| TORONTO, le lundi 29 octobre 2001
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| Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des
sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour
étudier le système de soins de santé au Canada.
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| Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
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| [Traduction]
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| Le président: Sénateurs, notre premier témoin ce matin est le
Dr Tom McGowan, président et directeur médical de la
compagnie Canadian Radiation Oncology Services. Je vous
remercie d'être parmi nous, Dr McGowan.
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| Si vous pouviez commencer par une brève introduction, nous
serions ravis de vous poser ensuite quelques questions.
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| Le Dr Thomas McGowan, président et directeur médical,
Canadian Radiation Oncology Services: Je comparais devant
vous aujourd'hui pour présenter ma compagnie, Canadian
Radiation Oncology Services, ou CROS, en tant que modèle de
prestations de soins de santé pour le XXIe siècle. Par ailleurs,
j'aimerais aborder les questions essentielles que sont l'accès au
traitement et les listes d'attente. Je vais vous donner quelques
renseignements sur ma compagnie et sur sa structure
organisationnelle, je vais relater les faits saillants de nos premiers
six mois de fonctionnement et vous offrir mes recommandations
pour améliorer les soins de santé au Canada.
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| Tout d'abord j'aimerais souligner pourquoi l'existence de listes
d'attente pour les traitements menace l'universalité de l'accès.
Quand les listes d'attente deviennent trop longues, les personnes
qui ont des contacts dans le monde médical essaient de les
exploiter et de passer avant leur tour. Les Canadiens fortunés vont
se faire traiter dans des cliniques privées à l'étranger. Les malades
qui sont traités dans des établissements privés ne retirent aucun
avantage personnel du système public et leur appui pour ce
dernier risque de fléchir. Ceux qui restent sur les listes d'attente se
sentent ignorés et mal traités par le système. Par conséquent, la
priorité pour maintenir un système de soins de santé public,
universellement accessible et équitable passe par la réduction des
listes d'attente.
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| Les solutions novatrices comme CROS contribuent à réduire le
nombre de patients envoyés à l'étranger et les listes d'attente en
radiothérapie en Ontario. Bien que nous soyons une compagnie
privée, CROS travaille sous contrat pour Action Cancer Ontario et
les patients ne paient rien. Notre modèle opérationnel cadre avec
le principe de l'administration publique tel que défini par votre
comité, à savoir un modèle à payeur unique administré par la
province.
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| L'été dernier, Action Cancer Ontario, ou ACO, a ressenti le
besoin d'accroître la capacité de radiothérapie et d'améliorer
l'accès des patients à la radiothérapie. ACO a donc émis un appel
d'offres à l'automne 2000 et notre soumission a été acceptée.
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| Nous avons commencé à fonctionner en février 2001 pour
traiter les personnes atteintes du cancer du sein qui autrement
auraient été envoyées aux États-Unis ou à Thunder Bay. Très
rapidement après avoir ouvert nos portes, nous avons pu voir
jusqu'à 20 nouvelles patientes par semaine, soit le nombre des
cas qui étaient envoyés aux États-Unis. En mai, nous avons élargi
nos services pour inclure les patients atteints du cancer de la
prostate.
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| Permettez-moi de souligner certains des points importants
figurant dans le reste de mon mémoire écrit. Nous sommes
ouverts le soir et le week-end. Ce sont des heures plus pratiques
pour les patients et ça leur permet de continuer à se livrer à leurs
activités quotidiennes normales. Souvent, les patients qui sont en
radiothérapie, spécialement pour le cancer du sein et le cancer de
la prostate, sont autrement en bonne santé et capables de
continuer à travailler.
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| Quand on envoyait des patients de Toronto et de la région
métropolitaine aux États-Unis ou dans le nord de l'Ontario pour y
être traités, leur vie était bouleversée. Il est moins perturbateur
pour les patients d'être traités à une heure qui leur convient et
près de leur domicile. Par ailleurs, cela fait faire des économies
substantielles au gouvernement provincial.
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| Les patients ne nous sont pas envoyés directement. Un patient
qui doit suivre une radiothérapie est d'abord envoyé à son centre
de cancérologie désigné. Si l'attente à ce centre est trop longue, le
dossier du patient est envoyé à Action Cancer Ontario, qui ensuite
nous envoie le patient.
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| J'aimerais parler un peu de notre structure organisationnelle.
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| Du point de vue de son fonctionnement, CROS est un exemple
d'organisme de services moderne. Je pense que le modèle actuel
de cabinet médical, à savoir une hiérarchie dirigée par les
médecins, est dépassé. À CROS, nous avons réorganisé et
déhiérarchisé l'approche traditionnelle de la radiothérapie envers
les patients. Ce sont les radiotechniciens qui prodiguent la
radiothérapie et qui traitent avec les patients sur une base
quotidienne. Ils sont donc inclus dans le processus décisionnel
exécutif concernant tous les aspects de notre fonctionnement.
Cette prise de contrôle et de responsabilité directe de la part des
radiotechniciens s'est traduite par une augmentation de l'efficacité
opérationnelle dans l'établissement des horaires du personnel et
des patients, et donc par l'optimisation de l'utilisation des
machines.
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| Je suis particulièrement fier du modèle opérationnel de CROS
et je suis convaincu que, si on procédait à une plus grande
réorganisation des services médicaux, on rendrait le système de
soins de santé beaucoup plus efficace.
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| Les économies sont substantielles. Du temps où on envoyait les
patients aux États-Unis, il en coûtait environ 15 000 $ par patient
et par traitement et 5 000 $ de plus en frais de voyage. Traiter les
534 patients que nous avons traités pendant les six premiers mois
de fonctionnement a coûté 1,9 million de dollars contre
10,7 millions de dollars au total pour les patients qui étaient
envoyés aux États-Unis et dans le nord de l'Ontario.
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| J'aimerais faire quelques recommandations concernant le suivi.
Il est particulièrement important que les patientes atteintes du
cancer du sein soient traitées par radiothérapie aussitôt que
possible afin de réduire le taux de récidive. Le traitement précoce
par tumorectomie et radiothérapie réduit grandement les risques
de récidive et de mastectomie. Nous voyons dans la réduction du
taux de mastectomie dans l'ensemble de la province une mesure
clé du succès du traitement du cancer du sein. Nous
recommandons que la fréquence des mastectomies soit surveillée
à l'échelle nationale afin de s'assurer que le système actuel
permet de réduire le nombre de mastectomies, ce qui est l'un de
nos objectifs.
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| On pense actuellement que 50 p. 100 des cancéreux devraient
être traités par radiothérapie. En Ontario, environ 35 p. 100 des
cancéreux sont actuellement traités par radiothérapie. Nous
recommandons que le pourcentage de patients traités par
radiothérapie soient surveillés afin d'atteindre l'objectif modèle
international qui est de 50 p. 100. Je ferais remarquer que le
service de recherche en radio-oncologie du Centre régional de
cancérologie de Kingston, dirigé par le Dr Bill Mackillop,
travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années.
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| En conclusion, je dirais que le traitement des personnes
atteintes de cancer est un domaine stimulant. Assurer un
traitement de haute qualité et en temps opportun est important
pour les patients, tant physiquement que mentalement. CROS est
efficace pour les patients, Action Cancer Ontario et la province.
J'espère que votre comité reconnaît que les solutions novatrices
comme CROS contribuent au maintien d'un système de santé
public au service de tous les Canadiens.
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| Le président: Est-il juste de dire que, en somme, ce que vous
faites, c'est prolonger les heures d'utilisation de l'équipement, ce
qui, quand on a investi dans des biens d'équipement, est tout à fait
logique?
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| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le président: C'est le même principe que d'essayer de faire
fonctionner les ordinateurs 24 heures sur 24.
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| Je suis surpris d'apprendre que vous n'offrez pas de traitement
le samedi et le dimanche.
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| Le Dr McGowan: C'est exact.
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| Le président: Pourquoi?
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| Le Dr McGowan: Il y a deux raisons. La première est que le
régime de traitement curatif en radiothérapie a évolué au cours
des décennies; il est maintenant de cinq jours d'affilée avec un
repos de deux jours. Il semble que les patients aient besoin de
cette interruption pour se remettre. Plusieurs études sur
l'utilisation continue de la radiothérapie ont révélé que la toxicité
grandissait de manière imprévisible.
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| La deuxième raison est la nécessité d'avoir la même capacité
de traitement tous les jours. La capacité hebdomadaire est définie
par la capacité la plus faible pour un jour donné. Nous ne sommes
pas convaincus que nous arriverions à attirer suffisamment de
radiotechniciens pour tourner à plein effectif le samedi et le
dimanche.
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| Le président: Est-ce que vos techniciens ne sont employés que
par vous ou est-ce qu'ils qui travaillent pour vous en plus de leur
horaire normal dans d'autres établissements?
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| Le Dr McGowan: La majorité de nos techniciens travaillent en
plus de leur horaire normal dans un autre établissement. Toutefois,
environ un tiers de notre capacité de traitement est assuré par des
gens qui ne travaillent que pour nous et qui autrement ne
travailleraient pas dans le système. Ce sont des personnes qui sont
chez elles pendant la journée avec leurs enfants. En fait, nous
avons fait revenir dans la population active des personnes qui
occupaient un emploi à temps partiel. L'une d'elle travaillait
comme monitrice de gymnastique aérobique, d'autres comme
serveuses de restaurant ou de bar.
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| Le président: En fait, vous avez fait revenir des personnes
pour qu'elles exercent leurs compétences acquises.
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| Est-ce la même situation avec vos médecins? Est-ce que ce
sont des gens qui, du lundi au vendredi, pendant les heures de
travail normales sont des oncologues exerçants, mais qui le soir
font des heures supplémentaires?
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| Le Dr McGowan: Oui. Nous faisons venir un oncologue de
Windsor le vendredi et le samedi. Deux viennent de Hamilton. Un
autre, qui travaille à temps partiel actuellement à Toronto,
travaille pour nous; nous avons un autre médecin qui vient de
London.
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| Le président: Votre modèle correspond exactement à ce que
nous avons décrit, je pense au chapitre 5, où nous parlons de
prolonger les services, d'unités organisationnelles spécialisées et
d'améliorer les services aux patients.
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| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le président: Cela semble être une idée tellement évidente et
attrayante. Pourquoi alors ne faites-vous pas la même chose au
Centre régional de cancérologie d'Ottawa, pour donner un autre
exemple?
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| Le Dr McGowan: Nous n'existons que depuis février. Action
Cancer Ontario nous a demandé d'étudier la possibilité d'étendre
nos activités.
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| Le sénateur Robertson: Vous avez dit qu'envoyer les patients
dans d'autres régions coûtait 10,7 millions de dollars par rapport
à 1,9 million de dollars pour les traiter dans le cadre de votre
programme, n'est-ce pas?
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| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le sénateur Robertson: Je suppose que les listes d'attente
sont dues au fait que les hôpitaux n'arrivent pas à attirer
suffisamment de personnel? Si les hôpitaux pouvaient trouver le
personnel nécessaire, en quoi leurs coûts se compareraient aux
vôtres?
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| Le Dr McGowan: C'est une question qu'on se pose.
Rappelez-vous que notre clinique est ouverte en dehors des
heures normales.
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| Le sénateur Robertson: Oui, je le comprends.
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| Le Dr McGowan: Nous payons une prime de 15 p. 100 pour
retenir les services de personnes qui travaillent en dehors des
heures normales.
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| Le sénateur Robertson: Vous la faites payer au système public
n'est-ce pas?
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| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le sénateur Robertson: Pourquoi les hôpitaux ne
pourraient-ils pas attirer plus de gens, et économiser la différence
entre vos coûts et les leurs? Je suis certaine que ce n'est pas
uniquement parce qu'ils ne veulent pas le faire. C'est très
déroutant.
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| Le Dr McGowan: Nous sommes différents à un ou deux
égards. Premièrement, notre organisation se préoccupe
uniquement de fournir des soins aux patients. C'est notre priorité
no 1 et la plus importante. Nous n'avons pas de priorité
concurrente. Autrement dit, nous n'avons pas à choisir entre
traiter des patients et faire quelque chose d'autre.
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| Deuxièmement, quand on n'a qu'un seul service, le personnel
est employé dans ce seul service et la capacité de l'organisation
est définie par le plus petit commun dénominateur, soit le secteur
ayant la plus faible capacité. Nous avons réussi à attirer le
personnel clé, à savoir des techniciens, des oncologues et des
physiciens, en provenance de différentes organisations. Un tiers
de nos employés viennent d'autres organisations et nous pouvons
les faire travailler le soir car nous avons mis en place une
structure qui nous permet d'assurer une capacité de traitement
complète en soirée. Pour que les services de jour puissent avoir
recours à ces personnes qui, autrement, ne travailleraient pas, il
aurait fallu qu'ils restent ouverts quatre heures de plus le soir pour
que ça vaille la peine pour elles de venir travailler en soirée.
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| Troisièmement, nous avons fait venir des personnes de
Sunnybrook et de l'hôpital Princess Margaret pour administrer la
radiothérapie. Les oncologues viennent de différents centres de
cancérologie. Il faut équilibrer le personnel clé. Par conséquent, je
pense que c'est un obstacle opérationnel qui empêche les services
de jour d'utiliser leur personnel de cette façon.
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| Le sénateur Robertson: Les obstacles opérationnels dans le
système de santé semblent coûter très cher dans tous les secteurs,
pas seulement en oncologie.
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| Le Dr McGowan: C'est exact. Ils coûtaient nettement plus du
temps où on envoyait les patients à l'extérieur. Notre modèle
permet de surmonter directement cet obstacle opérationnel.
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| Le sénateur Robertson: Au lieu d'insister pour que les
hôpitaux fassent tomber ces obstacles.
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| Je ne me plains pas. Je pense que votre agressivité a du bon,
mais je pense qu'elle souligne, monsieur le président, une
défaillance des hôpitaux traditionnels et des autres fournisseurs de
soins de santé qui érigent ces murs autour d'eux. On dirait que le
genre de coopération qui devrait exister est absent.
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| À la dernière page de votre document vous dites, entre autres:
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On pense actuellement que 50 p. 100 des cancéreux
devraient être traités par radiothérapie. En Ontario, environ
35 p. 100 des cancéreux sont actuellement traités par
radiothérapie.
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| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le sénateur Robertson: Avez-vous des statistiques sur ce qui
se passe dans les autres provinces?
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| Le Dr McGowan: Non. C'est un chiffre très difficile à obtenir.
Le service de recherche en oncologie de l'université Queen's à
Kingston se penche sur la question. Il concentre ses efforts sur
cette recherche et essaie d'obtenir ces chiffres pour l'Ontario.
C'est un chiffre très difficile à établir.
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| Le sénateur Robertson: À l'exception d'une ou deux
provinces, j'imagine, je ne pense pas que ce pourcentage atteigne
35 p. 100.
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| Nous entendrons demain un témoin qui nous présentera des
preuves statistiques. Nous verrons si ce renseignement nous sera
donné.
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| Le sénateur Keon: J'entends beaucoup parler de dévolution de
pouvoirs et de services aux hôpitaux par Action Cancer Ontario.
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| Premièrement, dans quelle mesure est-ce réel? En quoi cela
aurait-il une incidence sur votre capacité de faire le genre de
chose novatrice que vous faites? Je suis au courant de votre
programme depuis quelques mois et j'ai eu l'occasion d'en parler
avec le Dr Hollenberg.
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| Si Action Cancer Ontario devait étendre ses activités dans le
secteur hospitalier, auriez-vous la capacité de continuer à faire ce
que vous faites, d'élargir vos services pour essayer d'éviter que
les gens soient envoyés à l'étranger, par exemple?
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| Le Dr McGowan: Je ne suis pas sûr que je pourrais le faire. Je
ne suis pas sûr que je ne pourrais pas le faire.
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| Je comprends l'environnement dans lequel nous travaillons, et
Action Cancer Ontario est l'organisme avec lequel j'ai un contrat.
Action Cancer Ontario a pour mandat de s'assurer que tous les
patients reçoivent leur radiothérapie en temps opportun. Avec
l'aide et l'appui d'Action Cancer Ontario je suis en mesure
d'offrir ce service, c'est un prolongement facile.
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| Si nous devions traiter avec une variété d'hôpitaux, nous
serions obligés de signer un contrat avec chaque établissement.
Cela modifierait certainement la nature de notre relation d'une
manière que je ne suis pas entièrement certain de pouvoir prévoir.
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| Le sénateur Keon: Je suppose que, aux fins de votre
planification à long ou à court terme, vous dépendez lourdement
des données sur la santé de la population publiées par Santé
Canada, par l'Institut canadien de l'information sur la santé, et ce
qu'il appelle ses «cartes du cancer». Je me répète, en quoi votre
capacité de planifier pour le long et le court terme serait-elle
touchée si les services de traitement du cancer étaient confiés au
secteur institutionnel, si Action Cancer Ontario en confiait la
responsabilité à l'ensemble du secteur institutionnel?
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| Le Dr McGowan: L'une des choses que j'ai remarquées en ce
qui concerne la planification à long terme en oncologie est que la
seule certitude est que l'incidence du cancer augmente toujours. Il
y a toujours plus de cancéreux que l'année précédente, et il y a
toujours plus de patients qui ont besoin de radiothérapie. À long
terme, nous pouvons être sûrs que ce chiffre augmentera
d'environ 3 à 5 p. 100. Là où nous avons des difficultés, c'est
dans les fluctuations d'une année sur l'autre, les variations
fortuites par rapport à la moyenne.
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| Notre modèle de soins a pour objet de fournir une capacité de
protection ou capacité à court terme. Notre modèle en ce qui
concerne la composition de notre personnel nous permet
d'accroître rapidement notre capacité et de prendre de trois à cinq
patients de plus par semaine, ou de la diminuer d'autant. Nous
avons une grande flexibilité.
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| La planification à long terme d'Action Cancer Ontario consiste,
entre autres, à choisir où installer les centres de cancérologie, où
accroître sensiblement la capacité, quand installer de nouvelles
machines, et cetera.
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| Notre capacité dépend réellement de la mesure dans laquelle
nous pouvons exploiter pendant la soirée la capacité inutilisée des
machines ou, peut-être, une légère capacité inutilisée qui survient
d'une année à l'autre. Si on ne peut plus planifier et si la
planification de la capacité est très médiocre et que nous faisons
une erreur de 10 à 15 p. 100, on aura beau faire preuve
d'innovation en matière de stratégie de dotation, on n'arrivera pas
à compenser l'insuffisance des biens d'équipement. Nous
dépendons réellement d'une bonne planification à long terme des
immobilisations pour pouvoir avoir recours à des stratégies à
court terme en matière de dotation.
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| Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est mon
point de vue sur la question de la planification et sur son
incidence sur notre existence et sur notre planification à long
terme.
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| Le sénateur Keon: J'aimerais que nous revenions sur un
commentaire que vous avez fait au sujet de l'esprit d'innovation
de votre personnel.
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| J'ai l'impression très nette, tirée de mes propres années
d'expérience et des témoignages que j'entends à ce comité, que
l'un des gros défauts du système de santé est la mauvaise
utilisation du personnel. Nous avons des personnes hautement
spécialisées qui font des choses qu'elles ne devraient pas faire,
des choses qui pourraient être faites par des personnes moins
qualifiées.
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| Tout d'abord, j'aimerais vous demander de quelle latitude vous
disposez quant à l'intégration de votre personnel, la formation
polyvalente et le transfert de responsabilité d'une description de
fonctions d'un groupe à une autre? Quel est votre succès à cet
égard?
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| Le Dr McGowan: Je pense que nous avons réussi de manière
étonnante à transférer les responsabilités d'un groupe
professionnel à l'autre. Nous sommes limités par les questions de
licence. Il y a certaines tâches que seule une personne possédant
une licence d'exercice de la médecine est habilitée à faire; c'est la
même chose en ce qui concerne la licence des techniciens.
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| À part ça, pour ce qui est de toutes les tâches opérationnelles,
nous disposons d'une flexibilité totale quant à la manière dont
nous fonctionnons. Nous fonctionnons comme un véritable
cabinet médical de groupe, chaque médecin remplaçant les autres
et prenant en charge leurs patients. Nous avons établi une
véritable uniformité des approches et des protocoles en matière de
traitement.
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| En incluant les radiotechniciens dans l'organisation, au niveau
décisionnel exécutif - je ne prétends pas savoir comment diriger
un service de radiothérapie - nous leur avons permis de décider
au mieux comment organiser leur propre vie de travail; ce sont
des professionnels hautement spécialisés.
|
| Il y a 30 ans, quand la différence de formation entre les
médecins et les membres des professions paramédicales était
grande, il était logique que les médecins dirigent car, très souvent,
les paramédicaux entraient sur le marché du travail pour une
dizaine d'années puis s'en allaient pour fonder une famille. Au
cours des dernières 20 ou 30 années, dans les domaines auxquels
je suis associé, le professionnalisme et le niveau d'instruction
requis des paramédicaux a augmenté. Pour beaucoup d'entre eux,
leur travail n'est plus seulement un travail; c'est une carrière, une
profession qu'ils exercent toute leur vie. Nous devons reconnaître
cette hausse du professionnalisme chez tous les membres des
professions paramédicales.
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| La chose la plus importante que nous ayons faite est justement
de reconnaître cet état de fait et de répartir les responsabilités en
conséquence. Si le radiotechnicien qui est responsable de la
planification me dit à moi ou à l'un des autres médecins: «Cela va
nous demander deux heures de plus de travail et de planification;
y a-t-il un moyen de modifier le processus?» Cette personne a le
mandat, l'autorité et la responsabilité d'étudier le processus et de
chercher à le modifier. C'est une chose très difficile à faire dans
une structure traditionnelle.
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| Le sénateur Keon: Permettez-moi d'aller un peu plus loin
dans cette voie et de parler du médecin dans le cadre de
l'intégration de l'équipe de soins de santé. En ce qui concerne le
mode de rémunération, à votre avis, dans une équipe intégrée,
qu'est-ce qui fonctionne le mieux: la rémunération à l'acte ou un
autre mode de rémunération?
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| Le Dr McGowan: Je ne pense pas qu'il y ait un seul mode de
paiement qui soit nécessairement le meilleur. Il faut faire très
attention à la manière dont on le conçoit. Tant que les objectifs du
mode de rémunération sont alignés sur les objectifs de
l'organisation, je pense que ça peut fonctionner. Je pense que
différents modèles fonctionnement.
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| Mon modèle est basé sur la rémunération à l'acte. Cela permet
au médecin de se concentrer sur le secteur de la radio-oncologie
où le manque est le plus grand, à savoir celui de la consultation et
de la planification des traitements.
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| Je vais vous donner un exemple. Dans la majorité des modèles
actuels de rémunération en radio-oncologie, dans l'ensemble du
pays, les gens reçoivent un honoraire fixe pour la planification de
la radiothérapie, la compétence la plus rare, et ils sont rémunérés
à l'acte pour les consultations de suivi. Par conséquent, la seule
manière pour eux d'accroître leurs revenus est d'augmenter le
nombre de consultations de suivi et je pense que c'est ce que nous
constatons.
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| Je pense qu'un mode de rémunération non traditionnel bien
défini peut fonctionner, un mode de rémunération à l'acte, ciblé,
dans le cadre duquel les incitatifs sont appropriés, à savoir qu'ils
n'encouragent pas les médecins à voir un volume important de
cas relativement simples mais plutôt à traiter et à voir les cas qui
demandent l'exercice de leurs compétences rares. Dans notre
système, en radio-oncologie - qui est le seul système que je
connaisse vraiment bien - la planification de la radiothérapie est
une compétence rare - par conséquent, le système de
rémunération et d'incitatifs vise à encourager les gens à exercer
cette compétence.
|
| Le sénateur Callbeck: Vous êtes installé au Centre de
cancérologie régional de Toronto-Sunnybrook. J'ai lu quelque part
que le délai préconisé entre le moment de la recommandation et le
début de la thérapie est de quatre semaines?
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| Le Dr McGowan: C'est exact.
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| Le sénateur Callbeck: Dans votre document écrit, vous dites à
la deuxième page: «Si l'attente au centre de cancérologie désigné
est trop longue, leur dossier est envoyé à Action Cancer Ontario».
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| Est-ce que cela signifie que ce délai est respecté pour tout le
monde en Ontario?
|
| Le Dr McGowan: Non.
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| Le sénateur Callbeck: Est-ce que cela signifie que si l'attente
dépasse quatre semaines au centre désigné, le patient vous est
envoyé?
|
| Le Dr McGowan: Oui.
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| Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il du transport? Par exemple,
un patient venant de Thunder Bay doit-il payer son propre
transport ou est-ce que le gouvernement le prend en charge?
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| Le Dr McGowan: Les gens de Thunder Bay ne viennent pas
chez nous. En fait, la capacité de traitement à Thunder Bay est
suffisante et les gens qui habitent Thunder Bay n'attendent pas.
En fait, Thunder Bay a une excellente capacité de traitement et,
de ce fait, on y envoyait des gens du sud de l'Ontario.
|
| Les gens que nous voyons vivent dans la région; nous voyons
donc des gens de la région de Hamilton et de la région
métropolitaine de Toronto. Ils assument leur transport. Pour ce qui
est du transport, ils tombent dans la même catégorie que les
patients traités pendant la journée. S'ils ont besoin d'un logement,
ils peuvent aller à la maison d'accueil de la Société canadienne du
cancer.
|
| Le sénateur Callbeck: Je vois que votre objectif annuel était
de traiter 500 patients. Vous en avez déjà traité 534, soit
beaucoup plus que ce que vous aviez projeté. Combien
pouvez-vous en prendre en plus?
|
| Le Dr McGowan: Notre capacité est limitée par la
disponibilité des machines et du personnel.
|
| Au centre de cancérologie que nous dirigeons actuellement,
nous approchons de la capacité maximum des machines en raison
des besoins d'entretien de ces dernières. Nous sommes à un
millier de patients par an, je dirais, peut-être un peu plus.
|
| Le sénateur Callbeck: Les autres provinces ont-elles exprimé
un intérêt pour votre compagnie, ou est-ce encore trop tôt pour le
dire?
|
| Le Dr McGowan: Non, aucune autre province n'a exprimé un
intérêt.
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| Le Manitoba vient d'annoncer qu'il enverrait des patients de
Winnipeg se faire traiter à Thunder Bay, et je pense que, du point
de vue géographique, c'est logique. Aucune autre province n'a
encore exprimé son intérêt. Personne ne nous a contactés.
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| Le sénateur Callbeck: Vous non plus, vous ne les avez pas
contactés, n'est-ce pas?
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| Le Dr McGowan: Non, je ne les ai pas contactées. Les six
premiers mois, je me suis attaché à offrir dans nos locaux des
soins cliniques appropriés et de bonne qualité. C'était ma priorité
absolue.
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| Le sénateur Cordy: Merci beaucoup d'avoir été ici ce matin.
Je suis d'accord avec le président pour dire que c'est une solution
sensée. Pour faire suite au commentaire du sénateur Callbeck
concernant les autres provinces, peut-être pourrions-nous les
encourager à étudier ce modèle, car il semble certainement valoir
la peine d'être exploité plus avant.
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| J'ai une ou deux précisions à vous demander. Les patients ne
vous appellent pas directement, n'est-ce pas?
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| Le Dr McGowan: C'est exact.
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| Le sénateur Cordy: Comment cela se passe-t-il?
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| Le Dr McGowan: La radiothérapie est une spécialité tertiaire.
Les patients sont généralement vus d'abord par un chirurgien qui
pratique une biopsie. Nous ne faisons pas de diagnostic. Nous
pratiquons une spécialité thérapeutique. Les patients sont envoyés
par leur médecin de quartier, leur chirurgien local, leur oncologue
local dans l'un des centres de cancérologie pour que l'on établisse
leur radiothérapie.
|
| Dans la région métropolitaine de Toronto, les patients sont alors
envoyés au Centre de cancérologie régional de Hamilton, à
l'hôpital Princess Margaret ou au Centre de cancérologie régional
de Toront-Sunnybrook. Si l'attente dans ces centres est trop
longue, les patients nous sont alors envoyés par le bureau de
recommandation d'Action Cancer Ontario.
|
| Le sénateur Cordy: Je voudrais parler uniquement de la
question de l'équipement; vous l'avez abordée plus tôt, et nous
avons entendu un grand nombre de témoins nous dire que, au
Canada, l'équipement était en très mauvais état.
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| Est-ce une préoccupation pour vous?
|
| Le Dr McGowan: Non. En fait, dans l'ensemble, en Ontario,
l'équipement de radiothérapie est en bon état. Il est bien entretenu
et opérationnel. L'état de l'équipement n'est pas un problème
pour le moment.
|
| Il existe néanmoins la question du remplacement cyclique des
machines. Ces machines doivent être remplacées tous les 10 ans.
Nous sommes raisonnablement près de cet objectif en Ontario.
|
| Le sénateur LeBreton: Je m'excuse d'être un peu en retard. Si
on a déjà répondu à ma question, dites-le moi et nous passerons à
autre chose.
|
| Dans votre mémoire, vous dites que votre clinique est installée
à Sunnybrook et que vous avez vos propres médecins,
radio-techniciens et personnel de soutien et que toutes ces
personnes travaillent pendant la journée dans d'autres centres de
cancérologie. Est-ce que cela ne cause pas un problème en termes
de surmenage et de stress?
|
| S'il y a des gens qui travaillent pendant la journée dans un
centre de cancérologie puis viennent travailler le soir pour vous,
comment vous en tirez-vous?
|
| Le Dr McGowan: L'une des choses que j'ai dites plus tôt est
qu'un tiers de notre capacité de traitement est assuré par des gens
qui autrement ne travailleraient pas dans le système, parce qu'ils
sont à la maison avec leurs enfants pendant la journée. Pour les
techniciens nous nous en tirons en les faisant travailler un
maximum d'une ou deux fois par semaine. Deuxièmement, nous
examinons l'horaire du personnel de Sunnybrook et la fréquence
des absences pour voir s'il existe une corrélation entre le fait de
travailler pour nous un soir et une absence ce même jour. Ces
deux mécanismes étant en place, je pense que nous devons
respecter l'autonomie des gens et leur capacité à décider
d'eux-mêmes s'ils sont capables de travailler ou non.
|
| Le problème du surmenage est réel. Si une personne manque
trop souvent, nous ne lui donnons pas d'autres quarts.
|
| En outre, étant donné que nous n'avons pas de soutenabilité à
long terme, il est très important que nous n'épuisions pas notre
personnel. Nous essayons de ne pas faire fonctionner les machines
après 22 h 30 afin que les gens puissent rentrer chez eux
suffisamment tôt pour avoir une bonne nuit de sommeil. Ils n'ont
pas de temps libre chez eux après leur travail, mais ils rentrent
suffisamment tôt pour avoir une bonne nuit de sommeil avant de
retourner au travail le lendemain.
|
| Les gens nous demandent: «Pourquoi n'augmentez-vous pas
votre capacité en restant ouvert jusqu'à 23 h 30 ou minuit?» Ça
serait peut-être bien pour les membres de notre personnel qui
n'ont pas d'autre emploi, mais pour les autres, je pense que ce
n'est pas faisable pour le long terme.
|
| Le sénateur LeBreton: Avez-vous l'intention de vous installer
ailleurs en Ontario?
|
| Le Dr McGowan: Il y a des problèmes permanents de capacité
en Ontario, et nous discutons de la possibilité d'ouvrir d'autres
centres avec Action Cancer Ontario.
|
| Le sénateur LeBreton: J'ai dit à notre président que j'ai un
cousin dans la région d'Ottawa qui a dû aller à Thunder Bay et y
passer pas mal de temps avec comme tout soutien l'excellent
soutien dont il a bénéficié là-bas.
|
| Le Dr McGowan: Oui, c'est difficile pour les patients de
devoir se déplacer. Nous avons traité des gens d'Ottawa pendant
un certain temps. Un certain nombre de patients atteints du cancer
de la prostate et du cancer du sein sont venus d'Ottawa se faire
traiter chez nous.
|
| Pendant les six premiers mois, nous nous sommes surtout
attachés à nous assurer que notre organisation était durable, que la
structure de notre personnel était viable et que nous offrions des
soins cliniques de bonne qualité. Au début, j'ai assumé la charge
clinique presque entièrement seul jusqu'à l'arrivée des autres
médecins.
|
| Le président: J'ai deux ou trois questions techniques et ensuite
je vous demanderai de faire des suppositions.
|
| Avez-vous eu des problèmes avec les syndicats du secteur
public? Je vous pose cette question car, en théorie, il me semble
qu'un syndicat pourrait prendre la position que vous utilisez des
installations publiques et du personnel non syndiqué et prétendre
ensuite que, dans un certain sens, vous éliminez des postes
syndiqués. La question a-t-elle été soulevée?
|
| Le Dr McGowan: Les syndicats ne nous ont pas accusés
d'enlever des emplois au secteur public.
|
| Ils ont par contre dit que ce modèle était contraire à la Loi
canadienne sur la santé, qu'on n'aurait pas dû procéder de la
sorte, qu'on n'aurait pas dû nous accorder le contrat de cette
manière, mais ils n'ont pas prétendu que nous enlevions des
emplois au secteur public.
|
| Je ne pense pas que ce soit le cas; ce n'est pas comme si la
volonté d'augmenter au maximum la capacité était inexistante. Je
pense qu'il y a des obstacles de nature organisationnelle.
|
| Le président: Étant donné le tollé qu'a déclenché la Loi 11 de
l'Alberta - et en passant, ce que vous faites est essentiellement
plus ou moins ce que la version finale de la Loi 11 permet -
comment êtes-vous arrivé à faire cela sans provoquer de tollé? Je
trouve extrêmement impressionnant que vous n'ayez pas
provoqué de tollé.
|
| Le Dr McGowan: Je ne suis pas sûr de pouvoir dire que je
n'ai pas été critiqué.
|
| Le président: Peut-être n'ai-je pas remarqué les critiques.
|
| Le Dr McGowan: Moi oui.
|
| Le président: Bienvenue dans notre club. Nous sommes
toujours prêts à accueillir en notre sein les gens qui s'attirent de
vives critiques.
|
| Mais sérieusement, y a-t-il eu de l'opposition?
|
| Le Dr McGowan: Oui. Il y a des groupes qui ont fait
opposition. L'objectif premier du groupe Friends of Medicare,
constitué après que le contrat ait été octroyé, était d'amener le
gouvernement à résilier ce dernier.
|
| Le SCFP, je crois, a écrit à Allan Rock lui demandant d'étudier
la manière dont le contrat avait été accordé. Il y a eu des lettres et
des articles dans les journaux, des éditoriaux, de la part de gens
qui s'opposaient à notre mode d'administration, à savoir une
compagnie privée utilisant des installations publiques, plutôt que
de continuer à fournir les services par le biais d'une
administration publique.
|
| Je pense que votre définition d'administration publique est très
importante: un payeur unique. Du point de vue du patient, le
système est transparent; tant que le patient est bien traité et qu'il
reçoit un traitement de bonne qualité, le reste lui est égal.
|
| Le président: Est-ce que les critiques se sont tues?
|
| Le Dr McGowan: Il y a eu une amélioration. Je pense que
notre succès a contribué à les atténuer.
|
| Il est intéressant de noter que nous avons bonne presse à
l'extérieur du Canada. Un article sur cette initiative a paru dans
The Wall Street Journal, en mai dernier. La semaine dernière,
dans l'édition du samedi de The Irish Times, il y avait un article
d'un journaliste qui était venu au Canada pour étudier le système
de santé de l'Ontario et qui l'avait jugé très bon. L'article faisait
allusion à votre comité en décrivant favorablement cette initiative
comme moyen d'améliorer la capacité de traitement.
|
| Le président: Notre comité apprécierait que vous lui fassiez
parvenir des copies de ces articles un jour ou l'autre.
|
| Le Dr McGowan: Bien sûr.
|
| Le président: Comment la société se fait-elle payer? Est-ce sur
la base de chaque patient ou si le montant varie selon que vous
voyez le patient pour un cancer du sein ou de la prostate?
|
| McGowan: C'est un montant fixe par patient.
|
| Le président: Un montant fixe par patient?
|
| Le Dr McGowan: Par patient, oui.
|
| Le président: Comment ce montant a-t-il été établi?
|
| Le Dr McGowan: Il correspond aux honoraires par patient que
le ministère de la Santé verse à Action Cancer Ontario.
|
| De plus, étant donné les difficultés opérationnelles et la
nécessité de verser une plus forte rémunération, le contrat prévoit
une prime d'incitation calculée selon le nombre de patients traités,
soit de 250 $ par patient au-delà de l'objectif de 500 et de 500 $
au-delà de 750.
|
| Le président: J'ai besoin de votre aide et peut-être aussi de
celle du sénateur Keon.
|
| Habituellement, que ce soit en Ontario ou dans une autre
province, les hôpitaux reçoivent des budgets globaux.
|
| Le Dr McGowan: Oui.
|
| Le président: Les hôpitaux ne sont pas financés sur la base du
paiement à l'acte.
|
| Le Dr McGowan: Oui.
|
| Le président: Vous êtes donc payés à l'acte.
|
| Par exemple, prenons le Centre régional de cancérologie
d'Ottawa. Son financement est-il inclus dans le budget global de
l'Hôpital d'Ottawa ou calculé sur la base du paiement à l'acte?
|
| Le Dr McGowan: Sur le plan organisationnel, la gouvernance
des centres de cancérologie est séparée de celle des hôpitaux.
|
| Le président: Comme l'Institut de cardiologie?
|
| Le Dr McGowan: Je ne suis pas certain en ce qui concerne
l'Institut de cardiologie.
|
| Le président: C'est le cas.
|
| Le Dr McGowan: C'est une gouvernance séparée. Deux
organisations fournissent de la radiothérapie: Action Cancer
Ontario et l'University Health Network. Ainsi, le budget du
Centre régional de cancérologie d'Ottawa, par exemple, vient
d'Action Cancer Ontario qui reçoit son financement du ministère
de la Santé.
|
| Le président: En d'autres termes, vous êtes remboursés sur la
base du paiement à l'acte tout comme le serait le Centre régional
de cancérologie, si le patient était traité durant la journée; est-ce
exact?
|
| Le Dr McGowan: Oui, plus la prime fondée sur le nombre de
patients.
|
| Le président: Exact, mais est-ce un incitatif pour avoir plus de
patients?
|
| Le Dr McGowan: Oui.
|
| Le président: J'en arrive à ma dernière question. Pourriez-vous
nous dire dans quels autres secteurs de la médecine ce système
pourrait fonctionner? Il va de soi que cela ne fonctionnerait pas
dans des cas absolument uniques, n'est-ce pas?
|
| Le Dr McGowan: C'est exact.
|
| Le président: Le système ne fonctionne que lorsqu'il y a un
nombre raisonnable de patients qui nécessitent le même type de
traitement.
|
| Le Dr McGowan: Oui.
|
| Le président: Dans ce cas, dans quels autres secteurs
fonctionnerait-il?
|
| Le Dr McGowan: Les secteurs où cela peut fonctionner sont,
premièrement, ceux qui exigent un investissement élevé.
Deuxièmement, ceux où des capitaux sont inutilisés. Je suis
d'avis qu'il doit y avoir une pénurie de personnel due à
l'intervention de plusieurs professions différentes - d'ailleurs, la
question n'est pas tant la pénurie comme l'intégration du
personnel. Le troisième critère a trait à la pénurie de personnel
paramédical d'un professionnalisme croissant - par exemple, en
imagerie diagnostique, il y a une relation très directe entre le
technicien qui commande l'appareil et les données transmises au
radiologue. Il faut qu'il y ait des interactions relativement
complexes.
|
| À mon avis, le modèle s'applique surtout dans des secteurs
spécialisés de la chirurgie, où il y a des blocs opératoires
sous-utilisés en après-midi ou en soirée, d'importantes questions
de personnel, des liens entre les soins infirmiers, les anesthésistes,
les lits d'hôpital - des secteurs où divers professionnels de la
santé doivent intervenir.
|
| Dans un tel cas, je réunirais les professionnels et je leur
poserais les questions suivantes: «Est-il possible de changer un
peu notre façon de procéder? Comment pouvons-nous organiser
nos activités?» De plus, l'activité doit être très spécialisée, par
exemple: l'accès vasculaire, qui est nécessaire aux fins de dialyse,
la mise en place d'un portacath, la chimiothérapie ou diverses
procédures chirurgicales, peut-être en oncologie.
|
| Je n'y ai pas réfléchi longtemps, mais ce sont là les principaux
critères. Les activités doivent exiger l'intervention de différents
professionnels, un domaine où l'on attribue constamment le
problème à la pénurie de personnel, alors que je pense qu'il
faudrait surtout blâmer le mauvais agencement des spécialités.
|
| J'ai rencontré l'infirmière en chef de la province il y a une
quinzaine de jours. Elle m'a dit que l'Ontario consacre des
millions de dollars - je ne peux me rappeler les chiffres exacts
- aux heures supplémentaires et aux agences de soins infirmiers.
Une multitude d'infirmières - et encore là j'oublie si le nombre
est 2 000, 3 000 ou 6 000 - ne travaillent pas dans leur
domaine de formation, mais renouvellent constamment leur
licence. Comme il manque de lits et de blocs opératoires, c'est
l'occasion idéale de rappeler ces infirmières qui, de toute
évidence, souhaitent revenir à leur profession, puisqu'elles
renouvellent leur licence. Ce serait logique, compte tenu des
fonds consacrés aux heures supplémentaires et aux agences de
soins infirmiers, et du fait qu'on semble prêt à verser des taux de
salaire majoré. Ce n'est peut-être pas possible, cependant, car une
des spécialités donne peut-être son maximum.
|
| Tant qu'on ne cherchera pas à élever le personnel paramédical
au niveau décisionnel, je me demande si l'on peut réellement
parler de pénurie.
|
| Le président: Merci d'être venu nous rencontrer ce matin.
Votre témoignage a été fascinant.
|
| Sénateurs, je vous présente notre prochaine série de témoins:
MM. Walter Robinson, directeur de la Fédération des
contribuables canadiens, Stephen Allen, qui témoigne au nom du
Conseil canadien des Églises, et Edward Buffett, président-directeur général de Buffett Taylor & Associates Ltd., société
d'experts-conseils en avantages sociaux et en mieux-être au
travail.
|
| J'invite chacun de nos témoins à faire un exposé de cinq
minutes qui sera suivi d'une période de questions. Je vous donne
la parole, monsieur Robinson.
|
| M. Walter Robinson, directeur fédéral de la Fédération des
contribuables canadiens: Monsieur le président, je suis heureux
de comparaître devant vous et vos collègues ce matin, pour vous
exposer notre point de vue sur la principale difficulté que soulève
la politique sociale du Canada.
|
| Établie en 1990, la FCC a pris tant d'expansion au cours de ces
11 brèves années qu'elle est devenue la plus grande et plus
efficace organisation de contribuables au Canada; elle peut se
vanter de compter 61 000 membres. Notre organisation est
apolitique et sans but lucratif; elle n'est subventionnée par aucun
ordre de gouvernement.
|
| Même si je comparais devant vous ce matin en ma qualité de
directeur fédéral, je signale que j'ai déjà siégé à titre
d'administrateur au conseil d'administration de l'Hôpital général
d'Ottawa et que je suis actuellement membre du conseil
d'administration du Centre régional de cancérologie d'Ottawa.
|
| Tout d'abord, je vous félicite pour vos travaux. À ce jour, vos
recherches, vos audiences et vos rapports suscitent un débat
ouvert et inclusif sur la politique gouvernementale. Cette
inclusion est fondamentale, parce que le débat sur les soins de
santé a été jusqu'à maintenant dominé par un petit nombre
d'intervenants dans le domaine de la politique officielle.
Malheureusement, ce groupe a réduit la complexité de la réforme
des soins de santé à des comparaisons nationales faciles et
bipolaires ou à des différends idéologiques droite-gauche. Ces
intervenants ont aussi créé un climat où la combinaison de propos
offensants, de raisonnements tendancieux et d'attaques
personnelles s'apparente à un front de froid arctique qui gèle tout
nouvel intéressé ou toute idée novatrice en ce qui concerne la
réforme des soins de santé.
|
| Pourtant, les Canadiens aspirent à une discussion de fond de
toutes les options possibles concernant cette réforme.
Collectivement, nous savons que nous allons consacrer cette
année 95 milliards de dollars, ou 9,3 p. 100 de notre PIB, aux
soins de santé. Étant donné que les soins de santé accaparent
62 p. 100 des augmentations budgétaires de toutes les provinces
depuis trois ans, il va sans dire que cette question intéresse les
contribuables.
|
| Le mois dernier, nous avons publié un important document de
recherche et de position intitulé «Le patient, la maladie, le
traitement», dont nous vous avons fait parvenir des exemplaires la
semaine dernière. Dans ce document, que nous souhaitons
discuter en détail au cours de notre dialogue interactif ce matin,
nous faisons ressortir sept convictions de base: premièrement, le
milieu de la santé est en crise; deuxièmement, les Canadiens sont
mieux placés que les politiciens pour savoir que des réformes
s'imposent; troisièmement, la santé est un champ de compétence
que se partagent Ottawa et les provinces; quatrièmement, la Loi
canadienne sur la santé n'est pas la Bible; cinquièmement, les
systèmes de santé ne peuvent être évalués uniquement au moyen
de chiffres; sixièmement, le débat actuel est trop continental, pas
assez mondial; septièmement, les principaux objectifs doivent être
la qualité et l'excellence, et non la compression des dépenses.
|
| Durant l'élaboration de la politique de soins de santé tout au
long du siècle dernier, les Canadiens ont démontré qu'ils sont
capables de gérer un débat de fond malgré les difficultés que ce la
comporte parfois. Il n'en tient donc qu'à nous de nous inspirer de
cette expérience et d'étudier objectivement toutes les solutions de
réforme. La première chose logique à faire est de revoir la Loi
canadienne sur la santé, puisqu'elle constitue la norme de facto en
fonction de laquelle seront jugées les options de réforme.
|
| De plus en plus, les universitaires et les médecins s'entendent
pour dire que cette loi décourage l'innovation, restreint les
initiatives provinciales et repose sur des principes souvent
contradictoires. En attendant, l'opinion publique réclame des
changements fondamentaux, même si ces derniers vont à
l'encontre de certains principes de la loi.
|
| Le conflit qui oppose Ottawa et les provinces au sujet des
niveaux historiques et actuels de financement est en partie
inhérent à notre système fédéral, mais il est clair que les tensions
qu'il engendre sont improductives.
|
| Dans les capitales provinciales, les ministres de la Santé, peu
importe leur allégeance, ont tous déclaré que la hausse des
dépenses en matière de santé atteint des niveaux équivalant au
double ou même au triple la croissance annuelle des recettes, est
insoutenable, pourtant ces dépenses continuent de grimper dans le
budget de chaque province. Si cette croissance se maintient, le
débat d'aujourd'hui pour ou contre les réductions fiscales et
l'accroissement des dépenses cédera vite la place au dilemme de
demain: la technologie IRM par opposition aux manuels
d'enseignement ou, pire encore, le pontage coronarien par
opposition à la résection d'une tumeur cancéreuse. Les provinces
n'auront besoin que de deux ministères: les Finances pour
percevoir les fonds et la Santé pour les dépenser.
|
| Nos estimations laissent entrevoir des lendemains
préoccupants, qui se présenteront dès 2007 pour la
Colombie-Britannique et Terre-Neuve, où les dépenses au
chapitre des soins de santé accapareront, selon les prévisions, la
moitié de toutes les ressources. Le même sort attend l'Alberta, le
Manitoba et la Saskatchewan en 2012, 2014 et 2019
respectivement.
|
| Ce problème est attribuable au régime même
d'assurance-maladie et à ses mauvais principes économiques. La
configuration actuelle de financement par répartition est
insoutenable. Dans ce contexte, elle fait penser à une opération
pyramidale illégale. Les chirurgies d'aujourd'hui sont payées avec
les recettes fiscales d'hier, mais les données démographiques
montrent clairement que la base de la pyramide devient plus
petite, et non plus grande.
|
| Le régime est financé par les contribuables par le biais de
divers intermédiaires - le gouvernement, les assureurs et bien
d'autres - et les patients ne connaissent pas les conséquences
financières de leurs décisions quant à leur consommation de soins
médicaux. C'est ainsi que nous nous retrouvons avec un ensemble
de mesures disparates qui satisfont, de manière pernicieuse, les
patients, les médecins, les bureaucrates et les politiciens - je
vous renvoie à l'annexe C de notre document pour plus de détails.
Cela ne contribue qu'à faire grimper les coûts et à rendre le
système de santé imperméable à toute solution novatrice visant à
améliorer la qualité des soins et leurs résultats sur la santé.
|
| Ce qui a fait encore plus de tort, c'est l'évaluation faite l'année
dernière par l'Organisation mondiale de la Santé des régimes de
soins de santé de 191 pays - le Canada se classe au 30e rang.
Dr Chris Murray, directeur de la médecine fondée sur l'expérience
clinique à l'OMS, l'a dit brutalement: «Le Canada n'a pas le
meilleur régime de soins de santé au monde».
|
| La leçon est claire. Il faut nous inspirer, en matière de
financement et de prestation des services, des meilleures pratiques
des autres pays et les adapter au contexte canadien - le plus tôt
sera le mieux.
|
| Quant aux facteurs de coûts du système, les pressions
démographiques s'exercent déjà et d'ici 2020, de sorte que
60 p. 100 des dépenses en soins de santé viseront le groupe des
65 ans et plus, comparativement à 45 p. 100 actuellement. Le
vieillissement de la population est irréversible et nous en
connaissons les répercussions aussi bien que les professionnels de
la santé.
|
| Du point de vue technologique, les progrès réalisés concernant
l'élaboration rationnelle de substances thérapeutiques, la
cartographie génétique, le sang artificiel, pour n'en nommer que
quelques-uns, représentent une promesse excitante et un espoir
pour des millions, sinon des milliards, dans le monde, mais ils ont
un coût.
|
| Les médicaments coûtent maintenant plus cher que les
honoraires des médecins. Avec les nouvelles pharmacothérapies
agressives pour traiter divers troubles, allant du cancer aux
maladies basées sur les protéines, telles que les maladies de
Parkinson et d'Alzheimer, il est axiomatique encore une fois que
les coûts ne feront qu'augmenter.
|
| Enfin, les exigences et les attentes des patients à l'égard de
services «ici et maintenant» augmenteront de façon exponentielle.
