Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 42 - Témoignages
HALIFAX, le mardi 6 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est réuni à 9 h 02 aujourd'hui pour examiner l'état du système de santé au Canada.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous avons avec nous ce matin deux témoins, le premier panel, Robert Cook, président-directeur général de la Nova Scotia Association of Health Organizations, et Cecil Snow, des Travailleurs canadiens de l'automobile, qui possèdent un certain nombre de syndiqués dans le secteur des soins de santé de la Nouvelle-Écosse. Heather Henderson, la présidente du syndicat des infirmières, se joindra à nous lorsqu'elle arrivera, je présume.
M. Robert Cook, président-directeur général, Nova Scotia Association of Health Organizations: Monsieur le président, je désire au nom de notre association remercier le comité de s'être déplacé en Nouvelle-Écosse pour entendre les Néo-Écossais. La perception existe parfois que les organisations nationales d'Ottawa parlent pour tout le pays, mais il y a une grande diversité dans ce pays. Aujourd'hui, nous vous parlerons d'un sujet qui est uniquement néo-écossais.
Notre régime de soins de santé fait partie intégrante de la trame de la société canadienne. Une présence fédérale forte est nécessaire afin que tous les Canadiens, peu importe la province ou le territoire où ils résident, aient accès à des services de santé analogues. Malgré le nombre croissant de personnes qui estiment que le régime est en crise, les Canadiens croient encore à un régime de soins de santé national et subventionné par les fonds publics.
Les Canadiens estiment que l'universalité ou l'égalité d'accès est le principe le plus important de notre régime de soins de santé. Cette constatation a été signalée par le Conference Board du Canada en février 2001. C'est d'une pertinence évidente. C'est d'actualité et je pense que c'est crédible.
Les Canadiens trouvent aussi que la qualité et l'efficacité sont des facteurs importants et sont disposés à accepter des modifications au régime de soins de santé pour assurer sa viabilité. Ces priorités canadiennes doivent dominer le débat national sur l'avenir des soins de santé dans ce pays. Ce débat doit avoir lieu publiquement et les valeurs canadiennes doivent servir de guide pour les décisions difficiles.
Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle directeur pour définir et ouvrir ce débat ainsi que pour le mener à bien. Une excellente compréhension des priorités et des attitudes du public est vitale pour l'élaboration d'une politique des soins de santé. Les études ont démontré que les Canadiens n'avaient pas d'opinions tranchées à propos du niveau de gouvernement devant assurer les services de santé, mais qu'ils estimaient qu'une présence nationale était nécessaire pour assurer l'égalité d'accès. Le leadership fédéral, fort de son pouvoir de persuasion financier, est nécessaire pour mettre en 9uvre les réformes nécessaires du régime de soins de santé.
La Nova Scotia Association of Health Organizations, la NSAHO, désire faire porter l'exposé que nous vous présenterons aujourd'hui sur deux sujets: la santé en tant qu'investissement économique et la nécessité pour le gouvernement fédéral d'utiliser un modèle de financement basé sur les besoins et adapté à l'âge de la population. C'est là, monsieur le président, l'essentiel de la position que nous désirons vous faire connaître.
Dans la mesure où la santé représente un investissement économique, accroître le financement fédéral des soins de santé et baisser les impôts ont souvent été perçus comme des priorités divergentes. Notre régime de santé contribue cependant non seulement à notre bien-être individuel et collectif mais aussi au rendement économique du Canada.
Par exemple, les entreprises présentes au Canada n'ont pas à assurer la santé de leurs travailleurs, ce qui donne en retour aux corporations internationales une importante motivation pour s'établir dans ce pays. Si nous sommes incapables de conserver notre régime actuel de santé, le coût des assurances désavantagera employeurs et employés. Cela représenterait une hausse d'impôts et diminuerait l'attrait économique du Canada au niveau international. Cet argument a été avancé par le président de la Banque Toronto Dominion. La NSAHO incite le gouvernement fédéral à percevoir son engagement dans le financement de la santé comme un investissement économique dans la santé des Canadiens.
Faut-il davantage de financement fédéral? Absolument, à notre avis. Notre province s'efforce d'offrir des programmes de santé analogues à ceux des autres provinces. Nous n'y arrivons pas dans certains domaines.
Le second élément, monsieur le président, est en fait au c9ur notre exposé d'aujourd'hui au comité. C'est la façon dont le financement fédéral est réparti entre les provinces. Il est réparti au moyen du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le TCSPS, sur la base des points d'impôt et des transferts monétaires. De façon évidente, les points d'impôt favorisent les provinces possédant une base économique solide. Les transferts monétaires sont répartis par habitant, sans rajustement pour tenir compte des besoins des diverses provinces qui perçoivent ces montants. Nous pensons que cette méthode de transfert monétaire constitue en fait une menace pour l'égalité d'accès au régime de soins de santé du Canada.
Notre régime de soins de santé financé par les fonds publics assure des soins aux Canada en fonction de leurs besoins et non de leur capacité de payer. Sous la politique fédérale actuelle, le programme de TCSPS transfère un même montant par habitant à toutes les provinces. Le montant que chaque province reçoit est déterminé par la taille de sa population uniquement. Cette approche ne tient pas compte du «besoin» en services de santé au sein des populations.
En 1999, les dépenses en soins de santé ont constitué 39,3 p. 100 de toutes les dépenses faites par la Nouvelle-Écosse dans des programmes provinciaux. Ces chiffres proviennent de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS. Les comptes publics font état en fait d'un chiffre beaucoup plus élevé, mais je crois que l'ICIS rajuste ses données à des fins de comparaison.
La Nouvelle-Écosse a engagé le deuxième investissement le plus élevé de tous les gouvernements provinciaux à l'exception de l'Ontario, à 40,1 p. 100. Et pourtant, même si 39,3 p. 100 de toutes les dépenses de programmes sont allées aux soins de santé, les dépenses par habitant, c'est-à-dire le montant dépensé pour chaque Néo-Écossais, ont été les avant-dernières moins élevées au pays.
Nous nous trouvons donc dans la situation où le deuxième plus important investissement dans les dépenses de programmes génère le deuxième résultat le moins élevé en termes de contribution par habitant du gouvernement provincial. Monsieur le président et membres du comité, c'est vraiment là le reflet d'un faible niveau d'activité économique, ce qui n'est pas seulement le cas de la Nouvelle-Écosse mais aussi de plusieurs régions de ce pays.
Alors que la moyenne des dépenses dans les soins de santé par habitant au pays est de 2 016 $, la Nouvelle-Écosse ne dépense que 1 835 $ selon l'ICIS. C'est là une donnée de 1999. L'ICIS a rendu publiques des données à jour pas plus tard que la semaine dernière. Elles étaient très actuelles et accompagnées de projections se rendant jusqu'au terme de la présente année financière. Le classement ne s'est pas modifié. La Nouvelle- Écosse paye encore le deuxième montant le plus élevés pour les dépenses de programmes. Elle récolte encore l'avant-dernier rang en termes de ressources par habitant. C'est le reflet d'une économie faible, subissant le contre-coup du déclin des secteurs traditionnels des mines, de la pêche et de l'acier ainsi que du fardeau élevé de la dette que notre province doit assumer.
C'est un fait établi que les populations vieillissantes exerceront une demande plus forte en termes de services sur le régime de santé. Selon Santé Canada, les personnes âgées de plus de 65 ans utilisent 47,7 p. 100 de tous les services de santé. Cela est corroboré par l'examen des dépenses des gouvernements provinciaux et territoriaux dans les hôpitaux en 1998. Passé le cap de 60 ans, les dépenses augmentent de façon importante, passant d'environ 1 000 $ à 2 000 $ par habitant pour les personnes de 60 à 64 ans à entre 4 000 $ et 6 000 $ par habitant pour les personnes âgées de 80 à 84 ans. Le diagramme de l'ICIS dans l'illustration 1 traduit ce fait. Vous pouvez constater que nous débutons dans la vie en utilisant 4 000 $ en dépenses de soins de santé, ce qui traduit en fait les coûts associés à la naissance et au suivi immédiat. Une baisse se produit dès la première année et la situation reste assez stable jusqu'au groupe des 50 à 54 ans, après quoi l'augmentation est régulière avec l'avancement en âge. Je crois qu'il s'agit d'une présentation très efficace de ce que nous cherchons à démontrer, à savoir que les dépenses en soins de santé augmentent avec l'âge.
Personnes âgées les soins de santé sont très onéreux. Le graphique de la page suivante montre que la part des dépenses en soins de santé de 12,7 p. 100 de la population est de 47,7 p. 100. À l'évidence, il existe un grand écart dans l'utilisation des services de santé entre les divers groupes d'âge au sein de la province.
Vous pourriez demander: «Et alors? Quelle différence cela fait-il?» En fait, si les âges étaient également répartis dans tout le Canada, il n'y aurait pas une grande différence. Chaque province, bien sûr, essaierait de prendre soin de sa population. Le problème est que la répartition de l'âge au pays n'est pas également distribuée entre toutes les provinces.
Le graphique suivant illustre ce fait et montre le pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans. Vous constaterez que les chiffres chutent en regard de certaines des colonnes. Le «pourcentage» que vous voyez en haut est le pourcentage de la population ayant plus de 65 ans. Vous pouvez constater en bas, dans la partie ombrée, qu'il varie de 9,8 p. 100 en Alberta à 14,5 p. 100 en Saskatchewan, un écart de 50 p. 100 entre les populations de personnes âgées de ces deux régimes provinciaux de soins de santé. C'est le c9ur de la difficulté: la répartition très inégale des personnes âgées au pays donne naissance à un véritable problème relativement à un financement s'effectuant strictement par habitant.
Si nous passons à la rétroprojection suivante, nous pouvons voir que même si les chiffres de la population semblent stables, ils cachent d'énormes migrations à travers le pays au désavantage de certaines de ses régions. Ce graphique indique qu'il s'est produit une large émigration hors de la Nouvelle-Écosse entre 1990 et 1998; presque 9 000 personnes dans la vingtaine ont quitté la province. Nous nous trouvons donc devant une situation où les jeunes Néo-Écossais quittent pour aller travailler dans d'autres provinces. Ils contribuent de manière présumée à la base fiscale et à l'économie de ces autres provinces. Ils peuvent être mis à pied. Ils peuvent prendre leur retraite. Ils reviennent en Nouvelle-Écosse avec une capacité économique réduite et au moment où leurs besoins en services de santé augmentent. Cela illustre encore une fois ce que nous croyons être un grave problème qui est créé par le fait que nous nous basons sur le financement par habitant du gouvernement fédéral.
Si nous regardons vers l'avenir, ce graphique montre la croissance prévue de la population de la Nouvelle-Écosse jusqu'en 2016. Vous pouvez constater que le secteur de forte croissance est constitué par les gens de plus de 65 ans et qu'il s'agit d'une augmentation de 57 p. 100, par comparaison avec la croissance totale de la population évaluée à 13 p. 100 par Statistique Canada. Il est prévu que la situation empirera.
Le dernier graphique illustre les taux de participation dans l'économie de la Nouvelle-Écosse. C'est évidemment le nombre de gens qui travaillent en Nouvelle-Écosse, et vous pouvez constater que les prévisions montrent une baisse important jusqu'à l'an 2025. C'est pour souligner que nous avons un problème maintenant et qu'il s'aggravera que nous vous communiquons ces faits.
J'aimerais résumer quelques éléments. Les transferts du gouvernement fédéral n'ont pas tenu compte de la pyramide des âges dans les provinces et les territoires. Cela est illustré par la Saskatchewan qui montre le plus haut pourcentage, à 14,5, et l'Alberta qui est à 9,8 p. 100.
Nous présentons donc deux arguments, monsieur le président. L'un est qu'il existe un favoritisme inhérent au programme envers les provinces possédant les plus forts moteurs économiques du pays. J'entends certains d'entre vous penser: «Eh, Bob, la péréquation est faite justement pour ça.» La péréquation ne tient pas compte de la disparité dans la répartition de l'âge à travers le pays. La péréquation ne peut pas tenir compte du fait que nous n'avons pas dans cette province les moteurs économiques présents par exemple en Alberta ou en Ontario. Il n'existe pas de rajustement pour l'âge. Il n'existe pas de rajustement pour la morbidité ou la mortalité, qui sont aussi réparties de manière inégale à travers le pays.
En terminant, j'aimerais signaler aux membres du comité que, lorsque chacune des provinces distribue ses ressources entre ses fournisseurs de services, aucune n'utilise un mode de répartition par habitant. Chacune d'entre elles fait entrer dans ses calculs - officiellement ou officieusement - les besoins des organisations et des régions au sein de leur territoire. Nous estimons qu'il est crucial que le gouvernement fédéral tienne pareillement compte dans ses calculs des besoins en se fondant sur l'âge et la morbidité.
Le président: Merci de votre exposé inspirant, quoique effrayant. Je connaissais les données, mais je n'avais jusqu'à présent rien vu par écrit. Lorsqu'on les voit sous forme visuelle, on réalise que ce qui semble un problème est en fait un gros problème. Merci beaucoup.
M. Cecil Snow, président, Nova Scotia Health Care Council, Travailleurs canadiens de l'automobile: Je suis président des Travailleurs canadiens de l'automobile et du Nova Scotia Health Care Council. J'aimerais vous présenter mon collègue et camarade syndical, Jim Mott.
Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile est le plus gros syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons également 22 500 travailleurs de la santé en Nouvelle-Écosse et en Ontario en vertu des fusions entre syndicats intervenues au cours de la dernière décennie. Nos membres et les autres travailleurs canadiens en sont venus à se reposer sur le régime de soins de santé d'accès universel financé par les fonds publics et administré par le secteur public pour répondre à la majorité de leurs besoins en termes de soins de santé.
Nous proposons au comité notre vision de l'avenir des soins de santé au Canada, particulièrement pour ce qui est de la question principale: assurer la viabilité à long terme pour le Canada d'un régime de soins de santé d'accès universel financé par les fonds publics et administré par le secteur public.
Les TCA-Canada voit notre régime de soins de santé comme un symbole chéri par les Canadiens. Nous le voyons comme un modèle pour les autres pays.
Nous notons que le régime de soins de santé a connu un stress considérable ces dernières années alors que les coupures de financement et les efforts de compressions des coûts aux niveaux fédéral comme provincial ont affecté le financement et la prestation des services de santé. Cela a ouvert la porte à des privatisations déclarées ou passives; au délestage et au déplacement des coûts du financement; et à un rationnement de la prestation des services. Une vaste érosion de l'engagement des gouvernements aux principes de l'universalité et de l'accessibilité s'est produite.
Le syndicat rejette toute tentative de s'en remettre à des mécanismes du marché qui interdiraient aux Canadiens l'accès à la santé. Nous résistons aux tentatives de privatiser le financement actuel des systèmes de prestation de soins de santé - que ce soit par le moyen de frais aux utilisateurs ou par une quote-part, un accès «à deux vitesses» aux soins, des comptes d'épargne médicale, une «assurance médicale en cas de catastrophe», la privatisation des agences de prestation des services ou tout autre forme de modification aux services de soins de santé faisant porter le fardeau sur les utilisateurs.
Les Travailleurs canadiens de l'automobile-Canada recommandent au comité de défendre la viabilité de notre régime canadien de soins de santé de haute qualité, d'accès universel, financé par les fonds publics et administré par le secteur public. La survie de ce système dépend de réformes de la santé ayant pour effet: d'étendre la protection du régime d'assurance-maladie à l'assurance-médicaments, aux soins à domicile et aux soins de longue durée; mettre au point des normes et des programmes nationaux appuyés par un financement national; démocratiser le régime de soins de santé par la participation, l'implication et le contrôle de la population. De plus, les réformes doivent: investir dans la promotion de la santé et élaborer des objectifs en matière de niveau de santé tout en conservant l'accessibilité et des services de soins de santé de qualité; mettre en 9uvre un programme national d'assurance-médicaments; mettre en application une réforme des soins de santé de première ligne; tenir compte de l'apport de travailleurs de la santé et faire appel à des stratégies efficaces en matière de ressources humaines en soins de santé; se servir de ces atouts pour remettre à neuf l'assurance- maladie.
En qualité de syndicalistes, l'universalité constitue pour nous une manifestation de notre engagement pour la solidarité sociale et la conscience qu'»une atteinte à un individu est une atteinte à tous».
Les Canadiens sont récemment devenus encore plus préoccupés par l'avenir de l'assurance-maladie. Les gouvernements à tous les niveaux ont d'abord coupé le financement et réinvesti par la suite dans un système poussé à la limite par la surpopulation des salles d'urgence, le détournement des ambulances, les pénuries de médecins et d'infirmières et autres symptômes de crise.
Les 15 dernières années ont constitué une période de compression des coûts dans le secteur public. Le Canada a fait la preuve de façon éclatante qu'une compression des coûts peut être obtenue dans un régime de santé à payeur unique, financé par les fonds publics - souvent au coût de la confiance du public dans le régime cependant.
Malgré le présent ralentissement économique, Ottawa dispose d'une large marge de man9uvre fiscale pour engager des dépenses additionnelles. Le surplus de l'année financière 2000 a été de 15 milliards de dollars, bien au-dessus des 11,3 milliards prévus dans le mini-budget d'octobre. L'impact des baisses d'impôt et le ralentissement de la croissance économique réduiront les revenus prévus pour l'année financière 2001, mais ces pertes seront minimisées en particulier par un fardeau de la dette réduit du fait de la baisse des taux d'intérêt. Ottawa dispose d'une marge de man9uvre fiscale beaucoup plus grande que ce que l'on croit en général. En fait, les dépenses des programmes pourraient augmenter de 5 millions de dollars en 2002 et 2003 tout en laissant un autre 5 milliards de dollars pour les réserves.
Des sonnettes d'alarme ont récemment retenti à propos d'une «apocalypse démographique» imminente causée par le vieillissement de la population attribuable à l'augmentation de l'espérance de vie, à un taux de natalité allant en diminuant et au simple fait que les cohortes de la génération du baby-boom atteindront l'âge de 65 ans. L'inquiétude se nourrit de la crainte qu'une population vieillissante et la demande accrue qu'elle fera porter sur les services de santé feront exploser le budget de la santé sans une réforme drastique du financement ou de la prestation des services ou des deux.
Nous devons protéger et raffermir la Loi canadienne sur la santé. Les cinq principes de l'assurance-maladie doivent être conservés: la couverture universelle, l'accessibilité, la transférabilité entre les provinces et les territoires, la couverture complète et l'administration publique sans but lucratif. Le Forum national sur la santé a conclu en 1997 que les principes de base de l'assurance-maladie reflètent avec précision les valeurs des Canadiens: «[...] l'équité, la compassion, la responsabilité collective, la responsabilité individuelle, le respect des autres, l'efficacité et l'efficience». En fait le Forum a conclu que le public n'accepterait pas les modifications au régime de soins de santé à moins que l'essence de l'assurance-maladie ne soit conservée.
Nous demandons une présence fédérale importante dans le financement de l'assurance-maladie par le biais d'une augmentation des transferts de paiement afin de garantir le droit de tous les Canadiens à l'universalité et à un accès équitable dans toutes les provinces.
En ce qui a trait au programme de l'assurance-médicaments, les dépenses de santé des provinces pour les médicaments ont augmenté de 87 p. 100 entre 1990 et 1999, par rapport à 16 p. 100 pour les hôpitaux et à 30 p. 100 pour les services de médecins. En 1997, les dépenses en médicaments ont dépassé les dépenses en services de médecins pour se classer au deuxième rang, derrière les hôpitaux, en termes de part relative des dépenses totales en santé.
Raymond Gilmartin, président-directeur général de Merck and Company, USA, a déclaré au Forum économique mondial: «Les médicaments doivent servir aux gens, pas aux profits, et si nous nous souvenons de cela, les profits suivront.»
L'essence de la santé se trouve dans les liens intimes entre humains, que la compassion nourrit et soutient. L'appui social sous la forme de l'amitié, de relations sociales positives et d'un solide réseau de soutien est reconnu améliorer l'état de santé et les résultats. La première ligne de notre régime de services de santé voit tous les jours des exemples d'une compassion, d'une solidarité, d'un respect et d'une affirmation de l'engagement personnel dans les contacts humains - particulièrement face à face - véritables entre les fournisseurs des services de santé et les patients.
Regrettablement, nos milieux de travail en santé ont été progressivement transformés en une mauvaise imitation d'une ligne de montage. Les travailleurs de la santé ont subi une décennie de restructurations dans la santé par le truchement du financement réduit, du regroupement des établissements, de la fermeture d'un lit d'hôpital sur quatre et d'une diminution radicale de la durée moyenne de séjour des patients. La main d'9uvre survivante a été soumise à pratiquement toutes les expériences de gestion du secteur privé visant des «cadences accélérées», des techniques de production sur commande aux procédés juste à temps, à l'étalonnage compétitif et à la restructuration des activités, aux modèles de soins «axés sur les patients» et à la gestion de la qualité totale.
En terminant, monsieur le président, j'aimerais rappeler l'exhortation qu'a lancée Tommy Douglas en 1982, quand il a dit que ceux d'entre nous qui croient à l'assurance-maladie doivent non seulement se faire entendre, mais engager et développer nos capacités en tant que collectivités et collectifs afin de travailler de manière démocratique à imaginer et à créer les concepts et les projets, dans les sphères locales, provinciales et fédérales, qui nous permettront d'avancer vers et de garantir une société en santé dans un espace libre de la corrosion qu'apportent les marchés et édifiée sur les fondations qu'ont posées nos parents au début.
S9ur Cathy Brown, de l'hôpital Izaak Walton Killam de Halifax, a dit:
Les coupures ajoutent au stress, à la fois mental et physique. Les gens ne sont plus à 100 p. 100 de leur forme quand ils sont au travail, chaque journée taxant la résistance mentale et physique. Il devient exténuant et absolument impossible d'équilibrer notre tâche au travail avec nos nombreuses autres responsabilités familiales quotidiennes. C'est une vraie honte de tant laisser souffrir les gens qui ont le plus de compassion pour ceux qui sont dans le besoin.
Le sénateur LeBreton: Monsieur Cook, de manière intéressante, nous avons entendu en Alberta un témoin qui défendait l'opinion que les niveaux de financement devraient être établis en fonction des données démographiques. Si le gouvernement décidait de suivre cette voie, combien croyez-vous que cela coûterait à l'échelle du pays? Cela s'équilibrerait-il? Quel montant cela procurerait-il au régime de soins de santé de la Nouvelle-Écosse?
M. Cook: Je ne suis pas certain de pouvoir vous dire combien cela coûterait de plus. La question principale est que la façon de distribuer la cagnotte - quel que soit le montant de cette cagnotte - est inéquitable et empirera avec les années. La répartir par habitant est facile et ça pouvait être la bonne chose à faire voilà 20 ans lorsque nous ne disposions pas d'autant de données que maintenant sur la morbidité et la mortalité.
Cependant, cela se fait au préjudice des provinces qui ont des taux de morbidité et de mortalité élevés et dont l'âge moyen de la population est élevé. Nous disposons des données maintenant. Nous pouvons être plus sophistiqués. Je suggère que l'égalité d'accès demande que la cagnotte tienne compte des besoins des diverses provinces.
Le sénateur LeBreton: Parce que, comme vous l'avez mentionné, vous possédez une population plus âgée et une base fiscale plus faible. Je me demandais simplement s'il y avait des données que l'ICIS ou Ressources humaines avait extrapolées s'ils allaient le baser sur les facteurs démographiques. Monsieur le président, peut-être que quelqu'un devrait regarder cela en termes de reconfiguration et vérifier ce que cela coûterait réellement et quelle différence cela ferait pour les provinces ayant une population plus âgée.
Le président: Nous essaierons en effet de trouver ces chiffres.
Le sénateur Callbeck: Pour reprendre, vous aimeriez que les personnes âgées soient prises en compte lors du calcul des paiements de TCSPS et je peux certainement comprendre pourquoi. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons une très grande population âgée; cela a toujours été le cas. Il semble que cette tendance se poursuivra.
La province de la Nouvelle-Écosse défend-elle cette position dans ses pourparlers avec le gouvernement fédéral?
M. Cook: Je ne sais pas. Notre association est non gouvernementale. Nous n'avons pas eu de contacts avec la province pour qu'elle essaie et pour harmoniser nos positions. Notre conseil est formé des administrateurs des autorités de plusieurs des districts de santé qui viennent d'être créés dans la province. Ils sont inquiets. Les personnes qui régissent notre régime de santé réalisent que cette province est dans une position très difficile. Nous continuons à fonctionner avec un déficit. Nous avons coupé jusqu'à l'os dans tous nos programmes sociaux. Nous réalisons, en tant que groupe d'intérêt matériel, que la viabilité des soins de santé ne sera pas réalisée jusqu'à ce que nous sortions du déficit.
Notre organisation s'est demandé: «Qu'est-ce qui nous donne tant de problèmes ici?» L'une des questions fondamentales est que la Nouvelle-Écosse ne peut sortir du trou en termes d'égalité des chances. Nous venons de sortir d'une des périodes de plus grand développement économique de la province ou du pays. La Nouvelle-Écosse a coup et réduit ses services. Mais nous sommes toujours incapables de sortir du déficit. Cette question préoccupe notre conseil et les administrateurs de notre province. Je ne crois pas que la province contesterait cela.
Vous entendrez cet après-midi le Dr George Kephart, directeur de l'unité de recherche sur la santé des populations. Il a fait beaucoup d'excellent travail sur le déséquilibre entre la morbidité et la mortalité à travers le pays et le financement. Il parlera de cette question. J'ai entendu à la radio que le premier ministre de la province avait endossé cette étude et qu'il l'avait adoptée.
Le sénateur Callbeck: Y a-t-il d'autres changements que vous désireriez apporter au TCSPS?
M. Cook: Nous sommes préoccupés par le fait que le comité étudie la possibilité d'une orientation vers davantage de points d'impôt et moins de transferts en argent. Cela nous inquiète pour deux raisons. Premièrement, une telle modification favoriserait les provinces possédant une base économique forte. Ce plan enrichirait les riches et appauvrirait les pauvres. L'autre grand problème est que l'influence dont dispose le gouvernement fédéral pour faire respecter et mettre en application la Loi canadienne sur la santé diminuerait.
Franchement, notre conseil ne croit pas que le gouvernement fédéral devrait renoncer à ses pouvoirs ou à son autorité dans ce domaine. S'il doit y avoir égalité d'accès à travers le pays, c'est là la responsabilité du gouvernement fédéral, qui a la force de la mettre en vigueur. Nous sommes inquiets lorsque nous voyons cela.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Snow, j'ai remarqué à la fin de votre mémoire une série de réformes que vous aimeriez mettre en 9uvre. L'une d'elles est de mettre en application une réforme des soins de santé primaires. Pourriez-vous élaborer s'il vous plaît?
M. Snow: Des réformes des soins de santé ont été tentées en Nouvelle-Écosse au cours des années. Je parle au nom de travailleurs des hôpitaux maintenant. Voilà quelques années il y a eu beaucoup de réductions des effectifs et des offres ont été faites aux travailleurs. Beaucoup les ont acceptées parce que l'âge moyen des travailleurs des hôpitaux est de 46 ans dans cette province. L'idée était qu'en réduisant le personnel et en offrant des indemnités de départ, il en résulterait suffisamment d'économies pour améliorer le régime de soins de santé. La réforme n'a pas fonctionné. Elle a fait long feu. Beaucoup des travailleurs ayant reçu des indemnités de départ sont revenus au travail en tant qu'employés occasionnels.
Une réforme des soins de santé primaires a été essayée au début des années 90 et a misérablement échoué. Vous devez avoir recours aux travailleurs du régime pour changer le régime, parce que c'est une population vieillissante. C'est ce que nous voulons dire par réforme des soins de santé primaires.
Le sénateur Robertson: Les questions que je vais vous poser à tous deux ce matin sont liées au financement des soins de santé. Vous pouvez répondre à chacune de mes questions ou vous concentrer sur l'une d'elles. Toutes les provinces se trouvent à tenter de répondre aux demandes du public en santé sans disposer de montants suffisants pour donner les soins nécessaires. Certains diraient que nous sommes en crise.
Nous avons lancé l'assurance-maladie avec un financement provenant à 50 p. 100 du fédéral et 50 p. 100 du niveau provincial. La moyenne des provinces est maintenant de 17 p. 100. Le pourcentage de certaines est plus élevé, et moins élevé pour d'autres. Quel doit être selon vous le niveau de la contribution du gouvernement fédéral aux soins de santé? Quel serait un financement suffisant de la part du fédéral selon vous? Cela devrait-il être un pourcentage absolu ou un pourcentage souhaitable? Quelle forme devrait prendre la contribution fédérale? Devrait-elle augmenter avec le temps ou devrait-elle représenter un montant fixe pour que les provinces puissent l'inclure dans leurs prévisions budgétaires? Si le rôle du fédéral devait être élargi pour inclure plus de services que les dépenses actuelles pour les hôpitaux et les médecins, comment ces dépenses supplémentaires devraient-elles être financées?
M. Snow: J'ai mentionné dans mon mémoire un surplus d'environ 15 milliards de $ des revenus du gouvernement fédéral. Je crois que les paiements de transferts doivent augmenter en fonction de la population et des besoins. Je viens de l'île du Cap-Breton et nous y avons le taux le plus élevé de cancer au Canada. Les étangs bitumeux sont un désastre là-bas. Leurs budgets étouffent les administrateurs des hôpitaux de l'endroit. Le taux de cancer est si élevé dans cette province qu'il devrait y avoir davantage d'augmentations provenant des revenus fédéraux, selon moi.
Je ne peux pas parler au nom des infirmières, mais je crois qu'elles doivent revenir au vieux programme de deux ans en sciences infirmières. Comme vous le savez, il existe une pénurie de médecins dans notre province. Ils sont partis dans les années 90. Vous savez les problèmes que nous avons avec les infirmières et d'autres groupes relativement au projet de loi C-68. Le programme de deux ans en sciences infirmières était un excellent programme. Elles ont maintenant un programme de quatre ans, un baccalauréat en sciences infirmières. Beaucoup de gens s'y sont inscrits et ils ne resteront pas dans une province qui ne paie pas un juste salaire. Ils veulent partir.
Les paiements de transferts aux provinces pauvres doivent être augmentés, particulièrement au vu de la maladie, de la population vieillissante et de l'environnement dans notre province. Cela doit être communiqué au gouvernement fédéral.
M. Cook: Vous avez posé certaines questions intéressantes. J'aimerais pouvoir répondre avec assurance à toutes. Je vais prendre un instant pour expliquer la situation dans laquelle se trouve la Nova Scotia Association of Health Organizations.
Comme vous le savez peut-être, notre province s'est restructurée et des autorités de district de santé sont en place depuis janvier. Notre association a connu un bouleversement complet de sa gouvernance par conséquent. Notre conseil d'administration vient à peine de commencer à essayer de régler certaines de ces questions. Malheureusement, notre échéancier et le vôtre ne se sont pas très bien accordés parce que ce sont des questions très complexes. Notre conseil n'a pas eu l'occasion d'examiner à fond ces questions. Comme je parle ici au nom de notre association, je dois évidemment transmettre les opinions du conseil. Je ne peux que vous dire que notre conseil n'a pas eu l'occasion d'évaluer, de discuter et de prendre position sur plusieurs de ces questions.
J'ai certains commentaires personnels qui reflètent le sentiment général dans la province. Le gouvernement fédéral doit conserver un rôle important dans le financement et il doit utiliser ce rôle pour montrer la voie. Il est certain que les soins de santé ont besoin d'une direction claire au cours des 20 prochaines années. Nous ferons face à d'énormes défis. Il incombe au gouvernement fédéral de montrer la voie. Vous devez hausser la barre, très franchement.
Le présent gouvernement fédéral a certainement réglé son problème de déficit de belle façon au milieu des années 90, mais il l'a fait aux dépens des provinces parce que les dépenses en santé n'ont pas diminué. Le fait que le gouvernement fédéral a réduit sa contribution a simplement signifié que les provinces avaient un fardeau plus lourd à porter.
Je crois que le gouvernement fédéral doit s'avancer au bâton, mais il doit financer de manière stratégique. Je crois qu'il doit utiliser cet argent pour montrer du leadership et trouver des façons innovatrices de régler plusieurs des problèmes auxquels le pays fait face en matière de soins de santé. Je crois qu'il doit exiger l'obligation de rendre compte. Le gouvernement fédéral doit renforcer ou créer une culture qui oblige les provinces et les fournisseurs individuels de soins de santé à rendre compte des résultats. Il existe dans cette province un fort sentiment pour que le gouvernement prenne et suive ce rôle et le fasse avec du comptant. Franchement, l'argent parlera dans les discussions fédérales-provinciales.
Le sénateur Robertson: Si l'argent comptant ne vient pas, alors où nous procurerons-nous cela? Ce sera pour une autre ronde de questions. Si vous voulez, le greffier pourra vous communiquer certaines de mes questions. Peut-être votre conseil pourrait-il les examiner, cela serait utile à notre comité.
M. Cook: Absolument.
Le sénateur Robertson: J'ai une dernière question. Ce comité a entendu parler à travers le pays d'autres facteurs déterminants tels que la pauvreté et le mode de vie ainsi que la nécessité de programmes de prévention, tous facteurs qui affectent l'état de santé des individus. Les Canadiens sont-ils disposés à laisser leur gouvernement - je suppose que je devrais dire «gouvernements» - dépenser moins pour les soins de santé et plus dans ces autres domaines qui ont un si large impact sur la qualité de l'état de santé de la population?
M. Cook: Il existe une reconnaissance de plus en plus répandue que le régime doit se diriger vers un modèle de santé de la population. Nous devons aller aux causes premières. Nous devons régler les problèmes de mode de vie. Nous devons investir davantage dans l'éducation, dans l'élimination de la pauvreté, dans tous les facteurs déterminants de la santé. Je ne crois pas qu'il y ait de doutes à ce sujet.
Le problème est que, pendant que nous faisons cela, il y a toujours beaucoup de gens qui ont besoin de soins hospitaliers. Cecil Snow a mentionné que la province de la Nouvelle-Écosse connaît les taux les plus élevés au pays pour certaines formes de cancer. Le taux de cancer dans l'île du Cap-Breton est très inquiétant. Les maladies du c9ur sont fréquentes. C'est une belle idée de dire: «Prenez de l'argent et dépensez-le en activités de promotion et de prévention.» Nous savons que c'est ce qu'il faut faire, mais il est très difficile de le faire lorsqu'on a des listes d'attente de six ou huit mois, et qu'on sait que ça aura pour résultat des délais plus longs et une réduction supplémentaire de l'accès.
Toute forme de changement complexe exige des ressources. Je suis d'accord pour dire que c'est là où nous devons aller. Ce que je suggère, c'est qu'on ne peut pas enlever l'argent d'un secteur pour le mettre dans un autre avant qu'il n'ait eu l'occasion de porter fruit. Nous devrons gérer des systèmes parallèles pour un temps. Nous devons investir dans un modèle de santé de la population pour la province et cela prendra plus d'argent.
Le sénateur Cordy: En tant que sénateur venant de Nouvelle-Écosse, je trouve merveilleux d'entendre des témoins présenter le régime de santé d'un point de vue néo-écossais.
Monsieur Snow, nous avons entendu en Ontario un témoin qui nous a dit que nous avions en fait suffisamment de travailleurs de la santé mais qu'ils ne sont pas adéquatement utilisés. Je me demande si vous pouvez faire un commentaire là-dessus.
M. Snow: Eh bien, je ne peux pas parler pour la province de l'Ontario mais je sais que notre syndicat en Nouvelle-Écosse en est au fonctionnement multitâche à l'heure actuelle. Les syndicats sont parfois en désaccord avec cela, mais c'est nécessaire pour certains des plus petits hôpitaux. Nous avons des gens qui ont trois ou quatre tâches différentes à exécuter et c'est peut-être ce qui se passe dans la province de l'Ontario, je ne sais pas. Je ne suis pas d'accord avec ça, mais je n'ai pas le choix.
Le sénateur Cordy: Je ne suis pas sûre que beaucoup de gens l'avaient à ce moment, mais je pensais néanmoins que vous deviez faire un commentaire à ce sujet.
Ma prochaine question, monsieur Snow, a pour objet le moral des travailleurs de la santé et nous avons entendu témoin après témoin parler du moral bas des travailleurs de la santé au Canada. Je sais que les infirmières de la Nouvelle-Écosse ont vécu des moments particulièrement difficiles récemment.
Quel serait le premier pas à faire pour commencer à relever le moral des travailleurs de la santé? Je sais que l'impression générale est qu'il s'agit d'un travail très difficile par les temps qui courent - avec toutes les coupures et les éléments que vous avez mentionnés plus tôt. Quelle serait la toute première chose à faire pour améliorer le moral?
M. Snow: Jeter aux poubelles le projet de loi C-68. Nous avons eu un été épuisant avec le projet de loi C-68 et il est en veilleuse présentement.
Le sénateur Cordy: Je ne suis pas sûre que tout le monde sait de quoi il s'agit.
M. Snow: Le projet de loi C-68 est un projet de loi qui enlève aux travailleurs syndiqués le droit de négocier collectivement par l'arbitrage des propositions finales. Au fait, notre syndicat est le seul syndicat présentement en négociation qui n'est pas assujetti à ce projet de loi. Nous n'y avons pas souscrit jusqu'à maintenant. Nous devrons peut-être le faire.
Je crois que ça a beaucoup à voir avec ça parce que depuis quarante et quelques années maintenant, mon syndicat, auparavant la FCCETAO et maintenant les Travailleurs canadiens de l'automobile, a négocié avec Bob Cook de l'AHO. De toutes façons, nous avons négocié au cours de ces années et nous avons obtenu de bonnes conventions collectives pour nos travailleurs. Le moral était bon dans les années 70 et 80. Dans les années 90, nous avons eu à faire face aux coupures et à la contrainte.
La seule manière d'améliorer le moral est d'avoir une main d'9uvre heureuse. Les gens qui travaillent doivent tout d'abord être appréciés. Ils n'ont pas été appréciés cet été avec le projet de loi C-68. Par tradition, les travailleurs de la santé ne sont pas des radicaux comme les houilleurs et les travailleurs de l'acier. Ils ne brandissent pas de bâtons de base-ball et des trucs comme ça. Ils ont négocié justement pendant ces 40 années, ont conclu de bonnes conventions collectives et sont des gens bienveillants et communicatifs. Les gens qui travaillent au sein du régime de soins de santé travaillent avec les patients et les personnes âgées. Il faut qu'ils aient de la compassion; ils ne seraient pas là s'ils n'avaient pas de compassion pour ces patients.
Avec les coupures et le mauvais état d'esprit, le regroupement a été un facteur qui a affecté beaucoup de nos travailleurs. Lorsque tous les hôpitaux ont été regroupés, ça a été comme prendre une petite famille, disons qu'ils travaillaient à Sheet Harbour, et de la fusionner avec le QE II et de faire changer d'emploi aux travailleurs, avec un va-et-vient et les procédures d'évincement et tout ça. Cela a entraîné beaucoup de mauvais état d'esprit.
Pour répondre à votre question, je ne sais vraiment pas. Je pense qu'il faut mettre plus de gens dans les étages, plus de travailleurs pour alléger la tâche que les travailleurs abattent au moment présent. Je crois que c'est probablement une solution. Ils devront probablement avoir à donner une sorte de programme où les travailleurs seront appréciés. Je crois que qu'il faut laisser les travailleurs négocier réellement.
Je sais que la province de l'Ontario pratique l'arbitrage exécutoire. Aussi mauvais que ce soit, c'est encore mieux que l'arbitrage de propositions finales. Les administrateurs disposent de négociation collective, tout comme nos travailleurs, et lorsque le gouvernement s'amène et tente de nous dire comment mener nos affaires, nous n'aimons pas cela. Merci.
Le sénateur Cordy: Monsieur Cook, vous avez parlé d'obligation de rendre compte. J'ai assisté à un forum sur la santé commandité par la Dalhousie Medical Research et il y avait là des représentants du pays entier. L'obligation de rendre compte est venue régulièrement sur le tapis au cours des trois jours où nous avons été là.
Comment vous y prenez-vous pour y arriver parce que ce qui se passe présentement, c'est que le gouvernement fédéral donne le financement aux provinces et les provinces disent: «Bas les pattes! Ne nous dites pas comment dépenser l'argent.» Comment vous y prendriez-vous pour qu'il y ait obligation de rendre compte des fonds donnés aux provinces?
M. Cook: C'est une bonne question. Je sais que le gouvernement fédéral a essayé très fort l'an dernier d'obtenir avec les provinces un cadre de travail portant sur l'obligation de rendre compte. Il serait approprié comme point de départ, à mon avis, d'exiger que les provinces montrent ce qui arrive de ces dollars.
Je ne crois pas que le gouvernement fédéral puisse le faire seul, et je ne dirais pas que c'est votre seule responsabilité. J'en reviens à la question du leadership. Si le gouvernement fédéral assure les moyens de rendre cela possible, alors vous menez par l'exemple et vous commencez à créer une culture dans le secteur qui dit: «Nous sommes responsables. Nous devons prouver quel bien nous avons fait avec les fonds que nous avons reçus.»
Notre association est en partenariat avec le conseil provincial de la santé, par exemple, pour mettre au point un cadre de travail de responsabilisation autour des objectifs de la province dans le domaine de la santé. Nous avons des objectifs en matière de santé, mais nous n'avons jamais mesuré à quel point nous les remplissions. C'est notre contribution.
Cela est une partie essentielle de montrer et donner l'exemple - établir une culture où les attentes sont que les gens sont responsables des énormes montants d'argent qui sont investis.
Le sénateur Cordy: Je crois aussi que le public canadien est prêt à l'obligation de rendre compte parce nous l'entendons de partout, pas seulement de la part du Forum sur la santé mais des autres Canadiens aussi.
Vous avez parlé d'une migration des plus petites provinces telles que la Nouvelle-Écosse vers les plus grosses provinces, vers l'Ontario ou l'Alberta. Il existe aussi une migration à l'intérieur de la province. Bien que les chiffres démographiques puissent sembler identiques pour la Nouvelle-Écosse, ce qui semble se passer est que les gens quittent l'île du Cap-Breton, par exemple, pour aller dans des centres comme Halifax. Cela crée des problèmes à l'île du Cap-Breton particulièrement, parce qu'en plus des problèmes de santé il semble y exister un vieillissement de la population plus marqué que dans d'autres parties de la province.
Et quel est votre avis à propos de quelque chose comme un régime d'assurance-médicaments national? Les statistiques dont nous disposons montrent que, dans les plus petites provinces de l'Atlantique, 25 p. 100 de la population n'a pas de couverture d'assurance-médicaments sous quelque forme que ce soit. Alors, quelle est votre opinion sur un programme national d'assurance-médicaments?
M. Cook: Je crois que c'est excellent en théorie. En théorie, l'assurance-médicaments est excellente, mais nous n'en avons pas dans la province. À mon avis, toutes ces choses sont merveilleuses, auraient un impact positif sur la santé des Canadiens et les soulageraient d'un lourd fardeau financier. Pour être honnête cependant, nous ne savons pas combien cela coûterait et à quels autres programmes il faudrait renoncer pour fournir cela.
Il existe une foule de questions qui se font concurrence et, encore une fois, j'en reviens au fait que notre conseil d'administration est conscient qu'il s'agit d'un domaine très complexe. Si vous dépensez 250 ou 500 millions de dollars dans un programme d'assurance-médicaments, c'est 500 millions de dollars que vous n'avez pas pour d'autres fins.
Il existe plusieurs intérêts en concurrence dans le domaine. Nous nous concentrons sur des sujets comme les investissements. L'investissement dans les systèmes d'information est justement cela; c'est un investissement pour savoir comment nous dépensons notre argent et ce qui fonctionne ou pas.
Nous suggérons que la principale priorité du gouvernement fédéral doit porter sur ce type de choses qui créent des investissements. Les systèmes d'information sont cruciaux. De façon anecdotique, nous savons que beaucoup d'interventions médicales ne profitent pas au patient. Nous avons la capacité de mesurer cela. Nous ne disposons pas nécessairement de l'infrastructure et des systèmes en place pour le faire. Un excellent emploi du gouvernement fédéral serait d'investir dans les systèmes d'information qui permettent des comparaisons entre provinces. Encore une fois, cela soulève la question de la responsabilisation et de l'étalonnage compétitif et nous permet également d'évaluer les procédures médicales et les bénéfices qui en découlent. Cela a été le sujet principal de notre mémoire.
Cela ne veut pas dire que l'assurance-médicaments n'est pas un programme social important. Notre effort maintenant doit cependant porter sur ce que nous pouvons faire pour éliminer l'inefficacité et rationaliser le système.
Le président: Je vous remercie beaucoup tous deux d'être venus ce matin. Nous apprécions que vous ayez pris le temps d'être avec nous.
Sénateurs, notre prochain groupe d'experts est formé de représentants du Bureau d'assurance du Canada, de la Coalition canadienne contre la fraude à l'assurance et de l'Atlantic Institute for Market Studies.
Je commencerai avec George Anderson qui est président-directeur général du Bureau d'assurance du Canada. Je dis cela à l'intention de mes collègues qui ne faisaient pas partie du Comité des banques. George est probablement venu témoigner devant moi aussi souvent que n'importe quel témoin que j'ai rencontré, alors je suis particulièrement heureux de le voir dans un autre cadre. Je dirai aussi que c'est peut-être la dernière fois qu'il comparaît devant nous puisqu'il a annoncé qu'il quittait son emploi et prendra sa retraite en juillet prochain. Au cas où ce serait la dernière fois, George, merci, cela a été un plaisir tout au long de ces années. J'espère que vous prendrez plaisir à tes prochaines activités.
M. George D. Anderson, président-directeur général, Bureau d'assurance du Canada: Merci beaucoup de ces commentaires touchants, Monsieur le président. J'espère avoir, peut-être dans une autre vie, l'occasion de venir parler d'autres sujets en d'autres temps. Vous avez cependant tout à fait raison, je quitte après 10 années dans cet emploi qui doit être l'un des emplois les plus intéressants au Canada pour ce qui est de la diversité des sujets que nous avons à aborder.
On nous demande maintenant d'aborder la politique de la santé du Canada. Le Bureau d'assurance du Canada représente les assureurs multirisques. Nous sommes les gens qui assurent les maisons, les voitures et les entreprises. Je souligne la distinction entre nous et les assureurs sur la vie et l'invalidité. Nous employons environ 100 000 Canadiens dans toutes les régions du Canada.
M. Paul Kovacs, premier vice-président des politiques, m'accompagne aujourd'hui. Il a beaucoup travaillé sur ce dossier et est rapidement devenu, à mon avis, un expert dans le domaine.
Monsieur le président, les assureurs multirisques ont dépensé l'an dernier plus de 1 milliard de dollars en dehors de l'assurance-maladie pour les soins de santé à des particuliers blessés et la plus grande partie, de loin, de ces dépenses est allée à des services de réadaptation pour les victimes de collisions automobiles comme vous pouvez logiquement vous y attendre.
Ces coûts ont enregistré une croissance phénoménale au cours des années 90. Je vais vous donner quelques chiffres de l'Ontario, où notre base de données est la plus fiable. En Ontario, le coût moyen réclamé à l'assurance pour les soins médicaux et de réadaptation aux victimes de collisions automobiles a grimpé de 5 200 $ par réclamation en 1990 à plus de 16 000 $ par réclamation en l'an 2000. C'est une augmentation de 210 p. 100 en une seule décennie.
Maintenant, les assureurs financent aussi le régime de santé d'autres façons. Par exemple, les droits sur la santé automobile exigés par les gouvernements provinciaux procurent à ces gouvernements un financement direct en plus des coûts de réadaptation que nous assumons. La valeur de ces droits en 2001 est de 174 millions de dollars - une augmentation de 300 p. 100 par rapport à ce qui était versé voilà cinq ans.
De plus, l'industrie verse environ 3,6 milliards de dollars en impôts sur les sociétés et en charges sociales. Nous calculons qu'une portion d'environ 1,2 milliard de dollars de ce montant représente une autre contribution majeure de notre industrie au régime d'assurance-maladie. L'engagement total de notre industrie est donc d'environ 2,5 milliards de dollars. Cela augmente à un rythme que je qualifierais d'essoufflant. Cela nous procure un très grand intérêt dans le régime de santé du Canada.
Plusieurs facteurs ont été à l'9uvre dans la hausse dramatique de ces chiffres au cours des dernières années. Le moindre de ces facteurs n'est évidemment pas la tendance des provinces à faire assumer une part croissante des coûts des soins de santé associés aux victimes de collisions automobiles directement par l'industrie de l'assurance. Je crois que cela s'appelle du délestage. Cette tendance s'accompagne d'une diminution des services offerts par les hôpitaux et l'échec des services de réadaptation financés par le public à répondre à l'augmentation de la demande.
Bien que l'industrie ait accepté d'assumer ces frais supplémentaires, les assureurs ont peu de raisons d'être confiants que les éléments du régime avec lesquels ils collaborent rendent adéquatement compte ou qu'ils obtiennent une optimisation de leurs ressources en termes des améliorations à la santé qui en découlent. Je pense que le comité a probablement déjà entendu tout cela au cours de ses audiences.
Monsieur le président, le BAC a transmis son mémoire au comité en septembre et il incluait sept recommandations. Je ne m'étendrai pas sur toutes aujourd'hui. Mes remarques de ce matin porteront sur deux aspects: la prévention des blessures et la réadaptation. Nous serons naturellement heureux de discuter des autres sujets abordés dans notre mémoire.
Je crois que deux grands messages peuvent être tirés du travail que nous avons effectué jusqu'ici sur les soins de santé. Le premier est le besoin pressant pour l'engagement politique de passer des paroles à l'action. Les brefs exposés que j'ai entendus ce matin me confirment que les questions en jeu maintenant sont tout simplement trop importantes pour que nous nous laissions aller à ce qu'un commentateur a appelé «la tendance canadienne à parler d'excellence en soins de santé sans chercher les avenues pratiques permettant d'atteindre cette excellence». Je crois que nous en sommes maintenant à l'étape où nous devons agir dans ce dossier, bien au-delà du point où nous sommes rendus dans le discours public au Canada depuis beaucoup, beaucoup d'années.
Notre second message est qu'il faut envisager des services de santé financés par des fonds privés lorsqu'on parle de sujets tels que normes de rendement, responsabilisation et compression des coûts. J'aimerais m'étendre un peu sur ces deux messages. Dans l'industrie de l'assurance multirisque, nous ne souscrivons pas au langage de crise que certains utilisent pour décrire le régime de soins de santé auquel la plupart des Canadiens se sont attachés. Nous sommes plutôt d'avis - et je crois que les commissions Fyke et Clair, le Forum national sur la santé et d'autres autorités nous donnent raison là-dessus - qu'un régime de santé de haute qualité axé sur le patient peut survivre et prospérer au Canada. Cela ne se produira pas automatiquement et sans engagement pour le leadership ou actions sur les faiblesses de notre système. Ces faiblesses sont bien sûr identifiées depuis un certain temps. Les soins de santé canadiens - bien que n'étant peut-être pas en crise - font certainement face à des problèmes et des défis importants.
L'une des questions de longue date est la nécessité de porter beaucoup plus d'attention à la prévention et à la promotion de la santé au sein de la population. Au milieu des années 70, le rapport Lalonde signalait le besoin d'une réforme de la manière dont les soins primaires sont assurés au pays, et le besoin d'une infrastructure de renseignements moderne et d'une capacité des fournisseurs de se communiquer les renseignements médicaux personnels. Je crois que l'un des précédents témoins en a parlé.
Aucun doute n'existe dans notre esprit que si ces questions avaient été réglées plus tôt, le rendement du régime de santé du Canada serait meilleur aujourd'hui et j'irais jusqu'à dire à un coût moindre. Malheureusement, comme vous le savez tous, il existe une grande résistance au changement. Cette résistance a été forte.
