37-2
37e législature,
2e session
(30 septembre 2002 - 12 novembre 2003)
Choisissez une session différente
Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 24 - Témoignages
| OTTAWA, le mercredi 19 septembre 2001
|
| Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des
sciences et de la technologie, qui est saisi du projet de loi S-12,
Loi modifiant la Loi sur la statistique et la Loi sur les archives
nationales du Canada (documents de recensement), se réunit
aujourd'hui à 17 h 30 pour examiner ce projet de loi.
|
| Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
|
| [Traduction]
|
| Le président: Sénateurs, nous nous réunissons aujourd'hui
pour traiter d'un projet de loi d'initiative parlementaire du
sénateur Milne, le projet de loi S-12 modifiant la Loi sur la
statistique et la Loi sur les archives nationales du Canada
(documents de recensement). Nous accueillons aujourd'hui le
sénateur Milne qui nous présentera brièvement le projet de loi.
Nous entendrons ensuite deux groupes de témoins, le premier
comprenant des représentants des Archives nationales du Canada,
de Statistique Canada et du Bureau du commissaire à la vie privée
et le deuxième, des représentants de la Société historique du
Canada ainsi que le professeur Watts, de Vancouver, qui s'occupe
du Comité du recensement du Canada.
|
| Merci, madame le sénateur Milne, d'être venue aussi vite que
vous le pouviez après l'ajournement du Sénat. Aimeriez-vous
faire des remarques liminaires? Il y aura ensuite une période de
questions. J'espère que vous pourrez rester pour le reste de la
discussion afin que nous puissions vous adresser des questions, au
besoin.
|
| L'honorable Lorna Milne: Chers collègues, c'est avec
beaucoup de plaisir et une certaine nervosité que je témoigne
devant vous cet après-midi au sujet de mon projet de loi, le projet
de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur la statistique et la Loi sur les
archives nationales du Canada.
|
| Comme vous le savez pour m'avoir vue d'innombrables fois
présenter des pétitions au Sénat, ce projet de loi vise à permettre
l'accès aux relevés individuels de recensement à des fins de
recherche. Il ne fait nul doute que cette question intéresse
beaucoup les Canadiens, puisque plus de 17 000 personnes ont
signé des pétitions demandant directement au Sénat de modifier la
loi pour permettre l'accès à ces renseignements. Pendant la
présente session, 11 695 signatures ont été recueillies et je vous
préviens que j'ai une autre pile de pétitions dans mon bureau; de
plus, 11 735 personnes ont signé des pétitions adressées à la
Chambre des communes cette session-ci.
|
| Le problème s'énonce simplement, mais il est complexe. En
1906, tout comme en 1901, selon le même libellé, un décret
réglementant le recensement de 1906 a interdit aux recenseurs de
révéler quelques informations qu'ils avaient recueillies. Les
données du recensement de 1901 avaient été divulguées sans que
personne ne s'en offusque. Le libellé était exactement le même
pour le recensement de 1906. Ce règlement a été intégré à la Loi
sur la statistique en 1918. Les fonctionnaires de Statistique
Canada ont jugé que ces dispositions empêchent Statistique
Canada de rendre publics les relevés individuels de recensement
de 1906 et des recensements subséquents. Je ne suis pas de cet
avis. J'estime que, avec ces règles et règlements, on n'avait pas
l'intention d'empêcher la recherche historique, médicale et
généalogique et qu'on ne le fait pas non plus dans les faits.
|
| Depuis l'adoption de la loi de 1918, le Parlement dit deux
choses: d'une part, à l'article 17 de la Loi sur la statistique, il
interdit l'accès aux données de recensement; d'autre part, le
Parlement permet le transfert des documents assujettis à la Loi sur
la protection des renseignements personnels aux Archives
nationales où l'accès est permis après 92 ans. Si la loi est
respectée et que, après 92 ans, les données de recensement sont
transmises aux archives conformément à la loi, l'article 17 de la
Loi sur la statistique n'a plus aucune pertinence car les données
ne relèvent plus du statisticien en chef. Je suis convaincue, et j'ai
des preuves qui confirment ma position, que le gouvernement du
Canada viole actuellement la loi en refusant de rendre publiques
les données des recensements passés dans les meilleurs délais.
|
| Le projet de loi S-12 rectifie un problème qui a été créé par
l'adoption de dispositions régissant les recenseurs dans la loi de
1918 et créant des modalités de communication des données de
recensement. Premièrement, le projet de loi modifie la Loi sur la
statistique de façon à permettre le transfert de données individuel
les de recensement aux Archives nationales du Canada. Deuxiè
mement, le projet de loi modifie la Loi sur les archives nationales
du Canada en précisant les règles qui régiront la communication
des relevés individuels de recensement. Dans les faits, le projet de
loi S-12 permet aux Archives nationales de rendre publics les
relevés individuels de recensement 92 ans après la date du
recensement. Celui qui souhaite que les informations qui le
concernent ne soient pas rendues publiques peut empêcher leur
communication en déposant une objection dans l'année précédant
le 92e anniversaire du recensement.
|
| Sénateurs, ce projet de loi a une grande portée. Vos
délibérations sur ce projet de loi détermineront en grande partie la
façon dont le Canada consignera son histoire. Je vous pose donc
la question suivante: Souhaitez-vous que l'histoire du Canada soit
celle des gouvernements, des sociétés, des institutions, des églises
et des personnes riches et importantes, ou l'histoire ne devrait-elle
pas être celle des gens ordinaires, de la population du pays?
|
| Nous sommes tous témoins de la révolution électronique dans
nos bureaux, quotidiennement. En appuyant sur une touche, grâce
à quelques watts, nous pouvons communiquer instantanément
avec des gens se trouvant à l'autre bout du monde. Mais les
messages se détruisent aussi facilement qu'ils se créent. Il suffit
d'appuyer sur une touche du clavier pour voir l'histoire disparaître
à jamais. Les données du recensement constituent le seul dossier
que nous avons sur les personnes et les familles qui ont vécu au
Canada. De fait, c'est seulement de cette façon que le
gouvernement peut véritablement connaître chaque citoyen et
chaque famille. Même les déclarations de revenu aux fins d'impôt
sont moins révélatrices puisque les enfants et de nombreuses
personnes âgées n'en font pas.
|
| Les données individuelles de recensement nous lient à notre
passé et aident des milliers de Canadiens à régler toute une
gamme de questions allant de problèmes juridiques à des
questions concernant la naissance et la santé. Ainsi, en février de
cette année, M. le juge Sharp, de la Cour d'appel de l'Ontario, a
déclaré qu'un groupe de Métis habitant aujourd'hui à Sault Ste. Marie jouissait de droits issus de traités lui permettant
de chasser l'orignal autour de la ville. Le lien unissant la
communauté métisse contemporaine et ses ancêtres de la région
résidait dans les données des recensements d'avant 1906. Toutefois, au Manitoba et en Saskatchewan, où habitent la
majorité des Métis canadiens, le voile du secret pèse encore sur ce
lien qui réside dans les données du recensement de 1906, données
n'ayant pas encore été rendues publiques.
|
| Les données du recensement sont aussi importantes pour les
immigrants canadiens. Cet été, j'ai reçu des lettres de nombreuses
personnes que le gouvernement britannique avait envoyées vivre
dans des familles d'accueil au Canada lorsqu'elles étaient enfants
pendant la Première et la Seconde Guerre mondiales, ainsi que
des descendants de ces personnes. Beaucoup de ces enfants ont
été séparés de leurs frères et soeurs à leur arrivée au Canada et ne
peuvent retrouver leurs familles qu'à l'aide des données de
recensement. Si l'on modifie l'interprétation de la loi actuelle, ces
personnes, qui sont maintenant âgées, et leurs familles, n'auront
plus la chance de retrouver leurs parents et de mettre un baume
sur les blessures de la séparation et, dans certains cas, des sévices.
|
| Par ailleurs, le milieu médical plus particulièrement réclame
l'accès aux renseignements provenant des recensements.
|
| Comme je l'ai indiqué aux sénateurs pendant mon discours lors
de la deuxième lecture de ce projet de loi, David Hawgood, de
l'Institut Galton, a déclaré à une conférence récemment que les
données de recensement constituent l'outil dont on se sert le plus
en génétique médicale. Souvent, ces données retraçant l'histoire
des familles permettent de solutionner un problème ou une
tendance héréditaire. Encore une fois, il est à noter que seuls les
relevés individuels de recensement peuvent nous fournir ce lien
crucial entre le présent et le passé.
|
| Je ne prétendrai pas que personne ne s'oppose à cette initiative.
Certains des opposants vous feront part de leurs inquiétudes, dont
l'un très bientôt. On vous parlera longuement de la «promesse»
qui a été faite aux Canadiens selon laquelle leur vie privée serait
protégée; on vous dira que ce genre de promesse est sacrée et que
le Parlement ne peut aujourd'hui revenir sur cette promesse.
|
| Vous entendrez aussi des arguments plaidant pour la protection
de la vie privée et des renseignements personnels. À ceux qui
s'opposent au projet de loi, je réponds que l'on ne peut nier le fait
que les renvois aux archives nationales et la nécessité de
conserver des dossiers permanents se trouvent dans les règles
régissant les recensements depuis le début de l'histoire du
Canada.
|
| Dans le mémoire vous trouverez ces renvois en 1901, 1906,
1926, 1931 et 1941. Il est surprenant d'entendre certaines
personnes dire que les données personnelles du recensement ne
devraient jamais être transmises aux archives nationales car cela
enfreindrait une promesse faite aux Canadiens. En réalité, c'est
tout le contraire. Voici ce que stipulaient aux recenseurs les
directives lors du recensement de 1906.
|
Le recensement est censé être un document permanent et ses annexes seront déposées dans les archives du Dominion.
|
| Je conviens que certains problèmes relatifs à la protection de la
vie privée se posent et que le gouvernement ne devrait pas, en
règle générale, être autorisé à communiquer des renseignements
personnels. En fait, le gouvernement fédéral a adopté une bonne
loi qui protège la vie privée des particuliers: la Loi sur la
protection des renseignements personnels. À la suite du débat
entourant cette loi, on a réalisé un juste équilibre entre deux
objectifs nécessaires: la protection de la vie privée et la tenue de
dossiers historiques.
|
| La Loi sur la protection des renseignements personnels stipule
que les données personnelles peuvent être communiquées 92 ans
après qu'elles ont été fournies au gouvernement fédéral, à moins
d'opposition formelle. Mon projet de loi vise à honorer cet
engagement historique pris en 1983, bien après la rédaction des
règlements relatifs au recensement de 1906 et bien après
l'adoption par le Parlement de la loi de 1918. On a sans doute pris
cet engagement tout en étant pleinement conscient des restrictions
relatives à la vie privée visant les recenseurs passés et actuels.
|
| M. Donald Nisbet est l'un des milliers de Canadiens qui
avaient fait campagne pour la communication des données du
recensement. M. Nisbet était un homme instruit et cultivé qui est
décédé au début du printemps sans avoir eu la possibilité de
terminer ses recherches car on a refusé de lui fournir les dossiers
de 1906. Je tiens à vous lire un extrait de l'exposé exceptionnel
qu'il a fait devant le groupe d'experts sur la divulgation des
données de recensement historiques. Ce mémoire a été extrême
ment bien reçu par ces lecteurs. Au sujet des dispositions relatives
à la vie privée qui se trouvent dans la Loi sur la statistique, voici
ce qu'a déclaré M. Nisbet:
|
Cette protection s'applique, il va sans dire, tant que Statistique Canada est le gardien légal des formulaires du recensement, mais cette garde n'est pas censée durer indéfiniment et les annexes du recensement, à l'instar des dossiers gouvernementaux, font l'objet d'une évaluation de la part de l'archiviste national, selon les pouvoirs que lui confère la Loi sur les archives nationales, quant à leur valeur en tant que documents historiques méritant d'être conservés à tout jamais et pour consultation future par le grand public, à des fins légitimes de recherche, selon le bon vouloir de l'archiviste et, depuis 1983, selon les modalités du règlement relatif à la protection des renseignements personnels. Pourquoi? Je vous demande pourquoi? Si les données du recensement étaient à tout jamais tenues confidentielles dès 1905, le règlement découlant de la Loi sur la protection des renseignements personnels rédigé en 1983 permettrait-il précisément au grand public d'avoir accès à certains dossiers nominatifs du recensement après une période de 92 ans, sans exclure tous les recensements qui ont été effectués après 1901?
|
| Les directives à l'intention des recenseurs émises par le
gouverneur en conseil en 1906, et qui avaient force de loi,
contredisent l'affirmation selon laquelle les données personnelles
du recensement devaient rester à tout jamais confidentielles à
partir de 1905. Voici ce qu'on peut lire, entre autres, dans la
directive numéro 33:
|
Le recensement est censé être un document permanent et ses annexes seront déposées aux archives du Dominion.
|
| La Loi sur la protection des renseignements personnels stipule
également que les renseignements personnels ne seront gardés
confidentiels au bout de 92 ans que si une mesure législative
précise en interdit la publication. Les adversaires de ce projet de
loi vous diront que les données du recensement devraient jouir de
la protection supplémentaire prévue dans la Loi sur la protection
des renseignements personnels. Selon eux, il ne faut pas tenir
compte des renvois précis aux archives du Canada et il faut
invoquer les dispositions relatives à la vie privée qui se trouvent
dans les anciennes lois sur la statistique pour passer outre à la Loi
sur la protection des renseignements personnels.
|
| En outre, ils vous diront que, si l'on veut garantir la pleine
participation du public au recensement, il faut absolument
accorder cette protection supplémentaire à ces documents.
