure qu'internationale. Il importe d'établir le lien entre le réchauffement de la planète et l'arrivée d'agents de contamination de l'environnement. Les effets de ces changements sur la santé peuvent englober notamment une augmentation des taux de cancer, des effets neurologiques, des effets nutritionnels, une incidence accrue de maladies chroniques comme les maladies cardiaques et le diabète. Notons, en moyenne, le lait maternel des femmes inuites contient 5 fois plus de BCP que celui des femmes du sud du Canada. Il n'est cependant ni raisonnable, ni pratique d'inviter les Inuits à cesser de consommer leur nourriture traditionnelle. Ces aliments font partie intégrante de notre culture et ils sont également essentiels à une bonne alimentation de nos populations. La preuve est faite que le fait d'inviter une personne à ne plus consommer des aliments traditionnels, compte tenu des solutions de rechange - à savoir des aliments à faible valeur nutritive provenant de l'épicerie locale qui, dans bien des cas, sont fort coûteux - peut entraîner des problèmes de santé graves et mortels, y compris le diabète, l'obésité, la carie dentaire et les déficiences en fer. Il serait d'ailleurs impossible de remplacer l'alimentation traditionnelle par des aliments achetés au magasin dans une économie où peu de gens disposent d'argent. D'après une estimation, la valeur de remplacement des aliments traditionnels pour une famille inuite - si l'argent était le seul facteur à considérer, ce qui n'est certainement le cas - est supérieure à 20 000 dollars. Voilà qui représente plus de 6 millions de dollars par collectivité, et donc au total environ 318 millions de dollars de bons aliments nutritifs. Nous savons que les ressources financières qui pourraient permettre de remplacer l'alimentation traditionnelle n'existent tout simplement pas. Compte tenu des travaux effectués par Inuit Tapirisat au fil des ans, nous avons pu constater et mieux comprendre que bon nombre des inquiétudes en matière de nutrition et de santé pour les Inuits ont rapport à des associations complexes entre l'environnement, l'économie sociale et la culture. Également, on constate que les logements surpeuplés et on en a la preuve, ont des effets sur la violence familiale, la santé mentale et les taux de suicide. Par conséquent, il faut envisager les questions de santé dans une optique globale. Il y a lieu de multiplier et de solidifier les partenariats avec les Inuits. Voilà comment on pourra garantir que les droits fondamentaux des Inuits en matière d'accès à des programmes à des services de santé soient exercés de façon comparable à ceux de tous les Canadiens. Le président: Merci beaucoup, vous avez soulevé un certain nombre de questions et vous nous avez fourni le point de vue des Inuits. Les fonctionnaires qui ont parlé plus tôt ont surtout fait porter leur attention sur la situation des Indiens qui vivent dans des réserves du sud du Canada. Notre prochain témoin est M. Clark. M. Scott Clark, président, United Native Nations: Honorables sénateurs, je suis le président de la United Native Nations et le représentant du Congrès des peuples autochtones. Notre organisation a été constituée en 1970. Elle représente les intérêts des Autochtones qui ne vivent pas dans les réserves. Près de 80 p. 100 des Autochtones n'habitent pas dans les réserves - et leur nombre s'accroît. Ce groupe englobe les Métis, les Premières nations, les Inuits et, bien entendu les Indiens non inscrits qui, pourrait-on dire, sont perdus dans la masse. La situation s'aggrave pour ces gens là, parce que le gouvernement fédéral refuse de reconnaître sa responsabilité fiduciaire à leur égard. Tout comme les gouvernements provinciaux, il se décharge de sa responsabilité sur les autorités municipales qui, elles, ne savent pas quoi faire. Les plus importantes réserves indiennes au Canada se trouvent à Vancouver, Regina, Montréal, Toronto, Winnipeg et en Saskatchewan - la liste est longue. Lorsque les gouvernements refusent de reconnaître ces problèmes très réels et pressants, il n'est pas étonnant que la situation s'aggrave. Je ne m'étendrai pas là-dessus car nous en arrivons à un stade où nous nous trouvons soit dans une situation de crise soit dans une situation où des occasions s'ouvrent à nous. Je préfère voir les occasions qui s'offrent à nous et nous donner comme but de travailler ensemble à améliorer l'avenir de notre peuple, de nos collectivités et de l'ensemble des Canadiens. Cela n'a pas fait l'objet de nombreuses discussions, et j'espère que mon exposé de cinq minutes suscitera des questions. Cela a été un combat perpétuel. Le Congrès des peuples autochtones a un slogan où on nous appelle le «peuple oublié». Nous avons été oubliés par le gouvernement fédéral, entre autres. Elijah Harper a déclaré que nous sommes les intouchables; personne ne veut s'approcher de cette population qui doublera dans 25 à 30 ans et qui doublera à nouveau dans 35 à 40 ans. Parallèlement, la population générale canadienne est loin d'atteindre son propre niveau de remplacement. C'est un énorme problème. Nous sommes très jeunes et nous avons des besoins particuliers. Nous sommes dynamiques. Notre diversité est évidente, comme vous avez pu le constater d'après les différents exposés qui ont été présentés, et nous nous démarquons nettement de la population générale, vu que nos besoins sont différents. Le logement en est un excellent exemple. Depuis 1993, le gouvernement fédéral s'est retiré du domaine de l'habitation. Les besoins en logement pour les Canadiens de la population générale sont nettement différents de ceux des peuples autochtones. Le gouvernement fédéral ne finance que les logements des Premières nations dans les réserves mais leur nombre est loin d'être suffisant. Le phénomène de plus en plus répandu des sans-abri dans notre pays touche de façon disproportionnée les Autochtones. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que des mères célibataires autochtones vivent dans la rue. Lorsque les gens ont besoin de services et que leur état de santé se détériore, où vont-ils? Ils vont à l'hôpital; et l'hôpital dépense beaucoup d'argent pour tâcher de les remettre sur pieds après quoi ils retournent à la rue. La nouvelle stratégie nationale du gouvernement fédéral en matière de logement des Autochtones consiste à faire appel au système de justice pénale. Nous dépensons de 60 000 à 120 000 $ pour loger un Autochtone dans le système carcéral. Si la pensée progressiste prédominait, ces ressources pourraient être orientées vers le logement dans les collectivités urbaines, rurales et éloignées. Notre peuple aurait alors des chances égales de faire concurrence aux Canadiens au niveau de l'emploi, des études, de la formation, et de donner suite aux questions d'équité en matière d'emploi comme prétendent vouloir le faire les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. J'applaudis les membres du comité pour cet élément de la recherche; c'est un travail formidable et monumental. Le gouvernement fédéral a dépensé 58 millions de dollars à la préparation du rapport le plus coûteux de l'histoire du Canada à savoir le rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. Malheureusement, plus de 90 p. 100 de ce rapport n'avait rien à voir avec les Autochtones des centres urbains qui représentent près de 80 p. 100 de la population. La question pour nous dans les collectivités urbaines, rurales et éloignées est de tâcher de faire en sorte que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et municipaux reconnaissent que cette crise est généralisée. La santé ne repose pas sur les hôpitaux et les patients. La santé de chacun consiste à faire en sorte que tous aient des conditions égales leur permettant de postuler des emplois afin de favoriser le développement autonome et économique et la petite entreprise. La seule façon de progresser dans ce dossier consiste pour le Canada à reconnaître qu'il s'agit d'une situation de crise, qu'il est embarrassant pour le Canada que nous vivions en fait non pas dans des conditions du tiers monde mais du quart monde, et que nous en payons le prix d'une façon ou d'une autre. Nous pouvons soit faire preuve de prévention et commencer à prendre ces initiatives, soit continuer comme par le passé à loger les gens en prison, à les loger dans les hôpitaux, à les loger là où ils peuvent se trouver, ce qui a souvent des connotations négatives sur le plan social, comme vous l'avez entendu aujourd'hui. C'est une question de choix. J'espère que désormais nous serons tous concernés par ce rapport. J'espère que ce processus que vous prévoyez reconnaîtra et respectera la diversité des différents peuples autochtones qui vivent au Canada et permettra de trouver des moyens de faire en sorte que chacun y participe de façon équitable afin que nous puissions réaliser des progrès. Le gouvernement du Canada affiche un surplus de 15 milliards de dollars. Entre-temps, le taux de pauvreté a augmenté, de même que le phénomène des sans-abri et l'état de santé de notre peuple s'est aggravé. Il est temps que les gouvernements fédéral et provinciaux et tous les autres intervenants trouvent une façon créative de travailler en collaboration avec ces collectivités et invitent les partenaires voulus à la table pour trouver des stratégies visionnaires et dynamiques qui permettront de répondre aux besoins pressants des collectivités. Le président: Notre prochain témoin est Michelle Audette, de l'Association des femmes autochtones du Canada. [Français] Mme Michelle Audette, présidente intérimaire et présidente des Femmes autochtones du Québec: Je pense que tout le monde réalise, l'évidence est là, qu'il existe des écarts substantiels entre l'état de la santé des peuples autochtones et le reste de la population canadienne. J'espère qu'en quelques minutes j'aurai pu attiré votre attention sur la réalité des femmes autochtones sur l'ensemble de ce grand pays qu'est le Canada. Les questions de santé des peuples autochtones sont extrêmement complexes et se situent bien au-delà de l'absence de la maladie. L'état de santé des Premières nations est intimement lié à des problèmes et des facteurs sudjacents tels que la pauvreté, la violence familiale, la sous-scolarisation, l'abus de substances et j'en passe. Tout cela a été bien énuméré par mes collègues. Par contre, il est primordial s'intéresser à la dynamique des différents facteurs socio-économiques ayant une incidence sur la santé. Il y a rarement une seule cause à la maladie ou un seul aspect à la santé physique, mentale, émotive et spirituelle. L'approche des déterminants de la santé rejoint beaucoup la vision holistique que ce font les Premières nations de la santé. D'une part, la conception de la santé individuelle est intimement liée à la santé familiale et à la santé communautaire et vice versa. Ce qui nous ramène à une conception cyclique. En matière de santé des Premières nations, et en particulier des femmes autochtones, des facteurs administratifs et juridiques entrent aussi en ligne de compte et influencent l'état de santé des femmes autochtones dans la mesure où ces facteurs déterminent la prestation de service et des soins de santé. Dans ce cas, le droit doit également être considéré comme un déterminant de la santé. Quand je parle pour les femmes, ce sont les femmes statuées, non statuées et aussi pour certaines provinces qui s'amusent avec la question de juridiction quand la question est du ressort des Affaires indiennes. Les femmes se sont vu refuser des services d'aide aux victimes dans une province étant donné qu'elles étaient Autochtones. Le partage des compétences et la fragmentation des différents services offerts et des différents prestateurs et responsables provoque une confusion quant aux services auxquels les peuples autochtones ont droit. Ce sont non seulement les prestataires qui en souffrent, mais également les intervenants et les gestionnaires communautaires. Les problèmes sociaux sont à la fois les causes et les conséquences des malaises communautaires familiaux et individuels et selon nous, les domaines qui doivent être jugés prioritaires lorsqu'on s'attaque aux questions de santé des Premières nations. Il faut de plus en plus que les gouvernements tiennent compte des situations particulières des femmes, situations qui les placent dans une position qui les défavorisent. Elles sont les plus pauvres, plus sujettes à la discrimination sexuelle, moins représentées dans les couches décisionnelles, assument une charge de travail double, plus souvent le rôle de chef de famille ayant plus d'un enfant à leur charge et aussi susceptible d'être un parent jeune. Elles sont à la fois utilisatrices du système de santé, mais également dispensatrices de soins, rémunérées ou non. Il faut garder à l'esprit que la santé des femmes autochtones dépasse largement le seul aspect physique de la santé et nécessite par conséquent de cerner les rapports de pouvoir et les iniquités sociales supportés par les femmes. Au rang des préoccupations en matière de santé des femmes autochtones, mentionnons l'insuffisance des programmes et des actions de prévention, que ce soit sur le plan de la sexualité, de l'éducation socio-sanitaire, de l'abus de substances, du syndrome d'alcoolisme foetal, de la violence et l'importance d'investir des efforts supplémentaires en matière de promotion de la santé. L'essentiel à retenir de la conception de la santé est que la trame de fonds est celle du mieux-être, et que santé et qualité de vie sont indissociables. La clé de base de la guérison et du mieux-être passe principalement par l'estime de soi en tant qu'individu, mais également en tant que nation. Je tiens à souligner que de la recherche est d'une importance majeure. Femmes autochtones du Canada n'a aucune infrastructure pour parler de la santé des femmes. Il faut faire du lobbying. Il faut faire en sorte qu'éventuellement il y ait des politiques nationales pour la question des femmes autochtones. Il faut s'assurer de respecter les régions, les diversités. Ce qui se passe dans le Sud n'est pas nécessairement la même chose que dans le Nord, communautés isolées, semi-isolées ou avoisinantes d'un grand centre urbain. Ce qui se passe actuellement dans nos communautés est une bombe à retardement: la population autochtone augmente en terme de personnes et les sources de financement ne font que diminuer. Il faut aussi doter les femmes, sur les plans national, régional et local, d'infrastructures appropriées pour qu'elles puissent faire des recherches sexuées parce qu'on a tendance à faire des choses mur à mur pour les peuples autochtones, alors qu'il faudrait prendre en considération la région, le sexe et l'âge. Tout cela est important. J'espère avoir pu semer l'intérêt afin que la question des femmes devienne une priorité. [Traduction] Le président: Notre dernier témoin est Mme Dewar, de l'Association des femmes inuites de Pauktuutit. Mme Veronica Dewar, présidente, Association des femmes inuites de Pauktuutit: [Mme Dewar parle dans sa langue autochtone] L'anglais est ma langue seconde. Le message que notre peuple veut vous transmettre serait dans sa propre langue. Il est parfois difficile pour moi de parler anglais. Le sénateur Morin: Vous parlez mieux anglais que moi. Mme Dewar: Non, je ne le crois pas. Cela vient avec la pratique. En ce qui concerne les questions que nous voulons porter à votre attention aujourd'hui, je parlerai en anglais et vous lirez un exposé écrit. J'ai été très impressionnée lorsque Mme Johnston a dit qu'elle éprouvait de la compensation pour les problèmes de santé que connaît son peuple. J'éprouve le même sentiment en ce qui concerne nos femmes inuites, les membres de nos collectivités de l'Arctique. La vie dans l'Arctique est très dure pour notre peuple, pour nos enfants. Je tiens à remercier les sénateurs de même que les présentateurs et les invités. J'aimerais tout d'abord exprimer ma gratitude au Comité sénatorial permanent qui a invité l'Association des femmes inuites Pauktuutit a présenté ce mémoire. Pauktuutit est une association nationale à but non lucratif qui représente toutes les femmes inuites du Canada. Son mandat est de susciter une plus grande sensibilisation aux besoins des femmes inuites et d'encourager ces femmes à prendre part aux préoccupations communautaires, régionales et nationales en matière de développement social, culturel et économique. Pauktuutit s'engage à promouvoir le principe d'égalité pour les Inuites, tant au sein de ses communautés que dans la société canadienne en général. Nous travaillons également à rendre le Canada responsable de la mise en oeuvre de ses engagements pour assurer l'égalité des femmes en général, et principalement en ce qui concerne la politique en matière de santé, ce qui selon nous profitera à tous les Inuits. Notre association a acquis une réputation internationale pour son savoir-faire dans une vaste gamme de domaines concernant la promotion de la santé et la prévention tant à l'échelle nationale et qu'internationale et surtout parmi les Inuits de l'ensemble du Canada. Le président: Mme Dewar, je tiens à m'assurer qu'il aura du temps pour les questions. Il faudra beaucoup de temps pour lire neuf pages. J'ai lu votre mémoire et il renferme de très bonnes recommandations à la page 9. Je me demandais si vous pourriez passer à vos recommandations et comme la plupart d'entre nous ont lu votre mémoire, nous pourrons alors discuter certaines de ces questions avec vous car je crains que nous n'ayons pas suffisamment de temps pour vous poser des questions. