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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 37 - Témoignages


TORONTO, le lundi 29 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour étudier le système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, notre premier témoin ce matin est le Dr Tom McGowan, président et directeur médical de la compagnie Canadian Radiation Oncology Services. Je vous remercie d'être parmi nous, Dr McGowan.

Si vous pouviez commencer par une brève introduction, nous serions ravis de vous poser ensuite quelques questions.

Le Dr Thomas McGowan, président et directeur médical, Canadian Radiation Oncology Services: Je comparais devant vous aujourd'hui pour présenter ma compagnie, Canadian Radiation Oncology Services, ou CROS, en tant que modèle de prestations de soins de santé pour le XXIe siècle. Par ailleurs, j'aimerais aborder les questions essentielles que sont l'accès au traitement et les listes d'attente. Je vais vous donner quelques renseignements sur ma compagnie et sur sa structure organisationnelle, je vais relater les faits saillants de nos premiers six mois de fonctionnement et vous offrir mes recommandations pour améliorer les soins de santé au Canada.

Tout d'abord j'aimerais souligner pourquoi l'existence de listes d'attente pour les traitements menace l'universalité de l'accès. Quand les listes d'attente deviennent trop longues, les personnes qui ont des contacts dans le monde médical essaient de les exploiter et de passer avant leur tour. Les Canadiens fortunés vont se faire traiter dans des cliniques privées à l'étranger. Les malades qui sont traités dans des établissements privés ne retirent aucun avantage personnel du système public et leur appui pour ce dernier risque de fléchir. Ceux qui restent sur les listes d'attente se sentent ignorés et mal traités par le système. Par conséquent, la priorité pour maintenir un système de soins de santé public, universellement accessible et équitable passe par la réduction des listes d'attente.

Les solutions novatrices comme CROS contribuent à réduire le nombre de patients envoyés à l'étranger et les listes d'attente en radiothérapie en Ontario. Bien que nous soyons une compagnie privée, CROS travaille sous contrat pour Action Cancer Ontario et les patients ne paient rien. Notre modèle opérationnel cadre avec le principe de l'administration publique tel que défini par votre comité, à savoir un modèle à payeur unique administré par la province.

L'été dernier, Action Cancer Ontario, ou ACO, a ressenti le besoin d'accroître la capacité de radiothérapie et d'améliorer l'accès des patients à la radiothérapie. ACO a donc émis un appel d'offres à l'automne 2000 et notre soumission a été acceptée.

Nous avons commencé à fonctionner en février 2001 pour traiter les personnes atteintes du cancer du sein qui autrement auraient été envoyées aux États-Unis ou à Thunder Bay. Très rapidement après avoir ouvert nos portes, nous avons pu voir jusqu'à 20 nouvelles patientes par semaine, soit le nombre des cas qui étaient envoyés aux États-Unis. En mai, nous avons élargi nos services pour inclure les patients atteints du cancer de la prostate.

Permettez-moi de souligner certains des points importants figurant dans le reste de mon mémoire écrit. Nous sommes ouverts le soir et le week-end. Ce sont des heures plus pratiques pour les patients et ça leur permet de continuer à se livrer à leurs activités quotidiennes normales. Souvent, les patients qui sont en radiothérapie, spécialement pour le cancer du sein et le cancer de la prostate, sont autrement en bonne santé et capables de continuer à travailler.

Quand on envoyait des patients de Toronto et de la région métropolitaine aux États-Unis ou dans le nord de l'Ontario pour y être traités, leur vie était bouleversée. Il est moins perturbateur pour les patients d'être traités à une heure qui leur convient et près de leur domicile. Par ailleurs, cela fait faire des économies substantielles au gouvernement provincial.

Les patients ne nous sont pas envoyés directement. Un patient qui doit suivre une radiothérapie est d'abord envoyé à son centre de cancérologie désigné. Si l'attente à ce centre est trop longue, le dossier du patient est envoyé à Action Cancer Ontario, qui ensuite nous envoie le patient.

J'aimerais parler un peu de notre structure organisationnelle.

Du point de vue de son fonctionnement, CROS est un exemple d'organisme de services moderne. Je pense que le modèle actuel de cabinet médical, à savoir une hiérarchie dirigée par les médecins, est dépassé. À CROS, nous avons réorganisé et déhiérarchisé l'approche traditionnelle de la radiothérapie envers les patients. Ce sont les radiotechniciens qui prodiguent la radiothérapie et qui traitent avec les patients sur une base quotidienne. Ils sont donc inclus dans le processus décisionnel exécutif concernant tous les aspects de notre fonctionnement. Cette prise de contrôle et de responsabilité directe de la part des radiotechniciens s'est traduite par une augmentation de l'efficacité opérationnelle dans l'établissement des horaires du personnel et des patients, et donc par l'optimisation de l'utilisation des machines.

Je suis particulièrement fier du modèle opérationnel de CROS et je suis convaincu que, si on procédait à une plus grande réorganisation des services médicaux, on rendrait le système de soins de santé beaucoup plus efficace.

Les économies sont substantielles. Du temps où on envoyait les patients aux États-Unis, il en coûtait environ 15 000 $ par patient et par traitement et 5 000 $ de plus en frais de voyage. Traiter les 534 patients que nous avons traités pendant les six premiers mois de fonctionnement a coûté 1,9 million de dollars contre 10,7 millions de dollars au total pour les patients qui étaient envoyés aux États-Unis et dans le nord de l'Ontario.

J'aimerais faire quelques recommandations concernant le suivi. Il est particulièrement important que les patientes atteintes du cancer du sein soient traitées par radiothérapie aussitôt que possible afin de réduire le taux de récidive. Le traitement précoce par tumorectomie et radiothérapie réduit grandement les risques de récidive et de mastectomie. Nous voyons dans la réduction du taux de mastectomie dans l'ensemble de la province une mesure clé du succès du traitement du cancer du sein. Nous recommandons que la fréquence des mastectomies soit surveillée à l'échelle nationale afin de s'assurer que le système actuel permet de réduire le nombre de mastectomies, ce qui est l'un de nos objectifs.

On pense actuellement que 50 p. 100 des cancéreux devraient être traités par radiothérapie. En Ontario, environ 35 p. 100 des cancéreux sont actuellement traités par radiothérapie. Nous recommandons que le pourcentage de patients traités par radiothérapie soient surveillés afin d'atteindre l'objectif modèle international qui est de 50 p. 100. Je ferais remarquer que le service de recherche en radio-oncologie du Centre régional de cancérologie de Kingston, dirigé par le Dr Bill Mackillop, travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années.

En conclusion, je dirais que le traitement des personnes atteintes de cancer est un domaine stimulant. Assurer un traitement de haute qualité et en temps opportun est important pour les patients, tant physiquement que mentalement. CROS est efficace pour les patients, Action Cancer Ontario et la province. J'espère que votre comité reconnaît que les solutions novatrices comme CROS contribuent au maintien d'un système de santé public au service de tous les Canadiens.

Le président: Est-il juste de dire que, en somme, ce que vous faites, c'est prolonger les heures d'utilisation de l'équipement, ce qui, quand on a investi dans des biens d'équipement, est tout à fait logique?

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: C'est le même principe que d'essayer de faire fonctionner les ordinateurs 24 heures sur 24.

Je suis surpris d'apprendre que vous n'offrez pas de traitement le samedi et le dimanche.

Le Dr McGowan: C'est exact.

Le président: Pourquoi?

Le Dr McGowan: Il y a deux raisons. La première est que le régime de traitement curatif en radiothérapie a évolué au cours des décennies; il est maintenant de cinq jours d'affilée avec un repos de deux jours. Il semble que les patients aient besoin de cette interruption pour se remettre. Plusieurs études sur l'utilisation continue de la radiothérapie ont révélé que la toxicité grandissait de manière imprévisible.

La deuxième raison est la nécessité d'avoir la même capacité de traitement tous les jours. La capacité hebdomadaire est définie par la capacité la plus faible pour un jour donné. Nous ne sommes pas convaincus que nous arriverions à attirer suffisamment de radiotechniciens pour tourner à plein effectif le samedi et le dimanche.

Le président: Est-ce que vos techniciens ne sont employés que par vous ou est-ce qu'ils qui travaillent pour vous en plus de leur horaire normal dans d'autres établissements?

Le Dr McGowan: La majorité de nos techniciens travaillent en plus de leur horaire normal dans un autre établissement. Toutefois, environ un tiers de notre capacité de traitement est assuré par des gens qui ne travaillent que pour nous et qui autrement ne travailleraient pas dans le système. Ce sont des personnes qui sont chez elles pendant la journée avec leurs enfants. En fait, nous avons fait revenir dans la population active des personnes qui occupaient un emploi à temps partiel. L'une d'elle travaillait comme monitrice de gymnastique aérobique, d'autres comme serveuses de restaurant ou de bar.

Le président: En fait, vous avez fait revenir des personnes pour qu'elles exercent leurs compétences acquises.

Est-ce la même situation avec vos médecins? Est-ce que ce sont des gens qui, du lundi au vendredi, pendant les heures de travail normales sont des oncologues exerçants, mais qui le soir font des heures supplémentaires?

Le Dr McGowan: Oui. Nous faisons venir un oncologue de Windsor le vendredi et le samedi. Deux viennent de Hamilton. Un autre, qui travaille à temps partiel actuellement à Toronto, travaille pour nous; nous avons un autre médecin qui vient de London.

Le président: Votre modèle correspond exactement à ce que nous avons décrit, je pense au chapitre 5, où nous parlons de prolonger les services, d'unités organisationnelles spécialisées et d'améliorer les services aux patients.

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: Cela semble être une idée tellement évidente et attrayante. Pourquoi alors ne faites-vous pas la même chose au Centre régional de cancérologie d'Ottawa, pour donner un autre exemple?

Le Dr McGowan: Nous n'existons que depuis février. Action Cancer Ontario nous a demandé d'étudier la possibilité d'étendre nos activités.

Le sénateur Robertson: Vous avez dit qu'envoyer les patients dans d'autres régions coûtait 10,7 millions de dollars par rapport à 1,9 million de dollars pour les traiter dans le cadre de votre programme, n'est-ce pas?

Le Dr McGowan: Oui.

Le sénateur Robertson: Je suppose que les listes d'attente sont dues au fait que les hôpitaux n'arrivent pas à attirer suffisamment de personnel? Si les hôpitaux pouvaient trouver le personnel nécessaire, en quoi leurs coûts se compareraient aux vôtres?

Le Dr McGowan: C'est une question qu'on se pose. Rappelez-vous que notre clinique est ouverte en dehors des heures normales.

Le sénateur Robertson: Oui, je le comprends.

Le Dr McGowan: Nous payons une prime de 15 p. 100 pour retenir les services de personnes qui travaillent en dehors des heures normales.

Le sénateur Robertson: Vous la faites payer au système public n'est-ce pas?

Le Dr McGowan: Oui.

Le sénateur Robertson: Pourquoi les hôpitaux ne pourraient-ils pas attirer plus de gens, et économiser la différence entre vos coûts et les leurs? Je suis certaine que ce n'est pas uniquement parce qu'ils ne veulent pas le faire. C'est très déroutant.

Le Dr McGowan: Nous sommes différents à un ou deux égards. Premièrement, notre organisation se préoccupe uniquement de fournir des soins aux patients. C'est notre priorité no 1 et la plus importante. Nous n'avons pas de priorité concurrente. Autrement dit, nous n'avons pas à choisir entre traiter des patients et faire quelque chose d'autre.

Deuxièmement, quand on n'a qu'un seul service, le personnel est employé dans ce seul service et la capacité de l'organisation est définie par le plus petit commun dénominateur, soit le secteur ayant la plus faible capacité. Nous avons réussi à attirer le personnel clé, à savoir des techniciens, des oncologues et des physiciens, en provenance de différentes organisations. Un tiers de nos employés viennent d'autres organisations et nous pouvons les faire travailler le soir car nous avons mis en place une structure qui nous permet d'assurer une capacité de traitement complète en soirée. Pour que les services de jour puissent avoir recours à ces personnes qui, autrement, ne travailleraient pas, il aurait fallu qu'ils restent ouverts quatre heures de plus le soir pour que ça vaille la peine pour elles de venir travailler en soirée.

Troisièmement, nous avons fait venir des personnes de Sunnybrook et de l'hôpital Princess Margaret pour administrer la radiothérapie. Les oncologues viennent de différents centres de cancérologie. Il faut équilibrer le personnel clé. Par conséquent, je pense que c'est un obstacle opérationnel qui empêche les services de jour d'utiliser leur personnel de cette façon.

Le sénateur Robertson: Les obstacles opérationnels dans le système de santé semblent coûter très cher dans tous les secteurs, pas seulement en oncologie.

Le Dr McGowan: C'est exact. Ils coûtaient nettement plus du temps où on envoyait les patients à l'extérieur. Notre modèle permet de surmonter directement cet obstacle opérationnel.

Le sénateur Robertson: Au lieu d'insister pour que les hôpitaux fassent tomber ces obstacles.

Je ne me plains pas. Je pense que votre agressivité a du bon, mais je pense qu'elle souligne, monsieur le président, une défaillance des hôpitaux traditionnels et des autres fournisseurs de soins de santé qui érigent ces murs autour d'eux. On dirait que le genre de coopération qui devrait exister est absent.

À la dernière page de votre document vous dites, entre autres:

On pense actuellement que 50 p. 100 des cancéreux devraient être traités par radiothérapie. En Ontario, environ 35 p. 100 des cancéreux sont actuellement traités par radiothérapie.
Le Dr McGowan: Oui.

Le sénateur Robertson: Avez-vous des statistiques sur ce qui se passe dans les autres provinces?

Le Dr McGowan: Non. C'est un chiffre très difficile à obtenir. Le service de recherche en oncologie de l'université Queen's à Kingston se penche sur la question. Il concentre ses efforts sur cette recherche et essaie d'obtenir ces chiffres pour l'Ontario. C'est un chiffre très difficile à établir.

Le sénateur Robertson: À l'exception d'une ou deux provinces, j'imagine, je ne pense pas que ce pourcentage atteigne 35 p. 100.

Nous entendrons demain un témoin qui nous présentera des preuves statistiques. Nous verrons si ce renseignement nous sera donné.

Le sénateur Keon: J'entends beaucoup parler de dévolution de pouvoirs et de services aux hôpitaux par Action Cancer Ontario.

Premièrement, dans quelle mesure est-ce réel? En quoi cela aurait-il une incidence sur votre capacité de faire le genre de chose novatrice que vous faites? Je suis au courant de votre programme depuis quelques mois et j'ai eu l'occasion d'en parler avec le Dr Hollenberg.

Si Action Cancer Ontario devait étendre ses activités dans le secteur hospitalier, auriez-vous la capacité de continuer à faire ce que vous faites, d'élargir vos services pour essayer d'éviter que les gens soient envoyés à l'étranger, par exemple?

Le Dr McGowan: Je ne suis pas sûr que je pourrais le faire. Je ne suis pas sûr que je ne pourrais pas le faire.

Je comprends l'environnement dans lequel nous travaillons, et Action Cancer Ontario est l'organisme avec lequel j'ai un contrat. Action Cancer Ontario a pour mandat de s'assurer que tous les patients reçoivent leur radiothérapie en temps opportun. Avec l'aide et l'appui d'Action Cancer Ontario je suis en mesure d'offrir ce service, c'est un prolongement facile.

Si nous devions traiter avec une variété d'hôpitaux, nous serions obligés de signer un contrat avec chaque établissement. Cela modifierait certainement la nature de notre relation d'une manière que je ne suis pas entièrement certain de pouvoir prévoir.

Le sénateur Keon: Je suppose que, aux fins de votre planification à long ou à court terme, vous dépendez lourdement des données sur la santé de la population publiées par Santé Canada, par l'Institut canadien de l'information sur la santé, et ce qu'il appelle ses «cartes du cancer». Je me répète, en quoi votre capacité de planifier pour le long et le court terme serait-elle touchée si les services de traitement du cancer étaient confiés au secteur institutionnel, si Action Cancer Ontario en confiait la responsabilité à l'ensemble du secteur institutionnel?

Le Dr McGowan: L'une des choses que j'ai remarquées en ce qui concerne la planification à long terme en oncologie est que la seule certitude est que l'incidence du cancer augmente toujours. Il y a toujours plus de cancéreux que l'année précédente, et il y a toujours plus de patients qui ont besoin de radiothérapie. À long terme, nous pouvons être sûrs que ce chiffre augmentera d'environ 3 à 5 p. 100. Là où nous avons des difficultés, c'est dans les fluctuations d'une année sur l'autre, les variations fortuites par rapport à la moyenne.

Notre modèle de soins a pour objet de fournir une capacité de protection ou capacité à court terme. Notre modèle en ce qui concerne la composition de notre personnel nous permet d'accroître rapidement notre capacité et de prendre de trois à cinq patients de plus par semaine, ou de la diminuer d'autant. Nous avons une grande flexibilité.

La planification à long terme d'Action Cancer Ontario consiste, entre autres, à choisir où installer les centres de cancérologie, où accroître sensiblement la capacité, quand installer de nouvelles machines, et cetera.

Notre capacité dépend réellement de la mesure dans laquelle nous pouvons exploiter pendant la soirée la capacité inutilisée des machines ou, peut-être, une légère capacité inutilisée qui survient d'une année à l'autre. Si on ne peut plus planifier et si la planification de la capacité est très médiocre et que nous faisons une erreur de 10 à 15 p. 100, on aura beau faire preuve d'innovation en matière de stratégie de dotation, on n'arrivera pas à compenser l'insuffisance des biens d'équipement. Nous dépendons réellement d'une bonne planification à long terme des immobilisations pour pouvoir avoir recours à des stratégies à court terme en matière de dotation.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est mon point de vue sur la question de la planification et sur son incidence sur notre existence et sur notre planification à long terme.

Le sénateur Keon: J'aimerais que nous revenions sur un commentaire que vous avez fait au sujet de l'esprit d'innovation de votre personnel.

J'ai l'impression très nette, tirée de mes propres années d'expérience et des témoignages que j'entends à ce comité, que l'un des gros défauts du système de santé est la mauvaise utilisation du personnel. Nous avons des personnes hautement spécialisées qui font des choses qu'elles ne devraient pas faire, des choses qui pourraient être faites par des personnes moins qualifiées.

Tout d'abord, j'aimerais vous demander de quelle latitude vous disposez quant à l'intégration de votre personnel, la formation polyvalente et le transfert de responsabilité d'une description de fonctions d'un groupe à une autre? Quel est votre succès à cet égard?

Le Dr McGowan: Je pense que nous avons réussi de manière étonnante à transférer les responsabilités d'un groupe professionnel à l'autre. Nous sommes limités par les questions de licence. Il y a certaines tâches que seule une personne possédant une licence d'exercice de la médecine est habilitée à faire; c'est la même chose en ce qui concerne la licence des techniciens.

À part ça, pour ce qui est de toutes les tâches opérationnelles, nous disposons d'une flexibilité totale quant à la manière dont nous fonctionnons. Nous fonctionnons comme un véritable cabinet médical de groupe, chaque médecin remplaçant les autres et prenant en charge leurs patients. Nous avons établi une véritable uniformité des approches et des protocoles en matière de traitement.

En incluant les radiotechniciens dans l'organisation, au niveau décisionnel exécutif - je ne prétends pas savoir comment diriger un service de radiothérapie - nous leur avons permis de décider au mieux comment organiser leur propre vie de travail; ce sont des professionnels hautement spécialisés.

Il y a 30 ans, quand la différence de formation entre les médecins et les membres des professions paramédicales était grande, il était logique que les médecins dirigent car, très souvent, les paramédicaux entraient sur le marché du travail pour une dizaine d'années puis s'en allaient pour fonder une famille. Au cours des dernières 20 ou 30 années, dans les domaines auxquels je suis associé, le professionnalisme et le niveau d'instruction requis des paramédicaux a augmenté. Pour beaucoup d'entre eux, leur travail n'est plus seulement un travail; c'est une carrière, une profession qu'ils exercent toute leur vie. Nous devons reconnaître cette hausse du professionnalisme chez tous les membres des professions paramédicales.

La chose la plus importante que nous ayons faite est justement de reconnaître cet état de fait et de répartir les responsabilités en conséquence. Si le radiotechnicien qui est responsable de la planification me dit à moi ou à l'un des autres médecins: «Cela va nous demander deux heures de plus de travail et de planification; y a-t-il un moyen de modifier le processus?» Cette personne a le mandat, l'autorité et la responsabilité d'étudier le processus et de chercher à le modifier. C'est une chose très difficile à faire dans une structure traditionnelle.

Le sénateur Keon: Permettez-moi d'aller un peu plus loin dans cette voie et de parler du médecin dans le cadre de l'intégration de l'équipe de soins de santé. En ce qui concerne le mode de rémunération, à votre avis, dans une équipe intégrée, qu'est-ce qui fonctionne le mieux: la rémunération à l'acte ou un autre mode de rémunération?

Le Dr McGowan: Je ne pense pas qu'il y ait un seul mode de paiement qui soit nécessairement le meilleur. Il faut faire très attention à la manière dont on le conçoit. Tant que les objectifs du mode de rémunération sont alignés sur les objectifs de l'organisation, je pense que ça peut fonctionner. Je pense que différents modèles fonctionnement.

Mon modèle est basé sur la rémunération à l'acte. Cela permet au médecin de se concentrer sur le secteur de la radio-oncologie où le manque est le plus grand, à savoir celui de la consultation et de la planification des traitements.

Je vais vous donner un exemple. Dans la majorité des modèles actuels de rémunération en radio-oncologie, dans l'ensemble du pays, les gens reçoivent un honoraire fixe pour la planification de la radiothérapie, la compétence la plus rare, et ils sont rémunérés à l'acte pour les consultations de suivi. Par conséquent, la seule manière pour eux d'accroître leurs revenus est d'augmenter le nombre de consultations de suivi et je pense que c'est ce que nous constatons.

Je pense qu'un mode de rémunération non traditionnel bien défini peut fonctionner, un mode de rémunération à l'acte, ciblé, dans le cadre duquel les incitatifs sont appropriés, à savoir qu'ils n'encouragent pas les médecins à voir un volume important de cas relativement simples mais plutôt à traiter et à voir les cas qui demandent l'exercice de leurs compétences rares. Dans notre système, en radio-oncologie - qui est le seul système que je connaisse vraiment bien - la planification de la radiothérapie est une compétence rare - par conséquent, le système de rémunération et d'incitatifs vise à encourager les gens à exercer cette compétence.

Le sénateur Callbeck: Vous êtes installé au Centre de cancérologie régional de Toronto-Sunnybrook. J'ai lu quelque part que le délai préconisé entre le moment de la recommandation et le début de la thérapie est de quatre semaines?

Le Dr McGowan: C'est exact.

Le sénateur Callbeck: Dans votre document écrit, vous dites à la deuxième page: «Si l'attente au centre de cancérologie désigné est trop longue, leur dossier est envoyé à Action Cancer Ontario».

Est-ce que cela signifie que ce délai est respecté pour tout le monde en Ontario?

Le Dr McGowan: Non.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que cela signifie que si l'attente dépasse quatre semaines au centre désigné, le patient vous est envoyé?

Le Dr McGowan: Oui.

Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il du transport? Par exemple, un patient venant de Thunder Bay doit-il payer son propre transport ou est-ce que le gouvernement le prend en charge?

Le Dr McGowan: Les gens de Thunder Bay ne viennent pas chez nous. En fait, la capacité de traitement à Thunder Bay est suffisante et les gens qui habitent Thunder Bay n'attendent pas. En fait, Thunder Bay a une excellente capacité de traitement et, de ce fait, on y envoyait des gens du sud de l'Ontario.

Les gens que nous voyons vivent dans la région; nous voyons donc des gens de la région de Hamilton et de la région métropolitaine de Toronto. Ils assument leur transport. Pour ce qui est du transport, ils tombent dans la même catégorie que les patients traités pendant la journée. S'ils ont besoin d'un logement, ils peuvent aller à la maison d'accueil de la Société canadienne du cancer.

Le sénateur Callbeck: Je vois que votre objectif annuel était de traiter 500 patients. Vous en avez déjà traité 534, soit beaucoup plus que ce que vous aviez projeté. Combien pouvez-vous en prendre en plus?

Le Dr McGowan: Notre capacité est limitée par la disponibilité des machines et du personnel.

Au centre de cancérologie que nous dirigeons actuellement, nous approchons de la capacité maximum des machines en raison des besoins d'entretien de ces dernières. Nous sommes à un millier de patients par an, je dirais, peut-être un peu plus.

Le sénateur Callbeck: Les autres provinces ont-elles exprimé un intérêt pour votre compagnie, ou est-ce encore trop tôt pour le dire?

Le Dr McGowan: Non, aucune autre province n'a exprimé un intérêt.

Le Manitoba vient d'annoncer qu'il enverrait des patients de Winnipeg se faire traiter à Thunder Bay, et je pense que, du point de vue géographique, c'est logique. Aucune autre province n'a encore exprimé son intérêt. Personne ne nous a contactés.

Le sénateur Callbeck: Vous non plus, vous ne les avez pas contactés, n'est-ce pas?

Le Dr McGowan: Non, je ne les ai pas contactées. Les six premiers mois, je me suis attaché à offrir dans nos locaux des soins cliniques appropriés et de bonne qualité. C'était ma priorité absolue.

Le sénateur Cordy: Merci beaucoup d'avoir été ici ce matin. Je suis d'accord avec le président pour dire que c'est une solution sensée. Pour faire suite au commentaire du sénateur Callbeck concernant les autres provinces, peut-être pourrions-nous les encourager à étudier ce modèle, car il semble certainement valoir la peine d'être exploité plus avant.

J'ai une ou deux précisions à vous demander. Les patients ne vous appellent pas directement, n'est-ce pas?

Le Dr McGowan: C'est exact.

Le sénateur Cordy: Comment cela se passe-t-il?

Le Dr McGowan: La radiothérapie est une spécialité tertiaire. Les patients sont généralement vus d'abord par un chirurgien qui pratique une biopsie. Nous ne faisons pas de diagnostic. Nous pratiquons une spécialité thérapeutique. Les patients sont envoyés par leur médecin de quartier, leur chirurgien local, leur oncologue local dans l'un des centres de cancérologie pour que l'on établisse leur radiothérapie.

Dans la région métropolitaine de Toronto, les patients sont alors envoyés au Centre de cancérologie régional de Hamilton, à l'hôpital Princess Margaret ou au Centre de cancérologie régional de Toront-Sunnybrook. Si l'attente dans ces centres est trop longue, les patients nous sont alors envoyés par le bureau de recommandation d'Action Cancer Ontario.

Le sénateur Cordy: Je voudrais parler uniquement de la question de l'équipement; vous l'avez abordée plus tôt, et nous avons entendu un grand nombre de témoins nous dire que, au Canada, l'équipement était en très mauvais état.

Est-ce une préoccupation pour vous?

Le Dr McGowan: Non. En fait, dans l'ensemble, en Ontario, l'équipement de radiothérapie est en bon état. Il est bien entretenu et opérationnel. L'état de l'équipement n'est pas un problème pour le moment.

Il existe néanmoins la question du remplacement cyclique des machines. Ces machines doivent être remplacées tous les 10 ans. Nous sommes raisonnablement près de cet objectif en Ontario.

Le sénateur LeBreton: Je m'excuse d'être un peu en retard. Si on a déjà répondu à ma question, dites-le moi et nous passerons à autre chose.

Dans votre mémoire, vous dites que votre clinique est installée à Sunnybrook et que vous avez vos propres médecins, radio-techniciens et personnel de soutien et que toutes ces personnes travaillent pendant la journée dans d'autres centres de cancérologie. Est-ce que cela ne cause pas un problème en termes de surmenage et de stress?

S'il y a des gens qui travaillent pendant la journée dans un centre de cancérologie puis viennent travailler le soir pour vous, comment vous en tirez-vous?

Le Dr McGowan: L'une des choses que j'ai dites plus tôt est qu'un tiers de notre capacité de traitement est assuré par des gens qui autrement ne travailleraient pas dans le système, parce qu'ils sont à la maison avec leurs enfants pendant la journée. Pour les techniciens nous nous en tirons en les faisant travailler un maximum d'une ou deux fois par semaine. Deuxièmement, nous examinons l'horaire du personnel de Sunnybrook et la fréquence des absences pour voir s'il existe une corrélation entre le fait de travailler pour nous un soir et une absence ce même jour. Ces deux mécanismes étant en place, je pense que nous devons respecter l'autonomie des gens et leur capacité à décider d'eux-mêmes s'ils sont capables de travailler ou non.

Le problème du surmenage est réel. Si une personne manque trop souvent, nous ne lui donnons pas d'autres quarts.

En outre, étant donné que nous n'avons pas de soutenabilité à long terme, il est très important que nous n'épuisions pas notre personnel. Nous essayons de ne pas faire fonctionner les machines après 22 h 30 afin que les gens puissent rentrer chez eux suffisamment tôt pour avoir une bonne nuit de sommeil. Ils n'ont pas de temps libre chez eux après leur travail, mais ils rentrent suffisamment tôt pour avoir une bonne nuit de sommeil avant de retourner au travail le lendemain.

Les gens nous demandent: «Pourquoi n'augmentez-vous pas votre capacité en restant ouvert jusqu'à 23 h 30 ou minuit?» Ça serait peut-être bien pour les membres de notre personnel qui n'ont pas d'autre emploi, mais pour les autres, je pense que ce n'est pas faisable pour le long terme.

Le sénateur LeBreton: Avez-vous l'intention de vous installer ailleurs en Ontario?

Le Dr McGowan: Il y a des problèmes permanents de capacité en Ontario, et nous discutons de la possibilité d'ouvrir d'autres centres avec Action Cancer Ontario.

Le sénateur LeBreton: J'ai dit à notre président que j'ai un cousin dans la région d'Ottawa qui a dû aller à Thunder Bay et y passer pas mal de temps avec comme tout soutien l'excellent soutien dont il a bénéficié là-bas.

Le Dr McGowan: Oui, c'est difficile pour les patients de devoir se déplacer. Nous avons traité des gens d'Ottawa pendant un certain temps. Un certain nombre de patients atteints du cancer de la prostate et du cancer du sein sont venus d'Ottawa se faire traiter chez nous.

Pendant les six premiers mois, nous nous sommes surtout attachés à nous assurer que notre organisation était durable, que la structure de notre personnel était viable et que nous offrions des soins cliniques de bonne qualité. Au début, j'ai assumé la charge clinique presque entièrement seul jusqu'à l'arrivée des autres médecins.

Le président: J'ai deux ou trois questions techniques et ensuite je vous demanderai de faire des suppositions.

Avez-vous eu des problèmes avec les syndicats du secteur public? Je vous pose cette question car, en théorie, il me semble qu'un syndicat pourrait prendre la position que vous utilisez des installations publiques et du personnel non syndiqué et prétendre ensuite que, dans un certain sens, vous éliminez des postes syndiqués. La question a-t-elle été soulevée?

Le Dr McGowan: Les syndicats ne nous ont pas accusés d'enlever des emplois au secteur public.

Ils ont par contre dit que ce modèle était contraire à la Loi canadienne sur la santé, qu'on n'aurait pas dû procéder de la sorte, qu'on n'aurait pas dû nous accorder le contrat de cette manière, mais ils n'ont pas prétendu que nous enlevions des emplois au secteur public.

Je ne pense pas que ce soit le cas; ce n'est pas comme si la volonté d'augmenter au maximum la capacité était inexistante. Je pense qu'il y a des obstacles de nature organisationnelle.

Le président: Étant donné le tollé qu'a déclenché la Loi 11 de l'Alberta - et en passant, ce que vous faites est essentiellement plus ou moins ce que la version finale de la Loi 11 permet - comment êtes-vous arrivé à faire cela sans provoquer de tollé? Je trouve extrêmement impressionnant que vous n'ayez pas provoqué de tollé.

Le Dr McGowan: Je ne suis pas sûr de pouvoir dire que je n'ai pas été critiqué.

Le président: Peut-être n'ai-je pas remarqué les critiques.

Le Dr McGowan: Moi oui.

Le président: Bienvenue dans notre club. Nous sommes toujours prêts à accueillir en notre sein les gens qui s'attirent de vives critiques.

Mais sérieusement, y a-t-il eu de l'opposition?

Le Dr McGowan: Oui. Il y a des groupes qui ont fait opposition. L'objectif premier du groupe Friends of Medicare, constitué après que le contrat ait été octroyé, était d'amener le gouvernement à résilier ce dernier.

Le SCFP, je crois, a écrit à Allan Rock lui demandant d'étudier la manière dont le contrat avait été accordé. Il y a eu des lettres et des articles dans les journaux, des éditoriaux, de la part de gens qui s'opposaient à notre mode d'administration, à savoir une compagnie privée utilisant des installations publiques, plutôt que de continuer à fournir les services par le biais d'une administration publique.

Je pense que votre définition d'administration publique est très importante: un payeur unique. Du point de vue du patient, le système est transparent; tant que le patient est bien traité et qu'il reçoit un traitement de bonne qualité, le reste lui est égal.

Le président: Est-ce que les critiques se sont tues?

Le Dr McGowan: Il y a eu une amélioration. Je pense que notre succès a contribué à les atténuer.

Il est intéressant de noter que nous avons bonne presse à l'extérieur du Canada. Un article sur cette initiative a paru dans The Wall Street Journal, en mai dernier. La semaine dernière, dans l'édition du samedi de The Irish Times, il y avait un article d'un journaliste qui était venu au Canada pour étudier le système de santé de l'Ontario et qui l'avait jugé très bon. L'article faisait allusion à votre comité en décrivant favorablement cette initiative comme moyen d'améliorer la capacité de traitement.

Le président: Notre comité apprécierait que vous lui fassiez parvenir des copies de ces articles un jour ou l'autre.

Le Dr McGowan: Bien sûr.

Le président: Comment la société se fait-elle payer? Est-ce sur la base de chaque patient ou si le montant varie selon que vous voyez le patient pour un cancer du sein ou de la prostate?

McGowan: C'est un montant fixe par patient.

Le président: Un montant fixe par patient?

Le Dr McGowan: Par patient, oui.

Le président: Comment ce montant a-t-il été établi?

Le Dr McGowan: Il correspond aux honoraires par patient que le ministère de la Santé verse à Action Cancer Ontario.

De plus, étant donné les difficultés opérationnelles et la nécessité de verser une plus forte rémunération, le contrat prévoit une prime d'incitation calculée selon le nombre de patients traités, soit de 250 $ par patient au-delà de l'objectif de 500 et de 500 $ au-delà de 750.

Le président: J'ai besoin de votre aide et peut-être aussi de celle du sénateur Keon.

Habituellement, que ce soit en Ontario ou dans une autre province, les hôpitaux reçoivent des budgets globaux.

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: Les hôpitaux ne sont pas financés sur la base du paiement à l'acte.

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: Vous êtes donc payés à l'acte.

Par exemple, prenons le Centre régional de cancérologie d'Ottawa. Son financement est-il inclus dans le budget global de l'Hôpital d'Ottawa ou calculé sur la base du paiement à l'acte?

Le Dr McGowan: Sur le plan organisationnel, la gouvernance des centres de cancérologie est séparée de celle des hôpitaux.

Le président: Comme l'Institut de cardiologie?

Le Dr McGowan: Je ne suis pas certain en ce qui concerne l'Institut de cardiologie.

Le président: C'est le cas.

Le Dr McGowan: C'est une gouvernance séparée. Deux organisations fournissent de la radiothérapie: Action Cancer Ontario et l'University Health Network. Ainsi, le budget du Centre régional de cancérologie d'Ottawa, par exemple, vient d'Action Cancer Ontario qui reçoit son financement du ministère de la Santé.

Le président: En d'autres termes, vous êtes remboursés sur la base du paiement à l'acte tout comme le serait le Centre régional de cancérologie, si le patient était traité durant la journée; est-ce exact?

Le Dr McGowan: Oui, plus la prime fondée sur le nombre de patients.

Le président: Exact, mais est-ce un incitatif pour avoir plus de patients?

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: J'en arrive à ma dernière question. Pourriez-vous nous dire dans quels autres secteurs de la médecine ce système pourrait fonctionner? Il va de soi que cela ne fonctionnerait pas dans des cas absolument uniques, n'est-ce pas?

Le Dr McGowan: C'est exact.

Le président: Le système ne fonctionne que lorsqu'il y a un nombre raisonnable de patients qui nécessitent le même type de traitement.

Le Dr McGowan: Oui.

Le président: Dans ce cas, dans quels autres secteurs fonctionnerait-il?

Le Dr McGowan: Les secteurs où cela peut fonctionner sont, premièrement, ceux qui exigent un investissement élevé. Deuxièmement, ceux où des capitaux sont inutilisés. Je suis d'avis qu'il doit y avoir une pénurie de personnel due à l'intervention de plusieurs professions différentes - d'ailleurs, la question n'est pas tant la pénurie comme l'intégration du personnel. Le troisième critère a trait à la pénurie de personnel paramédical d'un professionnalisme croissant - par exemple, en imagerie diagnostique, il y a une relation très directe entre le technicien qui commande l'appareil et les données transmises au radiologue. Il faut qu'il y ait des interactions relativement complexes.

À mon avis, le modèle s'applique surtout dans des secteurs spécialisés de la chirurgie, où il y a des blocs opératoires sous-utilisés en après-midi ou en soirée, d'importantes questions de personnel, des liens entre les soins infirmiers, les anesthésistes, les lits d'hôpital - des secteurs où divers professionnels de la santé doivent intervenir.

Dans un tel cas, je réunirais les professionnels et je leur poserais les questions suivantes: «Est-il possible de changer un peu notre façon de procéder? Comment pouvons-nous organiser nos activités?» De plus, l'activité doit être très spécialisée, par exemple: l'accès vasculaire, qui est nécessaire aux fins de dialyse, la mise en place d'un portacath, la chimiothérapie ou diverses procédures chirurgicales, peut-être en oncologie.

Je n'y ai pas réfléchi longtemps, mais ce sont là les principaux critères. Les activités doivent exiger l'intervention de différents professionnels, un domaine où l'on attribue constamment le problème à la pénurie de personnel, alors que je pense qu'il faudrait surtout blâmer le mauvais agencement des spécialités.

J'ai rencontré l'infirmière en chef de la province il y a une quinzaine de jours. Elle m'a dit que l'Ontario consacre des millions de dollars - je ne peux me rappeler les chiffres exacts - aux heures supplémentaires et aux agences de soins infirmiers. Une multitude d'infirmières - et encore là j'oublie si le nombre est 2 000, 3 000 ou 6 000 - ne travaillent pas dans leur domaine de formation, mais renouvellent constamment leur licence. Comme il manque de lits et de blocs opératoires, c'est l'occasion idéale de rappeler ces infirmières qui, de toute évidence, souhaitent revenir à leur profession, puisqu'elles renouvellent leur licence. Ce serait logique, compte tenu des fonds consacrés aux heures supplémentaires et aux agences de soins infirmiers, et du fait qu'on semble prêt à verser des taux de salaire majoré. Ce n'est peut-être pas possible, cependant, car une des spécialités donne peut-être son maximum.

Tant qu'on ne cherchera pas à élever le personnel paramédical au niveau décisionnel, je me demande si l'on peut réellement parler de pénurie.

Le président: Merci d'être venu nous rencontrer ce matin. Votre témoignage a été fascinant.

Sénateurs, je vous présente notre prochaine série de témoins: MM. Walter Robinson, directeur de la Fédération des contribuables canadiens, Stephen Allen, qui témoigne au nom du Conseil canadien des Églises, et Edward Buffett, président-directeur général de Buffett Taylor & Associates Ltd., société d'experts-conseils en avantages sociaux et en mieux-être au travail.

J'invite chacun de nos témoins à faire un exposé de cinq minutes qui sera suivi d'une période de questions. Je vous donne la parole, monsieur Robinson.

M. Walter Robinson, directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens: Monsieur le président, je suis heureux de comparaître devant vous et vos collègues ce matin, pour vous exposer notre point de vue sur la principale difficulté que soulève la politique sociale du Canada.

Établie en 1990, la FCC a pris tant d'expansion au cours de ces 11 brèves années qu'elle est devenue la plus grande et plus efficace organisation de contribuables au Canada; elle peut se vanter de compter 61 000 membres. Notre organisation est apolitique et sans but lucratif; elle n'est subventionnée par aucun ordre de gouvernement.

Même si je comparais devant vous ce matin en ma qualité de directeur fédéral, je signale que j'ai déjà siégé à titre d'administrateur au conseil d'administration de l'Hôpital général d'Ottawa et que je suis actuellement membre du conseil d'administration du Centre régional de cancérologie d'Ottawa.

Tout d'abord, je vous félicite pour vos travaux. À ce jour, vos recherches, vos audiences et vos rapports suscitent un débat ouvert et inclusif sur la politique gouvernementale. Cette inclusion est fondamentale, parce que le débat sur les soins de santé a été jusqu'à maintenant dominé par un petit nombre d'intervenants dans le domaine de la politique officielle. Malheureusement, ce groupe a réduit la complexité de la réforme des soins de santé à des comparaisons nationales faciles et bipolaires ou à des différends idéologiques droite-gauche. Ces intervenants ont aussi créé un climat où la combinaison de propos offensants, de raisonnements tendancieux et d'attaques personnelles s'apparente à un front de froid arctique qui gèle tout nouvel intéressé ou toute idée novatrice en ce qui concerne la réforme des soins de santé.

Pourtant, les Canadiens aspirent à une discussion de fond de toutes les options possibles concernant cette réforme. Collectivement, nous savons que nous allons consacrer cette année 95 milliards de dollars, ou 9,3 p. 100 de notre PIB, aux soins de santé. Étant donné que les soins de santé accaparent 62 p. 100 des augmentations budgétaires de toutes les provinces depuis trois ans, il va sans dire que cette question intéresse les contribuables.

Le mois dernier, nous avons publié un important document de recherche et de position intitulé «Le patient, la maladie, le traitement», dont nous vous avons fait parvenir des exemplaires la semaine dernière. Dans ce document, que nous souhaitons discuter en détail au cours de notre dialogue interactif ce matin, nous faisons ressortir sept convictions de base: premièrement, le milieu de la santé est en crise; deuxièmement, les Canadiens sont mieux placés que les politiciens pour savoir que des réformes s'imposent; troisièmement, la santé est un champ de compétence que se partagent Ottawa et les provinces; quatrièmement, la Loi canadienne sur la santé n'est pas la Bible; cinquièmement, les systèmes de santé ne peuvent être évalués uniquement au moyen de chiffres; sixièmement, le débat actuel est trop continental, pas assez mondial; septièmement, les principaux objectifs doivent être la qualité et l'excellence, et non la compression des dépenses.

Durant l'élaboration de la politique de soins de santé tout au long du siècle dernier, les Canadiens ont démontré qu'ils sont capables de gérer un débat de fond malgré les difficultés que ce la comporte parfois. Il n'en tient donc qu'à nous de nous inspirer de cette expérience et d'étudier objectivement toutes les solutions de réforme. La première chose logique à faire est de revoir la Loi canadienne sur la santé, puisqu'elle constitue la norme de facto en fonction de laquelle seront jugées les options de réforme.

De plus en plus, les universitaires et les médecins s'entendent pour dire que cette loi décourage l'innovation, restreint les initiatives provinciales et repose sur des principes souvent contradictoires. En attendant, l'opinion publique réclame des changements fondamentaux, même si ces derniers vont à l'encontre de certains principes de la loi.

Le conflit qui oppose Ottawa et les provinces au sujet des niveaux historiques et actuels de financement est en partie inhérent à notre système fédéral, mais il est clair que les tensions qu'il engendre sont improductives.

Dans les capitales provinciales, les ministres de la Santé, peu importe leur allégeance, ont tous déclaré que la hausse des dépenses en matière de santé atteint des niveaux équivalant au double ou même au triple la croissance annuelle des recettes, est insoutenable, pourtant ces dépenses continuent de grimper dans le budget de chaque province. Si cette croissance se maintient, le débat d'aujourd'hui pour ou contre les réductions fiscales et l'accroissement des dépenses cédera vite la place au dilemme de demain: la technologie IRM par opposition aux manuels d'enseignement ou, pire encore, le pontage coronarien par opposition à la résection d'une tumeur cancéreuse. Les provinces n'auront besoin que de deux ministères: les Finances pour percevoir les fonds et la Santé pour les dépenser.

Nos estimations laissent entrevoir des lendemains préoccupants, qui se présenteront dès 2007 pour la Colombie-Britannique et Terre-Neuve, où les dépenses au chapitre des soins de santé accapareront, selon les prévisions, la moitié de toutes les ressources. Le même sort attend l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan en 2012, 2014 et 2019 respectivement.

Ce problème est attribuable au régime même d'assurance-maladie et à ses mauvais principes économiques. La configuration actuelle de financement par répartition est insoutenable. Dans ce contexte, elle fait penser à une opération pyramidale illégale. Les chirurgies d'aujourd'hui sont payées avec les recettes fiscales d'hier, mais les données démographiques montrent clairement que la base de la pyramide devient plus petite, et non plus grande.

Le régime est financé par les contribuables par le biais de divers intermédiaires - le gouvernement, les assureurs et bien d'autres - et les patients ne connaissent pas les conséquences financières de leurs décisions quant à leur consommation de soins médicaux. C'est ainsi que nous nous retrouvons avec un ensemble de mesures disparates qui satisfont, de manière pernicieuse, les patients, les médecins, les bureaucrates et les politiciens - je vous renvoie à l'annexe C de notre document pour plus de détails. Cela ne contribue qu'à faire grimper les coûts et à rendre le système de santé imperméable à toute solution novatrice visant à améliorer la qualité des soins et leurs résultats sur la santé.

Ce qui a fait encore plus de tort, c'est l'évaluation faite l'année dernière par l'Organisation mondiale de la Santé des régimes de soins de santé de 191 pays - le Canada se classe au 30e rang. Dr Chris Murray, directeur de la médecine fondée sur l'expérience clinique à l'OMS, l'a dit brutalement: «Le Canada n'a pas le meilleur régime de soins de santé au monde».

La leçon est claire. Il faut nous inspirer, en matière de financement et de prestation des services, des meilleures pratiques des autres pays et les adapter au contexte canadien - le plus tôt sera le mieux.

Quant aux facteurs de coûts du système, les pressions démographiques s'exercent déjà et d'ici 2020, de sorte que 60 p. 100 des dépenses en soins de santé viseront le groupe des 65 ans et plus, comparativement à 45 p. 100 actuellement. Le vieillissement de la population est irréversible et nous en connaissons les répercussions aussi bien que les professionnels de la santé.

Du point de vue technologique, les progrès réalisés concernant l'élaboration rationnelle de substances thérapeutiques, la cartographie génétique, le sang artificiel, pour n'en nommer que quelques-uns, représentent une promesse excitante et un espoir pour des millions, sinon des milliards, dans le monde, mais ils ont un coût.

Les médicaments coûtent maintenant plus cher que les honoraires des médecins. Avec les nouvelles pharmacothérapies agressives pour traiter divers troubles, allant du cancer aux maladies basées sur les protéines, telles que les maladies de Parkinson et d'Alzheimer, il est axiomatique encore une fois que les coûts ne feront qu'augmenter.

Enfin, les exigences et les attentes des patients à l'égard de services «ici et maintenant» augmenteront de façon exponentielle. Jusqu'à maintenant, les réformes du système de santé canadien ont été axées sur l'offre. De modestes économies ont peut-être été réalisées, mais les demandes des patients ont été complètement ignorées dans ces réformes; ces dernières n'ont pas cherché non plus à responsabiliser les patients ni à mettre fin aux mesures pernicieuses inhérentes à notre système.

Le régime de soins de santé est complexe et il n'existe pas de solution miracle, mais sur le plan législatif, il y a longtemps que la Loi canadienne sur la santé aurait dû être modernisée. Il y aurait lieu de remplacer ses cinq principes actuels par les six suivants: régie publique, universalité, qualité, responsabilisation, choix et durabilité.

Sur le plan structurel, les principes directeurs de la réforme incluent: la responsabilisation et la responsabilité de chacun, entre autres, par la participation aux coûts, comme dans tous les autres pays membres de l'OCDE; l'équité entre les générations - le préfinancement des dépenses en santé, comme à Singapour; et l'adoption d'approches novatrices à l'égard de la création de capital fixe, de la prestation de services et du renouvellement de l'équipement technologique.

Monsieur le président, le premier objectif, tout à fait louable, de l'assurance-maladie consistait à fournir des services de santé sans qu'il y ait d'obstacles. Aujourd'hui, le principal obstacle à la réforme est l'intransigeance de ceux qui refusent de reconnaître que le problème, c'est le système même.

Je voudrais terminer sur une note personnelle. Il y a 35 ans, je suis né dans cette ville au vieux Doctors Hospital. Atteint d'une très grave maladie dès l'âge de trois ans, c'est-à-dire il y a 32 ans, j'ai bénéficié des efforts que les professionnels de la santé de l'hôpital pour enfants ont déployés pendant quatre ans pour me sauver la vie. Ma famille a reçu des soins de santé excellents dans cette collectivité et les services de cancérologie que mon père a reçus au Princess Margaret lui ont permis de mourir dignement.

Aujourd'hui, à Ottawa, c'est la même chose pour ma famille et, je l'espère, pour tous ceux qui sont ici, devant et derrière moi, mais nous pouvons et devons faire mieux.

Une saine démocratie est celle qui sait reconnaître ses défauts, faute de quoi, elle n'est plus une démocratie. Nous devons sortir gagnants de ce débat. Sans cela, nous rendrons un bien mauvais service à ceux qui nous ont précédés ainsi qu'aux professionnels de la santé qui travaillent si fort pour nous aujourd'hui et nous manquerons de façon inexcusable à notre devoir envers les futures générations de Canadiens.

Nous vous exhortons à prendre en considération nos idées sur la réforme ainsi que les diverses options pour bâtir un meilleur système de soins de santé.

M. Stephen Allen, membre de la Commission justice et paix, et co-président de la oecuménique sur les soins de la santé, Conseil canadien des Églises: Membres du comité, au nom des membres de la Commission, je vous remercie de nous avoir invités à faire des observations sur certaines options proposées dans votre rapport intitulé «Questions et options».

Historiquement, les Églises canadiennes ont contribué au développement d'un système de santé financé et géré publiquement, à leur qualité de fournisseurs de services, d'intervenants - ministères pastoraux, services d'aumônerie - et de fervents partisans d'idées et d'approches nouvelles - programmes communautaires tels que le programme paroissial de soins infirmiers. En tant que chrétiens, nous croyons que Jésus nous a enseignés que la maladie ou, plus important encore, le bien-être passe par la santé spirituelle aussi bien que physique.