Certains vont même jusqu'à dire que tous les renseignements
devraient en fait être détruits. Au Canada, il n'y a jamais eu une
seule plainte au sujet de la publication des données historiques du
recensement. En fait, il n'y a jamais eu une seule plainte ni aux
États-Unis ni en Grande-Bretagne. Lorsque Terre-Neuve et
Labrador s'est joint à la Confédération en 1949, le gouvernement
de cette province a rendu publiques toutes les données des
recensements, y compris celui de 1945, tenu quatre ans plus tôt à
peine. Là encore, il n'y eut pas une seule plainte.
|
| Au fil des ans, au Canada, aux États-Unis et en Grande-Breta
gne, plus de 620 millions de personnes ont eu l'occasion de
protester contre la publication de leurs dossiers ou des dossiers de
leurs familles. Personne ne l'a jamais fait.
|
| Le projet de loi à l'étude tente tout simplement de faire en sorte
que Statistique Canada maintienne la pratique que cet organisme a
toujours poursuivie par le passé - la pratique de tous les pays
occidentaux démocratiques - qui consiste à rendre publiques les
données de recensement historiques en temps utile. Je demande à
chacun d'entre vous, honorables sénateurs, et peut-être que vous
devriez demander la même chose à certains des témoins qui me
suivront, si vous êtes prêts à priver notre communauté métisse
autochtone des moyens de prouver son patrimoine? Êtes-vous
prêts à dire aux Canadiens malades qu'ils n'auront pas accès aux
réponses concernant leurs antécédents médicaux? Êtes-vous prêts
à dire aux enfants qui ont été adoptés au Canada qu'ils ne
pourront jamais retrouver leurs frères et soeurs, leurs oncles et
tantes, et à ajouter une autre injustice à celles qu'ils ont déjà
souffert? Êtes-vous prêts à faire en sorte que l'histoire du Canada
soit celle des sociétés, des institutions et des chiffres importants,
non pas celle des gens ordinaires?
|
| Pour moi, la réponse à toutes ces questions est non, et c'est
pourquoi j'ai présenté ce projet de loi, et j'espère qu'il aura votre
appui.
|
| Le sénateur LeBreton: La question que je voudrais vous poser
au sujet de votre projet de loi concerne la Loi sur la protection des
renseignements personnels, plus particulièrement l'alinéa 7(3)(5)
qui dit: «à l'expiration des 92 années civiles suivant l'année d'un
recensement, tout individu qui a produit un relevé dans le cadre
du recensement et qui ne fait pas l'objet d'un avis d'opposition
valide [...]», et ainsi de suite. D'un point de vue pratique, après 92
ans, la personne ne sera plus avec nous. Quel mécanisme
existe-t-il pour permettre aux gens de s'assurer que lorsqu'ils
produisent un relevé dans le cadre du recensement, et qu'ils sont
sains d'esprit, ces relevés qui contiennent des renseignements
personnels ne seront pas rendus publics? Quel mécanisme
existe-t-il, s'ils ne sont pas au courant de la disposition ou s'ils ne
sont pas en mesure d'y donner suite, pour qu'un membre de la
famille puisse le faire? Lorsque vous dites qu'il n'y a pas eu de
plaintes, j'ai pensé en riant qu'il ne pouvait y en avoir beaucoup
puisque la plupart des gens étaient morts.
|
| Le sénateur Milne: Précisément.
|
| Le sénateur LeBreton: Préconisez-vous que les gens remplis
sent leur formulaire de recensement comme nous le faisons pour
les formulaires de déclaration du revenu, c'est-à-dire que si nous
voulons que notre nom soit ajouté à la liste permanente des
électeurs, nous devons donner notre consentement à ce moment-
là, de sorte que ces renseignements puissent être rendus publics à
un moment donné à l'avenir?
|
| Le sénateur Milne: Je suis d'accord avec vous pour dire
qu'après 92 ans, il ne restera pas beaucoup de gens qui ont en fait
rempli le formulaire de recensement, car 91 plus 21 donne un âge
assez avancé. Il pourrait y avoir des cas où des familles
individuelles ne voudraient pas que certains renseignements
concernant leur passé soient rendus publics, et grâce à mon projet
de loi, ces familles auraient la possibilité de faire interdire la
communication.
|
| Le sénateur LeBreton: La marche à suivre pour le faire n'est
pas très claire. Lorsqu'une personne remplit le formulaire de
recensement, est-ce qu'elle ou sa famille dispose d'un mécanisme
lui permettant d'être avisée à l'avance? Que se passe-t-il? Si
quelqu'un veut l'information, les membres de la famille en
sont-ils avisés?
|
| Le sénateur Milne: Je pense qu'il appartiendrait à Statistique
Canada ou aux Archives de trouver une méthode. Cela serait
prévu dans le règlement plutôt que dans la loi proprement dite.
Cependant, j'imagine qu'il pourrait y avoir des annonces dans les
journaux, il pourrait y avoir des formulaires disponibles sur
demande. Je ne crois pas que cela serait très difficile. Je ne
prétends pas être en mesure de prendre les règlements pour
Statistique Canada sur la marche à suivre.
|
| Le sénateur LeBreton: Toujours à propos de ce mécanisme, si
le projet de loi devait être adopté, dorénavant, lorsqu'un recenseur
se présente chez les gens, il devrait pouvoir leur dire que les
renseignements qu'ils donnent seront peut-être rendus publics
ultérieurement. Je pense que cela pourrait poser de graves
problèmes aux recenseurs.
|
| Le sénateur Milne: Si Statistique Canada, 92 ans plus tard ou
l'année avant, fait paraître des annonces dans les journaux et
demande aux gens s'ils s'opposent à ce que leurs propres dossiers
ou le dossier de leurs familles soit rendus publics, cela laisserait
certainement savoir aux gens que 92 ans plus tard, l'information
sera rendue publique. Je pense que le but des annonces serait
d'informer le public pour l'avenir comme pour le passé.
|
| Le sénateur LeBreton: Voulez-vous dire que lorsqu'on
s'apprête à faire un recensement, ces annonces pourraient paraître
dans les journaux?
|
| Le sénateur Milne: Elles paraîtraient au cours de l'année
précédant le recensement. Le projet de loi stipule un an avant.
|
| Le sénateur LeBreton: Un an avant?
|
| Le sénateur Milne: Avant que les 92 ans ne se soient écoulés.
|
| Le sénateur LeBreton: Je parle d'un recensement qui est fait
maintenant.
|
| Le sénateur Milne: Je ne vois absolument aucun problème à
ce que Statistique Canada ajoute dorénavant une case à la
première page du formulaire. Naturellement, on ne peut le faire de
façon rétroactive, mais je ne vois absolument aucun problème à
ce que Statistique Canada ajoute une case à la première page du
formulaire disant: «Avez-vous des objections à ce que, dans
92 ans, ces renseignements soient rendus publics à des fins de
recherche?»
|
| Le sénateur Cordy: Vous avez beaucoup parlé au cours de
votre exposé d'un juste équilibre entre le respect de la vie privée
et la publication des documents de recensement. Je crois
comprendre que lorsqu'il était commissaire à la protection de la
vie privée, Bruce Phillips, lors de sa dernière comparution devant
le Sénat, a fait allusion à une solution de compromis. Cette
solution conviendrait au commissaire à la protection de la vie
privée tout en permettant la publication des documents de
recensement après 92 ans. Savez-vous en quoi consistait ce
compromis dont il parlait? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous
l'expliquer?
|
| Le sénateur Milne: Oui, j'ai pris la parole au Sénat à peu près
à l'époque où M. Radwanski a comparu devant nous avec cette
solution de compromis.
|
| Le sénateur Cordy: C'était avant mon temps.
|
| Le sénateur Graham: M. Radwanski n'était pas avant votre
temps.
|
| Le sénateur Milne: Je devrais peut-être vous expliquer alors
ce qui s'est passé à l'époque. J'ai présenté ce projet de loi lors
d'une session parlementaire précédente. Je l'ai présenté sans
jamais m'attendre à ce qu'il soit adopté. Je l'ai présenté en
espérant qu'il obtiendrait suffisamment d'appui du public pour
forcer le gouvernement à présenter son propre projet de loi.
|
| Le ministre Manley, qui était à l'époque le ministre responsable
de Statistique Canada et des Archives, a organisé à l'été 2000 une
rencontre avec moi-même, le commissaire de l'époque, Bruce
Phillips, l'archiviste national, dont vous entendrez le témoignage
plus tard - et il pourra sans doute vous donner une réponse plus
complète que la mienne à votre question -, et avec M. Fellegi,
de Statistique Canada. Après une bonne discussion autour de la
table, nous avons fini par trouver une solution de compromis.
|
| Je suis certaine que M. Wilson me corrigera si je me trompe.
Cependant, si j'ai bonne mémoire, Statistique Canada resterait
propriétaire des données de recensement tandis que les Archives
s'occuperaient de garder les données de recensement.
|
| Tous les particuliers qui voudraient utiliser ces données
devraient d'abord signer un formulaire d'autorisation acceptant de
ne pas publier des renseignements personnels délicats qu'ils
auraient appris dans ces documents de recensement. À mon avis,
ça ne pose absolument aucun problème car la plupart des
généalogistes amateurs ne veulent pas publier des faits gênants au
sujet de leurs familles. Ils veulent tout simplement connaître la
date de naissance, le nom, la date de décès, le nombre d'enfants
dans la famille, ce genre de choses, et l'endroit où ils vivaient.
|
| Tous les scientifiques qui ont l'intention d'utiliser les données
de recensement à des fins de recherche feraient approuver leurs
projets de recherche par un comité de pairs. Je ne connais aucun
projet de recherche qui n'est pas approuvé par un comité de pairs.
Encore une fois, ça ne posait aucun problème.
|
| Je crois que cette solution de compromis a été proposée au
nouveau ministre. Brian Tobin est maintenant le ministre respon
sable. Cela n'a pas eu pour résultat le projet de loi que j'avais
espéré. Plutôt, on a incorporé l'étude de la publication des
données de recensement historiques à une étude plus générale des
questions relatives à la protection de la vie privée. Le seul
problème, comme M. Watts vous le dira plus tard, j'en suis
certaine, c'est que lorsqu'il a comparu devant ce groupe qui
examinait la question plus générale de la protection de la vie
privée, pour parler des données de recensement, on lui a dit que le
recensement ne faisait pas partie de son mandat.
|
| J'ai un peu l'impression d'être entre deux chaises. J'ignore où
en sont les choses avec le nouveau ministre. La publication
semble se retrouver en quelque sorte en suspens. Par conséquent,
j'ai présenté à nouveau mon projet de loi.
|
| Le sénateur Graham: Je voudrais tout d'abord féliciter le
sénateur Milne pour son initiative. Il y a de toute évidence de
nombreux avantages, il y a également certains désavantages.
Cependant, c'est un genre d'initiative de la part d'un sénateur -
la présentation d'un projet de loi d'initiative parlementaire - qui
montre bien l'excellence du Sénat et la compétence des sénateurs
comme le sénateur Milne dans des questions de ce genre.
|
| Tout ce que je souhaiterais, c'est davantage de clarté, et
peut-être que nous aurons cette clarté au fur et à mesure que
d'autres témoins comparaîtront devant notre comité. Naturelle
ment, sénateur Milne, vous êtes extrêmement optimiste lorsque
vous laissez entendre que le vieux Al Graham sera capable de
rédiger une lettre lorsqu'il aura 92 ans, pour exprimer son
opposition à la publication de tout renseignement tiré des
documents de recensement, ou en fait que mes enfants, ou
peut-être devrais-je dire mes petits-enfants, n'auraient aucune
raison de s'y opposer - au contraire, je suis certain qu'ils en
auront beaucoup. Je me demande de quelle façon vous proposez
de démêler tout cela.
|
| Le projet de loi propose d'ajouter un paragraphe 7.3(3) à la
Loi sur les Archives nationales disant que l'opposition visée au
paragraphe (2) de l'article 7 doit être présentée sous forme d'avis
écrit. Écrit par qui?
|
| Le sénateur Milne: Je suppose que ce serait écrit par une
personne qui peut prouver être le descendant ou la descendante de
cet individu.
|
| Le sénateur Graham: Qui peut prouver cela?
|
| Le sénateur Milne: La personne ou la famille peut prouver le
lien sanguin.
|
| Le sénateur Graham: Je vous dirais alors que le projet de loi
manque de clarté, qu'il devrait être plus clair à cet égard.
|
| Le sénateur Milne: Sénateur, je n'ai pas voulu trop lier les
mains du gouvernement. J'ai voulu laisser cela ouvert à
l'interprétation. Initialement, j'espérais que cela obligerait le
gouvernement à agir. De toute évidence, cela n'a pas été le cas
jusqu'à présent. J'espère que si nous allons peut-être une étape
plus loin, cela obligera le gouvernement à agir. La solution
parfaite serait un projet de loi émanant du gouvernement. Donc, à
défaut d'un projet de loi émanant du gouvernement, c'est ce qu'il
y a de mieux.
|
| Le sénateur Graham: Je crois également, monsieur le
président, que la préoccupation exprimée par le sénateur LeBreton
concernant la façon dont le public est informé, et le moment où il
est informé, est très pertinente.
|
| J'aimerais revenir à votre excellente allocution du 20 février
dernier à l'étape de la deuxième lecture.
|
| Le sénateur Milne: Je vais vous laisser la citer car je ne l'ai
pas ici.
|
| Le sénateur Graham: J'en ai l'intention. Il est plutôt question
de l'aspect médical des avantages de ce projet de loi. À un
moment donné au cours de votre allocution, vous dites:
|
La divulgation des données tirées des recensements devient de plus en plus urgente avec le temps. L'accès à ces données constitue toujours une partie importante de la recherche historique au Canada. David Hawgood, de l'Institut Galton, a dit au cours d'une conférence qui s'est tenue récemment à Londres que l'établissement de la généalogie familiale, que connaissent si bien tous les généalogistes comme le sénateur Lynch-Staunton...
|
| C'est quelque chose de nouveau pour moi. Le sénateur
Lynch-Staunton est effectivement un généalogiste.
|
... est «l'outil le plus fréquemment utilisé en médecine génétique.»
|
| Plus loin, vous dites:
|
Je crois que ce projet de loi établit un compromis acceptable entre les buts et les préoccupations qui m'ont été présentés par divers groupes d'intérêts dont Statistique Canada, les Archives nationales du Canada, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, les généalogistes, les historiens, les chercheurs dans le domaine de la médecine et les Canadiens en général.
|
| Puis vous ajoutez:
|
Ces documents sont d'une importante capitale pour les Canadiens non seulement pour des raisons familiales, mais pour des raisons médicales, démographiques et historiques.
|
| Si vous pouviez éclaircir, clarifier - encore une fois, j'utilise
le mot «clarifier» - ou nous parler davantage de la valeur de ces
renseignements pour la recherche médicale, alors je crois que cela
ajouterait beaucoup de valeur au projet de loi.
|
| Le sénateur Milne: Il y a de nombreuses maladies dites
congénitales, c'est-à-dire dont on hérite directement de ses
parents, ou auxquelles on est génétiquement susceptible. J'aurais
dû me munir d'une liste, car j'en ai une dans mon bureau. Sauf
erreur, M. Gaffield a une liste des usages faits à des fins
médicales des données généalogiques. Il doit témoigner plus tard
cet après-midi devant le comité.
|
| [Français]
|
| Le sénateur Pépin: Vous nous parlez de la communauté
médicale, des chercheurs médicaux et de l'importance de la
recherche sur des maladies, mais les personnes dont les dossiers
sont étudiés ont-elles la possibilité d'avoir des renseignements sur
leur propre dossier? Savent-elles que des recherches sont
effectuées à partir de leur dossier ou les chercheurs prennent-ils
des dossiers en disant qu'ils recherchent les sources de telle ou
telle maladie sans que les personnes impliquées n'en sachent rien?
|
| [Traduction]
|
| Le sénateur Milne: La personne qui a la maladie le sait. En
général, les gens essaient de trouver ces renseignements eux-mê
mes, et c'est ainsi que sont établis de nombreux arbres
généalogiques. La question suivante consiste à savoir s'il faut
avertir les autres personnes qui figurent sur cet arbre généalogique
et qui risquent d'être également susceptibles à cette maladie, ou
ne pas le faire. C'est une question d'éthique médicale à laquelle je
n'ai pas de réponse. Je connais une personne qui a des
antécédents familiaux de cancer du sein. Elle refuse de faire des
analyses, car elle ne veut pas le savoir. En revanche, elle a une
fille.
|
| Le sénateur LeBreton: Quelle question dans un formulaire de
recensement permettrait d'obtenir ce genre de renseignement?
|
| Le sénateur Milne: Celle que l'on trouve dans les formulaires
de recensement, justement. L'autre est un arbre généalogique, qui
est plus récent que le recensement historique. Toutefois, on entend
souvent parler de nos jours de la question qui se trouve dans le
formulaire de recensement et qui porte sur la démence précoce.
