Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 38 - Témoignages
TORONTO, le mardi 30 octobre 2001
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est réuni aujourd'hui, à 9 h 05, pour examiner l'état du système de santé au Canada.
Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente: Chers collèges, nous en sommes à notre deuxième journée d'audiences à Toronto, dans le cadre de notre étude des soins de santé. Notre premier témoin aujourd'hui, que j'invite maintenant à la table, est Michael Decter, président du conseil d'administration de l'Institut canadien d'information sur la santé.
Bonjour et bienvenue, monsieur Decter.
M. Michael Decter, président du conseil d'administration de l'Institut canadien d'information sur la santé: Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous et de m'avoir donné l'occasion de lire votre très intéressant Volume 4.
La vice-présidente: Avez-vous une déclaration écrite que vous voudriez nous remettre, monsieur Decter?
M. Decter: Non, j'ai seulement quelques commentaires à formuler. Lorsqu'on m'a invité à comparaître, on m'a dit d'apporter 25 copies de tout document que j'aimerais vous soumettre. J'ai poussé la cruauté jusqu'à vous apporter25 exemplaires d'un livre que j'ai écrit.
Le sénateur Morin: Nous n'en aurons besoin que de 24, car j'ai lu votre livre.
M. Decter: Vous l'avez lu' Je dois dire qu'il ne s'agit pas de mon plus récent livre, dont le thème est un peu plus international, mais du livre que j'ai écrit peu après avoir échappé à mon travail de sous-ministre de la Santé en Ontario. Des amis y ont vu le récit d'une mésaventure.
Quoi qu'il en soit, je vous le laisse, car il pourrait vous donner une meilleure idée de ce que je pense.
J'aimerais faire quelques commentaires sur le rapport et sur l'ICIS, dont j'ai le privilège d'être le président.
Le rapport m'apparaît très complet. Il réussit parfaitement à cerner les problèmes et, surtout, les solutions possibles. J'ai eu le bonheur d'y contribuer dans une large mesure au moyen des nombreuses conversations que j'ai eues avec votre président. Je ne juge pas le rapport simplement à partir d'une lecture superficielle. Beaucoup d'efforts ont été faits pour convertir le travail des volumes précédents.
Le rapport est extrêmement important. Je dirais qu'au cours des dernières élections fédérales, nos politiciens ont semblé incapa bles d'amorcer une véritable discussion sur les soins de santé. Les idées exprimées sur la question m'ont semblé plutôt creuses. Nous nous enorgueillissons habituellement de la profondeur de notre discours politique par rapport à celui de nos amis les Américains. Or, aux dernières élections fédérales aux États-Unis, les Améri cains ont eu droit à un débat intéressant sur l'assurance-médica ments entre les deux candidats à la présidence. Les deux ont présenté des plans bien articulés. La position de chacun des candidats sur la question a pu être déterminante dans le choix du président. Au cours des dernières élections fédérales canadiennes, par contre, il était un peu plus difficile de discerner les positions des différents partis.
Je vais maintenant laisser la politique de côté et passer à ma présentation. Étant donné que, à ma connaissance, le comité a déjà obtenu copie du rapport de l'ICIS sur les soins de santé au Canada, je n'ai pas jugé bon d'apporter 25 exemplaires de ce document.
Le rapport se trouve d'ailleurs sur notre site Web. Le premier que nous ayons produit, en 2000, a été téléchargé plus de 120 000 fois. Pour un rapport de 80 pages sur les soins de santé au Canada, c'est plutôt étonnant. Mon éditeur serait ravi que je vende 5 000 exemplaires de chacun de mes livres. Je pense que ces résultats témoignent de l'intérêt que portent les Canadiens, même en dehors des cercles politiques, pour une information de qualité sur les soins de santé. La télévision et la presse écrite ont parlé en long et en large de nos rapports.
Il y a deux budgets, le gouvernement du Canada a beaucoup investi dans le travail accompli par l'ICIS, largement appuyé par les provinces et les hôpitaux. Votre rapport précise qu'une meilleure information donnée aux Canadiens serait un des meilleurs moyens d'améliorer le système de santé et de le rendre plus transparent. J'étais très heureux lorsque les premiers ministres se sont engagés l'an dernier à rendre publics des indicateurs dans 14 secteurs.
Je crains cependant que ces indicateurs ne produisent pas l'effet escompté. Je ne veux pas vraiment élaborer là-dessus. Je dirai seulement que, de façon générale, la confiance des Canadiens dans leur système de santé repose sur une bonne information, à propos non seulement des choses qui fonctionnent bien, mais aussi des questions qui pourraient les porter à perdre confiance, comme les périodes d'attente, les difficultés d'accès et la qualité des soins.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le Dr Bernie Langer et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, qui ont entrepris un travail remarquablement important dans le but d'améliorer la sécurité des patients. Selon les prévisions, fondées sur des macrodonnées hypothétiques, jusqu'à 10 000 Canadiens pourraient perdre la vie prématurément en raison des problèmes de sécurité dans le système.
Je veux être très prudent ici, si bien que je m'en tiendrai à la sécurité des patients. On a parfois tendance à associer les problèmes en la matière à des «erreurs médicales», ce qui nous met tout de suite à dos le corps médical, qui sera notre allié pour améliorer la qualité des soins si on s'y prend correctement. Bon nombre des erreurs ou des problèmes de sécurité des patients ne sont pas le résultat d'une action faite par une personne, mais plutôt d'une défaillance du système, qu'il s'agisse de l'administra tion de mauvais médicaments ou de choses aussi simples que de nourrir un patient au mauvais moment. Il faut, pour renverser la vapeur, adopter une approche systémique, un peu comme on l'a fait dans le domaine de la sécurité aéronautique, où on a révisé les procédures en profondeur. Je pense que nous pourrions sauver ainsi bien des vies. L'ICIS fera de son mieux pour fournir de meilleures données.
Un autre point soulevé dans votre rapport sur lequel l'ICIS se prononcera plus tard cet automne est la question des travailleurs de la santé. On accorde beaucoup de temps et d'importance dans nos discours au Canada aux questions financières. Par contre, nous avons consacré très peu de temps aux 750 000 personnes, que je considère comme de véritables héros, qui quittent leur foyer chaque matin pour aller travailler dans le système de santé. Tant qu'on n'arrêtera pas de tenir ces personnes pour acquis et qu'on n'examinera pas sérieusement les problèmes auxquels elles font face, je ne crois pas que l'on puisse améliorer la qualité des services. Nous devrons composer avec la frustration de ces travailleurs, qui se manifeste souvent dans des demandes financières. Ils n'aiment pas les conditions de travail et ont l'impression que l'employeur n'entend que les demandes concer nant les salaires, si bien qu'ils adoptent une attitude ferme à cet égard.
Je préside actuellement un comité chargé de conseiller les sous-ministres en matière de soins infirmiers. C'est une véritable aventure. Je suis le seul non-infirmier(ère) sur un comité de 16 personnes. Heureusement, les quinze autres membres du comité connaissent très bien le sujet. Nous nous penchons sur des problèmes très sérieux. Le taux de blessures chez les infirmiers et infirmières est plus élevé que chez les autres travailleurs canadiens et leur fait perdre une semaine de travail de plus par année. Nous trouverions environ 9 000 nouveaux infirmiers et infirmières si nous pouvions juste réduire le taux d'absentéisme pour qu'il corresponde à la moyenne de la population active au Canada.
Bon nombre d'infirmiers et infirmières se disent victimes de voies de fait et d'agressions violentes. Si nous voulons que les jeunes envisagent de faire carrière dans les sciences infirmières ou dans une autre discipline de la santé, nous devons absolument améliorer le milieu et les conditions de travail. Pendant une décennie, les infirmiers et infirmières ont fait l'objet de graves compressions budgétaires. Nous avons tenu pour acquis que, par dévouement, ils resteraient à leur poste. La plupart l'on fait, jusqu'à il y a quelques années, alors que beaucoup ont perdu courage.
Je m'inquiète un peu de certaines des solutions que vous avancez dans votre rapport concernant le rôle accru de l'assurance privée. Je comprends qu'il s'agit seulement de solutions possibles et que vous êtes en train de décider laquelle donnera lieu à des recommandations. Vous vous interrogez cependant dans votre rapport sur les raisons pour lesquelles les Canadiens sont si inquiets étant donné que 30 p. 100 du système est déjà «privé».
En réalité, dans notre système de santé, ce que paie le secteur privé et ce que paient les citoyens est bien différent de ce que paie le trésor public. On a décidé, à tort ou à raison, de ne pas inclure les soins dentaires dans l'assurance-maladie. Ces soins représen tent une bonne partie de ce que paie le secteur privé. Lorsque je paie 29 $ pour stationner mon véhicule à l'hôpital, cela est considéré dans le budget de l'hôpital comme des dépenses privées. Je n'y vois pas là une dépense personnelle pour des soins de santé, pas plus que si j'achetais un café au Starbucks à un hôpital pour enfants. L'assurance-médicaments est un ensemble de mesures disparates, comme vous le soulignez dans votre rapport.
Je pense que les Canadiens s'inquiètent parce qu'ils n'ont pas senti le besoin de s'adresser au secteur privé pour se procurer ce qu'ils considèrent comme de l'assurance-santé. Ils sont heureux que leur employeur paie l'assurance dentaire ou l'assurance-médi caments, ou les coûts que doit assumer le particulier pour un séjour à l'hôpital. Cela me tracasse parfois que nous ayons toujours eu tendance à dire que nous avons un système d'assurance mixte. Nous aurions vraiment avantage à déterminer les gains en efficience et en qualité que nous pourrions faire au moyen de l'usage accru d'un système d'administration mixte. Je doute beaucoup, cependant, qu'un rôle accru pour l'assurance privée dans le système canadien de santé représente une solution. Cela m'apparaîtrait plutôt comme un recul par rapport à nos principes fondamentaux. Par conséquent, j'invite fortement le comité à la prudence sur ce point. Il est très bien de proposer ces solutions. Toutefois, lorsque les Canadiens parlent de l'assurance- santé au Canada, ils ont surtout en tête la part de 70 p. 100 provenant des fonds publics. Les 30 p. 100 restants ne pas réellement perçus de la même manière.
Voilà pourquoi le débat peut être si déchirant et pourquoi nous n'envisageons pas plus sérieusement que le secteur privé puisse contribuer beaucoup à l'amélioration du système de soins de santé. Des sociétés innovatrices ont amélioré notre système de santé en mettant sur le marché de nouveaux médicaments, de nouveaux instruments et de nouveaux moyens d'analyse partout au pays. Elles peuvent apporter une contribution remarquable.
J'étais avec le Dr Alan Bernstein lorsqu'il a prononcé sa conférence sur les travaux de Juda Volkman vendredi, où on a eu une preuve convaincante de l'intérêt des Canadiens pour la recherche en santé. Près de 400 personnes ont versé 12 $ ce soir-là pour assister à une conférence donnée par un spécialise du cancer de renom. C'était la première fois depuis le 11 septembre que le Jane Mallet Theatre de Toronto faisait salle comble. Le Dr Bernstein a demandé à l'assistance de deviner combien d'argent on dépensait par habitant pour la recherche en santé.
Le sénateur Morin: Seize dollars.
M. Decter: Oui. Il a répondu: «Un peu moins que ce que j'ai payé pour mon stationnement aujourd'hui.»
Nous avons vu des progrès au sein des instituts canadiens de recherche en santé, mais je pense que les Canadiens aimeraient bien nous voir dépenser un peu plus que 16 $ par habitant en recherche sur la santé. Je vous remercie beaucoup.
La vice-présidente: En tant qu'ancien sous-ministre de la Santé, que pensez-vous des soins à domicile, des conséquences qui s'y rattachent et de la façon dont on devrait offrir ces services.
M. Decter: D'aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours préconisé avec ardeur le recours aux soins à domicile et leur inclusion dans la Loi canadienne sur la santé, et ce pour différentes raisons. On a opté pour raccourcir la durée des séjours dans les centres hospitaliers de soins de courte durée. Il s'agissait d'une mesure à des fins d'efficience que non seulement j'appuyais entièrement, mais que j'ai travaillé fort pour apporter. Cependant, en adoptant cette mesure, nous nous trouvions essentiellement à déplacer à la maison des personnes qui n'avaient plus besoin de soins hospitaliers, mais qui nécessitaient encore des soins infirmiers. Nous avons déchargé sur les familles une partie des responsabilités pour les soins infirmiers et des coûts qui s'y rattachent. J'appelle cela une privatisation tacite. Je n'aime pas cela. Je pense que nous avons manqué un peu à nos engagements. À l'hôpital, les coûts des médicaments et des soins infirmiers sont assurés; à domicile, ils ne sont que partiellement assurés.
Ce n'est pas le cas partout au Canada. Dans certaines provinces, comme en Alberta, les soins à domicile sont entièrement assurés. Le gouvernement albertain ne reçoit pas tout le crédit qu'il mérite sur ce plan dans le reste du pays. Pourtant, il a jeté d'excellentes bases. Je ne pense pas que l'expansion des soins à domicile gratuits soit une mesure ruineuse pour le contribuable. Il est possible d'établir des règles définissant ce qu'on considère comme des soins médicaux à domicile légitimes, et ce qui pourrait constituer un service social utile, mais qui n'est pas vraiment relié à la santé. Il faut être dur et inflexible pour gérer un tel système.
Il y a sept ans, lorsque j'étais sous-ministre à la Santé, le budget total de la santé en Ontario s'élevait à 18 milliards de dollars. Je pense qu'il s'établit maintenant à 23 ou 24 milliards de dollars. De ce budget, environ 1 milliard de dollars était consacré aux soins à domicile. C'était probablement le montant que nous avions le mieux dépensé. Il nous permettait de raccourcir la durée de certains séjours à l'hôpital. Les possibilités de faire cela maintenant sont un peu plus limitées qu'à l'époque. Nous avons accompli beaucoup de progrès sur ce plan. Cependant, les soins à domicile représentent encore un excellent moyen au plan stratégique pour soutenir les gens pendant la durée de leur rétablissement. Ils demeurent un bon investissement pour le pays. Il est moins hasardeux d'investir dans ces sons que dans un régime d'assurance-médicaments. Un tel régime se heurte aux intérêts et aux influences des grandes sociétés, comme on l'a vu la semaine dernière. La population et le milieu de la santé sont très favorables aux soins à domicile, et ceux-ci ne coûtent pas aussi cher qu'on le croit. J'ai été déçu de voir que le communiqué émis par le premier ministre il y a un an n'en faisait pas mention.
Le sénateur Morin: Monsieur Decter, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre carrière et votre travail. J'ai lu votre tout dernier livre, Four Strong Winds, avec beaucoup d'attention. Je le trouve excellent. Les chapitres contenant des exemples, surtout à la fin, sont très instructifs. Je vous félicite également pour votre travail à la présidence de l'ICIS. John Millar a comparu deux fois devant notre comité et il nous a donné d'excellents avis. J'aimerais vous parler de la question des périodes d'attente, qui suscite beaucoup d'intérêt.
Comme vous le savez, l'accès aux services de santé est actuellement l'un des sujets les plus importants de notre étude. La seule liste des périodes d'attente dont nous disposons est celle fournie par l'Institut Fraser. Lorsque nous étions dans l'Ouest, j'avais l'habitude de demander si on pouvait valider les périodes d'attente indiquées par l'Institut Fraser. Certaines personnes disaient que ces périodes leur paraissaient raisonnables. D'autres prétendaient que les chiffres fournis ne s'appuyaient pas sur grand-chose.
Je pense que nous avons un problème urgent à régler. Quel est le temps d'attente au juste pour un remplacement de la hanche? Nous avons besoin de chiffres afin de pouvoir établir des comparaisons entre les provinces. Nous savons que de nombreux Canadiens atteints du cancer sont traités aux États-Unis. Cela signifie qu'il y a un problème d'attente pour ces personnes. J'aimerais connaître votre opinion. Quand allons-nous obtenir de l'ICIS des données sur les périodes d'attente?
Mon autre question porte sur les ressources humaines. Chaque fois que l'on aborde le sujet avec des administrateurs de services de santé, ils nous disent qu'aussitôt qu'on dispose de fonds supplémentaires dans le système, comme les 23 milliards de dollars d'il y a un an, survient une épidémie de grèves illégales à l'échelle du pays. Les gouvernements provinciaux finissent par céder et tous les fonds supplémentaires vont alors au personnel.
La situation est telle aujourd'hui que le personnel non clinique dans le système de santé gagne plus cher que les employés du secteur public. Le meilleur endroit pour travailler pour les employés de services alimentaires est dans un hôpital, car ils y sont mieux payés que dans n'importe quel hôtel. Cela est aussi vrai pour les plombiers et pour bien d'autres métiers. Il y a un problème. Une grève dans un hôpital, ou chez n'importe quel autre fournisseur de services, est très difficile pour l'employeur, à plus forte raison si cet employeur est le gouvernement.
Vos propos concernant l'assurance privée ont retenu mon attention. Croyez-vous qu'on devrait avoir un payeur unique, c'est-à-dire le gouvernement, et pas d'assurance privée? Vous opposeriez-vous à l'existence de fournisseurs uniques, y compris de fournisseurs privés? Le cas échéant, cela inclurait-il les fournisseurs à but lucratif? Comment expliquez-vous que tous les pays européens, l'Australie et la plupart des pays de l'OCDE aient recours à l'assurance privée. Vous n'ignorez pas que l'Australie fait actuellement la promotion de l'assurance privée. Il y a six millions de personnes au Royaume-Uni qui ont de l'assurance privée et se font soigner dans des établissements privés. Pour eux, l'assurance privée représente une partie importante de leur système de santé.
M. Decter: L'ICIS ne s'intéresse pas actuellement à la question des périodes d'attente. Un comité appelé CRPP, dirigé par l'Alberta, s'occupe de cette question. Je me suis personnellement attiré les foudres du ministre de la Santé récemment en faisant des commentaires sur les périodes d'attente. C'est ce qui va encore m'arriver ce matin. Les ministres de la Santé sont sur le point de décider de ne pas révéler la durée des périodes d'attente. Je pense que cette décision ira directement à l'encontre des engagements pris par les premiers ministres. S'ils font cela, ils renonceront à un très bon sondage que Statistique Canada est en mesure de mener. Ivan Fellegi, un fonctionnaire remarquable à mon avis, a fait des efforts considérables pour permettre la tenue d'un tel sondage.
Si on en décidait ainsi, il faudrait alors s'en remettre selon moi aux chiffres fournis par l'Institut Fraser, qui m'apparaissent assez douteux. Je ne vois pas là un complot. Il reste, cependant, que les médecins vont avoir une perception des périodes d'attente bien différente de celle des patients, et que ces deux perceptions seront différentes de la réalité.
On peut s'opposer de façon bien légitime au fait de compter les patients sur une liste d'attente si les cas ne sont pas classés par ordre de priorité, mais on peut en apprendre beaucoup en faisant cela. Lorsque j'étais sous-ministre de la Santé en Ontario, j'avais tous les matins sur mon bureau les périodes d'attente dans les huit centres hospitaliers régionaux, de même que celles du réseau des soins cardiaques, pour les chirurgies cardiaques. Nous avons apporté des améliorations énormes aux temps d'attente puisque nous pouvions les mesurer. Je pouvais prévenir le ministre dès que les périodes d'attente commençaient à dépasser un certain seuil et qu'il nous fallait réagir.
En l'absence de telles statistiques, s'il faut se fier aux chiffres donnés par les journaux ou par l'Institut Fraser, on ne peut pas être vraiment certain de ce que sont les périodes d'attente. Je fondais beaucoup d'espoir sur le projet des listes d'attente de l'Ouest canadien, dans lequel Santé Canada a investi 2,2 millions de dollars. Je pense que les gestionnaires de ce projet n'ont pas dépassé le stade de l'établissement de modèles pour la présenta tion de l'information.
Le sénateur Morin: Vous avez raison. Ils sont venus témoigner.
M. Decter: Il ne s'agit pas d'une tâche terriblement technique ou difficile. Il existe très peu d'appareils d'imagerie au Canada. Il ne coûterait pas tellement cher de demander à chaque personne qui passe un examen par IMR, TEP ou TDM combien de temps elle a attendu entre le moment du diagnostic et celui de l'examen.
C'est là une mesure extrêmement importante, tant pour la gestion que pour la confiance de la population. Presque chaque fois que je vais à un dîner, quelqu'un a une histoire absolument invérifiable à raconter à propos d'une cousine ou d'une voisine qui a dû aller à Buffalo pour subir un examen par IMR.
Je n'ai moi-même jamais rencontré quelqu'un qui soit allé à Buffalo pour subir un examen par IMR. J'ignore dans quelle mesure toutes ces histoires tiennent de la légende urbaine ou reflètent la réalité. Chose certaine, si les gens entretiennent des craintes, leur confiance s'émousse. On ne peut pas avoir un système de soins de courte durée sans diagnostics de première classe et des périodes d'attente courtes ou inexistantes.
Il n'est pas raisonnable de faire longtemps patienter pour un test des personnes qui craignent pour leur santé. Le test fait souvent disparaître les motifs d'inquiétude. Lorsque le médecin dit qu'il voit une ombre sur votre foie, vous croyez qu'il vient de prononcer votre arrêt de mort. Or, vous pouvez soupirer d'aise quand l'ultrason ou la TDM révèle que ces taches, qui apparaissent sur le foie d'environ 40 p. 100 de la population, sont plutôt normales, ou vous en avez le coeur net quand l'examen confirme la présence d'une tumeur ou autre chose.
Je trouve inconcevable tout ce qu'on fait endurer aux patients dans ce pays. Il est facile de dire que cela n'a aucune incidence sur la condition clinique du patient. Il a une tumeur ou il n'en a pas. Mais ces attentes portent la population à croire que le système ne fonctionne pas.
Il faut donc mesurer les périodes d'attente. J'espère que les ministres et les fonctionnaires de la santé ont du courage parce que, dans un an, si on dit à la population que le seul des 14 indicateurs pour lequel on ne dispose pas de données est celui des périodes d'attente, elle en conclura que ses élus hésitent à fournir des données à ce sujet parce que les périodes d'attente sont tellement longues. Or, je pense qu'il faut savoir faire la part des choses. Mon petit doigt me dit qu'il y a des situations vraiment pénibles que l'on doit régler, mais qu'autrement les périodes d'attente ne sont vraiment pas un problème. Sauf qu'on a tendance à généraliser.
Je vais maintenant traiter rapidement des autres points. Pour ce qui a trait aux ressources humaines, je dirais que oui, nous avons un problème de taille lorsque, toutes les fois que de l'argent supplémentaire est injecté dans le système, il finit par passer dans les salaires au terme des négociations des ententes collectives. J'ai fait un brin de causette la semaine dernière avec la pdg à Edmonton. Elle se dit préoccupée du fait que de nombreux infirmiers et infirmières gagnent plus de 100 000 $ par année en faisant une quantité excessive de temps supplémentaire.
Je crains que nous ayons reproduit en quelque sorte le modèle que l'on voit dans certains secteurs de l'industrie, où les gens gagnent un très bon salaire, mais font un nombre incroyable d'heures de travail, hypothéquant ainsi leur santé et leur longévité. Ce n'est pas un bon modèle à suivre pour le secteur de la santé. Nous devons être plus créatifs. Il nous faut faire preuve d'une plus grande opiniâtreté en ce qui a trait au genre d'arrangements que nous allons accepter. Je ne reproche pas à un travailleur de la santé de se faire un revenu décent, mais l'important dans le système de santé n'est pas d'avoir le nombre maximal d'em ployés, mais de faire en sorte que si on peut traiter une maladie avec une pilule plutôt qu'avec un scalpel, ou avec une visite à domicile au lieu d'un séjour d'une semaine à l'hôpital, tout en obtenant le même résultat, on devrait faire usage de moyens plus simples, plus efficaces et moins perturbants pour traiter des patients.
Je n'ai pas de réponse. Je pense parfois que l'on a fait fausse route en négociant des ententes collectives centralisées. Peut-être qu'on devrait régionaliser ces ententes et ajuster les taux salariaux en fonction des réalités locales. Mais c'est là une question très délicate. Dans certaines provinces où les négociations collectives centralisées sont une tradition dans la fonction publique, on pourrait envisager de réduire ou de stabiliser les salaires actuels en échange de meilleures conditions de pension à mesure que la main-d'oeuvre vieillit.
Cependant, je n'ai pas de solution simple. Il n'est pas facile pour le gouvernement de composer avec une grève dans le secteur de la santé. Les employés se plaignent avec raison. La dernière décennie a été difficile pour eux et ils veulent reprendre une partie du terrain perdu.
Vous avez soulevé un bon argument à propos de l'assurance privée. Beaucoup d'autres pays membres de l'OCDE recourent à des fournisseurs privés. Bon nombre d'entre eux ont une histoire très différente de la nôtre et des habitudes de dépense assez différentes également. Le Royaume-Uni, par exemple, dépense environ 50 p. 100 de moins que le Canada dans les soins de santé. Si le Canada décidait de dépenser l'équivalent de 6 p. 100 de son PIB dans son système de santé, au lieu de 9,3 ou 9,4 p. 100 comme c'est le cas actuellement, il y aurait lieu de rechercher un autre moyen pour combler le vide. Je pense que nous nous apparentons plus aux Allemands, aux Suisses et aux Français, qui avaient l'habitude d'investir un peu moins que nous dans leur système de santé, mais qui maintenant investissent un peu plus que nous, parce que leur population a vieilli. J'estime que si nous voulons conserver notre système de santé public, il nous faudra hausser graduellement la part du PIB que nous consacrons à la santé. Nous n'avons pas besoin d'atteindre le niveau atteint par les Américains, mais nous devrons augmenter nos dépenses en santé un peu plus rapidement que nous l'avons fait au milieu des années 90, quoique peut-être pas aussi rapidement que dans les quelques dernières années.
Nous n'avons pas encore constaté tous les effets positifs dans le système des 23 milliards de dollars annoncés dans le communiqué du premier ministre. Les dirigeants d'hôpitaux m'ont dit il y a un an qu'ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour embaucher le personnel dont ils avaient besoin. Maintenant, ils disent qu'ils ont l'argent voulu, mais qu'ils ne peuvent pas trouver du personnel, ce qui constitue un problème différent.
Il y a toutes sortes de fournisseurs à but non lucratif ou à but lucratif. Je connais quelques laboratoires qui accomplissent un travail remarquable. Je m'adonne à présider le conseil d'adminis tration du St. Elizabeth Health Care Centre, un gros organisme catholique à but non lucratif qui offre pour environ 80 millions de dollars en soins de santé en Ontario. Je dirais que Shirlee Sharkey, sa directrice, est aussi dynamique que n'importe quel autre pdg d'entreprise au Canada. Le centre offre de très bons services de soins à domicile et peut lutter à armes égales avec les organismes à but lucratif. Le centre est financé par l'assurance publique, si bien que les patients n'ont pas à s'inquiéter au sujet des coûts, et ils ont l'assurance que le travailleur de la santé qui se présentera à leur porte leur fournira un service de qualité.
Je ne pense pas que l'assurance privée soit une solution. Je n'ai pas d'objection à ce qu'elle couvre les services qui ne sont pas fournis pas l'assurance publique. Elle m'apparaît néanmoins comme la deuxième meilleure solution, la première étant que le secteur public assume ses responsabilités en finançant correcte ment le système que nous avons. Il y a place à des améliorations, mais je prends très au sérieux un des points soulevés dans votre rapport, soit que si on préconise une expansion des soins à domicile, il faut être en mesure de dire comment on devrait payer ces soins. Dans ce cas, je dis qu'on doit les payer à même les revenus d'impôt.
Je ne crois pas que, du jour au lendemain, nous puissions avoir le niveau de services sociaux des Européens ou le niveau d'imposition des Américains. Je suis disposé, en tant que Canadien, à payer plus d'impôts que nos voisins du Sud, parce que je suis convaincu que notre système public de santé est beaucoup plus avantageux. Ce n'est malheureusement pas une opinion très populaire dans la société canadienne d'aujourd'hui. À l'époque de Tommy Douglas, les gens croyaient dans des budgets équilibrés et des services publics payés à même l'impôt des contribuables. Nous avons depuis accumulé des dettes et des déficits. Le pays, tout comme le ministre de Finances, fait preuve de beaucoup de courage pour se tirer de ce pétrin. Je pense malgré tout que les Canadiens sont disposés à payer un peu plus pour la recherche médicale et un système de santé financé convenable ment.
Le sénateur Keon: Il ne reste plus beaucoup de temps, madame la présidente, et il y a une dizaine de choses dont j'aimerais discuter avec M. Decter. Il vous faudra donc m'inter rompre.
Je voudrais revenir sur la question des soins à domicile. Jeff Lozon a comparu devant le comité hier et nous avons brièvement discuté avec lui du concept de régionalisation ce dont il est question dans l'édition d'aujourd'hui du Ottawa Citizen. Ce journal fait encore une fois mention de mon nom en raison du mémoire que j'ai écrit.
Lorsque les pdg de Calgary et d'Edmonton sont venus nous rencontrer, j'ai été frappé de constater que les soins à domicile fonctionnent, et je pense qu'ils fonctionnent à cause de la régionalisation. Je suis conscient du nombre de points d'interroga tion que soulève la régionalisation. Cependant, M. Lozon, en sa qualité de sous-ministre, a eu l'idée d'une espèce de «super conseil» de bureaucrates qui usurperait essentiellement l'autorité du sous-ministre, mais qui aurait une vie. Ce conseil existerait en permanence et assurerait une certaine continuité, contrairement à un sous-ministre qui se fait remplacer tous les deux ans.
Je n'ai pas pu discuter de cela avec lui pendant bien longtemps, mais j'ai toujours été d'avis que la régionalisation est une mesure trop grosse à avaler. Je pense que le principal obstacle au concept de régionalisation en Ontario a toujours été de savoir comment on pourrait régionaliser Toronto. Chaque fois que le gouvernement essaie de planifier quelque chose, l'Ontario revient avec cette question. Le concept de régionalisation pourrait-il fonctionner dans le nord, dans l'est ou dans l'ouest de l'Ontario, par exemple, sans qu'on régionalise Toronto? Ce n'est pas une solution pratique de toute manière.
M. Decter: Il m'arrive de regretter mon séjour dans la fonction publique. Mon plus vif regret est de ne pas avoir été de l'avant avec le projet de régionalisation du sud-ouest de l'Ontario au début des années 90, après la parution du rapport d'Earl Orser. Nous ne l'avons pas fait en raison du coût énorme des investissements que cela impliquait. C'était juste avant que nous procédions à des réductions d'effectifs, et la tentation était très forte. La population de la région s'établissait à 1,2 million d'habitants, ce qui était juste à la limite du nombre pratique pour une région. La ville de Toronto est bien trop grande pour fonctionner comme une région. La reconstruction de bon nombre des installations probablement déjà trop imposantes exigeait un investissement énorme de capitaux. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas agi, pas seulement moi, mais le premier ministre et le cabinet, qui n'appuyaient pas le projet.
On dispose de preuves écrasantes démontrant que la régionali sation ne fonctionne pas dans les régions vraiment petites. Voilà pourquoi la Saskatchewan a réduit de 30 à une douzaine le nombre de ses régions. La régionalisation en Alberta, où la population des régions varie entre 750 000 habitants dans les endroits les plus populeux comme Calgary et Edmonton, et 50 000 à 100 000 habitants dans les endroits moins populeux, fonctionne vraiment bien. On peut le sentir quand on parle aux Albertains. Il y a toujours quelqu'un qui peut transférer des sommes d'argent ou des ressources à tout moment pour solutionner des problèmes. Par exemple, on n'a pas réglé le problème des salles d'urgence bondées à Edmonton en déplaçant le gens en ambulance d'un hôpital à l'autre jusqu'à ce qu'on leur trouve une place, mais en lançant une campagne de vaccination contre la grippe, en ouvrant de nouveaux lits pour les soins de longue durée et en étendant les soins à domicile. Tout le monde peut s'asseoir à une table et discuter de moyens de résoudre un problème. À Toronto, cependant, il faudrait réserver le Sky Dome pour réunir tous les intervenants sous un même toit.
On aurait eu besoin d'un gros amphithéâtre à Edmonton, avant la régionalisation, afin de réunir les représentants des conseils d'administration des 14 hôpitaux, des soins à domicile et de tous les organismes de santé. Il est hérétique de dire cela en Ontario, mais bon nombre des personnes qui ont passé la majeure partie de leur carrière dans cette province sont d'accord avec la régionalisa tion. Tom Closson nous en fournit un bon exemple. Il a dirigé l'hôpital de Sunnybrook et fait maintenant partie du réseau universitaire de la santé. Il a fait un bref séjour à Victoria et il appuie totalement la régionalisation. Ce système fonctionne tout simplement mieux. Il permet de gérer une plus grande quantité de ressources.
Je pense que l'Ontario se dirige vers une quasi-régionalisation. Je suis allé une semaine à Sudbury, où il y a un hôpital, un conseil régional de santé et un centre d'administration des soins à domicile. Si ces groupes travaillaient ensemble, ils seraient bien près de former un service de santé régional. Par contre, si l'un d'entre eux décidait de faire sa petite affaire, une guerre de territoire pourrait éclater, ce qui serait bien malcommode.
La ville de Toronto dispose maintenant de cinq ou six systèmes. On ne peut pas gérer Toronto comme une région, mais il est possible d'y exploiter différents systèmes, comme des hôpitaux universitaires et des hôpitaux communautaires, peut-être un hôpital pour les femmes et les enfants et même un hôpital catholique. J'ai travaillé pendant des années dans les tranchées pour tenter d'implanter ce concept, mais ce n'est pas facile. Même si les propriétaires des établissements de santé sont d'accord, il y a beaucoup d'adversaires de la régionalisation en Ontario. C'est en partie pour des raisons historiques, parce que les hôpitaux existaient avant l'assurance-maladie. L'idée d'être subordonné à une entité supérieure est très difficile à accepter. Je pense que la régionalisation se fera en Ontario, mais que ce sera un processus extrêmement long et progressif.
Il est très difficile d'assurer certains soins intégrés, dont la régionalisation nous a démontré les avantages, notamment à Edmonton et à Calgary.
Le sénateur Keon: Monsieur Decter, puis-je savoir ce que vous pensez de la technologie de l'information et des techniques de communication en ce qui a trait à la régionalisation. Comme je l'ai mentionné à d'autres témoins, j'ai renoncé au grand concept d'une banque centrale de données. Je crois qu'il ne se concrétisera jamais. J'ai passé toute ma carrière à siéger à des comités sur les sciences et la santé. Ils sont tous arrivés aux mêmes conclusions. Je pense maintenant que la seule façon de fonctionner serait à la manière de l'armée américaine, où le soldat Untel a sa plaque d'identité, qui constitue son dossier de santé. Tous les citoyens canadiens devraient avoir leur fiche de santé, qui constituerait leur dossier de santé. Et puis il y a la question des registres. Un témoin de l'OMA que nous avons accueilli hier croit fermement que les registres doivent se trouver dans le bureau du médecin. Il a prétendu que, la plupart du temps, les patients oublieront d'apporter leur fiche médicale et ainsi de suite, et qu'il serait difficile d'implanter l'usage de telles fiches.
Cependant, la régionalisation simplifierait le concept des registres. Il serait plus facile, pour des organismes comme l'ICIS et Santé Canada, et pour les provinces, d'obtenir les données pertinentes dont ils ont besoin pour leur planification financière. Dans les conditions actuelles, il est beaucoup plus compliqué d'obtenir ce genre d'information. Nous demandons aux gens de renoncer à la confidentialité de l'information qui les concerne afin de créer des registres devant servir à des fins économiques.