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient? Mme Dewar: Cela va vraiment désorganiser mes plans. Le président: Vous vous apprêtiez à lire tout le document. Mme Dewar: Il compte sept pages. Le président: Il faudra environ 25 minutes pour lire ces sept pages à simple interligne. Tous les autres témoins ont eu l'amabilité de s'en tenir à une limite de temps raisonnable, donc cela nous aiderait si vous passiez aux recommandations de la page 9, après quoi je pourrais céder la parole à mes collègues, en commençant par le sénateur Roche puis le sénateur Morin qui vous poseront des questions. Mme Dewar: Je n'ai pas les recommandations avec moi parce que nous avons abrégé le document cet après-midi. Le président: Nous vous donnerons la liste qui était dans votre mémoire. C'est peut-être un peu plus court mais même la liste plus longue est parfaite. Mme Dewar: J'aimerais bien avoir un interprète. Le président: Commentaire intéressant. La seule chose que nous n'avons pas ici, ce sont des interprètes. Nous avons la traduction en anglais et en français mais malheureusement pas en Inuktitut. Mme Dewar: Je vais vous résumer brièvement certaines de nos principales recommandations. Les femmes inuites n'ont participé ni à l'élaboration de la politique ni aux décisions relatives aux services de santé les concernant. Il y a un point important que nous aimerions rappeler. Lors des discussions concernant les questions de santé autochtone, les Inuits sont englobés dans le terme «autochtone» avec les peuples des Premières nations. Personnellement, nous n'avons rien contre eux. C'est la manière dont le système a été mis en place qui pose un problème. Les Inuits sont mis dans le même sac que les autres peuples autochtones et il nous arrive souvent de ne pas voir la couleur du financement qui aurait pu être utilisé par les populations de l'Arctique ou par les services de santé pour les femmes Inuites. On envoie les femmes Inuites accoucher dans des hôpitaux du Sud, loin de chez elles. Le lien avec la famille est rompu. Les familles n'assistent plus à la naissance des enfants. Souvent les femmes inuites qui sont envoyées dans le Sud sont unilingues et ne parlent pas anglais; elles ne comprennent pas le fonctionnement du système. Elles ne comprennent pas le jardon médical utilisé dans les établissements du Sud. Il n'y a pas d'équipement pour les mammographies dans nos communautés. On nous envoie dans le Sud. Pour qu'on s'occupe de nos problèmes médicaux, il faut toujours réclamer. Pour les traitements, on nous envoie toujours ailleurs. Cela fait des années que nous réclamons ce genre de services dans nos communautés. Il est indispensable de revoir tout le système de santé dans le Nord. Cela fait trop longtemps que les populations de l'Arctique sont négligées sur le plan des services de santé dispensés dans les communautés. Il n'y a pas de médecins dans les petites communautés. Il n'y en a que dans les grands centres comme Rankin Inlet et Iqaliut. Il y a un médecin pour sept communautés dans notre région de Keewatin. Il n'y a pas d'équipement pour faire des mammographies à Iqaliut. Les femmes doivent se rendre à Yellowknife, Winnipeg ou Ottawa pour faire faire leurs examens. Souvent les femmes inuites négligent leur santé et ne disent rien parce qu'elles ne veulent pas quitter leur famille ou leur communauté pour se soigner. C'est la dure réalité. J'espère que grâce à votre comité, les appels de la population de l'Arctique et des autres peuples autochtones finiront par être entendus. Les recommandations essentielles que nous faisons nous donneraient le moyen de participer à l'amélioration des services de santé offerts aux femmes Inuites du Canada. Nous encourageons vivement le gouvernement fédéral à consulter directement les femmes Inuites sur les questions de santé. À titre de femmes et de membres de familles et de communautés, nous avons une longue et riche expérience que nous sommes prêtes à partager. Pour faciliter et optimiser les consultations, il faut que le gouvernement dégage aussi les ressources humaines et financières nécessaires pour que les femmes inuites aient les moyens de participer aux discussions sur les questions de santé publique. Le temps passe et je ne sais si j'aurais le temps de vous parler de nos autres recommandations mais quoi qu'il en soit, elles sont dans notre mémoire. Je me ferais un grand plaisir de répondre à vos questions, si vous en avez. Le président: Je peux vous assurer qu'il y en aura. Le sénateur Roche: Permettez-moi de vous dire que j'ai trouvé votre témoignage remarquable. Vos récits sont dévastateurs. J'ai été très ému par votre témoignage et je tiens à vous remercier de votre franchise. Comme le temps nous presse, je ne poserai qu'une question et elle s'adresse à Mme Johnston, mais bien entendu, j'invite M. Morin ou M. Clark à répondre aussi s'ils le désirent. Il faudrait que tous les sénateurs lisent le témoignage de Mme Johnston. J'espère qu'une bonne partie se retrouvera dans notre rapport car Mme Johnston a décrit les choses comme elles étaient et il faut le savoir. Son récit m'incite à lui poser la question suivante. Elle découle de la petite expérience que j'ai tirée de mon travail avec les peuples des Premières nations sur les questions d'abus. J'ai découvert qu'il était difficile d'isoler les problèmes les uns des autres, tout est lié. En l'occurrence, presque tout est lié à tout ce que nous a dit Mme Johnston dans son témoignage de cet après-midi. Elle a parlé de «oppression systématique». Il faudra que je relise exactement ce qu'elle a dit mais si je l'ai bien comprise, selon elle, le ministre actuel, même en préconisant de nouveaux programmes, perpétue cette oppression systématique. Termes durs mais qui reflètent le sentiment général de tous nos témoins d'aujourd'hui. Des problèmes de privation socio-économique, de santé, de pauvreté sont la conséquence de la mentalité colonialiste perpétuée par les gouvernements du Canada, de décennie en décennie. Ils ont fini par se convaincre, comme Mme Johnston nous l'a dit, que les problèmes de santé étaient liés à tous les autres. Elle nous a même dit que l'augmentation des dépenses n'y avait rien changé, que les problèmes de santé étaient restés les mêmes. Monsieur le président, que peut faire notre comité? Nombre des choses qui ont été dites aujourd'hui l'étaient déjà dans le rapport de la Commission royale. Au lieu d'avoir été transformé en dossier, il semblerait que ce rapport continue à dormir sur une étagère. Je ne sais pas vraiment quoi faire. M. Clark dit que la tâche est monumentale. Entendre dire que nous réglons le problème de logements des Autochtones en les mettant en prison est dévastateur. Je prends Mme Johnston au mot lorsqu'elle dit: «Il faut que les peuples des Premières nations participent à la résolution de cette longue liste de problèmes». Je tire deux choses de cette longue liste: l'alcoolisme, la toxicomanie et l'extraordinaire taux de suicide. Ce sont deux manifestations de la profondeur du problème. Que faire? Quelles recommandations faire pour sortir de cette mentalité colonialiste d'amalgame de tous les problèmes? Avec tout le respect que je lui dois, je pose la question à Mme Johnston: que voulez-vous que nous fassions? Que voudriez-vous que nous recommandions qui ait un effet immédiat et non pas un terme plus ou moins lointain? Bien sûr, nous voulons tous des résultats à long terme mais il faut quelque chose de discernable pour les jeunes d'aujourd'hui. Quelles recommandations nous suggéreriez-vous d'inclure dans notre rapport pour réduire l'alcoolisme, la toxicomanie et le taux de suicides? Mme Johnston: Excellente question. Je crois qu'il faut que les peuples autochtones et des Premières nations participent à l'élaboration des stratégies nécessaires. J'ai entendu les dirigeants et j'ai été dirigeante dans ma communauté. J'ai été membre de conseil. J'ai été infirmière dans ma communauté et dans les communautés du Grand Nord où les candidats au suicide ne se ratent pas. C'est une question que je me pose depuis longtemps. Pourquoi? C'est mon peuple que je vois souffrir. Quand je pense à toutes les souffrances que nous avons vécues pendant toutes ces années: quand je pense aux pensionnats, aux réserves - la part de responsabilité de la Loi sur les Indiens est énorme. C'est à nous de décider comment en sortir. C'est ma grand-mère qui a été mon meilleur professeur. Elle était guérisseuse et sage-femme dans notre communauté. Elle m'a dit que le seul moyen était de revenir à nos traditions, à notre culture, à notre langue, à nos origines de Premières Nations car nous étions une nation très forte avant que les Européens n'arrivent. Nous avions un système de pouvoir fort, un système de santé et de guérison fort et nous savions ce qu'il fallait faire. C'est la succession de choses qui nous sont arrivées au cours des années qui nous ont fait perdre nos traditions. Il faut que nos communautés se ressourcent. Nous ne pourrons jamais revenir à nos traditions d'il y a 100 ans. Il faut restaurer ce qu'il y avait de mieux dans notre passé, dans notre culture, dans notre histoire et dans notre langue. Il faut que nous participions et il faut que ce droit de peuple indigène de cette terre nous soit reconnu. Tant que cela ne se fera pas et tant que le gouvernement adoptera des lois comme la loi sur l'exercice du pouvoir, sans nous consulter et en décidant à notre place, cette oppression se perpétuera. C'est mon opinion personnelle. Il faut nous faire participer à l'élaboration des stratégies futures. Le sénateur Roche: Les autres témoins veulent peut-être ajouter leur mot à cette réponse, mais j'aimerais encore parler un instant de la question d'alcoolisme, de toxicomanie et de suicide. Y a-t-il certaines initiatives précises que nous devrions recommander pour faire diminuer ces chiffres? [Français] Mme Audette: Il est clair que la consommation de substances, que ce soit l'alcool ou les drogues, représentent un comportement. Pourquoi utilise-t-on ces substances? Parce qu'il y a un problème social dans la communauté, un problème majeur. Il faut donc s'attaquer aux problèmes sociaux de nos communautés et atténuer leurs conséquences. On voit ce qui s'est passé à Davis Inlet, ils n'ont pas accès aux drogues aussi facilement que dans une communauté proche d'un centre urbain. Que consomment-ils? De l'essence. Peu importe la substance, les problèmes sociaux nous amènent à la consommation de ces drogues. Si on veut s'attaquer maintenant à ce problème, il est important de donner un programme continu de prévention aux femmes, aux enfants et à la communauté en général. Ces personnes ne reçoivent aucun suivi. Je vais vous donner un exemple: les ministère des Affaires indiennes a effectué une étude qui démontre que 80 p. 100 des femmes de ces communautés ont subi ou subissent encore de la violence au moment où on se parle. Dans nos communautés, il n'y a aucun programme d'aide aux victimes et aucun programme pour venir en aide aux victimes d'agressions sexuelles. Pourtant, nous sommes les champions des statistiques. Il y a un manque alarmant d'infrastructures. Il est important, je le répète, que l'on établisse un programme continu de prévention. Les mesures ou les politiques gouvernementales sont éphémères: elles sont mises sur pied que pour une année, ou tout au plus pour cinq ans. C'est là le problème. Aucune mesure ne dure. Ce n'est pas en cinq ans qu'on va changer 130 ans d'histoire, et changer les lois sur les Indiens qui nous ont opprimés et qui ont changé nos vies. Nous avions des façons de faire à l'époque. Aujourd'hui, nous devons trouver un arrimage entre la vie traditionnelle et la vie contemporaine, notre histoire et la vie d'aujourd'hui. Souvent, nous rencontrons des femmes et des hommes qui veulent se guérir à leur propre manière, mais qui n'ont pas accès au financement parce que Santé Canada leur dit: «Vous ne rentrez pas dans nos critères.» Ce sont des pilules qu'on peut offrir, des thérapies reconnues par Santé Canada, et non des bains de vapeur ou de sels ou des moyens qui nous sont propres. C'est un autre obstacle. Si on pouvait avoir la flexibilité pour respecter nos diversités, ce serait déjà un bon point de départ. [Traduction] Le président: Monsieur Clark, je crois que vous voulez ajouter quelque chose. M. Clark: La question est de savoir s'il faut s'attaquer au symptôme ou à la cause? Du point de vue pratique, pourquoi ne pas charger un conseil fédéral réunissant tous les ministères concernés de l'examen de stratégies collectives en partenariat, sur un pied d'égalité, avec nos organismes politiques nationaux respectifs. On pourrait impliquer des partenaires provinciaux, d'autres partenaires du secteur privé et les universités pour examiner des solutions à long terme plus préventives que réactives. Il ne faudrait pas, cependant, oublier pour autant les besoins immédiats qui sont criants. Quelle que soit la stratégie, il faut qu'elle implique les personnes concernées. Il reviendrait à ce conseil interministériel le soin de tout mettre sur pied, d'officialiser l'exercice et de chercher des solutions. L'application des traités, les questions de titres et de droits, les accords d'autonomie gouvernementale - nous ne savons pas quand tout cela sera réglé mais nous savons que dans l'immédiat nous vivons une crise et que nous en sommes tous des victimes d'une manière ou d'une autre. Pourquoi ne pas relever les manches et nous mettre au travail? Le sénateur Roche: Vous venez probablement de mettre le doigt dessus. Nous sommes en pleine crise. Je ne sais si notre comité peut vraiment proposer des solutions à cette crise. La dénoncer pour réveiller les consciences des institutions politiques... Le président: Serait déjà un grand pas en avant. M. Morin: Lorsque nous parlons de certaines des initiatives offertes par Santé Canada, il s'agit de solutions à des problèmes de santé urgents, immédiats et à court terme dans nos communautés. Nombre de ces mesures sont ponctuelles, provisoires mais elles sont néanmoins importantes et il faut les appliquer. Il ne faut pas se concentrer sur les symptômes car cela revient simplement à arrêter la fuite mais le bateau finit quand même par couler. Il faut s'attaquer à la racine des problèmes dans nos communautés. Vous citez des chiffres d'alcoolisme, de pauvreté. Tous ces chiffres sont les symptômes de problèmes latents dans nos communautés. Je me permets de vous rappeler les 60 millions de dollars qu'ont coûté le rapport sur la Commission royale sur les peuples autochtones et ses 440 recommandations. Au coeur de ce rapport et de ces recommandations il y a l'histoire des relations entre le Canada et les peuples autochtones dont le solde est lamentable. Ce sont des relations fondées sur le colonialisme, le racisme - sur une histoire négative. Il faut que cela cesse. Le statu quo est inacceptable, il ne fait que perpétuer le problème, problème qui s'aggrave de jour en jour. La recommandation principale de ce rapport est la nécessité de changements et de nouveaux chapitres dans l'histoire des relations entre le Canada et les peuples autochtones. Aussi, la nécessité d'une volonté