On entend parler de la maladie d'Alzheimer. C'est facile à trouver
dans les formulaires de recensement. Une personne de 46 ans peut
être sénile et est inscrite comme telle.
|
| Le sénateur Pépin: Inscrite où?
|
| Le sénateur Milne: Dans la catégorie «faible d'esprit».
|
| Le sénateur LeBreton: C'est aller un peu loin.
|
| Le sénateur Milne: Très souvent, les recenseurs dans le temps
ne se contentaient pas de cocher une colonne. Ils écrivaient des
renseignements complémentaires.
|
| Le sénateur LeBreton: Ce n'est plus le cas dans le formulaire
actuel de recensement.
|
| Le sénateur Milne: À l'heure actuelle, on le remplit
soi-même.
|
| Dans le recensement de 1911, il y a une colonne intitulée
«infirmité», et on demande au déclarant de préciser à quel âge
l'infirmité s'est manifestée. La première est «aveugle», la
deuxième, «sourd-muet», la troisième «fou ou aliéné» et la
quatrième, «idiot ou stupide».
|
| Le sénateur LeBreton: C'était à l'époque.
|
| Le sénateur Milne: En effet.
|
| Le sénateur LeBreton: Ces questions ne se trouvent plus sur
le formulaire de recensement, en tout cas pas sur ceux que j'ai
reçus.
|
| Le sénateur Milne: Heureusement.
|
| Le sénateur LeBreton: On demande combien de toilettes il y
a dans ma maison ou combien de chambres, mais on ne demande
pas si je suis idiote.
|
| Le président: Certains d'entre nous auraient du mal à trouver
dans quelle catégorie s'inscrire, parmi les deux dernières.
|
| Je demande maintenant au groupe suivant de témoins de se
présenter. Il s'agit de MM. Wilson, Sheridan et Radwanski. Soyez
les bienvenus. Je remarque que vous avez des exposés. Vous
pourriez nous aider en ne les lisant pas de bout en bout, car en
général, nous lisons plus vite que vous ne parlez. Toutefois,
veuillez nous en présenter les points essentiels. Je commencerai
par M. Wilson. Encore une fois, merci de votre présence. Vous
avez déjà témoigné devant notre comité pour discuter par le passé
de questions en rapport avec la vie privée.
|
| M. Ian E. Wilson, archiviste national, Archives nationales
du Canada: Monsieur le président, sur vos conseils, je crois
qu'un document a été distribué à tous les membres du comité. J'y
ai inclus des photocopies de pages types tirées du recensement de
1901, une en français dans la province de Québec et l'autre en
anglais pour une région de la province de l'Ontario.
|
| Je suis ici pour vous renseigner de façon à vous expliquer la
situation relative aux données historiques du recensement, et j'ai
également quelques observations à faire au sujet du projet de
loi S-12.
|
| Pour votre gouverne, à la première page du document présente
l'état des divers documents de recensement conservés aux
Archives nationales du Canada, où les données de recensement
allant jusqu'à l'année 1901 peuvent être consultées, et sont
utilisées tous les jours, tant sur place que dans d'autres archives
d'un bout à l'autre du pays. Depuis 1901, on conserve ces
données sur microfilm à partir du recensement de 1906. Ces
microfilms appartiennent à Statistique Canada et sont conservés à
notre dépôt des documents fédéraux, qui n'est qu'un service que
nous offrons à tous les ministères. Les données des recensements
de 1991 et de 1996 n'ont pas encore été mises sur microfilm, mais
elles sont conservées dans un autre de nos dépôts de préarchivage.
|
| Quand j'ai été nommé archiviste national, il y a un peu plus de
deux ans, j'avais beaucoup entendu parler de l'aspect légal de
cette question dans le milieu. J'ai demandé à mes archivistes de
me montrer la promesse que le gouvernement de sir Wilfrid
Laurier avait apparemment faite en prévision du recensement de
1906. Les Archives nationales appliquent les lois du Canada aux
nombreux et divers documents dont nous avons la garde et le
contrôle. Je voulais simplement savoir quelle était cette promesse
dont j'avais tant entendu parler.
|
| Nous avons examiné tous les documents que nous possédons
de Sir Wilfrid Laurier. J'ai examiné les documents des ministères
pour la même période, de même que ceux des ministres de
sir Wilfrid Laurier. La seule sorte de promesse que nous avons pu
trouver avait été faite sous forme de règlement en vertu de la Loi
du recensement et des statistiques de 1905. Je vous ai fourni tout
le texte de l'article 26. Le sénateur Milne y a déjà fait mention en
partie, mais voici tout le texte sur le caractère confidentiel des
renseignements, tel qu'il a été publié dans la Gazette du Canada
en 1906 au sujet de l'énumération et du recensement. Il faut
évidemment situer cette disposition dans le contexte del'article 34, que l'on trouve à la page suivante, et dans lequel on
dit que le recensement est un document permanent. Il doit être
lisible. Il doit être conservé dans les archives du Canada. À cette
époque, tous les dossiers des Archives nationales, ou des Archives
publiques du Canada, comme on les appelait alors, étaient à la
disposition du public. C'était la norme de l'époque. À partir de là,
on a dit dans les instructions de 1911, que le recensement était
utile au point de vue historique.
|
| La Loi sur les archives publiques de 1912 a ensuite été adoptée.
Cette loi portait sur le traitement et la réglementation de tous les
dossiers du gouvernement fédéral. Elle ne contenait aucune
disposition particulière sur les documents de recensement. À
l'époque, ces documents étaient assujettis à la Loi sur les
archives, comme c'est encore le cas. Le règlement sur la
protection des renseignements personnels qui a été adopté de
nombreuses années plus tard, après le débat qui s'imposait,
prévoyait un délai de 92 ans.
|
| Ensemble, les dispositions du règlement de 1906 fournissaient
le régime de confidentialité équilibré à court terme qui était
nécessaire au traitement des données de recensement qui
deviendraient plus tard des documents permanents. Selon le
règlement, il n'était pas nécessaire que le document soit lisible, à
moins qu'on veuille qu'il soit utilisé ou lu par quelqu'un. À
l'heure actuelle, ces documents n'ont à peu près jamais été
consultés depuis 1906.
|
| D'autres ont également examiné cette question. Dans son
rapport de 1999-2000, le commissaire à l'information a traité de
cette question de façon approfondie et il a fait remarquer qu'à son
avis, aucune promesse ne s'appliquait à perpétuité à tout nouveau
recensement ultérieur ni n'empêchait le transfert des documents
de recensement aux Archives nationales du Canada. De même, le
Comité d'experts sur l'accès aux dossiers historiques du recense
ment, mis sur pied par le ministre responsable de Statistique
Canada en 1999, recommandait que les dossiers du recensement
de 1906 et de 1911 soient rendus publics.
|
| J'ai demandé à mon personnel d'examiner les enjeux de
l'époque pour voir s'il y avait un problème de confidentialité
perpétuelle. Il n'y en avait pas. Les journaux de l'époque avaient
publié de nombreux articles sur le recensement. Ils étaient très
fiers qu'un portrait du Canada soit ainsi dressé. Le recensement
de 1906 avait un caractère très particulier pour l'ouest du Canada
puisqu'il brossait le portrait d'une nouvelle société. Au cours des
cinq années précédentes, le nombre des exploitations agricoles en
Saskatchewan avait augmenté de 310 p. 100. En Alberta, leur
nombre avait augmenté de 210 p. 100. C'était un progrès
extraordinaire sur une période de cinq ans. Les gens en étaient
fiers. Ils voulaient que ce soit enregistré. Ils voulaient que ça fasse
partie d'un document historique.
|
| La seule inquiétude en matière de protection des renseignements personnels était de savoir s'il s'agissait d'un complot du
gouvernement pour imposer des impôts ou pour élaborer la
conscription. Comme vous pourrez le voir dans le Winnipeg Free
Press, c'est ce qui inquiétait les gens à cette époque. Allions-nous
utiliser le recensement à des fins de conscription ou d'impôt? Je
ne crois pas que nous allons utiliser aujourd'hui le recensement de
1906 à ces fins-là.
|
| Pour ce qui est du projet de loi S-12, les Archives nationales
appuient l'objectif du projet de loi, soit d'harmoniser les
dispositions de la Loi sur la statistique et de la Loi sur les
Archives nationales du Canada pour assurer la disposition et la
préservation à long terme appropriées des documents de
recensement, ce qui viendra clarifier la situation. Nous reconnais
sons que la loi limite l'actuel pouvoir d'appréciation de
l'archiviste national. En vertu de la Loi sur les Archives
nationales du Canada, je dispose des pleins pouvoirs pour
désigner les documents qui revêtent une importance historique ou
archivistique. Cela montre, si le texte est adopté, qu'il s'agit pour
le Sénat et le Parlement du Canada de documents précieux,
importants et permanents, de sorte que mon pouvoir d'apprécia
tion sera limité.
|
| Parallèlement, le projet de loi fait quelque chose que les textes
actuels n'exigent pas. Même si je peux désigner les documents
d'importance historique, il ne semble pas que j'aie le pouvoir
d'exiger le transfert de ces documents aux archives pour les
intégrer à l'histoire nationale. C'est l'une des lacunes de la loi
actuelle. Le projet de loi S-12 corrige la situation.
|
| Les Archives nationales et les historiens reconnaissent les
inquiétudes concernant la divulgation des données de recense
ment. Chaque jour nous débattons de confidentialité pour un vaste
éventail de documents provenant des pouvoirs publics, de divers
services, du conseil des ministres jusqu'au gouverneur général en
passant par la fonction publique. C'est quelque chose que nous
pouvons gérer, nous le faisons et appliquons différentes formules.
|
| Nous savons également que le caractère sensible des docu
ments et le besoin de confidentialité s'atténuent avec le temps. Un
des principes de la Loi sur la protection des renseignements
personnels précise justement qu'avec le temps le besoin de
confidentialité s'estompe et que le droit d'une personne à sa vie
privée prend fin 20 ans après sa mort. Telle est actuellement la loi
au pays. Certains réclament des changements à cela, mais c'est la
règle actuelle et c'est celle que nous appliquons chaque jour.
|
| Je souscris aux propos du sénateur Milne: même si divers
documents de recensement ont été rendus publics à plusieurs
reprises au cours des 50 dernières années, les intéressés n'ont
jamais formulé de plaintes sur la manière dont nous avons traité
ces documents.
|
| J'ai ici le cas de certains autres gouvernements. Les documents
de recensement de Terre-Neuve pour 1921, 1935 et 1945 sont
accessibles. Certains disent que si nous rendons publiques les
données de recensement, les citoyens voudront moins participer
aux enquêtes dans l'avenir. L'occasion nous est donnée
aujourd'hui de le vérifier empiriquement. Les chiffres révèlent-ils
que les Canadiens de Terre-Neuve sont moins portés à répondre
aux recensements du fait que les renseignements recueillis
jusqu'en 1945 sont du domaine public? Cela a-t-il créé des
problèmes à Terre-Neuve? Nos concitoyens des Prairies réclament
à cor et à cri de pouvoir consulter les renseignements de 1906
pour ne pas être en reste avec leurs collègues et concitoyens de
Terre-Neuve.
|
| Les États-Unis rendent publics les documents de recensement
après 72 ans, et s'apprêtent à rendre accessibles les données de
1930. Au Royaume-Uni, ces renseignements sont divulgués
100 ans plus tard et les données de 1901 seront rendues publiques
début 2002.
|
| Le sénateur Milne a dit combien ce fond est précieux pour les
Canadiens. Je n'en dirai pas plus. Il n'y a pas lieu de répéter que
le recensement est un élément clé et fondamental de l'histoire
nationale. Comme la Saskatchewan et l'Alberta se préparent à
marquer le centenaire de leur adhésion à la Confédération, le
1er septembre 2005, je sais que les historiens de l'Ouest
souhaitent vivement étudier en détail les événements extraordinai
res survenus de 1901 à 1906, puis de 1906 à 1911, jusqu'au rôle
important joué par elles pendant la Première Guerre mondiale.
|
| Il me semble à propos que le projet de loi S-12 s'engage dans
cette voie et garantisse aux Canadiens qu'ils auront accès à ce
fond documentaire très important en sachant faire la part, comme
nous le faisons nous et les divers gouvernements depuis 1906,
entre la confidentialité à court terme, la protection de la vie privée
et, au fur et à mesure que s'allège cette exigence, l'accès par les
familles, la collectivité et les historiens.
|
| M. Michael Sheridan, statisticien en chef adjoint, Statisti
que Canada: Honorables sénateurs, le statisticien en chef vous a
déjà adressé des observations détaillées. Je vais simplement tenter
de souligner quelques faits saillants.
|
| Le statisticien en chef est préoccupé, d'abord et avant tout, par
le maintien de l'intégrité du système statistique canadien et les
répercussions qu'aura sur lui le dénouement de cette importante
question.
|
| Comme vous le savez, le Canada possède un système
statistique exceptionnellement solide, qui profite de façon
importante à la population. La capacité de Statistique Canada à
produire des renseignements dans l'intérêt du public dépend
essentiellement de la collaboration volontaire des répondants
lorsque vient le temps de fournir des renseignements personnels
complets et fiables, des renseignements qui sont à la fois de
nature délicate et privée.
|
| La Loi sur la statistique confère à Statistique Canada de grands
pouvoirs et de grandes responsabilités: elle autorise légalement
l'organisme à recueillir des renseignements sur à peu près tous les
aspects de la société canadienne. Même si la Loi sur la statistique
énonce l'obligation de répondre, au bout du compte, le système
statistique repose en majeure partie sur la collaboration du public.
