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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 57 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour étudier l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue au Dr Ken Gardener et à la Dre Ruth Wilson qui, soit dit en passant, est la fille de notre collègue Lois Wilson, qui a pris récemment sa retraite du Sénat.

Le Dr Ken Gardener, vice-président, Affaires médicales, Capital Health Authority: Merci, madame la présidente. Pour que ce soit bien clair, je vous signale que je suis vice-président aux affaires médicales pour la Capital Health Authority d'Edmonton. Je tiens à le préciser parce qu'il y a aussi une Capital Health Authority à Victoria et à Halifax.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant votre comité. J'ai fait circuler un résumé de mes notes d'allocution et je compte faire parvenir un mémoire complet au comité un peu plus tard.

Je voudrais insister en particulier sur trois questions que je considère comme des obstacles historiques à la réforme des soins de santé primaires. Je vais vous décrire quelles sont à mon avis les perspectives de réforme les plus intéressantes pour le système et vous énumérer quelques-uns des facteurs clés pour assurer le succès de cette réforme.

Le premier des obstacles dont j'aimerais vous parler, en ce qui a trait à la mise en oeuvre de la réforme des soins primaires, concerne le profil des omnipraticiens. Depuis quelques décennies, en médecine, nous avons constaté une tendance vers le remplacement d'un système de médecine générale par un système de spécialités et de sous-spécialités. C'est ce qui s'est produit dans les hôpitaux et, dans une certaine mesure, dans le secteur de la médecine familiale avec le développement de spécialités comme la gériatrie, les soins palliatifs, la médecine sportive, et ainsi de suite. De façon générale, cette tendance à la spécialisation et à la sous-spécialisation s'est accompagnée d'une perception selon laquelle ces activités spécialisées ajoutaient de la valeur au système.

Nous avons donc constaté une diminution du nombre de personnes qui choisissent les spécialités générales comme la médecine interne générale et la chirurgie générale. Cette perception relative à une valeur moindre pour le système a eu des effets sur la pratique communautaire.

Il faut ajouter à cela la concurrence pour les ressources financières, technologiques et humaines. Quand vient le moment de répartir les fonds, les services de soins primaires ont toujours du mal à faire concurrence aux services de soins actifs en milieu hospitalier.

L'autre élément se rattache aux perceptions du grand public. De façon générale, quand on parle aux gens, ils se disent assez satisfaits de leur système de soins primaires. Ils n'aiment peut-être pas les médecins en général, mais ils aiment bien celui qui les soigne. En ce sens, il est rare qu'on lise en manchette, par exemple, qu'un malade a dû attendre cinq jours pour avoir accès à son médecin de famille. On entend plutôt parler des gens qui ont dû attendre cinq jours pour avoir accès à un lit d'hôpital.

L'impression que les spécialités ont plus de valeur, les effets qu'a eus cette perception sur la concurrence pour les ressources et le fait qu'il n'y a pas vraiment eu de pressions de la part de la population ont donc fait en sorte qu'on accorde généralement moins d'importance à la réforme du système de soins primaires.

Le système de soins primaires fournit une foule de services. Pour simplifier, je les ai regroupés sous les rubriques de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie, de la gestion des épisodes de troubles aigus, de la gestion des maladies chroniques et de la gestion de l'interface, c'est-à-dire la gestion des liens entre le système de soins primaires et les soins autonomes, d'une part, et les soins secondaires et tertiaires, d'autre part. Avec le temps, les limites de cette interface sont devenues plus floues. Une bonne partie de ce qui était autrefois des soins de routine exige maintenant des interactions avec le système. Et, inversement, des soins médicaux qui étaient dispensés couramment en milieu hospitalier ont été transférés dans la communauté et le secteur des soins primaires.

Si tout allait bien, nous ne serions pas ici. Quels sont les problèmes causés par ces divers rôles?

La plupart des gens diraient que la gestion des épisodes de troubles aigus et l'interface entre les soins secondaires et tertiaires ne semblent pas poser de problème. La gestion des maladies chroniques — quand on regarde par exemple les statistiques nationales sur le traitement du diabète, qu'on entend souvent citer —, la promotion de la santé et la prévention des maladies ont cependant été pointées du doigt comme des secteurs dont il serait possible d'améliorer le rôle si nous apportions des changements au système. Avec les soins autonomes et l'interface avec le secteur des soins primaires, ce sont des secteurs dans lesquels des investissements pourraient être particulièrement rentables.

Mais comment y arriver? Beaucoup d'initiatives ont été proposées, et je voudrais vous en mentionner trois. La première se rattache à la gestion de l'information sur trois fronts: l'information publique, l'information aux praticiens et l'information sur le système. Nous savons que le public a soif d'information sur la santé. Avec la prolifération des sites Web et des publications sur la question, les gens sont beaucoup mieux informés et ils veulent prendre leur santé en main. Pour les y aider, nous devons faire en sorte que le système leur fournisse des renseignements fiables et crédibles.

Pour ce qui est des praticiens, il y a la question des dossiers médicaux informatisés. Quand je fais faire ma vidange d'huile chez un concessionnaire spécialisé dans ce genre de chose, le mécanicien n'a qu'à taper mon numéro de plaque pour savoir comment je m'appelle, quel service j'ai reçu la dernière fois, quels conseils on m'a donné et quels sont ceux que je n'ai pas acceptés. Mais cette technologie n'est pas disponible actuellement dans la plupart de nos pratiques communautaires.

Comment est-ce que cela influe sur la qualité? En nous permettant d'intégrer couramment à notre pratique des soins fondés sur des données précises et de nous servir des outils disponibles pour appuyer nos décisions. Si un patient diabétique vient s'inscrire, d'où qu'il vienne, le système nous permettra de savoir automatiquement qu'il fait du diabète. Et des points de contrôle auront été programmés pour nous permettre de savoir s'il a eu récemment son hémoglobine glycosylée, son test d'urine pour les protéines, son examen de la vue, et ainsi de suite. Si ces choses-là n'ont pas été faites, nous en serons avertis et nous pourrons gérer le cas de façon appropriée.