Nos observations écrites portent sur les six aspects suivants: premièrement, les principes de la prestation des soins de santé; deuxièmement, le financement des soins de santé; troisièmement, l'obligation de rendre compte de tous les ordres de gouvernement; quatrièmement, le besoin d'effectuer une recherche fondée sur l'expérience clinique; cinquièmement, l'extension des soins de santé pour inclure l'assurance-médicaments et les soins à domicile; sixièmement, notre soutien et notre reconnaissance à l'égard des travaux que vous avez accomplis en mettant l'accent sur les facteurs de santé pour garantir l'intégration des stratégies et des programmes.

Les membres de la Commission appuient les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Ces cinq principes bénéficient également de l'appui de la population et doivent être le point de départ de notre discours sur la réforme du système de santé au Canada.

Notre appui est fondé sur les principes et les valeurs qui suivent et qui, à notre avis, confortent les principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Le premier est la dignité de l'être humain. Le deuxième est le droit de toute personne à des soins de santé, peu importe sa richesse ou son statut social. Le troisième est que la prestation des soins de santé est un service offert pour répondre à un besoin; en d'autres termes, un service au chapitre des soins de santé ne devrait pas être considéré comme un produit ou une marchandise. Selon le quatrième, les professionnels de la santé ne devraient pas être détournés de leur responsabilité première - soulager la souffrance, prévenir et traiter la maladie et promouvoir la santé. À notre avis, cette responsabilité repose sur une relation de confiance entre le soignant et le patient. Bien sûr, on ne peut pas faire tout ce que l'on voudrait avec le régime canadien des soins de santé. La prise de décision concernant les priorités suppose que les Canadiens et les parlementaires soient invités à débattre de la politique officielle. Enfin, l'équité, la responsabilité de chacun envers l'autre, la compassion et l'attention sont des valeurs que nous considérons fondamentales et qui devraient orienter les réformes qui, nous le reconnaissons, s'imposent.

Je suis d'accord avec les quatre objectifs que vous avec définis au chapitre 8 sur le financement des soins de santé au Canada, et je vais y revenir un peu plus tard.

Notre régime de soins de santé est fondé sur le principe voulant que tous les citoyens partagent les risques. Personne ne souhaite un accident. Personne ne souhaite une maladie, qu'elle soit bénigne ou mortelle. On est réconforté à l'idée de pouvoir compter sur le régime des soins de santé, si jamais on en avait besoin. Le partage des risques représente une sorte de pacte social entre les citoyens. C'est une valeur à faire valoir, à protéger et à chérir.

Dans notre mémoire, nous nous interrogeons sur les dépenses consenties au Canada par rapport à celles qui le sont dans d'autres pays, et nous attendons avec impatience d'autres rapports de votre comité.

Permettez-moi de citer Joseph Stiglitz, Américain qui a reçu le prix Nobel de l'économie. Commentant la hausse du chômage aux États-Unis avant les événements tragiques du 11 septembre, il avait notamment déclaré: «Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a pas de filet de sécurité. Les régimes d'aide sociale et de chômage manquent de pertinence». Il avait ajouté que le pire était qu'en général, les travailleurs américains qui perdent leur emploi perdent également leur protection contre la maladie, de sorte que leur inquiétude est exacerbée. On sait bien qu'un grand nombre de citoyens américains ne bénéficient d'aucune protection ou alors si peu, et que la plupart d'entre eux travaillent. Aussi imparfait que soit notre système, nous pensons qu'il apporte une certaine mesure de sécurité et de réconfort aux citoyens du Canada.

Permettez-moi de citer également Steven Derks, vice-président d'Advocate Health Care, organisme religieux de Chicago qui fournit des soins de santé. Je voudrais rappeler des paroles qu'il a prononcées le 13 octobre, à Chicago, au cours d'une réunion des responsables de la politique officielle de l'Église luthérienne évangéliste d'Amérique. L'organisme fournit annuellement plus de 2,7 milliards de dollars de soins dans la région de Chicago. Concernant les soins de santé prodigués aux États-Unis, il a dit:

Bien sûr, il n'y a pas de régime de soins de santé aux États-Unis. Il y a plutôt une constellation de services compartimentés, difficiles à échanger et influencés par le mécanisme de remboursement [...] D'une façon générale, les soins sont excellents, mais leur prestation est compliquée pour les fournisseurs américains.
Face aux options visant à étendre la prestation à but lucratif au régime canadien de soins de santé, nous recommandons et espérons qu'un plus grand nombre de témoignages seront présentés pour éviter la fragmentation de notre système de santé.

Je dois dire que certaines des options que vous proposez ont suscité notre réflexion et nous voudrions savoir si les options définies au chapitre 8 amélioreront l'accès à des services gérés publiquement dans les secteurs et les régions vulnérables de notre pays. Les travaux de recherche de votre comité sont utiles en ce qu'ils font ressortir certaines faiblesses, par exemple, en ce qui concerne les frais d'utilisation. Le système ne générerait pas nécessairement beaucoup de recettes. L'imposition de tels frais risque de dissuader les citoyens démunis de demander des soins, fait incontestable que j'ai moi-même constaté à l'étranger. Un système prévoyant l'imposition de frais d'utilisation en fonction du revenu ne risque-t-il pas de stigmatiser davantage les démunis de la collectivité? Si les démunis n'ont pas à payer des frais d'utilisation, cette exemption ne risque-t-elle pas de créer du ressentiment chez ceux qui en payent?

Votre rapport fait état de témoignages utiles venant de Suède. Le système n'a pas pour objet de générer des recettes, mais plutôt, comme vous le faites remarquer, de modifier le comportement des citoyens pour prévenir les abus. Nous aimerions poser les questions suivantes: cet objectif a-t-il été atteint? Les Suédois font-ils généralement un mauvais usage de leur système de santé? Les soignants contribuent-ils à ce problème?

Quand vous vous pencherez sur les diverses options et les soumettrez à la population canadienne, nous vous demandons de vous inspirer le plus possible de recherches fondées sur les résultats cliniques.

Nous sommes d'accord avec l'observation que vous faites dans votre rapport, selon laquelle il est impossible de retracer comment les provinces et les territoires utilisent les fonds fédéraux. Les citoyens doivent le savoir parce que, si on réduit leurs impôts, cela pourrait entraîner une diminution des fonds consacrés aux soins de santé ou, quant à cela, aux programmes sociaux ou à l'enseignement postsecondaire. Nous sommes favorables à l'idée d'un rapport annuel établissant clairement comment les provinces utilisent les fonds fédéraux pour la santé, ainsi que pour d'autres programmes financés au moyen du TCSPS. Nous espérons que votre comité présentera des modèles qui vont au-delà du facultatif, qui prévoient des mécanismes obligeant tous les ordres de gouvernement à se rendre mutuellement des comptes aux chapitres des principes, des valeurs et des objectifs de notre régime de soins de santé.

Merci d'avoir tracé l'orientation des facteurs sociaux influant sur la santé, non seulement dans le volume 4, mais aussi dans le volume 1. Dans le volume 1, j'ai été frappé de lire que la santé de la population pouvait être attribuée au système de santé dans une proportion de seulement 25 p. 100 - je pense que c'est le pourcentage que vous avez donné, mais j'ignore comment vous y êtes arrivés -, alors qu'elle le serait aux facteurs sociaux dans une proportion de 75 p. 100. À la page 95 du volume 1, vous dites qu'améliorer la santé et réduire les inégalités sur le plan de l'éducation et du revenu est un objectif, et qu'il faut centrer l'attention sur les facteurs sociaux influant sur la santé au Canada.

En guise de conclusion, nous déclarons notre appui en faveur des cinq principes qui sous-tendent notre régime de soins de santé. Nous sommes favorables à l'extension du programme et nous reconnaissons qu'un débat s'impose pour faire des choix et établir les priorités. Les valeurs que j'ai exposées dans mon introduction représentent un fondement solide pour notre système de santé. Notre système remplit un rôle indispensable pour bâtir une société où nous sommes engagés à assurer la santé des individus et la vigueur des collectivités.

Nous sommes réticents face à l'importance accordée aux options axées sur les forces du marché. La croissance des dépenses du secteur privé dans la santé justifie la tenue de nombreux autres débats, ce que nous approuvons. Il faut se rappeler que le régime de soins de santé est pour les citoyens qui ont besoin d'attention et de compassion, et non pour des consommateurs qui cherchent un produit en particulier. Les soins de santé ne sont pas des marchandises.

Nous convenons que notre régime de soins de santé peut être amélioré et nous appuyons les politiques et les programmes qui améliorent la santé et qui aboutissent à une saine gestion des ressources.

Nous vivons ensemble. Nous dépendons les uns des autres. Nous avons besoin de nous appuyer mutuellement. Les principes de solidarité humaine, d'attention et de compassion envers les plus faibles sont des questions fondamentales de justice pour les Églises. Les soins de santé sont un bien public, ils sont indispensables au bien de l'ensemble, voilà une vision que nous jugeons importante pour les Canadiens, une vision qui vaut la peine de promouvoir dans le monde entier.

Pour notre part, nous avons l'intention de participer à la Commission royale d'enquête sur la santé. Nous attendons avec hâte les rapports de votre comité. Nous espérons avoir l'occasion de discuter encore de la question avec vos membres et nous organisons une table ronde à Ottawa à la fin février ou au début de mars.

Au nom de la Commission oecuménique sur les soins de la santé du Conseil canadien des Églises, je vous remercie de m'avoir entendu ce matin.

M. Edward Buffett, président-directeur général de Buffett Taylor & Associates Ltd., société d'experts-conseils en avantages sociaux et en mieux-être au travail. Merci, monsieur le président et messieurs les sénateurs. Je vous sais gré de m'avoir donné l'occasion de faire un exposé devant vous.

Buffett Taylor & Associates Ltd. participe à la promotion de la santé et du mieux-être au travail. Je suis également président du conseil d'administration de Wellness Councils of Canada, organisme sans but lucratif qui sert de tribune pour diffuser l'information ayant trait à la promotion de styles de vie plus sains, utilisant le milieu de travail comme mécanisme pour atteindre cet objectif.

J'ai été président du conseil des gouverneurs de l'Hôpital général de Whitby et du conseil d'administration de la Fondation Durham. Je suis actuellement vice-président du conseil des gouverneurs de l'université McMaster qui, comme vous le savez, se classe au premier rang au Canada pour la recherche qui s'y effectue et pour sa faculté de médecine.

Je vous remercie spécialement de m'avoir donné l'occasion de venir exprimer ma réaction au volume 4 de votre rapport, en particulier en ce qui a trait à la promotion de la santé.

Nombreuses sont les recherches qui indiquent que la nature réactive de notre système de santé a d'énormes répercussions sur les coûts de prestation des soins. En termes simples, on s'attache trop à guérir et à gérer les maladies au lieu de les prévenir. Par exemple, j'ai moi-même survécu à une crise cardiaque. Même si le gouvernement fédéral, par l'entremise de Santé Canada et de sa Direction générale de la promotion et des programmes de la santé, joue un rôle significatif dans le domaine de la santé de la population, ce rôle, à mon avis, doit être considérablement élargi.

En préparant mes observations en prévision de la rencontre de ce matin, j'ai tenté d'établir exactement la portion des dépenses en santé du Canada qui sont consacrées à la prévention des maladies et à la promotion de la santé, mais je n'ai pu y parvenir. J'ai communiqué avec Statistique Canada et Santé Canada, ainsi qu'avec plusieurs organes provinciaux, mais on m'a simplement répondu que ce renseignement n'était pas disponible, mais que ce serait de l'ordre de 5 p. 100. Ce pourcentage semble correspondre à celui des dépenses en santé des États-Unis en matière de prévention des maladies et de promotion de la santé.

Intuitivement, la plupart des Canadiens reconnaissent que l'adoption d'un style de vie plus sain se traduit par une amélioration de la santé, d'une réduction du nombre de maladies, ce qui se solde par un allégement des pressions sur le système de santé. Un grand nombre de Canadiens passent de 8 à 10 heures par jour au travail. D'ailleurs, quand ils sont éveillés, les Canadiens passent plus de temps au travail que n'importe où ailleurs. Il y a donc de grandes possibilités d'utiliser ce temps pour promouvoir la santé et le mieux-être, ce qu'on tend à faire aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

Ici, Santé Canada a mis sur pied un programme visant à promouvoir la santé et le mieux-être ainsi qu'à reconnaître les employeurs qui se distinguent à cet égard en leur remettant un Prix d'excellence du milieu de travail sain. Tout bien intentionné qu'il soit, ce programme ne va pas assez loin et nous n'avons pas facilement accès aux données scientifiques et financières qui appuient la mise en place de programmes de promotion de la santé et du mieux-être au travail. L'occasion est belle d'utiliser le milieu de travail comme tribune pour faire cette promotion. C'est d'ailleurs dans l'intérêt de l'employeur.

Les chercheurs du Health Management Research Centre de l'université du Michigan ont suivi plus de deux millions d'employés dans 1 000 lieux de travail sur une période de plus de 15 ans, ce qui leur a permis de conclure que la promotion de la santé et du mieux-être au travail, quand elle est faite dans le cadre d'une initiative exhaustive, se traduit par des modes de vie plus sains, qui donnent lieu à leur tour à une baisse d'absentéisme fortuit, une diminution des demandes d'indemnité pour invalidité prolongée, une hausse de la productivité, une amélioration du moral des employés et une diminution des coûts de la santé en général.

Malheureusement pour nous, ces travaux visaient le modèle américain de système de santé et non le modèle canadien, ce qui, je le dis franchement d'après mon expérience, inciterait les employeurs canadiens à remettre en question ces données et leur pertinence. Certains employeurs canadiens plus au courant, comme Nortel, Telus Corporation, MCS Nordion, Husky Injection Moulding et la ville de Richmond Hill, ont élaboré des programmes de mieux-être exhaustifs et dynamiques, parce qu'ils savaient intuitivement que ces programmes étaient rentables.

Néanmoins, la vaste majorité des Canadiens veulent des données qui montrent clairement les avantages financiers liés à de telles initiatives. Nous avons désespérément besoin de travaux de recherche et de données significatives qui prouvent les bienfaits de ces programmes.

Encore une fois, ces bienfaits se traduisent par une amélioration de la santé de notre population, une amélioration de notre compétitivité à l'échelle mondiale et une baisse de l'ensemble des dépenses en santé.

Je vous invite à recommander, dans votre rapport final, de confier au gouvernement fédéral un rôle beaucoup plus important pour stimuler la recherche qui s'impose absolument afin d'encourager une plus grande participation des employeurs aux programmes de cette nature.

En terminant, je signale que, depuis un siècle, l'espérance de vie en Amérique du Nord a augmenté de 30 ans. Les scientifiques jugent que 25 de ces années sont attribuables à des styles de vie plus sains et seulement cinq, aux interventions cliniques. On ne peut simplement pas se permettre de ne pas tenir compte des effets que peut avoir la prévention sur la santé de la population.

Le président: M. Buffett, je trouve ces derniers chiffres extraordinaires. Avez-vous une source?

M. Buffett: Bien sûr, monsieur. D'ailleurs, cette source est notée dans les documents que je vous ai remis.

Le président: C'est renversant.

Le sénateur LeBreton: Je commence avec vous, monsieur Robinson.

Quand nous étions en Alberta, plusieurs personnes ont parlé de «consommateurs de soins de santé» et de «marché de la santé».

À la page 7 de votre mémoire, vous dites: «Le régime est financé par les contribuables par le biais de divers intermédiaires - le gouvernement, les assureurs et bien d'autres - et les patients ne connaissent pas les conséquences financières[...]»

Quelle serait votre solution à cette situation? Personnellement, je crois que la plupart des Canadiens n'ont pas la moindre idée de ce que facturent les médecins, les techniciens et autres professionnels de la santé. Comment les informer? Comment savoir la manière dont ils veulent que leur système de santé fonctionne et comment les sensibiliser aux coûts déjà engagés?

M. Robinson: Dans les documents que nous vous avons remis, nous avons inclus un schéma du modèle de financement. En réalité, c'est un schéma de Santé Canada que nous avons adapté, tout comme l'association des médecins de la Colombie-Britannique.

Votre question, sénateur LeBreton, porte sur la manière de rendre les Canadiens plus conscients de leurs décisions de consommation. M. Allen et moi ne sommes manifestement pas d'accord pour dire que les soins de santé représentent une dépense, une marchandise ou simplement un bien public. Permettez-moi de répondre à votre question de trois façons.

Premièrement, nous avons posé à ceux qui nous approuvent la question suivante: «À votre avis, combien consacrez-vous aux soins de santé?» Si l'on prend une dépense de 95 milliards de dollars et qu'on la divise par 30 millions, soit notre population, on obtient 3 000 $. Bien sûr, ce chiffre varie. Dans mon cas, il serait plus bas, alors que, dans le cas d'une personne de 65 ans qui a des troubles de santé, il serait beaucoup plus élevé. Le chiffre varie aussi d'une région à l'autre.

Nous avons recueilli une variété de réponses, de sorte que j'accepte l'hypothèse qui sous-tend votre question, soit que les gens ne savent pas vraiment ce que coûtent leurs soins de santé. Ils ignorent, par exemple, la différence de coût d'un vaccin antigrippal administré au bureau d'un médecin et celui qui l'est à l'urgence. Dans ce cas, l'imposition de frais d'utilisation ou une participation aux coûts serait une solution. Cela existe dans tous les pays membres de l'OCDE beaucoup plus qu'au Canada.

Comme mon collègue l'a fait remarquer, la difficulté est de contrôler les coûts, de sensibiliser les gens au fait que les soins de santé ne sont pas gratuits. Il y a un prix à payer. Un produit de valeur qui ne coûte rien entraîne la surconsommation, c'est un principe qui n'a jamais été démenti, à ce que je sache, depuis la parution de l'ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.

Comme on l'a mentionné en citant l'exemple de Singapour, une autre solution résiderait dans le préfinancement de diverses dépenses. À Singapour, il existe un préfinancement entre les générations grâce à des comptes d'épargne pour soins de santé. Quatre programmes se chargent de la population qui vieillit, soit Medifund, Medishield, Medisave et maintenant Eldershield. Cette solution nous attire parce qu'elle peut être fonction du revenu dans le cas des Canadiens ayant un bas revenu, qui devront toujours compter sur le secteur public pour la majorité de leurs dépenses médicales, et dans le cas de ceux qui se fieront toujours à la protection contre les catastrophes. Aucun mécanisme commercial ne protégera contre le gastrocytome malin de stade 4. Aucun assureur n'offre cette protection.

Il est question ici de faire payer les gens toute leur vie durant. On le fait pour le logement. On répartit le coût d'une maison sur toute une génération; cela s'appelle une hypothèque. On finance son revenu de retraite. Le gouvernement a déjà qualifié le RCP de petit pilier. En tant que Canadien, on doit voir à ce que ses propres économies assurent le financement. C'est seulement pour les soins de santé que nous ne le faisons pas.

Pour répondre à votre question, je pense qu'on sensibiliserait davantage les Canadiens à leur consommation de soins de santé toute leur vie durant, si on mettait en oeuvre le financement intergénérationnel.

Le sénateur LeBreton: C'est un excellent argument.

Je m'adresse encore à vous, monsieur Robinson. À la page 4 de vos documents, vous dites: «Il y a longtemps que la Loi canadienne sur la santé aurait dû être modernisée. Il y aurait lieu de remplacer ses cinq principes actuels par les six suivants: régie publique, universalité, qualité, responsabilisation, choix et durabilité».

Dans les six principes que vous préconisez, quelle place faites-vous à la transférabilité?

M. Robinson: Comme nous l'affirmons dans notre document, il serait possible d'incorporer les autres principes dans une définition élargie, plus exhaustive de l'universalité. Le Conference Board du Canada indique que l'appui en faveur de l'universalité reste fondamentalement constant et c'est un principe que nous appuyons tous. Les questions de transférabilité, d'intégralité et d'accessibilité vacillent au bout de 20 ans, d'après le Conference Board du Canada, et l'appui en faveur de la gestion publique ne cesse de baisser, s'établissant à environ 59 p. 100.

Définissons le terme «transférabilité». Pour certains Canadiens, cela veut dire que, si l'Ontario couvre les traitements de l'infertilité, le Québec devrait aussi le faire dans une certaine mesure. Dans la réalité, ce n'est toutefois pas le cas. Ces traitements ne sont pas couverts au Québec; il n'y a donc pas de transférabilité.

Une province peut aussi rayer de leur liste divers services, de sorte qu'un service peut être assuré dans une province, mais pas dans une autre; il n'y a pas de portabilité dans ce sens.

L'accessibilité a été inscrite dans la Loi canadienne sur la santé en 1994, mais c'est un principe qui est quotidiennement bafoué au Canada. Il est préférable d'être atteint d'un cancer en Ontario qu'en Saskatchewan. La Saskatchewan connaît la plus forte migration de patients cancéreux; ces derniers déménagent à Calgary et en Colombie-Britannique, faute d'accès à des soins en Saskatchewan.

Pour ce qui est de l'universalité, elle fait partie des principes dont nous voulions discuter.

Ils ne sont pas notre propriété exclusive. D'autres organismes, dont l'IRPP et l'OMA, se joignent à la gauche et à la droite politique en ce qui concerne certains nouveaux principes de gouvernance, ce qui reflète réellement l'orientation actuelle et future de notre système de santé, selon laquelle l'exercice de la médecine ne relèvera plus de l'État.

Le rôle du gouvernement est de gérer un service public et de voir à ce qu'il soit fourni, mais il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il doive fournir tous les services publics. Nous sommes d'avis que, si l'on en confie la prestation aux organismes oecuméniques, privés et publics, comme cela s'est toujours fait dans le domaine de la santé finalement, cela refléterait davantage où nous en sommes et où nous nous dirigeons.

Le sénateur LeBreton: Vous pourriez probablement faire valoir le même argument concernant l'intégralité. Cela pouvait vouloir dire une chose dans les années 50 et 60, mais en dire une autre complètement différente maintenant.

M. Robinson: Permettez-moi d'ajouter que c'est le cas. La Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques, et la Loi sur les soins médicaux sont entrées en vigueur en 1957 et 1966, respectivement. Il faut se rappeler qu'à l'époque, la majorité, ou 65 p. 100 des services de santé, comme les résultats de vos recherches le font ressortir et comme nous le soulignons dans notre mémoire, étaient fournis dans des hôpitaux et par des médecins. Aujourd'hui, dans le contexte d'une privatisation partielle, ce pourcentage est inférieur à 50 p. 100. Pour subir une chirurgie de la cataracte, il n'est plus nécessaire d'aller à l'hôpital, car elle se fait au laser dans une clinique ophtalmologique.

Le cadre législatif, la technologie et la prestation des soins de santé ne tiennent pas compte de cette évolution.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Allen, à la page 5 de votre mémoire, vous dites:

Même si un programme national de soins à domicile représente une importante expansion des soins de santé, les soins à domicile ne sont pas nécessairement l'option préférée de ceux qui nécessitent des soins ni des proches qui les leur fournissent. Un programme de soins à domicile doit être mis en 9uvre de manière à ne pas transférer, d'une manière irréaliste, la responsabilité sur les soignants. Cette responsa bilité revient aux femmes généralement, quoique pas toujours.

Je suis entièrement d'accord avec cela.

Je vous demande donc: que faudrait-il faire, à votre avis, pour corriger cette situation? Comment traiteriez-vous toute la question des soins à domicile dans le cadre du système de santé actuellement en place?

M. Allen: Il peut y avoir des cas où, pour le soignant ou pour le patient, il est préférable de s'en tenir aux soins palliatifs.

Permettez-moi de me reporter à l'expérience que j'ai vécue avec mon père. Ma mère ne pouvait pas s'en occuper; c'était tout simplement au-delà de ses forces, et il a reçu de très bons soins palliatifs à Ottawa. Dans d'autres cas, et je suppose que c'est vraiment le choix des familles, des malades préfèrent rester chez eux et y mourir. Il doit y avoir un élément du système reconnaissant ces décisions morales importantes et, pour les familles et les malades qui veulent des soins à domicile, une politique de soins à domicile qui renferme des dispositions qui leur facilitent la tâche.

Bon nombre de soins sont couverts à l'hôpital, mais pas à domicile et, dans les années à venir, les coûts de ces soins risquent de devenir très lourds pour les familles, en particulier les familles à faible revenu.

Le comité doit voir comment ce choix peut s'exercer de manière à reconnaître les questions personnelles et morales qui se posent dans la vie.

Si une personne doit quitter le marché du travail pour donner des soins - et cette personne est généralement une femme - quelles seront les répercussions sur son RPC? Si une personne se retire du régime pendant plus de deux ans, est-elle pénalisée? Dans l'affirmative, le comité pourrait-il se pencher là-dessus? Je sais aussi que des études ont montré que les soins à domicile coûtent moins cher que les soins hospitaliers.

Compte tenu de tous les changements à apporter à notre système de santé, qui est très complexe du fait qu'il exige la participation des provinces, du gouvernement fédéral et d'organismes régionaux et municipaux, ces changements doivent être faits à un rythme raisonnable. Depuis quelques années, le système est l'objet de fortes pressions pour que des changements soient apportés. Une institution est généralement mieux en mesure d'absorber des changements tout en préservant ce qui en vaut la peine, si elle dispose d'une marge de man9uvre et de temps pour le faire.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Buffett, vous dites que nous avons désespérément besoin d'un accès aux résultats significatifs de la recherche en matière de santé et de mieux-être - et je devine que vous parlez de la recherche faite dans le secteur privé aux États-Unis. De toute évidence, le dernier paragraphe de votre mémoire, dans lequel vous dites que l'espérance de vie des Américains a augmenté de 30 ans, est fondé sur des résultats de recherche.

N'existe-t-il aucune recherche menée au Canada pour convaincre la population qu'il est préférable de bien se nourrir, de ne pas fumer et de faire preuve de bon sens pour mener une vie saine?

M. Buffett: Bien sûr, il se fait de la recherche. À l'université Carleton, Martin Shain, que vous connaissez peut-être, et Linda Duxbury ont fait de la recherche qui a ouvert des voies en matière de promotion de la santé.

La difficulté d'accès aux statistiques et aux résultats de recherche et l'opposition à la mise en place efficace de programmes dans les milieux de travail expliquent notre incapacité de prouver au directeur financier ou au directeur général d'un organisme qu'il est rentable de le faire. Nous avons donc désespérément besoin d'analyses coûts-avantages de tels programmes.

Il existe actuellement beaucoup de données américaines qui montrent clairement que non seulement il y a des profits, mais que ces profits sont très importants. Des organismes, IBM par exemple, disent que chaque dollar investi dans la prévention des maladies au travail donne un rendement de six dollars.

Je pense que certains le reconnaissent. Il y a deux ans, le directeur administratif de la revue Fortune a rédigé un article intéressant, selon lequel les directeurs généraux tourneront dans leur tombe parce qu'à mesure qu'avancera le XXIe siècle, la promotion de la santé et le mieux-être départageront les gagnants des perdants; le capital intellectuel que représentent les employés dans la nouvelle société devient l'élément d'actif le plus précieux d'un organisme.

Ce que j'ai vu au Canada et aux États-Unis me porte à croire que le domaine où nous achoppons en tant que pays est celui de la recherche. Des organismes éclairés déclarent: «Peu importe l'absence de recherche, nous savons intuitivement que c'est logique». Il y en a d'autres qui disent: «Montrez-nous des données». Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à cet égard et qu'il faut reconnaître que c'est un domaine très prometteur.

Le sénateur LeBreton: Oui, c'est finalement une question de leadership.

M. Buffett: C'est exact.

Le sénateur Cordy: Ma première question s'adresse à vous, monsieur Robinson. Dans votre exposé, vous avez parlé d'options novatrices en matière de soins de santé. Les travaux de ce comité ont précisément pour objet de découvrir des options novatrices.

Des options novatrices peuvent réussir ou échouer, car c'est la nature même de l'innovation. L'inventeur franchit de nombreuses étapes avant d'arriver au résultat final.

En ce qui concerne la prestation des soins de santé au Canada, comment peut-on envisager l'innovation qui, de par sa nature même, risque de mener à l'échec, alors que les fonds consacrés à la santé sont utilisés au maximum actuellement?

Comment peut-on dire aux Canadiens que des millions de dollars ont été consacrés à une mesure novatrice, mais que cette dernière n'a pas donné les résultats escomptés? Comment peut-on s'y prendre? Je suis d'accord avec vous qu'il faut innover.

M. Robinson: Pour revenir sur l'exposé de M. Allen concernant la médecine fondée sur l'expérience clinique et sur ce que Dr Keon a dit des options novatrices, je dirai que quelque chose d'aussi simple que la prévention des chutes, qui, à part la comorbidité et les maladies chroniques, est la première cause d'admission à l'hôpital de personnes âgées au Canada, est une option novatrice. La prévention peut s'appliquer sans qu'il soit nécessaire d'élaborer une mesure législative ou une directive.

Pour ce qui est de l'innovation, je pense qu'il ne faut pas compliquer les choses et c'est justement à cet égard que la lutte suscitée par le projet de loi 11 en Alberta est révélatrice. L'Alberta a dépensé beaucoup de capital politique pour apporter d'infimes changements à la manière de fournir des soins de santé.

La beauté du fédéralisme est qu'une expérience tentée dans une province bénéficie aux dix provinces. Si l'expérience échoue, il est fort probable que les neuf autres provinces la rejettent. Elles tirent des leçons et essaient autre chose.

Pour sa part, le gouvernement fédéral est tenu d'interpréter davantage la Loi canadienne sur la santé en ce qui concerne l'esprit par opposition à la lettre. Claude Castonguay, père du régime d'assurance-maladie du Québec, a déclaré à votre comité que le programme innovateur d'assurance-médicaments du Québec qui suppose une quote-part contrevient à la Loi canadienne sur la santé. Ce programme se situe à l'extérieur de la Loi canadienne sur la santé. Est-il conforme, selon l'esprit de la loi? Non. Selon la lettre? Oui. Il revient au gouvernement fédéral de trancher.

Une autre option est l'approche novatrice de l'hôpital extra-mural que le Nouveau-Brunswick adoptée et que l'Alberta cherche à adopter, au fond. L'hôpital extra-mural n'est pas une installation de soins de dernier niveau, ni un hôpital tout équipé, mais plutôt une installation où des interventions chirurgicales mineures peuvent se faire et où le patient peut passer la nuit sans y recevoir des soins actifs ou tertiaires. Cette approche se situe à l'extérieur de la Loi canadienne sur la santé. Elle est conforme à l'esprit, mais non à la lettre de la loi pour ce qui est du financement. Nous sommes d'avis que l'adoption des principes de choix et de durabilité que nous proposons rendrait possibles les approches de ce genre.

Permettez-moi d'aborder la question du financement sans effet sur le bilan. Les responsables des Services de santé Royal Ottawa cherchent actuellement - avec l'approbation du gouvernement - à faire construire un hôpital afin de le louer ensuite à l'association de l'hôpital et au ministère.

Cette approche permettra au consortium du secteur privé de toucher un rendement sur son investissement pendant 50, 75 ou 90 ans, soit pendant toute la durée de vie de l'hôpital. Cette approche novatrice favorise les contribuables du fait que le coût est réparti sur 50 ou 90 ans, tout en répondant aux besoins immédiats de services psychiatriques et psychogériatriques dans la région d'Ottawa.

Le sénateur Cordy: Monsieur Allen, vous avez dit que notre système de santé est fondé sur le principe voulant que tous les citoyens partagent les risques. Si vous voulez dire par là que nous sommes responsables socialement de tous les malades et que nous devons prendre soin d'eux, je suis d'accord avec vous. Je me demande si l'idée est bien ancrée dans la population et dans le système de santé que le mieux-être suppose que chacun veille à sa propre santé.

Je voudrais entendre votre opinion et peut-être celle de M. Buffett à cet égard, pour que nous puissions en discuter.

Devrait-il y avoir des incitatifs pour les citoyens et les sociétés qui veulent mettre l'accent sur le mieux-être au travail et sur la santé en général?

M. Allen: Personne ne peut prédire ce que sera son état de santé dans un, deux ou 15 ans. J'ai cessé de fumer. Je cours chaque jour. J'ignore complètement quelle maladie ou quel accident je risque d'avoir un jour.

Bien sûr, en tant que société et qu'individu, chacun doit prendre soin de lui-même et savoir comment le faire de son mieux. Cette question doit se situer dans le contexte de l'imprédictibilité de la santé.

Je pense que c'est là l'avantage du partage des risques dans notre société.

Le sénateur Cordy: Je sais que la santé échappe à toute prédiction. On ne peut prédire son état de santé, mais il y a des facteurs, comme l'alimentation, l'exercice et l'abandon de l'habitude de fumer, que l'individu peut prendre en charge.

M. Allen: Alors, comment pondérer tout cela? Devrait-on enlever des points à ceux qui n'auront pas fait d'exercice ou qui auront été des fumeurs?

Le sénateur Cordy: Je n'en suis pas certaine. Je me demande simplement s'il ne devrait pas y avoir des incitatifs.

M. Buffett: Je pense qu'à plusieurs égards, les incitatifs comportent des risques.

Premièrement, je crois qu'il y aura toujours des organismes moins éclairés qui n'appliquent aucun programme comportant des incitatifs ou qui ne fournissent pas les renseignements dont vous parlez, de sorte que leurs employés seront toujours désavantagés.

Pour revenir à mon observation sur les données, le véritable incitatif ici, non seulement pour les employeurs, mais aussi pour chacun de leurs employés, est une amélioration de la santé.

Pour les employeurs, on voit aux États-Unis, par exemple, des organismes qui ont des taux d'absentéisme nettement inférieurs à leurs concurrents, l'avantage est qu'ils peuvent réduire le prix de leurs produits et services, et devenir beaucoup plus concurrentiels.

Le meilleur exemple que je connaisse au Canada est celui de Husky Injection Molding Systems Ltd. Le taux d'absentéisme moyen dans l'industrie à laquelle cette société appartient est de 9,7 p. 100. La société, entité mondiale établie au Canada, compte maintenant plus de 2 000 employés canadiens, surtout à son installation de Boston, et son taux d'absentéisme est de 1,2 p. 100. Les économies sont phénoménales. Husky Injection Systems fournit sur place des services de naturopathie. Deux médecins font la visite de l'usine régulièrement. Il y a une garderie. Franchement, grâce à ses initiatives éclairées, cette société est maintenant en mesure de livrer concurrence à l'échelle mondiale. C'est sa récompense.

Nous avons besoin d'une recherche plus vaste afin de convaincre le secteur privé que l'incitatif à cet égard est une main-d'9uvre plus productive et en meilleure santé, ce qui signifie franchement une meilleure rentabilité.

M. Robinson: Certains ont fait allusion à des crédits d'impôt pour les sociétés qui avaient des gymnases. M. Buffett a établi avec éloquence qu'il y a déjà un incitatif commercial et que l'intervention d'une politique gouvernementale est inutile.

Si l'on décide d'accorder un crédit d'impôt parce qu'il y a un gymnase ou une main-d'9uvre en santé, pourquoi ne pas en accorder un pour la sociologie appliquée, par exemple, parce que j'ai ouvert la porte ce matin au sénateur LeBreton?

Ce n'est pas le code des impôts qui sensibilisera davantage les gens à la nécessité de prendre soin d'eux-mêmes.

Le sénateur Cordy: Le rôle du gouvernement fédéral serait-il de fournir les résultats de recherche et de sensibiliser la population et les sociétés?

M. Buffett: C'est tout à fait cela.

M. Allen: Ces derniers mois, j'ai lu dans les journaux des articles sur les enfants et les jeunes Canadiens et le problème de l'obésité au Canada et aux États-Unis. On ne change pas cela du jour au lendemain, mais je pense que les gouvernements, les écoles, le système d'éducation ont un rôle à jouer pour corriger la situation. Le temps consacré à la télévision ou à l'ordinateur et la manière de s'alimenter sont des habitudes qui ne peuvent être changées du jour au lendemain.

Je crois que les gouvernements fédéral et provinciaux ont tous un rôle à jouer en collaboration avec le système d'éducation pour convaincre tous les Canadiens que la santé a une certaine valeur en soi. Elle ne nous fait peut-être pas vivre plus longtemps, mais on se sent mieux.

Le sénateur Keon: J'aimerais explorer un thème avec MM. Allen et Robinson et par la suite engager une discussion avec M. Buffet sur les essais cliniques et autres sujets.

M. Allen, dans le troisième point de votre conclusion, vous affirmez que:

Nous n'aimons pas l'insistance que le volume 4 porte aux options axées sur les forces du marché.
À mon avis, la raison pour laquelle les Canadiens se préoccupent tant des tentatives d'altération de notre système de soins de santé à l'heure actuelle, c'est qu'il est revenu au niveau où il était au cours des années 50 alors que des maladies invalidantes et des faillites étaient attribuées aux frais médicaux et hospitaliers inabordables.

Si on pouvait établir une distinction entre le payeur et le dispensateur de services et entre l'évaluateur, le payeur et le dispensateur de services, aurait-on toujours la même objection face aux initiatives privées qui permettraient d'offrir des soins de santé d'une façon plus efficace et plus rentable, tout en maintenant le même niveau de contrôle de la qualité que ce que le système public permet de faire à l'heure actuelle? Autrement dit, si on arrivait d'une façon ou d'une autre à maintenir le concept du payeur unique ou à tout le moins la responsabilité du gouvernement à l'égard des frais de santé pour tous les citoyens, puis à séparer le fournisseur de soins de santé en permettant au gouvernement ou à toute autre compagnie d'assurances complémentaire existante de faire affaire avec le plus bas soumissionnaire en mesure de répondre aux critères établis par l'évaluateur aux fins de contrôle de la qualité, vous opposeriez-vous toujours à l'offre de soins de santé par des personnes ou des organismes privés?

M. Allen: Ce que nous avons dit, c'est que nous n'étions pas tout à fait d'accord avec l'orientation ou l'esprit du volume 4.

Au deuxième paragraphe de la page 5, vous mentionnez un rapport publié dans le Globe and Mail il y a quelques mois. Ce rapport était semble-t-il basé sur un rapport du vérificateur général de l'Alberta qui soulignait qu'il y avait de plus en plus de possibilités de conflits d'intérêts, compte tenu de l'augmentation du nombre d'installations de soins de santé privées, et réclamait des mesures de contrôle plus serrées sur l'attribution de marchés de services chirurgicaux pour empêcher que des médecins occupant des postes élevés détournent des fonds publics vers des cliniques dans lesquelles ils auraient des intérêts financiers.

Nous ne voulons pas faire un discours ou entamer un débat sur le système de marché dans le cadre des présentes séances. Nous tentons simplement de définir les rôles du secteur public et du secteur privé dans l'offre des soins de santé. Nous devons nous demander quelles sont les valeurs à la base des soins en général et des soins de santé en particulier et quel rôle le secteur privé peut jouer dans ce système de soins de santé.

Henry Mintzberg, qui est un théoricien de la gestion à l'université McGill, a dit à bon nombre de reprises qu'il y a certaines choses qui devraient être confiées au secteur privé où elles seraient mieux prises en charge, et d'autres qui devraient être confiées au secteur public.

Il faudrait toutefois se poser les questions suivantes: Dans quel but voulons-nous modifier ou changer le système de soins de santé? Cherchons-nous à réduire les coûts? Nous y consacrons actuellement 9,3 ou 9,4 p. 100 de notre PIB. Comme cette proportion n'a pas beaucoup changé au cours des dix dernières années, pouvons-nous vraiment affirmer qu'il y a une crise au chapitre des coûts? S'agit-il plutôt d'une question basée sur des valeurs voulant que le secteur privé ait un rôle à jouer dans l'offre de soins?

Comment pourra-t-on mesurer le degré d'efficacité si le système change de cette façon? Que cherchons-nous? Si nous voulons réduire les coûts, quelles répercussions tout cela aura-t-il sur ceux qui 9uvrent dans le système? Ce sont là des questions que nous devrions poser.

Le sénateur Keon: Croyez-vous que votre organisme pourrait accepter la participation du secteur privé au niveau de la prestation de services dans la mesure où ces services répondraient aux normes établies par un évaluateur soumis à un contrôle public et où ces services seraient payés selon le principe du payeur unique ou à tout le moins contre une garantie de paiement par le gouvernement?

M. Allen: Si on nous garantissait que les gens vulnérables, les pauvres et ceux qui vivent dans les régions les plus pauvres du pays ne seraient pas exclus, nous pourrions certainement nous pencher sur la question. Je ne peux toutefois pas répondre au nom de tous les membres du Conseil canadien des Églises. Si votre comité peut préparer un dossier, un dossier qui serait basé sur des valeurs qui sous-tendraient le point que vous soulevez, il ne serait pas raisonnable de notre part de ne pas l'étudier.

Le sénateur Keon: Je vous remercie. M. Robinson, quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Robinson: Nous sommes d'avis que pour ce qui est du payeur et du fournisseur, le patient doit être au courant des choix qui s'offrent à lui. Il pourrait avoir droit à des primes d'épargnes en soins de santé, par des options de participation aux coûts, en tenant compte des revenus selon le cas pour les personnes à revenus moyens ou faibles, ou par l'intermédiaire de l'assureur. Nous aimerions voir une disposition de ce genre.

Dans son ouvrage intitulé Code Blue, pour lequel il a reçu le prix Donner, le Dr David Gratzer a souligné que nous avons établi une coupure dans les relations entre le payeur, le patient et le médecin. Au niveau des soins primaires, c'est peut-être effectivement le cas. Je vois le Dr Rachlis dans la pièce qui pourrait exprimer son désaccord à cet égard dans un autre exposé.

Pour en revenir à ce que je disais précédemment sur le Medisave Fund de Singapour, sur les soins de courte durée et les cas graves, les gens contribuent à ce fond par l'intermédiaire de déductions à la source et le gouvernement assure un financement pour les maladies invalidantes pouvant survenir plus tard au cours de la vie d'une personne. Nous reconnaissons que cela comporte certaines limites.

Pour répondre aux questions de M. Allen, j'ai parlé des points rudimentaires de l'idéologie bipolaire portant sur les secteurs public et privé à laquelle le présent débat a été réduit, à l'exclusion de tous les autres. Je crois que nous devons nous pencher à nouveau sur le fait que les hôpitaux de la province appartiennent à des intérêts privés. Ils sont incorporés en vertu de la Loi sur les sociétés par actions et de la Loi sur les hôpitaux de l'Ontario. Ce sont là les deux principales mesures législatives en cause. Ce sont des sociétés privées qui sont gérées par des administrateurs communautaires en vertu d'un mandat public.

Il ne faut pas oublier non plus que compte tenu de ce partage entre le secteur privé et le secteur public, les médecins sont considérés comme des entrepreneurs privés. Ce sont des hommes d'affaires. Certains pourraient ne pas être d'accord avec cela, mais je crois que ce sont des hommes et des femmes d'affaires qui offrent des services publics très importants à la société.

Ce partage entre le secteur privé et le secteur public va plus loin qu'une simple affirmation. Il s'agit d'une question d'équilibre et de dosage. À mon avis, cela porte le débat à un autre niveau.

Le sénateur Keon: Je remarque que vous n'avez rien dit dans votre exposé sur l'état de santé de la population et sur une quelconque évaluation à ce chapitre. Êtes-vous d'accord avec le concept qui veut que toute évaluation doive être menée sur la base de l'état de santé de la population et que toute mesure que nous prenons doit pouvoir être évaluée en fonction d'un résultat mesurable qui permettrait d'améliorer l'état de santé de la population.

M. Robinson: Nous en avons parlé brièvement dans notre mémoire, mais je reconnais que nous avons été limités par le temps.

Le concept portant sur l'état de santé de la population est connu au pays depuis près de 30 ans, soit depuis le rapport de M. Lalonde. Une mise à jour a été effectuée par M. Epp sous l'administration conservatrice, et une autre par M. Rock à la tête de la Direction de la santé de la population crée à Santé Canada.

Nous avons tous été en mesure de saisir l'importance des facteurs que vous énoncez dans le volume 1 de votre rapport par suite des problèmes de Walkerton et de North Battleford. À quoi sert d'avoir les meilleurs hôpitaux du monde si on ne peut compter sur de l'eau potable de qualité.

Nous disons que nous nous occupons des soins de santé. À notre avis, le comité devrait considérer le budget des soins de santé dans le contexte de la santé de la population et des rapports qu'on peut établir avec les finances, l'environnement, l'agence d'inspection des aliments et ainsi de suite.

Nous sommes également d'avis qu'il ne faut pas s'articuler autour de la limitation des coûts. C'est le Dr Fyke qui a souligné au cours de son exposé en Saskatchewan que les soins de santé de bonne qualité coûtent en fait moins cher et non pas plus. Nous sommes d'avis que nous pouvons mettre un très bon système sur pied en se concentrant sur la qualité et l'excellence.

Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question, mais nous nous sommes penchés sur la question et nous en sommes conscients.

Le sénateur Keon: Cela me convient. Je vous remercie beaucoup.

Je vous laisserai la parole M. Buffet, puis je passerai à la partie évaluation de la triade si je peux m'exprimer ainsi.

Vous avez souligné que vous étiez frustré du fait qu'il arrive souvent que l'information sur ce que nous faisons ne soit tout simplement pas disponible. Vous êtes l'un des principaux responsables de l'université McMaster, où se font la plupart des essais cliniques au Canada. À mon avis, l'un des pièges dans lesquels nous sommes tombés dans le domaine des sciences, c'est que lorsque nous ne sommes pas en mesure de prouver quelque chose de façon statistique, nous ignorons tous les autres renseignements que nous avons pu recueillir dans ce domaine au fil du temps.

Dans les débats auxquels j'ai participé au cours des années avec les statisticiens et les cliniciens experts à la table scientifique, lorsque je perdais une argumentation, je soulignais à chaque fois qu'on n'avait jamais fait d'essai clinique sur les parachutes avant de les utiliser. L'armée n'a jamais envoyé la moitié de ses soldats sans les munir de parachutes pour déterminer s'ils étaient efficaces.

À mon avis, le même critère s'applique à la santé de la population. Il est très évident que les riches sont en santé et que les pauvres sont malades. Il me semble parfois que nous tentons de mettre au point des essais cliniques qui nous permettraient de prouver que la neige est blanche.

Quel serait à votre avis le système d'évaluation idéal au Canada? Devrait-il être dirigé par le gouvernement fédéral? Devrait-il plutôt s'agir d'une initiative fédérale-provinciale entreprise en collaboration avec les universités? Le gouvernement fédéral devrait-il être responsable de la qualité et les évaluateurs devraient-ils travailler à contrat à titre d'agents privés? Comment tout ce système d'évaluation devrait-il être conçu selon vous?

M. Buffet: Je crois que le gouvernement fédéral devrait assumer le rôle de direction en collaboration avec les universités.

Je pense par exemple à ce que le gouvernement fédéral a fait au niveau du financement de bon nombre de chaires de recherche. Je me demande si on ne pourrait pas avoir recours au même mécanisme en réduisant l'objectif au dossier de la santé de la population et du bien-être en milieu de travail.

Le sénateur Keon: Ne croyez-vous pas que nous devrions adopter une approche plus large et étudier certains groupes de populations, par exemple nos populations du Nord?

M. Buffett: Tout à fait. En réponse à votre question, j'essaie tout simplement, dans le sens le plus vaste possible, de préciser les secteurs où je crois que nous devons concentrer nos activités. Nous devons très certainement nous pencher sur la situation de nos groupes du Nord. Il existe à l'heure actuelle un phénomène que nous reconnaissons pour la première fois dans une société multiculturelle, et c'est le fait que les gens d'origines ethniques différentes répondent de façon bien différente aux initiatives de promotion de la santé.

Tous ceux qui n'appartiennent pas à une ethnie étrangère devront acquérir certaines connaissances pour apprendre à communiquer efficacement avec des gens de l'Asie orientale par exemple, sur des questions de promotion de la santé, parce qu'il faudrait s'y prendre bien différemment avec eux qu'on le ferait avec des Sud-Américains. Il y a beaucoup de choses à apprendre, non seulement à propos de certains de nos peuples autochtones qui vivent dans des communautés éloignées, mais également en ce qui concerne le vase éventail de gens qui constituent à l'heure actuelle la population canadienne. On doit faire preuve de beaucoup plus de sensibilité en transmettant ce message.

J'ai tenté en grande partie de profiter de ce lieu de travail non seulement pour transmettre des renseignements relatifs à la promotion de la santé, mais aussi pour encourager les gens à y participer. Comme je l'ai souligné plus tôt, il pourrait y avoir des avantages importants pour l'employeur, et dans cette optique, l'investissement pourrait être assez faible.

La nature multiculturelle de la plupart des groupes de travail tient compte de la nécessité d'être beaucoup mieux équipé pour traiter avec une population diversifiée. Mon épouse vient des Indes orientales et sa réaction face à la prévention et à la promotion de la santé est bien différente de celle de la plupart de ses amies canadiennes d'origine. Il faut être sensibilisé à cette réalité.

Le sénateur Robertson: Vos exposés oraux ont été très intéressants. Malheureusement, nous manquons de temps. Nous étudierons les mémoires que vous nous avez fait parvenir. Bon nombre de personnes comprennent maintenant que le meilleur endroit pour fournir des soins de santé pourrait être au travail, dans la collectivité et dans les écoles, c'est-à-dire où nous vivons, où nous travaillons et où nous exerçons nos loisirs.

Y a-t-il quoi que ce soit que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent faire pour aider à encourager les employeurs à participer à ces excellents programmes?

M. Buffet: Nous avons brièvement parlé des mesures d'incitation. Je ne suis pas en faveur de ces mesures. À mon avis, il existe déjà suffisamment d'incitatifs dans ce sens.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont un rôle à jouer au niveau de la sensibilisation du monde des affaires aux avantages financiers que l'on peut tirer de la promotion de la santé sur les lieux de travail. Je suis toujours étonné de voir combien il est difficile de trouver une seule personne de la haute direction des sociétés privées canadiennes qui soit consciente du rôle que son organisation joue ou ne joue pas dans le financement du régime de soins de santé canadien. Comme vous le savez, il existe en Ontario une taxe des employeurs, mais la perception de la gratuité des soins de santé demeure.

Nous n'arrivons pas à faire reconnaître le fait que nous payons tous pour les soins de santé par nos impôts. Nous payons également de façon indirecte par les cotisations sociales que nous versons. Nous avons très peu de renseignements qui pourraient nous permettre de mieux comprendre comment l'organisation A fonctionne par rapport à l'organisation B, C ou D.