Pouvez-vous commenter là-dessus?
M. Decter: Je pense que les Canadiens sont parfaitement disposés à mettre en commun l'information sur les soins de santé s'ils croient pouvoir en tirer profit. Ainsi, les gens veulent bien fournir de l'information sur leur santé au pharmacien parce qu'ils obtiennent en retour non seulement une bouteille de comprimés, mais une foule de renseignements sur les médicaments qu'ils consomment et sur leur maladie. S'ils peuvent en tirer un avantage tangible, les gens vont donner toutes les données possibles les concernant au registre. Nous constatons le phénomè ne dans notre registre de données sur les blessures à la hanche et aux articulations, qui sera à mon avis un ajout utile au système de renseignements sur le système canadien de santé que l'ICIS est en voie de mettre sur pied. Les Scandinaves ont de 20 à 30 ans d'avance sur nous dans ce domaine.
Il faudra examiner séparément deux types de données. Il y a ce genre de données dont nous avons besoin pour élaborer des politiques et gérer le système, et dont la plupart ne nécessitent pas un identificateur personnel. Nous tâchons de travailler avec des données à jour, plutôt qu'avec des données datant de deux ou trois ans. Nous voulons que les hôpitaux soumettent leurs données dans les trois mois. Un jour, nous aimerions qu'ils nous les communiquent immédiatement, en actionnant simplement un bouton. On pourrait alors établir des points de repère. Nous avons reçu une réaction extrêmement positive à un projet où nous laissions les gens procéder à un étalonnage en temps réel en soumettant eux-mêmes les données les concernant.
Ce problème sera résolu, bien qu'il nécessitera certains investissements. Vous avez aussi soulevé le problème beaucoup plus compliqué des dossiers de santé portant le nom de la personne. Un certain nombre d'intervenants se livrent à ce propos à une véritable partie de bras de fer. Les commissaires à la vie privée ont acquis beaucoup de pouvoirs. Les médecins, qui sont demeurés très puissants, avaient l'habitude de conserver les dossiers médicaux. Les gens ne sont pas conscients de cela, croyant que dans ce monde de consommateurs où nous vivons, ils possèdent leur propre dossier médical. Ils sont surpris quand on leur apprend que le dossier les concernant ne leur appartient pas.
J'estime que l'idée d'une base de données partira du bas pour aller vers le haut, et non le contraire. De prétendre qu'il serait sage de mettre sur pied une grosse base de données à Ottawa ne mènerait à rien et entraînerait de vives réactions. Nous avons vu Bruce Phillips, en sa qualité de commissaire à la vie privée, s'élever contre la base de données de RHDC et forcer le démantèlement de cette base, nous privant ainsi d'une ressource fort importante pour la recherche, tout cela parce que personne n'a eu le courage de défendre l'existence de cette base.
L'ICIS a fait des efforts pour garantir la confidentialité de l'information. Il a consulté les commissaires à la vie privée. Je crois que la communication de renseignements médicaux devra se faire de façon volontaire, au moyen d'une «plaque d'identité» ou d'Internet, en utilisant un formulaire électronique, moyennant quelque chose en retour. Il pourrait s'agir d'un bulletin contenant la plus récente information sur le diabète ou l'asthme, ou toute autre maladie dont souffre la personne, ou encore d'un dépistage génétique.
J'ignore quel sera l'incitatif retenu, mais il faudra qu'il fasse partie d'une nouvelle structure d'information profitable au patient. Je m'attends à une grande coopération de la part de la population, sauf si le fournisseur de soins, le gouvernement et l'institution sont les seuls à tirer avantage du projet. Il faut engager la participation de la population et l'assurer que l'information à son sujet ne sera pas communiquée à l'employeur, ce qui risquerait d'entraîner des licenciements. On ne veut pas porter atteinte à la vie privée des gens. On veut tout simplement de l'information pour mieux s'occuper d'eux.
Nous allons devoir prendre notre courage à deux mains et faire une offre raisonnable au public. J'ai moi aussi passé beaucoup de temps dans des comités et des réunions à examiner des architectures de bases de données complexes. Lorsqu'on présen tait ces projets au cabinet, les ministres nous répondaient souvent, avec raison: «Mais avec 500 millions de dollars, ne pourrions- nous pas acheter la paix avec les infirmières et les médecins pendant quelques années, au lieu de faire l'acquisition d'ordina teurs qui seront branchés dans une pièce en quelque part?» Les sous-ministres devaient s'incliner. Les ministres du cabinet concluaient alors qu'ils étaient tous en faveur de l'investissement, mais que celui-ci devait attendre l'année suivante. Et nous avions alors un projet que l'on reportait d'année en année.
J'ai passé quelque temps avec Eric Maldoff et j'ai appris qu'une somme de 500 millions de dollars est conservée dans un compte pouvant servir à investir sagement plusieurs milliards de dollars partout au pays. Or, on doit pouvoir compter sur l'appui de la population, sinon on risque l'échec. Nous avons besoin de leadership, pas de déchirements à propos de l'identité du détenteur du dossier. Après tout, qui possède quoi que ce soit dans le monde d'aujourd'hui? L'information sera là. Je ne pense pas qu'elle doive appartenir au médecin plus qu'au patient, ou vice versa. Il faudrait que la propriété de cette ressource soit partagée.
Je le répète, je n'ai pas de réponse simple, mais je pense que votre instinct ne vous trompe pas: il faudra s'assurer au départ la participation et l'appui de la population pour établir une sorte de cadre, et non imposer à celle-ci un système qu'elle n'a pas choisi.
Le sénateur Keon: Monsieur Decter, compte tenu de la complexité de notre système, où des services sont payés et d'autres ne le sont pas, et où l'assurance privée peut intervenir, je pense que nous devons faire la distinction entre les fournisseurs de soins et les évaluateurs. Autant que possible, nous devrions conserver la formule du payeur unique. Il existe déjà des régimes d'assurance privée, et il y en aura d'autres. Tant et aussi longtemps qu'ils répondront aux normes de l'évaluateur, je pense que l'identité des fournisseurs de soins importe peu. La supervision de l'évaluateur par le gouvernement ou par le public sera cependant très importante. Peu importe qu'il s'agisse de l'Institut Fraser, de l'ICIS ou de Statistique Canada, l'évaluateur devra répondre à une norme donnée. Quelle est votre opinion à ce sujet?
M. Decter: Il existe en Ontario une très bonne loi appelée Loi sur les établissements de santé autonomes, qui n'a pas suscité la controverse comme une loi semblable en Alberta, et dont la promulgation remonte à la fin des années 80. C'est une loi réglementaire qui établit des contrôles importants sur l'expansion des établissements de santé privés et autonomes.
La loi exige une certaine forme d'évaluation des besoins. Le conseil régional de santé doit déterminer qu'il existe bel et bien un besoin pour ce type d'établissements. Il revient ensuite au gouvernement de payer la facture.
La loi vise surtout les cliniques de radiologie. On a souvent invoqué les droits acquis, si cela demeure une expression politiquement correcte, pour permettre à des installations existan tes de demeurer dans le portrait, bien qu'on ait aussi fait preuve de sévérité à l'occasion. Au grand amusement du personnel du ministère où je travaillais à l'époque, un radiologiste autonome avait pris des radiographies de sa mère dans différents terrains de stationnement vacants au centre-ville de Toronto et invoqué la clause des droits acquis afin d'obtenir des permis pour la construction éventuelle d'une clinique de radiologie sur l'un ou l'autre de ces terrains. Les permis lui ont évidemment été refusés.
Tout cela pour dire que l'on a besoin d'un cadre et de règlements parce que la technologie nous pousse dans cette direction. De nombreuses procédures exécutées auparavant à l'hôpital sont ou seront éventuellement exécutées en clinique ou dans le bureau du médecin. Une technologie moins effractive et plus rapide sera utilisée pour les corrections oculaires au laser et une vaste gamme d'autres services. Peut-être que l'assurance publique ne devrait plus couvrir les corrections oculaires au laser. Je serais disposé à débattre de la question. Quoi qu'il en soit, nous avons l'obligation, en tant que société, d'assurer à la population des soins efficaces et sécuritaires. Si quelqu'un décide de s'acheter une voiture, il lui appartient d'examiner les clauses du contrat de vente. Par contre, la personne qui a besoin de soins médicaux, bien qu'elle-même paie pour ces soins, devrait avoir l'assurance que non seulement les soins qu'elle recevra lui seront fournis par un professionnel de la santé accrédité, mais que la clinique où elle reçoit ses soins est régie par certaines règles.
Je pense que les provinces devraient établir des règles en la matière, pas parce que je raffole de la bureaucratie, mais parce que le public va savoir que quelqu'un se préoccupe de la sécurité et de la qualité, et je doute que ce soit le cas actuellement. L'affaire du sang contaminé a été un échec incroyable. J'ai passé beaucoup de temps avec Krever avant la parution de son rapport. Il était très clair que l'on avait fait preuve de laxisme dans l'application des règles. On accordait des permis à des cliniques de sang, sans même faire d'inspection. On n'a rien fait pour s'assurer que ces cliniques prenaient des mesures de sécurité. On se contentait de délivrer des permis, c'est-à-dire d'envoyer un formulaire. On était bien loin de satisfaire aux attentes du public.
Je pense que nous allons voir apparaître un tas de nouvelles entreprises dans le domaine de la santé. Ce serait une chose terrible de laisser proliférer inutilement ce genre d'entreprises, comme en témoigne l'expérience américaine. En effet, quelque 3 500 centres d'examen par IRM ont été créés aux États-Unis, sans qu'on procède au préalable à une étude des besoins. On pourrait porter un jugement de société en disant: «On s'en balance. Si vous voulez perdre de l'argent dans des cliniques de corrections oculaires au laser, c'est votre affaire.» Toutefois, si les gens craignent que ces cliniques viennent recruter leur personnel dans les hôpitaux, il devrait y avoir une certaine forme d'évaluation des besoins. Les États américains émettent une attestation du besoin de nouveaux établissements hospitaliers et de certains centres chirurgicaux. Je pense que nous pourrions faire la même chose ici.
Je partage votre inquiétude en ce qui a trait au maintien d'un système à payeur unique. On compte plusieurs payeurs, tels que la Commission des accidents de travail et la Régie de l'assurance- automobile, mais je suis d'accord avec le principe d'un payeur unique dans le cas des services de santé. Je n'ai cependant rien contre la diversité dans le choix des fournisseurs de services.
L'évaluation n'est pas notre fort au Canada. Nous avons un système d'accréditation volontaire qui est loin de répondre à nos besoins. Quand on examine la question de la sécurité des patients, on s'aperçoit que cette faiblesse découle du même raisonnement que celui qui a mené à la tragédie du sang contaminé: la Croix-Rouge est formée de gens bien qui font des choses utiles pour la société. Pourquoi faudrait-il les remettre en question?
Malheureusement, même les gens bien peuvent causer un grand tort à la société s'il n'y a pas des personnes assez obstinées pour faire respecter les normes.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Decter, j'ai une question à vous poser concernant vos observations préliminaires. Vous avez indiqué que la population n'aura pas confiance dans le système tant qu'on ne lui fournira pas d'information.
Quel genre d'information qu'elle n'a pas déjà devrait-on fournir, selon vous, à la population? Qui serait responsable de fournir cette information et comment serait-elle communiquée?
M. Decter: Les nouvelles attentes du public ont trait à l'accès en temps opportun. La population ne veut pas seulement savoir si elle aura accès à un service, mais aussi combien de temps il lui faudra patienter pour cela. Ils veulent de l'information sur la qualité du service. Comment ce service se compare-t-il à un autre? L'a-t-on comparé à une norme reconnue? Ils veulent en savoir davantage sur la pertinence de tel ou tel service. Même si le système permet de faire des choses bien et rapidement, il suscite certaines questions. Lorsque l'ICIS a publié des données révélant que sept fois plus de femmes subissaient des hystérecto mies dans le Nord de l'Ontario que dans le Sud de l'Ontario, on s'est demandé si on faisait trop d'hystérectomies dans le Nord ou pas assez dans le Sud. Où se situe la norme?
Le public en veut pour son argent. Les gens savent que leur système de santé leur coûte cher. Ils ne savent pas si leur argent est bien ou mal dépensé. Les sondages d'opinion nous apprennent que la seule raison pour laquelle les gens seraient prêts à payer plus d'impôts, c'est pour les services de santé, mais ils ne sont pas sûrs qu'ils doivent dépenser plus parce qu'ils ignorent si les sommes déjà consacrées à ces services sont bien dépensées.
Il appartient aux administrations et aux hôpitaux régionaux de rendre compte autant que possible de leurs activités et de leurs dépenses à la population qu'ils servent. Certaines régions réussissent très bien à établir des indicateurs de rendement et à signaler les progrès accomplis. Il incombe aux gouvernements provinciaux de rendre compte de la situation à l'échelle provinciale. L'ICIS et Statistique Canada se partagent la responsabilité de rendre compte du rendement du système au plan national. La reddition de comptes se fait donc à plusieurs niveaux.
Les soins de santé sont considérés dans une perspective tout à fait locale. Dans une certaine mesure, bien que nous ayons aidé le MacLean's à publier des rapports nationaux, ce à quoi les gens s'intéressent vraiment, c'est la situation de leur hôpital. Est-ce que l'hôpital dans ma localité fait un bon travail' Comment se compare-t-il à celui qui se trouve 20 milles plus loin ou à un hôpital de la grande ville? Lorsqu'un être cher tombe malade, dois-je me rendre à un hôpital du centre-ville pour le faire soigner ou aurais-je accès sur place aux mêmes soins de qualité, dans les mêmes délais?
Nous faisons bien des efforts qui ne mènent à rien en raison d'une mauvaise interprétation des signaux qui nous sont donnés. Lorsque David Dodge est arrivé à Santé Canada, il a été absolument consterné et scandalisé par le niveau de qualité des données sur la santé. Pourquoi? Parce qu'il avait travaillé toute sa vie comme économiste du travail et sous-ministre des Finances et que les deux choses sur lesquelles on possède de bonnes informations dans notre société sont les marchés du travail et les marchés boursiers. J'ai un ordinateur à mon bureau qui me fournit des renseignements en temps réel sur les marchés des valeurs mobilières, les taux d'intérêt et toutes sortes de choses. Nous essayons de gérer le système de santé avec des données qui datent souvent de deux ou trois ans, et de convaincre en même temps la population de la nécessité d'un changement. Nous n'avons pas beaucoup d'arguments à lui offrir, juste des paroles optimistes pour lui vanter les bienfaits d'un tel changement. Nous ne lui disons pas: «Voilà, l'année dernière nous avons pu réduire les listes d'attente.»
Pensons au taux de chômage qui est rendu public chaque mois. Si vous êtes le premier ministre ou un député d'une province dont le taux de chômage commence à évoluer dans le sens contraire de celui des provinces adjacentes, vous avez un problème de taille sur les bras. Il vous faut réagir. Vous devez passer à l'action. Il n'existe pas de mesure comparable dans le domaine de la santé. Nous devons généralement nous contenter d'anecdotes, par exemple au sujet du temps que Bernard a dû patienter à l'urgence. Nous devons déterminer les dépenses, et tout le monde réclame plus d'argent. Il nous faut trouver un juste milieu. Nous devons savoir combien de gens, comme Bernard, ont attendu à l'urgence, et combien de temps ils y ont passé. Il faut établir des statistiques de ce genre à tous les niveaux si on veut regagner la confiance de la population.
Les gens qui ont eu recours au système de santé ont beaucoup plus confiance dans ce système que ceux qui ne l'ont jamais utilisé. De parler en première page d'une crise dans la santé fait évidemment vendre des journaux. Mais les médias n'ont pas toujours tort. Ce qui constitue un problème dans le système prend l'allure d'une crise pour Bernard qui est transporté en ambulance d'un hôpital à l'autre et qui se voit privé des soins nécessaires à son état pendant ce temps. C'est aussi une crise pour la famille de Bernard. Dans les circonstances, il est facile de dénigrer le système de santé. Je pense que l'on a besoin d'une contribution de tous les niveaux.
La bonne nouvelle, c'est que nous faisons des progrès dans la collecte des données parce que les ordinateurs sont plus rapides et nous permettent d'accomplir plus de choses. Partout au pays, en petits groupes tels que le Centre d'information de Santé Manitoba et l'ICIS, des chercheurs brillants en matière de santé prennent des ensembles de données administratives et nous renseignent sur les incidences politiques des phénomènes constatés.
Le sénateur Robertson: Monsieur Decter, dans vos observa tions, vous avez parlé des deux questions que l'on ramène constamment devant le comité, soit le besoin de meilleurs soins à domicile et la nécessité d'une assurance-médicaments.
Vous avez dit que, selon vous, on pourrait probablement inclure dans le système les soins à domicile en conservant la formule de financement actuelle, et je suis d'accord avec vous. Il y a de grands avantages à tirer de cela. Cependant, vous avez vite escamoté la question de l'assurance-médicaments, évitant de recommander quoi que ce soit au comité concernant la nature d'un tel régime d'assurance: privée ou publique. L'assurance-mé dicaments représente l'une des parties les plus importantes de notre système de santé, et la majorité des gens n'y ont pas accès. Le nombre de personnes âgées et les taux de pauvreté ont augmenté au pays. On compte aujourd'hui autant d'enfants qui vivent dans la pauvreté au Canada qu'il y a dix ans.
Je voudrais savoir si vous recommandez l'établissement, au Canada, d'un régime d'assurance-médicaments qui soit abordable pour la population sans que cela ne gruge une trop grande partie des recettes fiscales.
M. Decter: J'ai des opinions bien arrêtées sur le sujet. Après avoir défendu cette cause pendant sept ou huit ans, je ne sais vraiment pas exactement comment nous pouvons passer d'où nous sommes actuellement à où nous devrions être selon moi.
Nous devrions adopter une approche nationale à l'égard de l'assurance-médicaments. Lorsque nous regardons les chiffres dans ce secteur, notre dossier n'est pas très bon comparativement aux autres pays membres de l'OCDE. En gros, les coûts sont partagés à peu près également entre le secteur public, les employeurs privés et les particuliers, qui paient environ un tiers chacun. Si la répartition était égale d'un bout à l'autre du pays, cela pourrait être acceptable, mais ce n'est pas le cas. En Ontario, les personnes âgées paient maintenant un très faible pourcentage de leurs médicaments, alors qu'ils ne payaient rien auparavant. Dans d'autres régions du pays, comme à Terre-Neuve, les personnes âgées doivent payer très cher pour obtenir des médicaments, assez cher à mon avis pour empêcher bon nombre d'entre elles de se procurer les médicaments dont elles ont besoin. Les médicaments viennent maintenant au deuxième rang des questions prioritaires pour nous. Ils ont dépassé les dépenses au titre des services médicaux. Les sociétés pharmaceutiques ont mis de nouveaux produits sur le marché; certains sont merveilleuse ment novateurs, d'autres sont tout simplement chers.
Je crois qu'il est relativement facile d'offrir un programme de soins à domicile, mais il est très difficile d'offrir un régime d'assurance-médicaments pour diverses raisons. Les sociétés pharmaceutiques axées sur la recherche et les sociétés génériques forment deux groupes très combatifs. La moindre question est une source de conflit, comme nous en avons été témoins ces dernières semaines. À cause de ce climat de conflit, les politiciens ont peur de se mêler de ces dossiers. En plus de cela, il y a la question fédérale-provinciale. La réalité est qu'il est improbable qu'un régime national soit acceptable au Québec. Cette province est allée plus loin que toute autre province pour ce qui est de réformer sa propre approche et elle est près de ce que je considère être le modèle idéal pour le pays: un seul régime intégré où les employeurs privés et le secteur public auraient chacun un rôle à jouer. Le Québec a ressenti beaucoup de pression au niveau des coûts depuis l'établissement de ce régime.
La rédaction d'ordonnances au Canada ne se fait pas de façon efficace. Parfois nous en rédigeons trop, parfois nous n'en rédigeons pas assez, et parfois nous ne rédigeons pas celles qui conviennent. Pourquoi? La réponse est complexe. Beaucoup de médecins ont de la difficulté à suivre la complexité des observations concernant l'utilisation des médicaments. Je ne porte pas de jugement personnel ici. Un des médecins les plus remarquables de cette province, d'après mon expérience et sans compter ceux qui sont assis à cette table, était le regretté Dr Adam Linton, un interniste et médecin enseignant des plus consciencieux. J'ai reçu un appel téléphonique de lui lorsqu'il était très malade du cancer du foie. Seul Adam aurait eu l'idée de passer en revue chaque ordonnance qu'il avait rédigée au cours de la dernière année. Il a décidé que 40 p. 100 des ordonnances qu'il avait rédigées n'étaient pas fondées sur les meilleures observa tions. Il m'a dit: «Je suis assez vigilant.» Il était en effet très vigilant en tant que médecin. «Si je me trompe aussi souvent, nous devons vraiment changer notre façon de faire.»
Comment acheter des médicaments d'ordonnance à un prix équitable est un problème. Cependant, le plus gros problème est comment améliorer la façon de rédiger les ordonnances d'une part et la façon d'utiliser les médicaments d'autre part. On sait qu'il arrive souvent que les patients ne suivent pas à la lettre les ordonnances qu'on leur a faites. Cela entraîne du gaspillage de médicaments et d'autres conséquences. Pour changer cela, il faut une grande collaboration entre les différents niveaux de gouverne ment. Lors de la réunion des ministres de la Santé tenue à St. John's, ceux-ci se sont entendus pour travailler ensemble à l'évaluation. C'est un bon départ.
En bout de ligne, si nous établissions un régime d'assurance- médicaments, il faudrait qu'il y ait des primes, comme nous l'avons fait pour les services hospitaliers et médicaux. Ce serait la bonne façon de faire. Dotons-nous d'un régime d'assurance-médi caments de premier ordre au Canada. Les employeurs peuvent continuer de payer ce qu'ils payaient déjà. Les gouvernements peuvent payer pour les personnes âgées et les pauvres. Ceux d'entre nous qui travaillent et qui n'ont pas de régime parrainé par leur employeur mais qui sont capables de payer des primes mensuelles peuvent le faire.
Je n'aime pas l'idée de faire payer au moment où les soins sont fournis. Cela fait peur aux gens qui ne devraient pas avoir peur. Cependant, il n'y a rien de mal à demander aux particuliers et aux familles d'assumer une certaine responsabilité s'ils ont accès à un régime de qualité axé sur de bonnes observations ainsi que sur de bonnes pratiques en matière de rédaction d'ordonnances et de distribution de médicaments.
Nous verrons des médicaments qui entraîneront des change ments remarquables. J'ai regardé des diapositives sur le travail du Dr Volkman vendredi soir. En voyant disparaître des tumeurs faciales massives chez des enfants, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que cela allait mener quelque part. Je sais que le travail du Dr Volkman suscite beaucoup de controverse, mais la salle était à moitié pleine de gens qui souffraient eux-mêmes de cancer ou qui avaient des enfants ou des êtres chers souffrant de cancer. Dans cette société, on ne sera pas capable de s'interposer entre les gens et ces médicaments. Les familles se ruineront si nous ne mettons pas en place un régime d'assurance-médicaments adéquat.
Nous trahissons l'esprit de l'assurance-maladie si nous accep tons d'avoir une couverture à 90 p. 100 et plus pour les services hospitaliers et médicaux, mais pas pour les médicaments. Nous nous traînons les pieds en ce qui a trait à l'inscription de nouveaux médicaments. Nous faisons toutes sortes de choses qui ne sont pas bonnes pour les malades pour essayer de contenir les coûts. Je crois vraiment que nous avons beaucoup à apprendre. Les Britanniques et les Australiens ont un régime national. Il est difficile de voir comment la dynamique fédérale-provinciale pourrait fonctionner. Pourquoi le gouvernement fédéral voudrait-il se retrouver avec la composante la plus difficile du secteur de la santé? Toutefois, nous devons trouver une façon d'assurer et de gérer l'accès aux médicaments dans notre pays. C'est la seule partie de notre régime qui est vraiment une source d'embarras pour nous à l'échelle internationale.
Le sénateur Robertson: Nous reconnaissons l'usage abusif des médicaments. Certaines personnes ne prennent pas les médicaments qui leur sont prescrits. Certains médecins prescri vent des médicaments sans avoir les connaissances adéquates. J'espère que cela ne nous retiendra pas trop longtemps. Combien de gens suivent les directives du médecin à la lettre lorsqu'ils quittent son bureau? Les médecins sont entièrement couverts. Cependant, je ne sais pas quel est le pourcentage, mais je sais que certaines personnes ne se donnent pas la peine de suivre les directives de leur médecin.
M. Decter: Il y a des problèmes partout. Il y a beaucoup d'éducation à faire. Nos personnes âgées sont un groupe remarquable. Je crois qu'elles sont très intelligentes. Si nous leur donnons accès à l'information, je crois qu'elles feront du très bon travail.
Dans certaines régions du pays, il y a des personnes âgées qui sont écrasées sous le poids financier que représente le coût des médicaments qu'elles doivent prendre. Ce n'est pas normal. Il n'y a rien de mal à dire que nous allons tous payer 10 $ ou 20 $ par mois. Par contre, ce n'est pas normal de forcer un patient à choisir entre prendre le médicament que le médecin juge nécessaire pour lui et ne pas acheter de nourriture pendant un mois parce que le médicament en question coûte 300 $ ou 400 $.
Si le but de l'assurance-maladie était d'éliminer le fardeau financier entre ceux qui reçoivent les soins et ceux qui les donnent, je crois que nous avons fait un travail splendide dans le cas des services hospitaliers et médicaux. C'est un point litigieux, évidemment. Beaucoup de choses ne sont pas parfaites. Aucun médecin au pays ne croit qu'on peut améliorer le régime sans que cela nécessite plus d'argent. Néanmoins, les gens ne se voient pas refuser des soins parce qu'ils n'ont pas d'argent dans leurs poches. Cependant, du côté des médicaments, de telles situations existent.
La vice-présidente: Au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup, monsieur Decter. Je peux voir pourquoi vos opinions sur le sujet sont si recherchées. De notre côté, et j'assurerai le suivi à cet égard, nous devons laisser Statistique Canada poursuivre son enquête sur les listes d'attente. Nous ne pouvons pas laisser les gens abandonner cette initiative, sinon d'autres prendront la relève. Nous vous inviterons peut-être encore lorsque nous aborderons de nouveau des questions comme l'assurance-médicaments avec des témoins à Ottawa.
M. Decter: Ce fut un privilège. Je serais ravi de faire tout ce que je peux pour aider le comité. Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre travail.
La vice-présidente: Collègues, je voudrais appeler notre prochaine série de témoins à la table: M. David MacKinnon, PDG de l'Association des hôpitaux de l'Ontario, et Mme Doris Grinspun, directrice exécutive de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario.
Mme Doris Grinspun, directrice exécutive, Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario: Merci beau coup de nous avoir invités. Je suis directrice exécutive de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, la voix professionnelle des infirmières et infirmiers autorisés de cette province.
Nous sommes ici au nom des infirmières autorisées de l'Ontario pour exhorter le comité du Sénat à se tenir à l'écart d'un régime de soins de santé à deux vitesses. Nous sommes ici pour nous opposer à l'empiétement croissant du financement privé, y compris les frais d'utilisation et la prestation de soins par des organismes privés à but lucratif, sur les services de santé nécessaires.
Nous sommes également ici pour offrir des solutions aux vrais problèmes auxquels notre régime de soins de santé est confronté, c'est-à-dire le manque de rapidité d'accès, la mauvaise utilisation du régime, la gestion inadéquate des ressources humaines et la détérioration de la confiance du public. Ces problèmes découlent d'un régime qui dépend trop des hôpitaux et qui sous-utilise les infirmières, tout en les surchargeant, ce qui est paradoxal. Il sous-utilise aussi les infirmières praticiennes, les travailleurs sociaux, les diététistes et d'autres.
Nous parlons d'amener les soins de santé dans nos collectivités, et pourtant la part du lion des fonds au titre des soins de santé va aux établissements. Nous avons un régime où, si on a besoin de soins médicaux à 20 heures ou pendant le week-end, on doit se rendre à l'urgence. Nous avons un régime où il arrive que les patients ne peuvent pas obtenir leur congé de l'hôpital parce que nous n'avons pas mis sur pied un bon programme de soins à domicile dans notre pays. Nous avons un régime où les hôpitaux sont devenus «le canari dans la mine de charbon». Ce n'est pas parce que les gens ont un appétit insatiable pour les hôpitaux, mais bien parce qu'ils n'ont pas d'autre endroit où aller.
Dans la réalité d'aujourd'hui, notre régime n'offre pas les bons incitatifs. Par exemple, les médicaments ne sont couverts que pour les malades hospitalisés. Les médecins sont payés à l'acte. Les personnes âgées sont logées dans des établissements au lieu d'avoir l'aide dont elles ont besoin dans leurs propres collectivi tés. Nous entendons parler du vieillissement de la population, et pourtant nous ne développons pas des services adaptés à ce genre de population. Les infirmières sont sous-utilisées, mais elles sont aussi surchargées. Presque 45 p. 100 des infirmières dans ce pays travaillent à temps partiel ou de façon occasionnelle, et pour beaucoup d'entre elles ce n'est pas par choix.
Nous croyons qu'il y a des solutions à ces problèmes. Il faut d'abord que le gouvernement fédéral réaffirme son engagement à exclure tous les services de santé des accords commerciaux. Nous croyons que cela devrait être le cas, mais nous savons que ce n'est pas là la réalité. Nous avons également besoin de mettre sur pied de façon urgente un régime public de soins de santé primaires assurés 24 heures par jour, 7 jours par semaine, par des équipes interdisciplinaires de fournisseurs de soins de santé. Nous avons besoin d'un cadre clair, de normes nationales et d'un financement adéquat pour des services de soins de santé à domicile à l'échelle du pays. Nous avons besoin d'un régime national d'assurance-médicaments et de mécanismes pour contrôler la croissance rapide des dépenses pharmaceutiques. Nous avons besoin d'un organe national de coordination des ressources humaines en santé pour gérer la pénurie d'infirmières et d'autres professionnels de la santé.
Sénateurs, dans la réalité d'aujourd'hui, nous savons que la désintégration sociale entraîne des résultats des plus désastreux. Nous voyons cela partout dans le monde. Il y a de la délinquance, de la violence et de l'insécurité. Notre régime de soins de santé a été une source d'unité nationale et a assuré l'équité aux Canadiens. Il existe un lien entre l'équité, l'unité et la cohésion sociale. Travaillons ensemble pour bâtir notre régime de soins de santé et non pour le démolir.
M. David MacKinnon, PDG, Association des hôpitaux de l'Ontario: Merci beaucoup, madame la présidente, de me donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Comme nous avons peu de temps, je serai bref. Je dépose aussi un mémoire que j'examinerai avec vous si le temps le permet. C'est une série de tableaux qui décrivent les hôpitaux et d'autres éléments du régime de soins de santé en Ontario.
Je veux féliciter le comité pour son travail. À mon avis, le sommaire exécutif de votre rapport est le meilleur aperçu des questions touchant les soins de santé au Canada que j'aie vu jusqu'à maintenant. Je crois que tout le monde devrait le lire. Il couvre presque toutes les grandes questions de façon concise et les énonce d'une manière très utile pour la prise de décisions.
Je crois qu'il y a des questions que le comité aurait dû examiner plus en détail. Toutefois, de façon générale, en tant que bref résumé qui nous expose les questions de façon à faciliter la prise de décisions, c'est un travail de premier ordre. Je veux remercier tous ceux qui y ont participé, y compris les sénateurs et le personnel, pour le temps et l'énergie qu'ils ont consacrés à la préparation de ce document.
Je suis encouragé par les déclarations récentes du sénateur Kirby, de Roy Romanow, du premier ministre Harris et de Tony Clement, qui ont dit que la seule option exclue de nos discussions sur les soins de santé était le statu quo. Votre rapport a certainement montré une capacité de sortir des sentiers battus, comme tous ces gens nous encouragent à le faire.
L'Association des hôpitaux de l'Ontario, qui représente environ 150 hôpitaux regroupant 200 emplacements dans la province, vient d'entreprendre un vaste programme visant à alimenter ce débat national avec de nouvelles idées afin que nous puissions garder le régime que nous avons et l'améliorer. Nous voulons faire tout ce que nous pouvons, nous tous du secteur hospitalier, pour assurer un régime de soins de santé transparent et viable. Nous avons fait beaucoup. Nous avons joué un rôle de premier plan pour ce qui est de favoriser la transparence grâce aux fiches de rendement des hôpitaux et au partage des meilleures pratiques. On a posé plus tôt une question qui m'a intéressé au sujet du genre d'information dont le public a besoin. Nous croyons avoir poussé les limites du possible à cet égard avec nos fiches de rendement. Je reviendrai à cela.
Nous avons également mis sur pied ce que nous croyons être le régime le plus rentable, selon diverses mesures, comparativement au reste du Canada et aux États-Unis. Nous avons établi d'importants groupes de travail pour améliorer encore davantage le régime. Le conseil des services de santé électroniques de l'Ontario a été établi pour nous conduire vers les services de santé électroniques, soit la prestation de services de santé sur Internet et par d'autres moyens ingénieux. Nous avons mis sur pied un comité de gestion de la chaîne d'approvisionnement, qui a trouvé diverses façons d'aider les hôpitaux à réaliser d'importantes économies à l'achat de biens et de services. Nous cherchons d'autres façons de financer les investissements massifs qui doivent être faits dans les hôpitaux, y compris un rôle accru pour le secteur privé dans la conception, la mise sur pied et l'administration des installations hospitalières. Nous avons fait faire un certain nombre d'études sur les stratégies qui permet traient aux hôpitaux d'aller chercher d'autres revenus, sur la prévention de la maladie, sur les programmes de santé et de bien-être de la population et sur les effets du rationnement des soins de santé par le biais des listes d'attente, des retards et d'autres problèmes, afin de créer un régime mieux adapté aux attentes des consommateurs.
Nous publierons les résultats de toute cette recherche au cours des prochains mois dans notre réponse à la commission Romanow. Toutefois, je voudrais faire quelques brèves observa tions au sujet de plusieurs des questions soulevées dans votre rapport.
Il devient de plus en plus clair qu'une véritable réforme de notre régime de soins de santé nécessitera des modifications à la Loi canadienne sur la santé. À part les quatre principes que sont l'universalité, l'intégralité, l'accessibilité et la transférabilité, qui sont tous axés sur le patient, nous croyons que la loi devrait être réexaminée. On ne peut pas continuer de fonctionner avec un plan d'activités vieux de 35 ans sans faire tous les efforts raisonnables pour qu'il reste contemporain. C'est ce que nous faisons au Canada. Nous croyons qu'un nouveau principe portant sur la flexibilité dans la prestation des soins de santé devrait être ajouté à la loi. Les provinces et territoires devraient avoir plus de flexibilité pour expérimenter de nouvelles façons novatrices de fournir des soins aux malades.
Si nous voulons assurer la rentabilité à long terme des soins aux malades, il faut vraiment accroître de façon considérable les investissements dans la technologie de l'information et l'équipe ment médical de pointe. Un membre de ma propre famille a été traité récemment pour une forme particulière de cancer avec de l'équipement radiologique vieux de 16 ans. Le traitement était constamment interrompu à cause de bris d'équipement. Le manque de financement pour moderniser l'équipement a d'énor mes répercussions sur les patients.