Le deuxième aspect concerne les rapports entre le consommateur et le fournisseur de soins, selon le modèle des listes de services. C'est une question qu'on associe généralement aux nouveaux régimes de rémunération. Si nous devons nous diriger vers un système comprenant des objectifs de rendement et des obligations de reddition de comptes, il faudra des liens suivis entre les fournisseurs de soins et les consommateurs.

Le dernier élément, c'est la pratique en équipe. Il en a été question dans de nombreuses tribunes. Du point de vue des patients, ils méritent d'avoir accès aux services spécialisés des différents professionnels de la santé dans la communauté, tout comme dans les hôpitaux. Et du point de vue des fournisseurs de soins, il faut utiliser pleinement les possibilités de pratique. C'est le volet de la réforme qui encourage les médecins à constituer des groupes, qui favorise l'adoption de nouveaux régimes de rémunération pour assurer la pleine utilisation des compétences de tous les intervenants et qui permet une bonne répartition du travail.

La Dre Ruth Wilson, présidente, Réseau Santé familiale de l'Ontario: Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité. Ma mère m'a bien avertie de vous manifester tout le respect qui vous est dû.

En tant que médecin de famille, je sais que la médecine évolue constamment. Les médecins ont accès chaque jour à des données nouvelles, à de meilleurs médicaments et à des techniques plus avancées. Je sais aussi que, aussi perfectionnés que puissent être les procédures et les médicaments, aussi profonde que puisse être notre compréhension des origines d'une maladie, la relation entre les patients et leur fournisseur de soins primaires — leur médecin de famille — est essentielle pour qu'ils puissent bénéficier des progrès de la médecine.

J'ai accepté de présider le Réseau Santé familiale de l'Ontario et de travailler à la réalisation des objectifs qu'il vise parce que je suis convaincue que les réseaux de santé familiale sont favorables à cette relation. Le Réseau Santé familiale de l'Ontario est un nouvel organisme provincial chargé de la mise en oeuvre de la réforme des soins primaires, non pas sur une base expérimentale, mais pour l'ensemble de l'Ontario.

Je me suis intéressée à cette question pour trois raisons. La première, c'est que je dirigeais depuis dix ans le département de médecine familiale à l'université Queen's. J'enseignais tous les aspects de la pratique aux jeunes médecins de famille, mais quand j'étais à leur côté pour leur montrer à faire des accouchements, j'avais l'impression de perdre mon temps parce que je savais qu'une fois qu'ils auraient obtenu leur diplôme et qu'ils se retrouveraient en pratique privée, ils n'auraient pas le soutien nécessaire, en termes d'infrastructure, d'encouragements financiers et d'équipe, pour dispenser l'ensemble des soins pour lesquels je les avais formés. Je me sentais donc de plus en plus frustrée dans mon rôle d'éducatrice. Nous produisions des médecins de famille bien formés, qui étaient intéressants pour les États-Unis et pour d'autres pays, mais qui ne bénéficiaient pas d'un soutien suffisant ici au Canada.

Dans le cadre de mon travail à Queen's, au cours des cinq dernières années, j'ai participé à un projet en Bosnie pour aider les gens de là-bas à développer leur système de soins primaires. Quand je suis en Europe, je suis très consciente de l'excellente réputation dont jouit le système canadien de soins de santé. La moitié de nos médecins sont des médecins de famille. Nous avons un bon équilibre entre les omnipraticiens et les spécialistes dont le Dr Gardener vous a parlé. Il y a beaucoup de points forts dans notre système. Nous n'avons pas besoin d'une révolution. Mais nous devons mieux soutenir les médecins de famille dans leur travail. Je suis particulièrement préoccupée par le fait que les gens sont moins intéressés à faire carrière en médecine familiale.

Enfin, je m'intéresse aussi à la réforme du système de soins primaires pour des raisons personnelles. Certains d'entre vous connaissent ma famille. Nous avons connu des problèmes de santé ces dernières années. Les membres de ma famille ont de bonnes relations avec leur médecin de famille, mais certains omnipraticiens, y compris parmi ceux qui soignent ma famille, ne font du bureau que du lundi au vendredi. Si un membre de la famille est malade en dehors des heures de bureau et qu'il est inquiet parce qu'il ne sait pas quoi faire, il a le choix entre appeler la fille médecin ou aller à l'urgence. Je pense que nous pouvons offrir aux citoyens un meilleur accès aux soins de santé.

Je vais vous décrire ce que nous offrons actuellement à tous les médecins de famille en Ontario. Depuis la fin de janvier, ils ont la possibilité de former des réseaux de santé familiale. Je vais vous expliquer en détail en quoi cela consiste, et j'ai aussi des documents que vous pourrez conserver et regarder de plus près. Mes remarques vont porter surtout sur les médecins de famille, mais ma vision de la réforme du système de soins primaires va au-delà des médecins de famille. Nous devons absolument travailler avec d'autres professionnels, dans des réseaux de fournisseurs, pour soigner nos patients. Nous espérons que les relations avec les autres professionnels se resserreront quand nous aurons mis en place des réseaux de santé familiale.

En un sens, je m'excuse de ne pas vous parler davantage des autres fournisseurs de soins; mais d'un autre côté, je ne suis pas vraiment désolée parce que je pense que nous devons essentiellement soutenir et regrouper nos praticiens de médecine familiale en Ontario.

En Ontario, le soutien dont je vous ai parlé repose sur le modèle de financement qui a été négocié par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et l'Ontario Medical Association, l'OMA. Quand on parle d'obstacles au progrès dans le domaine des soins primaires, je dois dire — et c'est ce que j'explique aux médecins — qu'en Ontario, le fait que l'OMA et le ministère se soient entendus sur ce mode de financement a été pour moi un soutien extrêmement utile dans mes efforts de mise en oeuvre.