Devant cette résistance, les dirigeants politiques ont été incapables ou peut-être réticents à agir exhaustivement sur ce qui était déjà connu en matière d'amélioration et de préservation de notre régime de santé national. C'est ce que nous appelons un «embâcle d'intérêts personnels». Cet embâcle d'intérêts personnel pourrait s'avérer la plus grande menace pour l'avenir des soins de santé au Canada.
Deuxièmement, le milieu de l'assurance multirisque perçoit la présence de sources privées de financement comme une force. Bien sûr, ce n'est pas maintenant, à notre avis, pratique de penser que notre régime peut fonctionner d'une autre manière. Selon notre expérience du financement des services médicaux et de réadaptation pour nos clients, nous croyons que les sources privées de financement élargissent la capacité du régime de santé et contribuent à rehausser le niveau de satisfaction du client.
Simultanément, nous sommes très sensibles et très conscients du fait que le financement privé de certains services de santé peut être associé à des différences inacceptables dans l'accès au régime.
Pourtant, l'inégalité des normes des soins et des résultats médicaux n'est pas le résultat inévitable d'un financement privé. Elle se produit parce que les pouvoirs responsables des politiques de santé traitent les services financés par le privé comme s'ils étaient à l'extérieur des régimes de santé provinciaux. Par exemple, les sources de soins de réadaptation financés par le secteur privé fonctionnent dans des cadres législatifs séparés. Ils reçoivent peu ou pas d'attention des ministères de la Santé provinciaux. Il n'existe pas de cueillette systématique des données. L'assurance de la qualité est inégale. Il y a peu, sinon pas du tout, d'intérêt pour la compression des coûts et peu de mécanismes pour responsabiliser les fournisseurs payés par des fonds privés quant aux résultats sur l'état de santé. De fait, il semble souvent que l'intérêt du gouvernement pour les services de réadaptation privés s'est éteint le jour où les coûts ont commencé à être défrayés par le secteur privé.
Les sources privées ont joué un rôle important dans le financement de notre régime de santé tout au long de l'histoire des soins de santé dans ce pays. Il est peu probable à mon avis que cela change et, franchement, il ne le faudrait pas. Les mêmes attentes en matière de rendement doivent cependant s'appliquer également dans tout le système sans égard à la provenance du financement.
Nous demandons plus de leadership du côté des services de réadaptation. Ramenez la réadaptation et la prévention des blessures dans le courant principal de la réflexion médicale au Canada et mettez sur pied des conseils sur l'efficacité des fournisseurs et des conseils de recherche sur la réhabilitation qui peuvent examiner certaines des questions entourant l'emballement des coûts dans ce secteur et ce qui semble être une sérieuse carence dans la responsabilisation quant aux résultats des traitements. Ce sont là nos principales recommandations.
Mme Mary Lou O'Reilly, directrice exécutive, Coalition canadienne contre la fraude à l'assurance: Je suis certaine que je n'apprendrai rien aux personnes réunies ici ce matin en disant que chaque Canadien paie d'une façon ou d'une autre pour la fraude à l'assurance, et qu'il est donc raisonnable que chacun collabore pour identifier qui fraude non seulement le milieu de l'assurance mais aussi le régime de soins de santé.
Un nombre écrasant de Canadiens nous ont dit qu'à leur avis les consommateurs, les législateurs et les bureaucrates entre autres doivent jouer un rôle dans l'éradication de la fraude à l'assurance en matière de blessures corporelles. Quatre-vingt-dix pour cent des Canadiens croient également que la coalition contre la fraude devrait participer à la prévention des abus touchant le régime de soins de santé, parce que ces deux fraudes vont de pair.
Notre organisation a été fondée en 1994 et notre mandat était alors la sensibilisation à la fraude à l'assurance. Nos entreprises membres incluent, il va de soi, la plupart des sociétés privées d'assurances au Canada, qui émettent la majorité des polices d'assurance vendues dans ce pays pour les maisons, les voitures et les entreprises. Nous comptons également parmi nos membres la Société d'assurance publique du Manitoba, la Saskatchewan Government Insurance et la Insurance Corporation of British Columbia. Figurent parmi nos autres membres l'Association des consommateurs du Canada, l'Association chiropratique canadienne et l'Association canadienne des ergothérapeutes. Nous comptons même l'Association cycliste canadienne dans nos rangs.
Forte de l'expérience et de l'expertise de ces groupes, la coalition contre la fraude tente de sensibiliser l'industrie et le public à ce crime onéreux qui exerce non seulement une ponction sérieuse sur les ressources des détenteurs de polices d'assurance mais aussi sur les ressources de la société, incluant les ressources de nos soins de santé.
Notre mémoire d'aujourd'hui expose l'opinion que tous les Canadiens ont le droit de recevoir des soins de santé abordables et efficaces. Des centaines et des milliers de Canadiens faisant chaque année des demandes d'indemnité, il n'est pas surprenant que la plupart d'entre eux reçoivent des services médicaux et de réadaptation sous une forme ou une autre.
Une partie de ces demandes d'indemnité n'est pas légitime. Les demandes qui sont jugées illégitimes peuvent exercer une ponction sérieuse sur des ressources vitales en soins de santé qui pourraient sinon être affectées à des personnes ayant légalement et légitimement besoin de soins.
En qualité de participants de premier plan dans la prestation de services médicaux et de réadaptation, le gouvernement fédéral et l'industrie de l'assurance doivent reconnaître que la fraude aux blessures corporelles est un crime. Elle est coûteuse pour les détenteurs de police qui doivent défrayer des primes plus élevées et elle est coûteuse pour tous les Canadiens en terme de ponction sérieuse sur les ressources sociétales et plus spécifiquement sur les précieuses ressources en soins de santé.
Nous avons récemment commandé une étude indépendante pour découvrir quelle est l'étendue du problème relatif à ce type de fraude au Canada et quelle est son ampleur dans les demandes d'indemnité pour blessures corporelles faites à notre industrie. Les résultats sont ahurissants. Plus du quart de toutes les demandes d'indemnité pour blessures corporelles reçues par les sociétés d'assurances contiennent un élément de fraude à l'assurance. L'industrie verse sur une base annuelle plus de 500 millions de dollars pour des demandes d'indemnité contenant un élément de fraude à l'assurance.
Les assureurs que nous représentons sont vulnérables aux demandes d'indemnité inutiles ou gonflées relativement à des soins médicaux et de réadaptation en raison d'une gamme de facteurs divers. Tout d'abord, bien que les assureurs s'attendent à subir des pertes en raison des blessures associées à des accidents, il est impossible de connaître à l'avance la fréquence avec laquelle ces demandes se présenteront et la sévérité des blessures. Il est donc très difficile pour les assureurs d'interpréter une augmentation des demandes d'indemnité comme une indication valide de fraude.
Ensuite, les mesures de vérification de la fraude et des abus auxquelles ont recours les assureurs pour contrecarrer les activités de demandes illicites d'indemnités ne sont pas infaillibles. Le bénéfice du doute en faveur de la personne présentant la demande d'indemnité s'applique dans notre environnement présent pour la plupart des équivoques relevées. Cela rend par conséquent difficile la détection des fraudes.
En tant que coalition, notre présence devant vous aujourd'hui vise fondamentalement à encourager la poursuite, dans le cadre de travail de toute réforme des soins de santé mise de l'avant, d'un échange dynamique de renseignements entre fournisseurs de soins de santé et assureurs. Je parle, comme je l'ai mentionné, au nom d'une coalition qui ne représente pas que les sociétés d'assurances mais aussi des fournisseurs de soins de santé qui se sont engagés à détecter et à éliminer la fraude du régime.
Le thème omniprésent de chaque exemple - et nous en voyons des centaines chaque année - est que toute demande d'indemnité qui est refusée est refusée après que de précieuses ressources en soins de santé aient été illégitimement administrées à la personne ayant commis la fraude.
Le président: Merci, et le dernier membre du groupe, avant que nous passions aux questions, est David Zitner, professeur associé de l'Atlantic Institute for Market Studies en matière de politique de la santé. Puis-je également ajouter à l'intention de mes collègues qu'en plus de son mémoire d'aujourd'hui, le Dr Zitner a aussi distribué des copies d'un article intitulé «Operating in the Dark» qu'il a signé avec le Dr Brian Lee Crowley, qui est aussi membre du groupe de travail de Don Mazankowski en Alberta. Je recommande hautement aux membres du comité de le lire. Lisez-le en entier, pas seulement le résumé. Il en vaut la peine.
Le Dr David Zitner, professeur associé en matière de politique de la santé, Atlantic Institute for Market Studies: Je suis en fait médecin de famille et directeur de l'informatique médicale de la Dalhousie Medical School.
Je crois que votre comité fera face au même problème qu'ont connu plusieurs autres comités qui ont tenté d'étudier le régime de santé canadien - ils étaient tous formés de gens dévoués. Vous avez tous entendu diverses opinions sur ce qui devrait être fait et pourtant, en raison d'une sérieuse carence de renseignements sur l'impact des diverses man9uvres sur l'accès aux soins ou sur les résultats de ces soins, vous serez incapable de choisir entre des visions divergentes de la prestation des soins de santé.
Ce manque d'information existe parce que personne ne s'est soucié de recueillir des renseignements continus et fiables sur les effets des diverses stratégies sur l'accès aux soins et sur les résultats des soins ou sur les coûts directs et indirects des soins bien que nous connaissions ces coûts. Il est intéressant de noter que chacun sait s'il va mieux ou plus mal.
Nous savons que le but des soins de santé est d'améliorer le confort, les fonctions et l'espérance de vie. C'est cependant seulement dans le cadre du régime de soins de santé que nous sommes incapables de définir notre produit et de dire ce qu'il est. Notre première recommandation au gouvernement fédéral et à ce comité est donc que toute proposition de réforme des soins de santé ou de modification à la façon dont les soins sont assurés doit toujours être accompagnée par une évaluation de la façon dont les modifications proposées toucheront l'accès aux soins et les résultats obtenus par les soins. Nous avons assisté à beaucoup de tripotages du régime de santé au cours des ans mais personne ne s'est soucié de dire quel effet cela a eu.
Vous pourriez être tenté de recommander la mise sur pied d'une nouvelle organisation pour recueillir des renseignements sur l'accès aux soins et leurs résultats. Une organisation existe cependant dans laquelle nous avons lourdement investi: l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, qui a reçu 95 millions de dollars en fonds fédéraux. L'ICIS est responsable de l'information sur la santé au Canada. Concurremment, les gouvernements provinciaux dépensent de gros montants.
Par exemple, nous dépensons dans notre hôpital à Halifax environ 1,5 million de dollars pour examiner les dossiers de chaque patient qui est entrée et a reçu son congé de l'hôpital. Un examen détaillé est effectué. L'examen du dossier consiste en un examen de chaque page du dossier par un examinateur de dossiers médicaux. Il demande quel était le diagnostic, quelles ont été les procédures, combien de temps la personne est restée à l'hôpital. Il ne demande pas: «La personne allait-elle mieux à sa sortie?» ou «Combien de temps a-t-elle attendu son traitement?». Cette procédure coûte environ 1,5 million de dollars à notre hôpital. Il y a 22 personnes qui examinent chaque page de chaque dossier. L'information recueillie est très variable.
Je constate un certain étonnement. Je crois que les gens ne réalisent pas que ce genre de choses se produit.
Le président: Oui, j'ai montré de l'étonnement parce qu'on pourrait penser que n'importe qui ayant déjà essayé de faire marcher quelque chose demanderait d'abord: «Cela fonctionne-t-il?»
Le Dr Zitner: Exactement.
Le président: Je suis désolé, mais c'est la raison pour laquelle j'avais l'air étonné.
Le Dr Zitner: Je trouve étrange en vérité, en tant que directeur de l'informatique de la santé, d'obtenir des points de grand voyageur en me promenant partout pour parler de ce problème et en disant: «Nous ne mesurons pas les résultats». L'une des choses dont nous avons entendu parler plutôt était la responsabilisation et l'action. L'une des questions auxquelles le présent comité devra répondre est: Comment inciter les gouvernements fédéral et provinciaux à réellement mettre en 9uvre une recommandation?
Nous avons inclus dans notre article un résumé des recommandations antérieures à ce sujet, en commençant par celle d'un groupe de travail fédéral-provincial de sous-ministres qui a été unanimement adoptée par tous les sous-ministres de la Santé fédéral et provinciaux, qui ont dit au moment de la réforme qu'ils donneraient au public de l'information sur l'accès et les résultats, les deux questions que les gens ne posent pas. Michael Decter, le président de l'Institut canadien d'information sur la santé, a dit à maintes reprises que les deux types d'information dont nous avions besoin étaient les renseignements sur l'accès et sur les résultats, mais nous ne les obtenons pas.
Nous ne suggérons donc pas un nouveau système. Nous disons que nous devrions exiger que le système qui est en place fonctionne mieux. Je crois que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle clé en demandant simplement aux provinces: «Combien de temps les gens attendent-ils?» et «Faites-vous un suivi de vos listes d'attentes?»
Aujourd'hui à Halifax, en Nouvelle-Écosse, les grands hôpitaux n'ont aucune idée de qui attend des soins. Aucune autre industrie ne peut se permettre cela. Lorsque vous tenez compte du fait que les gens qui attendent une chirurgie de la hanche ou d'autres procédures représentent des complications futures pour l'hôpital, il est en quelque sorte ahurissant de constater que des gens peuvent administrer une entreprise sans avoir ces renseignements.
Alors, pourquoi l'information n'est-elle pas disponible? Je suppose qu'une des raisons structurelles est qu'il s'agit d'une situation de grave conflit d'intérêts. Les soins de santé au Canada sont par essence un monopole non réglementé.
Le projet de loi 34 de la Nouvelle-Écosse, qui a créé les districts de santé, dit en substance: «Voici les responsabilités des districts de santé: gouverner, planifier, gérer, contrôler, évaluer et administrer les services de santé dans le district de santé.» Bien sûr, le projet de loi dit aussi que c'est le ministre qui établit les services assurés, et je ne sais pas trop comment résoudre ce conflit. Mais il existe un conflit évident lorsque des gens gouvernent, planifient, gèrent, contrôlent, administrent la prestation et évaluent les services qu'ils assurent.
Notre troisième recommandation est donc de faire quelque chose pour éliminer le conflit d'intérêts dans lequel les gouvernements accomplissent toutes ces fonctions. Puisque je me trouve dans un groupe d'experts du secteur de l'assurance, pensons au gouvernement comme à un organisme de réglementation: comment le gouvernement réagirait-il en tant qu'organisme de réglementation si une société d'assurances disait que 10 à 15 p. 100 des détenteurs de police n'avaient pas accès aux services dont ils avaient besoin? Au Canada présentement, beaucoup de gens dans beaucoup de districts n'ont pas accès à des médecins de famille, ce qui est clairement un service assuré. Si l'industrie de l'assurance disait au moment de réparer une voiture: «Désolé, vous avez payé vos primes mais nous n'avons pas de mécaniciens», le gouvernement dirait «Vous ne pouvez pas faire ça. Il y a un problème.»
Le commentaire final que j'aimerais faire est que, au-delà des erreurs que nous décelons, le régime de santé produit des résultats miraculeux sur une base régulière. Ma famille en a été bénéficiaire. Ma fille avait une affection qui mettait sa vie en danger. Elle va bien maintenant. Parce que nous ne mesurons pas les résultats, nous perdons l'occasion de célébrer les miracles qui se produisent sur une base quotidienne. Nous commençons à les prendre pour acquis et nous portons notre attention sur les erreurs.
Je crois que nous devons recueillir de l'information à la fois sur les erreurs et sur les excellents résultats. Vous entendrez probablement des exposés sur les erreurs et la gestion des erreurs. Mais les erreurs sont une manifestation particulière d'un mauvais résultat. Je crois que si nous rassemblons tous les cas où les gens ayant reçu des soins ont obtenu des mauvais résultats, nous serions capables d'élaborer des conditions permettant de remédier aux causes - quelles qu'elles soient, qu'elles proviennent d'erreur ou de croyances erronées. L'histoire de la médecine fourmille de cas où nous avons cru qu'un traitement particulier était valable pour apprendre par la suite qu'il ne l'était pas.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter et j'espère que nous aurons le temps d'échanger.
Le président: J'ai une question chacun pour le Dr Zitner et M. Anderson. Monsieur Anderson, lorsque nous étions dans l'ouest du Canada, nous avons entendu au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique des gens qui dirigeaient des cliniques privées ne traitant pas les patients de l'assurance-maladie. Ils traitent soit les Américains, soit les gens indemnisés par la Commission des accidents de travail ou les gens envoyés par les sociétés d'assurances parce que les sociétés préfèrent que les indemnisés reçoivent un bon service dans une clinique en vertu du raisonnement que plus longtemps ils attendront pour obtenir les services publics, plus la société d'assurances devra débourser.
Dans un autre ordre d'idées, les exploitants des cliniques privées nous disent que le projet de loi C-11 en Alberta a rendu plus difficile en fait l'exploitation d'une clinique privée. Ils n'opéreront pas en Alberta mais ils opéreront ailleurs dans l'Ouest, ce qui est curieux en quelque sorte étant donné la couverture qu'a eue le projet de loi 11 dans les médias.
Avez-vous des données sur la fréquence du recours à des cliniques privées qui sont à l'extérieur du régime et que l'industrie de l'assurance utilise? J'essaie de comprendre la fréquence d'utilisation. Nous faisons cela parce que nous savons tous qu'ils n'y a pas de régime à deux vitesses au Canada excepté si vous êtes client de la Commission des accidents de travail.
L'une des choses qui a choqué ce comité a été de découvrir que les indemnisés de la Commission des accidents de travail avaient leurs propres listes d'attente. Ils sont complètement à l'extérieur du système. Les médecins sont payés par d'autres sources que le régime ordinaire, et cetera. Nous avons ensuite découvert dans l'Ouest - et cela n'est pas un commentaire négatif - que les sociétés d'assurances, logiquement et dans l'espoir de réduire leurs coûts, utilisaient le même réseau de cliniques. J'aimerais obtenir quelques données là-dessus, si c'est possible.
M. Anderson: Nous pouvons essayer, sénateur. Je dois dire que le fondement empirique est plutôt faible, ici. Nous savons que cela se produit, bien sûr, et le motif est que les gens se portent mieux plus rapidement.
Le président: Bien sûr.
M. Anderson: Plus longtemps ils traînent dans le système, plus leur état empire.
Le président: C'est vrai. Nous ne sommes pas critiques face à cela. Nous essayons seulement de comprendre quelle ampleur ça a. Nous savons que tous les patients de la Commission des accidents de travail sont traités de cette façon. La question est: qui d'autre?
M. Anderson: Dans une certaine mesure nos clients sont aussi traités de cette façon, bien que notre capacité à orienter nos patients vers des fournisseurs particuliers est très étroitement réglementée dans des juridictions comme l'Ontario. En d'autres mots, nous ne pouvons pas dire simplement: «Vous devez vous rendre là.»
Le président: D'accord. Ce que vous dites, c'est que s'ils ne désirent pas se rétablir plus rapidement, vous ne pouvez pas les y forcer.
M. Anderson: C'est exact.
Le président: De toute façon, toute information de cet ordre serait précieuse.
J'ai une question à poser au Dr Zitner. Vous avez dit qu'il n'existait pas d'information à propos de l'efficacité des résultats et de la longueur de l'attente. Il y a un troisième type d'information que j'aurais pensé que vous ajouteriez, et c'est que, d'après ce que nous avons compris, les hôpitaux à travers le pays ne savent pas combien cela leur coûte d'effectuer une procédure en particulier.
Le Dr Zitner: Je crois que cela est également vrai. Fait intéressant à noter, une grande partie des calculs que les gens font sont des divisions. L'Institut canadien d'information sur la santé prend essentiellement en compte le nombre de gens traités pour un diagnostic particulier. Ils le font pour mettre au point ce qu'ils appellent un «poids de l'intensité des ressources». Par exemple, la naissance d'un bébé demande moins de ressources qu'une opération du cerveau. La pneumonie, par exemple, peut posséder un poids particulier d'intensité des ressources. Ils ne font pas de rajustements pour tenir compte de la gravité des cas. Ils ne font pas de distinction entre les gens atteints de pneumonie qui sont très malades et les gens atteints de pneumonie qui sont modérément malades. Il existe donc un grave problème.
Ils prennent en compte tous les diagnostics affectant une personne. Si quelqu'un a une pneumonie, plus du diabète, plus une insuffisance rénale, le poids de l'intensité des ressources sera plus élevé. Mais si quelqu'un n'a qu'une pneumonie aiguë et qu'il est amené en civière à l'hôpital, le système ne fera pas de distinction entre cette pneumonie et une pneumonie que je pourrais traiter dans mon cabinet avec un antibiotique administré par voie orale. Ils ne tiennent compte que des patients des hôpitaux. Cela prendrait un certain temps d'exposer tout ça et je serais heureux d'en discuter avec vous à un moment futur.
Le président: Nous le ferons en dehors de l'audience. Ce qui nous a frappé, c'est que les hôpitaux sont des établissements majeurs fournissant des services et pourtant ils n'en connaissent pas les coûts individuels. Nous avons demandé à différents directeurs généraux d'hôpitaux qui ont comparu devant nous combien cela coûterait de remplacer une hanche. Personne n'a pu jusqu'à maintenant en donner une vague idée. Comment faites-vous pour gérer une entreprise si vous ne connaissez pas les coûts de production?
Le Dr Zitner: C'est en essayant de comprendre certaines de ces questions que j'ai été distrait de la pratique des soins primaires. C'est difficile de comprendre comment les gens gèrent. Au fait, puisque nous parlons du secteur privé, les organisations gérées par le gouvernement ne se comportent pas de façon très différente. En fait, si vous visitez les hôpitaux à travers le pays, incluant la Nouvelle-Écosse, vous constaterez qu'il y a un grand effort de commercialisation de nourriture - y compris certains beignes à haute teneur en gras - qui n'est pas exactement bonne pour les gens. C'est difficile parfois de trouver des aliments sains dans un hôpital.
C'est fait dans le but de générer des revenus, ce qui est compréhensible parce que les gens ont besoin de revenus et parce que les gouvernements ont l'impression qu'ils ne peuvent pas totalement soutenir le système - mais ça ne cadre certainement pas avec l'élément de la santé de la population.
L'autre anecdote que je vais vous relater illustre le fait que l'obligation de rendre compte peut être victime du monopole. Nous avions en Nouvelle-Écosse un système semblable à celui utilisé en Pennsylvanie. Nous l'utilisions comme référence. Chaque hôpital de Pennsylvanie a l'obligation de fournir des renseignements au sujet des résultats rajustés en fonction de la gravité des cas au site Web dont l'adresse est www.phc4.org. Nous l'avons fait jusqu'en 1995, mais lorsque le Victoria General et le Halifax Infirmary ont été regroupés, les gens ont décidé de ne plus le faire.
L'autre question se formule en termes d'employés. J'ai raté l'exposé de Mme Henderson plus tôt, mais il n'est pas clair que la situation de monopole profite aux employés ou les désavantages. S'il n'y a pas de concurrence pour se procurer des employés, les conditions de travail se détériorent parfois. Je soupçonne que vous avez entendu dire que les conditions de travail de beaucoup de professionnels de la santé sont telles que le gouvernement, en qualité d'autorité réglementaire, ne les accepterait probablement pas.
Le sénateur LeBreton: En ce qui a trait aux indemnisés de la Commission des accidents de travail, nous en sommes venus à la conclusion qu'il n'y a pas deux vitesses; il y a une vitesse supérieure. Dans cette vitesse supérieure, il semble que des lits d'hôpital soient réservés. C'est quelque chose que nous devrions vraiment éclaircir.
J'ai une brève anecdote ayant trait à la nourriture. L'Institut de cardiologie d'Ottawa abrite un petit restaurant appelé Tickers où sont servis des aliments-santé comme des muffins à faible teneur en gras. Peut-être que cela pourrait servir d'exemple.
Monsieur Anderson, ma première question emboîte le pas à celle posée par le président. Comment le Bureau d'assurance du Canada réagit-il aux écarts entre les juridictions? Sur toute cette question de la responsabilisation et de l'accès, comment une organisation comme la vôtre, qui représente tout le monde à travers le pays, s'en tire-t-elle avec les diverses questions juridictionnelles auxquelles elle doit sûrement faire face?
M. Anderson: Si je peux me permettre, sénateur, je voudrais signaler pour la postérité que nos polices d'assurance ne couvrent pas les beignes.
C'est une bonne question et elle va au c9ur du problème. Nous avons 13 solitudes au Canada lorsqu'il est question des diverses juridictions gouvernementales et de qui veut quoi des assureurs automobiles. Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires ont tous des règles différentes. Ces règles ne sont pas harmonisées. Elles témoignent toutes plus ou moins d'un manque d'intérêt pour réglementer ou ramener la réadaptation et la prévention des blessures dans la mouvance des services de l'assurance-maladie gouvernementale. C'est l'un de nos problèmes fondamentaux.
Nous avons commencé, de façon très professionnelle, à contester les projets de loi qui nous touchent et que nous estimons scandaleux. C'est tout simplement devenu un truc passe-partout pour financer les services hospitaliers au Canada. Nous assistons dans un laps de temps très court à une augmentation de 300 p. 100 des droits versés aux provinces; nous savons que les frais médicaux n'ont pas augmenté d'autant. Nous commençons à demander des preuves empiriques du niveau des coûts au sein du régime. Nous le faisons à travers tout le pays et jusqu'à maintenant nous n'obtenons pas grand'chose en termes de résultats tangibles.
En Ontario, finalement, nous avons obtenu du gouvernement voilà un mois un accord sur un système de facturation standard qui demande aux gens nous facturant de remplir des demandes d'indemnité standardisées, ce qui nous permet de savoir où vont les dépenses et quelles sont les traitements.
Mais cela commence à peine. Pendant des années, personne au pays n'a recueilli ces statistiques et, s'il en existait, personne ne les utilisait. L'ICIS, dont David Zitner a parlé, ne recueille aucune statistique sur les victimes d'accidents d'automobile. En dehors de ça, je ne sais pas à quel point sa base de données sur la réadaptation est solide.
Il existe une fragmentation au Canada - une sorte d'attitude «c'est notre territoire, occupez-vous de vos affaires»qui est l'un des problèmes fondamentaux de ce régime. Je sais que c'est très difficile par les temps qui courent, mais le gouvernement fédéral doit commencer à montrer un certain leadership dans ces domaines. Nous n'avons pas les données pour prendre les décisions que nous devons prendre, qu'il s'agisse du secteur privé ou, comme l'a signalé le Dr Zitner, du secteur public.
Le sénateur LeBreton: Les coûts qui vous sont transmis varient-ils beaucoup à travers le pays? Existe-t-il une uniformité quelconque ou est-ce également une partie du problème?
M. Anderson: En un mot, non.
Le sénateur LeBreton: Avez-vous un commentaire à faire là-dessus, docteur Zitner?
Le Dr Zitner: Les coûts marginaux de la cueillette de certaines de ces informations seraient très bas, étant donné que quelqu'un examine déjà chaque page des dossiers médicaux. Les gens qui font cela, au fait, sont des personnes brillantes et talentueuses et je ne sais pas comment elles peuvent passer leurs journées à essayer de déchiffrer certains de nos gribouillages.
On penserait cependant que quelqu'un qui examine chaque page de chaque dossier médical se donnerait la peine de demander: «L'état de cette personne s'est-il amélioré? Combien de temps a-t-il attendu?». Le coût supplémentaire serait vraiment assez marginal. Les gens disent que c'est difficile à déterminer, mais les patients savent ce qu'ils peuvent faire et s'ils se sentent mieux. Il existe des systèmes, comme celui que nous utilisions à l'Infirmary, qui permettent une certaine évaluation de la prolongation de votre espérance de vie.
Un autre sujet pouvant vous intéresser est la santé de la population. La toxicomanie est l'un des codes anormaux, ce qui incluse l'assuétude à une substance comme la nicotine. Les gens en Nouvelle-Écosse ont arrêté de recueillir cette donnée lorsqu'ils examinent chaque page de chaque dossier. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire aujourd'hui combien des personnes qui sont à l'hôpital étaient des fumeurs et combien ne l'étaient pas - en dépit du fait que l'habitude de fumer peut avoir un impact sur la durée d'un séjour à l'hôpital.
Le sénateur LeBreton: C'est vrai.
Le Dr Zitner: J'ai vérifié auprès de l'ICIS hier que les hôpitaux ont le choix des données qu'ils récoltent ou non. Chaque organisation décidant pour soi quels éléments elle recueillera ou non, cela signifie qu'ils ne peuvent prétendre avoir une base de données comparative. Cela devient un grave problème, particulièrement lorsque des gens tentent de se servir des données.
Un hôpital de l'Ontario a signalé avoir reçu 8 millions de en supplément parce qu'il est passé du codage rétrospectif au codage concurrent. Ils avaient un codifieur sur place. Sans changement quelconque dans le rendement administratif ou clinique ou encore dans le type de cas, leur intensité de ressources est donc passée de 2,5 à 4 p. 100. Je ne crois pas que ces gens pensaient être cyniques. Ils ont fait cela parce qu'ils pensaient que c'était une meilleure façon de coder. Toutefois, si les gens utilisent des codes différents, vous ne pouvez pas comparer les systèmes entre eux.
Le sénateur LeBreton: Je lisais l'autre jour une statistique à propos de l'impact du tabagisme sur les maladies du c9ur et le cancer du poumon. Selon ce que vous dites, on ne peut même pas se fier à ces données.
Le Dr Zitner: Il existe un ensemble d'enquêtes de Statistique Canada qui produit des données assez fiables sur la population. En ce qui a trait aux hôpitaux choisissant de coder si une personne est là en raison d'une pneumonie ou d'une insuffisance cardiaque congestive ou d'une maladie du c9ur, les gens ont dit: «Nous n'enregistrerons pas cela.»
Le sénateur LeBreton: Docteur Zitner, vous avez parlé d'un conflit d'intérêts patent et, bien sûr, cela a été signalé abondamment dans tout le pays. Vous avez mentionné que quelque chose devrait être fait pour éliminer cela. Dans un monde parfait, quel serait ce «quelque chose»?
Le Dr Zitner: Eh bien, je crois qu'il existe plusieurs façons d'y arriver. Il est évident que le groupe qui administre les soins ne peut être le même que celui qui évalue le rendement. Ce n'est pas quelque chose de courant dans tout autre secteur. Si le gouvernement décide qu'il veut administrer les soins gouvernementaux, alors ils doivent avoir un organisme indépendant, comme le vérificateur général, muni d'un financement autonome et qui ne dépend pas de l'organisme sur lequel il fait rapport.
Notre gouvernement semble fonctionner très bien en tant qu'organisme de réglementation. Notre réseau routier semble mieux fonctionner que notre régime de soins de santé parce que nous pouvons nous déplacer d'un endroit à l'autre et que les routes sont réparées. Toutefois, les gouvernements n'ont pas mis sur pied d'organisations pour construire eux-mêmes les routes; ils procèdent par appels d'offres. Le gouvernement pourrait agir en qualité de groupe établissant les normes et demander aux gens de se faire concurrence pour avoir l'opportunité de fournir les services de santé. Je pense qu'il existe plusieurs moyens de faire cela. Avant que quoi que ce soit puisse se faire, les gens doivent accepter le principe que ces fonctions doivent être séparées.
Le sénateur LeBreton: Quel est le coût approximatif pour les Canadiens de la fraude à l'assurance?
Mme O'Reilly: Pour l'ensemble des types de fraude, nos études indiquent que le chiffre oscille autour de 1,3 milliard de dollars annuellement. Vous pouvez y ajouter 1 milliard de dollars en coûts pour la société - ce qui comprend tout, des tribunaux encombrés aux traitements médicaux inutiles et aux pompiers perdant la vie en se déplaçant vers le lieu d'un incendie criminel ou en combattant un incendie criminel. C'est un coût qui touche presque tous les éléments de la société et qui se chiffre à plus de 2 milliards de dollars.
Le sénateur LeBreton: Il existe un besoin pressant que l'engagement politique passe des discussions à l'action. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Le sénateur Robertson: Certains jours sont plus décourageants que d'autres et je pense que les témoignages de ce matin nous font pencher vers le désespoir. Il y aura cependant des jours meilleurs, j'en suis sûr.
Pourquoi existe-t-il une telle carence de responsabilisation de nos établissements de santé, hôpitaux, et cetera? Ce sont des administrateurs formés à l'Université qui gèrent ces institutions. Est-ce la formation qu'ils reçoivent, les conseils d'administration avec lesquels ils doivent composer où les idées fixes de certains membres du personnel comme les médecins qui font tomber le système en morceaux?
Le Dr Zitner: En qualité de médecin, je dirais que ce sont les idées fixes des administrateurs, mais cela est une autre histoire. La réponse à cette question est très complexe. Les gens parlent de participation, de groupes qui ont une cohésion. Pour mesurer et surveiller le rendement du régime de santé, vous devez rassembler les gens et ouvrir un dialogue. Nous avons un système où les administrateurs sont très occupés à faire de la microgestion et à régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. Il y a aussi des cliniciens qui n'ont pas beaucoup de temps libre, alors la collaboration semble laissée de côté.
Une partie du problème tient aux structures gouvernementales parce qu'elles n'ont pas posé les bonnes questions. Elles n'ont pas demandé aux gens qui administraient les organisations combien de gens attendaient et combien de temps.
La cardiologie a effectué un travail exemplaire. Ils stratifient les gens selon le risque. Ils ont des systèmes qui mesurent et surveillent les résultats des gens qui sont en liste d'attente pour connaître quels délais sont appropriés et quels délais ne le sont pas.
C'est une question de gouvernance. Les conseils des gouverneurs doivent garder le contact avec le directeur général et savoir par son entremise qui attend et depuis combien de temps et combien de gens vont mieux. Au QE II, nous dépensons 350 millions de dollars pour poser ces questions et y répondre et je pense que c'est raisonnable. Nous devons savoir combien de gens vont mieux. Nous nous attendons à ce que l'état de certains patients empire, mais la bonne nouvelle est que la plupart des gens tirent profit du service que nous offrons.
Si nous essayons d'améliorer les soins au pays et une fois que nous aurons recueilli les résultats, je pense que nous aurons beaucoup de raisons de célébrer. Nous serons aussi capables de remédier aux insuffisances du régime.
M. Paul Kovacs, premier vice-président des politiques et économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada: Nous sommes frustrés par l'approche actuelle dans laquelle les hôpitaux et le rôle des médecins sont perçus comme étant indépendants d'une vision plus large du régime de soins de santé. Les médecins et les hôpitaux jouent un rôle dans la réadaptation, mais beaucoup de choses se passent ailleurs que dans les cabinets des médecins et les hôpitaux; il existe un autre secteur tout entier de gens travaillant à la réadaptation.
Nous avons établi dans chaque province un régime où les indemnisés de la Commission des accidents de travail ont accès au système de réadaptation par une voie autonome de celle dont les assureurs automobiles et le régime d'administration publique à ce système.
Si on recherche la responsabilisation, réunissons ces trois pôles, collaborons ensemble et définissons un système unique. Faisons cela même si les paiements viendront de trois sources différentes: de la Commission des accidents de travail, des assureurs automobile et du régime public.
La fonction achetée - qui est la réadaptation - est la même. Si vous êtes blessé, cela ne compte pas réellement pour vous que ce soit arrivé au travail ou dans une automobile ou de quelque autre façon. Vous avez besoin d'aide et il existe des professionnels qui sont disposés à vous fournir cette aide.
Nous pensons que la bonne solution pour la responsabilisation commence par affirmer que nous avons un seul régime de soins de santé. Si nous pouvons commencer avec cet état d'esprit qu'il existe un système et qu'il englobe la réadaptation pour une partie de ce dont nous avons parlé aujourd'hui, la provenance du financement n'importe plus vraiment. Nous avons un patient ayant besoin de soins. Ayons un seul système et une responsabilisation qui tient tout en place. C'est de là que provient notre optimisme. Nous pouvons avoir un système utilisant beaucoup mieux les ressources existantes pour réellement servir les besoins du public blessé.
Le sénateur Robertson: Ma dernière question ne se rapporte pas particulièrement à vos exposés. Nous avons entendu de nombreux commentaires à propos du manque de fonds dans tous les segments du régime de soins de santé - se serrer la ceinture, les longues listes d'attente, et cetera. Avez-vous un peu de sagesse à nous communiquer? Par exemple, comment le régime de soins de santé que nous possédons présentement pourrait-il offrir des incitatifs monétaires pour encourager l'efficacité des dépenses à la fois pour les fournisseurs de services et les consommateurs?
Le Dr Zitner: Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le département des sciences de l'information de Dalhousie et nous sommes à élaborer un programme de deuxième cycle en informatique de la santé qui est une collaboration entre la médecine et les sciences de l'information.
L'un des articles que nous avons écrits récemment s'intitulait: «Methods to Identify Pertinent and Superfluous Activity». Il existe des façons de distinguer quels facteurs contribuent à un résultat et quels ne le font pas. En premier lieu, vous devez mesurer un résultat. Tant que nous paierons les gens pour des activités et non des résultats, nous serons en difficulté.
En tant qu'élément de l'infrastructure, il sera toujours tentant d'essayer de modifier la façon dont nous administrons les soins pour régler les problèmes. À moins que nous ne réglions d'abord le problème de l'infrastructure des renseignements, nous serons placés dans la situation où les gens auront des idées et qu'ils seront capables d'imposer leurs vues s'ils sont des orateurs convaincants. Mais nous ne saurons pas ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
M. Anderson: Nous avons essentiellement la même réponse. Elle met en jeu un accent sur les résultats plutôt que sur les procédures, particulièrement en recherchant des protocoles de traitement consciemment mieux définis pour les types de blessures se produisant le plus souvent. Lorsque vous examinez les données, vous devez demander pourquoi deux personnes se trouvant dans une situation presque identique se verront souvent prescrire des niveaux complètement différents de traitement intensif. Il n'existe aucune indication, au terme de la procédure, que la personne ayant reçu le plus d'attention a obtenu des meilleurs résultats.
La première partie de la réponse à ceci est de se concentrer sur les résultats. Vous commencez par récompenser de manière différente le succès des résultats.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Anderson, vous avez parlé des montants que votre industrie contribuait aux soins de santé et je crois que vous avez mentionné qu'il s'agissait maintenant de 2,5 milliards de dollars. Vous avez mentionné par la suite que l'une des raisons était le délestage effectué par le gouvernement. Pourriez-vous élaborer s'il vous plaît?
M. Anderson: Oui. En vertu des lois provinciales sur l'automobile au pays, les gouvernements ont au cours des dernières années délesté de plus en plus de dépenses vers les polices d'assurance automobile. Aujourd'hui, si vous êtes une victime d'accident blessée, vous recevez des traitements dans le cadre du régime mais beaucoup de vos dépenses sont défrayées par le secteur privé, alors que voilà quelques années elles étaient assumées par le régime public.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé des faiblesses du régime et souligné que nous devons accorder plus d'attention à la prévention, à la population, à la réforme de la santé, aux soins primaires et à un système d'information sur la santé. Toutes ces choses, bien sûr, coûtent de l'argent.
M. Anderson: Oui.
Le sénateur Callbeck: À votre avis, d'où devraient provenir les fonds?
M. Anderson: Je vais paraître un peu audacieux ici, mais je pense qu'il y a suffisamment d'argent dans le régime aujourd'hui pour faire ces investissements. Ce ne sont pas de gros investissements. Les gains à réaliser grâce à une meilleure information sur la prestation des soins de santé sont énormes.
Je ne suis pas convaincu que le type d'explosion du financement des soins de santé que nous avons connu au pays est une équation en ligne droite qui doit se poursuivre dans la même voie. Si nous regardons ce que nous réalisons dans le cadre du régime maintenant, sommes-nous réellement convaincus que nous possédons la prestation de services la plus efficace et la plus responsable? Je pense que beaucoup de nos témoins répondraient non. Nous avons un bon régime, mais il nous coûte beaucoup d'argent. Trop souvent, la solution trouvée par les gouvernements aux problèmes médicaux est d'annoncer des gros investissements, pour dire qu'ils ont mis plus d'argent dans le régime. J'ai cependant rarement entendu un gouvernement préciser quels changements il prévoit constater dans le régime.
Le sénateur Callbeck: Présumons que nous n'avons pas suffisamment d'argent dans le système; où trouverions-nous l'argent supplémentaire ou bien où devrions-nous chercher?
M. Anderson: Je ne sais pas si j'ai une bonne réponse à cela, sénateur. Ce n'est pas un sujet auquel nous avons réfléchi. Notre présomption est qu'il y a assez d'argent dans le système.
Le Dr Zitner: Nous dépensons beaucoup d'argent en systèmes de renseignement. Nous dépensons 1,5 million de dollars en codage manuel. L'un de nos étudiants diplômés mène un projet visant à coder les dossiers à la machine. Ils ne seront pas plus précis au début, mais ils seraient au moins fiables et les erreurs se produisant pourraient être corrigées. Nous dépensons beaucoup d'argent sur l'information à l'heure actuelle; c'est simplement que nous n'obtenons pas les renseignements dont nous avons besoin.
Nous savons qu'il existe en soins de santé des activités qui sont superflues; elles ne donnent pas de bons résultats. Si nous récompensons les activités qui sont plus valables et refusons notre appui aux activités qui ne produisent pas de valeur en termes d'amélioration de la santé, nous pourrions probablement prendre soin de la collectivité avec les dollars que nous dépensons maintenant.
M. Kovacs: Les propositions particulières dont nous parlons: une meilleure information, investir dans la prévention, ne sont pas onéreuses et les résultats pourraient être énormes.
Dans l'industrie de l'assurance auto, par exemple, il y a deux fois plus de conducteurs que voilà 25 ans. Le nombre de décès dans des accidents d'automobile était cependant quatre fois plus élevé il y a 25 ans qu'aujourd'hui. Nous avons investi des sommes pour diminuer l'alcool au volant; le taux d'utilisation de la ceinture de sécurité est beaucoup plus élevé qu'il y a 25 ans. Aujourd'hui, les jeunes gens doivent mériter le droit de conduire. Nous avons obtenu un excellent retour, le quart du taux de mortalité d'il y a 25 ans, avec un investissement assez modeste. Nous n'avons pas dépensé beaucoup d'argent pour amener les gens à penser différemment leur conduite automobile.
Si vous prenez cette notion et que vous l'appliquez à l'aspect de la prévention, les économies sont énormes à l'aide d'un montant d'argent relativement faible. Nous parlons de millions dans un régime où plusieurs dizaines de milliards sont investis.
Le sénateur Callbeck: Cela prend au départ un surplus d'argent à injecter dans le régime. Docteur Zitner, vous avez mentionné que les hôpitaux pouvaient recueillir tous les renseignements qu'ils désiraient. Nous avons entendu l'autre jour un témoin dire que pour avoir confiance dans le régime, le public avait besoin d'information. On a imposé en Ontario une fiche de rapport à tous les hôpitaux et, à ce que j'ai compris, les mêmes renseignements de tous les hôpitaux.
Le Dr Zitner: J'ai vu cette fiche de rapport et j'en ai discuté avec les gens qui l'ont préparée. Des questions se posent sur la fiabilité des données. Ce n'est pas tout à fait l'anarchie, avec chaque hôpital recueillant les renseignements qu'il désire. Ils récoltent des renseignements sur les codes de diagnostic. Ces renseignements ne sont as toujours recueillis de la même façon, alors vous obtenez ce qui semble être des renseignements comparables mais ce n'est pas le cas.
Le dernier rapport de l'ICIS que j'ai examiné faisait état d'une entente de 80 p. 100 entre les codifieurs en ce qui a trait au diagnostic principal des patients. Si on inclut plus d'un diagnostic, l'entente chutait à 40 p. 100. Je ne suis pas certain de ce que leurs plus récentes études indiquaient.
Ils ne demandent pas si l'état des gens s'est amélioré ou non. L'idée de comparer les hôpitaux et de mettre au point une fiche de rapport interprétant les pneumonies par la durée du séjour est une absurdité. La dernière fiche de rapport suggérait que, pour les femmes donnant naissance à des bébés, l'accouchement vaginal après césarienne était l'option privilégiée. Un article du New England Journal of Medicine signalait récemment que les essais d'accouchement vaginal après césarienne étaient associés à une mortalité accrue. En l'absence d'information sur les résultats, il est difficile de savoir si des taux plus élevés sont préférables ou non.
La fiche de rapport de l'Ontario porte sur l'allocation des ressources. Elle ne fait pas de rapport sur le nombre de gens dont l'état s'est amélioré. Elle indique simplement la durée des séjours à l'hôpital. Il n'y a aucun rajustement pour la composition de la clientèle.
Le sénateur Cordy: Ma question s'adresse à Mme O'Reilly. J'ai été frappée par le fait que 25 p. 100 des demandes d'indemnité comportent un élément de fraude. Ca me semble extrêmement élevé. Je me demande pourquoi cela se produit. Les gens ont-ils l'impression de pouvoir s'en tirer? Comment pourrions-nous modifier la situation afin de diminuer ce pourcentage?
Mme O'Reilly: Il existe deux catégories différentes de fraudeurs. Il y a les actes de fraude prémédités commis par des criminels sophistiqués qui mettent sur pied des réseaux de fraude qui impliquent non seulement les demandeurs d'indemnités mais des professionnels de la santé ainsi que des avocats. Ils tissent une toile occulte conçue pour extraire du système de l'argent auquel ils n'ont à l'évidence pas droit. Ces réseaux nous ont parfois coûté des millions de dollars en pertes.
L'autre catégorie de fraude est commise par des individus opportunistes qui sont à d'autres égards d'honnêtes Canadiens. Il ne leur viendrait pas à l'idée de voler qui que ce soit. Ces individus ont un accident ou sont dans une situation légitime et décident qu'il s'agit d'une opportunité de se procurer des montants auxquels ils n'ont pas droit légalement. Cela se produit lorsque les gens font des demandes pour un remplacement de revenu ou une indemnité d'accident automobile à la suite de leur accident légitime. Essentiellement, ils gonflent leur demande d'indemnité.
Lorsque ces gens sont démasqués et que l'indemnité résiduelle est refusée, c'est généralement après que beaucoup de soins de santé ont déjà été prodigués. Ils ont déjà vu le chiropraticien, le massothérapeute et le physiothérapeute. C'est leur médecin généraliste que les Canadiens consultent le plus fréquemment après un accident.
M. Anderson: Les statistiques indiquent que les gens commettent des crimes lorsqu'ils pensent qu'ils pourront s'en tirer. Je pense à cet égard que notre industrie a un certain travail à effectuer. Nous devons alerter ceux qui traitent les plaintes des drapeaux rouges les plus fréquents indiquant qu'une demande d'indemnité est possiblement frauduleuse. Nous effectuons ce travail à l'heure actuelle.
Le sénateur Cordy: Alors ce serait une façon d'y mettre un terme?
M. Anderson: Oui.
Le sénateur Cordy: Nous pouvons certainement abaisser le pourcentage en formant mieux nos intervenants de première ligne.
M. Anderson: Quelqu'un qui vous arrive avec des connaissances médicales plus complètes que celles du Dr Zitner et en sait plus au sujet des assurances qu'aucun d'entre nous est quelqu'un de très familiarisé avec la façon dont le système fonctionne.
Mme O'Reilly: Notre étude nous a montré quels étaient les signes de fraude. C'est l'un des sous-produits utiles que nous allons intégrer au système.
Le sénateur Cordy: Monsieur Anderson, vous avez parlé de résistance au changement. Je présume que vous vouliez dire à la fois de la part du public et de la part des gens au sein du régime de soins de santé.
M. Anderson: Oui.
Le sénateur Cordy: Vous avez utilisé le terme d'embâcle d'intérêts personnels. Je pense que j'y réfère souvent comme étant le syndrome «Pas dans ma cour». Les gens soutiennent qu'il faut des changements jusqu'à ce que ceux-ci les touchent. Comment pouvons-nous surmonter cela en apportant des changements au régime de prestation des soins de santé au Canada?
M. Anderson: J'espère que ma réponse ne vous semblera pas simpliste, mais les Canadiens doivent en savoir davantage sur la façon dont le système fonctionne. Je ne sais si cette étude a été réalisée, mais je serais surpris si les Canadiens savaient que 30 p. 100 du régime est financé par le secteur privé. Nous avons passé une décennie à dire qu'il n'y aura pas de régime de santé de deuxième rang au Canada, à faire des campagnes électorales et à gagner des élections là-dessus.
Il y a un deuxième rang de soins de santé au Canada. Il est important et il est en croissance. Les Canadiens ne savent pas cela. Ils ne savent pas qu'il y a des avantages qui en découlent parce que nous avons fait présenté comme ignoble une participation du secteur privé aux soins de santé. Nous en venons au point, j'espère, où il y aura suffisamment de courage politique à travers le pays pour dire aux Canadiens comment ces choses fonctionnent réellement.
Les Canadiens adorent se plaindre du régime et de ses ratés. On dirait que vous ne pouvez pas vous rendre à l'hôpital de nos jours sans que quelqu'un ressorte une histoire d'horreur à propos de sa dernière visite. C'est un droit d'entrée pour les activités sociales et pourtant nous semblons disposés à injecter plus d'argent dans le régime. Je crois qu'une meilleure compréhension de la façon dont le régime fonctionne, une présentation plus honnête des enjeux et prêter aux Canadiens l'intelligence nécessaire à juger ces questions et à faire les bons choix seraient un bon début.
Le sénateur Cordy: Docteur Zitner, je sais que les universités de la région atlantique ont de la difficulté à obtenir des fonds de recherche parce qu'ils ont tendance à être scindés en deux. Les universités de la région atlantique ne disposent pas de fonds que, par exemple, l'Université de Toronto obtiendrait. Je me demande si les hôpitaux de la région Atlantique sont également désavantagés en termes de financement?
Le Dr Zitner: Le désavantage est important en ce qui a trait à la recherche en matière santé et aux hôpitaux parce que nous dépendons des coffres de la province et que cette province n'est pas riche.
Nous avons tenté de mettre sur pied des collaborations entre le secteur universitaire et l'administration des collectivités fournissant des services de santé afin de travailler ensemble à faire le meilleur usage des fonds dont nous disposons. Il n'y a aucun doute que les gens se sentent limités dans leur capacité à apporter des améliorations aux soins de santé.
La Nouvelle-Écosse est probablement la province idéale pour effectuer des recherches sur les soins de santé en raison de notre taille. Nous sommes représentatifs de la population. Je pense que les administrateurs, les cliniciens, les associations médicales et les universitaires s'entendent tous. C'est une collectivité suffisamment petite pour que nous ayons le potentiel de réaliser certaines choses probablement assez spéciales.
Le sénateur Cordy: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Cook: Vous parlez de responsabilisation. Comment équilibrez-vous la responsabilisation et la protection des renseignements personnels, qui semble être un très grande préoccupation des Canadiens aujourd'hui? Qui devrait avoir la responsabilité de recueillir les renseignements fondés sur les faits afin de mesurer vos revenus? Quels sont les facteurs déterminant pour établir le montant des primes?
M. Kovacs: Ces questions touchent au c9ur de notre industrie. En ce qui a trait à la protection des renseignements personnels, nous pensons que l'industrie de l'assurance dans notre secteur du régime plus large de soins de santé est bâtie sur l'important lien de confiance entre les clients et l'industrie. Les clients ont un large choix et donc, conserver notre clientèle et sa confiance exige un respect absolu des renseignements personnels. Nous sommes forts d'une histoire de 200 ans au cours de laquelle cela a été très bien respecté. Nous n'avons pas d'antécédents de problèmes et nous avons mis en place beaucoup de procédures en collaboration avec les organismes de réglementation des assurances et d'autres intervenants qui nous supervisent de très près. Il existe en regard du besoin d'organisation une obligation particulière de rendre compte - très bien définie - exigeant qu'un client qui a des questions ou qui désire obtenir des éclaircissements sur la façon dont ces sujets sont traités reçoive des réponses claires et précises. Nous sommes fiers du sérieux avec lequel nous traitons la protection des renseignements personnels ainsi que des systèmes mis en place.