politique des gouvernements du Canada à entrer dans une nouvelle ère de relations avec les peuples autochtones fondées sur le partage, sur un respect et une reconnaissance mutuels. Ces nouvelles relations doivent reposer sur le principe de relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, de peuple à peuple. Si ce sont les racines du problème qui vous intéressent, il faut vous attaquer au tout et à ses éléments fondamentaux. Il faut reprendre le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, appliquer les recommandations sur les droits autochtones, sur l'autonomie politique et il faut que le gouvernement manifeste la volonté politique de le faire. C'est le seul moyen d'aboutir à des solutions à long terme. Enfin, nous, les Métis, avons des défis uniques à relever dans le système fédéral: la discrimination systémique, l'absence de reconnaissance de nos peuples, l'absence de reconnaissance de nos droits. Ces questions méritent une mention particulière et d'être soulignées dans votre rapport car si vous ne parlez de nous que dans une perspective autochtone sans reconnaître le caractère distinct de notre peuple et de nos problèmes qui sont uniques, encore une fois nous serons oubliés. Vous devez vous attaquer aux vrais problèmes et revenir sur les messages fondamentaux que les dirigeants autochtones adressent au gouvernement canadien depuis maintenant des années. Le sénateur Morin: Je tiens à remercier les témoins, merci beaucoup madame Audette, et je tiens à remercier mon cousin éloigné, M. Morin. Ce que vous avez décrit, et ce que le sénateur Roche a souligné tout à l'heure, devrait être assurément une priorité pour le système de santé publique, dans la perspective fédérale et j'espère que notre rapport en fera la démonstration. Vous avez également dit qu'il faudrait que vous ayez vous-même la responsabilité de la santé. Nous promouvons la régionalisation au niveau provincial, il n'y a donc pas lieu de ne pas vous confier la responsabilité de vos services de santé. J'aimerais vous poser une question qui s'adresse à tous et ensuite j'aurais une question qui s'adresse à M. Gordon, Mme Dewar, puis M. Clark. Le budget fédéral pour la santé des Premières nations est de 1,3 milliard de dollars, cette année. Chaque année, sans exception, ce budget est de 10 p. 100 supérieur à celui affecté aux provinces. Si nous y ajoutons le budget pour la santé des Premières nations financées par les provinces, les Premières nations représentent la catégorie de population canadienne qui perçoit le plus gros montant d'argent fédéral par tête d'habitant pour les services de santé. Ce n'est peut-être pas suffisant. Il faudrait peut-être dépenser plus ou peut-être mieux dépenser. J'aimerais avoir votre avis sur cette question. Vu de l'extérieur, on ne peut pas nous reprocher de ne pas donner d'argent, nous en donnons. Il y a une augmentation de 10 p. 100 par an. Cela n'inclut pas l'argent consacré à la recherche, il ne s'agit que des services de santé. Il faudrait peut-être doubler la somme mais j'aimerais avoir votre avis sur la question. Ma question qui s'adresse à M. Gordon et à Mme Dewar est la suivante: d'après les documents que nous avons reçus, il semble que la majorité des Inuits vivent à l'extérieur du Canada, en Alaska, au Groenland et en Russie. Est-ce que l'état de santé des Inuits dans ces autres pays est meilleur qu'au Canada? Y a-t-il des modèles dans ces pays? Ce qui existe au Groenland ou en Alaska pourrait peut-être être adapté au Canada. Tout à l'heure M. Potter nous a dit que les Indiens hors réserve - les Indiens inscrits - relevaient de la responsabilité fédérale et que ces Indiens hors réserve bénéficiaient de services dits «non assurables» comme les médicaments, et cetera, à l'exception des services communautaires. Est-ce vrai? Vous avez semblé dire que nous ne relevions pas de la responsabilité fédérale. M. Clark: Pour ce qui est de ce montant de 1,3 milliard de dollars et ces 10 p. 100, si Santé Canada devait reconnaître sa responsabilité fiduciaire envers tous les peuples autochtones - y compris les non-inscrits, les Métis, les Premières nations et les Inuits vivant dans les villes - ce financement augmenterait de manière exponentielle. À mon avis, il serait beaucoup plus élevé, ma réponse à votre question est oui. L'autre partie de la réponse est que ce n'est pas uniquement une question d'argent. Il y a une autre enveloppe importante qui est nécessaire. Nous avons une population dynamique prête à prendre la responsabilité de cette enveloppe et je veux parler de l'emploi et des initiatives de formation, des aspirations éducatives de notre peuple; nous voulons participer. Il y a aussi une préparation qui est indispensable. Si nous prenons en charge d'autres programmes et d'autres services, qu'ils soient pris en charge par les centres d'amitié, par les Premières nations ou par d'autres de nos organismes, il faut que nous ayons du personnel autochtone formé et pour cela, il faut un plan. Ce plan et cette vision auraient dû être mis en place il y a déjà longtemps. Cependant, tant que le gouvernement ne reconnaîtra pas sa responsabilité fiduciaire envers tous les peuples autochtones, l'approche restera sporadique. Mme Johnston: Le problème de ce montant 1,3 milliard de dollars est de savoir comment il est envoyé aux Premières nations car ce ne sont pas elles qui décident de la répartition entre les diverses communautés. Il s'agit de savoir si c'est en fonction des besoins ou pour répondre à une crise. Quels sont les critères de répartition? Un de mes collègues a évoqué toute la question de la cause profonde de certains de nos problèmes de santé. Les dirigeants des Premières nations se plaignent du fait que l'utilisation de l'argent qu'on leur envoie est très cloisonnée. Ils ne peuvent pas s'en servir pour répondre aux besoins de leurs communautés. Ils ne peuvent s'en servir pour autre chose que ce qui est prévu. Cela leur pose beaucoup de problèmes. Nous disons que nous avons besoin de plus d'argent, mais le problème c'est que les priorités et la répartition des fonds de Santé Canada ne correspondent pas forcément aux priorités et à la répartition des Premières nations. Il faut que nous réfléchissions ensemble à ce problème. L'autre problème que me pose Santé Canada c'est que le ministère agit en fonction de la perception publique - des critiques des médias. Ils parlent de survie du système, de responsabilité, de comptes à rendre, et cetera. Nous, Premières nations, ce qui nous inquiète c'est le nombre de suicides dans nos communautés, la tuberculose et le diabète. C'est ça qui nous inquiète. Santé Canada continue à parler de responsabilité et de comptes à rendre. Nos problèmes et nos priorités sont différents. L'autre point que je tenais à signaler est celui de la langue. Nous en avons eu la preuve ici même. Dans les communautés des Premières nations, la langue est un élément clé, un élément capital en matière de santé. La langue a une incidence directe sur la vision de la santé ou sur l'interprétation du mot santé. La langue est capitale pour nous comprendre quand nous parlons de stratégies de santé, de promotion et de prévention sanitaires dans les communautés. Il faut que nous, peuples autochtones, participions à l'élaboration des stratégies. Quant aux services de santé non assurés, ils sont là pour les Indiens inscrits des Premières nations dans et hors réserve. Le problème, c'est que les Autochtones hors réserve ne vivent pas dans les communautés et n'ont pas participé à certaines des discussions concernant les services de santé non assurés mais il arrive que cela soit aussi la même chose pour ceux qui vivent dans les réserves. C'est Santé Canada qui prend les décisions. Il y a l'arrêt Corbière qui accorde le vote aux Indiens hors réserve. Le problème c'est que Santé Canada et Affaires indiennes ne donnent pas d'argent aux Premières nations pour les services offerts à ceux qui vivent hors réserve. Ils ne donnent de l'argent que pour ceux qui vivent dans les réserves. C'est un gros problème. Le sénateur Morin: Y compris les produits pharmaceutiques? Mme Johnston: Certains produits pharmaceutiques, oui. Le sénateur Morin: Il y a une différence pour les produits pharmaceutiques en réserve et hors réserve? Mme Johnston: Oui. Le sénateur Morin: J'avais compris le contraire. Il faudra vérifier car M. Potter m'a dit exactement le contraire quand je lui ai posé la question. Mme Johnston: Il y a d'autres problèmes concernant certains produits pharmaceutiques. Il y a des problèmes d'accès, par exemple. C'est peut-être à ce niveau qu'il y a confusion parce que c'est un problème d'accès aux services de santé non assurés. J'espère avoir répondu à votre question. [Français] Mme Audette: Pour les personnes vivant en milieu urbain, il est primordial d'offrir un meilleur accès à l'information des programmes de la Direction générale des services médicaux, par exemple, et produire un guide qui dresse la liste ou l'accès aux services. À certains endroits, la carte indienne pour les non-statués n'est pas acceptée. Ce guide pourrait aider ces gens, étant donné qu'ils n'ont peut-être pas une relation étroite avec leur communauté ou l'information nécessaire. Et, il serait aussi important de créer une ligne de services, style 1-800 pour obtenir de l'information rapidement, des suggestions ou déposer des plaintes pour avoir des renseignements sur leurs droits, et caetera. Ce serait quelque chose à penser pour les gens en milieu urbain. [Traduction] Le président: Monsieur Gordon, je crois que vous vouliez ajouter un commentaire. M. Gordon: En réponse à la question du sénateur Morin sur les Inuits vivant en dehors du Canada, à l'heure actuelle, leurs circonstances sont analogues aux nôtres; pour certains elles sont meilleures et pour d'autres elles sont pires. Je pourrais vous fournir certains renseignements. Le sénateur Morin: Si je vous ai posé cette question, c'est au cas où vous auriez eu connaissance de modèles ou d'expériences qui pourraient vous être utiles. Par exemple, est-ce que l'Alaska ou le Groenland appliquent des modèles qui pourraient être utiles au Canada? M. Gordon: Je pourrais vous communiquer ces renseignements. Je ne les ai pas avec moi. Dans le contexte du budget de 1,3 milliard de dollars il pourrait y avoir des partenariats responsables de l'aide aux Peuples autochtones dans les communautés. Il faudrait que ces partenariats soient gagnants dans les deux sens; il faudrait que chez les uns et les autres tout soit transparent et que les décisions ne soient pas prises du sommet vers la base car les besoins, les problèmes et les priorités dans les communautés sont différents de ce qu'on peut connaître à Ottawa. C'est comme la communauté d'où je viens à Inuvik. En 1954, Aklavik était le centre de notre région et il y a avait des inondations tous les printemps. Les bureaucrates d'Ottawa ont décidé de construire une ville sur le modèle d'une communauté du sud à l'emplacement où se trouve aujourd'hui ma communauté. Ma communauté a été conçue ici à Ottawa. Le sénateur Kirby: Je n'ose pas vous demander si tout va bien. Le sénateur DeWare: Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je ne suis pas membre du comité mais l'éducation et la santé sont deux domaines dans lesquels j'ai toujours été active. Il nous est difficile de saisir la réalité de vos problèmes de santé alors que nous vivons dans des régions où tous les services de santé sont accessibles. Vous avez parlé d'alcoolisme, de toxicomanie et de suicide. Si nous voulons éliminer ces problèmes, il ne faut pas oublier ce que Mme Johnston nous a dit, à savoir qu'environ 40 p. 100 de la population est composée de jeunes et qu'un quart de ces jeunes ne dépassent pas la neuvième année. Souvent l'éducation semble être la réponse à nombre de ces problèmes. Une jeune personne occupée, une jeune personne heureuse et productive est une jeune personne en bonne santé. Comment éduquer les jeunes et les garder dans le système? Quels encouragements sont nécessaires? Faut-il adopter une stratégie différente pour vos communautés particulières? Comment les motiver? Peut-être que l'éducation que nous essayons de leur donner ne répond pas à leurs besoins. Ils ont peut-être besoin de connaissances différentes. Ils veulent peut-être apprendre à se servir d'un ordinateur. Il est peut-être nécessaire de leur offrir des programmes de collège communautaire modifiés. Demandons-leur ce qu'ils veulent apprendre et donnons leur pour qu'ils puissent commencer. Mme Johnston en est l'exemple parfait, une fois éduquée, on continue à apprendre toute sa vie. Nous continuons tous à apprendre. Aujourd'hui vous nous apprenez quelque chose qui changera peut-être nos vies et qui nous fera juger différemment les communautés autochtones. Comment enseigner aux jeunes des capacités motrices? Quand les jeunes sont occupés ils ne songent ni à la drogue ni au suicide. La Commission royale sur les peuples autochtones recommandait un programme financé sur dix ans pour éduquer et former le futur personnel autochtone des services de santé, des services sociaux et autres services nécessaires à toute collectivité. J'ai le sentiment que nos jeunes représentent en partie la réponse. Je sais qu'il y a un problème qui doit être réglé maintenant, mais il faut également trouver le moyen de rendre moins lourd le problème pour les jeunes de demain. C'est ce que je vous propose. Mme Johnston: Je vous remercie de vos propos sur les jeunes. Nos anciens disent exactement la même chose: les jeunes sont l'avenir de la nation. Nos programmes doivent être axés sur l'estime de soi, notre identité comme peuple. Vous avez dit que j'étais l'exemple parfait de gens éduqués. Ce qui a compté le plus pour moi, c'était ma relation avec mes grands-parents, qui m'ont enseigné ma culture, qui m'ont inculqué mon identité comme membre d'une Première nation. C'est extrêmement important. Nous, les Premières nations de ce pays, devons savoir qui nous sommes. Les jeunes s'interrogent sur leur identité. Ils s'interrogent à cause de ce qui s'est passé autrefois, à cause des pensionnats, parce que certains de leurs parents en ont souffert. Nos stratégies seront fondées sur ce qui était bon dans notre passé et notre présent ainsi que pour l'avenir. Nous, les Premières nations de ce pays, aurons ce dialogue avec nos anciens et nos jeunes pour décider ce que nous devons mettre de l'avant. Il faut qu'on nous donne cette possibilité, et il faut qu'on nous donne les ressources voulues. Pour ce qui est du financement, il doit servir pour combler les besoins de nos populations, et l'on doit nous permettre d'utiliser ces fonds dans l'intérêt supérieur de nos communautés. C'est ce qui doit se faire à mon avis. Le sénateur DeWare: Pourquoi les jeunes décrochent-ils? Santé Canada parlait de son programme de formation du personnel infirmier, et l'on disait qu'au bout d'une année, tous avaient décroché. S'est-on demandé pourquoi ils avaient décroché? Y a-t-il une raison à cela? Mme Johnston: Je peux expliquer cela d'après ma propre expérience, ayant étudié les sciences infirmières dans le système des collèges et universités. Le système d'éducation ne vous permet pas de prendre un peu le temps pour considérer la santé dans une optique holistique. C'est la seule critique que j'ai contre le système des collèges et universités. Lorsque j'ai reçu ma formation d'infirmière, ma grand-mère m'a appris beaucoup de choses au sujet des aspects mentaux, physiques, spirituels et émotifs de la santé. J'avais beaucoup de difficultés dans le système des collèges et universités, surtout, à l'université, parce que l'enseignement était largement fondé sur la théorie des sciences infirmières. Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que la théorie des sciences infirmières n'était pas fondée sur des éléments spirituels et émotifs; on soulignait l'aspect biophysique, ce qui était contraire à l'enseignement de ma grand-mère. J'ai eu la chance de discuter de ces choses avec mes grands-parents. Parfois, ce qu'on apprend à la maison est très différent de ce qu'on apprend dans un établissement d'enseignement. L'autre aspect, c'est la façon d'apprendre. Ce que j'ai appris à la maison était fondé sur l'expérience, ce qui n'est pas le cas du système des collèges et universités. Mme Dewar: J'aimerais donner aux membres du comité une idée des difficultés qu'ont causées l'assimilation et la colonisation des peuples autochtones. Il y a à peine 50 ans de cela, les représentants du gouvernement fédéral sont venus dans nos localités de l'Arctique et nous ont obligés à diriger nos localités à la manière de ce qu'on appelle le monde occidental en anglais. Tout nous a été imposé, et ce n'était pas facile. Les gens ont encore du mal à s'adapter à un système qui leur est étranger. Ce qui ne veut pas dire que nous détestons tout ce qu'on nous a donné; c'est seulement qu'on ne nous a pas demandé notre avis au départ. Il était formellement interdit à nos anciens de communiquer leurs idées au système qui était imposé aux communautés de l'Arctique. Je vais vous donner un exemple. J'étais à Rankin Inlet le week-end dernier, et j'y ai rencontré une jeune femme qui aide ses semblables avec les fonds que nous lui avons aidé à obtenir. Elle a créé ce groupe de couture pour femmes qui s'appelle «Bringing Back our Sinew». On donne aux membres de ce groupe des tissus - tout, même des peaux - pour coudre et fabriquer des vêtements de caribou, des bottes de phoque et tout ce que nos ancêtres fabriquaient par le passé. Les hommes inuits chassent de nouveau pour rapporter des fourrures. Cela ramène l'estime de soi qui manquait. Cela ravive la participation qui n'existait plus depuis 30 ans. Tout s'était arrêté parce qu'on nous donnait tout. Ces gens vivaient une transition, ils éprouvaient des difficultés, ils étaient confus. Que faisons-nous de ce système étranger, le système judiciaire, les tribunaux, la scolarisation en anglais et tout ce qu'on nous a apporté? Que diriez-vous si nous vous imposions notre culture à vous, à Ottawa et qu'on vous disait: Voici, faites ceci. C'est ce qu'on a fait avec nous. C'était difficile. Mais faites-nous une place dans le processus - faites une place aux femmes aussi. Nous connaissons le système de santé. On nous a empêchés de nous joindre aux cinq autres organisations. Le gouvernement fédéral ne reconnaît pas à Pauktuutit le droit de participer à la prise de décisions et à l'élaboration des politiques. Les femmes inuites veulent qu'on leur fasse une place. Nous voulons travailler avec les autres. Souvent, nous voyons ce que fait le gouvernement et nous disons que c'est la mauvaise décision, mais nous devons aussi nous interroger à titre de dirigeants à qui on a confié le soin de faire le travail et à titre sur nos organisations, il faut que tout le monde participe. Les gens qui travaillent dans les bureaux du système de santé à Ottawa ne savent rien au sujet des Inuits de l'Arctique. Nous devons nous éduquer les uns les autres. Il faut qu'on nous fasse une place. [Français] Mme Audette: J'aimerais répondre à la question de madame le sénateur. Pour les femmes, la santé est la pierre angulaire pour une éventuelle autonomie gouvernementale saine.Avoir du monde en santé, c'est important pour nous, mais cela commence par l'individu: les hommes, les femmes, les jeunes et les moins jeunes. Ensuite, la famille et la nation. Nous avons une approche holistique, vous l'avez remarqué, c'est assez clair, et dans cette approche holistique, l'éducation fait partie et est la clé importante pour le mieux-être de nos nations. Qu'est-ce qu'on fait quand les jeunes savent très bien qu'ils n'ont pas de ressources naturelles, pas de territoire, pas d'endroit pour investir en termes d'entreprises au sein de leur communauté? Le message que nous recevons des plusieurs jeunes: «Pourquoi j'irais à l'école alors qu'il n'y a pas d'avenir chez nous?» Il faut changer ces mentalités et responsabiliser nos gens, non pas seulement par un groupe de femmes, mais à tous les niveaux que nous avons, soit les gouvernements, les entités existantes, les conseils de bande, tout le monde doit s'investir là-dedans. C'est difficile pour eux et c'est aussi difficile d'établir un développement durable en ce moment au sein de nos communautés, vu le manque de territoire, la non-reconnaissance de nos droits fondamentaux, le droit à l'autonomie gouvernementale, et caetera. Cela amène des problèmes sociaux dans nos communautés. Vous le savez, c'est alarmant, je l'ai dit tantôt, c'est une bombe à retardement. Les problèmes sociaux aussi, amènent de la délinquance chez les jeunes. Il a été prouvé que la plupart de ces jeunes sont atteints du syndrome de l'alcoolisme foétal ou de ses effets. Qui leur a transmis ce syndrome? Ce sont les femmes. Et pourquoi les femmes consomment de la boisson? Parce que la société, les problèmes sociaux, et caetera, en ont fait ainsi. Je tiens à dire que, oui, on doit s'attaquer à la jeunesse, mais on semble oublier la santé physique et mentale des femmes autochtones. C'est très important d'avoir des groupes spécifiques, des organisations et des programmes conçus pour les femmes. On ne peut pas détruire un peuple et ensuite dire: «bien, il y a un problème avec nos jeunes.» Il faut aller à la base et ce sont les femmes qui donnent naissance aux enfants, à moins que cela n'ait changé. Non. C'est encore nous qui mettons au monde les enfants. Nous leur transmettons soit le VIH, le syndrome de l'alcoolisme foétal, et caetera. Il faut aussi penser à la question des femmes. [Traduction] M. Clark: J'ai une brève observation à faire au sujet des jeunes qui décrochent. Soixante pour-cent de notre population ont moins de 25 ans, et 80 p. 100 d'entre eux vivent hors réserves. C'est le groupe ethnique qui connaît la plus forte croissance dans notre pays, et son nombre va doubler. En 1962, il n'y avait que quatre diplômés universitaires autochtones. Dix ans plus tard, la fraternité nationale des Indiens - qui est aujourd'hui l'Assemblée des premières nations - a engagé une lutte longue et ardue pour permettre aux Indiens de contrôler leur éducation. Aujourd'hui, il y a environ 20 000 ou 30 000 Autochtones qui détiennent un diplôme universitaire. Comment régler ce problème? Je dis que nous devons appliquer les mêmes principes du contrôle par les Indiens à l'éducation autochtone là où le nombre le justifie dans les centres urbains. Et pourquoi pas? On a eu du succès de ce côté. Je m'en voudrais de ne pas vous dire ceci. Je veux me pencher sur la notion de décrochage avec le plus de respect possible. Si le décrochage était un phénomène généralisé dans la société, ce ne serait pas un problème pour les Autochtones. Mais dans la société, on voit que les décrocheurs ont certains traits communs. Dans ce cas-ci, il s'agit souvent d'Autochtones, ou de personnes qui sont pauvres ou d'une race différente. Cela prouve qu'il ne s'agit pas d'un phénomène individuel où une seule personne dit: «Moi, j'ai décidé de décrocher». Au contraire, cela démontre que c'est probablement un phénomène historique, un phénomène qui est plus systémique et qui fait que plus de gens sont exclus. Quand on voit le système d'éducation, on y voit des jeunes qui sont constamment en butte au racisme. Je parle souvent à ces jeunes-là; c'est une expérience qu'ils vivent quotidiennement. Nous avons beaucoup de travail à faire, mais nous ne pouvons pas isoler l'éducation du logement, de la garde d'enfants, toute la liste: l'emploi, la formation et le travail. Voilà pourquoi je reviens toujours à la question fondamentale: c'est une crise. Qu'on le reconnaisse, qu'on se retrousse les manches, que l'on trouve les partenaires voulus et que l'on conçoive une approche globale pour assurer le mieux-être de chacun dans la société canadienne. Au bout du compte, il en coûterait beaucoup moins que le statu quo que l'on connaît aujourd'hui. M. Morin: J'aimerais revenir à une question. Je voudrais que le comité fasse une recommandation au sujet des Métis. Étant donné que le gouvernement fédéral nous refuse toute responsabilité ou compétence concernant nos communautés, nos gens n'ont pas accès à une foule de programmes et de ressources. Le sénateur Morin a cité le chiffre de 1,3 milliard de dollars. Les Métis du Canada n'ont pas eu accès à ce financement. Nos gens n'ont pas droit à bon nombre de programmes. Aux médicaments, par exemple. Beaucoup sont très pauvres. J'ai vu les enfants de mères monoparentales qui ont été diagnostiqués et qui souffrent beaucoup, mais les mères n'ont pas d'argent pour acheter les médicaments d'ordonnances. Dans certains cas, il a fallu que je paye de ma poche. On voit ces exemples partout, et cela crée des souffrances et une misère considérables pour nos gens. Le gouvernement fédéral doit tenir compte de nos circonstances et de nos difficultés exceptionnelles. Nous allons certainement mettre à votre disposition toutes les informations que nous avons dans nos bureaux lorsque vous rédigerez votre rapport et vos recommandations, mais il faut qu'il y ait une recommandation précise où vous direz qu'il est temps que le gouvernement fédéral admette sa responsabilité constitutionnelle envers les Métis du Canada. Le sénateur Robertson: Chose certaine, nous apprenons beaucoup de choses. Tous les témoins semblent reconnaître qu'il y a de nombreuses causes profondes à ces problèmes et que la santé n'est pas isolée. Tout le monde semble admettre que le système colonial dans lequel nous avons vécu ne fonctionne pas. L'une des tâches les plus difficiles pour notre comité consistera à nous rapprocher de la vérité et à faire les recommandations voulues. Parmi tous les témoins d'aujourd'hui, je constate un certain degré de convergence ainsi que de certaines différences, selon chaque groupe qui est représenté. Si on réunissait tous ces témoins dans une salle pendant un nombre de jours X, est-ce qu'ils pourraient s'entendre sur les références, sur les recommandations qu'on doit nous faire? Même s'il y a une certaine convergence, il y a aussi diversité. Je ne sais pas si c'est possible mais je crois qu'il serait très intéressant que chacun d'entre vous donne son avis là-dessus et voir comment nous nous en tirons. À l'heure actuelle, le processus me fait peur parce que je ne sais pas comment contourner toute cette diversité. M. Morin: Si vous nous mettiez tous dans la même salle pour trouver des solutions, nous ressemblerions à la Chambre des communes. Il y a certaines questions communes sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble. Ce qui est important, et, ce que nous vous exhortons à faire du point de vue de la nation métis, c'est de considérer la diversité des peuples autochtones du Canada. La Constitution du Canada, la loi suprême de notre pays, reconnaît trois peuples autochtones au Canada: les Indiens, les Inuits et les Métis, et nous représentons une nation historique. Comme point de départ, vous devez reconnaître la spécificité fondamentale des trois peuples autochtones du Canada lorsque vous traitez avec eux. Dans notre cas, la Nation métis traite avec le gouvernement du Canada sur une base bilatérale étant donné les circonstances et les difficultés propres à la Nation métis et les problèmes que nous avons dans notre communauté. C'est important. J'aimerais faire une dernière observation. Pour en revenir à ce que j'ai dit plus tôt au sujet des questions fondamentales, des questions relatives aux droits, de l'autodétermination et du reste, je crois que les parlementaires et les gouvernements du Canada connaissent les solutions. Il y a longtemps qu'on leur en parle. Pour agir, il suffit d'être de bonne foi et d'avoir la volonté politique voulue. À mon avis, cette volonté politique et cette bonne foi sont absentes. Il est temps d'aborder le chapitre que contenait le rapport de la Commission royale et de former un nouveau rapport fondé sur une relation nation à nation, gouvernement à gouvernement. D'une manière ou d'une autre, nous devons trouver le moyen de susciter cette bonne volonté et cette bonne foi pour trouver des solutions dans l'intérêt de nos gens et de notre pays. M. Gordon: Je suis d'accord avec M. Morin. Si vous nous réunissiez dans une salle nous nous entendrions sur la majorité des questions. Le gouvernement fédéral doit reconnaître que chaque groupe est unique. J'ai des parents qui ont grandi sur la côte et qui y vivent. Lorsqu'ils se rendent à l'intérieur des terres l'hiver, ils deviennent claustrophobes à cause des arbres. Chaque groupe et chaque communauté est unique, et cela doit être pris en compte. Pour résoudre bon nombre des problèmes qui existent, il faut commencer au niveau communautaire. Il faut accorder des fonds aux communautés pour qu'elles se mettent à l'oeuvre. Mme Johnston: C'est une question intéressante. Je suis d'accord avec mes collègues pour dire que nous nous entendrions probablement sur certaines questions. Nos stratégies sont peut-être différentes selon les provinces ou les territoires où nous vivons. À l'instar de mes collègues, j'estime que le gouvernement doit reconnaître que nous sommes un groupe indigène distinct de notre pays. Si nous pouvions vous laisser un message, ce serait que nous, comme peuple autochtone, devons participer aux décisions. Je vous donne l'exemple de l'entente-cadre sur l'union sociale. Des problèmes de compétences sont survenus en raison de la relation qui existe entre le palier fédéral et le palier provincial. Nous ne participons pas aux discussions lorsque les provinces se réunissent pour discuter des soins de santé, ce dont il s'agit ici. Si on veut que nous participions à l'élaboration de solutions aux problèmes du pays en matière de prestations de soins de santé aux Autochtones, nous devons participer à ces discussions. Nous voulons participer à la mise en oeuvre de stratégies. Si vous examinez les statistiques sur la santé des Premières nations et des Autochtones du pays, vous constaterez que leur situation diffère de celle des Canadiens. Nous voulons faire partie de la solution. Comme le disait ma grand-mère, si vous ne faites pas partie de la solution, vous faites partie du problème. Nous voulons faire partie de la solution et je recommande fortement qu'on nous donne voix au chapitre lors des discussions dans le cadre de l'entente-cadre sur l'union sociale. Le sénateur Robertson: Voila précisément où je voulais en venir. Vous voulez participer aux discussions. Si nous vous demandons d'y participer et que nous acceptons des recommandations de chaque groupe, le groupe A ne sera peut-être pas d'accord avec le groupe C, ce qui nous mettra devant un dilemme. Si vous pouviez ensemble nous transmettre des recommandations sur les grandes questions qui vous touchent tous, ce serait un bon point de départ pour nous. Monsieur le président, certains d'entre nous se sont fait dire dans le passé qu'on n'avait pas fait de progrès à ce chapitre notamment parce que les participants ne s'entendaient pas entre eux. J'ignore si tel est le cas, mais j'aimerais bien qu'on finisse par s'entendre car nous ne pourrons progresser sans vos conseils, sans vous consulter. J'estime qu'il est essentiel de vous consulter sur la façon de procéder. J'aimerais revenir à ce sujet, d'ailleurs. Le président: Monsieur Clark, vous aurez le dernier mot. M. Clark: Les jeunes et les aînés ont dit à la commission royale qu'il est évident que ce qui nous différencie n'est pas aussi important que ce qui nous rapproche. Par conséquent, je répondrais oui à votre question. Cependant, à mon avis, il est plus important de se demander si on pourrait amener tous les premiers ministres à s'entendre pour dire que nous faisons face à une crise nationale et qu'il est temps d'agir. Le sénateur Robertson: Nous pourrions en faire la recommandation. Le président: Certains d'entre nous ici présents ont fait des tentatives en ce sens dans d'autres dossiers. Mme Audette: J'abonde dans le même sens. Nous devons nous réunir et profiter des connaissances d'experts de chacun tout en respectant notre diversité. Je vous remercie de votre invitation. J'espère que dans les cinq minutes qui nous ont été accordées - certains ont eu davantage, ils ont eu de la chance - nous avons pu vous dresser un tableau réaliste de notre vie quotidienne. C'est difficile pour nous. Nous sommes ici au nom de nos membres, de notre peuple, de nos amis, mais tous, partout, devront être mis à contribution. Nous avons besoin de soutien, parce que la situation est si difficile. Comme femme, j'ai de la chance; ici, vous avez les Premières nations, les Indiens hors réserve et les Métis, et je crois à ces organisations même si je travaille pour l'Association des femmes autochtones du