Jusqu'à maintenant, les réformes du système de santé canadien
ont été axées sur l'offre. De modestes économies ont peut-être été
réalisées, mais les demandes des patients ont été complètement
ignorées dans ces réformes; ces dernières n'ont pas cherché non
plus à responsabiliser les patients ni à mettre fin aux mesures
pernicieuses inhérentes à notre système.
|
| Le régime de soins de santé est complexe et il n'existe pas de
solution miracle, mais sur le plan législatif, il y a longtemps que
la Loi canadienne sur la santé aurait dû être modernisée. Il y
aurait lieu de remplacer ses cinq principes actuels par les six
suivants: régie publique, universalité, qualité, responsabilisation,
choix et durabilité.
|
| Sur le plan structurel, les principes directeurs de la réforme
incluent: la responsabilisation et la responsabilité de chacun, entre
autres, par la participation aux coûts, comme dans tous les autres
pays membres de l'OCDE; l'équité entre les générations - le
préfinancement des dépenses en santé, comme à Singapour; et
l'adoption d'approches novatrices à l'égard de la création de
capital fixe, de la prestation de services et du renouvellement de
l'équipement technologique.
|
| Monsieur le président, le premier objectif, tout à fait louable, de
l'assurance-maladie consistait à fournir des services de santé sans
qu'il y ait d'obstacles. Aujourd'hui, le principal obstacle à la
réforme est l'intransigeance de ceux qui refusent de reconnaître
que le problème, c'est le système même.
|
| Je voudrais terminer sur une note personnelle. Il y a 35 ans, je
suis né dans cette ville au vieux Doctors Hospital. Atteint d'une
très grave maladie dès l'âge de trois ans, c'est-à-dire il y a 32 ans,
j'ai bénéficié des efforts que les professionnels de la santé de
l'hôpital pour enfants ont déployés pendant quatre ans pour me
sauver la vie. Ma famille a reçu des soins de santé excellents dans
cette collectivité et les services de cancérologie que mon père a
reçus au Princess Margaret lui ont permis de mourir dignement.
|
| Aujourd'hui, à Ottawa, c'est la même chose pour ma famille et,
je l'espère, pour tous ceux qui sont ici, devant et derrière moi,
mais nous pouvons et devons faire mieux.
|
| Une saine démocratie est celle qui sait reconnaître ses défauts,
faute de quoi, elle n'est plus une démocratie. Nous devons sortir
gagnants de ce débat. Sans cela, nous rendrons un bien mauvais
service à ceux qui nous ont précédés ainsi qu'aux professionnels
de la santé qui travaillent si fort pour nous aujourd'hui et nous
manquerons de façon inexcusable à notre devoir envers les futures
générations de Canadiens.
|
| Nous vous exhortons à prendre en considération nos idées sur
la réforme ainsi que les diverses options pour bâtir un meilleur
système de soins de santé.
|
| M. Stephen Allen, membre de la Commission justice et
paix, et co-président de la oecuménique sur les soins de la
santé, Conseil canadien des Églises: Membres du comité, au
nom des membres de la Commission, je vous remercie de nous
avoir invités à faire des observations sur certaines options
proposées dans votre rapport intitulé «Questions et options».
|
| Historiquement, les Églises canadiennes ont contribué au
développement d'un système de santé financé et géré
publiquement, à leur qualité de fournisseurs de services,
d'intervenants - ministères pastoraux, services d'aumônerie -
et de fervents partisans d'idées et d'approches nouvelles -
programmes communautaires tels que le programme paroissial de
soins infirmiers. En tant que chrétiens, nous croyons que Jésus
nous a enseignés que la maladie ou, plus important encore, le
bien-être passe par la santé spirituelle aussi bien que physique.
|
| Nos observations écrites portent sur les six aspects suivants:
premièrement, les principes de la prestation des soins de santé;
deuxièmement, le financement des soins de santé; troisièmement,
l'obligation de rendre compte de tous les ordres de gouvernement;
quatrièmement, le besoin d'effectuer une recherche fondée sur
l'expérience clinique; cinquièmement, l'extension des soins de
santé pour inclure l'assurance-médicaments et les soins à
domicile; sixièmement, notre soutien et notre reconnaissance à
l'égard des travaux que vous avez accomplis en mettant l'accent
sur les facteurs de santé pour garantir l'intégration des stratégies
et des programmes.
|
| Les membres de la Commission appuient les cinq principes de
la Loi canadienne sur la santé. Ces cinq principes bénéficient
également de l'appui de la population et doivent être le point de
départ de notre discours sur la réforme du système de santé au
Canada.
|
| Notre appui est fondé sur les principes et les valeurs qui suivent
et qui, à notre avis, confortent les principes énoncés dans la Loi
canadienne sur la santé. Le premier est la dignité de l'être
humain. Le deuxième est le droit de toute personne à des soins de
santé, peu importe sa richesse ou son statut social. Le troisième
est que la prestation des soins de santé est un service offert pour
répondre à un besoin; en d'autres termes, un service au chapitre
des soins de santé ne devrait pas être considéré comme un produit
ou une marchandise. Selon le quatrième, les professionnels de la
santé ne devraient pas être détournés de leur responsabilité
première - soulager la souffrance, prévenir et traiter la maladie
et promouvoir la santé. À notre avis, cette responsabilité repose
sur une relation de confiance entre le soignant et le patient. Bien
sûr, on ne peut pas faire tout ce que l'on voudrait avec le régime
canadien des soins de santé. La prise de décision concernant les
priorités suppose que les Canadiens et les parlementaires soient
invités à débattre de la politique officielle. Enfin, l'équité, la
responsabilité de chacun envers l'autre, la compassion et
l'attention sont des valeurs que nous considérons fondamentales
et qui devraient orienter les réformes qui, nous le reconnaissons,
s'imposent.
|
| Je suis d'accord avec les quatre objectifs que vous avec définis
au chapitre 8 sur le financement des soins de santé au Canada, et
je vais y revenir un peu plus tard.
|
| Notre régime de soins de santé est fondé sur le principe voulant
que tous les citoyens partagent les risques. Personne ne souhaite
un accident. Personne ne souhaite une maladie, qu'elle soit
bénigne ou mortelle. On est réconforté à l'idée de pouvoir
compter sur le régime des soins de santé, si jamais on en avait
besoin. Le partage des risques représente une sorte de pacte social
entre les citoyens. C'est une valeur à faire valoir, à protéger et à
chérir.
|
| Dans notre mémoire, nous nous interrogeons sur les dépenses
consenties au Canada par rapport à celles qui le sont dans d'autres
pays, et nous attendons avec impatience d'autres rapports de votre
comité.
|
| Permettez-moi de citer Joseph Stiglitz, Américain qui a reçu le
prix Nobel de l'économie. Commentant la hausse du chômage
aux États-Unis avant les événements tragiques du 11 septembre,
il avait notamment déclaré: «Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a
pas de filet de sécurité. Les régimes d'aide sociale et de chômage
manquent de pertinence». Il avait ajouté que le pire était qu'en
général, les travailleurs américains qui perdent leur emploi
perdent également leur protection contre la maladie, de sorte que
leur inquiétude est exacerbée. On sait bien qu'un grand nombre de
citoyens américains ne bénéficient d'aucune protection ou alors si
peu, et que la plupart d'entre eux travaillent. Aussi imparfait que
soit notre système, nous pensons qu'il apporte une certaine
mesure de sécurité et de réconfort aux citoyens du Canada.
|
| Permettez-moi de citer également Steven Derks, vice-président
d'Advocate Health Care, organisme religieux de Chicago qui
fournit des soins de santé. Je voudrais rappeler des paroles qu'il a
prononcées le 13 octobre, à Chicago, au cours d'une réunion des
responsables de la politique officielle de l'Église luthérienne
évangéliste d'Amérique. L'organisme fournit annuellement plus
de 2,7 milliards de dollars de soins dans la région de Chicago.
Concernant les soins de santé prodigués aux États-Unis, il a dit:
|
Bien sûr, il n'y a pas de régime de soins de santé aux
États-Unis. Il y a plutôt une constellation de services
compartimentés, difficiles à échanger et influencés par le
mécanisme de remboursement [...] D'une façon générale, les
soins sont excellents, mais leur prestation est compliquée
pour les fournisseurs américains.
|
| Face aux options visant à étendre la prestation à but lucratif au
régime canadien de soins de santé, nous recommandons et
espérons qu'un plus grand nombre de témoignages seront
présentés pour éviter la fragmentation de notre système de santé.
|
| Je dois dire que certaines des options que vous proposez ont
suscité notre réflexion et nous voudrions savoir si les options
définies au chapitre 8 amélioreront l'accès à des services gérés
publiquement dans les secteurs et les régions vulnérables de notre
pays. Les travaux de recherche de votre comité sont utiles en ce
qu'ils font ressortir certaines faiblesses, par exemple, en ce qui
concerne les frais d'utilisation. Le système ne générerait pas
nécessairement beaucoup de recettes. L'imposition de tels frais
risque de dissuader les citoyens démunis de demander des soins,
fait incontestable que j'ai moi-même constaté à l'étranger. Un
système prévoyant l'imposition de frais d'utilisation en fonction
du revenu ne risque-t-il pas de stigmatiser davantage les démunis
de la collectivité? Si les démunis n'ont pas à payer des frais
d'utilisation, cette exemption ne risque-t-elle pas de créer du
ressentiment chez ceux qui en payent?
|
| Votre rapport fait état de témoignages utiles venant de Suède.
Le système n'a pas pour objet de générer des recettes, mais plutôt,
comme vous le faites remarquer, de modifier le comportement des
citoyens pour prévenir les abus. Nous aimerions poser les
questions suivantes: cet objectif a-t-il été atteint? Les Suédois
font-ils généralement un mauvais usage de leur système de santé?
Les soignants contribuent-ils à ce problème?
|
| Quand vous vous pencherez sur les diverses options et les
soumettrez à la population canadienne, nous vous demandons de
vous inspirer le plus possible de recherches fondées sur les
résultats cliniques.
|
| Nous sommes d'accord avec l'observation que vous faites dans
votre rapport, selon laquelle il est impossible de retracer comment
les provinces et les territoires utilisent les fonds fédéraux. Les
citoyens doivent le savoir parce que, si on réduit leurs impôts,
cela pourrait entraîner une diminution des fonds consacrés aux
soins de santé ou, quant à cela, aux programmes sociaux ou à
l'enseignement postsecondaire. Nous sommes favorables à l'idée
d'un rapport annuel établissant clairement comment les provinces
utilisent les fonds fédéraux pour la santé, ainsi que pour d'autres
programmes financés au moyen du TCSPS. Nous espérons que
votre comité présentera des modèles qui vont au-delà du
facultatif, qui prévoient des mécanismes obligeant tous les ordres
de gouvernement à se rendre mutuellement des comptes aux
chapitres des principes, des valeurs et des objectifs de notre
régime de soins de santé.
|
| Merci d'avoir tracé l'orientation des facteurs sociaux influant
sur la santé, non seulement dans le volume 4, mais aussi dans le
volume 1. Dans le volume 1, j'ai été frappé de lire que la santé
de la population pouvait être attribuée au système de santé dans
une proportion de seulement 25 p. 100 - je pense que c'est le
pourcentage que vous avez donné, mais j'ignore comment vous y
êtes arrivés -, alors qu'elle le serait aux facteurs sociaux dans
une proportion de 75 p. 100. À la page 95 du volume 1, vous
dites qu'améliorer la santé et réduire les inégalités sur le plan de
l'éducation et du revenu est un objectif, et qu'il faut centrer
l'attention sur les facteurs sociaux influant sur la santé au Canada.
|
| En guise de conclusion, nous déclarons notre appui en faveur
des cinq principes qui sous-tendent notre régime de soins de
santé. Nous sommes favorables à l'extension du programme et
nous reconnaissons qu'un débat s'impose pour faire des choix et
établir les priorités. Les valeurs que j'ai exposées dans mon
introduction représentent un fondement solide pour notre système
de santé. Notre système remplit un rôle indispensable pour bâtir
une société où nous sommes engagés à assurer la santé des
individus et la vigueur des collectivités.
|
| Nous sommes réticents face à l'importance accordée aux
options axées sur les forces du marché. La croissance des
dépenses du secteur privé dans la santé justifie la tenue de
nombreux autres débats, ce que nous approuvons. Il faut se
rappeler que le régime de soins de santé est pour les citoyens qui
ont besoin d'attention et de compassion, et non pour des
consommateurs qui cherchent un produit en particulier. Les soins
de santé ne sont pas des marchandises.
|
| Nous convenons que notre régime de soins de santé peut être
amélioré et nous appuyons les politiques et les programmes qui
améliorent la santé et qui aboutissent à une saine gestion des
ressources.
|
| Nous vivons ensemble. Nous dépendons les uns des autres.
Nous avons besoin de nous appuyer mutuellement. Les principes
de solidarité humaine, d'attention et de compassion envers les
plus faibles sont des questions fondamentales de justice pour les
Églises. Les soins de santé sont un bien public, ils sont
indispensables au bien de l'ensemble, voilà une vision que nous
jugeons importante pour les Canadiens, une vision qui vaut la
peine de promouvoir dans le monde entier.
|
| Pour notre part, nous avons l'intention de participer à la
Commission royale d'enquête sur la santé. Nous attendons avec
hâte les rapports de votre comité. Nous espérons avoir l'occasion
de discuter encore de la question avec vos membres et nous
organisons une table ronde à Ottawa à la fin février ou au début
de mars.
|
| Au nom de la Commission oecuménique sur les soins de la
santé du Conseil canadien des Églises, je vous remercie de
m'avoir entendu ce matin.
|
| M. Edward Buffett, président-directeur général de Buffett
Taylor & Associates Ltd., société d'experts-conseils en
avantages sociaux et en mieux-être au travail. Merci, monsieur
le président et messieurs les sénateurs. Je vous sais gré de m'avoir
donné l'occasion de faire un exposé devant vous.
|
| Buffett Taylor & Associates Ltd. participe à la promotion de la
santé et du mieux-être au travail. Je suis également président du
conseil d'administration de Wellness Councils of Canada,
organisme sans but lucratif qui sert de tribune pour diffuser
l'information ayant trait à la promotion de styles de vie plus sains,
utilisant le milieu de travail comme mécanisme pour atteindre cet
objectif.
|
| J'ai été président du conseil des gouverneurs de l'Hôpital
général de Whitby et du conseil d'administration de la Fondation
Durham. Je suis actuellement vice-président du conseil des
gouverneurs de l'université McMaster qui, comme vous le savez,
se classe au premier rang au Canada pour la recherche qui s'y
effectue et pour sa faculté de médecine.
|
| Je vous remercie spécialement de m'avoir donné l'occasion de
venir exprimer ma réaction au volume 4 de votre rapport, en
particulier en ce qui a trait à la promotion de la santé.
|
| Nombreuses sont les recherches qui indiquent que la nature
réactive de notre système de santé a d'énormes répercussions sur
les coûts de prestation des soins. En termes simples, on s'attache
trop à guérir et à gérer les maladies au lieu de les prévenir. Par
exemple, j'ai moi-même survécu à une crise cardiaque. Même si
le gouvernement fédéral, par l'entremise de Santé Canada et de sa
Direction générale de la promotion et des programmes de la santé,
joue un rôle significatif dans le domaine de la santé de la
population, ce rôle, à mon avis, doit être considérablement élargi.
|
| En préparant mes observations en prévision de la rencontre de
ce matin, j'ai tenté d'établir exactement la portion des dépenses
en santé du Canada qui sont consacrées à la prévention des
maladies et à la promotion de la santé, mais je n'ai pu y parvenir.
J'ai communiqué avec Statistique Canada et Santé Canada, ainsi
qu'avec plusieurs organes provinciaux, mais on m'a simplement
répondu que ce renseignement n'était pas disponible, mais que ce
serait de l'ordre de 5 p. 100. Ce pourcentage semble correspondre
à celui des dépenses en santé des États-Unis en matière de
prévention des maladies et de promotion de la santé.
|
| Intuitivement, la plupart des Canadiens reconnaissent que
l'adoption d'un style de vie plus sain se traduit par une
amélioration de la santé, d'une réduction du nombre de maladies,
ce qui se solde par un allégement des pressions sur le système de
santé. Un grand nombre de Canadiens passent de 8 à 10 heures
par jour au travail. D'ailleurs, quand ils sont éveillés, les
Canadiens passent plus de temps au travail que n'importe où
ailleurs. Il y a donc de grandes possibilités d'utiliser ce temps
pour promouvoir la santé et le mieux-être, ce qu'on tend à faire
aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
|
| Ici, Santé Canada a mis sur pied un programme visant à
promouvoir la santé et le mieux-être ainsi qu'à reconnaître les
employeurs qui se distinguent à cet égard en leur remettant un
Prix d'excellence du milieu de travail sain. Tout bien intentionné
qu'il soit, ce programme ne va pas assez loin et nous n'avons pas
facilement accès aux données scientifiques et financières qui
appuient la mise en place de programmes de promotion de la
santé et du mieux-être au travail. L'occasion est belle d'utiliser le
milieu de travail comme tribune pour faire cette promotion. C'est
d'ailleurs dans l'intérêt de l'employeur.
|
| Les chercheurs du Health Management Research Centre de
l'université du Michigan ont suivi plus de deux millions
d'employés dans 1 000 lieux de travail sur une période de plus
de 15 ans, ce qui leur a permis de conclure que la promotion de
la santé et du mieux-être au travail, quand elle est faite dans le
cadre d'une initiative exhaustive, se traduit par des modes de vie
plus sains, qui donnent lieu à leur tour à une baisse d'absentéisme
fortuit, une diminution des demandes d'indemnité pour invalidité
prolongée, une hausse de la productivité, une amélioration du
moral des employés et une diminution des coûts de la santé en
général.
|
| Malheureusement pour nous, ces travaux visaient le modèle
américain de système de santé et non le modèle canadien, ce qui,
je le dis franchement d'après mon expérience, inciterait les
employeurs canadiens à remettre en question ces données et leur
pertinence. Certains employeurs canadiens plus au courant,
comme Nortel, Telus Corporation, MCS Nordion, Husky Injection
Moulding et la ville de Richmond Hill, ont élaboré des
programmes de mieux-être exhaustifs et dynamiques, parce qu'ils
savaient intuitivement que ces programmes étaient rentables.
|
| Néanmoins, la vaste majorité des Canadiens veulent des
données qui montrent clairement les avantages financiers liés à de
telles initiatives. Nous avons désespérément besoin de travaux de
recherche et de données significatives qui prouvent les bienfaits
de ces programmes.
|
| Encore une fois, ces bienfaits se traduisent par une amélioration
de la santé de notre population, une amélioration de notre
compétitivité à l'échelle mondiale et une baisse de l'ensemble des
dépenses en santé.
|
| Je vous invite à recommander, dans votre rapport final, de
confier au gouvernement fédéral un rôle beaucoup plus important
pour stimuler la recherche qui s'impose absolument afin
d'encourager une plus grande participation des employeurs aux
programmes de cette nature.
|
| En terminant, je signale que, depuis un siècle, l'espérance de
vie en Amérique du Nord a augmenté de 30 ans. Les scientifiques
jugent que 25 de ces années sont attribuables à des styles de vie
plus sains et seulement cinq, aux interventions cliniques. On ne
peut simplement pas se permettre de ne pas tenir compte des
effets que peut avoir la prévention sur la santé de la population.
|
| Le président: M. Buffett, je trouve ces derniers chiffres
extraordinaires. Avez-vous une source?
|
| M. Buffett: Bien sûr, monsieur. D'ailleurs, cette source est
notée dans les documents que je vous ai remis.
|
| Le président: C'est renversant.
|
| Le sénateur LeBreton: Je commence avec vous, monsieur
Robinson.
|
| Quand nous étions en Alberta, plusieurs personnes ont parlé de
«consommateurs de soins de santé» et de «marché de la santé».
|
| À la page 7 de votre mémoire, vous dites: «Le régime est
financé par les contribuables par le biais de divers intermédiaires
- le gouvernement, les assureurs et bien d'autres - et les
patients ne connaissent pas les conséquences financières[...]»
|
| Quelle serait votre solution à cette situation? Personnellement,
je crois que la plupart des Canadiens n'ont pas la moindre idée de
ce que facturent les médecins, les techniciens et autres
professionnels de la santé. Comment les informer? Comment
savoir la manière dont ils veulent que leur système de santé
fonctionne et comment les sensibiliser aux coûts déjà engagés?
|
| M. Robinson: Dans les documents que nous vous avons remis,
nous avons inclus un schéma du modèle de financement. En
réalité, c'est un schéma de Santé Canada que nous avons adapté,
tout comme l'association des médecins de la Colombie-Britannique.
|
| Votre question, sénateur LeBreton, porte sur la manière de
rendre les Canadiens plus conscients de leurs décisions de
consommation. M. Allen et moi ne sommes manifestement pas
d'accord pour dire que les soins de santé représentent une
dépense, une marchandise ou simplement un bien public.
Permettez-moi de répondre à votre question de trois façons.
|
| Premièrement, nous avons posé à ceux qui nous approuvent la
question suivante: «À votre avis, combien consacrez-vous aux
soins de santé?» Si l'on prend une dépense de 95 milliards de
dollars et qu'on la divise par 30 millions, soit notre population,
on obtient 3 000 $. Bien sûr, ce chiffre varie. Dans mon cas, il
serait plus bas, alors que, dans le cas d'une personne de 65 ans
qui a des troubles de santé, il serait beaucoup plus élevé. Le
chiffre varie aussi d'une région à l'autre.
|
| Nous avons recueilli une variété de réponses, de sorte que
j'accepte l'hypothèse qui sous-tend votre question, soit que les
gens ne savent pas vraiment ce que coûtent leurs soins de santé.
Ils ignorent, par exemple, la différence de coût d'un vaccin
antigrippal administré au bureau d'un médecin et celui qui l'est à
l'urgence. Dans ce cas, l'imposition de frais d'utilisation ou une
participation aux coûts serait une solution. Cela existe dans tous
les pays membres de l'OCDE beaucoup plus qu'au Canada.
|
| Comme mon collègue l'a fait remarquer, la difficulté est de
contrôler les coûts, de sensibiliser les gens au fait que les soins de
santé ne sont pas gratuits. Il y a un prix à payer. Un produit de
valeur qui ne coûte rien entraîne la surconsommation, c'est un
principe qui n'a jamais été démenti, à ce que je sache, depuis la
parution de l'ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations.
|
| Comme on l'a mentionné en citant l'exemple de Singapour,
une autre solution résiderait dans le préfinancement de diverses
dépenses. À Singapour, il existe un préfinancement entre les
générations grâce à des comptes d'épargne pour soins de santé.
Quatre programmes se chargent de la population qui vieillit, soit
Medifund, Medishield, Medisave et maintenant Eldershield. Cette
solution nous attire parce qu'elle peut être fonction du revenu
dans le cas des Canadiens ayant un bas revenu, qui devront
toujours compter sur le secteur public pour la majorité de leurs
dépenses médicales, et dans le cas de ceux qui se fieront toujours
à la protection contre les catastrophes. Aucun mécanisme
commercial ne protégera contre le gastrocytome malin de stade 4.
Aucun assureur n'offre cette protection.
|
| Il est question ici de faire payer les gens toute leur vie durant.
On le fait pour le logement. On répartit le coût d'une maison sur
toute une génération; cela s'appelle une hypothèque. On finance
son revenu de retraite. Le gouvernement a déjà qualifié le RCP de
petit pilier. En tant que Canadien, on doit voir à ce que ses
propres économies assurent le financement. C'est seulement pour
les soins de santé que nous ne le faisons pas.
|
| Pour répondre à votre question, je pense qu'on sensibiliserait
davantage les Canadiens à leur consommation de soins de santé
toute leur vie durant, si on mettait en oeuvre le financement
intergénérationnel.
|
| Le sénateur LeBreton: C'est un excellent argument.
|
| Je m'adresse encore à vous, monsieur Robinson. À la page 4 de
vos documents, vous dites: «Il y a longtemps que la Loi
canadienne sur la santé aurait dû être modernisée. Il y aurait lieu
de remplacer ses cinq principes actuels par les six suivants: régie
publique, universalité, qualité, responsabilisation, choix et
durabilité».
|
| Dans les six principes que vous préconisez, quelle place
faites-vous à la transférabilité?
|
| M. Robinson: Comme nous l'affirmons dans notre document,
il serait possible d'incorporer les autres principes dans une
définition élargie, plus exhaustive de l'universalité. Le Conference
Board du Canada indique que l'appui en faveur de l'universalité
reste fondamentalement constant et c'est un principe que nous
appuyons tous. Les questions de transférabilité, d'intégralité et
d'accessibilité vacillent au bout de 20 ans, d'après le Conference
Board du Canada, et l'appui en faveur de la gestion publique ne
cesse de baisser, s'établissant à environ 59 p. 100.
|
| Définissons le terme «transférabilité». Pour certains Canadiens,
cela veut dire que, si l'Ontario couvre les traitements de
l'infertilité, le Québec devrait aussi le faire dans une certaine
mesure. Dans la réalité, ce n'est toutefois pas le cas. Ces
traitements ne sont pas couverts au Québec; il n'y a donc pas de
transférabilité.
|
| Une province peut aussi rayer de leur liste divers services, de
sorte qu'un service peut être assuré dans une province, mais pas
dans une autre; il n'y a pas de portabilité dans ce sens.
|
| L'accessibilité a été inscrite dans la Loi canadienne sur la santé
en 1994, mais c'est un principe qui est quotidiennement bafoué au
Canada. Il est préférable d'être atteint d'un cancer en Ontario
qu'en Saskatchewan. La Saskatchewan connaît la plus forte
migration de patients cancéreux; ces derniers déménagent à
Calgary et en Colombie-Britannique, faute d'accès à des soins en
Saskatchewan.
|
| Pour ce qui est de l'universalité, elle fait partie des principes
dont nous voulions discuter.
|
| Ils ne sont pas notre propriété exclusive. D'autres organismes,
dont l'IRPP et l'OMA, se joignent à la gauche et à la droite
politique en ce qui concerne certains nouveaux principes de
gouvernance, ce qui reflète réellement l'orientation actuelle et
future de notre système de santé, selon laquelle l'exercice de la
médecine ne relèvera plus de l'État.
|
| Le rôle du gouvernement est de gérer un service public et de
voir à ce qu'il soit fourni, mais il ne s'ensuit pas nécessairement
qu'il doive fournir tous les services publics. Nous sommes d'avis
que, si l'on en confie la prestation aux organismes oecuméniques,
privés et publics, comme cela s'est toujours fait dans le domaine
de la santé finalement, cela refléterait davantage où nous en
sommes et où nous nous dirigeons.
|
| Le sénateur LeBreton: Vous pourriez probablement faire
valoir le même argument concernant l'intégralité. Cela pouvait
vouloir dire une chose dans les années 50 et 60, mais en dire une
autre complètement différente maintenant.
|
| M. Robinson: Permettez-moi d'ajouter que c'est le cas. La Loi
sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques, et la
Loi sur les soins médicaux sont entrées en vigueur en 1957 et
1966, respectivement. Il faut se rappeler qu'à l'époque, la
majorité, ou 65 p. 100 des services de santé, comme les résultats
de vos recherches le font ressortir et comme nous le soulignons
dans notre mémoire, étaient fournis dans des hôpitaux et par des
médecins. Aujourd'hui, dans le contexte d'une privatisation
partielle, ce pourcentage est inférieur à 50 p. 100. Pour subir une
chirurgie de la cataracte, il n'est plus nécessaire d'aller à l'hôpital,
car elle se fait au laser dans une clinique ophtalmologique.
|
| Le cadre législatif, la technologie et la prestation des soins de
santé ne tiennent pas compte de cette évolution.
|
| Le sénateur LeBreton: Monsieur Allen, à la page 5 de votre
mémoire, vous dites:
|
| Même si un programme national de soins à domicile
représente une importante expansion des soins de santé, les
soins à domicile ne sont pas nécessairement l'option préférée
de ceux qui nécessitent des soins ni des proches qui les leur
fournissent. Un programme de soins à domicile doit être mis
en 9uvre de manière à ne pas transférer, d'une manière
irréaliste, la responsabilité sur les soignants. Cette responsa
bilité revient aux femmes généralement, quoique pas
toujours.
|
| Je suis entièrement d'accord avec cela.
|
| Je vous demande donc: que faudrait-il faire, à votre avis, pour
corriger cette situation? Comment traiteriez-vous toute la question
des soins à domicile dans le cadre du système de santé
actuellement en place?
|
| M. Allen: Il peut y avoir des cas où, pour le soignant ou pour
le patient, il est préférable de s'en tenir aux soins palliatifs.
|
| Permettez-moi de me reporter à l'expérience que j'ai vécue
avec mon père. Ma mère ne pouvait pas s'en occuper; c'était tout
simplement au-delà de ses forces, et il a reçu de très bons soins
palliatifs à Ottawa. Dans d'autres cas, et je suppose que c'est
vraiment le choix des familles, des malades préfèrent rester chez
eux et y mourir. Il doit y avoir un élément du système
reconnaissant ces décisions morales importantes et, pour les
familles et les malades qui veulent des soins à domicile, une
politique de soins à domicile qui renferme des dispositions qui
leur facilitent la tâche.
|
| Bon nombre de soins sont couverts à l'hôpital, mais pas à
domicile et, dans les années à venir, les coûts de ces soins risquent
de devenir très lourds pour les familles, en particulier les familles
à faible revenu.
|
| Le comité doit voir comment ce choix peut s'exercer de
manière à reconnaître les questions personnelles et morales qui se
posent dans la vie.
|
| Si une personne doit quitter le marché du travail pour donner
des soins - et cette personne est généralement une femme -
quelles seront les répercussions sur son RPC? Si une personne se
retire du régime pendant plus de deux ans, est-elle pénalisée?
Dans l'affirmative, le comité pourrait-il se pencher là-dessus? Je
sais aussi que des études ont montré que les soins à domicile
coûtent moins cher que les soins hospitaliers.
|
| Compte tenu de tous les changements à apporter à notre
système de santé, qui est très complexe du fait qu'il exige la
participation des provinces, du gouvernement fédéral et
d'organismes régionaux et municipaux, ces changements doivent
être faits à un rythme raisonnable. Depuis quelques années, le
système est l'objet de fortes pressions pour que des changements
soient apportés. Une institution est généralement mieux en mesure
d'absorber des changements tout en préservant ce qui en vaut la
peine, si elle dispose d'une marge de man9uvre et de temps pour
le faire.
|
| Le sénateur LeBreton: Monsieur Buffett, vous dites que nous
avons désespérément besoin d'un accès aux résultats significatifs
de la recherche en matière de santé et de mieux-être - et je
devine que vous parlez de la recherche faite dans le secteur privé
aux États-Unis. De toute évidence, le dernier paragraphe de votre
mémoire, dans lequel vous dites que l'espérance de vie des
Américains a augmenté de 30 ans, est fondé sur des résultats de
recherche.
|
| N'existe-t-il aucune recherche menée au Canada pour
convaincre la population qu'il est préférable de bien se nourrir, de
ne pas fumer et de faire preuve de bon sens pour mener une vie
saine?
|
| M. Buffett: Bien sûr, il se fait de la recherche. À l'université
Carleton, Martin Shain, que vous connaissez peut-être, et Linda
Duxbury ont fait de la recherche qui a ouvert des voies en matière
de promotion de la santé.
|
| La difficulté d'accès aux statistiques et aux résultats de
recherche et l'opposition à la mise en place efficace de
programmes dans les milieux de travail expliquent notre
incapacité de prouver au directeur financier ou au directeur
général d'un organisme qu'il est rentable de le faire. Nous avons
donc désespérément besoin d'analyses coûts-avantages de tels
programmes.
|
| Il existe actuellement beaucoup de données américaines qui
montrent clairement que non seulement il y a des profits, mais
que ces profits sont très importants. Des organismes, IBM par
exemple, disent que chaque dollar investi dans la prévention des
maladies au travail donne un rendement de six dollars.
|
| Je pense que certains le reconnaissent. Il y a deux ans, le
directeur administratif de la revue Fortune a rédigé un article
intéressant, selon lequel les directeurs généraux tourneront dans
leur tombe parce qu'à mesure qu'avancera le XXIe siècle, la
promotion de la santé et le mieux-être départageront les gagnants
des perdants; le capital intellectuel que représentent les employés
dans la nouvelle société devient l'élément d'actif le plus précieux
d'un organisme.
|
| Ce que j'ai vu au Canada et aux États-Unis me porte à croire
que le domaine où nous achoppons en tant que pays est celui de la
recherche. Des organismes éclairés déclarent: «Peu importe
l'absence de recherche, nous savons intuitivement que c'est
logique». Il y en a d'autres qui disent: «Montrez-nous des
données». Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle
important à jouer à cet égard et qu'il faut reconnaître que c'est un
domaine très prometteur.
|
| Le sénateur LeBreton: Oui, c'est finalement une question de
leadership.
|
| M. Buffett: C'est exact.
|
| Le sénateur Cordy: Ma première question s'adresse à vous,
monsieur Robinson. Dans votre exposé, vous avez parlé
d'options novatrices en matière de soins de santé. Les travaux de
ce comité ont précisément pour objet de découvrir des options
novatrices.
|
| Des options novatrices peuvent réussir ou échouer, car c'est la
nature même de l'innovation. L'inventeur franchit de nombreuses
étapes avant d'arriver au résultat final.
|
| En ce qui concerne la prestation des soins de santé au Canada,
comment peut-on envisager l'innovation qui, de par sa nature
même, risque de mener à l'échec, alors que les fonds consacrés à
la santé sont utilisés au maximum actuellement?
|
| Comment peut-on dire aux Canadiens que des millions de
dollars ont été consacrés à une mesure novatrice, mais que cette
dernière n'a pas donné les résultats escomptés? Comment peut-on
s'y prendre? Je suis d'accord avec vous qu'il faut innover.
|
| M. Robinson: Pour revenir sur l'exposé de M. Allen
concernant la médecine fondée sur l'expérience clinique et sur ce
que Dr Keon a dit des options novatrices, je dirai que quelque
chose d'aussi simple que la prévention des chutes, qui, à part la
comorbidité et les maladies chroniques, est la première cause
d'admission à l'hôpital de personnes âgées au Canada, est une
option novatrice. La prévention peut s'appliquer sans qu'il soit
nécessaire d'élaborer une mesure législative ou une directive.
|
| Pour ce qui est de l'innovation, je pense qu'il ne faut pas
compliquer les choses et c'est justement à cet égard que la lutte
suscitée par le projet de loi 11 en Alberta est révélatrice. L'Alberta
a dépensé beaucoup de capital politique pour apporter d'infimes
changements à la manière de fournir des soins de santé.
|
| La beauté du fédéralisme est qu'une expérience tentée dans une
province bénéficie aux dix provinces. Si l'expérience échoue, il
est fort probable que les neuf autres provinces la rejettent. Elles
tirent des leçons et essaient autre chose.
|
| Pour sa part, le gouvernement fédéral est tenu d'interpréter
davantage la Loi canadienne sur la santé en ce qui concerne
l'esprit par opposition à la lettre. Claude Castonguay, père du
régime d'assurance-maladie du Québec, a déclaré à votre comité
que le programme innovateur d'assurance-médicaments du
Québec qui suppose une quote-part contrevient à la Loi
canadienne sur la santé. Ce programme se situe à l'extérieur de la
Loi canadienne sur la santé. Est-il conforme, selon l'esprit de la
loi? Non. Selon la lettre? Oui. Il revient au gouvernement fédéral
de trancher.
|
| Une autre option est l'approche novatrice de l'hôpital
extra-mural que le Nouveau-Brunswick adoptée et que l'Alberta
cherche à adopter, au fond. L'hôpital extra-mural n'est pas une
installation de soins de dernier niveau, ni un hôpital tout équipé,
mais plutôt une installation où des interventions chirurgicales
mineures peuvent se faire et où le patient peut passer la nuit sans
y recevoir des soins actifs ou tertiaires. Cette approche se situe à
l'extérieur de la Loi canadienne sur la santé. Elle est conforme à
l'esprit, mais non à la lettre de la loi pour ce qui est du
financement. Nous sommes d'avis que l'adoption des principes de
choix et de durabilité que nous proposons rendrait possibles les
approches de ce genre.
|
| Permettez-moi d'aborder la question du financement sans effet
sur le bilan. Les responsables des Services de santé Royal Ottawa
cherchent actuellement - avec l'approbation du gouvernement
- à faire construire un hôpital afin de le louer ensuite à
l'association de l'hôpital et au ministère.
|
| Cette approche permettra au consortium du secteur privé de
toucher un rendement sur son investissement pendant 50, 75 ou
90 ans, soit pendant toute la durée de vie de l'hôpital. Cette
approche novatrice favorise les contribuables du fait que le coût
est réparti sur 50 ou 90 ans, tout en répondant aux besoins
immédiats de services psychiatriques et psychogériatriques dans
la région d'Ottawa.
|
| Le sénateur Cordy: Monsieur Allen, vous avez dit que notre
système de santé est fondé sur le principe voulant que tous les
citoyens partagent les risques. Si vous voulez dire par là que nous
sommes responsables socialement de tous les malades et que nous
devons prendre soin d'eux, je suis d'accord avec vous. Je me
demande si l'idée est bien ancrée dans la population et dans le
système de santé que le mieux-être suppose que chacun veille à sa
propre santé.
|
| Je voudrais entendre votre opinion et peut-être celle de
M. Buffett à cet égard, pour que nous puissions en discuter.
|
| Devrait-il y avoir des incitatifs pour les citoyens et les sociétés
qui veulent mettre l'accent sur le mieux-être au travail et sur la
santé en général?
|
| M. Allen: Personne ne peut prédire ce que sera son état de
santé dans un, deux ou 15 ans. J'ai cessé de fumer. Je cours
chaque jour. J'ignore complètement quelle maladie ou quel
accident je risque d'avoir un jour.
|
| Bien sûr, en tant que société et qu'individu, chacun doit prendre
soin de lui-même et savoir comment le faire de son mieux. Cette
question doit se situer dans le contexte de l'imprédictibilité de la
santé.
|
| Je pense que c'est là l'avantage du partage des risques dans
notre société.
|
| Le sénateur Cordy: Je sais que la santé échappe à toute
prédiction. On ne peut prédire son état de santé, mais il y a des
facteurs, comme l'alimentation, l'exercice et l'abandon de
l'habitude de fumer, que l'individu peut prendre en charge.
|
| M. Allen: Alors, comment pondérer tout cela? Devrait-on
enlever des points à ceux qui n'auront pas fait d'exercice ou qui
auront été des fumeurs?
|
| Le sénateur Cordy: Je n'en suis pas certaine. Je me demande
simplement s'il ne devrait pas y avoir des incitatifs.
|
| M. Buffett: Je pense qu'à plusieurs égards, les incitatifs
comportent des risques.
|
| Premièrement, je crois qu'il y aura toujours des organismes
moins éclairés qui n'appliquent aucun programme comportant des
incitatifs ou qui ne fournissent pas les renseignements dont vous
parlez, de sorte que leurs employés seront toujours désavantagés.
|
| Pour revenir à mon observation sur les données, le véritable
incitatif ici, non seulement pour les employeurs, mais aussi pour
chacun de leurs employés, est une amélioration de la santé.
|
| Pour les employeurs, on voit aux États-Unis, par exemple, des
organismes qui ont des taux d'absentéisme nettement inférieurs à
leurs concurrents, l'avantage est qu'ils peuvent réduire le prix de
leurs produits et services, et devenir beaucoup plus concurrentiels.
|
| Le meilleur exemple que je connaisse au Canada est celui de
Husky Injection Molding Systems Ltd. Le taux d'absentéisme
moyen dans l'industrie à laquelle cette société appartient est de
9,7 p. 100. La société, entité mondiale établie au Canada, compte
maintenant plus de 2 000 employés canadiens, surtout à son
installation de Boston, et son taux d'absentéisme est de
1,2 p. 100. Les économies sont phénoménales. Husky Injection
Systems fournit sur place des services de naturopathie. Deux
médecins font la visite de l'usine régulièrement. Il y a une
garderie. Franchement, grâce à ses initiatives éclairées, cette
société est maintenant en mesure de livrer concurrence à l'échelle
mondiale. C'est sa récompense.
|
| Nous avons besoin d'une recherche plus vaste afin de
convaincre le secteur privé que l'incitatif à cet égard est une
main-d'9uvre plus productive et en meilleure santé, ce qui
signifie franchement une meilleure rentabilité.
|
| M. Robinson: Certains ont fait allusion à des crédits d'impôt
pour les sociétés qui avaient des gymnases. M. Buffett a établi
avec éloquence qu'il y a déjà un incitatif commercial et que
l'intervention d'une politique gouvernementale est inutile.
|
| Si l'on décide d'accorder un crédit d'impôt parce qu'il y a un
gymnase ou une main-d'9uvre en santé, pourquoi ne pas en
accorder un pour la sociologie appliquée, par exemple, parce que
j'ai ouvert la porte ce matin au sénateur LeBreton?
|
| Ce n'est pas le code des impôts qui sensibilisera davantage les
gens à la nécessité de prendre soin d'eux-mêmes.
|
| Le sénateur Cordy: Le rôle du gouvernement fédéral serait-il
de fournir les résultats de recherche et de sensibiliser la
population et les sociétés?
|
| M. Buffett: C'est tout à fait cela.
|
| M. Allen: Ces derniers mois, j'ai lu dans les journaux des
articles sur les enfants et les jeunes Canadiens et le problème de
l'obésité au Canada et aux États-Unis. On ne change pas cela du
jour au lendemain, mais je pense que les gouvernements, les
écoles, le système d'éducation ont un rôle à jouer pour corriger la
situation. Le temps consacré à la télévision ou à l'ordinateur et la
manière de s'alimenter sont des habitudes qui ne peuvent être
changées du jour au lendemain.
|
| Je crois que les gouvernements fédéral et provinciaux ont tous
un rôle à jouer en collaboration avec le système d'éducation pour
convaincre tous les Canadiens que la santé a une certaine valeur
en soi. Elle ne nous fait peut-être pas vivre plus longtemps, mais
on se sent mieux.
|
| Le sénateur Keon: J'aimerais explorer un thème avec
MM. Allen et Robinson et par la suite engager une discussion
avec M. Buffet sur les essais cliniques et autres sujets.
|
| M. Allen, dans le troisième point de votre conclusion, vous
affirmez que:
|
Nous n'aimons pas l'insistance que le volume 4 porte aux
options axées sur les forces du marché.
|
| À mon avis, la raison pour laquelle les Canadiens se
préoccupent tant des tentatives d'altération de notre système de
soins de santé à l'heure actuelle, c'est qu'il est revenu au niveau
où il était au cours des années 50 alors que des maladies
invalidantes et des faillites étaient attribuées aux frais médicaux et
hospitaliers inabordables.
|
| Si on pouvait établir une distinction entre le payeur et le
dispensateur de services et entre l'évaluateur, le payeur et le
dispensateur de services, aurait-on toujours la même objection
face aux initiatives privées qui permettraient d'offrir des soins de
santé d'une façon plus efficace et plus rentable, tout en
maintenant le même niveau de contrôle de la qualité que ce que le
système public permet de faire à l'heure actuelle? Autrement dit,
si on arrivait d'une façon ou d'une autre à maintenir le concept du
payeur unique ou à tout le moins la responsabilité du
gouvernement à l'égard des frais de santé pour tous les citoyens,
puis à séparer le fournisseur de soins de santé en permettant au
gouvernement ou à toute autre compagnie d'assurances
complémentaire existante de faire affaire avec le plus bas
soumissionnaire en mesure de répondre aux critères établis par
l'évaluateur aux fins de contrôle de la qualité, vous
opposeriez-vous toujours à l'offre de soins de santé par des
personnes ou des organismes privés?
|
| M. Allen: Ce que nous avons dit, c'est que nous n'étions pas
tout à fait d'accord avec l'orientation ou l'esprit du volume 4.
|
| Au deuxième paragraphe de la page 5, vous mentionnez un
rapport publié dans le Globe and Mail il y a quelques mois. Ce
rapport était semble-t-il basé sur un rapport du vérificateur général
de l'Alberta qui soulignait qu'il y avait de plus en plus de
possibilités de conflits d'intérêts, compte tenu de l'augmentation
du nombre d'installations de soins de santé privées, et réclamait
des mesures de contrôle plus serrées sur l'attribution de marchés
de services chirurgicaux pour empêcher que des médecins
occupant des postes élevés détournent des fonds publics vers des
cliniques dans lesquelles ils auraient des intérêts financiers.
|
| Nous ne voulons pas faire un discours ou entamer un débat sur
le système de marché dans le cadre des présentes séances. Nous
tentons simplement de définir les rôles du secteur public et du
secteur privé dans l'offre des soins de santé. Nous devons nous
demander quelles sont les valeurs à la base des soins en général et
des soins de santé en particulier et quel rôle le secteur privé peut
jouer dans ce système de soins de santé.
|
| Henry Mintzberg, qui est un théoricien de la gestion à
l'université McGill, a dit à bon nombre de reprises qu'il y a
certaines choses qui devraient être confiées au secteur privé où
elles seraient mieux prises en charge, et d'autres qui devraient être
confiées au secteur public.
|
| Il faudrait toutefois se poser les questions suivantes: Dans quel
but voulons-nous modifier ou changer le système de soins de
santé? Cherchons-nous à réduire les coûts? Nous y consacrons
actuellement 9,3 ou 9,4 p. 100 de notre PIB. Comme cette
proportion n'a pas beaucoup changé au cours des dix dernières
années, pouvons-nous vraiment affirmer qu'il y a une crise au
chapitre des coûts? S'agit-il plutôt d'une question basée sur des
valeurs voulant que le secteur privé ait un rôle à jouer dans l'offre
de soins?
|
| Comment pourra-t-on mesurer le degré d'efficacité si le
système change de cette façon? Que cherchons-nous? Si nous
voulons réduire les coûts, quelles répercussions tout cela aura-t-il
sur ceux qui 9uvrent dans le système? Ce sont là des questions
que nous devrions poser.
|
| Le sénateur Keon: Croyez-vous que votre organisme pourrait
accepter la participation du secteur privé au niveau de la
prestation de services dans la mesure où ces services répondraient
aux normes établies par un évaluateur soumis à un contrôle public
et où ces services seraient payés selon le principe du payeur
unique ou à tout le moins contre une garantie de paiement par le
gouvernement?
|
| M. Allen: Si on nous garantissait que les gens vulnérables, les
pauvres et ceux qui vivent dans les régions les plus pauvres du
pays ne seraient pas exclus, nous pourrions certainement nous
pencher sur la question. Je ne peux toutefois pas répondre au nom
de tous les membres du Conseil canadien des Églises. Si votre
comité peut préparer un dossier, un dossier qui serait basé sur des
valeurs qui sous-tendraient le point que vous soulevez, il ne serait
pas raisonnable de notre part de ne pas l'étudier.
|
| Le sénateur Keon: Je vous remercie. M. Robinson, quelle est
votre opinion à ce sujet?
|
| M. Robinson: Nous sommes d'avis que pour ce qui est du
payeur et du fournisseur, le patient doit être au courant des choix
qui s'offrent à lui. Il pourrait avoir droit à des primes d'épargnes
en soins de santé, par des options de participation aux coûts, en
tenant compte des revenus selon le cas pour les personnes à
revenus moyens ou faibles, ou par l'intermédiaire de l'assureur.
Nous aimerions voir une disposition de ce genre.
|
| Dans son ouvrage intitulé Code Blue, pour lequel il a reçu le
prix Donner, le Dr David Gratzer a souligné que nous avons établi
une coupure dans les relations entre le payeur, le patient et le
médecin. Au niveau des soins primaires, c'est peut-être
effectivement le cas. Je vois le Dr Rachlis dans la pièce qui
pourrait exprimer son désaccord à cet égard dans un autre exposé.
|
| Pour en revenir à ce que je disais précédemment sur le
Medisave Fund de Singapour, sur les soins de courte durée et les
cas graves, les gens contribuent à ce fond par l'intermédiaire de
déductions à la source et le gouvernement assure un financement
pour les maladies invalidantes pouvant survenir plus tard au cours
de la vie d'une personne. Nous reconnaissons que cela comporte
certaines limites.
|
| Pour répondre aux questions de M. Allen, j'ai parlé des points
rudimentaires de l'idéologie bipolaire portant sur les secteurs
public et privé à laquelle le présent débat a été réduit, à
l'exclusion de tous les autres. Je crois que nous devons nous
pencher à nouveau sur le fait que les hôpitaux de la province
appartiennent à des intérêts privés. Ils sont incorporés en vertu de
la Loi sur les sociétés par actions et de la Loi sur les hôpitaux de
l'Ontario. Ce sont là les deux principales mesures législatives en
cause. Ce sont des sociétés privées qui sont gérées par des
administrateurs communautaires en vertu d'un mandat public.
|
| Il ne faut pas oublier non plus que compte tenu de ce partage
entre le secteur privé et le secteur public, les médecins sont
considérés comme des entrepreneurs privés. Ce sont des hommes
d'affaires. Certains pourraient ne pas être d'accord avec cela, mais
je crois que ce sont des hommes et des femmes d'affaires qui
offrent des services publics très importants à la société.
|
| Ce partage entre le secteur privé et le secteur public va plus
loin qu'une simple affirmation. Il s'agit d'une question d'équilibre
et de dosage. À mon avis, cela porte le débat à un autre niveau.
|
| Le sénateur Keon: Je remarque que vous n'avez rien dit dans
votre exposé sur l'état de santé de la population et sur une
quelconque évaluation à ce chapitre. Êtes-vous d'accord avec le
concept qui veut que toute évaluation doive être menée sur la base
de l'état de santé de la population et que toute mesure que nous
prenons doit pouvoir être évaluée en fonction d'un résultat
mesurable qui permettrait d'améliorer l'état de santé de la
population.
|
| M. Robinson: Nous en avons parlé brièvement dans notre
mémoire, mais je reconnais que nous avons été limités par le
temps.
|
| Le concept portant sur l'état de santé de la population est connu
au pays depuis près de 30 ans, soit depuis le rapport de
M. Lalonde. Une mise à jour a été effectuée par M. Epp sous
l'administration conservatrice, et une autre par M. Rock à la tête
de la Direction de la santé de la population crée à Santé Canada.
|
| Nous avons tous été en mesure de saisir l'importance des
facteurs que vous énoncez dans le volume 1 de votre rapport par
suite des problèmes de Walkerton et de North Battleford. À quoi
sert d'avoir les meilleurs hôpitaux du monde si on ne peut
compter sur de l'eau potable de qualité.
|
| Nous disons que nous nous occupons des soins de santé. À
notre avis, le comité devrait considérer le budget des soins de
santé dans le contexte de la santé de la population et des rapports
qu'on peut établir avec les finances, l'environnement, l'agence
d'inspection des aliments et ainsi de suite.
|
| Nous sommes également d'avis qu'il ne faut pas s'articuler
autour de la limitation des coûts. C'est le Dr Fyke qui a souligné
au cours de son exposé en Saskatchewan que les soins de santé de
bonne qualité coûtent en fait moins cher et non pas plus. Nous
sommes d'avis que nous pouvons mettre un très bon système sur
pied en se concentrant sur la qualité et l'excellence.
|
| Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question, mais
nous nous sommes penchés sur la question et nous en sommes
conscients.
|
| Le sénateur Keon: Cela me convient. Je vous remercie
beaucoup.
|
| Je vous laisserai la parole M. Buffet, puis je passerai à la partie
évaluation de la triade si je peux m'exprimer ainsi.
|
| Vous avez souligné que vous étiez frustré du fait qu'il arrive
souvent que l'information sur ce que nous faisons ne soit tout
simplement pas disponible. Vous êtes l'un des principaux
responsables de l'université McMaster, où se font la plupart des
essais cliniques au Canada. À mon avis, l'un des pièges dans
lesquels nous sommes tombés dans le domaine des sciences, c'est
que lorsque nous ne sommes pas en mesure de prouver quelque
chose de façon statistique, nous ignorons tous les autres
renseignements que nous avons pu recueillir dans ce domaine au
fil du temps.
|
| Dans les débats auxquels j'ai participé au cours des années
avec les statisticiens et les cliniciens experts à la table
scientifique, lorsque je perdais une argumentation, je soulignais à
chaque fois qu'on n'avait jamais fait d'essai clinique sur les
parachutes avant de les utiliser. L'armée n'a jamais envoyé la
moitié de ses soldats sans les munir de parachutes pour
déterminer s'ils étaient efficaces.
|
| À mon avis, le même critère s'applique à la santé de la
population. Il est très évident que les riches sont en santé et que
les pauvres sont malades. Il me semble parfois que nous tentons
de mettre au point des essais cliniques qui nous permettraient de
prouver que la neige est blanche.
|
| Quel serait à votre avis le système d'évaluation idéal au
Canada? Devrait-il être dirigé par le gouvernement fédéral?
Devrait-il plutôt s'agir d'une initiative fédérale-provinciale
entreprise en collaboration avec les universités? Le gouvernement
fédéral devrait-il être responsable de la qualité et les évaluateurs
devraient-ils travailler à contrat à titre d'agents privés? Comment
tout ce système d'évaluation devrait-il être conçu selon vous?
|
| M. Buffet: Je crois que le gouvernement fédéral devrait
assumer le rôle de direction en collaboration avec les universités.
|
| Je pense par exemple à ce que le gouvernement fédéral a fait au
niveau du financement de bon nombre de chaires de recherche. Je
me demande si on ne pourrait pas avoir recours au même
mécanisme en réduisant l'objectif au dossier de la santé de la
population et du bien-être en milieu de travail.
|
| Le sénateur Keon: Ne croyez-vous pas que nous devrions
adopter une approche plus large et étudier certains groupes de
populations, par exemple nos populations du Nord?
|
| M. Buffett: Tout à fait. En réponse à votre question, j'essaie
tout simplement, dans le sens le plus vaste possible, de préciser
les secteurs où je crois que nous devons concentrer nos activités.
Nous devons très certainement nous pencher sur la situation de
nos groupes du Nord. Il existe à l'heure actuelle un phénomène
que nous reconnaissons pour la première fois dans une société
multiculturelle, et c'est le fait que les gens d'origines ethniques
différentes répondent de façon bien différente aux initiatives de
promotion de la santé.
|
| Tous ceux qui n'appartiennent pas à une ethnie étrangère
devront acquérir certaines connaissances pour apprendre à
communiquer efficacement avec des gens de l'Asie orientale par
exemple, sur des questions de promotion de la santé, parce qu'il
faudrait s'y prendre bien différemment avec eux qu'on le ferait
avec des Sud-Américains. Il y a beaucoup de choses à apprendre,
non seulement à propos de certains de nos peuples autochtones
qui vivent dans des communautés éloignées, mais également en
ce qui concerne le vase éventail de gens qui constituent à l'heure
actuelle la population canadienne. On doit faire preuve de
beaucoup plus de sensibilité en transmettant ce message.
|
| J'ai tenté en grande partie de profiter de ce lieu de travail non
seulement pour transmettre des renseignements relatifs à la
promotion de la santé, mais aussi pour encourager les gens à y
participer. Comme je l'ai souligné plus tôt, il pourrait y avoir des
avantages importants pour l'employeur, et dans cette optique,
l'investissement pourrait être assez faible.
|
| La nature multiculturelle de la plupart des groupes de travail
tient compte de la nécessité d'être beaucoup mieux équipé pour
traiter avec une population diversifiée. Mon épouse vient des
Indes orientales et sa réaction face à la prévention et à la
promotion de la santé est bien différente de celle de la plupart de
ses amies canadiennes d'origine. Il faut être sensibilisé à cette
réalité.
|
| Le sénateur Robertson: Vos exposés oraux ont été très
intéressants. Malheureusement, nous manquons de temps. Nous
étudierons les mémoires que vous nous avez fait parvenir. Bon
nombre de personnes comprennent maintenant que le meilleur
endroit pour fournir des soins de santé pourrait être au travail,
dans la collectivité et dans les écoles, c'est-à-dire où nous vivons,
où nous travaillons et où nous exerçons nos loisirs.
|
| Y a-t-il quoi que ce soit que les gouvernements fédéral et
provinciaux peuvent faire pour aider à encourager les employeurs
à participer à ces excellents programmes?
|
| M. Buffet: Nous avons brièvement parlé des mesures
d'incitation. Je ne suis pas en faveur de ces mesures. À mon avis,
il existe déjà suffisamment d'incitatifs dans ce sens.
|
| Les gouvernements fédéral et provinciaux ont un rôle à jouer
au niveau de la sensibilisation du monde des affaires aux
avantages financiers que l'on peut tirer de la promotion de la
santé sur les lieux de travail. Je suis toujours étonné de voir
combien il est difficile de trouver une seule personne de la haute
direction des sociétés privées canadiennes qui soit consciente du
rôle que son organisation joue ou ne joue pas dans le financement
du régime de soins de santé canadien. Comme vous le savez, il
existe en Ontario une taxe des employeurs, mais la perception de
la gratuité des soins de santé demeure.
|
| Nous n'arrivons pas à faire reconnaître le fait que nous payons
tous pour les soins de santé par nos impôts. Nous payons
également de façon indirecte par les cotisations sociales que nous
versons. Nous avons très peu de renseignements qui pourraient
nous permettre de mieux comprendre comment l'organisation A
fonctionne par rapport à l'organisation B, C ou D.
|
| À mon avis, l'une des questions sur lesquelles le gouvernement
fédéral devrait se pencher est le niveau auquel il est prêt à
intervenir. Je ne veux pas utiliser le mot incitatif ou tout autre mot
qui pourrait signifier la même chose. Le gouvernement fédéral
doit jouer un rôle de formation très important pour encourager les
chefs d'industries à reconnaître que cela n'est pas différent de la
formation.
|
| Au cours des années 60, lorsque j'ai terminé mes études
universitaires, la formation n'était ni plus ni moins qu'une farce.