Nous avons mené un dialogue public ouvert avec les représentants appropriés sur la manière de gérer adéquatement un système en tenant compte de la protection des renseignements personnels des clients. Nous collaborons avec le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et la nouvelle loi adoptée par le gouvernement fédéral ainsi que ses équivalents dans les provinces pour traiter des questions telles que la fraude.
Si un groupe de criminels tente délibérément de s'approprier des fonds du système et provoquant ainsi une hausse des coûts devant être assumée par tous, la seule façon de débusquer ces criminels est d'analyser l'information portant sur divers clients d'assurance. Les contrôles appropriés sont donc en place parce que le public le veut, mais ils sont si bien gérés qu'aucun renseignement personnel n'est divulgué pour une raison autre que l'intérêt public.
Cela a été scruté de très près par les représentants des organismes réglementaires appropriés et d'autres personnes pour que nous puissions être plus efficaces et allouer plus de ressources à faire ressortir les types de comportement criminels.
Nous pensons que nous avons trouvé un engagement envers le public qui nous permet de traiter avec chaque client et de protéger les renseignements personnels mais aussi de disposer des outils complémentaires pour identifier les pratiques frauduleuses et les éliminer du système afin de progresser.
M. Anderson: Nous avons été le premier secteur, dans l'industrie des services financiers, à faire approuver et adopter un code de protection de la vie privée en vertu des normes de protection des renseignements personnels de l'association canadienne de normalisation. À ma connaissance, dans toutes nos années de fonctionnement, il n'y a pas eu une seule violation de la vie privée ou une seule plainte.
M. Kovacs: En ce qui a trait à la recherche fondée sur les faits, si j'ai bien compris l'essentiel de votre question, nous sommes des professionnels de l'assurance. Nous ne sommes pas des professionnels des soins de santé. Nous avons tenté d'ouvrir le dialogue avec les gouvernements provinciaux qui nous prêtent certains des pouvoirs dont nous avons besoin pour gérer ces coûts aussi bien que possible. Nous avons souligné que nous avions la responsabilité publique de gérer une partie des soins de santé. La réadaptation est le plus gros dossier que nous avons. Nous aimerions obtenir des outils pour administrer et gérer adéquatement la partie qui a été confiée à nos soins.
Nous comparons notre rôle à celui d'organisations comme la Commission des accidents de travail et d'autres lorsque quelqu'un se blesse en milieu de travail. Il entre dans le système pour recevoir des soins et quelles sont les façons de s'assurer que la tâche du système est accomplie efficacement? Nous avons essayé d'obtenir les mêmes outils de gestion dont dispose le régime public de santé et les commissions des accidents de travail. Présentement cependant, ils ne sont pas complètement accessibles aux sociétés d'assurance-automobile pour des raisons qui nous échappent. Peut-être parce que nous ne les avions pas demandés auparavant.
Mais, dans cette procédure, il nous apparaît que le travail de recherche fondé sur les faits doit être effectué par la collectivité médicale. Il doit se faire par l'entremise d'un large consensus de travail. Cela commence souvent avec la recherche universitaire. Cela se produit par la participation des collectivités nationales. Vous avez un large consensus pour dire que c'est la blessure qui a été infligée. Ceci est le traitement que tout professionnel reconnaîtrait comme étant le traitement adéquat et tout programme faisant suite à cette procédure sera rapidement financé. Quiconque dévie de cela devra répondre à des questions et il faudrait lancer une discussion. La procédure dérive de la recherche pure et d'un large processus de consultation avec les professionnels assurant la prestation.
Enfin, pour ce qui est des primes, celles-ci reflètent nos coûts. Dans la mesure où nous disposons d'une façon de nous assurer que notre rôle dans la prestation des services s'accorde avec les coûts réels et avec les meilleurs résultats et la meilleure santé du public, ces coûts seront dans nos prix. La fraude criminelle ajoute à ces coûts. Des traitements superflus qui sont inadéquats en raison d'une mauvaise gestion ou de l'absence des outils permettant de réaliser une gestion appropriée ajoutent aux coûts.
Les organismes provinciaux de réglementation des assurances forceront notre industrie à dire: «Nous devons facturer nos coûts. On ne peut pas gérer une société d'assurances qui ne couvre pas ses coûts.» Le public, nous tous qui conduisons, nous tous qui sommes propriétaires de maisons, paierons davantage en assurance qu'il n'est nécessaire si nous échouons à obtenir les bons outils pour gérer les frais pratiqués.
Nous recherchons une gestion de la protection des renseignements personnels, une façon de s'assurer que nous disposons de la recherche fondée sur les faits pour garder le contrôle de nos coûts et les outils pour les gérer de sorte que nos coûts reflètent ce qui est vraiment nécessaire pour rétablir quelqu'un qui a été blessé dans un accident d'automobile.
Le sénateur Léger: Nous avons beaucoup entendu parler des fraudes au système d'assurance, des fraudes au système médical. Nous entendons beaucoup parler de systèmes. Je pense que nous oublions pour quelle raison nous existons. Qu'arrive-t-il avec les honnêtes gens? Combien d'argent investissons-nous dans ceux qui réussissent? Nous avons des assurances parce que nous en avons besoin. Mais voilà que ça devient un système. Cela grossit. Pourquoi y a-t-il fraude? Où sont les honnêtes gens? Pourquoi n'en parlons-nous pas? M. Anderson a parlé d'investir des sommes dans l'ouverture de dialogues et le changement des mentalités.
J'ai vu ça en enseignement, parce que j'étais enseignant, peu à peu avec les années, oui, ils ont changé la mentalité des élèves. Vous possédez un privilège; vous avez la responsabilité de ce privilège. Pouvons-nous communiquer cela à nos clients?
M. Anderson: Je me souviens de ce que le sénateur Robertson a dit sur le fait que si vous restez assis ici assez longtemps, il est probable que vous deveniez déprimé. Au nom de notre industrie, je dirai que nous ne sommes pas déprimés ni abattus. Nous pensons qu'il y a beaucoup de bon dans la façon dont le régime de santé du Canada fonctionne. Nous ne croyons pas qu'il soit en crise. Nous pensons que les données sur le taux de mortalité infantile au pays s'améliorent. Nous pensons que l'espérance de vie s'améliore au pays.
Nous parlons de ce qui peut rendre ce régime meilleur. Il fonctionne assez bien à l'heure actuelle. Je ne voudrais pas être associé à ceux qui se présentent devant vous en disant: «Nous avons une catastrophe sur les bras. C'est hors de contrôle.» Ce n'est pas la situation telle que je la perçois. Mon expérience personnelle est que je reçois un excellent traitement à chaque visite. Je ne crois pas que le régime soit dans le chaos et le désarroi, si vous voulez et j'ai bon espoir que nous pourrons créer, si nous faisons face aux problèmes maintenant, un régime de soins de santé de très haut calibre - le meilleur au monde.
Mme O'Reilly: Puis-je simplement ajouter un mot à ce commentaire pour vous donner un peu d'espoir, sénateur? Lorsque la coalition contre la fraude a amorcé son travail en 1994, un sondage exhaustif nous a révélé que 20 p. 100 des Canadiens jugeaient acceptable de perpétrer une fraude à l'assurance en matière de soins de santé. Ce chiffre est maintenant tombé à 4 p. 100. Il y a donc une intolérance générale du public à cet égard et une approbation du travail que nous effectuons ici aujourd'hui.
Le Dr Zitner: Nous sommes très optimistes pour deux raisons: la première est que les résultats des soins de santé sont excellents pour de nombreuses personnes maintenant. En second lieu, nous vivons dans un pays où les gens considèrent que l'information est un bien collectif, d'où, par exemple, la tradition du recensement canadien qui est d'utiliser les renseignements personnels pour le bien public tout en respectant la confidentialité. La procédure de l'ICIS, qui tire de chaque dossier des données abstraites pour les envoyer à Ottawa, peut exister parce que les gens croient, je pense, que les renseignements personnels peuvent servir à faire du bien.
Notre pessimisme repose sur le fait qu'il existe des groupes de personnes qui sont désenchantés; qu'au sein du régime public - bien que tout le monde dans cette salle est susceptible de recevoir de bons soins - existe un groupe de personnes qui sont moins articulées, qui sont peut-être pauvres. Je crois que ces gens ne reçoivent pas la même qualité de service que le reste de la collectivité. C'est quelque chose dont nous devons être conscients.
Le président: Sénateurs, nos trois prochains témoins viennent tous de l'Université Dalhousie, bien qu'il s'agisse en quelque sorte de la seule chose qu'ils ont en commun. Leur expérience est diverse et variée.
Nous débuterons par la Dre Nuala Kenny. Bon, pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas la Dre Kenny, son très impressionnant CV se trouve à la fin de son annexe.
Elle occupe présentement la présidence du Département de bioéthique de Dalhousie. Elle a été par le passé médecin-chef du IWK Children's Hospital, ici à Halifax. Elle a travaillé au Children's Hospital, Sick Kids Hospital de Toronto. Elle a même expié ses péchés en étant pendant 10 ou 11 mois sous-ministre de la Santé en Nouvelle-Écosse, ce qui n'était sûrement pas une tâche facile. Nous sommes ravis de vous voir ce matin, avec tous vos chapeaux.
La Dre Nuala Kenny, professeure de pédiatrie et présidente, Département de bioéthique, Université Dalhousie: Honorables sénateurs, je désire simplement dire qu'en vieillissant on devient plus conscient de ce que l'on apprend. J'ai toujours été passionnément engagée envers la Loi canadienne sur la santé, ce qu'elle représente et ce qu'elle devrait être. Comme beaucoup d'entre vous le savent, je suis une Canadienne d'adoption, une Canadienne d'adoption passionnée, mais je peux vous dire que les 10 mois que j'ai vécus en qualité de sous-ministre en essayant d'aider notre gouvernement ici, m'ont aidé à comprendre d'une manière complètement nouvelle à quel point il est difficile de formuler une politique publique. J'ai fait de nombreuses choses et en tant que médecin j'ai été résidente. J'ai administré un hôpital pour enfants. Rien n'égale la pression à laquelle font face les serviteurs publics essayant de satisfaire une énorme gamme de demandes. Ce n'est pas ce que j'allais dire, mais vous m'y avez amenée.
Je suis aussi très consciente, pour en avoir moi-même fait l'expérience dans de nombreux forums, du fait que lorsque les gens travaillent très dur à produire un rapport, ils ont tendance dans leurs commentaires à ne souligner que les aspects négatifs. Je ne désire pas faire cela. Donc, je désire tout d'abord vous applaudir et vous féliciter d'avoir identifié un grand nombre de questions que vous avez remises sur la table en disant: «Nous avons déjà dit cela. Maintenant nous devons vraiment décider ce que nous voulons faire à ce sujet.» Je trouve particulièrement importants la clarification du rôle du gouvernement fédéral lui-même, la question de la santé de la population, les facteurs déterminants de la santé et la façon dont ils disparaissent toujours de l'ordre du jour bien que nous leur accordions une attention rhétorique, le caractère central absolu d'une bonne information et le paradoxe qu'en réalité nous avons une très pauvre information. Mes collègues qui nous ont précédés ont souligné cela à profusion.
Je pense que vous avez effectué un travail très créatif sur l'établissement des prix des médicaments, les options et l'accessibilité. Vous avez fait des commentaires très exacts sur les soins à domicile et le caractère central de l'intégration afin qu'en matière de soins de courte durée comme de soins palliatifs, les soins à domicile peuvent devenir une rampe de lancement pour plusieurs autres éléments importants. Vous avez raison en disant que la réforme des soins primaires est une nécessité retardée depuis trop longtemps et une clé absolue. Considérez les choses sous cet angle: nous avons un régime qui protège en fait ce qui est de forte puissance, de haute technologie et compliqué et ce qui reste va ensuite à tout le reste, qu'il s'agisse des patients psychiatriques chroniques ou simplement les soins primaires de prévention.
Il nous faut repenser la centralité et l'importance non seulement de la prestation des services mais aussi de qui la fait. Je vous félicite chaudement de ce que vous avez dit à propos de la question de la hiérarchie et des approches conservatrices.
Maintenant, cela dit, je crois très fortement que vous devez vous assurer, en allant de l'avant - parce que vous avez le pouvoir de le faire - de noter la difficulté qu'il y a à apporter des changements. Toutes ces choses que vous avez énumérées comme étant importantes au cours de votre première séance - j'ai lu du volume 1 au volume 4 dans le détail -, c'est comme si nous les entendions encore et toujours. C'est toujours la même chanson. «Comment se fait-il que nous sachions ce qu'il faut faire pour obtenir un régime plus efficace et que nous ne le fassions pas?», demandez-vous. Je crois qu'il faut vraiment vider la question de savoir de qui les intérêts et les valeurs sont reflétées par le statu quo. Nous devons être plus transparents et plus honnêtes à ce propos. Si vous ne pouvez pas nous aider à le faire, personne ne le pourra. La question de qui tire avantage du statu quo devient, je pense, une question clé pour débrouiller les raisons pour lesquelles, alors que nous savons qu'il y a des choses que nous devons faire, l'intégration des systèmes d'information étant la chose la plus évidente, rien ne s'est passé. Quelqu'un doit tirer avantage de la façon dont les choses se passent maintenant ou ce serait différent. J'aimerais suggérer au comité par votre entremise, monsieur le président, que lorsque vous discuterez des difficultés, des intérêts et des valeurs, il ne sera pas suffisant de dire: «Voyez, nous avons essayé d'initier ces choses. Elles ne se sont pas produites, alors envisageons maintenant d'autres options.» Nous devons comprendre pourquoi nous n'avons pas été capables de mettre les changements en vigueur alors que nous avons de bonnes preuves de leur utilité.
En troisième lieu, je vous félicite de votre engagement à produire un rapport factuel et non idéologique. L'éthicienne en moi se réveille cependant et vous dit: «Je veux que vous fassiez attention aux définitions!» Je ne pense pas que vous voulez dire ce que vous dites, sauf votre respect. L'idéologie est définie comme l'ensemble des idées reflétant les besoins sociaux et les aspirations d'un groupe, d'une classe ou d'une culture individuelle; ou un ensemble de doctrines et de croyances qui forment la base d'un système politique, économique ou autre; ou une orientation caractérisant la pensée d'un groupe ou d'une nation; ou l'élaboration d'une théorie imaginaire ou visionnaire. Je suggère avec tout le respect qui vous est dû que vous êtes centralement ancré à la fois dans l'information factuelle et dans la clarification des valeurs en jeu ou dans la tâche de les rendre transparentes. Je pense que vous le faites dans deux domaines à propos desquels je désire émettre brièvement des commentaires dans le court laps de temps qui m'est alloué. Cependant, je désire dire maintenant que ce que je pense que vous voulez dure dans la partie introductive au volume 4, c'est que vous ne désirez pas que les gens comparaissent avec des oeillères, incapables d'ouverture et de transparence, et qu'ils n'exposent pas qu'une option, mais la conception sous-jacente de la justice ou des soins de santé ou de la collectivité qui est en jeu dans ce choix. Vous ne désirez pas que les gens soient partiaux, se présentent avec des idées rigides et créent un contexte de confrontation. Je dirais seulement que si j'ai raison, et que ce n'est pas ce qu'une lecture littérale laisse entendre, alors allez de l'avant. S'il y a une chose que nous savons s'être produite au cours de la décennie tout entière qui vient de s'écouler, c'est qu'il y a eu réunion sur réunion à propos de la réforme de la santé auxquelles les gens sont venus pour défendre leurs intérêts personnels. Je ne le dis pas dans un sens strictement péjoratif. Si je viens défendre l'association canadienne du diabète, l'association des infirmières et infirmiers du Canada ou les familles de ceux souffrant de la maladie d'Alzheimer, je viens en essayant de prouver que vous devez allouer davantage de ressources à mes gens. En termes d'éthique, vous essayez de faire le bien. Le problème que je vois est que nous n'avons jamais eu un forum qui nous a réellement demandé d'examiner ces questions en tant que citoyens. Je vais donc conclure avec ce défi. Voilà la tâche. Peu importe la formule que nous trouverons pour aujourd'hui ou pour les cinq prochaines années, la question reste de savoir comment, en tant que citoyens, nous réagissons aux questions fondamentales sur ce que signifient les soins de santé. Je crois que vous entendez par «non idéologique» un point de vue ouvert, sans préjugé. Cela demande cependant un courage énorme pour s'assurer que vous travaillez à rendre les choses transparentes en enlevant les pelures de l'oignon et en articulant la question des valeurs en jeu.
Je désire parler de deux sujets de votre rapport qui, je crois, sont valorisées et qui m'inquiètent et faire ensuite un commentaire final.
Vous placez votre analyse du régime de santé dans le contexte d'une industrie artisanale. En premier lieu, c'est exact, surtout si vous regardez la façon dont les médecins fonctionnent au sein de ce système complexe. Nous sommes des personnes clés et pourtant nous n'avons jamais vraiment accepté le régime et sommes encore capable de fonctionner en tant qu'entrepreneurs individuels. Vous posez la question: «Quel est l'intérêt des soins de santé?» Étant donné que j'essaie désespérément en ce moment d'écrire un livre sur ce même sujet, je ne peux que vous dire: il me semble qu'en exposant les valeurs transparentes sous-tendant vos objectifs particuliers pour le rôle du gouvernement fédéral, la première chose devant être clarifiée est de quelle façon exactement la santé et les soins de santé ne peuvent être réduits aux lois du marché.
De quelle façon la santé est-elle un concept si chargé de valeur, si pleine de signification morale que si elle s'ouvre à des choses comme la concurrence et la publicité nous aboutirons finalement à ce qu'on vende plus aux gens quand plus n'est pas mieux. Plus n'est pas, à l'occasion, tout simplement bon.
Je vous suggérerais de développer cette partie du rapport parce qu'elle est extraordinairement importante pour comprendre pourquoi les soins de santé ne sont pas réductibles aux règles du marché, pas au niveau de la gestion de la blanchisserie mais à celui des individus venant se faire soigner. Ce sont deux types d'activités différents, l'un qui peut être très ouvert aux mesures du marché, à sa théorie et à son efficacité, et l'autre qui ne l'est pas en raison de la nature de la maladie et de la dépendance existant dans la relation.
De quelle manière les soins de santé constituent-ils un bien différent devient extraordinairement important, et pas seulement en termes de vos choix. Plus important encore, lorsque nous considérons les faits, nous avons la publicité ici et nous avons les faits là. Ils ne sont pas une même chose. En fait, la plupart du temps, la publicité ne désire pas tenir compte des faits parce que l'objet de la publicité est de créer un besoin et de vendre ensuite un bien ou un produit quelconque. Ce sont les soins de santé en tant que marchandises. La question fondamentale est de savoir de quelle sorte de biens les soins de santé ont besoin pour être rendus transparents.
Le second sujet est l'équité. Je comprends l'équité comme étant le fait de traiter les personnes de la même manière en tenant compte de leurs différences fondamentales. La «qualité» est de les traiter de la même façon. Je vous suggérerais que nous devons réfléchir à la manière dont la maladie, l'incapacité et l'agonie sont des différences fondamentales et comment les Canadiens doivent tenir compte - c'est exactement ce que vous avez sur la table - de cette différence? C'est en relation avec les différences que les choix deviennent réels.
Enfin, vous suggérez que nous ne sommes pas sûrs du degré auquel l'efficacité est liée à la question de l'argent et vous pensez qu'il est prudent d'étudier des options juste en cas où il n'y en ait pas assez. Je crois que c'est presque exactement les termes. Je crois qu'on vous a communiqué un très beau choix d'options, le meilleur que j'ai vu. Toutefois, lorsque je lis que vous désirez que les choses demeurent factuelles et que nous devons être clairs au sujet des valeurs fondamentales et que vous voulez ensuite disposer plusieurs options pratiques, j'aimerais vous dire qu'elles devront toutes se relier d'une certaine façon.
Pour ce qui est des choix financiers, ce que j'en sais à partir des comparaisons internationales me donne à réfléchir sur certaines d'entre elles. Je ne crois pas qu'elles devraient faire partie de la liste parce qu'elles n'atteignent pas les objectifs que vous établissez en termes de compression des coûts et de conservation d'un régime public.
À moins que nous modifiions les objectifs, les faits, je crois que certaines d'entre elles devraient être abandonnées. Il y a ensuite celles à propos desquelles, comme mes collègues l'ont dit tout à l'heure, nous avons certains renseignements mais pas assez pour se faire une opinion définitive. Nous devons réellement rechercher des renseignements formels.
Enfin, peu importe comment on le présente, c'est une question cruciale. C'est une question cruciale pour moi, parce que lorsque que nous disons que la Loi canadienne sur la santé a une signification pour le pays, c'est une manifestation de politique publique qui a dit quelque chose aux Canadiens à propos de qui nous sommes et de qui nous voulons être. Par conséquent, quels que soient les choix que nous mettons sur la table, nous devons penser à la sorte de gens que nous allons devenir lorsque nous choisirons. C'est là, pour moi, la question fondamentale.
Le président: Merci de cet ensemble de commentaires extraordinaires.
Notre témoin suivant est le Dr Kusumakar.
Je dois dire, docteur, que c'était bien aimable de votre part de commencer votre dossier par une citation de notre rapport sur la santé mentale. Vous auriez pu dire pour de justes raisons qu'il est très déplorable qu'il s'agisse uniquement de notre étude sur la santé mentale, parce que nous tous autour de cette table sommes tristement conscients de cette lacune. Nous avons l'intention, lorsque nous progresserons au-delà de cette phase d'approfondir notre travail l'année prochaine afin de rédiger un rapport très spécifique et indépendant sur la santé mentale. Nous sommes franchement horrifiés par certaines choses que nous avons entendues au sujet de la situation du régime de santé mentale dans tout le pays. Soyez assuré que nous comprenons combien nous avons été inadéquats à ce sujet jusqu'à ce jour.
Le Dr Vivek Kusumakar, responsable du groupe de recherche sur les troubles de l'humeur, Département de psychiatrie de l'Université Dalhousie: Merci, sénateur, d'avoir débuté par cette remarque et de m'épargner la tache de la mentionner. Comme la Dre Kenny, je suis très fier d'avoir été adopté par le Canada. Je suis originaire d'Écosse. J'ai également travaillé en Irlande et j'aimerais commencer en indiquant que de nombreux points de notre régime de soins médicaux au Canada possède de nombreux avantages et un bon nombre dont nous pouvons être fiers. Fait encore plus important, il n'est pas purement idéologique, à mon avis, de supporter l'idée d'égalité d'accès et de services gratuits au point de contact, étant donné que la médecine représente pour la majorité d'entre nous qui la pratiquons un désir de dispenser les meilleurs soins à tous, sans égard pour leurs antécédents, leur origine ethnique, leur éducation ou leur situation financière.
Originaire de Grande-Bretagne, pays dans lequel une expérience radicale et importante eut lieu dans les années 80 et qui présenta de multiples imperfections, j'aimerais que nous considérions des moyens d'améliorer le régime par le biais de changements radicaux, mais sans nécessairement tout rejeter.
La Dre Kenny fit une remarque très importante, à savoir comment nous assurons-nous que les patients dans notre régime qui ne peuvent pas nécessairement s'exprimer ou qui souffrent de maladie qui ne sont pas «sexy» ou reconnues comme importantes dans notre société, reçoivent réellement des services raisonnables. Il s'agit d'une question très importante et compliquée, et ce d'autant plus que d'une certaine manière, le gâteau a déjà été découpé et que personne ne veut abandonner sa part.
Des témoins ont parlé auparavant de la suffisance des ressources du régime de soins de santé. Je ne prétendrais pas connaître tous les détails, mais je sais par exemple qu'en termes de santé mentale, quelle soit la manière dont vous découpez le gâteau, la dépression prévaudra, la maladie banale des pays industrialisés de l'Ouest d'ici à 2008.
Parmi les dix premières maladies provoquant une incapacité et plaçant un fardeau sur la société, cinq sont des maladies mentales. Une relation très compliquée existe entre la dépression, les autres troubles de l'humeur et les maladies cardiovasculaires. Cela signifie que ce n'est pas uniquement une maladie fonctionnelle; c'est une maladie d'ordre médical.
Si nous tenons compte du coût pour la société des journées d'école perdues, des journées de travail perdues, de la productivité perdue, nous devons alors nous demander pourquoi, à titre d'exemple, en Nouvelle-Écosse, moins de 5 p. 100 de tout le budget santé est alloué à la santé mentale. Nous savons que plus de 60 p. 100 des maladies mentales débutent dans l'enfance et l'adolescence, toutefois seuls 0,5 p. 100 ou moins de ces fonds sont alloués à la santé mentale des enfants et des adolescents.
En tant que nation dans un pays très privilégié aux ressources globales très raisonnables, nous devons nous demander sur quelles valeurs et sur quels faits repose notre régime de soins de santé?
Je ne parlerais pas d'un petit prospectus que je vous ai remis. Je suis sûr que certains d'entre vous en feront leur livre de chevet, mais j'aimerais dire que nous devons réellement le considérer sous quelques angles différents. Il existe plusieurs solutions. Tout d'abord, tout le monde a ressassé la question qu'il nous manque un système informatisé puissant. L'informatique n'est tout simplement une question d'utilisation. Nous ne possédons pas les données adéquates sur ce qui fonctionne.
Je crois que lorsque nous, les professionnels de la santé, nous adressons aux politiciens et aux responsables des orientations politiques, notre connaissance de qui fonctionne est tristement inadéquate. Une priorité absolue pour les systèmes informatiques et la recherche est de préciser pour vous, les responsables de la planification politique et les dirigeants, ce qui fonctionne, parce qu'il est inutile d'investir des fonds dans des choses qui ne fonctionnent pas.
Nous savons par exemple que la grande majorité des enfants atteints de troubles mentaux affichent également des troubles du comportement perturbateurs. Le traitement ordinaire, même jusqu'à ce jour, est d'avoir des consultations hebdomadaires pour l'enfant dans un bureau. Il existe au moins 21 études différentes qui prouvent que cela ne fonctionne pas. À 2 heures ce matin, je répondais à un appel d'urgence. C'est bien évidemment très difficile après la Dre Kenny, mais je peux également plaider le fait que je n'ai dormi que quatre heures.
Cette jeune personne, qui était suicidaire, avait dû attendre huit mois avant de se retrouver en salle d'urgence pour obtenir un traitement inadéquat à 2 h. Nous devons nous demander comment nous pouvons changer cette situation. Je ne pense pas que la réponse consiste simplement en un plus grand nombre de spécialistes. Nous avons besoin d'une manière radicalement différente de penser aux endroits où nous dispensons nos services de soins de santé. Nous devons avoir des programmes de dépistage actifs dans les écoles et les milieux de travail afin d'identifier ces problèmes. Nous devons avoir un personnel formé pour les identifier et les aiguiller ensuite.
De nouveau, nous devons posséder un régime de soins de première ligne très solide qui est en mesure d'identifier les problèmes et de procéder à des interventions rapides qui sont utiles. En matière de santé mentale, nous sommes coupables d'attendre que les gens viennent nous consulter lorsqu'ils sont vraiment malades depuis six ans. Nous connaissons la recherche. Les descendants des malades mentaux présentent un risque plus élevé. Les personnes ayant souffert de traumatisme périnatal présentent des risques plus élevés. Ceux qui ont été abusés présentent des risques élevés. Ceux qui ont des problèmes urologiques présentent des risques élevés. Toutefois, nous n'orientons pas nos services de soins de santé dans ce sens et nous devrions.
Enfin, j'aimerais vous remercier pour cette occasion de communiquer certaines de mes pensées. J'aimerais plaider une dernière fois pour les malades mentaux, dont beaucoup sont privés de leurs droits à cause de leur éducation, de leur santé mentale, de leur situation financière et du rejet de leur famille et de la société. Nous ne devrions pas offrir à nos fils et à nos filles la chance de dire que leur père ou leur mère étaient des imbéciles. Merci.
Le Dr Lawrence Nestman, professeur, École d'administration des soins de santé, Faculté des professions de la santé de l'Université Dalhousie: Sénateurs, votre comité est confronté à des choix très difficiles. Ces sept dernières années, j'ai eu l'occasion de travailler avec l'OMS, tant pour des missions qu'en qualité d'employé à temps plein du bureau régional de Copenhague.
Chacun des 22 pays avec lesquels j'ai travaillé est confronté à ces choix difficiles, parce que tenter de mettre en 9uvre des changements radicaux ou majeurs du régime de soins de santé défie l'évolution historique, la culture et les valeurs de ce régime. Tous les pays s'identifient d'une manière ou d'une autre d'un point de vue sociologique, et encore plus important, d'un point de vue personnel à leur régime de soins de santé.
Les Canadiens sont très fiers de leur régime de soins de santé, mais ils sont très inquiets à l'heure actuelle parce qu'ils apprennent toutes sortes de nouvelles concernant les difficultés rencontrées par le régime de soins de santé. Ils se sont concentrés sur une question sur laquelle je me concentre, à savoir la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Le grand public considère cette situation comme un grand méli-mélo. Les Canadiens font preuve d'une impatience grandissante, parce qu'ils soutiennent fermement les principes de Loi canadienne sur la santé et je pense que les Canadiens acceptent généralement leur système de valeur en termes de santé et de compassion envers leurs compatriotes.
Il est très clair que les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces doivent être plus coopératives, mieux coordonnées et fait preuve de collaboration. J'aimerais émettre trois propositions qui je l'espère, pourraient réaliser cet objectif.
Un de nos problèmes majeurs est le roulement des commissaires et des ministres de la Santé. Je fus réellement choqué par ce que j'ai lu récemment sur le fait que Allan Rock est le ministre de la Santé ayant les plus longs états de service. Nous avons eu environ 57 commissaires de la Santé au cours des 10 dernières années et quelques 40 ministres. Comment obtenir une constance de l'élaboration des politiques avec ce genre de roulement? Il ne serait pas possible de le faire dans une entreprise privée et j'ose dire que le Bureau d'assurance du Canada, dont qui m'a vraiment impressionné avec sa dernière présentation, aurait beaucoup de mal à être très focalisé.
Les élections, la réorganisation des gouvernements et la protection des querelles sont venues dominer la scène. Cela a entraîné un climat d'imprévisibilité dans l'élaboration des politiques. Un gouvernement fait une déclaration qui déstabilise d'autres gouvernements parce qu'ils doivent réagir.
J'aimerais proposer la mise sur pied d'un comité canadien des services de soins de santé. Ce comité serait la tribune principale des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces, y compris les débats, l'évaluation et la recommandation de solutions, de lois et de règlements. Ce comité devrait avoir un secrétariat permanent avec un personnel à temps plein pour offrir constance, prédictibilité et expertise. Il serait financé par une convention de partenariat entre les gouvernements fédéral et provinciaux.
Je ne recommande pas la mise sur pied d'une nouvelle agence parmi toutes les autres que nous avons au Canada. Nous en avons probablement suffisamment. Je suggère que les mandats de certaines agences actuelles soient affectés à ce comité. L'exemple que j'ai cité est que les réunions des ministres et des commissaires de la santé pourraient être intégrées au comité, comme pourraient l'être d'autres initiatives conjointes entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Il convient de tenir compte de la manière dont cela se rapporte à l'Entente-cadre sur l'union sociale parce que ce document stipule que les gouvernements prendront les décisions en collaborant. Je pense que cela pourrait être un point central du comité et communiquerait un message puissant sur la manière dont nous devrions collaborer à l'avenir.
Je propose certains rôles dans mes pièces dont je ne parlerais pas à des fins de brièveté, mais je veux me concentrer sur trois points. Un problème, particulièrement dans les années 90 et au tournant de l'an 2000, est qu'il est devenu très évident que l'appareil politique dans presque tous les pays a beaucoup de problèmes à intégrer les recherches scientifiques. L'épidémie actuelle de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni est un bon exemple, tout comme nos problèmes actuels pour faire face à la menace d'anthrax aux États-Unis et au Canada.
Vous indiquez dans votre rapport qu'un certain nombre d'agences pancanadiennes devraient être mises en place. Cela est bien véridique. Nous avons déjà un certain nombre d'agences dont les mandats sont importants, mais quelqu'un quelque part doit coordonner ces activités et y réfléchir, afin qu'elles puissent être intégrées à l'appareil politique.
Un élément principal du travail à ce sujet a été publié le mois dernier par Daniel Fox, du Fonds du Commonwealth. Il a étudié les régimes de soins de santé de six pays pour voir comment ils avaient intégré les données scientifiques. Il a exprimé le besoin d'une sorte de tribune où les fonctionnaires, les responsables des orientations politiques et les chercheurs puissent se rassembler pour réfléchir à ce que la politique devrait être afin qu'elle puisse être étoffée et orientée vers une politique actuelle.
Pour conclure sur ce sujet, j'ai remarqué que votre Volume 4 indique très clairement les rôles du gouvernement fédéral dans le régime de services de soins de santé. Je pense qu'il s'agit d'une véritable contribution. J'estime toutefois que les rôles des gouvernements provinciaux et la responsabilité conjointe du gouvernement fédéral et des provinces devraient également être définis. Je pense que ce serait une première tache positive pour le comité.
Deuxièmement, nous avons eu un problème dans ce pays pour équilibrer la responsabilité, le remaniement et l'autonomie politique des provinces. C'est une prouesse difficile et j'ai remarqué que les commentaires sur la responsabilité ressurgissent toujours.
Une des réformes principales dans les années 90 au Canada a impliqué la mise sur pied de régimes régionaux pour les services des soins de santé. Il est trop tôt pour évaluer leur efficacité; toutefois, la régionalisation présente certains problèmes de responsabilité.
D'abord, un gouvernement local, c'est-à-dire un gouvernement régional, dont l'autorité est assez autonome dans certains cas, avec le pouvoir exécutif, a le droit d'émettre des recommandations politiques. Il commence par solliciter des financements auprès des municipalités et entreprend aussi d'autres activités de collecte de fonds, ce qui crée d'autres problèmes de financement, parce que nous avons un régime à payeur unique. Les régimes régionaux ont le potentiel de devenir un régime à multiples payeurs au sein du régime public.
Nous savons tous que les régimes à payeur unique ont de meilleures méthodes de contrôle des coûts et je pense que de nombreux administrateurs provinciaux jusqu'à ce jour ont été confrontés à la pression de ces régimes régionaux. Il semble que cette pression est si forte que de nombreux gouvernements provinciaux mettent actuellement en place des normes provinciales et des moyens de contrôle de la même manière que le gouvernement fédéral l'a effectué avec les provinces.
Je propose que les principes de la Loi canadienne sur la santé soient adoptés par les gouvernements fédéral et provinciaux. Cela permettrait une certaine coordination de l'élaboration des politiques entre les gouvernements fédéral et provinciaux et renforcerait et améliorerait la responsabilité. J'irais toutefois une étape plus loin et demanderais aux gouvernements provinciaux de légiférer sur des parties de la Loi canadienne sur la santé concernant les mandats des autorités régionales pour les rendre responsables de tous les aspects de cette loi qui sous leur autorité.
Je pense que cela améliorerait la responsabilisation au sein du régime. Fait encore plus important, cela ramènerait chez eux les citoyens de régions et provinces spécifiques qui font partie d'un programme national sur la santé dont certaines portions de la Loi canadienne sur la santé se manifestent dans leur propre région.
Enfin, j'aimerais exprimer certaines recommandations pour améliorer les ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces sur la péréquation fiscale. Votre rapport a exposé les options pour le partage des coûts des ressources entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Il était clairement manifeste toutefois avant les années 70 que les ententes de partage des coûts pour les hôpitaux avaient une composante vraiment visible. C'était que les provinces les plus pauvres recevaient les fonds des provinces les plus riches et que la péréquation était intégrée à cette formule. C'était très visible.
Dans les années 70, 80 et 90 et au début de la mise en place d'autres ententes de partage des coûts telles que le financement des programmes établis et le TCSPS, c'est devenu un régime de versement en fonds bloqués. La transparence de la péréquation était perdue en partie. Si vous parlez au grand public de ces deux ententes de financement, des points d'impôt et autres, le regard des gens s'assombrit.
Si la péréquation et le partage dans le mécanisme de financement ne sont pas clairs et si les spécialistes tels que les comptables et les économistes sont confondus, vous pouvez imaginer la position du grand public à ce sujet.
Par conséquent, je propose qu'une formule de péréquation claire soit intégrée aux futures ententes de financement et je vous demande de tenir compte de cette recommandation. Je base cette déclaration sur quatre motifs. Un d'entre eux est un motif économique. Si vous possédez une formule de péréquation intégrée, cela diminuera les disparités interrégionales et réglera également la question des effets de déversement des programmes de soins de santé d'une province à l'autre.
Deuxièmement, je pense que cela a des connotations politiques, dans le sens où si le gouvernement fédéral peut stimuler les dépenses dans les provinces, telles que pour les soins à domicile et les médicaments, cela contribuera positivement à l'unité nationale. Au fil des ans, notre programme a également rendu possible un certain niveau d'uniformisation des services à travers le pays. Par conséquent, les gens peuvent voir l'unité du pays, par opposition à une série de parties fragmentées.
Troisièmement, le motif social est que certains Canadiens souhaitent avoir le sentiment que les besoins de soins de santé de tous leurs compatriotes sont satisfaits de manière égalitaire.
En dernier lieu, je pense qu'il s'agit d'un préalable indispensable au succès des négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je ne peux pas envisager une négociation entre les gouvernements fédéral et provinciaux, à l'heure actuelle ou à l'avenir, qui ne comprenne pas une formule de péréquation, afin que les provinces riches aident les plus pauvres. En fait, je pense que c'est la différence entre conclure et violer une entente.
Le sénateur Cordy: Merci à vous tous d'avoir comparu ce matin. Cela fait plaisir de voir deux docteurs qui ont choisi de venir au Canada. À propos, docteure Kenny, votre enthousiasme est contagieux. Vous avez parlé deux avantages du statu quo et je conviens que cette question est importante.
Je pense également qu'il existe une certaine peur de s'éloigner du statu quo parce que les soins de santé sont une question d'ordre émotionnel. Nous savons tous que nous devrons utiliser le régime de soins de santé à un certain moment de notre vie. Comment rendons-nous les Canadiens et les parties intéressées ou le personnel des soins de santé plus réceptifs aux changements de statu quo? Nous commencerons par une question simple.
La Dre Kenny: J'allais dire que si je savais la réponse à cette question, je serais premier ministre. C'est si difficile. Nous y contribuons tous. J'essaie de réaliser des recherches et de réfléchir sur ce que j'appelle les questions «plus profondes» sous-jacentes à la crise des soins de santé. Je suis un médecin qui a été formé comme un éducateur et un conférencier et je parle donc mieux et plus facilement que j'écris. Toutefois, j'essaie d'écrire sur ces questions fondamentales.
Il y a un article, dont je ne me souviens pas de l'auteur, mais le titre est «Doing better and feeling worse: The political pathology of health policy» et je peux l'obtenir pour vous si la présidence le souhaite. Il exprime ce que je souhaite vous dire à ce sujet.
D'un côté, «Doing better and feeling worse: The political pathology of health policy», un titre merveilleux, signifie vraiment que si nous nous considérons en tant que Canadiens en 2001, notre santé est à son summum de l'évolution humaine. Nous vivons plus longtemps. Nous sommes en meilleure santé à toutes les périodes de la vie, de moi-même et des gens auxquels je dispense mes soins en qualité de pédiatre, jusqu'aux personnes âgées, qui vivent des vies en meilleure santé et plus longue que jamais. Selon presque toutes les normes, nous allons mieux.
La pathologie de la politique de la santé est que plus nous sommes en meilleure santé, plus nous pouvons faire, plus nous pouvons intervenir plus tôt et plus l'étendue de ce que j'appelle le «médical» s'élargit.
Les nouvelles mamans ne demandent pas conseil à leur grand-mère. Elles se rendent chez le pédiatre qui les envoie voir un nutritionniste. Nous avons élargi le pouvoir de la science et de la technologie ainsi que l'étendue du domaine médical, mais la pathologie politique est que nous sommes constamment terrifiés que les soins de santé ne seront pas offerts à nous-mêmes et aux êtres qui nous sont chers quand nous en aurons besoin.
Il y a quelque chose à propos de cette peur, sénateur; vous avez absolument raison. Cela a rapport à la signification morale de la santé, la maladie, la dépendance, toutes ces réalités, et aussi la manière dont ce que j'appelle la «foi» dans la science moderne et la technologie a joué un rôle.
Je suis stupéfaite que certaines lignes de mon bref plaidoyer écrit disent exactement ce que ces deux collègues ont dit, parce que nous n'en avons pas parlé. Je n'ai pas vu ces messieurs depuis des années.
Si nous devions parler de la preuve de l'avantage par opposition à la croyance dans l'avantage, le nombre de questions que nous pourrions soulever autour de cette table signifierait que nous ne pourrions pas quitter cette pièce. Ce n'est pas que nous n'essayons pas d'adopter les bons actes, mais parce que les gens espèrent un avantage et que nous leur offrons de si nombreuses possibilités d'intervention parce que nous sommes désormais une société aux mentalités très consuméristes, autonomes et axées sur l'autodétermination. Alors que nous avons davantage peur pour notre santé, nous nous dirigeons vers la science et la technologie pour trouver une réponse à nos inquiétudes.
Par conséquent, pour le patient, pour la population - tous des patients éventuels - vous avez raison. Nous devons commencer à élaborer ce que je considère comme la question la plus difficile: «Comment aidons-nous le grand public à comprendre les atouts et les limites des signes empiriques?»
D'un autre côté, mes collègues et moi-même ne respectons pas la science et la connaissance empirique autant que nous le devrions. La documentation sur les variations de pratique, sur le défaut de pratique en fonction signes est énorme. Elle est supportée par certaines plaintes légitimes. Si une directive de renseignements généraux stipule qu'une femme de 57 avec ce type de pression artérielle devrait suivre le traitement A, B, C, lorsque mon médecin me parle de ma pression artérielle, elle essaie de se faire une idée sur l'applicabilité de ces renseignements généralisés à mon cas. Toutefois, c'est alors élargi, et parfois aux cliniciens qui ne font pas toujours attention aux signes et au nom de la spécification et de leur jugement font quelque chose de différent.
Les signes concernant le respect de la science sont réellement problématiques et l'éducation du grand public fait maintenant concurrence à la publicité directe sur les médicaments qui nous arrive tous les jours des États-Unis. Enfin, le problème le plus grave est ce que j'appelle les «primes incitatives perverses».
Le sénateur Cordy: Vous avez parlé des nouvelles mères qui ne demandent pas conseil auprès de leurs grands-mères et ainsi de suite. Certainement, les patients savent beaucoup plus de choses que voici 30 ans. Vous pouvez trouver des renseignements sur les médicaments que vous utilisez sur Internet. Je viens de lire un rapport qui examinait le fait que parce que les médecins sont payés par visite, un patient viendra les consulter et leur dira: «J'ai lu un article sur ces tests et je veux faire ces tests» ou «J'ai lu un article sur ce médicament et je veux ce médicament».
Le temps des docteurs est limité parce qu'ils ont 25 patients dans la salle d'attente. Cela coûte plus cher, mais c'est plus facile, d'accepter de faire les tests ou de prescrire le médicament, alors que s'ils étaient salariés, ils prendraient probablement davantage de temps pour expliquer certaines choses au patient. Est-ce bien une réalité?
La Dre Kenny: je répondrai très brièvement et mes collègues peuvent aussi répondre. C'est absolument, positivement véridique: primes incitatives, primes incitatives et encore plus de primes incitatives. Malheureusement, l'argent fait fonctionner les choses ou non. Vous vous rendez au c9ur du problème dans votre propre rapport lorsque vous parlez de remboursement, en particulier pour les médecins, mais je pense que c'est une question d'ordre plus général.
Lorsque le Dr Kusumakar parle d'identification plus précoce des enfants présentant un risque de maladie mentale, lorsque vous parlez de réforme des soins de première ligne et d'une autre manière de former d'autres collègues, nous parlons de cela. Les primes incitatives ont beaucoup d'importance.
Deuxièmement, lorsque j'ai vérifié la dernière fois voici trois semaines, il existait 15 000 sites Web sites en anglais d'accès facile sur les soins de santé, à la portée de toute personne s'asseyant devant un ordinateur.
Il n'y a aucune manière que nous puissions porter un jugement sur la page d'accueil de Nuala Kenny sur les champignons des ongles des orteils et sur quelles études sont les plus définitives et les plus autoritaires. Cela fait partie intégrante du problème. Le docteur qui est occupé et payé à la pièce, comme vous le précisez, a la visite d'un patient qui veut être informé, mais apporte des renseignements qui pourraient en fait être assez dangereux.
Troisièmement, si le patient devient arrogant et si le docteur est frustré, il peut y avoir une pression de pouvoirs et les gens se mettent alors en colère parce qu'on ne les a pas traités d'une manière qui renforce l'éducation. C'est un problème compliqué et les primes incitatives de le faire de la bonne manière sont centrales.
Le Dr Kusumakar: J'aimerais juste ajouter deux choses. Premièrement, d'un point de vue général, le statut de notre santé est meilleur. Toutefois, de nombreuses maladies auxquelles nous sommes confrontés provoquent des dysfonctionnements graves - pas nécessairement le décès, mais dysfonctionnement et une très mauvaise qualité de vie. Par conséquent, lorsque des citoyens ordinaires demandent à cor et à cri davantage de soins de santé, ils demandent également à cor et à cri des solutions au dysfonctionnement et au manque de qualité de vie accompagnant les maladies, parce que nous avons atteint une phase dans la pratique de la médecine où nous avons été en mesure d'éliminer de nombreuses de mortalité infantile ou, quant à cela, de décès pouvant être évités.
Cependant, nous traitons toujours très mal les maladies chroniques, récurrentes et les problèmes de qualité de vie. Comment allons-nous traiter ce problème majeur des services de soins de santé? Il s'agit là d'éléments très onéreux qu'il faut planifier. À l'heure actuelle, nos services de santé ne prévoient rien. Ils sont axés sur les troubles de courte durée. Si vous souffrez d'un trouble aigu, vous avez un très bon service en général.
La deuxième question que vous avez soulevée, sénateur, était le salaire. Je pense qu'il est bien évident que les primes incitatives sont importantes pour garantir qu'un travail de qualité est réalisé. Toutefois, il est également vrai que dans les pays qui avait uniquement un régime salarié et n'ont pas nécessairement bâti d'autres primes incitatives ou d'autres moyens de contrôle, il y a eu un manque de responsabilisation. Ayant travaillé là, je peux dire que le Royaume-Uni en est un parfait exemple. La personne qui travaille avec extrême diligence reçoit la même récompense que celle qui ne fait rien. Il faut que ce soit un système équilibré de salaire et de primes incitatives.
Le sénateur Cordy: Vous dîtes qu'il n'y a pas de réponses faciles.
Le Dr Nestman: Juste un commentaire très rapide: la Dre Kenny avait raison quand il déclarait que les primes incitatives et l'argent font une grande différence. Lorsque nous avons commencé le partage des coûts dans les hôpitaux et les soins médicaux dans les années 50 et 60, c'était sur une base de moitié-moitié. Je pense que c'était principalement en raison de la perception parmi les politiciens des soins de la santé d'une pénurie dans les hôpitaux, d'un nombre insuffisant de médecins et qu'ils voulaient un régime axé sur le volume.
Le problème était que vers la fin des années 60 et le début des années 70, la commission fédérale d'étude des coûts des services de soins de santé indiquait que ce type de régime ne fonctionnait pas. Toutefois, nous avons continué pendant assez longtemps jusqu'à ce que nous rencontrions un problème dans les années 70, parce que si vous laissez un système de paiement trop longtemps, il commence à devenir dysfonctionnel. C'est une notion que vous voudrez peut-être entretenir que, lorsque vous recommanderez une nouvelle entente de partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les provinces, vous ne la recommanderez que pour une certaine période de temps.
Le deuxième point que je veux exprimer est que la manière dont vous élaborez une nouvelle entente de financement a d'énormes répercussions sur les régimes. Au début, nous avons exclu la santé mentale et la santé publique du partage des coûts. Puis, nous nous sommes orientés vers un financement plus global dans le cadre duquel vous pourriez redistribuer les fonds. Le problème en résultant est qu'une fois qu'un régime est mis en place d'une certaine manière, il a un tel dynamisme qu'il est très difficile de le modifier même après avoir changé les ententes de financement. C'est pour cette raison que les gouvernements provinciaux ont des problèmes à investir davantage dans la médecine préventive et la santé mentale. Le régime actuel de soins de santé de courte durée possède un tel dynamisme que lorsque vous investissez des fonds additionnels, il l'engloutit.
Il s'agit là des primes incitatives perverses mises en place au fil des années et c'est pour cette raison qu'il est très important pour vous d'un point de vue stratégique de décider de ce qui sera inclus ou non parce que vous communiquez un message important au régime.
Le sénateur Cordy: Docteur Kusumakar, sans aucun doute, la question de la santé mentale nécessite grandement l'attention du grand public selon moi et je pense que les Canadiens, et particulièrement les employeurs, seraient particulièrement surpris d'apprendre le nombre de journées de travail manquées à cause d'une dépression ou de maladies liées au stress.
Je sais que Michael Wilson réalise un énorme travail d'éducation des Canadiens, mais comment les personnes déprimées ou stressées disent-elles à un employeur qu'elles veulent prendre un mois de congé avant que la situation ne devienne aussi grave qu'elles ne retourneront peut-être jamais au travail?
Le Dr Kusumakar: Je pense que lorsque nous attendons que l'employé devienne malade, dysfonctionnel et alors parle à son employeur, il est souvent trop tard. Les employeurs sont dictés par d'autres exigences, telles que le désir d'avoir un effectif très productif. Une idée nouvelle - pas forcément nouvelle dans d'autres parties du monde - est de mettre sur pied des programmes de dépistage précoce et de santé au travail en milieu de travail qui, à l'aide des facteurs de risque, peut identifier les personnes avant qu'elles développent la maladie. Les interventions à ce stade, en tant que partie de programmes de santé au travail, peuvent être efficaces.
Cela signifie maintenant que vous ne vous attendez pas à ce que les personnes soient déprimées ou restent déprimées d'ici de nombreuses semaines avant qu'elles parlent à leur employeur - en fait, un programme de dépistages présente des primes incitatives essentielles pour eux.
C'est un peu comme lorsque vous faites vérifier votre pression artérielle. Si vous maîtrisez votre pression artérielle, y aurait-il une prime incitative primordiale? Certaines entreprises offrent réellement des primes incitatives. Par exemple, les employés qui passent une visite médicale tous les ans bénéficient de deux jours d'absence additionnels. Vous pourriez mettre en place quelque chose de similaire.
Si vous introduisez la santé mentale dans le milieu de la santé au travail, vous la déstigmatisez également dans le milieu du travail. Dans certaines situations, vous aurez peut-être besoin de loi pour l'appuyer.
Le sénateur Robertson: Les témoins de ce matin ont tout simplement été excellents et nous avons tant appris de vous tous. Cela me fait plaisir de vous revoir, docteur Nestman. Je vous ai vu assis à l'arrière là-bas et j'attendais une occasion de vous demander de défendre le régime institutionnel critiqué par les derniers témoins - je ne sais pas si vous avez été présent tout le temps ou on - pour son manque d'efficacité. J'ai pensé qu'il serait bon d'écouter les deux versions de l'argument.
J'apprécie les opinions que vous avez exprimées au sujet du rôle du gouvernement fédéral. Si vous pouviez défendre dans le cadre de votre rôle actuel dans l'administration des services de santé scolaire ce qui se passe en administration hospitalière, ce serait peut-être intéressant et utile pour nous.