Canada. Je suis très fière de l'Association nationale sur la santé des Autochtones. Le président: Ce sont nos prochains témoins. Mme Audette: Vous constaterez que nous sommes tous assis à la même table. Il y a de l'espoir et beaucoup de possibilités. Le président: Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous dire que vos remarques nous ont été très utiles. Comme Mme Audette l'a dit, vous nous avez confrontés à la réalité, ce qui devrait être le cas plus souvent pour nous, à Ottawa. Merci d'être venus. Nous accueillons maintenant la Dre Judith Bartlett et Richard Jock, qui représentent l'Organisation nationale sur la santé des Autochtones. Nous avons votre mémoire. Si vous voulez bien le passer en revue avec nous, après quoi nous céderons la parole au Dr Reading, qui représente l'Institut de la santé des Autochtones. Dre Judith Bartlett, présidente, Organisation nationale sur la santé des Autochtones: Merci d'avoir invité l'Organisation nationale sur la santé des Autochtones à témoigner aujourd'hui. J'aimerais aborder cinq sujets. Premièrement, permettez-moi de vous décrire brièvement notre organisation. Puis, je vous brosserai un tableau de la santé des Autochtones en 2001 à l'aide de certains des indicateurs figurant dans votre rapport intérimaire. Nous examinerons ensuite la politique fédérale actuelle et son incidence. Enfin, je formulerai brièvement certaines recommandations à l'intention du comité. L'Organisation nationale sur la santé des Autochtones est une organisation indépendante chargée de recueillir des données sur la santé des Autochtones. Elle met l'accent sur l'amélioration de la santé physique, sociale, mentale et spirituelle des peuples autochtones. Par suite de consultations nationales que nous avons menées, nous avons établi nos priorités. Avant que le conseil ne soit constitué, un comité de mise en oeuvre et un comité directeur conjoint ont parcouru le pays pour déterminer quelles devraient être nos priorités. Plusieurs d'entre elles se sont dégagées de ces consultations ainsi que le fait que chaque groupe autochtone, qu'il soit Première nation, Inuit ou Métis, est unique et distinct. La première de nos trois grandes priorités est le domaine de la recherche et de l'information sur la santé, ainsi que la collecte et la dissémination de ces informations dans un format pratique. La deuxième priorité est de déterminer comment exercer une influence sur l'élaboration des politiques et l'édification de capacités dans le domaine de la santé, plus particulièrement dans les professions de la santé. Troisièmement, nous nous intéressons à la santé et à la guérison traditionnelle au Canada; nous voulons voir comment nous communiquons les renseignements et comment intégrer au système de soins de santé canadien les points de vue et les connaissances traditionnelles des Autochtones. Nous sommes en train de mettre sur pied trois centres. Comme je l'ai dit, nos consultations nous ont permis de constater à quel point il est important de tenir compte des besoins particuliers des Premières nations, des Métis et des Inuits. Chaque groupe a des besoins différents et particuliers. De plus, nous examinerons les fonctions centrales et déterminerons quels enjeux sont globaux, quels enjeux sont nationaux et comment aider ces centres. En ce qui a trait à la santé des Autochtones en 2001, je dirais en guise d'introduction que les données que nous avons portent surtout sur les Premières nations. Cela s'explique par le fait qu'il y a très peu d'information sur les Métis et les peuples autochtones. Vous avez déjà entendu dire, dans vos discussions, qu'il y a une disparité persistante en matière de santé entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. Chez les Autochtones, le diabète, la tuberculose et l'arthrite sont plus fréquents. Ces statistiques sont ressorties clairement des sondages régionaux sur la santé des Inuits et des Premières nations et aussi d'autres études. De plus en plus, les Autochtones contribuent à la planification des services, à la prestation et à l'administration des soins de santé. Cela se constate dans les collectivités des Premières nations, mais aussi de plus en plus dans les villes où les Autochtones se rassemblent et constatent qu'ils ont des besoins précis. Cette tendance se manifeste dans tout le pays. On constate aussi une tendance vers la recherche communautaire sur la santé, comme dans le cas de l'étude régionale sur la santé des Premières nations et des Inuits et l'étude longitudinale. Cela est attribuable en partie à l'expérience du passé en matière de collecte, analyse et interprétation des données. Dans le passé, des chercheurs sont allés dans les localités autochtones et n'ont pas mis la collectivité à contribution au moment d'interpréter les résultats de ces études et de les transformer en information pouvant servir à la collectivité. Cela s'inscrit aussi dans le processus global d'autonomie gouvernementale. À partir de trois indicateurs - l'espérance de vie à la naissance au Canada, le taux comparatif de mortalité pour toutes les causes au Canada et le taux de mortalité infantile au Canada - nous avons examiné les données que nous avions sur les Premières nations. Vous constaterez que l'écart pour les femmes amérindiennes est d'environ 4,8 ans et, pour les hommes, de 6,9 ans. Nous avons indiqué sur le graphique là où ces données se situeraient pour la population canadienne dans son ensemble. Comme vous pouvez le constater, l'espérance de vie des Premières nations est à peu près ce qu'elle était pour la moyenne des Canadiens en 1970. Cela m'a semblé intéressant. Pour relativiser ces données, disons que l'espérance de vie des Premières nations est inférieure à celle des 25 pays ayant la plus longue espérance de vie qui figure dans le document que j'ai reçu. En ce qui concerne le taux comparatif de mortalité, chez les hommes amérindiens, ce taux est de 1,4 fois supérieur et chez les femmes, de 1,9 fois supérieur. Comme vous le voyez, le taux comparatif de mortalité pour les femmes équivaut à celui de 1958 pour tous les Canadiens. Cela vous donne une idée de ce que nous apprend ce genre de données. La mortalité infantile chez les Premières nations est encore le double de ce qu'elle est ailleurs. Encore une fois, vous constaterez que, chez les femmes des Premières nations, le taux de mortalité infantile est de 11,5, comparativement à une moyenne canadienne de 6. Encore une fois, ces taux sont semblables à ce qu'ils étaient au milieu des années 70 pour l'ensemble de la population canadienne. Sur le plan de la politique fédérale, le gouvernement a tendance à adopter une approche visant tous les Autochtones dans ses nouvelles initiatives de santé, soit au chapitre du diabète, du VIH et du sida. Il y a eu de nouveaux projets tels que notre organisation, les instituts de recherche en santé du Canada, et ainsi que de suite, et ce, depuis quelques années. La première directive fédérale sur le transfert relatif à la santé des Premières nations et des Inuits a modifié l'environnement politique dans son ensemble. Il n'y a plus de soins primaires visant en particulier les Métis et les Indiens non inscrits. On l'a déjà dit ici plus tôt. C'est un point extrêmement important. La politique fédérale veut que le gouvernement fédéral ne dispense plus ses services. On semble vouloir mettre l'accent sur la prestation des soins de santé dans les villes, mais pas de façon uniforme. Même dans les régions urbaines, il n'y a pas de services particuliers, en général, pour la population autochtone. Des initiatives fédérales sont en cours pour assurer la viabilité des programmes de santé pour les Premières nations et les Inuits. Le gouvernement fédéral reconnaît l'autonomie gouvernementale comme un droit inhérent. La participation de chaque province au programme de santé pour les Autochtones varie. Le gouvernement fédéral dispense habituellement les services qui s'adressent aux Autochtones directement. C'est important, car cela permet aux Autochtones des centres urbains d'avoir accès à ces services si la province n'est pas disposée à prévoir un programme général. Cela donne un coup de pouce aux Autochtones qui veulent se donner la capacité d'élaborer et de dispenser des programmes. Sur le plan de la politique non autochtone, il y a eu des progrès importants en matière de recherche et d'information sur la santé. Nous avons maintenant les IRSC et l'ICIS. Cinq cent millions de dollars ont été consacrés à l'autoroute de l'information du Canada, ce qui se révélera très important, ainsi que 800 millions de dollars pour le fonds de transition des soins primaires. De plus, en général, la réforme de la santé nous mène de plus en plus des soins en hôpital vers les soins communautaires. Cela a des effets importants sur les Autochtones. Quelles sont les répercussions de ces politiques? Elles se font sentir notamment dans le domaine des compétences. Les services de santé dans les localités indiennes et inuites sont fragmentés et mal reliés en raison du partage des compétences entre les paliers fédéral et provincial. D'autres l'ont déjà dit aujourd'hui. Qui est responsable? Ce problème semble exister depuis longtemps. Les Métis et les Indiens non inscrits ne relèvent de personne. En fait, ils sont exclus de l'application des diverses lois, ce qui a une incidence sur leur droit à des programmes. Ce projet de loi est donc important. Les gouvernements fédéral et provinciaux s'adonnent à un cloisonnement important de leurs programmes. Cela empêche une rationalisation efficace. Lorsque vous tentez d'élaborer des programmes locaux qui sont holistiques et que six ou sept différents organismes de financement ont leurs propres exigences en matière de rapport, c'est difficile. Le soutien aux soins prolongés dans les localités indiennes ou rurales varie d'une province à l'autre. Les politiques ont aussi une incidence sur le transfert relatif à la santé des Premières nations et des Inuits. La politique à cet égard est assez restrictive. Tous les programmes ne sont pas admissibles et il n'existe aucun cadre permettant l'intégration des services fédéraux et provinciaux aux fins du transfert. La marge de manoeuvre n'est pas suffisante pour permettre une approche unique en matière de santé mentale là où on recommande des services communautaires. Par conséquent, il n'y a qu'un programme et on doit faire en sorte de s'en contenter. Il n'y a pas de recherche non plus, et cela m'apparaît important. Aucune étude n'a encore été faite, bien qu'il y en aura peut-être à l'avenir, sur le lien entre l'autodétermination et la santé. Des études internationales ont été faites sur la source de contrôle et ses effets sur la santé à long terme, sur le plan de la morbidité et de la mortalité. Voilà un domaine qui est touché par les politiques actuelles et sur lequel nous n'avons pas de résultat de recherche. Par ailleurs, les politiques sont lacunaires. Dans certains domaines critiques, par exemple, la santé mentale et d'autres domaines non couverts par l'assurance-santé, aucune politique fédérale n'existe. Les mandats des organismes sociaux et de santé ne sont pas toujours clairs en raison de problèmes de partage des compétences. Dans certaines provinces, de nouvelles lois sur les services aux enfants et aux familles modifieront grandement l'environnement politique. En ce qui a trait au financement des programmes, l'admissibilité des organisations de santé au financement peut aller à l'encontre d'une prestation de soins holistiques. Encore une fois, il faut composer avec plusieurs gouvernements et de nombreux ministères. Ainsi, au chapitre du VIH et du sida, les fonds en principe servent à la sensibilisation, mais pas à la prestation directe de services. C'est un obstacle de taille. De plus, comme les fonds consacrés aux programmes n'augmentent pas, on risque de perdre une partie de sa capacité. On a pu édifier des capacités uniques dans le domaine des approches holistiques, par exemple, mais comme les fonds fédéraux consacrés à des programmes tels que le programme Bon départ ou les programmes pour enfants n'ont pas augmenté depuis six ou sept ans, des compressions budgétaires et des suppressions d'emplois ont été nécessaires. Des personnes qui avaient été formées et étaient devenues expertes dans l'élaboration et la prestation de programmes adaptés à la culture autochtone n'ont pratiquement d'autre choix que de travailler dans le cadre de programmes provinciaux ou fédéraux où les salaires sont plus élevés. Voilà un autre obstacle. La réforme de la santé a aussi des répercussions. Le congé prématuré de l'hôpital entraîne un stress considérable pour les ressources communautaires limitées en matière de soins prolongés. Dans les villes, l'accès aux soins de santé est médiocre. On a tendance à croire qu'il serait bon, mais tel n'est pas le cas. Dans la plupart des cas, c'est attribuable à la pauvreté. Il faut de l'argent pour acheter un billet d'autobus pour se rendre là où on pourra avoir des soins de santé. De plus, bon nombre de ces services ne sont pas adaptés à la culture autochtone. Dans les centres urbains, dans les localités rurales et dans les collectivités des Premières nations, on ne dispose pas de ressources suffisantes pour se doter de capacités à ce chapitre. Que faut-il faire? À ce sujet, nous avons quatre recommandations à faire. Premièrement, il faut des politiques facultatives et des investissements dans l'élaboration de lignes directrices pour la création d'un modèle intégré pour la santé, modèle qui comprendrait les services fédéraux et provinciaux. Cela vaut pour les Premières nations, les communautés rurales et urbaines. Deuxièmement, il faut concevoir des méthodes de collecte et d'analyse des données de base sur la santé des Métis, des Indiens hors réserve et des Autochtones vivant en milieu urbain. Il est difficile de tenter de concevoir, de rationaliser et de justifier des services sans données. Les études pancanadiennes ne comportent pas d'échantillons autochtones suffisants pour permettre des analyses utiles. Cela s'est produit à maintes reprises. Une seule étude, l'étude longitudinale sur la santé des Premières nations, peut nous aider dans une certaine mesure. Troisièmement, il faut supprimer les obstacles qui empêchent les organisations autochtones d'obtenir des informations de Statistique Canada. Un des fondements de l'autodétermination est la capacité de recueillir, d'analyser et d'utiliser des données. Quand l'accès à l'information est insuffisant, il devient extrêmement difficile de répondre aux besoins particuliers des Premières nations, des Métis ou des Inuits. Quatrièmement, le gouvernement fédéral doit ouvrir la voie à la collaboration avec les provinces et les territoires en vue de régler les problèmes de compétence. Cela vous a été dit à maintes reprises, mais c'est important. Cela résume notre exposé, à moins que M. Jock veuille ajouter quelque chose. Le président: Puisque nous disposons de peu de temps, j'aimerais céder la parole dès maintenant au Dr Jeff Reading. Dr Jeff Reading, directeur scientifique, Institut de la santé des Autochtones, Instituts de recherche en santé du Canada: J'aborderai plusieurs questions avant de conclure en faisant le point sur la santé des Autochtones afin que vous compreniez l'importance stratégique de l'amélioration de la santé des peuples autochtones et son influence sur la santé des autres Canadiens. D'abord, j'aimerais vous parler des déterminants de la santé. J'ai écouté les témoins précédents et il est vite devenu évident que la pauvreté et l'absence de perspectives étaient des facteurs contribuant de façon significative à la mauvaise santé. Ce fait est généralement reconnu par la société, ainsi que dans les collectivités autochtones. Il faut donc de bonnes politiques pour améliorer la santé et le bien-être de tous. La prestation des soins de santé n'est qu'un déterminant de la santé. Il y en a bien d'autres. Vous avez aussi entendu parler de l'étude régionale sur la santé à laquelle j'ai participé. Les sondages ne sont pas en eux-mêmes très intéressants; ce ne sont que des questionnaires permettant de recueillir des données sur les gens. Toutefois, celui-ci était intéressant en ce sens que c'était la première fois que neuf organisations politiques autochtones, représentatives des divers secteurs de la santé au pays, se sont unis