À mon avis, l'une des questions sur lesquelles le gouvernement fédéral devrait se pencher est le niveau auquel il est prêt à intervenir. Je ne veux pas utiliser le mot incitatif ou tout autre mot qui pourrait signifier la même chose. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de formation très important pour encourager les chefs d'industries à reconnaître que cela n'est pas différent de la formation.

Au cours des années 60, lorsque j'ai terminé mes études universitaires, la formation n'était ni plus ni moins qu'une farce. Vous vous engagiez pour une organisation qui disait vouloir vous former. Toutefois, vous deviez vous former vous-mêmes si vous vouliez avancer.

C'est là où nous en sommes aujourd'hui dans des dossiers comme la promotion de la santé. Nous devons prendre des engagements administratifs face à la santé de nos employés, pour la simple raison que c'est une mesure logique du point de vue des affaires. C'est également logique au chapitre du maintien de notre système de soins de santé national.

Vous connaissez ces statistiques. Vous savez que 35 p. 100 de la population canadienne est considérée comme étant obèse. Plus de la moitié des Canadiens vivent une vie sédentaire. Je crois que 35 p. 100 des Canadiens qui travaillent soulignent qu'ils sont très stressés. Selon les données de la Table ronde sur la santé mentale, 20 p. 100 des Canadiens souffriront de dépression à un moment ou l'autre de leur vie. Au cours des deux derniers mois, deux jeunes dans la trentaine que je connaissais, quoique de loin, se sont enlevés la vie. Ces gens n'avaient pas vraiment de problèmes dans leur carrière, mais, sans que les gens qui étaient près d'eux ne s'en rendent compte, ils étaient atteints de dépression. Ils n'en parlaient à personne et ils ont fini par se suicider.

Le gouvernement doit absolument jouer un rôle important pour sensibiliser les gens aux avantages que nous tirerons d'accroître notre niveau de santé collectif.

Le sénateur Robertson: M. Allen, le conseil se préoccupe tout naturellement des Canadiens pauvres et désavantagés qui n'ont pas droit aux mêmes avantages que d'autres.

Le conseil a souligné, à juste titre, que s'il devait y avoir des changements au sein du système de santé qui exigent la participation des citoyens par exemple, les gens moins nantis pourraient avoir à en souffrir. Ils pourraient avoir l'impression de recevoir des soins de moins bonne qualité.

Il n'y a pas si longtemps, l'universalité des soins était considérée comme une vache sacrée au Canada. Il n'y a pas si longtemps, et c'est en fait le comité actuel composé de différents membres qui l'a fait, on a recommandé au gouvernement fédéral que les allocations familiales, soit l'argent versé par le gouvernement fédéral pour les enfants, ainsi que les sommes versées aux personnes âgées, soient consacrées à ceux qui avaient le plus besoin de cet argent et que cela ne constitue pas un paiement universel. C'était le premier écart au principe de l'universalité. Nous n'entendons plus parler de verser les allocations familiales ou les pensions à ceux qui en ont le plus besoin.

Si nous pouvons sans trop de conséquences, établir un système de soins de santé selon ces paramètres et fournir des soins de santé qui assurent une certaine participation pour ceux qui en ont le plus besoin, cela serait-il choquant pour le conseil?

M. Allen: Nous n'avons pratiquement rien fait au chapitre de la pauvreté chez les enfants depuis 1989. En fait, l'écart entre les nantis et les non nantis s'est même creusé au pays.

Le sénateur Robertson: Je comprends cela.

M. Allen: Compte tenu des sommes que nous consacrons aux soins de santé par rapport à notre PIB, nous soutenons la concurrence avec la plupart des pays de l'OCDE. Certains pourraient dire cependant que nous sommes à la limite et que nous ne dépensons pas beaucoup.

Si nous nous préoccupons de la santé et du bien-être des citoyens et de nos collectivités, les soins de santé ne sont qu'une partie de l'équation si je peux dire. Je ne suis pas économiste, mais je crois que nous pourrions réduire nos dépenses dans le domaine de la santé si nous avions de meilleurs programmes sociaux. Au cours des cinq ou six dernières années, les programmes sociaux ont subi d'énormes compressions dans bon nombre de provinces. On trouve dans nos groupes plus de gens qui font appel aux programmes des sans-abri et aux soupes populaires. Ce ne sont plus uniquement des hommes seuls, mais des familles entières.

Je crois que le comité doit se pencher sur cette question. Vous devez évaluer ce que nous dépensons et comment nous le dépensons pour nous rappeler que les autres programmes sociaux ont des répercussions importantes sur notre santé à titre individuel et à titre collectif. Cela serait essentiel pour nous.

Le sénateur Robertson: Vous parlez de restructurer tous nos services sociaux. Nous parlerons de cette question une autre fois.

Le comité a souvent posé la question suivante: Si nous avions besoin de plus d'argent, ces sommes devraient-elles venir des contribuables de qui l'on exigerait davantage en impôts, ou directement des usagers sous forme de participation aux coûts pour les services offerts? Quel est votre avis à ce sujet, M. Robinson?

M. Robinson: D'une façon ou d'une autre, l'argent viendra des contribuables qui utiliseront les services.

Le sénateur Robertson: Vous avez raison.

M. Robinson: Ce qui nous importe, c'est qu'il y ait une plus grande responsabilité au niveau des soins primaires, soit sous forme de paiement ou à tout le moins d'une certaine sensibilisation.

Deux provinces on déjà mis sur pied un système de vérification de points de service qui prévoit des contre-vérifications et des contrôles. On pose aux patients des questions du genre: Votre médecin a-t-il bien pris ces mesures? Savez-vous combien cela coûte? C'est un pas dans la bonne direction.

Nous sommes d'avis que le système est trop orienté sur l'aspect de l'offre et pas suffisamment sur l'aspect de la demande au chapitre de l'utilisation des soins de santé.

En fin de compte, il devrait y avoir une plus grande responsabilisation individuelle, tout en maintenant le respect de nos principes et des besoins des personnes à faibles revenus, des besoins au chapitre de l'accès et des coûts exorbitants entraînés par certaines maladies et que personne n'est en mesure de payer.

Le sénateur Robertson: Vous avez parlé plus tôt de l'hôpital extra-mural du Nouveau-Brunswick qui fonctionne indépendamment du système. J'aimerais préciser qu'il ne fonctionne pas de façon indépendante. Il est régi par la Loi hospitalière du Nouveau-Brunswick et fait partie du système de santé. La seule chose que nous ayons enlevée, c'est l'hospitalisation.

M. Robinson: Je le comprends, madame le sénateur, mais cet hôpital ne relève pas de la Loi canadienne sur la santé puisque les Néo-Brunswickois ont décidé de payer eux-mêmes pour cet hôpital à même leurs impôts provinciaux, les transferts du TCSPS ne couvrant pas les hôpitaux extra-muraux.

Le sénateur Robertson: Non, c'est faux.

M. Robinson: M. Robichaud du Conseil consultatif national sur le troisième âge a dit dans un exposé présenté devant le comité d'Elsie Wayne - et il s'agit là d'une commission financée par le gouvernement - que le TCSPS ne finançait pas les hôpitaux extra-muraux du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Robertson: Il s'agit peut-être d'une modification apportée très récemment. Je vais vérifier mes données. Je vous remercie.

Le sénateur Callbeck: M. Allen, dans votre exposé, vous avez parlé de la responsabilisation des gouvernements, du fait que les gouvernements devraient être obligés de faire rapport aux contribuables de l'argent qu'ils dépensent. Si les gouvernements provinciaux envoyaient un relevé annuel de leurs dépenses à chacun des contribuables pour leur faire savoir combien d'argent a été dépensé pour eux au cours de l'année, cela serait-il efficace? Est-ce que cela vaudrait la peine?

M. Allen: Je crois que vous trouverez de bien meilleurs commentaires à ce sujet dans d'autres exposés. Toutefois, je suis d'avis qu'il faudrait établir des normes nationales à ce sujet pour que l'on pose les mêmes questions et que l'on se penche sur les mêmes problèmes, que l'on vive à Terre-Neuve ou en Colombie-Britannique. Il devrait y avoir une seule série de normes pour la préparation d'un genre de «fiche de rendement». Je ne suis pas certain que ce soit là le bon terme, mais ce que je veux dire, c'est qu'il devrait y avoir des normes sur lesquelles le gouvernement et les provinces pourraient s'entendre. En ce qui a trait à la façon d'en arriver à un tel consensus des deux côtés, c'est une question à laquelle vous voudrez peut-être réfléchir.

Il devrait y avoir certains dénominateurs communs au pays qui tiennent compte des coûts, mais également des normes et autres données sur le bien-être. Pourquoi les citoyens d'une partie du pays ne devraient-ils pas entendre parler des innovations adoptées dans une autre province, des idées nouvelles qui ont amélioré la fourniture de soins aux personnes et à leurs collectivités.

Le président: Je vous remercie tous de votre présence. Comme vous le savez, nous aurions pu poursuivre cette discussion pendant longtemps.

Sénateurs, le dernier groupe de témoins que nous entendrons avant le déjeuner est composé du Dr Michael Rachlis, qui est l'un des écrivains, rédacteurs de discours et autres les plus actifs dans le domaine de la réforme des soins de santé, le Dr Joel Lexchin du Medical reform Group, et le Dr Arif Bhimji de la société At Work Health Solutions inc, qui est accompagné de Gery Barry, le PDG de Liberté Santé.

Dr Lexchin, je commencerai avec vous. Nous avons bon nombre de questions à vous poser et je vous demanderais donc de nous présenter votre exposé très sommairement.

Le Dr Joel Lexchin, Medical Reform Group: Au nom du Medical Reform Group qui réunit environ 150 médecins ontariens, je vous présenterai quelques-uns des points qui sont définis plus en profondeur dans notre mémoire.

J'ai entendu plus tôt le sénateur Keon demander s'il serait acceptable de demander au public de payer pour des services privés. La situation qui prévaut aux États-Unis est une excellente illustration de la raison pour laquelle nous ne devrions pas nous engager dans cette voie.

Je sais que le comité n'est pas particulièrement intéressé à entendre parler de ce qui se passe aux États-Unis parce que nos deux systèmes sont trop différents. Toutefois, j'aimerais attirer votre attention sur les cliniques américaines de dialyse. Tous les services de dialyse rénale sont remboursés par l'assurance-maladie aux États-Unis, quel que soit l'âge du patient. Environ les deux tiers de ces services sont assurés par des installations privées et les autres par des établissements publics. Une étude publiée récemment dans le New England Journal of Medicine s'est penchée sur les taux de mortalité dans ces deux types de cliniques et sur les renvois aux fins de transplantation rénale dans ces deux types de cliniques. Les résultats démontrent que les taux de mortalité sont de beaucoup supérieurs, par environ 20 p. 100, dans les cliniques privées, malgré le fait qu'elles soient financées à même les fonds publics. C'est la même source d'argent. Ils ont également démontré que le taux de renvois aux fins de transplantation est plus faible dans les cliniques privées que dans les cliniques publiques. C'est la seule étude qui ait porté sur les différences entre les soins offerts par les secteurs publics et privés, mais dans ce cas, c'est particulièrement pertinent puisque les fonds proviennent de la même source. Il s'agit de fonds publics.

L'interprétation est assez simple. Les services médicaux privés ne sont pas aussi bons que les services publics. C'est là une raison fondamentale pour refuser les services de santé publics.

Quelqu'un a parlé plus tôt de la façon dont le programme d'assurance-médicaments du Québec respecte l'esprit de la Loi canadienne sur la santé. J'aimerais faire part de mon désaccord à ce sujet. Les données contenues dans le volume 4 de votre rapport sur le pourcentage de gens qui ont accès à une assurance-médicaments est tout à fait inexact. Ce ne sont pas tous les Ontariens qui ont accès à ce type d'assurance.

Si tous les Québécois ont théoriquement accès à l'assurance-médicaments, compte tenu des frais d'utilisation qui sont exigés des personnes âgées, lesquels peuvent atteindre jusqu'à 750 $ par année si je m'abuse, un grand nombre de personnes ne retirent de ce fait aucun bénéfice de ce régime d'assurance. Le régime mi-public mi-privé adopté au Québec a entraîné des problèmes sérieux.

Une étude menée à l'université McGill a démontré qu'après l'adoption de ce système au Québec, le nombre d'hospitalisations, de visites chez le médecin et dans les cliniques d'urgence par les personnes de plus de 65 ans tirant des prestations de bien-être social ont beaucoup augmenté parce que ces gens devaient payer des frais d'utilisation. Ces frais vont à l'encontre de l'objet même de l'assurance-médicaments. Lorsqu'on impose des frais d'utilisation, les gens omettent de prendre des médicaments qui leur sont essentiels, ce qui les rend ensuite plus malades. On l'a prouvé au Québec.

Enfin, le Medical Reform Group se demande pourquoi le volume 4 de votre rapport fait fi ou minimise les principes de la Loi canadienne sur la santé et avance des positions qui correspondent davantage au système américain.

Nous devons déterminer s'il existe un conflit d'intérêts ici entre certains de membres du comité, tout particulièrement en ce qui a trait au président, le sénateur Kirby, compte tenu du poste qu'il exerce au sein du conseil d'Extendicare. Extendicare est un réseau privé de services et le volume 4 du rapport semble appuyer l'offre de services par le secteur privé et le financement privé de ces services. Nous considérons qu'il y a un problème important à ce chapitre également.

Le président: Puisque vous avez soulevé la question, permettez-moi de faire deux commentaires à ce sujet.

Tout d'abord, nous parlons d'un rapport unanime dont je suis loin d'être le seul auteur puisqu'il a été préparé par une douzaine de personnes, dont le sénateur Keon qui, comme vous le savez bien, appartient à la profession médicale, le sénateur Yves Morin, qui est l'ancien doyen de la faculté de médecine de l'université Laval, du sénateur Brenda Robertson, autrefois du ministère de la Santé, et du sénateur Catherine Callbeck, anciennement première ministre. C'est mon premier point.

Deuxièmement, ce document présente des options. Il ne propose pas de solutions en particulier. Je crois que vous vous montrez injustes envers mes collègues. Vous pouvez penser ce que vous voulez en ce qui me concerne, mais il est injuste pour mes collègues de prétendre qu'en raison de mes occupations, ce rapport ne reflète que l'opinion d'une seule personne et non l'opinion unanime du comité.

Je ne veux pas discuter de cette question avec vous, je voulais simplement mettre cette chose au point. Vous pouvez poursuivre.

Le Dr Lexchin: C'est très bien. J'ai terminé. Merci.

Le Dr Michael M. Rachlis, à titre personnel: Messieurs, dames les sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi de pouvoir m'adresser à vous ce matin. J'ai déjà rencontré certains d'entre vous plus tôt et je suis très heureux de vous revoir.

J'ai remis une copie des grandes lignes de ma présentation à votre personnel. J'espère qu'on vous l'a remise. J'ai également fait parvenir une disquette sur laquelle se trouvent trois de mes plus récents écrits dont je pourrais parler.

Tout d'abord, j'aimerais souligner qu'à mon avis, il était approprié d'adopter le régime d'assurance-maladie, même si plusieurs personnes se demandent si nous avons pris la bonne décision. Certains ont avancé que c'était une bonne chose il y a plusieurs années lorsque nous étions tous jeunes et en santé. Toutefois, ils sont d'avis que maintenant que nous sommes vieux et décrépits, nous ne pouvons plus nous le permettre.

Le Canada et les États-Unis disposaient de systèmes de soins de santé semblables et l'état de santé global de leur population était similaire il y a 50 ans lorsque Tommy Douglas a jeté les jalons de l'assurance-maladie en Saskatchewan. Nos budgets de soins de santé étaient semblables à ce moment-là. Maintenant, les Canadiens paient 50 p. 100 de moins en proportion de leur PIB pour les soins de santé. Environ 42 millions d'Américains n'ont accès à aucune forme d'assurance-maladie. Des dizaines de millions d'autres n'ont accès qu'à un régime tellement inadéquat que 500 000 d'entre eux ont dû déclarer faillite en raison de dépenses de santé énormes. Le taux de mortalité infantile est inférieur de 30 p. 100 au Canada par rapport aux États-Unis.

Malgré le fait que le comité s'est efforcé de dire qu'on doit regarder ailleurs qu'aux États-Unis pour établir nos politiques, il ne faut pas oublier que nous en sommes arrivés à une croisée des chemins il y a 50 ans et que si le reste de la société canadienne s'est beaucoup américanisée depuis ce temps, notre système de santé lui est devenu plus canadien. Cela devrait être une source de fierté pour nous, et nous ne devrions pas oublier les répercussions que cette décision judicieuse prise il y a cinquante ans peut avoir eues.

Deuxièmement, en ce qui touche l'assurance-maladie, le vrai problème n'est pas qu'elle soit financée à même les fonds publics ou que les services soient offerts sans but lucratif, mais plutôt qu'elle ait été conçue pour une autre époque. Nous avons commencé à parler d'assurance-maladie au Canada il y a une centaine d'années. En 1919, Mackenzie King a forcé le gouvernement libéral en poste à inclure l'assurance-maladie dans son programme électoral. Il ne s'est passé que 47 ans avant que la mesure législative ne soit adoptée.

Le président: Les choses évoluent lentement au gouvernement, tout comme dans les universités.

Le Dr Rachlis: Pour ce qui est des promesses de 1997 sur les soins à domicile et l'assurance-médicaments, on peut donc penser que le dossier sera réglé d'ici 2043, bien que j'espère que les choses iront plus rapidement grâce aux interventions de votre comité.

Le vrai problème, c'est que le système d'assurance-maladie a été conçu pour une autre époque, alors que la tuberculose, la diphtérie, la polio et autres maladies étaient chose courante. Il y avait alors beaucoup plus d'accidents et de blessures par habitant qu'il n'y en a à l'heure actuelle. Même au cours des 10 dernières années, on a fait des progrès très importants qui ont malheureusement eu des conséquences négatives pour les gens qui sont en attente d'une transplantation parce que les traumatismes étant moins fréquents, il y a moins d'organes disponibles pour la transplantation.

Notre principal problème, c'est que nous ne réagissons pas bien à la transition que nous avons établie pour traiter particulièrement avec les maladies chroniques. Nos services de soins aigus sont parmi les meilleurs au monde. Il n'y a pas de meilleur endroit qu'au Canada où être victime d'une grave crise cardiaque ou d'un grave accident d'automobile. Dieu nous en préserve, mais dans le cas de toute situation grave exigeant des soins aigus, les soins offerts au Canada sont aussi bons que n'importe où ailleurs.

Toutefois, les soins que nous offrons aux malades chroniques sont au mieux médiocres. À l'heure actuelle, le programme de contrôle du diabète consiste principalement en une chirurgie de dérivation et une dialyse rénale. Il est intéressant de noter qu'il existe dans les Territoires du Nord-Ouest de bons exemples de soins dans le domaine du diabète et j'ajouterais d'ailleurs que ce sont les meilleurs que j'aie trouvés au pays. Les services de dialyse qui y sont offerts ont débuté avec sept patients en 1997. Selon les renseignements les plus récents dont je dispose, il semble qu'il n'en reste plus que trois ou quatre maintenant, et ce alors que dans le reste du pays, le taux de dialyses a grimpé de plus de 40 p. 100.

Le vrai problème c'est que nous nous occupons tellement mal des malades chroniques que des milliers de personnes meurent prématurément chaque année en raison du manque de médecins et de soins hospitaliers.

L'hypertension en est un autre exemple. Tout au plus 30 p. 100, et peut-être même plutôt 20 p. 100 des Canadiens dont la tension artérielle est élevée sont contrôlés efficacement. Des milliers de Canadiens meurent chaque année pour cette simple raison.

Troisièmement, le système n'est pas trop coûteux et il ne souffre pas d'un manque désespéré de fonds. Le Canada consacre à peu près le même pourcentage de son PIB que les autres pays riches dans ce domaine. Nous dépensons un peu moins que la France et l'Allemagne, un peu plus que le Danemark, la Suède et la Norvège et beaucoup moins que les États-Unis qui gaspillent beaucoup d'argent en frais généraux.

Les coûts ne sont plus répartis de la même façon et le gouvernement fédéral paie beaucoup moins alors que les provinces versent davantage, ce qui a restreint le pouvoir du gouvernement fédéral de faire appliquer la Loi canadienne sur la santé.

Mon quatrième point est le plus important. Nous sommes en mesure de régler les problèmes dans le domaine des soins de santé et nous le faisons. Il y a des milliers d'exemples qui le prouvent. Si je pouvais passer quelques jours avec le comité, je crois que je pourrais vous donner, sur papier, des solutions pour chacun des problèmes que nous pouvons avoir au niveau de l'accès aux soins et de la qualité du service au pays. La mise en 9uvre politique est plus problématique, mais sur papier, je crois que je pourrais trouver une solution à chacun de ces problèmes. Des recommandations ont été faites à ce niveau depuis 20 ou 30 ans.

Je sais que le Sénat se préoccupe depuis longtemps des soins palliatifs. Beaucoup trop de Canadiens dont le décès est prévisible en raison d'un cancer meurent dans les unités de soins de courte durée ou dans les services d'urgence.

À Edmonton, malgré d'importantes compressions budgétaires, les autorités régionales ont mis sur pied un nouveau programme intégré de soins palliatifs qui a mené à l'offre de soins de meilleure qualité à meilleurs coûts. Si ce programme pouvait être appliqué sans délai d'un bout à l'autre du pays, je crois que nous pourrions libérer près de 1 800 lits dans les hôpitaux, soit l'équivalent de ce que nous trouvons dans toute la ville de Winnipeg.

L'attente de soins est un problème épineux au pays. Certains de ces problèmes ne pourront se régler sans une augmentation des ressources, par exemple, selon les données épidémiologiques sur la coxalgie, nous devrions probablement effectuer un plus grand nombre de chirurgies de la hanche. Toutefois, dans la plupart des domaines, la demande est semblable à ce qu'elle était l'an dernier et elle sera comparable l'an prochain.

Les délais administratifs implicites réduisent la rapidité avec laquelle nous pouvons offrir des soins. Lorsque nous faisons disparaître ces délais, comme cela s'est fait à Sault Ste-Marie, nous arrivons à réduire les périodes d'attente, particulièrement dans les cas de cancer, de plus de 80 p. 100. À Sault Ste-Marie, en centralisant le système d'enregistrement des traitements, le délai moyen entre une mammographie et le traitement final pour un cancer du sein est passé de 107 à 18 jours. Cela s'est fait en seulement trois mois. Nous pourrions en faire autant partout au pays. Je pourrais vous donner des précisions sur la façon dont cela peut se faire. Presque tous les délais dans les cas de traitements relatifs au cas de cancer pourraient être réduits de plus de 70 p. 100 au pays, sans devoir y consacrer davantage de ressources.

Cinquièmement, le financement privé et les services à but lucratif ne feraient qu'envenimer les problèmes. Le financement privé ne fait qu'accroître les coûts globaux, particulièrement au chapitre de l'administration, et a tendance à nuire tout particulièrement aux patients les plus vulnérables. Les services à but lucratif accroissent les coûts, particulièrement au chapitre de l'administration et ont tendance à diminuer la qualité. Il y a certains organismes privés à but lucratif qui font du très bon travail au pays. Par contre, je suis d'accord avec le Dr Lexchin pour dire que le poids de la preuve démontre que c'est loin d'être une panacée. Presque toutes les études effectuées démontrent que les coûts ont augmenté et que la qualité en a souffert.

Puisque nous pouvons régler les problèmes de l'assurance-maladie sans nous éloigner de notre cadre d'action historique basé sur le financement public et les services à buts non lucratifs, que le financement privé et les services à but lucratifs ne feraient tout probablement qu'empirer les choses et que la plupart de ceux qui proposent le recours aux services privés prétendent croire aux valeurs de l'assurance-maladie, ne devrions-nous pas d'abord adopter les interventions qui ont fait leurs preuves et qui permettraient d'accroître la qualité et le niveau d'accès sans pour autant entraîner des coûts prohibitifs? Cela ne devrait-il pas être la première chose à faire?

Je pourrais vous donner des centaines d'exemples de ce que nous pouvons faire pour améliorer la qualité au sein du cadre d'action traditionnel sans accroître les coûts. Ne devrions-nous pas faire ces choses d'abord et voir ensuite s'il est vraiment nécessaire de recourir au secteur privé?

En terminant, j'aimerais exhorter les membres du comité à se pencher tout d'abord sur des solutions qui tiennent compte de nos valeurs traditionnelles portant sur le financement public et les services à but non lucratif et à recommander ces solutions aux Canadiens plutôt que de songer au financement privé et aux services à but lucratif.

Le président: Nous entendrons maintenant le Dr Arif Bhimhi de la société At Work Health Solutions. Il est accompagné aujourd'hui de M. Gery Barry, qui est PDG de Liberté Santé. L'un d'entre vous prendra-t-il la parole ou comptez-vous faire une présentation conjointe?

Le Dr Arif Bhimji, président, At Work Health Solutions Inc.: Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part des développements dans le domaine des soins de santé au Canada.

Tout d'abord, nous aimerions nous présenter. Je suis le fondateur et le président de la société At Work Health Solutions, qui est un service indépendant basé dans la région métropolitaine de Toronto. Nous offrons des services de médecine du travail, de santé et sécurité et de promotion de la santé. J'ai également été responsable de la gestion des programmes de soins de santé pour les opérations globales de la société Magna International à titre de vice-président des services de santé, un poste que j'ai occupé au cours des neuf dernières années. Au cours des six dernières années, j'ai également occupé le poste de directeur médical de la société Liberté Santé, qui est l'une des plus grandes compagnies d'assurance maladie au pays. J'ai obtenu un doctorat en médecine de l'université de la Saskatchewan. J'ai également obtenu une maîtrise en administration des affaires et occupé un poste de professeur au département de l'administration de la santé de l'université de Toronto. Dans mes temps libres, je continue de travailler au service d'urgence du South Lake Regional Health Centre à Newmarket.

Je suis aujourd'hui accompagné de M. Gery Barry. M. Barry a obtenu un baccalauréat en sciences mathématiques avec grande distinction de l'université Notre-Dame et une maîtrise en sciences dans le domaine des mathématiques appliquées de l'université Rutgers. Il est membre de la Société des actuaires qui est le principal organisme autorisé à délivrer des titres et certificats en matière actuarielle dans le domaine de la santé et de la vie, tant au Canada qu'aux États-Unis. Tout au cours de sa remarquable carrière d'actuaire, M. Barry s'est spécialisé dans les régimes de retraite collectifs et d'assurance-maladie de groupe. Il a passé 21 ans aux États-Unis, à l'administration centrale de Aerna et il a occupé au cours des cinq dernières années le poste de président et directeur général de la société Liberté Santé, une compagnie canadienne offrant des régimes d'assurance-maladie et d'avantages sociaux collectifs installée ici dans la région du Grand Toronto.

Liberté Santé a remplacé Ontario Blue Cross, un programme d'assurance-maladie facultatif subventionné et mis sur pied par le gouvernement de l'Ontario. Liberté Santé est le plus important fournisseur d'assurance-maladie supplémentaire individuelle au Canada. Nous sommes également l'une des quelques compagnies se disputant la faveur des consommateurs pour les plus importants comptes d'assurance groupe au niveau national.

Nous appuyant sur nos connaissances professionnelles combinées dans le domaine des assurances et de la médecine du travail et sur notre expérience pratique et notre engagement personnel dans une grande variété de tribunes connexes, nous avons tiré les conclusions suivantes que nous aimerions partager avec vous aujourd'hui.

Le meilleur moyen d'étudier logiquement les questions relatives aux soins de santé est de retourner à la base. La clef est d'examiner ce que nous appelons aujourd'hui notre régime d'assurance-maladie pour ce qu'il est et a toujours été, c'est-à-dire un programme d'assurance contre la maladie. La Loi canadienne sur la santé n'a pas mis sur pied de programme de gestion de la santé publique, même si cette loi a des répercussions sur la santé de la population.

De même, si elle a des répercussions sur la structure des services de soins de santé, la Loi canadienne sur la santé n'établit pas non plus un programme pour l'offre de soins de santé. La Loi n'a fait qu'établir un programme d'assurance-maladie universel exclusif qui est contrôlé et dirigé par le gouvernement.

Le problème auquel nous faisons face aujourd'hui vient du fait que ce programme d'assurance ne donne plus les résultats attendus, c'est-à-dire qu'il ne permet plus de rembourser tous les avantages qui sont dus au groupe de gens qu'il assure, soit tous les Canadiens. La valeur de la couverture fournie par l'assurance-maladie s'est diluée au point où elle est devenue tout à fait inadéquate. La plupart des gens le savent et, malheureusement, bon nombre de personnes en subissent les conséquences.

De combien d'agent privons-nous le programme d'assurance-maladie? Quel niveau de soins de santé finançons-nous par rapport à ce qui serait nécessaire? Il est presque impossible de le calculer précisément, mais il y a un certain nombre de méthodes raisonnables qui nous donnent de bonnes approximations, dont une qui rejoint la méthode servant à calculer les prestations d'assurance-maladie dans le secteur privé et qui démontre un écart de 20 à 25 p. 100, ce qui correspond à environ 20 milliards de dollars.

Quelles sont les conséquences de tout cela? Qu'est-ce que cela signifie si nous ne finançons que 75 à 80 p. 100 des services médicaux, hospitaliers et infirmiers et des services du laboratoire et autres? Cela signifie que nous restreignons l'accès. Un accès restreint est le prix à payer pour un financement inadéquat et cela est lourd de conséquences, particulièrement en termes cliniques.

Je peux vous faire part de certains exemples révélateurs. Seulement 60 p. 100 des patients cardiaques à qui on prescrit un angiogramme en subissent un dans les délais maximums, et six pour cent de ceux qui attendent de le subir font un infarctus ou meurent avant de pouvoir le subir. Une étude sur le traitement du cancer menée en Ontario a démontré que le temps d'attente pour le traitement du cancer au Canada est sensiblement plus élevé que ce que les onco-radiologistes considèrent acceptable du point de vue médical. Le 2 janvier de l'année dernière, 23 des 25 salles d'urgence de Toronto ont été fermées à tous les patients, quel que soit leur état de santé. Mon dernier exemple pour aujourd'hui est le suivant: Les listes d'attente pour une opération de remplacement d'une articulation sont devenues tellement longues que les administrateurs du système de santé songent à mettre au point programme de gestion complet de ces listes.

La restriction de l'accès entraîne le rationnement des services et le recours à des critères ponctuels et incohérents au niveau local pour décider qui aura droit aux soins et qui n'y aura pas droit. Cela va à l'encontre des principes de justice, d'égalité et d'équité du régime d'assurance-maladie.

Comment peut-on régler ce problème? Il y a une solution simple. Nous devons financer adéquatement le niveau des prestations que le régime d'assurance-maladie promet depuis le début. Cela n'est peut-être pas aussi impossible que cela en a l'air. Si le Canada arrivait à maintenir le rendement optimisé des dernières années au chapitre des niveaux de productivité, les revenus du gouvernement seraient suffisants pour compenser les augmentations réelles nécessaires au chapitre des dépenses en soins de santé par habitant et nous pourrions même reprendre un peu du terrain que nous avons perdu au cours de la dernière décennie. Nous pourrions ainsi commencer à remettre l'assurance-maladie sur une solide base actuarielle. Si nous ne pouvons pas le faire ou que nous choisissons de ne pas le faire, nous devons alors redéfinir nos engagements en matière d'assurance-maladie, de façon à rétablir l'équilibre entre les engagements pris auprès des Canadiens pour ce qui est des prestations pour soins de santé et des revenus générés.

Il y a plusieurs façons de le faire sans toucher au principe de l'universalité des soins aigus médicalement nécessaires. Toute solution qui ne prévoirait pas une augmentation du financement ou une nouvelle définition de ce que couvre la Loi canadienne sur la santé pourrait certes être utile, mais elle n'aurait pas beaucoup de valeur. Cela comprend les solutions qui ont déjà été soumises et définies dans le volume 4. Je parle de la réforme des soins primaires, de l'imposition de modestes frais d'utilisation et autres solutions de ce genre.

En toute justice, nous devons voir à ce que les Canadiens puissent avoir accès à des soins alternatifs si nous continuons de restreindre l'accès aux services et de rationner les soins nécessaires offerts par le système public.

Y a-t-il d'autres sources de financement auxquelles on peut faire appel rapidement? Peut-être y en a-t-il. Les employeurs en particulier ont déjà un intérêt direct pour les soins de santé en raison de leur dépendance face à la productivité de leurs employés. Alors que les employeurs remboursent déjà une grande partie des coûts d'une assurance supplémentaire, il est économiquement avantageux pour eux de rembourser certains soins de santé supplémentaires dans le but de réduire l'absentéisme et les coûts reliés à l'invalidité et d'accroître le rendement au travail.

Dans bon nombre de cas, nos études, rapports et évaluations sur l'état du système canadien de soins de santé ne tiennent pas compte des coûts engendrés pour la société par le temps de travail perdu, la maladie, la perte de productivité et la perte de la qualité de vie pour les 14 millions de travailleurs Canadiens qui n'ont pas accès aux services de santé et qui ne peuvent retourner au travail en temps opportun après une maladie ou une blessure.

Ce sont là des coûts cachés du système de soins de santé et ils dépassent de loin les coûts de notre système de soins médicaux, selon des recherches qui ont été menées par le gouvernement fédéral. Les programmes de santé financés par l'employeur comprennent les programmes d'invalidité de courte et de longue durée, ainsi que l'indemnisation pour accident de travail. Ces programmes touchent la majorité des travailleurs canadiens et ils sont tous offerts à l'extérieur du cadre de la Loi canadienne sur la santé.

Malheureusement, en raison de la nature très fermée de notre système actuel de soins de santé, tous les Canadiens doivent chercher à obtenir des soins par l'intermédiaire du système public dont nous avons déjà reconnu les limites. Ces limites ont aussi une incidence sur les écarts de productivité dont j'ai parlé précédemment. Comme les dispositions portant sur l'indemnisation pour accident de travail et les services grand public ne relèvent pas de la Loi canadienne sur la santé, on pourrait y ajouter un programme de distribution de soins fort qui serait assuré par le secteur privé pour soulager les installations publiques actuelles. On pourrait encourager les organismes du secteur privé à tirer profit des installations existantes ou de nouvelles installations pour desservir les besoins courants d'un grand nombre de Canadiens dans le but de respecter les promesses avancées en vertu de la Loi canadienne sur la santé.

En accueillant le secteur privé et en le renforçant, le secteur public pourra disposer d'une ressource complémentaire à laquelle il pourra faire appel au besoin pour optimiser ses propres besoins au niveau de l'accès et de l'efficacité. Les promesses implicites de la Loi canadienne sur la santé seront plus faciles à réaliser si les soins remboursés à même les fonds publics sont clairement définis et qu'on encourage le secteur privé à s'occuper des gens qui ne sont pas couverts par les dispositions de la Loi canadienne de la santé.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté. Nous tenterons de répondre de notre mieux à vos questions.

Le président: Dr Lexchin, pourriez-vous nous faire parvenir les données sur la couverture des soins de santé? Je vous demande cela parce que lorsque nous avons entendu les chiffres de 100 p. 100 mentionnés pour l'Ontario, nous avons été aussi étonnés que vous l'avez été vous-même. Franchement, je ne peux me souvenir à ce moment-ci d'où les recherchistes du comité ou moi-même avons tiré ces chiffres, mais si vous avez des données plus précises à ce sujet, cela nous aiderait beaucoup. Si vous vouliez bien nous les faire parvenir, cela nous aiderait beaucoup.

Dr Rachlis, pourriez-vous nous dire comment nous pourrions réduire les files d'attente et nous dire pourquoi, si cela est aussi simple que vous le prétendez, et je n'ai pas de raison de croire que vous avez tort, on ne l'a pas fait encore? Je suis toujours un peu inquiet lorsqu'il semble exister des solutions simplistes à des problèmes complexes et que ces solutions n'ont pas été mises en 9uvre. C'est là ma première question.

Ma deuxième question porte sur un commentaire que l'on trouve à la fin de votre mémoire, dans lequel vous vous demandez si nous ne devrions pas entreprendre la réforme du programme d'assurance-maladie en étendant rapidement les meilleures pratiques partout au pays. Encore une fois, nous sommes d'accord avec cela, puisque c'est ce qui justifie l'idée de la réforme des soins primaires. La question à laquelle le comité s'est accroché, comme vous pouvez le constater, est celle de savoir ce qui arrivera si ce n'est pas suffisant.

Il y a deux écoles de pensée. L'une prétend qu'il ne faut pas s'en faire avant d'être rendus à cette étape. La préoccupation de notre comité, et je crois que nous l'avons exprimée de façon assez claire, était que nous devions commencer dès maintenant à penser à ce que nous devrions faire si ce n'était pas suffisant, plutôt que d'attendre que la crise éclate pour constater que ce n'est pas suffisant.

Même en utilisant nos données, sans tenir compte de celles du Dr Lexchin, il est très clair qu'il y a un écart de plus en plus important dans notre filet de protection touchant les coûts des médicaments. Il est important de tenter de déterminer comment on peut élargir le système pour pouvoir fournir à tout le moins un accès aux médicaments en temps de crise, si ce n'est avant. Cela nous a porté à croire que nous devons réfléchir à la façon dont nous pourrons régler le problème si les changements proposés ne suffisent pas.

C'est là la question qui préoccupe les membres du comité. Si vous pouviez nous éclairer sur ces deux points, cela nous serait certes très utile.

Le Dr Rachlis: Pour ce qui est de savoir pourquoi nous n'avons pas adopté de meilleures méthodes de gestion des attentes, et d'autres meilleures pratiques, je crois qu'il y a plusieurs raisons qui peuvent l'expliquer. Pour toutes ces meilleures pratiques que je recommande, dont certaines ont déjà été mises en application, le principal problème se situe au niveau des fournisseurs de soins. Comme bon nombre d'entre nous, ces derniers ne tiennent pas à modifier leurs façons de travailler, même si cela pourrait entraîner des améliorations pour eux à plus long terme. Personne ne veut modifier sa façon de travailler.

Cela s'ajoute à un autre problème qui est le suivant. Il n'y a pas d'appui au niveau politique pour ces modifications parce que le public ne comprend pas grand chose à toutes ces questions. Je suis un peu gêné d'avouer qu'à venir jusqu'à il y a environ un an, je ne connaissais moi-même pas grand-chose aux délais administratifs qui sont inhérents aux listes d'attente.

Comme on l'a décrit récemment dans un article publié dans le Journal de l'Association médicale canadienne l'été dernier et dans un article précédent de la Revue canadienne de santé publique, publié il y a environ un an, en Ontario où la situation semble être la pire à cet égard, les femmes subissent en général une mammographie dans une clinique de radiologie privée. Le radiologiste étudie toutes les mammographies. Si le résultat est positif, il dicte ses conclusions qui devront par la suite être transcrites et transmises au bureau du médecin de famille de la patiente. Tout le processus comprend de nombreuses étapes.

Le médecin de famille rencontre alors la patiente. Cette dernière se montre bien sûr très inquiète et désire subir une biopsie le plus rapidement possible. Ce n'est qu'après avoir reçu les résultats de la biopsie, ce qui peut prendre des semaines et même plus que le médecin de famille peut alors renvoyer la patiente chez un chirurgien. La patiente passe alors à une nouvelle série d'étapes. Toutes ces étapes comportent des délais.

Toutefois, nous pourrions faire des plans qui correspondraient aux besoins. Nous savons que si nous faisons 1000 mammographies cette semaine, 50 ou 80 d'entre elles donneront un résultat positif. Ces femmes voudront qu'on fasse une biopsie le plus rapidement possible. Nous pourrions donc garder 50 rendez-vous ouverts pour la semaine prochaine et les combler dès que ces femmes auront obtenu le résultat de leur mammographie.

De la même façon, cinq ou huit de ces femmes obtiendront un verdict de cancer du sein et voudront subir une chirurgie le plus rapidement possible. Nous pourrions réserver de cinq à huit places pour la deuxième semaine, pour que ce soit possible de le faire. C'est ainsi qu'on a procédé à Sault Ste-Marie.

Pourquoi ne procède-t-on pas ainsi partout? J'ai présenté cette proposition à certains des hauts responsables de la gestion du système de santé au printemps dernier et à d'autres par la suite. La seule chose qu'on ait dite par la suite, sans trop d'enthousiasme, c'est que nous pourrions certes adopter certaines de ces mesures, mais que notre façon actuelle de prévoir les chirurgies dépend de la communauté. En fait, cela passe presque toujours par le département de la chirurgie, mais dans certaines collectivités, le processus est très démocratique et tous savent bien ce qui se passe, y compris l'administration. Dans d'autres endroits, même les premiers gestionnaires de l'hôpital ne savent pas comment les horaires de chirurgie sont établis.

Pour mettre ce genre de système de gestion des listes d'attente en 9uvre, il faut être en mesure de centraliser les enregistrements, peut-être pas pour toutes les interventions, mais pour certaines d'entre elles. Il ne faut pas entraver les méthodes de renvoi traditionnelles parce que, en collaboration avec les médecins d'une collectivité qui font des interventions pour un cancer du sein, il s'agit uniquement de réserver le nombre de places dont on aura besoin cette semaine pour des femmes qui ont subi une biopsie la semaine précédente. Il ne s'agit pas d'entraver les procédures de renvoi normales.

Les administrateurs peuvent hésiter à agir ainsi parce qu'ils font déjà face à un conflit entre les administrateurs et les médecins et qu'ils ne veulent pas empirer la situation. Si le public ne le demande pas, alors ils ne se pencheront pas sur la situation.

À mon avis, c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas mis ces propositions en application.

Là où on l'a fait, les résultats ont été très positifs. J'ai entendu dire la semaine dernière qu'on avait adopté cette méthode pour les chirurgies relatives au cancer du sein à Winnipeg, et que les résultats étaient en tous points comparables à ceux obtenus à Sault Ste-Marie.

Le président: On peut donc dire que cela fonctionne, mais qu'il y a une très forte résistance de la part de ce que l'on pourrait appeler le système, c'est à dire les intervenants actuels au sein du système.

Le Dr Rachlis: Il y a une certaine résistance qui a été constatée à de nombreuses reprises et c'est pourquoi j'espérais que votre comité adopte un rôle de chef de file au pays pour faire avancer ces dossiers et ensuite adopter l'appui politique dont nous avons besoin pour mettre ces changements en pratique.

Le président: Pour rendre ces changements obligatoires, vous voulez dire?

Le Dr Rachlis: Il y aurait de nombreux moyens d'arriver à ces fins sur le plan politique. Encore une fois, je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps ce matin. Si j'avais toute une journée, je pourrais vous donner beaucoup d'exemples de moyens d'y arriver. Il faut changer les pratiques cliniques. On a besoin de politiques gouvernementales qui soutiennent ce changement, puis d'un processus qui permettra la réalisation de ces politiques.

Pour votre deuxième question, à savoir ce qui arrivera si cela ne suffit pas, en tant que médecin pratiquant dans le contexte de la médecine communautaire, j'essaierais de prévenir les conflits éthiques et politiques plutôt que d'avoir à composer avec.

Su la question des médicaments, je peux vous dire que je prends personnellement le médicament pour l'hypertension le plus recommandé par les ordres professionnels, ou peut-être le deuxième à ce titre, tant au Canada qu'aux États-Unis. C'est de l'hydrochlorothiazide. Presque personne ne le prend parce qu'il existe depuis 45 ans. Son brevet est échu. Par comparaison avec les médicaments plus récents, il a moins d'effets secondaires, moins de gens cessent de le prendre et il est plus efficace. Il est prescrit à moins de 5 p. 100 des Canadiens souffrant d'hypertension parce que les sociétés pharmaceutiques ont dépensé deux fois plus en marketing qu'ils n'ont dépensé pour le mettre au point.

Le président: On ne peut pas exactement dire qu'elles ont fait de la vente sous pression.

Le Dr Rachlis: Je vous laisse l'utilisation de ce terme.

Les patients diabétiques ou atteints d'insuffisance cardiaque ne devraient pas prendre d'hydrochlorothiazide, mais probablement qu'au moins la moitié des Canadiens atteints d'hypertension pourraient commencer par prendre ce médicament, et la plupart d'entre eux continueraient toujours à le prendre. Il me coûte environ 1 $ par année pour 12,5 milligrammes par jour. C'est moins cher de prendre mon médicament pendant deux ans que ce que la moyenne des Canadiens dépensent en une journée pour leurs médicaments contre l'hypertension.

On peut trouver beaucoup d'exemples de ce genre. Il suffirait souvent d'améliorer la qualité des ordonnances pour améliorer radicalement la qualité des soins tout en réduisant les coûts. Je pense que nous devrions consacrer au moins un an ou deux à la mise en oeuvre de programmes de ce genre. Nous pourrions alors évaluer si nous avons réellement besoin de plus d'argent. Si c'est le cas, nous pourrions alors décider si cet argent devrait provenir de sources publiques ou privées.

Je serais en faveur de sources de financement publiques. Si l'on commence à mettre en oeuvre des programmes qui assurent une plus grande qualité et des coûts moindres, l'efficacité est tellement plus grande qu'on n'a vraiment pas à s'inquiéter au sujet de l'argent. Il suffit de se concentrer sur la qualité. C'est ce que j'aimerais voir.

Pour moi, un retour aux principes fondamentaux ne veut pas dire qu'il faut chercher un mode de financement du système; cela signifie qu'il faut améliorer la qualité des soins et, comme Fyke l'a dit, cela aboutit presque toujours à une réduction des coûts.

Le sénateur Keon: Michael, êtes-vous convaincu que l'hydrochlorothiazide est aussi efficace dans la prévention de l'athérosclérose progressive que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion?

Le Dr Rachlis: Nous n'avons pas les données à long terme à cet égard, et c'est pourquoi les inhibiteurs de l'enzyme de conversion sont recommandés pour les patients diabétiques ou souffrant d'insuffisance cardiaque.

À court terme, on sait que c'est au moins aussi efficace, sinon plus, que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion pour stabiliser la pression artérielle. Franchement, je trouve très réconfortant, quand je prends ma pilule, le matin, de savoir que c'est un médicament en usage depuis 45 ans parce que, comme vous le savez peut-être, il arrive souvent qu'on découvre, pour des médicaments qui sont sur le marché depuis quelques années, des effets secondaires qui n'avaient pas été décelés chez les quelques milliers de patients ayant été soumis à des essais cliniques.

J'ai tout à fait confiance en ce médicament. C'est le plus recommandé, ou peut-être le deuxième parmi les plus recommandés, par les ordres professionnels des États-Unis et du Canada.

Le sénateur Keon: Je vais commencer avec le Dr Bhimji et ramener la conversation à un élément que tout le groupe pourra commenter.

La Loi canadienne sur la santé a créé un système qui plaçait les médecins dans les hôpitaux. En ce qui a trait aux médecins dans les hôpitaux, il y a un certain degré de sécurité. Les gens sont assez bien couverts; pas tous, mais la plupart.

Quand on y regarde de plus près, on découvre qu'ils n'ont pas une si bonne couverture. J'ai beaucoup d'expérience de la chose. J'ai essayé de créer des programmes de prévention des maladies cardiovasculaires sans avoir de financement à cette fin. Vous avez pour concurrent une entreprise américaine qui s'installe en ville, donne des cours de cuisine, engage des orateurs prestigieux et obtient que les gens s'engagent et paient les frais.

À l'autre bout du spectre, on a des cas de phase terminale et des cas chroniques pour lesquels la couverture n'est tout simplement pas adéquate. Tout médecin traitant vous racontera, j'espère, les difficultés que connaissent maintenant les gens qui obtiennent leur congé de l'hôpital. Pour commencer, ils ont des soins à domicile, mais quand le nombre de visites auxquelles ils ont droit se termine, ils doivent payer les frais. Beaucoup d'institutions pour malades chroniques ne sont pas entièrement financées par le gouvernement.

Devrait-on généraliser ce fonctionnement? Le système fonctionne essentiellement sur une base à 70 p. 100 publique et à 30 p. 100 privée. Devrions nous généraliser de manière que tout soit financé à 70 p. 100 par des fonds publics et à 30 p. 100 par des fonds privés?

Le Dr Bhimji: Ce serait certainement une option.

Je parle un peu au nom des employeurs quand je dis que le système actuel ne fonctionne pas bien pour les employeurs. Ce sont eux qui assument les coûts spécifiques dans l'ensemble du système de santé. Par exemple, 70 p. 100 du coût des médicaments est payé par les particuliers, et 30 p. 100 est payé par différents régimes publics.

Si nous en arrivions à un système qui établit que les coûts sont répartis dans l'ensemble de la société, y compris les lieux de travail, je serais d'accord à condition que nous définissions quelle contribution incomberait à chaque partie et quels services seraient assurés contre cette contribution.

Il faut nous rappeler, comme M. Robinson l'a signalé tout à l'heure, qu'il n'y a qu'un seul contribuable. Dans un sens, il n'y a aussi qu'un seul consommateur.

Peu importe le modèle qu'on applique, il faut surtout s'assurer que nous ayons le financement suffisant pour assurer les services que nous promettons. C'est le principe de base de l'assurance, que cette assurance soit offerte par le secteur public ou par le secteur privé.

Comme on l'a déjà dit, ce qui me préoccupe avec le régime de soins de santé actuel, c'est qu'il se défend mal du point de vue actuariel. Les fonds ne suffisent pas pour ce qui est censé être fourni aux Canadiens, et je vous ai donné des exemples précis de situations où le système n'a pas fonctionné.

Le président: Toutefois, ces situations sont en partie dues au fait que les représentants du secteur public parlent toujours de notre régime public d'assurance-maladie alors que ce que nous avons réellement, c'est un régime public de financement des hôpitaux et des médecins. Les termes généralement utilisés ne correspondent pas à la réalité.

Le Dr Bhimji: Au bout du compte, il faut se demander combien d'argent on a et comment on utilisera cet argent. Je ne conteste pas le point de vue du Dr Rachlis, qui veut augmenter l'efficience du système, mais je crois qu'il est sous-financé, étant donné ce que nous attendons, en tant que Canadiens, de notre régime de soins de santé.

C'est là-dessus que nous devrions nous concentrer, et non sur les 9 p. 100 du PIB qui y sont consacrés ou autre chose du genre. Nous devons décider quels services nous voulons, quels services seront couverts et qui les couvrira, du secteur privé ou du secteur public. Nous devons ensuite nous assurer qu'il y a une solution de rechange pour les services que nous aurons choisi de ne pas offrir dans le cadre du régime public.

Le sénateur Keon: Michael, avant que vous répondiez à cela, permettez-moi d'élargir un peu le contexte pour vous.