Le Dr Nestman: Je pense que les questions clés soulevées ce matin étaient premièrement à la croisée entre les secteurs privé et public et deuxièmement le rôle futur des hôpitaux de soins de courte durée. Je commencerai par la deuxième.
Nous ne savons vraiment pas ce que deviendra l'hôpital de soins de courte durée à l'avenir. Nous connaissons quelques tendances sur le plan mondial. Nous savons que le secteur des hôpitaux de soins de courte durée diminue dans tous les pays. Le nombre de lits se réduit. Il est maintenant question dans les milieux politiques d'avoir 1,4 à 1,5 lits par millier de personnes. Ces statistiques sont assez surprenantes.
Il n'est pas question de la nature des hôpitaux de soins de courte durée qui évolue assez rapidement. Nous savons maintenant que les hôpitaux diminuent pour de nombreuses raisons valables: cliniques, financières, sociales et opérationnelles. Nous savons que nous pouvons mieux soigner les gens en dehors de l'hôpital dans les services de consultations externes et dans les collectivités. Il existe une certaine impression que les efforts attribués au régime de soins de courte durée ne se traduit pas nécessairement par de bons résultats en termes de soins de santé.
La grande péréquation des années 70, 80 et 90 a été brisée. Nous savons tous que des fonds plus important n'entraînent pas nécessairement un meilleur statut de la santé. Par conséquent, le rôle des soins hospitaliers de courte durée est réellement important parce qu'il prend pour action ce que les priorités devraient être dans les régions et les districts.
Quant à la croisée entre les secteurs privé et public, le commentaire a été exprimé que le secteur privé peut fournir des fonds additionnels pour le régime de soins de courte durée ou pour le régime de soins de première ligne parce qu'il augmente les budgets. Je pense que c'est une erreur parce que notre pays est toujours confronté à l'établissement de priorités. Notre budget de soins de santé est à la fois public et privé.
Si vous considérez ce que le président Clinton a essayé de mettre en place dans les années 90, il ne s'inquiétait pas que les budgets de santé de l'état devenaient disproportionnés, mais des budgets privés. Il recevait des plaintes d'entreprises comme General Motors, IBM et Apple qui disaient: «Cela revient à tellement cher pour nous de fabriquer des ordinateurs, de fabriquer des automobiles. Les services de soins de santé privés deviennent beaucoup trop onéreux». Un pays doit contrôler non seulement l'aspect public, mais également l'aspect privé.
Je considère cette idée d'augmenter les fonds du secteur privé un peu comme un transfert des coûts et un peu comme une erreur parce que plus le montant des dollars dépensés pour les soins de santé est élevé, moins vous avez de capitaux pour les autres priorités de l'économie telles que l'éducation, les services d'aide sociale et sociaux. Ceux-ci sont particulièrement encombrés à l'heure actuelle.
Le sénateur Robertson: Merci beaucoup de vos commentaires. Cela est très utile. Vous avez fait mention des centres régionaux ou de concept régional en Nouvelle-Écosse, je crois. Je n'ai pas très bien compris, docteur Nestman, si vous approuvez le concept régional ou non. Pourriez-vous préciser ce point pour moi?
Le Dr Nestman: J'approuve clairement le concept régional.
Le sénateur Robertson: Bien.
Le Dr Nestman: J'ai des questions sur les raisons pour lesquelles nous sommes passés de quatre régions à neuf dans notre province. Cela n'a aucun sens selon moi. Une chose que j'ai appris en Europe c'est que chaque région doit posséder une certaine circonscription hospitalière afin de recruter un personnel adéquat, d'avoir de bons programmes cliniques et un volume suffisant pour améliorer la qualité.
Je doute que certaines de nos régions au Canada soient suffisamment grandes à ce titre, mais j'approuve sans aucun doute la régionalisation. Je pense qu'elle entraîne une politique plus complète au niveau régional. Toutefois, il y a certains pièges et l'un d'entre eux est la question de la responsabilité envers les ministères de la Santé.
Le sénateur Robertson: Avez-vous écrit un article à ce sujet qui puisse aider le comité?
Le Dr Nestman: Oui. Deux articles sont mentionnés dans ma bibliographie de références.
Le sénateur Robertson: Bien. Nous les consulterons.
Le Dr Nestman: Si vous le souhaitez, je peux faire des photocopies de ceux disponibles.
Le sénateur Robertson: Ce serait très utile.
Docteure Kenny, je vois que vous travaillez dans le service de bioéthique. Lorsque vous demandez aux personnes travaillant dans la bioéthique ce que c'est, vous obtenez parfois des réponses différentes. Comment définissez-vous la «bioéthique»?
La Dre Kenny: La bioéthique est une compréhension particulière de l'éthique qui implique la discipline de la philosophie pour aider à prendre des décisions de valeur. C'est une question de déterminer ce qui est juste et bon. La bioéthique et l'éthique dans le domaine de la biosphère, la biologie humaine. Cela va également au-delà de la santé humaine, mais la majorité des gens l'utilisent dans ce contexte.
Cela revient à poser la question de savoir comment définir, dans une société multiculturelle, les valeurs, les problèmes et les intérêts en jeu dans la prise de décision de ce qui est juste et bon, généralement concernant la situation d'un patient. Puis, comment vous aider les parties en question à établir une sorte de priorité afin de se battre pour ce qui est bon ou contre ce qui est mauvais, vous aites vos choix de manière responsable.
Le sénateur Robertson: Qui décide de ce qui est juste et bon et de ce qui ne l'est pas? Avons-nous un code national ou quelque chose de semblable au Canada qui sert de guide de bioéthique?
La Dre Kenny: De par la nature de la bioéthique moderne, nous ne pouvons plus dans les sociétés multiculturelles, utilisez des postulats sur une éthique formelle basée sur une religion. Il s'agit précisément d'une discipline de philosophie parce qu'il s'agit de débattre du problème selon des principes rationnels, nommés les principes «prima facie» par les philosophes. À première vue, tout le monde peut convenir, à titre d'exemple, que le respect du patient est un facteur primordial à prendre en compte. La tradition hippocratique nous invite à toujours utiliser la science et la technologie au profit du patient, en se basant sur la justice et l'équité. Ce sont des principes prima facie.
Bon nombre de mes collègues résolvent des problèmes d'ordre moral où ils essaient d'intervenir en cas d'absence d'entente sur ce qui est juste pour un patient, d'exposer les problèmes ou les valeurs en jeu afin qu'ils puissent se faire une idée par le biais de la discussion de ce qui devrait être fait.
Manifestement, la réflexion peut aboutir sur le fait que les valeurs en jeu se font concurrence. Il existe un conflit. C'est un conflit d'ordre moral. Si cela se produit, nous devons alors nous tourner vers le niveau le plus bas de l'éthique qui est la loi, dans son sens formel. Je ne fais pas de commentaires discréditants ou péjoratifs. C'est vraiment le cas. La loi est le niveau le plus bas auquel une société conviendra de compréhension du bien si nous n'y arrivons pas entre nous.
Lorsque je présidais les comités de valeur du Forum national de la santé du premier ministre, nous examinions si nous devions ou non recommander le Canada à quelque chose de semblable à l'American National Bioethics Advisory Committee. Nous avons en fait imparti cette tache et reçut une bonne analyse. Ce travail fut réalisé voici cinq ans.
Le président: En 1996. Oui.
La Dre Kenny: À cette époque là, nous n'étions pas certains si nous avions la capacité ou la connaissance pour traiter d'assignation de politique de bioéthique.
Il y avait toutefois des questions précises tels que les problèmes de reproduction dont les recommandations de surveillance sur le plan national sont parfaitement correctes. Je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup commenté votre rapport. En ce qui concerne ce que vous dite sur la surveillance de la recherche, je viens de participer à un nouveau comité des Instituts de recherche en santé du Canada et les initiatives fédérales pour assurer la supervision nationale sont absolument nécessaires.
L'interprétation des directives dans les domaines très problématiques prête vraiment à confusion. Le Canada doit établir une transparence et je dois vous féliciter pour cette recommandation.
D'un point de vue plus général, sénateur, de nombreuses personnes se donnent le titre d'«éthicien». Je suis un médecin intéressé par l'éthique. Pour bien le faire, il faut un grand nombre de personnes très vigilantes, douées de l'esprit d'analyse et respectueuses des points de vue différents. Elles sont difficiles à trouver.
Le sénateur Robertson: Mais nous y arriverons éventuellement, non?
La Dre Kenny: Oui, absolument.
Le sénateur LeBreton: Professeur Nestman, lorsque je vous entendais parler de responsabilités fédérales et provinciales, cela me rappelait - je me donne peut-être un âge - d'un vieux film d'Abbott and Costello Who's on First? parce qu'il illustre le problème en quelque sorte.
Vous parlez du nombre de ministres et de commissaires de la Santé. Nous en avons indubitablement entendu parler dans tout le pays. J'ai demandé à des gens de toutes les tendances de débattre sur la création d'un poste semblable au Surgeon General des États-Unis au Canada pour offrir une certaine cohérence de la politique publique. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? La question s'adresse à tous les témoins.
Le Dr Nestman: Je pense qu'un autre modèle peut être entendu parce qu'il procure au régime américain des débats symboliques très puissants et une très forte interaction avec le public. Il est perçu comme procurer un haut niveau d'intégrité et des renseignements documentés au grand public. Les professionnels de la santé aux États Unis doivent réfléchir à ce qui dit le directeur du Service de santé publique parce que cela provient d'une réserve très centrale.
Il existe toutefois d'autres modèles dont vous pourriez tenir compte. Les Allemands utilisent ce qu'ils appellent les «conseils des sages». Ils nomment un conseil de sages pour examiner la politique sur la santé et adopter un consensus. Le régime de soins de santé allemand se concentre beaucoup sur le consensus.
En Finlande, la participation aux événements communautaires relatifs à la santé est très élevée. Lorsque je vivais au Danemark, j'étais stupéfait de voir le genre de personnes qui participaient aux réunions communautaires sur la santé pour débattre de la politique sur la santé. Il existe d'autres modèles.
J'ai choisi celui-ci parce que je pense que nous institutionnalisons de nombreuses assemblées fédérales et provinciales et, à mon avis, c'est l'endroit où se rencontrent les grands esprits dans notre culture. Toutefois, le directeur du Service de santé publique est un autre modèle qui pourrait être utilisé, peut-être même conjointement.
Le sénateur LeBreton: Il semble prescrire une autorité supérieure et éliminer la politique de ce domaine.
La Dre Kenny: J'aimerais dire que ma compréhension du rôle du directeur du Service de santé publique est qu'il(elle) agit généralement en qualité d'autorité suprême en cas de conflit de politique clinique.
J'aimerais beaucoup réfléchir davantage à la proposition de M. Nestman parce qu'il s'agit davantage de consistance des politiques entre les gouvernements fédéral et provinciaux et non pas en particulier de la façon dont nous réagissons à la menace d'anthrax pour certains patients ou à la variole ou à une maladie quelconque.
Si vous vous reportez à la page 2 de ma soumission, je dis presque la même chose que ce dont parlait M. Nestman. Je parle en début de page d'attrapade fédérale-provinciale et en bas je dis, et avec grand respect: «Un commentaire important que vous faites dans le chapitre 6 est que les considérations politiques ont interféré avec les décisions politiques axées sur les signes rejetés dans d'autres pays». Votre rapport suggère qu'étant donné que tous les partis principaux du Canada soutiennent les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé, cette direction est très probable.
En fait, un problème majeur devant être examiné est la manière dont les procédures politiques ont interféré avec la politique axée sur les signes à long terme. Soyez assuré qu'il ne s'agit pas d'un commentaire tendancieux.
En réalité, nous avons vu des faux-fuyants politiques interférés avec des politiques. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes inefficaces. La politique nécessite une vision à long terme. Nous avons des partis - le parti «A» arrive pour renverser ce que le parti «B» a mis trois ans à bâtir; le parti «B» arrivant et renversant ce que le parti «D» a mis sur pied. C'est la frustration dans tout le pays.
Puis il y a le roulement des hauts fonctionnaires du ministère parce qu'ils sont présumés être les mouchards de l'autre partie. Dans le cadre de mon expérience en qualité de médecin, cela m'a rendu fou de me trouver en plein milieu, pas tout à fait en tant qu'agent de la Couronne - c'était un ordre dans la nomination du conseil - parce que je devais décider ce qui était juste. On me demandait conseil. J'étais prêt à assumer la responsabilité si je faisais une erreur, mais j'avais l'autorité de continuer.
Vous vous tenez là en vous disant: «Tous les signes disent fait ceci. Que pensez-vous qu'il fasse faire?» La pression sur les ministres et les commissaires de portefeuille tel que la santé est phénoménale. Réfléchissez au paradoxe. Sur le plan de la pratique clinique, nous parlons de signes. Montrez les signes. Que sont les signes? Sur le plan politique, nous avons apporté des changements comparables. Tout parti dans ce pays en est coupable.
S'il existe des différences de valeur fondamentales entre les partis politiques, alors mettez-les sur la table et laissez-nous choisir. Je vous assure que ce n'est généralement pas l'enjeu. Il s'agit davantage de «Je dois vous montrer que c'est moi qui détiens le pouvoir maintenant». Par conséquent, je jette votre politique, cela prend trois ans de plus pour en commencer une nouvelle et un an plus tard, elle sort de l'aiguillage. Voici la réalité de la politique gouvernementale.
Le sénateur LeBreton: J'ai une question sur le problème de la santé mentale. Vous avez parlé de soins de première ligne et d'interventions précoces. Je pense que le secteur où nous faisons preuve d'une grave déficience est l'intervention précoce dans le système éducatif.
Je ne sais pas comment cela se répercuterait sur le régime de soins de santé, mais les conseillers en orientation, les enseignants dans nos écoles, et en particulier les écoles primaires, pourraient probablement diriger certains cas présentant des risques très graves vers les soins adéquats. Avez-vous des recommandations ou des suggestions que nous pourrions inclure dans notre rapport final?
Le Dr Kusumakar: Lorsque je me suis installé en Nouvelle- Écosse voici neuf ans, une des mes passions était de commencer un programme d'intervention axé sur les écoles. À l'aide du financement de la recherche, nous avons «adopté» quatre écoles, une école secondaire de deuxième cycle et trois écoles secondaires de premier cycle où nous avons mené des sondages sur la santé mentale tous les ans, avons éduqué les enseignants en matière de dépistage précoce et avons réellement assigné des infirmières au triage des jeunes et pour leur donner l'occasion de parler de divers sujets, de la santé d'une manière formelle aux expériences de vie et d'éducation.
Nous avons clairement démontré le besoin en termes du nombre de jeunes atteints d'une maladie mentale. Nous avons démontré le besoin en termes de jeunes en détresse. Nous avons démontré la productivité de ce type de programme en prouvant combine nous avons réellement réduit le nombre de visites en salles d'urgence pour cette région particulière.
Cependant, nous avons réussi à convaincre ni le Programme institutionnel ni la province d'en faire un projet durable et de l'extrapoler partout ailleurs. La question réelle est d'où proviennent les fonds? Voici un bon exemple de ce que j'appellerai une «intervention précoce».
Je pense que nous devons être vraiment en mesure de renverser le paradigme pour être en mesure de faire cela. Nous devons observer certains des résultats à long terme. Par exemple, les enfants de ces écoles s'en sortent-ils mieux cinq ans après ces interventions que les enfants qui nous consultent six ou sept ans après être tombés malades? Je pense que la réponse est oui. Nous avons les signes mais allons-nous adopter une politique en fonction des signes?
Le sénateur Callbeck: Monsieur Nestman, vous parler ici de la base par habitant du TCSPS, et de la manière dont d'autres facteurs devraient être pris en compte, tel que le statut de la santé dans chaque province, le nombre de personnes âgées, et cetera. Vous recommandez plus loin sur la même page une composante très transparente de péréquation. Je ne comprends pas comment tous ces facteurs forment une composante très transparente.
Le Dr Nestman: Je pense qu'une péréquation pertinente des soins de santé est très importante sur le plan social, économique et politique à travers le pays et devrait être intégrée dans une entente de transfert de fonds entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Je ne suis pas un adepte de la méthode par habitant. Comment pouvons-nous distribuer les fonds de la santé, des services sociaux et de l'éducation sur cette base, lorsque nous savons que les données démographiques sont tellement différentes. J'essaie de m'éloigner de cela et de reconnaître au moins que les problèmes de capacité fiscale devraient être considérés comme une nouvelle entente de partage des coûts et devraient être transparents, afin que les Canadiens puissent comprendre que les provinces les plus pauvres sont aidées par les plus riches, ce qui contribuera donc à un sentiment de solidarité à travers le pays. .
Quelles devraient être les autres composantes? La capacité fiscale en est une, mais je pense que la santé de la population et les données démographiques sont également importantes. Je sais que l'élaboration d'une entente de partage des coûts sur cette base sera compliquée. Toutefois, je pense qu'il nous sera très difficile de continuer avec la méthode par habitant, traitant toutes les provinces de la même manière. Les provinces sont tout simplement trop différentes sous divers aspects.
Je suis bien conscient des débats dans votre rapport, y compris les points de vue de Tom Kent, de Monique Bégin et du Conseil canadien. Mon propre point de vue est que les moteurs de l'éducation, de la santé, des services sociaux et d'aide sociale et les résultats que vous voudriez mesurer et intégrer à une entente de partage des coûts sont assez différents. Je me dirige plutôt vers le type d'entente que le Conseil canadien a suggéré.
J'ai également le même point de vue sur le régime d'assurance-médicaments et les soins à domicile. À quel niveau devrait-il se situer? J'ai quelques difficultés à tous les inclure. Je connais les points de vue de Tom Kent, selon lesquelles ils ne seraient pas efficaces à long terme si vous les séparez tous. Toutefois, les soins à domicile, les soins de première ligne et le régime d'assurance-médicaments ne sont pas réellement des programmes en régime de croisière et n'ont pas l'élan du régime hospitalier des soins de courte durée. Si vous les incluez, les fonds ne seront-ils pas tout simplement redirigés vers le régime actuel?
J'examine ce qu'ont mis en place les Allemands. Ils ont isolé leurs programmes de soins à domicile et de soins en maison de repos du régime principal, en utilisant des fonds séparés. Les Australiens ont adopté un programme autonome pour leur régime d'assurance-médicaments. C'est peut-être une bonne idée pour un certain temps. Après 5 ou 10 ans, vous souhaiterez peut-être les regrouper.
Jusqu'à ce que ces domaines atteignent une vitesse de croisière, et en particulier les services communautaires tels que les soins à domicile, ils ne seront pas en mesure de se concurrencer. Lorsque les décisions sont prises par les ministères de la Santé, je crains que les questions telles que la santé publique et la santé mentale ne soient pénalisées. C'est pour cette raison que je pense qu'il vaut mieux les séparer pendant un certain temps.
Le sénateur Callbeck: Cela explique ce fait. Vous avez dit que la Nouvelle-Écosse alloue 5 p. 100 de son budget aux soins de santé. Cela est-il faible ou élevé par rapport aux autres provinces?
Le Dr Kusumakar: C'est beaucoup moins élevé que la majorité des autres provinces. En fait, même parmi les provinces Atlantiques, l'Île-du-Prince-Édouard fait mieux que la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Callbeck: C'est ce que je pensais. Merci.
Le président: Je vous remercie tous pour votre présence. J'ai juste deux commentaires, un auquel j'aimerais que vous réfléchissiez, docteur Nestman, afin que vous puissiez nous faire part de vos conclusions. Cela reflète sans doute les 30 bizarres années de mes propres efforts pour représenter soit la Nouvelle-Écosse soit le gouvernement fédéral dans les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Mon inquiétude concernant le fait d'autoriser seulement les fonctionnaires à prendre des décisions sur de nombreux problèmes majeurs de la politique sur la santé est qu'il leur manque un certain élément de «débrouillardise»; à savoir le fossé entre l'élaboration des politiques et savoir ce qui se passe lorsque vous instituez la politique. J'aimerais que vous réfléchissiez à la possibilité de concevoir une tribune à laquelle participeraient non seulement les responsables des orientations politiques mais aussi les personnes chargées de la mise en 9uvre de la politique, parce que bien souvent, nous les responsables des orientations politiques pensent à des choses intelligentes que ne fonctionnent tout simplement pas en pratique.
Enfin, j'ai un commentaire pour la Dre Kenny à propos de l'article sur la pathologie politique dans les soins de santé. Juste pour vous montrer à quel point les choses ne changent pas beaucoup. Il y a 25 ans, j'enseigne aux étudiants de maîtrise en administration publique. Mon cours d'introduction sur la conception de la politique sociale était fondé sur un article intitulé «The Counterintuitive Effects of Most Social Policies», débutant par le contrôle des loyers et descendant la liste. La pathologie politique en politique sociale est présente parmi nous depuis longtemps, tout aussi frustrante qu'elle soit.
Merci à vous tous pour votre présence. Ce fut extrêmement intéressant.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, cet après-midi nous accueillons notre premier groupe de témoins: Georgia MacNeil, présidente de Feminists for Just and Equitable Public Policy, Sharon Batt, présidente de Women's Health and the Environment à Dalhousie et Maxine Barrett, du Nova-Scotia Valley Caregivers Support Group. Je sais que Georgia MacNeil doit quitter tôt, ou du moins avant 14 h 30, d'après ce que l'on me dit et je commencerai donc par ce groupe.
Je dois également dire au nom de notre collègue, le sénateur Pépin, qu'elle ne peut malheureusement pas être parmi nous aujourd'hui en raison d'un petit ennui d'ordre médical. Elle s'est soignée, mais il y a plusieurs questions relatives à la santé des femmes qui lui tiennent tellement à coeur que nous avons parlé, elle et moi, que nous allions faire quelque chose à ce sujet dès la nouvelle année. Quoi qu'il en soit, je vous transmets ses excuses.
Mme Georgia MacNeil, présidente, Feminists for Just and Equitable Public Policy: Merci beaucoup, je suis très heureuse d'être parmi vous.
Feminists for Just and Equitable Public Policy, FEMJEPP, est une coalition de 29 groupes communautaires de femmes qui recherchent l'égalité. Un grand nombre de ces groupes sont des organismes de prestation de services et les autres sont des associations mutuelles. La plupart des organismes de prestation de services traitent de questions liées à la pauvreté chez les femmes. C'est vraiment notre raison d'être et c'est sous cet angle que nous avons examiné votre document de travail.
J'aimerais aborder deux des rôles décrits dans le document «Questions et options». Je commencerai par celui des finances. Nous sommes tout à fait d'accord qu'un financement adéquat et stable du système de soins de santé est essentiel. Cependant, nous n'appuyons pas le ticket modérateur sous quelque forme que ce soit. Nous estimons qu'il est possible de réaliser des économies dans d'autres secteurs du système de soins de santé qui permettront de réaffecter l'argent consacré à la santé.
Par exemple, le système de soins primaires a recours à du personnel très dispendieux pour prodiguer des services de base. Nous estimons que l'on devrait élargir les programmes d'infirmières praticiennes et que ces dernières devraient être considérées comme des membres importants de l'équipe multidisciplinaire des soins de santé primaires.
L'autre mesure que nous considérons une stratégie efficace en matière de soins de santé et une grande source d'économies serait d'élargir le régime public d'assurance médicale de façon à y inclure les services d'homéopathes, de naturopathes et d'acupuncteurs. Les services fournis par ces praticiens sont économiques en plus d'être efficaces pour traiter des malaises. Nous croyons que leur intégration à l'équipe des soins de santé peut engendrer des économies. Ainsi, ces autres prestateurs de soins dégageraient les médecins et les organismes de soins tertiaires dont les services sont plus dispendieux.
Nous convenons également qu'un accès opportun à tous les services médicaux est un objectif très important. Toutefois, les services devraient aussi être appropriés sur le plan culturel et offerts avec traduction ou dans la langue de choix d'une personne. Dans les grandes villes, il y a de nombreuses personnes, beaucoup d'immigrants et de réfugiés ainsi que de nombreux francophones dans des régions non francophones qui ont de la difficulté à recevoir des services dans la langue de leur choix.
L'autre point que j'aimerais souligner à cet égard est que l'accessibilité géographique est un aspect extrêmement important. D'un point de vue plus large, la rationalisation et la régionalisation peuvent sembler efficaces sur le plan des coûts. Cependant, bien des personnes ont énormément de difficultés à avoir accès aux services dans les endroits où ils se rendent. Il faut agir pour faire en sorte d'offrir du soutien à ceux qui voyagent ou d'offrir des services dans les régions plus petites afin que les gens n'aient pas à se déplacer.
Pour ce qui est des difficultés financières, le système de soins de santé devrait certainement être disponible pour les personnes qui en ont besoin. Nous constatons, dans le cas des femmes avec lesquelles nous travaillons et à qui nous fournissons des services, qu'il s'agisse de mères seules, de bénéficiaires de l'aide sociale, de personnes âgées, de personnes handicapées ou de personnes qui n'ont tout simplement pas accès à un régime d'assurance médicale complémentaire, nous constatons donc qu'un grand nombre de ces personnes s'appauvrissent en raison du coût des médicaments et des besoins en matière de soins de santé spéciaux.
On doit pouvoir compter sur un régime d'assurance- médicaments pour régler ces problèmes et on doit pouvoir avoir accès à des services de soins de santé spéciaux tels que la physiothérapie. À titre d'exemple, une de nos clientes s'est fait dire qu'elle devait consulter un physiothérapeute. Elle souffrait d'un problème débilitant. On lui a dit qu'elle pouvait inscrire son nom sur une liste d'attente et attendre un an avant de voir le physiothérapeute du secteur public à l'hôpital, ou qu'elle pouvait payer pour ce service. Elle n'avait pas les moyens de sorte qu'elle a attendu une année sur une liste d'attente et que sa condition n'a cessé de se détériorer. Je ne crois pas que ce soit acceptable au Canada, en ce troisième millénaire.
L'autre rôle que nous voulons aborder, et c'est notre sphère d'activité, c'est celui de la santé de la population. Étant donné que notre travail porte principalement sur la pauvreté, nous sommes heureuses de voir l'analyse présentée dans la section «Questions et options». Vous vous êtes certainement rendu compte que la pauvreté et la santé de la population en tant que déterminant de la santé est une question très complexe.
De toute évidence, les secteurs stratégiques qui ont une incidence sur la pauvreté et, ultérieurement, sur la santé, ne relèvent pas nécessairement du système de soins de santé. Par conséquent, nous estimons que le seul mécanisme efficace pour élaborer des stratégies efficaces en matière de santé de la population est d'adopter une approche intégrée. Par cela, je veux dire que le gouvernement fédéral devrait s'assurer que les politiques de tous ses ministères sont uniformes pour promouvoir la santé des particuliers. Santé Canada a peut-être des politiques visant la promotion de la santé, mais d'autres ministères ont peut-être des politiques conflictuelles ou des politiques qui gênent l'accès à la santé. En outre, l'intégration doit se faire entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Il y a continuellement des gens qui tombent entre les mailles des diverses compétences.
Enfin, un point d'intégration que nous jugeons extrêmement important porte sur une question soulevée par M. Kirby dans le dernier exposé ce matin. Selon nous, les personnes les plus touchées par une politique doivent absolument participer à l'identification des problèmes et à l'élaboration de solutions efficaces et pratiques. Voilà ce à quoi s'emploie FEMJEPP.
En terminant, j'aimerais vous donner deux exemples de projets qui cherchent à intégrer cette participation à l'élaboration de politiques. Le premier projet s'intitule The PATH Project, c'est-à-dire un projet de personnes qui évaluent leur projet de santé. Il s'agit d'un projet de promotion de la santé qui est axé sur la notion voulant que les gens en savent beaucoup sur ce qui les garde en santé et que les gens au niveau communautaire devraient participer à la planification et à la prise de décisions concernant les politiques et les programmes qui les touchent.
Ce projet est coparrainé par le Women's Resource Centre d'Antigonish, le département de l'enseignement postscolaire de l'Université St. Francis Xavier, les services de la santé publique, région de l'Est, et le Antigonish Town and Country Health Board. Vous constaterez qu'il y a déjà beaucoup d'intégration et de collaboration à différents niveaux dans le cadre de ce projet. Le projet est financé par le fonds des services de santé pour les régions rurales et éloignées de Santé Canada.
La principale activité dans le cadre de ce projet est la mise au point d'un outil d'évaluation des répercussions sur la santé communautaire qui deviendra une ressource permettant d'évaluer l'incidence de diverses politiques et de divers programmes sur la santé d'une communauté donnée. Il examine le large éventail de facteurs qui déterminent la santé, ce qui comprend des aspects comme le revenu, l'éducation et l'environnement physique, en plus des services de santé.
On fera également des recherches sur les indicateurs de santé qui seront précieuses plus tard pour mesurer les changements survenus dans l'état de santé de la collectivité. Le projet, comme de nombreux autres, vise à créer des occasions pour le public et les décideurs de produire ensemble des collectivités en santé.
Comme l'a dit le sénateur Kirby dans une observation qu'il a faite plus tôt ce matin, il est très difficile de prendre des politiques efficaces et pratiques «de là-bas» parce que chaque collectivité est unique. Chaque collectivité a son propre agencement de ressources. Les gens savent ce dont ils ont besoin et ils peuvent probablement vous offrir une solution plus efficace sur le plan des coûts que vous pouvez le faire à Ottawa.
Je vous donnerai un exemple auquel FEMJEPP se consacre depuis environ un an. Nous collaborons avec les clients des organismes de prestation de services et l'ensemble des femmes de la Nouvelle-Écosse à l'élaboration d'une analyse critique de la pauvreté chez les femmes. Cela saute aux yeux que les politiques actuelles ne facilitent pas l'indépendance financière des femmes. Elles maintiennent les femmes dans la pauvreté, ce qui a des conséquences à long terme sur la santé des femmes, de leurs enfants et de leurs collectivités. Il faut absolument mettre fin à cette attitude étroite qui en est peut-être la cause.
À l'heure actuelle, nous sommes en train d'élaborer un cadre stratégique intégré qui donnera une perspective sur les liens entre les différents secteurs de politique et ceux qui influent sur l'indépendance financière des femmes. Toujours en rapport avec cet outil, nous élaborons aussi un processus d'évaluation d'impact participatif qui fera intervenir une participation directe dans l'analyse et la détermination d'options de politique qui fonctionnent. Nous serions très heureuses de communiquer nos résultats au Comité lorsque nous aurons terminé le projet.
Mme Maxine Barrett, Nova Scotia Valley Caregivers Support Group de Nouvelle-Écosse: Je représente le Valley Caregivers Support Group des régions rurales de Nouvelle-Écosse. J'aimerais d'abord commencer par vous dire quelques mots sur ce qu'est un fournisseur de soins. Comment devient-on fournisseur de soins? Si un membre de la famille tombe malade, vous devenez un fournisseur de soins. Vous faites le travail sans rémunération, sans formation, et souvent sans soutien. C'est une tâche qui peut durer des semaines, des mois ou des années. Dans mon cas, ce fut quinze ans. Vous vivez en isolation, vous perdez vos amis, vous n'avez aucune vie sociale ou très peu et le stress continu devient une partie intégrante de votre vie. Si vous permettez à cette tâche de prendre toute la place, vous pouvez perdre votre identité.
Des milliers de Néo-Écossais prodiguent de façon désintéressée des soins à des membres de leur famille ou à des amis ayant une déficience intellectuelle ou physique, souffrant de maladies chroniques, fragiles ou âgés. Par ces soins à domicile, ces soignants fournissent collectivement un service dont on a un urgent besoin, qui fait économiser aux contribuables des millions de dollars. De nombreux soignants finissent par avoir de graves ennuis de santé du fait qu'ils fournissent des soins. Je connais deux soignants en Nouvelle-Écosse qui sont morts, laissant derrière eux un membre de la famille qui avait encore besoin de soins.
En raison du nombre accru de personnes âgées qui ont besoin d'aide à la maison, les prestateurs de soins primaires sont un bien précieux dans la chaîne des soins de santé et ils ont besoin de soutien. Si vous négligez le soignant, vous finirez par avoir deux personnes malades qui vont exercer une pression supplémentaire sur le système de soins de santé. On semble mal comprendre et nettement sous-évaluer les longues heures que nécessite ce travail exigeant sur le plan émotif.
En ce qui concerne l'admission dans les maisons de soins infirmiers en Nouvelle-Écosse et au-delà, le Valley Caregivers Support Group existe depuis sept ans, en partie pour aider les membres à composer avec le stress parfois insoutenable de la prestation de soins. Pour plusieurs soignants, une importante source de ce stress découle de la décision de placer un membre de la famille dans une maison de soins infirmiers. Cette décision est parfois retardée bien au-delà de la limite d'endurance, au moment où le soignant et le membre de la famille sont dans une position extrêmement vulnérable. C'est à ce moment-là que la famille doit faire face à la dure réalité de l'admission dans une maison de soins infirmiers. L'incidence de cette décision peut être accablante.
Par conséquent, le groupe a décidé de se renseigner sur les politiques d'admission en vigueur dans les autres provinces et les territoires ainsi qu'ailleurs en Nouvelle-Écosse. Nous avons pressenti l'Université Dalhousie et Robin Stadnyk, professeur adjoint à l'École d'ergothérapie, a entrepris de faire la recherche. On a élargi la portée du projet pour étudier l'incidence de différents modèles de financement sur les familles et les membres ainsi placés.
Pour ce qui est des pratiques et des politiques en vigueur en Nouvelle-Écosse, depuis le 1er avril 2001 toutes les personnes qui demandent à être admises dans une maison de soins infirmiers autorisée de la province doivent se soumettre à la procédure Single Entry Access, peu importe si ces personnes soient ou non en mesure d'acquitter tous les coûts des soins. Dans le cadre de cette procédure, il faut divulguer tous les revenus et actifs du requérant ainsi que ceux du conjoint. Il faut également divulguer toute cession de bien ou d'argent à un tiers, même un enfant, dans les trois années qui ont précédé la demande.
Le revenu comprend les pensions privées, les prestations du Régime de pensions du Canada, la sécurité de la vieillesse, les suppléments garantis, le revenu de rentes ou tous les autres revenus réguliers. Les biens comprennent tous les montants en banque, tous les biens immobiliers à l'exclusion de la résidence désignée, les REER, les CPG, les actions, l'assurance-vie, les embarcations et tous les autres biens fixes ou liquides.
Le gouvernement veut une divulgation totale de vos finances sans garantie de confidentialité. Tout cela est fait pour s'assurer que les citoyens vont payer le maximum des coûts des soins dans une maison de soins infirmiers dans toute la mesure de leurs moyens. Dans le cas du payeur privé, cela n'inclut pas les médicaments, les fauteuils roulants, les frais d'ambulance et de nombreux autres articles. Avant qu'une aide financière du gouvernement soit donnée, tous les revenus et biens admissibles, à l'exception de la résidence désignée, doivent servir à payer le coût des soins.
Dans le cas d'un couple marié, les revenus et les biens combinés, à l'exclusion de la résidence, sont admissibles et la moitié de leur valeur doit servir à acquitter le coût des soins. L'incidence de ces coûts sur le conjoint qui reste à son domicile, dont le revenu est réduit de façon dramatique, mais dont les dépenses ne sont pratiquement pas changées, est dévastatrice.
Cette procédure fait appel à l'examen des moyens d'existence le plus rigoureux qu'il sera donné à un citoyen de rencontrer, et tout au long du processus, il n'y a personne pour conseiller et orienter le soignant qui se trouve intimidé, épuisé, culpabilisé, vidé sur le plan émotif, en plus de sa santé qui se détériore. Il arrive souvent que le soignant est démoralisé par le résultat. Vous pouvez louer ou vendre votre résidence désignée, mais tous les produits nets doivent s'appliquer aux soins si le titre de propriété de votre domicile est toujours à votre nom.
Les conjoints peuvent louer ou vendre la résidence désignée, mais la moitié du revenu doit être appliquée au coût des soins. Ils peuvent céder le domicile à une autre personne en autant qu'aucune valeur n'y soit rattachée. Si le titre est mis au nom de l'autre personne, cette personne peut vendre le domicile et l'argent lui appartient.
Nous travaillons fort pour acquérir notre résidence désignée, mais si nous la vendons pour une raison ou une autre, le gouvernement peut réclamer les produits d'un trait de plume. Qu'est-il advenu de notre rêve de laisser un petit héritage à nos enfants? Les tarifs ne cessent d'augmenter dans les maisons de soins infirmiers et certains résidents se sont fait dire que toutes les maisons de soins infirmiers seront directement touchées par les négociations de travail avec les infirmières de la Nouvelle-Écosse.
À la page 5 du document d'information du ministère de la Santé intitulé «Nursing Homes, Homes for the Aged, General Information, Department of Health» de mars 2001, on a la preuve que les maisons de soins infirmiers peuvent avoir un tarif différent pour les résidents qui paient entièrement leurs soins.
Est-ce que les patients privés, qui payent, subventionnent les soins financés par le gouvernement? Pendant des années, les soignants ont essayé de faire éliminer l'expression «soignant naturel», mais le ministère de la Santé continue de l'utiliser dans sa procédure Single Access Entry. Il n'y a rien de naturel dans les quelque 80 p. 100 des soins que nous prodiguons jour après jour. Si le ministère tient à nous étiqueter, il peut nous appeler les «soignants non rémunérés».
Si nous comparons les politiques qui ont cours dans les autres provinces et territoires du Canada, on attend des familles dans les provinces Maritimes qu'elles paient la totalité du coût des soins et on procédera à un examen des moyens de subsistance pour ce qui est du revenu et des biens, comme on l'a décrit plus haut dans le cas de la Nouvelle-Écosse. À Terre-Neuve, on a la même orientation que dans les provinces Maritimes jusqu'à concurrence d'un maximum qui est actuellement de 2 900 $ par mois. En Nouvelle-Écosse, le coût peut dépasser 4 500 $ par mois. Cela porte le coût annuel pour des soins prodigués dans une maison de soins à plus de 50 000 $. Pour leur part, les Albertains ne sont pas soumis à un examen des moyens de subsistance. Toutes les personnes paient un prix abordable.
Contrairement à ce qui se passe dans les provinces de l'Atlantique, d'autres provinces mettent l'accent sur la récupération uniquement des frais liés à la portion chambre et pension et l'examen des moyens d'existence ne porte que sur le revenu. La composante des soins infirmiers est payée par la province, ce qui est conforme aux principes de l'universalité du système de soins de santé dont les Canadiens sont si fiers. Pourquoi fait-on cette discrimination à l'endroit des citoyens âgés des provinces de l'Atlantique?
Les subventions de la péréquation fédérale sont censées faire en sorte qu'il y ait prestation égale de services sociaux et de santé dans toutes les provinces. En tant que citoyens, nous avons droit au même traitement que celui qui est donné dans de nombreuses autres provinces qui ne paient que pour la portion chambre et pension et qui ne procèdent à l'examen des moyens de subsistance qu'à l'égard du revenu. Ces orientations stratégiques en disent long sur la valeur qu'accordent les provinces maritimes à la contribution des soignants.
En 2000, le Comité consultatif fédéral-provincial et territorial sur les soins continus, a réalisé un examen exhaustif du système de soins continus au Canada afin de mettre en place une politique plus coordonnée axée sur les soins continus. Il recommandait que des mesures soient prises pour réduire l'iniquité dans les contributions personnelles aux coûts des soins prodigués dans les maisons de soins infirmiers.
L'accent sur la composante chambre et pension correspond davantage à l'esprit du principe des soins de santé universels. Le ministère de la Santé de la province de la Nouvelle-Écosse doit s'occuper de cette question. Notre campagne pour la justice ne demeurera pas silencieuse.
Références: ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, «Nursing Home, Home for the Aged», mars 2001, «Nova-Scotia Designation of Residence», questions et réponses, mai 2000, «Preliminary Research Report on Nursing Homes Across Canada», février 2001, Robin Stadnyk, professeur adjoint de l'École d'ergothérapie, Université Dalhousie.
Mme Sharon Batt, présidente, Université Dalhousie: Honorables sénateurs, la chaire Elizabeth May a été mise sur pied il y a plusieurs années pour promouvoir le débat et faire en sorte que les résultats de la recherche soient intégrés à la politique gouvernementale et aux domaines de la santé des femmes et de l'environnement. Je suis ici aujourd'hui parce que la détérioration de l'environnement menace la santé du pays et nos politiques en matière de santé doivent de toute urgence se pencher sur ce problème.
Je parlerai plus particulièrement des questions de prévention de la maladie et des stratégies en matière de santé de la population. J'aborderai également un autre secteur important du rapport provisoire du comité, à savoir la nécessité de déplacer des ressources du traitement à la prévention.
Il se passe à peine une journée où l'on n'entend pas une nouvelle histoire au sujet de la santé et de l'environnement. J'ai réuni quelques exemples tirés de reportages dans les journaux et à la radio ces derniers mois. Le 5 septembre, le directeur général du Programme de la sécurité des produits de Santé Canada mettait en garde contre les médicaments qui s'accumulent dans le réseau d'aqueduc au Canada dans des concentrations qui pourraient affecter la santé humaine.
Je signalerai d'ailleurs qu'il y a plusieurs aspects de la santé et de l'environnement qui sont liés au sexe. Lorsque nous réduisons les budgets de la santé publique, un nombre disproportionné des emplois touchés sont occupés par des femmes, notamment les infirmières en santé publique et les infirmières praticiennes. Les femmes sont plus pauvres que les hommes et les environnements malsains frappent davantage les défavorisés.
Selon la recherche effectuée, la pollution de l'environnement nuit de façons particulières à la santé des femmes. On parle notamment de la contamination du lait maternel par des produits chimiques liposolubles, de produits chimiques dans l'environnement qui reproduisent les oestrogènes féminins, de modulateurs endocriniens pour lesquels il n'existe aucune dose sûre.
Si le foetus est exposé à des points critiques de son développement, ne serait-ce qu'à des quantités minuscules de ces produits chimiques, ces derniers peuvent provoquer des cancers du système de reproduction, la stérilité et des anomalies génitales. On a également constaté que des filles au Canada, comme dans d'autres pays, débutent leur puberté plusieurs années plus tôt qu'auparavant et on soupçonne que c'est attribuable à des produits chimiques provenant de plastifiants dans l'environnement.
Pour contrer ces menaces pour la santé, il faut de toute urgence mettre en place des mesures de prévention axées sur les contaminants de l'environnement et leurs répercussions sur la santé. Le comité a fait remarquer, avec fierté et à juste titre, que le Canada était un chef de file mondial dans les années 70 et 80 pour ce qui est d'élaborer des stratégies de prévention de la maladie. Je pense que la santé de l'environnement est un domaine pour lequel le Canada pourrait une fois de plus prendre la direction, mais le gouvernement devra faire preuve de courage et confronter les intérêts de l'industrie. La vision fédérale de la dernière décennie a été axée sur le partenariat avec l'industrie et l'industrie n'est plus de façon générale réceptive aux contrôles prévus par la loi.
Le principe de la prudence constitue une politique centrale de la prévention de la maladie qui a émergé au cours des dix dernières années. Lorsque l'on a des raisons de croire qu'un tort est causé à la santé et à l'environnement, le manque de consensus ou d'incertitude scientifique n'est pas une raison de reporter la prise de mesures préventives.
Les politiques canadiennes sont ambivalentes en ce qui concerne le principe de prudence. La révision en 1999 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement l'a démontré. Le gouvernement fédéral a dilué un principe de la prudence fort à l'origine après que des interventions de l'industrie eurent mené à des amendements de dernière minute. De plus, dans le document de travail de 1998 du gouvernement fédéral sur la protection de la santé, on adoptait une approche différente du principe de la prudence, à savoir la gestion du risque.
En 1983, les Américains ont introduit la gestion du risque comme outil de politique concernant la prise de décisions en matière de santé et d'environnement. De nombreux observateurs, y compris l'historien américain des sciences, Robert Proctor, ont fait remarquer que l'effet net avait presque invariablement été de contrecarrer les règlements en matière de santé et d'environnement. Contrairement au Canada et aux États-Unis qui ont adopté cette approche de la gestion du risque, les organismes de réglementation européens ont choisi celle de la réglementation. Ils ont une tolérance moins élevée au risque et ils tiennent compte des larges répercussions sociales de la technologie. Je crois que les Canadiens accordent de l'importance à la justice sociale dans nos stratégies en matière de santé et que l'approche européenne vis-à-vis de l'évaluation des risques est plus conforme à la façon de penser des Canadiens qu'à l'approche concurrentielle des Américains.
À court terme, la réduction et l'élimination des causes de maladies pourraient entraîner des coûts pour l'industrie qui devra procéder au nettoyage des substances toxiques, apporter des changements aux technologies liées à la pollution et prendre des mesures dans le lieu de travail pour prévenir les accidents ou l'exposition à des agents qui causent des maladies. À long terme, ces mesures favorisent le développement durable et pourraient permettre à l'industrie de réaliser des économies. Elles sont accompagnées de coûts limités, procurent des avantages à long terme pour la santé à toute la population et préviennent habituellement un éventail de maladies, et non seulement une.
Le comité a laissé entendre qu'il faut consacrer plus de ressources à la santé publique si l'on veut prévenir les maladies. Je suis d'accord. Cependant, une grande partie de l'enthousiasme du comité est orientée sur les changements dans le mode de vie et sur la génomique. J'ai des réserves à ce sujet.
Les modes de vie sont une façon pour les gouvernements d'éviter de confronter l'industrie et de donner l'impression de promouvoir la santé publique. Nous l'avons vu à Sydney, par exemple, qui est l'endroit du Canada le plus contaminé par des substances toxiques, où les résidents se sont fait dire que leur problème était qu'ils fumaient trop.
Il est plus facile d'obtenir que les particuliers plutôt que les sociétés changent leurs comportements. Les femmes, qui sur le plan social sont très portées à plaire aux autres, sont particulièrement susceptibles aux messages les incitant à déployer encore plus d'efforts pour être en santé. Les sociétés semblent avoir une curieuse immunité aux messages les incitant à faire le ménage de leurs modes de vie polluants d'entreprise.
Seule la réglementation gouvernementale et l'application des règlements peuvent corriger les problèmes environnementaux qui menacent notre santé. Il est évident que la recherche dans les mécanismes de cause et d'effet doit se poursuivre mais, entre-temps, nous devons donner suite aux preuves provenant de nombreuses sources qui indiquent que notre santé est à risque.
En ce qui concerne la génomique, le comité est enthousiaste face aux progrès réalisés en génétique et en génomique. C'est évidemment un domaine de la recherche en pleine effervescence. Tout ce qui se dit sur la génomique est en partie de l'espoir, en partie de la science et en partie de la publicité. Je dirais qu'un examen attentif de la documentation sur les tests génétiques dans le domaine du cancer du sein - et comme j'ai moi-même subi des traitements pour le cancer du sein, je suis de très près cette documentation - ramènerait l'hyperbole génétique à des proportions beaucoup plus près de la réalité.
Pourquoi pensons-nous qu'il sera d'une simplicité enfantine de modifier notre machinerie moléculaire? La génétique moléculaire est un sujet très passionnant, mais elle ne présente pas une fiche très reluisante au chapitre de la prévention des maladies. Nous mettons tellement notre confiance dans la science de haute technologie, et ce n'est pas du tout la façon de se sortir du fouillis que nous avons créé. Prévenir la maladie avant qu'elle ne frappe, utiliser le principe de la prudence, voilà une idée rétrograde et à faible apport technologique qui offre très peu d'attrait, mais ça fonctionne. La vie sur Terre est en train de nous tuer. Nous devons modifier nos façons de faire, et non pas nos gènes.
J'ai quatre propositions modestes à faire. La première reprend le sentiment de Georgia MacNeil selon qui le comité doit trouver des façons de briser les silos entre la santé et l'environnement.
La deuxième est que le Canada devrait investir dans la recherche stratégique en matière de santé et d'environnement, recherche qui viserait à trouver des façons d'appliquer avec succès le principe de la prudence et d'en suivre les résultats. Cette recherche aurait une forte composante liée au sexe et serait axée sur les collectivités défavorisées sur le plan de l'environnement, y compris les collectivités autochtones.
La troisième est que la réorganisation de la réglementation touchant les médicaments, les aliments et le matériel radiologique et celle de l'environnement canadien devrait se faire par l'intermédiaire d'un système indépendant de l'industrie.
La quatrième est que je proposerais, pour chaque initiative liée au mode de vie et à la génomique, que le gouvernement approuve une initiative environnementale parallèle fondée sur le principe de la prudence.
Le président: Madame Barrett, à quel moment est-ce que la loi a changé en Nouvelle-Écosse pour ce qui est du paiement dans le cas des maisons de soins infirmiers? Est-ce une nouvelle loi? Est-ce que le système est en place depuis un certain temps déjà? Le savez-vous?
Mme Barrett: En toute franchise, je ne peux pas dire depuis quand c'est en place, mais si vous parlez de la directive en matière de politique, on y a recours depuis au moins un an.
Le président: Très bien.
Mme Barrett: Des soignants avec qui je travaille sont touchés par cette situation depuis un an.
Le président: D'accord, mais ça ne date pas de dix ans.
Mme Barrett: Honnêtement, je n'ai aucune idée depuis combien de temps c'est en vigueur.
Le président: Madame Batt, c'est une partie du ministère de la Santé que nous n'avons jamais examinée. Il y a une direction générale à Santé Canada qui s'appelle la Direction générale de la protection de la santé.
Mme Batt: En fait, elle a changé de nom.
Le président: Ah oui? Elle s'est probablement réorganisée parce que c'est le genre de choses qu'ils font. Comment l'appelle-t-on maintenant?
Mme Batt: On l'a divisée en plusieurs éléments.
Le président: La Direction générale de la protection de la santé, selon ce que j'en comprends, examine l'incidence de divers médicaments sur la santé. Elle ne fait pas de liens entre l'environnement et la santé. C'est pour cette raison que l'environnement n'est pas un médicament. On n'en tient pas compte sous cet aspect. Y a-t-il une partie du ministère de l'Environnement qui examine ce que j'appellerais les répercussions pour la santé de divers problèmes environnementaux?
Mme Batt: Le document de travail de 1998 a reconnu ce lien. On a abordé l'importance de l'environnement.
Le président: Je sais qu'il en est question, mais - je n'aime pas poser cette question - a-t-on fait quelque chose à ce sujet? En d'autres mots, si vous me demandiez où, au gouvernement fédéral, obtenir de l'information sur les répercussions pour la santé d'un problème environnemental donné, je ne saurais pas où le trouver.
Mme Batt: Les contaminants chimiques et la radiation auraient des répercussions sur la santé.
Le président: Y a-t-il une partie distincte du ministère qui s'occupe de cela?
Mme Batt: Oui, il y a une section précise pour les contaminants chimiques et la radiation.
Le président: Votre chaire fait en quelque sorte le lien entre la santé et l'environnement, et c'est le point que je veux aborder. Est-ce que vous axez davantage vos travaux sur ce que j'appellerais les répercussions pour la santé de l'environnement, ou est-ce le contraire? Est-ce que nos problèmes de santé sont ce qui vous anime? Est-ce bien cela?
Mme Batt: Oui. Une partie du problème est que ces deux domaines ont été passablement distincts sur le plan de la politique et celui de la recherche.
Le président: Très bien.
Mme Batt: Une des raisons d'être de la chaire est d'essayer de les réunir.
Le président: Comme vous le dites, ils sont également sur le plan politique, dans les milieux organisationnels du gouvernement, assez différents.
Mme Batt: Exactement.
Le sénateur Cook: J'ai vu une main levée à l'arrière de la salle, ce serait peut-être votre réponse.
Mme Anne-Marie Léger, analyste des politiques, Santé Canada: Je veux simplement préciser que je travaille pour Santé Canada. La Direction générale de la protection de la santé a été réorganisée. Elle compte deux éléments: la Direction générale des produits de santé et des aliments ainsi que la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. La Direction de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs s'occupe effectivement des questions de liens entre la santé environnementale ou la non-santé environnementale et les résultats pour la santé.