pour mener ce sondage dans 183 collectivités représentant quelque 10 000 participants. Un tel niveau de coordination des peuples autochtones n'avait jamais été vu dans le cadre d'une étude nationale. Entreprendre des recherches peut constituer un déterminant de la santé en soi. C'est un déterminant de la santé, parce qu'il permet aux gens de maîtriser les facteurs qui touchent leur vie. Pendant longtemps, ce sont des gens de l'extérieur qui ont assumé le contrôle dans les localités autochtones. Avec cette étude, les Autochtones avaient l'occasion de prendre le contrôle et d'interpréter des données sur eux-mêmes. Quand les gens participent à la création et à la compréhension de connaissances sur eux-mêmes, ils assument leurs propres problèmes de santé et, ce faisant, participent activement à la recherche de solutions. La recherche est la première étape vers l'autodétermination et l'amélioration de la santé. Les autres témoins vous ont dit comme il avait été important que ce soient les Premières nations et les autres groupes autochtones qui mènent leurs propres études; c'est une indication positive de leur conviction à ce sujet. Ils veulent assumer le contrôle de l'image qu'ils projettent aux autres par le biais des résultats qui sont publiés non seulement dans les médias mais aussi dans les publications de recherche. Cette recherche a aussi eu l'avantage de contribuer à la création de capacité, un sujet auquel je reviendrai un peu plus tard. J'aimerais vous toucher quelques mots d'une autre question importante, les soins primaires. Je sais que d'autres intervenants ont fait avec éloquence la promotion des soins primaires comme intervention communautaire importante qui permettrait d'améliorer la santé des Canadiens en général. Je vous ai distribué une étude récente publiée dans le New England Journal of Medicine du 3 mai 2001, volume 344, numéro 18. Il s'agit d'un rapport sur une étude de prévention du diabète chez les Finlandais. On s'est penché plus particulièrement sur les patients qui souffraient d'intolérance au glucose, laquelle est associée au pré-diabète et se traduit par une glycémie élevée. Dans cette étude, on a divisé un groupe de 500 patients en groupe de contrôle et groupe d'intervention. Le groupe d'intervention a reçu des séances individualisées de counselling visant à réduire le poids, la consommation totale de gras saturé et de fibres et une augmentation de l'activité physique. Les résultats ont été stupéfiants. L'incidence cumulative du diabète après quatre ans était de 11 p. 100 au sein du groupe d'intervention, mais le double, 23 p. 100, dans le groupe de contrôle. C'est une différence considérable. Le risque de diabète a été réduit de 58 p. 100 au sein du groupe d'intervention. Le diabète de type II est associé à des taux élevés de morbidité et de mortalité. Il peut mener à l'amputation des membres inférieurs, à la cécité, à l'insuffisance rénale et aux maladies coronariennes. Si vous intervenez au niveau communautaire auprès du groupe à risque élevé, vous pouvez régler de nombreux problèmes chez ces patients et pour le système de soins de santé. Ce genre d'études nous orientent vers la bonne direction. Plus de la moitié de la population dans bien des localités autochtones - les plus de 50 ans - souffrent de diabète de type II. De plus, ce diabète est mal contrôlé. C'est une épidémie et un problème d'importance. Du point de vue de la recherche, la question est de savoir si ce genre d'intervention pourrait se faire dans une collectivité autochtone. Une intervention primaire pourrait-elle être faite auprès des groupes à risque avant que l'intolérance au glucose se transforme en diabète de type II? Je vous donne cet exemple pour deux raisons. Premièrement, les soins primaires sont extrêmement importants au niveau communautaire, car ils permettent une meilleure adaptation des soins aux besoins de la collectivité. Deuxièmement, les études pertinentes aux groupes de patients peuvent servir à recenser les problèmes de santé qui touchent tous les Canadiens, y compris les Autochtones. C'est extrêmement important. Un autre sujet me tient beaucoup à coeur: c'est l'Institut de la santé des Autochtones, dont je suis le directeur scientifique représentant les Instituts de recherche en santé du Canada. Nous tiendrons sous peu la sixième réunion des directeurs scientifiques et notre groupe est de plus en plus cohérent. Nous examinons des plans et des initiatives stratégiques. Nous mettrons l'accent sur la création de capacité en recherche dans les collectivités autochtones. Nous voulons créer un milieu accueillant pour les Autochtones dans les centres de recherche et d'excellence - probablement dans des universités - quand nous choisirons le prochain groupe d'étudiants autochtones qui entreprendront des recherches dans ce domaine. C'est important, car la santé des indigènes a un contexte mondial et, à cet égard, le Canada peut jouer un rôle de taille. Nous publierons bientôt des initiatives stratégiques dans le cadre desquelles nous demanderons des propositions. Nous demanderons aux chercheurs d'établir des partenariats avec les Autochtones en vue de mettre sur pied une entreprise de recherche et de contribuer à l'information sur les améliorations aux soins de santé. L'Université de la Colombie-Britannique a publié un livre de Bob Evans intitulé Why are some Communities Healty and Others Not? Je formule la question du point de vue de la recherche sur les collectivités autochtones: pourquoi des collectivités autochtones sont-elles en bonne santé et d'autres, non? Les collectivités autochtones sont très diverses. Certaines font face à de grands défis, mais bon nombre sont en bonne santé. Nous devons découvrir ce qui les différencie. Nous devons trouver les pratiques exemplaires, en faire part aux Autochtones et, ensuite, transmettre à la communauté indigène du monde entier le fruit de notre expérience. Nous avons de nombreux défis dans le domaine de la recherche en santé et la mise sur pied d'un régime de soins de santé, mais nous sommes encouragés par certains changements positifs. Nous avons un solide partenariat avec NAHO. M. Jock et la Dre Bartlett siègent tous les deux au Conseil consultatif de l'Institut de la santé des Autochtones. Nous avons une bonne intégration et nous allons travailler ensemble pour harmoniser nos approches face à la recherche et à l'élaboration des politiques en ce qui a trait à l'évolution du système de soins de santé. Le président: Je vous remercie pour votre dernière observation, puisque c'était la première question que je voulais poser. Je vais donc poser une question au Dr Reading et à la Dre Bartlett, après quoi je céderai la parole au sénateur Morin. Docteur Reading, votre institution est à peu près le plus récent des instituts de recherche en santé du Canada, n'est-ce pas? Dr Reading: Comme vous le savez, la dernière fois que j'ai comparu devant le comité, je traitais du projet de loi C-13 visant à intégrer la recherche sur la santé autochtone dans les IRSC. Nous avons tous été créés en même temps. L'IRSC vient de fêter son premier anniversaire. Le président: Avez-vous une liste des principaux projets de recherche qui sont actuellement en cours ou qui, d'après vos prévisions éclairées, seront probablement mis en chantier? Je voudrais avoir une idée du domaine. Dr Reading: Nous pourrions vous faire parvenir cette liste. Je suis heureux de signaler que sur les 13 instituts, nous avons été très proactifs. Nous avons un plan stratégique très détaillé prévoyant des initiatives de recherche stratégique, et ce plan vient de subir un examen au troisième niveau. Nous allons lancer nos travaux très bientôt, nous espérons le faire au mois de juin. Notre plan comprendra une initiative marquante que nous appelons le programme «ACADRE», sigle anglais qui veut dire Environnement favorable à la recherche et au développement de la capacité autochtone. C'est le domaine dont je parlais tout à l'heure. Il s'agit de créer un climat accueillant pour les Autochtones dans des établissements qui font beaucoup de recherche. Il est important de former la prochaine génération de scientifiques et de chercheurs, et il est également important pour l'établissement de recherche d'avoir l'occasion d'établir le contact avec les collectivités autochtones. Par exemple, un chercheur qui travaille en génétique moléculaire et qui pourrait être intéressé à étudier le diabète dans les collectivités autochtones pourrait communiquer avec une unité qui travaille en permanence avec des Autochtones. Cela leur faciliterait beaucoup la tâche pour ce qui est de travailler avec cette collectivité pour mener à bien leurs recherches. On vous a dit aujourd'hui que les Autochtones en ont ras le bol de faire l'objet de recherches; ils ont fait l'objet d'études innombrables. Il faut que les relations entre la communauté autochtone et la communauté des chercheurs deviennent plus transparentes, plus harmonieuses, et qu'il soit plus facile pour chacun de travailler avec l'autre, parce qu'ils ont un intérêt commun, à savoir l'amélioration de la santé. C'est très important. Nous aurons six ou sept initiatives stratégiques qui permettront d'examiner d'importants domaines émergents de la recherche en santé. Mon conseil consultatif m'a aidé à cerner tout cela. Le président: Docteure Bartlett, vous avez présenter quatre recommandations quant à ce qu'il faut faire et je me demande si vous pourriez me faire parvenir de plus amples détails. Par exemple, vous dites qu'il faut aplanir les obstacles qui empêchent les organisations autochtones d'avoir pleinement accès aux renseignements recueillis par Statistique Canada. J'ignore quels sont ces obstacles et il me serait donc difficile de faire une recommandation pour s'attaquer à ce problème, à moins que vous nous en donniez une définition plus précise. Votre deuxième recommandation concerne l'élaboration de mécanismes visant à recueillir et à analyser des renseignements sur l'état de santé des Métis hors réserve et des Autochtones urbains. Cela aiderait si vous pouviez étoffer cela un peu. Rappelez-vous que nous n'avons pas les données. Les données sont essentiellement entre les mains des particuliers ou bien des ministères de la Santé des provinces ou des organisations de la santé. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire, plus précisément, pour être utile? Je n'ai pas besoin de cela ce soir, mais j'aimerais le recevoir au cours des prochaines semaines. J'ai une autre question qui s'adresse à vous deux et qui découle de la discussion que nous avons eue tout à l'heure avec M. Clark. Y a-t-il des données permettant de comparer l'état de santé des Autochtones urbains hors réserve et celui des pauvres en milieu urbain? Il serait intéressant de savoir si le problème des Autochtones urbains est en fait différent de celui de l'ensemble des pauvres en milieu urbain ou bien si c'est seulement une manifestation du problème de la pauvreté en milieu urbain. Le sénateur Morin: Comment une réserve se compare-t-elle à une petite localité isolée qui a le même niveau de développement économique? Il y a des problèmes de santé dans les deux; nous le savons. Vous n'avez peut-être pas encore la réponse à cette question, mais vous comparez des communautés en santé à des communautés malades. C'est très bien. J'ignore si vous étiez présents quand j'ai abordé cette question avec M. Potter. Quelle est l'importance de l'élément culturel? Les facteurs en cause sont-ils strictement liés à l'économie et au niveau de scolarité, ou bien y a-t-il un autre déterminant de la santé? Il est bien possible qu'il y en ait un. Ce pourrait être l'aliénation culturelle, qui existe bel et bien, il n'y a aucun doute là-dessus. Je pose la question au Dr Reading parce que je sais qu'il a parlé de comparaison entre les collectivités dans le cadre de vos projets de recherche. Dr Reading: C'est un problème complexe. Je ne pourrais pas répondre catégoriquement à cette question par un oui ou un non. La santé s'insère dans un contexte, lequel met en cause le niveau socio-économique. Le contexte comprend aussi l'évolution historique, ainsi qu'un certain nombre d'autres facteurs que nous appelons la culture. Au Canada, nous avons examiné les communautés autochtones en observateurs extérieurs, à travers une lentille. Nous ne les avons pas examinées depuis l'intérieur. Par conséquent, nous ne savons presque rien des facteurs culturels qui pourraient améliorer la santé des Autochtones. La question que vous posez est de savoir s'il s'agit d'un problème général de pauvreté, ou bien s'il y a dans la culture autochtone un élément spécifique qui fait que les Autochtones ne sont pas en santé? Je dirais que... Le sénateur Morin: Je veux parler de l'aliénation culturelle. Peut-être leur manque-t-il certains aspects de la culture autochtone qui leur ont été enlevés par la colonisation, et cetera? Dr Reading: Des écrits ont été publiés sur cette question. Un changement social et culturel rapide est associé à une transition économique et épidémiologique. Cette transition est caractérisée par un certain nombre d'éléments dont nous constatons la présence dans les communautés autochtones. Nous sommes vraiment dans une période de transition vers une épidémie de maladies chroniques. Il faut examiner les changements rapides qui se produisent dans cette culture. Il a été démontré que la seule manière d'améliorer la santé des gens à cette étape est de revenir aux éléments culturels qui leur permettent d'être en santé. Il est certain que c'est un domaine que nous connaissons très mal. Je vais donner un exemple parce que je crois qu'il est difficile d'en discuter dans l'abstrait. Voyez le taux de tabagisme dans les communautés autochtones. D'après une enquête que nous avons effectuée, le taux de tabagisme parmi les personnes de 20 à 24 ans est d'environ 72 p. 100. C'est plus élevé que n'importe quel taux qui ait jamais été recensé dans une collectivité quelconque au Canada. Le président: Beaucoup plus élevé. Dr Reading: Dans les années 50, nous avions un taux d'environ 52 p. 100. C'était avant que l'on prenne conscience que le tabagisme était un problème de santé. Actuellement, ce taux a baissé à environ 27 p. 100. Il y a peut-être une différence entre l'usage non traditionnel du tabac et l'usage traditionnel. Le tabac est perçu dans leur culture comme un don du créateur, il permet d'établir un lien de communication directe entre la personne et le monde des esprits. On ne sait pas vraiment si ces aspects culturels contribuent à l'épidémie d'utilisation du tabac à des fins de loisirs parmi les Autochtones. Nous ne connaissons pas la réponse à ces questions. On pourrait commencer à poser une foule de questions sur divers aspects de la santé autochtone. On pourrait se pencher sur l'impact de la transition entre la nourriture ancestrale et les aliments achetés au magasin, l'établissement graduel d'une économie fondée sur l'assistance sociale et le fait de ne plus avoir accès aux aliments nutritifs qu'il faut pour un régime alimentaire équilibré. Une étude effectuée en Finlande montre les résultats que l'on peut atteindre. La nourriture est un élément important de la culture. Nous associons toujours les pâtes aux Italiens et les mets chinois aux Chinois. Les Autochtones ont également leurs traditions alimentaires. Bien souvent, ces traditions et ces aliments leur ont été enlevés parce que le gouvernement a obligé les Autochtones à vivre dans des milieux où il était impossible de se procurer les aliments traditionnels, ou bien ils n'ont pas les ressources voulues pour adopter le mode de vie qui a déjà été le leur. Ces changements ont des répercussions sur le mode de vie et la santé d'une personne. Nous avons actuellement une grave épidémie de diabète dans les localités autochtones du Nord, surtout à cause de la transition rapide entre une société de chasseurs-cueilleurs à une société où l'on achète les aliments au magasin sans avoir l'éventail de choix ou les ressources voulues pour se procurer les aliments dont on a besoin. Si l'on y ajoute le manque d'activité physique, il en résulte l'obésité et le diabète. On pourrait passer en revue tous les indicateurs et établir un argument solide pour affirmer que beaucoup de problèmes de santé des communautés autochtones ont une base culturelle. L'environnement urbain est un peu plus