Le système de paiement prévoit une rémunération pour l'ensemble des services de médecine familiale, ainsi que pour les mesures de prévention comme les tests Pap, les mammographies, les vaccins antigrippaux et les autres immunisations; il y a aussi des objectifs relatifs aux soins complets et aux possibilités de formation médicale continue.

Le système prévoit également des primes pour les soins à l'extérieur du bureau. C'est une chose que les médecins de famille sont tout à fait capables de faire, mais il n'y avait plus d'incitatifs monétaires depuis des années pour les y encourager. Il y a maintenant des incitatifs monétaires pour les visites à domicile, ainsi que pour les soins palliatifs, prénatals, obstétriques et hospitaliers. Cela encourage les médecins à être aux côtés de leurs patientes quand elles accouchent et à continuer de les soigner quand elles vieillissent et qu'elles se retrouvent dans un foyer. Cela favorise les soins du berceau jusqu'à la tombe que les médecins de famille savent si bien dispenser.

J'ai mentionné les soins préventifs et j'ai dit que les réseaux de santé familiale favorisent la continuité dans les soins et dans les rapports entre les médecins et leurs patients. Quand les patients s'inscrivent auprès d'un médecin, dans un réseau de santé familiale, ils s'engagent à faire appel à ce réseau en premier s'ils ont besoin de soins primaires, sauf en cas d'urgence ou s'ils sont en voyage quelque part. Ils signent un formulaire en ce sens. C'est la différence entre voir «le» médecin et voir «son» médecin. Cela favorise les relations personnelles.

Les réseaux de santé familiale recevront également des fonds pour profiter de la technologie informatique. Vous avez entendu parler de l'immense potentiel clinique de cette technologie. Les réseaux disposeront d'un budget important pour se procurer du matériel informatique et des logiciels.

À mon avis, il n'y a pas suffisamment de normes relatives aux données sur les soins primaires. À cet égard, je tiens à souligner que j'ai bien aimé les recommandations de votre cinquième rapport. J'ai été particulièrement frappée par votre analogie au sujet de la personne qui doit faire un diagnostic pour quelqu'un qui lui dit que son ampoule est brûlée. Dans votre rapport, vous vous demandez s'il en coûterait moins cher d'appeler un électricien qui changerait l'ampoule au prix fort, ou un électricien capable d'établir un diagnostic. Vous ne répondez pas très clairement à la question, mais vous faites remarquer que, du point de vue de la personne qui a un problème, la seule chose qu'elle constate, c'est qu'il fait noir. Nos systèmes nationaux actuels de codage permettent de préciser si l'ampoule est brûlée, si le fusible a sauté, s'il y a un problème majeur dans les fils, mais nous n'avons pas de système de codage satisfaisant pour dire qu'il fait noir.

Comme médecin de famille, je vois beaucoup de patients qui ont différents symptômes. Ils sont fatigués, déprimés et étourdis. Ils dorment mal et ils sont au bout du rouleau. Il me faut parfois un bon bout de temps pour établir un diagnostic, et je n'y arrive pas toujours. Il y a une foule de facteurs qui contribuent à cela.

Il y a de nombreux symptômes que nos systèmes informatiques ne nous permettent pas de coder ou de comprendre. Ces systèmes sont influencés en bonne partie par le secteur hospitalier, où on a l'habitude de coder les appendicites ou l'arthrite. Il faudra que quelqu'un prenne l'initiative d'établir des normes relatives aux données sur les soins primaires, des normes auxquelles les médecins de famille, les infirmières et les infirmières praticiennes pourront contribuer. Le gouvernement fédéral aurait peut-être un rôle à jouer dans ce domaine.

Je vais maintenant vous parler de quelques-uns des avantages que le modèle de financement des réseaux de santé familiale offre aux yeux des médecins et des autres intervenants. Ces dernières années, nous avons mené divers projets pilotes en Ontario. Nous avons maintenant terminé cette phase expérimentale. Ces projets pilotes nous ont fourni une information importante sur certains des avantages de notre modèle de financement.

En particulier, la rémunération se fait en bonne partie sous forme de paiements par capitation, selon un taux de base. Cette formule assure une certaine équité, en ce sens que le financement est le même pour chaque réseau en fonction du nombre de patients soignés. Elle donne également une certaine stabilité aux médecins du réseau. Ils savent qu'ils vont être payés régulièrement, sans être obligés d'accumuler les cas pour être certains d'avoir un salaire décent selon le système de rémunération à l'acte. Ils sont donc libres de pratiquer différemment, de donner des conseils au téléphone et de travailler avec une infirmière praticienne pour soigner leurs patients. Ils apprécient la possibilité de prendre des vacances en sachant que leurs frais généraux vont être payés. Ils peuvent mieux équilibrer leur vie personnelle et professionnelle. Nous devons offrir plus de stabilité aux médecins ontariens.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur la question de l'accès aux soins. Dans le modèle ontarien des réseaux de santé familiale, nous demandons à ces réseaux d'offrir des soins non seulement pendant les heures normales de travail, mais également le soir et les fins de semaine. Quand les bureaux sont fermés, il y a une infirmière qui prend les appels et qui effectue un tri préliminaire par téléphone. Le patient peut être envoyé à l'urgence ou bénéficier de conseils qui lui permettront de se soigner lui-même, ou encore, selon notre modèle, si l'infirmière n'est pas certaine de ce qu'il faut faire, elle peut téléphoner au médecin de garde pour le réseau, qui a accès au dossier du patient. À eux deux, ils peuvent trouver une réponse pour le patient ou le voir au besoin.

Je suis très optimiste quant au succès des réseaux de santé familiale. Nous avons reçu des demandes d'information de plus de 500 médecins ontariens, qui étaient sérieusement intéressés et qui voulaient savoir quels étaient les revenus possibles. Mon personnel et moi avons rencontré plus de 520 médecins intéressés. Le 16 mai, l'honorable Tony Clement a inauguré le premier réseau de santé familiale en Ontario, le Dorval Medical Associates Family Health Network à Oakville. Et nous nous attendons à ce qu'il y en ait d'autres bientôt.