Personnellement, en tant qu'administrateur, l'une des frustrations que j'ai subies, c'est que je pouvais toujours créer de nouveaux programmes puisque, comme le personnel l'Institut de cardiologie est salarié, cela n'avait aucune répercussion sur le salaire de nos médecins. Quand nous recrutons à l'extérieur, nous nous faisons avoir, parce qu'il faut des années avant que d'autres puissent utiliser le système de facturation de l'OHIP. Il n'y avait aucun moyen de régler ce problème.

Je vous présente une question à deux volets. Je voudrais que vous répondiez d'abord à la question que j'ai posée au Dr Bhimji, puis que vous traitiez de tout cet aspect de la rémunération des médecins et de la manière dont nous pourrions surmonter cet obstacle majeur au progrès.

Le Dr Rachlis: Je répondrai brièvement à la première question, afin que je puisse consacrer un peu plus de temps à votre deuxième question.

Pour reprendre ce que j'ai dit plus tôt au sujet du financement public, je crois c'est plus efficient, que cela réduit les coûts indirects et que c'est plus équitable. Il me semble que, plutôt que d'envisager le paiement des services des hôpitaux et des médecins par les particuliers, nous devrions examiner la promesse faite par M. Chrétien en 1997, quand il a dit que les soins à domicile et les médicaments seraient dorénavant financés par les fonds publics. On aurait les mêmes avantages dans ce cas.

Comme le Dr Lexchin l'a signalé, selon les exemples de système mixte, public et privé, que nous avons au Canada pour les médicaments, comme c'est le cas au Québec, ce changement semble avoir engendré des milliers d'admissions supplémentaires à l'hôpital et probablement quelques décès. Cela ne semble pas être une solution avantageuse.

En général, je crois que les avantages du financement public font que nous devrions envisager une couverture encore plus grande du régime public.

Quant à savoir comment nous y prendre sur le plan logistique, je ne me souviens pas des détails du livre de Malcolm Taylor. Je pourrais vérifier cela, mais votre personnel pourrait le faire aussi. Si je me souviens bien, quand nous avons adopté un régime d'assurance-hospitalisation au Canada, puis d'assurance-maladie, on a dû rajuster les impôts en conséquence parce que la plupart des grandes sociétés payaient la cotisation de leurs employés. Quand on a accru l'assiette du financement public, cela a donné lieu à une certaine augmentation d'impôt.

Je ne parlerais certainement pas au nom des grands employeurs de notre pays, mais je crois que bon nombre d'entre eux seraient probablement intéressés à faire un échange quelconque, parce que la plupart d'entre eux paient probablement davantage, actuellement, pour donner des avantages directs à leurs travailleurs, qu'ils ne paieraient s'ils avaient à payer plus d'impôt pour financer une régime gouvernemental.

Généralement, dans ce genre de situations, ce sont les petits employeurs, qui ne paient pas ces avantages, qui sont pris à la gorge. Aux États-Unis, en fait, c'est la raison pour laquelle les petits employeurs comptent parmi les principaux détracteurs d'un régime public.

Pour ce qui est de votre deuxième question, Dr Keon, au sujet de la rémunération des médecins, je suis d'avis que, si nous devons adopter les nouveaux modèles de prestation dont on parle depuis des décennies, nous devons envisager de changer le mode de rémunération des médecins pour que le reste des programmes fonctionne mieux, et non pas seulement pour changer. Il y a deux raisons à cela.

Premièrement, certains programmes ne peuvent tout simplement pas fonctionner si les médecins sont payés à l'acte. Par exemple, au cours des 10 dernières années, des essais de systèmes de soins et de contrôle pour les diabétiques, mis à l'essai dans le cadre d'une étude sur le diabète faite au Royaume-Uni, et d'autres expériences sur le contrôle du diabète ont montré que, si nous passons d'un modèle de soins où le contact habituel des patients est une infirmière travaillant avec l'appui d'une équipe de médecins, diététiciens et autres spécialistes, comme il y en a dans les cliniques du diabète que l'on trouve dans beaucoup de villes canadiennes de nos jours et qui desservent une très petite minorité des patients diabétiques, on effectue une meilleure surveillance. Ainsi, le taux d'insuffisance rénale et d'autres complications chute radicalement.

Les médecins qui travaillent avec ce genre de programmes jouent essentiellement un rôle de consultant, et leurs services sont rémunérés différemment. On ne peut mettre en oeuvre les nouveaux programmes dont nous avons besoin, surtout pour le traitement de maladies chroniques, sans changer le mode de paiement des médecins.

La deuxième raison d'appuyer une modification du mode de paiement du médecin, c'est que le paiement à l'acte est extrêmement injuste pour les médecins. Les Canadiens s'imaginent que l'assurance-maladie est le meilleur exemple de l'équité propre au Canada, et que nous différons de nos cousins américains parce que nous accordons tellement plus d'importance au bien-être de nos semblables. C'est vrai que, par rapport aux Américains, les Canadiens, riches ou pauvres, obtiennent des soins de santé parmi les meilleurs du monde.

Pour les médecins payés à l'acte, ce sont les meilleurs médecins qui font le moins d'argent, et les pires qui en font le plus. En Ontario, un médecin de famille peut travailler 70 heures par semaine à faire tout ce qu'il faut, à rencontrer longuement ses patients, à avoir de longues conversations téléphoniques, sans jamais atteindre les 100 000 $ par année. C'est la réalité.

Ce docteur regarde autour et voit d'autres médecins qui ne travaillent que de 9 heures à 17 heures et qui voient 60 ou 80 patients, ou même plus. Au Nouveau-Brunswick, des études ont montré que certains voyaient plus de 100 patients par jour. Une tel médecin peut offrir de très mauvais soins et engendrer des coûts élevés pour le système mais, en Ontario, celui-ci aurait un revenu net de 250 000 $ ou 300 000 $ par année, deux fois et demie à trois fois plus que son collègue consciencieux.

Il y a un problème majeur au Canada. Les médecins canadiens considèrent que le régime d'assurance-maladie est corrompu parce qu'il récompense la mauvaise pratique médicale. Même au sein d'une même spécialisation, les disparités sont immenses. Bien sûr, dans le champ de la médecine, les gens ont essayé de régler le problème des disparités. En général, les perdants, surtout chez les chirurgiens pratiquant une sous-spécialisation - non pas les chirurgiens cardiovasculaires, mais les otorhino-laryngologistes, les ophtalmologistes et d'autres s'y opposeront jusqu'à la mort. Les médecins qui en bénéficient ne s'y opposeront pas fort.

Comme la plupart d'entre vous le savent déjà, en Ontario, le Dr John Wade a consacré deux années et demie à rédiger un excellent rapport. Maintenant, comme tant d'autres, ce rapport ramassera la poussière sur la tablette, parce qu'il ne propose pas de solution aux disparités.

Les Canadiens ne savent pas à quel point les incitatifs nuisibles pour les médecins réduisent la qualité des soins offerts, ni que cela entraîne des milliers de pertes de vie chaque année en raison d'un mauvais suivi des maladies chroniques. Ils ne se rendent pas compte que beaucoup de médecins sont traités injustement par le système de paiement à l'acte. J'aimerais que le comité porte ces questions à l'attention du public. On peut espérer que l'opinion publique en sera quelque peu mobilisée et que cela entraînera des changements.

Le sénateur Keon: Dr Lexchin, voulez-vous formuler des observations sur cette question?

Le Dr Lexchin: Je serais heureux de le faire.

Pour ce qui est du partage à 70 p. 100 contre 30 p. 100, je signale que les 70 p. 100 de financement public au Canada nous placent à la queue par rapport aux pays de l'OCDE. Le financement public, dans les pays européens, est généralement beaucoup plus élevé en pourcentage de l'ensemble des dépenses en santé. En fait, au Danemark, je crois qu'il se situe autour de 92 p. 100.

Le président: Ai-je raison de dire que les pays de l'OCDE couvrent aussi plus de services?

Le Dr Lexchin: Effectivement. Par ailleurs, à quelques exceptions près, ils consacrent une moins grande part de leur PIB à la santé.

Nous devons nous demander si notre système ne serait pas sous-financé. Qu'est-ce qu'on apprend des régimes européens? Si nous envisageons d'étendre le partage public-privé à tous les services, nous devons d'abord augmenter le pourcentage de financement public. Quelqu'un a dit que nous devons nous rappeler qu'il n'y a qu'un seul contribuable. Je suis d'accord, mais quand on commence à ajouter du financement privé pour les soins de santé, on doit se demander qui paie réellement.

Plus les impôts servent à financer un régime public, plus le régime est progressif. Autrement dit, les gens les plus riches sont ceux qui paient, tandis que ceux qui ont le plus besoin des services - généralement les pauvres - en bénéficient. Quand on commence à ajouter des frais d'utilisation et du financement privé, les moins nantis commencent à payer davantage pour leurs soins de santé, parce que ce sont les plus gros utilisateurs.

Quand on dit qu'il n'y a qu'un contribuable, il faut penser à la manière dont on distribue l'argent. Un régime public est le régime le plus efficace et le plus équitable comme moyen de distribution de l'argent.

J'ai fait quelques recherches dans le domaine du régime d'assurance-médicaments. D'après les chiffres de 1996 pour les médicaments d'ordonnance, nous avons payé quelque 6,6 ou 6,7 milliards de dollars par année en 1996, pour les médicaments d'ordonnance. Cela ne comprend pas les honoraires du pharmacien, les marges bénéficiaires ou d'autres frais. Si l'on se tournait vers un régime entièrement public, la population dépenserait davantage, probablement environ 3,1 milliards de dollars de plus, mais on économiserait au bout du compte environ 600 millions de dollars par année sur le coût des médicaments d'ordonnance.

Cette plus grande efficience se réaliserait de deux manières: premièrement, les coûts d'administration seraient moins élevés. Les chiffres que j'ai vus laissent croire que les compagnies d'assurance privées consacrent environ 8 p. 100 de l'argent perçu aux coûts administratifs, contre 2 p. 100 dans le cas de régimes comme le Programme de médicaments de l'Ontario. On économiserait ainsi environ 100 millions de dollars par année en frais d'administration. On économiserait aussi de l'argent parce qu'on aurait un monopsone.

Pour illustrer cela, prenons la différence entre les coûts des médicaments au Canada et en Australie. Les deux pays ont des régimes économiques semblables. Les deux pays ont des régimes d'assurance-maladie semblables. En 1993 ou 1994, le prix moyen pour les médicaments, en Australie, était de 30 p. 100 sous la moyenne de l'OCDE. Au Canada, il était d'environ 30 p. 100 supérieur à cette moyenne. Cette différence était largement favorable à l'Australie en raison de sa position en tant que monopsone. Ce pays avait un seul programme d'assurance-médicaments pour tout le pays et a donc pu réduire le prix des médicaments.

Le président: C'est pourquoi l'une des options que nous proposons est un formulaire national. Seriez-vous d'accord avec cela?

Le Dr Lexchin: Je serais d'accord, absolument.

Pour ce qui est du mode de rémunération des médecins, encore une fois, si l'on se fie au secteur des médicaments d'ordonnance, on a certains éléments qui laissent voir que les médecins qui ne sont pas payés à l'acte offrent un meilleur service pour ce qui est de prescrire des médicaments que ceux qui sont payés à l'acte.

Je suis d'accord avec Michael pour dire que l'élimination du système de paiement à l'acte serait avantageux sur le plan de la qualité des soins. On peut offrir de meilleurs soins, je crois, avec d'autres modes de paiement qu'avec le paiement à l'acte.

Le sénateur Cordy: Dr Lexchin, vous avez parlé des sondages réalisés. Pouvez-vous nous fournir ces données?

Le Dr Lexchin: Quel sondage?

Le sénateur Cordy: Je parle des sondages faits auprès des Canadiens dont les résultats vont à l'appui du principe d'une hausse des impôts plutôt que de l'imposition de frais d'utilisation.

Le Dr Lexchin: Je vais essayer.

Le président: Nous l'avons peut-être mentionné dans notre premier rapport. J'ai certainement mentionné des sondages de ce genre publiés dans les journaux. Si vous pouvez nous fournir de nouveaux éléments, Joel, ce serait utile.

Le sénateur Robertson: Quand on parle de passer du paiement à l'acte à un système de postes salariés, combien de temps faudrait-il?

Je comprends tout à fait que ce que vous dites au sujet de certains médecins qui ne passent que cinq minutes avec un patient avant de se précipiter pour en voir un autre. Combien de temps nous faudrait-il pour former un assez grand nombre de médecins pour que le temps passé avec chaque patient puisse être plus long, que les soins soient meilleurs et que la relation soit meilleure entre le médecin et le patient?

Le Dr Rachlis: Êtes-vous en train de me demander combien de temps il faudrait pour former les médecins pour qu'ils puissent travailler en fonction du nouveau modèle?

Le sénateur Robertson: Non.

Dans certaines régions du pays, il est impossible de trouver un médecin de famille. Si vous avez la chance d'en avoir un, il vous consacre trois ou quatre minutes entre deux autres consultations. Si le médecin continue ainsi toute la journée et une partie de la soirée, son revenu peut être assez important. Inversement, le patient à qui le médecin consacre un temps de consultation plus normal aura de très bons soins. Mais s'il n'y a pas assez de médecins dans la région, combien de temps faudra-t-il pour rattraper le retard, afin que le nombre de médecins disponibles soit assez grand?

Le Dr Rachlis: Si l'on ne change pas la façon dont on paie les médecins et la façon ils traitent les gens, surtout dans le cas des médecins de famille, nous n'aurons jamais le temps.

Je tiens à dire respectueusement que je ne suis pas du tout d'accord avec le collège des médecins et chirurgiens du Canada, qui indiquait dans son rapport de la semaine dernière qu'il nous faudrait 3 000 médecins de plus. Le Dr Ben Chan, de l'Institut de recherche en services de santé, dont le siège est à l'hôpital Sunnybrook de Toronto, a effectué une bonne étude, il y a environ deux ans. Il avait alors constaté que, en seulement six ans, soit de 1991 à 1997, la proportion des médecins de famille de l'Ontario qui ne faisaient aucune pratique en dehors de leur bureau avait augmenté de 55 p. 100. Ces médecins n'assurent aucun service à l'hôpital ou à domicile, pas de soins d'obstétrique ou de traitements d'urgence ni rien d'autre.

Le nombre de médecins de famille par habitants au Canada a diminué d'environ 4 p. 100 au cours de la dernière décennie, mais la courbe tend maintenant à remonter. Le nombre de médecins de famille n'a pas beaucoup changé, mais ce qui a radicalement changé, c'est que ceux-ci réagissent finalement à ces incitatifs nuisibles. Il n'y a rien d'étonnant à ce que tellement d'entre eux appliquent ce genre de méthode accélérée.

Le vrai mystère est de savoir pourquoi tellement de dévoués médecins de famille assurent encore de bons soins malgré les inconvénients sur les plans financier et personnel, étant donné que nous avons environ un médecin de famille, ou un équivalent plein temps, pour 1 400 personnes, au Canada. Nous ne savons pas le nombre exact, bien sûr, mais je peux vous signaler de nombreux exemples de médecins de famille travaillant au sein d'une équipe interdisciplinaire qui peut soigner 2 000 patients par mois, ou même davantage.

Le meilleur exemple que je puisse donner est le Dr Tony Hamilton, à Beechy, en Saskatchewan, au nord de Swift Current. Quand les autres médecins de famille de la localité sont partis, il était sceptique à l'idée de travailler en plus étroite collaboration avec les infirmières, mais il a essayé. Il travaille maintenant avec trois infirmières spécialisées et le reste du personnel en soins à domicile et en santé mentale, qui font partie des autorités du district. À eux tous, ils traitent 4 000 patients. Il n'y a qu'un seul médecin de famille. Ils ont aussi un registre des diabétiques à leur programme. Ils assurent de bons soins. Si tous les médecins du Canada étaient comme le Dr Tony Hamilton, il y aurait 10 000 médecins de famille en trop au pays.

La solution au problème n'est pas de trouver plus de médecins pour travailler dans ce système terriblement inefficace; la solution est de modifier le système. Je crois que la plupart des médecins de famille trouveraient les nouvelles pratiques beaucoup plus enrichissantes sur le plan professionnel.

Le sénateur Robertson: Ce qui importe surtout, c'est ce mouvement d'entraînement vers une pratique multidisciplinaire.

Le Dr Rachlis: Bien sûr. Il faut aussi que les spécialistes travaillent différemment. Ils doivent agir davantage en tant que consultants pour l'équipe des soins de base, et doivent intégrer leur expertise dans ce type de pratique. Il se pourrait très bien qu'on constate alors que le nombre de nos spécialistes est plus que suffisant pour nous assurer de très bons soins de santé.

L'envers de la médaille, c'est que, si nous ne modifions pas le mode de paiement des médecins, si nous ne faisons pas en sorte qu'ils travaillent en équipe, comme le Dr Keon le disait au sujet de l'Institut de cardiologie, nous pourrions ajouter 30 000 médecins et nous aurions toujours de nombreuses lacunes.

Le sénateur Robertson: Merci de revenir là-dessus.

Le président: Juste pour insister sur ce que vous venez de dire, nous avons entendu des témoignages la semaine dernière selon lesquels il y aurait 195 ou 295 - je ne parviens pas à me rappeler du chiffre - infirmières diplômées et ayant toute la formation voulue qui sont incapables de pratiquer en Ontario en raison des règles de formation sur le cadre des fonctions. Cela confirme absolument tout ce que vous venez de dire, en y ajoutant un chiffre.

Le Dr Rachlis: Je crois que l'Ontario a l'une des législations les plus progressistes quant au permis de travail des infirmières.

Le véritable enjeu est plutôt le fait que le gouvernement de l'Ontario n'a pas insisté sur le recours à des équipes interdisciplinaires en raison de la stratégie appliquée pour la réforme des soins de santé primaires.

Comme vous pourrez l'entendre cet après-midi de la bouche de M. Gary O'Connor, il y a jusqu'à 50 localités ontariennes qui aimeraient avoir un centre de santé communautaire interdisciplinaire, mais le gouvernement de l'Ontario ne donne pas suite à leur désir. Nombre d'entre nous craignons fort que la stratégie des soins de santé primaires ne fonctionnera pas pour les patients, et ne fonctionnera pas très bien pour les médecins non plus.

Le président: Je vous remercie tous d'être venus.

La séance est suspendue.

La séance reprend.

La vice-présidente: Sénateurs, nos premiers témoins de l'après-midi représentent l'Association des consommateurs du Canada (ACC) et l'Ontario Association of Optometrists. Je souhaite la bienvenue à Jean Jones, présidente du Comité sur la santé, et à Mel Fruitman, président, Association desconsommateurs du Canada, de même qu'au Dr Joseph Chan, président de l'Ontario Association of Optometrists.

M. Mel Fruitman, président, Association desconsommateurs du Canada: Je vous remercie d'avoir invité l'Association des consommateurs du Canada à comparaître devant le comité pour apporter à votre étude de l'état du système de soins de santé du Canada le point de vue des consommateurs.

L'ACC est un organisme bénévole indépendant sans but lucratif vieux de 52 ans et doté d'un bureau national à Ottawa et de sections dans les provinces et les territoires. Nous avons pour mandat d'éclairer et d'éduquer les consommateurs sur les questions relatives au marché, de défendre les consommateurs auprès du gouvernement et de l'industrie et, enfin, de collaborer avec le gouvernement et l'industrie à la recherche de solutions bénéfiques aux problèmes liés au marché.

L'ACC axe ses travaux sur les domaines de la santé, de l'alimentation, du commerce, des normes, des services financiers, des services de communication et d'autres problèmes liés au marché au fur et à mesure qu'ils se présentent.

Les politiques que nous adoptons relativement à des enjeux précis s'intègrent dans un ensemble de principes généraux axés sur les consommateurs. Huit principes de cette nature guident les associations de consommateurs des quatre coins du monde. Parmi ceux-ci, mentionnons le droit de choisir, la sécurité, l'information et un environnement sain. Le document ci-joint, soit l'énoncé de principes de l'ACC sur les consommateurs et les soins de santé, repose sur ces principes.

Pendant plus d'une décennie, les délégués à notre assemblée générale annuelle ont fait des soins de santé un enjeu prioritaire pour les consommateurs. À ce titre, l'association devrait s'y intéresser au cours de l'année à venir. Chaque année, l'enjeu présente un défi plus critique.

Mme Jean Jones, présidente du comité sur la santé, Association des consommateurs du Canada: En 2001, les consommateurs membres de l'ACC ont accordé la plus haute priorité aux mesures prises pour inclure les soins à domicile et l'assurance-médicaments dans les paramètres de la Loicanadienne sur la santé. À la suite de la transformation des traitements et des soins nécessaires, qui étaient offerts dans des milieux hospitaliers assurés et qu'on dispense maintenant dans des milieux communautaires non assurés, les particuliers et leur famille assument un fardeau financier lourd - et souvent accablant - à une période de grande vulnérabilité, en raison de la perte de revenu du patient ou du soignant familial au moment même où ils doivent faire face au stress dont s'accompagne la maladie.

Il est admis que, dans de nombreux cas, les soins à domicile sont la solution privilégiée ou faisable simplement parce que la pharmacothérapie peut être administrée à l'extérieur de l'hôpital. Cette dépendance de l'option axée sur les soins à domicile à l'égard de la disponibilité de médicaments montre bien qu'il est urgent de mettre simultanément en place un programmed'assurance-médicaments, afin que les personnes qui assurent des soins à domicile soient en mesure de fournir les soins de santé du niveau requis au moment où le besoin s'en fait sentir.

L'offre de soins à domicile et d'une assurance-médicaments dans le système public de soins de santé s'est révélée l'un des aspects fructueux du système de soins de santé britannique.

Certes, l'introduction de programmes publics de soins à domicile et d'assurance-médicaments assurés aurait une incidence sur les coûts des systèmes de santé. Pourtant, au fil du temps, ils se révéleraient efficients en accélérant le cheminement des patients dans le coûteux réseau hospitalier, ce qui entraînerait une réduction des listes d'attente et des pressions qui s'exercent en faveur de l'agrandissement d'installations à coûts très élevés.

Du point de vue des consommateurs, la principale carence des initiatives gouvernementales de fermeture d'hôpitaux et de lits au cours des dernières décennies a été le fait qu'on n'a pas, avant d'entreprendre la rationalisation, mis en place un programme adéquat de soins à domicile. Il en est résulté des listes d'attente et des goulots d'étranglement coûteux.

Nos prochains commentaires porteront sur des questions soulevées dans notre rapport.

Les consommateurs insistent sur le rôle joué par legouvernement fédéral dans le domaine de la protection de la santé et attachent une grande importance à l'obligation que le gouvernement fédéral a de procéder à une vérification exhaustive et poussée de l'innocuité des médicaments et des appareils médicaux avant qu'ils ne soient mis en marché de même que d'assurer le contrôle de leur fiche de sécurité en cours d'utilisation. Les consommateurs comptent également sur le gouvernement fédéral pour jouer un rôle important dans le domaine de l'élaboration de normes capables d'assurer un environnement sûr et une eau potable aux quatre coins du pays.

Par ailleurs, les consommateurs sont d'accord avec la définition donnée dans le rapport de la nécessité de modifier la prestation des soins primaires. La réussite au chapitre du transfert des traitements et des soins des hôpitaux vers la collectivité et les foyers sera fonction de modifications structurelles qui assureraient aux consommateurs des services de consultation professionnelle 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Dans certaines collectivités, les cliniques communautaires et les organismes de services de santé répondent aux besoins en soins primaires des consommateurs en facilitant l'accès aux services offerts par des professionnels de la santé compétents, outre les médecins. Cependant, l'absence d'accès opportun à des services de santé nécessaires et les listes d'attente demeurent des problèmes universels.

En ce qui concerne la loi canadienne sur la santé, les consommateurs continuent de soutenir fermement les principes énoncés dans la loi et aimeraient que les intéressés aient la volonté politique d'imposer de sévères conséquences à ceux qui ne les respectent pas.

Selon les consommateurs, le gouvernement fédéral pourrait également jouer un rôle plus grand au chapitre de l'établissement de normes nationales, à la fois mesurables et justifiables, de l'allocation de ressources pour l'exhaustivité et l'équité et, enfin, de la surveillance des comptes rendus afin de pouvoir faire rapport aux contribuables-consommateurs.

Tant et aussi longtemps que les provinces continuent d'assurer la prestation de services, on doit les contraindre à dispenser les services de façon uniforme dans tout le pays et à assurer l'accessibilité des services à tous les Canadiens, tout en rendant des comptes à l'égard de leur rendement en regard des responsabilités qui leur échoient.

Dans l'analyse de l'interdiction de la surfacturation qui figure dans le rapport, on met en doute l'équité de la mesure qui empêche des particuliers d'acheter les services. Les critiques de la surfacturation - dont l'ACC fait indubitablement partie - voit cependant l'opération comme l'achat du privilège d'accéder au service tandis que le service lui-même est facturé au régime d'assurance-maladie. Cependant, rien n'empêche des particuliers de faire l'achat de services lorsque la transaction s'effectue entièrement en marge du régime d'assurance-maladie.

Dans l'étude des inconvénients et des avantages d'un régime privé fonctionnant en parallèle avec l'assurance-médicaments, les consommateurs ont tenu compte de l'exemple d'une situation du genre en Grande-Bretagne, où ils ont constaté une profonde érosion de la capacité du réseau public et la présence de listes d'attente nettement plus longues que celles qu'on trouve au Canada.

Un autre exemple des effets délétères sur les consommateurs du paiement à titre privé de services publics figure dans le rapport «Canary» produit par la section albertaine de l'ACC. Dans ce rapport, on documente l'allongement des listes d'attente pour le traitement des cataractes dans le réseau public des villes où des services privés de rechange sont offerts par les mêmes médecins.

Par comparaison, l'introduction du registre cardiaque en Ontario constitue un exemple d'impact positif sur lesconsommateurs, soit une meilleure gestion, illustrée par la diminution des listes d'attente dans le domaine des soins cardiaques.

Il apparaît évident que des manifestations d'une médecine à deux vitesses se font déjà sentir au Canada. Il suffit de comparer la situation d'un travailleur qui subit une blessure en cours d'emploi et celle de son voisin, qui fait lui aussi partie de la population active, mais se blesse à la maison. Le premier bénéficiera vraisemblablement d'un accès accéléré aux services de traitement et de réadaptation en raison des conventions d'achat que les commissions des accidentés du travail sont en mesure de conclure.

Le consommateur qui souhaite comprendre le fonctionnement du système bénéficie d'un avantage le moment venu d'accéder à des services, ce qui justifie les efforts constants que déploiel'ACC pour faire la promotion de moyens de sensibiliser les consommateurs à leurs droits et à l'exercice de ces derniers dans le système de soins de santé.

En ce qui concerne le financement, nous avons été déçus de constater que le rapport, une fois de plus, propose qu'on étudie le recours à un ticket modérateur comme solution aux problèmes liés au financement - particulièrement à la lumière des études qui ont montré à de nombreuses reprises l'impact négatif qu'une telle mesure aurait sur les aînés économiquement vulnérables et sur les petits salariés en limitant l'utilisation qu'ils feraient de services de santé nécessaires. Jusqu'ici, l'ACC n'a trouvé encore aucune preuve convaincante des avantages du ticket modérateursusceptible de lui faire modifier la position qu'elle maintient depuis longtemps à ce chapitre, à savoir le rejet du recours au ticket modérateur dans le système d'assurance-maladie.

Dans le rapport, on laisse entendre qu'on doit établir des mécanismes de sensibilisation des particuliers au coût de leurs soins pour le régime d'assurance-maladie, ce qui est conforme aux propositions faites par l'ACC au début des années 70, selon lesquelles les consommateurs devraient recevoir un relevé des dépenses effectuées en leur nom par le régime d'assurance-maladie. Une telle procédure permettrait également au particulier de vérifier s'il a bel et bien reçu les services qui ont été facturés au régime, à telle enseigne que les soins facturés seraient justifiés.

On a invoqué le coût prohibitif de la mise en oeuvre d'une telle procédure et l'incapacité des réseaux hospitaliers d'assigner des coûts individuels pour rejeter la proposition. Ces objections demeurent peut-être valables si, malgré l'informatisation des systèmes, les frais administratifs demeurent élevés par rapport aux avantages.

Les options avancées dans le rapport pour favoriser la réduction du coût des médicaments, nommément, un formulaire national des médicaments, prescrivant l'utilisation de médicaments efficaces aux effets thérapeutiques équivalents proposés à moindre coût et le maintien de l'interdiction de la publicité auprès desconsommateurs des médicaments d'ordonnance - sont tout à fait conformes aux politiques traditionnelles de l'ACC.

Parmi les autres suggestions faites par les consommateurs pour réduire les coûts sans cesse croissants des médicaments, citons l'évaluation de la rentabilité dans le cadre de la procédure d'homologation de nouveaux médicaments, une surveillance efficace des médicaments après leur mise en marché pour déterminer ceux qui ont des effets secondaires tels qu'ils exigent des traitements en salle d'urgence, des visites chez le médecin ou des hospitalisations - autant de facteurs qui entraînent des coûts pour le système, l'accélération du mécanisme d'approbation des médicaments génériques bioéquivalents à prix moins élevés et le contrôle plus rigoureux de la publicité des médicaments en vente libre.

En ce qui concerne la recherche, les consommateurs sont conscients de l'importance du rôle que le gouvernement fédéral joue au chapitre du financement adéquat de la recherche de même que de l'obligation qu'il a de réaffirmer sa position à titre de principal bailleur de fonds pour la recherche en santé. Il sera ainsi en mesure de veiller à ce que la recherche soit menée dans les domaines d'intérêt public. Les consommateurs prisent larecherche qui contribue à la réduction des coûts socio-économiques pour les particuliers tout autant que pour le système de soins de santé.

Les consommateurs estiment également qu'on doit mener une campagne de sensibilisation des Canadiens à la recherche en génétique, au clonage animal et à la recherche sur les embryons, par exemple, ainsi qu'on le propose dans le rapport. Les consommateurs jugent qu'il est de la plus haute importance que la campagne soit menée par un organisme objectif et crédible doté de ressources adéquates et tenu de justifier l'utilisation des deniers publics.

L'ACC soutient depuis longtemps que les consommateurs doivent être bien éclairés pour pouvoir participer à la prise de décisions sur les questions liées à la santé qui les concernent à titre personnel ou collectif.

Je vous remercie de votre attention, et nous sommes impatients de débattre de ces questions avec vous.

Le Dr Joseph Chan, président, Ontario Association ofOptometrists: Madame la présidente, sénateurs, je tiens, au nom de l'Ontario Association of Optometrists, à vous manifester notre profonde reconnaissance pour l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

Nous sommes heureux de vous faire part de notre point de vue sur le débat national pour la prestation des soins de santé au Canada.

L'Ontario Association of Optometrists (OAO) est uneassociation professionnelle qui représente les plus de 1 000 optométristes qui exercent leur profession en Ontario. De façon générale, on considère les optométristes comme les principaux fournisseurs de soins oculaires dans la province. À ce titre, nous avons des perspectives uniques sur la prestation des soins oculaires et de la vue en Ontario.

Dans notre exposé d'aujourd'hui, j'espère aborder quelques enjeux clés analysés dans le volume 4 du rapport de votre comité, qui revêt une importance toute particulière pour les optométristes et leurs patients.

L'OAO se joint au comité pour soutenir les principes axés sur les patients définis dans la Loi canadienne sur la santé, nommément l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité et latransférabilité.

Nous sommes également favorables à l'idée d'une «charte des droits» des patients dans laquelle ces valeurs seraient mieux articulées. Bien que nous soyons favorables à ces principes, nous pensons que, dans ce cadre, des changements sont nécessaires et possibles.

Nous sommes tout à fait d'accord avec la proposition faite par le Forum national sur la santé de 1997, soit que le régime public soit réorienté en fonction des soins et non pas du lieu. À cela, nous aimerions ajouter que le régime public devrait être axé sur les services, et non sur les fournisseurs.

L'OAO est d'avis que les dispositions législatives actuelles de la Loi canadienne sur la santé font obstacle à l'utilisation de services dispensés par des non-médecins, en raison de l'exclusion de ces derniers. En d'autres termes, le financement semble biaisé au profit des médecins et des hôpitaux.

Nous serions favorables à la modification de la définition des services «médicalement nécessaires» au sens de la Loi canadienne sur la santé, de manière qu'elle s'applique aux services jugés nécessaires à l'amélioration ou au maintien de la santé du patient, et indépendamment du fournisseur.

En ce qui concerne les soins oculaires primaires, les écarts entre provinces au titre de l'assurance des services de diagnostic offerts par des optométristes ont eu pour effet de freiner l'accès des patients aux soins optométriques. Dans certaines provinces, on n'assure pas tous les services médicalement nécessaires offerts par des optométristes. À leur place, on oriente les patients vers des établissements et des spécialistes assurés aux fins de la prestation de services oculaires primaires qui auraient pu être offerts de façon plus efficiente, de façon plus locale et habituellement de façon plus rapide par des optométristes.

Mieux répartis sur le territoire géographique, les optométristes bénéficient de la formation, de l'expérience et du matériel voulus pour assurer ces services de santé nécessaires. En permettant aux optométristes de fournir des services assurés, on allégerait le fardeau qu'assument aujourd'hui les salles d'urgence, lesophtalmologistes et les médecins de famille, sans parler des patients qui doivent se déplacer et attendre dans l'inconfort la prestation des services par un fournisseur assuré.

Dans votre plus récent rapport, vous avez admis qu'il arrive souvent que les services de santé ne soient pas coordonnés et qu'ils ne soient pas offerts par le praticien le plus approprié. On n'utilise pas pleinement les connaissances et les compétences de nombreux praticiens, en particulier les optométristes.

À titre d'exemple, le droit des optométristes de prescrire des médicaments pour le traitement de maladies de l'oeil varie selon les provinces et les territoires. Bien que les optométristes bénéficient d'une formation complète dans les domaines de la pharmacologie et de l'utilisation adéquate des médicaments pour le traitement des maladies oculaires, seulement cinq provinces et un territoire les autorisent aujourd'hui à fournir de tels services.

Les quatre principes axés sur les patients définis par le comité sont compromis dans les provinces qui imposent les attributions les plus sévères - notamment l'Ontario -, puisque les patients n'ont pas accès au même niveau de soins. En Ontario, les optométristes doivent aiguiller les patients vers un médecin qui leur remettra une ordonnance, ce qui entraîne des dépenses additionnelles pour le système et des retards dans le traitement.

Pour assurer l'utilisation la plus efficace possible desressources, on devrait permettre à tous les professionnels de la santé d'exploiter pleinement leur formation professionnelle reconnue. Nous encourageons le Sénat à faire une priorité d'inciter les gouvernements provinciaux à adopter les modifications nécessaires pour que les praticiens en question puissent offrir l'éventail complet de services qu'ils sont habilités à offrir.

En outre, l'OAO est d'accord avec la proposition du comité selon laquelle on devrait s'éloigner de la structure hiérarchique existante pour s'orienter vers une approche de type «spectral», en vertu de laquelle tous les fournisseurs de services de santé sont reconnus pour leurs points forts, mieux déployés et plus adéquatement valorisés. Par ailleurs, l'OAO est d'avis qu'on doit entreprendre une planification à long terme des ressources en santé au niveau national, dans une perspective globale.

En ce qui concerne la planification future des soins de santé, nous sommes d'accord avec la notion de réforme des soins primaires avancée par le comité. La réforme s'appuiera sur les principes suivants: les soins sont concertés, accessibles à tous les consommateurs et offerts par des professionnels de la santé qui possèdent les compétences voulues pour répondre aux besoins des particuliers et des collectivités. En outre, on rendra des comptes aux citoyens locaux par le truchement de la gouvernance communautaire.

Dans la mise en oeuvre de ces réformes, cependant, on devra s'assurer que les efforts des fournisseurs de services de santé sont adéquatement rétribués. Si le financement peut être rationalisé, on ne devrait pas parvenir à des gains d'efficience au détriment des fournisseurs. On doit miser sur un financement adéquat pour soutenir le système, encourager la poursuite d'études et retenir les nouveaux praticiens au pays.

L'OAO admet également les défis uniques liés à la prestation de soins de santé à la population autochtone. Relativement à bon nombre de maladies oculaires qui menacent la vue, par exemple la rétinopathie diabétique, il s'agit d'un groupe particulièrement à risque.

Consciente de l'existence d'un besoin en services non satisfait, l'OAO est disposée à travailler à la mise en place de stratégies relatives à la santé de cette population ayant pour butl'établissement d'une approche plus multidisciplinaire et mieux concertée pour joindre les membres de ce groupe.

En résumé, l'OAO a formulé huit recommandations.Premièrement, on devrait financer les services, et non les fournisseurs ni les lieux. Deuxièmement, on devrait supprimer les aspects partiaux des définitions de services assurés, lesquels ont pour effet de restreindre l'accessibilité. Troisièmement, on devrait supprimer tous les obstacles à la prestation créative et efficiente de services de santé. Quatrièmement, on devrait encourager le recours à des fournisseurs de soins de santé autres que des médecins, notamment lorsqu'il est établi que de telles mesures seraient rentables et amélioreraient l'accessibilité tout en réduisant les listes d'attente. Cinquièmement, on devrait exploiter pleinement les connaissances et les compétences des fournisseurs de soins de santé. Sixièmement, on devrait adopter une approche de type «spectrale» de la planification des ressources humaines en santé. Septièmement, la réforme des soins primaires devrait comprendre la coordination et l'intégration des fournisseurs autres que les médecins. Enfin, le gouvernement fédéral a l'obligation d'accroître le financement des soins oculaires aux Autochtones du Canada et d'en coordonner la prestation.

Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de vous faire part de nos réflexions sur ces questions importantes.

Votre comité s'est attelé à une tâche énorme, mais on doit déjà considérer vos efforts, dans la mesure où ils favorisent un débat utile sur les soins de santé au Canada, comme une réussite.

La vice-présidente: Madame Jones, j'aimerais clarifier un point. Le comité ne propose pas l'imposition d'un ticket modérateur. On a étudié le ticket modérateur dans le cadre de nos délibérations. Je tenais simplement à préciser aux fins du compte rendu que le comité ne propose pas le recours au ticket modérateur. Ce n'est pas le cas.

Nous ne pouvions pas aborder la question sans tout mettre sur la table à des fins de discussion, et c'est ainsi que nous avons procédé.

Le sénateur Callbeck: Docteur Chan, vous avez déclaré que, dans cinq provinces, les optométristes pouvaient prescrire des médicaments. Quelle raison les provinces qui l'interdisent invoquent-elles?

Le Dr Chan: À ce propos, je profite de l'occasion pour préciser, à titre d'information, que tous les États des États-Unis autorisent également les optométristes à prescrire des médicaments.

Dans bon nombre des autres provinces, le mouvement en faveur de l'habilitation des optométristes à prescrire des médicaments ne remonte qu'aux trois à cinq dernières années.

À l'heure actuelle, en Ontario, l'Ontario Association of Optometrists a soumis une proposition au gouvernement, et nous travaillons de concert avec le ministère de la Santé dans l'espoir que l'Ontario emboîte le pas aux autres provinces.

Je ne crois pas qu'il y ait de raison précise qui explique la situation actuelle. Je pense qu'on peut l'imputer en partie au processus politique dans chacune des provinces.

Le sénateur Callbeck: Quelles sont les cinq provinces en question?

Le Dr Chan: L'Alberta, la Saskatchewan, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse; quant au territoire, il s'agit du Yukon.

Le sénateur Callbeck: J'ai noté deux ou trois choses dans le mémoire de l'Association des consommateurs du Canada.

Vous avez dit que les travailleurs bénéficient d'un traitement préférentiel grâce à la Commission des accidents du travail. Dois-je comprendre que vous n'êtes pas d'accord?

Mme Jones: Eh bien, nous avons un peu de mal à comprendre. Si l'objectif consiste à permettre au travailleur de réintégrer le marché du travail le plus rapidement possible, pourquoi le travailleur qui se blesse à la maison n'est-il pas admissible aux mêmes soins que celui qui subit une blessure analogue au travail? Comme nous prétendons que l'équité du système des soins de santé est l'un des principes fondamentaux, la situation nous apparaît comme une anomalie.

Le sénateur Callbeck: Je ne suis pas en désaccord avec vous. Je tenais simplement à confirmer votre position.

Vous avez également proposé que les consommateurs reçoivent un état des dépenses effectuées en leur nom par le régime d'assurance-maladie. Savez-vous si l'expérience a été tentée ailleurs et si elle a donné de bons résultats?

Mme Jones: Non. J'essaie de me reporter aux années 70, époque à laquelle nous avons préparé nos propositions, et de me souvenir si nous nous étions ou non appuyés sur des exemples. M. Fruitman me dit qu'on dispose peut-être de données de ce genre en Alberta, mais je pense que c'est relativement récent.

Le sénateur Callbeck: Je pense que la Saskatchewan l'a fait à une certaine époque. J'ignore pourquoi elle n'a pas continué.

Mme Jones: C'est l'impression que j'avais au sujet de l'Alberta aussi - qu'on avait renoncé en raison des frais d'administration élevés.

Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne les propositions faites par les consommateurs pour réduire les coûts croissants des médicaments, vous avez fait notamment allusion à un contrôle plus sévère de la publicité sur les médicaments en vente libre. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

Mme Jones: Il faudrait qu'on précise de façon plus claire les effets secondaires éventuels des médicaments en vente libre parce que, lorsque les consommateurs prennent de tels médicaments, ils n'ont pas le bénéfice d'un professionnel qui les conseille. On va donc leur fournir tous les renseignements pertinents.

Dans un examen de la publicité, nous avons constaté un déséquilibre entre les promesses de l'efficacité et la présentation des effets secondaires possibles et de la mise en garde des consommateurs contre les conséquences nuisibles du médicament s'il est pris de concert avec d'autres.

Depuis longtemps, l'ACC s'efforce d'obtenir que lesmédicaments en vente libre soient assortis d'étiquettes complètes et éclairantes.

Le sénateur Callbeck: En d'autres termes, vous avez le sentiment que, dans certains cas, les consommateurs, s'ils étaient informés adéquatement, n'achèteraient pas les médicaments en question, ce qui entraînerait une réduction du coût desmédicaments?

Mme Jones: Exactement. De plus, comme nous l'avons déjà indiqué, il arrive que les effets secondaires nuisibles entraînent des hospitalisations coûteuses et, à tout le moins, un consommateur qui se sent fort mal.

La vice-présidente: Je veux poser une brève question supplémentaire en rapport avec un point soulevé par le sénateur Callbeck relativement au témoignage que nous avons entendu plus tôt aujourd'hui.

L'Association des consommateurs du Canada s'est-elleintéressée de près à l'idée que les consommateurs reçoivent des états des dépenses dans le contexte des nouvelles technologies? Pour le gaz, nous obtenons des relevés détaillés et ventilés, et je me demandais simplement si l'association était revenue sur cette question?

Mme Jones: Non, pas encore, mais c'est ce qui explique que l'on fasse preuve de prudence dans la promotion de cette idée à titre de solution possible.

Si on avait adopté le principe au moment où nous l'avons proposé dans les années 70, le système, je crois, se serait adapté, et le problème des frais d'administration élevés ne se poserait plus. On devrait étudier la question plus à fond.

La vice-présidente: On semble postuler que le système, parce qu'il n'aurait pas fonctionné à l'époque, ne fonctionnerait pas aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un postulat fondé.

Mme Jones: Non. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait revenir sur la proposition dans le contexte des systèmes informatisés.

La vice-présidente: Ainsi, les citoyens sauraient que les soins de santé ne sont pas gratuits.

Mme Jones: C'est l'un des aspects importants. De la même façon, l'organisme qui assume les coûts des prestations aurait l'assurance que les services à l'égard desquels un remboursement est demandé ont bel et bien été fournis.

Récemment, un consommateur ontarien a éprouvé de grandes difficultés à faire comprendre que le médecin avait facturé des services poussés qu'il n'avait pas reçus.

La vice-présidente: Exactement. Je vous remercie.

Le sénateur Robertson: En ce qui concerne vos préoccupations touchant l'utilisation inadéquate des médicaments, je pense qu'on peut y voir une preuve de plus de l'importance que revêt l'adoption d'une approche interdisciplinaire du consommateur.

On peut penser que le pharmacien est le mieux placé pour fournir d'importants conseils au sujet des médicaments. Par ailleurs, il semble que bon nombre de médecins - en particulier les médecins de famille - n'ont pas le temps d'expliquer les effets secondaires. Je pense que nous allons devoir étudier cette question avec le plus grand soin.

J'aimerais maintenant passer à une autre préoccupation que certains d'entre nous nourrissons depuis un certain temps. Votre association a-t-elle déjà mesuré la qualité de l'évaluation des nouveaux médicaments que fait le ministère de la Santé? Par rapport à d'autres administrations, il semble bien que le processus soit long et que l'homologation de certains de ces produits se fasse de façon alambiquée, même si nous tenons, c'est certain, à ce que le travail soit bien fait.

De temps à autre, les données laissent entendre que cette division du ministère de la Santé doit être secouée - pas pour la rapidité d'exécution en particulier, mais plutôt pour le genre d'essai qu'elle effectue.

Il est difficile, nous le savons, de se tenir au courant des percées les plus récentes dans le domaine des essais et de l'homologation des médicaments. J'ignore si les fonctionnaires concernés ont la possibilité de suivre des cours de formation permanenteadditionnels pour assurer aux Canadiens le niveau de confiance qu'ils exigent.

Mme Jones: L'Association des consommateurs du Canada n'a pas réalisé d'études portant particulièrement sur cette question. Cependant, nous avons été associés aux audiences sur le processus de transition et les modifications apportées à l'ancienne Direction générale de la protection de la santé.

À la lumière des commentaires issus des consommateurs, nous avons eu l'impression que la confiance n'était pas au rendez-vous. Je pense que le moment est une fois de plus venu de déterminer si les modifications apportées et les ressources accrues allouées au programme d'évaluation ont fait bouger les choses.

L'absence de confiance a été le résultat le plus impressionnant des consultations menées auprès des consommateurs. L'ACC a pour sa part soutenu que le processus d'évaluation devait porter principalement sur la sécurité, et non sur l'accélération de la procédure d'homologation. Nous savons qu'il existe des groupes de consommateurs aux prises avec des problèmes diagnostics précis qui militent en faveur d'une homologation plus rapide des nouveaux médicaments. Cependant, nous nous sommes dits d'avis qu'il ne fallait pas sacrifier l'innocuité au profit de la rapidité de la procédure d'homologation.

Les consommateurs sont tout à fait conscients du fait que la mise en marché rapide des nouveaux médicaments permet aux compagnies pharmaceutiques d'engranger plus de profits. Ils savent également qu'une telle situation entraîne des coûts additionnels pour le système.

Nous devons nous demander si l'efficacité des nouveaux médicaments surpasse celle de médicaments analogues déjà en vente parce que, trop souvent, ce sont les consommateurs canadiens qui assument eux-mêmes le coût de leurs médicaments. Ils sont très conscients des coûts; c'est pourquoi nous formulons de si nombreuses propositions visant la réduction des coûts.

Le sénateur Robertson: Si nous pouvions nous orienter vers un programme d'assurance-médicaments décent qui éviterait aux consommateurs d'assumer des coûts excessifs et obtenirl'assurance des soins communautaires et des soins à domicile plutôt que de ceux qui sont dispensés dans des hôpitaux de type hôtelier, on contribuerait à faire bouger les choses.

Croyez-vous que nous pourrions le faire dans le cadre actuel de la Loi canadienne sur la santé? Comment pourrions-nous assumer les coûts d'un tel changement?

Pensez-vous que nous pourrions réaliser des économies suffisantes pour faire les frais de ces programmes en perfectionnant la prestation des soins? Pensez-vous au contraire que les Canadiens devront se résigner à une forme de - je n'aime pas l'expression «ticket modérateur» - mécanisme de participation, du moins à partir de certains seuils de revenu?

Nos gouvernements nous disent qu'ils n'ont plus d'argent et qu'ils ne peuvent pas investir massivement dans le système. L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés consiste, je suppose, à voir si nous pouvons réaliser des économies suffisantes en faisant les choses autrement ou si nous devrons faire appel à d'autres moyens - un mélange d'autres solutions.

Mme Jones: Nous répondrions qu'il est difficile de le déterminer avant d'avoir mis les solutions à l'essai.

Dans ce contexte, le régime d'évaluation des médicaments devrait assumer des responsabilités beaucoup plus lourdes, de sorte que nous puissions nous assurer de son fonctionnement efficace. C'est la justification de la proposition que nous avons faite d'intégrer la rentabilité du mécanisme d'introduction de nouveaux médicaments au programme d'évaluation. Ce n'est pas le cas maintenant. L'Australie a agi de la sorte pendant un certain temps - ce qui a suscité une vive opposition.

Nous avons dit craindre qu'une telle mesure n'entraîne d'importantes répercussions sur les coûts. Cependant, nous constatons aussi l'importance que revêtent la promotion et la prévention de la santé pour la réduction des coûts à long terme. Ce sont ces domaines qui ont subi les compressions les plus draconiennes, et c'est toujours à eux que l'on songe le moment venu de sabrer en raison d'autres contraintes subies par le système.

Selon les données dont on dispose, il apparaît maintenant que les personnes âgées seront à l'avenir en meilleure santé et je pense que cette constatation a atténué un certain nombre d'inquiétudes relatives aux coûts qui nous attendent. Je pense que la promotion de la santé comme outil d'autogestion de la santé, constituerait un moyen de réduction des coûts très efficace.

Le sénateur Robertson: Eh bien, je vous remercie. Je n'irai pas plus loin à ce sujet.

Docteur Chan, merci d'être venu. Vous avez maintenant cinq provinces à bord. Je vous souhaite la meilleure des chances pour les autres. J'espère aussi que les autres professions du système de santé seront un jour mieux acceptées. Merci encore.

Le sénateur Cordy: J'aimerais aborder la question de l'assurance-médicaments et des médicaments.

L'Association des consommateurs du Canada a-t-elle étudié les sommes que les compagnies pharmaceutiques consacrent au marketing? Dans votre mémoire, vous plaidez en faveur du maintien des restrictions imposées à la publicité directe auprès des consommateurs, mais les Canadiens sont, par l'entremise de la télévision - en particulier les chaînes américaines - exposées à la publicité directe des compagnies pharmaceutiques.