Vous vous engagiez pour une organisation qui disait vouloir vous
former. Toutefois, vous deviez vous former vous-mêmes si vous
vouliez avancer.
|
| C'est là où nous en sommes aujourd'hui dans des dossiers
comme la promotion de la santé. Nous devons prendre des
engagements administratifs face à la santé de nos employés, pour
la simple raison que c'est une mesure logique du point de vue des
affaires. C'est également logique au chapitre du maintien de notre
système de soins de santé national.
|
| Vous connaissez ces statistiques. Vous savez que 35 p. 100 de
la population canadienne est considérée comme étant obèse. Plus
de la moitié des Canadiens vivent une vie sédentaire. Je crois que
35 p. 100 des Canadiens qui travaillent soulignent qu'ils sont très
stressés. Selon les données de la Table ronde sur la santé mentale,
20 p. 100 des Canadiens souffriront de dépression à un moment
ou l'autre de leur vie. Au cours des deux derniers mois, deux
jeunes dans la trentaine que je connaissais, quoique de loin, se
sont enlevés la vie. Ces gens n'avaient pas vraiment de problèmes
dans leur carrière, mais, sans que les gens qui étaient près d'eux
ne s'en rendent compte, ils étaient atteints de dépression. Ils n'en
parlaient à personne et ils ont fini par se suicider.
|
| Le gouvernement doit absolument jouer un rôle important pour
sensibiliser les gens aux avantages que nous tirerons d'accroître
notre niveau de santé collectif.
|
| Le sénateur Robertson: M. Allen, le conseil se préoccupe tout
naturellement des Canadiens pauvres et désavantagés qui n'ont
pas droit aux mêmes avantages que d'autres.
|
| Le conseil a souligné, à juste titre, que s'il devait y avoir des
changements au sein du système de santé qui exigent la
participation des citoyens par exemple, les gens moins nantis
pourraient avoir à en souffrir. Ils pourraient avoir l'impression de
recevoir des soins de moins bonne qualité.
|
| Il n'y a pas si longtemps, l'universalité des soins était
considérée comme une vache sacrée au Canada. Il n'y a pas si
longtemps, et c'est en fait le comité actuel composé de différents
membres qui l'a fait, on a recommandé au gouvernement fédéral
que les allocations familiales, soit l'argent versé par le
gouvernement fédéral pour les enfants, ainsi que les sommes
versées aux personnes âgées, soient consacrées à ceux qui avaient
le plus besoin de cet argent et que cela ne constitue pas un
paiement universel. C'était le premier écart au principe de
l'universalité. Nous n'entendons plus parler de verser les
allocations familiales ou les pensions à ceux qui en ont le plus
besoin.
|
| Si nous pouvons sans trop de conséquences, établir un système
de soins de santé selon ces paramètres et fournir des soins de
santé qui assurent une certaine participation pour ceux qui en ont
le plus besoin, cela serait-il choquant pour le conseil?
|
| M. Allen: Nous n'avons pratiquement rien fait au chapitre de
la pauvreté chez les enfants depuis 1989. En fait, l'écart entre les
nantis et les non nantis s'est même creusé au pays.
|
| Le sénateur Robertson: Je comprends cela.
|
| M. Allen: Compte tenu des sommes que nous consacrons aux
soins de santé par rapport à notre PIB, nous soutenons la
concurrence avec la plupart des pays de l'OCDE. Certains
pourraient dire cependant que nous sommes à la limite et que
nous ne dépensons pas beaucoup.
|
| Si nous nous préoccupons de la santé et du bien-être des
citoyens et de nos collectivités, les soins de santé ne sont qu'une
partie de l'équation si je peux dire. Je ne suis pas économiste,
mais je crois que nous pourrions réduire nos dépenses dans le
domaine de la santé si nous avions de meilleurs programmes
sociaux. Au cours des cinq ou six dernières années, les
programmes sociaux ont subi d'énormes compressions dans bon
nombre de provinces. On trouve dans nos groupes plus de gens
qui font appel aux programmes des sans-abri et aux soupes
populaires. Ce ne sont plus uniquement des hommes seuls, mais
des familles entières.
|
| Je crois que le comité doit se pencher sur cette question. Vous
devez évaluer ce que nous dépensons et comment nous le
dépensons pour nous rappeler que les autres programmes sociaux
ont des répercussions importantes sur notre santé à titre individuel
et à titre collectif. Cela serait essentiel pour nous.
|
| Le sénateur Robertson: Vous parlez de restructurer tous nos
services sociaux. Nous parlerons de cette question une autre fois.
|
| Le comité a souvent posé la question suivante: Si nous avions
besoin de plus d'argent, ces sommes devraient-elles venir des
contribuables de qui l'on exigerait davantage en impôts, ou
directement des usagers sous forme de participation aux coûts
pour les services offerts? Quel est votre avis à ce sujet,
M. Robinson?
|
| M. Robinson: D'une façon ou d'une autre, l'argent viendra des
contribuables qui utiliseront les services.
|
| Le sénateur Robertson: Vous avez raison.
|
| M. Robinson: Ce qui nous importe, c'est qu'il y ait une plus
grande responsabilité au niveau des soins primaires, soit sous
forme de paiement ou à tout le moins d'une certaine
sensibilisation.
|
| Deux provinces on déjà mis sur pied un système de vérification
de points de service qui prévoit des contre-vérifications et des
contrôles. On pose aux patients des questions du genre: Votre
médecin a-t-il bien pris ces mesures? Savez-vous combien cela
coûte? C'est un pas dans la bonne direction.
|
| Nous sommes d'avis que le système est trop orienté sur l'aspect
de l'offre et pas suffisamment sur l'aspect de la demande au
chapitre de l'utilisation des soins de santé.
|
| En fin de compte, il devrait y avoir une plus grande
responsabilisation individuelle, tout en maintenant le respect de
nos principes et des besoins des personnes à faibles revenus, des
besoins au chapitre de l'accès et des coûts exorbitants entraînés
par certaines maladies et que personne n'est en mesure de payer.
|
| Le sénateur Robertson: Vous avez parlé plus tôt de l'hôpital
extra-mural du Nouveau-Brunswick qui fonctionne
indépendamment du système. J'aimerais préciser qu'il ne
fonctionne pas de façon indépendante. Il est régi par la Loi
hospitalière du Nouveau-Brunswick et fait partie du système de
santé. La seule chose que nous ayons enlevée, c'est
l'hospitalisation.
|
| M. Robinson: Je le comprends, madame le sénateur, mais cet
hôpital ne relève pas de la Loi canadienne sur la santé puisque les
Néo-Brunswickois ont décidé de payer eux-mêmes pour cet
hôpital à même leurs impôts provinciaux, les transferts du TCSPS
ne couvrant pas les hôpitaux extra-muraux.
|
| Le sénateur Robertson: Non, c'est faux.
|
| M. Robinson: M. Robichaud du Conseil consultatif national
sur le troisième âge a dit dans un exposé présenté devant le
comité d'Elsie Wayne - et il s'agit là d'une commission financée
par le gouvernement - que le TCSPS ne finançait pas les
hôpitaux extra-muraux du Nouveau-Brunswick.
|
| Le sénateur Robertson: Il s'agit peut-être d'une modification
apportée très récemment. Je vais vérifier mes données. Je vous
remercie.
|
| Le sénateur Callbeck: M. Allen, dans votre exposé, vous avez
parlé de la responsabilisation des gouvernements, du fait que les
gouvernements devraient être obligés de faire rapport aux
contribuables de l'argent qu'ils dépensent. Si les gouvernements
provinciaux envoyaient un relevé annuel de leurs dépenses à
chacun des contribuables pour leur faire savoir combien d'argent
a été dépensé pour eux au cours de l'année, cela serait-il efficace?
Est-ce que cela vaudrait la peine?
|
| M. Allen: Je crois que vous trouverez de bien meilleurs
commentaires à ce sujet dans d'autres exposés. Toutefois, je suis
d'avis qu'il faudrait établir des normes nationales à ce sujet pour
que l'on pose les mêmes questions et que l'on se penche sur les
mêmes problèmes, que l'on vive à Terre-Neuve ou en
Colombie-Britannique. Il devrait y avoir une seule série de
normes pour la préparation d'un genre de «fiche de rendement».
Je ne suis pas certain que ce soit là le bon terme, mais ce que je
veux dire, c'est qu'il devrait y avoir des normes sur lesquelles le
gouvernement et les provinces pourraient s'entendre. En ce qui a
trait à la façon d'en arriver à un tel consensus des deux côtés,
c'est une question à laquelle vous voudrez peut-être réfléchir.
|
| Il devrait y avoir certains dénominateurs communs au pays qui
tiennent compte des coûts, mais également des normes et autres
données sur le bien-être. Pourquoi les citoyens d'une partie du
pays ne devraient-ils pas entendre parler des innovations adoptées
dans une autre province, des idées nouvelles qui ont amélioré la
fourniture de soins aux personnes et à leurs collectivités.
|
| Le président: Je vous remercie tous de votre présence. Comme
vous le savez, nous aurions pu poursuivre cette discussion
pendant longtemps.
|
| Sénateurs, le dernier groupe de témoins que nous entendrons
avant le déjeuner est composé du Dr Michael Rachlis, qui est l'un
des écrivains, rédacteurs de discours et autres les plus actifs dans
le domaine de la réforme des soins de santé, le Dr Joel Lexchin
du Medical reform Group, et le Dr Arif Bhimji de la société At
Work Health Solutions inc, qui est accompagné de Gery Barry, le
PDG de Liberté Santé.
|
| Dr Lexchin, je commencerai avec vous. Nous avons bon
nombre de questions à vous poser et je vous demanderais donc de
nous présenter votre exposé très sommairement.
|
| Le Dr Joel Lexchin, Medical Reform Group: Au nom du
Medical Reform Group qui réunit environ 150 médecins
ontariens, je vous présenterai quelques-uns des points qui sont
définis plus en profondeur dans notre mémoire.
|
| J'ai entendu plus tôt le sénateur Keon demander s'il serait
acceptable de demander au public de payer pour des services
privés. La situation qui prévaut aux États-Unis est une excellente
illustration de la raison pour laquelle nous ne devrions pas nous
engager dans cette voie.
|
| Je sais que le comité n'est pas particulièrement intéressé à
entendre parler de ce qui se passe aux États-Unis parce que nos
deux systèmes sont trop différents. Toutefois, j'aimerais attirer
votre attention sur les cliniques américaines de dialyse. Tous les
services de dialyse rénale sont remboursés par
l'assurance-maladie aux États-Unis, quel que soit l'âge du patient.
Environ les deux tiers de ces services sont assurés par des
installations privées et les autres par des établissements publics.
Une étude publiée récemment dans le New England Journal of
Medicine s'est penchée sur les taux de mortalité dans ces deux
types de cliniques et sur les renvois aux fins de transplantation
rénale dans ces deux types de cliniques. Les résultats démontrent
que les taux de mortalité sont de beaucoup supérieurs, par environ
20 p. 100, dans les cliniques privées, malgré le fait qu'elles soient
financées à même les fonds publics. C'est la même source
d'argent. Ils ont également démontré que le taux de renvois aux
fins de transplantation est plus faible dans les cliniques privées
que dans les cliniques publiques. C'est la seule étude qui ait porté
sur les différences entre les soins offerts par les secteurs publics et
privés, mais dans ce cas, c'est particulièrement pertinent puisque
les fonds proviennent de la même source. Il s'agit de fonds
publics.
|
| L'interprétation est assez simple. Les services médicaux privés
ne sont pas aussi bons que les services publics. C'est là une raison
fondamentale pour refuser les services de santé publics.
|
| Quelqu'un a parlé plus tôt de la façon dont le programme
d'assurance-médicaments du Québec respecte l'esprit de la Loi
canadienne sur la santé. J'aimerais faire part de mon désaccord à
ce sujet. Les données contenues dans le volume 4 de votre rapport
sur le pourcentage de gens qui ont accès à une assurance-médicaments est tout à fait inexact. Ce ne sont pas tous les
Ontariens qui ont accès à ce type d'assurance.
|
| Si tous les Québécois ont théoriquement accès à
l'assurance-médicaments, compte tenu des frais d'utilisation qui
sont exigés des personnes âgées, lesquels peuvent atteindre
jusqu'à 750 $ par année si je m'abuse, un grand nombre de
personnes ne retirent de ce fait aucun bénéfice de ce régime
d'assurance. Le régime mi-public mi-privé adopté au Québec a
entraîné des problèmes sérieux.
|
| Une étude menée à l'université McGill a démontré qu'après
l'adoption de ce système au Québec, le nombre d'hospitalisations,
de visites chez le médecin et dans les cliniques d'urgence par les
personnes de plus de 65 ans tirant des prestations de bien-être
social ont beaucoup augmenté parce que ces gens devaient payer
des frais d'utilisation. Ces frais vont à l'encontre de l'objet même
de l'assurance-médicaments. Lorsqu'on impose des frais
d'utilisation, les gens omettent de prendre des médicaments qui
leur sont essentiels, ce qui les rend ensuite plus malades. On l'a
prouvé au Québec.
|
| Enfin, le Medical Reform Group se demande pourquoi le
volume 4 de votre rapport fait fi ou minimise les principes de la
Loi canadienne sur la santé et avance des positions qui
correspondent davantage au système américain.
|
| Nous devons déterminer s'il existe un conflit d'intérêts ici entre
certains de membres du comité, tout particulièrement en ce qui a
trait au président, le sénateur Kirby, compte tenu du poste qu'il
exerce au sein du conseil d'Extendicare. Extendicare est un réseau
privé de services et le volume 4 du rapport semble appuyer l'offre
de services par le secteur privé et le financement privé de ces
services. Nous considérons qu'il y a un problème important à ce
chapitre également.
|
| Le président: Puisque vous avez soulevé la question,
permettez-moi de faire deux commentaires à ce sujet.
|
| Tout d'abord, nous parlons d'un rapport unanime dont je suis
loin d'être le seul auteur puisqu'il a été préparé par une douzaine
de personnes, dont le sénateur Keon qui, comme vous le savez
bien, appartient à la profession médicale, le sénateur Yves Morin,
qui est l'ancien doyen de la faculté de médecine de l'université
Laval, du sénateur Brenda Robertson, autrefois du ministère de la
Santé, et du sénateur Catherine Callbeck, anciennement première
ministre. C'est mon premier point.
|
| Deuxièmement, ce document présente des options. Il ne
propose pas de solutions en particulier. Je crois que vous vous
montrez injustes envers mes collègues. Vous pouvez penser ce
que vous voulez en ce qui me concerne, mais il est injuste pour
mes collègues de prétendre qu'en raison de mes occupations, ce
rapport ne reflète que l'opinion d'une seule personne et non
l'opinion unanime du comité.
|
| Je ne veux pas discuter de cette question avec vous, je voulais
simplement mettre cette chose au point. Vous pouvez poursuivre.
|
| Le Dr Lexchin: C'est très bien. J'ai terminé. Merci.
|
| Le Dr Michael M. Rachlis, à titre personnel: Messieurs,
dames les sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi de pouvoir
m'adresser à vous ce matin. J'ai déjà rencontré certains d'entre
vous plus tôt et je suis très heureux de vous revoir.
|
| J'ai remis une copie des grandes lignes de ma présentation à
votre personnel. J'espère qu'on vous l'a remise. J'ai également
fait parvenir une disquette sur laquelle se trouvent trois de mes
plus récents écrits dont je pourrais parler.
|
| Tout d'abord, j'aimerais souligner qu'à mon avis, il était
approprié d'adopter le régime d'assurance-maladie, même si
plusieurs personnes se demandent si nous avons pris la bonne
décision. Certains ont avancé que c'était une bonne chose il y a
plusieurs années lorsque nous étions tous jeunes et en santé.
Toutefois, ils sont d'avis que maintenant que nous sommes vieux
et décrépits, nous ne pouvons plus nous le permettre.
|
| Le Canada et les États-Unis disposaient de systèmes de soins
de santé semblables et l'état de santé global de leur population
était similaire il y a 50 ans lorsque Tommy Douglas a jeté les
jalons de l'assurance-maladie en Saskatchewan. Nos budgets de
soins de santé étaient semblables à ce moment-là. Maintenant, les
Canadiens paient 50 p. 100 de moins en proportion de leur PIB
pour les soins de santé. Environ 42 millions d'Américains n'ont
accès à aucune forme d'assurance-maladie. Des dizaines de
millions d'autres n'ont accès qu'à un régime tellement inadéquat
que 500 000 d'entre eux ont dû déclarer faillite en raison de
dépenses de santé énormes. Le taux de mortalité infantile est
inférieur de 30 p. 100 au Canada par rapport aux États-Unis.
|
| Malgré le fait que le comité s'est efforcé de dire qu'on doit
regarder ailleurs qu'aux États-Unis pour établir nos politiques, il
ne faut pas oublier que nous en sommes arrivés à une croisée des
chemins il y a 50 ans et que si le reste de la société canadienne
s'est beaucoup américanisée depuis ce temps, notre système de
santé lui est devenu plus canadien. Cela devrait être une source de
fierté pour nous, et nous ne devrions pas oublier les répercussions
que cette décision judicieuse prise il y a cinquante ans peut avoir
eues.
|
| Deuxièmement, en ce qui touche l'assurance-maladie, le vrai
problème n'est pas qu'elle soit financée à même les fonds publics
ou que les services soient offerts sans but lucratif, mais plutôt
qu'elle ait été conçue pour une autre époque. Nous avons
commencé à parler d'assurance-maladie au Canada il y a une
centaine d'années. En 1919, Mackenzie King a forcé le
gouvernement libéral en poste à inclure l'assurance-maladie dans
son programme électoral. Il ne s'est passé que 47 ans avant que la
mesure législative ne soit adoptée.
|
| Le président: Les choses évoluent lentement au
gouvernement, tout comme dans les universités.
|
| Le Dr Rachlis: Pour ce qui est des promesses de 1997 sur les
soins à domicile et l'assurance-médicaments, on peut donc penser
que le dossier sera réglé d'ici 2043, bien que j'espère que les
choses iront plus rapidement grâce aux interventions de votre
comité.
|
| Le vrai problème, c'est que le système d'assurance-maladie a
été conçu pour une autre époque, alors que la tuberculose, la
diphtérie, la polio et autres maladies étaient chose courante. Il y
avait alors beaucoup plus d'accidents et de blessures par habitant
qu'il n'y en a à l'heure actuelle. Même au cours des 10 dernières
années, on a fait des progrès très importants qui ont
malheureusement eu des conséquences négatives pour les gens
qui sont en attente d'une transplantation parce que les
traumatismes étant moins fréquents, il y a moins d'organes
disponibles pour la transplantation.
|
| Notre principal problème, c'est que nous ne réagissons pas bien
à la transition que nous avons établie pour traiter particulièrement
avec les maladies chroniques. Nos services de soins aigus sont
parmi les meilleurs au monde. Il n'y a pas de meilleur endroit
qu'au Canada où être victime d'une grave crise cardiaque ou d'un
grave accident d'automobile. Dieu nous en préserve, mais dans le
cas de toute situation grave exigeant des soins aigus, les soins
offerts au Canada sont aussi bons que n'importe où ailleurs.
|
| Toutefois, les soins que nous offrons aux malades chroniques
sont au mieux médiocres. À l'heure actuelle, le programme de
contrôle du diabète consiste principalement en une chirurgie de
dérivation et une dialyse rénale. Il est intéressant de noter qu'il
existe dans les Territoires du Nord-Ouest de bons exemples de
soins dans le domaine du diabète et j'ajouterais d'ailleurs que ce
sont les meilleurs que j'aie trouvés au pays. Les services de
dialyse qui y sont offerts ont débuté avec sept patients en 1997.
Selon les renseignements les plus récents dont je dispose, il
semble qu'il n'en reste plus que trois ou quatre maintenant, et ce
alors que dans le reste du pays, le taux de dialyses a grimpé de
plus de 40 p. 100.
|
| Le vrai problème c'est que nous nous occupons tellement mal
des malades chroniques que des milliers de personnes meurent
prématurément chaque année en raison du manque de médecins et
de soins hospitaliers.
|
| L'hypertension en est un autre exemple. Tout au plus 30 p. 100,
et peut-être même plutôt 20 p. 100 des Canadiens dont la tension
artérielle est élevée sont contrôlés efficacement. Des milliers de
Canadiens meurent chaque année pour cette simple raison.
|
| Troisièmement, le système n'est pas trop coûteux et il ne
souffre pas d'un manque désespéré de fonds. Le Canada consacre
à peu près le même pourcentage de son PIB que les autres pays
riches dans ce domaine. Nous dépensons un peu moins que la
France et l'Allemagne, un peu plus que le Danemark, la Suède et
la Norvège et beaucoup moins que les États-Unis qui gaspillent
beaucoup d'argent en frais généraux.
|
| Les coûts ne sont plus répartis de la même façon et le
gouvernement fédéral paie beaucoup moins alors que les
provinces versent davantage, ce qui a restreint le pouvoir du
gouvernement fédéral de faire appliquer la Loi canadienne sur la
santé.
|
| Mon quatrième point est le plus important. Nous sommes en
mesure de régler les problèmes dans le domaine des soins de
santé et nous le faisons. Il y a des milliers d'exemples qui le
prouvent. Si je pouvais passer quelques jours avec le comité, je
crois que je pourrais vous donner, sur papier, des solutions pour
chacun des problèmes que nous pouvons avoir au niveau de
l'accès aux soins et de la qualité du service au pays. La mise en
9uvre politique est plus problématique, mais sur papier, je crois
que je pourrais trouver une solution à chacun de ces problèmes.
Des recommandations ont été faites à ce niveau depuis 20 ou 30
ans.
|
| Je sais que le Sénat se préoccupe depuis longtemps des soins
palliatifs. Beaucoup trop de Canadiens dont le décès est prévisible
en raison d'un cancer meurent dans les unités de soins de courte
durée ou dans les services d'urgence.
|
| À Edmonton, malgré d'importantes compressions budgétaires,
les autorités régionales ont mis sur pied un nouveau programme
intégré de soins palliatifs qui a mené à l'offre de soins de
meilleure qualité à meilleurs coûts. Si ce programme pouvait être
appliqué sans délai d'un bout à l'autre du pays, je crois que nous
pourrions libérer près de 1 800 lits dans les hôpitaux, soit
l'équivalent de ce que nous trouvons dans toute la ville de
Winnipeg.
|
| L'attente de soins est un problème épineux au pays. Certains de
ces problèmes ne pourront se régler sans une augmentation des
ressources, par exemple, selon les données épidémiologiques sur
la coxalgie, nous devrions probablement effectuer un plus grand
nombre de chirurgies de la hanche. Toutefois, dans la plupart des
domaines, la demande est semblable à ce qu'elle était l'an dernier
et elle sera comparable l'an prochain.
|
| Les délais administratifs implicites réduisent la rapidité avec
laquelle nous pouvons offrir des soins. Lorsque nous faisons
disparaître ces délais, comme cela s'est fait à Sault Ste-Marie,
nous arrivons à réduire les périodes d'attente, particulièrement
dans les cas de cancer, de plus de 80 p. 100. À Sault Ste-Marie, en
centralisant le système d'enregistrement des traitements, le délai
moyen entre une mammographie et le traitement final pour un
cancer du sein est passé de 107 à 18 jours. Cela s'est fait en
seulement trois mois. Nous pourrions en faire autant partout au
pays. Je pourrais vous donner des précisions sur la façon dont cela
peut se faire. Presque tous les délais dans les cas de traitements
relatifs au cas de cancer pourraient être réduits de plus de
70 p. 100 au pays, sans devoir y consacrer davantage de
ressources.
|
| Cinquièmement, le financement privé et les services à but
lucratif ne feraient qu'envenimer les problèmes. Le financement
privé ne fait qu'accroître les coûts globaux, particulièrement au
chapitre de l'administration, et a tendance à nuire tout
particulièrement aux patients les plus vulnérables. Les services à
but lucratif accroissent les coûts, particulièrement au chapitre de
l'administration et ont tendance à diminuer la qualité. Il y a
certains organismes privés à but lucratif qui font du très bon
travail au pays. Par contre, je suis d'accord avec le Dr Lexchin
pour dire que le poids de la preuve démontre que c'est loin d'être
une panacée. Presque toutes les études effectuées démontrent que
les coûts ont augmenté et que la qualité en a souffert.
|
| Puisque nous pouvons régler les problèmes de
l'assurance-maladie sans nous éloigner de notre cadre d'action
historique basé sur le financement public et les services à buts non
lucratifs, que le financement privé et les services à but lucratifs ne
feraient tout probablement qu'empirer les choses et que la plupart
de ceux qui proposent le recours aux services privés prétendent
croire aux valeurs de l'assurance-maladie, ne devrions-nous pas
d'abord adopter les interventions qui ont fait leurs preuves et qui
permettraient d'accroître la qualité et le niveau d'accès sans pour
autant entraîner des coûts prohibitifs? Cela ne devrait-il pas être la
première chose à faire?
|
| Je pourrais vous donner des centaines d'exemples de ce que
nous pouvons faire pour améliorer la qualité au sein du cadre
d'action traditionnel sans accroître les coûts. Ne devrions-nous
pas faire ces choses d'abord et voir ensuite s'il est vraiment
nécessaire de recourir au secteur privé?
|
| En terminant, j'aimerais exhorter les membres du comité à se
pencher tout d'abord sur des solutions qui tiennent compte de nos
valeurs traditionnelles portant sur le financement public et les
services à but non lucratif et à recommander ces solutions aux
Canadiens plutôt que de songer au financement privé et aux
services à but lucratif.
|
| Le président: Nous entendrons maintenant le Dr Arif Bhimhi
de la société At Work Health Solutions. Il est accompagné
aujourd'hui de M. Gery Barry, qui est PDG de Liberté Santé. L'un
d'entre vous prendra-t-il la parole ou comptez-vous faire une
présentation conjointe?
|
| Le Dr Arif Bhimji, président, At Work Health Solutions
Inc.: Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à vous
rencontrer aujourd'hui pour vous faire part des développements
dans le domaine des soins de santé au Canada.
|
| Tout d'abord, nous aimerions nous présenter. Je suis le
fondateur et le président de la société At Work Health Solutions,
qui est un service indépendant basé dans la région métropolitaine
de Toronto. Nous offrons des services de médecine du travail, de
santé et sécurité et de promotion de la santé. J'ai également été
responsable de la gestion des programmes de soins de santé pour
les opérations globales de la société Magna International à titre de
vice-président des services de santé, un poste que j'ai occupé au
cours des neuf dernières années. Au cours des six dernières
années, j'ai également occupé le poste de directeur médical de la
société Liberté Santé, qui est l'une des plus grandes compagnies
d'assurance maladie au pays. J'ai obtenu un doctorat en médecine
de l'université de la Saskatchewan. J'ai également obtenu une
maîtrise en administration des affaires et occupé un poste de
professeur au département de l'administration de la santé de
l'université de Toronto. Dans mes temps libres, je continue de
travailler au service d'urgence du South Lake Regional Health
Centre à Newmarket.
|
| Je suis aujourd'hui accompagné de M. Gery Barry. M. Barry a
obtenu un baccalauréat en sciences mathématiques avec grande
distinction de l'université Notre-Dame et une maîtrise en sciences
dans le domaine des mathématiques appliquées de l'université
Rutgers. Il est membre de la Société des actuaires qui est le
principal organisme autorisé à délivrer des titres et certificats en
matière actuarielle dans le domaine de la santé et de la vie, tant au
Canada qu'aux États-Unis. Tout au cours de sa remarquable
carrière d'actuaire, M. Barry s'est spécialisé dans les régimes de
retraite collectifs et d'assurance-maladie de groupe. Il a passé
21 ans aux États-Unis, à l'administration centrale de Aerna et il a
occupé au cours des cinq dernières années le poste de président et
directeur général de la société Liberté Santé, une compagnie
canadienne offrant des régimes d'assurance-maladie et
d'avantages sociaux collectifs installée ici dans la région du
Grand Toronto.
|
| Liberté Santé a remplacé Ontario Blue Cross, un programme
d'assurance-maladie facultatif subventionné et mis sur pied par le
gouvernement de l'Ontario. Liberté Santé est le plus important
fournisseur d'assurance-maladie supplémentaire individuelle au
Canada. Nous sommes également l'une des quelques compagnies
se disputant la faveur des consommateurs pour les plus importants
comptes d'assurance groupe au niveau national.
|
| Nous appuyant sur nos connaissances professionnelles
combinées dans le domaine des assurances et de la médecine du
travail et sur notre expérience pratique et notre engagement
personnel dans une grande variété de tribunes connexes, nous
avons tiré les conclusions suivantes que nous aimerions partager
avec vous aujourd'hui.
|
| Le meilleur moyen d'étudier logiquement les questions
relatives aux soins de santé est de retourner à la base. La clef est
d'examiner ce que nous appelons aujourd'hui notre régime
d'assurance-maladie pour ce qu'il est et a toujours été, c'est-à-dire
un programme d'assurance contre la maladie. La Loi canadienne
sur la santé n'a pas mis sur pied de programme de gestion de la
santé publique, même si cette loi a des répercussions sur la santé
de la population.
|
| De même, si elle a des répercussions sur la structure des
services de soins de santé, la Loi canadienne sur la santé n'établit
pas non plus un programme pour l'offre de soins de santé. La Loi
n'a fait qu'établir un programme d'assurance-maladie universel
exclusif qui est contrôlé et dirigé par le gouvernement.
|
| Le problème auquel nous faisons face aujourd'hui vient du fait
que ce programme d'assurance ne donne plus les résultats
attendus, c'est-à-dire qu'il ne permet plus de rembourser tous les
avantages qui sont dus au groupe de gens qu'il assure, soit tous
les Canadiens. La valeur de la couverture fournie par l'assurance-maladie s'est diluée au point où elle est devenue tout à fait
inadéquate. La plupart des gens le savent et, malheureusement,
bon nombre de personnes en subissent les conséquences.
|
| De combien d'agent privons-nous le programme
d'assurance-maladie? Quel niveau de soins de santé
finançons-nous par rapport à ce qui serait nécessaire? Il est
presque impossible de le calculer précisément, mais il y a un
certain nombre de méthodes raisonnables qui nous donnent de
bonnes approximations, dont une qui rejoint la méthode servant à
calculer les prestations d'assurance-maladie dans le secteur privé
et qui démontre un écart de 20 à 25 p. 100, ce qui correspond à
environ 20 milliards de dollars.
|
| Quelles sont les conséquences de tout cela? Qu'est-ce que cela
signifie si nous ne finançons que 75 à 80 p. 100 des services
médicaux, hospitaliers et infirmiers et des services du laboratoire
et autres? Cela signifie que nous restreignons l'accès. Un accès
restreint est le prix à payer pour un financement inadéquat et cela
est lourd de conséquences, particulièrement en termes cliniques.
|
| Je peux vous faire part de certains exemples révélateurs.
Seulement 60 p. 100 des patients cardiaques à qui on prescrit un
angiogramme en subissent un dans les délais maximums, et six
pour cent de ceux qui attendent de le subir font un infarctus ou
meurent avant de pouvoir le subir. Une étude sur le traitement du
cancer menée en Ontario a démontré que le temps d'attente pour
le traitement du cancer au Canada est sensiblement plus élevé que
ce que les onco-radiologistes considèrent acceptable du point de
vue médical. Le 2 janvier de l'année dernière, 23 des 25 salles
d'urgence de Toronto ont été fermées à tous les patients, quel que
soit leur état de santé. Mon dernier exemple pour aujourd'hui est
le suivant: Les listes d'attente pour une opération de
remplacement d'une articulation sont devenues tellement longues
que les administrateurs du système de santé songent à mettre au
point programme de gestion complet de ces listes.
|
| La restriction de l'accès entraîne le rationnement des services et
le recours à des critères ponctuels et incohérents au niveau local
pour décider qui aura droit aux soins et qui n'y aura pas droit.
Cela va à l'encontre des principes de justice, d'égalité et d'équité
du régime d'assurance-maladie.
|
| Comment peut-on régler ce problème? Il y a une solution
simple. Nous devons financer adéquatement le niveau des
prestations que le régime d'assurance-maladie promet depuis le
début. Cela n'est peut-être pas aussi impossible que cela en a l'air.
Si le Canada arrivait à maintenir le rendement optimisé des
dernières années au chapitre des niveaux de productivité, les
revenus du gouvernement seraient suffisants pour compenser les
augmentations réelles nécessaires au chapitre des dépenses en
soins de santé par habitant et nous pourrions même reprendre un
peu du terrain que nous avons perdu au cours de la dernière
décennie. Nous pourrions ainsi commencer à remettre
l'assurance-maladie sur une solide base actuarielle. Si nous ne
pouvons pas le faire ou que nous choisissons de ne pas le faire,
nous devons alors redéfinir nos engagements en matière
d'assurance-maladie, de façon à rétablir l'équilibre entre les
engagements pris auprès des Canadiens pour ce qui est des
prestations pour soins de santé et des revenus générés.
|
| Il y a plusieurs façons de le faire sans toucher au principe de
l'universalité des soins aigus médicalement nécessaires. Toute
solution qui ne prévoirait pas une augmentation du financement
ou une nouvelle définition de ce que couvre la Loi canadienne sur
la santé pourrait certes être utile, mais elle n'aurait pas beaucoup
de valeur. Cela comprend les solutions qui ont déjà été soumises
et définies dans le volume 4. Je parle de la réforme des soins
primaires, de l'imposition de modestes frais d'utilisation et autres
solutions de ce genre.
|
| En toute justice, nous devons voir à ce que les Canadiens
puissent avoir accès à des soins alternatifs si nous continuons de
restreindre l'accès aux services et de rationner les soins
nécessaires offerts par le système public.
|
| Y a-t-il d'autres sources de financement auxquelles on peut
faire appel rapidement? Peut-être y en a-t-il. Les employeurs en
particulier ont déjà un intérêt direct pour les soins de santé en
raison de leur dépendance face à la productivité de leurs
employés. Alors que les employeurs remboursent déjà une grande
partie des coûts d'une assurance supplémentaire, il est
économiquement avantageux pour eux de rembourser certains
soins de santé supplémentaires dans le but de réduire
l'absentéisme et les coûts reliés à l'invalidité et d'accroître le
rendement au travail.
|
| Dans bon nombre de cas, nos études, rapports et évaluations sur
l'état du système canadien de soins de santé ne tiennent pas
compte des coûts engendrés pour la société par le temps de travail
perdu, la maladie, la perte de productivité et la perte de la qualité
de vie pour les 14 millions de travailleurs Canadiens qui n'ont pas
accès aux services de santé et qui ne peuvent retourner au travail
en temps opportun après une maladie ou une blessure.
|
| Ce sont là des coûts cachés du système de soins de santé et ils
dépassent de loin les coûts de notre système de soins médicaux,
selon des recherches qui ont été menées par le gouvernement
fédéral. Les programmes de santé financés par l'employeur
comprennent les programmes d'invalidité de courte et de longue
durée, ainsi que l'indemnisation pour accident de travail. Ces
programmes touchent la majorité des travailleurs canadiens et ils
sont tous offerts à l'extérieur du cadre de la Loi canadienne sur la
santé.
|
| Malheureusement, en raison de la nature très fermée de notre
système actuel de soins de santé, tous les Canadiens doivent
chercher à obtenir des soins par l'intermédiaire du système public
dont nous avons déjà reconnu les limites. Ces limites ont aussi
une incidence sur les écarts de productivité dont j'ai parlé
précédemment. Comme les dispositions portant sur
l'indemnisation pour accident de travail et les services grand
public ne relèvent pas de la Loi canadienne sur la santé, on
pourrait y ajouter un programme de distribution de soins fort qui
serait assuré par le secteur privé pour soulager les installations
publiques actuelles. On pourrait encourager les organismes du
secteur privé à tirer profit des installations existantes ou de
nouvelles installations pour desservir les besoins courants d'un
grand nombre de Canadiens dans le but de respecter les
promesses avancées en vertu de la Loi canadienne sur la santé.
|
| En accueillant le secteur privé et en le renforçant, le secteur
public pourra disposer d'une ressource complémentaire à laquelle
il pourra faire appel au besoin pour optimiser ses propres besoins
au niveau de l'accès et de l'efficacité. Les promesses implicites de
la Loi canadienne sur la santé seront plus faciles à réaliser si les
soins remboursés à même les fonds publics sont clairement
définis et qu'on encourage le secteur privé à s'occuper des gens
qui ne sont pas couverts par les dispositions de la Loi canadienne
de la santé.
|
| Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté. Nous tenterons
de répondre de notre mieux à vos questions.
|
| Le président: Dr Lexchin, pourriez-vous nous faire parvenir
les données sur la couverture des soins de santé? Je vous demande
cela parce que lorsque nous avons entendu les chiffres de
100 p. 100 mentionnés pour l'Ontario, nous avons été aussi
étonnés que vous l'avez été vous-même. Franchement, je ne peux
me souvenir à ce moment-ci d'où les recherchistes du comité ou
moi-même avons tiré ces chiffres, mais si vous avez des données
plus précises à ce sujet, cela nous aiderait beaucoup. Si vous
vouliez bien nous les faire parvenir, cela nous aiderait beaucoup.
|
| Dr Rachlis, pourriez-vous nous dire comment nous pourrions
réduire les files d'attente et nous dire pourquoi, si cela est aussi
simple que vous le prétendez, et je n'ai pas de raison de croire
que vous avez tort, on ne l'a pas fait encore? Je suis toujours un
peu inquiet lorsqu'il semble exister des solutions simplistes à des
problèmes complexes et que ces solutions n'ont pas été mises en
9uvre. C'est là ma première question.
|
| Ma deuxième question porte sur un commentaire que l'on
trouve à la fin de votre mémoire, dans lequel vous vous demandez
si nous ne devrions pas entreprendre la réforme du programme
d'assurance-maladie en étendant rapidement les meilleures
pratiques partout au pays. Encore une fois, nous sommes d'accord
avec cela, puisque c'est ce qui justifie l'idée de la réforme des
soins primaires. La question à laquelle le comité s'est accroché,
comme vous pouvez le constater, est celle de savoir ce qui
arrivera si ce n'est pas suffisant.
|
| Il y a deux écoles de pensée. L'une prétend qu'il ne faut pas
s'en faire avant d'être rendus à cette étape. La préoccupation de
notre comité, et je crois que nous l'avons exprimée de façon assez
claire, était que nous devions commencer dès maintenant à penser
à ce que nous devrions faire si ce n'était pas suffisant, plutôt que
d'attendre que la crise éclate pour constater que ce n'est pas
suffisant.
|
| Même en utilisant nos données, sans tenir compte de celles du
Dr Lexchin, il est très clair qu'il y a un écart de plus en plus
important dans notre filet de protection touchant les coûts des
médicaments. Il est important de tenter de déterminer comment
on peut élargir le système pour pouvoir fournir à tout le moins un
accès aux médicaments en temps de crise, si ce n'est avant. Cela
nous a porté à croire que nous devons réfléchir à la façon dont
nous pourrons régler le problème si les changements proposés ne
suffisent pas.
|
| C'est là la question qui préoccupe les membres du comité. Si
vous pouviez nous éclairer sur ces deux points, cela nous serait
certes très utile.
|
| Le Dr Rachlis: Pour ce qui est de savoir pourquoi nous
n'avons pas adopté de meilleures méthodes de gestion des
attentes, et d'autres meilleures pratiques, je crois qu'il y a
plusieurs raisons qui peuvent l'expliquer. Pour toutes ces
meilleures pratiques que je recommande, dont certaines ont déjà
été mises en application, le principal problème se situe au niveau
des fournisseurs de soins. Comme bon nombre d'entre nous, ces
derniers ne tiennent pas à modifier leurs façons de travailler,
même si cela pourrait entraîner des améliorations pour eux à plus
long terme. Personne ne veut modifier sa façon de travailler.
|
| Cela s'ajoute à un autre problème qui est le suivant. Il n'y a pas
d'appui au niveau politique pour ces modifications parce que le
public ne comprend pas grand chose à toutes ces questions. Je
suis un peu gêné d'avouer qu'à venir jusqu'à il y a environ un an,
je ne connaissais moi-même pas grand-chose aux délais
administratifs qui sont inhérents aux listes d'attente.
|
| Comme on l'a décrit récemment dans un article publié dans le
Journal de l'Association médicale canadienne l'été dernier et dans
un article précédent de la Revue canadienne de santé publique,
publié il y a environ un an, en Ontario où la situation semble être
la pire à cet égard, les femmes subissent en général une
mammographie dans une clinique de radiologie privée. Le
radiologiste étudie toutes les mammographies. Si le résultat est
positif, il dicte ses conclusions qui devront par la suite être
transcrites et transmises au bureau du médecin de famille de la
patiente. Tout le processus comprend de nombreuses étapes.
|
| Le médecin de famille rencontre alors la patiente. Cette
dernière se montre bien sûr très inquiète et désire subir une
biopsie le plus rapidement possible. Ce n'est qu'après avoir reçu
les résultats de la biopsie, ce qui peut prendre des semaines et
même plus que le médecin de famille peut alors renvoyer la
patiente chez un chirurgien. La patiente passe alors à une nouvelle
série d'étapes. Toutes ces étapes comportent des délais.
|
| Toutefois, nous pourrions faire des plans qui correspondraient
aux besoins. Nous savons que si nous faisons 1000
mammographies cette semaine, 50 ou 80 d'entre elles donneront
un résultat positif. Ces femmes voudront qu'on fasse une biopsie
le plus rapidement possible. Nous pourrions donc garder 50
rendez-vous ouverts pour la semaine prochaine et les combler dès
que ces femmes auront obtenu le résultat de leur mammographie.
|
| De la même façon, cinq ou huit de ces femmes obtiendront un
verdict de cancer du sein et voudront subir une chirurgie le plus
rapidement possible. Nous pourrions réserver de cinq à huit places
pour la deuxième semaine, pour que ce soit possible de le faire.
C'est ainsi qu'on a procédé à Sault Ste-Marie.
|
| Pourquoi ne procède-t-on pas ainsi partout? J'ai présenté cette
proposition à certains des hauts responsables de la gestion du
système de santé au printemps dernier et à d'autres par la suite.
La seule chose qu'on ait dite par la suite, sans trop
d'enthousiasme, c'est que nous pourrions certes adopter certaines
de ces mesures, mais que notre façon actuelle de prévoir les
chirurgies dépend de la communauté. En fait, cela passe presque
toujours par le département de la chirurgie, mais dans certaines
collectivités, le processus est très démocratique et tous savent bien
ce qui se passe, y compris l'administration. Dans d'autres
endroits, même les premiers gestionnaires de l'hôpital ne savent
pas comment les horaires de chirurgie sont établis.
|
| Pour mettre ce genre de système de gestion des listes d'attente
en 9uvre, il faut être en mesure de centraliser les enregistrements,
peut-être pas pour toutes les interventions, mais pour certaines
d'entre elles. Il ne faut pas entraver les méthodes de renvoi
traditionnelles parce que, en collaboration avec les médecins
d'une collectivité qui font des interventions pour un cancer du
sein, il s'agit uniquement de réserver le nombre de places dont on
aura besoin cette semaine pour des femmes qui ont subi une
biopsie la semaine précédente. Il ne s'agit pas d'entraver les
procédures de renvoi normales.
|
| Les administrateurs peuvent hésiter à agir ainsi parce qu'ils
font déjà face à un conflit entre les administrateurs et les
médecins et qu'ils ne veulent pas empirer la situation. Si le public
ne le demande pas, alors ils ne se pencheront pas sur la situation.
|
| À mon avis, c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas mis
ces propositions en application.
|
| Là où on l'a fait, les résultats ont été très positifs. J'ai entendu
dire la semaine dernière qu'on avait adopté cette méthode pour les
chirurgies relatives au cancer du sein à Winnipeg, et que les
résultats étaient en tous points comparables à ceux obtenus à Sault
Ste-Marie.
|
| Le président: On peut donc dire que cela fonctionne, mais
qu'il y a une très forte résistance de la part de ce que l'on pourrait
appeler le système, c'est à dire les intervenants actuels au sein du
système.
|
| Le Dr Rachlis: Il y a une certaine résistance qui a été constatée
à de nombreuses reprises et c'est pourquoi j'espérais que votre
comité adopte un rôle de chef de file au pays pour faire avancer
ces dossiers et ensuite adopter l'appui politique dont nous avons
besoin pour mettre ces changements en pratique.
|
| Le président: Pour rendre ces changements obligatoires, vous
voulez dire?
|
| Le Dr Rachlis: Il y aurait de nombreux moyens d'arriver à ces
fins sur le plan politique. Encore une fois, je sais que vous n'avez
pas beaucoup de temps ce matin. Si j'avais toute une journée, je
pourrais vous donner beaucoup d'exemples de moyens d'y
arriver. Il faut changer les pratiques cliniques. On a besoin de
politiques gouvernementales qui soutiennent ce changement, puis
d'un processus qui permettra la réalisation de ces politiques.
|
| Pour votre deuxième question, à savoir ce qui arrivera si cela
ne suffit pas, en tant que médecin pratiquant dans le contexte de
la médecine communautaire, j'essaierais de prévenir les conflits
éthiques et politiques plutôt que d'avoir à composer avec.
|
| Su la question des médicaments, je peux vous dire que je
prends personnellement le médicament pour l'hypertension le plus
recommandé par les ordres professionnels, ou peut-être le
deuxième à ce titre, tant au Canada qu'aux États-Unis. C'est de
l'hydrochlorothiazide. Presque personne ne le prend parce qu'il
existe depuis 45 ans. Son brevet est échu. Par comparaison avec
les médicaments plus récents, il a moins d'effets secondaires,
moins de gens cessent de le prendre et il est plus efficace. Il est
prescrit à moins de 5 p. 100 des Canadiens souffrant
d'hypertension parce que les sociétés pharmaceutiques ont
dépensé deux fois plus en marketing qu'ils n'ont dépensé pour le
mettre au point.
|
| Le président: On ne peut pas exactement dire qu'elles ont fait
de la vente sous pression.
|
| Le Dr Rachlis: Je vous laisse l'utilisation de ce terme.
|
| Les patients diabétiques ou atteints d'insuffisance cardiaque ne
devraient pas prendre d'hydrochlorothiazide, mais probablement
qu'au moins la moitié des Canadiens atteints d'hypertension
pourraient commencer par prendre ce médicament, et la plupart
d'entre eux continueraient toujours à le prendre. Il me coûte
environ 1 $ par année pour 12,5 milligrammes par jour. C'est
moins cher de prendre mon médicament pendant deux ans que ce
que la moyenne des Canadiens dépensent en une journée pour
leurs médicaments contre l'hypertension.
|
| On peut trouver beaucoup d'exemples de ce genre. Il suffirait
souvent d'améliorer la qualité des ordonnances pour améliorer
radicalement la qualité des soins tout en réduisant les coûts. Je
pense que nous devrions consacrer au moins un an ou deux à la
mise en oeuvre de programmes de ce genre. Nous pourrions alors
évaluer si nous avons réellement besoin de plus d'argent. Si c'est
le cas, nous pourrions alors décider si cet argent devrait provenir
de sources publiques ou privées.
|
| Je serais en faveur de sources de financement publiques. Si l'on
commence à mettre en oeuvre des programmes qui assurent une
plus grande qualité et des coûts moindres, l'efficacité est
tellement plus grande qu'on n'a vraiment pas à s'inquiéter au
sujet de l'argent. Il suffit de se concentrer sur la qualité. C'est ce
que j'aimerais voir.
|
| Pour moi, un retour aux principes fondamentaux ne veut pas
dire qu'il faut chercher un mode de financement du système; cela
signifie qu'il faut améliorer la qualité des soins et, comme Fyke
l'a dit, cela aboutit presque toujours à une réduction des coûts.
|
| Le sénateur Keon: Michael, êtes-vous convaincu que
l'hydrochlorothiazide est aussi efficace dans la prévention de
l'athérosclérose progressive que les inhibiteurs de l'enzyme de
conversion?
|
| Le Dr Rachlis: Nous n'avons pas les données à long terme à
cet égard, et c'est pourquoi les inhibiteurs de l'enzyme de
conversion sont recommandés pour les patients diabétiques ou
souffrant d'insuffisance cardiaque.
|
| À court terme, on sait que c'est au moins aussi efficace, sinon
plus, que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion pour stabiliser
la pression artérielle. Franchement, je trouve très réconfortant,
quand je prends ma pilule, le matin, de savoir que c'est un
médicament en usage depuis 45 ans parce que, comme vous le
savez peut-être, il arrive souvent qu'on découvre, pour des
médicaments qui sont sur le marché depuis quelques années, des
effets secondaires qui n'avaient pas été décelés chez les quelques
milliers de patients ayant été soumis à des essais cliniques.
|
| J'ai tout à fait confiance en ce médicament. C'est le plus
recommandé, ou peut-être le deuxième parmi les plus
recommandés, par les ordres professionnels des États-Unis et du
Canada.
|
| Le sénateur Keon: Je vais commencer avec le Dr Bhimji et
ramener la conversation à un élément que tout le groupe pourra
commenter.
|
| La Loi canadienne sur la santé a créé un système qui plaçait les
médecins dans les hôpitaux. En ce qui a trait aux médecins dans
les hôpitaux, il y a un certain degré de sécurité. Les gens sont
assez bien couverts; pas tous, mais la plupart.
|
| Quand on y regarde de plus près, on découvre qu'ils n'ont pas
une si bonne couverture. J'ai beaucoup d'expérience de la chose.
J'ai essayé de créer des programmes de prévention des maladies
cardiovasculaires sans avoir de financement à cette fin. Vous avez
pour concurrent une entreprise américaine qui s'installe en ville,
donne des cours de cuisine, engage des orateurs prestigieux et
obtient que les gens s'engagent et paient les frais.
|
| À l'autre bout du spectre, on a des cas de phase terminale et
des cas chroniques pour lesquels la couverture n'est tout
simplement pas adéquate. Tout médecin traitant vous racontera,
j'espère, les difficultés que connaissent maintenant les gens qui
obtiennent leur congé de l'hôpital. Pour commencer, ils ont des
soins à domicile, mais quand le nombre de visites auxquelles ils
ont droit se termine, ils doivent payer les frais. Beaucoup
d'institutions pour malades chroniques ne sont pas entièrement
financées par le gouvernement.
|
| Devrait-on généraliser ce fonctionnement? Le système
fonctionne essentiellement sur une base à 70 p. 100 publique et à
30 p. 100 privée. Devrions nous généraliser de manière que tout
soit financé à 70 p. 100 par des fonds publics et à 30 p. 100 par
des fonds privés?
|
| Le Dr Bhimji: Ce serait certainement une option.
|
| Je parle un peu au nom des employeurs quand je dis que le
système actuel ne fonctionne pas bien pour les employeurs. Ce
sont eux qui assument les coûts spécifiques dans l'ensemble du
système de santé. Par exemple, 70 p. 100 du coût des
médicaments est payé par les particuliers, et 30 p. 100 est payé
par différents régimes publics.
|
| Si nous en arrivions à un système qui établit que les coûts sont
répartis dans l'ensemble de la société, y compris les lieux de
travail, je serais d'accord à condition que nous définissions quelle
contribution incomberait à chaque partie et quels services seraient
assurés contre cette contribution.
|
| Il faut nous rappeler, comme M. Robinson l'a signalé tout à
l'heure, qu'il n'y a qu'un seul contribuable. Dans un sens, il n'y a
aussi qu'un seul consommateur.
|
| Peu importe le modèle qu'on applique, il faut surtout s'assurer
que nous ayons le financement suffisant pour assurer les services
que nous promettons. C'est le principe de base de l'assurance, que
cette assurance soit offerte par le secteur public ou par le secteur
privé.
|
| Comme on l'a déjà dit, ce qui me préoccupe avec le régime de
soins de santé actuel, c'est qu'il se défend mal du point de vue
actuariel. Les fonds ne suffisent pas pour ce qui est censé être
fourni aux Canadiens, et je vous ai donné des exemples précis de
situations où le système n'a pas fonctionné.
|
| Le président: Toutefois, ces situations sont en partie dues au
fait que les représentants du secteur public parlent toujours de
notre régime public d'assurance-maladie alors que ce que nous
avons réellement, c'est un régime public de financement des
hôpitaux et des médecins. Les termes généralement utilisés ne
correspondent pas à la réalité.
|
| Le Dr Bhimji: Au bout du compte, il faut se demander
combien d'argent on a et comment on utilisera cet argent. Je ne
conteste pas le point de vue du Dr Rachlis, qui veut augmenter
l'efficience du système, mais je crois qu'il est sous-financé, étant
donné ce que nous attendons, en tant que Canadiens, de notre
régime de soins de santé.
|
| C'est là-dessus que nous devrions nous concentrer, et non sur
les 9 p. 100 du PIB qui y sont consacrés ou autre chose du genre.