Nous croyons que le gouvernement fédéral doit toujours être prêt à financer sa part des coûts liés aux soins de santé. Il y a des problèmes, qui sont décrits dans notre mémoire. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant.
Je vais faire quelques observations concernant plusieurs caractéristiques uniques au secteur des soins de santé en Ontario. Comme c'est le cas aux États-Unis, l'Ontario n'a pas de régies régionales de la santé. En fait, aucune province au Canada n'a de régies régionales de la santé qui intègrent tous les aspects des soins aux malades, y compris les services offerts par les médecins.
Toutefois, l'absence de régies régionales n'a certainement pas nui aux soins de santé en Ontario. Nos hôpitaux sont mieux utilisés que partout ailleurs dans le pays. Ils font une plus grande utilisation de la chirurgie d'un jour et des soins ambulatoires. Nous traitons les patients plus malades, et ce, avec des normes d'utilisation beaucoup plus élevées que dans les autres provinces. Nous savons aussi, relativement aux problèmes perçus de transfert des patients d'un fournisseur à un autre, qu'environ 85 p. 100 des patients en Ontario sont très satisfaits de la façon dont ils ont été transférés d'un fournisseur à un autre. Ce pourcentage vient d'une série d'enquêtes détaillées menées dans chaque hôpital de l'Ontario et faisant appel à des échantillons statistiquement valables.
Deuxièmement, je signalerai que nous avons un système de fiches de rendement. Je suis surpris que M. Decter n'ait rien dit à ce sujet. C'est un système unique au Canada, et peut-être même en Amérique du Nord. Seule l'Ontario fournit des renseignements précis, accessibles au public et comparables entre les établisse ments, qui décrivent les résultats cliniques, les perceptions des patients à l'égard du régime de même que la rapidité et le succès des innovations majeures. Si vous croyez, comme moi, que la première exigence lorsqu'on mesure quoi que ce soit est de le faire de façon globale, alors nous avons vraiment un problème. Ce genre de système de fiches de rendement n'existe pas dans les autres provinces et territoires.
Il y a une logique à cela. Les services de soins de santé d'un bout à l'autre du Canada seraient mieux servis si les autres provinces mettaient en place de tels systèmes pour qu'il puisse y avoir plus de points de comparaison.
Je crois que ma troisième observation va vous surprendre. Elle concerne la position de l'Ontario au sein du système financier fédéral. De façon presque imperceptible, notre pays a évolué d'une manière qui fait que pratiquement tous les services publics de base en Ontario sont financés beaucoup moins généreusement que dans toutes les autres provinces du Canada. Le financement est maintenu à des niveaux qui sont beaucoup moins avantageux pour les consommateurs que dans les autres provinces. Cela est vrai pour les hôpitaux, quels que soient les critères sur lesquels on se fonde. Nous avons mesuré et fait une étude très approfondie de la situation. Cela est particulièrement vrai pour les autres établissements publics, comme les collèges et les universités. En Ontario, les collèges et les universités sont financés à 80 p. 100 de la moyenne canadienne. Compte tenu de la mesure dans laquelle nous contribuons à déterminer cette moyenne canadienne, en raison de la taille de la province, cet écart de 20 p. 100 est en fait beaucoup plus grand qu'il ne semble l'être. Cela s'applique à toutes sortes d'établissements publics en Ontario.
Je demande au comité de réfléchir aux conséquences de cela. Selon nous, c'est un problème sur lequel on doit se pencher de façon urgente. Il n'est clairement pas dans l'intérêt national que les services publics de base dans la province qui finance la plus grande partie du système de transfert soient sous-financés relativement au reste du pays. Ce n'est pas avantageux pour personne, ni pour les provinces qui donnent, ni pour celles qui reçoivent.
Je terminerai en disant qu'il est temps que le débat sur les soins de santé aille au-delà de l'aspect idéologique qui émerge chaque fois que des questions de viabilité et de forme sont soulevées. Par exemple, il suffit de laisser entendre qu'il faut accroître les partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour se faire accuser de vouloir mettre sur pied un régime de soins de santé à deux vitesses. C'est manifestement faux. Le secteur privé a toujours eu un rôle à jouer dans les soins de santé au Canada. Au lieu d'ériger des obstacles à la participation du secteur privé à notre projet national d'amélioration des soins de santé, nous devrions jeter des ponts pour voir à ce que les secteurs public et privé travaillent ensemble pour bâtir le régime de soins de santé de l'avenir. Votre rapport énonce certaines idées sur la façon de s'y prendre. En faisant cela, je crois que votre comité a rendu un grand service aux Canadiens.
La vice-présidente: J'ai remarqué particulièrement les statisti ques concernant l'Ontario. En tant que sénateur de l'Ontario, j'ai souvent dit publiquement que les habitants de cette province étaient les derniers à se plaindre des iniquités du régime d'un bout à l'autre du pays.
Le sénateur Keon: Mes questions se chevaucheront, en commençant par vous, monsieur MacKinnon. Je m'intéresse beaucoup au financement privé des hôpitaux eux-mêmes. J'ai été frappé, ces dernières années, de voir à quel point il était facile d'aller chercher des fonds sur le marché boursier pour financer une bonne idée. Je ne savais vraiment pas à quel point cela pouvait être facile jusqu'à ce que je me mette à chercher des fonds pour financer quelques inventions scientifiques.
Il me semble que notre régime de soins de santé au Canada est en crise, ou du moins en restructuration. Nous nous enlisons en dépensant tout notre argent pour financer les activités au jour le jour et il ne nous reste plus rien pour faire des changements. J'ai demandé à d'autres témoins s'ils étaient d'avis que nous devrions essayer de forcer le gouvernement fédéral à faire ce qu'il a fait dans les années 60. À ce moment-là, il avait mis à la disposition des provinces beaucoup d'argent qu'elles pouvaient dépenser à leur discrétion, mais elles devaient s'adresser au gouvernement fédéral afin d'obtenir de l'argent pour faire des changements, pour financer des activités de développement.
Vous avez abordé l'autre option dans votre exposé. Je voudrais discuter davantage avec vous de la question du financement privé des hôpitaux. Il ne semble pas que ce serait une tâche herculéenne pour bien des hôpitaux que de faire appel public à l'épargne et d'aller chercher des fonds sur le marché. Si les actionnaires avaient un intérêt direct dans le succès de l'hôpital, ils participeraient à sa gestion. À mon avis, cela ne peut qu'avoir des effets positifs de bien des façons. Il est certain que la direction serait plus intéressée que les bénévoles qui siègent aux conseils d'administration. Qu'on sache bien que je ne suis pas en train de critiquer ces bénévoles.
Que pensez-vous du financement privé des hôpitaux? Croyez- vous que c'est possible ou non' Sommes-nous près de trouver des façons novatrices de réaliser cela?
M. MacKinnon: Je vais répondre en deux volets. Première ment, je vais décrire l'ampleur du problème des dépenses en capital dans les hôpitaux. Deuxièmement, je vais parler de la façon de s'y prendre pour établir un objectif de financement privé qui convienne au régime actuel.
Actuellement, si on prenait toutes les recommandations de la Commission de restructuration des services de santé concernant les hôpitaux et qu'on y ajoutait les dépenses ordinaires d'équipement et ainsi de suite, sur les cinq prochaines années, cela épuiserait tout le budget des dépenses en capital de la province de l'Ontario. Évidemment, ces recommandations doivent être mises en oeuvre graduellement. Personne n'envisagerait de ne pas construire d'autoroutes ou de ne pas réparer les routes ou de négliger les systèmes de transport en commun urbain. Nous devons étirer ces besoins sur plusieurs années si nous voulons que notre régime garde un certain caractère contemporain. Nous avons étudié les chiffres, et j'ai inclus beaucoup d'entre eux dans mon mémoire.
Une façon que nous avons envisagée pour faire appel au secteur privé serait au moyen de diverses formes de prêts collectifs. Nous avons discuté de certaines possibilités de construction aux fins de location et de construction aux fins d'exploitation. Un comité formé de représentants du secteur bancaire et du milieu hospitalier travaille énergiquement à ce dossier. Nous croyons que nous avons beaucoup à apprendre de ce qui se fait ailleurs. En bout de ligne, nous devons absolument faire appel au secteur privé si nous voulons que les infirmières et les médecins de l'Ontario travaillent dans des installations modernes.
Nous avons publié un rapport provisoire décrivant certaines des options. Nous en sommes maintenant rendus à un stade beaucoup plus détaillé. J'espère que, au cours de la prochaine année, nous verrons certains projets pilotes en Ontario. En particulier, les installations hospitalières doivent être louées à bail aux conseils d'administration des hôpitaux. Les paiements seront échelonnés sur une certaine période, et il devrait être possible de fonctionner ainsi dans le système moderne.
Je dois revenir sur une chose que vous avez mentionnée, et c'est le rôle de la collectivité. Je crois que les conseils d'administration ont été exceptionnellement habiles à aller chercher de l'argent pour acheter de l'équipement. Nous avons cependant une préoccupation, à laquelle j'ai déjà fait allusion. Si les hôpitaux organisent des campagnes de financement intensives partout en Ontario, cela risque de nuire à d'autres groupes. Nous préférerions de beaucoup que ces campagnes de financement se poursuivent, mais pas jusqu'au point où elles deviendraient contre-productives. Par conséquent, il est sensé de parler de construction aux fins de location, de prêts collectifs et de toutes ces autres mesures que nous avons vues ailleurs, au lieu de trop compter sur le financement volontaire. Cela peut avoir des conséquences négatives pour d'autres groupes qui dépendent des contributions du public.
Mme Grinspun: J'aimerais faire quelques remarques sur la même question. Vous laissez entendre que les actionnaires s'intéresseraient davantage à la gestion des hôpitaux. Il semble y avoir une croyance ou une présomption selon laquelle la gestion des hôpitaux est inefficiente. Je ne crois pas que ce soit le cas. J'ai travaillé dans un hôpital pendant plusieurs années à titre de directrice des soins infirmiers. J'ai parcouru toute la province au cours des six dernières années et je ne crois pas que ce soit le cas. Je dirais qu'il y a d'autres questions dans le secteur hospitalier sur lesquelles on doit se pencher. Le recours à la technologie est l'une d'entre elles. C'est une dépense énorme. Nous ne jetons pas toujours un regard suffisamment critique sur le choix de technologie et l'opportunité d'y avoir recours. Une autre est la façon d'utiliser la technologie. M. Decter a donné l'exemple des machines à imagerie par résonance magnétique. J'ai travaillé aux États-Unis pendant six ans. Oui, dans certains hôpitaux, il y avait des machines IRM dans tous les coins. Dans d'autres, il n'y en avait pas. J'ai travaillé dans des pays où certaines de ces machines fonctionnaient 24 heures par jour et où les gens étaient servis à différentes heures du jour et de la nuit. Nous devrions chercher à faire une utilisation efficiente de l'équipement que nous avons.
Je crois aussi que les services hospitaliers continuent de trop compter sur eux-mêmes pour répondre à tous les besoins en matière de soins de santé, et ce, au détriment des soins à domicile, des soins de santé primaires, des soins de longue durée et des programmes pour personnes âgées autres que les soins de longue durée en établissement. Nous parlons du vieillissement de la population, mais nous fournissons très peu de réponses sur ce que nous devrions faire à ce sujet à l'avenir.
Le sénateur Keon: Madame Grinspun, je suis d'accord avec vous pour dire que les hôpitaux sont très bien gérés partout dans le pays et en Ontario. Cependant, nous avons un problème. Nous n'avons pas le capital de risque nécessaire pour faire des changements. Par exemple, en recherche, si on fait une découverte, on peut obtenir du secteur privé le capital de risque nécessaire pour bâtir un laboratoire ou une usine, selon le cas, pour fabriquer le produit. Nous n'avons pas cette flexibilité dans le secteur des soins de santé. C'est là où je voulais en venir.
Nos centres d'accès aux soins communautaires et certaines de nos cliniques communautaires ne fonctionnent pas aussi bien qu'ils le devraient. La raison à cela est qu'ils n'ont pas de fonds de développement. J'ai soulevé avec M. Decter une question que j'ai soulevée à maintes reprises. Nous avons atteint le point où nous devons séparer le payeur, le fournisseur et l'évaluateur. Si nous maintenons les principes de notre gouvernement jusqu'à maintenant, nous pouvons le faire. Lorsqu'on arrive au secteur des fournisseurs, le fait que ce soit un fournisseur ou un autre qui fournit les soins n'a pas vraiment d'importance, pourvu que les normes exigées par les évaluateurs soient respectées. Les évaluateurs doivent être contrôlés par le gouvernement.
Allons maintenant dans la collectivité. Il n'y a aucune raison pour que certains centres d'accès aux soins communautaires ou certaines cliniques communautaires ne puissent pas être de petites sociétés exploitées par des infirmières, des médecins, des physiothérapeutes et d'autres professionnels de la santé qui pourraient être actionnaires, pourvu que les services qu'ils offrent respectent des normes données. Ils pourraient aussi obtenir des investissements d'autres personnes. Je suis bien conscient du fait que cela fait peur aux gens. Ils pensent que cela veut dire que nous nous dirigeons vers le modèle américain. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps à examiner le modèle américain parce que nous ne voulons pas l'imiter. Cependant, nous devons penser à des façons improvisées d'améliorer notre régime canadien.
Les soins infirmiers sont au premier plan des soins communau taires. C'est essentiel. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons trouver une façon différente de rémunérer les médecins, autrement nous n'irons nulle part sur ce plan non plus. Que pensez-vous de l'idée que certains centres d'accès aux soins communautaires et certaines cliniques communautaires soient des sociétés ouvertes?
Mme Grinspun: J'aurais quelques remarques à faire sur certains des points que vous avez soulevés. Premièrement, les centres d'accès aux soins communautaires sont un phénomène, particulièrement en Ontario. Nous créons des structures parallèles partout. Nous avons des centres d'accès aux soins communautai res qui sont censés coordonner les services. Maintenant nous aurons des réseaux de soins de santé en milieu familial qui sont censés faire la même chose. J'ai discuté de la question avec des représentants du gouvernement. Je ne crois pas que ce soit avantageux pour le public d'avoir des structures parallèles. Nous ne pouvons pas parler d'intégration tout en créant des structures parallèles isolées.
Je reconnais que les centres d'accès aux soins communautaires sous leur forme actuelle posent des problèmes importants. Il y aussi des chevauchements entre ce que les centres d'accès aux soins communautaires font et ce que l'infirmière qui fournit les soins fait.
Il n'existe pas de normes provinciales en ce qui a trait aux services que les centres d'accès aux soins communautaires dans diverses régions de la province devraient offrir. Je reconnais que nous avons un problème à cet égard.
Nous n'avons pas de problème avec les soins fournis par le secteur privé. Lorsque je dis «je» ou «nous», je veux dire les infirmières, particulièrement celles de l'Ontario. Quelle est la motivation' Par exemple, on peut avoir des établissements privés sans but lucratif qui ne sont pas motivés par le profit et, par conséquent, tout ce qui s'y fait est en réponse au besoin de fournir les services de qualité dont vous avez parlé. On ne cherche pas à faire des ennuis à qui que ce soit. Je crois que nous parlons le même langage ici.
Nous devons commencer à développer sérieusement ces services. Les soins de santé primaires sont les plus importants parce que cela décourage les gens d'aller à l'hôpital au milieu de la nuit. On doit développer davantage le secteur des soins à domicile afin que les malades chroniques puissent être traités chez eux et que les malades hospitalisés puissent obtenir leur congé plus tôt lorsque cela convient. Parfois, nous ne pouvons pas donner leur congé aux patients parce que nous n'avons tout simplement pas de services de soins à domicile. Au moins deux fois par mois, j'ai affaire à des patients qui veulent quitter l'hôpital, mais qui ne peuvent pas le faire parce qu'il n'y a pas d'infirmière disponible dans le secteur des soins à domicile à cause de la façon dont nous développons ce secteur. Il y a beaucoup à faire. Toutefois, lorsque les paroles cèdent la place à des mesures concrètes, en l'occurrence du financement, la majeure partie des fonds se retrouve dans le secteur des soins en établissement.
Cela s'applique également aux personnes âgées. Nous créons 20 000 nouveaux lits en Ontario. Nous allons mettre tout le monde dans des établissements. Mes parents ne veulent pas cela. Ils veulent rester à la maison. Je ne veux pas cela, et je suis certaine que vous ne voulez pas cela non plus. Nous ne développons pas de nouveaux modèles de soins pour les personnes âgées qui nous permettront de faire ce que nous disons que nous voulons faire, soit permettre aux gens de rester chez eux.
M. MacKinnon: Je ne suis pas d'accord avec vous sur la plupart des points que vous avez soulevés. Je vais faire trois remarques, si vous me le permettez. La première est que, sur la question de la gestion du changement, je crois que nous nous sommes améliorés et qu'il y a plus de souplesse et plus de projets pilotes au niveau local, et cela fonctionne merveilleusement bien. Par exemple, nos fiches de rendement révèlent que le nombre d'hôpitaux qui partagent des renseignements sur les patients de façon électronique avec des personnes à l'extérieur de l'hôpital a doublé entre 1999 et 2001, ce qui représente un taux de changement incroyable. C'est la clé de tout genre de service de détail convivial.
Je dirai que cela appuie votre observation au sujet des initiatives locales. À Sault Ste. Marie, nous avons un grand centre de médecine de groupe qui a un comité exécutif mixte avec l'hôpital local. Le centre de médecine de groupe fait beaucoup des choses que Mme Grinspun a recommandées, et il le fait en collaboration avec l'hôpital. Il existe une relation assez étroite entre les deux. La situation est semblable à Parry Sound, où un nouveau type d'entreprise de soins de santé a fait son apparition. Donc, concernant la gestion du changement, et malgré toutes les pressions, je serais moins pessimiste en regardant le régime dans cette perspective.
Sur la question fondamentale des soins communautaires par rapport aux soins en établissement, je crois que nous avons beaucoup manqué de vigilance au Canada. Il y a quelques années, nous sommes tombés sur une centaine d'études à l'échelle mondiale sur l'endroit où les soins peuvent être fournis de la façon la plus efficace et efficiente. On ne peut pas faire de généralisation. Au départ, il faut examiner de façon approfondie la maladie ou la pathologie, et il faudra faire cela pour plusieurs douzaines de ces maladies et pathologies, et décider ensuite où exactement il est préférable d'intervenir.
Je ne partage pas l'opinion de Mme Grinspun concernant la retraite. Mes parents viennent de quitter leur maison pour s'installer dans une résidence pour personnes âgées, et c'est la meilleure chose qui leur soit jamais arrivée. Leur maison était devenue une prison. Maintenant, ils ne vivent plus isolés socialement. Les quatre enfants de la famille sommes heureux de les avoir finalement fait sortir de leur maison. Cependant, on ne peut pas prendre une telle décision à la légère; il faut prendre en considération les circonstances et la nature des personnes en cause.
Enfin, j'aimerais faire un plaidoyer. Pendant de nombreuses années, en Ontario, on n'a jamais fait la somme des plans de fonctionnement des hôpitaux de la province aux fins des décisions budgétaires. On n'a jamais diffusé de l'information sur ce qui se passe vraiment dans les hôpitaux, par exemple sur les résultats, les taux de réadmission ou de complications, et ainsi de suite. Je pense qu'une grande partie du problème dans les soins de santé au Canada est liée au fait que les gouvernements provinciaux, en général, et le système de santé en particulier, n'ont pas utilisé les méthodes de calcul couramment employées dans l'entreprise privée. S'ils l'avaient fait, et s'ils avaient eu recours aux carnets de santé et aux systèmes que nous sommes en train de mettre au point, ils auraient pu amoindrir le problème, voire même le régler.
Je trouve assez consternant que, pendant 30 longues années, entre 50 et 100 milliards de dollars ont changé de mains en Ontario. Personne ne dit publiquement ce qu'on a fait avec ces sommes; personne ne fait le regroupement des plans de fonctionnement. On n'utilise pas toutes les méthodes élémentaires de calcul. C'est là une grande partie du problème, à mon avis. Nous pourrions obtenir de bien meilleurs résultats en améliorant la façon dont les provinces gèrent leurs établissements de santé, et les méthodes de calcul qu'elles emploient à cette fin.
Le sénateur Morin: Je viens de parcourir votre rapport. Je vous remercie de nous avoir présenté ce document. Il renferme de très bonnes données. Une bonne partie de votre rapport traite de la nécessité d'un financement stable de la part du gouvernement fédéral. J'aurais deux questions à vous poser. Premièrement, devrait-on envisager de stabiliser le financement provenant des provinces' On constate qu'il y a un problème sur ce plan. Dans bien des provinces, le financement à ce palier de gouvernement varie énormément. Deuxièmement, que pensez-vous de la stabilité du financement provenant du gouvernement fédéral, advenant un changement dans l'ordre des priorités du gouvernement? Pensons, par exemple, à la période qui a suivi les événements du 11 septembre. D'autres événements pourraient un jour changer les priorités du gouvernement. La population canadienne appuie, je pense, les décisions du gouvernement dans les circonstances. Il est très difficile de garantir un financement stable lorsque changent les priorités. Il pourrait survenir une crise nationale reléguant la santé au second plan et réduisant la quantité de fonds qu'on avait prévu lui accorder.
Je comprends la nécessité d'un financement stable, mais nous devons composer avec des priorités changeantes, qui sont bien réelles en politique. Qu'en pensez-vous? Inutile de parler de la part de financement du fédéral et des provinces. Ce n'est pas là l'objet de ma question.
M. MacKinnon: J'aimerais exprimer une opinion tout à fait personnelle sur ce qui risque de se produire. Il faut reconnaître les processus politiques avec lesquels les gouvernements doivent composer. Il existe une différence fondamentale entre ce que les gens veulent en matière de soins de santé, et ce qu'ils sont disposés à payer, par l'entremise du système d'imposition. Cela ne fait aucun doute. Je pourrais vous dire qu'il serait merveilleux de pouvoir compter sur un financement stable et des pourcentages de participation clairement établis, mais je ne me fais pas d'illusions. Je pense que les contribuables ne sont pas prêts à suivre cette voie.
Je dirais que le système de l'avenir s'appuiera sur trois sources de revenus différentes. La première sera le financement de base que fournissent les gouvernements afin de servir les buts en matière de service et d'équité qui leur paraissent rentables au plan politique. Vous avez parlé de la deuxième source de financement dans votre rapport. Certaines de vos idées se retrouvent ici, et je tiens à dire à quel point je pense qu'elles pourraient être profitables.
La deuxième source de revenus, donc, est la coassurance. Nous devons, entre autres choses, examiner la question du style de vie, qui est à l'origine de bon nombre des problèmes que l'on tente de régler dans le domaine de la santé. Une partie des revenus tirés d'un régime d'assurances quelconque pourrait être utilisée à cette fin.
La troisième source de revenus serait les sommes d'argent que les gens voudraient bien payer pour obtenir des services non visés par la Loi canadienne sur la santé. Par exemple, une personne pourrait vouloir avoir une fiche médicale sur Internet grâce à laquelle, où qu'elle aille dans le monde, elle pourrait avoir facilement accès aux renseignements médicaux la concernant, comme dans le cas de l'information bancaire accessible à l'aide d'une carte bancaire. Il lui faudrait alors payer pour ce genre de service.
En résumé, je pense que dans quatre ou cinq ans, une fois qu'on aura débattu de toutes ces questions à l'échelle nationale, on se retrouvera avec un système articulé sur ces trois sources de financement. Un tel système soulagera quelque peu les gouverne ments, à qui on demande de toujours tout financer. Ceux-ci n'auront plus à assurer une protection complète et transféreront aux citoyens une partie des responsabilités concernent la gestion de leur santé personnelle et les conséquences de cette gestion.
Mme Grinspun: J'aimerais faire un commentaire sur ce point. Nous avons discuté de cette question dans le passé, sur laquelle mon ami David et moi entretenons des vues diamétralement opposées. Je ne parle pas au plan personnel, mais sous le rapport des soins infirmiers. Je pense aux services vraiment nécessaires, pas aux chirurgies plastiques pour améliorer son apparence ou des choses du genre. Ce que ce projet laisse entrevoir, c'est que des personnes seront privées de services si elles n'ont pas les moyens de payer.
Je rappelle au comité que l'assurance-santé a rempli ses promesses, si on regarde le pourcentage du PIB qui est consacré à la santé, et ce malgré le fait qu'il nous faille y apporter des changements parce que nous voulons transférer des services dans la communauté, ce qu'on n'avait pas envisagé lorsqu'on a lancé cette initiative. Avant l'avènement de l'assurance-santé, le Canada dépensait 7 p. 100 de son PIB dans les soins de santé. Or, au cours des trois dernières années, nous avons consacré 9,3 p. 100 de notre PIB à ce poste de dépenses. Les États-Unis consacrent plus de 14 p. 100 de leur PIB à la santé, et ce chiffre pourrait bien passer à 17 p. 100 s'ils ne rayent pas de leur liste d'autres services gratuits offerts aux personnes âgées.
Ma question est la suivante: est-ce cela que nous voulons faire? Certaines personnes âgées, comme mes parents et ceux de M. MacKinnon, peuvent se permettre d'habiter dans une résiden ce confortable pour personnes âgées. Toutefois, j'ai vécu et travaillé dans trois pays différents, et je sais que beaucoup de personnes âgées n'ont pas les moyens de se payer un tel logement. L'État doit donc assumer une partie des coûts, ce qui a une incidence sur nos dépenses. On ne peut pas laisser ces personnes dans la rue et ne pas s'en préoccuper. Il faut réfléchir à cela lorsqu'on propose des modes de paiement différents.
Le sénateur Robertson: J'ai remarqué, monsieur MacKinnon, que vous écrivez ceci à la page 3 du document que vous nous avez remis:
Selon l'Association des hôpitaux de l'Ontario, il est de plus en plus clair qu'une réforme efficace de notre système de santé exigera des modifications à la Loi canadienne sur la santé.
Vous ajoutez ensuite:
Toute la loi est à revoir, à l'exception des quatre principes d'universalité, d'intégralité, d'accessibilité et detransférabilité, qui sont tous axés sur le patient.Je pense qu'un grand nombre de gens seraient d'accord avec cette affirmation. Je ne suis pas certaine à propos de l'accessibili té, parce que les gens donnent à celle-ci une interprétation différente. Les détails cachent quelquefois de gros problèmes. Les interprétations peuvent être terriblement détaillées et prendre parfois des tours imprévus. J'aimerais qu'on établisse clairement ce qu'on entend par accessibilité.
Vous prétendez donc que le reste de la loi est à revoir. Une révision complète de la loi améliorerait-elle la gestion des hôpitaux, dans votre province par exemple? Est-ce que cela faciliterait les choses?
M. MacKinnon: Les changements apportés par la technologie dans les hôpitaux au cours des dix dernières années ne sont qu'un pâle reflet de ce qui nous attend. Il est fort probable que, dans les dix prochaines années, les soins de santé deviennent une industrie internationale. Au cours de notre convention la semaine prochai ne, nous assisterons à une démonstration en direct d'une téléopération robotisée à plus de 200 kilomètres de distance. L'opération pourrait facilement être pratiquée à 2 000 kilomètres de distance. Nous aurons besoin, pour ce genre d'intervention, d'un accès direct à des médecins et des infirmières, et de services informatiques en ligne. Nous aurons besoin des systèmes de triage téléphonique les plus avancés. Et nous aurons besoin d'un ou de plusieurs systèmes de paiement pour financer tout cela.
Le système de santé est sur le point de connaître une transformation encore plus radicale. Il pourrait devenir beaucoup plus convivial, mais on ne dispose pas actuellement des aptitudes technologiques nécessaires pour développer le système. Nous devons forger des alliances avec le secteur privé. Il nous faut semer des graines en prenant différents genres d'arrangements afin que des endroits comme la Clinique Shouldice et le Centre de pratique en groupe de Sault Ste. Marie puissent croître et devenir florissants. Nous devons faire preuve de souplesse pour laisser cette transformation s'opérer, en conformité avec les principes fondamentaux de la loi.
En conclusion, je vous invite à réfléchir à ce que serait l'avenir si chaque coin du pays pouvait compter sur un système de triage téléphonique permanent utilisant les protocoles informatiques les plus perfectionnés. On serait plus en sécurité entre les mains d'une infirmière ordinaire ou praticienne d'expérience qu'avec la plupart des praticiens dans le système actuel. On aurait toujours accès à des médecins et des infirmiers et infirmières en direct. Si on ne réforme pas tout de suite notre système, dans dix ans nous devrons acheter ces services de la société ABC Health Enterprise Inc. de Denver, au Colorado. Le besoin est à ce point pressant.
Le sénateur Keon: La transformation est en train de s'opérer.
M. MacKinnon: Elle s'opère, en effet, et très rapidement. À défaut de faire montre de souplesse à l'égard du secteur privé et d'exploiter les compétences des gens qui y travaillent pour bâtir ce nouveau système dont nous avons besoin, je pense que notre système actuel sera complètement dépassé dans dix ans. Les gens vont se tourner en bloc vers de nouvelles possibilités. Et ils auront bien raison, car ils verront s'offrir à eux des possibilités incroyables.
Nous devrons donc faire preuve de souplesse pour permettre la prestation de certains types de services par le secteur privé dans le cadre du système actuel. Nous devrons aussi établir de nouveaux partenariats stratégiques avec les entreprises offrant de la nouvelle technologie. Et il nous faudra agir très vite si on tient à la survie du système actuel.
Le sénateur Robertson: D'autres témoins ont à peine effleuré cette question, mais je trouve que vous avez très bien cerné le problème.
Je voudrais juste soulever un point auquel vous voudrez peut-être réfléchir et répondre par la suite. On a dit beaucoup de choses au comité à propos du financement de notre système de santé, et avec raison. On revient toujours sur le rôle du gouvernement fédéral et celui des provinces, et sur le pourcentage des dépenses en matière de santé payé par chacun. Nous savons que tous les changements dans les priorités nationales, les changements de gouvernement et ainsi de suite ont des répercussions considérables.
Certains d'entre nous pensent cependant qu'un financement de base stable aiderait grandement les provinces, surtout les plus petites d'entre elles. On constate actuellement très peu de stabilité dans le financement des soins de santé. Il y en a qui soupçonnent que l'une des difficultés à obtenir un financement stable du fédéral réside dans une considération d'ordre pratique: le besoin de s'attribuer du mérite. Ce ne sont pas les membres du comité qui prétendent cela, mais des personnes que j'ai rencontrées dans des discussions et des débats dans ma région. Toutes les entités politiques veulent qu'on leur accorde du mérite pour ce qu'elles font ou pour l'argent qu'elles donnent. Notre comité et des groupes semblables partout au pays comprennent que les gouvernements fédéral et provinciaux participent au financement des services de santé. Le gouvernement fédéral, de quelque allégeance politique que ce soit, peut hésiter à augmenter le financement de crainte qu'on ne lui en attribue pas le mérite. Nous savons tous que les politiciens aiment qu'on reconnaisse qu'ils ont dépensé telle ou telle somme d'argent. J'ai déjà soulevé cette question auparavant. J'aimerais que quelqu'un réfléchisse à des moyens de solutionner ce problème.
Il ne peut pas y avoir des enseignes dans chaque salle d'attente indiquant que le gouvernement fédéral a payé tel ou tel pourcentage d'un service ou des coûts de construction d'un nouvel immeuble. Comment faire, alors, pour attribuer aux gouvernements le mérite qui leur revient? Les politiciens sont humains. S'ils font une contribution majeure, ils aiment bien que le monde entier en soit informé, et pas seulement au moment de cette contribution, qui sera oubliée le lendemain. Dans les plus petites provinces, on s'aperçoit que les gouvernements attribuent des blocs de financement portant une étiquette. Mais cet argent n'est pas utilisé pour la santé et l'enseignement supérieur.
J'ai abordé cette question dans ma circonscription ainsi qu'avec des conseils d'administration d'universités. Je crois fermement qu'il serait beaucoup plus facile d'obtenir un financement stable si le gouvernement fédéral, peu importe son allégeance politique, pouvait recevoir le mérite qui lui revient et la reconnaissance du public.
Vous ne voudrez peut-être pas répondre à cette question immédiatement, mais je la pose quand même. Si vous pouviez penser à des suggestions, je serais très intéressée de les entendre.
Mme Grinspun: Je pense aussi que l'obtention d'un finance ment stable et suffisant de la part du gouvernement fédéral est liée à la part de mérite que celui-ci peut en tirer. Elle tient aussi au respect des mêmes normes par les provinces. C'est peut-être la contrainte essentielle. Je n'aime pas les contraintes, mais elles sont parfois nécessaires. La mise sur pied d'un programme national d'assurance-médicaments financé entièrement par le gouvernement fédéral serait un exemple. Voilà un programme dont le gouvernement pourrait être le fer de lance, à mon avis. Les soins à domicile sont un chose un peu différente. Ils doivent être offerts au point d'accès, alors que l'assurance-médicaments pourrait très bien être gérée par le gouvernement fédéral.
Pour revenir à la question de la stabilité du financement, je dirais que c'est aussi une responsabilité des gouvernements provinciaux qui, lorsqu'ils reçoivent l'argent du fédéral, sont tentés d'utiliser le leur à d'autres fins. Je préconiserais donc non seulement un nouvel engagement à l'égard d'un financement stable, mais aussi la présentation d'un plan pluriannuel des dépenses. De cette façon, nous pourrions planifier tout ce qui touche la technologie, mais aussi les ressources humaines. Cela m'apparaît comme étant une démarche essentielle.
M. MacKinnon: Nous avons eu la même discussion avec le gouvernement de l'Ontario. L'une des solutions envisagées consiste à se fier davantage à des formules qu'à des considéra tions politiques pour l'attribution du financement. Nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement de l'Ontario, qui était très bien disposé à notre égard, afin de passer d'un système de financement axé sur les dépenses annuelles historiques à un système qui tient vraiment compte des dépenses à effectuer.
La formule de financement que nous avons mise au point est très élaborée. Selon cette formule, les gouvernements doivent établir leur financement en fonction des besoins de la collectivité, que l'on peut déterminer à l'aide de statistiques. Un système de financement suivant une formule donnée limiterait et même éliminerait les désaccords politiques qui surviennent autrement.
J'espère que nous pourrons faire des progrès importants. Le gouvernement fédéral pourrait vouloir examiner le travail que nous avons fait. Je serais heureux de revenir témoigner pour fournir toute information supplémentaire sur la manière dont le passage au financement préétabli pourrait se faire.
Il y aurait peut-être beaucoup d'avantage si le gouvernement fédéral concevait tout son financement de la même manière. Ce mode de financement deviendrait habituel pour le gouvernement. La santé des Canadiens dépend beaucoup des tactiques de relations publiques, quand les gouvernements se querellent à savoir qui bénéficiera des crédits. Il vaudrait mieux avoir une formule qui permettrait d'éviter ces querelles.
J'invite les sénateurs à examiner la page 25 du mémoire que nous avons présenté. La relation de l'Ontario avec le gouverne ment fédéral constitue un sérieux problème sur le plan fiscal. J'ai expliqué à quel point les institutions publiques de l'Ontario sont sous-financées par rapport à n'importe quelles autres au Canada. Cependant, dans notre domaine, les préoccupations grandissent, et certains, au gouvernement provincial, croient qu'il faut régler le problème. Nous devons penser à toutes les pressions que subit l'Ontario en raison de ce sous-financement par rapport à la moyenne canadienne. Toutes les pressions politiques, en Ontario, sur les questions que vous avez mentionnées, ont trait à cet enjeu que nous expliquons aux pages 25, 26 et 27. Si ce problème croissant demeure irrésolu, j'ai bien peur que les intérêts de toutes les provinces en souffriront à moyen et à long termes.