Un organisme statistique possède un statut unique qui le distingue
des autres groupes recueillant des données à grande échelle: il ne
peut utiliser d'incitatifs directs auprès des personnes afin d'obtenir
la collaboration souhaitée, ni avoir recours à des sanctions
efficaces si cette collaboration fait défaut.
|
| Par conséquent, comment pouvons-nous fonctionner sans ces
mesures? La réponse est la suivante: nous dépendons de notre
intégrité. Et cette intégrité repose essentiellement sur notre
capacité et notre efficacité à respecter notre promesse incondition
nelle de confidentialité, de même que sur la qualité, la pertinence
et l'objectivité des renseignements statistiques que nous fournis
sons en retour au public.
|
| C'est pour ces raisons que la confiance du public en l'intégrité
de Statistique Canada ne peut être mise en péril. À l'heure
actuelle, deux éléments fondamentaux de cette confiance sont
remis en question. Continuons-nous à respecter cette promesse
inconditionnelle de confidentialité faite par nos prédécesseurs? Et
sinon, comment maintenir la qualité des renseignements statisti
ques essentiels si nous perdons la confiance du public canadien en
matière de protection des renseignements personnels?
|
| Selon un récent sondage mené par la firme Environics, les
Canadiens et les Canadiennes sont suffisamment préoccupés pour
déclarer que si une mesure législative telle que le projet de
loi S-12 était adoptée, leur collaboration lors des recensements
futurs en serait affectée, de même que leur collaboration aux
enquêtes de Statistique Canada en général. Si cela arrivait, la
qualité des recensements futurs et du système statistique tout
entier, sur lequel se fondent les secteurs public et privé pour
prendre d'importantes décisions, en serait affectée de façon
irréparable.
|
| Comment Statistique Canada pourrait-il soutenir que la
population doit continuer à lui faire confiance en matière de
confidentialité, alors qu'une promesse légale de confidentialité,
faite antérieurement, aurait dans les faits été modifiée - et en
plus, de façon rétroactive? Nous possédons des preuves empiri
ques, obtenues récemment auprès de groupes de discussion et au
moyen de recherches qualitatives, qui démontrent clairement que
plusieurs Canadiens et Canadiennes sont très préoccupés à l'idée
de modifier les conditions en vertu desquelles ils ont fourni des
renseignements personnels à Statistique Canada. En fait, un
sondage d'envergure nationale mené par la firme Environics pour
le compte de Statistique Canada a révélé que 49 p. 100 des
Canadiens et Canadiennes s'entendaient pour dire que le
gouvernement leur avait fait la promesse de ne jamais diffuser
leurs renseignements personnels fournis lors des recensements; ils
s'entendaient aussi pour dire que le gouvernement devrait
respecter cette promesse.
|
| À la lumière de ces préoccupations, le ministre responsable de
Statistique Canada a demandé que des consultations de grande
envergure soient menées auprès des Canadiens et Canadiennes à
ce sujet. En conséquence, nous voyons actuellement à ce qu'un
consultant indépendant organise des assemblées publiques partout
au pays, dès cet automne, afin de découvrir ce que la population
canadienne pense et souhaite à cet égard. À ces assemblées
publiques s'ajouteront des groupes de discussion mis sur pied afin
de mettre à l'essai diverses avenues.
|
| Permettez-moi maintenant de faire quelques commentaires au
sujet du projet de loi S-12. Ce projet de loi recommande qu'au
cours de l'année précédant l'accès du public aux documents de
recensement, les personnes qui souhaitent que leurs renseigne
ments demeurent confidentiels pourraient écrire à l'archiviste
national en mentionnant que la divulgation de leurs renseigne
ments constituerait une atteinte injustifiée à leur vie privée.
Toutefois, comme une personne décédée aurait manifestement
abandonné ses droits en matière de vie privée, ses renseignements
seraient automatiquement mis à la disposition du public. Cette
façon de faire ne concorde certainement pas avec la Loi sur la
statistique. Aucune échéance ne s'applique quant à l'accès aux
renseignements recueillis lors du recensement. Les dispositions de
la loi demeurent valides même après le décès des personnes.
|
| En outre, si le projet de loi S-12 était adopté, les Canadiens et
Canadiennes âgés qui s'opposent à la diffusion de leurs
renseignements personnels devraient aussi se souvenir de l'endroit
où ils vivaient alors qu'ils étaient de très jeunes enfants. En effet,
Statistique Canada - ou n'importe qui d'autre - ne pourrait
d'aucune façon empêcher l'accès à d'anciens documents de
recensement, sauf en retraçant un dossier particulier grâce à
l'adresse de la personne au moment de la tenue du recensement
en question. Il en est ainsi puisque les documents de recensement
sont classés selon l'adresse géographique.
|
| Tout cela créerait un véritable cauchemar administratif, sans
compter qu'on ne pourrait garantir que les demandes d'exclusion
faites par des particuliers seraient efficacement traitées.
|
| Pour conclure, je crois qu'il y a quatre choses importantes à
souligner au sujet des données de recensement antérieures à 1906.
Avant le recensement de 1906, la loi ne garantissait pas la
confidentialité des renseignements fournis. Ce n'était pas inscrit
dans la loi. Les recenseurs avaient reçu des instructions qui
comprenaient des lignes directrices sur la confidentialité, mais ces
instructions n'avaient pas force de loi.
|
| Les données du recensement de 1901 et des recensements
précédents ont été publiées conformément aux dispositions de la
Loi sur la protection des renseignements personnels qui permet
taient de communiquer des renseignements personnels s'ils
n'étaient pas protégés de façon explicite dans une autre loi.
Depuis 1906, la législation qui autorise à recueillir des données de
recensement protège le caractère confidentiel de ces données. La
Loi sur la protection des renseignements personnels ne permet pas
de déroger à ces dispositions.
|
| M. George Radwanski, commissaire à la protection de la vie
privée du Canada: Honorables sénateurs, je dois avouer que
toute cette question me préoccupe dans une certaine mesure en ce
sens que la protection des données historiques de recensement n'a
jamais suscité chez moi la même passion que chez mon
prédécesseur. J'estimais que le compromis auquel on était
parvenu était une solution satisfaisante. À part cela, en tant
qu'ombudsman chargé de protéger la vie privée de ses conci
toyens, j'estime qu'il faut réagir face au risque de façon
raisonnable, car un chien de garde qui aboie avec la même
intensité chaque fois que quelqu'un passe, finit par ne plus être
entendu. Ce n'est pas une question que j'aurais inscrite en tête de
liste de mes priorités. Même s'il était imparfait, ce compromis me
semblait être une bonne solution.
|
| Toutefois, ce projet de loi entre dans une catégorie entièrement
différente. Il m'inquiète énormément du point de vue de la
protection de la vie privée, non seulement parce que le
gouvernement canadien devrait toujours respecter ses promesses
de confidentialité et ne pas les trahir rétroactivement, mais aussi
parce que ce projet de loi porte gravement atteinte au principe du
consentement et que cela risque de revenir nous hanter dans bien
d'autres domaines.
|
| Bien entendu, ce projet de loi va beaucoup plus loin que ce que
proposaient même les plus ardents défenseurs de l'accès aux
données de recensement et beaucoup plus loin que le compromis
que le statisticien en chef et moi-même avions appuyé publique
ment. Il a également de quoi inquiéter énormément en proposant
de limiter ou d'éliminer rétroactivement des droits existants et en
violant une promesse que les gouvernements successifs ont faite
aux Canadiens. Comme vous le savez, ce projet de loi porte que
toute personne qui a rempli un questionnaire de recensement et
n'a pas envoyé un avis d'opposition valide est réputée, 92 ans
plus tard, avoir donné son consentement irrévocable à l'accès du
public aux renseignements fournis.
|
| Je mentionne, entre parenthèses, que contrairement à ce que le
sénateur Milne a déclaré tout à l'heure, le projet de loi précise
clairement que seule la personne qui a fourni les renseignements
peut faire opposition. Les autres parties qui peuvent être
concernées n'ont pas cette possibilité. C'est clairement indiqué au
paragraphe 7.3(2).
|
| Autrement dit, si le projet de loi est adopté, le fait de remplir un
questionnaire de recensement reviendrait à donner son consente
ment à l'accès du public aux renseignements fournis, et cela de
façon rétroactive.
|
| Cela s'appliquerait à tous les recensements qui ont eu lieu
jusqu'ici, même si le gouvernement a dit expressément aux
répondants que le public n'aurait pas accès aux renseignements
qu'ils fourniraient. Parler de consentement en pareil cas, c'est
déformer le sens de ce terme et il y a de quoi inquiéter
sérieusement tous ceux qui, comme moi, attachent de l'importan
ce au principe du consentement éclairé en ce qui concerne la
protection de la vie privée.
|
| Le sénateur Milne a déclaré que le gouvernement n'avait
jamais promis la confidentialité perpétuelle aux répondants du
recensement. Elle a dit que cette promesse aurait été contraire aux
intentions avouées du gouvernement de conserver les données
dans les archives nationales.
|
| Il est vrai que les instructions données aux recenseurs pour les
recensements antérieurs à 1918 révèlent que le gouvernement de
l'époque comptait conserver les documents de recensement aux
Archives nationales pour un usage ultérieur. Ce fait n'a jamais été
contesté étant donné que le libellé du règlement est assez explicite
à cet égard. Il est toutefois tout aussi explicite en ce qui concerne
la confidentialité. Il se peut que les instructions visant à préserver
le caractère confidentiel des données du recensement aillent à
l'encontre du désir de conserver ces renseignements sous une
forme se prêtant à l'archivage. Cela ne veut toutefois pas dire que
ce règlement ne soit pas valide ou qu'on puisse y passer outre.
Comme chacun sait, les législateurs sont humains et peuvent
parfois énoncer des principes contradictoires.
|
| Même s'il peut y avoir certains doutes quant aux intentions qui
étaient celles du Parlement lors des premiers recensements, il n'y
en a aucun quant à la teneur de ses règlements et de la législation
mise en place à partir de 1918. Depuis 1971, l'année où
Statistique Canada a commencé à envoyer directement les
questionnaires aux répondants au lieu d'envoyer des recenseurs,
les répondants ont reçu par écrit l'assurance que les renseigne
ments qu'ils fourniraient seraient confidentiels.
|
| Je crois utile de souligner que même le Comité d'experts sur
l'accès aux dossiers historiques de recensement reconnaît qu'à
compter de 1918, le gouvernement a fourni des garanties
législatives explicites en ce qui concerne la confidentialité. Le
sénateur Milne semble également d'accord avec le comité
d'experts pour dire que cette promesse peut être mise de côté
parce que selon le comité, les mots «perpétuel» et «éternel» ou
«pour toujours» ne figurent ni dans la loi, ni dans les instructions
données aux recenseurs ou dans les procès-verbaux des débats du
Parlement.
|
| Cela revient à dire qu'il faut présumer qu'une promesse est
temporaire à moins qu'il ne soit précisé qu'elle est permanente.
Cette notion me paraît inacceptable tant du point de vue juridique
que pour une simple question de bon sens. Une promesse est
perpétuelle à moins d'indication contraire. Aucun régime de
contrats - et il s'agit là d'un contrat entre le gouvernement et
ses administrés - ne pourrait survivre sans ce principe fonda
mental.
|
| Voilà pourquoi les gens qui rédigent des contrats prennent
grand soin de préciser quand et dans quelles conditions les
conditions ne s'appliquent plus. Quiconque veut conclure un
contrat pour une période fixe, n'ira jamais signer un contrat ne
précisant pas quand le contrat prend fin. Le problème se pose
lorsqu'une loi permet de publier des renseignements même au
bout de 92 ans. Qu'est-ce qui garantit aux citoyens que si ces
promesses ne sont pas perpétuelles, un successeur du sénateur
Milne ne voudra pas ramener cette période à 30 ans, 40 ans ou
20 ans. C'est un terrain très glissant. Cette violation d'une
promesse que le gouvernement a faite à ses citoyens pose un
problème fondamental en ce qui concerne ce projet de loi.
|
| Le projet de loi S-12 soulève également d'autres problèmes
importants en ce qui concerne la protection de la vie privée. Le
projet de loi ne confère pas à l'archiviste national le pouvoir de
refuser l'accès aux documents du recensement s'ils sont deman
dés à des fins statistiques ou pour des recherches historiques,
généalogiques ou scientifiques qui ne sont pas définies. Le projet
de loi prétend donner aux intéressés le droit de s'opposer à la
divulgation de leurs données de recensement. Il limite toutefois ce
droit d'opposition d'une façon qui frise l'absurdité. Seule une
personne qui est encore vivante 92 ans après avoir fourni des
données de recensement a le droit de faire opposition. De plus,
seule cette personne a droit à sa vie privée. Aucune des autres
personnes touchées n'a le droit de faire opposition. Cela peut
inclure des parents et des descendants des répondants. Non
seulement les personnes décédées ou très âgées perdent le droit à
leur vie privée, mais leurs survivants également. Cela pourrait
inclure des gens qui ne sont pas des répondants, mais qui sont
inclus dans les données du recensement parce qu'ils font partie de
la même famille.