Le président: Ces renseignements sont très utiles. Est-ce que cela s'est produit au cours des derniers mois?
Mme Léger: En fait, je suis assez nouvelle au ministère, mais je sais que c'est en place depuis un certain temps déjà.
Le président: Depuis combien de temps?
Mme Léger: Depuis environ un an et demi.
Le sénateur LeBreton: Ma soeur travaille maintenant au Conseil du Trésor, mais elle était à l'emploi de Santé Canada et travaillait dans ce domaine précis lorsque ces changements ont été apportés. Cela fait environ deux ans et demi.
J'ai une question pour Sharon Batt. Je pense que c'est plutôt approprié parce que je connais Elizabeth May, et elle est certainement une pionnière pour ce qui est des questions environnementales. Il y a des années, lorsque nous parlions d'environnement, nous parlions d'arbres. Les situations telles que l'incident de Walkerton nous indiquent qu'il n'y a aucun doute que l'environnement est un problème de santé. Nous ne pouvons pas séparer la santé et l'environnement.
Vous avez donné de nouveaux exemples. Il y en a eu un autre dans l'actualité ces derniers jours concernant tous les antibiotiques qui sont donnés aux poulets, porcs et bovins afin de prévenir la maladie. Ces antibiotiques se retrouvent également dans nos systèmes, ce qui explique probablement en partie que je ne mange plus beaucoup de viande depuis quelque temps.
Quoi qu'il en soit, j'ai une question précisément pour vous, Sharon. Je ne sais pas si c'est quelque chose que vous pouvez faire dans votre poste à Dalhousie, mais avez-vous des liens avec d'autres organisations semblables du pays de façon à ce qu'il y ait une uniformité dans l'attention à accorder aux problèmes de santé environnementale d'un bout à l'autre du Canada? Comment voyez-vous cela et est-ce que le système de soins de santé l'administre correctement et y consacre les fonds appropriés?
Mme Batt: En fait, je collabore avec un groupe, The Working Group on Women and Health Protection qui reçoit du financement du Bureau pour la santé des femmes de Santé Canada. C'est une organisation nationale de militants, d'universitaires oeuvrant dans le domaine des politiques, de personnes qui s'inquiètent de la protection de la santé, ce qui inclut évidemment l'environnement. Je ne sais pas si cela répond en partie à votre question. C'est une toute petite organisation qui ne reçoit pas beaucoup de financement.
Le financement est très difficile à obtenir lorsque vous examinez des questions environnementales et que vous ne voulez pas prendre de l'argent qui vient de l'industrie, et toutes les organisations qui collaborent avec le Working Group on Women and Health Protection ne veulent pas recevoir de fonds de l'industrie. C'est le dilemme si vous voulez effectuer de la recherche qui coûte très cher.
Le sénateur LeBreton: Votre recherche est-elle davantage axée sur la prévention et l'éducation du public, par conséquent influant sur le système au début plutôt que de prévenir les maladies dans toute la mesure du possible et plutôt que d'essayer de s'occuper des personnes qui sont déjà malades?
Mme Batt: Nous essayons d'éradiquer les causes de la détérioration de l'environnement. Je dois dire que la chaire Elizabeth May a été mise sur pied pour la recherche interdisciplinaire avec d'autres chercheurs ainsi que des personnes chargées des politiques et des groupes communautaires dans la collectivité.
Le sénateur LeBreton: Madame Barrett, vous nous avez présenté un exposé très convaincant sur la main-d'oeuvre non rémunérée, en grande partie des femmes...
Mme Barrett: Surtout des femmes.
Le sénateur LeBreton: ... des soignantes. Vous avez parlé des longues heures, des défis sur le plan émotif, d'un service énormément sous-évalué et de la perte d'identité. Je sais que cela se produit beaucoup.
Mme Barrett: Cela peut se produire.
Le sénateur LeBreton: Comme l'a mentionné le président, vous parliez précisément de la Nouvelle-Écosse. Avez-vous travaillé avec d'autres groupes? Nous constatons dans nos études, pas seulement sur la question précise des soins à domicile, qu'il semble y avoir un manque total d'uniformité et même de collaboration d'une compétence à l'autre. Avez-vous des liens avec d'autres compétences, ou recevez-vous un soutien d'autres compétences ou encore êtes-vous au courant d'autres compétences.
Mme Barrett: Non. Nous sommes un petit groupe de soignants qui se réunit depuis sept ans. Sa composition tourne autour de douze membres, mais les personnes changent au fil des ans. Pour la moitié de ces soignants, leurs activités touchent une maison de soins infirmiers. Nous avons examiné la situation et nous nous sommes demandé de quelle façon nous pourrions approcher notre gouvernement. Nous estimions que la situation était injuste. Nous avons décidé que la seule façon de faire était de mettre sur pied un projet de recherche.
Nous ne recevons aucune aide financière et ce travail est effectué par un groupe de soignants fatigués, épuisés. Nous sommes l'une des raisons pour lesquelles Robin Stadnyk de Dalhousie fait cette recherche. Nous n'avons travaillé avec personne d'autre.
J'ai lu le document «Admission to Nursing Homes: Nova Scotia and Beyond». Après avoir vu le projet de recherche, quatre ou cinq soignants sont venus chez moi et nous avons rédigé un petit article, que nous avons fait parvenir à 35 organisations de la province, y compris le ministère de la Santé et les porte-parole en matière de santé. Le ministère de la Santé ne nous a pas répondu. Nous nous sommes tournés vers notre député provincial qui, lui, a réussi à nous faire connaître un peu.
Nous n'avons pas établi de contacts avec d'autres groupes. Nous sommes seulement des citoyens inquiets du secteur rural de la Nouvelle-Écosse qui estiment qu'il est injuste que le reste du Canada paie la portion chambre et pension et qu'on nous demande de payer pour tout.
Permettez-moi de vous parler d'une situation. Il y a une de mes soignantes dont la mère, qui est âgée de 97 ans, paie 55 000 $ par année dans une maison de soins infirmiers. Son père, qui a 94 ans, vit à la maison et n'est pas en très bonne santé. S'il s'en va à la maison de soins infirmiers, il en coûtera 110 000 $ pour son père et sa mère. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Le sénateur LeBreton: Oui. Ce que vous nous décrivez découragerait tout à fait quiconque d'économiser de l'argent. Les gens se diraient: «Pourquoi se donner la peine?»
Mme Barrett: Les gens qui n'ont pas d'argent obtiennent de bons soins dans les maisons de soins infirmiers. Aucun problème quant à moi. Le groupe de soignants avec lequel je travaille est plus que disposé à payer sa part, soit l'équivalent de la portion chambre et pension. La composante des soins de santé relève de l'administration provinciale et c'est pour cela que les coûts varient d'un bout à l'autre du pays. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour apporter des changements en Nouvelle-Écosse et dans les provinces de l'Atlantique.
Comme je l'ai signalé dans cet article, la province de Terre-Neuve a été capable de mettre un plafond de 2 900 $ par mois pour les coûts. Cette année, cette même province a mis trois quarts de million de dollars dans un fonds destiné à venir exclusivement en aide aux soignants de sorte qu'ils n'auront pas à réduire de façon radicale leur niveau de vie lorsque leur conjoint entrera dans une maison pour soins infirmiers. Cela me semble juste.
Le sénateur LeBreton: C'est une chose. Lorsque nous examinons toute la question des soins à domicile, il y a un manque d'uniformité d'une province à l'autre.
J'ai une dernière question pour Georgia MacNeil. Vos observations au sujet des services de soins de santé appropriés sur le plan de la culture, accessibles géographiquement et dans la langue de choix m'ont particulièrement intéressée. Évidemment, ce sont des questions qui sont examinées dans la province d'où je viens, l'Ontario. Lorsque vous dites que certaines personnes ont de la difficulté, je pense que vous parlez sur le plan culturel. Est-ce toutefois toujours faisable? Nous sommes un pays multiculturel, multilingue, de sorte que ce serait l'idéal, mais est-ce que ce serait réaliste? Par quoi commenceriez-vous dans le cas des personnes au bas de l'échelle économique et comment vous y prenez-vous pour qu'un système réponde à leurs besoins culturels, compte tenu de la diversité de notre pays?
Mme MacNeil: Je peux vous donner un exemple, celui du Centre de santé communautaire de Côte-de-Sable, à Ottawa. J'y ai travaillé à un projet en 1992. Comme vous le savez, il y a beaucoup d'immigrants et de réfugiés dans la région d'Ottawa-Carleton.
Le sénateur LeBreton: Oui.
Mme MacNeil: La Côte-de-Sable compte un certain nombre de réfugiés somaliens dans la zone desservie en ce qui touche la santé communautaire. En fait, on a changé l'affiche du centre qui est maintenant en anglais, en français et en somali en raison des très nombreux clients somaliens, et on a jugé que c'était une nécessité.
La collectivité s'est regroupée et a collaboré avec les travailleurs de la santé du centre. On a mis au point à l'intention des praticiens une ressource dans le domaine de la santé qui a fait l'objet d'une large diffusion. On a mis sur pied un bassin d'interprètes à qui l'on pouvait faire appel pour accompagner des personnes qui avaient besoin d'interprétation pour se rendre à leurs rendez-vous médicaux. Des honoraires sont versés aux interprètes pour la durée de leur service. Ce service n'est pas dispendieux parce que les interprètes en question ne sont pas à l'effectif. On fait appel à leurs services au besoin et on leur verse des honoraires ainsi que des indemnités de déplacement pour aider les clients. Cela fonctionnait très bien. Je ne suis pas allée à Ottawa depuis 1993 de sorte que je ne sais pas si la situation a évolué, mais cela semblait une façon très appropriée et très efficace sur le plan des coûts de répondre aux besoins de cette collectivité.
Le sénateur LeBreton: Pensez-vous qu'il pourrait y avoir un problème de ressources pour trouver des traducteurs pour accompagner des personnes lors de situations d'urgence? Cela devient lourd. J'essais de trouver une façon que cela pourrait fonctionner, qui serait faisable.
Mme MacNeil: Au même moment où l'on mettait sur pied ce système au centre de santé communautaire, les principaux hôpitaux d'Ottawa avaient aussi dressé des listes des membres de leur personnel qui pouvaient parler diverses langues et on faisait appel à leurs services dans le cadre de leur travail. Ces employés interrompaient leur travail à la cafétéria, par exemple, et aidaient Mme Unetelle ou peu importe la personne. Cela aide à régler le problème de façon efficace sur le plan des coûts. La qualité de l'interprétation n'est peut-être pas de premier plan, mais je pense qu'il y a des façons peu coûteuses de le faire. C'est très complexe lorsque vous avez affaire à des groupes multilingues et à des groupes multiculturels. Les grandes villes, où la plus grande partie de ces gens sont susceptibles de se trouver, disposent de plus de ressources. Je n'aime pas employer le mot «bénévole», et je pense que même si on fait appel au service de ces gens en tant que bénévoles, on devrait leur verser des honoraires pour les frais de déplacement et de garderie et des choses du genre. Voilà une option possible pour les questions d'ordre linguistique.
Le sénateur Callbeck: Madame Barrett, j'ai quelques questions au sujet du programme de maisons de soins infirmiers en Nouvelle-Écosse. Vous dites qu'il y a des tarifs différents pour les gens. Est-ce que les gens qui paient la totalité paient plus que si le gouvernement...
Mme Barrett: Non, j'ai dit pour les gens qui paient la totalité des coûts de leur poche, en plus des 55 000 $ par année, il y a d'autres coûts. Il y a les médicaments, les fauteuils roulants et les frais de transport par ambulance jusqu'à l'hôpital. Vous, en tant que conjoint, devez payer ces coûts. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé des coûts en sus.
Le sénateur Callbeck: Très bien. Lorsque vous dites que tous les demandeurs vont à un seul endroit, est-ce dans la région? S'agit-il de quiconque demande son admission à une maison de soins infirmiers?
Mme Barrett: Est-ce en vertu du Single Entry Access?
Le sénateur Callbeck: Oui.
Mme Barrett: Ce programme vient tout juste d'entrer en vigueur, en mai de cette année. Ce que je crois comprendre de la raison d'être de ce programme, c'est qu'en temps normal, vous pourriez devoir faire une demi-douzaine d'appels pour obtenir de l'aide, que ce soit pour des soins à domicile ou une maison de soins infirmiers. Maintenant, avec le Single Entry Access, vous n'avez qu'un appel à faire, et on s'occupe de toutes vos questions, qu'il s'agisse d'une maison de soins de relève ou de soins infirmiers.
Le sénateur Callbeck: Mais ce n'est pas pour toute la province, c'est uniquement pour la région,
Mme Barrett: Non, c'est pour la province.
Le sénateur Callbeck: En effet.
Mme Barrett: C'est pour la province de la Nouvelle-Écosse. C'est le programme qu'on appelle le Single Entry Access. En fait, en mai ou juin, des séances d'information ont été données dans toute la province. J'ai assisté à celles données à Digby et à Yarmouth.
Les questions posées par l'auditoire étaient troublantes: «Que m'arrive-t-il sur le plan financier lorsqu'on entre dans une maison de soins infirmiers»? Cela semblait être la plus grande question. C'est un programme mis en place en avril de cette année et il s'appelle le Single Entry Access.
Le sénateur Callbeck: Il a été mis en place, mais le reste du système dont vous avez parlé l'était déjà depuis un certain temps.
Mme Barrett: Le reste des renseignements que je vous ai donnés provenaient du ministère de la Santé de la Nouvelle- Écosse: «Nursing Homes and Homes for the Aged». C'était un document diffusé pour désigner votre résidence. La raison d'être était de démontrer que vous viviez dans votre résidence depuis deux ans. Vous signez le document et vous le faites en présence de témoins. On dit aux gens que cela les protège et que leur résidence ne peut servir à payer le coût des soins. La minute que vous vendez ou louez cette maison, l'argent est affecté à vos soins.
Dans mon cas, je suis veuve, si j'entre à la maison de soins infirmiers et que j'ai désigné ma résidence, elle est protégée. On me dirait: «Nous n'allons pas prendre votre maison». Mais je suis dans une maison de soins infirmiers et je ne peux m'occuper de ma maison et je décide donc de la vendre. L'argent est appliqué à mes soins.
Si je suis la conjointe qui reste à la maison et si je la vends parce que je ne reçois que la moitié de la pension de mon mari, ce qui pourrait représenter 10 000 $ ou 12 000 $ par année, et je ne peux pas m'occuper de la maison, la moitié de l'argent va aux soins qui lui sont donnés. Ce qu'il y a d'injuste, c'est que vous pouvez céder cette résidence désignée à quelqu'un, un membre de la famille ou peu importe. La personne qui détient alors le titre en son nom peut vendre la maison et garder l'argent. Vous vous dites: «J'ai travaillé dur et pendant longtemps pour obtenir cette résidence désignée et maintenant je dois m'en départir». C'est une véritable préoccupation.
Le sénateur Callbeck: Oui. Ce n'est certainement pas uniforme d'un bout à l'autre du pays.
Mme Barrett: Ce n'est certainement pas uniforme. C'est uniquement dans les provinces maritimes que le revenu et les biens sont pris en considération, comme je l'ai dit dans l'article. Dans la plupart des autres provinces, on ne tient compte que de votre revenu et vous ne payez que pour la portion chambre et pension. Le gouvernement provincial s'occupe de la composante des soins de santé.
Le président: Le Québec tient compte à la fois du revenu et des biens.
Mme Barrett: Honnêtement, je n'en suis pas certaine.
Le président: Ma mère est dans une maison de soins infirmiers au Québec, et c'est bien cela.
Mme Barrett: Est-ce que l'on tient compte des deux aspects?
Le sénateur Callbeck: Madame MacNeil, vous avez donné un exemple de personnes qui ont attendu pendant un an pour obtenir des services de physiothérapie. Cela me semble épouvantablement long.
Mme MacNeil: C'est effectivement bien long.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que c'était dans une ville?
Mme MacNeil: C'était dans la municipalité régionale d'Halifax. Je connais des gens dans des municipalités plus petites qui ont eu accès à des soins de physiothérapie à l'hôpital, ce qui était couvert par le régime d'assurance des soins médicaux, MSI. La liste d'attente était plus courte. À Halifax, vous pouvez oublier cela. Le médecin a tout simplement dit, «Ou bien vous payez pour le service, ou bien vous attendez épouvantablement longtemps». La femme en question a attendu une année, c'est scandaleux.
Le président: Je vous remercie tous d'être venus. Nous vous savons gré d'avoir pris ce temps pour venir nous rencontrer.
Honorables sénateurs, notre prochain groupe de témoins se compose de John Malcolm, chef de la direction du Cape Breton Regional Health Care Complex et du Dr Mahmood Naqvi, directeur médical; de John Ruedy, vice-président des questions universitaires pour le Capital District Health Authority, qui est l'autorité sanitaire régionale de Halifax; et de Thomas Rathwell, directeur de l'École d'administration publique de l'Université Dalhousie.
Je vous remercie tous d'être venus. Je vais commencer par John Ruedy, vice-président des affaires académiques du Capital District Health Authority.
Vous avez tous remis des mémoires et je tiens à m'assurer que nous respecterons l'horaire imparti. L'Association médicale canadienne (AMC) suivra et ces gens ont un avion à prendre de sorte que je veux m'assurer d'avoir amplement de temps pour leur poser beaucoup de questions. Puis-je vous demander de résumer en quelques mots vos principaux points? Nous avons lu certains mémoires et nous pouvons lire les autres. Nous passerons ensuite aux questions.
Le Dr John Ruedy, vice-président, Affaires académiques, Capital District Health Authority: Honorables sénateurs, c'est un honneur d'être invité à vous adresser la parole. Je suis désolé que Maura Davies n'ait pu être des nôtres.
Le mémoire que je vous ai fait parvenir a été élaboré par plusieurs hauts dirigeants du Capital District Health Authority. Je dirai quelques mots, mais vous vous rendrez compte que je parlerai de façon partiale, partialité qui me vient de 50 années d'apprentissage et de travail dans le système de soins de santé du Canada.
Le président: En passant, je devrais indiquer à mes collègues que M. Ruedy est l'ancien doyen de la médecine à l'Université Dalhousie.
Le Dr Ruedy: J'allais prendre la gloire d'avoir travaillé comme médecin avant la mise en place du régime d'assurance-maladie, et je demeure un irréductible du régime d'assurance-maladie du Canada.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet du Capital District Health Authority, qui couvre le district de Halifax et une région environnante qui compte environ 400 000 personnes. Nous fournissons des services de soins de santé primaires et secondaires pour ce district. Nous fournissons également des services de soins tertiaires au reste de la Nouvelle-Écosse, principalement mais non exclusivement, ainsi qu'à une partie du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Nous sommes également un district de santé universitaire. Nous constituons la principale ressource clinique pour les programmes universitaires en médecine, pour les professions de la santé et les sciences connexes de la santé.
J'aimerais parler rapidement de quatre points dont il est question dans le rapport et qui sont selon moi des questions très critiques. Il y a d'abord les ressources humaines de santé. Il ne fait aucun doute que c'est le plus grand problème auquel nous fassions face dans le Capital District Health Authority. Nous sommes gravement à court de presque toutes les formes de professionnels de la santé.
À l'heure actuelle, nous comptons 175 postes vacants dans les soins infirmiers que nous ne pouvons pas combler. Ils sont dans des secteurs de soins infirmiers de type critique - les soins intensifs plus particulièrement. Au cours de la dernière année, il nous a été impossible de conserver et de recruter des chirurgiens transplantologues de sorte que nous avons perdu un programme de transplantation du foie qui connaissait beaucoup de succès. Et je pourrais vous donner de nombreux autres exemples.
Fait intéressant, cette semaine nous avons eu une visite d'agrément à laquelle participaient deux observateurs irlandais. Ils ont dit que c'était exactement la même chose en Irlande. Dans un des hôpitaux, ils comptaient sur 200 infirmières d'Indonésie pour prodiguer des soins infirmiers adéquats. Tout le personnel affecté au nettoyage venait de Lettonie et ne parlait pas anglais. C'est donc un problème universel, mondial, et il va en s'empirant, de sorte que nous appuyons fortement une stratégie nationale sur les ressources humaines de santé.
Il n'y a pas que les chiffres. Vous devez regarder du côté des fonctions des fournisseurs des soins de santé sinon vous tirerez les mauvaises conclusions. Vous voudrez peut-être examiner la question de qui devrait assumer cette responsabilité. Par le passé, les intérêts personnels des établissements représentés autour de la table influaient sur la planification des ressources humaines de santé. Je dirais que les universités et les facultés de médecine et des professions de la santé sont peut-être les ressources vers lesquelles nous devrions nous tourner pour rédiger une stratégie nationale sur les ressources humaines de santé qui ne soit pas axée sur des intérêts personnels.
Nous devons apprendre à optimaliser ce que nous avons. Nous appuyons absolument la déclaration de Duncan Sinclair, que vous reprenez dans votre rapport, selon laquelle nous faisons un mauvais usage de professionnels de la santé très compétents. Des médecins font des choses qui ne sont pas de leur ressort. Les infirmières et infirmiers font des choses qui ne sont pas de leur ressort, et tout le reste.
La santé en milieu de travail est une question connexe. Le Capital District Health Authority, avec 7 p. 100 d'absentéisme, vient au deuxième rang au pays pour ce qui est de l'absentéisme dans un établissement de santé. C'est inacceptable. Nous savons que le stress est un important facteur dans tout cela. Vingt-huit pour cent des absences sont dues au stress. Je pourrais donner bien d'autres exemples. Nous devons élaborer une stratégie de la santé en milieu de travail. Nous devons faire des recherches pour comprendre les causes et les solutions pour un milieu de travail en santé, car cela contribue à notre pénurie de ressources humaines de santé.
Le troisième problème est celui de la réforme des soins primaires. Peu importe où vous allez dans le monde et peu importe ce que l'on vous demande de faire pour répondre à leurs besoins, il y a un besoin fondamental et c'est celui de fournir des soins primaires efficaces. Je ne parle pas ici uniquement des soins primaires par des médecins, je parle de soins primaires génériques et de l'infrastructure pour les soins primaires.
Malheureusement, le système de soins primaires par des médecins au Canada s'est développé en fonction d'un régime de la rémunération des services, sans tenir compte du besoin d'infrastructure pour transférer des fonctions du médecin qui pourraient tout aussi bien être exécutées par d'autres membres du personnel médical. La réforme des soins de santé primaires ne devrait pas être axée sur le médecin. Elle ne devrait pas porter sur la rémunération. Elle devrait être axée sur l'infrastructure et les fonctions qui devraient être exécutées par un système de soins primaires.
Mon quatrième et dernier point est l'imputabilité. Il ne fait aucun doute qu'une grande partie de ce que nous avons changé, de ce que nous avons mis en place, s'est faite sans qu'il y ait de preuves d'effets bénéfiques ou de risques pour la santé de nos patients. Nous devons avoir un système d'imputabilité. Pour avoir un tel système, nous devons avoir un système d'information de santé pratique, ce que nous n'avons pas. Nous avons besoin d'un système d'information de santé standard établi par les patients en ce qui concerne les dossiers électroniques.
Permettez-moi de vous donner un exemple de l'archaïsme de notre système. Lorsque vous allez consulter un médecin et que ce dernier décide que vous devez avoir une ordonnance, il prend un bloc de papier, écrit votre nom, votre adresse, la date, le nom du médicament, la posologie et les instructions à la main et vous le remet. Vous pouvez très bien vous rendre à la pharmacie avec ce morceau de papier, comme vous pouvez décider de ne pas le faire. Il se peut que ce soit la même pharmacie que celle à laquelle vous vous êtes rendu auparavant, comme il pourrait s'agir d'une autre.
À la pharmacie, on entre alors l'information dans l'ordinateur, on imprime une étiquette, on compte les comprimés, on les met dans une bouteille, on appose l'étiquette sur la bouteille et on vous la remet. Il n'y a aucun rapport fait au médecin pour lui indiquer que l'ordonnance a ou non été remplie.
Lorsque vous revenez à son cabinet, le médecin va vous demander les médicaments que vous prenez. Si vous faites bien les choses, vous allez lui remettre une liste de tous ces médicaments. C'est un «non-système» complètement archaïque qui est représentatif de l'absence d'un système d'information des travailleurs de la santé axé sur les patients dont nous avons besoin pour prodiguer de bons soins, pour avoir un système d'imputabilité qui fonctionne et pour déterminer si nous sommes ou non bénéfiques pour nos patients.
Voilà les quatre points que je porte à votre attention dans le mémoire que je vous ai remis: besoins en ressources humaines de santé, besoins en matière de santé dans le milieu de travail pour nos professionnels de la santé, réforme des soins primaires et imputabilité dans notre système qui dépend d'un système d'information de santé axé sur le patient.
M. John Malcolm, chef de la direction, Cape Breton Regional Health Care Complex: Honorables sénateurs, je tiens également à vous féliciter pour votre rapport. Après vingt ans de travail dans le milieu des soins de santé, c'est probablement la meilleure analyse et la plus rationnelle qu'il m'ait été donné de voir au sujet des défis qui nous attendent.
J'ai également quatre points à soulever. Tout d'abord, je vais faire un suivi au sujet d'une observation faite par un intervenant précédent. Vous devez conserver l'actuel système de financement, mais vous devez le corriger. Un système qui donne un financement uniquement en fonction du nombre d'habitants n'est pas juste. Chaque fois que je m'adresse à des groupes publics au Cap-Breton, je demande: «Combien d'entre vous connaissent quelqu'un qui est déménagé en Alberta?» Pratiquement tout le monde lève la main. Lorsque je leur demande combien d'entre eux connaissent des grands-parents ou des personnes âgées qui ont déménagé en Alberta, aucune main ne se lève. Pourtant, le financement par habitant paye à l'Alberta, par le biais du Trésor fédéral, le même montant pour prodiguer des soins aux personnes qui n'utilisent pas le système de santé que nous, ici en Nouvelle-Écosse.
En réalité, on a des preuves qui indiquent que la Nouvelle-Écosse est la province qui vieillit le plus rapidement. Si la formule de financement n'est pas modifiée, nous serons la première province où le système de santé fera faillite si l'on ne tient pas compte de l'âge et des maladies dominantes dans la répartition des ressources. L'actuel système de financement est injuste. Il est injuste et il est inéquitable. Il récompense les jeunes et les personnes en santé aux dépens des personnes âgées et infirmes. Si vous ne faisiez que cette recommandation, vous auriez une chance de faire survivre notre système.
Ma deuxième préoccupation est celle des meilleures pratiques. Au Canada, nous avons la possibilité de faire davantage en apprenant à mieux faire les choses. J'appuie les observations faites plus tôt par le Dr Ruedy. Au Cap-Breton, nous sommes en fait un chef de file dans un arrangement de meilleures pratiques comparatives à l'échelle nationale auquel participent des installations de Vancouver à Terre-Neuve.
Dans un secteur particulier, parce que nous avons renoncé à notre droit de faire des achats, nous faisons maintenant partie d'une initiative nationale d'achats collectifs et, grâce à ce que nous ont dit des personnes d'un bout à l'autre du pays, nous avons été en mesure d'ajouter un deuxième tomodensitomètre au Cap-Breton sans demander à la province un seul cent pour le fonctionnement de cet appareil. Nous avons réalisé des économies représentant le coût complet de l'appareil grâce aux achats collectifs et nous en avons amélioré le rendement en apprenant ce que d'autres font. Pour la province, ce fut une bonne affaire, mais c'en est une encore meilleure pour les personnes que nous desservons parce que nous sommes passés de la pire province pour ce qui est des listes d'attente à la meilleure.
Mon troisième point a trait aux déterminants de santé. J'ai toujours exercé dans des centres urbains jusqu'à ce que je vienne au Cap-Breton. En théorie, je savais ce qu'étaient les déterminants de santé. Maintenant je sais vraiment ce qu'ils sont parce que je le vis tous les jours, comme le Dr Naqvi. Les défis que représente le travail dans la région qui a le taux global de mortalité prématurée le plus élevé sont évidents pour nous tous les jours dans notre travail.
Vous devez tenir compte des besoins du Canada rural. Lorsque le Dr Ruedy était doyen, son département nous a pressenti pour mettre sur pied un programme de médecine familiale en milieu rural. Nous avons saisi l'occasion - à tel point que nous finançons tous les coûts locaux du programme. L'université pour sa part finance ceux pour les résidents. Nous avons un programme rural dans le cadre duquel des gens se rendent dans des collectivités rurales. Si vous êtes allés du côté de la Piste Cabot, vous êtes allés dans les hôpitaux où des médecins exercent dans le cadre de leur programme de résidence familiale en milieu rural.
Nous n'avons aucun poste vacant dans les collectivités de la Piste Cabot et, en fait, nous avons une collectivité où il semble qu'un médecin veuille venir plus souvent que nous en avons besoin l'année prochaine. Si vous exposez les gens à la possibilité d'exercer en milieu rural, ils choisiront la pratique en milieu rural tout comme j'ai décidé de vivre au Canada rural et de ne pas revenir au Canada urbain.
L'autre aspect dont nous devons tenir compte, c'est l'impact qu'il pourrait y avoir si les défenseurs d'un système de soins de santé privé réussissent dans leurs démarches. Les pires répercussions seraient dans les régions du pays qui ont le moins de ressources, comme au Cap-Breton ou dans les régions rurales, parce qu'à ce moment-là vous allez donner aux gens une occasion supplémentaire d'aller là où il y a de l'argent - et l'argent se trouve dans les grands centres urbains - ce qui désavantagerait encore plus le Canada rural ou les régions du Canada où le niveau de revenu est moindre.
Mon dernier point est que nous devons examiner ce que nous coûte le système. Les Canadiens tiennent leur système pour acquis, sans tenir compte du coût. Il y a quelque temps, je revenais d'Halifax en avion en compagnie d'un Américain qui se rendait à Terre-Neuve. Il avait 40 ans. Il m'a dit en toute franchise qu'il payait 250 $ par mois d'assurance-maladie. Il était célibataire. Il n'allait pas utiliser le système de façon significative d'après ce que je sais de la personne moyenne de 40 ans qui a une franchise de 5 000 $ par année.
Les Canadiens n'ont aucune idée de la valeur qu'ils retirent du système de santé. Si vous voulez examiner la façon de recueillir des fonds supplémentaires pour appuyer un système qui subit déjà beaucoup de pression, je vous demande d'envisager des choses comme cibler la technologie des sciences de la santé, la TVH, le revenu de sorte que les gens sachent à quoi servent leurs impôts et comprennent qu'un coût est associé au système, ou encore d'examiner l'avantage imposable de notre système.
Pour ce qui est du Single Entry Access, nous sommes la région pilote dans la province. Il s'agit d'une pratique exemplaire. Nous avons réduit notre liste d'attente pour les maisons de soins infirmiers de 300 à 50. La partie de l'évaluation financière n'a pas changé. Elle est en place depuis une vingtaine d'années, elle est devenue beaucoup plus en évidence.
Y a-t-il lieu de se surprendre que les provinces qui ont la plus faible proportion de personnes couvertes par un régime d'assurance-médicaments et que les provinces qui ont besoin de la plus forte contribution pour les soins de longue durée sont celles qui ont la population la plus âgée, les situations économiques les plus pauvres et les maladies dominantes les plus nombreuses? Je vous rappellerais que ces provinces reçoivent le même montant d'argent que celui accordé à leurs petits-enfants qui déménagent en Alberta pour ne pas utiliser le système.
Le Dr Mahmood Naqvi, directeur médical, installation régionale du Cap-Breton, Cape Breton Regional Health Care Complex: Monsieur le président, je tiens à vous féliciter ainsi que les membres de votre comité pour l'excellent travail fait jusqu'à maintenant.
Avant mon arrivée, je ne savais pas que le Dr Ruedy allait vous adresser la parole et M. Malcolm ne m'a pas non plus fait part de son exposé. Étant donné que le Dr Ruedy et M. Malcolm ont déjà abordé la plupart des points, je vais me contenter de lire le résumé de mon exposé. Les opinions que j'y exprime ne sont pas celles de mon organisation.
Les questions les plus importantes dans les soins de santé aujourd'hui sont les ressources humaines, la technologie vieillissante, la réforme des soins de santé et la hausse du prix des médicaments. Notre population âgée augmente rapidement et elle aura doublé d'ici dix ans. Nos besoins en soins de santé seront davantage taxés par la demande accrue sur les ressources en soins de santé par les Canadiens âgés. Nous devons songer à l'avenir et examiner la question du financement futur des soins de santé.
Pour soutenir le niveau actuel de soins de santé grâce à une amélioration de l'infrastructure et de la technologie et pour réformer les soins de santé et les adapter au XXIe siècle, il faudra un financement supplémentaire. Le gouvernement fédéral pourrait le faire en augmentant la part du fédéral dans le financement des soins de santé et d'autres méthodes ont été envisagées pour compléter le financement.
Les options ont des points forts et des points faibles, mais la plus simple serait le ticket modérateur ou la quote-part, ce qui permettrait au moins de couvrir la surutilisation et de réduire l'écart au chapitre du financement. D'autres questions doivent être examinées plus en profondeur par les spécialistes afin de déterminer la meilleure façon d'obtenir des fonds additionnels pour maintenir le service.
Pour réduire les longues attentes dans les salles d'urgence et les services de diagnostic ainsi que les opérations, on doit de toute urgence améliorer l'infrastructure, remplacer l'ancienne technologie et mettre au point de nouvelles techniques, sans oublier qu'il faut examiner la question des ressources humaines pour ce qui est des médecins, des infirmiers et des infirmières et des autres membres du personnel tels que les infirmières praticiennes, les sages-femmes, et tout le reste.
La réforme des soins de santé primaires est la grande priorité qui permettra de trouver des solutions de rechange à la prestation des soins de santé, notamment la promotion de la santé, la prévention des maladies, l'entretien et, aussi, pour permettre à du personnel autre que des médecins d'intervenir dans la prestation des soins de santé. Les centres de soins de santé primaires devraient aussi pouvoir avoir à leur effectif des psychologues, des travailleurs sociaux et des services de laboratoire afin d'éviter les longues attentes inutiles dans les hôpitaux.
Les centres de soins de santé primaires doivent disposer des outils technologiques nécessaires tels que l'automatisation des cabinets, les dossiers électroniques, les liens informatiques, les liens Internet et les installations de consultation à distance. On devrait mettre au point un système d'imputabilité pour les centres de soins de santé primaires et trouver un mécanisme pour récompenser les médecins qui pratiquent la médecine fondée sur les résultats cliniques et scientifiques la plus appropriée et la meilleure. On devrait avoir un système de paiement de remplacement pour les centres de soins de santé primaires et on devrait utiliser le ticket modérateur dans ces centres.
Étant donné que le Canada continue d'être à court de médecins et de personnel infirmier, il sera extrêmement difficile de rendre ces centres opérationnels, à moins que l'on déploie des efforts pour accroître la participation des étudiants des écoles de médecine et des écoles de soins infirmiers.
Le programme national d'assurance-médicaments et le programme de soins à domicile devraient continuer de relever de la compétence provinciale; cependant, d'autres formulaires pharmaceutiques devraient être collaboratifs avec les provinces.
La santé des Autochtones au Canada devrait être intégrée entre les paliers de gouvernement, fédéral, provincial, territorial et municipal. On devrait mettre au point un régime global pour inclure la formation d'Autochtones dans la prestation de soins de santé. Les services devraient être appropriés sur le plan culturel pour la population.
Enfin, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent cesser de se lancer la pierre pour les problèmes dans la prestation des services de soins de santé. Ils devraient déployer en collaboration des efforts rationnels pour examiner les graves problèmes tels que les ressources humaines, les longues listes d'attente et les débordements dans les salles d'urgence. On y parviendra lorsque le financement des soins de santé sera également partagé entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Des fonds additionnels pourraient provenir d'un système de quote-part.
Enfin, j'aimerais remercier le comité de nous avoir transmis ce document. J'espère que les quelques suggestions que j'ai faites vous aideront à élaborer votre rapport définitif.
Le Dr Thomas Rathwell, professeur et directeur, École d'administration des soins de santé, Faculté des professions de la santé, Université Dalhousie: Je tiens à remercier les membres du comité de me donner la possibilité de vous adresser la parole cet après-midi.
Tout comme mon collègue, j'ai trouvé que le quatrième rapport, «Questions et options» était un document extrêmement bien fait qui couvrait les grandes questions. J'ai une interprétation légèrement différente quant à la pertinence de certaines questions, mais peut-être que c'est une discussion que nous pouvons avoir.
Je vais limiter mes remarques à quatre points au sujet du rapport.
S'agissant de l'observation dans le rapport au sujet de l'efficacité et de l'efficience, vous soutenez qu'il y a deux écoles, une première qui soutenait que nous avions suffisamment de financement dans le système et que ce n'est qu'une question de l'utilisation que l'on en fait et que, si nous faisions un peu plus preuve d'imagination dans la façon dont nous fournissons les services, nous pourrions réaliser des économies et utiliser ces dernières pour financer d'autres aspects des soins de santé.
La deuxième école était qu'avec une meilleure gestion, nous pourrions faire plus avec ce que nous avons. Essentiellement, ce n'est pas vraiment une école ou l'autre, c'est en fait les deux. Les deux sont possibles, comme vous le dites dans le rapport. Ce qu'il manque vraiment, tant au niveau fédéral que provincial, c'est une stratégie cohérente pour le système de soins de santé.
Le système semble axé principalement sur des considérations d'ordre politique. Cela ne veut pas dire que les considérations d'ordre politique ne sont pas importantes. Cependant, cela semble être la seule stratégie dans la prise de décisions au sujet de la régionalisation dans cette province et ailleurs. Les décisions ont été prises principalement pour des motifs politiques, sans que l'on tienne compte de façon cohérente et réfléchie des preuves concernant les répercussions de la régionalisation.
Il est question dans votre rapport de la valeur de la quote-part ou du ticket modérateur, comme on dit dans le jargon. Vous signalez à juste titre que ces mécanismes s'appliquent dans la plupart des compétences, en particulier en Europe, que les fonds recueillis à l'aide de la quote-part couvrent tout juste les coûts d'administration du système avec toutes les exceptions et tout ce qui est compris dans le système.
Vous indiquez à quel point ces mécanismes ont eu de l'importance en Suède pour prévenir la mauvaise utilisation du système. Les preuves que j'ai vues indiquent que, dans un sens, le ticket modérateur est un moyen de dissuasion, mais qu'il n'est pas efficace. Autrement dit, vous aimeriez vraiment influer sur le comportement de certaines personnes, mais ce n'est pas nécessairement le ticket modérateur qui a une incidence sur ce comportement.
Le ticket modérateur a une incidence disproportionnée sur les personnes qui se trouvent dans la partie inférieure de l'échelle économique, peu importe qu'il y ait ou non des exemptions incorporées au système. J'ajoute une mise en garde au sujet de la valeur du ticket modérateur. Si on doit le mettre en place à la suite d'une discussion publique, alors, à mon avis, c'est une décision politique de le faire. Ce n'est pas une décision économique et on ne devrait pas considérer que c'est une décision économique.
L'autre point important soulevé dans votre rapport a trait à la valeur de l'assurance médicale privée. Vous faites remarquer, à juste titre, qu'il y a deux points de vue à la valeur. Dans un premier temps, il y a une valeur et elle apportera certains avantages. D'autre part, il n'y aura pas d'avantage au système et en plus il a des effets négatifs.
D'après mon expérience des liens publics et privés dans la prestation des soins de santé et d'après plusieurs Européens, des problèmes évidents sont soulevés. Il y a une incohérence dans votre rapport. Il y a des aspects très intéressants de la composante médicale privée des systèmes de soins de santé européens qui méritent d'être examinés de près.
Aux Pays-Bas, la structure du système fait que si votre revenu dépasse un certain seuil, vous en êtes automatiquement exclus. Autrement dit, vous ne faites plus partie du service d'assurance des services sociaux. Vous devez alors souscrire une assurance médicale privée. L'aspect intéressant de ce système, aux Pays-bas, que vous fassiez partie du système d'assurance des services sociaux ou que vous souscriviez une assurance médicale privée, on ne fait aucune distinction dans le niveau et le type de traitement que vous recevez. Cela met en évidence une composante importante de nombreux systèmes de soins de santé européens: la préoccupation relativement aux principes de base de l'équité et de la solidarité - ou, comme nous l'appellerions ici, l'universalité - et que quoi que ce soit qui est fait, rien ne vient saper ces principes de base.
Fait intéressant, en Allemagne on a également un seuil à partir duquel vous choisissez de quitter volontairement le régime d'assurance publique des services sociaux. Seulement 10 p. 100 des citoyens de l'Allemagne ont un régime d'assurance-maladie privée de sorte que sur les quelque 30 p. 100 de citoyens qui pourraient être admissibles dans toute la population, une proportion relativement faible a choisi cette option.
En Allemagne, si vous choisissez de ne pas participer au régime public, vous n'y participez plus. Vous ne pouvez pas décider un an ou deux ans plus tard que c'était peut-être une erreur alors que tout d'un coup vos cotisations au régime privé ont augmenté en raison d'une maladie chronique ou peu importe. Vous devez continuer de vous en abstenir, c'est une exigence prévue par la loi.
Ce qui m'amène à ma dernière observation, qui sera brève, et qui porte sur le rôle central de la réglementation dans un régime de soins de santé mixte. Dans la plupart des régimes européens, il existe des règlements très détaillés qui régissent les composantes publique et privée du système. Si la décision stratégique est qu'il devrait y avoir un rôle accru de l'assurance médicale privée dans le système de soins de santé au Canada, il est alors important de faire plusieurs choses.
Il est important de réglementer stratégiquement, de bien penser aux règlements que nous devons mettre en place et à quel moment le faire. Le consensus qui se dégage de nombreux systèmes européens est que la réglementation devrait précéder le changement, et non le contraire. Il est également important d'indiquer très clairement que les règlements sont adaptés aux objectifs en matière de politique et de système.
Enfin, ce n'est pas tout d'avoir des règlements. Une fois qu'ils sont en place, il est important de suivre l'axiome «faire confiance, mais vérifier». Autrement dit, une fois les règlements en place, vous devez avoir confiance que les organismes en cause vont effectivement respecter les règlements, mais pas au point de ne pas vérifier qu'ils le font.
Le président: Docteur Ruedy, est-ce que votre projet de liens dans le domaine de la santé est unique? Vous en parlez comme d'un programme d'information axé sur les consommateurs, et il s'agit d'un projet pilote financé en partie par le gouvernement fédéral. S'agit-il d'un ensemble de logiciels et de programmes propres à votre région de santé ou est-ce une forme de déploiement d'un programme national?.
Le Dr Ruedy: C'est le déploiement d'un programme national.
Le président: Le programme des liens de santé est national. Fait-il l'objet d'un projet pilote dans plusieurs régions?
Le Dr Ruedy: Oui.
Le président: Savez-vous s'il fait l'objet d'un test ailleurs dans la région, à part ici?
Dr Ruedy: Je n'en suis pas certain. John, le savez-vous? Je ne pense pas.
Le président: Monsieur Malcolm, puis-je vous poser une question qui a été posée dans des audiences précédentes? On nous l'a posée ainsi: un grand nombre des projets pilotes du gouvernement fédéral font appel à un financement de contrepartie de la part de la province et on nous a laissé entendre que cela signifiait automatiquement que la plupart des projets pilotes ne se dérouleraient que dans les provinces plus riches parce que les provinces plus petites avaient déjà beaucoup de difficulté à trouver l'argent nécessaire pour leur propre système de soins de santé et qu'elles ne pouvaient pas se permettre d'ajouter des fonds pour des projets pilotes dans, par exemple, la région du Cap-Breton. Est-ce que cela correspond à votre propre expérience? Pensez-vous que ce soit vrai, ou est-ce inexact?
M. Malcolm: C'est en partie vrai. Si vous êtes déterminé, vous allez trouver les ressources.
Le président: Oui.
M. Malcolm: Nous avons été le premier district de la province à nous engager dans la question de la santé de la population. Nous avons un directeur de la recherche et de la santé de la population. C'est tout. Nous n'avons pas les ressources. Nous avons des «exemplaires uniques». Il ne fait aucun doute que dans une région qui vit des difficultés économiques, nous ne pouvons par recueillir le même montant d'argent par le financement pour de l'équipement. Nous n'avons pas la capacité de fournir des fonds de contrepartie qui pourraient accompagner cela ni nécessairement l'argent pour préparer les propositions pour commencer.
Le président: Exact.
M. Malcolm: Nous sommes trop occupés à fournir des soins.
Le président: Pourtant, à certains égards, ce sont les régions les plus défavorisées qui ont le plus besoin d'aide.
M. Malcolm: Oui, et, comme je crois l'avoir fait remarquer, le système doit reconnaître que les problèmes ne sont pas partagés de façon égale d'un bout à l'autre du pays et, je l'espère, que le gouvernement fédéral aidera à uniformiser tout cela.
Le président: Puis-je vous poser une question à tous? Vous n'avez peut-être pas de renseignements à cet égard, mais le comité essaie de trouver cette information. Une des tragédies au sujet des provinces de l'Atlantique, c'est qu'en moyenne il y a 25 p. 100 de la population qui n'a aucun régime d'assurance-médicaments. C'est une donnée statistique. Je suppose que j'essaie de traduire cette donnée statistique en véritables conséquences humaines.
Avez-vous, dans le cadre de vos tractations avec les patients, eu des cas, par exemple, où quelqu'un se fait remettre une ordonnance par un médecin mais ne peut pas se permettre de la faire remplir, ou il s'agit de personnes âgées à faible revenu pour qui le problème est de décider de payer le loyer, d'acheter des médicaments ou de payer pour la nourriture et tout le reste? J'aimerais essayer de donner un aspect humain à ce problème et d'avoir une idée de son ampleur. La question s'adresse à tous les témoins.
Le Dr Naqvi: C'est une bonne question à étudier pour votre comité. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas cette situation. Nous fournissons des médicaments à des patients souffrant de troubles mentaux à long terme par l'entremise des hôpitaux, parce que ces gens n'ont autrement aucune assurance. C'est une question que votre comité devrait examiner pour déterminer si c'est vrai. Nous n'avons aucune situation dans laquelle des gens ne peuvent pas se permettre d'acheter leurs médicaments. Si nous avions une telle situation, les médicaments leur seraient fournis par l'entremise des hôpitaux.
Le président: Docteur Ruedy, est-ce également votre expérience à Halifax?
Le Dr Ruedy: Je suis trop loin de tout cela pour pouvoir répondre à la question.
Le président: Ce n'est pas votre domaine.
M. Malcolm: Je pourrais peut-être répondre d'un point de vue de l'expérience pratique. Nous demandons des frais de 1 $ par jour pour stationner à notre hôpital régional.
Le président: Désolé, avez-vous dit 1 $ par jour pour stationner?
M. Malcolm: Oui, nous demandons 1 $ par jour pour stationner.
Le président: Très bien.
M. Malcolm: Au Cap-Breton, on se bat encore pour des frais de 1 $ par jour pour stationner.
Le président: Vous rendez-vous compte qu'à ce tarif vous avez droit à peu près à 30 secondes de stationnement au centre-ville de Toronto?
M. Malcolm: En effet, je le sais. J'ai vécu en milieu urbain en Ontario, mais je vous donne seulement un point de vue. J'attendais en file à la cafétéria et la dame en avant de moi a acheté un bagel et elle a utilisé tout l'argent qu'il lui restait pour l'acheter. Il y a des gens pauvres dans notre région. Je n'ai pu m'empêcher de me demander comment elle a fait pour payer le stationnement, si elle a effectivement stationné sa voiture là.
Avons-nous le nombre de personnes qui réduisent leurs ordonnances ou qui ne les remplissent pas au complet, ou qui les prolongent, ou encore dont les prescriptions viennent à échéance parce que ces personnes ont manqué de médicaments avant de recevoir leur chèque suivant? Non, nous ne l'avons pas, mais je peux dire qu'il y a une différence, puisque j'ai travaillé à Ottawa, à Saskatoon, à Montréal et au Cap-Breton, et cela a rapport au niveau de revenu.
De toutes les provinces ou régions du pays, la Nouvelle-Écosse a la plus faible espérance de vie sans incapacité. C'est ce que l'on révélait dans le Maclean's la semaine dernière. Je parlais au sous-ministre adjoint des Finances et je lui ai posé une question au sujet des recettes fiscales. Il m'a dit que nous avons la proportion la plus élevée de gens de toutes les provinces dans la plus faible tranche d'imposition. Ces deux statistiques vont de pair.
Le président: C'est à faire peur.
Le sénateur Robertson: Docteur Ruedy, je crois comprendre que vous avez ou avez eu une association avec l'école de médecine ici.
Le Dr Ruedy: Oui, j'étais le doyen de l'école de médecine.
Le sénateur Robertson: En tant qu'ancien doyen de l'école de médecine, vous avez probablement continué de vous tenir au courant de ses activités si vous n'avez plus de poste officiel là-bas. Je vais lire une déclaration faite par le Dr Haddad, président de l'Association médicale canadienne, le 16 mai lorsqu'il a témoigné devant nous en rapport avec les ressources humaines de santé.
Je vais en extraire seulement une partie. Il a dit que quelque chose doit être fait au sujet de l'enseignement dans le domaine médical, que la déréglementation des frais de scolarité a fait que ces derniers sont devenus prohibitifs pour les étudiants et que si nous ne faisons pas quelque chose bientôt, seulement les fils et les filles des Canadiens riches pourront faire leurs études en médecine et choisir une carrière en médecine. Cela n'aurait pas de bons résultats sur le plan démocratique en terme de répartition des médecins, ni sur le plan des besoins culturels de certaines de nos collectivités défavorisées au Canada.
J'ajouterais ma propre observation à la sienne. Nous n'obtiendrions probablement pas les meilleurs cerveaux non plus. Que pensez-vous de la préoccupation du Dr Haddad?
Le Dr Ruedy: Je suis tout à fait d'accord. En fait, l'Université Western Ontario a publié une étude après l'augmentation importante des frais de scolarité à l'école de médecine, étude dans laquelle il a été démontré que la présentation d'une demande et l'admission à l'école de médecine de l'Université Western Ontario étaient plus liées aux bien nantis qu'auparavant.
Nous avons eu, dans cette province, une difficulté incroyable à attirer nos Autochtones, nos Micmacs et nos Noirs à l'école de médecine. C'est attribuable en partie au fait que les divers milieux, que ce soit l'école secondaire, la maison ou les pairs, donnent l'impression que c'est hors de portée pour ces personnes en raison du coût. Ils ont l'intelligence, c'est purement économique. Les très importantes augmentations des frais de scolarité des cinq dernières années n'ont pas aidé du tout.
Le sénateur Robertson: C'est vraiment malheureux. Il pourrait s'agir d'un rôle pour le gouvernement fédéral qui pourrait intervenir directement auprès des provinces par l'entremise des écoles de médecine.
Je ne me rappelle pas, c'est le Dr Ruedy qui a parlé de la nécessité pour nos professionnels du système de soins de santé de mieux utiliser leur temps, et qui a dit qu'il y a des choses que les médecins font qui devraient être faites par les infirmiers et infirmières et qu'il y a des choses que les infirmières et infirmiers font qui pourraient être faites par des infirmières ou des infirmiers auxiliaires autorisés, et cetera.
Nous avons entendu dire d'un bout à l'autre du pays que des gens s'accrochent littéralement à leurs rôles traditionnels, à grands frais, et gaspillent l'argent des contribuables. Pouvez-vous nous donner des conseils sur la façon dont nous pourrions peut-être aider le gouvernement à éliminer ces obstacles entre les professions et à avoir un meilleur partage. C'est une inquiétude. Quelqu'un peut-il répondre?
Le Dr Ruedy: Je ne suis pas d'accord quand vous dites que le seul facteur est que les professions s'accrochent à leurs intérêts. En fait, je ne pense pas que ce soit un problème important. Je crois que le problème est lié à la syndicalisation de nos travailleurs, au fait qu'il est difficile de transférer des tâches.