Pour certains médecins, la décision a été difficile. Nous leur demandons de s'intégrer à une pratique de groupe et d'accepter d'être rémunérés autrement, d'envisager une collaboration avec des collègues et de se servir de l'informatique. Il leur faut du temps pour se faire à l'idée. Nous leur avons fourni un manuel pratique — que je vous ai remis également — qui contient une explication du modèle de financement et une trousse d'information comprenant des renseignements essentiels. Je vous ai également remis une brochure dans laquelle nous expliquons aux patients ce que nous attendons d'eux.

Je vous suggère de prendre quelques instants pour lire les quelques paragraphes écrits par le Dr George Southey, le médecin qui dirige le premier réseau de santé familiale. Nous n'avons pas rédigé ces commentaires à sa place. C'est lui qui a dressé la liste des raisons pour lesquelles les réseaux de santé familiale seront avantageux pour les patients et pour les médecins. Je vais vous lire le dernier paragraphe, qui dit ceci:

Notre décision collective de prendre soin les uns des autres dans notre système de soins de santé est une des caractéristiques essentielles de notre société. Quel beau témoignage sur notre pays!

La vice-présidente: Comment fonctionne le Service téléphonique d'aide médicale qui est maintenant offert en Ontario? Y a-t-il un système qui permet de mesurer le taux de succès pour les appels reçus?

La Dre Wilson: C'est une question intéressante. Il y a actuellement deux systèmes en place en Ontario. Il y en a un qui est ouvert à tout le monde; c'est de celui-là que vous voulez parler. On peut y obtenir des conseils du même genre que ceux que reçoivent les patients d'un réseau de santé familiale. Mais on ne peut pas avoir accès à un médecin.

Si vous appelez l'infirmière, dans le système provincial, elle vous expliquera comment vous soigner vous-même, elle vous dira de vous rendre à l'urgence ou elle vous conseillera de consulter un médecin. Elle ne peut pas vous mettre en contact avec votre médecin ou avec un autre médecin pour cette consultation. C'est un peu différent de notre système.

Nous avons évalué les deux systèmes jusqu'à un certain point. Notre site Web contient des renseignements qui pourront intéresser les membres du comité. Vous y verrez que nous avons réussi à réduire la demande de services d'urgence. Quand on demande aux patients ce qu'ils auraient fait s'ils n'avaient pas pu parler à une infirmière, beaucoup répondent qu'ils seraient allés à l'urgence, mais qu'après avoir parlé à l'infirmière, ils vont faire autre chose. Nous sommes heureux d'entendre ce genre de commentaire. C'est la raison pour laquelle nous avons inclus cela dans nos activités de déploiement.

La vice-présidente: Est-ce que cela enlève de la pression sur le service 911?

La Dre Wilson: Nos chiffres indiquent qu'un faible pourcentage de gens ne seraient pas allés d'eux-mêmes à l'urgence. Mais l'infirmière peut conseiller à un patient de ne pas négliger une douleur à la poitrine, par exemple, et offrir d'appeler le 911. C'est un usage plus approprié du service 911.

Le Dr Gardener: À Edmonton, nous avons lancé en septembre 2000 le service Capital Health Link, une ligne d'information sur la santé ouverte 24 heures par jour et sept jours par semaine. Le conseil a déterminé que l'information publique était un des rôles clés de l'office régional de la santé. Cela nous a permis de regrouper toutes les lignes d'information sur la santé en service dans la région — nous nous étions rendu compte qu'il y en avait plus de 40.

Nous avons mis ce service sur pied pour faire deux choses. Premièrement pour expliquer aux gens comment naviguer dans notre système complexe. La population voulait par exemple de l'information sur la façon d'obtenir des soins à domicile pour un membre de la famille ou sur l'endroit où se donnent les cours prénatals.

Deuxièmement, le service vise également à donner des conseils en matière de santé, grâce à des logiciels permettant l'application d'algorithmes de triage par des infirmières mis au point par la Cleveland Clinic. Au cours de la première année du service, nous avons reçu 250 000 appels. La réponse de la population a été extraordinaire. Les évaluations que nous avons faites ont été très positives. Les consultants indépendants que nous avons embauchés nous ont dit qu'ils n'avaient jamais vu de tels niveaux de satisfaction dans d'autres secteurs de l'industrie pour l'évaluation d'un centre d'appel.

Comme l'a dit la Dre Wilson, ce service vise à aider les patients à gérer l'interface entre les soins qu'ils peuvent administrer eux-mêmes et les soins primaires. Souvent, la nouvelle maman qui se fait réveiller par son bébé au milieu de la nuit et qui pense qu'il fait de la fièvre ne sait pas si elle doit se rendre à l'urgence ou non.

Quand nous avons examiné la situation, nous avons immédiatement remarqué que l'augmentation du nombre des visites non urgentes à l'urgence était en train de ralentir. Et, pour le quatrième trimestre de la dernière année financière, nous avons en fait constaté pour la première fois depuis des années une diminution du nombre de visites non urgentes à l'urgence.

La réduction du recours aux services d'urgence pour les cas non urgents est une excellente chose parce que cela permet d'économiser de l'argent. Ce qui compte, cependant, c'est l'utilisation appropriée des ressources. Bien des gens pourraient éviter d'aller à l'urgence. Mais s'il y a une ou deux personnes qui hésitent à y aller — alors qu'elles le devraient —, qui se font dire de s'y rendre afin de recevoir les médicaments appropriés pour éclaircir leur sang par suite d'un accident cérébrovasculaire, par exemple, et qui ne gardent à peu près aucune séquelle de leur accident grâce à cette intervention, c'est là que le service peut être extrêmement utile.

La vice-présidente: J'aimerais que vous répondiez tous les deux à ma prochaine question.

Docteure Wilson, vous mentionnez dans votre document que nous demandons aux médecins de famille de changer la façon dont ils sont rémunérés et de passer du système actuel à un système fondé sur une approche de soins primaires en équipe.

Vous avez fait l'expérience de cette approche à Edmonton, docteur Gardener.