En outre, j'ai un chiffre qui m'a été fourni par des représentants de l'industrie pharmaceutique. À mes yeux de profane, il s'agit à coup sûr d'une somme astronomique que les entreprisespharmaceutiques investissent dans le marketing direct auprès des professionnels de la santé. Je fais référence au marketing qui prend la forme de voyages, de tournois de golf et d'autres activités de ce genre.

Avez-vous effectué du travail dans ce domaine?

Mme Jones: Non, mais j'ai récemment vu un rapport publié par Families USA, groupe de défense des consommateurs de services de santé établi à Washington. Selon ce rapport, les compagnies pharmaceutiques dépensent deux fois plus enmarketing et en promotion que dans la recherche qu'elles parrainent.

Nous sommes tributaires des résultats de recherche d'autres groupes de consommateurs, et de tels résultats ont également été publiés ailleurs. Il s'agit simplement d'un rapport très récent que j'ai lu et qui m'est immédiatement venu à l'esprit.

Toute modification de notre politique relative à l'interdiction de la publicité directe auprès des consommateurs suscite des inquiétudes. Nous pensons que de telles modifications entraîneraient des coûts formidables pour le système. J'ai en tête les résultats d'une autre étude consacrée au système des États-Unis - il y a environ quatre ans, soit en 1997. Une fois autorisée la publicité directe auprès des consommateurs, les compagnies pharmaceutiques se sont mises à dépenser davantage au titre de la publicité auprès des consommateurs qu'à celui de la publicité auprès des professionnels de la santé. Lorsqu'on considère les sommes qu'elles ont affectées à ce dernier genre de publicité, c'est assez effrayant.

En fait, nous voyons dans la publicité télévisée en provenance des États-Unis un facteur qui décourage l'évaluation des médicaments par les consommateurs. Nous savons que la promotion a incité des consommateurs à demander à leurs médecins de modifier leur ordonnance au profit de tel ou tel nouveau médicament merveilleux qu'ils ont vu à la télévision. Si nous entendons contenir les coûts des médicaments, nous pensons qu'il s'agit d'une restriction qu'il est très important de préserver.

Le sénateur Cordy: J'ai moi aussi entendu parler de ces statistiques. Les sommes consacrées au marketing sont alarmantes - surtout lorsqu'on considère que, dans les débats portant sur le coût élevé des médicaments, on attribue habituellement ces coûts aux sommes affectées à la R-D, et non au marketing. Ces statistiques me préoccupent au plus haut point.

Docteur Chan, mes prochaines questions s'inscrivent dans le cadre de ce qui vous amène ici aujourd'hui - l'inclusion des optométristes dans le système de soins de santé. À propos des soins de santé dont ils bénéficient, les gens oublient très souvent les soins oculaires. Quelles mesures pouvons-nous prendre pour que les enfants en particulier reçoivent des soins oculaires adéquats?

Il y a des années, l'infirmière de santé publique du réseau scolaire vérifiait la vue des enfants. Au besoin, elle orientait les enfants vers un médecin. Dernièrement, j'ai constaté que les infirmières de santé publique des écoles ne font plus ce travail. Comment s'assurer que les enfants reçoivent des soins oculaires adéquats?

Le Dr Chan: Vous avez raison de dire que les élèves du primaire ne font plus l'objet d'un dépistage dans les écoles. Les services de santé publique communautaire ne font plus ce travail faute de fonds suffisants.

En ce qui concerne les mesures à prendre pour assurer aux enfants des soins oculaires adéquats, il convient probablement d'adopter une double approche.

Premièrement, à mesure que la réforme des soins de santé évolue et que nous adoptons une approche multidisciplinaire des soins, je pense que l'équipe des professionnels de la santé sera élargie pour comprendre des membres autres que des médecins,y compris des optométristes. Dans une clinique de soins communautaires, par exemple, on pourrait, s'il y avait un optométriste en poste, examiner la vue des enfants chaque année. Lorsque l'enfant se présenterait pour un examen complet, l'optométriste serait sur place. On pourrait faire la même chose à l'hôpital, dans les cliniques et ainsi de suite. De ce point de vue, les services des optométristes deviendraient plus accessibles.

Veiller à ce que les services en question soient assurés constitue certainement un élément de réponse. Si je comprends bien, ces services sont aujourd'hui assurés dans toutes les provinces.

Deuxièmement, il y a la sensibilisation des patients. Je pense que cet aspect fait également partie des questions auxquelles votre comité s'intéresse. Un patient averti ou, dans le cas qui nous occupe, un parent averti fera le nécessaire pour obtenir ce genre de services.

L'Ontario Association of Optometrists a fait preuve de vigilance à cet égard, et nous admettons que bon nombre d'enfants ne sont pas dépistés assez tôt. Nous avons participé à de nombreuses campagnes d'intérêt public et d'éducation publique pour sensibiliser les parents à la nécessité de faire examiner la vue de leurs enfants.

En Ontario, l'initiative «Bébés en santé; enfants en santé» répond à certaines des préoccupations que vous avez soulevées. Ce programme porte non seulement sur les soins oculaires, mais aussi sur toute la gamme des services qu'il convient d'offrir à un enfant en très bas âge pour tenter de déceler des problèmes susceptibles d'avoir des effets durables sur leur capacité de s'éduquer et de s'adapter adéquatement à la société.

Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, docteur Chan, vous proposez qu'on modifie la Loi canadienne sur la santé pour que soit élargie la définition des services «médicalement nécessaires». Si nous le faisons, nous devrons en assumer les coûts. La seule référence que je vois à l'aspect financier, c'est quand vous affirmez que l'introduction d'un obstacle financier, soit obliger les patients à faire les frais des services, limite leurs capacités d'accéder à des services nécessaires.

J'aimerais savoir comment vous vous y prendriez pour assumer les coûts de ces services additionnels.

Le Dr Chan: Cette modification de la Loi canadienne sur la santé vise moins l'ajout de services additionnels, par exemple, que la répartition plus équitable des endroits où ils sont offerts.

En Saskatchewan, par exemple, où des services médicalement nécessaires ne sont pas assurés, il arrive qu'on rencontre des patients atteints de rougeur de l'oeil aiguë. S'il consulte un optométriste, le patient devra payer la consultation de sa poche. Si, en revanche, il se rend à Saskatoon pour consulter un ophtalmologiste ou un médecin, le traitement sera assuré.

Dans notre recommandation, nous ne croyons pas que le nombre de patients qui ont besoin de services de cette nature augmentera du simple fait que les optométristes seront autorisés à traiter de tels patients. À certains égards, nous pensons que nous serons en mesure de réaliser des gains d'efficience là où, en réalité, on parviendra à réduire le coût du traitement de ces maux communs.

Le sénateur Callbeck: Si nous élargissons la définition de la Loi canadienne sur la santé et que les dépenses augmentent en raison des ajouts, d'où pensez-vous que les capitaux nécessaires devraient venir? Pensez-vous qu'ils devraient provenir du régime d'imposition? En d'autres termes, le gouvernement devrait-il augmenter les impôts?

Le Dr Chan: À ma connaissance, l'association n'a pas de position sur la provenance des fonds additionnels qu'exigerait une majoration des services offerts. Je pense que nous serions disposés à envisager tout modèle répondant aux besoins en services.

Il apparaît de plus en plus évident, nous en sommes conscients, que nous ne pouvons pas faire tout pour tous dans le domaine des soins de santé et que, par conséquent, on doit classer les services par ordre de priorité. Ce qui compte, cependant, c'est que, une fois qu'on a décidé des services de base qui seront assurés au niveau national, les services en question soient offerts aux patients par le fournisseur de leur choix. Si, dans la collectivité, par exemple, il est plus facile d'accéder à un optométriste ou à un audiologiste, le patient devrait pouvoir consulter ce professionnel.

Je ne crois pas que notre association souhaite qu'on ouvre toutes grandes les portes et qu'on assure tout. J'espère que ce n'est pas l'impression que nous vous avons donnée. À mes yeux, notre proposition visait davantage à régler un problème d'accessibilité.

Le sénateur Kirby: J'ai une brève question à poser à Mme Jones. Je vais vous faire lecture d'un paragraphe, puis je vais vous demander de le commenter puisqu'il se trouve que je suis d'accord avec son contenu. Vous dites: «Le consommateur qui comprend le fonctionnement du système bénéficie d'un avantage le moment venu d'accéder à des services». Puis, vous ajoutez que vous faites la promotion de méthodes qui permettent d'initier les consommateurs au moyen d'accéder efficacement au système.

Mon expérience personnelle me dit que vous avez absolument raison et qu'on peut tirer avantage d'un système qu'on connaît mieux.

Ma question comporte deux volets. Premièrement, avez-vous déjà sondé vos membres pour tenter de comprendre ce qu'ils comprennent et ne comprennent pas au sujet du système? Deuxièmement, vous nous rendriez service en nous faisant parvenir deux ou trois exemples du genre de communication que vous avez fait parvenir aux membres de l'ACC pour leur expliquer, ainsi que vous l'avez vous-même dit, comment exercer leurs droits.

Mme Jones: Nous n'avons pas effectué de sondage récent.

Le sénateur Kirby: J'aurais cru que vous aviez sondé vos membres d'une façon ou d'une autre.

Mme Jones: Nous sommes nettement plus dépendants des commentaires spontanés que nous font parvenir desconsommateurs.

Nous avons tenté de faire passer le message dans le cadre de réunions en petit groupe. Récemment, nous avons préparé un dépliant sur les responsabilités du médecin, du pharmacien et du consommateur dans les soins de santé. Le document en question a permis ultimement de formuler les questions que le consommateur devrait poser de même que les réponses auxquelles il est en droit de s'attendre de la part des deux catégories professionnelles visées. Notre devise, c'est qu'un consommateur éclairé est un consommateur efficace, quel que soit l'enjeu ou le marché auquel on a affaire. Il s'agit simplement de l'hypothèse qui sous-tend notre approche de la question.

D'après les rapports anecdotiques dont nous disposons, je pense qu'il est certain que même une brève discussion avec une personne au sujet des moyens de mieux utiliser le système aidera la personne en question à accéder aux services dont elle a besoin.

Tout n'est pas toujours une affaire de relations. Ce qui compte, croyons-nous, c'est ce qu'on sait. Je pense qu'il s'agit d'une question importante que nous aurions intérêt à étoffer.

Le sénateur Kirby: Je vous remercie. Je suis d'accord avec vous sur ce point.

La vice-présidente: Au nom des membres du comité, je tiens à remercier sincèrement nos témoins de l'heure très éclairante qu'ils nous ont consacrée. J'invite maintenant nos prochains témoins à venir à la table.

Il s'agit de Peter Goodhand de Instruments Médicaux du Canada; Gerry McDole, d'AstraZeneca, et de Mary Jo Dunlop, Comcare services de santé.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Nous allons commencer par M. Goodhand.

M. Peter Goodhand, président, Instruments Médicaux du Canada (MEDEC): Permettez-moi d'abord de remercier les membres du comité de l'occasion qu'ils nous donnent de comparaître devant eux et de participer à l'un des plus importants débats de l'heure, soit celui qui porte sur l'avenir de notre système de soins de santé.

Comme vous le savez, la majorité des Canadiens est d'avis que, relativement à notre système de soins de santé, le statu quo est inacceptable. Aussi faut-il saluer les efforts du comité qui contribuent au premier chef à la définition de ce débat.

Instruments Médicaux du Canada - mieux connu sous le nom de MEDEC - est une association nationale représentant plus de 125 entreprises du domaine des outils diagnostics. Nos membres ont pour but de répondre aux besoins des professionnels de la santé grâce à la prestation de produits et de services médicaux de grande qualité qui profitent aux Canadiens. Fondé en 1973, l'organisme est la principale source d'information, d'éducation et de promotion de l'industrie. Nos membres produisent pour plus de 2 milliards de dollars d'instruments médicaux achetés chaque année au Canada.

Nos membres sont des chefs de file mondiaux de plein droit dans la mesure où ils conçoivent des technologies novatrices utilisées aux quatre coins du monde. Ils mettent au point des technologies qui se conjuguent à d'autres secteurs destechnologies de la santé, par exemple l'imagerie et les produits pharmaceutiques. C'est grâce à eux que les hôpitaux,d'immeubles de briques et de mortier qu'ils étaient, sont devenus des centres de santé pleinement fonctionnels. Ils dotent les infirmières et les médecins des outils dont ils ont besoin et jouent un rôle vital dans la prestation des soins de santé auxquels les Canadiens s'attendent.

Comme je l'ai indiqué antérieurement, le comité a fait un travail remarquable en définissant le débat sur les soins de santé au Canada. J'aimerais m'intéresser aux quatre aspects les plus importants pour l'industrie des technologies et des instruments médicaux: soutenir l'infrastructure des soins de santé,l'infrastructure et l'infostructure, le financement de recherches novatrices en santé et l'évaluation des technologies de la santé.

J'aimerais d'abord dire un mot du soutien de l'infrastructure de la santé. Les technologies et les instruments médicaux jouent un rôle clé dans l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.On fait souvent référence aux miracles qu'accomplissent les médicaments vendus sur le marché, mais on rappellemoins souvent que la technologie de pointe a révolutionné l'administration des soins. Des technologies de meilleure qualité et plus perfectionnées se traduisent par des diagnostics de meilleure qualité et plus précis, plus de traitements réussis, le soulagement des douleurs et, fait plus important encore,l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.

Il n'y a pas si longtemps, l'intervention chirurgicale de routine obligeait un patient à séjourner dans un établissement de soins de santé pendant quelques jours ou quelques semaines. De nos jours, bon nombre de ces interventions sont considérées comme des «chirurgies d'un jour». De plus en plus de procédures sont moins effractives, ce qui réduit au minimum la convalescence dupatient et lui permet de réintégrer rapidement le travail ou de recommencer sans délai à vivre de façon autonome.

Permettez-moi d'illustrer mes propos au moyen de quelques exemples. Il y a une décennie, une intervention à la vésicule biliaire constituait une procédure effractive et traumatisante. Avec l'avènement de la laparoscopie, les patients subissent aujourd'hui une intervention relativement mineure et reçoivent habituellement leur congé dans les 24 heures. La cicatrice est minime, et la convalescence du patient, moins longue.

Prenons aussi l'exemple des tuteurs dans les vaisseaux du coeur. Avant l'avènement des tuteurs, les patients faisaient face à la solution temporaire offerte par l'angioplastie. Grâce auxtuteurs, l'efficacité de l'intervention moins effractive s'est considérablement améliorée. Les tuteurs de la prochainegénération sont enduits de médicaments, et des données initiales laissent croire à la disparition du problème de la resténose des artères.

Les technologies et les instruments médicaux modernes, non contents d'améliorer les résultats pour la santé des patients du Canada en les faisant bénéficier de procédures moins effractives et de séjours à l'hôpital plus courts, ont favorisé l'efficience du système de soins de santé.

Notre organisme est heureux de constater que le comité reconnaît le rôle essentiel et important joué par les technologies et les traitements médicaux dans notre système de soins de santé. Malgré tout, comme le comité l'a souligné, le Canada accuse du retard par rapport à d'autres nations industrialisées du point de vue de la disponibilité des technologies de la santé.

Nous sommes d'accord avec les membres du comité pour dire que l'investissement récent de 1 milliard de dollars dans les technologies de la santé constitue une mesure positive prise par le gouvernement fédéral. Cependant, nous pensons que cela est insuffisant pour assurer aux Canadiens l'accès opportun aux services médicaux dont ils ont besoin.

En ce qui concerne l'utilisation des technologies nécessaires, le Canada mise aujourd'hui sur un système des plus ponctuels. Si bon nombre de technologies et d'instruments sont offerts surle marché, les établissements de santé ne les utilisent pas nécessairement en raison de contraintes budgétaires. Selon l'endroit où vous vivez, les professionnels de la santé auront ou non accès aux instruments ou aux outils diagnostiques nécessaires.

À Winnipeg, un cas récent illustre les conséquences du financement cloisonné et des restrictions imposées au progrès de la médecine. Un chirurgien en gynécologie-obstétrique a quitté sa pratique et le Canada, frustré par la lente adoption des nouvelles technologies. Le chirurgien préconisait le recours à une technologie novatrice qui aurait assuré de meilleurs soins à ses patientes et remplacé une intervention chirurgicale majeure. La technologie - appelée fronde sous-urétrale - est une intervention fort peu effractive qui permet de régler le problème de l'incontinence urinaire d'effort chez les femmes. En raison du financement cloisonné, on a limité de façon marquée le nombre de patientes que le chirurgien pouvait traiter au moyen de cette technologie simple et plus efficace, qui fait en outre courir moins de risques aux patientes. Dans ce cas, on a non seulement nié aux Canadiennes un accès opportun à la technologie, mais en plus provoqué le départ d'une ressource humaine vitale, qui a renoncé sous le coup de la frustration.

Le gouvernement a également relevé un problème en ce qui concerne la récente initiative de financement du gouvernement fédéral. En effet, on a alloué des fonds à l'achat de technologies et d'instruments médicaux, mais on n'a pas prévu de fonds de fonctionnement. Les provinces et les territoires ont donc dû se mettre en quête d'autres sources de financement - parfois à l'intérieur même de leurs budgets de la santé, déjà limités - pour permettre l'exploitation de ces technologies. Nous pensons que ce phénomène explique en partie pourquoi certaines provinces et certains territoires mettent du temps à se prévaloir des fonds en question.

Dans notre correspondance avec les provinces et les territoires, nous avons également fait le constat d'écarts importants dans l'utilisation de ces fonds. Certaines provinces, l'Ontario par exemple, ont rendu compte de l'utilisation de ces sommes, tandis que d'autres en sont encore à déterminer à quoi servira leur allocation.

Nous nous inquiétons également de la réutilisation d'instruments conçus pour un usage unique. Face aux pressions accablantes qui s'exercent sur leurs ressources financières, certains hôpitaux réutilisent des instruments conçus pour un usage unique. Ces produits sont conçus, testés et homologués par Santé Canada pour un usage unique seulement. Ainsi, on risque d'utiliser sur un patient un instrument à usage unique ayant déjà été utilisé à quelques reprises sur d'autres patients. La réutilisation d'un appareil à usage unique, par exemple les cathéters diagnostiques utilisés pour les angioplasties transluminales percutanées, risque de compromettre la sécurité des patients.

Nous pensons que les fournisseurs de soins de santé devraient obéir aux normes imposées par le gouvernement fédéral à l'industrie pour la mise en marché des instruments en question.

Nous aimerions que le comité, dans sa sagesse, recommande au gouvernement fédéral de s'engager envers un programme à plus long terme de financement des technologies de santé novatrices, y compris au titre du soutien de l'application de ces procédures et instruments. On s'assurera ainsi que nos établissements de santé ont accès aux technologies de santé récentes. En outre, on disposera des fonds nécessaires pour utiliser les technologies en question et initier les professionnels de la santé nécessaires à leur utilisation efficace.

Même si l'investissement initial dans les technologies et les instruments médicaux peut parfois se révéler intimidant pour des services de santé, des médecins ou des professionnels particuliers, l'impact sur le système de soins de santé dans son ensemble se traduit fréquemment par des gains d'efficience, une réduction des listes d'attente, une meilleure utilisation de rares ressources humaines et un retour rapide à une vie autonome ou productive.

Dans votre rapport, vous définissez chacun de ces secteurs comme autant d'éléments essentiels à l'établissement d'un système de soins de santé viable. On pourra atténuer l'effet des «lignes de faille» de l'accès opportun et des pénuries de ressources humaines en investissant de façon avisée dans la technologie médicale.

En ce qui concerne l'infrastructure et l'infostructure, le comité, dans son «rapport intérimaire», identifie certains témoins qui privilégient l'investissement dans l'infostructure même si cela doit se traduire par la prolongation de listes d'attente déjàconsidérables et par l'incapacité des Canadiens d'accéder à des technologies et à des instruments médicaux modernes. Nous tenons à dire aux membres du comité que cela constituerait une erreur. Nous sommes également d'avis qu'on peut s'attaquer concurremment aux deux problèmes.

Nous sommes favorables à l'établissement d'un système moderne d'information sur la santé, mais nous ne pensons pas que sa mise en oeuvre doit se faire aux dépens de la réforme dans d'autres secteurs du système.

Permettez-moi de citer, à titre d'exemple, un cas dans lequel on pourrait investir dans l'infrastructure et l'infostructure sans porter atteinte au système de soins de santé existant.

L'industrie, qui a piloté l'Efficient Healthcare Consumer Response (EHCR), a également collaboré avec l'Associationdes hôpitaux de l'Ontario à la réorganisation de la chaîne d'approvisionnement dans le domaine des soins de santé. De nos jours, on achète et on répertorie les fournitures médicales suivant une procédure désuète. Le système, manuel pour une large part, génère des erreurs et de la confusion.

Avec l'avènement du commerce électronique, nousbénéficierons d'un système dans lequel les bons produits iront au bon endroit au bon moment. On ne sera plus confronté au problème des hôpitaux à court des fournitures dont ils ont besoin ou d'interventions chirurgicales remises faute de la disponibilité du matériel nécessaire.

La modernisation de la chaîne d'approvisionnement dans le domaine des soins de santé exigera des investissements dans l'infostructure et l'infrastructure, mais on réalisera rapidement un rendement sur le capital investi, et les hôpitaux pourront réinvestir dans d'autres secteurs du système des soins de santé.

En ce qui concerne l'investissement dans la recherche, le Canada a la chance de compter sur des chercheurs et des centres de recherche universitaire de niveau mondial. Il suffit de penser au leadership du London Health Sciences Centre dans le domaine de la chirurgie robotique ou aux travaux de pionniers menés par l'Institut de cardiologie d'Ottawa pour se convaincre que les Canadiens jouent un rôle de premier plan dans la révolution du monde de la médecine.

Le Canada mise également sur des partenaires industriels axés sur la recherche, par exemple la société CryoCath de Montréal et la World Heart Corporation d'Ottawa, qui possèdent lescompétences et les connaissances nécessaires pour traduire de brillants concepts en instruments populaires, viables, sûr et efficaces. Des entreprises canadiennes et des multinationales de pointe élaborent la nouvelle technologie à partir de recherches canadiennes, lesquelles profiteront à des millions d'habitants de la planète. Ironiquement, dans le contexte actuel du financement des soins de santé, le Canada pourrait bien être parmi les derniers pays à adopter ces nouvelles technologies.

La création de technologies et de sociétés d'envergure mondiale au Canada dépend en partie de la présence d'un marché intérieur des soins de santé qui achète et utilise à fond les technologies révolutionnaires. Le modèle de financement actuel des soins de santé au Canada est, par la force des choses, axé sur la prestation adéquate de soins au meilleur coût possible. La réforme des soins de santé doit inclure une forme de financement souple qui permettra aux établissements de santé d'acquérir et d'utiliser pleinement les technologies modernes.

Grâce à des investissements soutenus dans la recherche, nous pourrons faire en sorte que le Canada demeure un chef de file dans le domaine de l'élaboration de technologies et d'instruments médicaux. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'augmentation de la part des dépenses fédérales affectées à la recherche en santé à 1 p. 100 du budget total de la santé proposée par le comité.

Nous demandons également au comité de reconnaître et de soutenir les aspects relatifs à l'arrimage de la recherche scientifique, de la médecine universitaire et de l'industrie innovatrice qui revêtent une importance critique.

Nous sommes d'avis que les évaluations des technologies de la santé peuvent aider le gouvernement à adopter des technologies médicales nouvelles et améliorées. Cependant, nous tenons à souligner que les évaluations des technologies de la santé, si elles constituent un outil utile pour faire en sorte que les Canadiens ont accès aux bonnes technologies, ne devraient pas avoir pour effet d'empêcher la mise au point ou le perfectionnement de technologies et d'instruments médicaux.

Au contraire des produits pharmaceutiques ou biotechnologiques, les technologies et les instruments médicaux peuvent être rapidement mis à niveau une fois que le produit a été introduit. L'innovation graduelle est la marque de commerce de notre industrie, et toute modification du rôle et de l'utilisation des évaluations des technologies de la santé devrait tenir compte de la nature du secteur, qui est en évolution constante.

Si on vérifie l'innocuité et l'efficacité de toutes les technologies avant qu'elles ne soient mises en marché, leur utilité s'améliore invariablement au fil des ans. Au fur et à mesure que les médecins se familiarisent avec une procédure ou une technologie donnée, les résultats s'améliorent, et les gains d'efficience s'accroissent. À la lumière de leurs réactions, on peut apporter des changements pour perfectionner les technologies. Les évaluations des technologies de la santé ne devraient pas freiner le phénomène.

Idéalement, MEDEC et ses membres aimeraient que les mécanismes de réglementation et d'évaluation des technologies de la santé fassent l'objet d'une harmonisation mondiale plus poussée. On devrait tenir compte des évaluations réalisées dans d'autres administrations. Si les évaluations des technologies de la santé peuvent se révéler un outil utile dans le contexte de ressources limitées dans le domaine de la santé, nous devons veiller à ce que le système soit suffisamment souple pour permettre l'adoption de nouvelles technologies.

En conclusion, j'aimerais une fois de plus remercier les membres du comité de l'occasion qu'ils nous ont donnée de comparaître devant eux aujourd'hui. Nous sommes encouragés par l'approche prospective des soins de santé que vous avez adoptée de même que par l'importance que vous attachez aux technologies et aux instruments médicaux. De toute évidence, vous comprenez et savez que, au moment de réformer et de bonifier notre système de soins de santé au Canada pour faire en sorte que les Canadiens bénéficient des meilleurs soins possibles, on doit sans cesse investir dans les technologies et les instruments médicaux.

Je vous remercie de votre temps et me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Notre prochain témoin est Mary Jo Dunlop, présidente de Comcare services de santé. J'aurais dû faire la même recommandation à M. Goodhand. Pourriez-vous, au lieu de lire votre mémoire en entier, vous en tenir aux points saillants? Je sais que nous aurons beaucoup de questions à vous poser à vous également.

Mme Mary Jo Dunlop, présidente, Comcare services de santé: Je vous remercie beaucoup. Je m'excuse de n'avoir pas pu vous faire parvenir mon mémoire à l'avance, mais, en raison d'une maladie subite d'un membre de ma famille, j'ai eu droit à un cours accéléré en soins actifs au cours des deux dernières semaines. J'ai écrit l'essentiel de mon texte à son chevet.

Le président: Comment se porte-t-il?

Mme Dunlop: Il est au plus mal, mais votre sollicitude me touche.

Le président: Quel dommage!

Mme Dunlop: Mon expertise porte sur les soins à domicile, et je vais donc me concentrer sur cet aspect du «rapport intérimaire». Je vais tenter de ne pas répéter ce qui est bien documenté et de limiter mes propos au rôle du gouvernement fédéral.

Comcare est un fournisseur de services de santé communautaire. Il s'agit d'une entreprise nationale à but lucratif. La société, qui a vu le jour à Montréal en 1969, compte 30 bureaux au Canada. Nous avons plus de 6 000 employés à notre service.

On vous a déjà longuement entretenus de la diversité des programmes de soins à domicile dans les provinces et les territoires. Ce phénomène se manifeste de façon éclatante dans les conditions de travail de nos employés. Les échelles salariales accusent toujours un retard important par rapport aux échelles salariales en vigueur dans les institutions, et on note des écarts considérables entre la côte Est et la côte Ouest.

L'étude lancée récemment grâce à des capitaux deDéveloppement des ressources humaines du Canada, encollaboration avec l'Association canadienne de soins et services à domicile et l'Association canadienne des soins et services communautaires, constitue une excellente illustration du rôle joué par le gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche. Il s'agit d'une étude des plus importantes pour la compréhension de la planification des soins à domicile et de l'affectation de ressources à ce secteur d'activités.

Les sociétés à but lucratif ont rarement accès à des fonds de recherche par le truchement d'initiatives et de programmes traditionnels de recherche en santé. Par conséquent, lesorganismes ayant pourtant de bonnes idées à propos des modèles de soins, y compris en ce qui concerne l'investissement nécessaire dans les technologies de l'information et des communications, mettent souvent du temps à réaliser des progrès.

Forts d'informations de meilleure qualité, nous pourrions nous orienter vers une pratique des soins à domicile fondée sur les résultats, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ce faisant, nous pourrions nous orienter vers l'établissement de normes dans le domaine des soins à domicile de même que vers un programme national des soins de santé à domicile.

En outre, les technologies déjà offertes et utilisées dans d'autres pays que le Canada pourraient nous permettre de répondre aux besoins d'un plus grand nombre de patients à l'aide des ressources humaines et financières dont nous disposons aujourd'hui.

Tant et aussi longtemps qu'on oblige les bénéficiaires à rendre compte des fonds de recherche reçus et à soumettre un plan d'évaluation, je ne vois pas pourquoi on devrait exclure les entreprises à but lucratif de telles activités de recherche.

Les commentaires que vous avez faits dans le «rapport intérimaire» au sujet de la nécessité du transfert opportun de connaissances fondées sur la recherche sont bienvenus et absolument nécessaires si nous voulons améliorer la qualité des soins à domicile.

Outre la recherche, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle dans l'établissement des principes - sinon des normes - d'un programme national de soins à domicile. Ces principes seraient conformes à ceux de la Loi canadienne sur la santé, à telle enseigne que les Canadiens bénéficieraient d'une accessibilité, d'une transférabilité et d'une intégralité uniformes où qu'ils se trouvent au pays, sans que leurs soins à domicile soient compromis. On nous parle souvent de patients qui craignent de déménager une fois leur service de soins à domicile établi.

Le gouvernement fédéral doit décider des services de base qui font partie des programmes de soins à domicile. Il s'agit d'une décision très difficile à prendre. Il serait dommage que le programme ne comprenne que les services médicalementnécessaires puisque les soins sociaux et le soutien dans le cadre des activités quotidiennes se sont révélés des moyens efficaces de garder les aînés à la maison.

En ce qui concerne les normes nationales, notre organisme a été la première entreprise de soins à domicile à recevoir un agrément national de la part du Conseil canadien d'agrément des services de santé. Nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui laissent entendre que l'établissement de normes nationales est impossible.

On peut uniformiser l'approche en vigueur dans l'ensemble du Canada. Si les «normes» ne portent que sur l'allocation des ressources, cependant, d'autres facteurs influeront sur la mesure dans laquelle nous réussirons à mettre au point une série de normes nationales. La santé financière des provinces, la pratique des médecins dans les provinces, les autres ressources offertes, les règlements provinciaux qui régissent d'autres professionnels de la santé et la volonté politique sont autant de facteurs qui rendent difficile l'établissement d'un consensus sur des normes nationales. Aujourd'hui, les écarts observés dans la pratique sont considérables, et les incitatifs offerts aux fournisseurs ne sont pas axés sur les résultats pour les patients.

L'aspect de notre pratique le plus susceptible d'amélioration est le suivant: l'intervention doit dès le départ tenir compte de l'issue. Nous ne dépensons pas plus d'argent; nous ne faisons qu'assurer des services à un plus grand nombre de personnes avec le même argent.

Nous devons investir dans la technologie de l'information et des communications liée aux soins à domicile. La technologie existe déjà pour une bonne part, mais nos modèles de soins à domicile au Canada ont traditionnellement été axés sur les frais d'utilisation, et on n'a versé des fonds que pour les visites en personne. Jusqu'ici, on utilise très mal au pays la télémédecine et d'autres mécanismes qui nous permettraient de suivre le patient.

Nous avons été heureux de voir la franchise avec laquelle les membres du comité ont abordé la question des soins de santé privés. À titre d'entreprise privée à but lucratif dont le gouvernement provincial est le principal client, nous croyons à l'administration publique et aux principes de la Loi canadienne sur la santé.

En pratique, cependant, nous constatons tous les jours qu'un certain nombre de personnes ne sont pas admissibles aux programmes gouvernementaux ou achètent des services privés en sus de ceux que fournit le gouvernement parce que l'allocation gouvernementale ne répond pas à leurs besoins. Il est faux de prétendre que les programmes provinciaux de soins à domicile répondent aujourd'hui à la demande. Même maintenant, les provinces ne sont qu'une des entités qui assurent des soins à domicile. De toute évidence, les Commissions des accidents du travail et certains produits d'assurance individuels comme les prestations de santé prolongés assument également les coûts de soins à domicile.

L'assurance pour soins de longue durée est un produit d'assurance offert sur le marché, mais nous avons constaté qu'elle est en pratique très coûteuse et limitée - et nous effectuons environ 3,5 millions d'interactions par année auprès de patients. Le gouvernement fédéral devrait envisager une diversité de mécanismes financiers pour soutenir les soignants, y compris des avantages fiscaux, l'assurance-emploi et les dispositionslégislatives relatives à l'emploi connexes.

À mesure que nous avançons, nous pensons que le secteur privé représentera un partenaire important. Notre participation ne contredit pas la Loi canadienne sur la santé et ne constitue pas non plus une forme de privatisation. La privatisation, selon nous, signifierait le transfert actif des responsabilités du secteur public vers le secteur privé, aux fins de la réglementation, du financement et de la production. Nous fonctionnons bien dans un système administré par l'État. Nous avons fait nos preuves à titre d'organisme d'intervenants valorisés assurant d'excellents soins de santé dans le contexte de la discipline économique. Nous mettons l'accent sur l'efficience et l'efficacité de l'administration pour pouvoir investir dans l'excellence clinique. Nos profits nous permettent de réinvestir dans notre système, ce qui, comme vous l'avez fait observer dans votre document, répond à un besoin criant.

Nous devons également compter sur le leadership dugouvernement fédéral dans le domaine de la recherche et de l'investissement dans les technologies de l'information et des communications. Nous ne demandons pas de fonds additionnels; tout ce que nous voulons, c'est une forme d'accès à certaines subventions et à certains programmes déjà offerts. Nous nous contentons simplement, me semble-t-il, de tabler sur les principes du traitement équitable et de l'accès équitable aux ressources offertes au Canada, et l'investissement nous permettra de nous orienter vers une pratique fondée sur les résultats. Nous serons ainsi en mesure d'utiliser nos ressources humaines et financières de façon plus appropriée. Une telle démarche nous conduira vers les normes et, grâce à l'information vers un système de soins.

M. Gerry McDole, président-directeur général,AstraZeneca: Sénateurs, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous faire part de mes vues sur d'importants enjeux de politique gouvernementale.

J'ai lu avec intérêt votre rapport intitulé «Questions et options», et j'aimerais faire des commentaires au sujet de quelques-uns des points qui y sont soulevés. Il est difficile de s'en tenir à de cinq à sept minutes au sujet d'un problème complexe, mais nous allons faire de notre mieux.

Comme vous, je me suis toujours passionné pour notre régime d'assurance-maladie. Je suis assez vieux pour comparer la vie avec et sans lui, et je dois vous dire que c'est le premier scénario qui me paraît préférable. Je me souviens d'avoir mis trois ans à rembourser la dette contractée à l'occasion de la naissance de notre premier enfant.

On peut toujours améliorer de bons systèmes, et la modification la plus importante dont a besoin le système est une réorientation. Je veux dire par là le reciblage sur le patient. Aujourd'hui, les pressions budgétaires semblent engendrer un nouveau système davantage axé sur les finances, et je pense que cette tendance ne va pas dans l'intérêt de la santé des Canadiens et que la santé des Canadiens ne peut guère se le permettre.

Dans vos travaux, vous avez jusqu'ici fait ressortir, entre autres, la préoccupation abondamment publicisée qui concernel'augmentation des dépenses pour les médicaments. J'aimerais vous faire part de mon point de vue sur le débat relatif aux politiques de limitation des coûts des médicaments et aux résultats pour la santé des patients.

D'entrée de jeu, je tiens à préciser que je comprends le défi auquel chacun est confronté. Les décideurs doivent administrer les fonds publics limités à leur disposition, dans le respect de leur responsabilité budgétaire, tout en assurant l'accès auxmédicaments éprouvés.

Cela dit, des études sur la politique gouvernementale menée à la Harvard Medical School et à l'université McGill laissent entendre qu'il est temps que nous revenions sur le bien-fondé de la limitation des coûts et d'autres interventions puisque les approches bien intentionnées, mais peut-être trop globales de l'administration des médicaments produisent des effets inattendus et indésirables.

Selon les spécialistes, on devrait consacrer des études à l'importance du phénomène de la mauvaise utilisation des médicaments avant d'introduire des politiques. Soit dit en passant, j'entends par «utilisation appropriée» l'administration du bon médicament au bon patient au bon moment.

Notre industrie a un rôle clé à jouer en veillant à ce que les débats scientifiques entre médecins favorisent l'utilisationappropriée. La réponse à ces problèmes réside dans une approche concertée entre l'industrie et le gouvernement. Depuis trop longtemps, les décideurs tentent de résoudre seuls les problèmes qui entourent le système de soins de santé et l'augmentation des dépenses pour les médicaments. Nous devons adopter une approche des interventions et de l'élaboration de politiques qui soit fondée sur les résultats, de même que colliger des données avant, pendant et après la mise en application.

J'aimerais dire un mot de la question du prix des médicaments de marque déposée parce que cette question semble intéresser tout particulièrement les médias.

Quelques études récentes ont montré que les taux d'utilisation et le vieillissement de la population accusent un retard par rapport à la croissance des budgets des programmes de médicaments - et non par rapport au prix des médicaments en soi. Nous confondons «budgets des programmes de médicaments» et «prix des médicaments».

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral examine chaque nouveau produit par le truchement du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Le plus récent rapport montre que les prix des médicaments novateurs sont inférieurs d'environ 10 p. 100 à la moyenne internationale. Sur un total de huit, il n'y a en fait que deux pays où les prix sont inférieurs à ceux qui s'appliquent au Canada. Je profite de l'occasion pour souligner que les prix pratiqués par mon entreprise viennent à l'avant-dernier rang, derrière ceux de la Corée.

Si c'est le gouvernement fédéral qui surveille nos prix, nous bénéficions, au niveau provincial, de bonnes études coûts-avantages chaque fois que nous demandons l'inscription d'un produit sur les formulaires de façon qu'ils puissent être remboursés. Honorables sénateurs, je suis donc d'avis que les Canadiens sont déjà en mesure d'obtenir un bon rapport qualité-prix lorsque les médicaments sont utilisés adéquatement.

À la suite de la plus récente rencontre des ministres de la Santé à Terre-Neuve, j'ai lu des articles de journaux laissant entendre que les provinces se sentent contraintes d'homologuer de nouveaux médicaments offerts dans d'autres provinces. Un examen rapide des taux d'homologation d'une province à l'autre montre que ce n'est pas du tout le cas.

Néanmoins, il est intéressant de constater que les formulaires varient d'une province à l'autre. On peut se demander quels sont les critères qui président à l'inscription d'un nouveau produit. Quant à savoir si ce phénomène justifie l'établissement d'une stratégie nationale d'efficacité des coûts, comme l'a laissé entendre le ministre fédéral de la Santé, c'est une autre question.

Mon avis personnel, c'est que notre industrie serait disposée à travailler avec les gouvernements à la mise au point d'une approche permettant la prestation des meilleurs soins possibles aux patients à l'aide des ressources disponibles.

Aujourd'hui, cependant, le fait que de nombreuses provinces semblent vouloir limiter le nombre de médicaments offerts aux patients dans chacune des catégories de produits représente une grave inquiétude pour les patients, les médicaments et les résultats pour la santé de façon plus générale. Une telle tendance me préoccupe dans la mesure où elle ne se justifie ni pour des raisons scientifiques ni pour des raisons économiques. La réglementation fédérale fait en sorte que les nouveaux produits sont tarifés à l'intérieur d'une fourchette donnée dans chacune des catégories - même lorsque des améliorations substantielles ont été apportées. Du strict point de vue des coûts, les choix qui sont faits ne changent pas grand-chose.

En fait, ce sont ces améliorations graduelles qui stimulentla recherche. L'histoire de la médecine, de la recherche pharmaceutique et de l'humanité en général repose sur ces étapes et ces innovations graduelles.

Prenez, par exemple, le cas de l'industrie automobile. Votre première voiture n'était pas munie de freins ABS, de sacs gonflables, de ceintures de sécurité et de toute une panoplie d'autres dispositifs. Dans le domaine des médicaments aussi, les améliorations se sont au fil des ans traduites par une réduction des effets secondaires, une guérison plus aisée ou plus rapide, des formes posologiques plus commodes, et ainsi de suite.

Ces perfectionnements confèrent au médecin une marge de manoeuvre plus grande dans le traitement de chacun des patients - il n'y en a pas deux pareils. Ces médicaments,malheureusement, sont souvent rejetés faute de constituer des percées spectaculaires.

Le comité laisse également entendre que l'établissement de prix de référence devrait compter parmi les options stratégiques sérieuses que le gouvernement pourrait prendre en considération. Les membres du comité voudront peut-être jeter un coup d'oeil sur l'échec de la tentative de politique de prix de référence de la Colombie-Britannique.

Comme vous le savez peut-être, le gouvernement actuel est aujourd'hui à la recherche de solutions de rechange à ce système - qui, ont laissé entendre certains, constitue véritablement la forme la plus pernicieuse qui soit de médecine à deux vitesses. Pour de trop nombreuses personnes, ce régime a fait en sorte que les patients ne pouvaient obtenir les médicaments prescrits par leur médecin que si elles en avaient les moyens.

En fait, on a sondé les professionnels de la santé de la Colombie-Britannique sur les impacts des modifications apportées aux prescriptions en fonction du système: 90 p. 100 des pharmaciens et 95 p. 100 des médecins ont fait état de problèmes éprouvés par leurs patients. Soit dit en passant, ces pourcentages n'avaient pas diminué une année après l'introduction du régime. Trois années plus tard, il n'y a toujours pas de changements notables.

En outre, un institut de recherche stratégique de la Colombie-Britannique a étudié les économies générées par cette politique de limitation des coûts et constaté que, en Colombie-Britannique, les coûts des médicaments avaient, dans l'ensemble, augmenté plus rapidement que dans toutes les autres provinces du Canada. Ils ont continué d'augmenter sur une période prolongée. En plus, on n'a pas tenu compte d'autres coûts additionnels pour la santé générés par la politique. À titre d'information, j'ai annexé ces renseignements à mon mémoire.

Voilà qui m'amène à dire un mot des politiques de limitation des coûts qu'on met en application sans en évaluer les impacts. Honorables sénateurs, nous devons nous doter d'un système qui renforce la relation entre le patient et le médecin. Examinons des approches innovatrices et efficientes qui prennent les besoins du patient comme point de départ.

À titre d'exemple, on met en place des programmes de gestion des soins thérapeutiques dans quelques administrationscanadiennes. La gestion des soins thérapeutiques est une approche systématique et fondée sur les résultats de l'utilisation des ressources qui vise à produire les résultats souhaités pour la santé des patients. Dans le cadre de tels programmes, on unit les patients, les fournisseurs de soins de santé, le gouvernement, l'industrie, les entreprise de technologie de l'information et les universitaires dans un partenariat qui part du principe que les soins de santé et les résultats peuvent être meilleurs. On s'écarte du modèle des intrants et des contrôles isolés pour adopter une perception des systèmes qui favorise l'intégration des éléments et l'amélioration de la santé de populations entières.

Ce qu'il y a de génial dans la notion de gestion des soins thérapeutiques, c'est qu'elle fonctionne vraiment. Au départ, on établit une mesure de base, puis on procède à une analyse et on communique les résultats aux médecins. C'est dans ce dernier aspect que réside le génie de la démarche. Tous les médecins ont à coeur de faire l'impossible pour leurs patients. Quand ils reçoivent les résultats, les médecins ne mettent pas de temps à modifier leurs schémas de comportement. Il en résulte de meilleures interventions. En fait, on continue de hausser la barre au fur et à mesure que de nouvelles mesures sont fournies et que de nouvelles améliorations sont apportées. Ce sont toutes ces améliorations de la qualité au profit des clients qui font que la gestion des soins thérapeutiques dame le pion à toutes les solutions de rechange qui existent aujourd'hui.

Ces initiatives sont autant d'occasions de mettre en lumière une approche de la gestion de la santé qui constitue une solution de rechange faisable aux formulaires restrictifs et à la budgétisation cloisonnée. Honorables sénateurs, c'est là que réside, à mon avis, l'avenir des soins de santé.

Ces programmes n'ont plus pour effet de rationner les soins; au contraire, ils les élargissent. Ils permettent de réaliser des économies en réduisant le nombre d'hospitalisations ou d'autres interventions plus coûteuses et en contribuant tout simplement à faire que les gens demeurent en santé. Tel devrait être le but de l'ensemble de notre système de santé: faire que les gens demeurent en santé.

Je tiens à vous remercier de votre temps, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie. Avant de passer au sénateur Keon, j'aimerais poser deux ou trois questions à Mme Dunlop pour obtenir des éclaircissements

À la page 4 de votre mémoire, vous écrivez:

On peut uniformiser l'approche en vigueur dans l'ensemble du Canada. Si les «normes» ne portent que sur l'allocation des ressources, cependant, d'autres facteurs influeront sur la mesure dans laquelle nous réussirons à mettre au point une série de normes nationales.
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?

Mme Dunlop: Le Conseil canadien d'agrément des services de santé a un document sur les normes que vous devez suivre lorsque vous cherchez à obtenir un agrément national.

Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais les normes en question s'appliquent à une profession, et non à un organisme, n'est-ce pas?

Mme Dunlop: Non, elles s'appliquent à un organisme pour l'agrément dans le domaine des soins à domicile.

Le président: D'accord, je vois.

Mme Dunlop: Leur approche est donc uniforme. Si nous cherchons à établir des normes nationales et que ces dernières tournent autour de l'allocation des ressources, quel est le nombre d'heures d'aide à domicile auquel une personne devrait avoir droit et quel est le nombre de visites de thérapeutes qu'elle devrait pouvoir recevoir? Cela devient complexe puisque la question a trait non plus à l'approche, mais bien plutôt à toutes ces choses.

La plupart des professionnels de la santé sont réglementés par les provinces. Au Canada, nous employons donc probablement douze types différents d'auxiliaires familiales.

Le président: Pardonnez-moi, mais les soins à domicile sont l'un des aspects dont on nous a très peu parlé. C'est pourquoi je vous pose la question.

Quand vous déclarez qu'il y a différents types d'auxiliaires familiales, que voulez-vous dire?

Mme Dunlop: Elles portent des titres différents. Elles ont des champs de pratique différents.

Le président: Des compétences différentes?

Mme Dunlop: Oui, des études universitaires différentes.

Le président: Donnez-moi quelques exemples. Faut-il un diplôme d'infirmière? Faut-il être infirmière accréditée?

Mme Dunlop: Les infirmières composent l'une des catégories les plus constantes, mais, en ce qui concerne les auxiliaires familiales, il y a quatre niveaux simplement en Ontario. Il y a aussi quelques niveaux en Colombie-Britannique. Il y a des personnes qui peuvent effectuer des tâches déléguées et d'autres qui ne sont pas habilitées à le faire. Bon nombre d'entre elles portent des titres différents. La situation est très déroutante et pas du tout uniforme.

Lorsque, par conséquent, on fait référence à des normes et qu'on tente d'associer la norme à la formation théorique de la personne, la question devient plus complexe puisque laréglementation relève de la compétence des provinces.

Le président: Alors que, par comparaison, un médecin est titulaire d'un permis d'exercice national, au même titre qu'une infirmière.

Mme Dunlop: Exactement.

Le président: Vous êtes titulaire d'un permis provincial. Non seulement les permis sont-ils différents, mais en plus, les descriptions de travail le sont aussi, n'est-ce pas?

Mme Dunlop: Absolument.

Le président: Les règles qui délimitent les champs de pratique sont différentes.

Mme Dunlop: Oui. La plupart des normes auxquelles nous devons nous conformer sont édictées par les organismes provinciaux responsables des paiements de transfert, et chacun a les siennes.

Le président: Ce ne sont pas des normes nationales?

Mme Dunlop: Non. Le problème qui se pose dans le domaine des soins à domicile, c'est que, ce n'est pas qu'il n'y a pas de normes; c'est qu'il y a de si nombreuses normes édictées chacune par des organismes différents.

Le président: Plus loin, à la même page, vous affirmez que, jusqu'à maintenant, seules les visites en personne sont financées. Voulez-vous dire que vous pourriez effectuer certains autres actes - au moyen de la télé-électronique, par exemple, qui permet de mesurer la tension et d'effectuer d'autres formes de contrôle à distance -, mais que, le cas échéant, vous ne seriez pas remboursée parce que vous n'avez pas eu l'intéressé en face de vous?

Mme Dunlop: Exactement. Les capacités et les incitatifs sont donc inexistants.

Le président: Pourquoi le feriez-vous?

Mme Dunlop: Eh bien, parce que j'essaie de prouver que le système fait fausse route et qu'il y a de meilleures utilisations possibles des ressources existantes.

Nous nous sommes notamment donné pour mission d'établir un système national d'information de façon à pouvoir tout au moins suivre les personnes qui ont fait l'objet du même diagnostic lorsque, pour le même diagnostic, on a affaire à des schémas différents d'utilisation des ressources. Si, par exemple, l'infirmière Unetelle a besoin de quatre visites pour faire l'éducation d'une personne nouvellement atteinte du diabète et qu'une autre infirmière a besoin de huit visites, nous devons établir une pratique exemplaire qui nous permettra de faire en sorte que les enseignements sont cohérents et qui deviendra la norme.

Le président: Oui. Vous faites donc beaucoup au chapitre de la formation de vos propres employés?

Mme Dunlop: Oui, absolument.

Le président: Ils ne proviennent donc pas tous d'établissements d'enseignement officiels?

Mme Dunlop: Eh bien, en fait, ils ont tous reçu une formation dans un établissement d'enseignement officiel, à l'exception des auxiliaires familiales à un échelon très élémentaire, à l'échelon le plus élémentaire.

Le président: C'est vous qui vous chargez de parfaire les compétences de vos employés?

Mme Dunlop: Oui, ou encore nous finançons leur inscription à un programme offert par un collège communautaire.

Le sénateur Keon: Il est intéressant que vous soyez tous les trois ici aujourd'hui parce que, ensemble, vous représentez un problème qui se pose aujourd'hui dans le système de santé. Traditionnellement, nous avons toujours su comment composer avec les médecins et les hôpitaux, mais nous nous sommes moins bien tirés d'affaire dans le domaine des soins à domicile, de la technologie et, bien entendu, des produits pharmaceutiques, particulièrement à l'extérieur. On gère relativement bien les produits pharmaceutiques dans les hôpitaux, mais, une fois que le patient a reçu son congé et a besoin de soins à domicile, un énorme problème se pose.

De même, on entre alors dans le problème formidablement complexe de la rémunération des médecins, en particulier en ce qui concerne les soins à domicile, où il existe de terribles lacunes et où, dans bien des cas, il n'y a pas vraiment de régime de rémunération.