compliqué. Peut-être que la Dre Bartlett voudrait nous en dire un mot. Dre Bartlett: Je voulais aborder cette question particulière de la comparaison avec l'environnement urbain. À ma connaissance, une seule étude a été faite à Winnipeg il y a un certain nombre d'années. Je n'en connais pas les détails, mais il est possible de les obtenir. Je crois que le rapport de l'étude est affiché sur un site Web. Le président: Pouvez-vous nous dire ce qu'il renferme? Dre Bartlett: Il est certain qu'il y avait des différences entre les Premières nations et les autres groupes à Winnipeg. Il y avait une différence entre l'état de santé des Premières nations, qui habitaient également en banlieue, et l'état de santé des autres citoyens de Winnipeg. Il y a des différences, mais ce n'est qu'une petite étude restreinte. C'est justement ce que nous essayons de dire: nous n'avons pas suffisamment d'information pour déterminer l'état de santé des Autochtones en milieu urbain. Le président: Quand vous dites «différences», j'en déduis que vous voulez dire que leur situation est «pire». Dre Bartlett: Oui, c'est bien cela. Le sénateur Morin: Toutes choses étant égales par ailleurs - développement économique, médicaments, et cetera -, leurs indicateurs de la santé sont moins bons, alors que les autres conditions demeurent constantes. C'est bien cela? Dre Bartlett: Je ne pense pas que cette information soit disponible. Nous avons très peu d'information sur les Métis ou les populations urbaines. Souvent, les gens prennent des données des Premières nations, en extrapolent des renseignements et posent l'hypothèse que ces renseignements sont valables pour tous les groupes. Chose certaine, dans une étude qui a été faite récemment à Winnipeg, on s'est penché sur les besoins des aînés autochtones et il en est ressorti clairement après analyse des données que, par exemple, les Métis souffraient de beaucoup plus de maladies chroniques que les Premières nations. Je répète qu'il s'agit d'une seule étude restreinte. Nous devons faire des travaux plus fouillés pour déterminer exactement l'état de santé et les différences. Le président: Je voudrais vous poser à tous les deux une question à laquelle vous voudrez peut-être réfléchir pour nous faire parvenir vos réponses par écrit. Nous reconnaissons que nos objectifs et les vôtres sont quelque peu différents: vous vous intéressez à la recherche, tandis que nous, nous voulons donner au gouvernement des conseils sur des objectifs précis en matière de politique publique. Y a-t-il des éléments d'information précis que l'on pourrait obtenir au moyen de la recherche et qui seraient des plus utiles au gouvernement pour l'aider à décider de reconduire les crédits de 1,3 milliard de dollars, ou même de 2 milliards de dollars qui sont consacrés aux soins de santé autochtones? Y a-t-il deux, trois ou quatre domaines clés que vos organisations, en supposant qu'elles sont suffisamment financées, pourraient étudier pour nous donner des réponses qui pourraient nous aider à s'assurer que ces montants soient dépensés à meilleur escient? Il y a une chose qui me frappe beaucoup: je ne suis pas sûr du tout que nous dépensions l'argent au bon endroit. Il est difficile d'imaginer que l'on ne puisse obtenir de meilleurs résultats avec les 1,3 milliard de dollars que nous dépensons. Mon affirmation ne repose pas sur des faits précis. En tant que chercheurs, quel conseil donneriez-vous au gouvernement à propos des grandes orientations? Quels éléments d'information pourriez-vous lui donner qui, à votre avis, déboucheraient sur une meilleure attribution des ressources à l'avenir? Je vous demanderais à tous les deux d'y réfléchir, s'il vous plaît. Nous serions disposés à faire des efforts pour obtenir les fonds voulus. M. Jock, voulez-vous dire quelque chose? M. Jock: Je suis certainement bien d'accord pour dire qu'il faut trouver de nouvelles façons de se renseigner. Par contre, il faut dire aussi que l'on pourrait examiner certains modèles de soins de santé primaires qui pourraient être plus efficaces. M. Reading y a fait allusion. Certains éléments de base de ces modèles existent déjà dans le travail qui a été fait dans le domaine de l'intégration des services de santé. Beaucoup d'éléments existent déjà. Nous devons investir dans l'idée du renforcement des capacités pour permettre aux communautés, que ce soit les communautés autochtones en milieu urbain intégrées à une collectivité, ou des communautés des Premières nations, de mettre sur pied des modèles de soins primaires plus complets et holistiques. On pourrait ensuite envisager d'y intégrer les éléments traditionnels nécessaires, alors que c'est actuellement interdit par la réglementation des services de santé. Pris un par un, les services sont bien intentionnés, mais collectivement, ils constituent autant d'obstacles. Il faut aussi investir dans la mise au point de meilleures pratiques, parce qu'il y a des groupes qui sont capables d'établir de tels modèles d'une manière logique. Il est certain que les éléments de coûts sont également bien définis dans la littérature internationale. Il est logique qu'il soit nécessaire d'investir davantage pour soigner des populations qui sont plus malades. C'est un fait établi dans la littérature internationale. En fait, la plupart des réformes de la santé se font plutôt en sens contraire. On a tendance à s'orienter vers les moyens voulus pour traiter des populations en meilleure santé. Nous avons chez nous la situation contraire qui touche les peuples autochtones à la suite de la régionalisation et d'autres efforts. Le sénateur Morin: Avons-nous les ressources humaines professionnelles voulues pour mettre en place ces modèles? On continue d'entendre dire que nous n'avons pas les ressources humaines voulues pour faire cela. M. Jock: Je dirais que pour ce qui est de recruter des Autochtones, il faudrait une période de transition. Il est toutefois important de mettre au point des modèles qui sont dirigés par des gens de la communauté. Peut-être que l'objectif ultime serait d'avoir 100 p. 100 d'Autochtones dans les effectifs de ces modèles, mais il n'est pas nécessaire que ce soit la première étape. Le sénateur Morin: On entend constamment parler de la difficulté à retenir des infirmiers et infirmières dans certaines régions et à attirer aussi des médecins dans ces localités. Quel que soit le modèle retenu, si les professionnels, qu'ils soient autochtones ou non autochtones, refusent d'y aller, que pouvons-nous faire? Si nous avons de la misère à retenir les médecins dans des localités situées à seulement 20 kilomètres des grandes villes, comment pouvons-nous les retenir dans des localités éloignées? M. Jock: Au risque de relancer le débat, nous avons peut-être besoin d'un nouveau modèle qui serait utile pour d'autres. Par exemple, si les médecins et les autres professionnels étaient salariés, ils seraient peut-être plus heureux de travailler dans une situation où ils peuvent être entourés d'une équipe plus complète de professionnels qui offrent des services divers, depuis la promotion de la santé jusqu'à la réadaptation. À mes yeux, ce pourrait être une contribution que les intérêts autochtones apporteraient à l'ensemble du système canadien des soins de santé. Le sénateur Morin: Puis-je poser une question? Vous avez évidemment étudié cette question beaucoup plus que je ne l'ai étudiée. Vous êtes persuadé qu'il y a des modèles qui pourraient attirer des professionnels de la santé dans les localités isolées. Le résultat serait beaucoup plus satisfaisant que ce que nous faisons maintenant. Je ne vous demande pas de préciser quels sont ces modèles, mais telle est bien votre conviction, n'est-ce pas? M. Jock: Oui, c'est ma conviction. Le sénateur Morin: C'est un bon argument. Dre Bartlett: Au sujet du travail que l'organisation veut entreprendre, on entend parler de modèles, mais ils sont mal connus. Nous devons voir quelles sont les meilleures pratiques existantes. Quand on se sera documenté là-dessus, il nous faudra déterminer comment transférer ces connaissances de manière à ce qu'elles soient utilisables dans d'autres communautés. C'est le travail que nous allons entreprendre au cours des prochaines années, c'est-à-dire que nous voulons être une organisation du savoir qui étudie les meilleures pratiques, les meilleurs programmes, et tout cela. De cette manière, nous pouvons faire en sorte que les modèles qui ont été créés et qui sont en train de se stabiliser aux quatre coins du pays puissent être partagés entre les différents groupes. Le sénateur Morin: On nous a dit tout à l'heure que les services de santé autochtones devraient être retirés complètement des provinces et demeurer strictement dans le domaine fédéral et autochtone. C'est une suggestion qu'on a faite. Êtes-vous de cet avis? À l'heure actuelle, les provinces sont responsables des services de santé. Devrions-nous nous retirer du système de soins de santé provincial? Cela nous a été suggéré cet après-midi. Dr Reading: C'est tout simplement infaisable. À moins que le gouvernement fédéral se lance dans la construction d'hôpitaux de soins tertiaires qui offriraient... Le sénateur Morin: Nous confierions cette tâche à des contractuels. M. Jock: Le problème est assimilable en partie à la recherche d'une source de contrôle. Comme vous l'avez signalé, c'est là que réside l'intérêt des divers modèles. Ce serait une erreur d'adopter une approche à la pièce, même pour un modèle de soins primaires. Nous avons besoin d'une série de variations qui pourraient ensuite être utilisées par les groupes, à leur choix. Il s'agirait plutôt d'essayer d'être plus permissifs, comme nous l'avons déclaré. Cela permettrait également aux autorités fédérales de jouer un rôle de leader en écartant certains obstacles qui sont devenus avec le temps inviolables, comme des vaches sacrées. Ce que nous disons, c'est qu'il n'y a pas un modèle en particulier qui serait la solution universelle. Dr Reading: Je pourrais répondre à votre commentaire sur une liste d'éléments qui seraient utiles pour éclairer le débat sur ce processus. On pourrait notamment se concentrer sur la prévention et l'intervention précoce. Cela exigerait certains investissements stratégiques, mais donnerait probablement d'excellents résultats. Il y aurait une épidémie de maladies cardio-vasculaires en ce moment même s'il n'y avait pas une épidémie de diabète. Une fois que l'on aura résolu le problème du diabète, nous aurons le même problème au niveau des maladies cardiaques, à moins de réduire les facteurs qui prédisposent les gens à souffrir de ces maladies. Nous connaissons depuis 30 ou 40 ans les facteurs de risque qui prédisposent les gens à souffrir de ces maladies chroniques. Ainsi, nous savons ce qu'il faut faire. La question est de le faire dans le cadre de modèles de soins primaires et préventifs. Des investissements considérables dans ce domaine auraient un très grand impact. Une deuxième stratégie serait d'adopter le modèle de réduction des méfaits dans le domaine des toxicomanies. Prenons par exemple la transmission du VIH par le partage des seringues et l'utilisation de diverses drogues. L'adoption du modèle de réduction des méfaits aiderait à empêcher le problème de se propager à des gens qui seraient victimes des circonstances. Le simple fait d'accepter que ces choses-là arrivent réduirait les torts causés à d'autres personnes. C'est un aspect important. Troisièmement, nous devrions continuer de faire participer les Autochtones à la recherche. Il est clair qu'en repoussant les frontières de la science dans les domaines génétiques, génomiques et protéomiques, nous apprendrons beaucoup de choses dont nous ne pouvions même pas rêver. Cela changera en profondeur le système des soins de santé d'ici 20 à 25 ans. Nous ne pourrons même plus le reconnaître. Les Autochtones doivent être au coeur de l'action et doivent partager les avantages que nous découvrirons au fur et à mesure que le système de soins de santé changera radicalement au cours des prochaines années. Nous sommes contents de participer à l'entreprise de recherche. Nous espérons que nous pourrons travailler avec nos collègues à la recherche pour aider ensuite à éclairer les communautés indigènes dans le monde entier sur ce que nous faisons au Canada. Le président: Faites-vous des études comparatives internationales? On nous a posé une question au sujet des Inuits. Pouvez-vous tirer des leçons de ce qui se fait au Groenland, par exemple? Se fait-il du travail dans cette direction? Dr Reading: Nous sommes très intéressés à envoyer une lettre d'intention à la Fondation canadienne pour l'innovation. Ils ont récemment reçu une injection de 200 millions de dollars. Ils cherchent à financer certaines initiatives importantes dans le domaine de la santé. Essentiellement, nous voulons établir un consortium international, mondial, planétaire d'établissement des priorités dans le domaine de la santé autochtone, en partenariat avec NAHO, d'autres groupes autochtones et le milieu de la recherche d'un bout à l'autre du Canada, ainsi qu'avec les milieux de recherche indigènes d'Australie et de Nouvelle-Zélande, d'Amérique centrale et du Sud, et des pays circumpolaires septentrionaux. Nous partageons beaucoup de préoccupations en matière de santé avec d'autres communautés. Dans le passé, nous avons travaillé avec la communauté internationale et nous avons aidé à éclairer la réflexion d'autres pays sur les problèmes de santé de leur propre population indigène. Les pays en question sont des pays industrialisés comptant des populations indigènes minoritaires. Ces populations sont souvent marginalisées et ont beaucoup de points communs. Nous pourrions jouer un rôle de chef de file. Nous travaillons à l'élaboration d'une lettre d'intention en prévision d'une réunion le 3 juillet 2001. Si nous pouvions avoir des appuis, ce serait grandement apprécié. Le président: Je vous remercie tous d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous aurons sans nul doute l'occasion de vous revoir dans la suite de nos travaux. Je suppose qu'au cours des prochaines semaines, vous nous ferez parvenir les renseignements que j'ai demandés, surtout pour ce qui est d'étoffer les déclarations formulées dans le mémoire de la Dre Bartlett. Sénateurs, nous avons encore deux témoins à entendre et nous allons essayer d'être raisonnablement efficaces. Nous avons Margaret Horn, de l'Organisation nationale des représentants indiens et inuits en santé communautaire, et Ron Wakegijig, de Wikwemikong, qui est une réserve sur l'île Manitoulin. Étant donné l'heure tardive, nous vous demandons de résumer vos principales conclusions et recommandations, en particulier du point de vue des politiques publiques. Mme Margaret Horn, Organisation nationale des représentants indiens et inuits en santé communautaire: Je vais d'abord établir très brièvement le contexte de notre organisation, parce qu'il est important de prendre bonne note de l'évolution des représentants en santé communautaire. Tout a commencé en 1962 par un programme lancé par Santé Canada, qui s'appelait à l'époque le ministère de la Santé et du Bien-être. L'objectif était de renforcer les programmes existants d'éducation en santé. J'ai écouté bon nombre des exposés et je veux concentrer ma présentation sur le renforcement des compétences et de la capacité des communautés. Notre organisation travaille dans tous les dossiers dans le domaine de la promotion, de la prévention et de l'éducation et s'occupe de toutes les questions de santé dont on a parlé tout à l'heure, y compris la diffusion d'information sur la promotion de la santé et la prévention du diabète. Nous avons mené du travail sur la vie active et le vieillissement. Nous avons fait un certain nombre de projets de promotion et d'éducation sur le vieillissement de la population. Les représentants en santé communautaire (RSC) apportent une importante contribution à l'amélioration de la santé des communautés des Premières nations et des Inuits, et je parle seulement des communautés inuites du Labrador. Les RSC ont accru l'accessibilité des soins de santé en jetant un pont sur l'abîme culturel qui sépare les professionnels des soins de santé et leurs clients dans les communautés. L'Organisation nationale des représentants indiens et inuits en santé communautaire, connue sous le sigle