Quel genre d'incitatifs suggérez-vous? Et comment pouvons-nous en arriver là? Est-ce que nous devrions cibler les jeunes médecins qui sortent de l'université? Avez-vous réfléchi à cette question? Avez-vous mis en pratique des mécanismes ou des propositions pour inciter les médecins à choisir cette façon de dispenser des soins primaires sans beaucoup de stress personnel?

La Dre Wilson: C'est exactement en quoi consiste mon nouveau travail. Je vais vous expliquer ce que nous faisons et ce qui fonctionne le mieux.

Nous croyons que les incitatifs monétaires sont importants. Il y a des récompenses d'ordre financier pour les médecins qui adhèrent à un réseau de santé familiale. Je leur dis que je ne m'attends pas à ce qu'ils se lancent dans un nouveau genre de pratique si ce n'est pas intéressant pour eux sur le plan financier. Il y a des bonis et d'autres incitatifs monétaires, qui mettent l'accent en particulier sur les soins intégrés que nous recherchons, plutôt que sur les soins épisodiques sur lesquels le régime de rémunération mettait l'accent jusqu'ici.

Mais au-delà de cela, vous avez raison de dire, madame le sénateur, qu'il faut en faire plus. Nous sommes en train de mettre en place des cours qui aideront les médecins à former des équipes et à travailler en groupes comme ils auront à le faire, tant pour établir un certain niveau de confiance avec les autres médecins, s'ils n'ont pas l'habitude de travailler avec des collègues, que pour les aider à collaborer avec les autres fournisseurs de soins.

Il y a une étude intéressante qui a été réalisée ici, à Ottawa, par Dan Way et Linda Jones et qui a révélé que, quand on prend le temps de montrer aux médecins de famille et aux infirmières praticiennes comment collaborer, ils travaillent beaucoup mieux ensemble. Si on ne le leur montre pas, ils se parlent moins. La situation ne reste pas neutre, elle se détériore. Ce genre de sensibilisation des médecins est importante.

Sur le plan pratique, nous avons des consultants médicaux et des coordonnateurs locaux, des gens de notre réseau qui vont aller rencontrer les groupes de médecins et leur expliquer, étape par étape, ce qu'il faut faire pour former un réseau de santé familiale. Nous allons nous occuper le plus possible des formalités administratives à leur place. Par exemple, s'ils sont prêts à former un réseau, nous allons faire les envois postaux nécessaires pour recruter des patients. Nous le faisons pour les soulager le plus possible des tâches administratives.

La vice-présidente: Docteur Gardener, avez-vous quelque chose à dire au sujet de cette évolution?

Le Dr Gardener: C'est tout un défi. Si vous analysez la plupart des milieux à l'heure actuelle, vous constaterez qu'il y a clairement trois groupes de médecins. Il y a ceux qui sont prêts à se lancer. Ils savent qu'ils veulent changer leur façon de pratiquer. Ils sont contents d'envisager un nouveau mode de rémunération et ils font des pressions pour que cela se fasse.

À l'autre bout de l'échelle, il y a des médecins qui sont parfaitementsatisfaits de la situation actuelle.

Et, entre les deux, il y en a qui sont intéressés, qui reçoivent l'information et qui l'étudieront peut-être, mais qui ne sont pas prêts à faire le saut.

Nous avons travaillé avec diligence auprès du premier groupe. Nous avons essayé de former une masse critique de médecins prêts à pratiquer de façon différente et à se faire les champions de cette nouvelle formule, pour en vanter les avantages aux autres. C'est l'approche que nous avons essayé d'appliquer.

Ce n'est pas toujours facile. La Dre Wilson a mentionné le processus de gestion du changement. Dans le projet nord- est que nous avons mis sur pied à Edmonton, nous avons rapidement découvert qu'on ne peut pas se contenter de mettre des médecins, des infirmières praticiennes, des spécialistes en réadaptation et d'autres intervenants quelque part et s'attendre à ce qu'ils forment instantanément une équipe. Cela exige beaucoup de travail.

Un des défis que posent les nouveaux régimes de rémunération, c'est qu'il faut nous assurer que nous ne nous trompons pas encore une fois dans l'unité de valeur relative. Comme l'a démontré le travail effectué par la Dre Wilson et ses collègues, nous avons fait beaucoup d'efforts pour nous assurer que nous n'abandonnions pas les avantages d'un système simplement pour le plaisir d'en adopter un autre. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Si on n'établit pas correctement l'unité de valeur relative dans un système fondé uniquement sur la capitation, il peut y avoir beaucoup plus de problèmes que prévu.

Nous en sommes encore à l'étape cruciale qui consiste à constituer une masse critique et à bâtir sur nos succès.

Le sénateur Callbeck: Docteur Gardener, je voudrais vous poser une question sur un élément dont vous n'avez pas parlé aujourd'hui. L'an dernier, je pense, le service de santé d'Edmonton a reçu un prix à l'innovation pour avoir mis en place des conseils chargés de faire le lien entre le conseil et la communauté.

Comment ces conseils ont-ils été constitués? Combien comptent-ils de membres? Comment ces membres ont-ils été choisis? Est-ce que ce sont des bénévoles? Et comment sont-ils en contact avec la communauté?

Le Dr Gardener: Les conseils de santé communautaire ont été mis sur pied au moment de la régionalisation. Je ne sais pas exactement combien chaque conseil compte de membres, mais il y en a à peu près 10 ou 12. Il y a eu des avis publics pour trouver des gens intéressés à siéger à ces conseils de santé communautaire, et les gens ont envoyé des demandes. Un groupe de membres du conseil, avec l'appui de certains membres de l'équipe administrative, a fait son choix parmi les candidats. Et aujourd'hui, certains des membres actuels des conseils de santé communautaire participent à leur tour à ce processus de sélection. Ce sont tous des bénévoles.

Le cadre administratif de la Capital Health Authority comprend une infrastructure de coordination de leurs activités. Les conseils prennent différents moyens pour consulter la population. Certains tiennent des assemblées communautaires ou organisent des tribunes publiques.