Nous devons décider quels services nous voulons, quels services
seront couverts et qui les couvrira, du secteur privé ou du secteur
public. Nous devons ensuite nous assurer qu'il y a une solution de
rechange pour les services que nous aurons choisi de ne pas offrir
dans le cadre du régime public.
|
| Le sénateur Keon: Michael, avant que vous répondiez à cela,
permettez-moi d'élargir un peu le contexte pour vous.
|
| Personnellement, en tant qu'administrateur, l'une des
frustrations que j'ai subies, c'est que je pouvais toujours créer de
nouveaux programmes puisque, comme le personnel l'Institut de
cardiologie est salarié, cela n'avait aucune répercussion sur le
salaire de nos médecins. Quand nous recrutons à l'extérieur, nous
nous faisons avoir, parce qu'il faut des années avant que d'autres
puissent utiliser le système de facturation de l'OHIP. Il n'y avait
aucun moyen de régler ce problème.
|
| Je vous présente une question à deux volets. Je voudrais que
vous répondiez d'abord à la question que j'ai posée au Dr Bhimji,
puis que vous traitiez de tout cet aspect de la rémunération des
médecins et de la manière dont nous pourrions surmonter cet
obstacle majeur au progrès.
|
| Le Dr Rachlis: Je répondrai brièvement à la première question,
afin que je puisse consacrer un peu plus de temps à votre
deuxième question.
|
| Pour reprendre ce que j'ai dit plus tôt au sujet du financement
public, je crois c'est plus efficient, que cela réduit les coûts
indirects et que c'est plus équitable. Il me semble que, plutôt que
d'envisager le paiement des services des hôpitaux et des médecins
par les particuliers, nous devrions examiner la promesse faite par
M. Chrétien en 1997, quand il a dit que les soins à domicile et les
médicaments seraient dorénavant financés par les fonds publics.
On aurait les mêmes avantages dans ce cas.
|
| Comme le Dr Lexchin l'a signalé, selon les exemples de
système mixte, public et privé, que nous avons au Canada pour
les médicaments, comme c'est le cas au Québec, ce changement
semble avoir engendré des milliers d'admissions supplémentaires
à l'hôpital et probablement quelques décès. Cela ne semble pas
être une solution avantageuse.
|
| En général, je crois que les avantages du financement public
font que nous devrions envisager une couverture encore plus
grande du régime public.
|
| Quant à savoir comment nous y prendre sur le plan logistique,
je ne me souviens pas des détails du livre de Malcolm Taylor. Je
pourrais vérifier cela, mais votre personnel pourrait le faire aussi.
Si je me souviens bien, quand nous avons adopté un régime
d'assurance-hospitalisation au Canada, puis d'assurance-maladie,
on a dû rajuster les impôts en conséquence parce que la plupart
des grandes sociétés payaient la cotisation de leurs employés.
Quand on a accru l'assiette du financement public, cela a donné
lieu à une certaine augmentation d'impôt.
|
| Je ne parlerais certainement pas au nom des grands employeurs
de notre pays, mais je crois que bon nombre d'entre eux seraient
probablement intéressés à faire un échange quelconque, parce que
la plupart d'entre eux paient probablement davantage,
actuellement, pour donner des avantages directs à leurs
travailleurs, qu'ils ne paieraient s'ils avaient à payer plus d'impôt
pour financer une régime gouvernemental.
|
| Généralement, dans ce genre de situations, ce sont les petits
employeurs, qui ne paient pas ces avantages, qui sont pris à la
gorge. Aux États-Unis, en fait, c'est la raison pour laquelle les
petits employeurs comptent parmi les principaux détracteurs d'un
régime public.
|
| Pour ce qui est de votre deuxième question, Dr Keon, au sujet
de la rémunération des médecins, je suis d'avis que, si nous
devons adopter les nouveaux modèles de prestation dont on parle
depuis des décennies, nous devons envisager de changer le mode
de rémunération des médecins pour que le reste des programmes
fonctionne mieux, et non pas seulement pour changer. Il y a deux
raisons à cela.
|
| Premièrement, certains programmes ne peuvent tout
simplement pas fonctionner si les médecins sont payés à l'acte.
Par exemple, au cours des 10 dernières années, des essais de
systèmes de soins et de contrôle pour les diabétiques, mis à l'essai
dans le cadre d'une étude sur le diabète faite au Royaume-Uni, et
d'autres expériences sur le contrôle du diabète ont montré que, si
nous passons d'un modèle de soins où le contact habituel des
patients est une infirmière travaillant avec l'appui d'une équipe de
médecins, diététiciens et autres spécialistes, comme il y en a dans
les cliniques du diabète que l'on trouve dans beaucoup de villes
canadiennes de nos jours et qui desservent une très petite minorité
des patients diabétiques, on effectue une meilleure surveillance.
Ainsi, le taux d'insuffisance rénale et d'autres complications
chute radicalement.
|
| Les médecins qui travaillent avec ce genre de programmes
jouent essentiellement un rôle de consultant, et leurs services sont
rémunérés différemment. On ne peut mettre en oeuvre les
nouveaux programmes dont nous avons besoin, surtout pour le
traitement de maladies chroniques, sans changer le mode de
paiement des médecins.
|
| La deuxième raison d'appuyer une modification du mode de
paiement du médecin, c'est que le paiement à l'acte est
extrêmement injuste pour les médecins. Les Canadiens
s'imaginent que l'assurance-maladie est le meilleur exemple de
l'équité propre au Canada, et que nous différons de nos cousins
américains parce que nous accordons tellement plus d'importance
au bien-être de nos semblables. C'est vrai que, par rapport aux
Américains, les Canadiens, riches ou pauvres, obtiennent des
soins de santé parmi les meilleurs du monde.
|
| Pour les médecins payés à l'acte, ce sont les meilleurs
médecins qui font le moins d'argent, et les pires qui en font le
plus. En Ontario, un médecin de famille peut travailler 70 heures
par semaine à faire tout ce qu'il faut, à rencontrer longuement ses
patients, à avoir de longues conversations téléphoniques, sans
jamais atteindre les 100 000 $ par année. C'est la réalité.
|
| Ce docteur regarde autour et voit d'autres médecins qui ne
travaillent que de 9 heures à 17 heures et qui voient 60 ou 80
patients, ou même plus. Au Nouveau-Brunswick, des études ont
montré que certains voyaient plus de 100 patients par jour. Une tel
médecin peut offrir de très mauvais soins et engendrer des coûts
élevés pour le système mais, en Ontario, celui-ci aurait un revenu
net de 250 000 $ ou 300 000 $ par année, deux fois et demie à
trois fois plus que son collègue consciencieux.
|
| Il y a un problème majeur au Canada. Les médecins canadiens
considèrent que le régime d'assurance-maladie est corrompu
parce qu'il récompense la mauvaise pratique médicale. Même au
sein d'une même spécialisation, les disparités sont immenses.
Bien sûr, dans le champ de la médecine, les gens ont essayé de
régler le problème des disparités. En général, les perdants, surtout
chez les chirurgiens pratiquant une sous-spécialisation - non pas
les chirurgiens cardiovasculaires, mais les
otorhino-laryngologistes, les ophtalmologistes et d'autres s'y
opposeront jusqu'à la mort. Les médecins qui en bénéficient ne
s'y opposeront pas fort.
|
| Comme la plupart d'entre vous le savent déjà, en Ontario, le Dr
John Wade a consacré deux années et demie à rédiger un
excellent rapport. Maintenant, comme tant d'autres, ce rapport
ramassera la poussière sur la tablette, parce qu'il ne propose pas
de solution aux disparités.
|
| Les Canadiens ne savent pas à quel point les incitatifs nuisibles
pour les médecins réduisent la qualité des soins offerts, ni que
cela entraîne des milliers de pertes de vie chaque année en raison
d'un mauvais suivi des maladies chroniques. Ils ne se rendent pas
compte que beaucoup de médecins sont traités injustement par le
système de paiement à l'acte. J'aimerais que le comité porte ces
questions à l'attention du public. On peut espérer que l'opinion
publique en sera quelque peu mobilisée et que cela entraînera des
changements.
|
| Le sénateur Keon: Dr Lexchin, voulez-vous formuler des
observations sur cette question?
|
| Le Dr Lexchin: Je serais heureux de le faire.
|
| Pour ce qui est du partage à 70 p. 100 contre 30 p. 100, je
signale que les 70 p. 100 de financement public au Canada nous
placent à la queue par rapport aux pays de l'OCDE. Le
financement public, dans les pays européens, est généralement
beaucoup plus élevé en pourcentage de l'ensemble des dépenses
en santé. En fait, au Danemark, je crois qu'il se situe autour de
92 p. 100.
|
| Le président: Ai-je raison de dire que les pays de l'OCDE
couvrent aussi plus de services?
|
| Le Dr Lexchin: Effectivement. Par ailleurs, à quelques
exceptions près, ils consacrent une moins grande part de leur PIB
à la santé.
|
| Nous devons nous demander si notre système ne serait pas
sous-financé. Qu'est-ce qu'on apprend des régimes européens? Si
nous envisageons d'étendre le partage public-privé à tous les
services, nous devons d'abord augmenter le pourcentage de
financement public. Quelqu'un a dit que nous devons nous
rappeler qu'il n'y a qu'un seul contribuable. Je suis d'accord,
mais quand on commence à ajouter du financement privé pour les
soins de santé, on doit se demander qui paie réellement.
|
| Plus les impôts servent à financer un régime public, plus le
régime est progressif. Autrement dit, les gens les plus riches sont
ceux qui paient, tandis que ceux qui ont le plus besoin des
services - généralement les pauvres - en bénéficient. Quand on
commence à ajouter des frais d'utilisation et du financement
privé, les moins nantis commencent à payer davantage pour leurs
soins de santé, parce que ce sont les plus gros utilisateurs.
|
| Quand on dit qu'il n'y a qu'un contribuable, il faut penser à la
manière dont on distribue l'argent. Un régime public est le régime
le plus efficace et le plus équitable comme moyen de distribution
de l'argent.
|
| J'ai fait quelques recherches dans le domaine du régime
d'assurance-médicaments. D'après les chiffres de 1996 pour les
médicaments d'ordonnance, nous avons payé quelque 6,6 ou
6,7 milliards de dollars par année en 1996, pour les médicaments
d'ordonnance. Cela ne comprend pas les honoraires du
pharmacien, les marges bénéficiaires ou d'autres frais. Si l'on se
tournait vers un régime entièrement public, la population
dépenserait davantage, probablement environ 3,1 milliards de
dollars de plus, mais on économiserait au bout du compte environ
600 millions de dollars par année sur le coût des médicaments
d'ordonnance.
|
| Cette plus grande efficience se réaliserait de deux manières:
premièrement, les coûts d'administration seraient moins élevés.
Les chiffres que j'ai vus laissent croire que les compagnies
d'assurance privées consacrent environ 8 p. 100 de l'argent
perçu aux coûts administratifs, contre 2 p. 100 dans le cas de
régimes comme le Programme de médicaments de l'Ontario. On
économiserait ainsi environ 100 millions de dollars par année en
frais d'administration. On économiserait aussi de l'argent parce
qu'on aurait un monopsone.
|
| Pour illustrer cela, prenons la différence entre les coûts des
médicaments au Canada et en Australie. Les deux pays ont des
régimes économiques semblables. Les deux pays ont des régimes
d'assurance-maladie semblables. En 1993 ou 1994, le prix moyen
pour les médicaments, en Australie, était de 30 p. 100 sous la
moyenne de l'OCDE. Au Canada, il était d'environ 30 p. 100
supérieur à cette moyenne. Cette différence était largement
favorable à l'Australie en raison de sa position en tant que
monopsone. Ce pays avait un seul programme
d'assurance-médicaments pour tout le pays et a donc pu réduire le
prix des médicaments.
|
| Le président: C'est pourquoi l'une des options que nous
proposons est un formulaire national. Seriez-vous d'accord avec
cela?
|
| Le Dr Lexchin: Je serais d'accord, absolument.
|
| Pour ce qui est du mode de rémunération des médecins, encore
une fois, si l'on se fie au secteur des médicaments d'ordonnance,
on a certains éléments qui laissent voir que les médecins qui ne
sont pas payés à l'acte offrent un meilleur service pour ce qui est
de prescrire des médicaments que ceux qui sont payés à l'acte.
|
| Je suis d'accord avec Michael pour dire que l'élimination du
système de paiement à l'acte serait avantageux sur le plan de la
qualité des soins. On peut offrir de meilleurs soins, je crois, avec
d'autres modes de paiement qu'avec le paiement à l'acte.
|
| Le sénateur Cordy: Dr Lexchin, vous avez parlé des sondages
réalisés. Pouvez-vous nous fournir ces données?
|
| Le Dr Lexchin: Quel sondage?
|
| Le sénateur Cordy: Je parle des sondages faits auprès des
Canadiens dont les résultats vont à l'appui du principe d'une
hausse des impôts plutôt que de l'imposition de frais d'utilisation.
|
| Le Dr Lexchin: Je vais essayer.
|
| Le président: Nous l'avons peut-être mentionné dans notre
premier rapport. J'ai certainement mentionné des sondages de ce
genre publiés dans les journaux. Si vous pouvez nous fournir de
nouveaux éléments, Joel, ce serait utile.
|
| Le sénateur Robertson: Quand on parle de passer du
paiement à l'acte à un système de postes salariés, combien de
temps faudrait-il?
|
| Je comprends tout à fait que ce que vous dites au sujet de
certains médecins qui ne passent que cinq minutes avec un patient
avant de se précipiter pour en voir un autre. Combien de temps
nous faudrait-il pour former un assez grand nombre de médecins
pour que le temps passé avec chaque patient puisse être plus long,
que les soins soient meilleurs et que la relation soit meilleure
entre le médecin et le patient?
|
| Le Dr Rachlis: Êtes-vous en train de me demander combien de
temps il faudrait pour former les médecins pour qu'ils puissent
travailler en fonction du nouveau modèle?
|
| Le sénateur Robertson: Non.
|
| Dans certaines régions du pays, il est impossible de trouver un
médecin de famille. Si vous avez la chance d'en avoir un, il vous
consacre trois ou quatre minutes entre deux autres consultations.
Si le médecin continue ainsi toute la journée et une partie de la
soirée, son revenu peut être assez important. Inversement, le
patient à qui le médecin consacre un temps de consultation plus
normal aura de très bons soins. Mais s'il n'y a pas assez de
médecins dans la région, combien de temps faudra-t-il pour
rattraper le retard, afin que le nombre de médecins disponibles
soit assez grand?
|
| Le Dr Rachlis: Si l'on ne change pas la façon dont on paie les
médecins et la façon ils traitent les gens, surtout dans le cas des
médecins de famille, nous n'aurons jamais le temps.
|
| Je tiens à dire respectueusement que je ne suis pas du tout
d'accord avec le collège des médecins et chirurgiens du Canada,
qui indiquait dans son rapport de la semaine dernière qu'il nous
faudrait 3 000 médecins de plus. Le Dr Ben Chan, de l'Institut de
recherche en services de santé, dont le siège est à l'hôpital
Sunnybrook de Toronto, a effectué une bonne étude, il y a environ
deux ans. Il avait alors constaté que, en seulement six ans, soit de
1991 à 1997, la proportion des médecins de famille de l'Ontario
qui ne faisaient aucune pratique en dehors de leur bureau avait
augmenté de 55 p. 100. Ces médecins n'assurent aucun service à
l'hôpital ou à domicile, pas de soins d'obstétrique ou de
traitements d'urgence ni rien d'autre.
|
| Le nombre de médecins de famille par habitants au Canada a
diminué d'environ 4 p. 100 au cours de la dernière décennie,
mais la courbe tend maintenant à remonter. Le nombre de
médecins de famille n'a pas beaucoup changé, mais ce qui a
radicalement changé, c'est que ceux-ci réagissent finalement à ces
incitatifs nuisibles. Il n'y a rien d'étonnant à ce que tellement
d'entre eux appliquent ce genre de méthode accélérée.
|
| Le vrai mystère est de savoir pourquoi tellement de dévoués
médecins de famille assurent encore de bons soins malgré les
inconvénients sur les plans financier et personnel, étant donné que
nous avons environ un médecin de famille, ou un équivalent plein
temps, pour 1 400 personnes, au Canada. Nous ne savons pas le
nombre exact, bien sûr, mais je peux vous signaler de nombreux
exemples de médecins de famille travaillant au sein d'une équipe
interdisciplinaire qui peut soigner 2 000 patients par mois, ou
même davantage.
|
| Le meilleur exemple que je puisse donner est le Dr Tony
Hamilton, à Beechy, en Saskatchewan, au nord de Swift Current.
Quand les autres médecins de famille de la localité sont partis, il
était sceptique à l'idée de travailler en plus étroite collaboration
avec les infirmières, mais il a essayé. Il travaille maintenant avec
trois infirmières spécialisées et le reste du personnel en soins à
domicile et en santé mentale, qui font partie des autorités du
district. À eux tous, ils traitent 4 000 patients. Il n'y a qu'un seul
médecin de famille. Ils ont aussi un registre des diabétiques à leur
programme. Ils assurent de bons soins. Si tous les médecins du
Canada étaient comme le Dr Tony Hamilton, il y aurait
10 000 médecins de famille en trop au pays.
|
| La solution au problème n'est pas de trouver plus de médecins
pour travailler dans ce système terriblement inefficace; la solution
est de modifier le système. Je crois que la plupart des médecins de
famille trouveraient les nouvelles pratiques beaucoup plus
enrichissantes sur le plan professionnel.
|
| Le sénateur Robertson: Ce qui importe surtout, c'est ce
mouvement d'entraînement vers une pratique multidisciplinaire.
|
| Le Dr Rachlis: Bien sûr. Il faut aussi que les spécialistes
travaillent différemment. Ils doivent agir davantage en tant que
consultants pour l'équipe des soins de base, et doivent intégrer
leur expertise dans ce type de pratique. Il se pourrait très bien
qu'on constate alors que le nombre de nos spécialistes est plus
que suffisant pour nous assurer de très bons soins de santé.
|
| L'envers de la médaille, c'est que, si nous ne modifions pas le
mode de paiement des médecins, si nous ne faisons pas en sorte
qu'ils travaillent en équipe, comme le Dr Keon le disait au sujet
de l'Institut de cardiologie, nous pourrions ajouter 30 000 médecins et nous aurions toujours de nombreuses
lacunes.
|
| Le sénateur Robertson: Merci de revenir là-dessus.
|
| Le président: Juste pour insister sur ce que vous venez de dire,
nous avons entendu des témoignages la semaine dernière selon
lesquels il y aurait 195 ou 295 - je ne parviens pas à me rappeler
du chiffre - infirmières diplômées et ayant toute la formation
voulue qui sont incapables de pratiquer en Ontario en raison des
règles de formation sur le cadre des fonctions. Cela confirme
absolument tout ce que vous venez de dire, en y ajoutant un
chiffre.
|
| Le Dr Rachlis: Je crois que l'Ontario a l'une des législations
les plus progressistes quant au permis de travail des infirmières.
|
| Le véritable enjeu est plutôt le fait que le gouvernement de
l'Ontario n'a pas insisté sur le recours à des équipes
interdisciplinaires en raison de la stratégie appliquée pour la
réforme des soins de santé primaires.
|
| Comme vous pourrez l'entendre cet après-midi de la bouche de
M. Gary O'Connor, il y a jusqu'à 50 localités ontariennes qui
aimeraient avoir un centre de santé communautaire
interdisciplinaire, mais le gouvernement de l'Ontario ne donne
pas suite à leur désir. Nombre d'entre nous craignons fort que la
stratégie des soins de santé primaires ne fonctionnera pas pour les
patients, et ne fonctionnera pas très bien pour les médecins non
plus.
|
| Le président: Je vous remercie tous d'être venus.
|
| La séance est suspendue.
|
| La séance reprend.
|
| La vice-présidente: Sénateurs, nos premiers témoins de
l'après-midi représentent l'Association des consommateurs du
Canada (ACC) et l'Ontario Association of Optometrists. Je
souhaite la bienvenue à Jean Jones, présidente du Comité sur la
santé, et à Mel Fruitman, président, Association desconsommateurs du Canada, de même qu'au Dr Joseph Chan,
président de l'Ontario Association of Optometrists.
|
| M. Mel Fruitman, président, Association desconsommateurs du Canada: Je vous remercie d'avoir invité
l'Association des consommateurs du Canada à comparaître devant
le comité pour apporter à votre étude de l'état du système de soins
de santé du Canada le point de vue des consommateurs.
|
| L'ACC est un organisme bénévole indépendant sans but lucratif
vieux de 52 ans et doté d'un bureau national à Ottawa et de
sections dans les provinces et les territoires. Nous avons pour
mandat d'éclairer et d'éduquer les consommateurs sur les
questions relatives au marché, de défendre les consommateurs
auprès du gouvernement et de l'industrie et, enfin, de collaborer
avec le gouvernement et l'industrie à la recherche de solutions
bénéfiques aux problèmes liés au marché.
|
| L'ACC axe ses travaux sur les domaines de la santé, de
l'alimentation, du commerce, des normes, des services financiers,
des services de communication et d'autres problèmes liés au
marché au fur et à mesure qu'ils se présentent.
|
| Les politiques que nous adoptons relativement à des enjeux
précis s'intègrent dans un ensemble de principes généraux axés
sur les consommateurs. Huit principes de cette nature guident les
associations de consommateurs des quatre coins du monde. Parmi
ceux-ci, mentionnons le droit de choisir, la sécurité, l'information
et un environnement sain. Le document ci-joint, soit l'énoncé de
principes de l'ACC sur les consommateurs et les soins de santé,
repose sur ces principes.
|
| Pendant plus d'une décennie, les délégués à notre assemblée
générale annuelle ont fait des soins de santé un enjeu prioritaire
pour les consommateurs. À ce titre, l'association devrait s'y
intéresser au cours de l'année à venir. Chaque année, l'enjeu
présente un défi plus critique.
|
| Mme Jean Jones, présidente du comité sur la santé,
Association des consommateurs du Canada: En 2001, les
consommateurs membres de l'ACC ont accordé la plus haute
priorité aux mesures prises pour inclure les soins à domicile et
l'assurance-médicaments dans les paramètres de la Loicanadienne sur la santé. À la suite de la transformation des
traitements et des soins nécessaires, qui étaient offerts dans des
milieux hospitaliers assurés et qu'on dispense maintenant dans
des milieux communautaires non assurés, les particuliers et leur
famille assument un fardeau financier lourd - et souvent
accablant - à une période de grande vulnérabilité, en raison de la
perte de revenu du patient ou du soignant familial au moment
même où ils doivent faire face au stress dont s'accompagne la
maladie.
|
| Il est admis que, dans de nombreux cas, les soins à domicile
sont la solution privilégiée ou faisable simplement parce que la
pharmacothérapie peut être administrée à l'extérieur de l'hôpital.
Cette dépendance de l'option axée sur les soins à domicile à
l'égard de la disponibilité de médicaments montre bien qu'il est
urgent de mettre simultanément en place un programmed'assurance-médicaments, afin que les personnes qui assurent des
soins à domicile soient en mesure de fournir les soins de santé du
niveau requis au moment où le besoin s'en fait sentir.
|
| L'offre de soins à domicile et d'une assurance-médicaments
dans le système public de soins de santé s'est révélée l'un des
aspects fructueux du système de soins de santé britannique.
|
| Certes, l'introduction de programmes publics de soins à
domicile et d'assurance-médicaments assurés aurait une incidence
sur les coûts des systèmes de santé. Pourtant, au fil du temps, ils
se révéleraient efficients en accélérant le cheminement des
patients dans le coûteux réseau hospitalier, ce qui entraînerait une
réduction des listes d'attente et des pressions qui s'exercent en
faveur de l'agrandissement d'installations à coûts très élevés.
|
| Du point de vue des consommateurs, la principale carence des
initiatives gouvernementales de fermeture d'hôpitaux et de lits au
cours des dernières décennies a été le fait qu'on n'a pas, avant
d'entreprendre la rationalisation, mis en place un programme
adéquat de soins à domicile. Il en est résulté des listes d'attente et
des goulots d'étranglement coûteux.
|
| Nos prochains commentaires porteront sur des questions
soulevées dans notre rapport.
|
| Les consommateurs insistent sur le rôle joué par legouvernement fédéral dans le domaine de la protection de la santé
et attachent une grande importance à l'obligation que le
gouvernement fédéral a de procéder à une vérification exhaustive
et poussée de l'innocuité des médicaments et des appareils
médicaux avant qu'ils ne soient mis en marché de même que
d'assurer le contrôle de leur fiche de sécurité en cours
d'utilisation. Les consommateurs comptent également sur le
gouvernement fédéral pour jouer un rôle important dans le
domaine de l'élaboration de normes capables d'assurer un
environnement sûr et une eau potable aux quatre coins du pays.
|
| Par ailleurs, les consommateurs sont d'accord avec la définition
donnée dans le rapport de la nécessité de modifier la prestation
des soins primaires. La réussite au chapitre du transfert des
traitements et des soins des hôpitaux vers la collectivité et les
foyers sera fonction de modifications structurelles qui assureraient
aux consommateurs des services de consultation professionnelle
24 heures sur 24, sept jours sur sept.
|
| Dans certaines collectivités, les cliniques communautaires et les
organismes de services de santé répondent aux besoins en soins
primaires des consommateurs en facilitant l'accès aux services
offerts par des professionnels de la santé compétents, outre les
médecins. Cependant, l'absence d'accès opportun à des services
de santé nécessaires et les listes d'attente demeurent des
problèmes universels.
|
| En ce qui concerne la loi canadienne sur la santé, les
consommateurs continuent de soutenir fermement les principes
énoncés dans la loi et aimeraient que les intéressés aient la
volonté politique d'imposer de sévères conséquences à ceux qui
ne les respectent pas.
|
| Selon les consommateurs, le gouvernement fédéral pourrait
également jouer un rôle plus grand au chapitre de l'établissement
de normes nationales, à la fois mesurables et justifiables, de
l'allocation de ressources pour l'exhaustivité et l'équité et, enfin,
de la surveillance des comptes rendus afin de pouvoir faire
rapport aux contribuables-consommateurs.
|
| Tant et aussi longtemps que les provinces continuent d'assurer
la prestation de services, on doit les contraindre à dispenser les
services de façon uniforme dans tout le pays et à assurer
l'accessibilité des services à tous les Canadiens, tout en rendant
des comptes à l'égard de leur rendement en regard des
responsabilités qui leur échoient.
|
| Dans l'analyse de l'interdiction de la surfacturation qui figure
dans le rapport, on met en doute l'équité de la mesure qui
empêche des particuliers d'acheter les services. Les critiques de la
surfacturation - dont l'ACC fait indubitablement partie - voit
cependant l'opération comme l'achat du privilège d'accéder au
service tandis que le service lui-même est facturé au régime
d'assurance-maladie. Cependant, rien n'empêche des particuliers
de faire l'achat de services lorsque la transaction s'effectue
entièrement en marge du régime d'assurance-maladie.
|
| Dans l'étude des inconvénients et des avantages d'un régime
privé fonctionnant en parallèle avec l'assurance-médicaments, les
consommateurs ont tenu compte de l'exemple d'une situation du
genre en Grande-Bretagne, où ils ont constaté une profonde
érosion de la capacité du réseau public et la présence de listes
d'attente nettement plus longues que celles qu'on trouve au
Canada.
|
| Un autre exemple des effets délétères sur les consommateurs du
paiement à titre privé de services publics figure dans le rapport
«Canary» produit par la section albertaine de l'ACC. Dans ce
rapport, on documente l'allongement des listes d'attente pour le
traitement des cataractes dans le réseau public des villes où des
services privés de rechange sont offerts par les mêmes médecins.
|
| Par comparaison, l'introduction du registre cardiaque en
Ontario constitue un exemple d'impact positif sur lesconsommateurs, soit une meilleure gestion, illustrée par la
diminution des listes d'attente dans le domaine des soins
cardiaques.
|
| Il apparaît évident que des manifestations d'une médecine à
deux vitesses se font déjà sentir au Canada. Il suffit de comparer
la situation d'un travailleur qui subit une blessure en cours
d'emploi et celle de son voisin, qui fait lui aussi partie de la
population active, mais se blesse à la maison. Le premier
bénéficiera vraisemblablement d'un accès accéléré aux services
de traitement et de réadaptation en raison des conventions d'achat
que les commissions des accidentés du travail sont en mesure de
conclure.
|
| Le consommateur qui souhaite comprendre le fonctionnement
du système bénéficie d'un avantage le moment venu d'accéder à
des services, ce qui justifie les efforts constants que déploiel'ACC pour faire la promotion de moyens de sensibiliser les
consommateurs à leurs droits et à l'exercice de ces derniers dans
le système de soins de santé.
|
| En ce qui concerne le financement, nous avons été déçus de
constater que le rapport, une fois de plus, propose qu'on étudie le
recours à un ticket modérateur comme solution aux problèmes liés
au financement - particulièrement à la lumière des études qui
ont montré à de nombreuses reprises l'impact négatif qu'une telle
mesure aurait sur les aînés économiquement vulnérables et sur les
petits salariés en limitant l'utilisation qu'ils feraient de services de
santé nécessaires. Jusqu'ici, l'ACC n'a trouvé encore aucune
preuve convaincante des avantages du ticket modérateursusceptible de lui faire modifier la position qu'elle maintient
depuis longtemps à ce chapitre, à savoir le rejet du recours au
ticket modérateur dans le système d'assurance-maladie.
|
| Dans le rapport, on laisse entendre qu'on doit établir des
mécanismes de sensibilisation des particuliers au coût de leurs
soins pour le régime d'assurance-maladie, ce qui est conforme
aux propositions faites par l'ACC au début des années 70, selon
lesquelles les consommateurs devraient recevoir un relevé des
dépenses effectuées en leur nom par le régime d'assurance-maladie. Une telle procédure permettrait également au particulier
de vérifier s'il a bel et bien reçu les services qui ont été facturés
au régime, à telle enseigne que les soins facturés seraient justifiés.
|
| On a invoqué le coût prohibitif de la mise en oeuvre d'une telle
procédure et l'incapacité des réseaux hospitaliers d'assigner des
coûts individuels pour rejeter la proposition. Ces objections
demeurent peut-être valables si, malgré l'informatisation des
systèmes, les frais administratifs demeurent élevés par rapport aux
avantages.
|
| Les options avancées dans le rapport pour favoriser la réduction
du coût des médicaments, nommément, un formulaire national
des médicaments, prescrivant l'utilisation de médicaments
efficaces aux effets thérapeutiques équivalents proposés à moindre
coût et le maintien de l'interdiction de la publicité auprès desconsommateurs des médicaments d'ordonnance - sont tout à fait
conformes aux politiques traditionnelles de l'ACC.
|
| Parmi les autres suggestions faites par les consommateurs pour
réduire les coûts sans cesse croissants des médicaments, citons
l'évaluation de la rentabilité dans le cadre de la procédure
d'homologation de nouveaux médicaments, une surveillance
efficace des médicaments après leur mise en marché pour
déterminer ceux qui ont des effets secondaires tels qu'ils exigent
des traitements en salle d'urgence, des visites chez le médecin ou
des hospitalisations - autant de facteurs qui entraînent des coûts
pour le système, l'accélération du mécanisme d'approbation des
médicaments génériques bioéquivalents à prix moins élevés et le
contrôle plus rigoureux de la publicité des médicaments en vente
libre.
|
| En ce qui concerne la recherche, les consommateurs sont
conscients de l'importance du rôle que le gouvernement fédéral
joue au chapitre du financement adéquat de la recherche de même
que de l'obligation qu'il a de réaffirmer sa position à titre de
principal bailleur de fonds pour la recherche en santé. Il sera ainsi
en mesure de veiller à ce que la recherche soit menée dans les
domaines d'intérêt public. Les consommateurs prisent larecherche qui contribue à la réduction des coûts socio-économiques pour les particuliers tout autant que pour le système
de soins de santé.
|
| Les consommateurs estiment également qu'on doit mener une
campagne de sensibilisation des Canadiens à la recherche en
génétique, au clonage animal et à la recherche sur les embryons,
par exemple, ainsi qu'on le propose dans le rapport. Les
consommateurs jugent qu'il est de la plus haute importance que la
campagne soit menée par un organisme objectif et crédible doté
de ressources adéquates et tenu de justifier l'utilisation des deniers
publics.
|
| L'ACC soutient depuis longtemps que les consommateurs
doivent être bien éclairés pour pouvoir participer à la prise de
décisions sur les questions liées à la santé qui les concernent à
titre personnel ou collectif.
|
| Je vous remercie de votre attention, et nous sommes impatients
de débattre de ces questions avec vous.
|
| Le Dr Joseph Chan, président, Ontario Association ofOptometrists: Madame la présidente, sénateurs, je tiens, au nom
de l'Ontario Association of Optometrists, à vous manifester notre
profonde reconnaissance pour l'occasion qui nous est donnée de
comparaître devant vous aujourd'hui.
|
| Nous sommes heureux de vous faire part de notre point de vue
sur le débat national pour la prestation des soins de santé au
Canada.
|
| L'Ontario Association of Optometrists (OAO) est uneassociation professionnelle qui représente les plus de 1 000
optométristes qui exercent leur profession en Ontario. De façon
générale, on considère les optométristes comme les principaux
fournisseurs de soins oculaires dans la province. À ce titre, nous
avons des perspectives uniques sur la prestation des soins
oculaires et de la vue en Ontario.
|
| Dans notre exposé d'aujourd'hui, j'espère aborder quelques
enjeux clés analysés dans le volume 4 du rapport de votre comité,
qui revêt une importance toute particulière pour les optométristes
et leurs patients.
|
| L'OAO se joint au comité pour soutenir les principes axés sur
les patients définis dans la Loi canadienne sur la santé,
nommément l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité et latransférabilité.
|
| Nous sommes également favorables à l'idée d'une «charte des
droits» des patients dans laquelle ces valeurs seraient mieux
articulées. Bien que nous soyons favorables à ces principes, nous
pensons que, dans ce cadre, des changements sont nécessaires et
possibles.
|
| Nous sommes tout à fait d'accord avec la proposition faite par
le Forum national sur la santé de 1997, soit que le régime public
soit réorienté en fonction des soins et non pas du lieu. À cela,
nous aimerions ajouter que le régime public devrait être axé sur
les services, et non sur les fournisseurs.
|
| L'OAO est d'avis que les dispositions législatives actuelles de
la Loi canadienne sur la santé font obstacle à l'utilisation de
services dispensés par des non-médecins, en raison de l'exclusion
de ces derniers. En d'autres termes, le financement semble biaisé
au profit des médecins et des hôpitaux.
|
| Nous serions favorables à la modification de la définition des
services «médicalement nécessaires» au sens de la Loi canadienne
sur la santé, de manière qu'elle s'applique aux services jugés
nécessaires à l'amélioration ou au maintien de la santé du patient,
et indépendamment du fournisseur.
|
| En ce qui concerne les soins oculaires primaires, les écarts
entre provinces au titre de l'assurance des services de diagnostic
offerts par des optométristes ont eu pour effet de freiner l'accès
des patients aux soins optométriques. Dans certaines provinces,
on n'assure pas tous les services médicalement nécessaires offerts
par des optométristes. À leur place, on oriente les patients vers
des établissements et des spécialistes assurés aux fins de la
prestation de services oculaires primaires qui auraient pu être
offerts de façon plus efficiente, de façon plus locale et
habituellement de façon plus rapide par des optométristes.
|
| Mieux répartis sur le territoire géographique, les optométristes
bénéficient de la formation, de l'expérience et du matériel voulus
pour assurer ces services de santé nécessaires. En permettant aux
optométristes de fournir des services assurés, on allégerait le
fardeau qu'assument aujourd'hui les salles d'urgence, lesophtalmologistes et les médecins de famille, sans parler des
patients qui doivent se déplacer et attendre dans l'inconfort la
prestation des services par un fournisseur assuré.
|
| Dans votre plus récent rapport, vous avez admis qu'il arrive
souvent que les services de santé ne soient pas coordonnés et
qu'ils ne soient pas offerts par le praticien le plus approprié. On
n'utilise pas pleinement les connaissances et les compétences de
nombreux praticiens, en particulier les optométristes.
|
| À titre d'exemple, le droit des optométristes de prescrire des
médicaments pour le traitement de maladies de l'oeil varie selon
les provinces et les territoires. Bien que les optométristes
bénéficient d'une formation complète dans les domaines de la
pharmacologie et de l'utilisation adéquate des médicaments pour
le traitement des maladies oculaires, seulement cinq provinces et
un territoire les autorisent aujourd'hui à fournir de tels services.
|
| Les quatre principes axés sur les patients définis par le comité
sont compromis dans les provinces qui imposent les attributions
les plus sévères - notamment l'Ontario -, puisque les patients
n'ont pas accès au même niveau de soins. En Ontario, les
optométristes doivent aiguiller les patients vers un médecin qui
leur remettra une ordonnance, ce qui entraîne des dépenses
additionnelles pour le système et des retards dans le traitement.
|
| Pour assurer l'utilisation la plus efficace possible desressources, on devrait permettre à tous les professionnels de la
santé d'exploiter pleinement leur formation professionnelle
reconnue. Nous encourageons le Sénat à faire une priorité
d'inciter les gouvernements provinciaux à adopter les
modifications nécessaires pour que les praticiens en question
puissent offrir l'éventail complet de services qu'ils sont habilités à
offrir.
|
| En outre, l'OAO est d'accord avec la proposition du comité
selon laquelle on devrait s'éloigner de la structure hiérarchique
existante pour s'orienter vers une approche de type «spectral», en
vertu de laquelle tous les fournisseurs de services de santé sont
reconnus pour leurs points forts, mieux déployés et plus
adéquatement valorisés. Par ailleurs, l'OAO est d'avis qu'on doit
entreprendre une planification à long terme des ressources en
santé au niveau national, dans une perspective globale.
|
| En ce qui concerne la planification future des soins de santé,
nous sommes d'accord avec la notion de réforme des soins
primaires avancée par le comité. La réforme s'appuiera sur les
principes suivants: les soins sont concertés, accessibles à tous les
consommateurs et offerts par des professionnels de la santé qui
possèdent les compétences voulues pour répondre aux besoins des
particuliers et des collectivités. En outre, on rendra des comptes
aux citoyens locaux par le truchement de la gouvernance
communautaire.
|
| Dans la mise en oeuvre de ces réformes, cependant, on devra
s'assurer que les efforts des fournisseurs de services de santé sont
adéquatement rétribués. Si le financement peut être rationalisé, on
ne devrait pas parvenir à des gains d'efficience au détriment des
fournisseurs. On doit miser sur un financement adéquat pour
soutenir le système, encourager la poursuite d'études et retenir les
nouveaux praticiens au pays.
|
| L'OAO admet également les défis uniques liés à la prestation
de soins de santé à la population autochtone. Relativement à bon
nombre de maladies oculaires qui menacent la vue, par exemple
la rétinopathie diabétique, il s'agit d'un groupe particulièrement à
risque.
|
| Consciente de l'existence d'un besoin en services non satisfait,
l'OAO est disposée à travailler à la mise en place de stratégies
relatives à la santé de cette population ayant pour butl'établissement d'une approche plus multidisciplinaire et mieux
concertée pour joindre les membres de ce groupe.
|
| En résumé, l'OAO a formulé huit recommandations.Premièrement, on devrait financer les services, et non les
fournisseurs ni les lieux. Deuxièmement, on devrait supprimer les
aspects partiaux des définitions de services assurés, lesquels ont
pour effet de restreindre l'accessibilité. Troisièmement, on devrait
supprimer tous les obstacles à la prestation créative et efficiente
de services de santé. Quatrièmement, on devrait encourager le
recours à des fournisseurs de soins de santé autres que des
médecins, notamment lorsqu'il est établi que de telles mesures
seraient rentables et amélioreraient l'accessibilité tout en réduisant
les listes d'attente. Cinquièmement, on devrait exploiter
pleinement les connaissances et les compétences des fournisseurs
de soins de santé. Sixièmement, on devrait adopter une approche
de type «spectrale» de la planification des ressources humaines en
santé. Septièmement, la réforme des soins primaires devrait
comprendre la coordination et l'intégration des fournisseurs autres
que les médecins. Enfin, le gouvernement fédéral a l'obligation
d'accroître le financement des soins oculaires aux Autochtones du
Canada et d'en coordonner la prestation.
|
| Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de
vous faire part de nos réflexions sur ces questions importantes.
|
| Votre comité s'est attelé à une tâche énorme, mais on doit déjà
considérer vos efforts, dans la mesure où ils favorisent un débat
utile sur les soins de santé au Canada, comme une réussite.
|
| La vice-présidente: Madame Jones, j'aimerais clarifier un
point. Le comité ne propose pas l'imposition d'un ticket
modérateur. On a étudié le ticket modérateur dans le cadre de nos
délibérations. Je tenais simplement à préciser aux fins du compte
rendu que le comité ne propose pas le recours au ticket
modérateur. Ce n'est pas le cas.
|
| Nous ne pouvions pas aborder la question sans tout mettre sur
la table à des fins de discussion, et c'est ainsi que nous avons
procédé.
|
| Le sénateur Callbeck: Docteur Chan, vous avez déclaré que,
dans cinq provinces, les optométristes pouvaient prescrire des
médicaments. Quelle raison les provinces qui l'interdisent
invoquent-elles?
|
| Le Dr Chan: À ce propos, je profite de l'occasion pour
préciser, à titre d'information, que tous les États des États-Unis
autorisent également les optométristes à prescrire des
médicaments.
|
| Dans bon nombre des autres provinces, le mouvement en
faveur de l'habilitation des optométristes à prescrire des
médicaments ne remonte qu'aux trois à cinq dernières années.
|
| À l'heure actuelle, en Ontario, l'Ontario Association of
Optometrists a soumis une proposition au gouvernement, et nous
travaillons de concert avec le ministère de la Santé dans l'espoir
que l'Ontario emboîte le pas aux autres provinces.
|
| Je ne crois pas qu'il y ait de raison précise qui explique la
situation actuelle. Je pense qu'on peut l'imputer en partie au
processus politique dans chacune des provinces.
|
| Le sénateur Callbeck: Quelles sont les cinq provinces en
question?
|
| Le Dr Chan: L'Alberta, la Saskatchewan, le Québec, le
Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse; quant au territoire, il
s'agit du Yukon.
|
| Le sénateur Callbeck: J'ai noté deux ou trois choses dans le
mémoire de l'Association des consommateurs du Canada.
|
| Vous avez dit que les travailleurs bénéficient d'un traitement
préférentiel grâce à la Commission des accidents du travail.
Dois-je comprendre que vous n'êtes pas d'accord?
|
| Mme Jones: Eh bien, nous avons un peu de mal à comprendre.
Si l'objectif consiste à permettre au travailleur de réintégrer le
marché du travail le plus rapidement possible, pourquoi le
travailleur qui se blesse à la maison n'est-il pas admissible aux
mêmes soins que celui qui subit une blessure analogue au travail?
Comme nous prétendons que l'équité du système des soins de
santé est l'un des principes fondamentaux, la situation nous
apparaît comme une anomalie.
|
| Le sénateur Callbeck: Je ne suis pas en désaccord avec vous.
Je tenais simplement à confirmer votre position.
|
| Vous avez également proposé que les consommateurs reçoivent
un état des dépenses effectuées en leur nom par le régime
d'assurance-maladie. Savez-vous si l'expérience a été tentée
ailleurs et si elle a donné de bons résultats?
|
| Mme Jones: Non. J'essaie de me reporter aux années 70,
époque à laquelle nous avons préparé nos propositions, et de me
souvenir si nous nous étions ou non appuyés sur des exemples.
M. Fruitman me dit qu'on dispose peut-être de données de ce
genre en Alberta, mais je pense que c'est relativement récent.
|
| Le sénateur Callbeck: Je pense que la Saskatchewan l'a fait à
une certaine époque. J'ignore pourquoi elle n'a pas continué.
|
| Mme Jones: C'est l'impression que j'avais au sujet de
l'Alberta aussi - qu'on avait renoncé en raison des frais
d'administration élevés.
|
| Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne les propositions
faites par les consommateurs pour réduire les coûts croissants des
médicaments, vous avez fait notamment allusion à un contrôle
plus sévère de la publicité sur les médicaments en vente libre.
Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
|
| Mme Jones: Il faudrait qu'on précise de façon plus claire les
effets secondaires éventuels des médicaments en vente libre parce
que, lorsque les consommateurs prennent de tels médicaments, ils
n'ont pas le bénéfice d'un professionnel qui les conseille. On va
donc leur fournir tous les renseignements pertinents.
|
| Dans un examen de la publicité, nous avons constaté un
déséquilibre entre les promesses de l'efficacité et la présentation
des effets secondaires possibles et de la mise en garde des
consommateurs contre les conséquences nuisibles du médicament
s'il est pris de concert avec d'autres.
|
| Depuis longtemps, l'ACC s'efforce d'obtenir que lesmédicaments en vente libre soient assortis d'étiquettes complètes
et éclairantes.
|
| Le sénateur Callbeck: En d'autres termes, vous avez le
sentiment que, dans certains cas, les consommateurs, s'ils étaient
informés adéquatement, n'achèteraient pas les médicaments en
question, ce qui entraînerait une réduction du coût desmédicaments?
|
| Mme Jones: Exactement. De plus, comme nous l'avons déjà
indiqué, il arrive que les effets secondaires nuisibles entraînent
des hospitalisations coûteuses et, à tout le moins, un
consommateur qui se sent fort mal.
|
| La vice-présidente: Je veux poser une brève question
supplémentaire en rapport avec un point soulevé par le sénateur
Callbeck relativement au témoignage que nous avons entendu
plus tôt aujourd'hui.
|
| L'Association des consommateurs du Canada s'est-elleintéressée de près à l'idée que les consommateurs reçoivent des
états des dépenses dans le contexte des nouvelles technologies?
Pour le gaz, nous obtenons des relevés détaillés et ventilés, et je
me demandais simplement si l'association était revenue sur cette
question?
|
| Mme Jones: Non, pas encore, mais c'est ce qui explique que
l'on fasse preuve de prudence dans la promotion de cette idée à
titre de solution possible.
|
| Si on avait adopté le principe au moment où nous l'avons
proposé dans les années 70, le système, je crois, se serait adapté,
et le problème des frais d'administration élevés ne se poserait
plus. On devrait étudier la question plus à fond.
|
| La vice-présidente: On semble postuler que le système, parce
qu'il n'aurait pas fonctionné à l'époque, ne fonctionnerait pas
aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un postulat
fondé.
|
| Mme Jones: Non. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait
revenir sur la proposition dans le contexte des systèmes
informatisés.
|
| La vice-présidente: Ainsi, les citoyens sauraient que les soins
de santé ne sont pas gratuits.
|
| Mme Jones: C'est l'un des aspects importants. De la même
façon, l'organisme qui assume les coûts des prestations aurait
l'assurance que les services à l'égard desquels un remboursement
est demandé ont bel et bien été fournis.
|
| Récemment, un consommateur ontarien a éprouvé de grandes
difficultés à faire comprendre que le médecin avait facturé des
services poussés qu'il n'avait pas reçus.
|
| La vice-présidente: Exactement. Je vous remercie.
|
| Le sénateur Robertson: En ce qui concerne vos
préoccupations touchant l'utilisation inadéquate des médicaments,
je pense qu'on peut y voir une preuve de plus de l'importance que
revêt l'adoption d'une approche interdisciplinaire du
consommateur.
|
| On peut penser que le pharmacien est le mieux placé pour
fournir d'importants conseils au sujet des médicaments. Par
ailleurs, il semble que bon nombre de médecins - en particulier
les médecins de famille - n'ont pas le temps d'expliquer les
effets secondaires. Je pense que nous allons devoir étudier cette
question avec le plus grand soin.
|
| J'aimerais maintenant passer à une autre préoccupation que
certains d'entre nous nourrissons depuis un certain temps. Votre
association a-t-elle déjà mesuré la qualité de l'évaluation des
nouveaux médicaments que fait le ministère de la Santé? Par
rapport à d'autres administrations, il semble bien que le processus
soit long et que l'homologation de certains de ces produits se
fasse de façon alambiquée, même si nous tenons, c'est certain, à
ce que le travail soit bien fait.
|
| De temps à autre, les données laissent entendre que cette
division du ministère de la Santé doit être secouée - pas pour la
rapidité d'exécution en particulier, mais plutôt pour le genre
d'essai qu'elle effectue.
|
| Il est difficile, nous le savons, de se tenir au courant des
percées les plus récentes dans le domaine des essais et de
l'homologation des médicaments. J'ignore si les fonctionnaires
concernés ont la possibilité de suivre des cours de formation
permanenteadditionnels pour assurer aux Canadiens le niveau de confiance
qu'ils exigent.
|
| Mme Jones: L'Association des consommateurs du Canada n'a
pas réalisé d'études portant particulièrement sur cette question.
Cependant, nous avons été associés aux audiences sur le
processus de transition et les modifications apportées à l'ancienne
Direction générale de la protection de la santé.
|
| À la lumière des commentaires issus des consommateurs, nous
avons eu l'impression que la confiance n'était pas au rendez-vous.
Je pense que le moment est une fois de plus venu de déterminer si
les modifications apportées et les ressources accrues allouées au
programme d'évaluation ont fait bouger les choses.
|
| L'absence de confiance a été le résultat le plus impressionnant
des consultations menées auprès des consommateurs. L'ACC a
pour sa part soutenu que le processus d'évaluation devait porter
principalement sur la sécurité, et non sur l'accélération de la
procédure d'homologation. Nous savons qu'il existe des groupes
de consommateurs aux prises avec des problèmes diagnostics
précis qui militent en faveur d'une homologation plus rapide des
nouveaux médicaments. Cependant, nous nous sommes dits
d'avis qu'il ne fallait pas sacrifier l'innocuité au profit de la
rapidité de la procédure d'homologation.
|
| Les consommateurs sont tout à fait conscients du fait que la
mise en marché rapide des nouveaux médicaments permet aux
compagnies pharmaceutiques d'engranger plus de profits. Ils
savent également qu'une telle situation entraîne des coûts
additionnels pour le système.
|
| Nous devons nous demander si l'efficacité des nouveaux
médicaments surpasse celle de médicaments analogues déjà en
vente parce que, trop souvent, ce sont les consommateurs
canadiens qui assument eux-mêmes le coût de leurs médicaments.
Ils sont très conscients des coûts; c'est pourquoi nous formulons
de si nombreuses propositions visant la réduction des coûts.
|
| Le sénateur Robertson: Si nous pouvions nous orienter vers
un programme d'assurance-médicaments décent qui éviterait aux
consommateurs d'assumer des coûts excessifs et obtenirl'assurance des soins communautaires et des soins à domicile
plutôt que de ceux qui sont dispensés dans des hôpitaux de type
hôtelier, on contribuerait à faire bouger les choses.
|
| Croyez-vous que nous pourrions le faire dans le cadre actuel de
la Loi canadienne sur la santé? Comment pourrions-nous assumer
les coûts d'un tel changement?
|
| Pensez-vous que nous pourrions réaliser des économies
suffisantes pour faire les frais de ces programmes en
perfectionnant la prestation des soins? Pensez-vous au contraire
que les Canadiens devront se résigner à une forme de - je
n'aime pas l'expression «ticket modérateur» - mécanisme de
participation, du moins à partir de certains seuils de revenu?
|
| Nos gouvernements nous disent qu'ils n'ont plus d'argent et
qu'ils ne peuvent pas investir massivement dans le système. L'un
des problèmes auxquels nous sommes confrontés consiste, je
suppose, à voir si nous pouvons réaliser des économies suffisantes
en faisant les choses autrement ou si nous devrons faire appel à
d'autres moyens - un mélange d'autres solutions.
|
| Mme Jones: Nous répondrions qu'il est difficile de le
déterminer avant d'avoir mis les solutions à l'essai.
|
| Dans ce contexte, le régime d'évaluation des médicaments
devrait assumer des responsabilités beaucoup plus lourdes, de
sorte que nous puissions nous assurer de son fonctionnement
efficace. C'est la justification de la proposition que nous avons
faite d'intégrer la rentabilité du mécanisme d'introduction de
nouveaux médicaments au programme d'évaluation. Ce n'est pas
le cas maintenant. L'Australie a agi de la sorte pendant un certain
temps - ce qui a suscité une vive opposition.
|
| Nous avons dit craindre qu'une telle mesure n'entraîne
d'importantes répercussions sur les coûts. Cependant, nous
constatons aussi l'importance que revêtent la promotion et la
prévention de la santé pour la réduction des coûts à long terme.