C'est une question d'intensité. Toronto, par exemple, est l'une des villes qui subit le plus de pressions au pays sur le plan des services hospitaliers relativement à la taille de la population. Il faut y voir, parce que Toronto est à l'origine d'une bonne part de la croissance économique qui profite à tout le monde.
Le sénateur Callbeck: Monsieur MacKinnon, M. Decter a parlé de l'importance de compiler de l'information sur le système de santé qui aiderait à bâtir la confiance de la population. Vous avez parlé de bulletins pour les hôpitaux. Je ne connais pas le concept. Quel type d'information contiennent-ils? Depuis quand existent-ils? Qu'est-ce qu'ils ont donné comme résultats? Quand vous avez des bulletins d'hôpitaux, est-ce que cela signifie que vous pouvez comparer un hôpital à un autre?
M. MacKinnon: Je suis surpris que M. Decter n'en ait pas parlé, car le ICIS joue un rôle important à cet égard. Tous les ans, nous publions une fiche de rendement sur le système et sur chaque hôpital. Celle sur le système décrit le rendement global en fonction des résultats cliniques obtenus pour certaines maladies. Nous essayons d'élargir cet éventail. On établit ce rendement en se fondant sur des variables comme les taux de réadmission et les taux de complications afin que les gens aient une idée de la qualité des services offerts.
Deuxièmement, on mesure la réaction des consommateurs. On prend un échantillon valide sur le plan statistique pour chaque collectivité en Ontario où il y un hôpital et on rend cet échantillon public. Troisièmement, on mesure la gestion du changement. J'ai parlé de deux ou trois de ces facteurs dans mes observations ce matin. Par exemple, l'interaction entre le médecin et l'hôpital relativement au dossier du patient est une orientation vraiment importante que le système doit prendre et nous mesurons donc cela. Quatrièmement, on mesure le rendement financier.
Ces quatre variables sont mesurées d'une façon qui permet des comparaisons directes entre les hôpitaux. Le gouvernement de l'Ontario et l'Association des hôpitaux de l'Ontario publient un supplément qu'on retrouve dans tous les grands journaux de la province. Cela a commencé en juillet 2001. Un supplément annuel sera publié tous les ans à partir de 2001.
Nous élargissons le système pour inclure les hôpitaux spécialisés car le système actuel n'est pas particulièrement bon pour évaluer les hôpitaux qui offrent des soins complexes, des soins prolongés et des soins spécialisés aux enfants par exemple. Nous allons essayer d'inclure de plus en plus de maladies.
Fondamentalement, cependant, nous avons une fiche de rendement équilibrée qui, selon nous, est l'une des meilleures du monde et qui est la référence sur le continent. Si nous faisions cela dans tout le Canada, une bonne partie de nos désaccords, le manque de compréhension ou le manque de convictions communes seraient grandement réduits.
Je me dois de critiquer vertement la façon dont la plupart des provinces gèrent leurs relations avec les établissements de soins de santé dans le monde entier. Les résultats obtenus par le système de soins de santé n'ont jamais eu une place importante dans le débat public. Tant que ce sera le cas, la réduction des coûts prendra une importance disproportionnée. Les membres de l'association de Mme Grinspun et tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux paient le prix. Nous devons établir une base factuelle sur laquelle tout le monde peut se fier et la rendre publique. On pourra ainsi régler beaucoup plus facilement une bonne partie de nos désaccords.
Le sénateur Callbeck: Avez-vous adopté ce système en juillet de cette année?
M. MacKinnon: Non. Nous avons commencé en 1998 avec l'adoption d'une fiche de rendement du système. En 1999, nous avons produit deux fiches de rendement, l'une pour le système et l'autre pour l'hôpital en cause. Nous avons de nouveau produit ces deux fiches de rendement en 2001 pour nous permettre de dégager des tendances. Nous développons le système pour inclure les hôpitaux spécialisés et ceux qui offrent des soins complexes de longue durée par exemple. Nous avons également l'intention de préparer une nouvelle fiche de rendement sur les services d'urgence dans les mois à venir.
Le système remonte à 1998. Les travaux préparatoires eux remontent aux débuts de 1990. Nous sommes disposés à faire part à toutes les autres provinces de nos travaux et des documents connexes. Je ne vois pas pourquoi ce système ne pourrait pas être adopté dans toutes les autres provinces. S'il devait être adapté toutefois, on se rendrait compte qu'il existe d'importantes différences entre les provinces, lesquelles pourraient dans certains cas entraîner des difficultés assez sérieuses. Cependant, si ces différences peuvent être aplanies, des progrès pourront être enregistrés.
Le sénateur Callbeck: Comment le public a-t-il réagi aux différences entre les divers hôpitaux?
M. MacKinnon: C'est difficile à dire. Tout d'abord, l'appui au système a été très fort. Le gouvernement de l'Ontario a fourni une bonne partie du financement. L'Association des hôpitaux de l'Ontario a mis le système au point, mais c'est le gouvernement de l'Ontario qui a fourni la plus grande partie du financement. L'intérêt du public est évident à chacune des conférences de presse tenues lors du dépôt de ces rapports. Ce sont les conférences de presse les plus courues que nous ou la plupart des gens reliés au gouvernement de l'Ontario ont jamais vues. Quelque 70 journalistes et 10 photographes y assistent en général et cela fait la manchette pendant deux ou trois jours.
Je crois que nous pouvons faire plus pour rendre nos produits plus abordables pour le consommateur. Nous devons y songer. La publicité annuelle dans les journaux est certes une amélioration puisque nous ne faisions rien de tout cela autrefois. Nous fournirons aux membres du comité une note d'information complète ainsi que des exemples pour les informer de ce que nous faisons et de quelle manière nous nous y prenons et pour les aider dans leurs délibérations.
Le sénateur Callbeck: Madame Grinspun, j'ai jeté un coup d'9il à vos recommandations ici. Vous aimeriez qu'un organisme de coordination s'occupe des questions de ressources humaines dans le secteur de la santé. À votre avis, le gouvernement fédéral devrait-il assurer la direction à cet égard'
Mme Grinspun: Oui. Nous proposons que le gouvernement fédéral, les représentants des provinces, les employeurs et ceux qui interviennent dans le système assument ce leadership. Comme vous le savez, parce que les médias en ont beaucoup parlé, nous faisons face à un problème grave en ce qui concerne le personnel infirmier et d'autres professionnels de la santé. Je félicite sincèrement l'Association des hôpitaux de l'Ontario pour son évaluation. Nous devons passer aux étapes suivantes, mais en insistant sur l'impact qu'aurait une crise des ressources humaines sur les résultats cliniques des patients. David a traité de la réadmission et des complications. Par exemple, de nombreuses études font état du lien entre des complications telles que la pneumonie et l'insuffisance des ressources humaines au sein du personnel infirmier, tant au niveau du nombre que de l'expérien ce.
Je me demande si le comité sait qu'en 1999, 4 000 lits d'hôpital ont été occupés par des personnes ayant subi des chutes. Ce sont les chiffres de l'Institut canadien d'information sur la santé. Il y a clairement un lien avec la prévention. Au lieu de centrer l'attention uniquement sur ce qui se fait dans nos hôpitaux, nous devons faire quelque chose pour prévenir les chutes, compte tenu surtout du vieillissement de la population. La prévention est une question de soins de santé primaires. Nous devons tenir compte de l'impact des évaluations, surtout dans ce secteur, pour mettre en place un système permettant de mettre à contribution les divers secteurs: soins de santé primaires, soins à domicile, soins hospitaliers fournis en temps opportun pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne ce comité de coordination, vous pensez que c'est le gouvernement fédéral qui doit prendre l'initiative?
Mme Grinspun: Je suis d'avis qu'il doit y avoir un chef de file. Le gouvernement fédéral a tout intérêt à le faire. Autrement, les provinces se voleront mutuellement les infirmières. Il ne suffit pas de déplacer les gens pour résoudre notre problème national.
La vice-présidente: Au nom du comité, je vous remercie monsieur MacKinnon et madame Grinspun d'être venustémoigner.
Chers collègues, nos prochains témoins sont le professeur Jeremiah Hurley, du département d'économie de l'université McMaster, le Dr Cameron Mustard, du département des sciences de la santé publique de l'Université de Toronto, et le professeur Colleen Flood, de l'Université de Toronto.
M. Jeremiah Hurley, professeur, Département d'économie, Université McMaster: Sénateurs, j'avais l'intention de centrer mes observations sur trois aspects particuliers du rapport que vous avez déposé. Les travaux de votre comité sont excellents et je vous en félicite. En mettant l'accent sur les questions préoccupan tes, je ferai abstraction de celles que je n'ai pas le temps de commenter.
La première question concerne le rôle des frais d'utilisation. Le comité semble comprendre toute la documentation sur les frais d'utilisation et certaines des observations en découlant. Le rapport semble favoriser un système de frais d'utilisation comme celui qui existe en Suède. Ce système ne vise pas à réduire les dépenses, mais tente plutôt d'amener les gens à se rendre compte que la décision d'utiliser le régime de soins de santé coûte de l'argent et d'accroître la pertinence de l'utilisation. Cette proposition m'inquiète. Les observations indiquent de façon assez claire que les frais d'utilisation n'accroissent pas la pertinence de l'utilisa tion, ce que le comité reconnaît dans le rapport. Rien n'indique non plus que les frais d'utilisation rendent les gens plus conscients des coûts du régime. Pourquoi le fait de payer 10 $ pour voir un médecin rendrait-il soudainement le patient plus conscient du coût de cette visite chez le médecin?
Lorsque vous allez à la pharmacie pour faire exécuter votre ordonnance et que votre quote-part est de 450 $, combien de fois sortez-vous de la pharmacie en pensant que vous feriez mieux de réduire votre utilisation afin que vos primes n'augmentent pas à l'avenir? C'est ce que nous demandons aux patients de faire en imposant des frais d'utilisation comme le comité le propose dans son rapport.
Les observations semblent indiquer assez clairement que les approches axées sur la demande ne sont pas la bonne façon d'améliorer l'utilisation. Nous avons plutôt besoin d'instruments axés sur l'offre pour y arriver.
Pour ce qui est des comptes d'épargne-santé, il n'existe pratiquement pas d'observations concernant leurs effets, positifs ou négatifs, à ce stade-ci. Étant donné cette absence d'observa tions, nous pouvons dire certaines choses d'après le concept et certaines observations connexes. Premièrement, il est peu probable que les CES puissent permettre de contrôler les dépenses de façon efficace; il est peu probable qu'ils accroissent la pertinence de l'utilisation; ils compromettront l'équité du régime à cause de leur concept fondamental et ils engendreront probablement des problèmes de sélection des risques si le choix est volontaire. Le comité termine en disant qu'il n'est pas déraisonnable de prévoir qu'un plan pourrait être élaboré afin d'éviter les embûches possibles.
Je suis moins optimiste que cela lorsqu'il est question des CES. Ils font nécessairement partie des approches axées sur la demande, qui entraînent des problèmes. Je suis particulièrement inquiet au sujet de la recommandation voulant que nous commencions par le secteur des soins de longue durée parce que c'est un secteur où le régime de dépenses et la répartition des dépenses ne se prêtent pas au concept des CES, certainement pas à court terme. J'ai des préoccupations à l'égard de certaines des recommandations ou des options proposées à cet égard.
Pour ce qui a trait aux systèmes de financement parallèle, le comité a relevé un certain nombre de problèmes liés à ces systèmes. Il finit par suggérer que des règlements pertinents pourraient éviter certains des effets négatifs qui en découlent. Il note trois règlements en particulier à propos desquels il aimerait recevoir des commentaires: que les médecins soient tenus de travailler dans les systèmes public et privé; que l'on garantisse une période d'attente maximale dans le système public et le paiement des soins reçus dans le système privé si on dépasse cette période; que le système public soit tenu d'utiliser une technologie aussi bonne que celle du système privé.
À mon avis, chacun de ces règlements ne fera qu'exacerber les problèmes du financement parallèle. Ils se trouvent à créer des mécanismes explicites d'interaction entre les systèmes public et privé. Le fait d'obliger les médecins qui travaillent dans le système privé à travailler aussi dans le système public, en particulier, augmentera les risques d'exploitation des deux systèmes par les fournisseurs de soins. En vertu du régime proposé, si la liste d'attente s'allonge dans le système public, celui-ci paiera le système privé pour s'occuper de certains cas. C'est le rêve des fournisseurs de soins puisque, avec une liste d'attente suffisamment longue, les gens feront la file à leur pratique privée, et c'est le système public qui paiera la note. Voilà donc qui ne fera qu'aggraver les problèmes.
En dernier lieu, le fait de lier la technologie du secteur public à celle du secteur privé ne garantit pas un usage approprié de cette technologie par le secteur public, ni l'acquisition par ce dernier d'une technologie conforme aux normes d'évaluation de la technologie. Il crée tout simplement des liens inextricables entre les deux qui ne seront pas nécessairement avantageux pour le secteur public. D'après ce que je peux voir, chacun de ces règlements accentuerait les problèmes du financement public, au lieu de les atténuer.
En résumé, je ne crois pas que nous puissions établir le bien-fondé d'un financement parallèle pour atteindre les objectifs de financement que nous nous sommes fixés. Parmi les seuls arguments qui semblent tenir, il y a celui qui concerne les droits des pairs. Selon cet argument, les gens auraient le droit de payer pour recevoir des soins. Dans ce cas, on n'aurait plus à soucier des conséquences négatives. C'est un argument tenace que certaines personnes aiment bien utiliser. Il implique cependant que nous ignorions les conséquences qui pourraient survenir, sinon nous nous préoccuperions tellement de respecter les préférences inhabituelles d'un petit segment de la population que nous serions prêts à imposer des coûts substantiels à la société en général pour permettre à ces gens de profiter de certains types de soins. Cela ne fera pas progresser notre système.
J'aimerais faire quelques observations sur certaines des questions plus larges. Au sujet de la controverse entre secteur public et secteur privé, il est crucial que nous séparerions la question du financement privé ou public de celle de la prestation privée ou publique. La différence n'est pas assez nette dans la majorité des débats. Les questions et les données sont très différentes. Dans le premier cas, les preuves sont claires; dans le deuxième cas, il n'est pas clair que le secteur public ou le secteur privé soient plus efficaces pour ce qui est de la prestation des services. Nous devons faire cette distinction de manière plus nette. Trop souvent, nous lions implicitement le secteur privé avec efficacité. C'est une erreur. Il n'existe pas de preuves unanimes que le secteur privé est plus efficace pas plus qu'il en existe prouvant que le secteur privé offre des soins de plus haute qualité.
Troisièmement, nous lions implicitement secteur privé et concurrence. C'est une erreur. Il y a de nombreux exemples de prestation par le secteur privé sans concurrence, et de prestation par le secteur privé avec concurrence. Quand nous parlons de concurrence, nous devons nous poser les questions telles que: de la part de qui, quelles sont les exceptions et entre qui. On a tendance à passer par-dessus ces questions. On se contente de dire que la concurrence est bonne.
Enfin, il faut faire très attention quand on envisage de recourir à des incitatifs financiers. Il est bon que l'on y pense. Il est bon que les incitatifs soient ciblés de manière à ne pas pénaliser les gens qui font du bon travail. Nous devons toutefois faire attention quand on songe à utiliser activement des incitatifs financiers pour essayer d'influencer le comportement. À long terme, cette approche risque fort de se retourner contre nous tandis que nous essayons d'organiser notre système pour qu'il réponde aux besoins des Canadiens en matière de soins de santé.
Dr Cameron Mustard, professeur, Université de Toronto, Département des sciences de la santé publique: Pour être le plus bref possible, je résumerai les titres de compétences qui m'amènent à vous parler aujourd'hui, puis je formulerai des observations plus ciblées sur les questions que je trouve les plus difficiles à régler parmi les nombreuses questions que votre comité a soulevées dans le cadre de ses travaux.
Je siège au conseil d'administration de l'Institut canadien d'information sur la santé ou ICIS. Si je ne m'abuse, M. Decter était ici ce matin. Je suis heureux de l'accent que vous mettez sur le rôle du gouvernement fédéral dans l'amélioration de la capacité du système canadien de soins de santé de comprendre les problèmes qui se posent et d'établir une infrastructure permettant de diffuser cette information dans tout le pays.
Je siège au comité consultatif de l'Institut de la santé des Autochtones qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada. Je souscris moi aussi à votre recommandation ferme sur le rôle que le gouvernement fédéral doit jouer pour promouvoir la santé des Autochtones au Canada. Avec les Drs Keon et Morin, j'étais un membre du conseil d'administration provisoire des Instituts de recherche en santé du Canada. Je souscris à votre déclaration très claire sur la responsabilité du gouvernement fédéral dans le financement de la recherche en santé au Canada.
Je vous félicite pour tout l'éventail d'opinions que votre rapport reflète. Je voudrais vous poser une question. Elle découle du chapitre 2 du rapport. Quel serait votre conseil aux Canadiens au sujet de la question la plus importante? Je voudrais vous offrir une suggestion. À la lecture de votre document, j'ai établi la priorité suivante et je comprends qu'il y en a beaucoup. Voici celle qui est la plus importante, selon moi.
Je reconnais tout comme vous que: «Le problème de ressources humaines est plus critique que n'importe quel autre problème auquel le système est confronté.» Vous dites que c'est la principale priorité parmi de nombreuses autres. Je partage votre point de vue. Je crois, cependant, que le règlement des questions de ressources humaines en santé au Canada est intimement lié à deux autres questions. Je parle notamment, de la réforme des soins primaires. De plus, il faut établir dans tout le pays, dans les provinces, des organisations intégrées de prestation de soins de santé. Il s'agit de réaliser de front ces trois objectifs prioritaires pour qu'à l'avenir, nous puissions compter sur un système viable de soins de santé qui a une certaine ressemblance avec notre régime actuel. Nous devons régler ces trois problèmes simultané ment.
Comme vous le savez, certaines provinces sont plus avancées que d'autres dans leurs efforts de régionalisation des services. Vous comprendrez que pratiquement aucun régime provincial de soins de santé n'a réussi à intégrer une réforme des soins primaires aux initiatives de régionalisation. J'encourage le comité à déterminer de façon rétrospective les raisons de cela. Pourquoi nous sommes-nous lancés dans la régionalisation, mais n'avons- nous pas su procéder à une réforme des soins primaires' C'est ce que je considère comme la plus importance priorité au cours de la prochaine décennie.
Je suis extrêmement intéressé par les questions que vous avez soulevées: comment pouvons-nous en arriver à un financement stable et prévisible pour les soins de santé? Je me demande depuis un certain temps déjà quels types de mécanismes de macro-politique nous pourrions utiliser pour nous attaquer à cette question. D'un point de vue technique, services de santé-recher che, il n'y a aucune réponse à la question: De combien d'argent avons-nous besoin pour optimiser les soins de santé offerts aux Canadiens' C'est une décision politique. Selon moi, il serait utile d'envisager un rôle fédéral dans la définition d'un mécanisme pour parvenir à un consensus sur la part du PIB qu'en tant que société, nous sommes prêts à consacrer en permanence à nos soins de santé.
La Banque du Canada utilise un objectif en matière d'inflation. Je pense que nous avons besoin au Canada d'un objectif exprimé en proportion du PIB qui donne aux fournisseurs de soins, aux consommateurs et aux établissements une idée de l'argent à notre disposition. Je crois que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour ce qui est de diriger la réflexion sur la nature du mécanisme consensuel voulu. En fin de compte, ce sera un mécanisme politique fondé sur des processus démocratiques.
Je me préoccupe beaucoup des risques qu'il y a pour notre société de consacrer trop à la santé comparativement à nos investissements dans la croissance économique et la protection sociale. Ces investissements accroissent également de façon marquée le bien-être des Canadiens. Je crains fort que la part du PIB consacrée à la santé ne dépasse de beaucoup le niveau actuel, non pas parce que nous n'avons pas besoin de plus de ressources, bien au contraire, mais parce que nous perdons alors d'autres formes d'investissements importants sur le plan socio-économi que.
Enfin, comme M. Hurley, je voudrais me faire l'écho de certaines réflexions sur les défis que pose le fait de mélanger des sources publiques et privées de financement dans la prestation et l'achat de services de santé au Canada. En fait, les sources privées de financement me posent deux grands problèmes, même si je n'y suis pas opposé. Les systèmes de santé au Canada qui comptent le plus sur le financement privé sont les moins cohérents et les plus désorganisés du point de vue d'un accès équitable. Je parle ici des médicaments, des soins à domicile et des soins de longue durée.
J'attache beaucoup d'importance au principe d'équité. À ce sujet, je suis inquiet de l'absence de mécanismes permettant de rassembler des sources publiques et privées de financement dans un régime d'administration publique. Dans de nombreux modèles européens que vous connaissez peut-être, les fonds d'assurance rassemblent les sources publiques et privées de financement sous une administration publique. C'est un modèle important que la Commission Clair a recommandé d'envisager. Les comptes d'épargne santé sont des exemples de sources de financement privé qui ne font pas l'objet d'une administration publique.
J'ai trouvé le rapport très stimulant. Il renferme de nombreuses idées utiles. En tant que chercheur sur les services de santé, j'ai été déçu de constater que certaines de vos propositions n'étaient pas davantage fondées sur les faits établis, selon moi, par les chercheurs.
La vice-présidente: Docteur Mustard, j'ai été très intéressée par votre notion d'un objectif exprimé en proportion du PIB. Je crois que c'est un concept dont nous devrions prendre note et que nous devrions examiner plus en profondeur en tant que comité.
Mme Colleen Flood, professeure, Université de Toronto: J'ai rédigé un certain nombre de rapports circonstanciels pour le Comité sénatorial et je n'ai donc pas rédigé d'autres observations dans ce cas-ci. Cependant, je pourrais envoyer une déclaration plus étoffée précisant mes réactions à ce volume 4.
Je voudrais parler de la question des soins de santé à deux vitesses. Dans le rapport, on dit:
[...] le fait d'autoriser les régimes privés d'assurance-mala die peut comporter certains avantages, y compris un meilleur choix pour le patient, une concurrence accrue et de meilleures économies dans le secteur public.
C'est sur cette conclusion que je voudrais me pencher. Après avoir examiné les faits et mettre penchée sur les expériences dans d'autres pays, je crois fermement que c'est inexact.
Des systèmes à deux vitesses existent déjà dans un certain nombre de pays comme mon pays natal, la Nouvelle-Zélande, et le Royaume-Uni, où les gens qui ont un régime d'assurance privée peuvent acheter de meilleurs soins ou être traités plus rapidement. Rien ne prouve dans ces pays que le fait de donner cette capacité aux gens permet au régime public d'assurer des services de meilleure qualité dans de meilleurs délais. En fait, tout prouve le contraire. On peut en conclure que les listes d'attente et les délais d'attente en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni sont beaucoup plus longs qu'au Canada. Cela peut sembler quelque peu surprenant, alors que nous associons normalement la concurrence à une amélioration de la qualité des services et de l'efficience.
Cependant, lorsqu'on regarde la situation de plus près, on s'aperçoit que la concurrence dans le cas des assureurs publics et privés de santé ne fonctionne pas de la même façon que dans le cas des fournisseurs de services informatiques par exemple. Si je n'aime pas la qualité ou le prix d'un service informatique que l'entreprise A fournit, je vais alors m'adresser à la firme B. Si suffisamment de clients décident d'en faire autant, alors, en fin de compte, cela envoie un message très clair à la firme A. Elle doit améliorer son rendement sous peine autrement, à la limite, de faire faillite. C'est la façon dont nous nous attendons à ce que la concurrence et l'efficience fonctionnent dans le secteur privé.
Ce n'est pas la façon dont la concurrence fonctionne entre les régimes public et privé d'assurance-maladie. En fait, des mesures incitatives bien différentes sont en place. À l'instar de M. Hurley, je crois que les mesures incitatives présentent des dangers. Nous devons prendre garde à la façon dont nous songeons à les utiliser. Dans un système à deux vitesses, si les gens peuvent utiliser l'assurance privée pour acheter des soins, le système public n'est alors pas incité à améliorer son rendement car cela ne lui apporte aucun avantage financier clair. Le système public ne souffre pas du fait que les gens qui en ont les moyens puissent acheter des soins dans le secteur privé. En fait, comme le secteur public et les hôpitaux publics ne risquent pas de faire faillite, la décision de personnes insatisfaites de faire appel à un régime privé d'assurance et de se faire traiter dans des hôpitaux privés peut en fait être une bonne chose. Le secteur public se débarrasse de gens qui pourraient se plaindre de la qualité des services qu'il offre.
Selon l'éminent Albert Hirschman, les institutions publiques sont normalement forcées de rendre des comptes par ce qu'il appelle la «voix». Il entend par là que nous, les citoyens, exerçons des pressions sur nos politiciens, comme vous-mêmes, aux niveaux fédéral et provincial pour assurer le maintien de la qualité de notre régime de soins de santé. Si ceux qui en ont les moyens - comme nous ici - achetaient de l'assurance privée, alors la pression publique tendant à ce que le régime public offre des services de qualité en temps opportun se dissiperait. Sur le plan de l'économie politique, on peut craindre, avec un système à deux vitesses, que cette voix ne se fasse plus entendre et que la qualité des soins offerts dans le régime public baisse au lieu de s'améliorer, comme on le laisse entendre dans le rapport.
Je me réjouis moi aussi du grand nombre de questions qu'on a abordées dans le rapport. Il est facile pour moi de m'attarder là-dessus et d'exprimer de très grandes réserves. Cependant, je crois qu'il est important de préciser en quoi consisterait la structure des mesures incitatives si nous permettions un régime à deux vitesses. Ce qu'on appelle la concurrence dirigée a diverses conséquences et exige un système de gouvernance très sophisti qué. C'est ce qui se fait dans certains pays européens. Les assurances privées sont bien réglementées pour garantir l'accès aux soins. Cependant, un simple système à deux vitesses permettant aux gens de se retirer du régime public, comme on l'a fait au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, n'améliorera pas la qualité du régime public.
En ce qui concerne les frais d'utilisation, j'aimerais signaler une certaine confusion que j'ai constatée dans le rapport entre la notion de frais d'utilisation et d'assurance à deux vitesses. L'objectif des frais d'utilisation est de modifier le comportement du consommateur, de sensibiliser davantage les patients aux coûts des soins de santé qu'ils reçoivent. Je partage une bonne partie des préoccupations exprimées par M. Hurley. Cependant, si nous devions nous engager dans cette voie, il s'agirait notamment de voir si oui ou non nous permettrions aux gens de prendre de l'assurance privée pour couvrir le coût de ces frais d'utilisation.
J'ai parlé au sénateur Kirby de cela. Il m'a demandé de me pencher sur cette question tout particulièrement. Je pense que si on permet aux gens d'avoir de l'assurance privée pour couvrir les coûts des frais d'utilisation, l'utilité même de ces frais au départ disparaîtra complètement. L'idée, c'est que lorsque les gens doivent payer de leur poche, ils vont peut-être être plus sensibles aux coûts des soins qu'ils consomment. Cependant, si les gens sont en mesure d'acheter de l'assurance privée pour couvrir le coût des soins, il est évident alors qu'ils ne se préoccuperont pas autant des coûts.
C'est pourquoi en Australie, où il y a un régime de frais d'utilisation pour les services médicaux, les gens n'ont pas le droit de détenir de l'assurance privée pour couvrir le coût des frais d'utilisation des services médicaux. En effet, sans cela, on ne pourrait contrôler l'utilisation des services ou du moins, ce contrôle se limiterait simplement à ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter de l'assurance privée.
La vice-présidente: Lors de la téléconférence que nous avons organisée avec l'Australie, ces questions ont été soulevées relativement à l'assurance privée et aux frais d'utilisation.
Le sénateur Morin: Je voudrais poser quelques questions à M. Hurley. Je sais que vous êtes économiste. Nous n'avons pas la chance de rencontrer des économistes très souvent, même si nous en avons un à la droite de la présidence ici.
Je suis d'accord avec la majeure partie de vos déclarations au sujet des frais d'utilisation. Cependant, considéreriez-vous ces frais comme une procédure plus efficace pour motiver le patient? Supposons, par exemple, que nous n'ayons pas une liste des médicaments admissibles. Pourrions-nous alors envisagerd'imposer des frais d'utilisation dans le cas des médicaments brevetés et pas dans le cas des médicaments génériques semblables'
Je partage vos préoccupations au sujet du compte d'épargne santé. Vous mettez en plein dans le mille. On entend tellement parler de cela.
Vous parlez du partage entre le payeur et le fournisseur, mais votre document n'est pas clair à ce sujet. Lorsqu'il est question d'assurance privée et de fournisseurs privés, je pense que nous devons faire une distinction claire. Dans votre déclaration, vous l'avez faite, mais votre document n'est pas clair à cet égard. Cette distinction est très importante. Je crois que des fournisseurs privés peuvent avoir leur place. Pourriez-vous préciser votre pensée?
Vous avez parlé des marchés internes. Ce n'est pas un concept facile. Je sais que certaines personnes réclament cela. C'est une notion très populaire en Grande-Bretagne et en Suède. Comme vous êtes un économiste, pourriez-vous nous dire comment nous pourrions appliquer le concept des marchés internes au système canadien'
M. Hurley: Permettez-moi de répondre à vos questions une à une. Assurons-nous publiquement un service médicalement nécessaire si une personne veut une version plus coûteuse de ce service qui est de même qualité? Je vous donne l'exemple des médicaments de marque comparativement aux médicaments génériques. Selon moi, cela diffère du fait de payer 10 $ pour voir un médecin offrant des soins primaires. Le régime assure un service médicalement nécessaire. Certaines personnes vont prétendre que lorsqu'il y a un équivalent générique, le médica ment de marque n'est pas un service médicalement nécessaire.
Selon moi, cela ne va pas à l'encontre de la notion voulant que le système tende à assurer les services médicalement nécessaires. Vous dites que nous offrons l'accès à un médicament générique qui est tout aussi efficace qu'un médicament de marque. En tant qu'économiste, je dirais qu'il serait irrationnel de vouloir payer davantage pour le médicament de marque dans pratiquement tous les cas, lorsqu'on peut compter sur un médicament générique. L'idée selon laquelle les frais d'utilisation influencent les gens qui ont déjà accès à des services médicalement nécessaires diffère beaucoup, selon moi, de ce que j'ai proposé dans mon document.
Le sénateur Morin: Parlons d'un médicament moins coûteux dans une catégorie donnée.
M. Hurley: Certainement.
Le sénateur Morin: Les médicaments ne sont pas entièrement les mêmes, mais les frais d'utilisation sont imposés pour permettre le recours aux médicaments plus coûteux.
M. Hurley: C'est semblable à une approche fondée sur l'établissement du coût en fonction d'un médicament de référence.
Le sénateur Morin: Oui. Les frais d'utilisation ne représente raient pas le coût total du médicament.
M. Hurley: Cela ne me cause pas autant de problèmes que la notion générale de frais d'utilisation pour simplement percevoir des recettes ou pour les fins établies dans votre document.
Il est essentiel d'imposer les frais d'utilisation une fois que la personne a été en mesure d'utiliser le régime pour établir de quoi elle souffre. Ensuite, par l'entremise du régime public, on offre l'accès à ce qui est perçu comme un traitement médical efficace. En ce sens, vous avez essayé de lier les frais d'utilisation à une notion de pertinence. C'est ce qui manque dans les régimes généraux de frais d'utilisation. Chaque fois qu'on peut lier ces frais à la nécessité pour la personne en question d'avoir un accès libre au service approprié, chose certaine, cela ne pose pas autant de problèmes. Dans de tels cas, la personne paie pour un service qui la satisfait pour une raison quelconque. Un exemple courant est l'utilisation de plâtres légers au lieu de plâtres lourds.
Vous parlez ensuite des marchés internes. Je pense que la notion des marchés internes nous permet de voir à quel point il est difficile de créer une véritable concurrence dans le secteur de la santé. On comprend fort bien la raison de cela. Les soins de santé sont un produit extrêmement complexe. Il n'est pas question de boulons no 5 qui sont la norme partout.
À part dans certains domaines comme celui des médecins et le reste, combien de régions de l'Ontario pourraient faire vivre plus d'un hôpital et être compétitives' À l'extérieur de Toronto et de Hamilton, je prétends qu'il n'y en a pas beaucoup. De plus, il faut établir des relations à long terme étant donné la nature du produit. On ne peut tout simplement dire: nous allons transférer nos pontages d'un hôpital à un autre. Il y a de nombreuses réponses pour lesquelles la vision classique de la concurrence n'est pas pertinente dans le secteur des soins de santé et il y a des raisons économiques bien connues à cela.
En général, la portée de la concurrence est surestimée, même sur un marché interne. Où est-ce possible au Canada? Certains services sont déjà assurés par des entreprises extérieures aux établissements de santé. Les hôpitaux ont déjà recours à l'impartition pour offrir des services de cafétéria et d'autres produits et services qui ne sont pas directement liés aux soins de santé. Cependant, dans le cas d'un éventail de produits reliés aux soins de santé, cela est impossible. La régionalisation à laquelle on assiste dans la plupart des provinces est un premier pas vers la concurrence. Les autorités régionales détiennent un budget et il peut ainsi s'établir une certaine rivalité plutôt qu'une concurrence entre elles. Il faut avoir d'autres fournisseurs pour faire en sorte que les entreprises aient le sentiment qu'elles doivent bien assurer les services sous peine autrement de perdre leur contrat. Ce n'est pas une concurrence parfaite dans le sens où les économistes l'entendent, mais il y a une notion de rivalité, un certain risque pour les fournisseurs. Des autorités régionales de santé sont le premier pas vers la concurrence sur le marché interne.
L'«approche contractuelle» est peut-être une expression plus appropriée. Même si la plupart des gens ne s'en rendent pas compte, au Canada, les services offerts par les médecins sont entièrement liés à l'impartition. Pratiquement tous les médecins travaillent en cabinet privé. Nous établissons avec eux un contrat en vertu duquel ils reçoivent une certaine rémunération. Ce contrat, même s'il n'est pas bien rédigé, fait partie du problème.
Cette notion d'impartition ne s'éloigne pas beaucoup du régime canadien. Nous devons réfléchir bien davantage à la façon dont nous pouvons structurer les contrats et les approches de manière à mieux défendre l'intérêt public.
Mme Flood: Je voudrais parler de la notion de marchés internes et d'impartition. J'ai examiné longuement l'expérience de divers pays avec l'impartition. Je suis d'accord avec M. Hurley dans une certaine mesure, mais je crois que le potentiel est supérieur à ce qu'il prétend. Il est vrai que les résultats obtenus dans les pays qui ont mis cela à l'essai n'ont pas toujours été très concluants. Cependant, je pense que cela découle en partie de notre approche «uniformisée». Nous essayons de faire en sorte que tout le régime soit basé sur l'impartition au lieu que cela s'applique simplement aux produits et services de santé qui peuvent être plus facilement confiés à contrat.