|
| Je remarque que le sénateur Milne a parlé de la commodité ou
de l'importance de pouvoir obtenir des renseignements d'ordre
médical grâce à un recensement. Je sais que le sénateur Graham a
signalé que c'était peut-être l'un des principaux avantages de ce
projet de loi. En toute déférence, je tiens à dire que c'est au
contraire l'un de ses aspects les plus dangereux. La confidentialité
des renseignements génétiques et le droit d'obtenir de tels
renseignements au sujet d'une personne constituent l'un des
principaux problèmes qui se posent dans le domaine de la
protection des renseignements personnels.
|
| Par exemple, mis à part le répondant lui-même qui pourrait être
décédé depuis longtemps, ses parents ou ses descendants seront
également exposés à la découverte de ces renseignements les
concernant si les données sont rendues publiques. Ce sera
peut-être utile pour certains, mais pour d'autres cela pourrait avoir
des conséquences catastrophiques et notamment, par exemple, si
une compagnie d'assurance se servait de ces renseignements pour
établir des hypothèses quant aux perspectives de ses clients.
|
| Le projet de loi confère également au chef de famille le
contrôle sur les droits à la protection des renseignements
personnels. Cela sort de mon mandat de commissaire à la
protection de la vie privée, mais ce modèle patriarcal n'a plus sa
place, selon moi, au XXIe siècle. Même ce droit minime
d'opposition est ramené à un privilège révocable à la discrétion de
l'archiviste.
|
| Une opposition n'est «valide» que si l'archiviste est convaincu
que la communication des renseignements constituera une
intrusion injustifiée dans la vie privée de la personne qui s'oppose
à leur communication. Le projet de loi ne prévoit aucun critère
relatif à ce qui est justifié ou ne l'est pas. L'archiviste national
n'est pas tenu, ni dans ce projet de loi ni ailleurs, de connaître en
détail les questions liées à la protection de la vie privée et il n'est
prévu aucune procédure d'appel de la décision de l'archiviste.
|
| Ce qui est plus important, et je dois y revenir, c'est que ce
projet de loi tourne en ridicule le principe du consentement, en
présumant de façon rétroactive que le consentement a été donné
alors qu'il est impossible qu'il l'ait été, de manière implicite ou
explicite. J'ajoute que, à cet égard, l'une des principales
préoccupations liées à la protection de la vie privée - et c'est ce
qui ressort clairement du projet de loi C-6, le nouveau projet de
loi concernant le secteur privé - est l'importance fondamentale
d'un consentement clair et explicite. Je consacre beaucoup de
temps et d'efforts à expliquer à diverses entreprises que le
consentement présumé ou consentement par défaut est inaccepta
ble, pour toutes sortes de raisons, du point de vue de la protection
de la vie privée. Cela va bien au-delà du consentement présumé.
Je considère le consentement par défaut comme une distorsion
très inquiétante du consentement. Le consentement est un aspect
fondamental de la vie privée et de la démocratie, selon moi.
|
| Je conclurai en ajoutant ceci. En toute franchise, si ce projet de
loi ou une mesure semblable devait être adopté et que les gens
venaient me faire part de leurs inquiétudes au sujet de leur droit à
la vie privée lors d'un recensement futur, ou même s'ils
remplissent d'autres questionnaires de Statistique Canada qui
soient de nature aussi confidentielle, voire plus, il me serait
impossible de leur dire que, à mon avis, ils n'ont pas lieu de
s'inquiéter et qu'ils doivent remplir le formulaire sans hésiter. Je
me sentirais obligé de leur dire qu'ils doivent faire la part des
choses entre leur droit à la vie privée et l'exigence légale de
participer au recensement, ou la volonté de participer de plein gré
à une autre étude. Ce serait, à mon avis, tout à fait regrettable.
|
| Le président: Monsieur Sheridan, vous allez faire tenir des
assemblées publiques par un expert-conseil indépendant. J'ai deux
questions. Tout d'abord, quand pensez-vous finir ces réunions et,
en second lieu, le rapport de l'expert-conseil sera-t-il communiqué
au public?
|
| M. Sheridan: La demande de propositions dans le cadre de ce
processus doit être publiée la semaine prochaine. Ce sera un
document public car le processus d'appel d'offres sera organisé
par Travaux publics. Ce document sera donc du domaine public.
|
| Le président: Autrement dit, il sera assujetti à l'accès à
l'information. Je ne crois pas que cela en fasse automatiquement
un document public. Je vais poser ma question différemment.
Lorsque vous aurez reçu le rapport, si nous vous demandons de
nous le remettre sur-le-champ, y verrez-vous des objections?
|
| M. Sheridan: Je n'y vois aucune objection. Le rapport est de
toute évidence préparé à la demande du ministre et il lui sera
remis. Ce sera au ministre de décider de la diffusion éventuelle de
ce rapport.
|
| Le président: Vous parlez du ministre de l'Industrie, n'est-ce
pas?
|
| M. Sheridan: C'est exact.
|
| Le président: Si l'on fait une étude sur ce que pensent les gens
d'une question précise en rapport avec la protection de la vie
privée, dire que le résultat doive être tenu confidentiel est un
oxymore, si vous me pardonnez cette remarque.
|
| M. Sheridan: Je ne veux pas anticiper sur ce que mon
ministre...
|
| Le président: Je le fais volontiers. C'est bien.
|
| Le sénateur Roche: À mon avis, monsieur le président, les
conclusions de l'étude nous seraient utiles dans le cadre de notre
étude de ce projet de loi. Ainsi, il serait souhaitable que nous
recevions ces renseignements avant de prendre une décision
définitive à l'égard du projet de loi.
|
| Le président: C'est bien pour cela que j'ai posé la question.
|
| Le sénateur Roche: C'est ce que je pensais. Je voulais le
préciser. Si j'ai bien compris, vous êtes d'avis qu'il serait utile
que le comité ait en main ces renseignements avant de prendre
une décision à l'égard de ce projet de loi.
|
| Le président: Pour finir votre phrase, bien entendu, ce sera au
comité de décider. Je voulais avoir une idée des délais dans
lesquels nous pourrions obtenir ces renseignements qui me
paraissent utiles, et je parle ici en mon nom personnel et non à
titre de président du comité. C'est pourquoi j'ai posé cette
question.
|
| Le sénateur LeBreton: Je remercie tous les témoins de leurs
exposés. Je me préoccupe de la question de la vie privée,
monsieur Radwanski, et de la question médicale. Cela nous
ramène à une autre étude que notre comité a effectuée au sujet du
projet de loi C-6. On semble croire que la protection de la vie
privée des gens sera compromise et que cela pourra se répercuter
sur d'autres membres de la famille. On a parlé des compagnies
d'assurance mais cela pourrait aller jusqu'à l'obtention d'un
emploi par une personne. Cette question me préoccupe au plus
haut point.
|
| Je comprends également très bien ce que cherche à faire le
sénateur Milne. De nombreuses personnes lui ont écrit, et à moi
aussi. J'ai toujours eu quelques réserves à l'égard de ce projet de
loi. J'ai sous les yeux des lettres reçues d'une personne qui a
cherché à retrouver ses ancêtres. Existe-t-il un mécanisme, aux
Archives ou à Statistique Canada, qui permette aux personnes de
retrouver leurs ancêtres? Ces personnes ont peut-être des parents.
Que doivent-elles faire pour les retrouver? En présentant ce projet
de loi, le sénateur Milne tient compte des personnes qui ont ce
genre de préoccupation. Existe-t-il aujourd'hui un mécanisme
auquel nous ne pensons pas et qui permettrait aux gens d'obtenir
des renseignements sans s'ingérer le moindrement dans la vie
privée de nombreuses autres personnes qui pourraient être en
rapport avec cette famille?
|
| M. Radwanski: Personne ne semble vouloir répondre à cette
question. Permettez-moi de pousser la question un peu plus loin.
Ils pourront peut-être répondre à ce que l'on peut faire à l'heure
actuelle. À mon avis, sénateurs, il faudrait rédiger, proposer et
adopter un projet de loi qui représente un juste milieu, en
permettant précisément à des particuliers de rechercher leurs
origines, sous réserve de ne pas utiliser ces renseignements à
d'autres fins, tout en permettant des recherches légitimes, à
condition encore une fois de ne pas les utiliser de façon à
empiéter sur les droits des particuliers dans les domaines qui nous
préoccupent.
|
| Il existe une solution, nous l'avons sous les yeux, mais ce n'est
pas le projet de loi dont le Sénat est saisi aujourd'hui.
|
| M. Wilson: Vous posez une question de portée très générale,
sénateur, relative à l'établissement d'arbres généalogiques. C'est
un processus très complexe qui dépend de la famille, du pays où
elle a vécu, ou des activités auxquelles elle s'est livrée.
|
| Le sénateur LeBreton: Il faut aussi que les gens veuillent bien
qu'on les retrouve.
|
| M. Wilson: Il existe de nombreux dossiers fédéraux, il y en a
beaucoup également au niveau provincial, sans oublier ceux qui
sont tenus à l'étranger. L'Église des Saints du Dernier Jour a un
site Web extraordinaire. Nous avons une publication excellente,
intitulée «Retrouver vos ancêtres au Canada», où l'on indique les
dossiers disponibles, du domaine public et pleinement accessibles
conformément à la Loi sur la protection des renseignements
personnels et d'autres lois. Dans certains cas, on n'a pas besoin
des données de recensement car on peut trouver certains
renseignements ailleurs, par exemple dans les casiers ou les
archives judiciaires qui sont ouverts au public, ou dans des
dossiers militaires, ou dans toutes sortes d'endroits. Retrouver ses
ancêtres tient énormément du travail de détective. On suit les
indices et on donne suite à tous les petits éléments de preuve
hérités du passé. Le recensement est un document exhaustif qui
englobe tous les Canadiens à une époque donnée et c'est pourquoi
il est si précieux et important.
|
| Quant à la solution de compromis dont a parlé M. Radwanski,
à mon avis, j'aimerais en savoir plus à ce sujet. J'en ai vu diverses
versions. Je ne sais pas de laquelle il parle. Toutefois, l'été
dernier, nous avons donné notre avis à Statistique Canada sur
deux de ces versions, et depuis, je n'en ai pas entendu parler et je
ne sais donc pas laquelle représente ce compromis.
|
| Le sénateur LeBreton: Il nous faudrait en tout cas examiner
ce compromis. Monsieur Sheridan, j'ai sans doute tiré ce
renseignement de la question que j'ai posée au sénateur Milne.
Toutefois, une mesure comme celle-ci risquerait selon moi
d'empêcher Statistique Canada, à l'avenir, de recueillir des
données de recensement. Déjà, lorsque les formulaires de
recensement arrivent, il y a une certaine réticence de la part des
gens. S'ils pensaient un seul instant que la protection de leur vie
privée risque d'être encore compromise, il vous serait sans doute
impossible d'établir un profil exact de la situation réelle dans le
pays. Lorsque vous aurez terminé cette étude, il serait essentiel de
nous la transmettre pour nous aider à décider de la façon de
procéder.
|
| Le président: C'était plus une observation qu'une question,
mais avez-vous quelque chose à ajouter?
|
| M. Sheridan: Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur.
|
| [Français]
|
| Le sénateur Pépin: Un sondage Environics a indiqué que
plusieurs personnes sont inquiètes. Nous savons que le genre de
questions posées, ainsi que la façon dont elles sont posées,
peuvent rassurer ou au contraire alerter les gens.
|
| Vous dites qu'il y aura des séances publiques d'information
dans le but de renseigner les gens sur le projet de loi. Les gens
voudront probablement savoir s'ils peuvent s'opposer à la
divulgation des renseignements inscrits à leur dossier. Les
dispositions sur les exceptions nous indiquent que l'archiviste
reçoit l'avis d'opposition par écrit pendant les 92 années après la
collecte des renseignements. Après avoir répondu au recensement,
les gens pourront-ils vous faire part de leur opposition à la
divulgation des données? Je suis convaincue que les gens se
demanderont ce qu'ils peuvent faire pour se protéger.
|
| [Traduction]
|
| M. Radwanski: Le projet de loi ne prévoit pas la possibilité de
faire opposition avant que le délai de 92 ans se soit écoulé, ce qui
est un aspect très étrange de cette mesure. Même si l'on pouvait
écrire une lettre après avoir rempli le formulaire en disant: «Je ne
veux pas que mes renseignements personnels soient utilisés», cela
pose deux problèmes. Tout d'abord, c'est une forme de
consentement négatif, par défaut, et tous les spécialistes de la
protection de la vie privée vous diront que ce n'est pas une forme
de consentement acceptable car elle exige de la part du répondant
un niveau de compréhension, d'instruction, de compétence et
d'attention très élevé. Bien sûr, on ne prévoit rien à l'égard des
tiers qui pourraient être mis en cause ultérieurement. Le
particulier omet d'envoyer cette lettre. C'est pourquoi la
facturation par défaut est si vivement critiquée et que de
nombreuses personnes ont exprimé des inquiétudes à ce sujet. Je
ne pense pas que le gouvernement du Canada doive contribuer à
officialiser le consentement par défaut à l'égard de renseigne
ments personnels confidentiels, quel que soit le moment où l'on
peut se prévaloir de cette option.
|
| [Français]
|
| Le sénateur Pépin: Lors des séances publiques d'information,
il sera important de faire valoir certains avantages, comme le
projet de loi nous le démontre, pour obtenir plus d'informations et
pour pouvoir effectuer des recherches. Je comprends votre
approche. Il faut trouver un équilibre à travers toutes ces
informations pour ne pas effrayer les gens et plutôt les renseigner
sur leurs droits.
|
| M. Sheridan: En ce qui concerne les réunions proposées,
jusqu'à maintenant nous n'avons entendu qu'un aspect de
l'argument, c'est-à-dire celui de la vie privée des citoyens
canadiens. Ce n'est pas une préoccupation quotidienne. Il faut
donner l'occasion à plus de Canadiens d'exprimer leur point de
vue. Nous avons entendu le point de vue des archivistes. Il est
précis, clair et organisé.
|
| Les réunions proposées offrent aux Canadiens l'occasion de
discuter en profondeur de leur position; ils peuvent accepter la
proposition ou encore suggérer des modifications auxquelles nous
n'avions pas pensé. C'est très important. Le débat ne s'est pas
encore tenu à ce jour.
|
| [Traduction]
|
| Le sénateur Graham: Monsieur Sheridan, puisque vous avez
été le dernier à répondre, j'aimerais vous poser une question au
sujet des assemblées publiques que vous comptez organiser à
l'automne.