Ce sont ces domaines qui ont subi les compressions les plus
draconiennes, et c'est toujours à eux que l'on songe le moment
venu de sabrer en raison d'autres contraintes subies par le
système.
|
| Selon les données dont on dispose, il apparaît maintenant que
les personnes âgées seront à l'avenir en meilleure santé et je pense
que cette constatation a atténué un certain nombre d'inquiétudes
relatives aux coûts qui nous attendent. Je pense que la promotion
de la santé comme outil d'autogestion de la santé, constituerait un
moyen de réduction des coûts très efficace.
|
| Le sénateur Robertson: Eh bien, je vous remercie. Je n'irai
pas plus loin à ce sujet.
|
| Docteur Chan, merci d'être venu. Vous avez maintenant cinq
provinces à bord. Je vous souhaite la meilleure des chances pour
les autres. J'espère aussi que les autres professions du système de
santé seront un jour mieux acceptées. Merci encore.
|
| Le sénateur Cordy: J'aimerais aborder la question de
l'assurance-médicaments et des médicaments.
|
| L'Association des consommateurs du Canada a-t-elle étudié les
sommes que les compagnies pharmaceutiques consacrent au
marketing? Dans votre mémoire, vous plaidez en faveur du
maintien des restrictions imposées à la publicité directe auprès des
consommateurs, mais les Canadiens sont, par l'entremise de la
télévision - en particulier les chaînes américaines - exposées à
la publicité directe des compagnies pharmaceutiques.
|
| En outre, j'ai un chiffre qui m'a été fourni par des représentants
de l'industrie pharmaceutique. À mes yeux de profane, il s'agit à
coup sûr d'une somme astronomique que les entreprisespharmaceutiques investissent dans le marketing direct auprès des
professionnels de la santé. Je fais référence au marketing qui
prend la forme de voyages, de tournois de golf et d'autres
activités de ce genre.
|
| Avez-vous effectué du travail dans ce domaine?
|
| Mme Jones: Non, mais j'ai récemment vu un rapport publié
par Families USA, groupe de défense des consommateurs de
services de santé établi à Washington. Selon ce rapport, les
compagnies pharmaceutiques dépensent deux fois plus enmarketing et en promotion que dans la recherche qu'elles
parrainent.
|
| Nous sommes tributaires des résultats de recherche d'autres
groupes de consommateurs, et de tels résultats ont également été
publiés ailleurs. Il s'agit simplement d'un rapport très récent que
j'ai lu et qui m'est immédiatement venu à l'esprit.
|
| Toute modification de notre politique relative à l'interdiction de
la publicité directe auprès des consommateurs suscite des
inquiétudes. Nous pensons que de telles modifications
entraîneraient des coûts formidables pour le système. J'ai en tête
les résultats d'une autre étude consacrée au système des
États-Unis - il y a environ quatre ans, soit en 1997. Une fois
autorisée la publicité directe auprès des consommateurs, les
compagnies pharmaceutiques se sont mises à dépenser davantage
au titre de la publicité auprès des consommateurs qu'à celui de la
publicité auprès des professionnels de la santé. Lorsqu'on
considère les sommes qu'elles ont affectées à ce dernier genre de
publicité, c'est assez effrayant.
|
| En fait, nous voyons dans la publicité télévisée en provenance
des États-Unis un facteur qui décourage l'évaluation des
médicaments par les consommateurs. Nous savons que la
promotion a incité des consommateurs à demander à leurs
médecins de modifier leur ordonnance au profit de tel ou tel
nouveau médicament merveilleux qu'ils ont vu à la télévision. Si
nous entendons contenir les coûts des médicaments, nous pensons
qu'il s'agit d'une restriction qu'il est très important de préserver.
|
| Le sénateur Cordy: J'ai moi aussi entendu parler de ces
statistiques. Les sommes consacrées au marketing sont alarmantes
- surtout lorsqu'on considère que, dans les débats portant sur le
coût élevé des médicaments, on attribue habituellement ces coûts
aux sommes affectées à la R-D, et non au marketing. Ces
statistiques me préoccupent au plus haut point.
|
| Docteur Chan, mes prochaines questions s'inscrivent dans le
cadre de ce qui vous amène ici aujourd'hui - l'inclusion des
optométristes dans le système de soins de santé. À propos des
soins de santé dont ils bénéficient, les gens oublient très souvent
les soins oculaires. Quelles mesures pouvons-nous prendre pour
que les enfants en particulier reçoivent des soins oculaires
adéquats?
|
| Il y a des années, l'infirmière de santé publique du réseau
scolaire vérifiait la vue des enfants. Au besoin, elle orientait les
enfants vers un médecin. Dernièrement, j'ai constaté que les
infirmières de santé publique des écoles ne font plus ce travail.
Comment s'assurer que les enfants reçoivent des soins oculaires
adéquats?
|
| Le Dr Chan: Vous avez raison de dire que les élèves du
primaire ne font plus l'objet d'un dépistage dans les écoles. Les
services de santé publique communautaire ne font plus ce travail
faute de fonds suffisants.
|
| En ce qui concerne les mesures à prendre pour assurer aux
enfants des soins oculaires adéquats, il convient probablement
d'adopter une double approche.
|
| Premièrement, à mesure que la réforme des soins de santé
évolue et que nous adoptons une approche multidisciplinaire des
soins, je pense que l'équipe des professionnels de la santé sera
élargie pour comprendre des membres autres que des médecins,y compris des optométristes. Dans une clinique de soins
communautaires, par exemple, on pourrait, s'il y avait un
optométriste en poste, examiner la vue des enfants chaque année.
Lorsque l'enfant se présenterait pour un examen complet,
l'optométriste serait sur place. On pourrait faire la même chose à
l'hôpital, dans les cliniques et ainsi de suite. De ce point de vue,
les services des optométristes deviendraient plus accessibles.
|
| Veiller à ce que les services en question soient assurés constitue
certainement un élément de réponse. Si je comprends bien, ces
services sont aujourd'hui assurés dans toutes les provinces.
|
| Deuxièmement, il y a la sensibilisation des patients. Je pense
que cet aspect fait également partie des questions auxquelles votre
comité s'intéresse. Un patient averti ou, dans le cas qui nous
occupe, un parent averti fera le nécessaire pour obtenir ce genre
de services.
|
| L'Ontario Association of Optometrists a fait preuve de
vigilance à cet égard, et nous admettons que bon nombre
d'enfants ne sont pas dépistés assez tôt. Nous avons participé à de
nombreuses campagnes d'intérêt public et d'éducation publique
pour sensibiliser les parents à la nécessité de faire examiner la vue
de leurs enfants.
|
| En Ontario, l'initiative «Bébés en santé; enfants en santé»
répond à certaines des préoccupations que vous avez soulevées.
Ce programme porte non seulement sur les soins oculaires, mais
aussi sur toute la gamme des services qu'il convient d'offrir à un
enfant en très bas âge pour tenter de déceler des problèmes
susceptibles d'avoir des effets durables sur leur capacité de
s'éduquer et de s'adapter adéquatement à la société.
|
| Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, docteur Chan,
vous proposez qu'on modifie la Loi canadienne sur la santé pour
que soit élargie la définition des services «médicalement
nécessaires». Si nous le faisons, nous devrons en assumer les
coûts. La seule référence que je vois à l'aspect financier, c'est
quand vous affirmez que l'introduction d'un obstacle financier,
soit obliger les patients à faire les frais des services, limite leurs
capacités d'accéder à des services nécessaires.
|
| J'aimerais savoir comment vous vous y prendriez pour assumer
les coûts de ces services additionnels.
|
| Le Dr Chan: Cette modification de la Loi canadienne sur la
santé vise moins l'ajout de services additionnels, par exemple,
que la répartition plus équitable des endroits où ils sont offerts.
|
| En Saskatchewan, par exemple, où des services médicalement
nécessaires ne sont pas assurés, il arrive qu'on rencontre des
patients atteints de rougeur de l'oeil aiguë. S'il consulte un
optométriste, le patient devra payer la consultation de sa poche.
Si, en revanche, il se rend à Saskatoon pour consulter un
ophtalmologiste ou un médecin, le traitement sera assuré.
|
| Dans notre recommandation, nous ne croyons pas que le
nombre de patients qui ont besoin de services de cette nature
augmentera du simple fait que les optométristes seront autorisés à
traiter de tels patients. À certains égards, nous pensons que nous
serons en mesure de réaliser des gains d'efficience là où, en
réalité, on parviendra à réduire le coût du traitement de ces maux
communs.
|
| Le sénateur Callbeck: Si nous élargissons la définition de la
Loi canadienne sur la santé et que les dépenses augmentent en
raison des ajouts, d'où pensez-vous que les capitaux nécessaires
devraient venir? Pensez-vous qu'ils devraient provenir du régime
d'imposition? En d'autres termes, le gouvernement devrait-il
augmenter les impôts?
|
| Le Dr Chan: À ma connaissance, l'association n'a pas de
position sur la provenance des fonds additionnels qu'exigerait une
majoration des services offerts. Je pense que nous serions disposés
à envisager tout modèle répondant aux besoins en services.
|
| Il apparaît de plus en plus évident, nous en sommes conscients,
que nous ne pouvons pas faire tout pour tous dans le domaine des
soins de santé et que, par conséquent, on doit classer les services
par ordre de priorité. Ce qui compte, cependant, c'est que, une
fois qu'on a décidé des services de base qui seront assurés au
niveau national, les services en question soient offerts aux patients
par le fournisseur de leur choix. Si, dans la collectivité, par
exemple, il est plus facile d'accéder à un optométriste ou à un
audiologiste, le patient devrait pouvoir consulter ce professionnel.
|
| Je ne crois pas que notre association souhaite qu'on ouvre
toutes grandes les portes et qu'on assure tout. J'espère que ce
n'est pas l'impression que nous vous avons donnée. À mes yeux,
notre proposition visait davantage à régler un problème
d'accessibilité.
|
| Le sénateur Kirby: J'ai une brève question à poser à Mme
Jones. Je vais vous faire lecture d'un paragraphe, puis je vais vous
demander de le commenter puisqu'il se trouve que je suis
d'accord avec son contenu. Vous dites: «Le consommateur qui
comprend le fonctionnement du système bénéficie d'un avantage
le moment venu d'accéder à des services». Puis, vous ajoutez que
vous faites la promotion de méthodes qui permettent d'initier les
consommateurs au moyen d'accéder efficacement au système.
|
| Mon expérience personnelle me dit que vous avez absolument
raison et qu'on peut tirer avantage d'un système qu'on connaît
mieux.
|
| Ma question comporte deux volets. Premièrement, avez-vous
déjà sondé vos membres pour tenter de comprendre ce qu'ils
comprennent et ne comprennent pas au sujet du système?
Deuxièmement, vous nous rendriez service en nous faisant
parvenir deux ou trois exemples du genre de communication que
vous avez fait parvenir aux membres de l'ACC pour leur
expliquer, ainsi que vous l'avez vous-même dit, comment exercer
leurs droits.
|
| Mme Jones: Nous n'avons pas effectué de sondage récent.
|
| Le sénateur Kirby: J'aurais cru que vous aviez sondé vos
membres d'une façon ou d'une autre.
|
| Mme Jones: Nous sommes nettement plus dépendants des
commentaires spontanés que nous font parvenir desconsommateurs.
|
| Nous avons tenté de faire passer le message dans le cadre de
réunions en petit groupe. Récemment, nous avons préparé un
dépliant sur les responsabilités du médecin, du pharmacien et du
consommateur dans les soins de santé. Le document en question a
permis ultimement de formuler les questions que le
consommateur devrait poser de même que les réponses auxquelles
il est en droit de s'attendre de la part des deux catégories
professionnelles visées. Notre devise, c'est qu'un consommateur
éclairé est un consommateur efficace, quel que soit l'enjeu ou le
marché auquel on a affaire. Il s'agit simplement de l'hypothèse
qui sous-tend notre approche de la question.
|
| D'après les rapports anecdotiques dont nous disposons, je pense
qu'il est certain que même une brève discussion avec une
personne au sujet des moyens de mieux utiliser le système aidera
la personne en question à accéder aux services dont elle a besoin.
|
| Tout n'est pas toujours une affaire de relations. Ce qui compte,
croyons-nous, c'est ce qu'on sait. Je pense qu'il s'agit d'une
question importante que nous aurions intérêt à étoffer.
|
| Le sénateur Kirby: Je vous remercie. Je suis d'accord avec
vous sur ce point.
|
| La vice-présidente: Au nom des membres du comité, je tiens à
remercier sincèrement nos témoins de l'heure très éclairante qu'ils
nous ont consacrée. J'invite maintenant nos prochains témoins à
venir à la table.
|
| Il s'agit de Peter Goodhand de Instruments Médicaux du
Canada; Gerry McDole, d'AstraZeneca, et de Mary Jo Dunlop,
Comcare services de santé.
|
| Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
|
| Le président: Nous allons commencer par M. Goodhand.
|
| M. Peter Goodhand, président, Instruments Médicaux du
Canada (MEDEC): Permettez-moi d'abord de remercier les
membres du comité de l'occasion qu'ils nous donnent de
comparaître devant eux et de participer à l'un des plus importants
débats de l'heure, soit celui qui porte sur l'avenir de notre
système de soins de santé.
|
| Comme vous le savez, la majorité des Canadiens est d'avis que,
relativement à notre système de soins de santé, le statu quo est
inacceptable. Aussi faut-il saluer les efforts du comité qui
contribuent au premier chef à la définition de ce débat.
|
| Instruments Médicaux du Canada - mieux connu sous le nom
de MEDEC - est une association nationale représentant plus de
125 entreprises du domaine des outils diagnostics. Nos membres
ont pour but de répondre aux besoins des professionnels de la
santé grâce à la prestation de produits et de services médicaux de
grande qualité qui profitent aux Canadiens. Fondé en 1973,
l'organisme est la principale source d'information, d'éducation et
de promotion de l'industrie. Nos membres produisent pour plus de
2 milliards de dollars d'instruments médicaux achetés chaque
année au Canada.
|
| Nos membres sont des chefs de file mondiaux de plein droit
dans la mesure où ils conçoivent des technologies novatrices
utilisées aux quatre coins du monde. Ils mettent au point des
technologies qui se conjuguent à d'autres secteurs destechnologies de la santé, par exemple l'imagerie et les produits
pharmaceutiques. C'est grâce à eux que les hôpitaux,d'immeubles de briques et de mortier qu'ils étaient, sont devenus
des centres de santé pleinement fonctionnels. Ils dotent les
infirmières et les médecins des outils dont ils ont besoin et jouent
un rôle vital dans la prestation des soins de santé auxquels les
Canadiens s'attendent.
|
| Comme je l'ai indiqué antérieurement, le comité a fait un
travail remarquable en définissant le débat sur les soins de santé
au Canada. J'aimerais m'intéresser aux quatre aspects les plus
importants pour l'industrie des technologies et des instruments
médicaux: soutenir l'infrastructure des soins de santé,l'infrastructure et l'infostructure, le financement de recherches
novatrices en santé et l'évaluation des technologies de la santé.
|
| J'aimerais d'abord dire un mot du soutien de l'infrastructure de
la santé. Les technologies et les instruments médicaux jouent un
rôle clé dans l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.On fait souvent référence aux miracles qu'accomplissent les
médicaments vendus sur le marché, mais on rappellemoins souvent que la technologie de pointe a révolutionné
l'administration des soins. Des technologies de meilleure qualité
et plus perfectionnées se traduisent par des diagnostics de
meilleure qualité et plus précis, plus de traitements réussis, le
soulagement des douleurs et, fait plus important encore,l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.
|
| Il n'y a pas si longtemps, l'intervention chirurgicale de routine
obligeait un patient à séjourner dans un établissement de soins de
santé pendant quelques jours ou quelques semaines. De nos jours,
bon nombre de ces interventions sont considérées comme des
«chirurgies d'un jour». De plus en plus de procédures sont moins
effractives, ce qui réduit au minimum la convalescence dupatient et lui permet de réintégrer rapidement le travail ou de
recommencer sans délai à vivre de façon autonome.
|
| Permettez-moi d'illustrer mes propos au moyen de quelques
exemples. Il y a une décennie, une intervention à la vésicule
biliaire constituait une procédure effractive et traumatisante. Avec
l'avènement de la laparoscopie, les patients subissent aujourd'hui
une intervention relativement mineure et reçoivent habituellement
leur congé dans les 24 heures. La cicatrice est minime, et la
convalescence du patient, moins longue.
|
| Prenons aussi l'exemple des tuteurs dans les vaisseaux du
coeur. Avant l'avènement des tuteurs, les patients faisaient face à
la solution temporaire offerte par l'angioplastie. Grâce auxtuteurs, l'efficacité de l'intervention moins effractive s'est
considérablement améliorée. Les tuteurs de la prochainegénération sont enduits de médicaments, et des données initiales
laissent croire à la disparition du problème de la resténose des
artères.
|
| Les technologies et les instruments médicaux modernes, non
contents d'améliorer les résultats pour la santé des patients du
Canada en les faisant bénéficier de procédures moins effractives
et de séjours à l'hôpital plus courts, ont favorisé l'efficience du
système de soins de santé.
|
| Notre organisme est heureux de constater que le comité
reconnaît le rôle essentiel et important joué par les technologies et
les traitements médicaux dans notre système de soins de santé.
Malgré tout, comme le comité l'a souligné, le Canada accuse du
retard par rapport à d'autres nations industrialisées du point de
vue de la disponibilité des technologies de la santé.
|
| Nous sommes d'accord avec les membres du comité pour dire
que l'investissement récent de 1 milliard de dollars dans les
technologies de la santé constitue une mesure positive prise par le
gouvernement fédéral. Cependant, nous pensons que cela est
insuffisant pour assurer aux Canadiens l'accès opportun aux
services médicaux dont ils ont besoin.
|
| En ce qui concerne l'utilisation des technologies nécessaires, le
Canada mise aujourd'hui sur un système des plus ponctuels. Si
bon nombre de technologies et d'instruments sont offerts surle marché, les établissements de santé ne les utilisent pas
nécessairement en raison de contraintes budgétaires. Selon
l'endroit où vous vivez, les professionnels de la santé auront ou
non accès aux instruments ou aux outils diagnostiques
nécessaires.
|
| À Winnipeg, un cas récent illustre les conséquences du
financement cloisonné et des restrictions imposées au progrès de
la médecine. Un chirurgien en gynécologie-obstétrique a quitté sa
pratique et le Canada, frustré par la lente adoption des nouvelles
technologies. Le chirurgien préconisait le recours à une
technologie novatrice qui aurait assuré de meilleurs soins à ses
patientes et remplacé une intervention chirurgicale majeure. La
technologie - appelée fronde sous-urétrale - est une
intervention fort peu effractive qui permet de régler le problème
de l'incontinence urinaire d'effort chez les femmes. En raison du
financement cloisonné, on a limité de façon marquée le nombre
de patientes que le chirurgien pouvait traiter au moyen de cette
technologie simple et plus efficace, qui fait en outre courir moins
de risques aux patientes. Dans ce cas, on a non seulement nié aux
Canadiennes un accès opportun à la technologie, mais en plus
provoqué le départ d'une ressource humaine vitale, qui a renoncé
sous le coup de la frustration.
|
| Le gouvernement a également relevé un problème en ce qui
concerne la récente initiative de financement du gouvernement
fédéral. En effet, on a alloué des fonds à l'achat de technologies et
d'instruments médicaux, mais on n'a pas prévu de fonds de
fonctionnement. Les provinces et les territoires ont donc dû se
mettre en quête d'autres sources de financement - parfois à
l'intérieur même de leurs budgets de la santé, déjà limités - pour
permettre l'exploitation de ces technologies. Nous pensons que ce
phénomène explique en partie pourquoi certaines provinces et
certains territoires mettent du temps à se prévaloir des fonds en
question.
|
| Dans notre correspondance avec les provinces et les territoires,
nous avons également fait le constat d'écarts importants dans
l'utilisation de ces fonds. Certaines provinces, l'Ontario par
exemple, ont rendu compte de l'utilisation de ces sommes, tandis
que d'autres en sont encore à déterminer à quoi servira leur
allocation.
|
| Nous nous inquiétons également de la réutilisation
d'instruments conçus pour un usage unique. Face aux pressions
accablantes qui s'exercent sur leurs ressources financières,
certains hôpitaux réutilisent des instruments conçus pour un usage
unique. Ces produits sont conçus, testés et homologués par Santé
Canada pour un usage unique seulement. Ainsi, on risque
d'utiliser sur un patient un instrument à usage unique ayant déjà
été utilisé à quelques reprises sur d'autres patients. La réutilisation
d'un appareil à usage unique, par exemple les cathéters
diagnostiques utilisés pour les angioplasties transluminales
percutanées, risque de compromettre la sécurité des patients.
|
| Nous pensons que les fournisseurs de soins de santé devraient
obéir aux normes imposées par le gouvernement fédéral à
l'industrie pour la mise en marché des instruments en question.
|
| Nous aimerions que le comité, dans sa sagesse, recommande au
gouvernement fédéral de s'engager envers un programme à plus
long terme de financement des technologies de santé novatrices, y
compris au titre du soutien de l'application de ces procédures et
instruments. On s'assurera ainsi que nos établissements de santé
ont accès aux technologies de santé récentes. En outre, on
disposera des fonds nécessaires pour utiliser les technologies en
question et initier les professionnels de la santé nécessaires à leur
utilisation efficace.
|
| Même si l'investissement initial dans les technologies et les
instruments médicaux peut parfois se révéler intimidant pour des
services de santé, des médecins ou des professionnels particuliers,
l'impact sur le système de soins de santé dans son ensemble se
traduit fréquemment par des gains d'efficience, une réduction des
listes d'attente, une meilleure utilisation de rares ressources
humaines et un retour rapide à une vie autonome ou productive.
|
| Dans votre rapport, vous définissez chacun de ces secteurs
comme autant d'éléments essentiels à l'établissement d'un
système de soins de santé viable. On pourra atténuer l'effet des
«lignes de faille» de l'accès opportun et des pénuries de
ressources humaines en investissant de façon avisée dans la
technologie médicale.
|
| En ce qui concerne l'infrastructure et l'infostructure, le comité,
dans son «rapport intérimaire», identifie certains témoins qui
privilégient l'investissement dans l'infostructure même si cela
doit se traduire par la prolongation de listes d'attente déjàconsidérables et par l'incapacité des Canadiens d'accéder à des
technologies et à des instruments médicaux modernes. Nous
tenons à dire aux membres du comité que cela constituerait une
erreur. Nous sommes également d'avis qu'on peut s'attaquer
concurremment aux deux problèmes.
|
| Nous sommes favorables à l'établissement d'un système
moderne d'information sur la santé, mais nous ne pensons pas que
sa mise en oeuvre doit se faire aux dépens de la réforme dans
d'autres secteurs du système.
|
| Permettez-moi de citer, à titre d'exemple, un cas dans lequel on
pourrait investir dans l'infrastructure et l'infostructure sans porter
atteinte au système de soins de santé existant.
|
| L'industrie, qui a piloté l'Efficient Healthcare Consumer
Response (EHCR), a également collaboré avec l'Associationdes hôpitaux de l'Ontario à la réorganisation de la chaîne
d'approvisionnement dans le domaine des soins de santé. De nos
jours, on achète et on répertorie les fournitures médicales suivant
une procédure désuète. Le système, manuel pour une large part,
génère des erreurs et de la confusion.
|
| Avec l'avènement du commerce électronique, nousbénéficierons d'un système dans lequel les bons produits iront au
bon endroit au bon moment. On ne sera plus confronté au
problème des hôpitaux à court des fournitures dont ils ont besoin
ou d'interventions chirurgicales remises faute de la disponibilité
du matériel nécessaire.
|
| La modernisation de la chaîne d'approvisionnement dans le
domaine des soins de santé exigera des investissements dans
l'infostructure et l'infrastructure, mais on réalisera rapidement un
rendement sur le capital investi, et les hôpitaux pourront réinvestir
dans d'autres secteurs du système des soins de santé.
|
| En ce qui concerne l'investissement dans la recherche, le
Canada a la chance de compter sur des chercheurs et des centres
de recherche universitaire de niveau mondial. Il suffit de penser
au leadership du London Health Sciences Centre dans le domaine
de la chirurgie robotique ou aux travaux de pionniers menés par
l'Institut de cardiologie d'Ottawa pour se convaincre que les
Canadiens jouent un rôle de premier plan dans la révolution du
monde de la médecine.
|
| Le Canada mise également sur des partenaires industriels axés
sur la recherche, par exemple la société CryoCath de Montréal et
la World Heart Corporation d'Ottawa, qui possèdent lescompétences et les connaissances nécessaires pour traduire de
brillants concepts en instruments populaires, viables, sûr et
efficaces. Des entreprises canadiennes et des multinationales de
pointe élaborent la nouvelle technologie à partir de recherches
canadiennes, lesquelles profiteront à des millions d'habitants de la
planète. Ironiquement, dans le contexte actuel du financement des
soins de santé, le Canada pourrait bien être parmi les derniers
pays à adopter ces nouvelles technologies.
|
| La création de technologies et de sociétés d'envergure
mondiale au Canada dépend en partie de la présence d'un marché
intérieur des soins de santé qui achète et utilise à fond les
technologies révolutionnaires. Le modèle de financement actuel
des soins de santé au Canada est, par la force des choses, axé sur
la prestation adéquate de soins au meilleur coût possible. La
réforme des soins de santé doit inclure une forme de financement
souple qui permettra aux établissements de santé d'acquérir et
d'utiliser pleinement les technologies modernes.
|
| Grâce à des investissements soutenus dans la recherche, nous
pourrons faire en sorte que le Canada demeure un chef de file
dans le domaine de l'élaboration de technologies et d'instruments
médicaux. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'augmentation
de la part des dépenses fédérales affectées à la recherche en santé
à 1 p. 100 du budget total de la santé proposée par le comité.
|
| Nous demandons également au comité de reconnaître et de
soutenir les aspects relatifs à l'arrimage de la recherche
scientifique, de la médecine universitaire et de l'industrie
innovatrice qui revêtent une importance critique.
|
| Nous sommes d'avis que les évaluations des technologies de la
santé peuvent aider le gouvernement à adopter des technologies
médicales nouvelles et améliorées. Cependant, nous tenons à
souligner que les évaluations des technologies de la santé, si elles
constituent un outil utile pour faire en sorte que les Canadiens ont
accès aux bonnes technologies, ne devraient pas avoir pour effet
d'empêcher la mise au point ou le perfectionnement de
technologies et d'instruments médicaux.
|
| Au contraire des produits pharmaceutiques ou
biotechnologiques, les technologies et les instruments médicaux
peuvent être rapidement mis à niveau une fois que le produit a été
introduit. L'innovation graduelle est la marque de commerce de
notre industrie, et toute modification du rôle et de l'utilisation des
évaluations des technologies de la santé devrait tenir compte de la
nature du secteur, qui est en évolution constante.
|
| Si on vérifie l'innocuité et l'efficacité de toutes les technologies
avant qu'elles ne soient mises en marché, leur utilité s'améliore
invariablement au fil des ans. Au fur et à mesure que les médecins
se familiarisent avec une procédure ou une technologie donnée,
les résultats s'améliorent, et les gains d'efficience s'accroissent. À
la lumière de leurs réactions, on peut apporter des changements
pour perfectionner les technologies. Les évaluations des
technologies de la santé ne devraient pas freiner le phénomène.
|
| Idéalement, MEDEC et ses membres aimeraient que les
mécanismes de réglementation et d'évaluation des technologies
de la santé fassent l'objet d'une harmonisation mondiale plus
poussée. On devrait tenir compte des évaluations réalisées dans
d'autres administrations. Si les évaluations des technologies de la
santé peuvent se révéler un outil utile dans le contexte de
ressources limitées dans le domaine de la santé, nous devons
veiller à ce que le système soit suffisamment souple pour
permettre l'adoption de nouvelles technologies.
|
| En conclusion, j'aimerais une fois de plus remercier les
membres du comité de l'occasion qu'ils nous ont donnée de
comparaître devant eux aujourd'hui. Nous sommes encouragés
par l'approche prospective des soins de santé que vous avez
adoptée de même que par l'importance que vous attachez aux
technologies et aux instruments médicaux. De toute évidence,
vous comprenez et savez que, au moment de réformer et de
bonifier notre système de soins de santé au Canada pour faire en
sorte que les Canadiens bénéficient des meilleurs soins possibles,
on doit sans cesse investir dans les technologies et les instruments
médicaux.
|
| Je vous remercie de votre temps et me ferai un plaisir de
répondre à vos questions.
|
| Le président: Notre prochain témoin est Mary Jo Dunlop,
présidente de Comcare services de santé. J'aurais dû faire la
même recommandation à M. Goodhand. Pourriez-vous, au lieu de
lire votre mémoire en entier, vous en tenir aux points saillants? Je
sais que nous aurons beaucoup de questions à vous poser à vous
également.
|
| Mme Mary Jo Dunlop, présidente, Comcare services de
santé: Je vous remercie beaucoup. Je m'excuse de n'avoir pas pu
vous faire parvenir mon mémoire à l'avance, mais, en raison
d'une maladie subite d'un membre de ma famille, j'ai eu droit à
un cours accéléré en soins actifs au cours des deux dernières
semaines. J'ai écrit l'essentiel de mon texte à son chevet.
|
| Le président: Comment se porte-t-il?
|
| Mme Dunlop: Il est au plus mal, mais votre sollicitude me
touche.
|
| Le président: Quel dommage!
|
| Mme Dunlop: Mon expertise porte sur les soins à domicile, et
je vais donc me concentrer sur cet aspect du «rapport
intérimaire». Je vais tenter de ne pas répéter ce qui est bien
documenté et de limiter mes propos au rôle du gouvernement
fédéral.
|
| Comcare est un fournisseur de services de santé
communautaire. Il s'agit d'une entreprise nationale à but lucratif.
La société, qui a vu le jour à Montréal en 1969, compte
30 bureaux au Canada. Nous avons plus de 6 000 employés à
notre service.
|
| On vous a déjà longuement entretenus de la diversité des
programmes de soins à domicile dans les provinces et les
territoires. Ce phénomène se manifeste de façon éclatante dans les
conditions de travail de nos employés. Les échelles salariales
accusent toujours un retard important par rapport aux échelles
salariales en vigueur dans les institutions, et on note des écarts
considérables entre la côte Est et la côte Ouest.
|
| L'étude lancée récemment grâce à des capitaux deDéveloppement des ressources humaines du Canada, encollaboration avec l'Association canadienne de soins et services à
domicile et l'Association canadienne des soins et services
communautaires, constitue une excellente illustration du rôle joué
par le gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche. Il
s'agit d'une étude des plus importantes pour la compréhension de
la planification des soins à domicile et de l'affectation de
ressources à ce secteur d'activités.
|
| Les sociétés à but lucratif ont rarement accès à des fonds de
recherche par le truchement d'initiatives et de programmes
traditionnels de recherche en santé. Par conséquent, lesorganismes ayant pourtant de bonnes idées à propos des modèles
de soins, y compris en ce qui concerne l'investissement nécessaire
dans les technologies de l'information et des communications,
mettent souvent du temps à réaliser des progrès.
|
| Forts d'informations de meilleure qualité, nous pourrions nous
orienter vers une pratique des soins à domicile fondée sur les
résultats, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ce faisant, nous
pourrions nous orienter vers l'établissement de normes dans le
domaine des soins à domicile de même que vers un programme
national des soins de santé à domicile.
|
| En outre, les technologies déjà offertes et utilisées dans d'autres
pays que le Canada pourraient nous permettre de répondre aux
besoins d'un plus grand nombre de patients à l'aide des ressources
humaines et financières dont nous disposons aujourd'hui.
|
| Tant et aussi longtemps qu'on oblige les bénéficiaires à rendre
compte des fonds de recherche reçus et à soumettre un plan
d'évaluation, je ne vois pas pourquoi on devrait exclure les
entreprises à but lucratif de telles activités de recherche.
|
| Les commentaires que vous avez faits dans le «rapport
intérimaire» au sujet de la nécessité du transfert opportun de
connaissances fondées sur la recherche sont bienvenus et
absolument nécessaires si nous voulons améliorer la qualité des
soins à domicile.
|
| Outre la recherche, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle
dans l'établissement des principes - sinon des normes - d'un
programme national de soins à domicile. Ces principes seraient
conformes à ceux de la Loi canadienne sur la santé, à telle
enseigne que les Canadiens bénéficieraient d'une accessibilité,
d'une transférabilité et d'une intégralité uniformes où qu'ils se
trouvent au pays, sans que leurs soins à domicile soient
compromis. On nous parle souvent de patients qui craignent de
déménager une fois leur service de soins à domicile établi.
|
| Le gouvernement fédéral doit décider des services de base qui
font partie des programmes de soins à domicile. Il s'agit d'une
décision très difficile à prendre. Il serait dommage que le
programme ne comprenne que les services médicalementnécessaires puisque les soins sociaux et le soutien dans le cadre
des activités quotidiennes se sont révélés des moyens efficaces de
garder les aînés à la maison.
|
| En ce qui concerne les normes nationales, notre organisme a
été la première entreprise de soins à domicile à recevoir un
agrément national de la part du Conseil canadien d'agrément des
services de santé. Nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui
laissent entendre que l'établissement de normes nationales est
impossible.
|
| On peut uniformiser l'approche en vigueur dans l'ensemble du
Canada. Si les «normes» ne portent que sur l'allocation des
ressources, cependant, d'autres facteurs influeront sur la mesure
dans laquelle nous réussirons à mettre au point une série de
normes nationales. La santé financière des provinces, la pratique
des médecins dans les provinces, les autres ressources offertes, les
règlements provinciaux qui régissent d'autres professionnels de la
santé et la volonté politique sont autant de facteurs qui rendent
difficile l'établissement d'un consensus sur des normes nationales.
Aujourd'hui, les écarts observés dans la pratique sont
considérables, et les incitatifs offerts aux fournisseurs ne sont pas
axés sur les résultats pour les patients.
|
| L'aspect de notre pratique le plus susceptible d'amélioration est
le suivant: l'intervention doit dès le départ tenir compte de l'issue.
Nous ne dépensons pas plus d'argent; nous ne faisons qu'assurer
des services à un plus grand nombre de personnes avec le même
argent.
|
| Nous devons investir dans la technologie de l'information et
des communications liée aux soins à domicile. La technologie
existe déjà pour une bonne part, mais nos modèles de soins à
domicile au Canada ont traditionnellement été axés sur les frais
d'utilisation, et on n'a versé des fonds que pour les visites en
personne. Jusqu'ici, on utilise très mal au pays la télémédecine et
d'autres mécanismes qui nous permettraient de suivre le patient.
|
| Nous avons été heureux de voir la franchise avec laquelle les
membres du comité ont abordé la question des soins de santé
privés. À titre d'entreprise privée à but lucratif dont le
gouvernement provincial est le principal client, nous croyons à
l'administration publique et aux principes de la Loi canadienne
sur la santé.
|
| En pratique, cependant, nous constatons tous les jours qu'un
certain nombre de personnes ne sont pas admissibles aux
programmes gouvernementaux ou achètent des services privés en
sus de ceux que fournit le gouvernement parce que l'allocation
gouvernementale ne répond pas à leurs besoins. Il est faux de
prétendre que les programmes provinciaux de soins à domicile
répondent aujourd'hui à la demande. Même maintenant, les
provinces ne sont qu'une des entités qui assurent des soins à
domicile. De toute évidence, les Commissions des accidents du
travail et certains produits d'assurance individuels comme les
prestations de santé prolongés assument également les coûts de
soins à domicile.
|
| L'assurance pour soins de longue durée est un produit
d'assurance offert sur le marché, mais nous avons constaté qu'elle
est en pratique très coûteuse et limitée - et nous effectuons
environ 3,5 millions d'interactions par année auprès de patients.
Le gouvernement fédéral devrait envisager une diversité de
mécanismes financiers pour soutenir les soignants, y compris des
avantages fiscaux, l'assurance-emploi et les dispositionslégislatives relatives à l'emploi connexes.
|
| À mesure que nous avançons, nous pensons que le secteur
privé représentera un partenaire important. Notre participation ne
contredit pas la Loi canadienne sur la santé et ne constitue pas
non plus une forme de privatisation. La privatisation, selon nous,
signifierait le transfert actif des responsabilités du secteur public
vers le secteur privé, aux fins de la réglementation, du
financement et de la production. Nous fonctionnons bien dans un
système administré par l'État. Nous avons fait nos preuves à titre
d'organisme d'intervenants valorisés assurant d'excellents soins
de santé dans le contexte de la discipline économique. Nous
mettons l'accent sur l'efficience et l'efficacité de l'administration
pour pouvoir investir dans l'excellence clinique. Nos profits nous
permettent de réinvestir dans notre système, ce qui, comme vous
l'avez fait observer dans votre document, répond à un besoin
criant.
|
| Nous devons également compter sur le leadership dugouvernement fédéral dans le domaine de la recherche et de
l'investissement dans les technologies de l'information et des
communications. Nous ne demandons pas de fonds additionnels;
tout ce que nous voulons, c'est une forme d'accès à certaines
subventions et à certains programmes déjà offerts. Nous nous
contentons simplement, me semble-t-il, de tabler sur les principes
du traitement équitable et de l'accès équitable aux ressources
offertes au Canada, et l'investissement nous permettra de nous
orienter vers une pratique fondée sur les résultats. Nous serons
ainsi en mesure d'utiliser nos ressources humaines et financières
de façon plus appropriée. Une telle démarche nous conduira vers
les normes et, grâce à l'information vers un système de soins.
|
| M. Gerry McDole, président-directeur général,AstraZeneca: Sénateurs, je suis heureux de l'occasion qui m'est
donnée aujourd'hui de vous faire part de mes vues sur
d'importants enjeux de politique gouvernementale.
|
| J'ai lu avec intérêt votre rapport intitulé «Questions et options»,
et j'aimerais faire des commentaires au sujet de quelques-uns des
points qui y sont soulevés. Il est difficile de s'en tenir à de cinq à
sept minutes au sujet d'un problème complexe, mais nous allons
faire de notre mieux.
|
| Comme vous, je me suis toujours passionné pour notre régime
d'assurance-maladie. Je suis assez vieux pour comparer la vie
avec et sans lui, et je dois vous dire que c'est le premier scénario
qui me paraît préférable. Je me souviens d'avoir mis trois ans à
rembourser la dette contractée à l'occasion de la naissance de
notre premier enfant.
|
| On peut toujours améliorer de bons systèmes, et la modification
la plus importante dont a besoin le système est une réorientation.
Je veux dire par là le reciblage sur le patient. Aujourd'hui, les
pressions budgétaires semblent engendrer un nouveau système
davantage axé sur les finances, et je pense que cette tendance ne
va pas dans l'intérêt de la santé des Canadiens et que la santé des
Canadiens ne peut guère se le permettre.
|
| Dans vos travaux, vous avez jusqu'ici fait ressortir, entre autres,
la préoccupation abondamment publicisée qui concernel'augmentation des dépenses pour les médicaments. J'aimerais
vous faire part de mon point de vue sur le débat relatif aux
politiques de limitation des coûts des médicaments et aux résultats
pour la santé des patients.
|
| D'entrée de jeu, je tiens à préciser que je comprends le défi
auquel chacun est confronté. Les décideurs doivent administrer les
fonds publics limités à leur disposition, dans le respect de leur
responsabilité budgétaire, tout en assurant l'accès auxmédicaments éprouvés.
|
| Cela dit, des études sur la politique gouvernementale menée à
la Harvard Medical School et à l'université McGill laissent
entendre qu'il est temps que nous revenions sur le bien-fondé de
la limitation des coûts et d'autres interventions puisque les
approches bien intentionnées, mais peut-être trop globales de
l'administration des médicaments produisent des effets inattendus
et indésirables.
|
| Selon les spécialistes, on devrait consacrer des études à
l'importance du phénomène de la mauvaise utilisation des
médicaments avant d'introduire des politiques. Soit dit en passant,
j'entends par «utilisation appropriée» l'administration du bon
médicament au bon patient au bon moment.
|
| Notre industrie a un rôle clé à jouer en veillant à ce que les
débats scientifiques entre médecins favorisent l'utilisationappropriée. La réponse à ces problèmes réside dans une approche
concertée entre l'industrie et le gouvernement. Depuis trop
longtemps, les décideurs tentent de résoudre seuls les problèmes
qui entourent le système de soins de santé et l'augmentation des
dépenses pour les médicaments. Nous devons adopter une
approche des interventions et de l'élaboration de politiques qui
soit fondée sur les résultats, de même que colliger des données
avant, pendant et après la mise en application.
|
| J'aimerais dire un mot de la question du prix des médicaments
de marque déposée parce que cette question semble intéresser tout
particulièrement les médias.
|
| Quelques études récentes ont montré que les taux d'utilisation
et le vieillissement de la population accusent un retard par rapport
à la croissance des budgets des programmes de médicaments -
et non par rapport au prix des médicaments en soi. Nous
confondons «budgets des programmes de médicaments» et «prix
des médicaments».
|
| Comme vous le savez, le gouvernement fédéral examine
chaque nouveau produit par le truchement du Conseil d'examen
du prix des médicaments brevetés. Le plus récent rapport montre
que les prix des médicaments novateurs sont inférieurs d'environ
10 p. 100 à la moyenne internationale. Sur un total de huit, il n'y
a en fait que deux pays où les prix sont inférieurs à ceux qui
s'appliquent au Canada. Je profite de l'occasion pour souligner
que les prix pratiqués par mon entreprise viennent à
l'avant-dernier rang, derrière ceux de la Corée.
|
| Si c'est le gouvernement fédéral qui surveille nos prix, nous
bénéficions, au niveau provincial, de bonnes études coûts-avantages chaque fois que nous demandons l'inscription d'un
produit sur les formulaires de façon qu'ils puissent être
remboursés. Honorables sénateurs, je suis donc d'avis que les
Canadiens sont déjà en mesure d'obtenir un bon rapport
qualité-prix lorsque les médicaments sont utilisés adéquatement.
|
| À la suite de la plus récente rencontre des ministres de la Santé
à Terre-Neuve, j'ai lu des articles de journaux laissant entendre
que les provinces se sentent contraintes d'homologuer de
nouveaux médicaments offerts dans d'autres provinces. Un
examen rapide des taux d'homologation d'une province à l'autre
montre que ce n'est pas du tout le cas.
|
| Néanmoins, il est intéressant de constater que les formulaires
varient d'une province à l'autre. On peut se demander quels sont
les critères qui président à l'inscription d'un nouveau produit.
Quant à savoir si ce phénomène justifie l'établissement d'une
stratégie nationale d'efficacité des coûts, comme l'a laissé
entendre le ministre fédéral de la Santé, c'est une autre question.
|
| Mon avis personnel, c'est que notre industrie serait disposée à
travailler avec les gouvernements à la mise au point d'une
approche permettant la prestation des meilleurs soins possibles
aux patients à l'aide des ressources disponibles.
|
| Aujourd'hui, cependant, le fait que de nombreuses provinces
semblent vouloir limiter le nombre de médicaments offerts aux
patients dans chacune des catégories de produits représente une
grave inquiétude pour les patients, les médicaments et les résultats
pour la santé de façon plus générale. Une telle tendance me
préoccupe dans la mesure où elle ne se justifie ni pour des raisons
scientifiques ni pour des raisons économiques. La réglementation
fédérale fait en sorte que les nouveaux produits sont tarifés à
l'intérieur d'une fourchette donnée dans chacune des catégories
- même lorsque des améliorations substantielles ont été
apportées. Du strict point de vue des coûts, les choix qui sont faits
ne changent pas grand-chose.
|
| En fait, ce sont ces améliorations graduelles qui stimulentla recherche. L'histoire de la médecine, de la recherche
pharmaceutique et de l'humanité en général repose sur ces étapes
et ces innovations graduelles.
|
| Prenez, par exemple, le cas de l'industrie automobile. Votre
première voiture n'était pas munie de freins ABS, de sacs
gonflables, de ceintures de sécurité et de toute une panoplie
d'autres dispositifs. Dans le domaine des médicaments aussi, les
améliorations se sont au fil des ans traduites par une réduction des
effets secondaires, une guérison plus aisée ou plus rapide, des
formes posologiques plus commodes, et ainsi de suite.
|
| Ces perfectionnements confèrent au médecin une marge de
manoeuvre plus grande dans le traitement de chacun des patients
- il n'y en a pas deux pareils. Ces médicaments,malheureusement, sont souvent rejetés faute de constituer des
percées spectaculaires.
|
| Le comité laisse également entendre que l'établissement de
prix de référence devrait compter parmi les options stratégiques
sérieuses que le gouvernement pourrait prendre en considération.
Les membres du comité voudront peut-être jeter un coup d'oeil
sur l'échec de la tentative de politique de prix de référence de la
Colombie-Britannique.
|
| Comme vous le savez peut-être, le gouvernement actuel est
aujourd'hui à la recherche de solutions de rechange à ce système
- qui, ont laissé entendre certains, constitue véritablement la
forme la plus pernicieuse qui soit de médecine à deux vitesses.
Pour de trop nombreuses personnes, ce régime a fait en sorte que
les patients ne pouvaient obtenir les médicaments prescrits par
leur médecin que si elles en avaient les moyens.
|
| En fait, on a sondé les professionnels de la santé de la
Colombie-Britannique sur les impacts des modifications apportées
aux prescriptions en fonction du système: 90 p. 100 des
pharmaciens et 95 p. 100 des médecins ont fait état de problèmes
éprouvés par leurs patients. Soit dit en passant, ces pourcentages
n'avaient pas diminué une année après l'introduction du régime.
Trois années plus tard, il n'y a toujours pas de changements
notables.
|
| En outre, un institut de recherche stratégique de la
Colombie-Britannique a étudié les économies générées par cette
politique de limitation des coûts et constaté que, en
Colombie-Britannique, les coûts des médicaments avaient, dans
l'ensemble, augmenté plus rapidement que dans toutes les autres
provinces du Canada. Ils ont continué d'augmenter sur une
période prolongée. En plus, on n'a pas tenu compte d'autres coûts
additionnels pour la santé générés par la politique. À titre
d'information, j'ai annexé ces renseignements à mon mémoire.
|
| Voilà qui m'amène à dire un mot des politiques de limitation
des coûts qu'on met en application sans en évaluer les impacts.
Honorables sénateurs, nous devons nous doter d'un système qui
renforce la relation entre le patient et le médecin. Examinons des
approches innovatrices et efficientes qui prennent les besoins du
patient comme point de départ.
|
| À titre d'exemple, on met en place des programmes de gestion
des soins thérapeutiques dans quelques administrationscanadiennes. La gestion des soins thérapeutiques est une approche
systématique et fondée sur les résultats de l'utilisation des
ressources qui vise à produire les résultats souhaités pour la santé
des patients. Dans le cadre de tels programmes, on unit les
patients, les fournisseurs de soins de santé, le gouvernement,
l'industrie, les entreprise de technologie de l'information et les
universitaires dans un partenariat qui part du principe que les
soins de santé et les résultats peuvent être meilleurs. On s'écarte
du modèle des intrants et des contrôles isolés pour adopter une
perception des systèmes qui favorise l'intégration des éléments et
l'amélioration de la santé de populations entières.
|
| Ce qu'il y a de génial dans la notion de gestion des soins
thérapeutiques, c'est qu'elle fonctionne vraiment. Au départ, on
établit une mesure de base, puis on procède à une analyse et on
communique les résultats aux médecins. C'est dans ce dernier
aspect que réside le génie de la démarche. Tous les médecins ont
à coeur de faire l'impossible pour leurs patients. Quand ils
reçoivent les résultats, les médecins ne mettent pas de temps à
modifier leurs schémas de comportement. Il en résulte de
meilleures interventions. En fait, on continue de hausser la barre
au fur et à mesure que de nouvelles mesures sont fournies et que
de nouvelles améliorations sont apportées. Ce sont toutes ces
améliorations de la qualité au profit des clients qui font que la
gestion des soins thérapeutiques dame le pion à toutes les
solutions de rechange qui existent aujourd'hui.
|
| Ces initiatives sont autant d'occasions de mettre en lumière une
approche de la gestion de la santé qui constitue une solution de
rechange faisable aux formulaires restrictifs et à la budgétisation
cloisonnée. Honorables sénateurs, c'est là que réside, à mon avis,
l'avenir des soins de santé.
|
| Ces programmes n'ont plus pour effet de rationner les soins; au
contraire, ils les élargissent. Ils permettent de réaliser des
économies en réduisant le nombre d'hospitalisations ou d'autres
interventions plus coûteuses et en contribuant tout simplement à
faire que les gens demeurent en santé. Tel devrait être le but de
l'ensemble de notre système de santé: faire que les gens
demeurent en santé.
|
| Je tiens à vous remercier de votre temps, et je me ferai un
plaisir de répondre à vos questions.
|
| Le président: Je vous remercie. Avant de passer au sénateur
Keon, j'aimerais poser deux ou trois questions à Mme Dunlop
pour obtenir des éclaircissements
|
| À la page 4 de votre mémoire, vous écrivez:
|
On peut uniformiser l'approche en vigueur dans l'ensemble
du Canada. Si les «normes» ne portent que sur l'allocation
des ressources, cependant, d'autres facteurs influeront sur la
mesure dans laquelle nous réussirons à mettre au point une
série de normes nationales.
|
| Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?
|
| Mme Dunlop: Le Conseil canadien d'agrément des services de
santé a un document sur les normes que vous devez suivre lorsque
vous cherchez à obtenir un agrément national.
|
| Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais les
normes en question s'appliquent à une profession, et non à un
organisme, n'est-ce pas?
|
| Mme Dunlop: Non, elles s'appliquent à un organisme pour
l'agrément dans le domaine des soins à domicile.
|
| Le président: D'accord, je vois.
|
| Mme Dunlop: Leur approche est donc uniforme. Si nous
cherchons à établir des normes nationales et que ces dernières
tournent autour de l'allocation des ressources, quel est le nombre
d'heures d'aide à domicile auquel une personne devrait avoir droit
et quel est le nombre de visites de thérapeutes qu'elle devrait
pouvoir recevoir? Cela devient complexe puisque la question a
trait non plus à l'approche, mais bien plutôt à toutes ces choses.
|
| La plupart des professionnels de la santé sont réglementés par
les provinces. Au Canada, nous employons donc probablement
douze types différents d'auxiliaires familiales.
|
| Le président: Pardonnez-moi, mais les soins à domicile sont
l'un des aspects dont on nous a très peu parlé. C'est pourquoi je
vous pose la question.
|
| Quand vous déclarez qu'il y a différents types d'auxiliaires
familiales, que voulez-vous dire?
|
| Mme Dunlop: Elles portent des titres différents. Elles ont des
champs de pratique différents.
|
| Le président: Des compétences différentes?
|
| Mme Dunlop: Oui, des études universitaires différentes.
|
| Le président: Donnez-moi quelques exemples. Faut-il un
diplôme d'infirmière? Faut-il être infirmière accréditée?
|
| Mme Dunlop: Les infirmières composent l'une des catégories
les plus constantes, mais, en ce qui concerne les auxiliaires
familiales, il y a quatre niveaux simplement en Ontario. Il y a
aussi quelques niveaux en Colombie-Britannique. Il y a des
personnes qui peuvent effectuer des tâches déléguées et d'autres
qui ne sont pas habilitées à le faire. Bon nombre d'entre elles
portent des titres différents. La situation est très déroutante et pas
du tout uniforme.
|
| Lorsque, par conséquent, on fait référence à des normes et
qu'on tente d'associer la norme à la formation théorique de la
personne, la question devient plus complexe puisque laréglementation relève de la compétence des provinces.
|
| Le président: Alors que, par comparaison, un médecin est
titulaire d'un permis d'exercice national, au même titre qu'une
infirmière.
|
| Mme Dunlop: Exactement.
|
| Le président: Vous êtes titulaire d'un permis provincial. Non
seulement les permis sont-ils différents, mais en plus, les
descriptions de travail le sont aussi, n'est-ce pas?
|
| Mme Dunlop: Absolument.
|
| Le président: Les règles qui délimitent les champs de pratique
sont différentes.
|
| Mme Dunlop: Oui. La plupart des normes auxquelles nous
devons nous conformer sont édictées par les organismes
provinciaux responsables des paiements de transfert, et chacun a
les siennes.
|
| Le président: Ce ne sont pas des normes nationales?
|
| Mme Dunlop: Non. Le problème qui se pose dans le domaine
des soins à domicile, c'est que, ce n'est pas qu'il n'y a pas de
normes; c'est qu'il y a de si nombreuses normes édictées chacune
par des organismes différents.
|
| Le président: Plus loin, à la même page, vous affirmez que,
jusqu'à maintenant, seules les visites en personne sont financées.
Voulez-vous dire que vous pourriez effectuer certains autres actes
- au moyen de la télé-électronique, par exemple, qui permet de
mesurer la tension et d'effectuer d'autres formes de contrôle à
distance -, mais que, le cas échéant, vous ne seriez pas
remboursée parce que vous n'avez pas eu l'intéressé en face de
vous?
|
| Mme Dunlop: Exactement. Les capacités et les incitatifs sont
donc inexistants.
|
| Le président: Pourquoi le feriez-vous?
|
| Mme Dunlop: Eh bien, parce que j'essaie de prouver que le
système fait fausse route et qu'il y a de meilleures utilisations
possibles des ressources existantes.
|
| Nous nous sommes notamment donné pour mission d'établir un
système national d'information de façon à pouvoir tout au moins
suivre les personnes qui ont fait l'objet du même diagnostic
lorsque, pour le même diagnostic, on a affaire à des schémas
différents d'utilisation des ressources. Si, par exemple,
l'infirmière Unetelle a besoin de quatre visites pour faire
l'éducation d'une personne nouvellement atteinte du diabète et
qu'une autre infirmière a besoin de huit visites, nous devons
établir une pratique exemplaire qui nous permettra de faire en
sorte que les enseignements sont cohérents et qui deviendra la
norme.
|
| Le président: Oui. Vous faites donc beaucoup au chapitre de la
formation de vos propres employés?
|
| Mme Dunlop: Oui, absolument.
|
| Le président: Ils ne proviennent donc pas tous
d'établissements d'enseignement officiels?
|
| Mme Dunlop: Eh bien, en fait, ils ont tous reçu une formation
dans un établissement d'enseignement officiel, à l'exception des
auxiliaires familiales à un échelon très élémentaire, à l'échelon le
plus élémentaire.
|
| Le président: C'est vous qui vous chargez de parfaire les
compétences de vos employés?
|
| Mme Dunlop: Oui, ou encore nous finançons leur inscription à
un programme offert par un collège communautaire.
|
| Le sénateur Keon: Il est intéressant que vous soyez tous les
trois ici aujourd'hui parce que, ensemble, vous représentez un
problème qui se pose aujourd'hui dans le système de santé.
Traditionnellement, nous avons toujours su comment composer
avec les médecins et les hôpitaux, mais nous nous sommes moins
bien tirés d'affaire dans le domaine des soins à domicile, de la
technologie et, bien entendu, des produits pharmaceutiques,
particulièrement à l'extérieur. On gère relativement bien les
produits pharmaceutiques dans les hôpitaux, mais, une fois que le
patient a reçu son congé et a besoin de soins à domicile, un
énorme problème se pose.
|
| De même, on entre alors dans le problème formidablement
complexe de la rémunération des médecins, en particulier en ce
qui concerne les soins à domicile, où il existe de terribles lacunes
et où, dans bien des cas, il n'y a pas vraiment de régime de
rémunération.
|
| Vous avez par exemple soulevé la question de la télémédecine.