Lorsque les marchés sont plus petits et il y plus de concurrents comme, par exemple, dans le cas des services offerts par les médecins de famille, le modèle des cabinets de groupe de médecins utilisé au Royaume-Uni nous vient à l'esprit. De nombreux petits groupes d'omnipraticiens se livrent concurrence en ayant un budget qui peut couvrir les médicaments et les services de diagnostic qu'ils prescrivent. De cette façon, ils peuvent devenir des équipes de gestion privée plus énergiques à l'intérieur du système. C'est une chose dont M. Hurley n'a pas parlé.
Cependant, cela touche également au point soulevé par le Dr Mustard au sujet de la réforme des soins primaires. Il est évident que dans le cas présent, on doit réfléchir à ce type d'initiative et se servir du secteur privé pour atteindre les objectifs du secteur public.
Le sénateur Morin: Je comprends ce qui se fait au Royaume-Uni et en Suède. Cependant, est-ce applicable au contexte canadien' Convient-il qu'un groupe de médecins de famille contrôlent les dépenses de médicaments'
Mme Flood: Cette approche n'aurait pas été moins applicable en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni. On a mis en place ces éléments dans le cadre d'une réforme. Rien n'empêche de faire la même chose ici. Nous devrions certes tirer les leçons qui s'imposent des expériences au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans d'autres pays.
Je tiens à souligner que dans ces pays, on n'a pas assez réfléchi à la façon de s'assurer de la reddition de comptes de la part des nouvelles autorités de santé et des nouveaux cabinets de groupe de médecins relativement à ces nouveaux achats. Si on veut demander aux autorités de santé de devenir des gestionnaires actifs ou proactifs à l'intérieur du système, on doit bien réfléchir à la façon dont on peut s'assurer qu'elles font du bon travail.
Le sénateur Morin: En plus des quatre points dont il est généralement question relativement à une réforme des soins primaires, recommanderiez-vous dans le cadre d'une telle réforme, de donner aux cabinets de groupe de médecins le pouvoir d'acheter à contrat pour les patients des médicaments, des services de diagnostic et des services thérapeutiques à un certain nombre de fournisseurs qui se feraient concurrence? C'est le système britannique.
M. Hurley: Je voudrais nuancer cela un petit peu. Nous devons prendre une décision. Voulons-nous une intégration fondée sur des facteurs géographiques, ce que représentent les autorités régiona les de santé, ou voulons-nous une sorte d'organisation intégrée, basée sur une liste et offrant des soins primaires.
Mme Flood: L'un n'exclut pas l'autre.
M. Hurley: Non, mais les deux systèmes ont des conséquences bien différentes.
Le sénateur Morin: Je comprends cela, mais ce n'est pas tout le monde qui est en faveur de la régionalisation. Un témoin qui avait comparu devant nous hier, M. Lozon, a déclaré qu'il était tout à fait contre. C'est bien différent. Cependant, j'essaie d'envisager un autre modèle ici, soit celui que recommande Mme Flood, c'est-à-dire le modèle adopté par la Grande-Breta gne, la Suède et la Nouvelle-Zélande. C'est un prolongement de la réforme des soins primaires qu'on envisage au Canada, n'est-ce pas'
M. Hurley: Les avantages de ce système n'ont pas découlé de la concurrence sur le plan de la demande, alors que les gens disent qu'ils changent de médecin, car ils en préfèrent un autre. Nous avons déjà cela au Canada. Cela n'a pas conduit à un accroissement de la concurrence dans le régime canadien. Comme Mme Flood l'a signalé, les avantages découlent du fait que les fournisseurs de soins forment un cabinet de groupe qui amène les prestataires de services à cette organisation à se livrer une certaine concurrence. La concurrence se fait du côté de l'offre et non de la demande.
Le sénateur Morin: Plus qu'une rivalité, est-ce une véritable concurrence liée à un contrat?
M. Hurley: Cela dépend.
Mme Flood: Il n'est pas certain que cela fonctionnerait. Au Royaume-Uni, on a eu du mal à établir les effets réels des cabinets de groupe de médecins. En effet, un grand nombre d'autres réformes ont été entreprises en même temps. Il est très difficile de déterminer les répercussions réelles de la création de cabinets de groupe de médecins. Certaines indications nous permettent de croire que cela a fait une différence. Les cabinets de groupe étaient en mesure de négocier des attentes moins longues pour leurs patients. Les critiques du système vont répondre que c'est parce que les intéressés contrôlaient le revenu marginal des hôpitaux. L'autorité de santé devait soutenir les hôpitaux publics. Ainsi, les cabinets de groupe de médecins ont été en mesure de réaliser certains gains parce que les hôpitaux devaient leur rendre les services voulus pour obtenir leur revenu marginal supplémen taire.
Je suis davantage en faveur des cabinets de groupe de médecins. Peu importe qu'il soit question d'achat de services hospitaliers, surtout lorsqu'il s'agit de contrôler le budget du médicament, les faits montrent clairement que les cabinets de groupe ont été en mesure de recommander des médicaments de façon beaucoup plus rentable. En effet, ils étaient encouragés à penser aux coûts et aux avantages des ordonnances qu'ils rédigeaient. Lorsque les gens vont voir le médecin, il est très facile d'obtenir une ordonnance. Il est très facile d'obtenir des examens de laboratoire. Les gens veulent que leurs médecins aient une idée des coûts relatifs de ce qu'ils prescrivent. Les cabinets de groupe sont une façon de mettre en place ces incitatifs sans miner l'autonomie des médecins en question. On ne leur dit pas ce qu'ils doivent faire, mais on leur donne les outils pour prendre des décisions éclairées.
Le sénateur Morin: C'est exactement ce que je voulais savoir.
Le sénateur Keon: Je voudrais juste ajouter une observation au sujet des cabinets de groupe. Ma fille et mon gendre sont médecins en Angleterre. Ils me disent que le problème avec ce système, c'est que lorsque les fonds commencent à manquer, il y a un terrible conflit entre le désir des médecins de faire ce qui est le mieux et leur capacité financière de le faire. Il semble que cette méthode pose de graves problèmes également.
Mme Flood: Avec tous ces modèles de concurrence, qu'il s'agisse des marchés internes, des cabinets de groupe ou de la dévolution de pouvoirs à des autorités régionales de santé, il faut penser à la façon de structurer les budgets et prendre garde à la façon dont on paie les intéressés. On doit penser aux facteurs d'ajustement en fonction de l'âge, du sexe et des risques dont on doit tenir compte lorsqu'on établit le mode de rémunération des cabinets de groupe.
Au Royaume-Uni, cela n'était pas le cas. Lorsqu'il y avait un budget bien établi, mais qu'il était possible de démontrer dans n'importe quel cas particulier que les dépenses dépassaient un certain niveau, on pouvait s'adresser à un fonds commun pour obtenir cet argent.
Il y avait un certain risque. On ne peut demander à des médecins de famille d'assumer des risques financiers énormes. Cependant, il faut concevoir les mesures incitatives de façon à les encourager à tenir compte des coûts. Manifestement, on ne veut pas qu'ils sacrifient les patients dans le but d'économiser. D'un autre côté, on veut que, dans leur exercice quotidien de la médecine, ils pensent aux coûts.
Le sénateur Keon: Je suis au courant du fait qu'il y a un mécanisme d'appel mais je sais également qu'il n'est pas toujours très efficace.
J'aimerais revenir sur la préoccupation que vous partagez tous les deux au sujet de l'avènement d'un système à deux vitesses. Le fait est que nous sommes déjà dans un système à deux vitesses. Comment faire pour en sortir? J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Au cours des dix dernières années, environ 25 services ont été désassurés; un certain nombre de médicaments ne sont pas remboursés; les soins à domicile ne sont pas entièrement remboursés, tout comme les soins aux malades chroniques. Comment donc nous sortir de ce système à deux vitesses?
Mme Flood: C'est une bonne question. Je ne suis pas convaincue par l'argument qu'un système à deux vitesses existe déjà dans une certaine mesure, système qui pourrait devenir encore plus prononcé si on y ajoutait les services hospitaliers et médicaux.
Le sénateur Keon: Ce n'est pas du tout mon argument. Je n'ai pas avancé d'arguments. Je vous ai posé une question. Comment sortir de la situation dans laquelle nous sommes?
Mme Flood: Ma réponse ressemble pas mal à ce que disait le Dr Mustard, à savoir que nous devons procéder à la réforme des soins primaires. Nous devons adopter des systèmes intégrés de prestation. Nous devons améliorer l'efficacité de notre système actuel. Nous devons essayer d'intégrer ces autres services dans le modèle de soins primaires. C'est pourquoi je suggère qu'on donne aux médecins un budget pour les médicaments, peut-être même pour les soins à domicile. C'est une manière d'aller de l'avant.
Comment procéder pour la médecine familiale et les soins à domicile? Je pense que les provinces sont disposées à adopter un autre modèle similaire à la Loi canadienne sur la santé. Cela va arriver très vite. Nous devons penser à d'autres manières de parvenir à nos fins.
Personnellement, j'estime que nous devrions examiner les modèles européens de gestion de la concurrence, et l'expérience qu'en a faite le Québec. Nous devrions envisager de réglementer les assureurs privés à l'échelle du pays afin d'essayer d'améliorer l'accès aux médicaments et aux soins à domicile.
Le sénateur Keon: Est-ce que vous réassureriez tous les services qui ne le sont plus?
Mme Flood: Je pense que la décision d'assurer ou de ne plus assurer est un processus nécessaire. Nous devons décider quels services devraient être payés par l'État et quels services ne devraient pas l'être. Je n'aime pas le processus actuel pour prendre ce genre de décisions. Nous avons besoin d'améliorer le processus par lequel nous décidons ce qui est assuré et ce qui ne l'est pas. Une fois que nous aurons décidé comment financer les médicaments en fonction de leur coût et de leur efficacité, nous pourrons appliquer certaines de ces leçons aux services médicaux, par exemple.
Une partie du problème réside dans le fait que la façon dont nous décidons quels services médicaux sont médicalement nécessaires fait partie de la manière dont nous décidons comment rémunérer les services médicaux. Cela rend la tâche de décider quels services retirer d'autant plus difficile. Vous avez dit que nous avions retiré 25 services. Nous aurions probablement dû en désassurer davantage et en assurer davantage. Comment y parvenir? Le problème se résume à la manière dont nous payons les médecins. Si nous pouvions penser à une manière de payer les médecins qui serait distincte du processus décisionnel suivi pour décider ce qu'on ajoute sur la liste des choses payées par l'État et ce qu'on en retire, on se rapprocherait du but.
Le sénateur Keon: Je suis d'accord. Voulez-vous répondre monsieur Hurley?
M. Hurley: Je partage une ou deux des idées de Colleen. Nous devons réorganiser les soins primaires. Il faut que cela se fasse. Modifier les modes de financement, combiner la capitation à d'autres formes de financement, telles que le financement des programmes, est la voie à suivre. On retient l'idée des cabinets de groupe, mais sans les risques associés à un système évalué par les pairs dont vous avez parlé. On dissocie les décisions en matière d'assurance et le financement.
Le financement reçoit peut-être trop d'attention. D'après ce que l'on sait du financement, la question n'est pas tellement le financement en soi, mais les variantes en la matière auxquelles sont associées les différences dans la gestion des cabinets et des organisations. On ne peut isoler l'incidence spécifique du financement. Je pense que nous accordons trop d'importance au financement par rapport aux autres manières non financières d'essayer d'améliorer les pratiques et d'octroyer des incitatifs aux gens qui font du bon travail.
Pour ce qui est du financement, à l'heure actuelle, nous dépensons près d'un milliard de dollars à subventionner les compagnies d'assurance privées. C'est la manière la moins efficace que nous connaissions d'assurer la couverture de services. Si nous éliminions la subvention fiscale aux riches qui s'assurent auprès de compagnies privées, nous économiserions près d'un milliard de dollars. Cet argent pourrait être utilisé de manière beaucoup plus directe pour fournir les services dont les gens ont besoin. Il est prouvé que subventionner les compagnies d'assurance est une manière inefficace d'accroître la couverture des services.
Les Canadiens se méfient des augmentations d'impôts. Ils ont toutefois bénéficier récemment de réductions d'impôt importan tes. On peut faire preuve de créativité pour établir un lien entre l'augmentation des cotisations et ce à quoi ils tiennent: les soins de santé et les systèmes de soins de santé. Qu'on appelle ça une cotisation ou non, je ne préconiserai pas une approche du genre capitation uniforme c'est-à-dire la même cotisation pour tout le monde. Il y a des dangers quand, dans un système fiscal intégré, on commence à réserver des fonds à des fins précises. Toutefois, les Canadiens appuieraient probablement cette approche comme moyen d'augmenter les recettes et d'en avoir pour leur argent.
Quant à la question de la couverture, le Canada commence tout juste à prendre conscience du fait que, traditionnellement, nous n'avons pas eu besoin d'un processus rigoureux et précis pour décider ce qui est assuré. Il y a 30 ans, presque tout ce que faisait un médecin était médicalement nécessaire. Nous savons que cette question ne va faire qu'empirer au fur et à mesure qu'arrivent sur le marché de nouveaux produits qui sont à la limite de ce que nous pensons médicalement nécessaires.
Tout ce que font les médecins et les hôpitaux n'est pas médicalement nécessaire et ne doit pas nécessairement être payé par l'État. Nous devons investir beaucoup de réflexion dans la création d'un processus pour résoudre ce problème. Les Cana diens vont devoir apprendre à discerner pourquoi certaines choses sont payées par l'État alors que d'autres fournies par la même personne ne le sont pas. Nous commençons à avoir au Canada, des biens de consommation qui sont assurés, contrairement à ce qui se passait il y a 30 ou 40 ans. Nous devons prendre la pleine mesure de cette évolution du secteur des soins de santé.
Le sénateur Keon: Vous semblez réserver la définition de «médicalement nécessaire» à ce qui est financé par les fonds publics. Est-ce exact?
M. Hurley: Nous avons exclu ce principe du régime d'assurance-médicaments et des soins à domicile. Toutefois, il est essentiel que nous maintenions et que nous développions le principe que, au Canada, l'accès aux services médicalement nécessaires ne doit pas être entravé par des obstacles financiers. Nous savons que, du point de vue de l'éthique, c'est important, et que du seul point de vue de l'efficacité, c'est tout aussi important.
Le sénateur Morin: Qu'est-ce que c'est que cette subvention d'un milliard de dollars que nous avons versée aux assurances?
M. Hurley: La rémunération que me verse mon employeur sous forme d'un régime d'assurance supplémentaire est déductible d'impôt.
Le sénateur Keon: Le Dr Mustard a dit qu'il n'avait pas le temps, dans le cadre de son exposé, de passer en revue tous les domaines que, dans notre rapport, nous n'avons pas suffisamment creusés. Je me demande si vous pourriez les énumérer pour nous?
Dr Mustard: La discussion avec mes collègues Mme Flood et M. Hurley fait allusion à une base de recherche que je connais et à laquelle je fais confiance. La base de recherche repose sur la question suivante: dans quelle mesure les incitatifs économiques influencent-ils le comportement des patients, des fournisseurs et des organisations? Cette base de données, d'après ce que j'en connais, est en fait très révélatrice. Elle tempère notre confort idéologique. Par «confort idéologique», j'entends la mesure dans laquelle nous sommes à l'aise avec certains modes de pensée quant à la manière dont le monde fonctionne, les idées que nous nous en faisons sont sans doute ancrées dans une idéologie. Par exemple, il est communément accepté que les marchés privés sont par inhérence plus efficaces que les marchés publics pour produire des biens.
Ça ne marche pas comme ça pour les soins de santé. Il n'y a pas de gains de rendement. Malheureusement, on encoure des coûts totaux plus élevés quand on choisit le modèle du marché privé pour fournir quelque chose d'aussi complexe que des soins de santé.
Il y a à ce sujet une documentation importante dont le comité ne semble pas avoir pris connaissance.
Le sénateur Morin: J'ai une objection à cela. Quelle documentation n'aurions-nous pas vue? Permettez-moi d'aller un peu plus loin: votre exposé est totalement négatif, bien que vos réponses à nos questions ne le soient pas. Vous n'avez pas fait une seule proposition. Monsieur Hurley, vous nous avez dit que les frais d'utilisation n'étaient pas bons. Les soins privés ne sont pas bons. Dans votre cas, madame Flood, c'était le système à deux vitesses. Dans votre cas, docteur Mustard, vous êtes déçu. Heureusement, nous avons obtenu de vous quelques recomman dations positives comme s'il n'existait pas de problèmes dans le système de soins de santé. Tout ce que vous offrez est négatif.
Vous semblez, madame Flood, être en faveur des marchés intérieurs. Pourquoi ne l'avez-vous pas dit? Apparemment, nous avons un mémoire de vous, mais vous ne l'avez pas apporté.
Mme Flood: En fait, je l'ai déjà recommandé dans plusieurs rapports que j'ai présentés au Sénat.
Le sénateur Morin: Vos trois exposés sont totalement négatifs et quelque peu insultants. Vous vous dites déçus.
Dr Mustard: Puis-je m'excuser si c'est comme ça que le comité perçoit nos exposés?
Le sénateur Morin: Il semblerait maintenant que nous n'ayons pas étudié la documentation.
La vice-présidente: Laissez le Dr Mustard répondre, s'il vous plaît.
Dr Mustard: Le sénateur Morin et moi avons croisé le fer à maintes reprises et ça c'est toujours bien terminé.
La vice-présidente: Après tout, notre document est intitulé Questions et options.
Dr Mustard: Effectivement. Je m'excuse si ma conclusion vous déplaît. Je pense avoir fait ce que j'avais l'intention de faire: plusieurs observations constructives provoquées par la série de questions très réfléchies et très vastes que vous avez soulevées dans votre document.
Pour la prochaine phase de vos délibérations, il serait utile que vous donniez aux Canadiens une idée de ce que vous pensez être les priorités les plus importantes. Cette suggestion est offerte dans un esprit constructif pour aller au-delà de ce que vous avez déjà fait. Ma proposition porte sur la réforme du système, l'intégration des questions relatives aux ressources humaines, la réforme des soins primaires et la prestation intégrée des services, ce qui, à mon avis, est essentiel.
À titre de contribution constructive, je vous ai également offert une suggestion quant à la manière d'aborder cette très importante question que vous avez posée, à savoir: comment passer à un cadre de stabilité du financement? L'idée de rechercher un consensus, de quelque manière que ce soit, sous la houlette du fédéral, au sujet d'un pourcentage du PIB que l'on essaierait de maintenir constant se voulait constructive, et non pas critique. L'idée m'est venue en lisant la série de questions provocantes que vous avez présentées.
Vous avez posé une question au sujet d'une base de recherche. Je m'excuse si ma lettre vous a semblé critique. La comparaison entre différents modèles d'organisation et de prestation des services, influencés par différents mécanismes de financement, révèle des différences importantes dans le rendement des systèmes de soins de santé. Je pensais que, en tant que chercheur, nous devions vous communiquer cette observation pour vous aider dans votre réflexion. Peut-être avons-nous l'obligation de résumer nos observations à votre intention.
La vice-présidente: Avez-vous d'autres questions, sénateur Keon?
Le sénateur Keon: Je ne pense pas. Nous avons été plutôt durs avec ces messieurs je pense. Merci beaucoup d'être venus et de nous avoir présenté votre point de vue.
La vice-présidente: Sur ce, puis-je, au nom du comité, vous remercier tous les trois pour ce débat éclairant et animé.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, nos premiers témoins de cet après-midi sont M. Geoffrey Mitchinson, vice-président, Affaires publiques, GlaxoSmithKline Inc., M. Ron Elliott,président, Association des pharmaciens du Canada et M. Larry Latowksy, président-directeur général, Drug Trading Company Limited.
La parole est à vous.
M. Geoffrey Mitchinson, vice-président, Affaires publiques, GlaxoSmithKline Inc.: Monsieur le président, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dans le cadre de l'examen du rôle que joue le gouvernement fédéral dans le système de soins de santé.
GlaxoSmithKline est une compagnie pharmaceutique spéciali sée dans la recherche qui est implantée au Canada depuis plus d'un siècle. Nous employons 1 800 Canadiens et, chaque année, nous investissons plus de 100 millions de dollars dans la R-D au Canada. Cela nous place parmi les 20 principaux fournisseurs de R-D du pays.
Nous partageons les inquiétudes de nombreux Canadiens face à l'augmentation du coût et de la dégradation du système de soins de santé, mais nous croyons que ces problèmes ne sont attribuables ni aux produits pharmaceutiques ni aux compagnies qui les fabriquent. Les médicaments ne sont pas la cause du problème, mais ils font certainement partie de la solution. Permettez-moi de m'exprimer encore plus clairement: nous croyons que les médicaments représentent le meilleur investisse ment qui peut être fait dans la santé des Canadiens et la durabilité du système de soins de santé au Canada.
On entend souvent dire que le coût des médicaments augmente de façon débridée et que cela ne peut pas continuer. Il ne fait aucun doute que ces dépenses sont en hausse. D'après les données canadiennes récentes et le rapport de votre comité, le coût des médicaments augmente plus vite que les autres dépenses du secteur de la santé.
Devant cette réalité, les décideurs politiques ont sauté à la conclusion que le meilleur moyen de redresser le système de soins de santé était de limiter le coût des médicaments. Néanmoins, comme n'importe quel médecin pourra vous le dire, le remède sera inefficace si vous avez fait un mauvais diagnostic.
Dans son premier rapport, votre comité énonce un certain nombre de mythes et de réalités au sujet de l'augmentation du coût des soins de santé. Le premier mythe est que l'augmentation des dépenses peut être attribuée aux besoins des Canadiens âgés. La réalité que vous proposez est que d'autres facteurs influent sur la croissance des dépenses, notamment le recours à des nouvelles technologies; deuxièmement, le coût des nouveaux médicaments et troisièmement, l'évolution des attentes et des besoins des consommateurs.
Le Conference Board du Canada a également examiné les causes de l'augmentation du coût des soins de santé. Il a placé en tête de liste l'inflation, suivie du vieillissement de la population et de la hausse du coût des services. Il ne fait aucunement mention du coût des nouveaux médicaments. Nous sommes d'accord avec le diagnostic du Conference Board. À notre avis, la croissance des dépenses pour la santé est attribuable à deux réalités inéluctables. La première est le vieillissement de la population et la deuxième, qui est un sous-produit de la première, la croissance de la consommation des services de santé pour le traitement de maladies reliées au vieillissement. Le résultat inévitable de ces deux réalités est que le coût des médicaments croît plus rapidement que les autres éléments du budget de la santé.
Permettez-moi de vous citer quelques autres réalités concernant le coût des médicaments. C'est la demande et non pas le coût des nouveaux médicaments qui est en hausse. Le dernier rapport du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés confirme qu'en 2000, le prix des médicaments brevetés n'a augmenté que de 0,4 p. 100 en moyenne, c'est-à-dire bien en dessous de1 p. 100, tandis que la quantité de médicaments vendus s'est accrue de 16,2 p. 100. Il y a eu une progression spectaculaire du volume des ventes, mais les prix n'ont pratiquement pas bougé. Le problème est dû non pas à la hausse des prix, mais à l'augmentation des besoins.
La croissance du volume et des ventes vient du fait que les Canadiens veulent avoir accès à davantage de services, de nouveaux médicaments et d'interventions médicales. Les Cana diens ont raison de vouloir les traitements les plus nouveaux et les plus efficaces disponibles. Au lieu de chercher à réduire le coût de ces innovations qui peuvent améliorer ou sauver la vie des gens, peut-être devrions-nous plutôt chercher des moyens de les rendre plus accessibles. Cela se ramène, en fait, à une question d'accès plutôt qu'une question de coût.
Une autre réalité est que nous consacrons davantage d'argent aux médicaments parce qu'il y a beaucoup de traitements qui se révèlent extrêmement efficaces. Les nouveaux médicaments parviennent de façon remarquable à prévenir, traiter et guérir les maladies, améliorer la qualité de vie des gens, à atténuer la douleur et la souffrance et à sauver des vies. Il n'est pas étonnant que nous dépensions de plus en plus d'argent pour les médicaments.
L'industrie pharmaceutique a mis en marché au Canada 331 nouveaux médicaments au cours des 12 dernières années. Un bon nombre d'entre eux se sont révélés très efficaces pour traiter des maladies comme le cancer, le diabète et le VIH-sida. En fait, depuis 1995, ces nouvelles thérapies ont joué un rôle clé en réduisant de 75 p. 100 le nombre de décès causés par le VIH-sida. Elles ont également eu de profondes répercussions sur d'autres secteurs du système de soins de santé, notamment sur le nombre d'hospitalisations. Nous croyons que les résultats justifient cette dépense. C'est un investissement rentable dans la santé. Il faudrait chercher à l'augmenter au lieu de vouloir le réduire.
Le prix des médicaments est un facteur, mais pas le seul qui contribue au coût total des médicaments. Ce coût dépend également des habitudes de prescription des médecins, du recours accru à la pharmacothérapie pour remplacer d'autres traitements tels que la chirurgie et de la préférence accordée maintenant au traitement médicamenteux externe plutôt qu'à l'hospitalisation.
Cela m'amène à l'argument suivant. La pharmacothérapie peut aider les gens à rester en dehors des hôpitaux ou des établissements de soins de longue durée et permettre au système de soins de santé de réaliser des économies importantes.
En 1978, on opérait couramment les ulcères et le traitement chirurgical d'un ulcère grave pouvait coûter 28 000 $. Quand avez-vous entendu parler pour la dernière fois de ce genre d'intervention? Probablement jamais, parce que 20 ans plus tard, de nouveaux médicaments ont rendu cette chirurgie pratiquement désuète. Il coûte maintenant moins de 200 $ par an en médicaments pour traiter une affection dont le traitement chirurgical coûtait avant des dizaines de milliers de dollars. Tous ceux qui pensent que les médicaments coûtent cher ne doivent pas oublier que les autres solutions sont souvent plus coûteuses.
Il faut reconnaître que, même s'il augmente rapidement, le coût des médicaments ne représente qu'une fraction de l'ensemble des dépenses du système de soins de santé. Les médicaments n'absorbent que 15 p. 100 d'une dépense totale de 95 milliards de dollars et les 4,9 milliards de dollars en médicaments délivrés sur ordonnance que paie le gouvernement ne représentent qu'un peu plus de 5 p. 100 des dépenses totales au chapitre de la santé.
Le Canada est l'un des pays industrialisés qui consacre le moins d'argent aux médicaments. Le coût des médicaments par rapport aux dépenses totales pour la santé est l'un des plus bas des pays du G-7. Les prix canadiens sont également inférieurs à la moyenne par rapport aux autres pays industrialisés. Au Canada, le prix des médicaments a augmenté de moins de 1 p. 100 par an depuis 1988.
L'indice des prix du CEPMB montre qu'en 1999, le prix des médicaments brevetés coûtait 62 p. 100 plus cher aux États-Unis qu'au Canada. Une étude réalisée en 2000 qui comparaît le prix des principaux médicaments génériques vendus au Canada avec les prix américains a permis de constater qu'au Canada les médicaments génériques coûtaient 33 p. 100 plus cher en moyenne. Je laisse à votre comité le soin de déterminer quelle en est la raison.
Les décideurs politiques ont l'impression que les succédanés sont plus coûteux et pas nécessairement plus efficaces que les médicaments qu'ils copient. Il y a trois grandes catégories de médicaments: les antidépresseurs, les hypotenseurs et les hypo cholestérolémiants. Pour ces trois catégories de médicaments qui représentent la majeure partie des coûts des régimes d'assurance- médicaments, les nouvelles versions sont moins chères que le médicament original et elles ont de meilleurs effets cliniques.
Une politique de plus en plus restrictive à l'égard de l'assurance-médicaments ne permettra donc pas nécessairement d'abaisser les coûts. Des études ont clairement démontré que lorsque les régimes d'assurance-médicaments font l'objet de restrictions, le coût des autres soins de santé augmente. Il s'agit notamment des services de médecins, des hôpitaux et des visites aux salles d'urgence.
En fait, de nombreux pays ont modifié radicalement leur politique à l'égard des médicaments suite à l'expérience faite en Allemagne où l'on avait imposé des limites sur le coût des médicaments. Cela s'était traduit, au départ, par une économie de 25 p. 100, mais l'augmentation du nombre d'hospitalisations et de visites chez le médecin a annulé la majeure partie de cette économie. La Norvège a renoncé à ses prix de référence en janvier 2001, car cela coûtait plus cher que l'économie qu'on prévoyait.
Les politiques novatrices à l'égard de l'assurance-médicaments peuvent être plus avantageuses et plus efficaces pour le système des soins de santé que les politiques restrictives. Comme vos propres recherches l'ont démontré, le nombre de lits d'hôpitaux a diminué au cours des années au Canada. Vous avez cité des données concernant la Saskatchewan et le Manitoba. Ce n'est pas que les personnes qui auraient occupé ces lits ont disparu, mais plutôt qu'elles ont pu être soignées chez elles grâce à des médicaments.
Depuis 1994, notre propre compagnie a joué un rôle de premier plan dans l'établissement de centres communautaires de soins aux asthmatiques dans les hôpitaux des quatre coins du pays. Cela a diminué le nombre d'hospitalisation en plus d'améliorer le traitement de l'asthme qui permet aux médecins et aux autres professionnels de la santé de gérer ces patients. Cela a eu un effet positif. L'Institut canadien d'information sur la santé a publié des données montrant que le nombre d'hospitalisations a baissé de 30 p. 100 au cours des cinq dernières années pour les asthmatiques de tous les groupes d'âge.
Les médicaments ne sont pas la cause du problème. Ils font partie de la solution. Ils représentent l'un des moyens les plus efficaces d'apporter la santé, le bien-être et une meilleure qualité de vie aux Canadiens. Nous exhortons votre comité, le gouverne ment et les décideurs politiques à se servir de façon constructive des progrès de la pharmacothérapie de façon à réformer le système, à le rendre plus efficace et à gérer ses coûts en réduisant l'utilisation des services de soins aigus.
M. Ron Elliott, président, Association des pharmaciens du Canada: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité.
Je suis un pharmacien communautaire de St. Thomas, en Ontario. L'Association des pharmaciens du Canada est l'associa tion professionnelle nationale qui guide bénévolement les pharmaciens dans tous les domaines de la profession. Nos membres sont actifs dans les pharmacies communautaires et hospitalières, les établissements de soins de longue durée, le secteur des soins à domicile, le milieu universitaire et l'industrie.
Notre association se réjouit de pouvoir formuler des observa tions au sujet du volume 4 de votre rapport sur les «Questions et options». Nous applaudissons la portée de l'analyse contenue dans ce rapport et nous remarquons que le comité y a soulevé toute une série de questions importantes qui suscitent la réflexion et la discussion, et qui nous amènent tous à élargir notre façon de voir les choses.
Pour la discussion d'aujourd'hui, j'aborderai seulement quel ques-unes des questions qui se rapportent directement aux connaissances et à l'expérience de notre association et des pharmaciens.
Nous approuvons votre analyse en ce qui concerne le rôle et les responsabilités des fournisseurs primaires de soins de santé ainsi que la nécessité de modifier le système actuel. Nous approuvons également la minutie avec laquelle vous avez étudié les questions concernant les médicaments délivrés sur ordonnance. En tant qu'expert des médicaments délivrés sur ordonnance, c'est à cette question que je consacrerai la majeure partie de mon temps.
Notre association appuie énergiquement la nécessité d'une réforme de la hiérarchie actuelle des professionnels de la santé. Nous croyons qu'il faut modifier le champ de leurs professions de façon à améliorer l'efficacité. Cela permettrait également de donner aux Canadiens un meilleur accès aux services de santé, tout en augmentant la rentabilité du système.
Comme vous l'avez souligné dans votre rapport intitulé «Questions et options», vous croyez que la réforme des soins primaires est l'une des mesures les plus essentielles à prendre pour moderniser le système de soins de santé du Canada. Honorables sénateurs, nous sommes d'accord avec vous.
Comme vous le savez, le système comporte des obstacles au changement qui nuisent à l'innovation et empêchent la meilleure utilisation possible du temps des professionnels de la santé. En tant que pharmacien, je possède des compétences et des connaissances qui me permettraient de faire beaucoup plus, mais je ne peux pas. Vous faites remarquer que les médecins sont les gardiens du système, et c'est vrai. La perpétuation de ce problème est due en partie à la façon dont les médecins sont rémunérés plutôt qu'aux médecins comme tels.
Les médecins jouent un rôle clé dans le système de soins de santé et ils devront continuer à jouer ce rôle si nous modifions le système, tant pour assurer sa viabilité que parce que c'est tout simplement logique. Il est essentiel de mettre l'accent sur les 20 citations à changer les choses. Toutefois, en plus de modifier le mode de rémunération, il est indispensable de rationaliser les rôles et les responsabilités des fournisseurs de soins de santé en fonction de leurs compétences et de leurs connaissances de même que des besoins des Canadiens si l'on veut que le système évolue.
Du point de vue des pharmaciens, permettez-moi de vous dire qui sont les pharmaciens et certaines des choses qu'ils pourraient faire pour économiser le temps des médecins, améliorer l'accès des patients aux services de santé et finalement, réduire les dépenses. Les pharmaciens sont reconnus comme les experts des médicaments dans le système de soins de santé. Nous sommes extrêmement accessibles d'un bout à l'autre du pays et les Canadiens nous respectent et nous font confiance. L'augmentation du coût des médicaments est un lourd fardeau pour le système de soins de santé et il serait logique que les pharmaciens élargissent le champ de leurs activités pour améliorer les choses. Par exemple, les pharmaciens pourraient être autorisés à commencer et modifier les thérapies médicamenteuses en collaboration avec les médecins et selon les protocoles établis. Ou encore, ils pourraient être autorisés à faire des prises de sang et à administrer des vaccins.
Sénateurs, ne trouvez-vous pas étrange qu'alors que je montre à un client, dans mon magasin, comment utiliser un appareil pour mesurer la glycémie, je ne peux pas lui prélever un peu de sang au bout du doigt pour lui montrer comment se servir de l'appareil correctement? Cette personne peut toutefois aller, quelques boutiques plus loin, se faire percer les oreilles ou se faire tatouer. C'est ridicule. Les pharmaciens peuvent faire beaucoup plus pour promouvoir le bien-être et prévenir les maladies en donnant des conseils pour cesser de fumer, en renseignant et suivant les patients qui font de l'asthme ou du diabète, pour ne citer que quelques exemples.
Votre rapport final devrait en dire plus sur l'élargissement du rôle du pharmacien. Pour élargir ce rôle, nous suggérons que Santé Canada finance des projets pilotes sur la réforme des soins de santé primaires qui proposeront de nouveaux modèles de pratique pour les pharmaciens ainsi que de nouvelles méthodes de remboursement.
Un autre problème relié à la réforme des soins de santé primaires et l'élargissement du rôle des pharmaciens est celui des ressources humaines. Comme pour les médecins, les infirmières et les autres professionnels de la santé, il y a une pénurie de pharmaciens. Selon nos estimations, il manque 1 500 pharma ciens à plein temps au Canada. Le problème est particulièrement grave dans les hôpitaux et en milieu rural. Nous félicitons DRHC d'avoir annoncé des études portant sur les médecins et les infirmières.
Nous répétons que le gouvernement fédéral a un rôle crucial à jouer en soutenant les initiatives de planification des ressources humaines. Nous serions surtout pour l'élaboration de mécanismes visant à modifier le champ d'activité des fournisseurs de soins de santé pour que les compétences de ces derniers puissent être mises au service du public et de la profession médicale.