Dans les soins primaires, on ne peut pas transférer ces tâches à quelqu'un d'autre parce que les médecins en soins primaires travaillent seuls, dans leur cabinet, ou peut-être avec une secrétaire dont la formation professionnelle peut être limitée. L'infrastructure en ressources humaines est absente de sorte que le médecin en soins primaires ne peut déléguer de tâches.
Il faut plutôt voir aux ressources de l'infrastructure humaine qu'aux intérêts professionnels. Les médecins ont suffisamment de tâches propres pour se tenir occupés à longueur de journée.
Le Dr Naqvi: La situation de l'intégration, comme je l'ai dit dans mon mémoire, fait que nous avons besoin de personnes comme les sages-femmes et les infirmières praticiennes. Il n'y a aucun problème que les sages-femmes fassent partie du programme d'obstétrique d'un hôpital. Les problèmes ne changent pas. Vous ne pouvez pas intégrer ces personnes dans votre effectif tant que vous n'avez pas l'infrastructure nécessaire en place.
Je ne sais pas s'il y a à l'heure actuelle une école de soins infirmiers ou une école pour infirmières praticiennes en Nouvelle-Écosse. Il faudra que ces personnes aillent en Ontario pour suivre leur formation, à moins que l'on entreprenne quelque chose ici. Ce n'est pas offert pour l'instant.
Le Le Dr Rathwell: Il n'est pas nécessaire d'aller en Ontario pour devenir infirmière praticienne en Nouvelle-Écosse. La Faculté des professions de la santé et l'École de soins infirmiers ont un programme à l'intention des infirmiers et infirmières praticiennes qui viennent d'avoir leur première promotion de deux diplômées cette année, une de ces diplômées étant une Autochtone qui travaillera en tant que seule fournisseuse de soins de santé dans sa collectivité à Terre-Neuve. Nous progressons grâce à des changements importants sur le plan professionnel dans la province et dans la région.
M. Malcolm: Je suis d'accord avec l'observation. Les professionnels de la santé sont prêts à examiner la situation. Je vais vous donner un exemple pratique. Je ne suis pas certain que tout le monde veut toujours assumer la tâche la plus importante et la tâche la plus exigeante. À l'heure actuelle, dans notre système, comme on l'a mentionné, il y a beaucoup de postes vacants. Le système subit une pression énorme, peu importe que vous soyez médecin, infirmier ou infirmière.
Certaines des tâches que vous pourriez transférer aux infirmières ou aux infirmières auxiliaires autorisées, IAA, sont très stimulantes et pas tellement taxantes. L'idée d'abandonner des tâches simples et stimulantes afin de prendre des tâches plus complexes, plus difficiles à exécuter, est difficile à faire accepter dans certains cas, mais il y a une volonté d'examiner ces options.
Le sénateur Robertson: C'est encourageant et c'est peut-être différent des témoignages que nous avons reçus. J'ai trouvé cela très intéressant. Je suppose que ce que vous nous dites messieurs, c'est que nous devrions étudier des méthodologies qui encourageraient des changements d'ordre infrastructurel dans la prestation plutôt que de réexaminer les professions.
Le sénateur LeBreton: Docteur Ruedy, vous avez parlé de votre projet pilote et vous avez donné l'exemple d'une ordonnance. C'est quelque chose qui nous est mentionné partout au pays.
Nous parlons, à défaut d'une meilleure expression, de «carte à puce de santé». En Ontario, un médecin a dit que si ces cartes à puce étaient préparées pour des particuliers, elles devraient être détenues par les médecins. D'autres ont soutenu que ce sont les patients qui devraient les avoir. Pensez-vous que le temps est venu pour cela? Mon collègue, le Dr Keon, les a décrites presque comme les plaques d'identité dans l'armée américaine. Vous contrôlez l'information sur votre carte. Vous la contrôlez de sorte que vous contrôlez l'accès aux renseignements personnels qu'elle contient. Cependant, s'il y a des renseignements que vous voulez partager, c'est vous qui en avez le contrôle.
Il y a une incidence sur l'imputabilité parce que de nombreuses personnes ne se rendent pas compte de tout ce que l'on dépense en leur nom dans le système de soins de santé. Pensez-vous que nous allons un jour avoir des cartes à puce de santé ou quelque chose du genre qui réglerait la question de la polypharmacie?
Le Dr Ruedy: Je n'ai pas de chien, mais je crois comprendre de ce que me dit ma secrétaire qui a un chien, qu'il a une carte à puce de santé. Tout est enregistré sur cette carte. La technologie est là et il y a des façons d'en contrôler l'accès. Personnellement, je pense que le patient devrait être le propriétaire de toute l'information.
Le sénateur LeBreton: Moi également.
Le Dr Ruedy: On peut contrôler l'accès à des parties de cette information de sorte que le médecin du patient peut avoir accès à une partie ou à la totalité de cette information. Le pharmacien peut avoir accès à l'information pertinente. La technologie est là. Nous devons le faire si nous voulons progresser et évaluer les résultats en matière de santé de ce que nous faisons.
Le sénateur LeBreton: Personnellement, je ne m'opposerais pas, si je devais m'effondrer dans la rue, que quelqu'un insère ma carte dans un ordinateur pour connaître ma condition médicale. Je ne comprends pas que les gens s'inquiètent de cela.
Pour ce qui est de mal utiliser des ressources, les médecins et les infirmières qui font des choses qui pourraient être faites par d'autres, monsieur Malcolm, vous avez parlé de tâches intéressantes qu'il pourrait vous être difficile d'abandonner.
En Colombie-Britannique, des médecins en soins primaires nous ont parlé des régions rurales et éloignées. Il semble y avoir une politique à cet égard dans la profession médicale. J'aimerais que vous nous parliez de l'idée d'avoir un médecin en soins primaires chargé de développer les niveaux de services dans la collectivité dans le but d'avoir de l'aide. Ces médecins ont parlé d'épuisement professionnel et d'un écart entre les médecins dans la cinquantaine et dans la soixantaine et les nouveaux médecins. Un grand nombre des nouveaux médecins sont des femmes, pour qui les questions de qualité de vie sont différentes.
Que penseriez-vous du système de soins primaires, plus particulièrement dans les collectivités rurales et éloignées, géré par un médecin en soins primaires axé sur les infirmiers et infirmières praticiennes?
Le Dr Naqvi: Dans mon mémoire, j'ai laissé entendre que le moment était venu d'envisager ce modèle de médecin de famille, compte tenu de ce qui se passe. Si le mari et la femme sont des médecins qui travaillent dans la même collectivité et veulent terminer leur journée de travail à 17 heures et ne pas travailler le soir, les salles d'urgence pourraient être remplies de patients parce que les médecins enregistrent des messages téléphoniques invitant les patients à se rendre à la salle d'urgence. La notion de la clinique sans rendez-vous a été mentionnée.
Nous avons mis sur pied quelques cliniques sans rendez-vous sur l'île du Cap-Breton. Nous avons été critiqués par les médecins, mais nous avons eu une très forte présence du public. C'est une façon d'évaluer les soins. Dans les collectivités rurales, il y a moins de médecins. Ils travaillent 24 heures sur 24, de sorte qu'ils ne veulent pas rester.
Un concept que le gouvernement devrait envisager, de concert avec ces collectivités, est de mettre sur pied des cliniques sans rendez-vous où un médecin est présent dans la journée et il pourrait y avoir une rotation hebdomadaire, ou encore un groupe de médecins pourraient offrir ce genre de service. Ce n'est qu'une façon.
L'autre façon serait que la région rurale devrait être branchée à la télésanté et à la télémédecine parce que cela en fait partie. Le problème avec la télémédecine, c'est qu'elle est sous-utilisée. Beaucoup d'études ont été réalisées et chaque fois nous entendons dire que seulement 50 consultations ont été effectuées, à un coût de 2 000 000 $. C'est pas mal dispendieux. La télésanté devrait être plus facilement accessible dans les régions rurales et aussi par les médecins qui fournissent le service. C'est l'autre façon de voir la situation.
Nous faisons beaucoup de télémédecine du centre de santé IWK à l'hôpital régional, de l'hôpital régional aux hôpitaux communautaires et aux hôpitaux ruraux dans la région du Cap-Breton. Nous n'avons entendu que des louanges pour ces services. Nous progressons, mais c'est lent. Un projet pilote a eu lieu en 1993-1994 et cela fait dix ans que la télémédecine est implantée dans notre province. Même si le réseau couvre toute la province, il est encore sous-utilisé.
M. Malcolm: Vous avez parlé de modèles de soins partagés, c'est-à-dire d'utiliser des fournisseurs de médecine douce le cas échéant. En tant qu'administrateur, j'appuie l'idée d'une gestion partagée. Cela veut dire donner de l'information aux gens, leur demandeur leur avis, écouter ce qu'ils ont à dire et déterminer si vous pouvez trouver la bonne réponse.
Le personnel, les médecins et la collectivité comprennent mieux, lorsqu'ils participent à une gestion partagée, que c'est un mandat public. Nous nous acquittons d'un mandat public. Tant que nous respectons ce mandat et que nous faisons participer les gens à la prise de décisions, nous pouvons trouver des solutions logiques.
Pour ce qui est du besoin de bons renseignements, de pratiques exemplaires, je suis paresseux et si quelqu'un connaît une meilleure façon de faire, je vais la lui voler parce que c'est beaucoup plus rapide.
Le Dr Rathwell: J'aurais juste une observation au sujet de la carte à puce. Ce que j'en comprends, c'est qu'il y a une expérience en cours dans les pays de l'Union européenne qui utilisent les cartes à puce. Dans le cadre de cette expérience, les personnes ou les patients ont les détails de leurs dossiers médicaux sur des cartes et ils peuvent s'en servir dans certains endroits dans divers pays. On a tenté cette expérience pour faciliter la tâche d'un groupe de personnes de l'Union européenne et pour faciliter le transfert de renseignements médicaux importants d'un pays à l'autre. On est en train d'évaluer le programme, mais je ne sais pas si les résultats ont été publiés. Cela pourrait nous donner une bonne orientation quant à l'efficacité de la nouvelle technologie des cartes à puce et de là où elles pourraient être avantageuses ou pas.
M. Malcolm: Me permettez-vous une observation à ce sujet? Tous les districts de santé à l'extérieur d'Halifax utilisaient la même technologie de l'information. Il aurait été facile de la remplacer, un district à la fois, mais nous nous sommes réunis les huit districts et avons choisi le système unique.
Ainsi, lorsque la période de mise en oeuvre de trois ans sera terminée, si vous venez de North Sydney et que vous vous trouvez à Yarmouth et tombez malade, votre information en matière de santé sera accessible. De même, si vous êtes de Yarmouth et tombez malade à North Sydney au moment de prendre le traversier pour Terre-Neuve, vous pourrez avoir accès à l'information.
Dans trois ans, nous aurons un dossier électronique entre les hôpitaux de toute la province. Ce n'était pas de la science quantique. Tout ce qu'il fallait, c'était un engagement de la part des huit organisations de choisir un fournisseur pour tous nous relier.
Le sénateur LeBreton: Oui, il faut de l'intégration et de la coordination.
Le président: Vous avez insisté sur les huit organisations. Est-ce que cela signifie que si vous allez de Yarmouth à Halifax vous avez des problèmes?
M. Malcolm: L'engagement que nous avons est qu'Halifax nous laissera établir la liaison dans ses systèmes qui existent déjà de sorte que nous couvrirons en fait toute la province.
Le président: Ils sont compatibles. Très bien.
M. Malcolm: Une partie du contrat était de trouver une façon de les rendre compatibles.
Le président: On dirait qu'Halifax a toujours quelque chose à faire.
Sénateur Callbeck, vous avez la dernière question.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Malcolm, dans votre exposé vous avez mentionné les achats collectifs et vous avez fait référence à une certaine machine et à d'importantes économies. Est-ce que ces achats collectifs se font dans les provinces de l'Atlantique ou dans toutes les provinces? Qui y participe?
M. Malcolm: L'IWK et notre organisation nous sommes joints à une initiative d'achats collectifs à l'échelle nationale. Ce que les membres ont abandonné, c'est leur droit de choisir un produit. Nous avons un vote. C'est une coopérative de 13 membres. Si quelque chose est bon pour l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario, l'IWK estime que ce sera probablement bon pour tous. Dans une seule année, le centre des sciences de santé de Hamilton achète plus de produits que toute la province de la Nouvelle-Écosse, et nous avons pour notre dire que si c'était suffisamment bon pour eux, ce l'était également pour nous.
La coopérative est établie en Ontario et nous obtenons le meilleur prix à l'échelle nationale. Les économies en pellicule et les analyses comparatives sur les pratiques exemplaires nous ont permis d'obtenir un deuxième tomodensitomètre et de payer entièrement pour son exploitation sans demander à la province de verser un seul cent. Cela vous donne une idée de l'ampleur des économies dans un secteur. Nous avons abandonné l'indépendance de négocier avec des fournisseurs.
À Sydney, nous obtenons nos produits du papier d'Halifax. Ces produits sont envoyés à Halifax pour Sydney. Ce n'est pas très populaire auprès de nos commerces locaux, mais nous continuons d'employer des gens dans le secteur des soins de santé et nous avons un accès rapide. Je vais prendre mon papier d'Halifax parce que mon champ d'activité est celui des soins de santé. Je ne suis pas dans celui du papier.
Le sénateur Callbeck: Combien d'hôpitaux dans les Maritimes participent à ces achats collectifs?
M. Malcolm: À l'heure actuelle, il y a cinq groupes différents, nous-mêmes et l'IWK en Nouvelle-Écosse de même que trois régions du Nouveau-Brunswick. Cinq des treize membres de cette initiative nationale d'achats collectifs se trouvent au Canada Atlantique.
Le sénateur Callbeck: Quel est l'ordre de grandeur de vos économies? Est-ce 10 p. 100, 20 p. 100, 30 p. 100?
M. Malcolm: Sur le plan quantitatif, nous estimons avoir économisé au-delà de un million de dollars, ce qui donnerait quelque chose comme 7 p. 100. De plus, nous avons convaincu la province, qui avait un seul régime d'achat de médicaments, de se joindre à un régime d'achat national et nous avons réalisé des économies supplémentaires de 5 p. 100. Nous pensions avoir le meilleur prix en Nouvelle-Écosse parce que nos médicaments faisaient déjà l'objet d'achats collectifs. Lorsque nous nous sommes joints au groupe national, nous avons économisé 5 p. 100 de plus, soit un autre million de dollars d'économies pour la province.
Le sénateur Callbeck: C'est beaucoup d'argent.
J'ai une autre question pour le Dr Ruedy. Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de la pénurie de ressources humaines en santé et de la nécessité d'élaborer une stratégie. Est-ce que je vous ai bien compris? Avez-vous dit que vous estimiez que l'Université devrait prendre la direction?
Le Dr Ruedy: Nous devons faire attention à qui nous confions la responsabilité d'élaborer une stratégie en matière de ressources humaines en santé. Mon expérience des dix dernières années est que les intérêts personnels des groupes professionnels et l'intérêt personnel du gouvernement peuvent fortement influer sur la planification. Un groupe indépendant qui n'a aucun intérêt personnel est le mieux placé pour faire cela. Mon expérience vient davantage de l'aspect médical que de l'aspect professionnel de la santé dans une petite province. Les universitaires de l'école de médecine comprennent tout aussi bien les besoins des praticiens de la médecine dans la province et les ressources humaines en santé que quiconque, et ils n'ont en plus aucun intérêt personnel dans la question. Je n'ai fait qu'identifier les facultés qui ont des ressources qu'on pourrait utiliser pour élaborer de façon plus indépendante des stratégies.
Le président: Honorables sénateurs, le groupe suivant vient de l'Association médicale canadienne. Ils ont déjà témoigné devant nous par le passé. Nous accueillons le Dr Henry Haddad, président, Bill Tholl, secrétaire général, et le Dr Bruce Wright, président de la Société médicale de la Nouvelle-Écosse.
Nous vous voyons à une extrémité du pays et à l'autre. Cependant, nous n'avons pas vu Henry ni Bill à l'autre extrémité. Nous avons vu votre prédécesseur, je suppose. Merci d'être venu docteur Haddad. Vous avez remis votre mémoire. Puis-je vous suggérer de nous en faire lecture, mais de préférence de façon succincte de façon à avoir beaucoup de temps pour vous poser des questions? Donnez-nous les points saillants et nous agirons à partir de là.
Dr Henry Haddad, président, Association médicale canadienne: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis accompagné de Bill Tholl, le chef de la direction de l'Association médicale canadienne, du Dr Wright, président de la Société médicale de la Nouvelle-Écosse et du Dr Hanson, de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, qui me remplacera dans neuf mois. Il est le président élu de l'Association médicale canadienne. Je suis très heureux qu'ils aient pu tous venir et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Si vous n'y voyez pas d'objection, je vais prendre de cinq à sept minutes. Comme vous le savez, monsieur le président, c'est la quatrième fois que nous comparaissons devant le comité, et notre deuxième intervention sur votre rapport «Questions et options». À Vancouver, le président sortant, Peter Barrett, s'est concentré sur les principes et les paramètres du changement.
Nos principes du changement sont l'orientation sur les patients, l'universalité, le choix, le médecin en tant que mandataire du patient et la qualité. Nous proposons également plusieurs paramètres des changements et je vais les mentionner rapidement: l'inclusivité, l'imputabilité, la prise de décisions factuelles, l'évolution et non la révolution, et les soins de santé comme bien d'investissement.
Notre exposé portera sur les questions mises en évidence par le comité en ce qui a trait à la gestion du système de santé et à l'imputabilité dans le système de santé. Nous voulions examiner un plus grand nombre de questions, mais, comme vous le savez, vous êtes un homme de consensus et l'AMC est un organisme de consensus. Nous voulons un consensus avec nos partenaires avant d'examiner les autres questions de sorte que nous nous limiterons.
Le président: Lorsque vous aurez votre consensus, si c'est possible, nous aimerions vraiment que vous nous fassiez parvenir un mémoire.
Le Dr Haddad: C'est entendu.
Lorsque vous examinez la gestion du système de santé au cours des deux dernières décennies, des virages importants dans la pratique de la médecine et les éléments de coût fondamentaux sont survenus. Ces deux aspects se sont conjugués pour remettre sérieusement en question la viabilité de notre système de soins de santé.
La bonne nouvelle, c'est que les patients ne sont plus hospitalisés autant qu'auparavant pour certains problèmes. Je pratique la médecine depuis 32 ans et je me rappelle fort bien que nous hospitalisions des gens pendant deux semaines pour des ulcères gastriques, nous les mettions dans un lit, leur donnions des médicaments ainsi que du lait et de la crème. Nous ne le faisons plus. Évidemment, la chirurgie à effraction minimale a donné lieu à des progrès considérables. Tout cela a permis de raccourcir la durée d'hospitalisation.
La mauvaise nouvelle, et encore une fois je le remarque en tant que médecin, c'est que les patients obtiennent congé avant le temps et il s'ensuit un délestage de responsabilités vers la communauté. Cette situation a entraîné une augmentation du coût des médicaments et des services communautaires, ce qui taxe les services communautaires.
Dans l'hôpital où je travaille, les patients sont beaucoup plus malades. Ils sont des infections aiguës et de nombreux patients sont plus âgés et ont des problèmes très complexes. Nous sommes d'accord qu'il faut travailler plus fort et plus intelligemment. Nous sommes d'accord à cet égard avec le comité.
En ce qui concerne la viabilité financière, le comité propose tout un éventail d'options qui vont de l'augmentation des transferts au titre du TCSPS, option peu probable dans la conjoncture économique actuelle, à des frais d'utilisation, ce qui a toujours suscité la controverse. L'AMC croit toutefois qu'il y a d'autres options innovatrices telle que, par exemple, l'utilisation du régime fiscal du Canada. La dernière refonte de la politique fiscale remonte à plus de trente ans et la dernière refonte de la politique fiscale pour ce qui est de la politique sociale a été réalisée par Benson, je pense, en 1971, soit il y a 40 ans.
La semaine dernière, nous avons recommandé au comité permanent des finances que le gouvernement fédéral établisse un groupe de travail national d'experts pour étudier l'élaboration de mécanismes fiscaux innovateurs afin de mieux harmoniser la politique fiscale et la politique de santé. Par exemple, accroître la portée des déductions pour les frais médicaux, qui sont actuellement de 3 p. 100 des dépenses imposables, étendre la déduction pour frais médicaux et la faire passer d'un crédit d'impôt non remboursable à un crédit d'impôt remboursable parce qu'il y a un groupe de Canadiens qui ne paient pas d'impôts mais qui doivent payer de leurs poches, et examiner les inégalités découlant de la TPS. Cela fait plusieurs années que nous soulevons ce problème.
Un autre aspect relevé est celui de la réforme des soins primaires. Il y a de biens bonnes choses qui se produisent dans la réforme des soins primaires au Canada et nous pourrions probablement en discuter lors des questions. Il a aussi beaucoup été question de la nécessité de modifier la rémunération des médecins, les suggestions allant du système de l'utilisateur-payeur aux autres modes de paiement. Nous croyons que la rémunération devrait correspondre aux fonctions. Les médecins sont très favorables aux autres modes de rémunération.
Il y a un mythe qui prédomine, soit que les médecins sont un obstacle aux changements. Ce sont les médecins qui ont piloté un grand nombre de changements progressifs instaurés dans le domaine de la santé. Les médecins sont disposés à travailler en équipe et l'AMC a élaboré une politique sur les champs de pratique qui appuie clairement la collaboration et la coopération. Les preuves manquent pour démontrer que la rémunération à l'acte est à l'origine de tous les maux.
Des sondages menés par l'AMC révèlent clairement que les médecins sont disposés à envisager des modes de rémunération différents. La clé est de donner le choix, la flexibilité et les modes de paiement. À l'heure actuelle, 58 p. 100 des médecins au Canada sont rémunérés à l'acte. Pour les 42 p. 100 restant, ils ont toutes sortes de modes de rémunération: capitation, salaire, à la séance. Il n'existe pas une façon unique de rémunérer les médecins. Nous insistons sur le fait que la rémunération doit correspondre à la fonction.
En 1966, l'AMC et ses principaux partenaires avaient élaboré des principes directeurs en réponse à des propositions d'autres modes de paiement que l'on avait appelés RAPP. Nous ne remettons pas en question la nécessité de modèles de soins primaires plus intégrés. Nous nous inquiétons du peu d'attention accordé aux soins spécialisés. Les résultats de notre sondage réalisé en 2001 pour produire notre Bulletin national sur les soins de santé ont mis en évidence l'état désastreux de l'accès aux soins spécialisés au Canada.
Notre document de discussion, «Les soins spécialisés au Canada», publié il y a quelques mois, présente plus en détail la détérioration des soins spécialisés au Canada. Certains des points soulevés dans notre document concernent les ressources humaines en santé, les soins spécialisés, le piètre état de notre technologie au Canada, l'infrastructure, l'infrastructure matérielle, nos hôpitaux, les salles d'opération, les salles d'urgence et les centres médicaux universitaires, qui ont entrepris une diminution de 22 p. 100 du nombre de lits d'hôpital. Maintenant que nous augmentons le nombre d'admissions dans les écoles de médecine, nous devons envisager si les écoles de médecine disposent de ce qu'il faut pour prodiguer l'enseignement auquel nos étudiants en médecine sont habitués.
Nous sommes d'avis qu'il y a une crise de l'imputabilité attribuable en grande partie à un problème profond qui règne dans la gouvernance du système de santé du Canada. Pourquoi ceux et celles qui ont le plus de compétences spécialisées dans les questions de santé interviennent-ils le moins dans les décisions importantes touchant les systèmes de données? Nous nous sommes posé la question à de nombreuses reprises.
La tension entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le domaine des soins de santé a été très marquée et improductive. Par exemple, les provinces ont très peu participé à notre Forum national sur la santé - et les organisations non gouvernementales en étaient complètement absentes.
Le rapport de 1997 des ministres provinciaux et territoriaux de la santé, «Vision renouvelée du régime de services de santé du Canada», a reçu très peu d'attention sur la scène fédérale. Les organisations non gouvernementales étaient absentes.
Un autre exemple du fédéralisme exécutif est celui d'une décision prise en 1992 par les gouvernements de réduire de 10 p. 100 le nombre d'admissions dans les écoles de médecine alors qu'il y avait déjà une diminution de 6 p. 100. Ce n'est pas une diminution de 10 p. 100, mais vraiment une diminution de 16 p. 100 dans nos écoles de médecine qui s'est produite.
L'Entente-cadre sur l'union sociale a été un obstacle au renforcement de l'imputabilité parce qu'elle ne lie qu'une partie, le gouvernement fédéral. Malheureusement, on a pointé du doigt les médecins comme étant une partie du problème et non de la solution. Les médecins se sentent marginalisés. Ils sont frustrés et en colère.
On ne se sent plus responsables du système de soins de santé au Canada. Par contre, soyons francs, les Canadiens qui ont accès au système sont satisfaits. Notre Bulletin national sur les soins de santé l'a indiqué très clairement. Ils continuent de recevoir des soins de grande qualité des prestateurs de soins de santé du système.
Que nous faut-il? Il nous faut une attitude nouvelle, un partenariat renouvelé. Il faut une participation de toutes les personnes qui sont aux premières lignes sept jours sur sept, 24 heures sur 24, et ce, dès le début, de façon continue et significative.
Parmi les autres questions, je dirai quelques mots des ressources humaines en santé. Nous préconisons l'autosuffisance des effectifs pour répondre aux besoins médicaux de la population canadienne. Le message que nous obtenons de nos partenaires partout dans le monde, c'est: «Ne touchez pas à nos médecins. Réglez vos problèmes, mais ne touchez pas à nos médecins.»
L'autre question que nous aimerions aborder très rapidement est celle des Autochtones. Il y a des anomalies dans l'état de santé, c'est bien évident. Nous avons un problème d'accès culturel. Au dernier compte, et j'ai essayé d'avoir les renseignements les plus récents, il n'y avait que 50 médecins autochtones au Canada.
L'AMC essaie de faire sa part et offre des bourses aux étudiants autochtones. Nous offrons jusqu'à 42 000 $ par année depuis plusieurs années pour venir en aide aux étudiants autochtones étudiant en médecine.
En terminant, nous félicitons les membres du comité de leur réflexion innovatrice et à long terme. Nous voulons également vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous faire entendre.
Le président: Avant de céder la parole au sénateur LeBreton et au sénateur Cook, je me demande si je pourrais aborder quelques points que vous soulevez dans votre mémoire. Vous parlez de la somme de un milliard de dollars annoncée en septembre 2000 pour la technologie, mais vous mettez beaucoup l'accent sur les IRM et tout le reste.
Dans votre mémoire, vous dites que cela vous préoccupe que très peu d'argent se rende jusqu'aux premières lignes. Le comité a fait savoir que le gouvernement fédéral a clairement donné un milliard de dollars sans moyen de savoir à quoi l'argent était consacré. Nous avons un peu la même préoccupation que vous, mais vous êtes plus près des premières lignes que nous. Pouvez-vous nous indiquer ce qui vous préoccupe.
Le Dr Haddad: Je vais commencer. Vous avez tout à fait raison qu'il y avait un milliard de dollars. Nous avions demandé 1,74 milliard de dollars lorsque nous avons fait notre exposé au ministre. La somme de un milliard de dollars était pour la technologie et les 740 000 $ pour l'infrastructure. L'équipement doit être installé quelque part.
À ce moment-là, pour vous resituer, l'AMC avait indiqué que parmi les 30 pays de l'OCDE, si nous prenions la technologie de diagnostic comme les tomodensitomètres, les IRM et la technologie de traitement comme les lithotripsies et le matériel de radiologie, nous étions franchement dans le dernier tiers des pays de l'OCDE un niveau de développement semblable au nôtre.
Nous essayons maintenant de savoir où est passé ce milliard de dollars et j'ai mentionné dans mon exposé que l'Entente-cadre sur l'union sociale ne lie qu'un palier de gouvernement.
Le président: Exact.
Le Dr Haddad: Elle lie le gouvernement fédéral, mais nous ne savons pas ce qui est advenu du milliard de dollars. Je sais que Bill a eu des contacts avec l'Association canadienne des radiologistes.
Le président: J'aimerais entendre ce que M. Tholl a à dire, mais votre pressentiment est que cet argent ne vous parvient pas tout.
M. Bill Tholl, secrétaire général, Association médicale canadienne: J'ai un complément en deux parties à ce qu'a dit le Dr Haddad. Tout d'abord, ce classement au sujet de l'OCDE vient d'être renforcé à Ottawa, où se tient une conférence de l'OCDE à laquelle on a fourni des données très à jour hier et qui indiquent que le Canada n'est pas seulement au milieu, mais près du fond du classement des comparateurs pour le G-8. La grande discussion est de savoir si c'est une bonne chose qu'il y ait au Canada la moitié moins de cathétérismes qu'aux États-Unis sans que l'on remarque de différence dans les résultats. C'est la question qu'a soulevée hier le Dr David Miller, doyen de la médecine de l'Université de Toronto. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la disponibilité, de la technologie, du nombre d'examens - tous ces indicateurs, le Canada est près du fond du classement par rapport aux autres pays de l'OCDE.
En ce qui concerne l'étude que nous réalisons avec l'Association canadienne des radiologistes, elle tire enfin à sa fin. Il faut une approche très novatrice pour envisager cette dépense de un milliard de dollars. Vous pouvez adopter deux façons de faire, soit de demander aux médecins et aux agents chargés des achats dans les hôpitaux si en fait ils ont acheté plus de matériel technologique. Il faudrait trois ans pour obtenir l'aide de Statistique Canada et d'autres sources de renseignements fiables à cet égard.
En réalité, nous avons fait des démarches auprès de l'industrie de la vente et du service, ce qui est assez intéressant. Si vous installez un appareil d'IRM dans vos locaux, quelqu'un doit le faire: autrement dit, il faut construire une dalle de béton et une structure autour. Donc, nous avons fait des démarches auprès des cinq ou six entreprises d'installation et de fabrication d'appareils médicaux, ce qui couvre à peu près 99 p. 100 de toutes les entreprises d'installation de technologie au pays. Je peux vous dire pour l'instant que nous ne croyons pas que tout l'argent a été dépensé aux fins prévues. On n'aurait pas encore dépensé 50 p. 100 du milliard de dollars.
Essentiellement, la question était la suivante: avons-nous constaté une augmentation marquée des ventes et du service, soit avant, soit après septembre 2000? Nous voulions attendre jusqu'à ce que l'argent soit effectivement disponible. La moitié l'a été avant le 1er avril 2001 et l'autre moitié après le 21 avril 2001. La deuxième hypothèse est qu'ils ont voulu attendre que l'entente soit conclue en septembre et que l'argent soit disponible, de sorte que le soubresaut se produirait au cours de la période de septembre au 1er avril, ou, d'un autre côté, ils ont voulu s'assurer d'avoir tout l'argent de sorte que le soubresaut se produirait après le 1er avril. Vous savez quoi? Il n'y a pas grand-chose en fait de soubresaut.
Nous espérons pouvoir publier prochainement cette étude. Le problème que nous avons à ce moment-ci, c'est de garantir la confidentialité des concurrents dans le domaine de l'installation.
Le président: Par contre, l'étude que vous menez va clairement surestimer le montant des fonds fédéraux qui sont devenus disponibles parce que vous partez de l'hypothèse que pendant la même période, les provinces n'auraient rien dépensé, et que le milliard de dollars du gouvernement fédéral devait venir s'ajouter aux sommes que les provinces prévoyaient dépenser.
Étant donné que vous examinez tout l'argent dépensé, vous surestimez clairement le milliard de dollars qui a été rendu disponible parce que l'étude suppose que les provinces n'ont rien dépensé. Si le chiffre que vous obtenez correspond à 50 p. 100. ou peu importe ce qu'il est, c'est un problème, quoique ce n'est pas le vôtre.
M. Tholl: Monsieur le président, si vous me permettez, d'un point de vue technique vous supposez qu'il y avait une augmentation et une réelle progression pour commencer, ce qui n'est pas le cas à mon avis.
Le président: Très bien.
M. Tholl: La question est de savoir s'il y a eu un soubresaut au chapitre des dépenses réelles.
Le président: Donc, il pourrait n'y avoir eu aucune dépense?
M. Tholl: C'est exact.
Le président: Au sujet de votre groupe de travail d'experts, vous avez donné deux exemples, celui de l'étude Benson du début des années 70 et celui de la commission Carter, quoique vous n'avez pas utilisé le nom «Carter».
Ma question est de savoir, compte tenu de ce que vous voulez faire, et sachant qu'il est presque impossible d'entreprendre des révisions fiscales en profondeur au Canada, s'il ne serait pas préférable de vous concentrer peut-être davantage sur quelque chose qui est faisable, étant donné que l'objet de l'étude le serait: Comment peut-on modifier la politique fiscale pour que les gens puissent être mieux protégés si leurs frais médicaux devenaient prohibitivement élevés?
Ensuite, vous pourriez même intégrer des incitatifs pour réserver des sommes aux soins de longue durée ou peu importe, comme l'a suggéré par exemple la commission Clair au Québec. Si tel est l'objet de votre étude, pourquoi examiner une réforme fiscale globale, qui ressemble un peu à une réforme constitutionnelle: une idée intéressante qui a donné des résultats quelconques à peu près une fois en 140 ans? Pourquoi ne pas procéder sur une échelle un peu plus réduite et le réaliser?
Le Dr Haddad: Monsieur le président, je pense que je vais laisser mon ami économiste, à ma droite, vous répondre.
M. Tholl: Ma réponse comporte deux volets. Tout d'abord, je pense que nous en avons déjà réduit l'échelle parce que nous examinons explicitement la façon de renforcer la politique de santé au moyen de la politique fiscale. Nous croyons qu'il revient au départ aux gouvernements et à d'autres le soin de déterminer l'incidence sur le plan des prestations de l'actuelle approche pour aider, d'où 400 $ pour les personnes qui prennent soins d'autres à domicile, ou les indemnités pour fauteuil roulant, ou le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Nous pensons qu'il est à tout le moins nécessaire d'examiner ce qu'il y a en ce moment, qui en profite et qui paie. En fait, je peux vous dire que nous avons retenu les services de divers spécialistes pour effectuer cette analyse de l'incidence de l'avantage fiscal.
Ainsi, après avoir documenté la situation actuelle et dans les grandes lignes ce que nous pourrions faire, vous soulevez une bonne question: quel est, selon le plan de crédit, notre cheminement vers l'avenir? Essentiellement, nous disons que si vous prenez les deux exemples des soins à domicile et de l'assurance-médicaments, le Forum national de la santé du premier ministre qui s'est tenu il y a trois ans les appuyait sans réserve. Pourquoi ces deux dossiers n'ont-ils pas progressé de façon significative? Nous pensons que c'est en grande partie un manque d'imputabilité et d'abordabilité. Il faudrait une somme d'argent tellement importante, et nous avons des estimations dont nous pourrions vous faire part qui ont été publiées cet après-midi même. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une somme d'argent tellement colossale qu'elle va probablement engorger le système pour ce qui est des transferts du fédéral aux provinces ou peu importe la méthode.
Nous croyons qu'il faudrait examiner cette possibilité quant au cheminement à suivre, utiliser dix et quinze cents dans le dollar, là où ces sommes auraient le plus d'incidence, c'est-à-dire pour les personnes qui n'ont actuellement pas droit à des prestations d'assurance-médicaments ou à des prestations d'assurance dentaire ou à toutes sortes de prestations. Les prestations complémentaires ou les autres prestations disponibles sont plutôt disparates. Si vous prenez les régimes complémentaires actuels que vous avez au gouvernement ou à l'AMC ou encore à la Fondation des maladies du coeur ou dans toutes les autres organisations pour lesquelles j'ai travaillé, vous pouvez constater qu'il y a toute une différence dans les prestations complémentaires de maladie. Nous pensons qu'en procédant par une sorte de système de crédit, des changements ciblés au système fiscal pourraient constituer le cheminement le plus réalisable pour l'avenir.
Le président: Très bien. Alors, vous conviendriez avec moi qu'il est préférable que nous ramenions le tout à des portions réalistes avec lesquelles on peut faire quelque chose, puis procéder de là?
M. Tholl: Mais avec un plan, monsieur le président. Si je peux utiliser une analogie, lorsque nous avons acheté notre maison il y a 11 ans, nous n'avions pas les moyens de payer...
Le président: Oh, je suis d'accord, vous voulez un apport.
M. Tholl: Oui, pouvons-nous avoir un plan?
Le président: Exact
M. Tholl: Par exemple, faire venir le service de décoration intérieure pour déterminer quelle pièce devrait être peinturée de quelle couleur, puis, oui, sur 11 ans - je viens de peindre la dernière pièce.
Le président: Je ne proposais pas de commencer et de décider après chaque étape de ce qui allait venir ensuite. Cependant, nous pouvons le faire de façon progressive, sinon cela ne se produira pas.
Le sénateur LeBreton: Docteur Haddad, vous faites des déclarations très révélatrices dans votre exposé et je pense que lorsque vous écoutez tous les témoignages présentés à ce comité, nous avons tous rencontré ce problème. Vous avez parlé de la rémunération et de la rémunération à l'acte et les décideurs disent depuis dix ans au moins que la rémunération à l'acte est à l'origine de tous nos problèmes, même si l'on n'a pas de preuves rigoureuses à cet effet. Si vous regardez les témoignages, toute la question des soins primaires ne cesse de revenir.
Vous avez dit que 50 p. 100 des médecins sont rémunérés à l'acte et que 42 p. 100 ont d'autres modes de rémunération. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les 42 p. 100.
Vous poursuivez ensuite en disant, contrairement à la croyance populaire, les médecins sont très ouverts à d'autres modes de rémunération. Dans un monde parfait - et ce n'est pas que nous vivons dans un monde parfait - quelle est la meilleure solution à cet égard? De plus, avant que vous nous répondiez au sujet des 42 p. 100, ce groupe se compose-t-il en majeure partie de salariés ou s'agit-il de postes à traitement annuel?
Le Dr Haddad: Les plus récentes données dont je dispose indiquent que 58 p. 100 des médecins sont rémunérés à l'acte. Cela veut dire que 90 p. 100 ou plus des revenus sont le résultat d'une rémunération à l'acte. Huit p. 100 reçoivent un salaire, 24 p. 100 sont rémunérés en vertu de divers modes, mais aucun d'entre eux représentant plus de 90 p. 100, et 5,4 p. 100 sont rémunérés à la séance ou par capitation. Tout ce que nous disons, c'est que vous devriez être payé en fonction de ce que vous faites.
Prenez-moi en exemple: je suis un universitaire. J'ai une rémunération en partie à l'acte et en partie pour l'enseignement. Je ne m'attends pas à voir autant de patients, par exemple, qu'un gastro-entérologue en pratique privée. En fait, je vois 50 p. 100 moins de patients. Donc, une plus grande partie de la rémunération correspond à ce que je fais comme médecin, mais, fait intéressant, cela a des répercussions sur l'effectif parce que je suis une entité. Je suis un gastro-entérologue dans le dossier de quelqu'un. Je devrais peut-être être la moitié d'un gastro- entérologue. Peut-être que nous pourrons aborder cette question plus tard.
Le sénateur LeBreton: Si je poursuis, cela nous ramène encore à la question des soins primaires par rapport aux soins spécialisés. Sommes-nous sur la mauvaise voie du fait que nous nous concentrons trop sur les médecins en soins primaires et pas assez sur les médecins spécialisés? Qu'en pensez-vous?
Le Dr Haddad: En fait, nous disons qu'il y a de nombreux avantages qui découlent des soins primaires. Nous pourrions mieux faire les choses et je pense que les médecins sont ouverts à cela. Ce que nos membres nous ont dit, et ce que la population nous a dit, lorsque nous leur avons posé la question, par exemple, dans le Bulletin national dont nous avons parlé, c'est que nous avons un problème d'accès. Nous avons eu le même résultat lorsque l'Association médicale canadienne a sondé les médecins canadiens par le biais du QRM, ou le questionnaire sur les ressources médicales, et aussi dans le cadre du projet Janus, un questionnaire du Collège des médecins de famille du Canada.
Quels sont les grands problèmes d'accès? Les spécialistes? La technologie? C'est drôle, nous parlons de choses comme les salles d'urgence et le fait que l'accès aux spécialistes soit un grave problème. Que s'est-il produit? La dernière fois que j'ai consulté les données, nous avions fermé 36 p. 100 de nos lits pour soins de courte durée dans cet hôpital. Je suis un universitaire. Nous avons fermé 22 p. 100 de nos lits d'enseignement au Canada.
On consacre très peu d'argent à l'infrastructure: la construction. Nous avons été témoins à Montréal de graves problèmes dans les salles d'urgence, de graves problèmes dans les salles d'opération. Ils ont dû fermer des salles d'opération pendant des semaines et des mois. J'allais mentionner la technologie, mais peut-être que le Dr Wright pourrait nous donner une touche locale à cet égard.
Dr Bruce Wright, président, Medical Society of Nova Scotia: Je pense qu'une partie de ce que nous voyons ici, c'est de la schizophrénie à l'endroit de notre système de soins de santé. J'ai utilisé ce terme en pesant bien mes mots, mais nous avons les résultats du récent sondage du Collège des médecins de famille qui indiquent que 30 p. 100 des Canadiens ont de la difficulté à avoir un médecin de famille, et par conséquent à accéder aux soins primaires. Pourtant, nous aurions de plus en plus la capacité de faire des choses si nous avions la technologie, si nous avions l'infrastructure, si nous avions les spécialistes.
Les choses vont dans deux directions différentes et il est extrêmement difficile de les ramener ensemble. Comme je le dis, il y a des gens qui n'ont pas accès aux soins primaires et il y en a qui ont besoin de certaines procédures sous-spécialisées ou de diagnostic et nous ne disposons pas de la technologie ou du soutien pour cela. Le défi pour un comité comme le vôtre est de marier ces deux points de vue presque contradictoires, et c'est là une des difficultés.
Sur le plan local, nous avons le même problème en Nouvelle-Écosse: les gens ont accès à des médecins de famille et ont accès à des soins spécialisés. Il y a une semaine, j'ai reçu une lettre d'un spécialiste d'Halifax qui me disait qu'il avait dû annuler des chirurgies nécessaires parce qu'il ne disposait pas des ressources nécessaires; des gens continuent de souffrir parce qu'ils n'ont pas pu avoir accès à ces choses.
Le sénateur LeBreton: Votre problème est donc double. Si vous avez des gens en soins primaires et vous leur dites d'emprunter telle voie, puis ils ont besoin de soins spécialisés ou de technologie. Vous avez un problème d'accès à deux niveaux. C'est bien ce que vous me dites?
Le Dr Wright: Oui.
Le sénateur LeBreton: Une dernière question. Je sais que c'est vrai et nous l'avons entendu à maintes reprises. Tous ces efforts déployés pour sortir les gens du système d'enseignement, je suppose que nous en étions tous responsables. Personne n'a pensé à ce qui se produirait dix ans plus tard. La situation s'améliore-t-elle? Commençons-nous à remonter la pente dans les hôpitaux universitaires, dans les universités et dans toute la profession médicale, pas seulement pour ce qui est des médecins, mais aussi du côté des techniciens, à votre avis?
Le Dr Haddad: Vous voulez dire sur le plan des nombres?
Le sénateur LeBreton: Oui.
Le Dr Haddad: En 1998, si je peux me rapporter à cette période, nous avions environ 1 550 étudiants de premier cycle dans nos 16 écoles de médecine au Canada. Suite à un rapport présenté au conseil général de 1998, la recommandation a été faite d'augmenter rapidement ce nombre à 2 000. Nous avons maintenant atteint 1 000. Ce n'est pas encore 2 000, mais nous avons fait une bonne partie du chemin.
Pour ce qui est des autres recommandations, notre organisme de même que le Forum médical canadien estiment que nous devrons très rapidement passer à 2 500 inscriptions dans nos écoles de médecine. Mon problème, en tant qu'universitaire, est que les écoles de médecine au Canada, nos 16 écoles de médecine, sont accréditées en vertu des mêmes normes d'agrément que les écoles américaines. En fait, il arrive souvent que les gens qui sont accrédités dans les écoles de médecine au Canada, et j'ai été accréditeur, sont une combinaison de Canadiens et d'Américains. Les normes sont les mêmes de sorte qu'on ne parle pas de critères de l'Ontario ou de critères du Québec. Ce sont des normes d'agrément nord-américaines.
Nous avons toutes les raisons d'être fiers de nos écoles de médecine au Canada. Il y a longtemps que j'ai jeté un coup d'oeil à la situation, mais je la suivais de très près lorsque j'étais vice-doyen. Les écoles de médecine du Canada étaient continuellement dans le premier tiers en Amérique du Nord, et je pense que c'est une réalisation dont nous pouvons être très fiers.
Mon inquiétude est qu'après avoir soudainement réduit les effectifs dans les écoles de médecine et réduit le nombre d'hôpitaux d'enseignement, nous demandons maintenant un influx soudain. Les écoles de médecine font augmenter rapidement le nombre d'étudiants admis et je ne pense pas que les écoles disposent de l'infrastructure humaine et matérielle pour le faire. En tant qu'universitaire, je m'inquiète beaucoup que la qualité de notre enseignement dans le domaine de la médecine risque d'en souffrir.
M. Tholl: Pour répondre à la même question, en plus de ce qu'a dit le Dr Haddad, outre l'augmentation du nombre d'inscriptions, il y a DRHC qui a annoncé récemment une étude de 5,5 millions de dollars sur deux ans et demi sur certains problèmes d'ajustement auxquels le Dr Haddad a fait référence.
Il y a aussi en préparation une étude générale et multidisciplinaire qui examinera de quelle façon nous planifions les besoins en ressources humaines de santé à venir, d'un point de vue des patients ou de la maladie, sur ce que seront les besoins, peu importe la façon d'y satisfaire au départ. Ainsi, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association médicale canadienne et l'Association des soins à domicile envisagent une véritable évaluation des besoins en matière de santé au Canada qui aidera à éclairer ces décisions prises prospectivement.
Je suppose que l'autre bonne nouvelle, si on exclut le fait que nous travaillons ensemble, c'est que les gouvernements commencent à comprendre, à mon avis. On a maintenant un processus auquel participent les gouvernements que l'on appelle le Groupe de travail deux, le Groupe de travail un est celui auquel a fait référence le Dr Haddad et qui était l'initiative qui a permis de remettre en branle les inscriptions. Le Groupe de travail deux est une initiative multidisciplinaire qui demande un engagement. En fait, le sous-ministre qui assure la liaison est un médecin de la Nouvelle-Écosse, le sous-ministre ici en Nouvelle-Écosse. Ce serait là, je suppose, la troisième raison d'être optimistes.
Le sénateur LeBreton: Il y a donc cette étude en cours, mais quel est son échéancier? En effet, pendant qu'elle se déroule, le problème persiste. Vous faites ensuite rapport de votre étude. Toutes les ressources seront parties lorsque vous en connaîtrez les résultats. Que faites-vous dans une telle situation? Faire une étude est une chose, régler les problèmes en est une autre.
Le Dr Haddad: Madame le sénateur, vous avez tout à fait raison. Il faut de six à huit ans pour former des médecins de famille, dix ans ou plus pour les spécialistes. Nous avons effectivement un problème d'accès. Le Dr Wright a parfaitement raison lorsqu'il dit qu'il y a un problème d'accès. Après tout, 30 p. 100 des Canadiens n'ont pas un médecin de famille.
En fait, j'étais interviewé hier au réseau CPAC, et je mentionnais à l'intervieweur que ma fille a déménagé du côté de l'Outaouais il y a deux ans. Je suis maintenant le président de l'AMC. Je n'interviens pas, et elle ne veut pas que je le fasse, mais elle ne peut pas se trouver un médecin de famille. Elle a essayé à plusieurs reprises de s'en trouver un, mais peine perdue. Lorsqu'elle est malade, j'appelle un de mes amis du côté d'Ottawa qui me rend un service et la reçoit en consultation. Il y a donc des problèmes d'accès. Soixante-dix pour cent des médecins de famille au Canada ne prennent tout simplement plus de nouveaux patients.
Le sénateur LeBreton: Je le sais.
Le Dr Haddad: Ils ne prennent tout simplement plus de nouveaux patients, et c'est très inquiétant. Nous avons essayé de dresser une vue d'ensemble. Par exemple, augmentons le nombre d'étudiants de premier cycle, augmentons le nombre de résidents. On ne compte plus les têtes, ce que nous faisions auparavant, parce que ces têtes ne font plus la même chose. Je suis l'exemple parfait de celui qui ne fait pas la même chose qu'un autre en pratique privée.
Nous serons les chefs de file dans le monde si le Groupe de travail deux livre ce que nous pensons qu'il livrera parce que dans le reste du monde, on continue de compter des têtes, c'est du moins ce que je pense.
Le sénateur LeBreton: Oui.
Le Dr Haddad: Ils font des erreurs. Nous en avons commis une superbe en 1992 lorsque nous avons dit que nous avions trop de médecins, et nous sommes venus à cette conclusion en comptant les têtes. Que pouvons-nous faire pour demain? Ce n'est pas le travail acharné qui le fera, ce n'est pas le travail plus intelligent qui le fera. Nous devons augmenter les nombres. Autrement dit, diminuer la demander et augmenter les nombres.
Une des idées que nous avons eues, dont nous avons fait part au comité sénatorial permanent des finances, est que nous savons qu'il y a 10 500 médecins chez nos voisins du Sud. Mille d'entre eux sont le long de la frontière et ils exercent des deux côtés de celle-ci. Nous savons aussi qu'il y a un groupe de travail sur les soins de santé, des infirmiers, des infirmières et des technologues, du côté américain également, mais je n'en connais pas le nombre. J'ai posé la question mais je n'ai pas pu obtenir le nombre. Nous disons donc que si ce que nous dit la population canadienne est exact, alors le gouvernement doit reconnaître et nous devons reconnaître que nous traversons des crises de courte durée et que puisque nous envisageons en fait des solutions à long terme, pourquoi ne pas essayer de rapatrier un certain nombre de ces médecins au Canada?
Le sénateur LeBreton: Oui.
Le Dr Haddad: Nous nous sommes alors dit: «Consentons-leur un allégement fiscal, disons, de 50 p. 100 pour trois ans, une entente unique, pas seulement pour les médecins, mais pour tous les travailleurs de la santé». C'est une solution qui pourrait nous aider. Nous sommes en face de nombreux aspects de notre crise en matière de main-d'oeuvre.
Le Dr Wright: Puis-je ajouter quelques observations? Pour un des problèmes que nous avions à l'échelle locale, nous avons interverti les mots. Nous parlions auparavant de recrutement et de conservation de médecins. Nous parlons maintenant de conservation et de recrutement car nous prétendons qu'il est beaucoup moins dispendieux de me garder dans la province que de me voir partir et de devoir alors recruter quelqu'un d'autre pour me remplacer. La difficulté, c'est de trouver un équilibre au sujet des incitatifs dont le Dr Haddad a parlé pour les gens qui restent. Que faites-vous au sujet de la personne qui a décidé de rester alors que vous versez une grosse somme d'argent à quelqu'un pour l'inciter à revenir ou à venir s'établir dans la province? C'est une première chose.
De plus, dans son exposé, le Dr Haddad a parlé d'évolution et non de révolution. Il faut procéder de façon ordonnée. Vous ne pouvez pas redessiner la coque d'un navire dans le milieu de l'océan car vous n'avez pas la possibilité de trouver une cale sèche à cet endroit. Ainsi, nous devons faire évoluer tout ce processus. Nous ne pouvons pas faire tout d'un coup un virage à gauche ou un virage à droite avec ce processus.