Il n'y a pas d'obstacle technologique à l'application de la
télémédecine. Il s'agit principalement d'un obstacle lié à l'effectif
puisqu'on ne peut imposer la télémédecine au système ni aux
personnes qui y travaillent.
|
| Je ne sais pas comment vous départager, mais j'aimerais vous
entendre tous les trois au sujet de l'intégration possible des soins à
domicile dans le réseau hospitalier, le secteur institutionnel.
|
| Comment établir en marge de l'hôpital un système qui assurera
un financement adéquat de la technologie des médicaments? Un
tel système devrait vous conférer la latitude voulue pour modifier
votre personnel de manière à répondre aux programmes et le
régime de rémunération, celui des médecins plus que celui des
infirmières et des autres professionnels de la santé, qui sont
habituellement salariés.
|
| Pourriez-vous tous les trois tenter une réponse? Nous verrons
ce qui ressort collectivement de vos interventions.
|
| M. McDole: Eh bien, je pourrais commencer par affirmer que
nous devons réformer le mode de rémunération des divers
intervenants du système parce que, compte tenu du type actuel de
budgétisation, la conciliation de tous les différents éléments
représente un véritable défi.
|
| Si on se donnait pour tâche de gérer le coût du traitement d'un
patient et d'allouer des ressources en fonction du but à atteindre,
on serait mieux en mesure d'affecter les ressources appropriées -
qu'il s'agisse des médicaments dans un cas ou des soins à
domicile dans l'autre. Soit dit en passant, les soins à domicile et
les médicaments se complètent à merveille dans la mesure où les
uns permettent aux autres de se matérialiser. On aura beaucoup de
mal à y parvenir avant d'éliminer le financement cloisonné tel
qu'il existe aujourd'hui.
|
| Le sénateur Keon: Pouvez-vous penser à des incitatifs grâce
auxquels on pourrait s'éloigner de la budgétisation cloisonnée?
|
| M. McDole: Je ne sais pas comment le décrire, mais il faudrait
recourir à une forme de système de financement global du
traitement d'une maladie par opposition à celui des différents
intervenants du domaine.
|
| Aujourd'hui, nous misons sur un système en vertu duquel il
faut diviser pour régner: chaque intervenant tient à s'assurer une
part du gâteau. Dans ce contexte, il est très difficile d'opter pour
la solution la plus économique ou la plus appropriée.
|
| Le sénateur Keon: Un financement de programme axé sur les
maladies donnerait d'assez bons résultats pour le cancer. Je pense
aussi qu'il fonctionnerait dans d'autres secteurs comme les
maladies coronariennes et peut-être le diabète, le sida,
probablement l'arthrite, après quoi la source se tarit.
|
| M. McDole: Non, parce que nous menons aujourd'hui au
Québec une expérience relative à une maladie respiratoire. Je
pense donc qu'on pourrait inclure au moins l'asthme et peut-être
aussi certaines autres maladies respiratoires. Je pense que ces
systèmes de soins gérés pourraient s'appliquer à un plus grand
nombre de maladies que celles que vous venez de citer.
|
| M. Goodhand: Je suis tout à fait d'accord avec M. McDole
pour dire que le financement cloisonné est l'un des problèmes
fondamentaux.
|
| L'un des constats que nous faisons au moment d'installer une
nouvelle technologie, c'est que des économies sont
inévitablement réalisées dans l'un ou l'autre des secteurs du
système. Plus les économies se rapprochent du point d'achat, plus
il est facile de justifier les technologies. Plus les économies sont
loin du responsable du budget, plus il est difficile d'introduire les
nouvelles technologies.
|
| Je pense que la régionalisation des soins de santé constitue
probablement un pas dans la bonne direction. Il y a au moins
quelqu'un qui, après avoir examiné l'enveloppe budgétaire
déclare: «En dépensant telle ou telle somme ici, nous allons
réaliser des économies là et offrir des soins à domicile à des
personnes».
|
| Un de nos membres offre un produit qui pourrait permettre à
des personnes de sortir des établissements de soins prolongés pour
vivre dans un contexte de soins à domicile de soutien et
probablement mener une existence productive.
|
| Dans votre rapport, vous citez l'étude de 1998 portant sur les
coûts indirects des soins de santé, la perte de productivité et les
invalidités se révélant aussi importantes que les coûts directs. Je
pense qu'il s'agit là d'un des défis auxquels nous sommes
confrontés. En faisant ce qu'il faut dans un hôpital intégré au
système de soins à domicile et au reste du système de soins de
santé, on pourra apporter de véritables changements qui
donneront à des gens la possibilité de vivre une vie plus
productive sans maladie ni invalidité.
|
| On ne parviendra pas à convaincre un hôpital ou une salle
d'opération qu'il faut quadrupler l'investissement dans un certain
type de produits pour réaliser des économies au titre des soins à
domicile - et il s'agit là d'une énorme fragmentation. Nous ne
disposons pas d'un réseau de la santé: nous avons plutôt affaire à
de multiples silos posés côte à côte.
|
| Mme Dunlop: Sans médicaments et sans matériel, la moitié de
mes patients ne pourraient probablement pas rester à la maison.
Par conséquent, il s'agit d'éléments absolument essentiels à la
prestation de soins à domicile efficaces.
|
| En ce qui concerne l'intégration, la voie de l'information est
probablement celle qui engendre le moins de résistance. Grâce à
un réseau d'information, on peut commencer à suivre un patient
et, à tout le moins, la part des fonds publics qui lui est consacrée.
J'ignore si on pourrait ou non le faire pour les dépenses privées.
|
| Je pense que nous pouvons réaliser l'intégration au moyen de
l'information. Nous devons cerner les résultats pour les patients
en ayant d'abord l'issue à l'esprit. Nous devrions savoir d'entrée
de jeu ce que nous cherchons à accomplir. Nos partenaires en
milieu hospitalier et nous trois devrions tous être au courant en
commençant. Nous ne devrions pas travailler de façon ponctuelle,
ce qui est généralement la façon dont nous procédons.
|
| Nous réalisons certains progrès grâce, par exemple, aux
cheminements de soins qui prennent naissance à l'hôpital. Les
soins à domicile sont complexes sur le plan social. Un homme de
50 ans qui subit son premier infarctus du myocarde, vit à la
maison, bénéficie de soins prolongés et peut compter sur une
épouse et une assurance grâce à son travail obtiendra, grâce aux
soins à domicile, des résultats différents de ceux d'une femme de
80 ans qui vit seule, dans des conditions peut-être sordides, et qui
subit son premier infarctus à 80 ans.
|
| Dans le domaine des soins à domicile, il n'y a pas de remède
universel parce que le contexte social joue un rôle beaucoup plus
important que dans un établissement. Il est certain que nous
pouvons faire beaucoup mieux au chapitre de l'intégration grâce à
l'information et à l'utilisation du même point de départ par tous
les intervenants.
|
| Le sénateur Keon: Puis-je vous ramener tous les trois à la
technologie de l'information dans ses rapports avec l'information
et les communications?
|
| Ayant passé le plus clair de ma carrière de médecin à sonder
cette question, j'en suis récemment venu à la conclusion que nous
l'avons toujours abordée par le mauvais bout de la lorgnette. Nous
tentions de commencer par en haut, au niveau fédéral, au niveau
provincial ou au niveau des grands établissements pour ensuite
diffuser les résultats. Je pense maintenant que nous procédons à
l'envers.
|
| Nous devrions commencer au niveau du patient, en munissant
ce dernier d'une carte-santé contenant tous les renseignements qui
le concernent et munie de tous les coupe-feu nécessaires. On
pourrait avoir un dépôt de données pour les soins à domicile et
pour les hôpitaux avec qui vous interagissez. On pourrait
également avoir un dépôt régional, un dépôt provincial et un
dépôt fédéral.
|
| Sur le plan technologique, les pontes du domaine m'ont dit que
c'était tout à fait possible. Dans une autre vie, je suis en quelque
sorte en train d'y travailler.
|
| Qu'en pensez-vous tous les trois? Dites-moi.
|
| M. Goodhand: Je suis tout à fait d'accord. J'ai vécu une
expérience personnelle avec un membre de ma famille qui a
bénéficié de soins hospitaliers et de soins à domicile. En fait, nous
sommes parvenus à faire fonctionner le système de soins de santé
et avons obtenu au Canada des soins d'une extrême qualité grâce
à un patient éclairé et à un défenseur des patients éclairés. Nous
avons établi les liens nécessaires entre les informations. Si nous
avions été âgés ou incapables de communiquer avec les médecins,
nous aurions connu une expérience épouvantable parce que le
système n'était pas intégré ni axé sur le patient.
|
| Selon mon expérience personnelle, je pense donc qu'une telle
approche existe assurément.
|
| Des méthodes comme le télémonitorage peuvent jouer un rôle
en ce qui concerne les soins hospitaliers et les soins à domicile; le
télémonitorage est sans contredit axé sur les patients.
|
| M. McDole: Vouliez-vous également parler d'une sorte de
compte santé pour tous les patients?
|
| Le sénateur Keon: Oui, cela pourrait en faire partie. Mais
peut-être devrions-nous nous en tenir aux données médicales.
|
| M. McDole: Oui, je suis d'accord pour dire qu'il est essentiel
que les divers intervenants doivent mieux échanger l'information
qu'aujourd'hui. Cela ne fait aucun doute.
|
| Le sénateur Keon: D'où pensez-vous que l'initiative devrait
venir? Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait dépenser
10 milliards de dollars pour constituer un réseau d'informations
qui ne fonctionnera jamais? Pensez-vous au contraire que nous
devrions créer des cartes-santé que les particuliers auront avec
eux, étant entendu que leurs renseignements personnels seront
protégés grâce aux divers coupe-feu qui seront produits?
|
| M. McDole: À titre de consommateur, je préférerais que les
renseignements figurent sur ma carte-santé - une «carte
intelligente» - qui saurait tout sur moi et mes besoins en santé.
|
| M. Goodhand: On pourrait consacrer deux milliards de dollars
à une carte qui fonctionne, et cela vaudrait peut-être le coup, mais
il serait inacceptable d'affecter 10 millions de dollars à une autre
qui ne fonctionne pas.
|
| Mme Dunlop: Je suis d'accord. J'ai entendu parler du cas
d'une personne si frustrée par ses multiples admissions qu'elle a
consigné son histoire médicale sur un CD ROM. À son arrivée à
la salle d'urgence, elle le remettait au préposé et lui demandait de
le mettre dans l'ordinateur.
|
| Je pense qu'une telle mesure ferait beaucoup pour éliminer les
erreurs et les utilisations impropres des ressources. Dans le
domaine des soins à domicile, nos professionnels de la santé
échangent des documents sur support papier avec les cabinets de
médecins. Si nous disposions de renseignements solides et de
qualité au niveau local, que nous serions en mesure d'échanger
facilement, nous pourrions éliminer la frustration des médecins à
l'égard des soins à domicile. Si les médecins sont frustrés, c'est
parce qu'ils ne peuvent pas quitter une salle d'attente remplie de
patients pour aller s'occuper d'une personne qui vit à domicile.
Peut-être aussi leur téléphonons-nous quant il n'y aurait pas lieu
de le faire.
|
| Des dossiers médicaux sur support électronique, une série de
projets pilotes et l'expansion de ces derniers nous feraient réaliser
des progrès considérables, tant et aussi longtemps que nous
assurons la protection des renseignements personnels et que
seules les personnes compétentes ont accès aux renseignements.
|
| Mon père était un grand malade, et il avait en main un
document qu'il remettait à son arrivée à la salle d'urgence. Tout
était écrit à la machine. Il refusait carrément de revenir une fois
de plus sur son histoire médicale. Je pense que les patients atteints
d'une maladie chronique en viennent à éprouver de la frustration
et ne souhaitent pas revenir une fois de plus sur leurs antécédents.
C'est pourquoi, en tant que praticiens des soins à domicile, nous
exerçons nos activités avec la moitié seulement des informations
nécessaires.
|
| Le sénateur LeBreton: Les questions du sénateur Keon
constituent une entrée en matière parfaite pour les enjeux que je
souhaite soulever. Monsieur McDole, j'aimerais discuter avec
vous de la question de l'utilisation inappropriée des médicaments.
|
| Il y a quelques années, j'ai siégé à un comité aux côtés de John
Crispo. À l'époque, il était question de «cartes intelligentes» -
c'est l'expression qu'il utilisait. Un système de ce genre paraît
sensé. Il suffirait de veiller à ce que les renseignements soient
adéquatement protégés, et je me demande comment vous vous y
prendriez pour régler le problème de la confidentialité.
|
| Cependant, il y a des personnes à qui on prescrit des
médicaments qu'elles ne prennent pas. Il y a des personnes qui
vont d'un médecin à l'autre et qui font remplir des ordonnances
par des pharmacies différentes. En plus, elles achètent des
médicaments en vente libre et se causent probablement à
elles-mêmes des torts considérables, quelle que soit la maladie
pour laquelle elles sont traitées.
|
| Dans votre témoignage, vous avez fait allusion aux «résultats
inattendus et indésirables» d'études en cours. Votre industrie
a-t-elle réfléchi au moyen de régler et de surmonter ce problème
particulier?
|
| M. McDole: C'est probablement le système de soins géré
auquel nous avons fait allusion qui constituerait le moyen le plus
efficace de faire face à la situation. Le problème va bien au-delà
de l'utilisation inappropriée. Il y a des cas de surconsommation,
comme vous l'avez indiqué. Il y a aussi des cas de sous-utilisation
- des patients qui ne se conforment pas aux directives, ne
prennent pas leurs médicaments ou, dans un premier temps, ne
vont pas chercher de l'aide.
|
| Il faut administrer les deux côtés de la médaille. Nous devons
nous doter d'un système plus rapproché auquel participeraient
l'ensemble des intervenants et qui permettrait des interventions et
des suivis plus appropriés à différents niveaux. Au bout du
compte, on obtiendrait de meilleurs résultats.
|
| Le sénateur LeBreton: Vous êtes donc généralement favorable
à l'idée d'une carte-santé intelligente?
|
| M. McDole: Oui. Nous avons besoin d'un moyen efficient de
communiquer les renseignements - sur un médium électronique
quelconque, peut-on imaginer - qu'il passe par le dossier du
patient, sa carte-santé ou un autre médium.
|
| Le sénateur LeBreton: Dans votre témoignage, monsieur
Goodhand, vous avez fait allusion à la réutilisation d'instruments
conçus pour un usage unique, et, sur le paragraphe, j'ai écrit un
mot: «Terrifiant!» avec un gros point d'exclamation.
|
| Dans quelle mesure la pratique est-elle prévalente? Quel genre
d'économies les établissements qui s'y adonnent espèrent-ils
réaliser?
|
| M. Goodhand: On observe la pratique depuis probablement
une décennie ou un peu plus, en raison des compressions dans la
santé. Si on réutilise un instrument destiné à un usage unique,
c'est uniquement pour économiser de l'argent.
|
| Un rapport de Santé Canada qui sera rendu public d'ici une
trentaine de jours montrera que la pratique est relativement
répandue et que la plupart des hôpitaux ne sont pas dotés de
procédures écrites concernant la façon de réutiliser desinstruments destinés à un usage unique et le moment où il
convient de le faire.
|
| Deux études indépendantes, qui seront publiées le mois
prochain, indiquent que la pratique est relativement prévalente. En
raison de ces rapports, les hôpitaux ont procédé à certaines
évaluations récentes pour établir s'il convient ou non de réutiliser
certains de leurs produits les plus sensibles. «Terrifiant» est le mot
qui convient.
|
| Le sénateur LeBreton: Sans parler du degré de confiance
qu'ont les patients dans le système - je crois qu'ils lui font
toujours une certaine confiance.
|
| M. Goodhand: Exactement. Nous avons souvent dit que les
patients auraient des discussions différentes avec leur médecin
s'ils savaient que les produits sont réutilisés.
|
| Le président: Sans blague. Eh bien, la révélation a
certainement secoué bon nombre d'entre nous qui ne faisons pas
partie de la profession médicale.
|
| Le sénateur Callbeck: Dois-je comprendre que, selon vous,
certains hôpitaux n'ont pas de normes concernant l'utilisation de
ces instruments?
|
| M. Goodhand: Une fois de plus, j'assortis mes propos d'un
bémol parce que je préférerais attendre de voir les rapports qui
émaneront de Santé Canada et d'un autre organisme associé. Je
crois qu'on a fait parvenir un questionnaire à 700 hôpitaux et
obtenu 400 réponses. Les résultats montrent que, dans la plupart
des cas où des instruments sont réutilisés, il n'y a pas de
directives écrites.
|
| La plus grande inquiétude de l'industrie, c'est que Santé
Canada nous assujettisse à une procédure de surveillance énorme
et appropriée pour s'assurer que l'instrument que nous avons
vendu pour un usage unique est non seulement stérile, mais en
plus qu'il fonctionnera comme il doit fonctionner, par exemple
qu'une sonde à ballonnet se gonflera toujours au même rythme. Si
le produit est stérilisé de nouveau une demi-douzaine de fois ou
25 fois, le fabricant n'a plus de contrôle sur son rendement.
|
| L'industrie a affirmé qu'on ne devrait pas réutiliser un
instrument conçu pour un usage unique. Si, cependant, on réutilise
des instruments, l'hôpital devrait être tenu d'observer les mêmes
normes que l'industrie au moment où le produit a été mis en
marché pour la première fois. Il s'agit d'une bonne question à
poser à votre médecin à l'occasion de votre prochaine visite.
|
| Le sénateur Callbeck: Madame Dunlop, avez-vous dit qu'il
existe six classifications dans le domaine des soins à domicile?
|
| Mme Dunlop: Je parlais des services d'auxiliaire familiale.
|
| Le sénateur Callbeck: Il y en a six dans le domaine des
services d'auxiliaire familiale seulement?
|
| Mme Dunlop: En Ontario, on considère une auxiliaire
familiale de niveau 1 comme une personne que nous avons
recrutée parce qu'elle possédait certaines compétences et que
nous avons formée. Le niveau 2 correspond à un programme
offert par un collège communautaire. Il y a aussi des préposés aux
services de soutien à la personne, sans oublier des catégories
d'aides-soignantes qui ne sont plus formées en Ontario. Il y en a donc
déjà là cinq, seulement en Ontario. Ces personnes ne sont pas des
professionnels de la santé réglementés. Aucune disposition
législative ne régit leur pratique.
|
| Le sénateur Callbeck: Pour les emplois les plus élémentaires,
qui embauchez-vous? Que recherchez-vous?
|
| Mme Dunlop: Eh bien, notre effectif se compose à 96 p. 100
de femmes. Les personnes dont nous retenons les services pour
des tâches d'entretien ménager général ont habituellement
elles-mêmes vaqué aux soins d'un foyer et possèdent une
expérience des soins aux aînés et aux enfants, mais il s'agit de
personnes qui effectuent de légers travaux ménagers, préparent les
repas et font la lessive. Elles ne sont pas en mesure de s'occuper
des soins personnels, d'effectuer des transferts, de nourrir les
patients et ainsi de suite. Les personnes appelées à effectuer de
telles tâches doivent recevoir une formation spécifique.
|
| Le sénateur Callbeck: On n'exige donc pas de niveau de
scolarité particulier?
|
| Mme Dunlop: Pas de façon spécifique. Au
Nouveau-Brunswick, en particulier, il s'agit de personnes qui
travaillent au salaire minimum. C'est terrible.
|
| Le sénateur Callbeck: Vous avez dit, je crois, que votre
entreprise était présente dans six provinces?
|
| Mme Dunlop: Oui.
|
| Le sénateur Callbeck: Elle est présente au
Nouveau-Brunswick?
|
| Mme Dunlop: Oui.
|
| Le sénateur Callbeck: Qu'en est-il des autres provinces de
l'Atlantique?
|
| Mme Dunlop: La Nouvelle-Écosse. Le remboursement de la
Nouvelle-Écosse est un peu supérieur à celui du Nouveau-Brunswick.
|
| Le sénateur Callbeck: Depuis combien de temps vous
retrouvez-vous dans ces deux provinces?
|
| Mme Dunlop: L'organisation évolue dans ces deux provinces
depuis 10 ou 15 ans. Je ne travaille moi-même pour Comcare que
depuis quatre ans. Nous faisons pression sur la province du
Nouveau-Brunswick, constamment, tous les ans, depuis quatre
ans, sans qu'il y ait de changement. Nous avons fait des progrès
considérables dans d'autres provinces.
|
| Le sénateur Callbeck: Monsieur McDole, je n'ai pas de
question à vous poser, mais vous tenez dans votre mémoire des
propos qui m'intriguent. J'ai été très étonnée de constater les taux
d'approbation de nouveaux médicaments par province que vous y
mentionnez et d'y apprendre que si une province en particulier
accepte un médicament donné, des pressions extrêmes s'exercent
sur l'autre pour qu'elle accepte elle aussi.
|
| M. McDole: Cela donne à penser - peut-être ai-je mal
interprété ce que j'ai lu - qu'elles cèdent aux pressions en
question. Je ne vois pas de raison de le croire. La situation varie
énormément d'une province à l'autre; par conséquent, quelles que
soient les pressions qui s'exercent, les provinces semblent très
bien s'en tirer de ce point de vue.
|
| Le sénateur LeBreton: Je voulais justement vous sonder
là-dessus, monsieur McDole. Dans le graphique que vous avez
fourni - il y est question de l'approbation des nouveaux
médicaments et on y voit que le Québec, évidemment, vous le
savez, c'est très élevé et il y a l'Ontario à neuf, le Nouveau-Brunswick à sept et l'Île-du-Prince-Édouard à quatre.
|
| Comment fait une compagnie comme la vôtre pour composer
avec une telle situation? Vous avez manifestement desmédicaments qui sont autorisés dans certaines provinces, alors
que dans d'autres - et je parle particulièrement du Québec et de
l'Ontario, car j'habite moi-même à Ottawa, tout près de la
frontière québécoise. Je crois que les gens présument,
probablement à tort, que lorsqu'un médicament est approuvé pour
être mis en marché au Canada, ils n'ont pas à s'engager dans des
démarches pour le faire approuver par la province.
|
| Comment composez-vous donc avec cette situation, autrement
qu'en payant, forcément, des lobbyistes? Cela doit entraîner des
difficultés considérables pour une compagnie comme la vôtre?
|
| M. McDole: C'est un problème. Cela ne fait aucun doute. On
essaie de contourner le problème en faisant de bonnes recherches
au départ, en ayant de bons produits qui répondent à des besoins
médicaux - et cela va transparaître dans les pourcentages
donnés, sans qu'il y ait tout un débat.
|
| Nous effectuons beaucoup d'études sur l'économie de la santé
et établissons nombre de données en vue d'étayer nos dires, afin
de démontrer l'avantage et la valeur ajoutée de nos médicaments
dans le contexte du système.
|
| C'est un défi constant. Heureusement, comme vous pouvez le
voir, la province du Québec - qui n'est pas une petite province
- est relativement plus favorable à notre industrie. Dans
certaines régions du pays, vos affaires sont peu importantes, alors
qu'ailleurs, vous avez un bon volume.
|
| C'est une des raisons pour lesquelles l'idée d'un formulaire
national vous donne la trouille.
|
| Le sénateur LeBreton: Oui, tout à fait.
|
| M. McDole: Le formulaire national, c'est très bon si vous
essayez de faire en sorte que le malade bénéficie tout le temps du
meilleur médicament, quelle que soit sa capacité de payer.
|
| Le formulaire, de par la façon dont il est appliqué, tend à
devenir très rapidement une mesure qui a pour effet de prévenir
l'utilisation, de restreindre l'utilisation. Il devient une mesure de
limitation des coûts, plutôt qu'une façon de fournir le meilleur
médicament possible aux malades, au bon moment, au bon prix.
|
| Le sénateur LeBreton: Quelle serait la façon idéale pour le
gouvernement fédéral d'envisager son rôle à cet égard?
|
| M. McDole: Si je croyais que l'adoption d'un formulaire
national nous permettrait de toujours donner aux malades le
meilleur médicament possible, je ne m'y opposerais pas.
|
| Par ailleurs, je crois que nous devons étudier les résultats et
choisir le meilleur médicament possible pour le malade, de façon
individuelle.
|
| Le sénateur Morin: Monsieur Goodhand, votre association
représente-t-elle toutes les compagnies, par exemple, Medtronic,
Siemens et Phillips? Je voulais adresser une question aux
personnes qui représentent les compagnies canadiennes. Y a-t-il
une organisation qui représente uniquement les entreprises
canadiennes qui fabriquent des instruments médicaux?
|
| M. Goodhand: Non, notre association - et je peux vous
fournir des précisions là-dessus - se compose à 50 p. 100
d'entreprises canadiennes et à 50 p. 100 d'entreprisesmultinationales.
|
| Le sénateur Morin: Comme vous le savez, il y a plusieurs
problèmes, mais un des principaux problèmes de notre système de
prestation des soins de santé, c'est que nous nous situons près du
bas du classement des pays membres de l'OCDE pour ce qui est
de la technologie médicale. Une des raisons de cela, c'est que
notre industrie canadienne des instruments médicaux fait si piètre
figure. Il y a très peu de choses qui se passent dans le domaine.
|
| Le gouvernement a beaucoup soutenu cette industrie. Par
exemple, Industrie Canada applique un programme pour la mise
au point de procédés technologiques qui soutient tout, l'industrie
de l'environnement et tout le reste, et qui consent à diverses
industries des prêts à faible taux d'intérêt, sinon des prêts sans
intérêts. Toutefois, pour une raison ou une autre, les instruments
médicaux ne font pas partie de la liste.
|
| Si vous comparez le Canada à d'autres pays commel'Allemagne, les États-Unis ou la France, là où l'industrie des
instruments médicaux est très forte, vous constatez que notre pays
n'est pas très fort dans le domaine.
|
| Nous devrions peut-être aborder la question différemment. Je
crois que nous devrions nous pencher uniquement sur la situation
canadienne. Je ne me soucie pas beaucoup de Siemens et de
Phillips et de Medtronic. Je ne crois pas que ces entreprises aient
besoin de notre soutien autant que l'industrie canadienne. Je sais
bien que vous ne serez pas d'accord, car ces entreprises
représentent la moitié de nos membres, mais je crois que cette
façon de penser est l'une des solutions au problème que nous
voyons ici.
|
| Comme vous, j'appuie l'idée de l'établissement du coût en
fonction du produit de référence et j'ai des préoccupations à ce
sujet, mais la question qui touche tous les tiers payeurs, dans le
monde entier, c'est le fait que les médicaments sont prescrits par
des médecins. Les consommateurs ne les achètent pas. Bien
entendu, il faut en tenir compte.
|
| Nous savons que maintes études ont démontré que les
médecins ne se soucient pas terriblement du coût des
médicaments qu'ils prescrivent. Ils sont très influencés par le
marketing. C'est une réalité. Ils sont incapables de dire non aux
malades qui demandent un médicament particulier. Nombre
d'études l'ont démontré.
|
| Je vais vous poser cette question. S'il existe deux médicaments
de valeur égale pour une situation donnée, mais que le premier est
beaucoup moins cher que le deuxième, comment pouvons-nous
nous assurer que c'est le médicament le moins cher qui sera
prescrit?
|
| Le président: Je veux aussi laisser à M. Goodhand le soin de
répondre. Je suis sûr qu'il souhaite formuler des observations.
Allez-y, monsieur McDole.
|
| M. McDole: Je crois que le mécanisme en place au Conseil
d'examen du prix des médicaments brevetés en tient déjà compte.
Les médicaments d'une catégorie donnée, pour l'ensemble, sont
presque tous vendus au même prix. Les différences de prix sont
très faibles pour les médicaments qui font partie d'une même
catégorie.
|
| Là où il y a une différence, c'est entre le médicament breveté et
le médicament générique. Quand le brevet cesse de s'appliquer, il
est clair qu'il faut choisir le médicament générique.
|
| Le président: Si votre logique est bonne ou si vos faits sont
exacts - c'est-à-dire que tous les médicaments d'une catégorie
sont essentiellement les mêmes -, alors pourquoi même discuter
de la substitution de médicaments? Si les médicaments sont
essentiellement les mêmes et qu'ils sont essentiellement les
mêmes sur le plan médical, où est le problème?
|
| M. McDole: Ils sont tous vendus au même prix; c'est ce que je
voulais dire. Il n'est pas avantageux de se limiter à un seul choix.
En limitant le choix, on crée une situation extrêmement
désavantageuse pour le malade et pour le médecin, car tous les
médicaments ne sont pas pareils pour ce qui est des effets sur un
patient en particulier, plutôt qu'un autre. Le fait de pouvoir choisir
parmi les médicaments faisant partie d'une catégorie fait que le
médecin a de meilleures chances d'obtenir les résultats voulus,
sans que cela ne représente un inconvénient économique véritable
pour le payeur.
|
| Le sénateur Morin: Je ne veux pas m'acharner sur la question,
mais je peux vous signaler des cas où les médicaments d'une
même catégorie présentent un écart de prix considérable. Je suis
sûr que nous pouvons en trouver - il y a, par exemple, les
inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine.
|
| Dans une telle situation, disons une situation hypothétique,
comment nous assurer que c'est le médicament le moins cher qui
est prescrit?
|
| M. McDole: J'aimerais préciser que nous sommes en mode de
transition. Certes, tout ce qui est postérieur au Conseil d'examen
du prix des médicaments brevetés, qui détermine le plafond, le
prix et la catégorie.
|
| Comme nous avons déjà les prix les moins élevés dans le
monde, pratiquement, les probabilités que l'éventail de prix se
situe ailleurs qu'autour du prix maximal fixé sont très minces. Là
où l'écart est le plus grand, c'est dans le cas d'un médicament qui
a été mis en marché avant l'instauration des contrôles. Alors,
l'éventail est plus vaste.
|
| M. Goodhand: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur,
je vous dirais que c'est l'inverse qui se produit. Ce n'est pas
l'absence d'une industrie canadienne des instruments médicaux
digne de ce nom qui est en cause, c'est que les Canadiens n'ont
pas accès à la meilleure technologie médicale qui soit. C'est la
façon de fournir les soins de santé qui détermine vraiment le
degré de pénétration ou d'accessibilité de la meilleure technologie
médicale qui soit dans le monde.
|
| Allons un peu plus loin: c'est la nature même du marché
canadien pour l'achat de la technologie des soins de santé qui est
en cause. C'est pour cela que nous n'avons pas une solide
industrie des instruments médicaux.
|
| Où est la cause et où est l'effet? Je n'en suis pas sûr. Vous avez
tout à fait raison, les deux sont liés. Ils sont clairement liés, et
c'est pourquoi, durant mon exposé, je demandais non seulement
un investissement continuel dans la recherche sur les soins de
santé, mais également l'établissement d'un lien avec une industrie
novatrice.
|
| Nous avons une poignée d'entreprises qui ont démontré
qu'elles peuvent concurrencer les meilleures entreprises du
monde. Certaines de nos grandes multinationales ont joué un rôle
important dans la démarche qui a consisté à prendre des produits
fabriqués au Canada, inventés au Canada - j'ai présenté la
semaine dernière un prix au Dr George Klein, électrophysiologue
de London, le prix MEDEC. La société Medtronic a pris son
produit, qui est fabriqué ici au Canada, et l'a commercialisé. La
question de l'accès à cette technologie est tout à fait différente.
|
| Pour faire suite à la question de savoir qui représente les
entreprises canadiennes, disons qu'il existe des associations
régionales; par le passé, nous n'étions pas regroupés. Durant les
neuf derniers mois, nous avons noué des liens avec ces
associations. De même, nous travaillons de concert avec le
ministre de l'Énergie, des Sciences et de la Technologie en
Ontario, avec Industrie Canada, et nous sommes à nouer des liens
avec l'industrie au Québec pour bâtir l'industrie et nous
travaillons avec le Conseil national de recherches.
|
| Je consacre 35 p. 100 de mon temps à la création d'une
industrie canadienne plus forte qui exploite des recherches
effectuées ici, dans nos universités, et ne laisse pas s'envoler la
valeur qui est créée ici.
|
| Nous sommes dévoués à cette cause, mais l'absence d'une
industrie des instruments médicaux qui soit forte n'est pas la
raison pour laquelle la technologie brille par son absence dans les
soins de santé au Canada.
|
| Le sénateur Cordy: Ma question s'adresse à Mme Dunlop;
elle a trait aux soignants non rémunérés.
|
| Nous avons entendu les témoins. Il est vrai que la plupart des
soignants non rémunérés sont des femmes. Par ailleurs, dans de
nombreux cas, ce n'est pas une tâche qu'elles prévoient
elles-mêmes prendre en charge. Personne ne dit: «C'est moi ou la
famille qui va devenir le soignant non rémunéré». Dans de
nombreux cas, cela leur est imposé.
|
| Je m'inquiète des systèmes de soutien que nous avons en place
pour les soignants non rémunérés - enfin, de savoir si elles
peuvent avoir un peu de répit. Nous avons parlé des soins de
relève du point de vue du malade, mais c'est, presque, des soins
de relève, dans les faits, pour le soignant non rémunéré.
|
| Par ailleurs, dans votre documentation, vous parlez du régime
fiscal, de l'assurance-emploi et des politiques d'emploi. Je me
demande si vous pourriez me donner des précisions là-dessus,
pour dire ce que vous entendez par là au juste.
|
| Mme Dunlop: Bien sûr. Je pensais que nous pourrions avoir,
grosso modo, une dispense semblable à ce que nous appliquons
au congé de maternité ou au congé pour événements familiaux
malheureux.
|
| Ce sont presque toujours des femmes, bien qu'il y ait certes des
hommes qui se retrouvent malgré eux dans la situation, sans y être
préparés. Tout de même, si les gens sont contraints de quitter le
monde du travail, je crois que nous devons les soutenir d'une
manière ou d'une autre. Ce n'est pas toujours leur choix.
|
| Nous sommes limités dans ce que nous pouvons prévoir dans
des programmes publics à leur intention. Les gens peuvent parfois
compter sur une assurance complémentaire pour mieux absorber
certains des coûts, mais ce n'est pas toujours le cas. Ils engagent
des coûts pour le matériel, les produits pharmaceutiques, les
pansements et les fournitures - ce sont des choses qu'ils doivent
payer une fois qu'ils sont à la maison.
|
| D'une part, il est très important de réduire au minimum
l'impact financier que cela a sur ces familles. Fait tout aussi
important, il faut leur accorder un répit. Une façon de le faire,
c'est de faire venir à domicile une auxiliaire. Certaines familles se
sentent trop coupables pour placer en établissement l'être cher,
même pour un repos de deux semaines. Elles disposent donc de
ce choix.
|
| Le sénateur Cordy: La situation familiale n'est pas toujours
idéale pour quiconque - encore moins pour quelqu'un qui est
très malade. Y a-t-il un mécanisme qui permette de déterminer
qu'il s'agit simplement d'une bonne situation pour le patient?
Votre organisation a-t-elle étudié cette question?
|
| Mme Dunlop: Du point de vue du risque d'une organisation, je
dis toujours que je suis la première à envoyer quelqu'un ailleurs,
et si la personne ne devrait pas être à la maison. Nous traitons
également avec des gens qui croient qu'ils devraient avoir le droit
au risque.
|
| Nous avons affaire en ce moment même à une femme qui,
selon nous ne devrait pas être à domicile, mais elle demeure apte
à décider et elle insiste que c'est là son droit. Nous avons donc
adopté une entente de service qui dit que quelqu'un doit être
présent avant que nous quittions les lieux. Nous sommes sortis de
notre cadre de pensée habituel pour nous assurer de pouvoir nous
occuper d'elle comme il le faut à son domicile, mais cela a
supposé beaucoup de travail créatif de la part des divers
organismes.
|
| La dernière chose que je souhaiterais à notre organisation et à
nos soignants, c'est qu'il y ait quelqu'un à la maison qui ne
devrait pas y être.
|
| Le président: Permettez-moi de vous remercier tous d'être
venus.
|
| Notre prochain groupe est composé de M. Jeff Lozon, président
de l'hôpital St-Michael; de Gary O'Connor, directeur général de
l'Association des centres de santé de l'Ontario et du Dr Ken Sky,
président de l'OMA, l'Association médicale de l'Ontario.
|
| Le Dr Kenneth Sky, président, Association médicale del'Ontario: Merci, sénateur Kirby, messieurs, mesdames membres
du comité, de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous
cet après-midi. Je tiens également à remercier le comité
d'organiser ces audiences pancanadiennes et d'avoir le courage de
s'attaquer aux questions difficiles et complexes qui entourent
l'avenir des soins de santé au Canada.
|
| Le comité entendra également le témoignage de mes collègues
de l'organisme national, l'Association médicale canadienne dans
un proche avenir. L'OMA a en commun avec l'AMC certaines
préoccupations touchant l'avenir des soins de santé, et nous
espérons que vous allez juger utiles les deux exposés que nous
vous présenterons.
|
| L'Association médicale de l'Ontario montre la voie parmi les
partisans d'une discussion franche et ouverte sur le financement
des soins de santé en Ontario aussi bien qu'au Canada. Nos
projets sont exposés dans les trousses que je vous ai remises.
|
| Tout au long du processus, notre position concernant le
financement des soins de santé est demeurée la même. Il ne suffit
pas d'étudier de meilleurs modèles de gestion qui s'appliqueraient
à notre système de soins de santé. Nous devons être ouverts à
d'autres modèles de financement, qui adhèrent au principe de
l'universalité des soins. Notre dialogue progressera dans ce cadre.
Pour des renseignements approfondis sur nos travaux dans le
domaine, voir le site Web de l'OMA.
|
| La première de nombreuses questions qui importent dans le
contexte de cette discussion, c'est la crise actuelle chez les
médecins et les signes de plus en plus évidents que la pénurie de
médecins deviendra encore plus grave dans un proche avenir.
Manifestement, les conséquences de la pénurie actuelle et de la
pénurie à venir sont capitales. L'OMA a remis au sénateur Kirby
des statistiques utiles sur la question; j'ai également inclus dans
notre documentation un article publié dans l'édition de ce mois de
l'Ontario Medical Review, intitulé «Physician Human Resources
in Ontario: The Crisis Continues» - Les médecins en Ontario: la
crise continue. Je m'excuse d'avoir remis ce document si tard,
mais il vient seulement d'être publié la semaine dernière.
J'encourage tous les membres du comité à en faire la lecture.
|
| Autre question d'importance pour le débat: le rôle dans le
système de santé des infirmières autorisées de la catégorie
avancée, c'est-à-dire les infirmières praticiennes. L'OMA a
récemment mis sur pied un groupe de travail chargé d'examinerla relation de travail entre les médecins et les infirmières
praticiennes. Nous espérons avoir en main le rapport final au
printemps; nous en transmettrons un exemplaire pour examen au
comité.
|
| J'aimerais parler brièvement de la question de la rémunération
des médecins. Il y a eu tout un débat sur la façon de rémunérer les
médecins pour les services médicaux qu'ils fournissent.Permettez-moi de dire, aux fins du compte rendu, que l'OMA
préconise vivement le choix du mode de rémunération pour le
médecin. Aucun modèle de rémunération unique ne convient à
tous les médecins. L'OMA montre le chemin pour ce qui est
d'explorer les mécanismes de rémunération des médecins dans
divers contextes.
|
| Nous reconnaissons les défis que doivent relever les
gouvernements en tant que payeurs, en vue de dispenser des soins
à tous les citoyens. À cette fin, nous continuons de travailler avec
le gouvernement afin que des médecins soient accessibles dans
toutes les régions. Nous sommes en train de négocier des contrats
uniques pour l'exercice de la médecine dans des collectivités de
diverses tailles, en régions éloignées et dans des secteurs où le
service comporte des lacunes.
|
| De même, nous continuons à faire progresser la réforme des
soins primaires en Ontario. L'Association médicale de l'Ontario
fait oeuvre de pionnière à cet égard: nous appliquons actuellement
un projet pilote à six endroits en Ontario. Ces projets en sont à
divers stades d'élaboration et d'évaluation.
|
| Les instances dirigeantes de l'OMA se sont réunies le
10 novembre pour examiner la documentation faisant état des
précisions voulues sur cette expansion volontaire. Quand je dis
«volontaire», je parle du point de vue des malades et du médecin
à la fois. L'élément clé du succès de la réforme des soins
primaires, c'est que cela demeure volontaire.
|
| Les sujets à aborder aujourd'hui sont nombreux, mais je tiens à
profiter de l'occasion pour insister sur un aspect particulier de la
réforme des soins primaires, soit le rôle de la technologie de
l'information. L'Association médicale de l'Ontario est d'accord
avec l'assertion de votre comité: la technologie de l'information
représente l'aspect le plus important de l'élaboration d'un système
de santé pleinement intégré. Je m'intéresse particulièrement à ce
sujet, car je siège actuellement au Comité de cybersanté de la
province de l'Ontario qui étudie le rôle de la technologie de
l'information dans les soins de santé. L'OMA estime que
l'élaboration d'un système de technologie de l'information qui
permet un meilleur accès à l'information sur les soins de santé
aidera les médecins et d'autres soignants à offrir de meilleurs
soins aux malades.
|
| Je vais aborder trois aspects particuliers de cela dansmon exposé: le rôle du gouvernement provincial, le rôle du
gouvernement fédéral et le rôle des médecins et, en dernière
analyse, la relation entre le médecin et le malade.
|
| Nous sommes convaincus que chacune des administrations
provinciales et territoriales doit saisir l'occasion de faireprogresser le dossier de la technologie de l'information et en
assumer la responsabilité financière. Elles doivent se faire
l'élément moteur du processus. La santé relève des compétences
provinciales. Chaque gouvernement provincial doit faire preuve
de leadership et élaborer la technologie nécessaire pour faire
progresser l'échange de renseignements. Nous savons que divers
projets provinciaux relatifs à la technologie de l'information en
sont à divers stades d'élaboration.
|
| À l'heure actuelle, en Ontario, le gouvernement provincial est
en train de mettre au point son propre Système intelligent pour la
santé. Le projet en question vise à mettre en place l'infrastructure
informatique nécessaire pour permettre à divers intervenants
d'élaborer des solutions informatiques reposant sur la collectivité,
la technologie de l'information et l'échange de renseignements.
|
| En même temps, l'OMA coopère avec le ministère de la Santé
et des Soins de longue durée. Nous sommes en train de mettre au
point un système Internet pour les fournisseurs de soins primaires,
les médecins de l'Ontario.
|
| Ce système permettra aux médecins de bénéficier de la
connectivité en tablant sur le Système intelligent pour la santé.
Cela permettra de créer un réseau connecté et intégré qui
fonctionnera avec d'autres parties du système de soins de santé.
C'est le projet «cybermédecins» de l'Ontario. Nous allons vous
fournir d'autres renseignements sur ce projet, dans un proche
avenir. Selon nous, le cabinet médical de l'avenir non seulement
détiendra des renseignements importants sur la santé des
individus, mais il permettra d'échanger des données provenant de
multiples sources, dont les responsables de l'imagerie médicale,
les laboratoires, les hôpitaux, les pharmacies, et ainsi de suite.
|
| Je n'ai fait que vous donner un tableau sommaire des projets
actuels de technologie de l'information en Ontario. Nous sommes
convaincus que le gouvernement provincial doit montrer le
chemin à cet égard, mais le gouvernement fédéral a également un
rôle essentiel à jouer. Selon nous, le rôle du gouvernement fédéral
comporte trois éléments.
|
| Premièrement, le gouvernement fédéral doit établir des normes
nationales auxquelles doivent adhérer chacune des provinces et
chacun des territoires au moment d'élaborer leurs propres
systèmes de technologie de l'information. Les normes en question
serviront de balise aux provinces et aux territoires et permettront
d'orienter les projets provinciaux et territoriaux en vue de la
production d'un cadre national.
|
| Deuxièmement, le gouvernement doit fournir à chacune des
administrations provinciales et territoriales les fonds nécessaires
pour qu'elles mettent au point la technologie nécessaire. J'admets
que c'est là une entreprise très coûteuse pour tous les ordres de
gouvernement, mais, en dernière analyse, les avantages d'un
système uniforme et sans discontinuité reposant sur la technologie
de l'information compenseront certainement les coûts élevés qui y
sont associés. Les procédés d'imagerie par résonance magnétique
et autre équipement de diagnostic ont toujours été considérés
comme générateurs de coûts dans notre système de santé. Nous
considérons la technologie de l'information comme un facteur
d'économie à long terme. Les coûts de démarrage sont
importants, mais la technologie de l'information finira par rendre
le système plus efficace.
|
| Troisièmement, et c'est ce qui est le plus important, le
gouvernement fédéral doit se donner des politiques et des
procédures explicites en ce qui concerne les renseignements
personnels sur la santé qui sont détenus et échangés par voie
électronique.
|
| Cela m'amène à mon dernier point, soit le rôle des médecins et
la relation entre le médecin et le malade. À notre avis, l'élément
clé du succès et, en dernière analyse, de l'expansion du projet de
mise en oeuvre de la technologie de l'information sera la relation
entre le médecin et le malade. Les malades se tournent vers leur
médecin pour être rassurés et conseillés. Si nous, les médecins,
nous assurons à nos patients que les renseignements personnels
sur leur santé sont bien protégés, les patients consentiront à ce que
les renseignements en question circulent dans un réseau commun.
Je ne saurais trop vous le dire. Les patients doivent pouvoir parler
librement et être suffisamment sûrs que tout renseignement
personnel sur leur santé demeurera protégé. Sinon, la technologie
de l'information dans les soins de santé se soldera par un échec.
|
| La technologie de l'information peut être aussi perfectionnée et
techniquement avancée que vous le voulez, mais l'élément central
doit consister en une série de mesures intégrées qui protègent les
renseignements personnels sur la santé du patient. Le plus grand
défi que doivent relever ceux qui, parmi nous, souhaitent adopter
une façon nouvelle de gérer l'information sur la santé, c'est de
convaincre nos patients, d'obtenir leur appui, d'obtenir leur
confiance.
|
| Une fois en place l'infrastructure à cet égard, qui devrait
contrôler et gérer les dossiers médicaux de millions de patients,
dans un contexte où les informations seront enregistrées et
échangées par voie électronique? L'OMA est convaincue que ce
sont les médecins qui doivent être les gardiens des
renseignements sur la santé. Les médecins doivent continuer à
jouer un rôle clé quand il s'agit de régir le stockage et la diffusion
des renseignements personnels sur la santé. De fait, nos propres
sondages internes nous disent que jusqu'à maintenant les
Ontariens sont plus nombreux à vouloir que les médecins, et non
pas le gouvernement, contrôlent et gèrent tout le système
informatisé de dossiers médicaux.
|
| À l'OMA, nous représentons 24 000 médecins, mais nous
défendons également les intérêts de la population ontarienne.
Nous savons que les deux tiers du grand public se soucient de ce
que les renseignements personnels sur la santé se retrouvent entre
les mains du gouvernement, de compagnies d'assurance et
d'employeurs. Ils se soucient également de l'éventualité que des
compagnies pharmaceutiques internationales accèdent auxrenseignements personnels sur la santé. Nous devons nous assurer
que leurs préoccupations demeurent sans fondement.
|
| J'ai soulevé à votre intention aujourd'hui plusieurs questions
concernant la technologie de l'information. Comme vous le
voyez, il est essentiel au succès de tout projet de mise en oeuvre
de la technologie de l'information que nous collaborions afin de
créer un système uniforme, sûr et sans discontinuité qui, en
dernière analyse, permettra de fournir de meilleurs soins à nos
patients.
|
| Encore une fois, je tiens à remercier l'Association médicale de
l'Ontario des travaux difficiles et extrêmement importants qu'il
réalise. J'espère sincèrement que le débat que vous suscitez
perdurera et que le gouvernement étendra votre mandat en vous
confiant la responsabilité de relever de futurs défis que nous, en
tant que pays, n'avons pas seulement commencé d'entrevoir.
L'OMA espère pouvoir revenir bientôt contribuer au débat sur
l'avenir des soins de santé, de façon permanente.
|
| Le président: Notre prochain témoin est M. Jeff Lozon,
président et directeur général de l'hôpital St-Michael. Il est
également ex-sous-ministre de la Santé en Ontario et, ce qui est
peut-être encore plus important, c'est tout un golfeur.
|
| M. Jeffrey Lozon, président-directeur général, Hôpital
St-Michael: Honorables sénateurs, comme certains d'entre vous
le savent peut-être, j'exerce des fonctions de premier plan dans le
système depuis plus de vingt ans. Je suis actuellement président
de l'Hôpital St-Michael. J'ai eu le bonheur de servir la province
de l'Ontario à titre de sous-ministre de la Santé et des Soins de
longue durée en 1999 et en 2000. Toutefois, je ne suis pas ici pour
représenter l'une ou l'autre de ces organisations. Mes
observations reposent sur l'expérience totale qu'ont pu me fournir
les divers rôles que j'ai joués dans l'ensemble du système, dans
quatre provinces, sous la férule de gouvernements de toute
allégeance.
|
| Permettez-moi d'abord de vous féliciter du travail que vous
avez fait jusqu'à maintenant. Votre rapport devrait être une lecture
obligatoire pour tous les étudiants en administration de la santé et
tous les décideurs du domaine. Vous présentez un excellent
historique de la question, de la façon dont nous en sommes arrivés
là dans la santé. Vous présentez de manière intéressante le
contexte international dans lequel on peut voir notre système.
Vous avez également la sagesse de reconnaître que les systèmes
suédois, américain ou australien ne peuvent être reproduits au
Canada. Les systèmes de santé sont des créatures propres à
chaque pays et à chaque société; ils reflètent les valeurs de la
société qu'ils servent, explicitement et implicitement.
|
| Fait encore plus important, votre dernier volume soulève des
questions fondamentales au sujet des options de financement et
d'organisation qu'il faut prendre en considération pour donner
forme au futur système. Cela ne fait aucun doute à mes yeux:
vous avez soulevé des questions et proposé des orientations que
pratiquement toutes les administrations ont prises en considération
dans le cadre de leurs propres délibérations, mais dont les
responsables n'ont pas parlé ouvertement, de crainte de perdre les
prochaines élections.
|
| C'est là un des aspects tragiques du débat: comme le système
en place est devenu un symbole quasi religieux, comme vous le
faites remarquer, nous ne pouvons parler ouvertement des
modifications profondes qui s'imposent.
|
| Vous avez apporté une contribution extraordinaire au débat en
en élargissant le cadre. Je note que vous vous joignez à toutes
sortes de commentateurs qui, comme le Conference Board du
Canada et le C.D. Howe Institute, laissent entendre que des
changements profonds qui se révéleront parfois douloureux,
peut-être, s'imposent.
|
| Vous devriez savoir que le système résiste très bien aux
tentatives faites pour le modifier, et nous avons déjà connu de
nombreux rapports de la nature de celui dont il est question ici. La
distance que vous avez parcourue pour susciter une discussion
franche des options ne représente qu'une fraction du chemin qu'il
faudra traverser pour que le système perdure et serve les
Canadiens à l'avenir. Un courage politique marqué par la
profondeur et la persévérance, une vision claire, réfléchie et sage
de la chose, et, enfin, un travail d'exécution concentré et
déterminé sont autant d'éléments qui se révéleront nécessaires à
l'avenir.
|
| Durant les cinq minutes qui me sont accordées, je ne saurais
traiter de l'ensemble des questions abordées durant votre examen.
Il suffit de dire que je suis d'accord avec les orientations, la
conception de la qualité et la vision de l'éthique que vous
préconisez; tout de même, j'aimerais traiter de quatre aspects de
votre rapport.
|
| Premièrement, j'aimerais évoquer un autre élément qui fait
obstacle à la modification du système que vous proposez. Selon
moi, cet obstacle particulier est peut-être plus important que tous
ceux que vous avez mentionnés jusqu'à maintenant; de même,
selon mon expérience, on ne saurait instaurer un changement
véritable sans en tenir compte.
|
| Deuxièmement, je veux présenter des options touchant des
questions particulières liées à l'organisation du système,plus particulièrement, la réforme des soins primaires et la
régionalisation. Si j'ai le temps, je commenterai le rôle du
gouvernement fédéral tel qu'il est présenté dans le rapport
intérimaire, volume quatre, et je commenterai certains aspects de
l'option de financement.
|
| En premier lieu, je dirais qu'il faut, de toute urgence, appuyer
notre système de santé sur une orientation prévisible et stable, et
cela tient à la nécessité de protéger le système contre les
vicissitudes de la politique partisane. Une des tâches les moins
désirables, les plus difficiles et les plus importantes qui soient
dans notre société, c'est la responsabilité du système de santé à
l'échelon provincial. Si une plus grande stabilité et une plus
grande certitude ne s'instaurent pas, même les meilleurs choix
parmi les options et les politiques de réforme sont voués à
l'échec. Songez à un fait: en Ontario, il y a eu, depuis dix ans,
sept ministres de la Santé et sept sous-ministres de la Santé.
|
| Travaillez pendant trois mois comme sous-ministre et vous
l'emportez en ancienneté sur la moitié de vos collègues.
Travaillez pendant plus d'un an, c'est du long service. Un
ministre de la Santé peut s'attendre à un mandat d'une quinzaine
de mois environ, tout comme le sous-ministre d'ailleurs.
L'Ontario constitue peut-être un exemple extrême, mais ce n'est
pas du tout un phénomène rare dont il est question.
|
| Il est impossible de faire progresser le système quand il y a ce
genre de roulement du personnel. De même, il est peu pratique de
planifier à long terme dans le contexte. Par ailleurs, souvent, la
meilleure expertise du système ne se trouve pas au ministère
fédéral ou provincial; de ce fait, les administrations
parlementaires ne peuvent accomplir efficacement les tâches qui
leur sont attribuées.
|
| J'invite vivement l'Association médicale de l'Ontario à
envisager de recommander que soient créés, pour remplacer la
formule actuelle, des organismes provinciaux indépendants, sans
but lucratif et à caractère public, dont la tâche consisterait à
diriger le système de santé. Les organismes en question se
composeraient d'un conseil d'administration dont les membres
seraient nommés par le gouvernement et dotés d'un mandat
précis. Ils pourraient compter sur une équipe d'experts et recevoir
une rémunération concordant avec la difficulté, la capacité et
l'orientation du système. Les sociétés ainsi créées se chargeraient
de la prestation des services, du financement et de l'organisation.