Avant d'aborder directement les questions soulevées au chapitre 8 de votre rapport, permettez-moi de dire que nous partageons vos préoccupations concernant l'escalade des coûts et la nécessité d'en obtenir plus pour son argent. Il y a énormément de gaspillage. Il y a aussi énormément de problèmes à résoudre et je vous en citerai seulement quelques exemples.
Certains des nouveaux médicaments permettent aux patients d'éviter l'hospitalisation et améliorent leurs conditions de vie, mais ils ne sont pas couverts par les régimes d'assurance-médica ments de tout le pays. Comme beaucoup de gens n'ont pas les moyens de les payer, ils décident de s'en passer.
Il y a énormément de gaspillage parce que les médicaments sont mal prescrits ou mal pris et parce que les résultats ne sont pas surveillés. Je constate quotidiennement dans ma pharmacie une prescription excessive d'antibiotique et pratiquement aucun suivi qui permettrait de vérifier si le médicament a été efficace.
Nous reconnaissons tous que la lutte contre le tabagisme est un objectif crédible au Canada. Hier soir, un homme a quitté ma pharmacie en disant qu'il n'avait pas les moyens de payer le médicament qui lui permettrait de cesser de fumer. C'est à lui de décider, mais je ne peux pas l'aider à suivre le programme de cessation du tabagisme s'il n'a pas les moyens d'acheter les produits.
Cela impose un fardeau aux pharmaciens et aux médecins qui administrent des mesures visant à économiser, par exemple en remplaçant des médicaments par d'autres produits qui ne sont pas remboursés.
Le président: Monsieur Elliott, au lieu de lire les trois pages suivantes, pourriez-vous les résumer brièvement? Cela nous permettra de passer aux questions.
M. Elliott: Nous voudrions qu'on mette en place un centre national de gestion de l'usage des médicaments qui serait chargé de l'élaboration des politiques et de la mise en oeuvre des programmes.
Nous vous exhortons à la prudence en ce qui concerne l'achat en vrac de médicaments. Il y a quelques semaines, je suis allé en Nouvelle-Zélande où l'on expérimente un programme d'achat en vrac de médicaments à l'échelle nationale. Les pharmaciens changent couramment la médication prescrite aux patients en fonction de la disponibilité des produits. Le programme n'est pas centré sur les soins aux patients, mais sur la disponibilité. Si le produit n'est plus disponible, les pharmaciens n'ont d'autre choix que de donner un autre produit.
Pour ce qui est de la publicité pour les médicaments délivrés sur ordonnance, notre association défend depuis longtemps le droit du consommateur à obtenir une information complète, objective et accessible. Nous nous préoccupons toutefois de la publicité qui s'adresse directement aux consommateurs. Nous avons des données anecdotiques qui laissent entendre que les patients assimilent l'information donnée par la publicité, qu'ils font leur propre diagnostic et qu'ils vont ensuite demander au médecin le médicament dont ils ont entendu parler.
Monsieur le président, il est important de tenir compte du nombre de Canadiens couverts par un régime d'assurance-médi caments. Nous contestons les chiffres présentés dans «Questions et options» selon lesquels 97 p. 100 des Canadiens bénéficient d'une forme quelconque d'assurance-médicaments. D'après les chiffres de l'Institut canadien d'information sur la santé, ce serait plutôt 74 p. 100. Toutefois, d'après notre expérience, même si une personne est couverte par un régime d'assurance, celui-ci ne couvre pas nécessairement le médicament dont elle a besoin pour soigner une maladie.
Je vais vous remettre notre étude détaillée sur l'assurance-mé dicaments. Si les honorables sénateurs n'en ont pas reçu copie, nous la leur fournirons.
Un programme national d'assurance-médicaments reposerait sur quatre piliers et pour être efficace, il faut que ces quatre piliers soient en place: il s'agit d'établir des objectifs et des principes directeurs, de faire participer les principales parties prenantes, il faut sans aucun doute que le gouvernement apporte son leadership et il faut également que le financement et la mise en oeuvre de ce régime se fassent en plusieurs phases afin que l'on puisse fournir des soins de santé aux Canadiens à un coût raisonnable.
Je remercie le comité pour le leadership dont il a fait preuve dans son travail et surtout dans son étude des «Questions et options». Vous avez soulevé des questions difficiles que vous êtes parfaitement en droit de soulever. Avec l'augmentation des coûts, nous savons que des décisions importantes doivent être prises. En tant que pharmaciens et membres de l'Association des pharma ciens du Canada, nous voudrions contribuer à la solution. Je me ferai un plaisir de répondre plus tard à vos questions, monsieur le président.
Le président: Mme Jane Farnham parlera au nom de M. Larry Latowsky, le président de Drug Trading Company Limited. Mme Farnham en est la vice-présidente, Pharmacie. Comme Larry souffre d'une laryngite, c'est Jane qui prendra la parole.
Mme Jane Farnham, vice-présidente, Pharmacie, Drug Trading Company Limited: Monsieur le président et honorables sénateurs, nous apprécions votre invitation à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Drug Trading est une organisation de services de pharmacie au détail, entièrement canadienne, qui offre des solutions à plus de 1 450 pharmacies indépendantes du pays sur le plan des achats à valeur ajoutée, du marchandisage, du marketing et de la logistique. Un grand nombre des pharmacies membres de notre organisation sont situées dans des petites villes et des localités rurales où elles sont la seule pharmacie.
Notre compagnie exploite les réseaux de pharmacies bien connus IDA, Guardian, RX Central et Community Drug Mart. Un Canadien sur six fait exécuter son ordonnance dans une pharmacie de notre réseau. En 1999, nos membres ont exécuté plus de 41 millions d'ordonnances, plus que tout autre réseau de pharmacies du Canada, ce qui représentait des ventes au détail d'une valeur d'environ 3 milliards de dollars.
Par l'entremise de notre filiale, ProPharm Limited, nous sommes également le plus grand fournisseur de systèmes de pharmacie informatisés au Canada, avec des installations dans plus de 1 000 pharmacies participantes.
Nous employons directement plus de 180 hommes et femmes spécialisés en pharmacie, en service à la clientèle, en vente au détail, en technologie et en conception de logiciels. Environ 20 000 hommes et femmes travaillent dans nos pharmacies membres de tout le pays.
En décembre 2000, Drug Trading a été désignée comme l'une des 50 entreprises privées les mieux gérées du Canada.
Nous partageons les préoccupations que les Canadiens, leurs gouvernements et le comité éprouvent en ce qui concerne l'accès à des services de santé de qualité, la viabilité de notre système de soins de santé ainsi que la promotion de la santé et du bien-être. Nous croyons que nous constituons un élément important de la solution qui permettra de conserver un système de soins de santé abordable et capable d'offrir des soins efficaces et de qualité aux Canadiens.
Nous faisons valoir que les compétences professionnelles des pharmaciens sont extrêmement sous-utilisées pour la prestation des services de santé au Canada. Ce constat a été fait il y a déjà longtemps. Par exemple, en Ontario, la Commission d'enquête Lowy sur l'industrie pharmaceutique faisait valoir, en 1990, qu'on n'utilise pas le plein potentiel des pharmaciens en tant que membres de l'équipe de santé dont le but est d'assurer un traitement optimal. Nous croyons qu'il faut trouver des moyens de permettre aux pharmaciens de fournir des services plus complets aux patients.
En tant que propriétaires-exploitants de petites entreprises, les pharmaciens membres de Drug Trading Company adoptent des façons novatrices de prendre soin des patients. Nous sommes prêts à aider le gouvernement à explorer des façons d'améliorer les soins aux patients et de limiter les coûts du système.
Dans notre mémoire, nous décrivons plusieurs mesures importantes que les gouvernements du Canada pourraient prendre pour améliorer la santé des Canadiens et l'efficacité de la prestation des services. Ce sont des possibilités réelles et immédiates qui ne représentent pratiquement pas de dépenses supplémentaires pour le gouvernement. En même temps, elles réduiront les inefficacités dans le système et en élimineront les dédoublements et autres formes de gaspillage. En fait, ces initiatives offrent au gouvernement fédéral et aux provinces des occasions sans précédent de réduire les coûts du système de santé et de pouvoir utiliser cet argent pour compenser la hausse du coût des médicaments qui résulte de l'emploi de nouvelles technolo gies et du vieillissement de la population.
Nous recommandons que l'on cherche à faire un meilleur usage des compétences professionnelles des pharmaciens. Ils permet tront de mettre en place un système plus solide, meilleur et plus efficace pour dispenser des soins aux patients et améliorer la santé des Canadiens des diverses couches de la société.
Drug Trading est enthousiasmée par les débouchés que représentent ces initiatives. Elles s'appuient sur l'expérience de nos membres et des études indépendantes. Nous sommes découragés par la lenteur avec laquelle les autorités fédérales et provinciales examinent les résultats et la possibilité de les appliquer à un grand nombre de consommateurs de soins de santé.
Les récentes discussions entre les premiers ministres portaient principalement sur certains changements institutionnels tels que l'établissement d'un formulaire national, une agence nationale d'achat de médicaments, et cetera. Ce sont là des mesures importantes, mais notre mémoire va au-delà des relations professionnelles existantes et recommande des changements qui modifieront la structure actuelle des coûts et qui, en faisant une meilleure utilisation des compétences professionnelles des phar maciens, rendront notre système de santé plus efficace et plus viable.
Nous recommandons au gouvernement fédéral et aux provinces d'agir immédiatement dans six domaines: Nous recommandons d'accorder aux pharmaciens l'autorisation de prescrire des médicaments dans certaines limites pour éliminer les dédouble ments et le gaspillage et alléger le travail des médecins surchargés. Nous recommandons d'autoriser les pharmaciens à renouveler les ordonnances en respectant les protocoles établis, à prescrire, gérer et traiter les patients pour certaines conditions et à prescrire des fournitures médicales pour les diabétiques.
En ce qui concerne la politique de substitution de médicaments moins coûteux, pour s'assurer que les patients reçoivent le médicament le plus économique ayant les mêmes qualités thérapeutiques, nous croyons qu'un facteur important qui contri bue à la hausse du coût des médicaments est la prescription d'une nouvelle version du même type de médicament qui peut être plus coûteuse, sans être nécessairement meilleure, et cela pour une simple question de préférence. Les hôpitaux canadiens agissent de ce côté-là depuis des années et réussissent ainsi à limiter les coûts sans conséquences négatives pour le patient. Nous recommandons aux gouvernements de mettre en place des lignes directrices pour la prescription de médicaments, à partir de protocoles établis conjointement par les pharmaciens et les médecins.
À notre avis, il est important d'éliminer le gaspillage grâce à des initiatives comme le contrôle de la médication par les pharmaciens et des programmes expérimentaux de prescription. Nous recommandons d'adopter ces programmes, dont la plupart ont démontré leur efficacité, sur l'ensemble du territoire canadien.
Pour permettre aux médecins de choisir les médicaments de façon plus éclairée et de choisir des options de traitement rentables pour les patients, nous recommandons de mettre en place des programmes de formation continue en pharmacothéra pie pour tous les médecins canadiens.
À propos des programmes de gestion des maladies et de bien-être visant à réduire les pressions qui s'exercent sur notre système de soins de santé et d'améliorer la santé, le bien-être et la productivité des Canadiens, nous recommandons aux gouverne ments d'investir dans des programmes pilotes qui feront appel aux pharmaciens pour l'amélioration de la santé et du bien-être des patients.
Enfin, je parlerai des programmes visant à s'assurer que les patients suivent bien la prescription dans le but de réduire le gaspillage et les dépenses inutiles pour les régimes d'assurance publics et privés, de même que pour améliorer la santé du patient. Les personnes âgées et les malades chroniques tels que les asthmatiques représentent, pour les pharmaciens, une excellente occasion de contribuer à l'amélioration de la qualité de vie et de la santé des patients et de réduire énormément les coûts du système de santé, des coûts évalués entre 7 et 9 milliards de dollars en 1995. Nous recommandons aux gouvernements de mettre en oeuvre des programmes confiant aux pharmaciens la responsabilité d'assurer ce suivi.
Notre mémoire contient des précisions au sujet de chacune de ces recommandations de même que des renseignements sur plusieurs grandes études indépendantes sur lesquelles nos recom mandations s'appuient.
Monsieur le président et honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que les Canadiens se préoccupent de la viabilité de notre système de soins de santé et souhaitent que leurs gouvernements préservent les meilleurs éléments de ce système tout en lui permettant d'être mieux en mesure d'offrir aux citoyens des services de qualité et abordables lorsqu'ils en ont besoin. Nous remercions le comité pour l'initiative qu'il a prise en suscitant la discussion sur son rapport «Questions et options».
Nous croyons pouvoir contribuer à résoudre les problèmes que l'on constate dans le système de soins de santé du Canada. Nos pharmaciens sont prêts à coopérer avec le gouvernement en profitant des connaissances qu'ils ont acquises. Lorsque votre comité et les gouvernements du Canada continueront à examiner les changements nécessaires, nous vous exhortons à travailler avec nous pour exploiter ces possibilités.
Le président: Monsieur Mitchinson, je vous pose la question pour vous tester un peu. Je remarque que vous avez fait des commentaires au sujet de toutes nos propositions. Vous dites que l'idée d'un formulaire national ne vous plaît pas. Vous n'aimez pas non plus le concept de la substitution thérapeutique. Néanmoins, comme vous n'avez pas critiqué notre proposition concernant le maintien de l'interdiction frappant la publicité, pouvons-nous raisonnablement supposer que vous êtes pour?
M. Mitchinson: Je précise que nous avons fait des commen taires négatifs au sujet de la substitution thérapeutique parce que nous ne croyons pas que cela marchera et nous expliquons pourquoi dans notre mémoire. Nous n'avons pas fait d'observa tions précises en ce qui concerne un formulaire national. Pour tout formulaire, qu'il soit national ou interprovincial, nous préconisons trois critères: Premièrement, il doit permettre d'accéder facile ment à la nouvelle technologie; deuxièmement, les médecins doivent décider en premier de ce que les patients recevront et, troisièmement, le choix des médicaments doit tenir compte de la collectivité desservie. Le comité pourrait peut-être examiner le formulaire du Québec étant donné qu'il remplit tous ces critères. Il permet un plein accès.
Pour ce qui est de la publicité s'adressant directement aux consommateurs, le fait est que la plupart des Canadiens peuvent obtenir, par Internet, des renseignements sur tout type de médicament, qu'il soit homologué ou non. Ils voient la publicité à la télévision et dans les magazines. Nous ne voyons pas d'objection à autoriser notre industrie à annoncer ses produits de façon raisonnable et réglementée.
Le président: Comme les consommateurs peuvent obtenir ces renseignements par toutes sortes d'autres moyens, cela veut-il dire que peu vous importe si les compagnies sont autorisées à faire cette publicité?
M. Mitchinson: Non. Nous voudrions pouvoir faire de la publicité.
Le président: C'est ce que je pensais. Je voulais seulement que ce soit clair.
Monsieur Elliott, vous avez parlé d'un patient qui est venu hier soir dans votre pharmacie et qui a estimé qu'il n'avait pas les moyens d'acheter des produits pour cesser de fumer.
Madame Farnham, vous avez parlé d'une étude réalisée en 1995 selon laquelle 50 p. 100 des consommateurs de médica ments délivrés sur ordonnance ne suivaient pas les prescriptions du médecin, soit parce qu'ils n'achetaient pas les médicaments, soit parce qu'ils ne prenaient pas leurs médicaments tel que prescrit.
Il nous serait utile que vous nous indiquiez, tout l'abord le nombre de personnes auxquelles les médecins canadiens prescri vent des médicaments, mais qui ne les prennent pas parce qu'elles n'ont pas les moyens de les payer et, deuxièmement, le nombre de personnes qui achètent les médicaments qu'on leur prescrit, mais qui ne les prennent pas. Est-ce que l'étude de 1995 dont vous avez parlé constitue la meilleure source d'information que vous ayez?
Le comité est très inquiet à l'idée qu'un certain nombre de Canadiens n'obtiennent pas les médicaments dont ils ont besoin à cause de leur coût. Je n'en fais pas reproche aux compagnies pharmaceutiques. Il se trouve simplement que certaines personnes n'ont pas les moyens de payer ces médicaments. Le comité voudrait trouver une solution à ce problème.
Si vous possédez des données sur la gravité du problème et des renseignements plus précis sur le pourcentage de gens qui sont couverts par des régimes d'assurance-médicaments adéquats, par province, ce sont des renseignements qui nous seraient très utiles. Ces données existent-elles?
M. Elliott: Oui, monsieur le président, mais je ne les ai pas sous la main. Plusieurs études ont été réalisées ces dernières années. Nous allons essayer de vous fournir les renseignements qu'elles contiennent.
Mme Farnham: Nos pharmacies ont fait beaucoup de travail pour voir si les patients prenaient bien leurs médicaments. Je pourrais fournir au comité certains renseignements sur les résultats de ces programmes très récents.
Le président: Cela nous serait utile. Je suppose que ceux qui n'ont pas les moyens de payer ces médicaments sont les personnes âgées. Mais je me trompe peut-être étant donné que, dans certaines provinces, dès qu'une personne atteint l'âge de 65 ans, elle a droit aux médicaments délivrés sur ordonnance. Le problème se pose peut-être pour les travailleurs à faible revenu.
Je suppose que cette situation est plus évidente dans les régions rurales et isolées que dans les villes. Mais je me trompe peut-être.
Quels que soient les renseignements que vous possédez à cet égard et que vous pourriez nous fournir, il nous serait utile de les obtenir.
Le sénateur Morin: Monsieur Mitchinson, où nous situons- nous par rapport aux autres pays du G-7 pour ce qui est de la proportion du budget de la santé qui est consacrée aux médicaments? Si vous avez ce renseignement, vous pourriez le faire parvenir au greffier ou à moi-même. Les gens ont l'impression que nous dépensons énormément pour les médica ments. Je ne pense pas qu'ils se rendent compte que nous dépensons très peu, mais que le coût des médicaments augmente. Je crois que nous dépensons moins que les autres pays du G-7 par rapport aux dépenses totales.
Dans le Globe and Mail de ce matin j'ai lu que vous consacrez 100 millions de dollars à la recherche au Canada. Pourriez-vous nous dire quel genre de recherche vous faites et quelle place vous occupez? Je crois que vous vous placez septième pour ce qui est des dépenses du secteur privé.
M. Mitchinson: Premièrement, nous allons vous fournir les renseignements que vous avez demandés.
Deuxièmement, nous nous situons dans les 20 premières compagnies qui font de la recherche au Canada. Notre industrie a fait pour environ 1 milliard de dollars de R-D au Canada. Les gouvernements méritent d'être félicités pour avoir conclu, depuis 12 ans, avec l'industrie pharmaceutique, un marché très avanta geux du point de vue de la politique publique. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés exerce un contrôle sur les prix. Le gouvernement a la garantie qu'un certain pourcentage de notre chiffre d'affaires sera consacré à la recherche. Cela a permis de consacrer 1 milliard de dollars à la recherche rien que dans nos entreprises de R-D.
Dans de nombreux cas, ces mêmes compagnies ont été la source de capital-risque pour le lancement de nouvelles entrepri ses dans le secteur en plein essor de la technologie de pointe.
D'excellentes relations se sont développées et ont permis à tous les intéressés d'avoir accès à de nombreux produits.
Nos recherches ont commencé au niveau des essais cliniques. Nous sommes devenus très experts dans ce domaine au Canada. Nous transférons maintenant le résultat de nos recherches dans la mise au point de produits pharmaceutiques. Nous espérons nous lancer dans la recherche pour la découverte de nouveaux médicaments ici, au Canada. Un de nos homologues, Merck, a déjà fait cette transition. Cette compagnie fait de la recherche pharmaceutique à Montréal.
La R-D a été extrêmement fructueuse au Canada et la politique gouvernementale y a contribué.
Le sénateur Morin: Madame Farnham, je suis d'accord avec la plupart de vos recommandations. Un bon nombre d'entre elles sont déjà appliquées dans plusieurs provinces. Vous recommandez qu'elles le soient à l'échelle du pays.
Votre quatrième recommandation m'étonne un peu. Vous recommandez que tous les gouvernements canadiens adoptent une politique de substitution permettant aux pharmaciens de délivrer le médicament le plus économique, surtout si le nouveau médicament prescrit est plus coûteux.
Je croyais qu'un règlement émis par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés interdisait à une compagnie de mettre en marché une nouvelle version d'un même médicament à un prix plus élevé que le médicament existant. La situation dont vous parlez ne peut pas se produire au Canada, même si elle peut exister dans d'autres pays. Nous pourrons vérifier.
Si j'ai bien compris, un nouveau médicament ne peut pas être vendu plus cher que les médicaments du même type qui existent déjà. Le nouveau médicament doit entrer dans une catégorie différente.
Mme Farnham: Excusez-moi. Je n'ai pas ces renseignements sous la main aujourd'hui, mais nous pourrions vous fournir quelques exemples précis de substitutions qui peuvent être faites et des économies qu'elles représentent.
Le sénateur LeBreton: J'ai également une question concer nant le mémoire de Drug Trading Company Limited. Vous recommandez que tous les gouvernements du Canada mettent en place des programmes de suivi sous la responsabilité des pharmaciens et vous en donnez quelques exemples. De nombreux témoins nous ont parlé de la mauvaise utilisation des médica ments, de leur consommation abusive et des cas où deux médecins différents prescrivaient des médicaments dont l'interac tion posait des problèmes.
Notre comité a discuté des cartes de santé à puce. Nous nous sommes demandé si elles devaient être conservées par le patient ou par le médecin. Prévoyez-vous une surveillance ou un contrôle des médicaments au moyen d'une carte à puce? Le Dr Keon a cité l'exemple de l'Armée américaine dont les soldats portent une médaille indiquant leurs antécédents médicaux. Comment pensez- vous que cette recommandation pourrait être appliquée?
Mme Farnham: Nous sommes tout à fait pour l'utilisation de ce genre de technologie. Nous devrons certainement nous pencher sur certaines de ces questions. Nous reconnaissons toutefois que certaines de ces choses ne sont pas encore pour tout de suite à cause des dispositions concernant la protection des renseigne ments personnels.
Nos pharmacies ont fait un gros travail pour exercer directe ment une influence sur l'observation des ordonnances par exemple, en demandant aux pharmaciens d'appeler un patient pour savoir s'il prenait bien ses médicaments, s'il avait arrêté de les prendre à cause d'effets secondaires et pour s'assurer qu'il renouvelle son ordonnance tel que prévu. Nous avons pu démontrer que les pharmaciens pouvaient avoir une influence directe et positive en s'assurant que les patients prenaient leurs médicaments comme il faut et pendant la période prescrite. Nous centrons nos efforts sur l'intervention directe du pharmacien dans le contexte de nos propos.
Le sénateur LeBreton: Dans la ville où je réside, je suis cliente d'une pharmacie IDA. Elle a mon dossier et le dossier de l'état de santé cardiaque de mon mari. Mon mari est un patient du Dr Keon, à l'Institut des maladies cardiaques. La pharmacie nous fournit des renseignements sur les effets du médicament. Le pharmacien joue un rôle très utile. Je suis certaine que si mon mari allait voir un autre médecin - même si j'ai déjà du mal à le convaincre d'aller voir le sien - et s'il apportait une nouvelle ordonnance, le pharmacien le remarquerait. Qu'arriverait-il s'il allait dans une autre pharmacie?
Mme Farnham: Nous aurions besoin pour cela de la technologie des cartes à puce. À l'heure actuelle, les systèmes de dossiers des pharmacies ne sont pas reliés les uns aux autres. Nous mettons l'accent sur le fait que les pharmaciens sont les professionnels de la santé qui ont le plus de contacts avec le patient. La famille canadienne moyenne fait exécuter au moins 28 ordonnances par an. Le pharmacien est très accessible et a de nombreux points de contact. Le pharmacien est également le professionnel de la santé qui sait ce qu'il advient de l'ordonnance une fois qu'elle quitte le cabinet du médecin.
Le médecin peut rédiger une ordonnance et revoir le patient au bout de trois, six ou neuf mois. C'est le pharmacien qui remarque si le patient revient renouveler son ordonnance et s'il prend les médicaments prescrits. C'est sur cet aspect que portent nos recommandations même si nous reconnaissons l'importance de la technologie et de la gestion du système.
Le sénateur LeBreton: Si le pharmacien remarque qu'un patient n'a pas renouvelé son ordonnance dans le délai voulu, il ne peut pas faire grand-chose, n'est-ce pas?
Mme Farnham: Il y a certaines choses que le pharmacien peut faire, mais il n'y a pas d'incitatifs pour favoriser ce genre d'interaction. Un grand nombre de nos pharmaciens participent à ce genre d'activité, mais comme M. Elliott l'a mentionné, nous croyons nécessaire d'élargir le cadre des fonctions du pharmacien pour qu'il joue un rôle efficace et assure des soins de qualité.
Le sénateur LeBreton: Monsieur Elliott, j'ai été frappée par votre histoire au sujet de cet homme qui est venu acheter des médicaments pour cesser de fumer et qui a jugé qu'il n'en avait pas les moyens. À part l'inciter à trouver de l'argent, y a-t-il autre chose que vous puissiez faire? Pouvez-vous en parler au médecin et recommander un produit moins coûteux? Je sais que les produits qui aident à cesser de fumer ont des limitations. Ce doit être très frustrant, car vous ne pouvez pas faire grand-chose.
M. Elliott: Je vous remercie de cette question. Oui, cela peut être un peu frustrant, mais les pharmaciens ont certaines options. Des patients décident de ne pas prendre leur médicament parce qu'ils n'ont pas d'argent ou parce qu'ils n'ont pas d'assurance ou encore parce qu'ils ont besoin de produits auxiliaires. Nous travaillons en collaboration étroite avec les médecins en leur suggérant d'autres médicaments qui sont couverts par le régime d'assurance ou des solutions moins coûteuses.
Lorsque le médecin est d'accord, nous offrons souvent un médicament de substitution. Nous trouvons un produit ou un moyen d'atteindre l'objectif que vise le médecin.
Non seulement les gens doivent pouvoir payer le médicament, mais il faut aussi qu'ils puissent utiliser le produit. Si un enfant de trois ans doit utiliser, par exemple, un inhalateur Ventolin, l'enfant ou ses parents ne sauront peut-être pas s'en servir parce que c'est difficile. L'enfant peut avoir besoin d'un autre dispositif, mais dans la plupart des cas, ce produit ne sera pas couvert par l'assurance. L'enfant veut prendre son médicament, le parent veut qu'il le prenne, mais il n'a pas les moyens de payer le dispositif.
Le parent et l'enfant retourneront voir le médecin qui pourra recommander un autre type de traitement exigeant l'utilisation de la technologie respiratoire à domicile ou des visites à domicile. Il faudra faire une deuxième visite chez le médecin. Il y a toutes sortes de choses à faire pour répondre aux besoins supplémentai res du patient et se conformer aux instructions du médecin. Il ne s'agit pas seulement de pouvoir suivre ses instructions, il se peut aussi que le patient soit incapable d'utiliser le produit pour une raison ou pour une autre.
Le sénateur Keon: Monsieur Mitchinson, je tiens à reconnaître l'énorme contribution que votre industrie apporte à la recherche au Canada ainsi que votre désir de coopérer avec l'Institut canadien d'information sur la santé et les autres organismes subventionnaires qui fournissent un financement de contrepartie aux chercheurs, et cetera.
Au cours de votre dialogue avec le sénateur Morin, vous avez parlé de la recherche orientée vers les découvertes. Je crois que le secteur de la recherche du Canada a une excellente occasion de faire une meilleure utilisation des fonds que lui fournit l'industrie pharmaceutique. Je suis conscient des problèmes que posent les brevets. Je crois qu'il faudrait faire davantage d'effort pour trouver des chercheurs en science fondamentale, dans les instituts ou des institutions universitaires diverses, en collaboration avec les organismes subventionnaires, pour apporter le soutien voulu à certains de nos meilleurs chercheurs. Cela leur pose un énorme problème, comme vous le savez. Rien n'est plus fragile, dans tout le secteur de la santé, que le chercheur qui doit constamment présenter des demandes et se soumettre à l'examen de ses pairs pour obtenir de quoi subsister.
J'ai parlé à certains de vos collègues du financement conjoint du personnel de recherche des institutions de recherche et de la création de chaires pour assurer un engagement à long terme.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? J'essaie peut-être de vous sensibiliser à ce problème.
M. Mitchinson: Non seulement j'y suis déjà sensibilisé, mais j'ai le plaisir de dire qu'au cours de l'année écoulée, nous avons créé 14 chaires dans des universités des diverses régions du pays, à un coût moyen d'environ 1 million de dollars par chaire. Elles sont gérées par l'université, en accord avec cette dernière. Nos droits sur les recherches se situent uniquement au niveau de la propriété intellectuelle. Comme vous l'avez dit, cela permet à un chercheur de disposer d'un financement stable. L'université peut s'engager envers lui et l'entourer d'autres experts en puisant dans d'autres sources de financement.
En collaboration avec le gouvernement de l'Ontario, nous avons emmené un groupe de chercheurs de l'Université de Toronto, du ministère des Sciences et de la Technologie et de notre propre compagnie à Triangle Park, en Caroline du Nord, où se trouve notre siège social aux États-Unis. Ce noyau a créé une grappe réunissant les universités, les industries locales et le gouvernement et a créé un bureau qui assure la coordination de ces trois secteurs et redirige une partie des fonds destinés à la recherche. À l'heure actuelle, les universités ont leur propre programme de recherche, le gouvernement a le sien tandis que nous avons le nôtre. Peut-être pourrez-vous examiner ce qui a été accompli lorsque vous vous pencherez sur la question de la recherche. Comment créer des grappes pour regrouper les subventions de recherche de façon à ce que les chercheurs examinent ensemble les problèmes que vous avez décrits?
Le sénateur Keon: Madame Farnham, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de vos programmes informatiques et de la protection des renseignements personnels contenus dans les dossiers médicaux. C'est un obstacle assez important pour le moment. Les renseignements médicaux sont entreposés sans aucune précaution. Le dossier papier présente sans doute davantage d'intérêt qu'un programme informatique.
Si un patient fait exécuter une ordonnance dans une pharmacie, le pharmacien d'une autre pharmacie peut-il obtenir ces rensei gnements sans le consentement du patient?
Mme Farnham: Non. La Loi sur la protection des renseigne ments personnels nous interdit de rendre ces renseignements disponibles. Ce serait possible sur le plan technique, mais la Loi ne nous y autorise pas.
Le sénateur Keon: Si quelqu'un fait exécuter une ordonnance à Vancouver et vient à Toronto pour renouveler son ordonnance, lorsque votre pharmacien consulte l'ordinateur, quels renseigne ments obtient-il?
Mme Farnham: Si le dossier du patient est à Vancouver, nous n'avons aucun renseignement sur ce patient à Toronto. Si le pharmacien de Toronto a besoin de renseignements au sujet du patient, il est obligé d'appeler la pharmacie de Vancouver pour obtenir les renseignements dont il a besoin.
Le sénateur Keon: Supposons que le patient ait déjà fait exécuter une ordonnance à Hamilton, que verrez-vous apparaître à l'ordinateur?
Mme Farnham: Encore une fois, si le patient n'est pas allé avant dans cette pharmacie de Toronto, le pharmacien ne pourra pas savoir ce qui s'est passé à Hamilton.
Le sénateur Keon: Je vous remercie de vos réponses et de ce que vous essayez de faire. J'espère qu'un jour tout cela sera relié.
Monsieur Elliott, vous avez soulevé une question que pratique ment tout le monde soulève ici, celle du mode de rémunération des médecins de première ligne, qui dresse un obstacle énorme pour l'intégration des professionnels de la santé au Canada. Avez-vous une solution à nous suggérer?
M. Elliott: Je ne suis pas certain de pouvoir vous éclairer davantage que les autres personnes qui ont soulevé cette question.
Nous craignons que la rémunération à l'acte favorise le traitement des maladies, mais pas la santé. Elle favorise une surutilisation des services plutôt qu'une sous-utilisation.
Nous devons tous joindre nos efforts. Les pharmaciens peuvent faire partie de l'équipe pour gérer la médication des patients et réduire le nombre de visites aux hôpitaux et aux médecins en recourant aux méthodes que Mme Farnham a décrites pour la surveillance et le suivi de l'utilisation des médicaments.
Les pharmaciens sont aussi rémunérés à l'acte. Cela pose également des problèmes étant donné que la capacité du pharmacien à offrir divers types de soins et de programmes n'est pas rétribuée.
Plusieurs études ont été réalisées, aux États-Unis et au Canada, là où des programmes de rémunération ont été mis en place par des assureurs privés. Dans certains cas, il s'agissait d'initiatives gouvernementales. Je crois qu'au Royaume-Uni les pharmaciens sont rémunérés pour faire une intervention. Je pourrais citer un exemple au Québec où, pendant plusieurs années, les pharmaciens étaient payés pour ne pas exécuter d'ordonnances. Ils donnaient leur opinion par écrit lorsqu'ils estimaient que le patient courait un risque en prenant le médicament prescrit et ils étaient rémunérés pour ne pas avoir exécuté l'ordonnance. Voilà le genre de programmes qui pourraient être mis en place.
Il existe certainement un juste équilibre entre la rémunération à l'acte, le salaire et le paiement par capitation. Néanmoins, nous n'avons peut-être pas la réponse exacte à cette question.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Elliott, n'êtes-vous pas d'accord avec les achats en vrac?
M. Elliott: Je ne vois rien de mal aux achats en vrac, et mon collègue à ma gauche voudra probablement en discuter avec moi, dans la mesure où les contrats sont établis de façon à ce que la livraison au client ultime, au patient, soit régulière et fiable.
Nous craignons que, si vous misez entièrement sur un produit donné, sur une marque ou une sélection, en cas de problèmes d'approvisionnement ou de disponibilité ou encore de hausse inattendue de la demande ou de changement au contrat, il y ait des risques pour le patient à cause d'un changement de produit ou parce que le produit n'est plus disponible.
Nos collègues de Nouvelle-Zélande ont signalé plusieurs cas où ils ont dû rationner des médicaments. L'ordonnance prévoyait 100 pilules, mais le patient n'en obtenait que 10, 15 ou 20 en attendant que le problème d'approvisionnement soit réglé.
Le sénateur Callbeck: Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Mitchinson: Je ne prétends pas être un expert de l'achat en vrac. Nous savons que cela se produit sur le marché générique ou sur le marché des médicaments brevetés lorsque le brevet est expiré. La Saskatchewan a obtenu d'assez bons résultats avec les contrats de commande permanente. Elle lançait un appel d'offres pour un produit, le prix était fixé et elle s'adressait alors au fabricant retenu. Sur le marché des médicaments génériques, la question des appels d'offres et de l'établissement du prix de base ne se pose pas étant donné que tout le monde peut offrir un prix comparable.
Mme Farnham: Si l'on envisageait l'achat en vrac au niveau national, cela pourrait causer un certain nombre de problèmes. Si le gouvernement achète des médicaments en vrac à une telle échelle, il peut décider du sort d'un fabricant, décider s'il continuera d'exister ou non. Cela soulève la question de la concurrence. Vous pouvez devenir très dépendant d'un fournisseur et, même si cela vous permet de réaliser des économies et des gains d'efficacité à court terme, à long terme, vous risquez de devoir payer des prix plus élevés et de trop dépendre de votre fournisseur. Il faut être très prudent lorsqu'on envisage l'achat en vrac. En tant que détaillants, nous devons tous tenir compte du caractère concurrentiel du marché. À l'échelle où le gouverne ment fédéral le ferait, l'achat en vrac risquerait de causer des problèmes bien réels. Nous vous exhortons à la prudence.