Il y a aussi des interactions structurées avec le conseil de la Capital Health Authority pour lui communiquer les résultats de ces consultations auprès de la population.

Le sénateur Callbeck: Si vous aviez une décision importante à prendre, est-ce que vous demanderiez l'avis de ces conseils?

Le Dr Gardener: Certainement. Nous demandons aux conseils de santé communautaire leur opinion sur certains des problèmes qui risquent de se poser dans le système.

Le sénateur Callbeck: Mais vous ne les consulteriez pas sur toutes les questions.

Le Dr Gardener: En effet. Ils travaillent à un assez haut niveau. En particulier, nous ne comptons pas sur eux pour s'occuper des questions opérationnelles. Nous leur demandons d'établir une vision et des orientations stratégiques, de tracer la voie à suivre pour répondre aux besoins de la communauté. Le Northeast Community Health Centre en est un exemple. La population a largement contribué à définir les besoins qui n'étaient pas satisfaits, et c'est ce qui a mené à la mise en place de ce programme.

Le sénateur Callbeck: Y a-t-il des problèmes associés à ces conseils? Autrement dit, pensez-vous que c'est une formule qui devrait être adoptée ailleurs au Canada?

Le Dr Gardener: Nous devons prendre les moyens de faire participer la population. Le scénario de la réforme des soins primaires en est un exemple. C'est un défi. Si nous adoptions un système selon lequel les gens devraient s'inscrire auprès d'un médecin, d'une clinique ou d'un fournisseur de soins en particulier, ce serait le genre d'exigence qui pourrait entraîner des problèmes majeurs si nous n'avions pas la population de notre côté.

À tous les niveaux, il faut des mécanismes pour faire participer la population et lui demander son avis sur certaines questions. Je ne suis pas certain que les conseils de santé communautaire soient le seul moyen d'y arriver. Mais c'est une fonction nécessaire.

Le sénateur Callbeck: Pour vous, l'expérience a été positive.

Le Dr Gardener: Tout à fait. Quand de nouveaux conseils sont créés, il y a toujours un processus d'apprentissage en ce sens que certains membres de ces conseils souhaitent parfois faire avancer certains dossiers en particulier. Mais ces conseils sont pour nous une source précieuse de participation de la communauté.

Le sénateur Callbeck: Docteure Wilson, est-ce que le Réseau Santé familiale de l'Ontario sera mis en oeuvre dans l'ensemble de la province? Est-ce qu'il sera établi dans les régions rurales?

La Dre Wilson: J'ai pratiqué pendant 12 ans dans le nord du Canada — à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique et, pendant six ans, en Ontario. Je suis convaincue que ce modèle fonctionnera également pour les communautés rurales.

Nous demandons aux réseaux de santé familiale d'avoir au moins cinq médecins. Dans les communautés qui comptent moins de cinq médecins, le modèle ne s'applique pas. Il faut alors une autre forme de financement et d'autres mécanismes de soutien. Mais le système devrait très bien fonctionner pour les communautés où il y a au moins cinq médecins et un petit hôpital rural.

Il y a eu des ajustements pour tenir compte de la situation en région rurale. Dans les communautés où les médecins de famille travaillent dans un hôpital rural, s'ils ont le droit de pratiquer à l'hôpital et qu'ils participent activement au travail de l'hôpital, nous levons l'exigence selon laquelle ils doivent offrir le service le soir et les fins de semaine.

Pour avoir travaillé dans le Nord, je reconnais qu'il n'est pas logique, dans une communauté qui compte huit médecins, d'en avoir un au service d'urgence et un autre au bureau le samedi matin. Ce serait une surexploitation des ressources humaines. Ce que nous disons, dans le cas des régions rurales, c'est que les services après les heures de bureau peuvent être offerts à l'urgence ou en clinique externe. Nous avons fait des ajustements à cet égard. Il y a aussi de modestes incitatifs financiers dans le modèle applicable à la pratique rurale.

Le sénateur Callbeck: Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, où la plupart des régions rurales comptent moins de cinq médecins.

La Dre Wilson: Je connais quelques-uns des médecins de famille de l'Île-du-Prince-Édouard. Un de nos projets pilotes se déroule en région rurale, au nord de Kingston, dans une zone qui comprend les communautés de Sharbot Lake, Sydenham, Tamworth, Verona et Newburg. Toutes ces communautés se trouvent à environ une heure de route les unes des autres. Et aucune ne compte plus de deux médecins de famille. La population de chaque petit village est d'environ 1 000 ou 2 000habitants. Comme il s'agit d'un projet pilote, deux infirmières praticiennes se sont jointes à ce réseau.

Les médecins ont formé un réseau. La première chose qu'ils ont faite a été de se partager les tours de garde. Ils hésitaient à le faire au début parce qu'ils avaient l'habitude d'assurer la garde pour les gens de leur propre village, dont la plupart étaient des voisins. Ils n'aimaient pas beaucoup l'idée de prendre des fins de semaine ou des nuits de congé pendant que le médecin du village voisin serait de garde. L'été dernier, ils ont fait tous leurs tours de garde en groupe, et ils ont aimé l'expérience. Pendant l'hiver, ils ont donc constitué un groupe de garde.

Dans les communautés rurales, cette situation offre aux médecins un mode de vie un peu plus stable et leur permet de prendre congé de temps en temps.

Les médecins ont également apprécié la mise en oeuvre du système de télétriage pour répondre aux gens de leur petite ville qui appelaient pour demander des conseils à n'importe quelle heure. Avant, quand les gens voyaient que la lumière était allumée sur le balcon du médecin, ils appelaient. Cela a diminué considérablement.

L'arrivée de l'infirmière praticienne a aussi été très bien accueillie, surtout dans un endroit où il n'y avait pas de femmes pour dispenser les soins.

Ce projet pilote nous a démontré que des petites communautés situées à moins d'une heure de route les unes des autres — et je pense que cela pourrait fonctionner à l'Île-du-Prince-Édouard, où les distances sont raisonnables — et comptant un, deux ou trois médecins pourraient constituer un réseau et offrir le service.