Elles répondraient de la réalisation d'objectifs provinciaux qui
pourraient s'inscrire dans une approche dite «garantie des soins».
L'établissement de tels objectifs demeurerait l'apanage des élus.
En bref, les organismes fonctionneraient de manière indépendante
du processus politique, mais seraient tenus de rendre compte de
l'application d'un système de santé de premier ordre aujourd'hui
comme à l'avenir.
|
| D'autres activités, par exemple la planification des ressources
humaines dans le domaine de la santé, pourraient demeurer la
responsabilité de l'administration fédérale ou provinciale.
Toutefois, pour la plus grande part, les ministères actuels de la
Santé céderaient le pas à des organismes experts indépendants. De
là, une certaine stabilité et le choix d'une orientation, à l'écart des
pressions quotidiennes de la politique partisane pourraient se faire
jour. En même temps, on essaierait de garantir des niveaux de
soins élevés. Si la situation ne devient pas plus prévisible et si le
système n'est pas protégé contre la médiatisation, même la
meilleure des réformes ne pourra être mise en oeuvre, et certains
des changements les plus importants que vous envisagez ne
porteront tout simplement pas fruit.
|
| Permettez-moi maintenant d'aborder la question del'organisation. Je vais m'attacher à deux aspects de l'organisation,
soit la réforme des soins primaires et la régionalisation.
|
| La réforme des soins primaires représente l'un des éléments
prédominants de tout examen majeur du système depuis 20 ans.
Tous les praticiens qui ont étudié la question savent que tant et
aussi longtemps que le système actuel demeure en place, il sera
très difficile d'instaurer une réforme véritable.
|
| Alors pourquoi, malgré que l'on sache cela, le système
demeure-t-il une sorte d'industrie artisanale reposant sur des
arrangements financiers établis à la pièce; pourquoi n'a-t-il
presque aucune caractéristique propre à une industrie de services
moderne? La réponse à cette énigme est complexe. En partie, cela
est dû au fait qu'une telle réforme met en péril les intérêts
d'initiés; ce sont là des intérêts considérables. La réforme doit se
faire sur un grand nombre d'années, et le grand public est
susceptible d'appuyer les professionnels qui s'opposerontpeut-être aux changements, plutôt que ceux qui proposent le
changement. Tout de même, en tant que professionnel de la santé,
je ne peux qu'appuyer un mouvement actif en faveur d'un
système réformé de soins primaires.
|
| La deuxième question que je souhaite aborder en rapport avec
l'organisation des soins, c'est la régionalisation. Il est tout à fait
remarquable de constater qu'un si grand nombre de
commentateurs y voient un élément essentiel d'une réforme
fructueuse, étant donné que cet élément n'a jamais été évalué et
que rien ne permet de croire que cela fonctionne mieux que les
arrangements précédents. Aucune donnée ne permet vraiment
d'établir que les patients bénéficient d'un système régional. Il n'y
a pas d'avantage au système dont témoigneraient des coûts moins
élevés. Dans un contexte où la médecine fondée sur des données
probantes est à la mode, voilà un changement qui porte sur un des
domaines les moins étudiés et les plus vantés qui soient.
|
| Tout de même, nous sommes conscients de certaines des
caractéristiques de la régionalisation telles qu'elles se pratiquent
au Canada. Où qu'on se trouve au Canada, cette régionalisation
est incomplète, car il n'y a pas un seul système régional, autant
que je sache, qui inclue la rémunération des médecins dans
l'enveloppe régionale définie. En outre, les systèmes régionaux
n'ont pas fonctionné dans les grandes villes où le taux de mobilité
des patients est élevé et où le choix du consommateur estun facteur. Je vous mets en garde contre une plus grande
régionalisation des soins. L'utilité de la régionalisation reste
encore à prouver.
|
| Permettez-moi de réfléchir un moment au rôle du
gouvernement fédéral. Le comité a fait état d'un rôle renouvelé et
élargi pour le gouvernement fédéral dans le système de santé du
Canada. En règle générale, je suis d'accord sur ce point. Tout de
même, la santé n'est pas reconnue comme un domaine où les
relations fédérales-provinciales sont faciles, et il est probable que
cette conception du rôle fédéral se heurte à une vive opposition.
|
| l'Association médicale de l'Ontario a-t-elle envisagé l'un ou
l'autre des deux extrêmes à cet égard? Dans un cas, le
gouvernement fédéral se retire entièrement de la santé, il transfère
aux provinces le rôle limité qu'il joue à l'heure actuelle en
échange d'autres points d'impôt et abandonne la Loi canadienne
sur la santé. L'autre extrême, c'est de demander aux provinces de
transférer leurs responsabilités actuelles en matière de santé au
gouvernement fédéral et de créer un système vraiment national.
Ce sont là des options claires et nettes, qui se conçoivent plus
aisément et qui mettraient peut-être fin aux interminables
querelles de compétence qui caractérisent actuellement notre
système de santé.
|
| Ces options présentent certes un caractère dramatique, mais
elles ne sont pas moins susceptibles d'émerger que les rôles
renouvelés que propose le comité, particulièrement en ce qui
concerne l'infrastructure, l'évaluation et la santé de la population,
tous des secteurs où cela causera, à mon avis, un débat assez
animé entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les
suggestions que vous faites ici aideraient à susciter un débat
vigoureux.
|
| De toute manière, l'accroissement du rôle fédéral doit
s'articuler autour d'une fonction publique qui saisit mieux la
situation et d'un engagement à long terme. Une des grandes
craintes des ministères provinciaux de la Santé, c'est que le
gouvernement fédéral soutienne le système quand il y un
excédent, seulement pour retirer ses billes quand les ressources se
font rares. S'il faut envisager un rôle plus important de la part du
gouvernement fédéral, il faut le négocier et le présenter comme
étant permanent.
|
| En outre, l'actuel ministère fédéral de la Santé aurait besoin
d'un bon coup de fouet, dans le monde réel de la santé, afin de
jouer le rôle que vous envisagez dans votre rapport.
|
| C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
|
| M. Gary O'Connor, directeur général, Association des
centres de santé de l'Ontario: Merci, sénateur Kirby, messieurs,
mesdames, membres du comité.
|
| Dans l'ensemble, les Canadiens sont fiers de notre système de
santé. Si on compare la situation à celle d'autres pays,
l'attachement du Canada à un système de santé universel et
accessible où les soins sont complets et transférables, dans le
cadre d'une administration publique, reflète des valeurs d'équité
et de justice qui symbolisent le Canada.
|
| L'avenir du système est une question qui revêt une grande
importance pour tous les Canadiens. Nous félicitons l'Association
médicale de l'Ontario sénatoriale permanente des affaires
sociales, des sciences et de la technologie d'avoir pris en charge la
tâche qui consiste à examiner le système de santé du Canada.
Nous recommandons que l'Association médicale de l'Ontario,
dans le cadre de ce travail, examine également de près les centres
de santé communautaires. Je travaille pour l'Association des
centres de santé de l'Ontario et je représente 68 centres de santé
communautaires situés dans la province de l'Ontario.
|
| À propos du rapport intérimaire du Association médicale de
l'Ontario, j'aimerais commenter quatre questions particulières:
premièrement, le financement et le reciblage du système de santé
du Canada; deuxièmement, la réforme des soins primaires;
troisièmement, l'expansion des services de santé; et,
quatrièmement, la santé de la population.
|
| Pour ce qui est du financement, nous sommes en faveur d'un
système de santé complet financé à même les deniers publics et
qui est accessible à tous les Canadiens. Nous ne sommes pas
d'accord avec l'idée que l'application d'un ticket modérateur
améliorerait la prestation des soins ou servirait à contrôler les
coûts. De même, nous croyons, comme le démontre l'expérience
vécue en Australie, que toute application d'un ticket modérateur
ou toute mesure visant à recourir davantage aux systèmes
d'assurance à but lucratif finira par nous coûter plus cher.
|
| Au Québec, quand les personnes âgées et les assistés sociaux
ont dû payer un ticket modérateur pour obtenir des médicaments
d'ordonnance, ils ont consommé moins de médicaments, ce qui a
donné des gens plus malades et fait augmenter le nombre de
consultations dans les urgences des hôpitaux. Le ticket
modérateur permet de réduire les coûts à court terme, mais, en
dernière analyse, il entraîne des dépenses plus grandes, parce
qu'un plus grand nombre de personnes choisissent de ne pas aller
se faire traiter aussi tôt.
|
| Les organisations à but lucratif, de par leur nature même, sont
motivées d'abord et avant tout par la recherche du profit et non
pas forcément par l'intérêt du malade. Des études ont démontré
que leurs coûts administratifs sont plus élevés que ceux des
organisations sans but lucratif, sans qu'ils ne fournissent
nécessairement de meilleurs soins. Dans un système à deux
vitesses, les listes d'attente pour les patients du public sont plus
longues, car les médecins travaillent un plus grand nombre
d'heures dans le secteur privé.
|
| Nous croyons qu'il existe d'autres façons d'atteindre l'objectif
qui consiste à faire un usage plus raisonnable des ressources chez
les fournisseurs et les utilisateurs à la fois, par exemple en
instaurant des soins primaires interdisciplinaires intégrés.
|
| Tous les patients n'ont pas à consulter un médecin. Unexamen récent des services fournis dans 20 centres de santé
communautaires en Ontario l'a démontré: 32 p. 100 des services
ont été fournis par des médecins, 43 p. 100 par des infirmières
ou des infirmières praticiennes, 9 p. 100 par des travailleurs
sociaux, 4 p. 100 par des podologues et 12 p. 100 par d'autres.
|
| Nous recommandons que le comité, avant d'envisagerd'instaurer un système à deux vitesses, approfondisse les
recherches qui démontrent que les systèmes à deux vitesses ont
pour effet d'accroître le temps d'attente et les coûts. On peut agir
pour rendre les systèmes de santé publics plus efficaces et plus
efficients, et des rapports comme celui de la Commission Clair et
du comité Fyke nous montrent la voie.
|
| Quant au reciblage du système, nous félicitons le comité
sénatorial d'avoir reconnu que nous devons réorienter notre
système de santé, en délaissant le modèle pathologique au profit
d'un modèle plus global qui soutient la santé des Canadiens. Le
Forum national sur la santé a révélé que les Canadiens,
globalement, sont d'accord avec cette nouvelle définition et cette
nouvelle conception des choses.
|
| Élément central pour redéfinir le système: la réforme des soins
de santé primaires. Nous félicitons le gouvernement fédéral de
s'être entendu avec les provinces pour fournir 800 millions de
dollars à la réforme des soins de santé primaires et félicitons votre
comité de son appui à l'égard du travail des équipes de
professionnels interdisciplinaires dans le domaine de la santé.
|
| Les centres de santé communautaires de l'Ontario fournissent
justement des soins de cette nature depuis 30 ans. Nous
recommandons vivement au gouvernement fédéral de préconiser
le modèle de centre de santé communautaire tel qu'il est décrit
dans notre mémoire. Je ne vais pas dresser la liste exhaustive des
éléments, mais vous pourrez en faire la lecture à votre guise.
|
| Même si le modèle de centre de santé communautaire est
mentionné dans votre rapport intérimaire, l'Association médicale
de l'Ontario ne semble pas en avoir tenu compte dans son examen
des options rentables qui se présentent. Nous proposons au comité
d'explorer cet aspect du modèle.
|
| Les centres de santé communautaires, la preuve peut en être
faite, ne sont pas plus économiques que les modèles et les
pratiques fondés sur la rémunération à l'acte. Au début des années
80, Saskatchewan Health a fait des recherches sur le coût des
services de 200 médecins urbains rémunérés à l'acte dans le
réseau public, par rapport au coût dans les cliniques
communautaires. En moyenne, le service des médecins en
clinique coûtait 17 p. 100 de moins que celui des médecins en
cabinet privé pour ce qui touche les ordonnances et le recours
général aux services. De même, le taux d'hospitalisation était
moindre.
|
| En Ontario, le ministère de la Santé vient de parachever un
examen stratégique du programme de centre de santé
communautaire. Il ne s'agit pas encore d'un document public,
mais certaines précisions ont été rendues publiques. Les
conclusions principales rendues publiques jusqu'à maintenant
démontrent que les centres de santé communautaires appliquent
les éléments souhaités de la réforme des soins primaires comme
les solutions de rechange à la rémunération à l'acte, le recours à
des équipes interdisciplinaires, la participation de la collectivité,
l'offre ininterrompue des services (24 heures par jour, sept jours
sur sept) et l'accessibilité des soins, et ainsi de suite.
|
| Les CSC rendent compte de leur travail en faisant rapport
auprès d'un conseil d'administration de la collectivité, en
respectant les ententes de service et en respectant les conditions
d'accréditation. Ils répondent aux objectifs du ministère et
appliquent les stratégies du ministère. Ils ont un rôle stratégique à
jouer dans le contexte des soins primaires, particulièrement quand
il s'agit de servir des populations défavorisées et des populations
aux prises avec des obstacles à l'accès.
|
| Les réseaux de santé familiaux ne rendront pas inutiles les
centres de santé communautaires, car ils ne sont pas conçus pour
améliorer l'accès aux soins des groupes défavorisés. Les CSC
représentent une façon de répondre aux besoins dans les cas où les
services font défaut.
|
| Nous recommandons vivement aux administrations fédérales et
provinciales de reconnaître, de soutenir et de favoriser le modèle
de centre de santé communautaire comme modèle idéal pour la
prestation de soins primaires en milieu communautaire.
|
| Quant à l'expansion des services de santé, nous croyons qu'il
faut intégrer les soins à domicile, les soins palliatifs et les
médicaments d'ordonnance aux éléments que regroupe le principe
de l'intégralité prévu dans la Loi canadienne sur la santé. Nous
sommes en faveur d'un projet national d'assurance-médicaments
et d'un programme national de soins à domicile. Les deux
programmes en question permettaient de réduire les coûts et les
pressions avec lesquelles composent les responsables des soins
actifs et des services de longue durée en établissement.
|
| Pour ce qui est de la santé de la population, les centres de santé
communautaires de l'Ontario ont mis leurs services au profit de
partenariats communautaires et du développement communautaire
comme moyen de composer avec les déterminants sociaux de la
santé depuis 30 ans. Nous sommes d'ardents défenseurs des
collectivités et des nombreux services et dossiers liés à la santé à
l'intérieur des collectivités.
|
| Nous sommes d'accord avec l'Association médicale de
l'Ontario sénatoriale quand il dit que, du point de vue de la santé
de la population, le gouvernement fédéral devrait privilégier la
prévention des maladies, plutôt que de traiter les gens une fois
qu'ils deviennent malades. Tout de même, nous croyons que, dans
le domaine de la santé de la population, le gouvernement fédéral a
un rôle plus large à jouer.
|
| Dans votre rapport, vous faites allusion aux déterminants de la
santé, mais vous ne prenez pas la notion à coeur. Les Canadiens
jouissent d'un niveau de vie élevé en raison de nombreux facteurs
qui échappent à ce que nous qualifions, de tradition, les soins de
santé. Depuis un siècle, l'amélioration la plus marquée du point
de vue de la santé et du mieux-être est attribuable à des sources
autres que la thérapeutique. Les facteurs en cause sont les
suivants: une eau potable, des logements salubres, le soutien du
revenu et le port de la ceinture de sécurité en voiture, pour n'en
nommer que quelques-uns.
|
| Nous espérons que l'Association médicale de l'Ontario aura le
courage d'envisager son mandat dans un contexte plus vaste que
les seules choses dont peut s'occuper Santé Canada. Une
approche véritablement fondée de la santé reposerait sur
l'intégration des éléments qui feraient appel à des partenariats
conclus avec d'autres ministères à l'intérieur du gouvernement
ainsi qu'avec d'autres gouvernements.
|
| Les Canadiens ont besoin de logements abordables, de revenus
adéquats, d'aliments salubres, de mesures de soutien sociales et
d'éducation. L'attention portée à ces questions à l'échelle fédérale
aidera à soutenir le système de santé en permettant que les gens
demeurent en santé plus longtemps.
|
| Enfin, nos trois dernières recommandations reposent sur ces
faits. Nous recommandons que l'Association médicale de
l'Ontario sénatoriale préconise l'expansion du rôle du
gouvernement fédéral pour ce qui est de la santé de la population,
en incluant notamment les logements abordables, les programmes
de sécurité du revenu, les mesures de soutien social et l'éducation.
Ces questions font fi des lignes de démarcation entre les
ministères et les gouvernements; par conséquent, le gouvernement
doit sortir du carcan intellectuel qui marque la situation à l'heure
actuelle.
|
| En outre, nous recommandons vivement au gouvernement
fédéral de réintégrer le domaine du logement social, pour la
population générale, en instaurant de solides programmesfédéraux de logement social. Se loger en toute sécurité, à prix
abordable, et de façon durable, voilà l'un des facteurs les plus
importants qui puisse contribuer à la santé des individus, des
familles et des collectivités.
|
| Enfin, nous recommandons que l'Association médicale de
l'Ontario sénatoriale préconise que le gouvernement fédéral
réaffirme son rôle dans la prestation des services de santé à
l'intention des peuples autochtones.
|
| Le président: J'aimerais poser une question à M. Lozon, en
partie parce qu'il a dit qu'il abandonnerait peut-être le dossier du
financement, mais qu'ensuite il ne l'a pas fait, et en partie pour
l'interroger sur une option qui a été signalée à notre intention par
diverses personnes au pays, et qui tire son origine du Forum
national sur la santé. C'est-à-dire de savoir si le financement
devrait «suivre» le patient, plutôt que l'établissement.
|
| L'effet net de cela, ce serait de dissocier la fonction de payeur
de la fonction de fournisseur, pour que les patients puissent se
rendre dans l'établissement de leur choix pour être traités et que le
paiement provienne tout de même du gouvernement. Le patient,
en ce sens, est indépendant. Si vous faites cela, vous établissez
évidemment la fonction d'évaluateur comme étant distincte aussi.
|
| Avez-vous déjà réfléchi à ce modèle? Que pensez-vous de
l'idée? Vous allez peut-être vouloir vous en servir comme
introduction pour aborder certaines des autres options que nous
avons exposées pour ce qui est du financement?
|
| M. Lozon: Dans plusieurs administrations, et notamment en
Grande-Bretagne, on a adopté une sorte de partage entre
l'acheteur et le fournisseur, ce qui est un euphémisme désignant
ce dont vous parliez, où un groupe de personnes traitent de l'achat
de la fonction et où un certain nombre de fournisseurs exercent la
fonction. Cela a un certain mérite, du fait d'introduire dans le
système un certain degré de responsabilisation et un certain
alignement de mesures d'encouragement que nous n'avons pas
vraiment.
|
| Nous n'avons pas la structure voulue pour faire cela en ce
moment. Nous n'avons pas la structure intégrée qu'il faut pour
faire en sorte, vraiment, que cela fonctionne.
|
| Je croyais que vous alliez me poser plus de questions
concernant la participation individuelle au système du point de
vue du financement. J'avais des observations à formuler à ce
sujet, en ce qui concerne votre rapport.
|
| De fait, je suis en faveur d'une plus grande participation
individuelle au financement du système de santé, à condition que
les personnes les plus vulnérables de notre société continuent de
recevoir des soins et des services, sans obstacles financiers à cet
égard. Votre rapport pourrait être plus fort, et particulièrement à
cet égard, quand vous exposez les options.
|
| Je suis en faveur d'une plus grande injection personnelle de
fonds dans le système parce que, en règle générale, un bien gratuit
est considéré comme n'ayant pas de valeur. Au moyen d'une série
de percées techniques et de promesses politiques, nous avons
incité les gens à croire qu'ils ont droit à quelque chose, mais ce
quelque chose, le système ne peut le satisfaire.
|
| Une plus grande contribution personnelle, par l'entremise des
mécanismes exposés dans le rapport, permettrait non seulement
d'accroître les ressources, mais, ce qui est encore plus important,
de faire comprendre que le système n'est pas gratuit et qu'il ne
devrait pas être traité comme une ressource renouvelable.
|
| Le sénateur Morin: Docteur Sky, vous croyez beaucoup au
caractère privé de renseignements sur la santé. Envisageriez-vous
une exception dans le cas de la recherche?
|
| Le Dr Sky: Non, sénateur. Les renseignements appartiennent
au patient. Ils ne relèvent pas du bien commun d'autres
personnes.
|
| Si vous séparez les éléments de cette propriété, vous vous
immiscez gravement dans la relation entre le médecin et le
malade. Il est difficile pour moi, en tant que médecin, d'obtenir la
confiance de mes patients et d'obtenir qu'ils me donnent toutes
les précisions voulues pour que je puisse les traiter
convenablement. Si, pour une raison ou pour une autre, ils
devaient soupçonner que les renseignements personnels à leur
sujet vont être transférés, quelle que soit la fin utile envisagée, à
une tierce partie sans leur consentement, ils vont peut-être choisir
de ne pas révéler un renseignement capital.
|
| Le sénateur Morin: Vous dites que les études
épidémiologiques sur les résultats, pour l'amélioration de la
prestation des soins de santé - les bulletins sur tel ou tel
établissement - les résultats des opérations au coeur du Dr Keon,
par rapport aux résultats établis dans un autre hôpital, seraient
impossibles.
|
| Le Dr Sky: Pas du tout. Nombre des études épidémiologiques
en question peuvent se faire sans que l'on dispose de
renseignements personnels qui permettraient d'identifier
quelqu'un, et c'est pourquoi les renseignements sur la santé
doivent être gardés par le médecin. Permettez que les éléments
identifiables soientsupprimés, pour que la majeure partie de l'information serve par
ailleurs. Si le patient consent à ce qu'on utilise les renseignements
voulus, les éléments identificateurs peuvent s'y retrouver, mais il
ne faut jamais présumer du consentement. Ce serait unconsentement absolu, explicite.
|
| Le sénateur Morin: Monsieur Lozon, comme d'habitude, vous
avez des idées très claires, des idées qui stimulent beaucoup.
|
| Comme vous le savez, le rapport Clair propose l'établissement
d'un organisme de la santé qui se chargerait d'administrer le
programme de la santé au Québec et, fait assez étonnant, le
Ministre ne l'a pas encore mis en place, et je doute sérieusement
qu'il le fasse. C'est une idée qui circule depuis un certain temps
déjà.
|
| Pour revenir au rôle du gouvernement fédéral, bien entendu,
nous avons déjà une mosaïque de systèmes de santé et, au fil du
temps, chacun des systèmes provinciaux devient assez différent
des autres. Voilà un fait.
|
| Toutes les études l'ont démontré: par une très forte majorité,
les Canadiens sont d'accord pour dire que le gouvernement
fédéral devrait jouer un rôle dans le système de prestation des
soins de santé, et ils croient à des normes nationales, quelle que
puisse être la signification du terme. Il y a aussi la question que
les provinces moins nanties aient une présence. Les soins de santé
prodigués aux Canadiens ne sont pas traités de manière égale par
le système de santé. C'est une grande question, et il est difficile
de contourner la difficulté. La solution de facilité - et j'y ai
pensé -, c'est de laisser simplement à chaque province son
propre système, à condition d'appliquer certaines lignes
directrices.
|
| Les provinces seraient mieux disposées à choisir cette voie si
nous avions, à l'échelle nationale, un financement stable. Voilà un
élément. Comment l'obtenir, voilà une autre question, mais si
nous avions la possibilité d'assurer un financement stable à
l'intention des provinces, ce serait plus facile.
|
| Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la régionalisation
des soins de santé. Tout ce que cela fait, selon mon expérience,
c'est d'ajouter un palier à la bureaucratie. C'est à peu près tout ce
que ça fait.
|
| Vous dites que rien ne permet de le croire. Y a-t-il des données
qui permettent de croire à l'utilité de la réforme des soins
primaires? Avons-nous les mêmes genres de questions en ce qui
concerne la régionalisation?
|
| Monsieur O'Connor, je ne sais pas si vous avez écouté le
témoin précédent, Mme Dunlop. Il y a un bon paragraphe de son
rapport qui m'a frappé: [Traduction] «Nous croyons que les
organisations privées à but lucratif représentent un partenaire
essentiel de l'avenir des soins de santé canadiens». Elle poursuit:
|
Nous avons fait nos preuves, c'est-à-dire que nous formons
des organisations légitimes qui fournissent d'excellents soins
de santé tout en respectant les principes économiques. Nous
insistons bel et bien sur l'efficience et l'efficacité. Qui dit
rentabilité dit réinvestissement dans notre système de santé.
|
| Cela se fait sous la forme de dépenses d'immobilisations.
|
| On nous a dit que les dépenses d'immobilisations représentent
l'une des difficultés de notre système. J'ai remarqué que, dans
votre propre rapport, la toute première recommandation insiste sur
le caractère sans but lucratif de la chose, comme si vous vous
opposiez tout à fait à l'autre vision du monde.
|
| M. O'Connor: Je ne peux que m'appuyer sur mon expérience
personnelle. Je n'étais pas présent durant le témoignage de
Mme Dunlop. J'ai assisté seulement à la séance de questions.
|
| On peut présenter des arguments en faveur d'un régime à but
lucratif ou d'un régime sans but lucratif. Quand vous comparez
des études faites aux États-Unis entre les organisations à but
lucratif et les organisations sans but lucratif, vous découvrez que
les résultats ne sont pas très différents.
|
| Le sénateur Morin: Je peux vous présenter des données qui
disent l'inverse. Vous avez cité des études qui montrent cela, mais
il y a des études récentes qui montrent que le régime à but lucratif
est meilleur. On cite ce qui fait notre affaire, en fait.
|
| M. O'Connor: C'est juste. Nous pourrions nous obstiner en
citant telle ou telle étude. Ce que je veux faire valoir, c'est que
lorsqu'on envisage les besoins, il faut examiner quels sont les
besoins du patient. D'après mon expérience, on répond mieux aux
besoins du patient dans un régime sans but lucratif.
|
| M. Lozon: J'ai quelques observations à formuler à propos des
vues du sénateur Morin.
|
| Je comprends que les Canadiens puissent souhaiter un système
national. En même temps, ma question est la suivante: que
veulent donc les provinces? La réalité est toute simple, c'est que
les autorités fédérales et provinciales se disputent un peu et que le
débat continue. La création d'un système national exige non
seulement que les Canadiens et le gouvernement fédéral en
veuillent, mais aussi que les provinces en veuillent. Cela serait
plus vraisemblable dans un contexte où le financement fédéral se
fait stable. Il faut également que le financement en question
repose sur des décisions bien avisées qui feront appel à des
experts et non seulement être ciblées de telle ou telle façon.
|
| Je vais vous donner un exemple. Nous applaudissons l'injection
d'un milliard de dollars en technologies de la santé, mais il faut
savoir que cela suscite des coûts de fonctionnement
supplémentaires que finiront par assumer les provinces ou les
établissements qui sont soutenus par la province.
|
| Sénateur, je ne savais pas que la Commission Clair avait
proposé la création d'un organisme indépendant, mais je crois que
cela touche au fondement de la question. Le fondement de la
question, c'est que nous avons créé - et je prendrai pour
exemple l'Ontario - un système de santé de 23 milliards de
dollars. Nous avons demandé aux responsables du système de
financer des établissements, des particuliers. Nous leur
demandons de planifier les choses soigneusement. Nous leur
demandons de prévoir des investissements efficaces. Nous leur
demandons de faire de la recherche. Nous demandons au
responsable du système, le ministère de la Santé, de planifier
efficacement l'utilisation des ressources humaines, et je crois que
vous en avez suffisamment entendu, selon votre périple
pancanadien, pour savoir que cela ne se fait pas très bien dans un
endroit ou un autre. Nous en avons simplement trop demandé au
responsable de ce systèmeparticulier, surtout dans un contexte où le taux de roulement des
dirigeants est si élevé. Il existe un très grand écart entre les
bonnes idées proposées, les intentions bienveillantes et
l'exécution. C'est ce que je voulais souligner.
|
| Le président: À ce sujet, votre modèle distingue-t-il la
planification de la mise en oeuvre? Autrement dit, laisseriez-vous
la fonction de planification au ministère et la fonction de mise en
oeuvre et de surveillance à l'organisme, ou encore la fonction
planification irait-elle à l'organisme aussi?
|
| M. Lozon: Je confierais la fonction de planification à
l'organisme. Je garderais à part, au ministère, certains éléments
des responsabilités actuelles. Un bon exemple serait celui des
ressources humaines. La planification des ressources humaines à
l'échelle fédérale-provinciale est inadéquate, et si elle l'est, c'est
en partie parce qu'elle se fait toujours dans la confusion ou
qu'elle n'obtient pas toute l'attention voulue, étant donné les
énormes problèmes opérationnels qui existent.
|
| Je crois que votre groupe a envisagé la planification des
ressources humaines comme pouvant être un travail fédéral-provincial. C'est une tâche qui pourrait demeurer la responsabilité
des élus, tout comme l'établissement des objectifs de haut niveau:
tel délai pour les listes d'attente dans le cas des cancéreux, tel
délai pour les personnes en attente d'une chirurgie cardiaque,
l'accès aux médecins de premier recours, comme cela se ferait
avec l'adoption de la notion des «soins garantis» que vous avez
exposée dans l'un de vos documents sur les options.
L'établissement des objectifs demeurerait la responsabilité d'un
gouvernement.
|
| Le président: Dans l'ensemble, les mesures du rendement du
système demeureraient la responsabilité du parti politique qui en
est redevable, soit le parti qui forme le gouvernement.
|
| M. Lozon: Tout à fait.
|
| Le sénateur LeBreton: De façon un peu humoristique, je
pensais, quand j'ai entendu M. Lozon dire qu'il faut tenir ça à
l'écart de la politique partisane, que nous apprécions énormément
votre soutien indirect à l'égard d'un Sénat non élu.
|
| De toute manière, ma question s'adresse au Dr Kenneth Sky et
porte sur toute l'idée de la technologie de l'information. Je suis
certes d'accord pour dire que cela ne devrait pas être entre les
mains du gouvernement, mais j'aimerais savoir pourquoi vous
pensez que cela devrait être entre les mains du médecin et non pas
du patient lui-même. Si j'ai mon propre passeport et mon propre
numéro d'assurance sociale, n'est-ce pas une chose dont le
contrôle devrait m'appartenir à moi, le patient, plutôt qu'au
médecin? J'aimerais savoir pourquoi vous croyez qu'il vaut
mieux remettre cela entre les mains du médecin que du patient.
|
| Le Dr Sky: Sénateur, je dois signaler que je suis vraiment
médecin et que je prodigue vraiment des soins à des patients.
Dans la vie de tous les jours, ce que je constate, c'est qu'il y a
environ 20 p. 100 des patients en Ontario qui, du moins c'est le
cas pour mon cabinet, se présentent sans avoir sur eux leur carte
de santé. Pour ce qui est des enfants, cela se passe dans
50 p. 100 des cas, probablement, l'autre parent étant celui qui a
la carte.
|
| Vous avez fait allusion au fait que d'autres témoins ont parlé
d'une «carte à puce». Selon ce que nous avons vu jusqu'à
maintenant, les cartes à puce ne sont pas la mer à boire. Elles sont
très fragiles. Elles sont faciles à détruire ou à briser ou à
manipuler et, dans l'ensemble, les patients n'ont pas ce qu'il faut
pour garder tout cela. On ne pourrait stocker suffisamment
d'information sur une carte qui est assez solide pour être
transportée sur soi.
|
| Nous sommes d'avis que si l'information est conservée dans
une banque centrale - la mesure de protection habituelle étant
que, pour la majeure partie, l'information se retrouve entre les
mains du médecin traitant - on peut utiliser nettement mieux
l'information et s'assurer qu'elle chemine jusqu'au point de
service en temps utile. Cela veut dire qu'il faut tout le reste des
renseignements sur les soins de santé.
|
| En Ontario, avec notre nouveau système, nous nous sommes
assurés de pouvoir communiquer avec nos Centres d'accèsaux soins communautaires, les CASC, avec les hôpitaux, les
laboratoires et même les centres d'imagerie, pour que tout puisse
converger.
|
| Le sénateur LeBreton: Ce système permettrait-il de mettre la
main sur le patient qui, pour une raison ou une autre, ne cesse de
changer de médecin ou de produit pharmaceutique ou de
pharmacie?
|
| Le Dr Sky: Je ne dirais pas qu'il permettrait de «mettre la
main» sur une telle personne, mais on pourrait la repérer. Certes,
cela permettrait de réaliser des économies et des gains
d'efficience. Cela nous permettra aussi d'empêcher que de
coûteuses épreuves de diagnostic se fassent en double.
|
| Le sénateur LeBreton: Comme des épreuves sanguines, par
exemple?
|
| Le Dr Sky: Je parle des épreuves d'imagerie, en particulier, car
elles sont très coûteuses.
|
| Le sénateur LeBreton: Quelle incidence cela a-t-il sur le droit
de choisir du patient? Si c'est vous, le médecin, qui détenez le
dossier de la personne et que celui-ci, pour une raison ou une
autre, souhaite consulter un autre médecin, comment le dossier
sort-il de votre système? Est-ce un système central?
|
| Le Dr Sky: Ce serait transféré dans le temps de le dire. Cela
peut certainement se faire rapidement.
|
| Nous aurons en place quelques éléments utiles. Pour la sécurité
du système entier, il y aura le protocole de chiffrement SSL à
128-bit, aussi bon que celui dont se servent les banques, et cela
devrait faire échec à quiconque essaie de pénétrer le système,
exception faite des pirates informatiques les plus avancés.
|
| La certification des utilisateurs et des patients représente la
prochaine étape capitale. Nous croyons avoir l'infrastructure de
clé publique, l'ICP, voulue pour la certification des utilisateurs. La
manière d'identifier les patients demeure une question tout à fait
capitale. Nous n'avons pas encore déterminé si nous allons utiliser
la biométrie ou une autre forme d'identification.
|
| Le sénateur Keon: J'ai apprécié au plus haut point les trois
exposés que vous avez présentés.
|
| J'aimerais discuter d'une notion, si vous permettez que je
m'adresse d'abord à vous, Jeff, et je demanderai également au
Dr Sky et à M. O'Connor de commenter la question.
|
| Cela est paradoxal; à l'époque où la commission derestructuration a été mise sur pied en Ontario, j'ai rédigé un
mémoire dans lequel j'ai recommandé que l'on ne touche pas au
système hospitalier tant que nous n'avions pas bien cerné la
notion de régionalisation, sinon ce serait la catastrophe. Je crains
que cet article, que ce mémoire se retrouve dans l'édition de
demain de l'Ottawa Citizen.
|
| J'ai entendu parler de vos idées pour ce qui touche la création
d'organismes indépendants, provinciaux, sans but lucratif, même
à l'époque où vous étiez sous-ministre, et c'est un concept
vraiment intéressant. De fait, c'est simplement la notion de
régionalisation sur une échelle beaucoup plus grande.
|
| Une des énigmes qu'il nous faut résoudre tient au fait que nous
essayons d'appliquer des modèles et que nous essayons de trouver
des modèles qui se révéleront universels. Certes, essayer de
concevoir un modèle régional pour Toronto serait un cauchemar.
Tout de même, un modèle régional dans Ottawa-Carleton
fonctionnerait très bien, mais ce ne serait pas nécessaire si on
avait l'organisme indépendant, provincial et sans but lucratif qui,
fondamentalement, s'acquitterait de la même tâche à l'échelle
provinciale.
|
| Permettez-moi de descendre un peu sur la liste et d'aborder une
autre question. Croyez-vous que cet organisme composerait avec
la panacée de la santé en fonction des principes de la santé des
populations; autrement dit, composer avec l'effet du changement
de la santé de la population en Ontario? Pour y arriver, il faudrait
faire appel à des gens comme M. O'Connor. Il nous faudrait aussi
régler la question des soins primaires, docteur Sky, et, à mon
avis, on ne saura régler ça tant qu'il n'y aura pas un autre régime
de rémunération des médecins de premier recours. Ce n'est
qu'une opinion personnelle, mais je veux vous entendre réfuter
cette opinion. Je crois que le grand obstacle à la réforme des soins
primaires réside dans le fait que nous n'avons pas de régime de
rémunération pour les médecins de premier recours.
|
| M. Lozon: Sénateur, une des raisons pour lesquelles j'ai
formulé cette recommandation, c'est non seulement en raison de
la stabilité - qui me semble être une question très réelle et très
profonde - ou du manque de stabilité, mais simplement que les
modifications dont vous avez parlé dans votre question sont
difficiles à apporter dans le contexte actuel pour un ministre de la
Santé, qu'il se trouve à Regina, Winnipeg, Queen's Park ou
Halifax. Les changements qui s'imposent sont si profonds et si
dangereux, et ils prennent un temps extraordinaire à acheminer
dans tout le système. Cela prend beaucoup de temps parce qu'il
s'agit de la refonte d'un très grand système - et, souvent, on n'y
arrive simplement pas.
|
| Au fond, il s'agit non seulement de créer une plus grande
stabilité, mais également de créer la plate-forme sur laquelle
viendront s'appuyer ces genres d'activité.
|
| Si la plate-forme n'avait pas été mise à mal au début des
années 90 avec le resserrement des finances provinciales et des
finances fédérales, nombre des mesures qui ont été adoptées -
peut-être la régionalisation dans d'autres provinces, la
Commission de restructuration des services de santé dans la nôtre
- n'auraient peut-être jamais été adoptées, en partie parce que le
système exige un tel nombre de compromis qu'il devient très
difficile d'avancer.
|
| Pour recommander la manière de dissocier ces éléments, je
disais souvent: je me demande si le ministre de l'Énergie est
responsable des lumières qui sont allumées ou non la nuit à l'hôtel
Royal York? La réponse, c'est que personne n'a jamais demandé
au ministre de la Santé pourquoi les lumières s'éteignent à l'hôtel
Royal York. Par contre, il est tout à fait possible que l'on
demande au ministre de la Santé pourquoi une mère a été
transférée de Taber, en Alberta, au Montana pour obtenir un
service et que le ministre puisse accepter les critiques favorables
et défavorables formulées à ce sujet. À cet égard, le système que
nous avons mis en place n'est pas pratique.
|
| Le sénateur Keon: Gary, pourriez-vous nous dire ce que vous
pensez de la régionalisation en tant qu'elle touche une population
de, disons, 1,5 ou deux millions d'habitants? Est-ce que ce serait
une bonne chose ou une mauvaise chose pour votre concept?
|
| M. O'Connor: Une des questions que fait intervenir la
régionalisation, c'est la question de l'échelle. À l'Île-du-Prince-Édouard, la régionalisation a du sens. À Toronto, elle n'en
a pas. Il est difficile de répondre à la question quand on pense que
les deux cas se recouvrent.
|
| Pour une bonne part, la planification devient «communautaire»
et consiste à examiner ce qui a du sens pour la collectivité. Or, les
centres de santé communautaire font justement cela depuis
30 ans; ils aident à créer des collectivités fortes et dynamiques et,
de ce fait, des régions et des provinces et des pays dynamiques.
|
| La régionalisation, si elle est accomplie d'une manière qui sert
les patients et qui répond aux besoins de la collectivité, se révèle
efficace et utile. Si elle est faite d'une manière qui sert les intérêts
provinciaux et politiques, souvent, elle n'est pas utile aux
individus et aux collectivités.
|
| Je me fais l'écho de ce que Jeff a dit. Nous devons supprimer
de la santé les éléments politiques partisans, et nous devons
trouver une façon de faire reposer les soins de santé sur des
fondements certains, à long terme, qui dépassent le seul horizon
du mandat des partis politiques.
|
| Le sénateur Keon: Ken, pourriez-vous nous dire comment
vous appliqueriez un PAMP aux médecins de famille?
|
| Le président: Qu'est-ce qu'un PAMP?
|
| Le sénateur Keon: C'est un plan pour d'autres modes de
paiement. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'idée de
mettre à salaire les médecins de famille dans une région, d'une
façon qui correspondrait aux ressources communautaires dont
dispose la région, les cliniques communautaires, les soins
primaires et ainsi de suite, pour qu'ils puissent faire partie de ces
équipes? Peut-on faire cela sans qu'il y ait régionalisation?
|
| Le Dr Sky: Permettez-moi d'abord de dire qu'en plus d'être
président de l'Association médicale de l'Ontario, je suis membre
du conseil d'administration de l'Association médicale canadienne
et que je m'adresse souvent à mes collègues partout au Canada.
Leur impression, c'est que la régionalisation est une catastrophe
partout où elle a été adoptée. C'est un système qui permet au
gouvernement de transférer les responsabilités des lacunes du
système et qui tend à cultiver uniquement les bons éléments du
système. Je ne suis pas convaincu que la régionalisation soit
nécessaire à notre système, tel que nous l'avons en ce moment.
|
| Pour ce qui est de la réforme des soins primaires, quel que soit
le terme employé pour désigner la chose - en Ontario, on
appelle cela l'Ontario Family Health Network - permettez-moi
de dire, pour répondre d'abord à la question du sénateur Morin,
que l'utilité n'en est pas démontrée. C'est pourquoi nous avons
insisté pour qu'il y ait une évaluation constante du système. Nous
avons eu droit au premier rapport à ce sujet en Ontario. C'est un
processus itératif. Nous modifions sans cesse le modèle pour
régler les problèmes que nous repérons.
|
| Quant au modèle de rémunération lui-même, pour ce qui est de
la réforme des soins primaires, nous employons deux ou trois
modèles différents sur les lieux de nos projets pilotes. C'est une
forme conjuguée que nous employons. Nous utilisons une forme
de rechange pour ce qui est de la rémunération, essentiellement
l'équivalent d'un salaire, et nous employons un modèle réformé
de rémunération à l'acte. Nous employons les trois systèmes.
Nous les mettons tous les trois à l'essai pour déterminer lequel
fonctionne.
|
| Nous avons conclu qu'aucun système ne convient à tout le
monde, que les besoins des patients et des médecins varient d'une
région à l'autre. Nous devons les examiner afin de déterminer si
nous pouvons fonctionner avec trois ou quatre modèles. De fait,
c'est exactement ce que le conseil de l'Association médicale de
l'Ontario envisagera le 10 novembre, lorsqu'il examinera les
divers modèles de paiement pour déterminer lesquels sont
intéressants pour les médecins de l'Ontario.
|
| Le sénateur Keon: Jeff, vous avez réussi, mieux que
quiconque, à soutirer le milliard de dollars du gouvernement
fédéral pour la modernisation des technologies. Je me souviens de
vous avoir parlé à l'époque où cela était imminent.
|
| J'ai l'impression que, pour obtenir de vrais changements,nous devons investir des sommes conséquentes. Je pense aux
changements qui ont eu lieu dans les années 60, quand les fonds
pour la santé ont été débloqués, et que les écoles de médecine et
les centres médicaux, comme McMaster, ont été bâtis à prix fort.
Quand on y pense, 100 millions de dollars constituaient une
somme énorme en 1965.
|
| Que pensez-vous de l'idée consistant à proposer augouvernement fédéral - avec les mêmes arrangements
fédéraux-provinciaux que pour les ressources en matière de santé,
de façon à ce que les provinces puissent composer avec les
répercussions - de créer un énorme budget global visant à
permettre au système de se moderniser, au lieu de laisser tout le
monde composer, tant bien que mal, avec le peu de ressources
dont on dispose?
|
| M. Lozon: Sénateur, je reprends de temps à autre les propos du
sénateur Dirksen, qui disait: «Un milliard ici et un milliard là -
ça commence à faire beaucoup d'argent».
|
| Parmi les fonctions que j'exerce bénévolement, je suis
président de l'Association canadienne des institutions de santéuniversitaires, organisme national qui représente les régions et les
hôpitaux universitaires de partout au pays. Je demande au Comité
de déterminer si ces organismes et les écoles de médecine
auxquelles ils sont affiliés ne devraient pas être considérés comme
des ressources nationales.
|
| Les personnes formées à l'Université de Toronto ou à
l'Université de la Saskatchewan finissent par pratiquer partout au
pays, et le gouvernement fédéral a pris un engagement énorme au
chapitre de l'innovation en recherche, par l'entremise des chaires
de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour
l'innovation et des Instituts de recherche en santé du Canada. Cela
mine les ressources des organisations d'enseignement et des
facultés de médecine.
|
| J'ai lu soigneusement votre document sur une participation
fédérale accrue afin de déterminer si le comité envisagerait la
possibilité d'attribuer un rôle plus national à ces organismes, car,
de fait, leurs activités, non pas au chapitre de la prestation de
services, mais bien de l'enseignement et de la recherche, servent
réellement l'ensemble du Canada, d'un océan à l'autre.
|
| Le sénateur Robertson: Monsieur Lozon, il est rafraîchissant
de voir un ex-cadre supérieur de la fonction publique parler du
système avec franchise.
|
| J'aimerais prendre une minute pour parler des conseils
autonomes sans but lucratif dans tout le système. On a entendu
diverses références à une telle notion au fil des ans.
|
| Ma préoccupation, monsieur, c'est que quelqu'un doit nommer
les membres de ces conseils - et il ne faut jamais sous-estimer la
capacité des politiciens de faire nommer certaines personnes à un
conseil. Tout naturellement, le public se méfie toujours des
nominations à un conseil par le gouvernement au pouvoir, parfois
avec raison.
|
| Si nous pouvions trouver un moyen de créer un conseil sans but
lucratif totalement autonome, ce serait un important pas en avant.
Je crains que seul le Bon Dieu pourrait venir sur Terre et choisir
les bonnes personnes sans subir l'influence des politiciens. Je
n'arrive pas à me défaire de l'idée selon laquelle tout conseil, peu
importe ce qu'il fait, finirait par se buter à des commentaires
comme «eh bien, ce conseil a été constitué par un tel, est fautif, et
doit être remplacé», ce qui est souvent très raisonnable.
|
| Y avez-vous réfléchi en profondeur? Comment établiriez-vous
un conseil indépendant?
|
| M. Lozon: Sénateur, j'aimerais formuler un commentaire avant
de répondre à votre question.
|
| Je voue un respect sans bornes aux personnes qui sont élues et
qui sont chargées de diriger notre système de soins de santé. Les
collègues avec lesquels j'ai travaillé au ministère de la Santé et
des Soins de longue durée étaient extraordinairement compétents,
très travailleurs et déterminés. Comme la plupart des choses dans
la vie, les échecs découlent non pas de l'erreur humaine: ils se
produisent parce que nous avons créé un système qui ne
fonctionne pas.
|
| J'ai réfléchi un peu à la notion d'autonomie et aux façons de
l'obtenir. Une solution pourrait consister à faire constituer le
conseil par un comité composé de députés de tous les partis. Je ne
suis pas certain qu'une telle idée serait retenue par quiconque.
Nous ne formulons que des hypothèses et des théories, bien sûr.
Ce serait une possibilité.
|
| Je laisserais ce genre de chose aux gens qui connaissent mieux
l'orientation des politiques gouvernementales. Mes connaissances
touchent davantage le milieu des soins de santé. Il faut apporter
de grands changements, ce qui est difficile à faire. Il faut mettre
beaucoup de temps pour résoudre les problèmes, et nous ne
sommes pas dotés des structures et des processus nécessaires pour
le faire.
|
| Le sénateur Robertson: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
|
| Le Dr Sky: Sénateur, l'Association médicale de l'Ontario
suggère depuis longtemps qu'on procède à l'examen des autres
systèmes dans le monde, en particulier ceux des pays de l'OCDE.
Nous ne croyons pas que les solutions en matière de soins de
santé peuvent toutes être trouvées au Canada. Il n'y a pas de
système parfait. Il faut examiner tous les autres systèmes et tenter
de tirer le meilleur de chacun.
|
| Si vous souscrivez à la théorie de M. Lozon selon laquelle nous
avons besoin de conseils de supervision, je vous suggère de vous
pencher sur le système français. En France, les gens qui dirigent
le système de soins de santé sont indépendants des politiciens. Ils
doivent encore rendre compte aux politiciens, et les politiciens
continuent d'établir des politiques. Il y a moyen de faire cela. Il
est difficile de comparer nos pays, car le nôtre est une
confédération, et la France est une république, où les choses
fonctionnent différemment. En examinant les divers modèles qui
existent partout dans le monde, nous pouvons trouver des idées
qui conviendraient au Canada du XXIe siècle.
|
| Le sénateur Robertson: Merci. Comme vous le savez
probablement, le Comité a tenu des vidéoconférences avec un
certain nombre de pays afin d'en savoir davantage sur leurs
systèmes de santé respectifs. Nous devrions peut-être déterminer
si certains éléments des systèmes étrangers pourraient nous aider
avec la notion de conseil indépendant. Toutefois, j'ai encore un
petit doute.
|
| Laissez-moi passer à autre chose, ce ne sera pas trop long.
|
| Docteur Sky, à la page 1 de votre mémoire, vers le bas de la
page, vous dites ce qui suit:
|
Parmi les nombreux enjeux importants dans cette discussion,
il faut surtout envisager la pénurie actuelle de médecins et
tenir compte des preuves croissantes selon lesquelles ces
pénuries de médecins s'aggraveront dans un avenir rappro
ché.
|
| L'un des témoins que nous avons entendus ce matin,
Dr. Rachlis, ne croit pas que nous avons besoin de personnel
médical supplémentaire, et il estime que nous utilisons mal le
personnel dont nous disposons. Je ne sais pas s'il a raison, tort ou
à moitié raison. Les milieux médicaux se plaignent que les
médecins n'utilisent pas ou n'encouragent pas le recours à
d'autres professionnels ou paraprofessionnels de la santé. Cette
question est soulevée de temps à autre, j'aimerais savoir ce que
vous en pensez.
|
| Avant de vous inviter à répondre, j'aimerais soulever un dernier
point. J'ai remarqué qu'à la page 3 de votre mémoire, vous
énoncez les quatre aspects spécifiques de votre exposé: le rôle du
gouvernement provincial, le rôle du gouvernement fédéral, le rôle
du médecin et, enfin, la relation médecin-patient.
|
| Je suis surprise de constater que vous ne faites aucunement
référence au rôle des 256 médecins et des autres fournisseurs de
soins de santé, des pratiques interdisciplinaires dont nous avons
tellement entendu parler, et qui tirent le meilleur profit possible de
tous les professionnels ou paraprofessionnels médicaux dans le
système. Pourriez-vous commenter, s'il vous plaît?
|
| Le Dr Sky: Il semble y avoir deux enjeux ici, sénateur. Le
premier tient à la pénurie de médecins, qu'elle soit réelle ou
imaginaire, et le deuxième concerne les autres fournisseurs de
soins qui collaborent avec les médecins. J'ai déjà mentionné la
question des infirmières praticiennes.
|
| Laissez-moi d'abord commencer par la question de la pénurie
de médecins. En 1999, M. McKendry a déposé un rapport selon
lequel il manquait au moins 1 000 médecins en Ontario. L'année
suivante, M. George a mené sa propre étude et a conclu que
«non, il avait tort, la pénurie n'est que d'environ 250 à
300 médecins». À l'heure actuelle, le gouvernement ontarien
convient qu'il y a une pénurie d'au moins 1 300 médecins dans la
province. Je mets Dr. Rachlis au défi d'aller dans une des
109 collectivités considérées comme étant en pénurie de
médecins, et de leur dire qu'ils ont suffisamment de médecins.
|
| La pénurie a été confirmée par un débat scientifique étendu, et
il n'y a pas lieu de la remettre en question.
|
| Pour ce qui est de la question du personnel paramédical, en
particulier les infirmières praticiennes, nous avons établi un
comité. Pour l'instant, le comité n'a pas encore déterminé
comment nous utiliserons ce personnel.
|
| À notre avis, le principal enjeu tient au fait qu'il ne devrait pas
y avoir plusieurs points d'accès au système de soins de santé.
Nous considérons les infirmières praticiennes comme les
membres d'une équipe, travaillant avec les médecins pour voir le
plus grand nombre possible de patients, mais sous la supervision
d'un médecin. La plupart des patients en Ontario - d'après un
sondage, plus de 90 p. 100 - préfèrent d'abord consulter un
médecin de famille. Nous croyons qu'il faut répondre à ce besoin.
|
| Ensuite, il faut se pencher sur les moyens de financer les
infirmières praticiennes. À l'heure actuelle, celles dont nous
disposons sont financées, dans une large mesure, au moyen d'un
contrat direct avec le gouvernement, ou à même les ressources
des médecins. Ces deux méthodes ne sont pas de bons moyens de
financement, et nous devons en envisager de meilleurs.
|
| Le sénateur Robertson: Merci. J'apprécie votre commentaire
sur le besoin d'accroître le nombre de médecins, d'autant plus que
vous provenez d'une petite province, comme certains d'entre
nous. Mes électeurs m'ont affirmé qu'à l'heure actuelle, ils
doivent parcourir 60 kilomètres pour se trouver un médecin de
famille. Le système s'effondre.
|
| J'aimerais soulever rapidement un point qui s'applique, docteur
Sky, à ce dont nous parlons.
|
| Monsieur O'Connor, j'aime les centres de soins de santé. À
mon humble avis, ils sont bons. Bien sûr, je dis cela à titre de
personne provenant d'une petite province. Je crois que c'est vous
qui avez déclaré, au sujet de la prévention, qu'il fallait se
préoccuper du milieu, du logement et de tous les facteurs qui
influent sur la pauvreté, et que tous ces domaines doivent
converger.
|
| Cela me décourage un peu, monsieur. Notre problème, c'est
que le système est cloisonné et que les intervenants ne
communiquent pas entre eux. Nous recevons un financement
«vertical» du ministère de la Santé, de haut en bas, et personne ne
peut voir ce que l'autre fait. Ce processus mène au gaspillage. Je
crois qu'un mouvement horizontal des fonds pour un groupe de
citoyens donné serait avantageux, mais si nous n'arrivons pas à
faire tomber les cloisons dans le système de soins de santé,
comment arriverons-nous à faire tomber les cloisons afin de
favoriser une coopération ministérielle? Je comprends votre
commentaire, mais j'aimerais qu'on commence d'abord par
éliminer le cloisonnement dans le système de soins de santé.
|
| M. O'Connor: Je vous donne quelques exemples. En milieu
communautaire, les cloisons tombent assez facilement.
|
| Il y a quelques années, au Centre de santé communautaire de
South Riverdale, à Toronto, les médecins ont constaté une forte
incidence de saturnisme chez leurs patients. Si cela c'était produit
dans une clinique, les médecins auraient traité le saturnisme et
auraient continué de le traiter. Dans le cas qui nous occupe, il
s'agissait d'un organisme communautaire doté de travailleurs
d'approche communautaires et d'un conseil. Les médecins ont
signalé le phénomène. Les travailleurs d'approche ont cherchédes causes. L'organisme a exercé des pressions afin que le
gouvernement examine les sources de pollution dans la localité.