Le sénateur LeBreton: Mon autre question concernait la publicité qui s'adresse directement aux consommateurs. Vous y opposez-vous pour les médicaments délivrés sur ordonnance ou pour tous les médicaments?
M. Elliott: Nous avons des hésitations en ce qui concerne la publicité pour les médicaments délivrés sur ordonnance parce que nous craignons qu'elle fasse augmenter la demande de médica ments qui ne sont peut-être pas nécessaires. Comme la plupart des médecins sont très occupés, nous craignons qu'un patient se présente après avoir fait son propre diagnostic, convaincu d'avoir besoin d'un certain produit et qu'il exerce, directement ou indirectement, des pressions sur le médecin pour qu'il le lui prescrive.
Les patients n'obtiennent peut-être pas toute l'information voulue dans l'annonce publicitaire. Nous nous demandons si cette annonce devrait décrire tous les effets secondaires, les effets négatifs et les interactions avec d'autres médicaments. La décision de prescrire un médicament devrait être prise par le médecin et son patient à partir de l'information disponible plutôt qu'à partir de la publicité dans les médias.
La publicité pour les médicaments en vente libre existe depuis longtemps et ne pose pas de problèmes. Je pourrais passer les deux prochaines heures à vous raconter des anecdotes vous montrant pourquoi c'est un problème pour les pharmacies, mais c'est une autre question. La reconnaissance du nom des médicaments en vente libre pose un problème lorsque plusieurs des ingrédients contenus dans ces produits portent la même marque. C'est ce que nous avons appelé l'élargissement de la gamme, faute de meilleur terme. Cela sème la confusion dans l'esprit des patients qui choisissent souvent le mauvais produit. Nous les incitons à parler à leur pharmacien avant d'acheter certains médicaments en vente libre afin qu'ils soient sûrs d'obtenir le bon produit ou du moins, celui qu'ils pensent acheter.
Le sénateur Robertson: Je remarque que vous parlez, dans un de vos documents, des facteurs qui augmentent le coût des soins de santé. Vous dites que le montant que les Canadiens dépensent en médicaments, par rapport à l'ensemble des dépenses pour la santé, est l'un des plus bas des pays du G-7. Nous sommes en dessous de la moyenne des autres pays industrialisés. Quel est, de ces pays, celui qui dépense le plus pour les médicaments brevetés?
M. Mitchinson: Ce sont les États-Unis.
Le sénateur Robertson: Y a-t-il des pays où les médicaments coûtent moins cher qu'au Canada? Pourquoi y a-t-il une différence?
M. Mitchinson: Plusieurs facteurs entrent en jeu. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a fait un excellent travail en assurant un juste équilibre, autrement dit, un prix moyen entre les pays européens et les États-Unis tout en favorisant l'innovation. Nous ne sommes parfois pas d'accord avec son interprétation, mais son travail a eu pour résultat de donner au Canada soit le prix moyen d'un médicament donné ou l'un des prix les plus bas.
Par ailleurs, chaque province fixe une limite de rentabilité que nous devons respecter. Si nous voulons avoir accès aux formulaires des provinces, nous devons démontrer la valeur du médicament, ce qui a également un effet sur le prix réel du produit.
Le sénateur Robertson: Si nous avions un régime national d'assurance-médicaments, cela réduirait-il encore plus les coûts?
M. Mitchinson: À l'heure actuelle, le CEPMB joue un rôle efficace. Il y a deux choses à considérer. Est-ce qu'un régime national d'assurance-médicaments élargirait l'accès des Canadiens aux médicaments? Le régime québécois est peut-être une option que le comité pourrait envisager. Est-ce que cela permettrait d'avoir accès aux nouvelles technologies? Pas forcément. Il y a des variations énormes d'un bout à l'autre du pays. Cela dépend de votre idéologie.
Pour ce qui est des prix, le marché générique pourrait peut-être les faire baisser davantage. Néanmoins, le genre d'examen qu'il faudrait réaliser au niveau national serait similaire à celui qui est fait dans chaque province et qui porte sur le médicament que le produit supplante.
Il est peu probable que les achats en vrac ou ce genre de méthode crée une concurrence en matière de prix.
Le sénateur Robertson: Si j'ai bien compris, cela n'aurait pas énormément de répercussions sur le prix d'un produit.
M. Mitchinson: Je vous demanderais de tenir compte, encore une fois, de l'exemple de la Saskatchewan. Cette province a opté pour la méthode du contrat permanent, sans but lucratif alors qu'elle avait l'un des marchés pharmaceutiques les plus petits du pays et elle a quand même réussi à obtenir les prix les plus bas.
Le sénateur LeBreton: Vous reconnaissez qu'il faut faire énormément de recherche pour mettre au point un nouveau médicament. Quel pourcentage du budget total de GlaxoSmith Kline, par exemple, est consacré à la recherche? Avez-vous le droit d'en parler?
M. Mitchinson: Cela varie d'une année à l'autre. Il y a plusieurs définitions de la recherche. Il y a celle du CEPMB et il y en a d'autres. Environ 13 p. 100 de nos recettes servent à financer la recherche.
Le sénateur Robertson: Cela comprend-il les chaires de recherche dont le Dr Keon a parlé?
M. Mitchinson: Oui.
Le sénateur Robertson: Faites-vous la plupart de vos recherches dans vos propres laboratoires?
M. Mitchinson: Non. En général, nous la faisons en collabora tion. Nous avons eu une collaboration intéressante avec BioChem, de Montréal, qui a mis au point le 3TC, un élément de la thérapie contre le SIDA. Nous avions conclu un marché avec cette compagnie. Elle a mis le produit au point et nous avons travaillé avec elle à sa mise en marché.
Nous avons également trouvé intéressant de travailler avec les chercheurs universitaires du Canada. Le Canada a des chercheurs de calibre mondial dans divers domaines de la recherche sur les maladies et nous collaborons avec eux dans le cadre de plusieurs programmes. La recherche se fait sur plusieurs fronts.
Le sénateur Robertson: Quelle est votre plus grosse dépense?
M. Mitchinson: Ce sont sans doute nos dépenses commercia les.
Le sénateur Robertson: Voulez-vous parler de la publicité?
M. Mitchinson: Il s'agit des dépenses que nous faisons pour promouvoir nos produits, pour informer les médecins et les patients sur nos produits et pour travailler avec les pharmacies.
Le sénateur Robertson: N'y a-t-il pas un meilleur moyen d'éduquer les médecins que nous ne le faisons actuellement? Ne vaudrait-il pas mieux d'avoir un programme national? J'ai l'impression qu'un grand nombre de généralistes ne connaissent pas les avantages de certains médicaments et qu'il leur arrive souvent, après une consultation, de rappeler le patient pour modifier son ordonnance.
Je pense que ma meilleure source d'information est mon pharmacien. Si j'ai le moindre doute au sujet de ce que mon médecin m'a prescrit ou même si je n'ai aucun doute, je m'assure toujours que l'interaction entre ce médicament et les autres médicaments que je prends n'aura pas d'effets indésirables. Les capacités des pharmaciens sont sérieusement sous-utilisées.
Il y a des années, quand on avait le rhume, la rougeole ou une autre maladie, on allait demander conseil au pharmacien. Plus personne ne semble le faire. N'est-il pas une meilleure façon d'éduquer les pharmaciens et particulièrement les médecins généralistes? Ils ont beaucoup de mal à se tenir au courant. Ils ont toute ma sympathie. Néanmoins, les consommateurs sont égale ment insatisfaits parce qu'ils se rendent compte qu'ils n'obtien nent pas suffisamment d'information sur les nouveaux médica ments. Si nous avions un programme national d'assurance-médi caments, cela n'améliorerait-il pas les choses? N'y a-t-il pas une meilleure solution?
M. Elliott: Si vous le permettez, les pharmaciens du Canada ont une excellente formation et, dans toutes les provinces, ils doivent se soumettre régulièrement à des tests de compétence. Les patients demandent souvent conseil aux pharmaciens.
Dans de nombreuses provinces, les pharmaciens financent eux-mêmes leurs centres d'information sur les médicaments qui ont accès à des données mondiales objectives sur pratiquement tous les produits pharmaceutiques que nous utilisons au Canada. Nous y trouvons souvent de bonnes sources d'information provenant d'Europe ou d'ailleurs. Les pharmaciens ont accès instantanément aux renseignements dont le patient a besoin. Nous communiquons régulièrement avec ce service. Nous préparons couramment des copies papier et de la documentation que nous remettons aux patients pour les informer au sujet des médica ments inhabituels ou des nouveaux médicaments.
Les renseignements sur les nouveaux médicaments que fournissent nos collègues de l'industrie pharmaceutique sont souvent disponibles sous forme de recherche avant que le public n'y ait accès. Les pharmaciens peuvent l'obtenir et la diffuser. Nos collègues nous informent et nous aident à obtenir ces renseignements.
Le sénateur Robertson: Les transmettez-vous, à votre tour, aux médecins?
M. Elliott: Absolument. Nous partageons ces renseignements avec les professions médicales. Nous avons des programmes d'éducation sous forme de conférences et nous fournissons de la documentation écrite. L'Association des pharmaciens du Canada publie des mises à jour, électroniques et imprimées. Ces renseignements sont disponibles. Ce sont souvent les questions posées par les patients qui nous incitent à produire des renseignements. Ils soulèvent souvent des questions que personne d'autre n'a posées.
Le sénateur Robertson: Les choses progressent si vite que je ne sais pas comment on peut se tenir au courant de toute l'information. Ce doit être très difficile pour les médecins, les pharmaciens et pour tout le monde.
Mme Farnham: L'une des recommandations de notre mémoi re propose de confier aux pharmaciens le soin d'assurer la formation continue des médecins en pharmacothérapie. Des projets pilotes ont été réalisés en Australie et un travail préliminaire est actuellement effectué en Ontario. Nous pensons qu'il faudrait entreprendre davantage de projets pilotes de ce genre pour voir si nous pouvons obtenir les résultats que vous recherchez.
Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous consacrez13 p. 100 de votre budget à la recherche. Vous avez ensuite parlé des dépenses que vous faites pour promouvoir un médicament et informer le public. Quel pourcentage de votre budget cela représente-t-il?
M. Mitchinson: Nos dépenses commerciales couvrent la période qui précède d'environ deux ans l'homologation du produit. Ces dépenses comprennent les études d'économie médicale, la mise en place de programmes d'éducation, l'établis sement de directives et la compilation d'autres documents comme la promotion de nos produits. Ces dépenses peuvent atteindre15 à 22 p. 100 au cours d'une année.
Le président: Je tiens à remercier les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente: Chers collègues, nous allons entendre notre dernier groupe de témoins. Nous recevons Donald Hurley, président de Medtronic; Bill Gleberzon, directeur administratif adjoint, Canada's Association for the Fifty-Plus. Je vois mon amie Lillian Morgenthau.
Mme Lillian Morgenthau, présidente, CARP: Nous avons changé notre nom pour celui de Canada's Association for the Fifty-Plus. Nous trouvions que le mot «retraités» ne convenait pas vraiment pour des gens de 50 ans. Ils aimeraient beaucoup être à la retraite, mais ils ne sont pas assez vieux.
La vice-présidente: Nous recevons également Cheryl Gulliver, de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, Cameron Crawford, président de l'Institut Roeher et le Dr Ed Brown, directeur du Nouveau réseau Télésanté
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
Je vais profiter de la prérogative de la présidence pour commencer par vous, monsieur Crawford.
M. Cameron Crawford, président, Institut Roeher: Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité. Je vous demande de m'excuser de vous avoir remis mon mémoire à la dernière minute, mais je n'ai pas eu le temps de le faire avant.
Je vais simplement en souligner les principaux points. Il porte principalement sur les idées présentées dans «Questions et options». Je tenais à centrer la discussion sur ce rapport.
«Questions et options» représente un travail impressionnant. Ce document contient énormément de choses. Il est pratiquement impossible d'en faire le tour en quelques minutes. Je m'excuse donc à l'avance des lacunes que pourrait présenter mon exposé.
L'Institut Roeher analyse les politiques publiques sur les questions concernant les personnes handicapées. Nous examinons les questions touchant la sécurité du revenu, la santé, la planification sanitaire, le marché du travail, et cetera. Notre programme de recherche est assez vaste. Nous nous sommes penchés, par le passé, sur les questions concernant la santé et la planification sanitaire.
Notre mémoire vous donne le contexte. Il précise qu'il y a au Canada environ 4 millions de personnes handicapées. La proportion de personnes âgées handicapées augmente assez rapidement après l'âge de la retraite. Après l'âge de 70 ans, environ la moitié des retraités ont un certain handicap.
Notre document donne ensuite un aperçu de la santé générale des personnes handicapées. Notre Institut n'utilise pas le modèle médical lorsqu'il parle des handicaps. Le modèle médical considère le handicap comme une maladie en soi. Nous ne souscrivons pas à ce principe. Néanmoins, nous devons dire que le niveau de santé générale dont les personnes handicapées font état est nettement inférieur à celui de l'ensemble de la population canadienne. Un peu moins de la moitié des personnes handicapées se disent en excellente ou en bonne santé comparativementà 75 p. 100 environ pour les Canadiens qui ne sont pas handicapés.
Nous examinons ensuite l'utilisation que les personnes handi capées font du système de soins de santé. De façon générale, elles ont davantage tendance à consulter des médecins, à être hospitalisées et à utiliser les services d'urgence. Lorsque l'hospitalisation est nécessaire, ces personnes ont davantage tendance à séjourner plus longtemps à l'hôpital.
Les personnes handicapées ont également plus de difficulté à avoir accès aux services de soins qu'elles jugent nécessaires. L'Enquête nationale sur la santé de la population a posé, l'année dernière, la question suivante: avez-vous eu l'impression de ne pas avoir reçu des services de santé dont vous aviez besoin? Un très fort pourcentage des personnes handicapées ont répondu par l'affirmative, mais seulement une très faible proportion des personnes sans handicap. Nous en expliquons les principales raisons. Le coût est la principale raison pour laquelle les gens n'ont pas accès aux services dont ils ont besoin.
La dégradation de l'état de santé s'accompagne d'une baisse du revenu personnel et d'autres désavantages sur le plan social et économique. La Cour suprême l'a reconnu. Nous citons, dans notre mémoire, un extrait d'un jugement rendu par la Cour suprême. Nous y mentionnons également une publication récente des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des services sociaux. Nous faisons valoir que plus les désavantages s'accumulent, plus les effets indésirables sur la santé s'accumu lent également. Et quand les gens sont en mauvaise santé, ils ont tendance à être également dans une mauvaise situationéconomique.
Les gens en mauvaise santé ont également nettement moins de chances d'avoir une assurance-santé ou une assurance-médica ments. Dans l'ensemble, plus de 25 p. 100 des personnes handicapées n'ont pas d'assurance-médicaments. Plus leur handi cap est grave, plus elles risquent de devoir payer de leur poche toute une série de biens et de services que leur état nécessite.
Compte tenu de ce qui précède, une mauvaise santé associée à une mauvaise situation socio-économique et une capacité moindre de payer les services de santé nécessaires, que faut-il penser des questions et des options? Le droit aux soins de santé existe-t-il ou est-ce seulement une illusion? Si l'on prend la Loi canadienne sur la santé, la Loi constitutionnelle et les décisions de la Cour suprême, on pourrait dire que ce droit existe. S'il y a érosion de ce droit, cela s'ajoute à la sérieuse érosion des droits des handicapés sur le plan de l'éducation, du travail, de la justice civile et de la justice pénale, entre autres. On peut difficilement parler d'un droit facultatif.
Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, notre mémoire examine les rôles décrits dans «Questions et options» sur le plan du financement. Nous ne pensons pas que, dans un avenir immédiat, on voudra envisager un partage des frais entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le partage des frais a été répudié au milieu des années 90 par les gouvernements provinciaux; il a été abandonné lors de l'avènement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le système actuel de financement de base n'assure pas une bonne reddition de comptes. Nous ne savons pas quels sont les résultats obtenus avec l'argent du gouvernement fédéral sur le plan de la santé. Nous ne savons pas non plus quels sont les résultats obtenus sur le marché du travail. Et c'est dans le contexte d'ententes qui prévoient une reddition de comptes. Cela ne marche pas.
Dans votre rapport, vous parlez d'apporter des améliorations au TCSPS, ce qui est tout à fait logique. Si une partie du TCSPS était consacrée aux soins de santé, si les transferts aux provinces étaient fonction d'une échelle mobile, qui tiendrait compte non seulement du nombre de personnes âgées dans une province, mais aussi des personnes qui se rapprochent de l'âge de la retraite et des personnes handicapées, cela reposerait sur des bases plus réalistes. Il y a une bonne partie de la population non âgée d'une province qui est handicapée au cours d'une année donnée. Un tableau le montre à la page 8 de notre document.
Nous parlons ensuite des comptes d'épargne-santé, les CES. Ils pourraient présenter plusieurs avantages. Par exemple, ils offri raient un partage du contrôle, ce que beaucoup de gens apprécient. Néanmoins, cela pourrait être absolument catastrophi que pour les gens qui ont de gros besoins médicaux. Nous donnons quelques exemples des torts que les CES causeraient à certains groupes de gens.
La conversion des transferts pécuniaires du TCSPS en points d'impôt entraînerait la fin des discussions fédérales-provinciales sur la santé. Cela veut dire que le gouvernement fédéral se désisterait complètement de la santé. Nous faisons également valoir dans notre mémoire, qu'il est important pour la santé et le bien-être des Canadiens que le gouvernement fédéral continue à jouer un rôle dans la recherche, la promotion de la santé et le reste. Il est peu probable que les provinces puissent remplacer le gouvernement fédéral s'il se retire.
Votre comité a proposé des méthodes visant à générer de nouvelles recettes pour la santé. Toutefois, les personnes handicapées ont des revenus moins importants et sont donc moins en mesure de payer, soit par l'entremise du régime fiscal, soit directement. Une forme de cofinancement, de préférence un régime d'assurance dont le coût serait faible et uniforme et ne tiendrait pas compte de la valeur des services consommés, allégerait le fardeau des personnes qui doivent faire de grosses dépenses pour leur santé et serait sans doute jugée plus équitable.
Les personnes handicapées accueilleraient favorablement un régime d'assurance-médicaments. Je vous exhorte toutefois à en faire bénéficier les personnes qui ne touchent pas les prestations d'aide sociale. Les personnes handicapées qui ont un faible revenu sont dissuadées de rester sur le marché du travail parce que bien souvent, elles n'ont pas d'assurance-médicaments contrairement aux associés sociaux. De nombreuses personnes handicapées se réjouiraient de la mise en place d'un programme d'assurance-médicaments; cela leur permettrait de participer davantage à la vie sociale et économique du pays au lieu de dépendre de l'assistance sociale.
Mme Cheryl Gulliver, présidente, Association canadienne pour l'intégration communautaire: Honorables sénateurs,l'Association canadienne pour l'intégration communautaire esti me que tous les Canadiens devraient vivre dans la dignité, qu'ils soient vulnérables ou non. Je suis accompagnée aujourd'hui de ma fille Margot. Je ne vous dirai pas mon âge, mais je peux vous dire qu'elle a 30 ans. Cela fait 30 ans que nous vivons ensemble et que nous nous battons avec fierté pour les droits humains et l'égalité. De l'autre côté se trouve Connie Laurin-Bowie, une analyste politique. Elle m'aide à donner un sens à mon action.
Je vais lui demander de prendre la parole.
Mme Connie Laurin-Bowie, directrice administrative,Association canadienne pour l'intégration communautaire: Je vous remercie de nous avoir invitées à prendre la parole devant le comité.
L'Association canadienne pour l'intégration communautaire est une fédération nationale de 13 associations provinciales et territoriales des quatre coins du pays. Nous comptons plus de 400 associations locales. Nous défendons les intérêts des défi cients intellectuels et de leurs familles.
Notre mission consiste principalement à aider les familles à bâtir des collectivités inclusives. Pour les personnes handicapées, cela veut dire que nous créons au sein de nos collectivités des systèmes qui leur permettent d'aller à l'école, de travailler et de participer à la vie communautaire à divers titres.
Pendant des années, nous nous sommes efforcés de faire comprendre la distinction entre l'invalidité et la santé et c'est seulement récemment, je crois, que nous avons compris la nécessité de continuer à nous battre pour l'accès aux services de santé. Les Canadiens ont l'impression, et c'est surtout vrai pour les gens qui vivent à l'étranger, que notre système de soins de santé s'occupe des personnes handicapées et que ces dernières sont donc bien traitées au Canada.
En fait, les familles et les personnes handicapées vous raconteront une histoire bien différente. Vous avez dû recevoir un exemplaire de Our Lives, Our Voices, un document qui relate l'histoire de plusieurs familles d'un peu partout au Canada. Je n'en ai pas d'exemplaire sous la main, mais il est rouge et des photos de familles sont sur la couverture. Les histoires que racontent ces familles sont assez complexes et elles ne portent pas toutes sur les besoins médicaux. Mais si vous les parcourez rapidement, vous verrez vite que la santé est reliée de près à tous les autres aspects de leur vie. Cela veut dire que si vos besoins sur le plan de la santé ne sont pas satisfaits, vous ne pouvez pas travailler. Dans une famille où il y a une personne handicapée, il est probable qu'au moins un des conjoints a dû quitter son travail pour prendre soin de cette personne. Ce document décrit certaines des conséquences de cette situation et fournit des données statistiques quant à ses effets sur le bien-être économique et l'état de santé des gens dont un membre de la famille est handicapé.
Nous avons examiné le rapport du comité et deux choses nous ont inquiétés. Il y a d'abord le fait que le rapport ne fait aucune mention des personnes handicapées et c'est pourquoi nous apprécions particulièrement la possibilité de vous parler aujourd'hui. Il y a ensuite les conséquences qu'un grand nombre des options que le rapport semble envisager pourraient avoir pour les personnes vulnérables, et surtout pour les personnes handica pées, en raison de leur vulnérabilité. Prenez par exemple le principe du ticket modérateur pour les personnes qui ont un handicap ou les familles dont l'un des membres est handicapé; ce sont là des options très problématiques étant donné le potentiel de revenu de ces familles.
Cela dit, si nous examinons certaines des raisons pour lesquelles ces options sont envisagées, nous comprenons parfaite ment que le comité se soucie de la viabilité du système de soins de santé. Dans cet esprit, nous pouvons vous faire profiter de notre propre expérience, celle de gens qui ont vécu dans des établissements pendant de nombreuses années. Étant donné que, pendant bien longtemps, l'invalidité a été considérée comme un problème médical, on avait tendance à traiter et à soigner les personnes handicapées dans des établissements. À notre avis, pour vraiment répondre aux besoins des personnes handicapées et, du même coup, de tous les autres Canadiens, nous devons mettre en place des systèmes de soins de santé qui sont intégrés dans notre vie. Cela veut dire qu'il faut transférer, au niveau communautaire, et cela de diverses façons, les responsabilités assumées par les établissements de soins. Cela peut nous forcer à concevoir la santé dans une optique entièrement nouvelle.
Par exemple, les familles qui ont des enfants handicapés peuvent trouver plus avantageux d'obtenir certains services de santé à l'école que d'avoir à quitter l'école pour se rendre à l'hôpital ou chez le médecin. Il existe de nombreuses solutions, que nous n'avons pas encore commencé à explorer et qui pourraient permettre de répondre à nos besoins de santé au sein de la collectivité.
Notre rapport ne décrit pas en détail ces nombreuses recommandations, mais il fournit des précisions sur la vulnérabili té des gens. Avant de céder la parole à Cheryl et à Margot qui vous expliqueront de façon plus personnelle et plus concrète les conséquences du système de soins de santé actuel et les propositions pour l'avenir, je dirais que, d'après ce que nous avons constaté, de nombreuses discussions sur la réforme d'un système laissent souvent de côté la question des personnes handicapées. Quand on se rend compte que ces personnes ont été exclues par inadvertance, on a tendance à chercher une solution distincte pour répondre à leurs besoins. Cela ne sert tout simplement pas les intérêts des personnes handicapées ni ceux du système de soins de santé. Il faut tenir compte des personnes vulnérables dans tout ce que nous faisons au Canada, surtout dans le domaine de la santé.
Sur ce, je vais laisser Cheryl et Margot vous apporter un peu plus de précisions.
Mme Gulliver: Je voudrais vous parler de l'expérience que nous avons vécue, il y a 30 ans, lorsque Margot est née. Mon père et ma mère, qui avaient une petite entreprise, m'ont appris que notre gouvernement prenait soin de sa population. Nous avions l'habitude de payer nos impôts sans regimber. Nous n'étions pas toujours contents, mais nous ne cherchions pas de grosses échappatoires parce que nous pensions que notre famille avait beaucoup de chance de vivre au Canada. Nous étions très fiers de qui nous étions et des idées que nous défendions. Dans cet esprit, je me suis mariée et j'ai inculqué les mêmes valeurs à mes enfants parce que j'y croyais vraiment.
Margot est née il y a 30 ans, à 6 heures du matin, mais avant midi, elle subissait une intervention chirurgicale. Elle est née avec le spina bifida. Cette opération était la première des14 interventions qu'elle a subies au cours des années. Comprenez bien que Margot n'est pas maladive. Elle n'a jamais eu la rougeole ni la rubéole. Elle a un rhume de temps en temps, mais c'est tout. Elle a quand même passé six années en tout à l'hôpital, à tort ou à raison.
J'ai toujours ressenti l'obligation personnelle de m'occuper de mes enfants. Quand nous nous sommes mariés, mon mari a décidé que je devais rester à la maison avec mes enfants. Je tiens donc à vous remercier pour les 45,63 $ par mois que je reçois du RPC, à 65 ans. Je n'ai pas travaillé à l'extérieur de la maison, mais j'ai aimé la vie que j'ai menée. Ce n'était pas une obligation. J'aime énormément la vie que j'ai eue avec mes enfants, mon mari et les autres gens.
Je fais partie de la génération prise en sandwich. Mon père a eu une attaque. Il vit chez ma soeur, qui a le cancer. Nous avons Margot, plus toute la famille étendue. Je n'ai qu'une soeur. Je n'ai jamais pensé que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial nous devait quoi que ce soit. Ce dont je suis convaincue et dont j'ai parlé au départ c'est que j'ai besoin d'un filet de sécurité. Je veux un coup de main. Je veux me retrouver sur un pied d'égalité. Au bout de 30 ans de mariage, je n'ai d'autre revenu que mes prestations et je n'ai aucun espoir d'obtenir un emploi. J'ai le diabète et j'ai également un handicap, car j'ai perdu mon orteil. J'ai aussi une assez grosse canne avec laquelle je pourrais vous frapper.
Je veux seulement être une bonne citoyenne, faire ce que je peux pour aider les autres et vous demander d'en faire autant.
Lorsque Margot allait à l'école, je ne pouvais pas travailler parce que l'école pouvait m'appeler à tout moment pour m'occuper d'elle, lui donner ses médicaments ou faire des choses de ce genre. Je n'ai rien d'autre que de beaux enfants. Cela m'a suffi jusqu'à l'âge de 60 ans, mais ma situation ne me paraît pas très rose avec 45,63 $ par mois.
Margot est une délicieuse jeune femme, qui peut très bien parler en son propre nom. Si elle voulait son indépendance, il faudrait qu'elle aille vivre à côté ce qui nous coûterait 1 500 $ par mois pour une hypothèque ou un loyer. Ce n'est pas possible pour le moment.
Je veux vous faire comprendre à quel point elle se sent vulnérable. Accordez une protection sociale à ma fille et moi-même afin que je puisse mourir en paix.
Je suis une bonne Canadienne et j'aime beaucoup M. Kirby. Les garçons et lui ont pris le petit déjeuner avec moi le jeudi matin pendant je ne sais combien d'années.
Margot?
Mme Margot Easton: L'avenir me fait peur, parce que je n'ai que ma mère et quelques amis. C'est surtout ma mère qui me fait vivre et si quelque chose lui arrivait, qu'est-ce que je deviendrai?
Mme Gulliver: Veux-tu que je t'aide, ma chérie?
Mme Easton: Non.
Mme Gulliver: Très bien, j'obéis.
Mme Easton: J'ai quelques parents et amis. Maman et moi souffrons depuis 30 ans.
Mme Gulliver: Parfois.
Mme Easton: Il y a aussi quelques bons moments. Comprends bien que je vais vivre au moins jusqu'à 100 ans et que tu ne peux donc pas partir avant d'avoir 150 ans.
Mme Gulliver: Nous venons de prolonger de 30 ans la vie de mon père, parce qu'il ne doit pas partir sans moi.
Mme Easton: Je trouve inquiétant de voir notre système de soins de santé tomber en morceaux. Avant, nous n'avions pas peur d'aller à l'hôpital. Nous nous sentions toujours en sécurité et les gens étaient prêts à nous écouter et à comprendre nos besoins.
Il semble que ce ne soit plus le cas. J'ai peur parce que je suis parfois la mieux placée pour défendre mes propres intérêts, mais quand nous allons chez le médecin, je ne suis plus capable de penser et ma mère est là pour me dire: «Tu dois lui parler de telle ou telle chose». Je lui réponds: «Oh oui!».
Où allons-nous aller? Je suis en mesure de m'exprimer, mais il y a d'autres gens qui ne peuvent pas le faire. Ils n'ont personne pour parler en leur nom, pour prendre soin d'eux et leur dire que tout ira bien.
Mme Gulliver: Comprenez bien que Margot et moi sommes ensemble depuis longtemps et que ce n'est plus du tout difficile pour moi. Nous nous sommes battues. Nous sommes à l'aise l'une avec l'autre. Dans son dossier d'hôpital on a inscrit: «Délicieuse jeune femme mais méfiez-vous de la mère». Ce sera comme ça encore longtemps.
Si vous êtes vulnérable, appelez-moi, car je ne vous laisserai pas affronter l'hôpital tout seul.
Mme Easton: Je voudrais ajouter une chose. Je n'ai jamais eu de problèmes de santé avant, parce que nous étions à l'aise. Je me demande quel avenir attend mon neveu, qui n'a pas encore deux ans, lorsqu'il sera plus vieux. J'ai peur pour lui, car si nous ne mettons pas un bon système en place maintenant, ce sera aux dépens de la génération future. Que leur apportera l'avenir?
Mme Gulliver: Mon neveu s'appelle Connor, mais nous l'appelons «Roo». Si Connor était avec nous aujourd'hui, il serait là. Il est âgé de 19 mois et il s'assoit derrière Margot et c'est ainsi que nous le promenons, car je ne peux évidemment pas pousser à la fois une poussette et un fauteuil. Il s'assoit là près à affronter le monde.
Mme Easton: Et c'est lui qui commande.
Mme Gulliver: Malheureusement. Qu'est-ce que vous voulez?
Je vous remercie de votre temps. Nous vous remercions de nous avoir écoutées. Si nous n'avons pas réussi à vous convaincre, vous savez au moins ce que nous pensons de notre situation et de ses répercussions. Merci à tous.
La vice-présidente: Merci, Cheryl et Margot. C'était un témoignage très convaincant. Vous nous avez convaincus.
Je vais maintenant donner la parole à M. Hurley, le président de Medtronic.
M. Donald A. Hurley, président, Medtronic: Merci beau coup de m'inviter de prendre la parole devant le comité. Juste quelques mots au sujet de Medtronic. Medtronic est la plus grande entreprise de technologie mondiale. Nous vendons nos produits dans 120 pays du monde et notre chiffre d'affaires s'élève à 6 milliards de dollars. Nous en consacrons plus de 11 p. 100 à la R-D.
Nous employons 200 personnes au Canada. Nous avons des installations à la fine pointe de la technologie qui fabriquent des stimulateurs cardiaques et, depuis plus récemment, un nouveau produit appelé «Reveal», un enregistreur d'électrocardiogramme implantable inventé par un médecin canadien. Nous le fabriquons au Canada et nous l'exportons dans le monde entier si bien que nous sommes sur la scène mondiale.
Notre chiffre d'affaires annuel au Canada dépasse 150 millions de dollars, dont 20 millions de ventes sur le marché mondial. Nous sommes l'un des rares fabricants canadiens de dispositifs médicaux implantables et nous exportons nos produits dans le monde entier.
Je voudrais parler des options que vous proposez dans votre rapport.
À cause du sous-financement, le Canada a besoin d'un système de soins de santé parallèle, surtout pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer afin que nous puissions offrir des soins à la fois à ceux qui peuvent payer et à ceux qui n'en ont pas les moyens.
En tant que président de Medtronic, je suis responsable de 55 pays. Je peux vous dire qu'au Canada les listes d'attente sont beaucoup plus longues que partout ailleurs dans le monde. Il faut attendre de trois à six mois ou même plus longtemps pour une chirurgie à coeur ouvert et jusqu'à 24 mois pour le remplacement de la hanche. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux.
Nous pouvons comparer le Canada aux autres pays en ce qui concerne le nombre d'interventions par million d'habitants. Je n'ai pas l'intention de vous donner une liste complète. La documentation que je vous ai remise contient davantage de précisions. Lorsque nous nous comparons aux 12 principaux pays industrialisés du monde pour ce qui est du nombre d'interventions par million d'habitants, nous arrivons derrière la plupart d'entre eux. Prenons les défibrillateurs implantables, par exemple. Nous faisons 46 de ces interventions par million d'habitants au Canada contre 212 aux États-Unis et 80 en Allemagne.
Le manque de financement n'est pas le seul facteur en cause. Il y a aussi le fait que la technologie utilisée au Canada n'est pas la plus récente qui soit à cause des obstacles que dresse la réglementation canadienne.
Nous avons des listes d'attente. Le nombre d'interventions par million d'habitants est en baisse. Les provinces consacrent plus de 40 p. 100 de leur budget à la santé. Il faut mettre en place une forme quelconque de systèmes de soins de santé à deux vitesses.
Tel qu'indiqué dans votre rapport, le Canada se place dans le dernier tiers des pays de l'OCDE pour ce qui est de la disponibilité de la technologie médicale. Par exemple, nous arrivons au 17e rang pour le nombre de IRM par million d'habitants, juste derrière la Turquie, et nous n'avons pas les machines les plus perfectionnées.
Notre industrie doit faire face à une réglementation qui ne lui permet pas de mettre en marché des produits adoptés partout ailleurs. Cela a, bien entendu, de nombreuses conséquences. Nous sommes une entreprise de haute technologie qui peut démontrer que ses produits sont efficaces et plus économiques que la technologie existante. Le problème, c'est que le système actuel ne permet pas de rembourser cette nouvelle technologie. Nous sommes en retard par rapport aux autres pays.
Le Canada est le seul des 12 principaux pays industrialisés à ne pas avoir un système de soins de santé parallèle pour le secteur hospitalier. Sur les 100 milliards de dollars qui sont consacrés à la santé, les systèmes de santé à deux vitesses représentent 35 milliards de dollars, mais les hôpitaux se retrouvent entière ment dans un système médical socialisé à une seule vitesse. Les autres pays ont une combinaison des deux. Je pose donc au comité la question suivante: Avons-nous raison tandis que les autres pays ont tort ou devrions-nous mettre en place une solution intermédiaire pour soutenir notre système de soins de santé?