Le sénateur LeBreton: Lorsque vous parliez de l'augmentation dans les écoles de médecine, vous parliez des écoles en Amérique du Nord et du fait qu'il y a des étudiants en médecine au Canada qui sont des Américains. Lorsque nous examinons le nombre de diplômés de nos écoles de médecine, nous savons que nous allons en perdre un nombre important au profit des États-Unis, n'est-ce pas? Nous formons des médecins ici et...
Le Dr Haddad: Non. Je crois comprendre que les écoles de médecine au Canada ont habituellement un contingent d'étudiants canadiens. Par exemple, prenez ma faculté de médecine. Nous avons, disons, 120 places disponibles pour des Canadiens.
Le sénateur LeBreton: Mais s'il y en a seulement 100...
Le Dr Haddad: Non. Sûrement pas. Nous comblons très facilement les 120 places.
Le sénateur LeBreton: Ah oui?
Le Dr Haddad: Une chose que nous avons encore ici au Canada, comparativement à d'autres pays comme l'Angleterre et les États-Unis, c'est que nous continuons d'attirer les meilleurs étudiants. Ce n'est pas le cas en ce moment aux États-Unis, ni même en Angleterre. Nous sommes très chanceux. Nous avons la crème de la crème, comme on dit en français, qui veulent encore devenir des médecins.
L'autre question que j'aimerais aborder, puisque nous parlons des ressources, c'est celle des Autochtones. Comme je l'ai mentionné, nous avons un écart incroyable pour ce qui est de l'état de santé de nos citoyens autochtones comparativement au reste de la population. Nous parlons d'une fréquence de 2, 3 et même 4 fois pour ce qui est des maladies courantes tels que le diabète, les maladies cardiovasculaires, l'hypertension et les maladies sociales.
Pour ce qui est des Autochtones, il y a une diminution de huit ans de la longévité à la naissance. Il a été démontré que la morbidité chez les enfants autochtones victimes d'accident est huit fois supérieure à ce qu'elle est pour les enfants non autochtones. Nous avons donc des écarts considérables sur le plan de la santé, en plus d'avoir un problème d'accès culturel.
Comme je l'ai mentionné précédemment, nous ne comptons que 50 médecins autochtones au Canada. Je me suis peut-être trompé pour ce qui est du nombre, il y en a peut-être un peu plus, ou un peu moins. Ce que nous, à l'AMC, avons essayé de faire, c'est de trouver une façon d'accroître le nombre d'étudiants autochtones en médecine au Canada, et de le faire rapidement. Nous offrons des bourses, mais ce n'est pas suffisant.
La santé des Autochtones est de compétence fédérale. J'ai mentionné que les écoles de médecine ont un nombre réservé de places. Par exemple, disons que l'Université de Toronto a 200 places. Nous recommandons au gouvernement fédéral de financer les places en sus de 200 pour des étudiants autochtones en médecine. Ainsi, par exemple, il y aurait comme à l'habitude 200 places réservées et il faudrait alors acheter de l'Université de Toronto cinq places additionnelles. Le nombre reste à déterminer. Nous pouvons décider de l'école de médecine où les envoyer. Nous pensons que ce serait une façon formidable d'encourager les étudiants autochtones à étudier en médecine et, par le fait même, une façon d'accroître à moyen terme le nombre de médecins autochtones.
Le président: Vous savez à quel point les gouvernements aiment les précédents. Si vous cherchez un précédent pour votre proposition d'ordre fiscal, renseignez-vous sur le précédent qu'on a utilisé à la fin des années 60 ou au début des années 70 pour attirer des universitaires des États-Unis au Canada. L'entente était - et je vous suggérerais d'obtenir les chiffres précis - en fait, je pense qu'ils étaient exemptés d'impôt, du moins pour une période de deux ans. Quoi qu'il en soit, le ministère des Finances adore les précédents, et il y en a un.
Le Dr Haddad: Puis-je vous donner un autre précédent, d'actualité? Le gouvernement du Québec...
Le président: Il serait de beaucoup préférable que vous ayez un précédent fédéral, et c'est d'un précédent fédéral dont je vous parlais.
Le Dr Haddad: Mais il y a en ce moment un précédent au Québec par lequel ils attirent...
Le président: Exact. Je comprends tout cela, mais je vous parle de la façon dont les gens pensent, la façon dont les fédéraux pensent.
Le sénateur Cook: Mes questions sont de nature générale. J'aimerais parler un peu de la nécessité de mettre au point des programmes d'études professionnelles de base. Un témoin que nous avons entendu plus tôt cet après-midi y a fait allusion. En guise de contexte, je viens de Terre-Neuve. Au milieu des années 80, la profession d'infirmier et d'infirmière dans cette province a jeté un coup d'oeil sur ceux qui faisaient des études dans le domaine, et c'est moi qui présidais l'étude. Nous avons constaté que les infirmières auxiliaires autorisées suivaient leurs cours dans un collège communautaire, que les infirmières autorisées suivaient leurs études dans une école de sciences infirmières, et nous en avions trois dans la ville, et que l'Université Memorial délivrait un baccalauréat en sciences infirmières dans deux campus. Nous nous sommes dit que ce n'était pas une façon très efficace d'utiliser les ressources ou l'argent de sorte que nous avons entrepris d'examiner la proposition d'un programme d'études de base.
C'était au milieu des années 80. Il nous a fallu jusqu'en 2000, qui était notre objectif, et nous l'avons appelé BN 2000. Tout au long du cheminement, il y avait les incitatifs appropriés, des départs et des arrivées, même au niveau des IAA, qu'une infirmière pouvait prendre un, deux ou trois crédits si elle voulait faire des choix pour progresser dans la profession. Je me demande seulement à quel point c'est pratique, ou nécessaire, d'amener un tel programme d'études?
Le Dr Haddad: Je ne sais pas si un de mes partenaires ici peut m'aider, mais je n'ai vraiment pas d'opinion.
Le sénateur Cook: Nous entendons beaucoup parler, plus particulièrement maintenant, des infirmières praticiennes. Elles se rapprochent de la profession médicale et elles travaillent dans des secteurs désignés. Je pense que nous produisons un meilleur travailleur pour le système de santé.
Le Dr Wright: À l'heure actuelle, en Nouvelle-Écosse, nous avons quatre projets de démonstration dans le cadre desquels nous avons une pratique en collaboration d'infirmières praticiennes et de médecins. Le bulletin final n'est pas encore sorti, et les projets étaient financés par le fédéral. Le problème est que les projets ont été énormément plus dispendieux qu'on l'avait prévu. Ils n'ont pas permis d'économiser de l'argent. Ils ont peut-être permis de réorienter les soins que les gens reçoivent et les personnes qui les prodiguent, mais je ne pense pas qu'ils aient permis des économies au sens de donner plus de soins pour les mêmes dollars, ou les mêmes soins pour quelques dollars de moins. Du moins, c'est ce qui s'est passé dans ce cas.
Le Dr Haddad: Je pense que les expériences tentées dans les collectivités rurales et éloignées ont donné les mêmes résultats en ce qui concerne le travail des infirmières praticiennes; on a constaté que c'était une façon de faire efficace sur le plan des coûts qui permettait de réduire le temps d'accès à des médecins. Cependant, il n'y avait pas de changement pour ce qui est des coûts globaux. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Cook: D'un point de vue de l'enseignement, la création de cours appropriés supplémentaires n'a pas été efficace sur le plan des coûts. Est-ce bien ce que vous me dites?
M. Tholl: J'aurais deux points à mentionner, et j'aimerais pouvoir vérifier les faits au sujet de mon premier point, qui est que cela faisait partie de la vision à l'Université McMaster. McMaster était une des quatre nouvelles écoles de médecine qui ont ouvert leurs portes en 1971, tout comme l'Université Memorial, et cette vision était qu'ils exposaient les étudiants de différentes disciplines à au moins un programme d'études coordonné, sinon central. Je pense qu'on y gagnerait à examiner l'expérience de McMaster sur le plan des efforts déployés.
Mon deuxième point, le programme d'infirmières praticiennes en Ontario. Ils ont formé les infirmières praticiennes, et ils n'ont pas changé la loi, apporté des modifications pour ce qui est de la capacité d'exercer, de sorte que vous avez pratiquement une génération d'infirmières praticiennes qui est perdue. À mon avis, les preuves abondent amplement dans le sens de ce que vient de dire le Dr Haddad au sujet des infirmières praticiennes, à savoir qu'elles n'entraînent pas de coûts mais que dans certaines situations, elles représentent un mécanisme très efficace sur le plan des coûts pour satisfaire à des besoins non satisfaits.
Comme dernier point, mais non le moindre, m'inspirant de ce qu'on dit les témoins qui m'ont précédé au sujet du cadre des fonctions, je pense que nous vivons une période très intéressante au Canada, à savoir que notre manque de travailleurs de la santé sur toute la ligne est tellement chronique que les empêchements traditionnels à une bonne affectation des tâches sont peut-être moins nombreux.
Nous serions heureux de communiquer au comité ce que nous pensons qui est une approche passablement riche en enseignements pour définir les champs de pratique, que nous avons faits parvenir à d'autres disciplines. Notre document sur les champs de pratique a reçu un très bon accueil. Essentiellement, on dit qu'ils doivent être axés sur les compétences, qu'ils doivent être axés sur l'enseignement plutôt que sur les intérêts. Nous serions heureux d'en faire part au comité. Nous pensons qu'il s'agit d'une prochaine étape importante.
Le Le Dr Wright: Uniquement à titre de précision, nous collaborons avec l'Association des infirmières autorisées à une mesure législative destinée aux infirmières praticiennes. Nous envisageons deux groupes de personnes: un premier est celui des infirmières spécialisées dans un centre de soins tertiaires qui exécutent plusieurs fonctions. J'utiliserais l'exemple de l'appareil de dialyse, où l'infirmière exécute plusieurs fonctions auparavant exécutées par un médecin. Il y a plus pour ce qui est des projets de démonstration en soins primaires. On trouve maintenant dans cette mesure législative l'expression «pratique de collaboration». Ainsi, on l'aura en Nouvelle-Écosse. Cependant, il n'y a eu encore pour l'instant aucune discussion sur la façon de le financer.
Le sénateur Cook: Un point intéressant que nous avons vu dans ce processus c'était que l'étudiant au niveau universitaire attendait à sa deuxième année du programme avant de voir un patient, et il y a un bon nombre de ces étudiants qui ont alors dit, «ce n'est pas pour moi». C'était un des avantages que nous avons vus, même du point de vue d'un éducateur. Je pense que nous devons sortir des sentiers battus lorsque nous envisageons la façon de donner les meilleurs soins aux Canadiens dans notre système de santé, et examiner toutes les options.
Le Dr Haddad: Je pourrais ajouter que dans les écoles de médecine au Canada, les étudiants sont en contact avec des patients dès la première année. Je sais que dans mon école de médecine, ce qui est très intéressant, c'est que nous n'envoyons pas les étudiants dans les hôpitaux universitaires. On les envoie dans les collectivités, parfois très isolées, pour travailler avec les médecins qui font des visites à domicile, et tout le reste. Ainsi, ils sont vraiment aux premières lignes. Ils ont une vraie idée de ce qu'est la médecine, pas dans le sens universitaire, mais dans les collectivités, et ils adorent cela. Ils en reviennent enchantés. Je n'ai pas vu beaucoup d'étudiants qui ont changé d'idée et voulu faire autre chose, de sorte que je pense que ces critères d'admission fonctionnent.
Le sénateur Robertson: Je tiens à féliciter mon ami du Nouveau-Brunswick quant à sa future tâche. Monsieur le président, je n'aurais que quelques questions relativement brèves.
Je ne suis pas certaine où - je pense que c'était sur votre site Web ou peut-être que c'était à Vancouver, mais l'AMC nous a informé qu'elle répondrait à chacune de nos questions et options. Il y en a quelques-uns parmi nous qui avaient bien hâte d'avoir ce document.
Le président: Je pense que c'est également le cas pour les témoins.
Le sénateur Robertson: Pouvez-vous nous dire peut-être à quel moment nous pourrions recevoir ce document? Je comprends que vous êtes tous très occupés, mais nous avons bien hâte de l'avoir.
Le Dr Haddad: Nous avons mentionné au début qu'on y travaillait encore. L'AMC doit parvenir à un consensus avec ses partenaires. Ce n'est pas toujours facile, mais nous nous y employons, et ce sera le plus tôt possible. Vous serez les premiers à l'apprendre.
Le sénateur Robertson: Nous pourrions peut-être l'avoir comme cadeau de Noël?
Le président: Comme vous le savez, le sénateur Robertson était une ministre provinciale de la santé et ceux et celles d'entre nous qui ont été mêlés aux relations fédérales-provinciales depuis les décennies représentées autour de cette table pensent que chaque fois que vous pouvez avoir un consensus c'est un exploit, même si cela prend du temps, nous comprenons le problème.
M. Tholl: Nous essayons de le faire différemment cette fois-ci.
Le sénateur Robertson: Oui.
M. Tholl: Il s'agit d'un processus qui part vraiment de la base, qui se fait dans les divisions de l'AMC et, comme vous le savez tous deux, créer un consensus est quelque chose d'important, mais il faut du temps. Nous sommes très heureux d'avoir obtenu ce consensus à l'égard de notre document cadre que nous avons remis à l'autre place, à M. Romanow, et je pense que le comité en a également reçu un exemplaire. C'est le cadre que nous essayons d'appliquer. Je peux toutefois vous dire que dans des domaines à l'exception des finances, nous avons déjà un très large consensus.
Vous ne seriez pas surpris d'apprendre que sur la question du ticket modérateur, les gens ont des conceptions différentes de ce que signifie ou ne signifie pas le terme «ticket modérateur», ou encore de ce que signifie un compte d'épargne-santé et les autres recommandations ou questions dont il est question dans votre rapport. C'est donc dans le domaine des finances que nous ne parvenons pas à faire le consensus. Cela vous aide peut-être à voir où nous en sommes. De toute évidence, nous sommes encore déterminés à tout faire en notre possible pour obtenir ce consensus, et nous espérons le faire d'ici Noël.
Le sénateur Robertson: Merci beaucoup pour cela. Ce sont les finances qui vous arrêtent.
Ma question suivante a trait en quelque sorte à la situation financière dans laquelle les provinces se retrouvent, la prestation des services. Je ne peux parler que de ce qu'on dit les témoins, ou réitérer ce qu'ils ont dit. Je suis convaincue que le Dr Haddad me voit venir. Que font les provinces lorsqu'elles ont du matériel mais qu'elles n'ont pas l'argent pour engager le personnel nécessaire pour des périodes suffisantes permettant de faire un bon usage de ce matériel?
Par exemple, dans un hôpital près de l'endroit où j'habite, il y a huit salles d'opération et on en utilise peut-être seulement la moitié parce que le personnel de soutien, les infirmiers et infirmières, les anesthésistes et les médecins ne peuvent tout simplement pas travailler tout le temps, et ils n'ont pas le personnel suffisant pour les garder ouvertes. Les files d'attentes s'allongent. Avant que vous commenciez à répondre à la question, je rajouterai une de mes préoccupations, si vous me le permettez.
Les gens demandent ce que nous pouvons faire à ce sujet. Je ne sais pas ce qu'ils font à ce sujet parce que s'ils peuvent trouver l'argent, si le système était géré différemment, mais comme je ne suis pas dans le milieu, je ne sais vraiment pas ce qu'il faudrait faire.
Je suis convaincue que vous êtes tous au courant du projet du Dr McGowan de l'hôpital Sunnybrook, où il exploite une clinique privée, les Canadian Radiation Oncology Services. Il se sert de l'équipement de l'hôpital Sunnybrook en oncologie et c'est une exploitation privée. Lorsque l'hôpital ferme son système en raison d'un manque de personnel et que la liste d'attente en radiologie ne cesse d'augmenter, alors on lui permet, en tant qu'exploitant privé, d'utiliser les installations et de raccourcir la liste d'attente. Ce projet semble fonctionner très bien.
Je ne sais pas s'il y a là une possibilité pour nous de faire cela dans une autre situation, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce processus ou de cette application des soins de santé privés qui prennent la relève lorsqu'il y a pénurie dans les soins de santé publics. Un peu comme les salles d'opération dont je parlais plus tôt qui ne servent pas parce qu'on n'a pas le personnel ou l'argent. On doit avoir d'abord l'argent pour engager le personnel. Approuveriez-vous quelque chose du genre, un service privé?
Le Dr Haddad: Puis-je demander si cette installation a un contrat public. Y a-t-il sous-traitance...
Le président: Oui. Permettez-moi de vous dire en quelques mots comment cela fonctionne. Ils louent tout simplement les installations de l'hôpital Sunnybrook. Tous leurs patients sont des patients couverts par le régime d'assurance-maladie de sorte que même si c'est une clinique privée, ils ne traitent que des patients couverts par le régime d'assurance-maladie et ils reçoivent du RAMO une rémunération au patient. Ils travaillent de 18 h 30 à 22 h 30.
Le sénateur Robertson: Ils reçoivent le même montant que s'ils avaient travaillé pendant les heures régulières au service d'oncologie.
Le Dr Haddad: Non. Je n'ai vraiment aucun problème à ce sujet parce que dans ce cas-ci, il s'agit de services privés rendus en vertu d'un contrat public, imputables au système de soins de santé public.
Le sénateur Robertson: Oui.
Le Dr Haddad: Regardons ce qui se passe du côté des médecins. Les médecins sont rémunérés par des fonds publics, mais la plupart des médecins sont des travailleurs privés.
Le sénateur Robertson: C'est exact.
Le Dr Haddad: Ils travaillaient en tant qu'entrepreneurs privés en fait, si je peux utiliser ce terme.
Le sénateur Robertson: Oui, en effet.
Le Dr Haddad: Le problème que nous avons a trait à l'utilisation des mots «pratique privée». C'est ce que nous n'acceptons pas.
Le président: Je suppose que c'est vraiment une question/observation. Dans la partie de votre document qui traite de l'imputabilité, vous parlez d'un partenariat renouvelé, c'est le mot que vous utilisez, entre les intervenants, soit les gouvernements, les prestateurs et vous-même, et les patients. Nous sommes entièrement d'accord. La question est: à quoi ressemble ce mécanisme?
Ce matin, le Dr Nestman de l'École d'administration des services de santé de l'Université Dalhousie nous a fait un exposé dans lequel il disait qu'il examinait uniquement les questions fédérales-provinciales. À la fin de son exposé, au moment où nous interrompions nos travaux pour le déjeuner, nous lui avons demandé de bien vouloir réfléchir à la façon que nous pourrions réunir dans le système les fournisseurs et les patients. C'est simplement parce que l'un des dangers avec les décideurs gouvernementaux qui conçoivent le système d'eux-mêmes, c'est qu'il n'y a pas moyen de savoir comment fonctionnera le système, en pratique.
Par conséquent, je pense que nous avons besoin de beaucoup d'imagination créatrice de la part d'un grand nombre d'entre nous quant à ce à quoi pourrait ressembler ce mécanisme compte tenu, par exemple, que l'autorité décisionnelle ultime, dans le présent cas, appartient à ceux qui paient les facture, c'est-à-dire les gouvernements.
Le Dr Nestman et moi avons eu une discussion sur ce sujet particulier pendant le déjeuner, ce qui a été très utile. Plus les témoins peuvent réfléchir à ce sujet et en discuter de façon informelle avec nous, mieux c'est parce que je pense qu'à un moment donné nous devons cesser de dire: «Super, c'est une très bonne idée» et dire: «Voici une proposition très précise, concrète, avec les points sur les «i» et les barres sur les «t» de sorte que les gens peuvent soit l'accepter, soit la rejeter».
Vous voulez peut-être faire une observation générale, mais plus vous approfondissez la réflexion dans ce sens, mieux c'est. Il faudra passablement d'imagination créatrice pour réussir. Si vous ou l'un d'entre vous pouvez le faire, ce sera très utile.
Le Dr Wright: Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de ce concept, mais vous avez dit plus tôt qu'il fallait le faire par portion réaliste. C'était d'ailleurs mon analogie au navire. Je pense que vous devez avoir un projet plus grand qui démontre que cette forme de réflexion donnera des résultats de sorte que les gens l'accepteront. Si c'est sur une feuille de papier et que vous annoncez tout d'un coup que tous les médecins de la Nouvelle-Écosse ou toutes les infirmières praticiennes vont faire ceci, cela, et bien d'autres choses, vous pourriez ne pas avoir les résultats que vous espérez. Un des concepts auxquels nous songeons à la Société médicale de la Nouvelle-Écosse est un projet plus vaste de soins primaires. Nous ne l'avons pas encore tout à fait conçu, mais nous avons suggéré à une collectivité d'y songer en tant que projet collectif, avec 15 ou 20 médecins ou plus, et de le considérer du point de vue d'un modèle beaucoup plus large plutôt que de se limiter à un médecin et à une infirmière praticienne.
Un exemple du genre vous donnerait la possibilité d'examiner les problèmes de croissance du système et de le peaufiner avant d'essayer de le faire accepter par qui que ce soit d'autre.
Le président: Exact.
Le Dr Wright: C'est le genre de projet que nous venons de mentionner à la réunion de notre conseil d'administration.
Le président: Bien. Tout ce que je cherchais à souligner, c'était au niveau de la politique, parce qu'à ce niveau, de par sa nature, les choses ne se font pas de façon progressive, du moins en ce qui concerne le gouvernement fédéral, en ce sens qu'il couvre tout le monde. Bien que je sois en faveur de faire les choses de façon progressive en ce qui a trait aux changements fiscaux parce que je crois que cela vous permet de progresser lentement, selon l'interprétation que j'ai donnée à votre question d'imputabilité, il me semble que nous avons probablement besoin d'un projet pilote plus vaste. Je comprends ce que vous faites, de quoi vous parler.
M. Tholl: Si vous me permettez, j'aurais deux observations. Tout d'abord, il y a plein de choses qui vont bien à ce moment-ci pour ce qui est de l'Institut canadien d'information sur la santé, des Instituts de recherche en santé du Canada. Je pense plutôt aux nouveaux instituts sur les services de santé, la politique de santé avec Morris Barer et le Service de recherche en santé de la population. Il s'agit là d'éléments importants d'imputabilité à venir.
L'ennui, c'est que personne ne peut en réalité examiner de façon détachée l'efficacité des politiques et évaluer le changement fondamental. Il y a les spécialistes en information qui peuvent donner l'information et faire une analyse descriptive. Il y a aussi, comme je le dis, les instituts des IRSC qui peuvent peut-être s'ajouter pour ce qui est des recherches.
Je pourrais également ajouter que certains comités consultatifs fédéraux-provinciaux commencent à s'ouvrir un peu, juste un tout petit peu. Je pense que ce sont de bonnes nouvelles. D'après moi, nous devons examiner les progrès réalisés et comment tout intégrer de façon utile, non menaçante, à ceux dont vous avez parlé. En fin de compte, vous devez pouvoir regarder les contribuables et les électeurs bien en face.
Peut-être que l'idée qui a reçu beaucoup d'attention au fil des ans est celle d'un conseil canadien de la santé, Brookings North. On l'a décrite de différentes façons: chirurgien général North, en tant que haut fonctionnaire du Parlement, un peu comme le commissaire à la protection de la vie privée ou le commissaire à l'information. En passant, l'idée n'est pas venue de l'AMC, elle est en fait venue de l'ancienne Association des hôpitaux du Canada. Cela fait déjà longtemps qu'elle circule.
Il y a sûrement des documents qui ont été préparés au fil des ans que vous pourriez certainement faire parvenir au comité, et nous aimerions beaucoup vous en parler.
Le président: Oui. Plus nous avons de détails, plus vite nous pouvons commencer à rédiger notre rapport, et ce serait utile. Merci à tous d'être venus. Nous vous savons gré d'être venus dans notre coin de pays. Si je regarde autour de la table, à l'exception d'une personne, nous venons tous de la région de l'Atlantique. C'est superbe.
Pourrais-je demander à notre prochain groupe de témoins de s'avancer?
Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente: Honorables sénateurs, notre dernier groupe de témoins de la journée se compose du Dr Desmond Leddin, chef, Division de la gastro-entérologie, de l'Université Dalhousie, du Dr George Kephart, directeur, Unité de recherche en santé de la population, département de santé communautaire et de l'épidémiologie, du Dr Kenneth Rockwood, faculté de médecine, Division de la gériatrie, et de Ryan Sommers, du conseil de santé communautaire de Cobequid.
Vous avez la parole.
Le Dr George Kephart, directeur, Unité de recherche en santé de la population, Département de la santé communautaire et de l'épidémiologie, Université Dalhousie: La Loi canadienne sur la santé stipule que les Canadiens devraient recevoir les services dont ils ont besoin. Il est donc implicite d'après cette loi que les services devraient être donnés en fonction du besoin.
L'objet de mon exposé est triple: tout d'abord, documenter les différences au niveau de l'état de santé et de la structure par âge des populations provinciales; ensuite, attester que l'actuelle attribution des transferts fédéraux au titre des soins de santé se fait uniquement en fonction du nombre d'habitants et ne tient pas compte des différences dans l'état de santé et la structure par âge des populations. J'exhorte le comité à reconnaître explicitement ce fait dans son rapport et dans ses recommandations, et j'exhorte le gouvernement fédéral à chercher des façons d'attribuer plus équitablement les transferts fédéraux au titre des soins de santé.
Quels devraient être les principes directeurs pour ce qui est de l'attribution des transferts fédéraux au titre des soins de santé - et c'est une question différente de savoir quel montant vous attribuez? Cependant, compte tenu du montant que vous attribuez, comment décidez-vous de la façon de le faire? Deux principes devraient s'imposer: l'équité et l'efficience. Pour ce qui est de l'équité, c'est la notion d'une attribution inégale pour un besoin inégal. Autrement dit, l'équité n'est pas nécessairement l'attribution strictement égale par habitant.
De plus, il y a l'efficience qui y est étroitement reliée. Une répartition efficiente des ressources exige que ces dernières soient réparties en fonction des besoins et de l'avantage éventuel; en d'autres mots, l'efficacité. Les ressources doivent être investies là où on en a le plus grand besoin. Les ressources doivent être investies dans les activités qui procurent les plus importants avantages par dollar dépensé. Les ressources doivent également être investies en fonction d'objectifs à plus long terme: de toute évidence, gérer de façon efficace et efficiente et régler les problèmes de santé actuels dans la population; améliorer l'état de santé de la population et améliorer l'efficacité et l'efficience du système de soins de santé.
À l'heure actuelle, au Canada, il y a deux importants transferts fédéraux qui sont directement liés aux soins de santé, ou du moins qui y sont étroitement liés, à savoir tout d'abord le TCSPS, ou le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le TCSPS est pour l'instant attribué uniquement en fonction du nombre d'habitants, selon la taille de la population. Fait intéressant, au moment où le TCSPS a été mis en oeuvre, les plafonds historiques des programmes antérieurs ont été reportés, de sorte que certaines provinces n'ont pas reçu les transferts correspondants à leur population. Par exemple, l'Ontario a reçu moins d'argent par habitant au début dans le cas du TCSPS. Dans les budgets récents, le gouvernement fédéral a entrepris de faire de ce transfert une affectation uniquement par habitant. On en a fait tout un plat dans les documents du budget fédéral.
Des paiements de péréquation sont versés aux provinces plus pauvres, mais il importe de se rappeler que les paiements de péréquation sont conçus pour combler la différence dans la capacité fiscale des provinces. Autrement dit, les provinces ont des recettes moyennes inférieures et génèrent des recettes par habitant inférieures en vertu du système fiscal. La péréquation vient compenser cela.
Cependant, en vertu des actuelles formules de péréquation, même après péréquation, les provinces les plus riches continuent de générer plus de recettes par habitant au même taux d'impôt réel. Autrement dit, même après la péréquation, il y a encore des différences dans la capacité fiscale des provinces. Le programme n'engendre pas une capacité fiscale plus élevée dans les provinces plus pauvres.
Comment se comparent les provinces pour ce qui est de leurs besoins en services de soins de santé? Nous avons publié un rapport en septembre dernier intitulé «Federal Funding for Health Care: Are Provinces Getting their Faire Share?» Nous avons distribué un exemplaire du rapport aux membres du comité. Il n'est pas surprenant de constater qu'il ne correspond pas aux nombreuses études et nombreux documents antérieurs. Ce rapport indique qu'il y a des différences importantes dans l'état de santé entre les provinces. Certaines provinces, notamment la Nouvelle-Écosse, affichaient pour un large éventail d'indicateurs un état de santé plus faible. En fait, la Nouvelle-Écosse se trouvait dans les trois premières provinces. D'autres provinces qui ont des besoins élevés, par exemple la Saskatchewan et le Manitoba, viennent aussi en tête de liste en raison de la répartition des personnes âgées dans ces provinces. D'autres provinces, comme l'Alberta, occupent constamment un rang élevé, par exemple, pour un éventail d'indicateurs différents de besoins.
Quelle est la différence au niveau des besoins? Nous avons élaboré une série de modèles, dont certains sont tirés de l'Enquête nationale sur la santé de la population. Nous avons également pris des modèles actuellement utilisés pour l'attribution des ressources au Royaume-Uni, et que nous avons adaptés au Canada. Nous avons ainsi obtenu plusieurs modèles comparatifs. Ces modèles nous indiquent clairement que les provinces qui ont des besoins élevés peuvent avoir un besoin par habitant de 10 à 15 p. 100 supérieur en ce qui concerne les services de soins de santé, comme des services hospitaliers et des services de médecins omnipraticiens, à la moyenne canadienne, tandis que les provinces qui ont le moins de besoins ont un besoin par habitant de 5 à 10 p. 100 inférieur pour ce qui est des services de soins de santé. Par habitant, cela donne une différence assez radicale. Bien que nous ne recommandions pas un modèle précis, notre rapport indique clairement que divers modèles donnent lieu à des conclusions passablement semblables: qu'il y a des écarts importants dans le besoin par habitant entre les provinces.
Quelles sont alors les répercussions du système actuel? Si on répond de façon uniforme aux besoins plus élevés d'un bout à l'autre du pays, alors les provinces qui ont les besoins les plus élevés devront dépenser davantage par habitant dans leur province pour les soins de santé, et ce n'est pas le cas. Ce besoin n'est pas corrélé aux dépenses par habitant, même si vous tenez compte des rajustements pour des aspects comme les niveaux de salaire. En outre, les provinces qui ont des besoins élevés sont défavorisées à de nombreux égards.
Le TCSPS comprend également des transferts d'argent pour les services communautaires et l'éducation. Lorsque vous y pensez bien, les provinces qui ont des besoins élevés ont également tendance à être pauvres. Elles finissent par avoir une capacité fiscale moindre, même après la péréquation. La migration les désavantage également. Par exemple, dans les provinces de l'Atlantique, on constate une migration de sortie des jeunes adultes d'âge actif qui vient réellement améliorer la capacité fiscale des provinces plus riches. Il y a ensuite la migration de retour à un âge plus avancé. Donc, une bonne partie de la répartition de nos personnes âgées dans une province comme la Nouvelle-Écosse provient de la migration de sortie des jeunes membres de notre population active vers des provinces comme l'Ontario et l'Alberta, qui reviennent ensuite et qui constituent la migration d'entrée au moment de leur retraite.
En outre, les provinces pauvres ont également un besoin par habitant plus élevé au titre des services sociaux. Encore une fois, les transferts du TCSPS sont les mêmes par habitant au titre des services sociaux.
De toute évidence, en bout de ligne, la solution est beaucoup plus que la somme d'argent qui est allouée. Il faut d'abord et avant tout régler les questions d'iniquité et d'état de santé. En bout de ligne, le grand besoin est d'améliorer l'état de santé des populations des provinces les moins en santé.
Uniquement pour illustrer la difficulté, la Nouvelle-Écosse et l'Alberta consacrent le même montant d'argent par habitant aux soins de santé. Cependant, en raison des différences dans la taille relative du produit intérieur brut provincial, la Nouvelle-Écosse doit consacrer 11,5 p. 100 de son PIB aux soins de santé pour maintenir le même niveau de dépenses par habitant. Inutile de vous le dire, la Nouvelle-Écosse a un besoin beaucoup plus élevé. Pourtant, l'Alberta ne consacre que 6,9 p. 100 de son PIB provincial aux soins de santé. La Nouvelle-Écosse continue d'avoir des déficits et sa dette par habitant qui est très élevée vient s'ajouter à tout cela.
Le système actuel est en quelque sorte une pente glissante où des provinces comme la Nouvelle-Écosse doivent de plus en plus maintenir un niveau de dépenses pour les soins de santé. Si vous prenez le budget de la Nouvelle-Écosse, vous constatez que les dépenses pour les soins de santé en occupent une partie de plus en plus importante de sorte que le pourcentage des dépenses totales de la province affectées à la santé ne cesse d'augmenter; en fait, il augmente beaucoup plus rapidement que pour l'ensemble du Canada et il détourne des fonds qui seraient normalement consacrés à l'éducation, aux routes, aux autoroutes et aux choses qui pourraient avoir une incidence importante sur les déterminants de la santé. Le système actuel limite également la capacité des provinces plus pauvres d'investir dans l'avenir pour améliorer l'efficience, dans des choses comme des systèmes d'information, par exemple. Cet aspect-là est également difficile.
Ce qui se dégage de ce rapport, c'est qu'il s'agit d'un problème qu'il faut absolument régler. Fait intéressant, on n'y a pas prêté beaucoup d'attention au Canada. En fait, que je sache, notre rapport est le premier à vraiment soulever cette question en ce qui concerne les transferts fédéraux au titre des soins de santé. C'est d'ailleurs surprenant car de nombreux pays ont recours à des formules d'attribution des ressources en fonction des besoins pour déterminer la façon d'attribuer l'argent aux régions.
Par exemple, le Royaume-Uni a mis au point depuis longtemps des modèles d'affectation des ressources. Plusieurs pays scandinaves utilisent également des modèles d'affectation des ressources. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont recours à de tels modèles. Fait intéressant, la plupart des provinces canadiennes utilisent maintenant à l'interne des modèles d'affectation des ressources. L'Alberta, par exemple, a un modèle très avancé d'affectation des ressources fondé sur les besoins qu'elle utilise pour répartir l'argent entre les régions. L'Ontario utilise des modèles pour certains types de services. La Saskatchewan a mis en place des modèles pour affecter les ressources en fonction du besoin. Pourtant, c'est un aspect dont on ne s'est pas beaucoup préoccupé au Canada. J'incite vraiment le comité à examiner de façon sérieuse cette question et à envisager de le reconnaître dans la section qui traite des transferts fédéraux au titre des soins de santé.
La vice-présidente: Ce matin, M. Robert Cook de l'Association des organisations de santé de la Nouvelle-Écosse a présenté des graphiques très intéressants qui indiquaient que les jeunes quittaient la province et qu'ensuite, entre l'âge de 55 et de 60 ans, ils revenaient. Ces données viennent corroborer ce que vous venez de nous dire.
Le Dr Kenneth Rockwood, Faculté de médecine, Division de la médecine gériatrique, Université Dalhousie: Honorables sénateurs, je veux aborder deux points: un premier porte sur le vieillissement de la population et ses besoins en soins de santé; le deuxième a trait à la nécessité de mieux comprendre ce phénomène et à veiller à ce que cela ne se fasse pas de façon désordonnée.
Le premier point est le suivant: vous avez probablement entendu des points de vue contradictoires sur l'incidence du vieillissement de la population. Il y a des gens qui croient comme une parole d'évangile que plus vous avez de personnes âgées, plus vos coûts pour les soins de santé seront élevés. Il y en a d'autres par contre qui disent, «absolument pas». Si nous tenons compte d'autres aspects comme le coût des médicaments et la façon dont on utilise la nouvelle technologie, ce sont ces aspects qui semblent représenter toute la croissance des dépenses dans la population, et le vieillissement ne contribue que pour une petite portion.
Souvent, ces deux points de vue reposent sur une idéologie. Chacun ignore un fait central, qui est évident pour quiconque se promène dans un hôpital, et c'est le suivant: il existe deux types de personnes du point de vue des soins de santé. Il y a les personnes âgées qui n'ont qu'un problème, et il y a les personnes âgées qui en ont plusieurs. Celles qui n'en ont qu'un, si c'est un seul à la fois, sont passablement bien servies par l'actuel système de soins de santé, et nous pouvons être extrêmement fiers de ce qui se passe dans leurs cas dans le cabinet du médecin et dans les hôpitaux de soins de courte durée. Cependant, les personnes âgées qui ont plusieurs problèmes, en particulier si c'est plusieurs en même temps, n'ont vraiment pas de chance. Notre système actuel ne peut pas les desservir. Nous ne pensons pas à elles de la bonne façon. Nous n'avons pas organisé un système de prestation de soins de la bonne façon. Une grande partie du manque de moral et de la dysphorie que les gens ressentent ne vient pas des soins prodigués aux personnes qui ont un seul problème, pour qui nous sommes prêts à aller jusqu'aux confins de la terre. On sait que la transplantation est le traitement de choix pour certains problèmes. Les gens y ont recours même si l'efficacité n'est pas garantie, et ils s'en enorgueillissent. Mais il y a souvent un sentiment de frustration totale face aux personnes qui ont plusieurs problèmes en même temps.
Il se trouve qu'il y a des façons systématiques et efficaces de prodiguer des soins aux personnes qui ont plusieurs problèmes en même temps. Ce sont les personnes âgées fragiles. Si nous nous attardons à songer à ce qui rend une personne frêle, nous pouvons nous faire une idée des systèmes dont nous avons besoin pour prendre soin de ces gens. Les personnes sont fragiles quand elles ont une interaction complexe de problèmes médicaux et sociaux multiples. Les gens sont bien lorsqu'ils n'ont pas ce problème. Les personnes âgées fragiles ont certaines caractéristiques. Lorsqu'elles deviennent malades de façon aiguë, elles n'ont jamais un seul problème. Lorsque vous essayez d'intervenir avec leur maladie aiguë, vous ne pouvez pas faire seulement une chose à la fois.
Pour ce qui est des personnes qui ont plusieurs problèmes à la fois, une des façons dont leur condition se manifeste, c'est une altération de leur fonction. À l'occasion, nous rencontrons des gens qui ne peuvent pas marcher très rapidement en raison d'un seul problème - une articulation de la hanche, ou peut-être un accident cérébrovasculaire, ou un pied en mauvais état. La plupart des personnes âgées qui ne peuvent marcher très bien ont plusieurs problèmes à la fois. Lorsque nous adaptons l'approche d'un seul problème à la fois pour ces personnes, nous ne les aidons pas du tout. Nous provoquons toutes sortes d'histoires d'horreurs, comme des personnes admises pour se faire remplacer un genou et qui ne peuvent plus marcher par la suite, non pas que la chirurgie a été un échec - elle a été une parfaite réussite, mais parce que des choses leur sont arrivées pendant ce moment-là au cerveau, ou à la hanche, ou à l'autre genou, et dont on n'avait jamais tenu compte.
Dans la profession médicale, lorsque nous avons des patients qui ne vont pas bien, nous avons parfois tendance à penser à ce que nous avons fait ou n'avons pas fait pour les aider. Mais bien souvent, nous ne le faisons pas. Nous pensons à des façons de leur faire porter le blâme. C'est ce que vous allez entendre dans les hôpitaux de nos jours, beaucoup de dénigrement. C'est probablement la réponse la plus systématique que nous entendrons.
Je suis un gériatre et mes collègues et moi de partout au Canada consacrons notre temps à penser aux personnes âgées frêles qui sont bien, et à prendre soin d'elles. Je dis toujours que je ne m'occupe pas de personnes âgées en santé, même lorsqu'elles sont malades, sauf d'une façon non précise. C'est lorsque les personnes ont plusieurs problèmes qui interagissent, c'est ça l'important. Pour cela, il faut que nous pratiquions d'une façon particulière, qui nous permette de tenir compte du fait qu'il y a des personnes qui ont plus d'un type d'expertises. Ces personnes doivent faire partie de l'équipe et l'équipe doit travailler à atteindre une série d'objectifs. Toutes ces choses vont à l'encontre du modèle traditionnel des maladies, même si notre avis est que n'importe qui peut s'occuper d'un patient s'il n'a qu'un problème à la fois. C'est lorsqu'ils en ont cinq à la fois que cela devient intéressant, et agréable.
On ne considère pas notre profession comme une sous- spécialité de haut niveau. Même si nous voyons l'énorme défi qui l'accompagne, nous devons continuellement intervenir uniquement pour maintenir notre place parmi nos pairs. Vous voulez savoir comment on perçoit notre sous-spécialité? Comme vous l'entendrez lorsque la Société canadienne de gériatrie présentera son mémoire, c'est que d'un bout à l'autre du Canada à l'heure actuelle il n'y a que deux stagiaires inscrits au programme de formation en gériatrie. Nous estimons que nous en avons besoin d'environ 40 pour satisfaire à l'objectif maintenant désuet de 1,25 gériatre par tranche de 100 000 de population, ce qui correspondrait à environ le quart de ce que l'on retrouve dans un grand nombre des pays de l'OCDE.
Nous avons vu que cette façon particulière de considérer les choses ne fonctionne pas. Elle donne lieu à la dysphorie. Nous obtenons des analyses incomplètes du problème. Les gens n'examinent pas ce qui, de notre point de vue, est l'éléphant dans la pièce. Par conséquent, lorsque viendra le temps pour vous de présenter votre rapport, j'espère que vous tiendrez compte des besoins incroyables des personnes frêles, âgées, malades et la façon qu'elles sont mal desservies à l'heure actuelle. C'était mon premier point.
Mon deuxième a trait à l'immense défi intellectuel que représente le fait de penser à la façon de bien le faire. Le travail qui se fait dans ce domaine est multidisciplinaire et a besoin de nombreux points de vue. Sur le plan historique, nous n'avons pas financé la recherche médicale pour tenir compte de ce point de vue. Nous nous réjouissons que les nouveaux IRSC ont pour un de leurs points d'intervention le travail multidisciplinaire. Cependant, nous pensons qu'il y a beaucoup de travail à faire avant que cela puisse être compris de façon courante et bien financé. Nous devons en savoir davantage et nous devons financer la recherche qui nous permettra d'en savoir plus. C'était mon deuxième point.
Le Dr Desmond Leddin, chef, Division de la gastro-entérologie, université Dalhousie: Honorables sénateurs, je tiens à vous féliciter pour votre rapport jusqu'à maintenant. De mon point de vue, il est très représentatif de la situation. Je tiens aussi à vous féliciter de votre patience pour écouter tous ces témoignages aujourd'hui comme de nombreux autres jours. Cela doit être passablement éprouvant.
Les filtres que j'apporte sur le sujet, si je peux m'exprimer ainsi, sont peut-être un peu bizarres. J'ai grandi dans un système de soins de santé à deux vitesses dans l'ouest de l'Irlande. J'ai travaillé dans les soins primaires dans un secteur rural de l'Irlande avant de suivre une formation au Canada et de me spécialiser en gastro-entérologie. J'ai maintenant la responsabilité du plus important groupe technique, je pense, des provinces de l'Atlantique et je représenterai également l'Association canadienne de gastro-entérologie dans quelques années, association qui représente environ 500 gastro-entérologues d'un océan à l'autre, et tout le monde sait qu'il s'agit d'un groupe axé sur la technologie.
Je suis un médecin salarié. Le domaine d'expertise qui m'intéressent est la relation entre les médecins de famille et les spécialistes. Plus particulièrement, je mets au point différents modèles pour nous permettre d'interagir avec des infirmiers et infirmières aux rôles étendus, avec la technologie, et bien d'autres choses. Si vous me le permettez, je vais vous donner en quelques mots un aperçu de ce que je pense être la situation, et peut-être très rapidement faire quelques observations sur chaque section du rapport «Questions et options».
Pour moi, notre système de soins de santé est et continue d'être le meilleur au monde. Il est de loin le plus éthique, et c'est une expérience remarquable que d'en faire partie. Il y a de nombreux points forts, notamment la qualité des étudiants admis dans les écoles de médecine, et on continue d'avoir une norme uniformément élevée et une structure de formation universitaire de deuxième cycle absolument superbe qui a été mise en place par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada à Ottawa qui est, d'après moi, un véritable chef de file dans le domaine. C'est très impressionnant.
Les points faibles que vous avez soulignés dans votre rapport - je pense que vous les avez tous signalés, y compris l'absence de responsabilité des patients, le fait que les médecins travaillent de façon cloisonnée avec le moins de communication possible entre les spécialistes et les groupes de soins spéciaux, une perspective très étroite de ce qui se passe et un manque extraordinaire de données. Autrement dit, nous n'avons absolument aucune idée des résultats de ce système de 90 milliards de dollars et plus par année. Une foule d'occasions et ma partialité découlant des interactions que j'ai eues avec le groupe des soins primaires est qu'une rémunération à l'acte pour les soins primaires, en ce moment ne fonctionnera tout simplement pas. Nous avons besoin de quelque chose de passablement différent. Je serais tout à fait ouvert à envisager un éventail de différents modèles, mais traiter tant de patients à l'heure pour des motifs fiscaux ne sera certainement pas notre façon de faire.
Si nous adoptons une certaine forme de capitation, il est très important de définir les charges de travail. Nous pouvons le faire. Fait plutôt étrange, alors même que nous étions de ce côté-ci de l'Atlantique, nous en sommes venus à exactement la même charge de travail dans le cas des gastro-entérologues que le Royal College de Londres, qui a publié ses données il y a un an.
J'aime les incitatifs, par opposition aux éléments dissuasifs. Si nous voulons que les médecins en soins primaires vaccinent tout le monde, par exemple, je pense que nous devrions leur verser un incitatif à la fin de l'année pour avoir atteint les objectifs. Dans d'autres modèles, il y a des occasions incroyables. Il y a deux infirmières aux rôles élargis, deux personnes très spécialisées, qui travaillent avec nous: une est spécialisée en hépatite, et l'autre dans les maladies intestinales inflammatoires, et notre expérience a été excellente. Nous avons hâte de l'étendre.
Pour ce qui est des détails du rapport «Questions et options» - puisque je viens de la ville même où a été rédigé Angela's Ashes, ma partialité me fait dire que ce livre devrait être une lecture obligatoire pour tous les étudiants en médecine. Je crois fermement en notre système de soins de santé, mais je reconnais les réalités, et je reconnais très certainement ce que nous disent nos patients. Comme m'a dit l'un d'eux, si vous ne pouvez pas le fournir, laissez-moi l'acheter. Je ne veux pas que cela se produise, mais je pense qu'il n'est pas éthique d'avoir un monopole et de ne pas donner un accès opportun aux services.
Mes observations au sujet de l'imposition sont, je suppose, semblables à celles de nombreux autres témoins. En ce qui concerne la partie de «Questions et options» qui porte sur la recherche, le Dr Rockwood est le spécialiste en la matière. Une des questions dans le rapport est de déterminer où devrait aller l'argent. Je vous répondrais: quelle est la raison d'être du système canadien de soins de santé? Si quelqu'un peut me le dire, je serais heureux de faire des suggestions quant à ce à quoi on devrait affecter l'argent. Je mesurerais les résultats.
Quant à l'infrastructure, votre rapport frappe dans le mile. Toutefois, une mise en garde: nous avons mené un projet pilote sur les soins primaires dans le cadre duquel nous avons donné aux médecins de famille accès par Internet aux experts-conseils de l'hôpital QE II en GE, et ce fut un échec retentissant. Même si nos listes d'attente sont de douze mois, ils ne veulent rien savoir de nous. Ils veulent envoyer le patient dans le système pour qu'il soit traité ailleurs. Nous n'avons eu pratiquement rien à faire. En conséquence, nous avons fait marche arrière, jusqu'à l'étape avant le médecin de famille, et nous avons conçu notre projet en fonction des patients. Une fois que nous aurons fini d'aplanir tous les problèmes, nous croyons qu'il pourrait connaître beaucoup de succès et être très utilisé.
Pour ce qui est du rôle de l'infrastructure, je suis d'accord qu'une stratégie nationale sur les ressources humaines doit être élaborée de toute urgence. Les programmes de formation, comme je l'ai dit plus tôt, sont très bons, mais nous ne recevons pratiquement aucune formation en gestion. Un grand nombre d'entre nous ne deviennent jamais des gestionnaires et je m'inclurais dans le nombre. Bien que le Collège royal ait pris ses distances vis-à-vis de sa position traditionnelle qui insistait sur le rôle de la gestion et de la promotion de la santé, il y a encore à mon avis des façons de le faire.
Pour ce qui est de la santé des Autochtones, encore une fois mon expérience est très limitée. J'ai entendu les propos du Dr Haddad au sujet de places pour les Autochtones dans les écoles de médecine. La seule chose que je dirais à ce sujet, c'est que nous avons besoin de revenir encore plus loins en arrière. La place pour intéresser vivement les gens à une carrière en médecine, c'est à l'école secondaire, pour ne pas dire à l'école secondaire de premier cycle. Je serais certainement très intéressé à voir des programmes dans lesquels les jeunes du secondaire, du premier cycle ou non, ont accès à des médecins universitaires et à d'autres médecins et travaillent dans le cadre de stages d'été avec de tels médecins, comme nous le faisons pour les enfants d'un grand nombre de nos collègues. Nous avons l'intention de mener un projet pilote dans l'un de ces programmes l'été prochain dans une école de Halifax qui n'a pas beaucoup d'argent, et je pense que c'est ce que je ferais. Cependant, c'est beaucoup demandé à quelqu'un qui vient d'un milieu où l'école secondaire n'est peut-être pas bien emballante de se rendre à l'école de médecine.
Encore une fois, je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Voilà les filtres que j'apporte sur ce sujet, et j'ai hâte de pouvoir en discuter avec vous.
M. Ryan Sommers, Conseil de santé communautaire de Cobequid: J'aimerais d'abord remercier les membres du comité de me donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Pour un jeune, un nouveau dans le domaine de la recherche et un bénévole, c'est une expérience unique d'avoir l'occasion de parler d'un certain nombre des questions que vous essayez de régler.
Comme le dit la carte que je porte, je m'appelle Ryan Sommers et je suis le coprésident du Conseil de santé communautaire de Cobequid, qui est un conseil de santé communautaire et bénévole qui représente plusieurs collectivités de l'extérieur de la région de Halifax. Dans mon autre vie, je suis un étudiant de deuxième année du premier cycle du Département de santé communautaire et d'épidémiologie de l'Université Dalhousie, et le docteur Kephart est mon superviseur, mais je suis ici dans un rôle non universitaire.
Il m'a été impossible de vous faire parvenir mon mémoire à l'avance de sorte que j'en ai apporté des copies aujourd'hui que j'espère vous avez sous les yeux en ce moment. C'est un très court mémoire. Il y a une bien belle histoire que je vous raconte dans ce document au sujet de l'une de nos bénévoles du conseil de santé communautaire et de ses expériences dans la région de Clare, où elle travaille à des initiatives de santé axées sur la collectivité. J'ai aussi un résumé de mon exposé avec quelques photographies, histoire de donner un aspect humain à mon exposé.
L'autre chose que j'aimerais signaler, c'est qu'il s'agit d'un document de consensus. Aucun organisme ne régit les conseils de santé communautaire dans notre région. Presque toutes les idées et les expériences données en détail dans ce document sont ce que nous appelons nos «expériences du terrain de stationnement». Nous parlons toujours de diverses choses dans le terrain de stationnement, et certains d'entre nous ont décidé de les réunir et d'en faire un document officiel.
Je sais que vous avez eu une longue journée. Je suis convaincu que vous êtes passablement fatigués et que vous avez probablement entendu beaucoup de statistiques, de sorte que je vous promets de ne vous en citer qu'une ou deux. Il est plus que probable que vous avez déjà entendu cette statistique aujourd'hui.
Essentiellement, vous voulez probablement savoir ce qu'est un conseil de santé communautaire. Semblable aux conseils de santé que l'on retrouve en Alberta et semblable au concept des centres de santé communautaire du Québec et de l'Ontario, un conseil de santé communautaire est un groupe communautaire bénévole prévu par la loi qui se compose de 15 personnes des collectivités locales. Les membres du conseil viennent de divers milieux et groupes d'âge. Il y a de nombreux étudiants comme moi, de nombreuses personnes à la retraite, personnes au foyer, ingénieurs, gens d'affaires, infirmiers et infirmières, autres travailleurs de la santé tels que des nutritionnistes - même des médecins.