On y a trouvé une usine de piles, qui a fini par fermer ses portes
et à s'établir ailleurs. On s'affaire actuellement à restaurer le sol
dans cette localité.
|
| À Windsor, le service de prévention des incendies avait
remarqué une forte occurrence de décès par le feu et d'incendies
criminels dans la localité. Le service de prévention des incendies
a travaillé avec le Centre de santé communautaire de Sandwich,
situé dans une localité à faible revenu où l'on trouve peu de
matériel de prévention et de lutte contre les incendies dans les
maisons. Ils ont reçu des dons d'extincteurs d'incendie et de
matériel de détection d'incendie, et les ont installés dans les
maisons. Maintenant, cette localité affiche le plus faible taux de
décès par le feu dans la région, et le service de prévention des
incendies attribue la résolution du problème aux efforts du centre
de santé communautaire.
|
| Lorsqu'on adopte une approche intégrée qui va au-delà de la
simple prestation de services ponctuels, on peut favoriser le
bien-être et aider l'ensemble de la collectivité à se sentir bien.
|
| Le sénateur Robertson: Merci. Je peux vous donner de
nombreux exemples de ce genre de petites collectivités.
|
| Monsieur le président, au cours des dernières semaines, nous
avons entendu de nombreux témoins parler de ce cloisonnement,
où les gens travaillent presque l'un contre l'autre.
|
| Le président: Honorables sénateurs, il ne nous reste plus qu'un
seul groupe de témoins avant de lever la séance.
|
| Nous commencerons avec M. Jeff Wilbee, directeur exécutif de
l'Association ontarienne des services de rétablissement en
toxicomanie et de l'Association d'intervention auprès destoxicomanes.
|
| M. Jeff Wilbee, directeur exécutif, Association ontarienne
des services de rétablissement en toxicomanie et Association
d'intervention auprès des toxicomanes: Monsieur le président,
je tiens à remercier le Comité et vous-même de l'occasion qui
nous est offerte de témoigner aujourd'hui.
|
| Compte tenu du court délai qui nous est consenti pour notre
exposé, je m'en tiendrai surtout au chapitre 12 du rapport,
«Enjeux et options», qui porte sur le rôle au chapitre de la santé
de la population, mais, tout d'abord, je formulerai quelques
commentaires sur les autres rôles.
|
| Sur la question des finances, j'ai l'impression qu'à titre de
citoyen de notre pays, le plus gros défi que nous ayons à relever
est lié au type de mécanismes de financement que nous élaborons.
|
| Nous soutenons qu'il faut examiner en profondeur la possibilité
de combiner en permanence le financement public et le
financement privé. Toutefois, ce faisant, il faut fournir la gamme
complète des services aux personnes qui appartiennent aux strates
socio-économiques inférieures, nombre desquelles se présentent
aux portes de nos cliniques.
|
| Un autre point sur lequel nous insistons à cet égard tient au fait
que le gouvernement doit, à notre avis, maintenir son interdiction
relative à la publicité sur les médicaments d'ordonnance.
|
| En ce qui concerne la recherche et l'évaluation, nous appuyons
fortement l'affectation de ressources supplémentaires à la
recherche. Toutefois, une part importante de cette recherche
devrait miser sur les commentaires et la participation des
travailleurs de première ligne du secteur de la santé.
|
| Il faut non seulement diffuser les connaissances découlant de la
recherche, mais aussi faire porter un accent plus marqué sur
l'éducation et la formation, en particulier pour les fournisseurs de
soins de santé, et y affecter des ressources. Les soins de santé sont
dispensés au moyen d'équipements et de systèmes, mais il s'agit
d'abord et avant tout de personnes qui aident d'autres personnes.
Plus le praticien possédera de connaissances et de compétences, et
plus le patient sera informé, plus nos efforts seront efficaces.
|
| En ce qui a trait à l'infrastructure, nous appuyons pleinement
les objectifs relatifs à la prise de décisions éclairées et à la
reddition de comptes. Ces objectifs peuvent être réalisés, en
partie, au moyen de technologies et de systèmes d'information. La
reddition de comptes devrait concerner non seulement les coûts et
les économies administratives, mais aussi mettre l'accent sur les
résultats cliniques. Une intégration accrue des systèmesd'information devrait produire de meilleurs résultats, au chapitre
tant clinique qu'administratif. Par exemple, on considère souvent
que le système de traitement de la toxicomanie est cloisonné et
n'est pas perçu comme un service essentiel.
|
| En ce qui concerne le rôle au chapitre de la prestation de
services de santé aux Autochtones, les auteurs du rapport
affirment que les programmes permettant d'obtenir de meilleurs
résultats de santé sont ceux qui misent sur une participation
considérable des membres de la collectivité concernée. Nous
applaudissons cette déclaration. Nous croyons aussi qu'il s'agit
d'un principe qui devrait s'appliquer à toutes les collectivités de
notre grand pays.
|
| Notre principale contribution au débat est notre déclaration
selon laquelle une part plus grande de notre attention et de nos
ressources doit s'attacher aux mesures de promotion de la santé,
d'intervention précoce et de santé de la population.
|
| Nos clients, les toxicomanes, coûtent énormément de temps, de
ressources humaines et de dollars à notre système de soins de
santé. Ils imposent un fardeau direct sur le système, au moyen de
traumas, comme la conduite en état d'ébriété, les chutes, les actes
de violence, et les maladies infectieuses, comme le sida et
l'hépatite.
|
| La toxicomanie contribue aussi à d'autres diagnostics
primaires, comme les maladies touchant les reins et le foie, et il
est certain qu'elle ne favorise pas la guérison d'un cancer ou
d'une maladie cardiaque. Même si notre mémoire n'en fait pas
mention, vous serez peut-être intéressé par une étude selon
laquelle de 20 p. 100 à 30 p. 100 des lits des centres hospitaliers
sont occupés par des personnes aux prises avec un problème
d'alcoolisme ou de toxicomanie, et 80 p. 100 de ces patients ne
sont pas, selon le rapport de l'étude, identifiés comme tels.
|
| Nous sommes aussi grandement préoccupés par la
consommation chez nos jeunes. Une étude récente, menée en
2001 auprès d'étudiants manitobains de niveau secondaire, révèle
que l'âge moyen de la première consommation d'alcool est de
13,3 ans, ce qui est bouleversant. Dès la quatrième année au
secondaire, 33 p. 100 des jeunes consomment de l'alcool au
moins une fois par semaine. Dans le cadre de l'enquête,
17,8 p. 100 des étudiants ont déclaré que l'un des problèmes
découlant de cette consommation est une grossesse non désirée.
|
| Une autre question qui nous préoccupe en Ontario tient aux
perturbations causées par les personnes en état d'ébriété qui
arrivent dans nos salles d'urgence déjà surchargées, et nous avons
déjà commencé à envisager des stratégies visant à aiguiller ce
groupe de clients vers des interventions plus appropriées.
|
| Nous avançons que ces coûts imposés au système de soins de
santé peuvent être réduits de façon importante grâce à l'adoption
de stratégies appropriées. Un rapport du vérificateur général de
l'Ontario faisait état d'un rendement de 6 $ pour chaque dollar
investi dans le traitement de la toxicomanie. Cette estimation est
considérée comme prudente. D'autres rapports indiquentune rentabilité encore plus élevée. Par conséquent, nousrecommandons que le traitement de la toxicomanie et de
l'alcoolisme et la sensibilisation à ces problèmes soient intégré au
système régulier et jouissent d'un financement adéquat, ce qui,
pour l'instant, n'est pas le cas.
|
| Comme votre rapport l'indique, la contribution de notre
système de soins de santé au maintien de la santé des citoyens
n'est peut-être que de 25 p. 100. Il est donc tout à fait sensé de
s'attacher aux 75 p. 100 qui restent. À cette fin, le Canada
devrait faire preuve de leadership mondial, par l'entremise d'un
commissaire à la santé, et tenter de mesurer et d'améliorer l'état
de santé de notre population.
|
| Comment pouvons-nous faire cela? L'expérience montre que la
simple diffusion d'information ne suffit pas. Dans le domaine des
substances causant une accoutumance, on a dépensé des millions
de dollars pour mettre en garde les citoyens contre les dangers du
tabagisme et de la toxicomanie, pour constater que les taux de
consommation de drogue chez les jeunes ont remonté aux niveaux
enregistrés vers la fin des années 70.
|
| Nous devons nous concentrer sur la qualité de nos programmes
et de nos praticiens. Par exemple, l'Association d'intervention
auprès des toxicomanes qui offre un processus d'accréditation
pour les professionnels du traitement de la toxicomanie, est sur le
point de lancer un processus d'accréditation pour les experts de la
prévention.
|
| Pour terminer, nous souhaitons insister sur la «reddition de
comptes». Nous devons optimiser le rendement de nos ressources
limitées. Nous croyons que, de façon générale, les suggestions
contenues dans le rapport vont dans la bonne direction. Toutefois,
nous tenons à signaler que même si nous changeons des secteurs
plus larges du système de soins de santé, il ne faut pas oublier la
contribution de secteurs moins visibles, comme celui dutraitement de la toxicomanie.
|
| Nous vous remercions de nous avoir laissé participer à ce
dialogue.
|
| M. Denis Morrice, président et p.-d.g., La Société
d'Arthrite: Je vous remercie beaucoup de cette occasion de
témoigner. Je vous remercie du rôle de citoyen que vous jouez en
consacrant tout votre temps à cette question. Vous absorbez une
quantité importante de données.
|
| Après avoir pris connaissance du rapport, nous constatons que
l'enjeu réel, c'est l'équité. C'est certainement le principal enjeu
pour les personnes souffrant d'arthrite, car, manifestement, ce
n'est tout simplement pas équitable.
|
| Je parle au nom des personnes souffrant d'arthrite, et mon
collègue parlera du cancer. Mon père, mon frère, ma mère et ma
soeur aînée ont été emportés par le cancer, ma soeur cadette vient
de terminer sa chimio et commence sa radiothérapie, et je me
retrouve ici à parler d'arthrite. Je ne peux m'empêcher de croire
que le temps est venu pour les chercheurs de s'attacher non pas
aux domaines qui les intéressent, mais bien aux domaines qui
répondent aux besoins des citoyens.
|
| L'introduction prononcée par Jeffrey Lozon m'a beaucoup plu.
|
| Les problèmes musculo-squelettiques liés à l'arthrite occupent
le premier rang parmi les causes de visite chez le médecin et les
causes d'invalidité. L'arthrite est la plus grande cause d'invalidité
à long terme, et on n'en parle jamais. Je vous invite à penser à
l'importance de tout cela.
|
| Nous parlons d'arthrite en nous attachant à la douleur. Les
médecins disent à leurs patients souffrant d'arthrite: «Ce ne sont
que des douleurs. Nous finissons tous par faire de l'arthrite un
jour. Retournez chez vous et apprenez à vivre avec». Ils ne
tiennent pas compte du fait que l'arthrite rhumatoïde, le lupus et
d'autres formes de la maladie sont des maladies auto-immunes et
devraient être traitées avec beaucoup de sérieux
|
| Sur quatre millions de personnes souffrant d'arthrite, deux
millions prennent chaque journée des médicaments pour soulager
la douleur et l'inflammation. À l'heure actuelle, au Canada, on
parle d'environ 38 000 arthroplasties de la hanche ou du genou.
Compte tenu du fait que 9,8 millions de baby-boomers ont
franchi la cinquantaine au cours des dernières années, on peut
imaginer ce qui se produira.
|
| Je me pencherai seulement sur quelques points soulevés dans
votre rapport.
|
| Je vous demande de reconnaître l'importance et l'impact de
l'arthrite sur le système de soins de santé et sur notre société.
|
| Pour ce qui est de la recherche, ceux d'entre nous qui sont
malades veulent seulement se débarrasser de la maudite maladie.
Nous ne pouvons y arriver que par la recherche, et c'est pourquoi
nous appuyons pleinement les Instituts de recherche en santé du
Canada, les IRSC. Il ne s'agit pas seulement de doubler le budget.
Il faut plus que doubler le budget, car le mandat s'est beaucoup
élargi. Combien de dollars pouvons-nous actuellement affecter au
type de recherche existant?
|
| Dans le domaine de l'arthrite, nous sommes très chanceux
d'avoir l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite, l'un des
13 instituts. Grâce à cet institut, nous avons pu rassemblerles dentistes, les experts de l'ostéoporose, les chirurgiens
orthopédistes, les rhumatologues et les dermatologues, de façon à
enfin éliminer le cloisonnement. Nous les avons rassemblés.
|
| En ce qui concerne le Réseau de centres d'excellence, nous
sommes choyés, car nous avons le premier réseau de centres
d'excellence propre à une maladie, c'est-à-dire le Réseau
canadien de l'arthrite. Un conseil consultatif, constitué de citoyens
souffrant d'arthrite, contribue à l'élaboration de la stratégie du
réseau. Nous savons que le système peut fonctionner lorsque les
citoyens participent.
|
| Grâce à cette coopération, les chercheurs en sont venus à nous
connaître et à comprendre nos problèmes, et nous en sommes
venus à apprécier le travail des chercheurs. Ils sont devenus les
ambassadeurs. Nous croyons que le cloisonnement peut être
éliminé.
|
| J'aimerais maintenant parler de la formation spécialisée. Le
dernier témoin a fait référence à la pénurie de médecins et à
d'autres questions. Ce n'est pas du calcul différentiel, c'est une
simple question arithmétique. On ne trouve même pas un
rhumatologue, soit un spécialiste de l'arthrite, à
l'Île-du-Prince-Édouard. Pas un seul. À Kitchener, on en retrouve
trois, mais deux d'entre eux prendront leur retraite cette année, de
sorte qu'il n'en restera qu'un seul. Quatre millions de personnes
souffrent d'arthrite.
|
| Outre la question des infirmières praticiennes, nous
envisageons aussi celle des physiothérapeutes praticiens. Je
suppose que cela revient à la notion de soins communautaires,
selon laquelle on trouvera les réponses dans la collectivité. Nous
parlons maintenant de nouveaux produits biologiques à
administrer, sous forme de perfusions et d'injections. L'infirmière
praticienne est là. Qu'en est-il du physiothérapeute praticien?
C'est ce genre de question que nous examinons et que nous
tentons de soulever.
|
| La Société d'arthrite est un modeste organisme sans but
lucratif. Nous finançons les études de boursiers et de médecins
qui souhaitent se spécialiser en rhumatologie. Nous payons la
moitié de leurs études, et nous versons la même chose que le
ministère de la Santé. Nous ne devrions pas avoir à faire cela,
mais c'est ce que nous faisons, car il y a une pénurie incroyable.
|
| Pour ce qui est de l'approbation de médicaments nouveaux, je
sais que vous avez entendu de nombreux témoignages sur le sujet,
de la part de la Direction des produits thérapeutiques. Santé
Canada ne peut se charger de tous les nouveaux médicaments et
produits biologiques. Pourquoi n'utilisons-nous pas notre Réseau
de centre d'excellence? Pourquoi n'utilisons-nous pas nos
instituts? Santé Canada joue encore un rôle important et a le
dernier mot, mais il faut mettre à contribution nos plus grands
penseurs, car, de toute façon, c'est nous qui les finançons.
|
| Pour ce qui est des formulaires provinciaux, nous savons tous
que cela n'a pas de sens. Comment un médicament peut-il être
pleinement approuvé dans une province, figurer sur une liste
restreinte dans la province voisine, et ne figurer sur une aucune
liste dans une troisième province? Nous sommes tous canadiens.
Ce n'est tout simplement pas juste.
|
| Cette situation affecte les personnes qui souffrent d'arthrite.
Pour la première fois, il existe de nouveaux médicaments qui ne
causent pas les mêmes types d'effets secondaires. Il s'est passé de
meilleures choses au cours des deux dernières années qu'au cours
du dernier siècle. La question des effets secondaires est
importante. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont des effets
secondaires.
|
| Saviez-vous que, dans notre pays, plus de gens succombent aux
effets secondaires des médicaments pour l'arthrite qu'au sida?
Compte tenu de l'importance des chiffres, il faudrait faire quelque
chose. C'est pourquoi nous appuyons la création d'un programme
national d'assurance-médicaments.
|
| Une autre chose que nous appuyons et qui doit être créée est la
surveillance non seulement post-commercialisation, mais aussi
post-approbation. Nous avons suffisamment d'écoles de
médecine. Nous avons 16 écoles de médecine au pays. Compte
tenu de tous les médecins qu'elles contiennent, pourquoi ne pas
les utiliser pour mener des études, rendre des comptes et assurer
une telle surveillance? Cela n'existe pas à l'heure actuelle. Nous
pouvons débattre de la question des essais cliniques pendant des
heures, mais, pour toutes les personnes auxquelles nous avons
parlé, la solution réside dans la surveillance.
|
| Je ne parlerai pas de la réforme des soins primaires, car de
nombreux autres témoins ont bien traité de la question.
|
| Les citoyens et les patients doivent participer à l'élaboration
des stratégies. Lorsque les médecins, les chercheurs et les patients
se réunissent, on trouve de bonnes solutions.
|
| En ce qui concerne le Conseil canadien des organismes
bénévoles en santé, nous tentons certainement de faire notre part.
Nous dirigeons des programmes d'initiative personnelle de
l'arthrite. Nous avons des patients partenaires dans 12 des
16 écoles de médecine. Nous avons le système d'évaluation par
les pairs. Nous faisons participer les citoyens. Utilisez-nous pour
écouter les patients, et nous nous porterons tous mieux.
|
| La Dre. Barbara Whylie, directrice, Politique de contrôle,
Société canadienne du cancer: Je vous remercie beaucoup
d'avoir invité la Société du cancer à participer à ces consultations.
|
| Je suppose que nous allons tous vous citer des statistiques. Le
cancer est la principale cause de décès prématuré au Canada, et
les statistiques nous disent qu'un Canadien sur trois sera touché
par le cancer au cours de sa vie. Il s'agit d'un important risque
pour la santé des Canadiens.
|
| C'est d'ailleurs un risque croissant pour la santé, car le cancer
est une maladie qui touche largement les aînés. Nous prévoyons
que le nombre annuel de nouveaux cas doublera au cours des 15 à
20 prochaines années.
|
| La Société canadienne du cancer est un organisme bénévole qui
exerce ses activités depuis plus de 50 ans. Nous recueillons des
fonds pour la recherche sur le cancer. Nous fournissons aux
Canadiens et aux personnes atteintes du cancer de l'information
sur le cancer et ses facteurs de risque. Nous dispensons des
services de soutien directs aux personnes vivant avec le cancer, et
nous faisons la promotion du soutien gouvernemental de la lutte
contre le cancer.
|
| Nous sommes très préoccupés par le fardeau croissant que le
cancer impose à notre système de soins de santé et au défi
croissant qu'il constitue, et, par conséquent, nous comptons parmi
les partenaires clés d'une initiative, lancée il y a deux ans, pour
élaborer une stratégie canadienne en matière de lutte contre le
cancer. À cette fin, environ 200 experts et consommateurs de
partout au pays ont examiné les connaissances actuelles dont nous
disposons à l'égard de tous les aspects de la lutte contre le cancer.
Ces personnes ont formulé 94 recommandations; nous ne vous
les présenterons pas, mais nous les avons regroupées sous cinq
grandes catégories de priorités à l'occasion d'une série de
consultations.
|
| Les cinq priorités sont les suivantes: élaboration de normes;
élaboration d'une stratégie de recherche; réorientation de notre
système afin qu'on prête plus d'attention aux aspects plus
négligés des soins, en particulier, le soutien à la réadaptation et
aux soins palliatifs; planification des ressources humaines, enjeu
tout aussi important dans le système de traitement du cancer que
dans l'ensemble du système de soins de santé; et souci de la
prévention. Nos commentaires sur notre travail sont fondés sur
cette stratégie. Si certaines personnes souhaitent obtenir plus
d'information sur la stratégie, je peux vous fournir une référence.
On peut trouver une foule de documents sur Internet.
|
| Nous reconnaissons et appuyons tous les rôles et objectifs du
gouvernement fédéral que vous avez énoncés dans votre rapport
sur les enjeux et les options, mais nous aimerions nous attacher à
deux aspects en particulier, soit la santé de la population et la
réforme des soins primaires.
|
| En ce qui concerne la santé de la population, les recherches
indiquent, ou nous permettent d'estimer, que jusqu'à
70 p. 100 des cas de cancer peuvent être évités lorsque les gens
évitent les facteurs de risque connus, comme le tabagisme, la
mauvaise alimentation, l'inactivité, l'exposition prolongée aux
rayons du soleil et les substances cancérogènes en milieu de
travail et dans l'environnement.
|
| Il est peut-être intéressant de signaler que de nombreuses
grandes mesures de prévention du cancer, en particulier l'abandon
du tabagisme, une bonne alimentation et l'activité physique, sont
aussi d'importantes mesures de prévention pour d'autres maladies
chroniques, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires,
deux autres grandes préoccupations des Canadiens en matière de
santé. Il serait donc indiqué d'élaborer et de mettre en oeuvre une
stratégie intégrée de prévention des maladies chroniques au pays.
Les ONG ont récemment commencé à collaborer avec Santé
Canada en ce qui concerne le cancer, le diabète et les maladies
cardio-vasculaires.
|
| La Société canadienne du cancer recommande et appuie
l'adoption d'une stratégie nationale de promotion de la santé et de
prévention des maladies, et estime que le rôle du gouvernement
fédéral au chapitre de la promotion de la santé devrait être
renforcé afin de favoriser la réalisation de cet objectif.
|
| Des études montrent qu'on peut économiser 3 $ de coûts de
traitement pour chaque dollar dépensé en prévention; ainsi, en
affectant davantage de ressources financières à la promotion de la
santé et à la prévention des maladies chroniques, on peut retarder
l'apparition de maladies. Évidemment, cela n'éliminera pas
totalement ces maladies, mais on peut s'attendre à ce que cette
mesure génère des avantages à long terme considérables, grâce à
la réduction des coûts pour le système et - facteur plus important
peut-être - à l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens.
|
| Il faut mener davantage de recherche sur les facteurs de risque
et sur les moyens de les éviter. La Société canadienne du cancer
demande instamment à votre comité de recommander qu'un
pourcentage spécifique des fonds destinés à la recherche en santé
soit affecté à la recherche sur les facteurs de risque et à la
recherche socio-comportementale.
|
| Parlons maintenant des soins primaires. Davantage de services
sont dispensés au domicile par les professionnels de la santé, y
compris les médecins. Nous aimerions que la définition du terme
«services de santé assurés», dans la Loi canadienne sur la santé,
soit étendue afin qu'elle comprenne les services dispensés à
domicile et dans la collectivité, en particulier la désintoxication, la
réadaptation et les soins palliatifs.
|
| Puisque les Canadiens doivent avoir accès à des soins de
qualité excellente à l'intérieur et à l'extérieur du contexte
hospitalier, la Société canadienne du cancer appuie la suggestion
du Forum national sur la santé selon laquelle la définition devrait
être reformulée afin que l'on couvre non pas l'endroit, mais bien
les soins.
|
| Il faut aussi établir un système national coordonné pour les
soins dans les hôpitaux, à domicile et dans la collectivité, afin que
tous les patients au Canada bénéficient du même niveau de
traitement et de soins, où qu'ils soient, et que la transition entre
les niveaux de soins soit invisible. Dans notre cas, nous sommes
particulièrement préoccupés par les personnes qui souffrent du
cancer. L'accès facile au traitement et aux soins est essentiel à la
réduction des souffrances qui accompagnent le cancer.
|
| De même, il faut veiller, le plus possible, à ce que le traitement
et les soins tiennent compte des recherches. Nombre des
traitements actuels ne tiennent pas compte de la recherche et ne
reflètent pas les pratiques exemplaires. Nous suggéronsl'établissement de mécanismes interprovinciaux favorisantl'élaboration de normes et de lignes directrices, fondées sur les
recherches existantes, pour la gamme complète des traitements et
des soins liés au cancer.
|
| Enfin, notre système de soins primaire actuel n'incite pas les
médecins à appliquer les principes de la promotion et du maintien
de la santé, d'eux-mêmes ou de concert avec d'autres fournisseurs
de soins de santé. Nous aimerions que la réforme des soins
primaires s'attache spécifiquement à ces aspects des services en
santé.
|
| À titre de membre du secteur bénévole qui représente tous les
Canadiens, la Société canadienne du cancer est impatiente de
collaborer avec les gouvernements et les autres partenaires clés
afin de veiller à ce que la réforme des soins de santé se fasse
rapidement et profite à tous les Canadiens.
|
| Les soins de santé constituent un défi important pour nos
systèmes. Une organisation ne peut à elle seule apporter du
changement, de sorte que nous croyons très fermement à
l'importance d'une approche collaborative en matière de réforme
des soins de santé.
|
| M. Robert Conn, président-directeur général,SAUVE-QUI-PENSE: Bon après-midi à tous les membres du
Comité permanent. Au nom de tous les témoins pour la séance
d'aujourd'hui, je salue le travail important que vous faites au nom
des Canadiens.
|
| Je suis ici cet après-midi, au nom de SAUVE-QUI-PENSE,
pour insister sur une question qui a été signalée rapidement dans
votre rapport de septembre 2001 sur les enjeux et les options et
qui constitue vraiment une épidémie silencieuse dans notre pays,
soit la question des blessures accidentelles.
|
| J'aimerais utiliser les quelques minutes qui me sont accordées
pour vous faire comprendre l'importance du problème et vous
expliquer brièvement pourquoi il s'agit d'une épidémiesilencieuse.
|
| La formation n'a rien à voir avec la prévention des blessures.
En réalité, je suis chirurgien cardiologue. J'ai eu l'occasion de
faire une partie de ma formation avec l'un des pères de la
chirurgie cardiaque moderne, soit le Dr John Kirklin, àl'Université de l'Alabama, à Birmingham.
|
| Son programme était un peu différent pour ce qui est du travail
de transplantation, car il insistait pour que nous passions les trois
premiers mois de notre programme au sein de l'équipe dite de
«récolte», c'est-à-dire l'équipe qui se charge de prélever le coeur
du donneur, même si nous étions très enthousiasmés par l'idée de
faire des transplantations.
|
| Je suis très embarrassé lorsque j'y pense, mais je ne m'étais
jamais arrêté à me demander d'où venaient les donneurs. Je
m'étais toujours attaché au miracle de la transplantation. En
faisant ce travail, tous les jours pendant trois mois, j'ai rapidement
commencé à comprendre que nos donneurs sont comme la
majorité des personnes dans cette pièce, ainsi que la majorité des
personnes qui ont témoigné devant vous, soit des personnes qui
sont en très bonne santé à l'heure actuelle, qui mènent une vie très
active et pleine de défis, et qui, à la suite d'un accident, se
retrouvent en état de mort cérébrale. C'était pour moi une leçon
énorme.
|
| Quand je suis revenu au Canada et que j'ai commencé ma
formation en chirurgie cardiaque chez les enfants à l'Hôpital pour
enfants de Toronto, je me suis mis à examiner toute la question
des blessures involontaires. Ce que j'ai découvert m'a
complètement ahuri.
|
| Si vous deviez demander à la plupart des Canadiens ce qu'ils
croient être la première cause de décès chez les Canadiens dans la
force de l'âge, ils répondraient probablement «le cancer». Si vous
leur disiez qu'ils ont tort, ils diraient probablement «les maladies
du coeur». Si vous leur disiez encore qu'ils se trompent, ils
citeraient d'autres choses dont ils ont entendu parler. De fait, au
tout premier rang des causes de décès chez les Canadiens jusqu'à
l'âge de 44 ans, il y a les blessures.
|
| Pensez aux cas d'enfants âgés entre un et 20 ans et considérez
toutes les causes de décès dont vous avez pu entendre parler - le
sida, la méningite, la leucémie, la fibrose kystique -,
nommez-les et faites le total. Eh bien, nous avons plus d'enfants
au pays qui meurent des suites de leurs blessures que de toutes les
autres causes combinées. De fait, au Canada, l'an dernier, la cause
de sept décès sur dix chez les adolescents était une blessure
prévisible et évitable.
|
| Il y a environ dix ans, le directeur du service de chirurgie
cardiaque à l'Hôpital pour enfants, fatigué de m'entendre débiter
ces statistiques tous les jours, m'a saisi le bras et m'a dit: «Si cela
vous remue à ce point, alors faites quelque chose». Je comprends
aujourd'hui, maintenant que je suis un peu plus âgé et un peu plus
sage, que, de fait, il me disait de me la boucler. Le défi devenait
alors le suivant: quoi faire? En examinant le monde de la sécurité,
j'ai commencé à réaliser que, de tradition, nous exprimons la
sécurité sous forme de règle. Nous parlons de la sécurité en
faisant valoir des interdits. Nous oublions une chose: qui dit vie
dit risque. Le défi consiste à inciter les gens à apprécier et à
comprendre les risques de telle sorte qu'ils puissent alors les gérer
et en profiter.
|
| Les chiffres qui donnent l'ampleur du problème sont
ahurissants. Toutes les heures, tous les jours, 220 Canadiens vont
à l'hôpital après s'être blessés. De fait, 21 Canadiens meurent
tous les jours, en moyenne, à la suite de blessures, et quelque
47 000 personnes deviennent invalides tous les ans.
|
| Dans les cas où les gens ne meurent pas, les blessures les plus
graves touchent le cerveau et la moelle épinière. Selon les
estimations, nous dépensons environ 3 millions de dollars pour
chaque blessure grave à la tête, sur une vie. Dans la seule
province de l'Ontario, il y a en moyenne quatre blessures graves à
la tête par jour. Nous dépensons environ 12 millions de dollars
pour traiter les quatre personnes en Ontario qui ont subi une
blessure grave à la tête.
|
| De concert avec Santé Canada, nous avons commandé il y a
deux ans une étude visant à examiner le fardeau économique que
représentent les blessures involontaires au Canada. Nous croyons
que les chiffres allaient se révéler assez grands, mais nous
n'avions pas idée à quel point. Les blessures involontaires
viennent au troisième rang des fardeaux économiques qui
touchent le système de santé dans son ensemble. Nous dépensons
environ 8,7 milliards de dollars par année pour traiter des gens
qui ont subi une blessure grave. Du point de vue de la prévention,
ce qui est saisissant, c'est que plus de 90 p. 100 des blessures
dont souffrent les gens qui arrivent à l'hôpital auraient pu être
évitées. Ce sont des blessures prévisibles et évitables.
|
| D'autres pays ont reconnu l'ampleur du problème. Aux
États-Unis, le Centre for Disease Control a créé un institut de
prévention et de contrôle des blessures. La Grande-Bretagne a
établi quatre grandes questions en ce qui concerne la santé de la
population: le cancer, les maladies du coeur, la santé mentale et
les blessures. Au Canada, nous n'avons pas de stratégie nationale
ou de plan national pour nous attaquer à la question de la
prévention des blessures.
|
| Sur le plan de la recherche, moins de 1 p. 100 des fonds en
santé sont consacrés à des études sur la prévention des blessures.
Il est indispensable, si nous voulons nous donner de bons
programmes, d'établir les données sur lesquelles les programmes
seront fondés.
|
| Dans votre rapport sur les enjeux et les options, au chapitre 12,
vous dites que les questions relatives aux maladies sont
complexes, mais qu'un grand nombre de maladies chroniques et
infectieuses et la plupart des blessures pourraient être évitées.
Tout de même, il y a cette tendance à insister sur la thérapeutique,
plutôt que sur la prévention, ce qui est attribuable, en grande part,
à un manque de volonté politique.
|
| Ce que j'avancerais, cet après-midi, c'est que ce n'est pas
uniquement un manque de volonté politique - et j'aimerais
mettre en lumière la raison pour laquelle cette question, même si
elle a une telle ampleur, n'est pas du tout reconnue dans notre
société.
|
| Nous savons qu'une bonne part de notre façon de penser, dans
la vie, une bonne part de notre façon de nous conduire tient au
langage que nous employons. Il existe un mot particulier que nous
employons pour décrire toutes ces choses et que je souhaite
supprimer du vocabulaire des autres humains. C'est le mot
«accident».
|
| Le dictionnaire assimile l'«accident» à un événement imprévu
et soudain, à un coup du sort. Or, les études sur le comportement
des humains disent que là où nous croyons voir agir le sort, dans
la plupart des cas, nous répondons par le déni.
|
| Par exemple, si je vous disais que trois personnes parmi celles
qui se trouvent ici vont mourir durant l'heure à venir, le sort le
voulant ainsi, durant l'heure à venir, nous pourrions observer
toutes sortes de mécanismes d'adaptation. Certains m'envoudraient énormément d'avoir dit cela, d'autres deviendraient
agités, d'autres encore se sentiraient mal physiquement et les plus
«habiles» sur le plan de l'adaptation passeraient l'heure entière à
regarder autour d'eux pour essayer de repérer les trois personnes
qui, selon elles, sont sur le point de mourir - et on peut parier
qu'elles ne se mettraient pas dans cette catégorie. Le déni est un
mécanisme d'adaptation très perfectionné.
|
| Dans la société où nous vivons, si, ce soir, dans une ville
quelconque - Charlottetown, Kitimat, en Colombie-Britannique,
Red Deer - six enfants devaient trouver la mort dans un accident
de voiture, nous dirions qu'il s'agit d'un accident tragique et
terrible, mais il ne se passerait pas grand-chose de plus. Par
contre, si quelque part au pays, six enfants devaient succomber à
la méningite, cela ferait la manchette dans tout le pays et il y
aurait une canalisation sans pareille de ressources vers la
collectivité touchée.
|
| Nous croyons que, pour faire progresser le dossier, il faut trois
mesures concrètes dont le gouvernement fédéral pourrait se faire
le défenseur.
|
| La première concerne le domaine de la surveillance. Nous
savons très peu de choses sur la façon dont les gens se blessent et,
de fait, il est très intéressant de constater, quand on commerce à
examiner les données à notre disposition, que nous n'avons même
pas une manière uniforme de codifier les décès dus à une blessure
au Canada. Si vous succombez à une crise cardiaque n'importe où
au pays, votre cas est compté une fois. Si vous succombez à la
pneumonie n'importe où au pays, votre cas est compté une fois.
Si vous êtes ontarien et que vous trouvez la mort dans un accident
de voiture en Colombie-Britannique, vous n'êtes pas compté. Si
vous êtes albertain et que vous succombez à vos blessures en
Saskatchewan, vous êtes compté deux fois. La question est
tellement mal reconnue que même la codification des blessures
n'est pas uniformisée.
|
| Nous savons que - dans le cas d'un fardeau économique qui
représente 8,7 milliards de dollars - 28 p. 100 des blessures
auxquelles sont associées la somme de 8,7 milliards de dollars se
voient attribuer le code «autre». Nous ne pouvons en dire plus.
Nous n'avons pas un bon système de surveillance, et voilà un
secteur où le gouvernement fédéral pourrait certes jouer un rôle.
Avoir un bon système de surveillance, c'est comme ouvrir les
lumières. Si nous ne savons pas qui se blesse ni comment il se
blesse, il est impossible de concevoir des programmes.
|
| La deuxième mesure qu'il faut adopter, c'est un programme de
recherche global, et je crois que tous les autres témoins se feraient
bien l'écho de cette proposition. Nous avons besoin de données
solides sur lesquelles appuyer nos programmes.
|
| La troisième mesure consiste en un programme complet de
nature multidisciplinaire. Dans la santé, il n'y a probablement
aucun autre phénomène qui puisse faire converger un si grand
nombre de disciplines pour ce qui est de la recherche.
|
| J'aimerais conclure mon exposé en remerciant les membres du
comité permanent du Sénat. J'applaudis le travail que vous
accomplissez.
|
| Le président: Je vous remercie tous des observations dont
vous nous faites part.
|
| Dr. Conn, je vous remercie de m'expliquer cette notion.
D'autres gens ont utilisé le terme «blessure involontaire», ce qui
veut dire qu'il doit y avoir quelque chose que l'on appellerait
«blessure volontaire» et cela m'a toujours posé une grande
difficulté. Je me demandais pourquoi nous n'utilisions pas le
terme «accident» et, maintenant, je sais pourquoi.
|
| Le Dr. Conn: De fait, l'Organisation mondiale de la santé a
défini la «prévention des blessures» comme englobant trois
phénomènes, les blessures involontaires, les suicide et la violence.
Nous encourageons Santé Canada à adopter une approche
semblable et à considérer ces trois questions en bloc. Nous, chezSAUVE-QUI-PENSE, nous croyons que le fil conducteur, c'est
vraiment l'appréciation du risque.
|
| Le président: Cela a du sens.
|
| Le sénateur Cordy: Monsieur Wilbee, vous avez parlé des
millions de dollars qu'on a dépensés pour mettre les gens en
garde contre le tabac et la consommation de drogue. Dans mon
autre vie, j'étais enseignante à l'école élémentaire; je suis donc au
fait du nombre de programmes qui ont été mis au point par les
ministères provinciaux et fédéraux pour dissuader de tels
comportements chez les jeunes enfants. On nous avait dit que les
gens commencent à un très jeune âge.
|
| Quelle a été notre erreur? Est-ce que les compagnies de tabac
mettent plus d'argent que nous là-dedans?
|
| M. Wilbee: La réponse à votre question c'est «oui». Du moins
dans le champ d'action qui nous préoccupe et, malgré le fait que
nous dépensions des millions de dollars, je dirais que la
prévention est une question que nous ne prenons pas assez au
sérieux. Je présume que les autres témoins sont d'accord avec
moi.
|
| Nous n'avons pas fait d'erreur; nous n'avons pas poussé la
chose assez loin, et ce n'est pas que les interdits ne fonctionnent
pas. Ma petite-fille de dix ans a décidé qu'elle n'allait ni prendre
de la drogue, ni se faire faire un tatouage, la première volonté
ayant beaucoup réjoui sa grand-mère. Toutefois, cela ne garantit
pas qu'elle ne fera pas l'expérience de ces choses dans trois ou
quatre ans.
|
| Du point de vue de la prévention, nous disons: «Il faut faire
quelque chose». Nous avons beaucoup parlé de faire quelque
chose, de faire en sorte que la collectivité participe à la
planification et à la mise en place de notre système, mais, diable,
il faut faire en sorte que les enfants participent eux aussi.
|
| Feu le Dr. Paul Steinhauer, spécialiste du développement chez
les enfants, a parlé de cette faculté de rebondir - il a dit
resiliency - et de la manière de la développer.
|
| J'aimerais aborder la question de la qualité du travail des
praticiens de la prévention. Par exemple, souvent, à l'école
élémentaire ou secondaire, nous faisons appel à un ancien
toxicomane ou peut-être à un athlète qui vient nous relater des
histoires horribles. Cela me touche pendant un court laps de
temps. Je ne participe pas, mais cela me touche.
|
| Le meilleur exemple que je puisse donner, c'est qu'après avoir
vu un accident de voiture, j'ai tendance à ralentir sur les 20
kilomètres qui suivent. Ensuite, je constate que j'accélère à
nouveau, parce que j'étais simplement un témoin de la scène, et
non pas un acteur.
|
| La réponse est complexe, mais il faut dire que nous pouvons
faire mieux. Une partie de cela réside dans la formation et repose
sur des données vérifiables. Qu'est-ce qui fonctionne vraiment?
Quels sont les résultats?
|
| Je dirais simplement - et les recherches confirment ce que je
vais dire - que si vous leur donnez pour conseil de dire
simplement «non», le jeune répondra: «Je veux bien, mais
comment dire non?» Comment favoriser cette faculté de
rebondir?
|
| Il doit y avoir plus de recherche, ce qui ne peut se faire sans
ressources. Cela nous ramène à votre première question. Si toutes
sortes de gens se font concurrence, non seulement dans le cas du
tabac, mais aussi de ces annonces publicitaires où les gens
s'amusent autour d'une piscine tout en prenant une bonne bière, il
doit y avoir l'autre côté de la médaille - où il y a des gens qui
réfléchissent vraiment. C'est complexe.
|
| Le sénateur Cordy: Les enfants vont tous hocher la tête pour
dire que c'est vrai, ils vont dire tout ce que l'enseignant ou la
personne qui se trouve être dans la pièce dit, mais nous devons
favoriser l'aptitude à prendre des décisions chez les étudiants
aussi.
|
| M. Wilbee: Je ne sais pas, monsieur le président, si j'ai le
temps de raconter très brièvement une histoire.
|
| L'an dernier, nous nous sommes rendus à une école de
Kitchener connue pour être une «école difficile». Il y avait deux
classes combinées de filles de la 9e et de la 10e année. Nous leur
avons énoncé une démarche en quatre points. Comme le veut
l'usage, nous avons fait venir un clinicien, que les jeunes tenaient
en très haute estime, pour raconter l'histoire et donner les
renseignements voulus sur les dangers et les risques.
|
| Nous avons conçu une sorte de journal personnel, où nous
demandons aux 28 filles en question de noter leurs pensées sur
une période de 30 jours. Nous les faisions participer à la chose.
Nous sommes revenus un mois plus tard, environ, et quatre des 28
se sont levées et ont dit: «J'ai un problème. Pouvez-vous
m'aider?»
|
| La valeur réelle de l'exercice résidait dans le fait que nous
avions un clinicien qui pouvait leur venir en aide et les diriger
vers les bons programmes. Un des plus grands dangers qui se
présentent, c'est quand on sensibilise quelqu'un à la possibilité,
sans avoir de solution à proposer par la suite.
|
| Comme tout le monde, nous disons qu'on en a pour notre
argent. Il serait intéressant de voir les données - je suis sûr que
ça existe, sinon il faudrait l'obtenir - concernant les blessures,
particulièrement chez les jeunes dans les cas où la consommation
de drogues peut être un facteur.
|
| Le sénateur Cordy: Vous soulevez une excellente question. Il
faut qu'il y ait des ressources pour le suivi. Je me souviens
d'avoir participé, il y a très longtemps, à un programme
concernant l'exploitation sexuelle, dont le titre était «Feeling Yes,
Feeling No», où les enfants révélaient des cas d'exploitation à
l'enseignant ou à l'adulte en qui ils avaient confiance, puis se
faisaient dire: «Tu dois attendre pendant six mois avant de
pouvoir avoir de l'aide». C'en est fait de la confiance dans le
monde des adultes, hein?
|
| M. Wilbee: Quels sont ces genres de messages? C'est le cas,
par exemple, quand la personne envisage le suicide ou de
continuer à consommer toujours plus de drogue parce qu'elle croit
qu'il n'y a pas de solution.
|
| Nous devons avoir ces genres de ressources et de programmes.
|
| Le sénateur Cordy: Ma prochaine question s'adresse à
M. Morrice. Vous dites que les gens étaient frustrés du fait qu'il
n'y a pas de normes, et j'étais un peu confuse. Parlez-vous des
médicaments qui sont disponibles, de disparités entre les
provinces? Est-ce cela que vous vouliez dire, ou y a-t-il plus
encore?
|
| M. Morrice: Il y a beaucoup plus encore, pour ce qui est des
normes globales, mais je parlais de ce qui se passe avec les
médicaments en ce qui concerne le processus d'approbation du
gouvernement fédéral et aussi des formulaires provinciaux.
Pourquoi devrions-nous attendre pendant plus de deux ans au
Canada? Remicade, un agent biologique qui sert à traiter
l'arthrite, vient d'être approuvé il y a quelques semaines à peine,
même s'il a été approuvé il y a deux ans aux États-Unis et en
Europe. Pourquoi restons-nous assis sur nos lauriers? Pourquoi y
a-t-il encore des gens en fauteuil roulant, alors que d'autres qui se
déplaçaient auparavant en fauteuil roulant sont debout et
déambulent et jouent avec leurs enfants? C'est comme un jeu. Ce
n'est pas juste.
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| Le sénateur Callbeck: Merci beaucoup à tous pour les
exposés.
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| J'ai une seule question, et elle s'adresse à M. Morrice.
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| Pour ce qui touche les médicaments contre l'arthrite, cela m'a
frappé quand vous avez dit qu'il y a plus de gens qui meurent des
effets secondaires des médicaments antiarthrites que du sida.
C'est une statistique qui s'applique au Canada?
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| M. Morrice: Oui.
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| Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé des essais cliniques et
du fait qu'il n'y ait pas de surveillance. Comment ces essais se
déroulent-ils?
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| M. Morrice: Mme Whylie pourrait répondre à la partie de la
question qui porte sur les essais cliniques, et je m'occuperai
moi-même de la dernière partie.
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| Mme Whylie: Comment les essais cliniques sont-ils organisés?
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| Le sénateur Callbeck: Oui, procède-t-on à des essais cliniques
avant qu'un médicament ne soit approuvé par Santé Canada?
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| La Dre Whylie: Oui. Les essais cliniques sont, essentiellement,
des expériences à grande échelle visant à déterminer lesquels
parmi les nouveaux médicaments sont efficaces et lesquels ne le
sont pas.
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| Essentiellement, les médecins recrutent ceux parmi leurs
malades qui souffrent d'un certain état pour participer à ces essais,
et il y a divers niveaux d'essai, suivant ce qu'on essaie de
découvrir. Dans l'essai sous sa forme la plus simple, on donne au
malade soit un nouveau médicament, soit l'ancien, puis on
contrôle les résultats pour déterminer lequel est le plus efficace.
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| Ce genre de renseignements très techniques et très détaillés doit
être transmis à Santé Canada ou à un autre organisme de
réglementation pour que l'on puisse déterminer si le médicament
doit être approuvé.
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| Une des questions qu'il faut prendre en considération, c'est de
savoir s'il y a des effets secondaires et déterminer jusqu'à quel
point ils sont dangereux, et savoir si le nouveau médicament est
plus ou moins dangereux que les autres médicaments qui sont
peut-être aussi efficaces, que nous avons actuellement en place.
C'est complexe.
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| Le sénateur Callbeck: Combien de personnes participent à ces
essais? Est-ce que cela varie d'un médicament à l'autre?
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| Mme Whylie: Je ne connais pas la réponse à cette question.
Dans le domaine de la lutte au cancer, nous aimerions que toutes
les personnes qui sont traitées pour un cancer aient accès aux
essais cliniques. De fait, en ce moment au Canada, c'est 4 ou
5 p. 100 des cancéreux qui ont accès aux essais cliniques.
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| Le sénateur Callbeck: Le médicament est-il fournigratuitement au patient?
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| La Dre. Whylie: Oui.
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| M. Morrice: Une fois un médicament approuvé, il n'est plus
gratuit. On se tourne alors vers les formulaires provinciaux.
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| Les essais cliniques supposent une sorte de «largeur de bande».
Une fois un médicament approuvé pour une indication donnée, il
est offert au grand public; plus tard, nous entendons parler
d'autres effets secondaires et ainsi de suite. C'est pourquoi je dis
que c'est vraiment la surveillance qui importe ici. Si nous
pouvions bien mener la surveillance de manière régulière, nous
réglerions tous ces problèmes. Tout finit alors par ressortir. Nous
avons besoin d'une bonne surveillance, ce que nous n'avons pas
en ce moment. Cela réglerait bien d'autres problèmes.
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| Je participe à la collaboration avec le groupe Cochrane, qui fait
appel à des citoyens. Cette démarche était vraiment pour des
spécialistes chargés d'études mondiales sur les données qui
seraient les meilleures en ce qui concerne les thérapies et les
médicaments.
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| Le Centre de collaboration Cochrane au Canada a reçu pour
tâche d'étudier l'appareil squeletto-musculaire et l'arthrite. Nous
avons dit: «Nous allons collaborer avec vous si vous promettez de
traduire tous les trucs médicaux, le jargon, en langage clair et s'il
peut y avoir à la table même des citoyens qui souffrent de
l'arthrite pour aider à l'écrire».
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| J'ai une histoire à raconter, très rapidement, sénateur Kirby, car
je sais que vous êtes pressé. Des citoyens se sont trouvés assis
autour d'une table avec des médecins et des chercheurs provenant
d'Australie et d'ailleurs dans le monde. J'ai vu une femme
arthritique noter quelque chose, plier le papier en deux et le
mettre dans son sac à main. C'était intéressant, mais je n'ai rien
dit. Trois mois plus tard, nous étions à une autre réunion du
Centre Cochrane, et je lui ai demandé: «Je vous ai vue à la
dernière réunion. Je ne vous défie pas, mais je me pose
simplement la question: qu'était cette note?» Elle a répondu: «J'ai
mis le nom de chercheurs internationaux en bas. J'ai remis la note
à mon médecin et je lui ai demandé pourquoi je ne prenais pas ce
médicament-là». Elle a dit que son médecin avait vu la note et
qu'il avait dit: «Pourquoi pas?» Maintenant, c'est dit en langage
clair avec une documentation sur les personnes qui ont fait la
recherche. Elle a dit: «Ensuite, nous nous sommes assis et nous
avons parlé pendant plus de 20 minutes de ma maladie. Nous
sommes maintenant associés dans la lutte contre ma maladie».
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| Si quelqu'un peut trouver un raisonnement plus convaincant,
pour évoquer l'idée du partenariat et de la compréhension des
gens, je lui lève mon chapeau.
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| Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de surveillance. J'ai été
étonnée de constater qu'il n'y en a pas. Je prends moi-même un
nouveau médicament, Enbrel, et je dois toujours me présenter
pour des tests. Je dois voir mon rhumatologue de temps en temps.
Je croyais que c'était cela qui se passait.
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| M. Morrice: Tout comme Remicade, Enbrel est l'un des
nouveaux agents biologiques conçus pour traiter les arthritiques.
C'est très fort, et je suis sûr que vous allez en tirer grandement
profit.
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| Le président: Dernière question.
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| Le sénateur Morin: J'ai une petite question pourMme Whylie. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de la
recherche sur les facteurs de risque touchant le cancer. Bien
entendu, votre organisation représente les Canadiens qui souffrent
du cancer.
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| Quelle est votre position en ce qui touche les délais d'attente
pour le traitement du cancer? Particulièrement à la lumière des
données publiées récemment dans le Journal de l'Association
médicale canadienne, selon lesquelles les délais ont un effet
néfaste sur diverses formes de cancer, surtout le cancer du sein -
quelle est la position de votre société face au fait que nous
envoyons toujours des Canadiens faire traiter leur cancer aux
États-Unis?
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| Mme Whylie: Notre position est très simple. Nous aimerions
que tous les Canadiens aient accès à des soins d'experts pour la
lutte au cancer dans un délai approprié.
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| Le sénateur Morin: Si vous pouviez ajouter des ressources au
système, les utiliseriez-vous pour la recherche sur les facteurs de
risque ou pour la réduction des délais et pour des traitements
efficaces dans notre pays - si vous aviez le choix?
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| Mme Whylie: Nous songeons à ces questions depuis un certain
temps déjà. Notre réponse a été d'aborder la Canadian
Association of Provincial Cancer Agencies, qui est responsable de
fournir un traitement aux cancéreux dans tout le pays, le
gouvernement fédéral et d'autres partenaires importants pour
suggérer que nous nous réunissions en vue d'examiner le défi
global qui se présente autour de la question du cancer au Canada
et en vue d'élaborer une stratégie qui permettrait de régler les
deux problèmes en question. Voilà l'objectif.
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| Le sénateur Morin: Vous ne répondez pas à ma question.
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| Mme Whylie: Non, je sais que je n'y réponds pas. Je n'ai pas
vraiment de réponse à votre question. Ma réponse, c'est que cela
ne me paraît pas simple. Nous croyons, par exemple, que le
système de traitement du cancer comporte des options qui,
peut-être, permettront d'améliorer l'efficience. Nous croyons
également que si, à long terme, nous accordons une attention
suffisante à la prévention, cela soulagera le système quelque peu.
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| Je m'excuse, mais je n'ai pas de réponse parfaitement claire à
cette question particulière.
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| M. Morrice: Cela nous ramène à la participation des citoyens
et des patients. Nous avons établi une charte des droits des
malades, en faisant appel aux malades et à tous les professionnels,
aux rhumatologues, aux chirurgiens orthopédistes, aux
chiropraticiens, aux ergothérapeutes, aux physiothérapeutes et
ainsi de suite. Ce sont les patients qui ont affirmé qu'ils voulaient
une charte des droits et responsabilités. Je serai heureux de vous
en remettre un exemplaire.
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| Il a été réjouissant de voir ce genre de choses se faire. C'est
comme cela qu'on commence à affronter ces choix et ces
questions très difficiles qui se présentent.
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| Le président: Merci. Pourriez-vous nous laisser un exemplaire
de la charte des droits?
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| M. Morrice: Certainement.
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| Le président: Permettez-moi de vous remercier, tous, d'être
venus. Nous l'apprécions vraiment. Honorables sénateurs, nous
levons la séance jusqu'à 9 heures demain matin.
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| La séance est levée.
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