Vous avez par exemple soulevé la question de la télémédecine. Il n'y a pas d'obstacle technologique à l'application de la télémédecine. Il s'agit principalement d'un obstacle lié à l'effectif puisqu'on ne peut imposer la télémédecine au système ni aux personnes qui y travaillent.

Je ne sais pas comment vous départager, mais j'aimerais vous entendre tous les trois au sujet de l'intégration possible des soins à domicile dans le réseau hospitalier, le secteur institutionnel.

Comment établir en marge de l'hôpital un système qui assurera un financement adéquat de la technologie des médicaments? Un tel système devrait vous conférer la latitude voulue pour modifier votre personnel de manière à répondre aux programmes et le régime de rémunération, celui des médecins plus que celui des infirmières et des autres professionnels de la santé, qui sont habituellement salariés.

Pourriez-vous tous les trois tenter une réponse? Nous verrons ce qui ressort collectivement de vos interventions.

M. McDole: Eh bien, je pourrais commencer par affirmer que nous devons réformer le mode de rémunération des divers intervenants du système parce que, compte tenu du type actuel de budgétisation, la conciliation de tous les différents éléments représente un véritable défi.

Si on se donnait pour tâche de gérer le coût du traitement d'un patient et d'allouer des ressources en fonction du but à atteindre, on serait mieux en mesure d'affecter les ressources appropriées - qu'il s'agisse des médicaments dans un cas ou des soins à domicile dans l'autre. Soit dit en passant, les soins à domicile et les médicaments se complètent à merveille dans la mesure où les uns permettent aux autres de se matérialiser. On aura beaucoup de mal à y parvenir avant d'éliminer le financement cloisonné tel qu'il existe aujourd'hui.

Le sénateur Keon: Pouvez-vous penser à des incitatifs grâce auxquels on pourrait s'éloigner de la budgétisation cloisonnée?

M. McDole: Je ne sais pas comment le décrire, mais il faudrait recourir à une forme de système de financement global du traitement d'une maladie par opposition à celui des différents intervenants du domaine.

Aujourd'hui, nous misons sur un système en vertu duquel il faut diviser pour régner: chaque intervenant tient à s'assurer une part du gâteau. Dans ce contexte, il est très difficile d'opter pour la solution la plus économique ou la plus appropriée.

Le sénateur Keon: Un financement de programme axé sur les maladies donnerait d'assez bons résultats pour le cancer. Je pense aussi qu'il fonctionnerait dans d'autres secteurs comme les maladies coronariennes et peut-être le diabète, le sida, probablement l'arthrite, après quoi la source se tarit.

M. McDole: Non, parce que nous menons aujourd'hui au Québec une expérience relative à une maladie respiratoire. Je pense donc qu'on pourrait inclure au moins l'asthme et peut-être aussi certaines autres maladies respiratoires. Je pense que ces systèmes de soins gérés pourraient s'appliquer à un plus grand nombre de maladies que celles que vous venez de citer.

M. Goodhand: Je suis tout à fait d'accord avec M. McDole pour dire que le financement cloisonné est l'un des problèmes fondamentaux.

L'un des constats que nous faisons au moment d'installer une nouvelle technologie, c'est que des économies sont inévitablement réalisées dans l'un ou l'autre des secteurs du système. Plus les économies se rapprochent du point d'achat, plus il est facile de justifier les technologies. Plus les économies sont loin du responsable du budget, plus il est difficile d'introduire les nouvelles technologies.

Je pense que la régionalisation des soins de santé constitue probablement un pas dans la bonne direction. Il y a au moins quelqu'un qui, après avoir examiné l'enveloppe budgétaire déclare: «En dépensant telle ou telle somme ici, nous allons réaliser des économies là et offrir des soins à domicile à des personnes».

Un de nos membres offre un produit qui pourrait permettre à des personnes de sortir des établissements de soins prolongés pour vivre dans un contexte de soins à domicile de soutien et probablement mener une existence productive.

Dans votre rapport, vous citez l'étude de 1998 portant sur les coûts indirects des soins de santé, la perte de productivité et les invalidités se révélant aussi importantes que les coûts directs. Je pense qu'il s'agit là d'un des défis auxquels nous sommes confrontés. En faisant ce qu'il faut dans un hôpital intégré au système de soins à domicile et au reste du système de soins de santé, on pourra apporter de véritables changements qui donneront à des gens la possibilité de vivre une vie plus productive sans maladie ni invalidité.

On ne parviendra pas à convaincre un hôpital ou une salle d'opération qu'il faut quadrupler l'investissement dans un certain type de produits pour réaliser des économies au titre des soins à domicile - et il s'agit là d'une énorme fragmentation. Nous ne disposons pas d'un réseau de la santé: nous avons plutôt affaire à de multiples silos posés côte à côte.

Mme Dunlop: Sans médicaments et sans matériel, la moitié de mes patients ne pourraient probablement pas rester à la maison. Par conséquent, il s'agit d'éléments absolument essentiels à la prestation de soins à domicile efficaces.

En ce qui concerne l'intégration, la voie de l'information est probablement celle qui engendre le moins de résistance. Grâce à un réseau d'information, on peut commencer à suivre un patient et, à tout le moins, la part des fonds publics qui lui est consacrée. J'ignore si on pourrait ou non le faire pour les dépenses privées.

Je pense que nous pouvons réaliser l'intégration au moyen de l'information. Nous devons cerner les résultats pour les patients en ayant d'abord l'issue à l'esprit. Nous devrions savoir d'entrée de jeu ce que nous cherchons à accomplir. Nos partenaires en milieu hospitalier et nous trois devrions tous être au courant en commençant. Nous ne devrions pas travailler de façon ponctuelle, ce qui est généralement la façon dont nous procédons.

Nous réalisons certains progrès grâce, par exemple, aux cheminements de soins qui prennent naissance à l'hôpital. Les soins à domicile sont complexes sur le plan social. Un homme de 50 ans qui subit son premier infarctus du myocarde, vit à la maison, bénéficie de soins prolongés et peut compter sur une épouse et une assurance grâce à son travail obtiendra, grâce aux soins à domicile, des résultats différents de ceux d'une femme de 80 ans qui vit seule, dans des conditions peut-être sordides, et qui subit son premier infarctus à 80 ans.

Dans le domaine des soins à domicile, il n'y a pas de remède universel parce que le contexte social joue un rôle beaucoup plus important que dans un établissement. Il est certain que nous pouvons faire beaucoup mieux au chapitre de l'intégration grâce à l'information et à l'utilisation du même point de départ par tous les intervenants.

Le sénateur Keon: Puis-je vous ramener tous les trois à la technologie de l'information dans ses rapports avec l'information et les communications?

Ayant passé le plus clair de ma carrière de médecin à sonder cette question, j'en suis récemment venu à la conclusion que nous l'avons toujours abordée par le mauvais bout de la lorgnette. Nous tentions de commencer par en haut, au niveau fédéral, au niveau provincial ou au niveau des grands établissements pour ensuite diffuser les résultats. Je pense maintenant que nous procédons à l'envers.

Nous devrions commencer au niveau du patient, en munissant ce dernier d'une carte-santé contenant tous les renseignements qui le concernent et munie de tous les coupe-feu nécessaires. On pourrait avoir un dépôt de données pour les soins à domicile et pour les hôpitaux avec qui vous interagissez. On pourrait également avoir un dépôt régional, un dépôt provincial et un dépôt fédéral.

Sur le plan technologique, les pontes du domaine m'ont dit que c'était tout à fait possible. Dans une autre vie, je suis en quelque sorte en train d'y travailler.

Qu'en pensez-vous tous les trois? Dites-moi.

M. Goodhand: Je suis tout à fait d'accord. J'ai vécu une expérience personnelle avec un membre de ma famille qui a bénéficié de soins hospitaliers et de soins à domicile. En fait, nous sommes parvenus à faire fonctionner le système de soins de santé et avons obtenu au Canada des soins d'une extrême qualité grâce à un patient éclairé et à un défenseur des patients éclairés. Nous avons établi les liens nécessaires entre les informations. Si nous avions été âgés ou incapables de communiquer avec les médecins, nous aurions connu une expérience épouvantable parce que le système n'était pas intégré ni axé sur le patient.

Selon mon expérience personnelle, je pense donc qu'une telle approche existe assurément.

Des méthodes comme le télémonitorage peuvent jouer un rôle en ce qui concerne les soins hospitaliers et les soins à domicile; le télémonitorage est sans contredit axé sur les patients.

M. McDole: Vouliez-vous également parler d'une sorte de compte santé pour tous les patients?

Le sénateur Keon: Oui, cela pourrait en faire partie. Mais peut-être devrions-nous nous en tenir aux données médicales.

M. McDole: Oui, je suis d'accord pour dire qu'il est essentiel que les divers intervenants doivent mieux échanger l'information qu'aujourd'hui. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Keon: D'où pensez-vous que l'initiative devrait venir? Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait dépenser 10 milliards de dollars pour constituer un réseau d'informations qui ne fonctionnera jamais? Pensez-vous au contraire que nous devrions créer des cartes-santé que les particuliers auront avec eux, étant entendu que leurs renseignements personnels seront protégés grâce aux divers coupe-feu qui seront produits?

M. McDole: À titre de consommateur, je préférerais que les renseignements figurent sur ma carte-santé - une «carte intelligente» - qui saurait tout sur moi et mes besoins en santé.

M. Goodhand: On pourrait consacrer deux milliards de dollars à une carte qui fonctionne, et cela vaudrait peut-être le coup, mais il serait inacceptable d'affecter 10 millions de dollars à une autre qui ne fonctionne pas.

Mme Dunlop: Je suis d'accord. J'ai entendu parler du cas d'une personne si frustrée par ses multiples admissions qu'elle a consigné son histoire médicale sur un CD ROM. À son arrivée à la salle d'urgence, elle le remettait au préposé et lui demandait de le mettre dans l'ordinateur.

Je pense qu'une telle mesure ferait beaucoup pour éliminer les erreurs et les utilisations impropres des ressources. Dans le domaine des soins à domicile, nos professionnels de la santé échangent des documents sur support papier avec les cabinets de médecins. Si nous disposions de renseignements solides et de qualité au niveau local, que nous serions en mesure d'échanger facilement, nous pourrions éliminer la frustration des médecins à l'égard des soins à domicile. Si les médecins sont frustrés, c'est parce qu'ils ne peuvent pas quitter une salle d'attente remplie de patients pour aller s'occuper d'une personne qui vit à domicile. Peut-être aussi leur téléphonons-nous quant il n'y aurait pas lieu de le faire.

Des dossiers médicaux sur support électronique, une série de projets pilotes et l'expansion de ces derniers nous feraient réaliser des progrès considérables, tant et aussi longtemps que nous assurons la protection des renseignements personnels et que seules les personnes compétentes ont accès aux renseignements.

Mon père était un grand malade, et il avait en main un document qu'il remettait à son arrivée à la salle d'urgence. Tout était écrit à la machine. Il refusait carrément de revenir une fois de plus sur son histoire médicale. Je pense que les patients atteints d'une maladie chronique en viennent à éprouver de la frustration et ne souhaitent pas revenir une fois de plus sur leurs antécédents. C'est pourquoi, en tant que praticiens des soins à domicile, nous exerçons nos activités avec la moitié seulement des informations nécessaires.

Le sénateur LeBreton: Les questions du sénateur Keon constituent une entrée en matière parfaite pour les enjeux que je souhaite soulever. Monsieur McDole, j'aimerais discuter avec vous de la question de l'utilisation inappropriée des médicaments.

Il y a quelques années, j'ai siégé à un comité aux côtés de John Crispo. À l'époque, il était question de «cartes intelligentes» - c'est l'expression qu'il utilisait. Un système de ce genre paraît sensé. Il suffirait de veiller à ce que les renseignements soient adéquatement protégés, et je me demande comment vous vous y prendriez pour régler le problème de la confidentialité.

Cependant, il y a des personnes à qui on prescrit des médicaments qu'elles ne prennent pas. Il y a des personnes qui vont d'un médecin à l'autre et qui font remplir des ordonnances par des pharmacies différentes. En plus, elles achètent des médicaments en vente libre et se causent probablement à elles-mêmes des torts considérables, quelle que soit la maladie pour laquelle elles sont traitées.

Dans votre témoignage, vous avez fait allusion aux «résultats inattendus et indésirables» d'études en cours. Votre industrie a-t-elle réfléchi au moyen de régler et de surmonter ce problème particulier?

M. McDole: C'est probablement le système de soins géré auquel nous avons fait allusion qui constituerait le moyen le plus efficace de faire face à la situation. Le problème va bien au-delà de l'utilisation inappropriée. Il y a des cas de surconsommation, comme vous l'avez indiqué. Il y a aussi des cas de sous-utilisation - des patients qui ne se conforment pas aux directives, ne prennent pas leurs médicaments ou, dans un premier temps, ne vont pas chercher de l'aide.

Il faut administrer les deux côtés de la médaille. Nous devons nous doter d'un système plus rapproché auquel participeraient l'ensemble des intervenants et qui permettrait des interventions et des suivis plus appropriés à différents niveaux. Au bout du compte, on obtiendrait de meilleurs résultats.

Le sénateur LeBreton: Vous êtes donc généralement favorable à l'idée d'une carte-santé intelligente?

M. McDole: Oui. Nous avons besoin d'un moyen efficient de communiquer les renseignements - sur un médium électronique quelconque, peut-on imaginer - qu'il passe par le dossier du patient, sa carte-santé ou un autre médium.

Le sénateur LeBreton: Dans votre témoignage, monsieur Goodhand, vous avez fait allusion à la réutilisation d'instruments conçus pour un usage unique, et, sur le paragraphe, j'ai écrit un mot: «Terrifiant!» avec un gros point d'exclamation.

Dans quelle mesure la pratique est-elle prévalente? Quel genre d'économies les établissements qui s'y adonnent espèrent-ils réaliser?

M. Goodhand: On observe la pratique depuis probablement une décennie ou un peu plus, en raison des compressions dans la santé. Si on réutilise un instrument destiné à un usage unique, c'est uniquement pour économiser de l'argent.

Un rapport de Santé Canada qui sera rendu public d'ici une trentaine de jours montrera que la pratique est relativement répandue et que la plupart des hôpitaux ne sont pas dotés de procédures écrites concernant la façon de réutiliser desinstruments destinés à un usage unique et le moment où il convient de le faire.

Deux études indépendantes, qui seront publiées le mois prochain, indiquent que la pratique est relativement prévalente. En raison de ces rapports, les hôpitaux ont procédé à certaines évaluations récentes pour établir s'il convient ou non de réutiliser certains de leurs produits les plus sensibles. «Terrifiant» est le mot qui convient.

Le sénateur LeBreton: Sans parler du degré de confiance qu'ont les patients dans le système - je crois qu'ils lui font toujours une certaine confiance.

M. Goodhand: Exactement. Nous avons souvent dit que les patients auraient des discussions différentes avec leur médecin s'ils savaient que les produits sont réutilisés.

Le président: Sans blague. Eh bien, la révélation a certainement secoué bon nombre d'entre nous qui ne faisons pas partie de la profession médicale.

Le sénateur Callbeck: Dois-je comprendre que, selon vous, certains hôpitaux n'ont pas de normes concernant l'utilisation de ces instruments?

M. Goodhand: Une fois de plus, j'assortis mes propos d'un bémol parce que je préférerais attendre de voir les rapports qui émaneront de Santé Canada et d'un autre organisme associé. Je crois qu'on a fait parvenir un questionnaire à 700 hôpitaux et obtenu 400 réponses. Les résultats montrent que, dans la plupart des cas où des instruments sont réutilisés, il n'y a pas de directives écrites.

La plus grande inquiétude de l'industrie, c'est que Santé Canada nous assujettisse à une procédure de surveillance énorme et appropriée pour s'assurer que l'instrument que nous avons vendu pour un usage unique est non seulement stérile, mais en plus qu'il fonctionnera comme il doit fonctionner, par exemple qu'une sonde à ballonnet se gonflera toujours au même rythme. Si le produit est stérilisé de nouveau une demi-douzaine de fois ou 25 fois, le fabricant n'a plus de contrôle sur son rendement.

L'industrie a affirmé qu'on ne devrait pas réutiliser un instrument conçu pour un usage unique. Si, cependant, on réutilise des instruments, l'hôpital devrait être tenu d'observer les mêmes normes que l'industrie au moment où le produit a été mis en marché pour la première fois. Il s'agit d'une bonne question à poser à votre médecin à l'occasion de votre prochaine visite.

Le sénateur Callbeck: Madame Dunlop, avez-vous dit qu'il existe six classifications dans le domaine des soins à domicile?

Mme Dunlop: Je parlais des services d'auxiliaire familiale.

Le sénateur Callbeck: Il y en a six dans le domaine des services d'auxiliaire familiale seulement?

Mme Dunlop: En Ontario, on considère une auxiliaire familiale de niveau 1 comme une personne que nous avons recrutée parce qu'elle possédait certaines compétences et que nous avons formée. Le niveau 2 correspond à un programme offert par un collège communautaire. Il y a aussi des préposés aux services de soutien à la personne, sans oublier des catégories d'aides-soignantes qui ne sont plus formées en Ontario. Il y en a donc déjà là cinq, seulement en Ontario. Ces personnes ne sont pas des professionnels de la santé réglementés. Aucune disposition législative ne régit leur pratique.

Le sénateur Callbeck: Pour les emplois les plus élémentaires, qui embauchez-vous? Que recherchez-vous?

Mme Dunlop: Eh bien, notre effectif se compose à 96 p. 100 de femmes. Les personnes dont nous retenons les services pour des tâches d'entretien ménager général ont habituellement elles-mêmes vaqué aux soins d'un foyer et possèdent une expérience des soins aux aînés et aux enfants, mais il s'agit de personnes qui effectuent de légers travaux ménagers, préparent les repas et font la lessive. Elles ne sont pas en mesure de s'occuper des soins personnels, d'effectuer des transferts, de nourrir les patients et ainsi de suite. Les personnes appelées à effectuer de telles tâches doivent recevoir une formation spécifique.

Le sénateur Callbeck: On n'exige donc pas de niveau de scolarité particulier?

Mme Dunlop: Pas de façon spécifique. Au Nouveau-Brunswick, en particulier, il s'agit de personnes qui travaillent au salaire minimum. C'est terrible.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit, je crois, que votre entreprise était présente dans six provinces?

Mme Dunlop: Oui.

Le sénateur Callbeck: Elle est présente au Nouveau-Brunswick?

Mme Dunlop: Oui.

Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il des autres provinces de l'Atlantique?

Mme Dunlop: La Nouvelle-Écosse. Le remboursement de la Nouvelle-Écosse est un peu supérieur à celui du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Callbeck: Depuis combien de temps vous retrouvez-vous dans ces deux provinces?

Mme Dunlop: L'organisation évolue dans ces deux provinces depuis 10 ou 15 ans. Je ne travaille moi-même pour Comcare que depuis quatre ans. Nous faisons pression sur la province du Nouveau-Brunswick, constamment, tous les ans, depuis quatre ans, sans qu'il y ait de changement. Nous avons fait des progrès considérables dans d'autres provinces.

Le sénateur Callbeck: Monsieur McDole, je n'ai pas de question à vous poser, mais vous tenez dans votre mémoire des propos qui m'intriguent. J'ai été très étonnée de constater les taux d'approbation de nouveaux médicaments par province que vous y mentionnez et d'y apprendre que si une province en particulier accepte un médicament donné, des pressions extrêmes s'exercent sur l'autre pour qu'elle accepte elle aussi.

M. McDole: Cela donne à penser - peut-être ai-je mal interprété ce que j'ai lu - qu'elles cèdent aux pressions en question. Je ne vois pas de raison de le croire. La situation varie énormément d'une province à l'autre; par conséquent, quelles que soient les pressions qui s'exercent, les provinces semblent très bien s'en tirer de ce point de vue.

Le sénateur LeBreton: Je voulais justement vous sonder là-dessus, monsieur McDole. Dans le graphique que vous avez fourni - il y est question de l'approbation des nouveaux médicaments et on y voit que le Québec, évidemment, vous le savez, c'est très élevé et il y a l'Ontario à neuf, le Nouveau-Brunswick à sept et l'Île-du-Prince-Édouard à quatre.

Comment fait une compagnie comme la vôtre pour composer avec une telle situation? Vous avez manifestement desmédicaments qui sont autorisés dans certaines provinces, alors que dans d'autres - et je parle particulièrement du Québec et de l'Ontario, car j'habite moi-même à Ottawa, tout près de la frontière québécoise. Je crois que les gens présument, probablement à tort, que lorsqu'un médicament est approuvé pour être mis en marché au Canada, ils n'ont pas à s'engager dans des démarches pour le faire approuver par la province.

Comment composez-vous donc avec cette situation, autrement qu'en payant, forcément, des lobbyistes? Cela doit entraîner des difficultés considérables pour une compagnie comme la vôtre?

M. McDole: C'est un problème. Cela ne fait aucun doute. On essaie de contourner le problème en faisant de bonnes recherches au départ, en ayant de bons produits qui répondent à des besoins médicaux - et cela va transparaître dans les pourcentages donnés, sans qu'il y ait tout un débat.

Nous effectuons beaucoup d'études sur l'économie de la santé et établissons nombre de données en vue d'étayer nos dires, afin de démontrer l'avantage et la valeur ajoutée de nos médicaments dans le contexte du système.

C'est un défi constant. Heureusement, comme vous pouvez le voir, la province du Québec - qui n'est pas une petite province - est relativement plus favorable à notre industrie. Dans certaines régions du pays, vos affaires sont peu importantes, alors qu'ailleurs, vous avez un bon volume.

C'est une des raisons pour lesquelles l'idée d'un formulaire national vous donne la trouille.

Le sénateur LeBreton: Oui, tout à fait.

M. McDole: Le formulaire national, c'est très bon si vous essayez de faire en sorte que le malade bénéficie tout le temps du meilleur médicament, quelle que soit sa capacité de payer.

Le formulaire, de par la façon dont il est appliqué, tend à devenir très rapidement une mesure qui a pour effet de prévenir l'utilisation, de restreindre l'utilisation. Il devient une mesure de limitation des coûts, plutôt qu'une façon de fournir le meilleur médicament possible aux malades, au bon moment, au bon prix.

Le sénateur LeBreton: Quelle serait la façon idéale pour le gouvernement fédéral d'envisager son rôle à cet égard?

M. McDole: Si je croyais que l'adoption d'un formulaire national nous permettrait de toujours donner aux malades le meilleur médicament possible, je ne m'y opposerais pas.

Par ailleurs, je crois que nous devons étudier les résultats et choisir le meilleur médicament possible pour le malade, de façon individuelle.

Le sénateur Morin: Monsieur Goodhand, votre association représente-t-elle toutes les compagnies, par exemple, Medtronic, Siemens et Phillips? Je voulais adresser une question aux personnes qui représentent les compagnies canadiennes. Y a-t-il une organisation qui représente uniquement les entreprises canadiennes qui fabriquent des instruments médicaux?

M. Goodhand: Non, notre association - et je peux vous fournir des précisions là-dessus - se compose à 50 p. 100 d'entreprises canadiennes et à 50 p. 100 d'entreprisesmultinationales.

Le sénateur Morin: Comme vous le savez, il y a plusieurs problèmes, mais un des principaux problèmes de notre système de prestation des soins de santé, c'est que nous nous situons près du bas du classement des pays membres de l'OCDE pour ce qui est de la technologie médicale. Une des raisons de cela, c'est que notre industrie canadienne des instruments médicaux fait si piètre figure. Il y a très peu de choses qui se passent dans le domaine.

Le gouvernement a beaucoup soutenu cette industrie. Par exemple, Industrie Canada applique un programme pour la mise au point de procédés technologiques qui soutient tout, l'industrie de l'environnement et tout le reste, et qui consent à diverses industries des prêts à faible taux d'intérêt, sinon des prêts sans intérêts. Toutefois, pour une raison ou une autre, les instruments médicaux ne font pas partie de la liste.

Si vous comparez le Canada à d'autres pays commel'Allemagne, les États-Unis ou la France, là où l'industrie des instruments médicaux est très forte, vous constatez que notre pays n'est pas très fort dans le domaine.

Nous devrions peut-être aborder la question différemment. Je crois que nous devrions nous pencher uniquement sur la situation canadienne. Je ne me soucie pas beaucoup de Siemens et de Phillips et de Medtronic. Je ne crois pas que ces entreprises aient besoin de notre soutien autant que l'industrie canadienne. Je sais bien que vous ne serez pas d'accord, car ces entreprises représentent la moitié de nos membres, mais je crois que cette façon de penser est l'une des solutions au problème que nous voyons ici.

Comme vous, j'appuie l'idée de l'établissement du coût en fonction du produit de référence et j'ai des préoccupations à ce sujet, mais la question qui touche tous les tiers payeurs, dans le monde entier, c'est le fait que les médicaments sont prescrits par des médecins. Les consommateurs ne les achètent pas. Bien entendu, il faut en tenir compte.

Nous savons que maintes études ont démontré que les médecins ne se soucient pas terriblement du coût des médicaments qu'ils prescrivent. Ils sont très influencés par le marketing. C'est une réalité. Ils sont incapables de dire non aux malades qui demandent un médicament particulier. Nombre d'études l'ont démontré.

Je vais vous poser cette question. S'il existe deux médicaments de valeur égale pour une situation donnée, mais que le premier est beaucoup moins cher que le deuxième, comment pouvons-nous nous assurer que c'est le médicament le moins cher qui sera prescrit?

Le président: Je veux aussi laisser à M. Goodhand le soin de répondre. Je suis sûr qu'il souhaite formuler des observations. Allez-y, monsieur McDole.

M. McDole: Je crois que le mécanisme en place au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés en tient déjà compte. Les médicaments d'une catégorie donnée, pour l'ensemble, sont presque tous vendus au même prix. Les différences de prix sont très faibles pour les médicaments qui font partie d'une même catégorie.

Là où il y a une différence, c'est entre le médicament breveté et le médicament générique. Quand le brevet cesse de s'appliquer, il est clair qu'il faut choisir le médicament générique.

Le président: Si votre logique est bonne ou si vos faits sont exacts - c'est-à-dire que tous les médicaments d'une catégorie sont essentiellement les mêmes -, alors pourquoi même discuter de la substitution de médicaments? Si les médicaments sont essentiellement les mêmes et qu'ils sont essentiellement les mêmes sur le plan médical, où est le problème?

M. McDole: Ils sont tous vendus au même prix; c'est ce que je voulais dire. Il n'est pas avantageux de se limiter à un seul choix. En limitant le choix, on crée une situation extrêmement désavantageuse pour le malade et pour le médecin, car tous les médicaments ne sont pas pareils pour ce qui est des effets sur un patient en particulier, plutôt qu'un autre. Le fait de pouvoir choisir parmi les médicaments faisant partie d'une catégorie fait que le médecin a de meilleures chances d'obtenir les résultats voulus, sans que cela ne représente un inconvénient économique véritable pour le payeur.

Le sénateur Morin: Je ne veux pas m'acharner sur la question, mais je peux vous signaler des cas où les médicaments d'une même catégorie présentent un écart de prix considérable. Je suis sûr que nous pouvons en trouver - il y a, par exemple, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine.

Dans une telle situation, disons une situation hypothétique, comment nous assurer que c'est le médicament le moins cher qui est prescrit?

M. McDole: J'aimerais préciser que nous sommes en mode de transition. Certes, tout ce qui est postérieur au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui détermine le plafond, le prix et la catégorie.

Comme nous avons déjà les prix les moins élevés dans le monde, pratiquement, les probabilités que l'éventail de prix se situe ailleurs qu'autour du prix maximal fixé sont très minces. Là où l'écart est le plus grand, c'est dans le cas d'un médicament qui a été mis en marché avant l'instauration des contrôles. Alors, l'éventail est plus vaste.

M. Goodhand: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je vous dirais que c'est l'inverse qui se produit. Ce n'est pas l'absence d'une industrie canadienne des instruments médicaux digne de ce nom qui est en cause, c'est que les Canadiens n'ont pas accès à la meilleure technologie médicale qui soit. C'est la façon de fournir les soins de santé qui détermine vraiment le degré de pénétration ou d'accessibilité de la meilleure technologie médicale qui soit dans le monde.

Allons un peu plus loin: c'est la nature même du marché canadien pour l'achat de la technologie des soins de santé qui est en cause. C'est pour cela que nous n'avons pas une solide industrie des instruments médicaux.

Où est la cause et où est l'effet? Je n'en suis pas sûr. Vous avez tout à fait raison, les deux sont liés. Ils sont clairement liés, et c'est pourquoi, durant mon exposé, je demandais non seulement un investissement continuel dans la recherche sur les soins de santé, mais également l'établissement d'un lien avec une industrie novatrice.

Nous avons une poignée d'entreprises qui ont démontré qu'elles peuvent concurrencer les meilleures entreprises du monde. Certaines de nos grandes multinationales ont joué un rôle important dans la démarche qui a consisté à prendre des produits fabriqués au Canada, inventés au Canada - j'ai présenté la semaine dernière un prix au Dr George Klein, électrophysiologue de London, le prix MEDEC. La société Medtronic a pris son produit, qui est fabriqué ici au Canada, et l'a commercialisé. La question de l'accès à cette technologie est tout à fait différente.

Pour faire suite à la question de savoir qui représente les entreprises canadiennes, disons qu'il existe des associations régionales; par le passé, nous n'étions pas regroupés. Durant les neuf derniers mois, nous avons noué des liens avec ces associations. De même, nous travaillons de concert avec le ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie en Ontario, avec Industrie Canada, et nous sommes à nouer des liens avec l'industrie au Québec pour bâtir l'industrie et nous travaillons avec le Conseil national de recherches.

Je consacre 35 p. 100 de mon temps à la création d'une industrie canadienne plus forte qui exploite des recherches effectuées ici, dans nos universités, et ne laisse pas s'envoler la valeur qui est créée ici.

Nous sommes dévoués à cette cause, mais l'absence d'une industrie des instruments médicaux qui soit forte n'est pas la raison pour laquelle la technologie brille par son absence dans les soins de santé au Canada.

Le sénateur Cordy: Ma question s'adresse à Mme Dunlop; elle a trait aux soignants non rémunérés.

Nous avons entendu les témoins. Il est vrai que la plupart des soignants non rémunérés sont des femmes. Par ailleurs, dans de nombreux cas, ce n'est pas une tâche qu'elles prévoient elles-mêmes prendre en charge. Personne ne dit: «C'est moi ou la famille qui va devenir le soignant non rémunéré». Dans de nombreux cas, cela leur est imposé.

Je m'inquiète des systèmes de soutien que nous avons en place pour les soignants non rémunérés - enfin, de savoir si elles peuvent avoir un peu de répit. Nous avons parlé des soins de relève du point de vue du malade, mais c'est, presque, des soins de relève, dans les faits, pour le soignant non rémunéré.

Par ailleurs, dans votre documentation, vous parlez du régime fiscal, de l'assurance-emploi et des politiques d'emploi. Je me demande si vous pourriez me donner des précisions là-dessus, pour dire ce que vous entendez par là au juste.

Mme Dunlop: Bien sûr. Je pensais que nous pourrions avoir, grosso modo, une dispense semblable à ce que nous appliquons au congé de maternité ou au congé pour événements familiaux malheureux.

Ce sont presque toujours des femmes, bien qu'il y ait certes des hommes qui se retrouvent malgré eux dans la situation, sans y être préparés. Tout de même, si les gens sont contraints de quitter le monde du travail, je crois que nous devons les soutenir d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas toujours leur choix.

Nous sommes limités dans ce que nous pouvons prévoir dans des programmes publics à leur intention. Les gens peuvent parfois compter sur une assurance complémentaire pour mieux absorber certains des coûts, mais ce n'est pas toujours le cas. Ils engagent des coûts pour le matériel, les produits pharmaceutiques, les pansements et les fournitures - ce sont des choses qu'ils doivent payer une fois qu'ils sont à la maison.

D'une part, il est très important de réduire au minimum l'impact financier que cela a sur ces familles. Fait tout aussi important, il faut leur accorder un répit. Une façon de le faire, c'est de faire venir à domicile une auxiliaire. Certaines familles se sentent trop coupables pour placer en établissement l'être cher, même pour un repos de deux semaines. Elles disposent donc de ce choix.

Le sénateur Cordy: La situation familiale n'est pas toujours idéale pour quiconque - encore moins pour quelqu'un qui est très malade. Y a-t-il un mécanisme qui permette de déterminer qu'il s'agit simplement d'une bonne situation pour le patient? Votre organisation a-t-elle étudié cette question?

Mme Dunlop: Du point de vue du risque d'une organisation, je dis toujours que je suis la première à envoyer quelqu'un ailleurs, et si la personne ne devrait pas être à la maison. Nous traitons également avec des gens qui croient qu'ils devraient avoir le droit au risque.

Nous avons affaire en ce moment même à une femme qui, selon nous ne devrait pas être à domicile, mais elle demeure apte à décider et elle insiste que c'est là son droit. Nous avons donc adopté une entente de service qui dit que quelqu'un doit être présent avant que nous quittions les lieux. Nous sommes sortis de notre cadre de pensée habituel pour nous assurer de pouvoir nous occuper d'elle comme il le faut à son domicile, mais cela a supposé beaucoup de travail créatif de la part des divers organismes.

La dernière chose que je souhaiterais à notre organisation et à nos soignants, c'est qu'il y ait quelqu'un à la maison qui ne devrait pas y être.

Le président: Permettez-moi de vous remercier tous d'être venus.

Notre prochain groupe est composé de M. Jeff Lozon, président de l'hôpital St-Michael; de Gary O'Connor, directeur général de l'Association des centres de santé de l'Ontario et du Dr Ken Sky, président de l'OMA, l'Association médicale de l'Ontario.

Le Dr Kenneth Sky, président, Association médicale del'Ontario: Merci, sénateur Kirby, messieurs, mesdames membres du comité, de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous cet après-midi. Je tiens également à remercier le comité d'organiser ces audiences pancanadiennes et d'avoir le courage de s'attaquer aux questions difficiles et complexes qui entourent l'avenir des soins de santé au Canada.

Le comité entendra également le témoignage de mes collègues de l'organisme national, l'Association médicale canadienne dans un proche avenir. L'OMA a en commun avec l'AMC certaines préoccupations touchant l'avenir des soins de santé, et nous espérons que vous allez juger utiles les deux exposés que nous vous présenterons.

L'Association médicale de l'Ontario montre la voie parmi les partisans d'une discussion franche et ouverte sur le financement des soins de santé en Ontario aussi bien qu'au Canada. Nos projets sont exposés dans les trousses que je vous ai remises.

Tout au long du processus, notre position concernant le financement des soins de santé est demeurée la même. Il ne suffit pas d'étudier de meilleurs modèles de gestion qui s'appliqueraient à notre système de soins de santé. Nous devons être ouverts à d'autres modèles de financement, qui adhèrent au principe de l'universalité des soins. Notre dialogue progressera dans ce cadre. Pour des renseignements approfondis sur nos travaux dans le domaine, voir le site Web de l'OMA.

La première de nombreuses questions qui importent dans le contexte de cette discussion, c'est la crise actuelle chez les médecins et les signes de plus en plus évidents que la pénurie de médecins deviendra encore plus grave dans un proche avenir. Manifestement, les conséquences de la pénurie actuelle et de la pénurie à venir sont capitales. L'OMA a remis au sénateur Kirby des statistiques utiles sur la question; j'ai également inclus dans notre documentation un article publié dans l'édition de ce mois de l'Ontario Medical Review, intitulé «Physician Human Resources in Ontario: The Crisis Continues» - Les médecins en Ontario: la crise continue. Je m'excuse d'avoir remis ce document si tard, mais il vient seulement d'être publié la semaine dernière. J'encourage tous les membres du comité à en faire la lecture.

Autre question d'importance pour le débat: le rôle dans le système de santé des infirmières autorisées de la catégorie avancée, c'est-à-dire les infirmières praticiennes. L'OMA a récemment mis sur pied un groupe de travail chargé d'examinerla relation de travail entre les médecins et les infirmières praticiennes. Nous espérons avoir en main le rapport final au printemps; nous en transmettrons un exemplaire pour examen au comité.

J'aimerais parler brièvement de la question de la rémunération des médecins. Il y a eu tout un débat sur la façon de rémunérer les médecins pour les services médicaux qu'ils fournissent.Permettez-moi de dire, aux fins du compte rendu, que l'OMA préconise vivement le choix du mode de rémunération pour le médecin. Aucun modèle de rémunération unique ne convient à tous les médecins. L'OMA montre le chemin pour ce qui est d'explorer les mécanismes de rémunération des médecins dans divers contextes.

Nous reconnaissons les défis que doivent relever les gouvernements en tant que payeurs, en vue de dispenser des soins à tous les citoyens. À cette fin, nous continuons de travailler avec le gouvernement afin que des médecins soient accessibles dans toutes les régions. Nous sommes en train de négocier des contrats uniques pour l'exercice de la médecine dans des collectivités de diverses tailles, en régions éloignées et dans des secteurs où le service comporte des lacunes.

De même, nous continuons à faire progresser la réforme des soins primaires en Ontario. L'Association médicale de l'Ontario fait oeuvre de pionnière à cet égard: nous appliquons actuellement un projet pilote à six endroits en Ontario. Ces projets en sont à divers stades d'élaboration et d'évaluation.

Les instances dirigeantes de l'OMA se sont réunies le 10 novembre pour examiner la documentation faisant état des précisions voulues sur cette expansion volontaire. Quand je dis «volontaire», je parle du point de vue des malades et du médecin à la fois. L'élément clé du succès de la réforme des soins primaires, c'est que cela demeure volontaire.

Les sujets à aborder aujourd'hui sont nombreux, mais je tiens à profiter de l'occasion pour insister sur un aspect particulier de la réforme des soins primaires, soit le rôle de la technologie de l'information. L'Association médicale de l'Ontario est d'accord avec l'assertion de votre comité: la technologie de l'information représente l'aspect le plus important de l'élaboration d'un système de santé pleinement intégré. Je m'intéresse particulièrement à ce sujet, car je siège actuellement au Comité de cybersanté de la province de l'Ontario qui étudie le rôle de la technologie de l'information dans les soins de santé. L'OMA estime que l'élaboration d'un système de technologie de l'information qui permet un meilleur accès à l'information sur les soins de santé aidera les médecins et d'autres soignants à offrir de meilleurs soins aux malades.

Je vais aborder trois aspects particuliers de cela dansmon exposé: le rôle du gouvernement provincial, le rôle du gouvernement fédéral et le rôle des médecins et, en dernière analyse, la relation entre le médecin et le malade.

Nous sommes convaincus que chacune des administrations provinciales et territoriales doit saisir l'occasion de faireprogresser le dossier de la technologie de l'information et en assumer la responsabilité financière. Elles doivent se faire l'élément moteur du processus. La santé relève des compétences provinciales. Chaque gouvernement provincial doit faire preuve de leadership et élaborer la technologie nécessaire pour faire progresser l'échange de renseignements. Nous savons que divers projets provinciaux relatifs à la technologie de l'information en sont à divers stades d'élaboration.

À l'heure actuelle, en Ontario, le gouvernement provincial est en train de mettre au point son propre Système intelligent pour la santé. Le projet en question vise à mettre en place l'infrastructure informatique nécessaire pour permettre à divers intervenants d'élaborer des solutions informatiques reposant sur la collectivité, la technologie de l'information et l'échange de renseignements.

En même temps, l'OMA coopère avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Nous sommes en train de mettre au point un système Internet pour les fournisseurs de soins primaires, les médecins de l'Ontario.

Ce système permettra aux médecins de bénéficier de la connectivité en tablant sur le Système intelligent pour la santé. Cela permettra de créer un réseau connecté et intégré qui fonctionnera avec d'autres parties du système de soins de santé. C'est le projet «cybermédecins» de l'Ontario. Nous allons vous fournir d'autres renseignements sur ce projet, dans un proche avenir. Selon nous, le cabinet médical de l'avenir non seulement détiendra des renseignements importants sur la santé des individus, mais il permettra d'échanger des données provenant de multiples sources, dont les responsables de l'imagerie médicale, les laboratoires, les hôpitaux, les pharmacies, et ainsi de suite.

Je n'ai fait que vous donner un tableau sommaire des projets actuels de technologie de l'information en Ontario. Nous sommes convaincus que le gouvernement provincial doit montrer le chemin à cet égard, mais le gouvernement fédéral a également un rôle essentiel à jouer. Selon nous, le rôle du gouvernement fédéral comporte trois éléments.

Premièrement, le gouvernement fédéral doit établir des normes nationales auxquelles doivent adhérer chacune des provinces et chacun des territoires au moment d'élaborer leurs propres systèmes de technologie de l'information. Les normes en question serviront de balise aux provinces et aux territoires et permettront d'orienter les projets provinciaux et territoriaux en vue de la production d'un cadre national.

Deuxièmement, le gouvernement doit fournir à chacune des administrations provinciales et territoriales les fonds nécessaires pour qu'elles mettent au point la technologie nécessaire. J'admets que c'est là une entreprise très coûteuse pour tous les ordres de gouvernement, mais, en dernière analyse, les avantages d'un système uniforme et sans discontinuité reposant sur la technologie de l'information compenseront certainement les coûts élevés qui y sont associés. Les procédés d'imagerie par résonance magnétique et autre équipement de diagnostic ont toujours été considérés comme générateurs de coûts dans notre système de santé. Nous considérons la technologie de l'information comme un facteur d'économie à long terme. Les coûts de démarrage sont importants, mais la technologie de l'information finira par rendre le système plus efficace.

Troisièmement, et c'est ce qui est le plus important, le gouvernement fédéral doit se donner des politiques et des procédures explicites en ce qui concerne les renseignements personnels sur la santé qui sont détenus et échangés par voie électronique.

Cela m'amène à mon dernier point, soit le rôle des médecins et la relation entre le médecin et le malade. À notre avis, l'élément clé du succès et, en dernière analyse, de l'expansion du projet de mise en oeuvre de la technologie de l'information sera la relation entre le médecin et le malade. Les malades se tournent vers leur médecin pour être rassurés et conseillés. Si nous, les médecins, nous assurons à nos patients que les renseignements personnels sur leur santé sont bien protégés, les patients consentiront à ce que les renseignements en question circulent dans un réseau commun. Je ne saurais trop vous le dire. Les patients doivent pouvoir parler librement et être suffisamment sûrs que tout renseignement personnel sur leur santé demeurera protégé. Sinon, la technologie de l'information dans les soins de santé se soldera par un échec.

La technologie de l'information peut être aussi perfectionnée et techniquement avancée que vous le voulez, mais l'élément central doit consister en une série de mesures intégrées qui protègent les renseignements personnels sur la santé du patient. Le plus grand défi que doivent relever ceux qui, parmi nous, souhaitent adopter une façon nouvelle de gérer l'information sur la santé, c'est de convaincre nos patients, d'obtenir leur appui, d'obtenir leur confiance.

Une fois en place l'infrastructure à cet égard, qui devrait contrôler et gérer les dossiers médicaux de millions de patients, dans un contexte où les informations seront enregistrées et échangées par voie électronique? L'OMA est convaincue que ce sont les médecins qui doivent être les gardiens des renseignements sur la santé. Les médecins doivent continuer à jouer un rôle clé quand il s'agit de régir le stockage et la diffusion des renseignements personnels sur la santé. De fait, nos propres sondages internes nous disent que jusqu'à maintenant les Ontariens sont plus nombreux à vouloir que les médecins, et non pas le gouvernement, contrôlent et gèrent tout le système informatisé de dossiers médicaux.

À l'OMA, nous représentons 24 000 médecins, mais nous défendons également les intérêts de la population ontarienne. Nous savons que les deux tiers du grand public se soucient de ce que les renseignements personnels sur la santé se retrouvent entre les mains du gouvernement, de compagnies d'assurance et d'employeurs. Ils se soucient également de l'éventualité que des compagnies pharmaceutiques internationales accèdent auxrenseignements personnels sur la santé. Nous devons nous assurer que leurs préoccupations demeurent sans fondement.

J'ai soulevé à votre intention aujourd'hui plusieurs questions concernant la technologie de l'information. Comme vous le voyez, il est essentiel au succès de tout projet de mise en oeuvre de la technologie de l'information que nous collaborions afin de créer un système uniforme, sûr et sans discontinuité qui, en dernière analyse, permettra de fournir de meilleurs soins à nos patients.

Encore une fois, je tiens à remercier l'Association médicale de l'Ontario des travaux difficiles et extrêmement importants qu'il réalise. J'espère sincèrement que le débat que vous suscitez perdurera et que le gouvernement étendra votre mandat en vous confiant la responsabilité de relever de futurs défis que nous, en tant que pays, n'avons pas seulement commencé d'entrevoir. L'OMA espère pouvoir revenir bientôt contribuer au débat sur l'avenir des soins de santé, de façon permanente.

Le président: Notre prochain témoin est M. Jeff Lozon, président et directeur général de l'hôpital St-Michael. Il est également ex-sous-ministre de la Santé en Ontario et, ce qui est peut-être encore plus important, c'est tout un golfeur.

M. Jeffrey Lozon, président-directeur général, Hôpital St-Michael: Honorables sénateurs, comme certains d'entre vous le savent peut-être, j'exerce des fonctions de premier plan dans le système depuis plus de vingt ans. Je suis actuellement président de l'Hôpital St-Michael. J'ai eu le bonheur de servir la province de l'Ontario à titre de sous-ministre de la Santé et des Soins de longue durée en 1999 et en 2000. Toutefois, je ne suis pas ici pour représenter l'une ou l'autre de ces organisations. Mes observations reposent sur l'expérience totale qu'ont pu me fournir les divers rôles que j'ai joués dans l'ensemble du système, dans quatre provinces, sous la férule de gouvernements de toute allégeance.

Permettez-moi d'abord de vous féliciter du travail que vous avez fait jusqu'à maintenant. Votre rapport devrait être une lecture obligatoire pour tous les étudiants en administration de la santé et tous les décideurs du domaine. Vous présentez un excellent historique de la question, de la façon dont nous en sommes arrivés là dans la santé. Vous présentez de manière intéressante le contexte international dans lequel on peut voir notre système. Vous avez également la sagesse de reconnaître que les systèmes suédois, américain ou australien ne peuvent être reproduits au Canada. Les systèmes de santé sont des créatures propres à chaque pays et à chaque société; ils reflètent les valeurs de la société qu'ils servent, explicitement et implicitement.

Fait encore plus important, votre dernier volume soulève des questions fondamentales au sujet des options de financement et d'organisation qu'il faut prendre en considération pour donner forme au futur système. Cela ne fait aucun doute à mes yeux: vous avez soulevé des questions et proposé des orientations que pratiquement toutes les administrations ont prises en considération dans le cadre de leurs propres délibérations, mais dont les responsables n'ont pas parlé ouvertement, de crainte de perdre les prochaines élections.

C'est là un des aspects tragiques du débat: comme le système en place est devenu un symbole quasi religieux, comme vous le faites remarquer, nous ne pouvons parler ouvertement des modifications profondes qui s'imposent.

Vous avez apporté une contribution extraordinaire au débat en en élargissant le cadre. Je note que vous vous joignez à toutes sortes de commentateurs qui, comme le Conference Board du Canada et le C.D. Howe Institute, laissent entendre que des changements profonds qui se révéleront parfois douloureux, peut-être, s'imposent.

Vous devriez savoir que le système résiste très bien aux tentatives faites pour le modifier, et nous avons déjà connu de nombreux rapports de la nature de celui dont il est question ici. La distance que vous avez parcourue pour susciter une discussion franche des options ne représente qu'une fraction du chemin qu'il faudra traverser pour que le système perdure et serve les Canadiens à l'avenir. Un courage politique marqué par la profondeur et la persévérance, une vision claire, réfléchie et sage de la chose, et, enfin, un travail d'exécution concentré et déterminé sont autant d'éléments qui se révéleront nécessaires à l'avenir.

Durant les cinq minutes qui me sont accordées, je ne saurais traiter de l'ensemble des questions abordées durant votre examen. Il suffit de dire que je suis d'accord avec les orientations, la conception de la qualité et la vision de l'éthique que vous préconisez; tout de même, j'aimerais traiter de quatre aspects de votre rapport.

Premièrement, j'aimerais évoquer un autre élément qui fait obstacle à la modification du système que vous proposez. Selon moi, cet obstacle particulier est peut-être plus important que tous ceux que vous avez mentionnés jusqu'à maintenant; de même, selon mon expérience, on ne saurait instaurer un changement véritable sans en tenir compte.

Deuxièmement, je veux présenter des options touchant des questions particulières liées à l'organisation du système,plus particulièrement, la réforme des soins primaires et la régionalisation. Si j'ai le temps, je commenterai le rôle du gouvernement fédéral tel qu'il est présenté dans le rapport intérimaire, volume quatre, et je commenterai certains aspects de l'option de financement.

En premier lieu, je dirais qu'il faut, de toute urgence, appuyer notre système de santé sur une orientation prévisible et stable, et cela tient à la nécessité de protéger le système contre les vicissitudes de la politique partisane. Une des tâches les moins désirables, les plus difficiles et les plus importantes qui soient dans notre société, c'est la responsabilité du système de santé à l'échelon provincial. Si une plus grande stabilité et une plus grande certitude ne s'instaurent pas, même les meilleurs choix parmi les options et les politiques de réforme sont voués à l'échec. Songez à un fait: en Ontario, il y a eu, depuis dix ans, sept ministres de la Santé et sept sous-ministres de la Santé.

Travaillez pendant trois mois comme sous-ministre et vous l'emportez en ancienneté sur la moitié de vos collègues. Travaillez pendant plus d'un an, c'est du long service. Un ministre de la Santé peut s'attendre à un mandat d'une quinzaine de mois environ, tout comme le sous-ministre d'ailleurs. L'Ontario constitue peut-être un exemple extrême, mais ce n'est pas du tout un phénomène rare dont il est question.

Il est impossible de faire progresser le système quand il y a ce genre de roulement du personnel. De même, il est peu pratique de planifier à long terme dans le contexte. Par ailleurs, souvent, la meilleure expertise du système ne se trouve pas au ministère fédéral ou provincial; de ce fait, les administrations parlementaires ne peuvent accomplir efficacement les tâches qui leur sont attribuées.