[Français]

Le sénateur Pépin: Ma question fait suite à celle du sénateur Callbeck. Existe-t-il une différence marquée entre la réponse des médecins qui pratiquent en région rurale et la réponse de ceux qui travaillent en région urbaine ou qui ont participé aux projets pilotes?

[Traduction]

La Dre Wilson: Je dirais que non. Il y a des médecins des villes, des banlieues, des régions rurales et des régions isolées qui ont manifesté de l'intérêt pour les projets pilotes. Le mois dernier, nous avons reçu des demandes de Dryden, de Sioux Lookout, de Haliburton, de Guelph, d'Oakville, d'Ottawa, de Thunder Bay, de North Bay, de Sault Ste. Marie, de London et de Kingston. Il en vient de partout.

Les jeunes médecins sont intéressés parce que, quand ils obtiennent leur diplôme, ils veulent un milieu de travail où ils n'auront pas à consacrer beaucoup de temps à l'administration ou à l'installation d'une clinique. Ils aiment l'idée d'un réseau. Les médecins plus âgés, ou en semi-retraite, aiment aussi l'idée parce qu'ils peuvent partager les tours de garde et travailler à temps partiel, par exemple, en sachant que leurs patients vont être soignés quand même. Les femmes médecins apprécient la formule parce qu'elles peuvent travailler à temps partiel en sachant, elles aussi, que leurs patients vont être soignés. Les médecins qui offrent des soins intégrés — en obstétrique et en milieu hospitalier— sont heureux du rééquilibrage des incitatifs monétaires. Et ceux qui s'intéressent à l'informatique se réjouissent aussi.

Je ne peux pas vous dire qu'il y a de l'intérêt uniquement dans les villes ou dans les régions rurales. D'après ce que j'ai pu voir, les médecins de tous les groupes d'âge, hommes et femmes, et dans toute une gamme de régions géographiques, sont intéressés.

Est-ce que la formule plaît à tout le monde? Pas du tout. Les médecins ne veulent pas tous travailler en groupe ou offrir des soins intégrés. Et il y en a beaucoup qui ne s'intéressent pas à l'informatique. Mais je vous ai décrit le genre de médecins qui trouvent l'idée attrayante jusqu'ici.

Le sénateur Pépin: Certains patients ont déclaré à notre comité qu'ils se sentaient beaucoup plus à l'aise avec une équipe parce que, si un médecin n'est pas disponible, il y aura un autre médecin de l'équipe qui pourra les voir et qui sera au courant de leur dossier lui aussi.

Dans certains projets pilotes, il semble qu'il y ait eu quelques difficultés au sujet des infirmières traditionnelles. Avez-vous eu connaissance de problèmes entre des infirmières et des médecins, et si oui, est-ce que quelque chose a été fait pour résoudre ces problèmes?

La Dre Wilson: Nous avons en Ontario un nouveau type d'intervenants: les infirmières praticiennes. Il n'y en a pas dans toutes les provinces. Ce sont des infirmières qui ont une pratique élargie. Elles peuvent faire des diagnostics et traiter des troubles courants, prescrire des médicaments, commander des radiographies et faire des plâtres.

Certaines de ces infirmières pratiquent de cette façon dans des petites communautés isolées. D'autres ont reçu une formation en bonne et due forme dans nos universités et collèges pour obtenir cette accréditation.

Nous avons actuellement environ 400 infirmières praticiennes en Ontario. Cependant, il n'y a pas beaucoup de postes prévus au budget pour elles. Certaines exercent dans des centres de santé communautaires et dans les communautés du Nord. Nous espérons qu'il y aura à l'avenir davantage de possibilités pour les infirmières praticiennes en Ontario.

Le sénateur Morin: Combien y a-t-il d'infirmières praticiennes qui participent aux réseaux de santé familiale? Et, s'il n'y en a pas, pourquoi?

La Dre Wilson: Je n'ai pas parlé de cet aspect-là au début de ma présentation. Permettez-moi de vous décrire ce qui se passe en Ontario. Nous sommes déterminés à appliquer la formule dans l'ensemble de la province. Nous avons terminé l'étape des projets pilotes. Nous voulons que le modèle des réseaux soit adopté partout en Ontario.

Le ministère et l'Ontario Medical Association ont été les principaux artisans de la négociation de ce modèle. Ils ont réussi à négocier un régime de rémunération et de pratique pour les médecins de famille. Avec l'accord de l'OMA et du ministère, c'est ce qui est offert maintenant.

Ce n'est pas suffisant. Nous sommes tous prêts à dire — moi-même, l'OMA et les associations d'infirmières — qu'il faut plus d'infirmières praticiennes dans les réseaux de santé familiale, et le gouvernement y tient. Mais, jusqu'ici, je ne sais pas exactement comment nous allons en arriver là. Je suis convaincue qu'il y aura des mesures annoncées à ce sujet-là. Pour le moment, ce qui est offert vise les médecins de famille.

La vice-présidente: Nous avons entendu il y a un certain temps un témoin qui nous a dit que 40 p. 100 des infirmières ayant reçu une formation d'infirmières praticiennes, en Ontario, étaient incapables de trouver du travail dans leur domaine et qu'elles allaient travailler chez Wal-Mart, par exemple. Mais vous essayez de les intégrer convenablement dans le système.

La Dre Wilson: J'ai vu des témoignages selon lesquels elles sont sous-employées, et j'ai vu certaines choses également au sujet de celles qui travaillent dans la vente au détail.

D'après l'information dont je dispose, beaucoup d'entre elles sont effectivement sous-employées en ce sens qu'elles travaillent comme infirmières, mais qu'elles ne dispensent pas tous les services qu'elles seraient capables d'offrir. Je n'ai pas entendu dire qu'il y ait de nombreuses infirmières praticiennes qui quittent le domaine de la médecine, mais il y en a peut-être quelques-unes.