À l'heure actuelle, on compte 37 conseils de santé dans la province, la taille, la composition et l'emplacement variant pour chacun. Nous partageons tous une caractéristique commune: nous sommes des citoyens déterminés à améliorer la santé de nos collectivités. Vous avez probablement entendu parler du modèle du centre de santé communautaire dans d'autres parties du pays. Nous ne sommes pas dans un endroit central. Nous n'avons pas directement affaire aux services de santé. Nous participons principalement à des activités liées à l'assurance-médicaments. Nous ne participons pas directement à la recherche et aux services. C'est un point important qu'il faut comprendre.
Nous allons dans la collectivité et nous parlons avec les gens, nous faisons des groupes de concertation et nous réalisons des sondages. Nous essayons de faire un consensus des problèmes de santé auxquels notre région fait face ainsi que des actifs de la région pour essayer de nous attaquer à ces problèmes. Chaque année, nous produisons un plan de santé qui détaille les stratégies que nous choisirons pour nous attaquer aux problèmes, et que nous suggérerons peut-être à notre autorité sanitaire de district - ou DHA - à nos structures administratives régionales de santé ce que sont les problèmes et les mesures qui devraient être prises. À leur tour, ces organisations prennent l'information et l'incluent dans leurs plans d'affaires.
Nous participons à plusieurs activités, depuis le développement communautaire jusqu'à la promotion de la santé et la prévention en passant par l'éducation et le renforcement des capacités communautaires. Par exemple, plusieurs d'entre nous au sein de mon conseil de santé ont travaillé avec le club de personnes âgées de Sackville pour aider à mettre sur pied un programme de prévention pour l'automne. D'autres conseils de santé ont examiné la possibilité de créer un jardin communautaire et même d'appuyer un programme de petit-déjeuner à l'école.
Des gains semblables ont été réalisés dans toute la province. Dans la région de Kingston-Greenwood, le conseil de santé communautaire a mis sur pied un programme passablement innovateur qu'il appelle Youth Boost, dans le cadre duquel ils aident financièrement les familles à inscrire les enfants dans des programmes de sport communautaires. Enfin, des conseils de santé nouvellement mis sur pied dans la région du Cap-Breton sont déjà à l'oeuvre et sont des partenaires dans des programmes de repas servis à domicile.
Ce que je veux souligner à l'intention du comité, c'est que les défis que doivent relever de nombreux Canadiens existent au niveau local et ne peuvent être relevés de façon isolée. En travaillant ensemble à l'échelle locale et en aidant à développer nos collectivités, les conseils de santé communautaire, les organismes bénévoles, les clubs de personnes âgées, les entreprises locales et les fournisseurs de soins de santé locaux peuvent ajuster certaines questions pertinentes en matière de soins de santé.
La nouvelle tendance en matière de promotion-prévention de la santé est le renforcement des capacités et l'autonomisation. Si les gens ont les outils et les ressources dont ils ont besoin, ils peuvent apprendre à connaître les questions liées à la santé et à prendre des mesures. Un mécanisme pour aider à bâtir nos communautés est le développement communautaire, et le gouvernement fédéral a de toute évidence un important rôle à jouer dans ce modèle.
Encore une fois, les cinq recommandations que des membres du conseil et moi-même avons formulées ne sont qu'un consensus et n'ont pas fait l'objet d'un vote de la part des autres conseils de santé de la région. Ce ne sont que des idées et des choses provenant de notre expérience de travail dans la collectivité.
Notre première recommandation serait d'améliorer et d'accroître un financement stable pour les projets communautaires. Trop souvent nous entendons parler d'initiatives bénévoles réussies qui échouent parce que le financement s'est tari. Un thème courant que vous entendrez des membres des conseils de santé communautaire et des gens dans la collectivité est qu'il y a un manque de financement soutenu. La plupart des projets à l'heure actuelle en Nouvelle-Écosse, du moins ceux qui sont liés aux conseils de santé communautaire, sont soit le résultat d'un financement provenant du conseil de santé communautaire, soit des projets au jour le jour ou annuels, selon les sources de revenu.
Le récent incident à DRHC, l'erreur de un milliard de dollars, aura vraiment une incidence sur la façon dont les collectivités peuvent examiner les questions de santé. Le système de financement est beaucoup plus strict maintenant, sans compter les nombreux nouveaux règlements et toute la paperasse à remplir pour obtenir de l'aide pour mettre sur pied un projet communautaire. Pour un non-initié qui recherche des ressources et des partenariats avec d'autres groupes, il est extrêmement difficile de progresser.
Une autre recommandation des conseils de santé communautaire, c'est de donner plus d'occasions de faire de la recherche communautaire, comme dans des recherches plus participatives. La plupart des organismes nationaux de financement tissent des liens avec les décideurs, et des efforts sont déployés pour avoir des liens avec les collectivités. Nous estimons que l'on devrait poursuivre dans cette voie et peut-être même la renforcer un peu plus.
Une troisième recommandation est de mettre au point des mécanismes pour transmettre les expériences vécues dans d'autres projets communautaires qui ont réussi. Je rencontre toujours des gens et j'entends parler de projets qui se déroulent dans d'autres coins du pays et ils semblent vraiment extraordinaires, mais personne ne sait qui fait quoi. Ceci vaut également pour le milieu des soins de santé. Il y a beaucoup de choses importantes qui se déroulent en ce moment. Par exemple, dans un conseil de santé communautaire, on s'emploie à mettre sur pied un système de transport bénévole pour les personnes âgées. C'est pour essayer de faire savoir aux gens ce qui se passe: qu'il y a des ressources et des outils qui peuvent aider les gens oeuvrant dans les soins de santé et d'autres qui n'y sont pas rattachés.
J'en viens à ma quatrième recommandation, qui est de faire le lien entre des projets de santé communautaire et des professionnels des soins de santé primaires locaux. Je suis convaincu que vous avez tous entendu parler du récent sondage mené par le Collège des médecins de famille du Canada qui indique que les médecins de famille travaillent 73 heures par semaine. Avec tout ce travail et dans un barème d'honoraires à l'acte qui encourage la quantité aux dépens de la qualité, il y a peu de médecins de famille qui ont le temps de bien investir dans leurs patients.
Enfin, la dernière recommandation est importante. Je pense qu'il y a beaucoup de gens dans les milieux de la santé qui seraient d'accord qu'il est peut-être temps de commencer à prévoir dans la loi la santé de la population, ou les objectifs des déterminants de santé à tous les niveaux. Depuis la collectivité, la région, la province jusqu'à l'échelle nationale, la santé de la population est une approche formidable. Directement, c'est un cadre formidable pour s'attaquer aux problèmes, mais c'est un cadre qui échoue souvent au plus grand niveau sociétal parce que vous devez travailler avec d'autres groupes; vous devez travailler avec des groupes spécialisés en finances, et vous devez travailler avec des groupes spécialisés en éducation. Il n'existe pas vraiment de modèle au sein du gouvernement pour réaliser cet objectif et essayer de travailler ensemble.
Nous avons pensé que si le gouvernement pouvait prévoir par loi des initiatives, et en quelque sorte établir des objectifs dans la loi qu'il faut atteindre, ce serait utile. Le meilleur exemple est probablement que si nous pouvions seulement imaginer, de retour à la fin des années 80 ou au début des années 90, si nous avions effectivement prévu dans la loi la pauvreté des enfants. La situation serait totalement différente aujourd'hui.
Voilà les quelques brèves recommandations venant de personnes de la collectivité, découlant de nos expériences de tous les jours.
La vice-présidente: Docteur Rockwood, vous avez parlé de points de vue contradictoires en ce qui concerne le vieillissement de la population dans nos collectivités. Suite à tous nos déplacements dans le pays, je suis de plus en plus pessimiste en ce qui concerne les gens qui vieillissent, parce que je pense qu'on les blâme pour une grande partie de l'augmentation perçue des coûts des soins de santé. À bien y penser, l'année la plus dispendieuse de votre vie est la dernière, que vous soyez plus âgé ou plus jeune. Je voulais tout simplement savoir ce que vous en pensiez, ou ce que nous pourrions porter au compte rendu sur le plan statistique qui pourrait réfuter ce mythe, parce que c'était l'un des mythes énumérés dans notre premier rapport sous «Mythes et réalités». J'ai parlé à des personnes âgées et j'ai effectivement entendu des septuagénaires qui s'inquiétaient vraiment que d'une façon ou d'une autre, la génération plus jeune les blâmerait pour l'augmentation des coûts du système de soins de santé. Si vous avez une observation à ce sujet, ou si qui que ce soit d'autre a une observation, j'aimerais l'entendre.
Le Dr Rockwood: Je pense qu'il y a trois points à souligner: tout d'abord, évidemment, la dernière année de la vie est la plus dispendieuse. C'est ainsi qu'il devrait en être pour la plupart des gens, en particulier les plus jeunes. Ensuite, contrairement à l'argument selon lequel le vieillissement de la population est ce qui fait augmenter le coût des médicaments utilisés et des technologies employées, on y a recours non pas en fonction de l'âge, mais plutôt en fonction de diagnostics précis.
En outre, un grand nombre des choses employées le sont sans qu'il y ait une compréhension adéquate de la raison pour laquelle elles le sont. Je dis cela pour deux motifs: le premier est que l'on commence à les employer sans savoir dans quelle mesure l'utilisation de la médecine ou de la technologie changera l'état de santé global de ce patient, et les exemples sont nombreux. Un exemple controversé serait de demander ce qui provoque l'utilisation répandue d'antihypertenseurs chez les personnes âgées en soins de longue durée qui sont à une étape avancée de la maladie d'Alzheimer? Ou à la fin? C'est une question controversée. Cependant, il y en a des moins controversées qui ont trait aux comprimés utilisés et aux technologies employées alors qu'on ne comprend pas pourquoi on le fait. Les gens à qui cela est le plus susceptible d'arriver sont les personnes âgées. Ce n'est pas leur âge qui est le déterminant, mais l'idée qu'elles ont des problèmes complexes et notre échec à cet égard est notre échec face à des problèmes complexes.
Si vous vouliez plaider la cause de l'âge, vous diriez: «Pour qui est-ce que l'on fait tout cela»? C'est pour les gens âgés. Si vous vouliez plaider en faveur des gens âgés, vous diriez: «Si nous comprenons le diagnostic, c'est le diagnostic qui fait intervenir les médicaments et la technologie». À cela je dirais: qui s'en soucie, si c'est fait à une bonne fin? Mon objection, ce sont les choses que l'on emploie alors que, avec le recul je ne comprends pas pourquoi on les emploie.
Le sénateur Robertson: Messieurs, je vous sais gré de la sagesse que vous amenez à la table. À certains égards, c'est pratiquement un travail contradictoire que nous faisons - du moins contradictoire quant aux types de témoignages que nous entendons. Si vous êtes à un endroit, vous avez tel témoignage, et si vous êtes ailleurs, vous avez cet autre type de témoignage. Cela vous porte à réfléchir et à vous demander où est le juste milieu dans tout cela.
Je vais poser des questions d'ordre général et n'importe qui peut y répondre.
Commençons par la Loi canadienne sur la santé. Le système de santé serait-il plus efficace si nous avions une meilleure interprétation de la Loi canadienne sur la santé dans la loi même? Je me demande parfois comment on interprète la loi. Par exemple, en ce qui concerne l'«accessibilité», je suppose que pour vous, madame la présidente, l'accessibilité signifierait une chose. Si vous voulez la définir, elle pourrait vouloir dire quelque chose de différent pour une autre personne. Pour le Dr Leddin, ce pourrait être quelque chose de tout à fait différent, et encore quelque chose d'autre pour le Dr Kephart. Comment définissez-vous ces choses et y a-t-il un malentendu dans un certain nombre de ces questions?
Préféreriez-vous que je m'arrête après chaque question? Sinon, je vais toutes les poser.
La Loi canadienne sur la santé est évidemment le fondement de notre système. Elle est en place depuis 40 ans, elle est un peu comme une vieille maison; de temps à autre vous devez vérifier les fondations et peut-être les refaire pour vous assurer que tout soit sécuritaire. Voulez-vous que je vous laisse y réfléchir, ou voulez-vous que je continue?
Le Dr Leddin: Je pense que cela devrait nous tenir occupés. Après tout, c'est une question extrêmement difficile. Les principes de la Loi canadienne sur la santé sont ce qui a fait de notre système de soins de santé le plus éthique que je connaisse au monde. Par contre, nous faisons face à de nombreux défis et on le perçoit maintenant comme une boîte qui limite les options que nous pouvons utiliser pour relever certains de ces défis.
Je ne suis pas tout à fait certain qu'il y ait quoi que ce soit qui n'aille pas avec les principes de la Loi canadienne sur la santé ou qu'il faille les modifier. Le point de départ est que ce sont des principes, et les principes en général s'appliquent à un énoncé de mission clair. Je ne pense pas avoir entendu clairement, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, exactement ce qui constitue notre champ d'activité. Ce sont de grands principes, mais à quelle mission s'appliquent-ils, je ne le sais pas.
Le sénateur Robertson: Quelqu'un d'autre a-t-il une observation sur la Loi canadienne sur la santé. C'était vraiment l'objet de ma question, docteur Leddin. Nous semblons tous penser que nous comprenons, mais en réalité, lorsqu'il est question d'apporter des modifications, vous vous demandez «qu'est-ce que cela signifie vraiment»? Cela cause de la confusion. Je vais vous laisser y réfléchir pour l'instant.
Évidemment, à l'époque où l'on a rédigé la Loi canadienne sur la santé, et que le régime d'assurance-maladie - j'appellerai le système de santé le régime d'assurance-maladie - est entré en vigueur au Canada, il couvrait à ce moment-là, comme nous le savons, la totalité des soins de santé. Aujourd'hui, vous le savez probablement, il porte seulement sur environ 40 p. 100 des soins de santé offerts dans les hôpitaux ou les cabinets des médecins. Les 60 p. 100 restants sont soit offerts à domicile, à l'école ou dans le lieu de travail.
Les témoins qui ont comparu devant nous ont tous indiqué les mêmes choses qu'ils estiment importantes. Parfois leurs idées sont peut-être exprimées différemment, mais au fond, c'est la même chose. Les choses les plus importantes qui ne sont pas comprises dans le système en ce moment sont les soins à domicile, les soins communautaires et l'assurance-médicaments.
Permettez-moi de passer maintenant à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Les témoins qui ont défilé devant nous nous ont dit, presque continuellement, que les listes d'attente sont trop longues. En ce qui concerne certaines maladies, c'est presque criminel que l'on ait laissé les listes d'attente prendre cette ampleur. Un grand nombre de nos citoyens ne peuvent pas avoir accès à un médecin de famille. J'ai un voisin qui parcourt environ 60 miles pour aller voir un médecin de famille. Ces gens disent que le système ne les dessert pas bien. Si vous devez attendre 10, 12 ou 14 semaines pour des tests, ou si on vous a diagnostiqué une maladie très grave et que vous ne pouvez pas obtenir de traitement avant 10 ou 12 semaines ou encore plus, comment le système vous dessert-il?
Ce que je dis - peut-être mal - c'est qu'une fois qu'ils sont dans le système, les gens sont heureux des services qu'ils obtiennent. La frustration vient d'essayer d'y arriver, d'essayer d'avoir accès aux services. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire à ce sujet si deux choses ne se produisent pas: plus de ressources humaines, évidemment, ce qui veut vraiment dire plus d'argent, je suppose. Si nous adoptons l'assurance-médicaments et de solides soins à domicile, soins communautaires, il faudra là aussi des fonds. Nous le savons particulièrement au Canada atlantique, mais nous l'entendons d'un bout à l'autre du pays. Par exemple, l'Alberta abandonne pratiquement la partie, et c'est notre province la plus riche. Elle envisage de mettre en oeuvre des méthodes draconiennes. Je sais que nous aimons tous le système, et que nous en sommes fiers, mais les gens sont frustrés et fâchés que le système, d'une certaine façon, leur fasse faux bond.
Ainsi, si nous voulons fournir les soins appropriés, et si nous voulons le faire où 60 p. 100 des soins sont donnés, où trouvons-nous l'argent? Pensez-vous que nous pouvons réellement trouver l'argent pour mieux faire ce que nous faisons maintenant? Que pouvons-nous faire d'autre? Ajoutez à cela, si nous avons besoin de plus d'argent, est-ce que cet argent devrait venir du contribuable sous la forme d'impôts plus élevés ou devrait-il venir directement des utilisateurs du système par le biais d'une forme de paiement partiel pour services rendus? Je m'arrête ici.
Le Dr Kephart: En effet, la question de l'argent. J'ai entendu Nuala Kenny qui vous parlait plus tôt aujourd'hui, et une déclaration qu'elle fait souvent est que le plus gros problème pour nous dans le système de soins de santé au Canada, c'est de faire des choix. En fait, nous avons des tonnes de soins de santé. Il y a des foules de choses que nous pouvons faire, et la liste des choses que nous pouvons faire et des options qui s'offrent à nous s'allonge à un rythme rapide. En fait, un de nos principaux problèmes, ce sont les choix de plus en plus nombreux que nous devons faire. Vous devez y ajouter les décisions très difficiles qui sont prises tous les jours dans la relation patient-fournisseur, «Est-ce la bonne chose à faire? Que devrais-je faire? Quelles sont les preuves?» Au Canada, quelque 300 nouveaux produits pharmaceutiques sont mis en marché et approuvés chaque année. C'est un énorme défi intellectuel pour les fournisseurs. Cependant, la question est de savoir comment nous allons faire nos choix. C'est là le grand défi. Nous pouvons soit faire des choix en tant que système, ou nous pouvons agir de façon à imposer les choix aux personnes. Si nous devons adopter cette façon de faire qui impose les choix aux particuliers, nous devons nous demander si les gens vont prendre des décisions rationnelles. Atteindrons-nous les objectifs que nous essayons d'atteindre?
Si notre solution est de tout simplement fournir plus d'argent, et de le faire par l'entremise des tickets modérateurs, par exemple, la question sera de savoir si les gens feront les choix appropriés. Feront-ils des choix rationnels qui seront efficaces? Ce que nous avons à ce moment-ci, ce sont des preuves écrasantes tirées de nombreuses études qui indiquent que les patients souvent ne font pas des choix efficaces et rationnels lorsqu'un coût est en cause. Pourquoi? Eh bien, ils ne sont pas les spécialistes. Par exemple, les études sur les tickets modérateurs dans le cas des médicaments indiquent que ces tickets modérateurs n'ont peut-être pas une grande incidence sur l'utilisation ou la non-utilisation, mais qu'ils ont une incidence sur la quantité que vous utiliserez. Ainsi, les patients pourraient réduire la quantité de médicaments pour la pression artérielle qu'ils prennent, par exemple. Il peut s'agir-là d'une façon pour eux de s'adapter aux coûts, mais ils ne sont pas le principal décideur, nécessairement, quant aux médicaments prescrits.
À ce moment-ci, les preuves sont assez écrasantes que vous créez effectivement un incitatif. Fonctionne-t-il? Oui, il fonctionne. Les gens changent leur comportement en réponse à des incitatifs financiers. Est-ce que cela fait augmenter les revenus? Évidemment. Lorsque vous mettez en place des tickets modérateurs, le système amasse plus de revenus. Vous créez un incitatif, et cet incitatif est appliqué à des gens qui n'ont pas nécessairement les outils, dans bien des cas, pour prendre les bonnes décisions, ou pour prendre des décisions qui auront une incidence sur leur santé. Les preuves sont très claires: les gens ne prennent pas les décisions.
Si vous cherchez à créer des incitatifs dans le système pour modifier le comportement, alors de grâce appliquez les incitatifs aux personnes les plus en mesure de prendre les bonnes décisions. Les preuves indiquent que ce n'est souvent pas le patient qui peut prendre les meilleures décisions. Il y a peut-être des cas où ils peuvent le faire, mais dans les nombreux contextes pour lesquels nous parlons de tickets modérateurs, nous savons que les gens ne prennent pas ces décisions de façon professionnelle.
Le sénateur Robertson: Je ne pensais pas précisément aux tickets modérateurs, mais c'est parfait. Quelqu'un d'autre?
Le Dr Rockwood: Je pense que pour vos deux questions et les réponses qu'a données le Dr Kephart, il est évident qu'il y a des tensions. Il y a les tensions entre la vision que nous avons et les choses finissent par être raisonnablement non controversées et les façons pour les gens de le faire, ou la différence entre savoir si la décision est prise au niveau du système ou si elle l'est au niveau de la personne. La question des tickets modérateurs ne laisse planer aucun doute dans mon esprit. Je suis convaincu que pour la population à laquelle il s'appliquerait, il serait une véritable catastrophe.
J'ai par contre des doutes quant à la façon pour le système de prendre des décisions parce que nous semblons finir par faire encore plus de la même chose ou, comme pour les dix dernières années, moins de la même chose. Bien qu'il y ait eu des exceptions, comme les soins à domicile qui sont venus s'ajouter et qui ont été une bonne chose, on pense encore trop à poursuivre dans la même veine, de faire les choses comme elles ont toujours été faites.
Je peux me rappeler il y a vingt ans, lorsque j'étais à l'école de médecine, j'entendais parler d'études sur des façons d'obtenir que les médecins cessent de commander des tests inutiles. Et nous voici vingt ans plus tard et, à l'exception de l'année dernière, je n'ai jamais travaillé dans un système dans lequel, chaque année à l'hôpital où j'ai travaillé, nous n'avons pas annoncé de compressions. Les gens disent: «Le système prend de l'expansion. Plus d'argent entre». Je n'ai jamais travaillé dans un environnement autre qu'un environnement dans lequel nous avons annoncé des compressions. Même dans cet environnement que l'on freine, vous pouvez encore vous rendre à n'importe quel service, à l'heure actuelle, prendre une fiche et y voir des tests qui n'ont pas besoin d'être effectués. Ainsi, notre capacité d'apporter des changements au niveau du système en faisant tout simplement moins de la même chose n'a pas été très efficace.
Je pense que le temps est approprié et qu'il y a un bon argument philosophique à présenter, à savoir que pendant que nous partagerions certains principes comme celui de l'accessibilité, nous permettrions à un plus grand éventail d'expériences en accessibilité d'être réalisées. Je pense qu'il serait certainement intéressant de voir au niveau communautaire ce que les gens décideraient de faire si on leur offrait un éventail de choix en matière d'accessibilité. En d'autres mots, si tout le monde peut consulter le même médecin et avoir la même opération, mais que la question d'accessibilité porte sur le temps qu'il faut pour y parvenir, ou si un médecin peut commander n'importe quel test, mais que le prix de l'accessibilité est le temps qu'il faut pour obtenir les tests, par opposition à si seulement certains médecins peuvent commander des tests particuliers, vous avez alors une question d'accessibilité dans la façon d'obtenir tel médecin et dans la façon dont le test est effectué. Il s'agirait là de choix efficaces, mais ce ne sont pas ceux que nous avons à faire en ce moment. Pour l'instant, nous avons tendance à nous serrer la ceinture et à vouloir aller plus loin. Je ne pense pas que ce soit sage.
Le Dr Leddin: En ce qui concerne l'accessibilité, il y a selon moi des façons novatrices pour nous de faire les choses. Notre infirmière au rôle étendu, par exemple, en maladies intestinales inflammatoires verra des patients réels en personne cinq demi- matins par semaine, mais tiendra une clinique virtuelle par courrier électronique les cinq autres demi-matins à l'intention des patients du Cap-Breton et à Yarmouth. Une grande partie de notre travail est du transfert d'information plutôt que de la consultation en personne.
Du côté de l'assurance-médicaments, c'est un problème intéressant. Les gens ne sont pas couverts pour diverses raisons. Par exemple, dans notre champ d'activité, la maladie de Crohn, une condition courante, apparaît à l'âge de 16 ans. Si l'on vous diagnostique cette maladie, vous n'aurez jamais d'assurance-médicaments. C'est impossible en vertu d'un régime privé.
Par contre, dans le cas des adultes, c'est un peu le syndrome de la cygale et de la fourmi. La fourmi économise et paie une assurance-médicaments tandis que la cygale chante et ne paie pas d'assurance, puis devient malade et fait un infarctus à l'âge de 50 ans, et veut que le public paie pour ses médicaments. En effet, il y a des contradictions. Évidemment, si nous avons un programme national d'assurance-médicaments, nous devrions tous y cotiser.
Le sénateur Robertson: Nous devrions tous y cotiser?
Le Dr Leddin: Nous devrions tous y cotiser pour éviter d'avoir le problème de personnes qui décident de payer uniquement lorsque cela leur convient, mais de ne pas cotiser annuellement.
Le sénateur Robertson: Comment voyez-vous la cotisation? Est-ce que ce serait un système relevant du gouvernement, ou est-ce que ce serait un système relevant d'une compagnie d'assurance privée, ou encore une combinaison des deux?
Le Dr Leddin: En parcourant votre rapport, si j'en ai bien saisi la teneur, vous aimeriez qu'il y ait une responsabilité accrue de la part des patients quant à l'utilisation des services, et moi aussi. Je pense que les gens devraient avoir l'équivalent d'un relevé de compte mensuel de Visa ou de Mastercard à l'égard des services ou des médicaments qu'ils utilisent de sorte qu'ils sauront exactement ce qu'ils obtiennent. Je pense que ce serait très intéressant.
Nous avons des patients qui reviennent de la Floride et qui sont tout indignés dans la clinique et disent: «Pourquoi est-ce que je ne pouvais pas avoir une coloscopie de dépistage il y a six mois? C'est une honte». Je réponds: «Pourquoi n'avez-vous pas payé 1 500 $US en Floride pour l'avoir»? Le public a des attentes extraordinaires. Par ailleurs, à l'échelle nationale, nous voulons une protection universelle et de la grande qualité, mais les gens nous comparent au système américain qui ne semble pas avoir de problème du fait que 40 000 000 de citoyens ne sont pas couverts. Je pense que la comparaison n'est pas juste.
Le sénateur Robertson: Ils veulent le système américain, mais sans payer.
Le Dr Leddin: Tout à fait, sans payer. J'ai peut-être un autre point. C'est le débat national, que plusieurs d'entre vous ont abordé dans vos questions. Nous sommes dans un pays où il est extraordinairement difficile de tenir un débat rationnel sur les des soins de santé. Il y a quelque chose de bizarre. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a de nombreux autres pays qui semblent avoir une attitude plus tolérante aux désaccords. C'est peut-être la tradition des romans-fleuves de Hyde Park, je ne sais pas. Cependant, au Canada, il semble très difficile pour les gens de débattre de cette question sans qu'il n'y ait une polarisation instantanée. C'est vraiment bizarre.
M. Sommers: Je peux probablement offrir les observations suivantes d'après mes expériences de travail dans les collectivités. Les soins à domicile sont une énorme question en ce moment et je ne suis pas certain de ce que cela aura l'air dans une dizaine d'années. Il faudra faire des choix incroyables à ce moment-là. En ce moment, au niveau communautaire, les gens sont frustrés parce qu'ils ne peuvent pas être admis dans une maison de soins infirmiers, ou ils ne peuvent pas obtenir que leurs parents soient admis dans un centre d'accueil, mais les gens essaient de régler les problèmes, ils essaient de trouver leurs propres solutions de rechange.
Dans notre région, des membres de groupes religieux collaborent pour mettre sur pied des programmes de garderie pour les personnes âgées. Tous ces groupes de soutien prennent naissance dans des clubs de l'âge d'or ou, comme je l'ai dit, les églises travaillent pour trouver une solution. Pour l'instant, je ne crois pas que la question sera réglée de sitôt parce qu'il y a des problèmes importants.
Encore une fois, ma partialité attribuable à mon travail dans la collectivité me dit qu'il y a des solutions dans nos collectivités. Les gens se mettent ensemble et trouvent des solutions à ces problèmes systémiques. C'est une autre façon d'investir dans nos collectivités, de les faire travailler ensemble pour régler ces problèmes. Dans toute la province, chaque conseil de santé de chacune des neuf régions travaille probablement avec des groupes de personnes âgées à la mise sur pied de programmes de garderie ou de programmes destinés aux personnes âgées.
En ce moment, c'est un compromis extrêmement difficile, mais c'est un compromis dont il faut discuter à l'échelle nationale. Les gens parlent continuellement de valeurs, mais il est difficile de vraiment connaître les valeurs des gens sur cette question. Une fois de plus, ma partialité vis-à-vis des collectivités est que l'on peut trouver des solutions à ce niveau. Il ne s'agit pas de solutions complètes, mais il y a des petites choses que nous pouvons faire à ce niveau pour régler un certain nombre de ces problèmes.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Sommers, je voulais vous parler des conseils de santé communautaire. Vous avez dit qu'il y en avait 37 en Nouvelle-Écosse. Vos bénévoles, sont-ils élus? Sont-ils nommés?
M. Sommers: Ils ne sont pas élus comme dans l'Ouest. Vous entrez dans un conseil de santé communautaire par le biais d'un processus de demande. Les gens présentent un CV et sont soumis à un processus de sélection. Dans notre région du moins, il faut répondre à des questions standard et il y a un système d'attente pour nous assurer que nous avons des personnes qui sont axées sur la collectivité, qui peuvent apporter un aspect différent, ou qui peuvent apporter certains aspects de la collectivité à notre conseil. Mais nous ne sommes pas élus. Dans les études que j'ai menées, j'ai constaté qu'à Saskatoon les gens étaient élus, mais ils ont des taux de participation épouvantables. Seulement 10 p. 100 des gens participent à ces élections. Cela ne me semble pas une façon de faire très efficace. De plus, je pense que les élections font intervenir le facteur politique.
Ce qu'il y a de fantastique dans le travail au niveau de la collectivité, c'est que tout le spectre politique disparaît. Il n'y a pas de gens «de la gauche ou de la droite» au sein d'un conseil. Nous connaissons tous les problèmes et nous travaillons tous ensemble. Notre conseil du moins travaille très bien ensemble à régler ces problèmes. Je pense qu'il serait très difficile pour les gens de se soumettre à des élections, et cela ne ferait qu'amener dans le portrait le processus politique.
Un dernier point: en Nouvelle-Écosse, nous avons neuf autorités sanitaires de district. Il y a eu récemment des modifications aux lois, et c'était aussi dans des lois antérieures, stipulant que les deux tiers des membres d'une autorité sanitaire de district ou régionale doivent venir de la collectivité. Ainsi, le conseil de santé communautaire prend des gens qui feront partie de ces conseils et qui représenteront leurs collectivités et défendront les questions qui les touchent. C'est un compromis entre un système avec élection et un système sans élection.
Le sénateur Callbeck: Qui prend la décision finale, le conseil régional ou quelqu'un d'autre?
M. Sommers: Non, au niveau de la collectivité en ce qui concerne le conseil de santé communautaire, nous constituons un groupe externe qui ne participe pas directement aux travaux du Conseil de santé. Ce groupe externe se compose d'anciens membres du conseil de santé d'une autre région. Ces personnes sont soumises au processus de sélection et sont en quelque sorte débranchées de la situation. Elles ont donc un point de vue impartial lorsqu'elles examinent les candidatures.
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné que vous réalisez des sondages, que vous créez des groupes de concertation et que vous élaborez un plan de santé communautaire, n'est-ce pas?
M. Sommers: Oui.
Le sénateur Callbeck: Comment le mettez-vous en oeuvre? Avez-vous un budget ou demandez-vous du financement à la région?
M. Sommers: Une des choses agréables qui s'est produite le 1er janvier de cette année, c'est que nous sommes prévus par la loi, ce qui veut dire que nous n'avons plus un rôle consultatif; que ce que nous produisons pour le plan de santé doit être examiné par une structure régionale, à savoir l'autorité sanitaire de district. Le problème est que c'est de cette façon qu'ils font les choses, et lorsqu'ils le font, c'est un problème.
Cependant, le plan de santé est essentiellement notre document stratégique. Nous cernons les problèmes par nos consultations et ensuite, en fonction de ce que dit la collectivité et, une fois de plus, en fonction des preuves réunies, nous essayons de trouver des façons de régler les problèmes dans notre collectivité. Il pourrait s'agir de cerner à la fois le problème et la solution, et de les rapprocher. Il pourrait s'ensuivre que l'on travaille avec d'autres groupes ou que l'on prend la défense d'une collectivité, que l'on va au-delà de la structure des soins de santé et peut-être qu'on se rend au ministère de l'Environnement ou au ministère de la Justice pour faire progresser ces affaires.
Ce qu'il y a de plus formidable au sujet de ce récent changement, c'est qu'il nous donne beaucoup plus de pouvoirs. Je pense que la plupart des gens qui font partie des conseils de santé diraient que depuis que les conseils sont prévus par la loi, nous avons l'impression d'avoir beaucoup plus notre mot à dire dans les affaires de santé de nos collectivités. La plupart des gens n'ont pas nécessairement l'impression d'être liés à l'autorité sanitaire de district; ils estiment être liés de façon plus étroite à leur collectivité. Ils n'aiment pas l'idée d'être des porte-parole de l'autorité sanitaire de district.
Je pense que c'est vraiment un processus d'habilitation aussi. Je pense que les gens sont vraiment disposés à travailler ferme et à faire progresser les questions. C'est une partie du modèle du conseil de santé communautaire, une idée très nouvelle qui n'a pas vraiment été adoptée ailleurs. Je sais qu'ils ont des conseils de santé communautaire en Alberta, mais ils n'ont qu'un rôle consultatif. Si le gouvernement a des préoccupations ou des questions, il va habituellement à ces conseils, mais les conseils n'ont pas habituellement un rôle dans la prise de décision.
Le sénateur Callbeck: Vous dites que c'est seulement cette année que l'existence des conseils a été prévue par la loi. Depuis quand existent-ils?
M. Sommers: Les conseils ont été créés en 1995, de sorte que de 1995 à tout récemment, ils n'avaient qu'un rôle principalement consultatif. Puis nous avons eu le projet de loi 34 qui est devenu la loi 34. C'est ce qui a modifié notre structure et nous a donné un rôle beaucoup plus important dans les questions de santé touchant nos collectivités.
Le sénateur Callbeck: J'ai une question à l'intention du Dr Kephart. Vous avez parlé des paiements de transfert et vous avez mentionné le TCSPS, qu'il ne devrait pas être un transfert par habitant, que d'autres facteurs devraient être pris en compte, notamment les besoins, et tout le reste. Ensuite, vous avez mentionné les paiements de péréquation. J'en déduis que vous êtes d'accord avec ce programme dans sa forme actuelle, ou pensez-vous qu'on devrait en faire un programme à dix provinces plutôt qu'à cinq?
Le Dr Kephart: Sur le plan politique, ce que nous avons vu à l'échelle nationale, c'est que les provinces ont fait des calculs et se sont rendu compte qu'il serait peut-être plus payant de demander des changements à la péréquation qu'au TCSPS. Cependant, je dirais que la péréquation devrait être probablement fondée sur une formule à dix provinces. Un des points intéressants au Canada, c'est qu'au niveau provincial, les notions sont loin d'être des grands problèmes.
Au niveau provincial en Nouvelle-Écosse, par exemple, ou à l'Île-du-Prince-Édouard, nous verrions que les recettes par habitant dans certaines parties de la province seraient beaucoup moindres que les recettes par habitant dans d'autres parties de la province. Pourtant, je ne pense pas qu'au niveau de la politique nous envisagerions que le montant des ressources à fournir devrait être lié à la capacité fiscale de cette partie de la province. Cependant, à l'échelle nationale, c'est ce que nous faisons. À l'échelle nationale, la péréquation tient compte en partie de cette question, mais le montant des recettes disponibles à l'échelle nationale pour payer pour les programmes sociaux est lié à la capacité fiscale des provinces.
Il y a un autre secteur où c'est le cas, et c'est le niveau municipal. Dans le cas de ressources municipales provenant des systèmes d'imposition des municipalités, les recettes dont disposent les municipalités pour payer certains services sont liées à leur capacité fiscale. Je pense que l'on devrait adopter un principe selon lequel, quand il s'agit de programmes sociaux, les programmes sociaux que vous pouvez vous permettre ne devraient pas être reliés à votre capacité fiscale car une fois que vous avez adopté cette route, vous êtes sur une pente glissante.
Nous en avons un exemple dans une étude à laquelle on fait très souvent référence, dont vous avez probablement entendu parler dans le cadre de vos travaux, publiée dans le British Medical Journal l'année dernière. Cette étude révélait que l'inégalité des revenus aux États-Unis est fortement associée à la mortalité; au Canada, l'inégalité des revenus n'est vraiment pas aussi fortement associée à la mortalité.
Il a beaucoup été question de cette constatation au Canada. Une des principales hypothèses à ce sujet a trait à la prestation des services publics; ce serait parce que le système d'éducation aux États-Unis est lié à l'assiette fiscale municipale. Au Canada, notre système d'éducation est en grande partie payé par notre assiette fiscale provinciale de sorte que nous avons une répartition plus équitable du financement de notre éducation. En fait, nous avons une répartition plus équitable de tout l'éventail des services gouvernementaux au Canada qu'aux États-Unis. En outre, de nouvelles études réalisées par les mêmes personnes indiquent que les États-Unis constituent l'aberration; que dans d'autres pays dont le système de distribution des services publics ressemble à celui du Canada, nous ne voyons pas un lien aussi fort entre l'inégalité du revenu et la mortalité.
Je pense qu'il est important que nous examinions ce que nous faisons au niveau fédéral, comparativement à ce que nous faisons au niveau provincial. Nous devons nous replier sur des principes de base dans ce cas-ci, et oui, la péréquation devrait reposer sur la formule à dix provinces. La capacité fiscale d'une province ne devrait pas être liée à sa capacité de fournir des services, car autrement vous vous retrouverez sur la pente glissante d'une inégalité croissante dans la capacité de fournir des services sociaux de base.
Le sénateur Cook: J'aimerais me concentrer pendant un instant ou deux sur la santé de la population et je remarque, docteur Leddin, que vous préconisez une participation accrue du fédéral à la détermination des objectifs nationaux. Ryan, si je peux vous appeler ainsi, vous recommandez que le gouvernement fédéral prévoie dans ses lois la santé publique. Compte tenu que les provinces mettent en oeuvre les objectifs qui sont établis, ou peu importe, ou qu'elles ont leur mot à dire dans le processus, comment voyez-vous cette mise en oeuvre? Autrement dit, une fois que vous avez adopté une mesure législative ou que vous avez établi des normes ou des objectifs nationaux, comment en voyez-vous la mise en oeuvre dans la province, comment pensez-vous que cela se fera?
Le Dr Leddin: Dans votre rapport, je pense qu'il y a plusieurs secteurs où l'on fait ressortir la tension entre un rôle accru du fédéral dans les soins de santé et le rôle des provinces. Ce n'est pas le seul secteur, on le voit dans le financement et plusieurs autres secteurs.
Cependant, les provinces ne semblent pas nécessairement se concentrer sur un ensemble uniforme d'objectifs pour les problèmes communs à tous et c'est peut-être en raison des disparités au niveau de la richesse ou de l'intention actuelle. Prenons la main-d'oeuvre ou les ressources humaines, Voilà l'exemple parfait. Nous avons constaté une migration nette des travailleurs de la santé vers les provinces plus riches parce que les salaires y sont plus élevés. C'est peut-être une perte pour les provinces plus pauvres. Le maraudage constant dont l'Université Memorial est victime serait un autre exemple. Les problèmes de ce genre transcendent les frontières provinciales et je pense que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans l'établissement des objectifs à la fois sur le plan des ressources humaines et des résultats pour la population.
Au Canada, il y a toujours des tensions entre les deux paliers de gouvernement, et je serais étonné qu'un jour elles disparaissent. Mais, à mon avis, il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral, même si sa part en pourcentage des dépenses totales est assez petite en ce moment, a un rôle très important à jouer dans l'orientation globale. Un grand nombre des principales initiatives en matière de santé de la population, en particulier pour ce qui est de la prévention, qui a un objectif à long terme plutôt qu'à court terme, qui devraient être provinciales sont probablement mieux desservies par une approche fédérale.
M. Sommers: Nous nous embarquons dans les questions de relations fédérales-provinciales, qui sont une science en soi. Le gouvernement national n'a pas un grand mot à dire dans la santé de la population. Le meilleur exemple en ce moment est probablement le projet de développement des enfants en santé qui a vu le jour il y a quelques années. C'est l'exemple parfait de la façon dont le gouvernement fédéral attaque la question de la santé publique. Le problème est que la recherche sur la question de la santé continue d'être axée sur le revenu et que l'importance du statut social et du soutien social est grande. Procéder dans l'autre sens et l'appliquer à la pratique, ce qui est extrêmement difficile, comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, nécessite une nouvelle façon de penser. Il faut une volonté politique énorme et une façon de travailler avec les autres. Nous disons que nous devrions le prévoir dans la loi parce que c'est la façon la plus extrême à laquelle nous pouvions penser pour aller vers ce type de modèle.
Quant à l'établissement des objectifs, nous les avons tous vus échouer auparavant. J'ai donné l'exemple de la pauvreté des enfants. Nous disions à la fin des années 80 ou au début des années 90 que nous comptions réduire la pauvreté des enfants avant l'an 2000, mais elle s'est accrue au cours de cette période. C'est une question d'atteindre des objectifs auxquels on ne s'attaque parfois pas du tout, et cela devient matière à législation.
Il y a probablement quelque chose entre les deux, et c'est peut-être uniquement une question de leadership. Qui va assumer ce rôle? Je pense que nous avons tous un rôle à jouer là-dedans. Évidemment, il y a le fédéral et le provincial, mais en notre qualité de citoyens ordinaires, nous devons également commencer à jouer un rôle plus important dans ces questions.
Ce sont des questions extrêmement difficiles. C'est vraiment une science en soi et il faudra encore probablement quelques années de recherche et de travail pour que l'on ait des résultats, et ensuite encore quelques années pour passer vers un type de modèle. Nous recommandons donc de passer par les mesures législatives parce que c'est la méthode la plus extrême et que nous nous sommes dits pourquoi ne pas agir de façon extrême.
Le sénateur Cook: Hier, à Terre-Neuve, j'écoutais un témoin du secteur de la santé publique parler de la taille de l'enveloppe et de l'établissement des priorités, qu'il y en a certaines qui doivent venir en premier, comme l'immunisation, les soins à domicile, et les autres aspects des premières lignes dont il faut s'occuper en premier lieu. Cependant, il ne semble jamais rester quoi que ce soit pour le mieux-être, pour les problèmes d'obésité, pour les cliniques de puériculture, pour les mères qui viennent de donner naissance et qui ont des problèmes d'allaitement. Les programmes, l'éducation, nous semblons ne jamais pouvoir y parvenir parce que l'enveloppe est trop petite et que les priorités continuent d'être du côté des maladies, et nous ne semblons pas pouvoir aller vers le mieux-être.
L'autre chose qui me préoccupe en ce moment, c'est toute la nouvelle question de l'immunisation, de la maladie du charbon, de la variole et la liste n'en finit plus. Nous n'avons encore pas entendu parler du coût. Nous avons entendu parler du besoin et je lisais hier qu'on parle de vaccination ou d'immunisation contre la variole. Qui le fera? Qui va gérer la disponibilité? À qui va-t-on la confier? Elle va peut-être aller au secteur de la santé de la population parce que je vois l'immunisation dans ce secteur, mais peu importe où elle va, elle aura une incidence sur un système déjà surchargé.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, quiconque autour de la table.
M. Sommers: Le 11 septembre a de toute évidence modifié la situation pour ce qui est de la santé publique. Il est extrêmement difficile de passer du modèle aigu au modèle de la prévention. Les gens n'arrêtent pas de dire que nous avons besoin de plus de ressources. D'autres disent que nous devrions prendre les ressources ailleurs ou mettre en place un programme de partage des ressources, ce qu'il est difficile de faire, une fois de plus. C'est une question extrêmement difficile.
Le changement sera difficile. Je ne sais pas comment nous allons nous y prendre. Encore une fois, je pense que c'est une question de leadership au sein de nos collectivités, et nous allons devoir commencer à exercer des pressions sur nos gouvernements et d'autres dirigeants pour songer à cette autre approche.
Ce que nous entendons au niveau de la collectivité, c'est que les gens veulent passer au modèle de la santé de la population. Ils savent ce qui est important pour eux. Une fois de plus, la partie difficile, c'est que c'est très délicat. Je pense que nous le ferions probablement à un niveau régional-local. Je pense que nous pouvons examiner au niveau régional les questions, les priorités secondaires ou les objectifs pour régler ces questions de santé.
Cependant, il y a des questions plus larges. Par exemple, l'inégalité du revenu est un énorme déterminant de santé. Une des choses que nous pourrions faire serait d'aplanir le système de répartition du revenu, ce que vous pourriez faire, mais sur le plan politique je ne pense pas que les gens de l'Institut Fraser apprécieraient beaucoup.
Le Dr Rockwood: Oui, je pense qu'une des subtilités pour ce qui est de savoir comment établir les priorités dans les soins de santé, c'est qu'il y a de nombreux aspects dont on fait la promotion comme étant de bons facteurs de promotion de la santé et facteurs de promotion du mieux-être ne reposent pas sur des preuves qui justifieraient qu'on s'en serve de façon générale. Les gens semblent approcher cette question de deux façons. Une est de dire qu'un certain nombre de ces facteurs devraient respecter la même norme scientifique, ce qui d'après moi est la mauvaise approche. Cependant, compte tenu de la façon dont nous avons financé la recherche en santé jusqu'à maintenant, nous ne pouvons probablement pas compter que ce point de vue résistera face aux preuves d'efficacité qui elles sont financées par une industrie pharmaceutique multinationale de plusieurs milliards de dollars. Donc, si nous disons que les choses doivent reposer sur des preuves, nous les mettons sur un pied d'égalité.
En même temps, si nous n'investissons pas dans l'évaluation de l'efficacité de ces mécanismes à plus faible coefficient de technologie, alors nous ne saurons pas vraiment comment défendre des programmes de mieux-être. Je pense que c'est un point important qu'il faut souligner.
Le Dr Kephart: Je souscris entièrement à cette observation. Il est très intéressant de constater, lorsque vous prenez par exemple le processus actuel d'approbation des médicaments, que l'accent est mis sur l'efficacité et la sécurité. Il y a toutes sortes d'essais qui se font, par exemple, pour comparer des nouveaux médicaments à des placebos alors qu'en réalité, du point de vue de l'efficacité, ce que nous devons connaître, c'est l'efficacité du nouveau médicament par rapport aux autres types de médicaments que l'on utilise actuellement, ou l'efficacité de ce médicament par rapport à un remède à base de plantes médicinales qui est souvent utilisé. Dans mon esprit, il s'agit d'un problème absolument critique que nous devons examiner, c'est-à-dire notre approche de la recherche et notre approche du financement de la recherche.
Ce qui m'inquiète, c'est que l'accent continu mis sur les fonds de contrepartie pour la recherche du secteur privé continuera d'orienter une grande partie de notre financement des soins de santé au niveau fédéral dans la recherche sur l'efficacité dans la même voie que par le passé, à savoir qu'elle ne porte pas sur les questions de politique les plus importantes que nous devons examiner quant à l'efficacité relative de différents traitements et interventions.
Le sénateur Léger: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier, docteur Leddin, pour le compliment que vous nous avez fait au début, d'avoir entendu tous ces témoignages tout au long de la journée, et que je ne suis pas une spécialiste. Je suis nouvelle ici, mais j'aimerais dire seulement une chose: vous avez dit que c'était très difficile, et vous vous êtes demandé pourquoi il était si difficile d'avoir des discussions rationnelles sans qu'il y ait polarisation. Je l'admets, nous le savons. Vous avez également parlé d'une plus grande responsabilité des patients.
Pouvez-vous me dire, est-ce que l'écart entre les professionnels et les non-professionnels, entre les très spécialisés et les spécialistes, est-ce que l'écart entre ces groupes diminue un peu?
Dr Leddin: L'écart économique?
Le sénateur Léger: L'écart au niveau des connaissances. Je pense que la polarisation est un mécanisme d'autodéfense.
Dr Leddin: Je pense que la difficulté dans ce débat tient à la responsabilité des patients, parce que les gens n'ont pas idée des coûts, ou des choix. Je suppose qu'au niveau communautaire, c'est bien beau de faire des recommandations au sujet de programmes à long terme, mais je ne pense pas que quiconque serait prêt à fermer une unité de soins coronariens pour les réaliser. Comme vous le dites si bien, les choix sont très difficiles.
Pour ce qui est de l'écart au niveau des connaissances, je pense que c'est un peu flou. Si vous prenez l'exemple des infirmières spécialisées avec lesquelles nous travaillons, elles font quatre années d'études dans une école de sciences infirmières, puis elles font une maîtrise de deux ans, ce qui leur donne une formation équivalente à celle d'un médecin diplômé.
Le sénateur Léger: Qu'en est-il des gens ordinaires? Commencent-ils à être plus ouverts aux changements, en raison peut-être des émissions de télévision que nous voyons à Discovery et au Learning Channel? Est-ce que ça s'améliore?
Dr Leddin: Vous me posez une question très intéressante. Il y en a qui sont certainement plus ouverts, et d'autres qui reviennent à la science avant Galilée en ce sens qu'il s'agit d'un système de croyances plutôt qu'un système scientifique. C'est une situation passablement intéressante. Il y a beaucoup de gens qui s'éloignent complètement de la médecine scientifique pour adopter quelque chose qui ressemble davantage à un système de croyances. C'est assez bizarre.
Dr Rockwood: Permettez-moi de souligner un point à ce sujet. Parfois, lorsque des gens viennent nous voir, l'écart au niveau des connaissances est partiellement un écart au niveau des connaissances et parfois il s'agit d'un écart au niveau des attentes. Pour nous, c'est souvent salutaire de comprendre leurs attentes, et ensuite de comprendre que les preuves dont nous disposons ne les aideront pas à déterminer si leurs attentes seront satisfaites. Par exemple, il y a un énorme débat en ce moment au sujet des médicaments pour lutter contre la maladie d'Alzheimer. Lorsqu'un patient me pose des questions à ce sujet et que je lui donne des renseignements scientifiques, les preuves scientifiques accumulées à coup de dizaines de millions de dollars n'apportent absolument rien à ce que ces patients sont intéressés de savoir. Il n'arrive jamais que mes patients me demandent: «À la fin de tout cela, est-ce que je vais pouvoir épeler le mot «monde» à rebours mieux que je le fais maintenant»? Pourtant, cela a une incidence déterminante pour savoir si nous comprenons ou non le fonctionnement des médicaments. Je ne m'en prends pas du tout au groupe Alzheimer, parce qu'à certains égards ils ont fait davantage à ce sujet que d'autres groupes. Cependant, très peu des méthodes que nous avons choisies pour évaluer l'efficacité de ce que nous faisons en ce moment tiennent compte des préférences des patients. Le fait que les groupes adoptent une position défensive s'explique en partie du fait qu'ils ne peuvent pas répondre à la question de la façon qu'elle leur est posée. Encore une fois, instinctivement en médecine, nous allons dire: «Que j'aimerais le faire de cette façon», mais souvent c'est d'insister sur le fait que de savoir épeler le mot «monde» à rebours est en réalité la chose qu'il faut pouvoir faire, et la question que vous posez n'est pas très importante. J'espère que l'un des changements en ce qui concerne la population vieillissante de la génération du baby-boom permettra de faire en sorte qu'il ne soit plus acceptable d'évaluer les médicaments et les technologies sans tenir compte des préférences des patients, parce que c'est ce que nous faisons en ce moment.
La vice-présidente: Je tiens à remercier M. Sommers, le Dr Leddin, le Dr Rockwood et le docteur Kephart de leur patience. Nous venons de passer une heure et demie très intéressante.
La séance est levée.