J'invite vivement l'Association médicale de l'Ontario à envisager de recommander que soient créés, pour remplacer la formule actuelle, des organismes provinciaux indépendants, sans but lucratif et à caractère public, dont la tâche consisterait à diriger le système de santé. Les organismes en question se composeraient d'un conseil d'administration dont les membres seraient nommés par le gouvernement et dotés d'un mandat précis. Ils pourraient compter sur une équipe d'experts et recevoir une rémunération concordant avec la difficulté, la capacité et l'orientation du système. Les sociétés ainsi créées se chargeraient de la prestation des services, du financement et de l'organisation. Elles répondraient de la réalisation d'objectifs provinciaux qui pourraient s'inscrire dans une approche dite «garantie des soins». L'établissement de tels objectifs demeurerait l'apanage des élus. En bref, les organismes fonctionneraient de manière indépendante du processus politique, mais seraient tenus de rendre compte de l'application d'un système de santé de premier ordre aujourd'hui comme à l'avenir.

D'autres activités, par exemple la planification des ressources humaines dans le domaine de la santé, pourraient demeurer la responsabilité de l'administration fédérale ou provinciale. Toutefois, pour la plus grande part, les ministères actuels de la Santé céderaient le pas à des organismes experts indépendants. De là, une certaine stabilité et le choix d'une orientation, à l'écart des pressions quotidiennes de la politique partisane pourraient se faire jour. En même temps, on essaierait de garantir des niveaux de soins élevés. Si la situation ne devient pas plus prévisible et si le système n'est pas protégé contre la médiatisation, même la meilleure des réformes ne pourra être mise en oeuvre, et certains des changements les plus importants que vous envisagez ne porteront tout simplement pas fruit.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question del'organisation. Je vais m'attacher à deux aspects de l'organisation, soit la réforme des soins primaires et la régionalisation.

La réforme des soins primaires représente l'un des éléments prédominants de tout examen majeur du système depuis 20 ans. Tous les praticiens qui ont étudié la question savent que tant et aussi longtemps que le système actuel demeure en place, il sera très difficile d'instaurer une réforme véritable.

Alors pourquoi, malgré que l'on sache cela, le système demeure-t-il une sorte d'industrie artisanale reposant sur des arrangements financiers établis à la pièce; pourquoi n'a-t-il presque aucune caractéristique propre à une industrie de services moderne? La réponse à cette énigme est complexe. En partie, cela est dû au fait qu'une telle réforme met en péril les intérêts d'initiés; ce sont là des intérêts considérables. La réforme doit se faire sur un grand nombre d'années, et le grand public est susceptible d'appuyer les professionnels qui s'opposerontpeut-être aux changements, plutôt que ceux qui proposent le changement. Tout de même, en tant que professionnel de la santé, je ne peux qu'appuyer un mouvement actif en faveur d'un système réformé de soins primaires.

La deuxième question que je souhaite aborder en rapport avec l'organisation des soins, c'est la régionalisation. Il est tout à fait remarquable de constater qu'un si grand nombre de commentateurs y voient un élément essentiel d'une réforme fructueuse, étant donné que cet élément n'a jamais été évalué et que rien ne permet de croire que cela fonctionne mieux que les arrangements précédents. Aucune donnée ne permet vraiment d'établir que les patients bénéficient d'un système régional. Il n'y a pas d'avantage au système dont témoigneraient des coûts moins élevés. Dans un contexte où la médecine fondée sur des données probantes est à la mode, voilà un changement qui porte sur un des domaines les moins étudiés et les plus vantés qui soient.

Tout de même, nous sommes conscients de certaines des caractéristiques de la régionalisation telles qu'elles se pratiquent au Canada. Où qu'on se trouve au Canada, cette régionalisation est incomplète, car il n'y a pas un seul système régional, autant que je sache, qui inclue la rémunération des médecins dans l'enveloppe régionale définie. En outre, les systèmes régionaux n'ont pas fonctionné dans les grandes villes où le taux de mobilité des patients est élevé et où le choix du consommateur estun facteur. Je vous mets en garde contre une plus grande régionalisation des soins. L'utilité de la régionalisation reste encore à prouver.

Permettez-moi de réfléchir un moment au rôle du gouvernement fédéral. Le comité a fait état d'un rôle renouvelé et élargi pour le gouvernement fédéral dans le système de santé du Canada. En règle générale, je suis d'accord sur ce point. Tout de même, la santé n'est pas reconnue comme un domaine où les relations fédérales-provinciales sont faciles, et il est probable que cette conception du rôle fédéral se heurte à une vive opposition.

l'Association médicale de l'Ontario a-t-elle envisagé l'un ou l'autre des deux extrêmes à cet égard? Dans un cas, le gouvernement fédéral se retire entièrement de la santé, il transfère aux provinces le rôle limité qu'il joue à l'heure actuelle en échange d'autres points d'impôt et abandonne la Loi canadienne sur la santé. L'autre extrême, c'est de demander aux provinces de transférer leurs responsabilités actuelles en matière de santé au gouvernement fédéral et de créer un système vraiment national. Ce sont là des options claires et nettes, qui se conçoivent plus aisément et qui mettraient peut-être fin aux interminables querelles de compétence qui caractérisent actuellement notre système de santé.

Ces options présentent certes un caractère dramatique, mais elles ne sont pas moins susceptibles d'émerger que les rôles renouvelés que propose le comité, particulièrement en ce qui concerne l'infrastructure, l'évaluation et la santé de la population, tous des secteurs où cela causera, à mon avis, un débat assez animé entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les suggestions que vous faites ici aideraient à susciter un débat vigoureux.

De toute manière, l'accroissement du rôle fédéral doit s'articuler autour d'une fonction publique qui saisit mieux la situation et d'un engagement à long terme. Une des grandes craintes des ministères provinciaux de la Santé, c'est que le gouvernement fédéral soutienne le système quand il y un excédent, seulement pour retirer ses billes quand les ressources se font rares. S'il faut envisager un rôle plus important de la part du gouvernement fédéral, il faut le négocier et le présenter comme étant permanent.

En outre, l'actuel ministère fédéral de la Santé aurait besoin d'un bon coup de fouet, dans le monde réel de la santé, afin de jouer le rôle que vous envisagez dans votre rapport.

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

M. Gary O'Connor, directeur général, Association des centres de santé de l'Ontario: Merci, sénateur Kirby, messieurs, mesdames, membres du comité.

Dans l'ensemble, les Canadiens sont fiers de notre système de santé. Si on compare la situation à celle d'autres pays, l'attachement du Canada à un système de santé universel et accessible où les soins sont complets et transférables, dans le cadre d'une administration publique, reflète des valeurs d'équité et de justice qui symbolisent le Canada.

L'avenir du système est une question qui revêt une grande importance pour tous les Canadiens. Nous félicitons l'Association médicale de l'Ontario sénatoriale permanente des affaires sociales, des sciences et de la technologie d'avoir pris en charge la tâche qui consiste à examiner le système de santé du Canada. Nous recommandons que l'Association médicale de l'Ontario, dans le cadre de ce travail, examine également de près les centres de santé communautaires. Je travaille pour l'Association des centres de santé de l'Ontario et je représente 68 centres de santé communautaires situés dans la province de l'Ontario.

À propos du rapport intérimaire du Association médicale de l'Ontario, j'aimerais commenter quatre questions particulières: premièrement, le financement et le reciblage du système de santé du Canada; deuxièmement, la réforme des soins primaires; troisièmement, l'expansion des services de santé; et, quatrièmement, la santé de la population.

Pour ce qui est du financement, nous sommes en faveur d'un système de santé complet financé à même les deniers publics et qui est accessible à tous les Canadiens. Nous ne sommes pas d'accord avec l'idée que l'application d'un ticket modérateur améliorerait la prestation des soins ou servirait à contrôler les coûts. De même, nous croyons, comme le démontre l'expérience vécue en Australie, que toute application d'un ticket modérateur ou toute mesure visant à recourir davantage aux systèmes d'assurance à but lucratif finira par nous coûter plus cher.

Au Québec, quand les personnes âgées et les assistés sociaux ont dû payer un ticket modérateur pour obtenir des médicaments d'ordonnance, ils ont consommé moins de médicaments, ce qui a donné des gens plus malades et fait augmenter le nombre de consultations dans les urgences des hôpitaux. Le ticket modérateur permet de réduire les coûts à court terme, mais, en dernière analyse, il entraîne des dépenses plus grandes, parce qu'un plus grand nombre de personnes choisissent de ne pas aller se faire traiter aussi tôt.

Les organisations à but lucratif, de par leur nature même, sont motivées d'abord et avant tout par la recherche du profit et non pas forcément par l'intérêt du malade. Des études ont démontré que leurs coûts administratifs sont plus élevés que ceux des organisations sans but lucratif, sans qu'ils ne fournissent nécessairement de meilleurs soins. Dans un système à deux vitesses, les listes d'attente pour les patients du public sont plus longues, car les médecins travaillent un plus grand nombre d'heures dans le secteur privé.

Nous croyons qu'il existe d'autres façons d'atteindre l'objectif qui consiste à faire un usage plus raisonnable des ressources chez les fournisseurs et les utilisateurs à la fois, par exemple en instaurant des soins primaires interdisciplinaires intégrés.

Tous les patients n'ont pas à consulter un médecin. Unexamen récent des services fournis dans 20 centres de santé communautaires en Ontario l'a démontré: 32 p. 100 des services ont été fournis par des médecins, 43 p. 100 par des infirmières ou des infirmières praticiennes, 9 p. 100 par des travailleurs sociaux, 4 p. 100 par des podologues et 12 p. 100 par d'autres.

Nous recommandons que le comité, avant d'envisagerd'instaurer un système à deux vitesses, approfondisse les recherches qui démontrent que les systèmes à deux vitesses ont pour effet d'accroître le temps d'attente et les coûts. On peut agir pour rendre les systèmes de santé publics plus efficaces et plus efficients, et des rapports comme celui de la Commission Clair et du comité Fyke nous montrent la voie.

Quant au reciblage du système, nous félicitons le comité sénatorial d'avoir reconnu que nous devons réorienter notre système de santé, en délaissant le modèle pathologique au profit d'un modèle plus global qui soutient la santé des Canadiens. Le Forum national sur la santé a révélé que les Canadiens, globalement, sont d'accord avec cette nouvelle définition et cette nouvelle conception des choses.

Élément central pour redéfinir le système: la réforme des soins de santé primaires. Nous félicitons le gouvernement fédéral de s'être entendu avec les provinces pour fournir 800 millions de dollars à la réforme des soins de santé primaires et félicitons votre comité de son appui à l'égard du travail des équipes de professionnels interdisciplinaires dans le domaine de la santé.

Les centres de santé communautaires de l'Ontario fournissent justement des soins de cette nature depuis 30 ans. Nous recommandons vivement au gouvernement fédéral de préconiser le modèle de centre de santé communautaire tel qu'il est décrit dans notre mémoire. Je ne vais pas dresser la liste exhaustive des éléments, mais vous pourrez en faire la lecture à votre guise.

Même si le modèle de centre de santé communautaire est mentionné dans votre rapport intérimaire, l'Association médicale de l'Ontario ne semble pas en avoir tenu compte dans son examen des options rentables qui se présentent. Nous proposons au comité d'explorer cet aspect du modèle.

Les centres de santé communautaires, la preuve peut en être faite, ne sont pas plus économiques que les modèles et les pratiques fondés sur la rémunération à l'acte. Au début des années 80, Saskatchewan Health a fait des recherches sur le coût des services de 200 médecins urbains rémunérés à l'acte dans le réseau public, par rapport au coût dans les cliniques communautaires. En moyenne, le service des médecins en clinique coûtait 17 p. 100 de moins que celui des médecins en cabinet privé pour ce qui touche les ordonnances et le recours général aux services. De même, le taux d'hospitalisation était moindre.

En Ontario, le ministère de la Santé vient de parachever un examen stratégique du programme de centre de santé communautaire. Il ne s'agit pas encore d'un document public, mais certaines précisions ont été rendues publiques. Les conclusions principales rendues publiques jusqu'à maintenant démontrent que les centres de santé communautaires appliquent les éléments souhaités de la réforme des soins primaires comme les solutions de rechange à la rémunération à l'acte, le recours à des équipes interdisciplinaires, la participation de la collectivité, l'offre ininterrompue des services (24 heures par jour, sept jours sur sept) et l'accessibilité des soins, et ainsi de suite.

Les CSC rendent compte de leur travail en faisant rapport auprès d'un conseil d'administration de la collectivité, en respectant les ententes de service et en respectant les conditions d'accréditation. Ils répondent aux objectifs du ministère et appliquent les stratégies du ministère. Ils ont un rôle stratégique à jouer dans le contexte des soins primaires, particulièrement quand il s'agit de servir des populations défavorisées et des populations aux prises avec des obstacles à l'accès.

Les réseaux de santé familiaux ne rendront pas inutiles les centres de santé communautaires, car ils ne sont pas conçus pour améliorer l'accès aux soins des groupes défavorisés. Les CSC représentent une façon de répondre aux besoins dans les cas où les services font défaut.

Nous recommandons vivement aux administrations fédérales et provinciales de reconnaître, de soutenir et de favoriser le modèle de centre de santé communautaire comme modèle idéal pour la prestation de soins primaires en milieu communautaire.

Quant à l'expansion des services de santé, nous croyons qu'il faut intégrer les soins à domicile, les soins palliatifs et les médicaments d'ordonnance aux éléments que regroupe le principe de l'intégralité prévu dans la Loi canadienne sur la santé. Nous sommes en faveur d'un projet national d'assurance-médicaments et d'un programme national de soins à domicile. Les deux programmes en question permettaient de réduire les coûts et les pressions avec lesquelles composent les responsables des soins actifs et des services de longue durée en établissement.

Pour ce qui est de la santé de la population, les centres de santé communautaires de l'Ontario ont mis leurs services au profit de partenariats communautaires et du développement communautaire comme moyen de composer avec les déterminants sociaux de la santé depuis 30 ans. Nous sommes d'ardents défenseurs des collectivités et des nombreux services et dossiers liés à la santé à l'intérieur des collectivités.

Nous sommes d'accord avec l'Association médicale de l'Ontario sénatoriale quand il dit que, du point de vue de la santé de la population, le gouvernement fédéral devrait privilégier la prévention des maladies, plutôt que de traiter les gens une fois qu'ils deviennent malades. Tout de même, nous croyons que, dans le domaine de la santé de la population, le gouvernement fédéral a un rôle plus large à jouer.

Dans votre rapport, vous faites allusion aux déterminants de la santé, mais vous ne prenez pas la notion à coeur. Les Canadiens jouissent d'un niveau de vie élevé en raison de nombreux facteurs qui échappent à ce que nous qualifions, de tradition, les soins de santé. Depuis un siècle, l'amélioration la plus marquée du point de vue de la santé et du mieux-être est attribuable à des sources autres que la thérapeutique. Les facteurs en cause sont les suivants: une eau potable, des logements salubres, le soutien du revenu et le port de la ceinture de sécurité en voiture, pour n'en nommer que quelques-uns.

Nous espérons que l'Association médicale de l'Ontario aura le courage d'envisager son mandat dans un contexte plus vaste que les seules choses dont peut s'occuper Santé Canada. Une approche véritablement fondée de la santé reposerait sur l'intégration des éléments qui feraient appel à des partenariats conclus avec d'autres ministères à l'intérieur du gouvernement ainsi qu'avec d'autres gouvernements.

Les Canadiens ont besoin de logements abordables, de revenus adéquats, d'aliments salubres, de mesures de soutien sociales et d'éducation. L'attention portée à ces questions à l'échelle fédérale aidera à soutenir le système de santé en permettant que les gens demeurent en santé plus longtemps.

Enfin, nos trois dernières recommandations reposent sur ces faits. Nous recommandons que l'Association médicale de l'Ontario sénatoriale préconise l'expansion du rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de la santé de la population, en incluant notamment les logements abordables, les programmes de sécurité du revenu, les mesures de soutien social et l'éducation. Ces questions font fi des lignes de démarcation entre les ministères et les gouvernements; par conséquent, le gouvernement doit sortir du carcan intellectuel qui marque la situation à l'heure actuelle.

En outre, nous recommandons vivement au gouvernement fédéral de réintégrer le domaine du logement social, pour la population générale, en instaurant de solides programmesfédéraux de logement social. Se loger en toute sécurité, à prix abordable, et de façon durable, voilà l'un des facteurs les plus importants qui puisse contribuer à la santé des individus, des familles et des collectivités.

Enfin, nous recommandons que l'Association médicale de l'Ontario sénatoriale préconise que le gouvernement fédéral réaffirme son rôle dans la prestation des services de santé à l'intention des peuples autochtones.

Le président: J'aimerais poser une question à M. Lozon, en partie parce qu'il a dit qu'il abandonnerait peut-être le dossier du financement, mais qu'ensuite il ne l'a pas fait, et en partie pour l'interroger sur une option qui a été signalée à notre intention par diverses personnes au pays, et qui tire son origine du Forum national sur la santé. C'est-à-dire de savoir si le financement devrait «suivre» le patient, plutôt que l'établissement.

L'effet net de cela, ce serait de dissocier la fonction de payeur de la fonction de fournisseur, pour que les patients puissent se rendre dans l'établissement de leur choix pour être traités et que le paiement provienne tout de même du gouvernement. Le patient, en ce sens, est indépendant. Si vous faites cela, vous établissez évidemment la fonction d'évaluateur comme étant distincte aussi.

Avez-vous déjà réfléchi à ce modèle? Que pensez-vous de l'idée? Vous allez peut-être vouloir vous en servir comme introduction pour aborder certaines des autres options que nous avons exposées pour ce qui est du financement?

M. Lozon: Dans plusieurs administrations, et notamment en Grande-Bretagne, on a adopté une sorte de partage entre l'acheteur et le fournisseur, ce qui est un euphémisme désignant ce dont vous parliez, où un groupe de personnes traitent de l'achat de la fonction et où un certain nombre de fournisseurs exercent la fonction. Cela a un certain mérite, du fait d'introduire dans le système un certain degré de responsabilisation et un certain alignement de mesures d'encouragement que nous n'avons pas vraiment.

Nous n'avons pas la structure voulue pour faire cela en ce moment. Nous n'avons pas la structure intégrée qu'il faut pour faire en sorte, vraiment, que cela fonctionne.

Je croyais que vous alliez me poser plus de questions concernant la participation individuelle au système du point de vue du financement. J'avais des observations à formuler à ce sujet, en ce qui concerne votre rapport.

De fait, je suis en faveur d'une plus grande participation individuelle au financement du système de santé, à condition que les personnes les plus vulnérables de notre société continuent de recevoir des soins et des services, sans obstacles financiers à cet égard. Votre rapport pourrait être plus fort, et particulièrement à cet égard, quand vous exposez les options.

Je suis en faveur d'une plus grande injection personnelle de fonds dans le système parce que, en règle générale, un bien gratuit est considéré comme n'ayant pas de valeur. Au moyen d'une série de percées techniques et de promesses politiques, nous avons incité les gens à croire qu'ils ont droit à quelque chose, mais ce quelque chose, le système ne peut le satisfaire.

Une plus grande contribution personnelle, par l'entremise des mécanismes exposés dans le rapport, permettrait non seulement d'accroître les ressources, mais, ce qui est encore plus important, de faire comprendre que le système n'est pas gratuit et qu'il ne devrait pas être traité comme une ressource renouvelable.

Le sénateur Morin: Docteur Sky, vous croyez beaucoup au caractère privé de renseignements sur la santé. Envisageriez-vous une exception dans le cas de la recherche?

Le Dr Sky: Non, sénateur. Les renseignements appartiennent au patient. Ils ne relèvent pas du bien commun d'autres personnes.

Si vous séparez les éléments de cette propriété, vous vous immiscez gravement dans la relation entre le médecin et le malade. Il est difficile pour moi, en tant que médecin, d'obtenir la confiance de mes patients et d'obtenir qu'ils me donnent toutes les précisions voulues pour que je puisse les traiter convenablement. Si, pour une raison ou pour une autre, ils devaient soupçonner que les renseignements personnels à leur sujet vont être transférés, quelle que soit la fin utile envisagée, à une tierce partie sans leur consentement, ils vont peut-être choisir de ne pas révéler un renseignement capital.

Le sénateur Morin: Vous dites que les études épidémiologiques sur les résultats, pour l'amélioration de la prestation des soins de santé - les bulletins sur tel ou tel établissement - les résultats des opérations au coeur du Dr Keon, par rapport aux résultats établis dans un autre hôpital, seraient impossibles.

Le Dr Sky: Pas du tout. Nombre des études épidémiologiques en question peuvent se faire sans que l'on dispose de renseignements personnels qui permettraient d'identifier quelqu'un, et c'est pourquoi les renseignements sur la santé doivent être gardés par le médecin. Permettez que les éléments identifiables soientsupprimés, pour que la majeure partie de l'information serve par ailleurs. Si le patient consent à ce qu'on utilise les renseignements voulus, les éléments identificateurs peuvent s'y retrouver, mais il ne faut jamais présumer du consentement. Ce serait unconsentement absolu, explicite.

Le sénateur Morin: Monsieur Lozon, comme d'habitude, vous avez des idées très claires, des idées qui stimulent beaucoup.

Comme vous le savez, le rapport Clair propose l'établissement d'un organisme de la santé qui se chargerait d'administrer le programme de la santé au Québec et, fait assez étonnant, le Ministre ne l'a pas encore mis en place, et je doute sérieusement qu'il le fasse. C'est une idée qui circule depuis un certain temps déjà.

Pour revenir au rôle du gouvernement fédéral, bien entendu, nous avons déjà une mosaïque de systèmes de santé et, au fil du temps, chacun des systèmes provinciaux devient assez différent des autres. Voilà un fait.

Toutes les études l'ont démontré: par une très forte majorité, les Canadiens sont d'accord pour dire que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans le système de prestation des soins de santé, et ils croient à des normes nationales, quelle que puisse être la signification du terme. Il y a aussi la question que les provinces moins nanties aient une présence. Les soins de santé prodigués aux Canadiens ne sont pas traités de manière égale par le système de santé. C'est une grande question, et il est difficile de contourner la difficulté. La solution de facilité - et j'y ai pensé -, c'est de laisser simplement à chaque province son propre système, à condition d'appliquer certaines lignes directrices.

Les provinces seraient mieux disposées à choisir cette voie si nous avions, à l'échelle nationale, un financement stable. Voilà un élément. Comment l'obtenir, voilà une autre question, mais si nous avions la possibilité d'assurer un financement stable à l'intention des provinces, ce serait plus facile.

Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la régionalisation des soins de santé. Tout ce que cela fait, selon mon expérience, c'est d'ajouter un palier à la bureaucratie. C'est à peu près tout ce que ça fait.

Vous dites que rien ne permet de le croire. Y a-t-il des données qui permettent de croire à l'utilité de la réforme des soins primaires? Avons-nous les mêmes genres de questions en ce qui concerne la régionalisation?

Monsieur O'Connor, je ne sais pas si vous avez écouté le témoin précédent, Mme Dunlop. Il y a un bon paragraphe de son rapport qui m'a frappé: [Traduction] «Nous croyons que les organisations privées à but lucratif représentent un partenaire essentiel de l'avenir des soins de santé canadiens». Elle poursuit:

Nous avons fait nos preuves, c'est-à-dire que nous formons des organisations légitimes qui fournissent d'excellents soins de santé tout en respectant les principes économiques. Nous insistons bel et bien sur l'efficience et l'efficacité. Qui dit rentabilité dit réinvestissement dans notre système de santé.
Cela se fait sous la forme de dépenses d'immobilisations.

On nous a dit que les dépenses d'immobilisations représentent l'une des difficultés de notre système. J'ai remarqué que, dans votre propre rapport, la toute première recommandation insiste sur le caractère sans but lucratif de la chose, comme si vous vous opposiez tout à fait à l'autre vision du monde.

M. O'Connor: Je ne peux que m'appuyer sur mon expérience personnelle. Je n'étais pas présent durant le témoignage de Mme Dunlop. J'ai assisté seulement à la séance de questions.

On peut présenter des arguments en faveur d'un régime à but lucratif ou d'un régime sans but lucratif. Quand vous comparez des études faites aux États-Unis entre les organisations à but lucratif et les organisations sans but lucratif, vous découvrez que les résultats ne sont pas très différents.

Le sénateur Morin: Je peux vous présenter des données qui disent l'inverse. Vous avez cité des études qui montrent cela, mais il y a des études récentes qui montrent que le régime à but lucratif est meilleur. On cite ce qui fait notre affaire, en fait.

M. O'Connor: C'est juste. Nous pourrions nous obstiner en citant telle ou telle étude. Ce que je veux faire valoir, c'est que lorsqu'on envisage les besoins, il faut examiner quels sont les besoins du patient. D'après mon expérience, on répond mieux aux besoins du patient dans un régime sans but lucratif.

M. Lozon: J'ai quelques observations à formuler à propos des vues du sénateur Morin.

Je comprends que les Canadiens puissent souhaiter un système national. En même temps, ma question est la suivante: que veulent donc les provinces? La réalité est toute simple, c'est que les autorités fédérales et provinciales se disputent un peu et que le débat continue. La création d'un système national exige non seulement que les Canadiens et le gouvernement fédéral en veuillent, mais aussi que les provinces en veuillent. Cela serait plus vraisemblable dans un contexte où le financement fédéral se fait stable. Il faut également que le financement en question repose sur des décisions bien avisées qui feront appel à des experts et non seulement être ciblées de telle ou telle façon.

Je vais vous donner un exemple. Nous applaudissons l'injection d'un milliard de dollars en technologies de la santé, mais il faut savoir que cela suscite des coûts de fonctionnement supplémentaires que finiront par assumer les provinces ou les établissements qui sont soutenus par la province.

Sénateur, je ne savais pas que la Commission Clair avait proposé la création d'un organisme indépendant, mais je crois que cela touche au fondement de la question. Le fondement de la question, c'est que nous avons créé - et je prendrai pour exemple l'Ontario - un système de santé de 23 milliards de dollars. Nous avons demandé aux responsables du système de financer des établissements, des particuliers. Nous leur demandons de planifier les choses soigneusement. Nous leur demandons de prévoir des investissements efficaces. Nous leur demandons de faire de la recherche. Nous demandons au responsable du système, le ministère de la Santé, de planifier efficacement l'utilisation des ressources humaines, et je crois que vous en avez suffisamment entendu, selon votre périple pancanadien, pour savoir que cela ne se fait pas très bien dans un endroit ou un autre. Nous en avons simplement trop demandé au responsable de ce systèmeparticulier, surtout dans un contexte où le taux de roulement des dirigeants est si élevé. Il existe un très grand écart entre les bonnes idées proposées, les intentions bienveillantes et l'exécution. C'est ce que je voulais souligner.

Le président: À ce sujet, votre modèle distingue-t-il la planification de la mise en oeuvre? Autrement dit, laisseriez-vous la fonction de planification au ministère et la fonction de mise en oeuvre et de surveillance à l'organisme, ou encore la fonction planification irait-elle à l'organisme aussi?

M. Lozon: Je confierais la fonction de planification à l'organisme. Je garderais à part, au ministère, certains éléments des responsabilités actuelles. Un bon exemple serait celui des ressources humaines. La planification des ressources humaines à l'échelle fédérale-provinciale est inadéquate, et si elle l'est, c'est en partie parce qu'elle se fait toujours dans la confusion ou qu'elle n'obtient pas toute l'attention voulue, étant donné les énormes problèmes opérationnels qui existent.

Je crois que votre groupe a envisagé la planification des ressources humaines comme pouvant être un travail fédéral-provincial. C'est une tâche qui pourrait demeurer la responsabilité des élus, tout comme l'établissement des objectifs de haut niveau: tel délai pour les listes d'attente dans le cas des cancéreux, tel délai pour les personnes en attente d'une chirurgie cardiaque, l'accès aux médecins de premier recours, comme cela se ferait avec l'adoption de la notion des «soins garantis» que vous avez exposée dans l'un de vos documents sur les options. L'établissement des objectifs demeurerait la responsabilité d'un gouvernement.

Le président: Dans l'ensemble, les mesures du rendement du système demeureraient la responsabilité du parti politique qui en est redevable, soit le parti qui forme le gouvernement.

M. Lozon: Tout à fait.

Le sénateur LeBreton: De façon un peu humoristique, je pensais, quand j'ai entendu M. Lozon dire qu'il faut tenir ça à l'écart de la politique partisane, que nous apprécions énormément votre soutien indirect à l'égard d'un Sénat non élu.

De toute manière, ma question s'adresse au Dr Kenneth Sky et porte sur toute l'idée de la technologie de l'information. Je suis certes d'accord pour dire que cela ne devrait pas être entre les mains du gouvernement, mais j'aimerais savoir pourquoi vous pensez que cela devrait être entre les mains du médecin et non pas du patient lui-même. Si j'ai mon propre passeport et mon propre numéro d'assurance sociale, n'est-ce pas une chose dont le contrôle devrait m'appartenir à moi, le patient, plutôt qu'au médecin? J'aimerais savoir pourquoi vous croyez qu'il vaut mieux remettre cela entre les mains du médecin que du patient.

Le Dr Sky: Sénateur, je dois signaler que je suis vraiment médecin et que je prodigue vraiment des soins à des patients. Dans la vie de tous les jours, ce que je constate, c'est qu'il y a environ 20 p. 100 des patients en Ontario qui, du moins c'est le cas pour mon cabinet, se présentent sans avoir sur eux leur carte de santé. Pour ce qui est des enfants, cela se passe dans 50 p. 100 des cas, probablement, l'autre parent étant celui qui a la carte.

Vous avez fait allusion au fait que d'autres témoins ont parlé d'une «carte à puce». Selon ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, les cartes à puce ne sont pas la mer à boire. Elles sont très fragiles. Elles sont faciles à détruire ou à briser ou à manipuler et, dans l'ensemble, les patients n'ont pas ce qu'il faut pour garder tout cela. On ne pourrait stocker suffisamment d'information sur une carte qui est assez solide pour être transportée sur soi.

Nous sommes d'avis que si l'information est conservée dans une banque centrale - la mesure de protection habituelle étant que, pour la majeure partie, l'information se retrouve entre les mains du médecin traitant - on peut utiliser nettement mieux l'information et s'assurer qu'elle chemine jusqu'au point de service en temps utile. Cela veut dire qu'il faut tout le reste des renseignements sur les soins de santé.

En Ontario, avec notre nouveau système, nous nous sommes assurés de pouvoir communiquer avec nos Centres d'accèsaux soins communautaires, les CASC, avec les hôpitaux, les laboratoires et même les centres d'imagerie, pour que tout puisse converger.

Le sénateur LeBreton: Ce système permettrait-il de mettre la main sur le patient qui, pour une raison ou une autre, ne cesse de changer de médecin ou de produit pharmaceutique ou de pharmacie?

Le Dr Sky: Je ne dirais pas qu'il permettrait de «mettre la main» sur une telle personne, mais on pourrait la repérer. Certes, cela permettrait de réaliser des économies et des gains d'efficience. Cela nous permettra aussi d'empêcher que de coûteuses épreuves de diagnostic se fassent en double.

Le sénateur LeBreton: Comme des épreuves sanguines, par exemple?

Le Dr Sky: Je parle des épreuves d'imagerie, en particulier, car elles sont très coûteuses.

Le sénateur LeBreton: Quelle incidence cela a-t-il sur le droit de choisir du patient? Si c'est vous, le médecin, qui détenez le dossier de la personne et que celui-ci, pour une raison ou une autre, souhaite consulter un autre médecin, comment le dossier sort-il de votre système? Est-ce un système central?

Le Dr Sky: Ce serait transféré dans le temps de le dire. Cela peut certainement se faire rapidement.

Nous aurons en place quelques éléments utiles. Pour la sécurité du système entier, il y aura le protocole de chiffrement SSL à 128-bit, aussi bon que celui dont se servent les banques, et cela devrait faire échec à quiconque essaie de pénétrer le système, exception faite des pirates informatiques les plus avancés.

La certification des utilisateurs et des patients représente la prochaine étape capitale. Nous croyons avoir l'infrastructure de clé publique, l'ICP, voulue pour la certification des utilisateurs. La manière d'identifier les patients demeure une question tout à fait capitale. Nous n'avons pas encore déterminé si nous allons utiliser la biométrie ou une autre forme d'identification.

Le sénateur Keon: J'ai apprécié au plus haut point les trois exposés que vous avez présentés.

J'aimerais discuter d'une notion, si vous permettez que je m'adresse d'abord à vous, Jeff, et je demanderai également au Dr Sky et à M. O'Connor de commenter la question.

Cela est paradoxal; à l'époque où la commission derestructuration a été mise sur pied en Ontario, j'ai rédigé un mémoire dans lequel j'ai recommandé que l'on ne touche pas au système hospitalier tant que nous n'avions pas bien cerné la notion de régionalisation, sinon ce serait la catastrophe. Je crains que cet article, que ce mémoire se retrouve dans l'édition de demain de l'Ottawa Citizen.

J'ai entendu parler de vos idées pour ce qui touche la création d'organismes indépendants, provinciaux, sans but lucratif, même à l'époque où vous étiez sous-ministre, et c'est un concept vraiment intéressant. De fait, c'est simplement la notion de régionalisation sur une échelle beaucoup plus grande.

Une des énigmes qu'il nous faut résoudre tient au fait que nous essayons d'appliquer des modèles et que nous essayons de trouver des modèles qui se révéleront universels. Certes, essayer de concevoir un modèle régional pour Toronto serait un cauchemar. Tout de même, un modèle régional dans Ottawa-Carleton fonctionnerait très bien, mais ce ne serait pas nécessaire si on avait l'organisme indépendant, provincial et sans but lucratif qui, fondamentalement, s'acquitterait de la même tâche à l'échelle provinciale.

Permettez-moi de descendre un peu sur la liste et d'aborder une autre question. Croyez-vous que cet organisme composerait avec la panacée de la santé en fonction des principes de la santé des populations; autrement dit, composer avec l'effet du changement de la santé de la population en Ontario? Pour y arriver, il faudrait faire appel à des gens comme M. O'Connor. Il nous faudrait aussi régler la question des soins primaires, docteur Sky, et, à mon avis, on ne saura régler ça tant qu'il n'y aura pas un autre régime de rémunération des médecins de premier recours. Ce n'est qu'une opinion personnelle, mais je veux vous entendre réfuter cette opinion. Je crois que le grand obstacle à la réforme des soins primaires réside dans le fait que nous n'avons pas de régime de rémunération pour les médecins de premier recours.

M. Lozon: Sénateur, une des raisons pour lesquelles j'ai formulé cette recommandation, c'est non seulement en raison de la stabilité - qui me semble être une question très réelle et très profonde - ou du manque de stabilité, mais simplement que les modifications dont vous avez parlé dans votre question sont difficiles à apporter dans le contexte actuel pour un ministre de la Santé, qu'il se trouve à Regina, Winnipeg, Queen's Park ou Halifax. Les changements qui s'imposent sont si profonds et si dangereux, et ils prennent un temps extraordinaire à acheminer dans tout le système. Cela prend beaucoup de temps parce qu'il s'agit de la refonte d'un très grand système - et, souvent, on n'y arrive simplement pas.

Au fond, il s'agit non seulement de créer une plus grande stabilité, mais également de créer la plate-forme sur laquelle viendront s'appuyer ces genres d'activité.

Si la plate-forme n'avait pas été mise à mal au début des années 90 avec le resserrement des finances provinciales et des finances fédérales, nombre des mesures qui ont été adoptées - peut-être la régionalisation dans d'autres provinces, la Commission de restructuration des services de santé dans la nôtre - n'auraient peut-être jamais été adoptées, en partie parce que le système exige un tel nombre de compromis qu'il devient très difficile d'avancer.

Pour recommander la manière de dissocier ces éléments, je disais souvent: je me demande si le ministre de l'Énergie est responsable des lumières qui sont allumées ou non la nuit à l'hôtel Royal York? La réponse, c'est que personne n'a jamais demandé au ministre de la Santé pourquoi les lumières s'éteignent à l'hôtel Royal York. Par contre, il est tout à fait possible que l'on demande au ministre de la Santé pourquoi une mère a été transférée de Taber, en Alberta, au Montana pour obtenir un service et que le ministre puisse accepter les critiques favorables et défavorables formulées à ce sujet. À cet égard, le système que nous avons mis en place n'est pas pratique.

Le sénateur Keon: Gary, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la régionalisation en tant qu'elle touche une population de, disons, 1,5 ou deux millions d'habitants? Est-ce que ce serait une bonne chose ou une mauvaise chose pour votre concept?

M. O'Connor: Une des questions que fait intervenir la régionalisation, c'est la question de l'échelle. À l'Île-du-Prince-Édouard, la régionalisation a du sens. À Toronto, elle n'en a pas. Il est difficile de répondre à la question quand on pense que les deux cas se recouvrent.

Pour une bonne part, la planification devient «communautaire» et consiste à examiner ce qui a du sens pour la collectivité. Or, les centres de santé communautaire font justement cela depuis 30 ans; ils aident à créer des collectivités fortes et dynamiques et, de ce fait, des régions et des provinces et des pays dynamiques.

La régionalisation, si elle est accomplie d'une manière qui sert les patients et qui répond aux besoins de la collectivité, se révèle efficace et utile. Si elle est faite d'une manière qui sert les intérêts provinciaux et politiques, souvent, elle n'est pas utile aux individus et aux collectivités.

Je me fais l'écho de ce que Jeff a dit. Nous devons supprimer de la santé les éléments politiques partisans, et nous devons trouver une façon de faire reposer les soins de santé sur des fondements certains, à long terme, qui dépassent le seul horizon du mandat des partis politiques.

Le sénateur Keon: Ken, pourriez-vous nous dire comment vous appliqueriez un PAMP aux médecins de famille?

Le président: Qu'est-ce qu'un PAMP?

Le sénateur Keon: C'est un plan pour d'autres modes de paiement. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'idée de mettre à salaire les médecins de famille dans une région, d'une façon qui correspondrait aux ressources communautaires dont dispose la région, les cliniques communautaires, les soins primaires et ainsi de suite, pour qu'ils puissent faire partie de ces équipes? Peut-on faire cela sans qu'il y ait régionalisation?

Le Dr Sky: Permettez-moi d'abord de dire qu'en plus d'être président de l'Association médicale de l'Ontario, je suis membre du conseil d'administration de l'Association médicale canadienne et que je m'adresse souvent à mes collègues partout au Canada. Leur impression, c'est que la régionalisation est une catastrophe partout où elle a été adoptée. C'est un système qui permet au gouvernement de transférer les responsabilités des lacunes du système et qui tend à cultiver uniquement les bons éléments du système. Je ne suis pas convaincu que la régionalisation soit nécessaire à notre système, tel que nous l'avons en ce moment.

Pour ce qui est de la réforme des soins primaires, quel que soit le terme employé pour désigner la chose - en Ontario, on appelle cela l'Ontario Family Health Network - permettez-moi de dire, pour répondre d'abord à la question du sénateur Morin, que l'utilité n'en est pas démontrée. C'est pourquoi nous avons insisté pour qu'il y ait une évaluation constante du système. Nous avons eu droit au premier rapport à ce sujet en Ontario. C'est un processus itératif. Nous modifions sans cesse le modèle pour régler les problèmes que nous repérons.

Quant au modèle de rémunération lui-même, pour ce qui est de la réforme des soins primaires, nous employons deux ou trois modèles différents sur les lieux de nos projets pilotes. C'est une forme conjuguée que nous employons. Nous utilisons une forme de rechange pour ce qui est de la rémunération, essentiellement l'équivalent d'un salaire, et nous employons un modèle réformé de rémunération à l'acte. Nous employons les trois systèmes. Nous les mettons tous les trois à l'essai pour déterminer lequel fonctionne.

Nous avons conclu qu'aucun système ne convient à tout le monde, que les besoins des patients et des médecins varient d'une région à l'autre. Nous devons les examiner afin de déterminer si nous pouvons fonctionner avec trois ou quatre modèles. De fait, c'est exactement ce que le conseil de l'Association médicale de l'Ontario envisagera le 10 novembre, lorsqu'il examinera les divers modèles de paiement pour déterminer lesquels sont intéressants pour les médecins de l'Ontario.

Le sénateur Keon: Jeff, vous avez réussi, mieux que quiconque, à soutirer le milliard de dollars du gouvernement fédéral pour la modernisation des technologies. Je me souviens de vous avoir parlé à l'époque où cela était imminent.

J'ai l'impression que, pour obtenir de vrais changements,nous devons investir des sommes conséquentes. Je pense aux changements qui ont eu lieu dans les années 60, quand les fonds pour la santé ont été débloqués, et que les écoles de médecine et les centres médicaux, comme McMaster, ont été bâtis à prix fort. Quand on y pense, 100 millions de dollars constituaient une somme énorme en 1965.

Que pensez-vous de l'idée consistant à proposer augouvernement fédéral - avec les mêmes arrangements fédéraux-provinciaux que pour les ressources en matière de santé, de façon à ce que les provinces puissent composer avec les répercussions - de créer un énorme budget global visant à permettre au système de se moderniser, au lieu de laisser tout le monde composer, tant bien que mal, avec le peu de ressources dont on dispose?

M. Lozon: Sénateur, je reprends de temps à autre les propos du sénateur Dirksen, qui disait: «Un milliard ici et un milliard là - ça commence à faire beaucoup d'argent».

Parmi les fonctions que j'exerce bénévolement, je suis président de l'Association canadienne des institutions de santéuniversitaires, organisme national qui représente les régions et les hôpitaux universitaires de partout au pays. Je demande au Comité de déterminer si ces organismes et les écoles de médecine auxquelles ils sont affiliés ne devraient pas être considérés comme des ressources nationales.

Les personnes formées à l'Université de Toronto ou à l'Université de la Saskatchewan finissent par pratiquer partout au pays, et le gouvernement fédéral a pris un engagement énorme au chapitre de l'innovation en recherche, par l'entremise des chaires de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation et des Instituts de recherche en santé du Canada. Cela mine les ressources des organisations d'enseignement et des facultés de médecine.

J'ai lu soigneusement votre document sur une participation fédérale accrue afin de déterminer si le comité envisagerait la possibilité d'attribuer un rôle plus national à ces organismes, car, de fait, leurs activités, non pas au chapitre de la prestation de services, mais bien de l'enseignement et de la recherche, servent réellement l'ensemble du Canada, d'un océan à l'autre.

Le sénateur Robertson: Monsieur Lozon, il est rafraîchissant de voir un ex-cadre supérieur de la fonction publique parler du système avec franchise.

J'aimerais prendre une minute pour parler des conseils autonomes sans but lucratif dans tout le système. On a entendu diverses références à une telle notion au fil des ans.

Ma préoccupation, monsieur, c'est que quelqu'un doit nommer les membres de ces conseils - et il ne faut jamais sous-estimer la capacité des politiciens de faire nommer certaines personnes à un conseil. Tout naturellement, le public se méfie toujours des nominations à un conseil par le gouvernement au pouvoir, parfois avec raison.

Si nous pouvions trouver un moyen de créer un conseil sans but lucratif totalement autonome, ce serait un important pas en avant. Je crains que seul le Bon Dieu pourrait venir sur Terre et choisir les bonnes personnes sans subir l'influence des politiciens. Je n'arrive pas à me défaire de l'idée selon laquelle tout conseil, peu importe ce qu'il fait, finirait par se buter à des commentaires comme «eh bien, ce conseil a été constitué par un tel, est fautif, et doit être remplacé», ce qui est souvent très raisonnable.

Y avez-vous réfléchi en profondeur? Comment établiriez-vous un conseil indépendant?

M. Lozon: Sénateur, j'aimerais formuler un commentaire avant de répondre à votre question.

Je voue un respect sans bornes aux personnes qui sont élues et qui sont chargées de diriger notre système de soins de santé. Les collègues avec lesquels j'ai travaillé au ministère de la Santé et des Soins de longue durée étaient extraordinairement compétents, très travailleurs et déterminés. Comme la plupart des choses dans la vie, les échecs découlent non pas de l'erreur humaine: ils se produisent parce que nous avons créé un système qui ne fonctionne pas.

J'ai réfléchi un peu à la notion d'autonomie et aux façons de l'obtenir. Une solution pourrait consister à faire constituer le conseil par un comité composé de députés de tous les partis. Je ne suis pas certain qu'une telle idée serait retenue par quiconque. Nous ne formulons que des hypothèses et des théories, bien sûr. Ce serait une possibilité.

Je laisserais ce genre de chose aux gens qui connaissent mieux l'orientation des politiques gouvernementales. Mes connaissances touchent davantage le milieu des soins de santé. Il faut apporter de grands changements, ce qui est difficile à faire. Il faut mettre beaucoup de temps pour résoudre les problèmes, et nous ne sommes pas dotés des structures et des processus nécessaires pour le faire.

Le sénateur Robertson: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le Dr Sky: Sénateur, l'Association médicale de l'Ontario suggère depuis longtemps qu'on procède à l'examen des autres systèmes dans le monde, en particulier ceux des pays de l'OCDE. Nous ne croyons pas que les solutions en matière de soins de santé peuvent toutes être trouvées au Canada. Il n'y a pas de système parfait. Il faut examiner tous les autres systèmes et tenter de tirer le meilleur de chacun.

Si vous souscrivez à la théorie de M. Lozon selon laquelle nous avons besoin de conseils de supervision, je vous suggère de vous pencher sur le système français. En France, les gens qui dirigent le système de soins de santé sont indépendants des politiciens. Ils doivent encore rendre compte aux politiciens, et les politiciens continuent d'établir des politiques. Il y a moyen de faire cela. Il est difficile de comparer nos pays, car le nôtre est une confédération, et la France est une république, où les choses fonctionnent différemment. En examinant les divers modèles qui existent partout dans le monde, nous pouvons trouver des idées qui conviendraient au Canada du XXIe siècle.

Le sénateur Robertson: Merci. Comme vous le savez probablement, le Comité a tenu des vidéoconférences avec un certain nombre de pays afin d'en savoir davantage sur leurs systèmes de santé respectifs. Nous devrions peut-être déterminer si certains éléments des systèmes étrangers pourraient nous aider avec la notion de conseil indépendant. Toutefois, j'ai encore un petit doute.

Laissez-moi passer à autre chose, ce ne sera pas trop long.

Docteur Sky, à la page 1 de votre mémoire, vers le bas de la page, vous dites ce qui suit:

Parmi les nombreux enjeux importants dans cette discussion, il faut surtout envisager la pénurie actuelle de médecins et tenir compte des preuves croissantes selon lesquelles ces pénuries de médecins s'aggraveront dans un avenir rappro ché.
L'un des témoins que nous avons entendus ce matin, Dr. Rachlis, ne croit pas que nous avons besoin de personnel médical supplémentaire, et il estime que nous utilisons mal le personnel dont nous disposons. Je ne sais pas s'il a raison, tort ou à moitié raison. Les milieux médicaux se plaignent que les médecins n'utilisent pas ou n'encouragent pas le recours à d'autres professionnels ou paraprofessionnels de la santé. Cette question est soulevée de temps à autre, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Avant de vous inviter à répondre, j'aimerais soulever un dernier point. J'ai remarqué qu'à la page 3 de votre mémoire, vous énoncez les quatre aspects spécifiques de votre exposé: le rôle du gouvernement provincial, le rôle du gouvernement fédéral, le rôle du médecin et, enfin, la relation médecin-patient.

Je suis surprise de constater que vous ne faites aucunement référence au rôle des 256 médecins et des autres fournisseurs de soins de santé, des pratiques interdisciplinaires dont nous avons tellement entendu parler, et qui tirent le meilleur profit possible de tous les professionnels ou paraprofessionnels médicaux dans le système. Pourriez-vous commenter, s'il vous plaît?

Le Dr Sky: Il semble y avoir deux enjeux ici, sénateur. Le premier tient à la pénurie de médecins, qu'elle soit réelle ou imaginaire, et le deuxième concerne les autres fournisseurs de soins qui collaborent avec les médecins. J'ai déjà mentionné la question des infirmières praticiennes.

Laissez-moi d'abord commencer par la question de la pénurie de médecins. En 1999, M. McKendry a déposé un rapport selon lequel il manquait au moins 1 000 médecins en Ontario. L'année suivante, M. George a mené sa propre étude et a conclu que «non, il avait tort, la pénurie n'est que d'environ 250 à 300 médecins». À l'heure actuelle, le gouvernement ontarien convient qu'il y a une pénurie d'au moins 1 300 médecins dans la province. Je mets Dr. Rachlis au défi d'aller dans une des 109 collectivités considérées comme étant en pénurie de médecins, et de leur dire qu'ils ont suffisamment de médecins.

La pénurie a été confirmée par un débat scientifique étendu, et il n'y a pas lieu de la remettre en question.

Pour ce qui est de la question du personnel paramédical, en particulier les infirmières praticiennes, nous avons établi un comité. Pour l'instant, le comité n'a pas encore déterminé comment nous utiliserons ce personnel.

À notre avis, le principal enjeu tient au fait qu'il ne devrait pas y avoir plusieurs points d'accès au système de soins de santé. Nous considérons les infirmières praticiennes comme les membres d'une équipe, travaillant avec les médecins pour voir le plus grand nombre possible de patients, mais sous la supervision d'un médecin. La plupart des patients en Ontario - d'après un sondage, plus de 90 p. 100 - préfèrent d'abord consulter un médecin de famille. Nous croyons qu'il faut répondre à ce besoin.

Ensuite, il faut se pencher sur les moyens de financer les infirmières praticiennes. À l'heure actuelle, celles dont nous disposons sont financées, dans une large mesure, au moyen d'un contrat direct avec le gouvernement, ou à même les ressources des médecins. Ces deux méthodes ne sont pas de bons moyens de financement, et nous devons en envisager de meilleurs.

Le sénateur Robertson: Merci. J'apprécie votre commentaire sur le besoin d'accroître le nombre de médecins, d'autant plus que vous provenez d'une petite province, comme certains d'entre nous. Mes électeurs m'ont affirmé qu'à l'heure actuelle, ils doivent parcourir 60 kilomètres pour se trouver un médecin de famille. Le système s'effondre.

J'aimerais soulever rapidement un point qui s'applique, docteur Sky, à ce dont nous parlons.

Monsieur O'Connor, j'aime les centres de soins de santé. À mon humble avis, ils sont bons. Bien sûr, je dis cela à titre de personne provenant d'une petite province. Je crois que c'est vous qui avez déclaré, au sujet de la prévention, qu'il fallait se préoccuper du milieu, du logement et de tous les facteurs qui influent sur la pauvreté, et que tous ces domaines doivent converger.

Cela me décourage un peu, monsieur. Notre problème, c'est que le système est cloisonné et que les intervenants ne communiquent pas entre eux. Nous recevons un financement «vertical» du ministère de la Santé, de haut en bas, et personne ne peut voir ce que l'autre fait. Ce processus mène au gaspillage. Je crois qu'un mouvement horizontal des fonds pour un groupe de citoyens donné serait avantageux, mais si nous n'arrivons pas à faire tomber les cloisons dans le système de soins de santé, comment arriverons-nous à faire tomber les cloisons afin de favoriser une coopération ministérielle? Je comprends votre commentaire, mais j'aimerais qu'on commence d'abord par éliminer le cloisonnement dans le système de soins de santé.