|
| Quand a-t-on décidé de tenir des assemblées publiques?
|
| M. Sheridan: La décision a été prise il y a un mois environ.
|
| Le sénateur Graham: Est-ce à la suite du projet de loi S-12?
|
| M. Sheridan: Non, la décision a été prise après que le ministre
eut répondu au groupe d'experts en disant qu'il fallait tenir de
vastes consultations avec les Canadiens. Une des solutions
possibles, à cette fin, consisterait à tenir des consultations en vue
d'examiner les questions liées à l'accès et à la vie privée.
|
| Le sénateur Graham: Y a-t-il un rapport entre vos assemblées
publiques et le projet de loi S-12?
|
| M. Sheridan: Non. Le ministre a pris cette décision au
moment de la publication du rapport du comité d'experts,
c'est-à-dire en décembre 2000, je crois.
|
| Le sénateur Graham: Monsieur Wilson, dans votre exposé,
vous dites que les Archives nationales approuvent l'objectif du
projet de loi. On peut l'approuver sans être absolument d'accord
sur le contenu ou sur la formule retenue dans certaines
dispositions. Est-ce que vous souhaitez que l'on modifie certaines
choses? Y a-t-il des amendements que vous aimeriez qu'on y
apporte?
|
| M. Wilson: Comme je l'ai indiqué, le projet de loi fait la
lumière sur une situation qui suscite le désaccord, comme on l'a
vu au sein du comité d'experts. Y a-t-il eu promesse ou non? De
toute évidence, c'est ce qui a influencé les sondages et les groupes
de consultation. Si on part de l'hypothèse qu'il y a eu promesse,
la plupart des Canadiens considèrent que les gouvernements
doivent respecter leurs promesses. Si l'on part du principe qu'il
n'y a pas eu de promesse, qu'il y avait au départ une situation
d'équilibre, faut-il maintenir cet équilibre? La réponse sera
différente.
|
| Je pense que le projet de loi est viable. S'il est adopté, les
Archives nationales devraient le mettre en oeuvre. Oui, nous
l'approuvons.
|
| Cependant, l'essentiel est de vérifier l'état actuel de la
législation canadienne et les conditions d'accès aux dossiers
historiques des recensements.
|
| Le sénateur Graham: Monsieur Radwanski, vous n'avez
jamais hésité, le moment venu, à utiliser le vocabulaire le plus
énergique. Vous avez dit craindre au plus haut point que le projet
de loi n'enfreigne certaines promesses. Vous avez utilisé le mot
«parodie».
|
| Lorsque j'ai cité trois déclarations du sénateur Milne au Sénat
lors du débat en deuxième lecture du projet de loi où il était
question des avantages médicaux, vous avez dit, sans doute en
vous appuyant sur d'autres témoignages, que vous étiez d'un avis
contraire au mien et qu'à votre avis, le projet de loi contenait des
éléments dangereux concernant les références médicales.
|
| Je vais vous parler de ma vie privée. Dans notre famille, nous
avons un enfant adopté. Elle a exprimé quelques inquiétudes pour
la première fois après son mariage, lorsqu'elle a eu des enfants.
Elle se demandait si elle devait chercher ses parents biologiques.
Voilà ce à quoi je pensais lorsque j'ai parlé des avantages
médicaux auxquels le sénateur Milne faisait référence.
|
| Vous parlez de l'option négative. C'est presque comme la
facturation négative qu'on voulait nous imposer lors du dépôt du
projet de loi concernant la câblodistribution, il y a quelques
années.
|
| Vous avez aussi parlé d'un compromis. Dans votre document,
vous évoquez le commissaire à la protection de la vie privée et le
statisticien en chef. Je ne suis pas sûr que vous ayez dit, dans
votre exposé, que le statisticien en chef avait donné publiquement
son appui à une solution de compromis, mais je tiens à tirer
publiquement les choses au clair. Vous reconnaissez sans doute,
monsieur Sheridan, que comme je viens de le dire, vous êtes
favorable, avec le statisticien en chef, à une solution de
compromis.
|
| Monsieur le président, je rappelle, aux fins du compte rendu,
que d'après le document de M. Radwanski, le compromis
donnerait accès aux documents de recensement aux personnes qui
veulent faire des recherches généalogiques sur leur famille et aux
chercheurs dont le projet et la méthodologie de recherche ont reçu
l'approbation de leurs pairs, sous réserve qu'ils signent un
engagement concernant leurs conditions d'accès et indiquant les
renseignements précis qu'ils pourraient publier. Quant aux
recensements futurs, ils devraient être totalement transparents en
ce qui concerne la confidentialité et les conditions auxquelles les
rapports pourraient être mis à la disposition des chercheurs à
l'avenir.
|
| Dans ce contexte, vous considérez peut-être qu'il vaudrait
mieux déposer un nouveau projet de loi.
|
| M. Radwanski: Je vais tout d'abord répondre à votre
deuxième observation.
|
| Je pense qu'un projet de loi conforme à cette position de
compromis répondrait aux préoccupations, aux besoins et aux
souhaits légitimes des personnes qui veulent se renseigner sur leur
propre généalogie. Il répondrait également aux souhaits ou aux
préoccupations légitimes des historiens et des chercheurs qui
veulent consulter cette information, sous réserve qu'ils s'engagent
à ne pas en faire une utilisation qui risquerait de porter préjudice à
certaines personnes.
|
| Je ne suis pas expert en rédaction législative, mais je pense
qu'il serait sans doute plus facile de rédiger un nouveau projet de
loi en fonction de ces principes que d'amender le projet de loi
actuel, dont l'orientation est quelque peu différente.
|
| Je remarque que le sénateur Milne est sur la bonne voie avec ce
projet de loi. Elle a dit elle-même qu'elle ne l'avait présenté que
parce que le gouvernement n'avait pas donné suite à la position
de compromis.
|
| Il faut en conclure que si la position de compromis est
acceptable, il faut poursuivre vos propres initiatives plutôt que de
proposer un projet de loi différent qui risque de poser de graves
problèmes.
|
| En ce qui concerne votre première observation, je ne doute pas
que pour certaines personnes, la possibilité de trouver l'informa
tion généalogique les concernant peut présenter des avantages
considérables, notamment d'ordre médical. Et c'est ce que permet
la position de compromis.
|
| Même s'il permet ces avantages, le projet de loi risque d'avoir
toute une série d'effets négatifs, car toute l'information généalogique sera accessible à n'importe qui et pourra donc être utilisée à
des fins préjudiciables. Il s'agit de trouver une formule qui
permettra d'obtenir les avantages tout en évitant les inconvénients.
|
| Je tiens à dire publiquement que mon intention n'était
nullement de qualifier de parodie le projet de loi du sénateur. Je
n'ai utilisé ce terme que dans un contexte très précis, pour dire
qu'il imposerait une parodie de la notion de consentement en
intégrant un élément qui est à mille lieues du consentement tel
que nous l'entendons. Je n'ai utilisé le terme que dans cette
acception très limitée.
|
| Le sénateur Graham: Comme je l'ai dit au début, monsieur le
président, je considère qu'il faut féliciter le sénateur Milne...
|
| M. Radwanski: Je suis d'accord.
|
| Le sénateur Graham: ... d'avoir consacré beaucoup de temps
- et non pas uniquement cette fois-ci, mais également à plusieurs
autres reprises - pour présenter de sa propre initiative un projet
de loi qui a suscité énormément d'intérêt et d'échange, et pour
nous avoir mis en contact avec un groupe d'experts aussi
éminents, même si certains d'entre eux contestent publiquement
la valeur de sa démarche.
|
| Le sénateur Keon: Monsieur Wilson et monsieur Sheridan,
qui serait responsable de la protection des renseignements
personnels dans une situation où des renseignements sont
transférés de Statistique Canada aux Archives nationales?
Pouvez-vous me répondre tous les deux?
|
| M. Wilson: Concrètement, lorsque des dossiers sont transférés
d'un ministère aux Archives nationales, l'archiviste en chef
devient responsable de la protection des renseignements person
nels. Il arrive que le commissaire à la protection de la vie privée
prenne contact avec moi pour me rappeler certains éléments qui
ont pu échapper à mes collaborateurs. C'est essentiellement les
Archives nationales qui assument cette responsabilité. En tant que
haut fonctionnaire, l'archiviste en chef est responsable de la
protection des renseignements personnels de tout dossier sous le
contrôle des Archives nationales.
|
| M. Sheridan: Actuellement, sénateur Keon, j'assume la
responsabilité des documents de recensement et de leur confiden
tialité et je dois veiller à ce qu'aucun renseignement personnel ne
soit communiqué sans le consentement de l'intéressé. Vous
pouvez toujours obtenir communication de votre propre dossier de
recensement. La demande n'est pas bien forte, mais certaines
personnes veulent obtenir les renseignements les concernant. Pour
tous les recensements qui datent d'après 1906, Statistique Canada
est toujours responsable de la confidentialité des dossiers et de la
protection des renseignements personnels qui y figurent.
|
| Le sénateur Milne: Par curiosité, j'aimerais savoir si ma mère,
qui a 91 ans, pourrait obtenir son dossier du recensement de 1906.
|
| M. Sheridan: Oui, si nous parvenons à le trouver.
|
| Le sénateur Milne: Elle pourrait vous dire où elle habitait à
l'époque.
|
| M. Sheridan a parlé d'un expert-conseil indépendant qui
organisait des assemblées publiques. Ces réunions sont-elles
annoncées à l'avance? Où et quand ont-elles lieu? Font-elles
l'objet d'une publicité générale, ou est-ce que les participants sont
choisis?
|
| M. Sheridan: Nous avons l'intention de consulter très
largement, et donc, de donner une grande publicité à ces
assemblées publiques. Nous avons prévu un budget de communications non négligeable à cette fin. Notre objectif est de débattre
de ces questions importantes et de voir ce qu'en pensent les
Canadiens.
|
| M. Radwanski: J'aimerais dire un mot de cette formule des
assemblées publiques ou de ces sondages, si l'on veut. Ces
réunions présentent certains avantages. Cependant, si un problème
se pose en ce qui concerne les droits des Canadiens, un sondage
ou une série d'assemblées publiques n'y pourront rien changer. En
réalité, si on organise des assemblées publiques comme vient de
le dire M. Sheridan, je crains qu'elles ne soient envahies par une
bonne partie de ces 11 000 personnes qui nous ont signifié par
écrit qu'elles veulent que l'on ouvre les dossiers parce qu'elles s'y
intéressent en tant qu'historiens ou en tant que généalogistes.
Néanmoins, cela ne change rien aux avantages, aux inconvénients
ou à la pertinence de la formule.
|
| Je préférerais que les sénateurs examinent ces questions en
toute objectivité dans le cadre du processus législatif, plutôt que
d'accorder trop d'importance aux consultations. Vraiment, pour
avoir été consultant, je peux vous dire qu'il n'est pas difficile
d'obtenir le type de résultats qu'on souhaite en utilisant ces
processus. Je vous invite à y réfléchir.
|
| Le président: Nous serions heureux d'en discuter avec vous.
J'ai moi-même dans une modeste mesure fait l'expérience de ce
problème.
|
| Sénateurs, les deux témoins suivants sont M. Gaffield, président sortant de la Société historique du Canada, et M. Watts,
coprésident du Comité du recensement du Canada.
|
| J'ai dit tout à l'heure que M. Watts était de Vancouver, quand
en fait il est de Port Coquitlam, qui en beauté dépasse de loin
Vancouver. Nous sommes ravis de l'accueillir.
|
| Comme il est déjà tard, je vous demande d'être aussi succincts
que possible.
|
| M. Chad Gaffield, président sortant, Société historique du
Canada: Honorables sénateurs, je suis professeur d'histoire à
l'Université d'Ottawa et directeur de l'Institut des études
canadiennes. Toutefois, je représente ici la communauté des
chercheurs. Je dois dire qu'il est heureux, dans un certain sens,
que par hasard, même si je suppose qu'en tant que président de la
Société historique du Canada, je comparaîtrai de toute façon, je
manipule dans mon travail des documents de recensement depuis
30 ans. Je me sens donc tout à fait à l'aise d'en parler avec vous.
|
| Je dois aussi dire que, peut-être pour cette raison, je suis l'un
des cinq auteurs du rapport du comité d'experts. Comme vous le
savez, le ministre, M. Manley, compte tenu du débat entamé
depuis plusieurs années, avait créé un comité d'experts composés
du juge Gerard V. La Forest, ancien juge à la Cour suprême; de
John McCamus, professeur et spécialiste de la protection de la vie
privée; l'ancien sénateur Lorna Marsden, aujourd'hui présidente
de l'Université York; Rick Van Loon, président de l'Université
Carleton, et moi-même. Tous les cinq nous avons étudié cette
question plus que quiconque, dois-je dire modestement, du simple
fait que nous y avons consacré tant de temps. J'aimerais vous
faire part des résultats de nos réflexions et peut-être donner au
débat de cet après-midi un éclairage différent.
|
| Je commencerai par l'essentiel de notre rapport. On y dit en
gros que la tradition et l'usage canadiens en matière de
recensement sont excellents et doivent être maintenus. Nous ne
voyons aucune raison de les modifier. L'usage nous sert très bien
depuis des décennies déjà et devrait être maintenu. À quoi tient
cette réussite? À deux choses: d'abord, nous avons la meilleure
agence statistique au monde. Grâce à Statistique Canada et à ses
prédécesseurs au ministère de l'Agriculture au XIXe siècle, le
Canada a mis au point un extraordinaire système de recensement
statistique. Deuxièmement, nous avons de remarquables archives
nationales ainsi qu'une grande tradition archivistique nationale.
|
| Il n'y a tout simplement aucune raison de changer.
|
| Pourquoi le comité d'experts constitué par le ministre Manley
pour étudier cette question sous tous ses angles - et nous avons
examiné chacun des aspects qui ont été soulevés
aujourd'hui - en est-il arrivé à cette conclusion? Nous nous
sommes concentrés sur les deux demandes de changement. Elles
venaient, d'une part, de M. Bruce Phillips a l'époque où il était
commissaire à la protection de la vie privée. Il s'était dit inquiet
au sujet de la protection de la vie privée. Par après, le statisticien
en chef avait fait part de préoccupations concernant le contexte
juridique. Nous nous sommes dit: «Examinons cela.»
|
| Pour ce qui est de la protection de la vie privée, nous avons
constaté, si l'on peut dire, le contraire de ce qu'on aurait pu
présumer. Quand nous avons étudié l'histoire du recensement au
Canada, nous avons constaté qu'au cours des deux derniers
siècles, il y a eu un fort recul en matière de protection de la vie
privée. Comment cela se fait-il? C'est bien logique quand on y
réfléchit. Au milieu du XIXe siècle, par exemple, quand le
recensement moderne a vu le jour, il était tout à fait inouï qu'un
mandataire du gouvernement frappe à votre porte pour vous poser
des questions. À cette époque, on était très méfiant quand il fallait
fournir de tels renseignements. Les gens se disaient: «On me pose
des questions pour procéder à un recensement, mais ce qu'on veut
vraiment faire c'est de me taxer davantage.» Plus tard au
XIXe siècle, dans un contexte militaire, les gens craignaient
d'être conscrits. «Vous dites que c'est pour le recensement, mais
ce n'est pas vrai, vous allez plutôt vous en servir pour la
conscription.» À la fin du XIXe siècle, les immigrants au Canada
avaient peur que le gouvernement utilise ces renseignements à
d'autres fins que le recensement. À l'origine du recensement au
Canada, on avait en matière de protection de la vie privée des
craintes beaucoup plus grandes que ce que l'on peut imaginer
maintenant.
|
| Comment les a-t-on dissipées? La politique de confidentialité a
été adoptée, à l'initiative de nos représentants gouvernementaux.