Comme vous le savez, de nombreux médecins quittent le Canada à cause du sous-financement. Je vais simplement vous donner un exemple. Le Canada a 60 électrophysiologistes, les spécialistes de l'électronique cardiaque. Il y a 60 électrophysiolo gistes rien qu'à Philadelphie, par exemple.
La vice-présidente: Et combien avez-vous dit qu'il y en avait au Canada?
M. Hurley: Soixante pour tout le pays.
Mme Gulliver: Soixante à Philadelphie.
M. Hurley: Le Canada doit donc faire face au problème du sous-financement et de la lenteur de la réglementation, deux facteurs qui nuisent au recouvrement des coûts. Notre entreprise devra débourser cette année au moins 500 000 $ pour mettre ses produits en marché et cela à un rythme plus lent qu'avant. Nous sommes établis au Canada depuis près de 35 ans. Nous avons investi énormément dans la R-D. Nous exportons nos produits; nous créons des emplois au Canada. Le Canada a besoin d'un système de santé à deux vitesses. La Loi canadienne sur la santé aggrave encore davantage la situation. Elle prévoit que tous les Canadiens doivent avoir accès à toutes ces nouvelles technologies, mais ce n'est pas le cas, à cause du sous-financement.
Le problème s'aggrave du fait que la Loi canadienne sur la santé ne permet pas à un malade de payer lui-même ce genre de soins.
Il y a au Canada 2 000 personnes qui attendent une stimulation cérébrale profonde pour la maladie de Parkinson. Cent soixante d'entre elle bénéficient de cette technologie. Ce dispositif coûtera au système de soins de santé 50 000 $ sur cinq ans. Par contre, s'il n'est pas implanté, c'est 500 000 $ que cela coûtera sur cinq ans.
Par conséquent, même si nous pouvons démontrer qu'il est plus rentable d'implanter un de ces dispositifs, ce n'est pas fait. Et ce n'est pas fait, parce qu'il y a trois compartiments différents. Le premier est le budget des hôpitaux, le deuxième le budget des soins de santé à domicile et le troisième le budget des médicaments. Il n'y a aucune communication entre eux. Pour cette raison, les gens n'obtiennent pas la technologie la plus rentable.
Le Canada doit s'aligner sur les autres pays. Les autres pays approuvent la technologie médicale bien avant nous. Nous devenons même plus restrictifs, ce qui se répercute sur notre secteur et sur la technologie de pointe, une technologie moins coûteuse et plus rentable que la vieille technologie qui coûtera plus cher au système de santé.
Dans une société qui manque d'argent ou qui n'est pas prête à donner accès aux technologies de diagnostic et de traitement les plus récentes, il faut au moins laisser le choix aux patients. Il faut pour cela mettre en place un système de santé à deux vitesses.
En résumé, nous croyons que, pour que le système canadien de soins de santé puisse survivre, il faudra que les gouvernements et les citoyens se rendent compte que l'assurance-maladie est sous-financée et n'est pas viable à long terme. Il faut mettre en place de nouvelles politiques pour accroître le financement et faciliter une prestation plus efficace des services. Ce faisant, nous améliorerons au lieu de diminuer l'accès des patients aux traitements en plus d'améliorer la qualité des soins en général.
Je vous remercie de m'avoir donné la parole. Je vous invite à venir visiter nos installations, l'une des usines de fabrication robotisée les plus modernes au monde.
Je signale en passant que c'est seulement à cause de la robotique que nous sommes établis au Canada. Le Canada n'a pas les mêmes avantages que la plupart des autres pays sur le plan de la fabrication et de la recherche. Nous avons trouvé un moyen d'être plus rentable grâce à la robotique. Voilà pourquoi nous avons des activités de fabrication et de recherche au Canada. Merci de votre attention.
La vice-présidente: Merci beaucoup, monsieur Hurley, et merci pour votre invitation. J'exhorte certains de mes collègues à vous prendre au mot.
Nous allons maintenant entendre la Canadian Association for Fifty-Plus.
Mme Morgenthau: Je suis la présidente et la fondatrice de CARP.
La vice-présidente: Je faisais partie d'un comité devant lequel vous avez témoigné il y a plusieurs années. Vous m'aviez impressionnée et je suis certaine que vous en ferez encore autant.
Mme Morgenthau: CARP est un organisme sans but lucratif qui regroupe plus de 400 000 membres âgés de 50 ans et plus. Nous publions un périodique qui est lu par plus d'un million de Canadiens. Notre association a de vastes ramifications et fait beaucoup de choses positives.
Nous formulons des recommandations. Nous avons une façon bien précise d'aider le gouvernement à faire les choses dont les gens âgés de plus de 50 ans ont besoin, et même les enfants.
Je demanderais au comité de bien vouloir examiner la documentation que je lui ai remise. Comme elle est volumineuse, prenez votre temps.
Avant de commencer, je voudrais soulever les questions suivantes: Quel est le rapport entre votre comité et la Commission Romanow? Nous devons également témoigner devant elle. Je suppose que vous allez coopérer ensemble de façon à être sur la même longueur d'ondes lorsque vous ferez rapport de vos conclusions et de vos recommandations.
Nous nous contenterons d'aborder certaines des questions soulevées dans le rapport intérimaire du comité. Nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait tenir un débat non idéologique sur la santé. Il faudrait que ce débat soit centré sur l'intérêt supérieur des Canadiens.
La première fois que mon professeur d'économie est entré dans notre salle de cours, il a dit: «Mesdames et messieurs, tout, absolument tout, se base sur l'économie». Nous ne pouvons pas appliquer ce principe ici. La santé n'est pas une question d'économie. L'économie en fait partie, mais il faut également considérer les soins de santé comme une question morale.
Le débat sur tout changement à notre système de santé ne doit pas tenir compte uniquement de considérations financières et juridiques. Les considérations telles que la justice, la rectitude morale et éthique et les répercussions sur la santé en général et la compétitivité économique du pays devraient également entrer en ligne de compte.
Nous nous réjouissons de voir que le comité reconnaît que le vieillissement de la population n'est pas vraiment l'un des principaux facteurs d'augmentation des coûts de la santé, comme le veut le mythe. Le vieillissement n'aura pas vraiment d'énormes répercussions sur l'augmentation des coûts avant 50 ou 60 ans, lorsque les baby-boomers commenceront à mourir. Comme vous le savez, le coût des soins de santé augmente surtout au cours des six derniers mois de la vie. D'ici là, de nouveaux traitements, de nouvelles techniques et de nouvelles technologies auront certaine ment modifié la nature des soins médicaux.
Plus de 100 000 Nord-Américains sont des centenaires. C'est une bonne et une mauvaise chose - une bonne chose parce que nous allons vivre vieux, et une mauvaise chose parce que nous allons coûter cher au système. Ce que votre comité fera aujourd'hui aura des répercussions demain. Par conséquent, aucune mesure précipitée ou irréversible ne doit être prise immédiatement pour assurer la viabilité à long terme du système de santé.
CARP approuve les observations du comité selon lesquelles la santé ne peut pas se comparer aux autres biens et services pour les raisons qu'il a déjà mises en lumière.
Nous sommes d'accord avec le comité pour dire que le système public actuel financé par l'État et à une seule vitesse contribue à définir les Canadiens. Plus particulièrement, par rapport à nos voisins du Sud, nous avons créé un système unique fondé sur le sens du bien commun plutôt que l'individualisme. Si ce système et l'idéologie sur laquelle il se fonde s'effritent ou font place à autre chose, cela nuirait à notre identité de façon irréparable. Les Canadiens sont différents des Américains. Ils ont une idéologie entièrement différente et nous ne voulons pas que cela change.
Nous nous réjouissons de voir que le comité a appuyé les quatre premiers principes de la Loi canadienne sur la santé. Il a toutefois affirmé que le cinquième principe, l'administration publique, nécessite une réévaluation. CARP craint que, si l'un des principes de la Loi canadienne sur la santé est réexaminé, les autres principes finissent par l'être également. Si vous en modifiez un, méfiez-vous des changements qui suivront.
CARP signale que le financement par l'État des services de santé privés est une contradiction. Comment un service de santé privatisé est-il rentable pour ses propriétaires? Car c'est bien là le principal objectif d'un service ou d'un établissement de santé privé. Si les organismes sous administration publique peuvent apprendre et appliquer ce genre de leçons grâce à une meilleure gestion, pourquoi ne pouvons-nous pas en faire autant? Si nous abaissons le salaire du personnel, vous risquez d'en avoir pour votre argent, mais pas plus.
Tout bénéfice excédentaire réalisé par un organisme financé par l'État est soit réinvesti dans l'organisme soit repris par le gouvernement qui assure le financement.
Quels sont les avantages non idéologiques de la privatisation des soins? Ils ne sont pas moins coûteux pour l'État si ce dernier continue à les payer au même taux que les soins dispensés par les établissements publics. De plus, les frais d'administration de la santé sont moins élevés au Canada qu'aux États-Unis. Voilà pourquoi les Américains aiment bien se faire opérer ici, si possible.
La privatisation est un premier empiétement qui risque de détruire le système de santé à une seule vitesse, qui caractérise au moins en partie le système canadien pour ce qui est des hôpitaux et des médecins. Les soins à domicile sont fortement privatisés. Des études démontrent que lorsqu'un système privatisé coexiste avec un système public, c'est aux dépens de ce dernier, comme l'a démontré l'expérience du Royaume-Uni. Le premier ministre britannique, M. Blair, s'est engagé à investir 90 millions de livres, soit trois fois plus de dollars, dans le système public pour lui redonner l'efficacité qu'il a perdue.
Le ticket modérateur - des mots qui font peur. Le sénateur Kirby aurait déclaré: «Il va falloir entreprendre une reconstruction importante et trouver de nouvelles sources de financement, en puisant dans les impôts ou dans la poche des patients». Bien entendu, le patient devra peut-être payer les deux fois.
Il existe néanmoins une troisième option, qui consiste à trouver des moyens de se servir plus efficacement et plus prudemment du montant d'argent disponible actuellement. Le ticket modérateur est en fait un impôt prélevé individuellement de même que collectivement. De plus, il pénalise les gens qui sont malades ou qui cherchent à prévenir la maladie.
Le ticket modérateur peut réduire une utilisation abusive du système et injecter davantage d'argent dans les services sans qu'il ne soit nécessaire d'augmenter l'impôt sur le revenu tout en permettant aux gens qui peuvent payer d'obtenir des soins plus rapidement.
Comment savoir d'avance si une personne fait un usage abusif du système? Que disent les études du nombre de gens qui en abusent réellement? Tout le monde doit-il souffrir à cause d'une petite minorité? Un patient qui demande une deuxième opinion abuse-t-il du système? Il a été beaucoup question de n'autoriser qu'une visite. Je ne crois pas que ce soit acceptable. Il peut arriver que la visite chez le médecin laisse le patient insatisfait et qu'il veuille une deuxième opinion. Allons-nous le lui refuser? Je crois qu'il faudra examiner la question de très près avant de choisir cette voie.
Comme le comité l'a mentionné, les Suédois font payer un ticket modérateur. Le coût d'administration de ce programme équivaut aux recettes perçues. Par conséquent, avant d'imposer un ticket modérateur, nous avons intérêt à examiner soigneusement les avantages que nous en tirerons.
Combien faudrait-il faire payer pour augmenter le montant d'argent injecté dans le système ou réduire les abus et pour produire un excédent en plus de couvrir les frais d'administration? Si les hôpitaux ou les médecins réalisent un bénéfice, quelles conséquences cela aura-t-il sur le financement? Le financement public sera-t-il réduit en fonction de l'excédent accumulé? Combien faudra-t-il faire payer sans pénaliser les personnes à faible revenu? Ces personnes risquent d'attendre, pour se faire soigner, que leur état devienne insupportable, ce qui augmentera le coût de leur traitement.
Les délais de traitement ont certainement besoin d'être améliorés même si, comme de nombreuses personnes l'ont fait remarquer, les Canadiens riches peuvent acheter des services médicaux aux États-Unis. Pourquoi devraient-ils aller dépenser leur argent aux États-Unis? Ils devraient pouvoir obtenir ces services ici.
Les comptes d'épargne-santé qui ont été proposés ont été très peu appliqués, sauf à Singapour.
J'aimerais maintenant passer à la question des ressources humaines. Dans les années 90, les établissements de santé ont été forcés, à cause de la compression des dépenses gouvernementales, à adopter la politique du yoyo en ce qui concerne la gestion des ressources humaines. Ils ont mis du personnel à pied en période de compression, au cours de la première moitié de la décennie et les ont réembauchés ensuite. Les infirmières et le personnel non médical ont été particulièrement touchés.
À cause de cette instabilité, les pénuries de personnel ont également gagné le secteur des soins à domicile. Nous entendons constamment parler du manque d'infirmières et de médecins. Nous avons créé cette pénurie en les congédiant tous et nous devons maintenant les réembaucher. La même chose est arrivé avec les enseignants. On les a tous congédiés et maintenant on veut qu'ils reviennent. Pourquoi les avoir congédiés la première fois? Gardons le personnel que nous avons. Préservons la qualité de notre main-d'oeuvre.
Il y a un sérieux manque de spécialistes en gériatrie au Canada. Très peu d'étudiants en médecine se lancent dans ce domaine. Avec le vieillissement de la population, nous allons avoir besoin d'un plus grand nombre de ces spécialistes.
Dans les années 90, la priorité est passée des soins en établissement aux soins à domicile. Nous vous avons remis notre brochure qui contient 32 recommandations. Si vous l'examinez, vous verrez ce que nous proposons pour les soins à domicile.
En ce qui concerne les soins à domicile, nous avons chargé l'université Queen's de faire une enquête pour nous. Un an plus tard, nous lui avons demandé de faire de nouveau le point de la situation. Je suis au regret de dire qu'elle est très peu encourageante. Les soins à domicile deviennent encore plus importants, comme nous nous en sommes rendus compte après avoir écouté cette jeune femme, mais nous ne faisons rien à cet égard. Le comité devrait se pencher sérieusement sur la question, car c'est ce qui nous attend.
Permettez-moi de conclure. Nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait examiner le système de soins de santé dans le contexte des valeurs canadiennes et cela de façon purement objective. Il faut tenir compte à la fois de ce que la société, les pouvoirs publics et les citoyens ont les moyens de payer et de l'intérêt supérieur de la majorité des Canadiens qui, quel que soit leur âge, un jour ou l'autre, entreront en contact avec le système de santé. Ce contact se fera à titre de patient ou de soignant et ils paieront soit indirectement au moyen de leurs impôts ou directement en sortant l'argent de leur poche. En fait, ce sera souvent des deux façons en même temps.
Pour conclure, je vous remercie de votre invitation; néanmoins, nous regrettons que tous les membres du comité n'aient pas été présents. Ce n'était ni poli ni juste envers nous.
La vice-présidente: Merci beaucoup.
Mme Morgenthau: Vous me connaissez, je dis les choses telles qu'elles sont.
La vice-présidente: J'ai particulièrement apprécié votre exposé et je crois que mes collègues seront d'accord avec moi. Nous nous penchons très sérieusement sur toute la question des soins à domicile et la façon de les intégrer dans notre système de santé.
Le sénateur Robertson: Monsieur Hurley, j'ai une ou deux questions à vous poser pour m'aider à comprendre certaines choses. Vous avez parlé des restrictions, du temps qu'il fallait pour obtenir l'approbation d'une nouvelle technologie. Les mêmes plaintes ont été émises pour ce qui est de l'homologation des nouveaux médicaments.
D'après votre expérience, croyez-vous que ces problèmes sont dus à une insuffisance de personnel au sein du ministère de la Santé ou au manque de compétence du personnel ou que les difficultés à obtenir une homologation dont tant de gens se plaignent visent à économiser de l'argent?
M. Hurley: C'est l'ensemble de ces facteurs. Le fait est qu'il y a un important roulement du personnel. Les entreprises comme la nôtre doivent former leurs employés. Quand ils sont formés, ils ont tendance à aller occuper un autre emploi. Le système est complexe et se fonde sur l'ancienneté.
Les nouveaux dispositifs médicaux deviennent plus compli qués, mais la FDA les approuve maintenant plus rapidement que le Canada. Avant, c'était l'inverse. Bien entendu, les pays européens approuvent encore plus rapidement les nouvelles technologies. La situation est donc due à la fois au roulement du personnel et à une réduction de l'efficacité.
Maintenant, on nous fait payer alors que ce n'était pas le cas avant. Notre entreprise paiera cette année 500 000 $ pour obtenir l'approbation de ses produits beaucoup plus tard que par le passé. Ces frais ont été imposés pour rendre le système plus efficient, pour couvrir les coûts. Mais c'est moins efficace qu'avant.
Le sénateur Robertson: C'est intéressant. C'est ce que nous disent aussi des gens très frustrés par toutes les formalités. Vous dites que vous formez le personnel. Je ne comprends pas pourquoi le système ne peut pas devenir plus efficace. Pourquoi le ministère ne met-il pas en place un groupe de gens expérimentés, afin d'augmenter son efficacité?
M. Hurley: D'autant plus qu'il nous fait payer.
Le sénateur Robertson: Oui. Il pourrait obtenir la participa tion du secteur privé ou coopérer avec d'autres pays. De toute évidence, nos méthodes ne sont pas très bonnes.
M. Hurley: Tous les pays européens se sont harmonisés. Si un produit est approuvé aux États-Unis ou au Canada, il ne devrait pas être nécessaire de faire les mêmes démarches pour obtenir l'homologation dans le deuxième pays. Il devrait y avoir une harmonisation.
Le sénateur Robertson: C'est une véritable honte. Je me réjouis que vous ayez soulevé la question.
La vice-présidente: Et qu'en est-il d'une province à l'autre? Avez-vous le même problème, monsieur Hurley?
M. Hurley: Il n'y a pas d'approbation au niveau provincial.
Notre problème, c'est le manque de financement des nouvelles technologies alors que nous pouvons démontrer qu'elles sont plus rentables que celles qui existent actuellement. C'est ce qu'il y a de plus décourageant pour le secteur de la haute technologie.
La vice-présidente: Ce n'est pas comme pour les produits pharmaceutiques. Vous n'avez pas à vous soucier des questions interprovinciales.
Mme Morgenthau: Si vous le permettez, je voudrais confir mer ce qu'il dit à propos de la norme. CARP a travaillé à l'établissement d'une norme de santé pour l'ensemble du pays. Nous travaillons également sur le dossier de l'homologation des médicaments au niveau fédéral afin qu'il ne soit pas nécessaire de s'adresser à 13 ou 14 provinces et territoires pour faire approuver un médicament. En Angleterre, cela prend 120 jours. Ici, cela peut prendre cinq ans. C'est ridicule. Si un médicament est autorisé au niveau fédéral, il devrait être approuvé automatiquement par les provinces. Le coût de ce médicament baisserait énormément. Je préconise la même chose que ce jeune homme.
Le sénateur Robertson: C'est un des aspects très frustrants de notre système. Il ne serait sans doute pas difficile d'y remédier. Cela nuit aux efforts que nous faisons pour attirer des entreprises dans notre pays. Le Canada doit attirer des sociétés qui mettent au point non seulement des médicaments, mais des nouvelles technologies et qui ne viendront pas s'établir chez nous si cela continue. C'est une très mauvaise situation.
La vice-présidente: Avez-vous le même genre de difficultés dans votre travail, monsieur Crawford?
M. Crawford: La difficulté d'avoir accès aux médicaments au niveau provincial est un problème endémique au Canada. On a souvent demandé au gouvernement de se pencher sur cette question. L'impossibilité d'avoir facilement accès à des médica ments entièrement ou même partiellement remboursés a de lourdes conséquences sur l'état de santé des gens. Cela les empêche d'intégrer le marché du travail parce qu'ils doivent être assistés sociaux pour que le gouvernement provincial paie les médicaments dont ils ont besoin.
On s'est plaint que l'approbation des médicaments et des technologies financés par l'État soit en retard sur les progrès réalisés sur le plan pharmaceutique et technologique. Lorsque le gouvernement se décide à examiner s'il y a lieu de financer un médicament ou une technologie, un autre médicament ou une autre technologie supérieure ont été mis au point entre temps. La liste s'allonge, mais elle est de plus en plus périmée.
Il a été question d'une approche qui permettrait de reconnaître plus rapidement qu'un dispositif ou un médicament est nécessaire dans certaines circonstances. Ce serait une décisiondiscrétionnaire.
La vice-présidente: J'ai une question à vous poser, madame Gulliver, ainsi qu'à votre fille Margot. Votre témoignage était très convaincant.
Le comité va certainement se pencher beaucoup plus énergi quement sur ce sujet, mais y a-t-il quelque chose, dans le système de soins de santé qui vous aide vraiment, vous et les personnes dans votre situation, et qui pourrait être développé? Y a-t-il de bons éléments qu'il faudrait pousser encore plus loin?
Mme Gulliver: Oui. Il faudrait avoir davantage de médecins comme le Dr David Clarkson, qui nous suit depuis 28 ans. Lorsque Margot a quitté l'Hôpital pour enfants, il nous a mis en rapport avec tous les services dont elle avait besoin, le neurologue, l'urologue et les orthopédistes. Il coordonne tous les services. Lorsque les choses vont mal, quand moi-même ou Margot avons besoin de réponses, nous nous adressons au Dr Clarkson. Il est notre coordonnateur, notre planche de salut, celui qui nous conseille le mieux lorsque nous avons besoin d'une deuxième opinion.
Ce qu'il y a d'absolument merveilleux pour nous ce sont les soins à domicile. Nous utilisons les services de la St. Elizabeth Visiting Nurses Association. Nous ne passons pas par une agence privée de soins à domicile, à but lucratif. Je n'aime pas l'idée qu'on profite de ma vulnérabilité pour gagner de l'argent sur mon dos. Je comprends que c'est inévitable, mais certaines personnes oublient parfois pourquoi elles sont là. Il est déjà arrivé que des gens veuillent que ma fille et moi nous nous intégrions dans leur système au lieu de voir plutôt comment ils pouvaient gagner dignement leur salaire en répondant à nos besoins. Sans nous, ils n'auraient pas d'emplois et quand je dis «nous», je ne veux pas dire seulement ma fille et moi, mais de nombreuses personnes comme nous.
D'autre part, on se sent déshumanisé lorsqu'on va à l'hôpital. On vient de m'amputer un orteil. Il était atteint par la gangrène. Un jour, alors que j'étais à l'hôpital et branchée à une intraveineuse, j'ai dû aller aux toilettes, mais personne n'était là pour m'aider. Je n'ai pas besoin de vous dire ce qui s'est passé. L'infirmière s'est contentée de me dire qu'elle était désolée. Je reproche au système de ne pas avoir suffisamment de personnel pour nous traiter avec le respect, la dignité et la compréhension voulus, de ne pas reconnaître que l'hôpital ou le système des soins de santé n'existerait pas sans les patients. Je crois que ce que nous vivons, Margot et moi, n'importe lequel d'entre vous aurait pu le vivre. Peu m'importe que vous ayons 25 ans ou 95 ans. Nous sommes tous vulnérables et il ne faudrait pas distinguer l'invalidité de la vulnérabilité.
La vice-présidente: Vous avez parlé du Dr Clarkson. Vous avez fait valoir qu'il faudrait une certaine coordination, une centralisation des services, n'est-ce pas?
Aviez-vous quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Gleberzon?
M. William Gleberzon, directeur administratif adjoint, Canada's Association for the Fifty-Plus: Oui. La documentation que nous vous avons remise se compose de trois rapports. Le plus récent s'intitule «Homecare in Canada». Je voulais seulement le signaler à l'attention du comité.
Une bonne partie des témoignages que vous avez entendus ici se reflète dans ce rapport qui se fonde sur les opinions de centaines de personnes, peut-être plus. Nous avons étudié en profondeur la question des soins à domicile. Si le comité désire savoir comment fonctionnerait un système privatisé à deux vitesses, je vous suggère de voir comment fonctionne le système de soins à domicile en Ontario, car c'est précisément un système de ce genre.
Vous avez entendu parler des résultats de type de système qui repose avant tout sur les soignants naturels qui sont à 80 p. 100 de femmes. De nombreuses femmes, environ 12 p. 100 m'a-t-on dit, doivent renoncer à leur emploi pour pouvoir prodiguer des soins à plein temps, avec une aide minime de certaines provinces, aucun soutien et aucune rémunération. Comme l'a dit Mme Gulliver, ces personnes doivent se débrouiller sans aucun appui sauf, si elles ont de la chance, le Supplément du revenu garanti. Elles peuvent compter sur un revenu d'environ 12 000 $ par an lorsqu'elles atteignent l'âge de 65 ans. Bien entendu, en raison de la retraite obligatoire et de ce genre de choses, elles ne peuvent pas obtenir d'emploi.
Par conséquent, ce système doit être réexaminé de fond en comble. Quelqu'un a parlé de compartiments. Cet examen devrait se faire en dehors de cette compartimentation. La question de la santé va bien au-delà des soins. Il y a les facteurs déterminants de la santé. Depuis 10 ans, nous avons vu évoluer un système qui a rejeté tout le fardeau sur des gens comme Cheryl Gulliver. Ces personnes forment l'épine dorsale du système. Si le comité se penche sur les soins à domicile, il faudrait commencer par cela.
La vice-présidente: Nous avons déjà entendu dire, lors du témoignage précédent, quelles conséquences cela avait pour la santé de la personne qui dispense les soins.
Mme Gulliver: Nous avons eu un excellent médecin de famille qui n'a peur de personne dans son hôpital et qui veille toujours à ce que nous obtenions ce dont nous avons besoin. Quand Margot est à l'hôpital, j'y vais à 9 heures du matin et j'en repars à 11 heures. J'apporte des boissons et des sandwichs. Tout cela me coûte 20 $ par jour. La dernière fois qu'elle était à l'hôpital, elle y est restée quatre mois. Additionnez 20 $ par jour, sans compter le coût de la télévision et du téléphone que son père a payé. Comprenez-vous?
La vice-présidente: Oui.
Mme Gulliver: Je veux être chez moi et boire mon café dans ma propre tasse. Je n'avais jamais vu le système de soins à domicile sous cet angle. Je suis très heureuse qu'il vienne à nous au lieu que nous ayons à courir à gauche et à droite.
La vice-présidente: C'est un très bon argument.
Mme Gulliver: Je dirais même qu'il est excellent. Voyez-vous mon auréole? Vous avez raison. Je devrais être fière de moi. Margot a encore quelque chose à dire.
Mme Easton: Ma mère et moi avons eu beaucoup de chance. Le Dr Clarkson nous a beaucoup aidées et ne semble pas avoir peur de moi parce que je suis handicapée. Il me dit toujours: «Voilà ce que nous devons faire» ou «Voilà qui nous devons aller voir».
Je me souviens d'être allée me faire extraire mes dents de sagesse. La plupart des gens vont se les faire enlever chez le dentiste et tout est fini. Je suis allée à l'hôpital pour me faire extraire mes dents de sagesse parce que le chirurgien-dentiste avait peur de le faire à son cabinet à cause de mon état.
Il est bon d'avoir le Dr Clarkson qui, comme l'a dit maman, n'a peur de personne. Mais surtout, il n'a pas peur de moi, de mon handicap et de tout ce qui l'accompagne.
Mme Gulliver: Sauf quand elle nous regarde de travers, car nous prenons tous la fuite.
La vice-présidente: Vous aviez quelque chose à dire, monsieur Crawford?
M. Crawford: Les médecins comme le Dr Clarkson sont l'exception plutôt que la règle. Au cours de leur formation, les médecins canadiens ne s'attardent pas beaucoup sur les problèmes particuliers des personnes handicapées. Une proportion énorme de Canadiens souffriront d'un handicap quelconque; c'est presque inévitable avec le vieillissement. Néanmoins, les étudiants en médecine ne reçoivent pratiquement aucune formation au sujet de ce qu'un handicap représente pour l'intéressé et sa famille ni les conséquences sur le marché du travail, et cetera.
Les étudiants en médecine ont peut-être un cours ici et là, sur la neurologie et la gastroentérologie, des cours qui portent sur les aspects biomédicaux, mais pour ce qui est des aspects sociaux, les problèmes auxquels les gens sont confrontés à long terme, les médecins sont généralement très peu informés et ne sont donc pas en mesure de jouer le rôle de coordonnateur.
Si le gouvernement cherchait à élaborer une stratégie de développement des ressources humaines pour le secteur de la santé, ce qui me paraît tout à fait logique, comme vous l'avez mentionné dans Questions et options, je crois que les médecins devraient s'intéresser à ces questions dans les facultés de médecine. N'oublions pas que 10 à 15 p. 100 des patients que les médecins verront au cours d'une année auront un handicap quelconque.
M. Gleberzon: Quand vous vous intéresserez vraiment aux soins à domicile, nous nous ferons un grand plaisir de vous aider, car nous avons fait énormément de travail dans ce domaine.
La vice-présidente: Merci. Lorsque nous terminerons nos audiences d'un bout à l'autre du pays, nous passerons un certain temps à faire le suivi des témoignages reçus avant de commencer à rédiger notre rapport. Il est possible que nous invitions certains d'entre vous à revenir. Je regrette vraiment d'avoir eu à faire comparaître autant de personnes en même temps pour cette dernière audience et d'être aussi pressée par le temps.
Le sénateur Robertson: Je tiens à dire aux témoins combien il est important pour le comité de consacrer énormément de temps aux questions qu'ils ont portées à notre attention. Nous voulons persuader le gouvernement d'établir des normes afin que l'on puisse résoudre les problèmes financiers, qui sont très importants. Il faut attendre longtemps, même pour demander une pension d'invalidité. Il faut plusieurs visites chez le médecin et dans les bureaux du gouvernement pour remplir formulaire après formulai re et établir dossier après dossier. Nous négligerions nos devoirs si nous ne faisions pas quelque chose de concret pour y remédier.
N'allez pas croire que nous n'ayons pas déjà réfléchi aux questions que vous avez soulevées aujourd'hui; nous l'avons fait.
J'ai hâte de lire la documentation que vous nous avez remise. Certains d'entre nous travaillent depuis longtemps, depuis des années, pour essayer de résoudre ces problèmes. Je crois que notre comité peut faire des recommandations très pertinentes.
La vice-présidente: Je suis d'accord. Le sénateur Robertson parle en toute connaissance de cause, car elle était ministre de la Santé au gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick.
Mme Gulliver: Je crains que nous ayons peut-être donné une image pathétique et négative de nous. Sachez bien que Margot Easton et Cheryl Gulliver ont une belle vie. Nous rencontrons parfois des gens qui nous parlent de leurs maladies et que nous prenons en pitié.
Je ne voudrais pas vous donner cette impression.
La vice-présidente: Vous ne nous avez pas du tout donné cette impression.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus. Nous téléphonerons sans doute à certains d'entre vous, pour obtenir quelques renseignements complémentaires. Je m'excuse que nous soyons aussi pressés par le temps.
Sénateur Robertson, avant que nous ne partions, vous et moi, pour poursuivre notre voyage à travers le pays, des membres du public ont demandé à faire une déclaration. Il y a aujourd'hui dans la salle deux messieurs qui ont demandé la parole. Ils ont bien compris qu'ils avaient droit au maximum à cinq minutes par personne et que nous ne poserons pas de questions.
J'invite M. Robert Campbell et M. Clement Edwin Babb à venir faire leurs déclarations.
Monsieur Campbell, je sais que vous avez assisté à un grand nombre de nos délibérations. Je l'apprécie vivement. Je crois que vous avez une déclaration à nous faire. Comme vous le savez, nous vous accorderons cinq minutes au maximum. Aucune question ne vous sera posée, mais votre déclaration sera dûment enregistrée et publiée dans le compte rendu des audiences du comité.
M. Robert S.W. Campbell: Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je ne fais pas partie de la même catégorie que la plupart des témoins que vous avez entendus. Ce sont des gens très compétents dans le domaine de la santé. Pas moi. Je suis un membre du public. Je suis un avocat à la retraite; j'ai pris ma retraite après avoir exercé le droit pendant des années à Toronto.
Je m'intéresse toutefois à la santé. J'ai beaucoup lu sur le sujet dans diverses publications et dans les journaux.
J'aurais une ou deux observations à faire. Vous les jugerez peut-être irrecevables, mais je vous demande votre indulgence.
J'ai été alarmé par certains propos tenus principalement par le ministre de la Santé et le président de ce comité, ainsi que le premier ministre. Ils semblaient conclure, à tort ou à raison, que le système de soins de santé actuel n'est pas viable. Ils semblaient également dire que la solution consistait à imposer un ticket modérateur ou à privatiser davantage les services c'est-à-dire en créant un système à deux vitesses.
Mon autre observation, qui peut également sembler négative, est que je trouve extraordinaire que, pour une question aussi importante, le comité dispose d'aussi peu de temps. Ces deux jours d'audience ont eu lieu dans un endroit très discret. C'est seulement hier que j'ai entendu parler de votre comité et de l'audience d'aujourd'hui.
Si je suis à côté du sujet, c'est surtout parce que je n'ai pas eu le temps de lire le rapport du comité.
J'aurais espéré qu'une audience comme celle-ci se déroule dans une tribune plus importante. L'endroit approprié aurait été Massey Hall où le public aurait pu venir écouter ce que les experts ont à dire au sujet du système de santé et de ses déficiences et entendre des gens proposer des solutions différentes.
Cela dit, j'ai l'impression que le coût des soins de santé a été relativement stable pendant de nombreuses années. Pendant 25 ans environ, si je me souviens bien, il n'y a eu aucun changement important dans le coût du système de soins de santé par rapport au PIB. Il y a toutefois une exception et elle concerne certains aspects particuliers du système.
La vice-présidente: Vous avez deux minutes de plus,monsieur Campbell.
M. Campbell: Merci. Il s'agit des médicaments et de certaines cliniques. Autrement dit, c'est l'élément privatisé du système qui fait grimper les coûts.
En résumé, j'estime qu'il faudrait rejeter les services de santé à but lucratif ou du moins ne pas les élargir davantage. Il faudrait adopter des solutions propres à améliorer le système, au moins à renverser son récent déclin. Il faudrait mettre l'accent sur les soins de longue durée, l'assurance-médicaments et chercher à tout prix à rétablir l'uniformité des soins de santé dans toutes les provinces ou d'un bout à l'autre du pays. Cela permettrait de conserver un contrôle et surtout une administration publique du système ce qui constitue, je crois, l'un des objectifs de l'étude du comité.
La vice-présidente: Merci, monsieur Campbell. Je vais veiller à ce qu'on vous envoie les rapports que nous avons publiés jusqu'ici et ceux que nous nous apprêtons à publier. Nous allons publier deux volumes au cours des semaines à venir. Nous avons déjà publié les volumes 1 et 4 et nous veillerons à ce que vous obteniez les volumes 2 et 3. Je vais demander au greffier d'en prendre note afin que vous les receviez par la poste.
Je vais maintenant demander à M. Babb de s'approcher.
M. Clement Edwin Babb: Je vais décliner votre invitation, madame la présidente. Je me ferai un plaisir de retirer ma demande. Ce ne sera pas la fin du monde, ni pour moi ni pour vous.
La vice-présidente: Mais vous avez suivi ces audiences toute la journée.
M. Babb: Non, ça va. J'ai beaucoup appris ces deux derniers jours et je suis satisfait. En fait, je voulais surtout avoir avec vous un échange de questions et de réponses. Dans ce cas, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je préfère m'abstenir.
La vice-présidente: Si vous désirez, vous aussi, que le comité vous fournisse certains documents, nous le ferons avec grand plaisir. Merci beaucoup, monsieur Babb.
La séance est levée.