M. O'Connor: Je vous donne quelques exemples. En milieu communautaire, les cloisons tombent assez facilement.

Il y a quelques années, au Centre de santé communautaire de South Riverdale, à Toronto, les médecins ont constaté une forte incidence de saturnisme chez leurs patients. Si cela c'était produit dans une clinique, les médecins auraient traité le saturnisme et auraient continué de le traiter. Dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'un organisme communautaire doté de travailleurs d'approche communautaires et d'un conseil. Les médecins ont signalé le phénomène. Les travailleurs d'approche ont cherchédes causes. L'organisme a exercé des pressions afin que le gouvernement examine les sources de pollution dans la localité. On y a trouvé une usine de piles, qui a fini par fermer ses portes et à s'établir ailleurs. On s'affaire actuellement à restaurer le sol dans cette localité.

À Windsor, le service de prévention des incendies avait remarqué une forte occurrence de décès par le feu et d'incendies criminels dans la localité. Le service de prévention des incendies a travaillé avec le Centre de santé communautaire de Sandwich, situé dans une localité à faible revenu où l'on trouve peu de matériel de prévention et de lutte contre les incendies dans les maisons. Ils ont reçu des dons d'extincteurs d'incendie et de matériel de détection d'incendie, et les ont installés dans les maisons. Maintenant, cette localité affiche le plus faible taux de décès par le feu dans la région, et le service de prévention des incendies attribue la résolution du problème aux efforts du centre de santé communautaire.

Lorsqu'on adopte une approche intégrée qui va au-delà de la simple prestation de services ponctuels, on peut favoriser le bien-être et aider l'ensemble de la collectivité à se sentir bien.

Le sénateur Robertson: Merci. Je peux vous donner de nombreux exemples de ce genre de petites collectivités.

Monsieur le président, au cours des dernières semaines, nous avons entendu de nombreux témoins parler de ce cloisonnement, où les gens travaillent presque l'un contre l'autre.

Le président: Honorables sénateurs, il ne nous reste plus qu'un seul groupe de témoins avant de lever la séance.

Nous commencerons avec M. Jeff Wilbee, directeur exécutif de l'Association ontarienne des services de rétablissement en toxicomanie et de l'Association d'intervention auprès destoxicomanes.

M. Jeff Wilbee, directeur exécutif, Association ontarienne des services de rétablissement en toxicomanie et Association d'intervention auprès des toxicomanes: Monsieur le président, je tiens à remercier le Comité et vous-même de l'occasion qui nous est offerte de témoigner aujourd'hui.

Compte tenu du court délai qui nous est consenti pour notre exposé, je m'en tiendrai surtout au chapitre 12 du rapport, «Enjeux et options», qui porte sur le rôle au chapitre de la santé de la population, mais, tout d'abord, je formulerai quelques commentaires sur les autres rôles.

Sur la question des finances, j'ai l'impression qu'à titre de citoyen de notre pays, le plus gros défi que nous ayons à relever est lié au type de mécanismes de financement que nous élaborons.

Nous soutenons qu'il faut examiner en profondeur la possibilité de combiner en permanence le financement public et le financement privé. Toutefois, ce faisant, il faut fournir la gamme complète des services aux personnes qui appartiennent aux strates socio-économiques inférieures, nombre desquelles se présentent aux portes de nos cliniques.

Un autre point sur lequel nous insistons à cet égard tient au fait que le gouvernement doit, à notre avis, maintenir son interdiction relative à la publicité sur les médicaments d'ordonnance.

En ce qui concerne la recherche et l'évaluation, nous appuyons fortement l'affectation de ressources supplémentaires à la recherche. Toutefois, une part importante de cette recherche devrait miser sur les commentaires et la participation des travailleurs de première ligne du secteur de la santé.

Il faut non seulement diffuser les connaissances découlant de la recherche, mais aussi faire porter un accent plus marqué sur l'éducation et la formation, en particulier pour les fournisseurs de soins de santé, et y affecter des ressources. Les soins de santé sont dispensés au moyen d'équipements et de systèmes, mais il s'agit d'abord et avant tout de personnes qui aident d'autres personnes. Plus le praticien possédera de connaissances et de compétences, et plus le patient sera informé, plus nos efforts seront efficaces.

En ce qui a trait à l'infrastructure, nous appuyons pleinement les objectifs relatifs à la prise de décisions éclairées et à la reddition de comptes. Ces objectifs peuvent être réalisés, en partie, au moyen de technologies et de systèmes d'information. La reddition de comptes devrait concerner non seulement les coûts et les économies administratives, mais aussi mettre l'accent sur les résultats cliniques. Une intégration accrue des systèmesd'information devrait produire de meilleurs résultats, au chapitre tant clinique qu'administratif. Par exemple, on considère souvent que le système de traitement de la toxicomanie est cloisonné et n'est pas perçu comme un service essentiel.

En ce qui concerne le rôle au chapitre de la prestation de services de santé aux Autochtones, les auteurs du rapport affirment que les programmes permettant d'obtenir de meilleurs résultats de santé sont ceux qui misent sur une participation considérable des membres de la collectivité concernée. Nous applaudissons cette déclaration. Nous croyons aussi qu'il s'agit d'un principe qui devrait s'appliquer à toutes les collectivités de notre grand pays.

Notre principale contribution au débat est notre déclaration selon laquelle une part plus grande de notre attention et de nos ressources doit s'attacher aux mesures de promotion de la santé, d'intervention précoce et de santé de la population.

Nos clients, les toxicomanes, coûtent énormément de temps, de ressources humaines et de dollars à notre système de soins de santé. Ils imposent un fardeau direct sur le système, au moyen de traumas, comme la conduite en état d'ébriété, les chutes, les actes de violence, et les maladies infectieuses, comme le sida et l'hépatite.

La toxicomanie contribue aussi à d'autres diagnostics primaires, comme les maladies touchant les reins et le foie, et il est certain qu'elle ne favorise pas la guérison d'un cancer ou d'une maladie cardiaque. Même si notre mémoire n'en fait pas mention, vous serez peut-être intéressé par une étude selon laquelle de 20 p. 100 à 30 p. 100 des lits des centres hospitaliers sont occupés par des personnes aux prises avec un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, et 80 p. 100 de ces patients ne sont pas, selon le rapport de l'étude, identifiés comme tels.

Nous sommes aussi grandement préoccupés par la consommation chez nos jeunes. Une étude récente, menée en 2001 auprès d'étudiants manitobains de niveau secondaire, révèle que l'âge moyen de la première consommation d'alcool est de 13,3 ans, ce qui est bouleversant. Dès la quatrième année au secondaire, 33 p. 100 des jeunes consomment de l'alcool au moins une fois par semaine. Dans le cadre de l'enquête, 17,8 p. 100 des étudiants ont déclaré que l'un des problèmes découlant de cette consommation est une grossesse non désirée.

Une autre question qui nous préoccupe en Ontario tient aux perturbations causées par les personnes en état d'ébriété qui arrivent dans nos salles d'urgence déjà surchargées, et nous avons déjà commencé à envisager des stratégies visant à aiguiller ce groupe de clients vers des interventions plus appropriées.

Nous avançons que ces coûts imposés au système de soins de santé peuvent être réduits de façon importante grâce à l'adoption de stratégies appropriées. Un rapport du vérificateur général de l'Ontario faisait état d'un rendement de 6 $ pour chaque dollar investi dans le traitement de la toxicomanie. Cette estimation est considérée comme prudente. D'autres rapports indiquentune rentabilité encore plus élevée. Par conséquent, nousrecommandons que le traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme et la sensibilisation à ces problèmes soient intégré au système régulier et jouissent d'un financement adéquat, ce qui, pour l'instant, n'est pas le cas.

Comme votre rapport l'indique, la contribution de notre système de soins de santé au maintien de la santé des citoyens n'est peut-être que de 25 p. 100. Il est donc tout à fait sensé de s'attacher aux 75 p. 100 qui restent. À cette fin, le Canada devrait faire preuve de leadership mondial, par l'entremise d'un commissaire à la santé, et tenter de mesurer et d'améliorer l'état de santé de notre population.

Comment pouvons-nous faire cela? L'expérience montre que la simple diffusion d'information ne suffit pas. Dans le domaine des substances causant une accoutumance, on a dépensé des millions de dollars pour mettre en garde les citoyens contre les dangers du tabagisme et de la toxicomanie, pour constater que les taux de consommation de drogue chez les jeunes ont remonté aux niveaux enregistrés vers la fin des années 70.

Nous devons nous concentrer sur la qualité de nos programmes et de nos praticiens. Par exemple, l'Association d'intervention auprès des toxicomanes qui offre un processus d'accréditation pour les professionnels du traitement de la toxicomanie, est sur le point de lancer un processus d'accréditation pour les experts de la prévention.

Pour terminer, nous souhaitons insister sur la «reddition de comptes». Nous devons optimiser le rendement de nos ressources limitées. Nous croyons que, de façon générale, les suggestions contenues dans le rapport vont dans la bonne direction. Toutefois, nous tenons à signaler que même si nous changeons des secteurs plus larges du système de soins de santé, il ne faut pas oublier la contribution de secteurs moins visibles, comme celui dutraitement de la toxicomanie.

Nous vous remercions de nous avoir laissé participer à ce dialogue.

M. Denis Morrice, président et p.-d.g., La Société d'Arthrite: Je vous remercie beaucoup de cette occasion de témoigner. Je vous remercie du rôle de citoyen que vous jouez en consacrant tout votre temps à cette question. Vous absorbez une quantité importante de données.

Après avoir pris connaissance du rapport, nous constatons que l'enjeu réel, c'est l'équité. C'est certainement le principal enjeu pour les personnes souffrant d'arthrite, car, manifestement, ce n'est tout simplement pas équitable.

Je parle au nom des personnes souffrant d'arthrite, et mon collègue parlera du cancer. Mon père, mon frère, ma mère et ma soeur aînée ont été emportés par le cancer, ma soeur cadette vient de terminer sa chimio et commence sa radiothérapie, et je me retrouve ici à parler d'arthrite. Je ne peux m'empêcher de croire que le temps est venu pour les chercheurs de s'attacher non pas aux domaines qui les intéressent, mais bien aux domaines qui répondent aux besoins des citoyens.

L'introduction prononcée par Jeffrey Lozon m'a beaucoup plu.

Les problèmes musculo-squelettiques liés à l'arthrite occupent le premier rang parmi les causes de visite chez le médecin et les causes d'invalidité. L'arthrite est la plus grande cause d'invalidité à long terme, et on n'en parle jamais. Je vous invite à penser à l'importance de tout cela.

Nous parlons d'arthrite en nous attachant à la douleur. Les médecins disent à leurs patients souffrant d'arthrite: «Ce ne sont que des douleurs. Nous finissons tous par faire de l'arthrite un jour. Retournez chez vous et apprenez à vivre avec». Ils ne tiennent pas compte du fait que l'arthrite rhumatoïde, le lupus et d'autres formes de la maladie sont des maladies auto-immunes et devraient être traitées avec beaucoup de sérieux

Sur quatre millions de personnes souffrant d'arthrite, deux millions prennent chaque journée des médicaments pour soulager la douleur et l'inflammation. À l'heure actuelle, au Canada, on parle d'environ 38 000 arthroplasties de la hanche ou du genou. Compte tenu du fait que 9,8 millions de baby-boomers ont franchi la cinquantaine au cours des dernières années, on peut imaginer ce qui se produira.

Je me pencherai seulement sur quelques points soulevés dans votre rapport.

Je vous demande de reconnaître l'importance et l'impact de l'arthrite sur le système de soins de santé et sur notre société.

Pour ce qui est de la recherche, ceux d'entre nous qui sont malades veulent seulement se débarrasser de la maudite maladie. Nous ne pouvons y arriver que par la recherche, et c'est pourquoi nous appuyons pleinement les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. Il ne s'agit pas seulement de doubler le budget. Il faut plus que doubler le budget, car le mandat s'est beaucoup élargi. Combien de dollars pouvons-nous actuellement affecter au type de recherche existant?

Dans le domaine de l'arthrite, nous sommes très chanceux d'avoir l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite, l'un des 13 instituts. Grâce à cet institut, nous avons pu rassemblerles dentistes, les experts de l'ostéoporose, les chirurgiens orthopédistes, les rhumatologues et les dermatologues, de façon à enfin éliminer le cloisonnement. Nous les avons rassemblés.

En ce qui concerne le Réseau de centres d'excellence, nous sommes choyés, car nous avons le premier réseau de centres d'excellence propre à une maladie, c'est-à-dire le Réseau canadien de l'arthrite. Un conseil consultatif, constitué de citoyens souffrant d'arthrite, contribue à l'élaboration de la stratégie du réseau. Nous savons que le système peut fonctionner lorsque les citoyens participent.

Grâce à cette coopération, les chercheurs en sont venus à nous connaître et à comprendre nos problèmes, et nous en sommes venus à apprécier le travail des chercheurs. Ils sont devenus les ambassadeurs. Nous croyons que le cloisonnement peut être éliminé.

J'aimerais maintenant parler de la formation spécialisée. Le dernier témoin a fait référence à la pénurie de médecins et à d'autres questions. Ce n'est pas du calcul différentiel, c'est une simple question arithmétique. On ne trouve même pas un rhumatologue, soit un spécialiste de l'arthrite, à l'Île-du-Prince-Édouard. Pas un seul. À Kitchener, on en retrouve trois, mais deux d'entre eux prendront leur retraite cette année, de sorte qu'il n'en restera qu'un seul. Quatre millions de personnes souffrent d'arthrite.

Outre la question des infirmières praticiennes, nous envisageons aussi celle des physiothérapeutes praticiens. Je suppose que cela revient à la notion de soins communautaires, selon laquelle on trouvera les réponses dans la collectivité. Nous parlons maintenant de nouveaux produits biologiques à administrer, sous forme de perfusions et d'injections. L'infirmière praticienne est là. Qu'en est-il du physiothérapeute praticien? C'est ce genre de question que nous examinons et que nous tentons de soulever.

La Société d'arthrite est un modeste organisme sans but lucratif. Nous finançons les études de boursiers et de médecins qui souhaitent se spécialiser en rhumatologie. Nous payons la moitié de leurs études, et nous versons la même chose que le ministère de la Santé. Nous ne devrions pas avoir à faire cela, mais c'est ce que nous faisons, car il y a une pénurie incroyable.

Pour ce qui est de l'approbation de médicaments nouveaux, je sais que vous avez entendu de nombreux témoignages sur le sujet, de la part de la Direction des produits thérapeutiques. Santé Canada ne peut se charger de tous les nouveaux médicaments et produits biologiques. Pourquoi n'utilisons-nous pas notre Réseau de centre d'excellence? Pourquoi n'utilisons-nous pas nos instituts? Santé Canada joue encore un rôle important et a le dernier mot, mais il faut mettre à contribution nos plus grands penseurs, car, de toute façon, c'est nous qui les finançons.

Pour ce qui est des formulaires provinciaux, nous savons tous que cela n'a pas de sens. Comment un médicament peut-il être pleinement approuvé dans une province, figurer sur une liste restreinte dans la province voisine, et ne figurer sur une aucune liste dans une troisième province? Nous sommes tous canadiens. Ce n'est tout simplement pas juste.

Cette situation affecte les personnes qui souffrent d'arthrite. Pour la première fois, il existe de nouveaux médicaments qui ne causent pas les mêmes types d'effets secondaires. Il s'est passé de meilleures choses au cours des deux dernières années qu'au cours du dernier siècle. La question des effets secondaires est importante. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont des effets secondaires.

Saviez-vous que, dans notre pays, plus de gens succombent aux effets secondaires des médicaments pour l'arthrite qu'au sida? Compte tenu de l'importance des chiffres, il faudrait faire quelque chose. C'est pourquoi nous appuyons la création d'un programme national d'assurance-médicaments.

Une autre chose que nous appuyons et qui doit être créée est la surveillance non seulement post-commercialisation, mais aussi post-approbation. Nous avons suffisamment d'écoles de médecine. Nous avons 16 écoles de médecine au pays. Compte tenu de tous les médecins qu'elles contiennent, pourquoi ne pas les utiliser pour mener des études, rendre des comptes et assurer une telle surveillance? Cela n'existe pas à l'heure actuelle. Nous pouvons débattre de la question des essais cliniques pendant des heures, mais, pour toutes les personnes auxquelles nous avons parlé, la solution réside dans la surveillance.

Je ne parlerai pas de la réforme des soins primaires, car de nombreux autres témoins ont bien traité de la question.

Les citoyens et les patients doivent participer à l'élaboration des stratégies. Lorsque les médecins, les chercheurs et les patients se réunissent, on trouve de bonnes solutions.

En ce qui concerne le Conseil canadien des organismes bénévoles en santé, nous tentons certainement de faire notre part. Nous dirigeons des programmes d'initiative personnelle de l'arthrite. Nous avons des patients partenaires dans 12 des 16 écoles de médecine. Nous avons le système d'évaluation par les pairs. Nous faisons participer les citoyens. Utilisez-nous pour écouter les patients, et nous nous porterons tous mieux.

La Dre. Barbara Whylie, directrice, Politique de contrôle, Société canadienne du cancer: Je vous remercie beaucoup d'avoir invité la Société du cancer à participer à ces consultations.

Je suppose que nous allons tous vous citer des statistiques. Le cancer est la principale cause de décès prématuré au Canada, et les statistiques nous disent qu'un Canadien sur trois sera touché par le cancer au cours de sa vie. Il s'agit d'un important risque pour la santé des Canadiens.

C'est d'ailleurs un risque croissant pour la santé, car le cancer est une maladie qui touche largement les aînés. Nous prévoyons que le nombre annuel de nouveaux cas doublera au cours des 15 à 20 prochaines années.

La Société canadienne du cancer est un organisme bénévole qui exerce ses activités depuis plus de 50 ans. Nous recueillons des fonds pour la recherche sur le cancer. Nous fournissons aux Canadiens et aux personnes atteintes du cancer de l'information sur le cancer et ses facteurs de risque. Nous dispensons des services de soutien directs aux personnes vivant avec le cancer, et nous faisons la promotion du soutien gouvernemental de la lutte contre le cancer.

Nous sommes très préoccupés par le fardeau croissant que le cancer impose à notre système de soins de santé et au défi croissant qu'il constitue, et, par conséquent, nous comptons parmi les partenaires clés d'une initiative, lancée il y a deux ans, pour élaborer une stratégie canadienne en matière de lutte contre le cancer. À cette fin, environ 200 experts et consommateurs de partout au pays ont examiné les connaissances actuelles dont nous disposons à l'égard de tous les aspects de la lutte contre le cancer. Ces personnes ont formulé 94 recommandations; nous ne vous les présenterons pas, mais nous les avons regroupées sous cinq grandes catégories de priorités à l'occasion d'une série de consultations.

Les cinq priorités sont les suivantes: élaboration de normes; élaboration d'une stratégie de recherche; réorientation de notre système afin qu'on prête plus d'attention aux aspects plus négligés des soins, en particulier, le soutien à la réadaptation et aux soins palliatifs; planification des ressources humaines, enjeu tout aussi important dans le système de traitement du cancer que dans l'ensemble du système de soins de santé; et souci de la prévention. Nos commentaires sur notre travail sont fondés sur cette stratégie. Si certaines personnes souhaitent obtenir plus d'information sur la stratégie, je peux vous fournir une référence. On peut trouver une foule de documents sur Internet.

Nous reconnaissons et appuyons tous les rôles et objectifs du gouvernement fédéral que vous avez énoncés dans votre rapport sur les enjeux et les options, mais nous aimerions nous attacher à deux aspects en particulier, soit la santé de la population et la réforme des soins primaires.

En ce qui concerne la santé de la population, les recherches indiquent, ou nous permettent d'estimer, que jusqu'à 70 p. 100 des cas de cancer peuvent être évités lorsque les gens évitent les facteurs de risque connus, comme le tabagisme, la mauvaise alimentation, l'inactivité, l'exposition prolongée aux rayons du soleil et les substances cancérogènes en milieu de travail et dans l'environnement.

Il est peut-être intéressant de signaler que de nombreuses grandes mesures de prévention du cancer, en particulier l'abandon du tabagisme, une bonne alimentation et l'activité physique, sont aussi d'importantes mesures de prévention pour d'autres maladies chroniques, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, deux autres grandes préoccupations des Canadiens en matière de santé. Il serait donc indiqué d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie intégrée de prévention des maladies chroniques au pays. Les ONG ont récemment commencé à collaborer avec Santé Canada en ce qui concerne le cancer, le diabète et les maladies cardio-vasculaires.

La Société canadienne du cancer recommande et appuie l'adoption d'une stratégie nationale de promotion de la santé et de prévention des maladies, et estime que le rôle du gouvernement fédéral au chapitre de la promotion de la santé devrait être renforcé afin de favoriser la réalisation de cet objectif.

Des études montrent qu'on peut économiser 3 $ de coûts de traitement pour chaque dollar dépensé en prévention; ainsi, en affectant davantage de ressources financières à la promotion de la santé et à la prévention des maladies chroniques, on peut retarder l'apparition de maladies. Évidemment, cela n'éliminera pas totalement ces maladies, mais on peut s'attendre à ce que cette mesure génère des avantages à long terme considérables, grâce à la réduction des coûts pour le système et - facteur plus important peut-être - à l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.

Il faut mener davantage de recherche sur les facteurs de risque et sur les moyens de les éviter. La Société canadienne du cancer demande instamment à votre comité de recommander qu'un pourcentage spécifique des fonds destinés à la recherche en santé soit affecté à la recherche sur les facteurs de risque et à la recherche socio-comportementale.

Parlons maintenant des soins primaires. Davantage de services sont dispensés au domicile par les professionnels de la santé, y compris les médecins. Nous aimerions que la définition du terme «services de santé assurés», dans la Loi canadienne sur la santé, soit étendue afin qu'elle comprenne les services dispensés à domicile et dans la collectivité, en particulier la désintoxication, la réadaptation et les soins palliatifs.

Puisque les Canadiens doivent avoir accès à des soins de qualité excellente à l'intérieur et à l'extérieur du contexte hospitalier, la Société canadienne du cancer appuie la suggestion du Forum national sur la santé selon laquelle la définition devrait être reformulée afin que l'on couvre non pas l'endroit, mais bien les soins.

Il faut aussi établir un système national coordonné pour les soins dans les hôpitaux, à domicile et dans la collectivité, afin que tous les patients au Canada bénéficient du même niveau de traitement et de soins, où qu'ils soient, et que la transition entre les niveaux de soins soit invisible. Dans notre cas, nous sommes particulièrement préoccupés par les personnes qui souffrent du cancer. L'accès facile au traitement et aux soins est essentiel à la réduction des souffrances qui accompagnent le cancer.

De même, il faut veiller, le plus possible, à ce que le traitement et les soins tiennent compte des recherches. Nombre des traitements actuels ne tiennent pas compte de la recherche et ne reflètent pas les pratiques exemplaires. Nous suggéronsl'établissement de mécanismes interprovinciaux favorisantl'élaboration de normes et de lignes directrices, fondées sur les recherches existantes, pour la gamme complète des traitements et des soins liés au cancer.

Enfin, notre système de soins primaire actuel n'incite pas les médecins à appliquer les principes de la promotion et du maintien de la santé, d'eux-mêmes ou de concert avec d'autres fournisseurs de soins de santé. Nous aimerions que la réforme des soins primaires s'attache spécifiquement à ces aspects des services en santé.

À titre de membre du secteur bénévole qui représente tous les Canadiens, la Société canadienne du cancer est impatiente de collaborer avec les gouvernements et les autres partenaires clés afin de veiller à ce que la réforme des soins de santé se fasse rapidement et profite à tous les Canadiens.

Les soins de santé constituent un défi important pour nos systèmes. Une organisation ne peut à elle seule apporter du changement, de sorte que nous croyons très fermement à l'importance d'une approche collaborative en matière de réforme des soins de santé.

M. Robert Conn, président-directeur général,SAUVE-QUI-PENSE: Bon après-midi à tous les membres du Comité permanent. Au nom de tous les témoins pour la séance d'aujourd'hui, je salue le travail important que vous faites au nom des Canadiens.

Je suis ici cet après-midi, au nom de SAUVE-QUI-PENSE, pour insister sur une question qui a été signalée rapidement dans votre rapport de septembre 2001 sur les enjeux et les options et qui constitue vraiment une épidémie silencieuse dans notre pays, soit la question des blessures accidentelles.

J'aimerais utiliser les quelques minutes qui me sont accordées pour vous faire comprendre l'importance du problème et vous expliquer brièvement pourquoi il s'agit d'une épidémiesilencieuse.

La formation n'a rien à voir avec la prévention des blessures. En réalité, je suis chirurgien cardiologue. J'ai eu l'occasion de faire une partie de ma formation avec l'un des pères de la chirurgie cardiaque moderne, soit le Dr John Kirklin, àl'Université de l'Alabama, à Birmingham.

Son programme était un peu différent pour ce qui est du travail de transplantation, car il insistait pour que nous passions les trois premiers mois de notre programme au sein de l'équipe dite de «récolte», c'est-à-dire l'équipe qui se charge de prélever le coeur du donneur, même si nous étions très enthousiasmés par l'idée de faire des transplantations.

Je suis très embarrassé lorsque j'y pense, mais je ne m'étais jamais arrêté à me demander d'où venaient les donneurs. Je m'étais toujours attaché au miracle de la transplantation. En faisant ce travail, tous les jours pendant trois mois, j'ai rapidement commencé à comprendre que nos donneurs sont comme la majorité des personnes dans cette pièce, ainsi que la majorité des personnes qui ont témoigné devant vous, soit des personnes qui sont en très bonne santé à l'heure actuelle, qui mènent une vie très active et pleine de défis, et qui, à la suite d'un accident, se retrouvent en état de mort cérébrale. C'était pour moi une leçon énorme.

Quand je suis revenu au Canada et que j'ai commencé ma formation en chirurgie cardiaque chez les enfants à l'Hôpital pour enfants de Toronto, je me suis mis à examiner toute la question des blessures involontaires. Ce que j'ai découvert m'a complètement ahuri.

Si vous deviez demander à la plupart des Canadiens ce qu'ils croient être la première cause de décès chez les Canadiens dans la force de l'âge, ils répondraient probablement «le cancer». Si vous leur disiez qu'ils ont tort, ils diraient probablement «les maladies du coeur». Si vous leur disiez encore qu'ils se trompent, ils citeraient d'autres choses dont ils ont entendu parler. De fait, au tout premier rang des causes de décès chez les Canadiens jusqu'à l'âge de 44 ans, il y a les blessures.

Pensez aux cas d'enfants âgés entre un et 20 ans et considérez toutes les causes de décès dont vous avez pu entendre parler - le sida, la méningite, la leucémie, la fibrose kystique -, nommez-les et faites le total. Eh bien, nous avons plus d'enfants au pays qui meurent des suites de leurs blessures que de toutes les autres causes combinées. De fait, au Canada, l'an dernier, la cause de sept décès sur dix chez les adolescents était une blessure prévisible et évitable.

Il y a environ dix ans, le directeur du service de chirurgie cardiaque à l'Hôpital pour enfants, fatigué de m'entendre débiter ces statistiques tous les jours, m'a saisi le bras et m'a dit: «Si cela vous remue à ce point, alors faites quelque chose». Je comprends aujourd'hui, maintenant que je suis un peu plus âgé et un peu plus sage, que, de fait, il me disait de me la boucler. Le défi devenait alors le suivant: quoi faire? En examinant le monde de la sécurité, j'ai commencé à réaliser que, de tradition, nous exprimons la sécurité sous forme de règle. Nous parlons de la sécurité en faisant valoir des interdits. Nous oublions une chose: qui dit vie dit risque. Le défi consiste à inciter les gens à apprécier et à comprendre les risques de telle sorte qu'ils puissent alors les gérer et en profiter.

Les chiffres qui donnent l'ampleur du problème sont ahurissants. Toutes les heures, tous les jours, 220 Canadiens vont à l'hôpital après s'être blessés. De fait, 21 Canadiens meurent tous les jours, en moyenne, à la suite de blessures, et quelque 47 000 personnes deviennent invalides tous les ans.

Dans les cas où les gens ne meurent pas, les blessures les plus graves touchent le cerveau et la moelle épinière. Selon les estimations, nous dépensons environ 3 millions de dollars pour chaque blessure grave à la tête, sur une vie. Dans la seule province de l'Ontario, il y a en moyenne quatre blessures graves à la tête par jour. Nous dépensons environ 12 millions de dollars pour traiter les quatre personnes en Ontario qui ont subi une blessure grave à la tête.

De concert avec Santé Canada, nous avons commandé il y a deux ans une étude visant à examiner le fardeau économique que représentent les blessures involontaires au Canada. Nous croyons que les chiffres allaient se révéler assez grands, mais nous n'avions pas idée à quel point. Les blessures involontaires viennent au troisième rang des fardeaux économiques qui touchent le système de santé dans son ensemble. Nous dépensons environ 8,7 milliards de dollars par année pour traiter des gens qui ont subi une blessure grave. Du point de vue de la prévention, ce qui est saisissant, c'est que plus de 90 p. 100 des blessures dont souffrent les gens qui arrivent à l'hôpital auraient pu être évitées. Ce sont des blessures prévisibles et évitables.

D'autres pays ont reconnu l'ampleur du problème. Aux États-Unis, le Centre for Disease Control a créé un institut de prévention et de contrôle des blessures. La Grande-Bretagne a établi quatre grandes questions en ce qui concerne la santé de la population: le cancer, les maladies du coeur, la santé mentale et les blessures. Au Canada, nous n'avons pas de stratégie nationale ou de plan national pour nous attaquer à la question de la prévention des blessures.

Sur le plan de la recherche, moins de 1 p. 100 des fonds en santé sont consacrés à des études sur la prévention des blessures. Il est indispensable, si nous voulons nous donner de bons programmes, d'établir les données sur lesquelles les programmes seront fondés.

Dans votre rapport sur les enjeux et les options, au chapitre 12, vous dites que les questions relatives aux maladies sont complexes, mais qu'un grand nombre de maladies chroniques et infectieuses et la plupart des blessures pourraient être évitées. Tout de même, il y a cette tendance à insister sur la thérapeutique, plutôt que sur la prévention, ce qui est attribuable, en grande part, à un manque de volonté politique.

Ce que j'avancerais, cet après-midi, c'est que ce n'est pas uniquement un manque de volonté politique - et j'aimerais mettre en lumière la raison pour laquelle cette question, même si elle a une telle ampleur, n'est pas du tout reconnue dans notre société.

Nous savons qu'une bonne part de notre façon de penser, dans la vie, une bonne part de notre façon de nous conduire tient au langage que nous employons. Il existe un mot particulier que nous employons pour décrire toutes ces choses et que je souhaite supprimer du vocabulaire des autres humains. C'est le mot «accident».

Le dictionnaire assimile l'«accident» à un événement imprévu et soudain, à un coup du sort. Or, les études sur le comportement des humains disent que là où nous croyons voir agir le sort, dans la plupart des cas, nous répondons par le déni.

Par exemple, si je vous disais que trois personnes parmi celles qui se trouvent ici vont mourir durant l'heure à venir, le sort le voulant ainsi, durant l'heure à venir, nous pourrions observer toutes sortes de mécanismes d'adaptation. Certains m'envoudraient énormément d'avoir dit cela, d'autres deviendraient agités, d'autres encore se sentiraient mal physiquement et les plus «habiles» sur le plan de l'adaptation passeraient l'heure entière à regarder autour d'eux pour essayer de repérer les trois personnes qui, selon elles, sont sur le point de mourir - et on peut parier qu'elles ne se mettraient pas dans cette catégorie. Le déni est un mécanisme d'adaptation très perfectionné.

Dans la société où nous vivons, si, ce soir, dans une ville quelconque - Charlottetown, Kitimat, en Colombie-Britannique, Red Deer - six enfants devaient trouver la mort dans un accident de voiture, nous dirions qu'il s'agit d'un accident tragique et terrible, mais il ne se passerait pas grand-chose de plus. Par contre, si quelque part au pays, six enfants devaient succomber à la méningite, cela ferait la manchette dans tout le pays et il y aurait une canalisation sans pareille de ressources vers la collectivité touchée.

Nous croyons que, pour faire progresser le dossier, il faut trois mesures concrètes dont le gouvernement fédéral pourrait se faire le défenseur.

La première concerne le domaine de la surveillance. Nous savons très peu de choses sur la façon dont les gens se blessent et, de fait, il est très intéressant de constater, quand on commerce à examiner les données à notre disposition, que nous n'avons même pas une manière uniforme de codifier les décès dus à une blessure au Canada. Si vous succombez à une crise cardiaque n'importe où au pays, votre cas est compté une fois. Si vous succombez à la pneumonie n'importe où au pays, votre cas est compté une fois. Si vous êtes ontarien et que vous trouvez la mort dans un accident de voiture en Colombie-Britannique, vous n'êtes pas compté. Si vous êtes albertain et que vous succombez à vos blessures en Saskatchewan, vous êtes compté deux fois. La question est tellement mal reconnue que même la codification des blessures n'est pas uniformisée.

Nous savons que - dans le cas d'un fardeau économique qui représente 8,7 milliards de dollars - 28 p. 100 des blessures auxquelles sont associées la somme de 8,7 milliards de dollars se voient attribuer le code «autre». Nous ne pouvons en dire plus. Nous n'avons pas un bon système de surveillance, et voilà un secteur où le gouvernement fédéral pourrait certes jouer un rôle. Avoir un bon système de surveillance, c'est comme ouvrir les lumières. Si nous ne savons pas qui se blesse ni comment il se blesse, il est impossible de concevoir des programmes.

La deuxième mesure qu'il faut adopter, c'est un programme de recherche global, et je crois que tous les autres témoins se feraient bien l'écho de cette proposition. Nous avons besoin de données solides sur lesquelles appuyer nos programmes.

La troisième mesure consiste en un programme complet de nature multidisciplinaire. Dans la santé, il n'y a probablement aucun autre phénomène qui puisse faire converger un si grand nombre de disciplines pour ce qui est de la recherche.

J'aimerais conclure mon exposé en remerciant les membres du comité permanent du Sénat. J'applaudis le travail que vous accomplissez.

Le président: Je vous remercie tous des observations dont vous nous faites part.

Dr. Conn, je vous remercie de m'expliquer cette notion. D'autres gens ont utilisé le terme «blessure involontaire», ce qui veut dire qu'il doit y avoir quelque chose que l'on appellerait «blessure volontaire» et cela m'a toujours posé une grande difficulté. Je me demandais pourquoi nous n'utilisions pas le terme «accident» et, maintenant, je sais pourquoi.

Le Dr. Conn: De fait, l'Organisation mondiale de la santé a défini la «prévention des blessures» comme englobant trois phénomènes, les blessures involontaires, les suicide et la violence. Nous encourageons Santé Canada à adopter une approche semblable et à considérer ces trois questions en bloc. Nous, chezSAUVE-QUI-PENSE, nous croyons que le fil conducteur, c'est vraiment l'appréciation du risque.

Le président: Cela a du sens.

Le sénateur Cordy: Monsieur Wilbee, vous avez parlé des millions de dollars qu'on a dépensés pour mettre les gens en garde contre le tabac et la consommation de drogue. Dans mon autre vie, j'étais enseignante à l'école élémentaire; je suis donc au fait du nombre de programmes qui ont été mis au point par les ministères provinciaux et fédéraux pour dissuader de tels comportements chez les jeunes enfants. On nous avait dit que les gens commencent à un très jeune âge.

Quelle a été notre erreur? Est-ce que les compagnies de tabac mettent plus d'argent que nous là-dedans?

M. Wilbee: La réponse à votre question c'est «oui». Du moins dans le champ d'action qui nous préoccupe et, malgré le fait que nous dépensions des millions de dollars, je dirais que la prévention est une question que nous ne prenons pas assez au sérieux. Je présume que les autres témoins sont d'accord avec moi.

Nous n'avons pas fait d'erreur; nous n'avons pas poussé la chose assez loin, et ce n'est pas que les interdits ne fonctionnent pas. Ma petite-fille de dix ans a décidé qu'elle n'allait ni prendre de la drogue, ni se faire faire un tatouage, la première volonté ayant beaucoup réjoui sa grand-mère. Toutefois, cela ne garantit pas qu'elle ne fera pas l'expérience de ces choses dans trois ou quatre ans.

Du point de vue de la prévention, nous disons: «Il faut faire quelque chose». Nous avons beaucoup parlé de faire quelque chose, de faire en sorte que la collectivité participe à la planification et à la mise en place de notre système, mais, diable, il faut faire en sorte que les enfants participent eux aussi.

Feu le Dr. Paul Steinhauer, spécialiste du développement chez les enfants, a parlé de cette faculté de rebondir - il a dit resiliency - et de la manière de la développer.

J'aimerais aborder la question de la qualité du travail des praticiens de la prévention. Par exemple, souvent, à l'école élémentaire ou secondaire, nous faisons appel à un ancien toxicomane ou peut-être à un athlète qui vient nous relater des histoires horribles. Cela me touche pendant un court laps de temps. Je ne participe pas, mais cela me touche.

Le meilleur exemple que je puisse donner, c'est qu'après avoir vu un accident de voiture, j'ai tendance à ralentir sur les 20 kilomètres qui suivent. Ensuite, je constate que j'accélère à nouveau, parce que j'étais simplement un témoin de la scène, et non pas un acteur.

La réponse est complexe, mais il faut dire que nous pouvons faire mieux. Une partie de cela réside dans la formation et repose sur des données vérifiables. Qu'est-ce qui fonctionne vraiment? Quels sont les résultats?

Je dirais simplement - et les recherches confirment ce que je vais dire - que si vous leur donnez pour conseil de dire simplement «non», le jeune répondra: «Je veux bien, mais comment dire non?» Comment favoriser cette faculté de rebondir?

Il doit y avoir plus de recherche, ce qui ne peut se faire sans ressources. Cela nous ramène à votre première question. Si toutes sortes de gens se font concurrence, non seulement dans le cas du tabac, mais aussi de ces annonces publicitaires où les gens s'amusent autour d'une piscine tout en prenant une bonne bière, il doit y avoir l'autre côté de la médaille - où il y a des gens qui réfléchissent vraiment. C'est complexe.

Le sénateur Cordy: Les enfants vont tous hocher la tête pour dire que c'est vrai, ils vont dire tout ce que l'enseignant ou la personne qui se trouve être dans la pièce dit, mais nous devons favoriser l'aptitude à prendre des décisions chez les étudiants aussi.

M. Wilbee: Je ne sais pas, monsieur le président, si j'ai le temps de raconter très brièvement une histoire.

L'an dernier, nous nous sommes rendus à une école de Kitchener connue pour être une «école difficile». Il y avait deux classes combinées de filles de la 9e et de la 10e année. Nous leur avons énoncé une démarche en quatre points. Comme le veut l'usage, nous avons fait venir un clinicien, que les jeunes tenaient en très haute estime, pour raconter l'histoire et donner les renseignements voulus sur les dangers et les risques.

Nous avons conçu une sorte de journal personnel, où nous demandons aux 28 filles en question de noter leurs pensées sur une période de 30 jours. Nous les faisions participer à la chose. Nous sommes revenus un mois plus tard, environ, et quatre des 28 se sont levées et ont dit: «J'ai un problème. Pouvez-vous m'aider?»

La valeur réelle de l'exercice résidait dans le fait que nous avions un clinicien qui pouvait leur venir en aide et les diriger vers les bons programmes. Un des plus grands dangers qui se présentent, c'est quand on sensibilise quelqu'un à la possibilité, sans avoir de solution à proposer par la suite.

Comme tout le monde, nous disons qu'on en a pour notre argent. Il serait intéressant de voir les données - je suis sûr que ça existe, sinon il faudrait l'obtenir - concernant les blessures, particulièrement chez les jeunes dans les cas où la consommation de drogues peut être un facteur.

Le sénateur Cordy: Vous soulevez une excellente question. Il faut qu'il y ait des ressources pour le suivi. Je me souviens d'avoir participé, il y a très longtemps, à un programme concernant l'exploitation sexuelle, dont le titre était «Feeling Yes, Feeling No», où les enfants révélaient des cas d'exploitation à l'enseignant ou à l'adulte en qui ils avaient confiance, puis se faisaient dire: «Tu dois attendre pendant six mois avant de pouvoir avoir de l'aide». C'en est fait de la confiance dans le monde des adultes, hein?

M. Wilbee: Quels sont ces genres de messages? C'est le cas, par exemple, quand la personne envisage le suicide ou de continuer à consommer toujours plus de drogue parce qu'elle croit qu'il n'y a pas de solution.

Nous devons avoir ces genres de ressources et de programmes.

Le sénateur Cordy: Ma prochaine question s'adresse à M. Morrice. Vous dites que les gens étaient frustrés du fait qu'il n'y a pas de normes, et j'étais un peu confuse. Parlez-vous des médicaments qui sont disponibles, de disparités entre les provinces? Est-ce cela que vous vouliez dire, ou y a-t-il plus encore?

M. Morrice: Il y a beaucoup plus encore, pour ce qui est des normes globales, mais je parlais de ce qui se passe avec les médicaments en ce qui concerne le processus d'approbation du gouvernement fédéral et aussi des formulaires provinciaux. Pourquoi devrions-nous attendre pendant plus de deux ans au Canada? Remicade, un agent biologique qui sert à traiter l'arthrite, vient d'être approuvé il y a quelques semaines à peine, même s'il a été approuvé il y a deux ans aux États-Unis et en Europe. Pourquoi restons-nous assis sur nos lauriers? Pourquoi y a-t-il encore des gens en fauteuil roulant, alors que d'autres qui se déplaçaient auparavant en fauteuil roulant sont debout et déambulent et jouent avec leurs enfants? C'est comme un jeu. Ce n'est pas juste.

Le sénateur Callbeck: Merci beaucoup à tous pour les exposés.

J'ai une seule question, et elle s'adresse à M. Morrice.

Pour ce qui touche les médicaments contre l'arthrite, cela m'a frappé quand vous avez dit qu'il y a plus de gens qui meurent des effets secondaires des médicaments antiarthrites que du sida. C'est une statistique qui s'applique au Canada?

M. Morrice: Oui.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé des essais cliniques et du fait qu'il n'y ait pas de surveillance. Comment ces essais se déroulent-ils?

M. Morrice: Mme Whylie pourrait répondre à la partie de la question qui porte sur les essais cliniques, et je m'occuperai moi-même de la dernière partie.

Mme Whylie: Comment les essais cliniques sont-ils organisés?

Le sénateur Callbeck: Oui, procède-t-on à des essais cliniques avant qu'un médicament ne soit approuvé par Santé Canada?

La Dre Whylie: Oui. Les essais cliniques sont, essentiellement, des expériences à grande échelle visant à déterminer lesquels parmi les nouveaux médicaments sont efficaces et lesquels ne le sont pas.

Essentiellement, les médecins recrutent ceux parmi leurs malades qui souffrent d'un certain état pour participer à ces essais, et il y a divers niveaux d'essai, suivant ce qu'on essaie de découvrir. Dans l'essai sous sa forme la plus simple, on donne au malade soit un nouveau médicament, soit l'ancien, puis on contrôle les résultats pour déterminer lequel est le plus efficace.

Ce genre de renseignements très techniques et très détaillés doit être transmis à Santé Canada ou à un autre organisme de réglementation pour que l'on puisse déterminer si le médicament doit être approuvé.

Une des questions qu'il faut prendre en considération, c'est de savoir s'il y a des effets secondaires et déterminer jusqu'à quel point ils sont dangereux, et savoir si le nouveau médicament est plus ou moins dangereux que les autres médicaments qui sont peut-être aussi efficaces, que nous avons actuellement en place. C'est complexe.

Le sénateur Callbeck: Combien de personnes participent à ces essais? Est-ce que cela varie d'un médicament à l'autre?

Mme Whylie: Je ne connais pas la réponse à cette question. Dans le domaine de la lutte au cancer, nous aimerions que toutes les personnes qui sont traitées pour un cancer aient accès aux essais cliniques. De fait, en ce moment au Canada, c'est 4 ou 5 p. 100 des cancéreux qui ont accès aux essais cliniques.

Le sénateur Callbeck: Le médicament est-il fournigratuitement au patient?

La Dre. Whylie: Oui.

M. Morrice: Une fois un médicament approuvé, il n'est plus gratuit. On se tourne alors vers les formulaires provinciaux.

Les essais cliniques supposent une sorte de «largeur de bande». Une fois un médicament approuvé pour une indication donnée, il est offert au grand public; plus tard, nous entendons parler d'autres effets secondaires et ainsi de suite. C'est pourquoi je dis que c'est vraiment la surveillance qui importe ici. Si nous pouvions bien mener la surveillance de manière régulière, nous réglerions tous ces problèmes. Tout finit alors par ressortir. Nous avons besoin d'une bonne surveillance, ce que nous n'avons pas en ce moment. Cela réglerait bien d'autres problèmes.

Je participe à la collaboration avec le groupe Cochrane, qui fait appel à des citoyens. Cette démarche était vraiment pour des spécialistes chargés d'études mondiales sur les données qui seraient les meilleures en ce qui concerne les thérapies et les médicaments.

Le Centre de collaboration Cochrane au Canada a reçu pour tâche d'étudier l'appareil squeletto-musculaire et l'arthrite. Nous avons dit: «Nous allons collaborer avec vous si vous promettez de traduire tous les trucs médicaux, le jargon, en langage clair et s'il peut y avoir à la table même des citoyens qui souffrent de l'arthrite pour aider à l'écrire».

J'ai une histoire à raconter, très rapidement, sénateur Kirby, car je sais que vous êtes pressé. Des citoyens se sont trouvés assis autour d'une table avec des médecins et des chercheurs provenant d'Australie et d'ailleurs dans le monde. J'ai vu une femme arthritique noter quelque chose, plier le papier en deux et le mettre dans son sac à main. C'était intéressant, mais je n'ai rien dit. Trois mois plus tard, nous étions à une autre réunion du Centre Cochrane, et je lui ai demandé: «Je vous ai vue à la dernière réunion. Je ne vous défie pas, mais je me pose simplement la question: qu'était cette note?» Elle a répondu: «J'ai mis le nom de chercheurs internationaux en bas. J'ai remis la note à mon médecin et je lui ai demandé pourquoi je ne prenais pas ce médicament-là». Elle a dit que son médecin avait vu la note et qu'il avait dit: «Pourquoi pas?» Maintenant, c'est dit en langage clair avec une documentation sur les personnes qui ont fait la recherche. Elle a dit: «Ensuite, nous nous sommes assis et nous avons parlé pendant plus de 20 minutes de ma maladie. Nous sommes maintenant associés dans la lutte contre ma maladie».

Si quelqu'un peut trouver un raisonnement plus convaincant, pour évoquer l'idée du partenariat et de la compréhension des gens, je lui lève mon chapeau.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de surveillance. J'ai été étonnée de constater qu'il n'y en a pas. Je prends moi-même un nouveau médicament, Enbrel, et je dois toujours me présenter pour des tests. Je dois voir mon rhumatologue de temps en temps. Je croyais que c'était cela qui se passait.

M. Morrice: Tout comme Remicade, Enbrel est l'un des nouveaux agents biologiques conçus pour traiter les arthritiques. C'est très fort, et je suis sûr que vous allez en tirer grandement profit.

Le président: Dernière question.

Le sénateur Morin: J'ai une petite question pourMme Whylie. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de la recherche sur les facteurs de risque touchant le cancer. Bien entendu, votre organisation représente les Canadiens qui souffrent du cancer.

Quelle est votre position en ce qui touche les délais d'attente pour le traitement du cancer? Particulièrement à la lumière des données publiées récemment dans le Journal de l'Association médicale canadienne, selon lesquelles les délais ont un effet néfaste sur diverses formes de cancer, surtout le cancer du sein - quelle est la position de votre société face au fait que nous envoyons toujours des Canadiens faire traiter leur cancer aux États-Unis?

Mme Whylie: Notre position est très simple. Nous aimerions que tous les Canadiens aient accès à des soins d'experts pour la lutte au cancer dans un délai approprié.

Le sénateur Morin: Si vous pouviez ajouter des ressources au système, les utiliseriez-vous pour la recherche sur les facteurs de risque ou pour la réduction des délais et pour des traitements efficaces dans notre pays - si vous aviez le choix?

Mme Whylie: Nous songeons à ces questions depuis un certain temps déjà. Notre réponse a été d'aborder la Canadian Association of Provincial Cancer Agencies, qui est responsable de fournir un traitement aux cancéreux dans tout le pays, le gouvernement fédéral et d'autres partenaires importants pour suggérer que nous nous réunissions en vue d'examiner le défi global qui se présente autour de la question du cancer au Canada et en vue d'élaborer une stratégie qui permettrait de régler les deux problèmes en question. Voilà l'objectif.

Le sénateur Morin: Vous ne répondez pas à ma question.

Mme Whylie: Non, je sais que je n'y réponds pas. Je n'ai pas vraiment de réponse à votre question. Ma réponse, c'est que cela ne me paraît pas simple. Nous croyons, par exemple, que le système de traitement du cancer comporte des options qui, peut-être, permettront d'améliorer l'efficience. Nous croyons également que si, à long terme, nous accordons une attention suffisante à la prévention, cela soulagera le système quelque peu.

Je m'excuse, mais je n'ai pas de réponse parfaitement claire à cette question particulière.

M. Morrice: Cela nous ramène à la participation des citoyens et des patients. Nous avons établi une charte des droits des malades, en faisant appel aux malades et à tous les professionnels, aux rhumatologues, aux chirurgiens orthopédistes, aux chiropraticiens, aux ergothérapeutes, aux physiothérapeutes et ainsi de suite. Ce sont les patients qui ont affirmé qu'ils voulaient une charte des droits et responsabilités. Je serai heureux de vous en remettre un exemplaire.

Il a été réjouissant de voir ce genre de choses se faire. C'est comme cela qu'on commence à affronter ces choix et ces questions très difficiles qui se présentent.

Le président: Merci. Pourriez-vous nous laisser un exemplaire de la charte des droits?

M. Morrice: Certainement.

Le président: Permettez-moi de vous remercier, tous, d'être venus. Nous l'apprécions vraiment. Honorables sénateurs, nous levons la séance jusqu'à 9 heures demain matin.

La séance est levée.


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