Dès le début, au milieu du XIXe siècle, il a été clairement établi
dans tous les règlements, dans toutes les directives, qu'un
recenseur viendrait frapper à votre porte pour recueillir des
renseignements, mais que ceux-ci seraient gardés confidentiels et
qu'on ne s'en servirait jamais contre vous. Qu'ils ne seraient
jamais utilisés pour vous taxer davantage, pour vous conscrire ou
pour toute autre raison. Qu'ils devaient servir à mieux connaître la
société d'aujourd'hui et de demain.
|
| Au fil des décennies, on a eu de plus en plus confiance en la
capacité du gouvernement de recueillir de l'information sans
chercher à l'utiliser contre les citoyens. Au fil des décennies, il
n'y a jamais eu le moindre incident, malgré toutes les
préoccupations qu'on a pu avoir à la fin du XIXe siècle et au
début du XXe. On a eu de plus en plus confiance dans le système
et le taux de réponses a crû en conséquence. Comme on peut bien
l'imaginer, le taux de réponses était très faible en 1851, mais il
s'est amélioré au XIXe siècle, si bien qu'au XXe siècle, il est
devenu tout à fait excellent. Les citoyens ne s'inquiètent pas. Il
n'y a eu aucun incident ni aucune plainte où l'on aurait déploré
que «Statistique Canada a obtenu de moi de l'information et s'en
est servi contre moi.» La politique de confidentialité a joué un
rôle déterminant. Elle explique la réussite du système.
|
| On a réuni des groupes de consultation. Les citoyens ne
craignent tout simplement pas le recensement. C'est pourquoi on
entend dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de plaintes. Ils sont
préoccupés par beaucoup d'autres questions concernant la
protection de la vie privée, comme nous le sommes tous. Nous
nous interrogeons sur ce qu'il advient de nos numéros de carte de
crédit et de nos relevés de téléphone.
|
| Le président: Je sais que vous êtes en verve, mais puis-je vous
demander d'être plus succinct?
|
| M. Gaffield: Deuxièmement...
|
| Le président: Vous n'en étiez qu'au premier point?
|
| M. Gaffield: Pour ce qui est du commissaire à la vie privée et
de la question de savoir pourquoi il avait fait état d'inquiétudes, il
n'y a tout simplement pas lieu de s'en inquiéter maintenant.
|
| Deuxièmement, il y a la question juridique. Quelque chose
s'est-il produit au début du XXe siècle? En 1906, en 1918 et plus
tard, s'est-il produit quelque chose qui a changé la situation sur le
plan du droit? Nous avons voulu savoir, en examinant encore là
systématiquement les documents, si les règles au XIXe siècle
différaient peut-être de celles de 1918, par exemple. Or, le
contexte juridique était exactement le même. Il y avait des
sanctions. Le contexte juridique était identique. Bien sûr, dans
notre société, nous avons codifié beaucoup plus de choses. Il y a
beaucoup plus de lois maintenant, et avec le temps nous en
multiplions le nombre, mais pour ce qui est de la pratique, de la
politique, du contexte juridique, ces derniers sont demeurés
identiques pendant tout le XIXe siècle jusqu'au XXe. Le libellé de
la loi en 1918, par exemple, est exactement le même qu'en 1871.
Le contexte juridique n'avait pas changé.
|
| Quand notre rapport du comité d'experts a été terminé, il a été
envoyé au ministère de la Justice, à ce que je sache. Je vous
inviterais, puisque vous cherchez de l'information, à vérifier si le
ministère de la Justice a examiné les aspects juridiques, à établir
si nous avions raison de dire que le contexte juridique n'avait pas
changé et que cette règle vieille de 92 ans était toujours aussi
bonne. Je ne suis pas sûr que vous ayez tous les renseignements
dont vous avez besoin à ce propos. Je vous suggère de les obtenir
s'il subsiste des préoccupations à ce sujet.
|
| Une fois le rapport terminé, nous en étions très satisfaits.
Pourquoi? Parce que Statistique Canada, les Archives nationales
et la population canadienne nous inspiraient confiance. L'histoire
et l'usage et la tradition entourant la règle de 92 ans en matière de
recensement sont essentiellement les mêmes qu'au Royaume-Uni,
aux États-Unis et ailleurs. Les usages là-bas se sont perpétués,
tout comme leurs traditions et leurs coutumes. En fait, les régimes
ont évolué dans le même sens au cours du XIXe siècle.
|
| Il faut absolument comprendre qu'il s'agit ici d'une réussite.
C'est une magnifique réussite canadienne. Il ne faudrait surtout
pas que l'on croie que le commissaire à la protection de la vie
privée est en opposition par rapport à Statistique Canada et aux
Archives nationales. En fait, le comité d'experts a entendu tous
ces groupes, a tout examiné et a conclu que la question a donné
lieu à un débat qui n'a rien à voir avec la règle de 92 ans ni avec
le recensement. On peut prendre un groupe de consultations, lui
dire certaines choses et l'amener à s'inquiéter à propos des cartes
Visa, ou que sais-je encore, mais c'est là une toute autre question.
Nous ne pouvons que nous féliciter de la tradition et de l'usage
canadiens et ceux-ci devraient être maintenus.
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| La question est devenue: pourquoi cela préoccupe-t-il les
historiens? Je n'aurais eu ni la place ni la force de transporter tous
les documents que j'aurais pu vous apporter à ce sujet. Les études
de documents comme ceux-ci - en fait, c'est ce dont nous
parlons - ont mené à d'autres études que simplement les études
portant sur nos peuples autochtones, les groupes minoritaires, et
cetera. Afin d'accéder à notre mémoire historique et de nous
comprendre, un document comme le recensement est nécessaire.
Cela a coûté plus cher au gouvernement que tout autre document
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le
recensement était la plus grosse activité du Canada en temps de
paix. On ne peut sous-estimer ce que cela a coûté. Le négliger
desservirait considérablement notre histoire et notre mémoire et
nous empêcherait de connaître ce qui fait réellement la société
canadienne.
|
| Je m'arrêterai là car je sais que mon collègue, qui représente les
spécialistes de la généalogie, aimerait également dire quelques
mots. Je conclurai simplement en disant que le rapport du comité
d'experts représente un consensus. Nous y avons travaillé très fort
et ce groupe a été constitué avec l'accord de Statistique Canada,
des Archives nationales, et cetera. C'est un rapport unanime. Un
avis juridique a déjà été rendu là-dessus. Je vous invite à célébrer
notre histoire dans cette politique et cet usage, comme le font
d'autres pays. Continuons à nous étudier et concentrons nos
efforts sur les véritables problèmes de protection de la vie privée
que nous reconnaissons tous. Je suis heureux que le commissaire
ait dit cela. Il ne s'agit pas d'une question de protection de la vie
privée. Il s'agit de nous connaître et de célébrer une politique et
un usage qui nous ont très bien servis.
|
| M. Gordon Watts, vice-président, Comité du recensement
du Canada: Honorables sénateurs, je fais partie des non-experts
et je suis sûr que vous me pardonnerez d'être un peu mal à l'aise.
Je suis toutefois heureux d'être ici pour appuyer le projet de
loi S-12 modifiant la Loi sur la statistique et la Loi sur les
Archives nationales du Canada.
|
| Au cours de la première décennie du XXe siècle, on a assisté au
plus grand afflux d'immigrants de l'histoire du Canada. De 1900
à 1910, 1 819 930 immigrants de 49 origines ethniques différentes
sont arrivés au pays. De 1911 à 1920, il en est venu 1 573 432
autres, puis, de 1921 et 1925, encore 498 752. S'ils n'ont pas
accès aux documents de recensement historiques, les descendants
de bon nombre de ces immigrants ne pourront jamais connaître
l'origine de leurs ancêtres. On a estimé que 7,5 millions de
personnes au Canada s'intéressent d'une manière ou d'une autre à
la généalogie et à l'histoire des familles. Je m'exprime au nom de
ces gens.
|
| Permettez-moi de préciser tout de suite que les généalogistes et
les historiens ne cherchent pas à obtenir quelque chose de
nouveau. Ce que nous voulons, c'est que quelque chose
d'«ancien». C'est «ancien» tant du point de vue des renseigne
ments en cause que du fait que nous y avons déjà eu accès par le
passé. Nous voulons quelque chose qui nous a été enlevé à cause
d'une mauvaise interprétation de la loi et parce que quelques
bureaucrates paranoïaques craignent que quelqu'un, à un moment
donné, puisse décider d'examiner des dossiers qui pourraient
contenir des renseignements au sujet de ses ancêtres. Malheureu
sement, ces bureaucrates ont la haute main sur les dossiers que
nous voulons consulter.
|
| Il y a 235 années de documents de recensement qui sont
conservés depuis le premier recensement de la Nouvelle-France
effectué en mai 1666 par Jean Talon et jusqu'au recensement de
1901 du Canada, et qui sont entre les mains et sous le contrôle des
Archives nationales. Tout particulier ou tout organisme peut les
consulter à des fins de recherche. Les bibliothèques, les sociétés
généalogiques et historiques et les particuliers peuvent acheter des
copies de ces documents. Selon nous, l'accès à 235 années de
dossiers constitue un précédent substantiel. Nous ne voyons pas
du tout pourquoi l'accès aux recensements ultérieurs devrait
maintenant être refusé. De toute évidence, Statistique Canada a un
point de vue différent. D'après cet organisme, on a promis et
garanti aux Canadiens dès 1905 que les données des recensements
demeureraient à tout jamais confidentielles. Ceux qui prétendent
cela n'ont pas pu corroborer ces affirmations. Par ailleurs, on a
présenté des demandes d'accès à l'information pour obtenir des
preuves tangibles de l'existence de ces promesses et garanties.
Statistique Canada a été incapable de produire de telles preuves.
|
| Dans notre système démocratique, on modifie les lois par suite
d'observations présentées au gouvernement par les citoyens, ce
qui s'effectue par l'intermédiaire des représentants élus du peuple.
C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Au cours de la
36e législature, les interventions des citoyens ont donné lieu à la
création du Comité d'experts sur l'accès aux dossiers historiques
de recensement. On pourrait avancer sans trop de risque de se
tromper que plus de 16 000 personnes ont signé des lettres, des
courriers électroniques, des mémoires au comité d'experts ainsi
que des pétitions réclamant qu'on redonne au public l'accès aux
documents de recensement historiques. Au cours de la législature
actuelle, plus de 22 000 signatures ont été apposées sur des
pétitions destinées à la Chambre des communes et au Sénat.
Chaque jour, de nouvelles signatures s'y ajoutent. Il n'y a pas eu
de démarche correspondante auprès du gouvernement de la part
de gens qui s'opposent à l'accès. Sur les 95 mémoires qui auraient
été envoyés au comité d'experts, seulement deux exprimaient une
opposition à l'accès. Dans un cas, une personne s'opposait
simplement à l'idée d'enfreindre une promesse qu'elle croyait
avoir été faite auparavant. Le deuxième provenait du Conseil
national de la statistique et comprenait une liste des membres du
Conseil. Immédiatement sous le nom du président du Conseil, on
trouvait le nom du membre d'office Ivan P. Fellegi, statisticien en
chef du Canada. Il ne peut faire de doute que tout organisme
associé à M. Fellegi s'opposera à l'accès. M. Fellegi et Statisti
que Canada voudraient nous faire croire que les répondants seront
réticents à répondre aux questions ou à dire la vérité s'ils savent
que les renseignements fournis dans un recensement cesseront
d'être confidentiels dans 92 ans.
|
| Des sondages de l'Environics Research Group effectués par
Statistique Canada au nom du comité d'experts ne soutiennent pas
ce point de vue. Les réponses aux questions de ces sondages sont
demeurées positives, même après qu'on a insisté outre mesure sur
le fait que la confidentialité avait été promise à tout jamais. À la
lecture des sondages, il est évident que Statistique Canada a
manipulé les questions et les renseignements fournis dans une
tentative flagrante d'obtenir des réponses négatives. Cela n'a pas
fonctionné.
|
| Le projet de loi S-12 est très bien conçu. Il donnera satisfaction
à ceux qui veulent que les données historiques de recensement
soient mises à la disposition du public, et il devrait également
satisfaire les gens qui ont des préoccupations concernant la
confidentialité des renseignements personnels communiqués lors
de recensements. Le délai de 92 ans avant l'ouverture des dossiers
au public établit un équilibre raisonnable entre la protection de la
vie privée et le besoin pour les généalogistes et les historiens
d'accéder à des renseignements que seul un recensement peut
fournir.
|
| Ce délai est compatible avec les dispositions de l'article 6 d) du
règlement d'application de la Loi sur la protection des renseigne
ments personnels. La position de Statistique Canada et du
commissaire à la protection de la vie privée, c'est-à-dire la
fermeture complète de ces dossiers, n'est pas du tout équilibrée.
|
| Les citoyens du Canada se sont exprimés. Ils veulent que le
public ait accès aux dossiers de recensement postérieurs à 1901,
tout comme ils ont eu et continuent d'avoir accès aux documents
produits jusqu'en 1901 inclusivement. Ces deux séries de
documents devraient être traités de la même façon.
|
| Nous prions le comité d'appuyer le projet de loi S-12 sans
amendement. Nous demandons également au gouvernement de
considérer le projet de loi S-12 comme émanant du gouverne
ment. Voilà qui met fin à l'essentiel de mon témoignage.