ONRIISC, représente les RSC en tant que groupe de travailleurs. Nous sommes une organisation à but non lucratif. Nous ne sommes pas une association professionnelle dont les membres paient des cotisations. Nous faisons du travail de défense des intérêts et nous tentons de travailler avec ce groupe de travailleurs. Nous avons tenu beaucoup de séances de formation nationales et nous avons mis au point des outils de formation à l'intention de ce groupe de travailleurs et nous faisons du bon travail à cet égard. Toutefois, il demeure des problèmes non résolus, relativement aux conditions de travail de ces travailleurs, nommément les RSC. Ces questions ont été identifiées dans un certain nombre d'études qui ont été faites par l'ancienne DGSPNI. L'ONRIISC a recueilli beaucoup d'information auprès de ce groupe de travailleurs. Ces études décrivent la manque de financement pour la formation, pour les programmes communautaires, le fait que les professionnels de la santé comprennent mal le rôle des RSC, et l'absence de possibilités d'avancement. C'est parce que la plupart des RSC ne sont pas accrédités et c'est de cette question dont je vais vous parler. Nous avons besoin d'un groupe de travailleurs de la santé qui soient accrédités. Ils ne le sont pas actuellement. Leur formation n'est pas uniforme dans tout le pays. Certains travailleurs ont une bonne formation dans certains domaines. Dans d'autres cas, quelqu'un peut avoir répondu à une offre d'emploi à titre de RSC et a été chargé de diverses tâches de promotion de la santé. L'autre question qui préoccupe les RSC est qu'ils n'ont aucune assurance-responsabilité. Leur charge de travail est irréaliste, leurs échelles salariales et leurs avantages sociaux fluctuent et, bien sûr, il n'y a aucune sécurité d'emploi. En 1992, l'ONRIISC a, au nom des représentants en santé communautaire, déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne au sujet de l'équité salariale. Le travail de ces représentants a été comparé à celui du groupe Services divers ou GS. Finalement, le 30 juin 2000, un règlement de 45,7 millions de dollars a été négocié entre Santé Canada, le Conseil du Trésor et l'ONRIISC pour compenser les échelles salariales inférieures qui avaient été celles des représentants en santé communautaire entre 1980 et 2000. Il y avait environ 1 500 employés admissibles pour cette période de 20 ans. Ce règlement n'accordait pas d'autre protection à ces employés. Il ne les protégeait pas contre de nouvelles discriminations sur le plan salarial. Les conditions de travail peu enviables de nombreux représentants en santé communautaire découlent, en grande partie, de leur statut paraprofessionnel. Elles reflètent les iniquités fondées sur la discrimination sexuelle et raciale. Les représentants en santé communautaire sont surtout des femmes et des Autochtones. C'est sur cette particularité que se fondait la plainte déposée à la Commission des droits de la personne. Ces travailleurs étaient surtout des femmes sous-payées par rapport aux salaires des niveaux GS-3 à GS-5. C'était discriminatoire en soi, mais nous ne discuterons pas de cette question. Je veux faire valoir que les peuples des Premières nations et les Inuits restent défavorisés sur le plan de la santé par rapport à la plupart des autres Canadiens. Il demeure essentiel d'améliorer l'accès à tout un éventail de services de santé. Les représentants en santé communautaire jouent un rôle de premier plan dans la promotion de la santé, l'éducation et la prévention. Il faut que ceux qui travaillent dans ce domaine crucial aient les connaissances et les compétences qui leur permettront de s'acquitter avec efficacité et compétence de leurs fonctions. Le président: Les représentants en santé communautaire sont-ils des employés fédéraux? Mme Horn: Non, ils sont visés par des accords de contribution. Leur situation a évolué au cours de ces 20 ans. Le président: Au départ, il s'agissait d'employés fédéraux. Mme Horn: C'est exact. Le président: Et maintenant ils sont contractuels. Mme Horn: Ils sont visés par des accords de contribution avec les bandes. Santé Canada a conclu des accords de contribution avec les bandes qui les emploient. Le président: Le gouvernement fédéral octroie des fonds aux bandes au lieu de payer directement les représentants en santé communautaire. Merci pour cet éclaircissement. Notre dernier témoin est M. Ron Wakegijig, du Centre de santé Wikwemikong de l'île Manitoulin. Nous avons lu votre mémoire. Pourriez-vous nous parler surtout des réflexions que vous formulez aux pages cinq, six et sept et nous faire part de vos recommandations et vos conclusions. J'ai trouvé que c'était tout à fait exceptionnel et différent des autres observations que nous avons entendues. M. Ron Wakegijig, guérisseur, Wikwemikong Health Centre: Les personnes qui m'ont précédé ont soulevé la plupart de mes préoccupations. Je ne pense pas pouvoir ajouter grand-chose. Certains témoins ont parlé du problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Si vous le permettez, je voudrais aborder cette question. Le président: Pourriez-vous aussi nous dire quel est exactement le rôle d'un guérisseur au sein de la collectivité. Ce renseignement nous serait utile. M. Wakegijig: Nous allons commencer par cela. Les guérisseurs s'appelaient avant des «sorciers». Cette expression a eu une connotation péjorative aux yeux des églises. On nous appelle maintenant «guérisseurs», mais ces appellations ne me satisfont ni l'une ni l'autre. Je préférerais qu'on me considère comme un fournisseur de soins de santé traditionnels. C'est plus exact. Je ne suis pas un guérisseur. J'utilise des herbes médicinales pour hâter la guérison et dans la plupart des cas, la guérison vient de l'intérieur. Telle est la nature de mon travail. J'ai trouvé intéressante la question du sénateur concernant l'alcoolisme et la toxicomanie et la façon dont il a abordé le sujet. En 1996, j'ai ouvert un centre de désintoxication pour les alcooliques et les toxicomanes dans ma réserve. On l'a appelé le «Rainbow Lodge». Il a été conçu d'un point de vue purement culturel. Si une personne demandait à y entrer pour se désintoxiquer, elle pouvait y rester aussi longtemps qu'elle le jugeait nécessaire, six ou douze semaines. Cela dépendait entièrement d'elle. Nous remettions graduellement cette personne en contact avec sa culture. De nombreux toxicomanes avaient perdu leur culture dans les pensions. Même l'école nous a enlevé une bonne partie de notre culture en nous empêchant de parler notre langue à l'école. Nous avons dû refamiliariser beaucoup de gens avec leur propre culture. Les premiers mois qui ont suivi l'ouverture du centre, nous avons eu beaucoup de clients. L'ingérence du gouvernement m'exaspère. Le gouvernement a pris des règlements spéciaux qui nous ont empêchés de poursuivre ce programme comme nous le jugions nécessaire. Il nous a obligés, pour obtenir des fonds, à limiter la durée du programme à 28 jours. Pour cette raison, nous avons perdu une bonne partie de notre clientèle locale. Par la suite, nous avons reçu beaucoup de gens des différentes collectivités autochtones. Les gens de chez nous vont dans des établissements semblables mais qui se trouvent à Blind River, Thunder Bay et ailleurs. Le président: En dehors de la réserve? M. Wakegijig: C'est exact. C'est là le problème. Chaque fois que nous avons essayé de faire quelque chose de culturel, le gouvernement est intervenu pour nous en empêcher. En 1993, quand il y a eu le transfert des services de santé, nous avons pu établir certains programmes dont le programme de médecine traditionnelle. Nous avons élaboré notre propre programme grâce aux fonds qui nous étaient alloués. Le gouvernement a voulu le réduire, mais nous ne l'avons pas laissé faire. À ma connaissance, nous sommes la seule clinique d'Amérique du Nord où la médecine traditionnelle côtoie la médecine occidentale. Quand vous franchissez le seuil de notre clinique, si vous tournez à gauche, vous êtes du côté de la médecine occidentale et si vous tournez à droite, vous êtes du côté de la médecine traditionnelle. Rien ne vous empêche de recourir aux deux, ce que font bien des gens. Je n'ai pas d'objection à travailler avec des médecins. En travaillant en collaboration étroite avec les médecins formés à l'occidental, nous pouvons prouver cliniquement l'efficacité de nos méthodes. Quand les clients viennent nous voir et vont voir le médecin, nous partageons leurs antécédents médicaux. Nous avons beaucoup de succès dans le traitement du diabète. Au cours des 15 dernières années, j'ai dû mettre au point un remède qui agit parallèlement à l'insuline ou aux hypoglycémiants oraux pour contrôler la glycémie. Nous avons démontré son efficacité du point de vue clinique. Je peux l'affirmer ici. Je n'ai jamais prétendu que cela guérissait le diabète car ce n'est pas le cas, ni du point de vue de la médecine occidentale ni du point de vue de la médecine traditionnelle. Ce que nous avons commencé chez nous à des répercussions à l'échelle nationale. La plupart des centres de santé qui sont actuellement construits un peu partout au Canada comprennent un service de médecine traditionnelle. Un grand nombre de guérisseurs commencent à travailler avec les médecins formés à la médecine occidentale. Je voudrais également aborder un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je participe actuellement à des négociations avec l'Ontario en vue d'établir une école médicale dans le Nord de l'Ontario. Ma fille a reçu son diplôme en médecine, en Alberta, il y a quatre ans, dans le cadre d'une initiative autochtone. Elle s'est toujours plainte de la façon dont elle était traitée par les non-Autochtones à l'université. En raison de ce programme spécial, les étudiants non autochtones pensaient que les Autochtones leur volaient des places ou occupaient des places qui auraient dû revenir à des non-Autochtones. C'est très difficile à supporter quand vous poursuivez une carrière dans le but d'aider votre peuple. J'appuie l'initiative visant à créer une école de médecine pour le Nord, car je crois qu'un plus grand nombre d'Autochtones entreraient dans l'honorable domaine de la médecine. Cela devrait améliorer l'état de santé de la population de nos réserves. Les gens de chez nous pourront revenir dans la collectivité pour nous garder en bonne santé. Ma fille parle couramment la langue. Elle fait parfois du travail de remplacement sur l'île Manitoulin, à West Bay ou à Little Current. De nombreux aînés qui parlent toujours la langue ne manquent pas d'aller la voir. Des gens qui normalement hésiteraient à aller chez le médecin vont la voir parce qu'elle parle leur langue. La langue en elle-même est un remède. C'est aussi une langue très expressive qui vient du fond du coeur. Elle a un sens spécial pour les aînés. Ils aiment voir un médecin qui peut leur parler leur propre langue. C'est toucher à l'essentiel. Nous aimerions que ces cas soient plus fréquents dans nos collectivités. Nous aimerions que des Autochtones viennent pratiquer la médecine dans leur collectivité. Voilà pourquoi je suis tellement en faveur de cette école de médecine dans le Nord que nous souhaitons voir ouvrir ses portes d'ici deux, trois ou quatre ans. Je n'ai pas de plaintes à formuler à l'égard de notre clinique. Mon taux de satisfaction par rapport aux soins de santé qui nous sont dispensés est d'environ 70 p. 100. Dans les années 50, nos médecins se déplaçaient toujours en carriole et en traîneau en hiver. Ce n'est qu'en 1950 lorsque le réseau routier s'est amélioré sur les réserves Wikwemikong que nous avons eu des transports. J'ai trouvé intéressant d'entendre le Dr Reading chercher à expliquer les causes possibles du haut taux de diabète dans nos collectivités. Il s'agit d'une épidémie. C'est un phénomène bien connu au Canada et aux États-Unis. Dans certaines réserves, le taux de diabète atteint jusqu'à 30 ou 50 p. 100. Sur ma réserve qui compte 2 860 personnes, 286, soit 10 p. 100 de la population, sont diabétiques. C'est inacceptable. Le problème est lié au mode de vie. Nous avons mis en oeuvre un programme destiné aux diabétiques. J'essaie sans succès d'attirer l'attention du gouvernement fédéral sur ce problème depuis 20 ans. Personne n'a voulu m'écouter. En 1993, le ministère de la Santé de l'Ontario a proposé un programme de lutte contre le diabète dans notre région connu sous le nom de «Réseau-Santé du diabète du Nord». Nous pouvons obtenir des fonds de cet organisme gouvernemental. Nous n'obtenons cependant que 42 000 $ par année malgré la taille de notre population. Nous ne pouvons même pas nous permettre d'engager un travailleur de la santé à temps plein. Si ce n'était de notre programme traditionnel, nous ne pourrions pas offrir un programme destiné aux diabétiques dans la réserve parce que la province insiste pour que le quart des fonds chaque année servent à recruter un coordinateur et la moitié pour engager un éducateur dans le domaine du diabète. Ce n'est pas suffisant. Nous étions en droit d'être optimistes lorsque nous avons entendu que le gouvernement fédéral compte investir plusieurs millions de dollars à la lutte contre le diabète à l'échelle nationale. La même chose s'est cependant produite. Une fois que la bureaucratie et les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont servis, il ne reste presque plus rien pour la réserve. Si je ne m'abuse, notre réserve de 2 800 personnes ne recevra que 20 000 $ par année. Chercher à améliorer des services de santé sur la réserve est très frustrant. On ne nous permet pas de faire preuve d'initiative. On ne nous permet pas de mettre en oeuvre les programmes que nous voudrions mettre en oeuvre ni de le faire comme nous l'entendons selon nos croyances culturelles, traditionnelles et spirituelles. Notre médecine traditionnelle traite des trois aspects de la psyché plus un aspect supplémentaire. Il y d'abord l'esprit et le corps. Si quelqu'un souffre d'un mal de tête, nous cherchons à savoir ce qui en est la cause. Nous ne cherchons pas simplement à faire disparaître le mal de tête. Nous voulons savoir ce qui en est la cause. Est-ce une tumeur au cerveau? Est-ce le stress? Le quatrième élément c'est l'environnement, qui, selon beaucoup de gens, n'est pas considéré comme étant important. Un aspect important de l'environnement qui influe sur la santé des gens c'est la situation du logement. Lorsqu'on a trois ou quatre familles qui habitent une maison, ce n'est pas une ambiance saine. Nous avons essayé de régler la question du logement au détriment de l'avenir de notre bande, en compromettant la bande. La SCHL, le créancier hypothécaire, pourrait saisir les immeubles à l'avenir. C'est peut-être peu probable, mais c'est une possibilité quand même. Si la SCHL récupérait les prêts sur notre réserve nous ferions faillite. Je m'arrêterai là. Le président: Je dois vous demander, est-ce que votre fille pratique la médecine occidentale, la médecine autochtone ou les deux? M. Wakegijig: Les deux. Le président: Avec le même patient lors d'une même consultation? M. Wakegijig: Oui. Le président: Il est mieux que ce soit moi qui pose la question plutôt que le Dr Morin. Quelle a été la réaction des médecins occidentaux à la clinique qui se trouve à côté de l'autre clinique? M. Wakegijig: Heureusement il s'agit du Dr Jack Bailey, qui est médecin dans notre région depuis longtemps. Il est là depuis 1949. Il croit en ce que nous faisons. Il ajoute de la crédibilité à ce que nous faisons. Il a été lauréat du prix de médecin de famille de l'année il y a cinq ans. Voilà qui a été encourageant. Le sénateur Morin: À mon avis, il s'agit d'une bonne approche. Sans aucun doute, et je suis médecin occidental. Je ne sais pas si vous étiez présent lorsque, à plusieurs reprises, j'ai parlé de l'aspect culturel de la santé, auquel je crois fermement. Sans aucun doute, c'est ce que vous faites. Santé Canada a tort en ne pas vous appuyant, et le travail que vous faites. Il ne s'agit pas d'une question, mais un commentaire pour appuyer ce que vous venez de dire. Le président: Je vous remercie tous les deux d'être venus. Je remercie également tout le personnel qui est là depuis cinq heures et demie. La séance reprend à 11 heures demain matin. Nous allons lever la séance à 12 h 30 car le caucus du gouvernement se réunit à 12 h 30. La séance est levée.