J'aimerais cependant faire en plus quelques remarques. La
proposition faite par M. Sheridan de tenir des assemblées
publiques locales m'a paru très intéressante et sans précédent. Je
me rappelle que le 15 décembre 2000, le ministre de l'Industrie
Tobin a annoncé qu'on tiendrait de vastes consultations auprès de
tous les Canadiens à l'occasion des réexamens de la Loi sur la
protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès
à l'information. Puis le 26 mars, le Groupe de travail chargé de
réexaminer la Loi sur l'accès à l'information nous a dit à
M. Gaffield et à moi-même de ne pas nous attendre à ce qu'on
traite beaucoup cette question dans le rapport définitif parce
qu'elle ne faisait pas partie de son mandat. On n'a donc jamais dit
aux membres du Groupe de travail de réexaminer le recensement
ou de faire des recommandations à son sujet.
|
| J'ai essayé à maintes reprises d'obtenir des éclaircissements à
la fois du ministre Tobin et de la ministre de la Justice McLellan
au sujet de la date et du lieu de telles discussions et de l'identité
de ceux qui y participeraient. Ni l'un ni l'autre des ministres n'a
daigné nous répondre ni même nous envoyer un accusé de
réception. Nous avons même envoyé des demandes officielles
d'accès à l'information aux deux ministres pour obtenir une
réponse. Statistique Canada nous a simplement dit avoir besoin de
30 à 60 jours de plus pour nous fournir une réponse.
|
| La veille de mon arrivée à Ottawa, j'ai reçu une lettre d'un
agent d'accès à l'information de la ministre de la Justice, dans
laquelle on disait avoir besoin d'un délai prolongé de 130 jours.
À mon avis, cela illustre encore la grande réticence des autorités à
tenir compte de nos préoccupations au sujet du recensement.
|
| Le sénateur Graham: Tout cela est plutôt intéressant. L'un des
grands avantages que j'ai tiré de faire partie de ce comité a été
notre mandat très important de nous pencher sur le système de
services de santé au Canada. Dans le cadre de cette initiative,
nous avons entendu des témoins nous parler avec énormément
d'ardeur, de conviction et de force. Eh bien, vous non plus ne
nous avez pas déçus au sujet d'un domaine tout à fait différent.
|
| Monsieur Gaffield, êtes-vous disposé à participer aux assem
blées publiques locales que propose Statistique Canada? Estimez-
vous qu'il s'agit là d'une bonne initiative?
|
| M. Gaffield: J'adore discuter du recensement, de notre histoire
et d'autres sujets. J'aimerais beaucoup participer aux assemblées
publiques. Je partage cependant la préoccupation du commissaire
à la protection de la vie privée, à savoir que les assemblées
publiques peuvent toujours êtres manipulées et détournées de leur
but. En ce cas, on s'éloigne des faits à étudier et on dérive vers
des partis pris.
|
| Vous ne vous étonnerez pas si je vous dis qu'étant historien,
j'aime bien qu'on s'en tienne aux faits. S'ils n'étaient ni si clairs
ni si constants, alors je dirais peut-être qu'effectivement il faut
discuter de la question. Lorsque le comité d'experts a été mis sur
pied, on se disait qu'on allait assister à un grand débat. Or nous
avons découvert que les avocats du commissaire à la protection de
la vie privée et de Statistique Canada avaient effectué très peu de
recherche. On a donc vite glissé dans l'opinion plutôt que dans
l'étude rigoureuse des faits. Nous-mêmes avons étudié ces faits,
ces preuves. À cet égard, le ministère de la Justice est sûr d'avoir
raison lorsqu'on tient compte du fondement probatoire. Nous
savons ce que nous devrions savoir. Je demeure toujours curieux
d'entendre ce que les autres peuvent nous dire mais en fin de
compte, les faits ont plus d'importance que des discussions
quelconques, quelle que soit leur forme ou leur source. Je m'en
tiens aux faits, aux preuves, comme point de départ.
|
| Le sénateur Graham: Monsieur Watts, dans vos propos fort
éloquents, vous avez affirmé que le projet de loi S-12 était
rigoureux, et le mérite en revient bien sûr au sénateur Milne.
|
| Le commissaire à la protection de la vie privée a mentionné
que Statistique Canada et lui avaient présenté une solution de
compromis. Cette solution est-elle valable?
|
| M. Watts: Il m'est bien difficile de vous fournir une réponse
éclairée. Tout ce que je sais au sujet de cette solution de
compromis, c'est ce que j'ai lu dans le hansard, lorsque
M. Radwanski a comparu devant le comité plénier du Sénat. Cela
me préoccupe. J'ai dit au sénateur Milne que cette solution ne
permettrait l'accès aux documents qu'aux personnes accréditées,
comme M. Gaffield, ou quelqu'un qui est associé à un
établissement d'enseignement ou de recherche. Pour ma part, si je
recherche des renseignements sur ma famille, qui de mes pairs
affirmera que ma recherche est légitime? Ce n'est pas facile de
faire des recherches dans les documents de recensement. Il ne
suffit pas d'ouvrir un livre et de trouver le nom d'un membre de
sa famille pour savoir quoi faire ensuite. Les gens doivent
s'asseoir dans des bibliothèques et dépouiller des microfiches ou
des livres. Cela peut prendre des heures, des semaines ou des
mois. Cela peut prendre des années avant de trouver la personne
que l'on cherche. Dans la plupart des cas, les chercheurs
cherchent quelqu'un qui n'est pas lié à eux. Souvent, il s'agit de
chercheurs professionnels qui font des recherches pour d'autres
personnes. Toutefois, ce qui m'intéresse, ce sont mes ancêtres à
moi, pas ceux de M. Radwanski ni ceux de M. Fellegi. Ce que je
cherche, ce sont mes ancêtres.
|
| Ces deux derniers se sont dits préoccupés des renseignements
que l'on peut trouver au sujet d'une personne. Les familles ne
souhaitent peut-être pas que les renseignements soient divulgués.
Mais ce sont les familles qui cherchent ces renseignements. C'est
ma famille qui cherche ses ancêtres. C'est la famille du sénateur
Milne qui cherche ses ancêtres. Nous ne sommes pas guidés par
de sombres desseins. Nous voulons connaître l'histoire de nos
familles.
|
| M. Gaffield: Nous en avons beaucoup discuté. J'ai deux
arguments à ce sujet. Premièrement, il est à peu près impossible
de définir ce qu'est «un membre de la famille». Nous le savons.
Vous avez proposé l'exemple d'une personne adoptée. Dans un tel
cas, c'est tout simplement impossible. Nous savons que la
définition de la famille a beaucoup changé au fil des ans et je
m'attends à ce qu'elle continue d'évoluer. Cette définition change
encore. Nous devons faire bien attention au compromis que nous
acceptons.
|
| Deuxièmement, comme le dit M. Watts, nous avons examiné
l'idée d'autoriser les projets de recherche. Nous en avons conclu
que ce serait impossible du point de vue administratif et que cela
donnerait lieu, comme vous l'avez laissé entendre, à un élitisme.
Nous essayons d'amener tous les Canadiens à étudier notre
histoire, à mieux se connaître, et cetera. Même si j'ai consacré ma
vie à cette tâche, je ne veux certes pas affirmer que j'ai le droit
d'étudier le passé parce que je suis un expert mais que mes
enfants d'âge scolaire et les autres n'ont pas ce droit.
|
| Le délai de 92 ans est simple et clair. Il a toujours donné de
bons résultats par le passé, au Canada et dans d'autres pays. Nous
ne voyons pas pourquoi il devrait être modifié.
|
| Le sénateur LeBreton: Vous avez parlé d'élitisme. Du point
de vue du Canadien moyen, ne reconnaissez-vous pas qu'à notre
époque de technologie, les gens craignent que leur vie privée soit
attaquée, que les personnes qui remplissent les formulaires du
recensement sentent que leur vie privée est compromise? La
plupart des gens estiment qu'un délai de 92 ans, c'est très long.
Des Canadiens pourraient se dire qu'on parle de 92 ans
maintenant mais que quelqu'un pourrait bien plus tard abréger ce
délai à 20 ans. Croyez-vous que les gens pourraient être inquiets
parce qu'ils remplissent des formulaires de recensement? Comme
je l'ai dit tout à l'heure, j'hésiterais beaucoup à remplir un
formulaire que quelqu'un glisse sous ma porte si j'estime n'avoir
aucun contrôle sur les renseignements. On parle aujourd'hui d'un
délai de 92 ans, mais je n'ai aucun contrôle sur ces renseigne
ments. Sont-ils vraiment confidentiels?
|
| M. Gaffield: Vous avez tout à fait raison. Nous nous
demandons tous si les gens vont nous dire une chose puis faire
autre chose. Dans le cas de Statistique Canada et des Archives
nationales, nous n'avons pas vraiment à nous inquiéter en raison
des excellents antécédents des deux organismes. Nous nous
inquiétons cependant de ce que pourraient faire les compagnies
d'assurances, les banques et les établissements de crédit. Nous
redoutons que bon nombre de gens fassent précisément ce que
vous avez dénoncé, c'est-à-dire qu'ils nous mentent ou nous
trompent.
|
| Si je me rends sur un site Web, je pense faire telle et telle
chose, puis je m'aperçois après qu'on est en train de scruter mon
ordinateur pour voir s'il peut faire l'objet de marketing. Les gens
s'inquiètent de cela. Je ne pense pas cependant qu'ils sont
préoccupés par les traditions qui entourent le recensement, et je
m'en réjouis. Au XIXe siècle, les gens étaient beaucoup plus
méfiants à l'endroit du recensement parce qu'à l'époque, il
n'existait ni confidentialité ni encore de tradition. En revanche,
aujourd'hui rien n'indique qu'une telle méfiance a encore cours.
|
| Si j'estimais que ce document historique était menacé d'une
manière quelconque, je serais le dernier à recommander qu'on
aille de l'avant. En tant que chercheur, il me paraîtrait beaucoup
plus important de disposer du meilleur document possible. Cela
étant dit, je suis tout à fait convaincu que la règle de 92 ans
garantira que la plupart des Canadiens auront une place dans notre
histoire. Je pense d'ailleurs que les Canadiens veulent faire partie
de notre histoire. Rien n'indique le contraire. Seulement, ils ne
veulent pas que les renseignements soient utilisés contre eux, et
heureusement, il n'existe aucun exemple de cela, ni de la part de
Statistique Canada ni des Archives nationales. On ne trouve aucun
cas de gens qui ont l'impression que les Archives nationales ne
feront pas ce qu'elles disent vouloir faire. Rendons donc
hommage à ces deux institutions. Il y a beaucoup d'autres
problèmes à régler dans le dossier de la vie privée. Concentrons
nos efforts sur ces derniers et ne mettons pas notre histoire en
péril en confondant ce dossier avec d'autres questions qui n'ont
rien à voir avec lui.
|
| Le sénateur LeBreton: Si la population fait tellement
confiance à ces deux institutions que vous venez de mentionner,
c'est parce qu'elles affichent d'excellents antécédents. Si toutefois
un incident se produisait qui pourrait affaiblir cette confiance, ne
pensez-vous pas que le public remettrait ces antécédents en
question?
|
| M. Gaffield: Tout à fait. C'est pour cela que le comité
d'experts a étudié la question aussi longtemps. On a voulu savoir
qu'elle était la situation juridique. On a voulu savoir si quelqu'un
pouvait affirmer qu'une promesse a été faite. Dans les faits
cependant, les lois sont différentes. Nous avons donc dû les
étudier. Je pense toutefois que les preuves à notre disposition sont
claires comme de l'eau de roche et cohérentes.
|
| Il n'y a pas eu de promesse ni de nouveau cadre juridique. On a
simplement codifié un système qui existait depuis longtemps et
qui avait son importance en 1871 tout comme en 1911 ou 1921. Il
était essentiel que nous sachions cela.
|
| Cela dit, vous avez tout à fait raison. Personne ne peut affirmer
cela preuve à l'appui. Des milliers de personnes ont fait des
recherches là-dessus, y compris l'archiviste national du Canada,
mais personne n'a trouvé la moindre preuve d'une telle promesse.
Pour moi, historien, c'est là un facteur crucial.
|
| M. Watts: Cela fait l'objet d'interrogations depuis au moins
30 ans. Pour ma part, j'ai travaillé sur le dossier au cours des
quatre dernières années. Pendant cette période, nous nous sommes
vraiment efforcés de diffuser des renseignements sur la situation
et de faire connaître nos propositions.
|
| Où sont ces gens qui d'après vous se préoccupent tellement de
la protection de la vie privée? Où sont leurs observations? Il n'y a
pas de levée de boucliers contre ce que nous voulons faire. Une
poignée de fonctionnaires s'y opposent, c'est tout.
|
| M. Gaffield: Ils veulent davantage de livres.
|
| Le président: Je remercie nos deux témoins de leur présence
ici ce soir.
|
| Mesdames et messieurs les sénateurs, étant donné l'heure
avancée et le fait que nous avons entendu beaucoup de
témoignages conflictuels, je propose que nous nous abstenions de
nous prononcer sur la question ce soir. Bien entendu, si quelqu'un
nous propose une solution très simple, je suis tout à fait prêt à
l'entendre. Autrement, je pense que nous devrions remettre cela à
plus tard. Est-ce que quelqu'un veut prendre la parole?
|
| Le sénateur Cordy: Avant de prendre une décision, je me
demandais si on ne pourrait pas obtenir les données mentionnées
par M. Gaffield.
|
| Le président: La greffière ou l'attachée de recherche feront de
leur mieux pour nous obtenir cette information, ainsi que le texte
intégral de la proposition du compromis.
|
| Sénateur Milne, lorsque nous recevrons ces documents, je vous
donnerai amplement de préavis. Je vais m'assurer qu'il n'y aura
aucune discussion sans votre présence.
|
| Cela dit, sénateurs, nous ajournons la séance jusqu'à 11 heures
demain matin.
|
| La séance est levée.
|