Je tiens autant que vous à ce que le modèle soit étendu à d'autres intervenants, et je suis certaine que cela viendra. Cela dit, il faut bien commencer quelque part. Nous avons beaucoup de choses à changer si nous voulons convaincre les milliers de médecins de famille de l'Ontario d'accepter ce modèle. Ce qui est offert actuellement est une première étape.

La vice-présidente: Il y aura une longue pente à monter.

[Français]

Le sénateur Pépin: Il y a un point sur lequel j'aimerais avoir plus de précision. Les patients doivent actuellement s'inscrire dans le système ontarien. Leur médecin omnipraticien peut les référer à un spécialiste. Ensuite, ils peuvent changer de médecin jusqu'à deux fois par année. Toutefois, s'ils ne consultent pas régulièrement un autre omnipraticien, le médecin qui fait partie du réseau peut les retirer de sa liste de patients.

Quelle est la différence entre un patient inscrit sur un réseau et l'autre qui ne l'est pas? Si je décide de quitter la clinique où je suis inscrite parce que je crois que je serais mieux dans une autre, autrement dit, si je magasine, est-ce que je risque de me retrouver nulle part?

[Traduction]

La Dre Wilson: Pour commencer, nous demandons aux médecins de famille qui font partie des réseaux de santé familiale de donner à tous leurs patients actuels la possibilité de s'inscrire. Nous leur demandons d'agir ainsi parce que nous ne voulons pas qu'ils choisissent des patients en bonne santé et refusent les malades. En effet, étant donné que le système se fonde sur la capitation, il y a le risque que les médecins soient tentés d'inscrire les patients en bonne santé pour lesquels ils seront payés chaque mois, qu'ils les examinent ou non, et de retirer les malades qui viendront consulter plus souvent. Nous voulons éviter ce type de situation. Nous voulons que le médecin permette à tous ses patients de s'inscrire.

Les patients s'engagent à recevoir leurs soins de santé primaires auprès d'un médecin du réseau. Rien ne les empêche d'obtenir le point de vue d'un autre médecin ou d'un consultant. Nous espérons que le médecin de famille les aidera à obtenir un autre point de vue et nous estimons même que c'est de son devoir de le faire.

Nous ne souhaitons pas que les patients se sentent bloqués. S'ils ne se sentent pas à l'aise avec leur médecin, nous voulons qu'ils soient libres de consulter un autre médecin de famille. Nous acceptons que les patients puissent changer de médecin deux fois dans l'année. Ils ne sont pas bloqués et condamnés à consulter toujours le même médecin.

Il peut arriver qu'une patiente soit inscrite sur ma liste et qu'elle continue à consulter une clinique sans rendez-vous, qu'elle voie ainsi plusieurs médecins et fournisseurs de soins de santé. En vertu du contrat qui me lie à elle, je serais habilitée à lui dire qu'elle ne respecte pas son obligation d'obtenir ses soins de santé primaires au sein du réseau. Je serais en droit de l'éliminer de ma liste. Elle pourrait cependant continuer à être ma patiente, puisque je ne briserais pas le lien que j'ai avec elle, mais je ne serais pas payée de la même manière que pour mes patients inscrits. Cela ne fait aucune différence pour le patient, mais le médecin n'est pas payé de la même manière. Le médecin peut conserver un tel patient pour lequel il sera rémunéré à l'acte.

Théoriquement, cette patiente n'aurait pas accès au système de triage téléphonique et ne recevrait pas les rappels de soins préventifs que nous expédions à nos patients inscrits. Par exemple, on ne lui rappellerait pas qu'il est temps de faire une mammographie ou un test de Pap. Cependant, elle pourrait continuer à consulter ce médecin.

Le sénateur Pépin: En cas d'urgence, elle pourrait toujours se rendre à votre clinique?

La Dre Wilson: Elle peut continuer de fréquenter la clinique pour obtenir ses soins de santé réguliers. Si le médecin décide que la patiente ne peut respecter son obligation contractuelle et que la patiente elle-même en convient, elle peut continuer à consulter, mais elle cesse d'être une patiente inscrite. Le médecin ne sera pas payé selon un honoraire fixé par tête, mais plutôt rémunéré à l'acte.

Le sénateur Pépin: Cela fait que vous seriez pénalisée financièrement parlant, n'est-ce pas?

La Dre Wilson: Oui, je risque d'être pénalisée. Si cette personne obtient des soins à l'extérieur du réseau, je perds une partie de ma rémunération. Si je l'élimine de ma liste de patients, je serai rémunérée à l'acte, comme le sont la plupart des médecins à l'heure actuelle.

[Français]

Le sénateur Pépin: Le système de santé relève de la compétence provinciale. Quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer afin de faciliter la réforme des soins de santé sur le plan des soins primaires en plus, bien sûr, d'un appui financier? Pourrait-on également y mettre des conditions?

[Traduction]

La Dre Wilson: Cela dépasse mes compétences.

Le sénateur Pépin: Peut-être que le Dr Gardener peut répondre.

Le Dr Gardener: Cela dépasse également mes compétences.

Le sénateur Pépin: Je suis sûre que vous avez une idée sur la question.

Le Dr Gardener: Les réflexions autour de votre question concernant la nécessité pour une personne de s'inscrire auprès d'un médecin ou d'une clinique nous amènent à soulever les aspects suivants: quelle est l'obligation de rendre compte et quelles sont les attentes dans la perspective publique? Ce sont là des aspects importants quand on traite des soins primaires. Dans le cas des soins hospitaliers et des soins actifs, cette relation de longue durée n'existe pas. On pourrait établir un parallèle analogue avec le choix d'une chambre d'hôtel pour la nuit et celui d'un centre de villégiature où l'on reviendra chaque année. On consacrera sans doute plus de temps et d'efforts au choix de l'endroit avec lequel on entretient des rapports suivis.

Dans une perspective publique, on doit pouvoir s'appuyer sur des principes que l'on peut appliquer de manière raisonnable au système en matière d'obligation de rendre compte. Cependant, les ressources sont rares et il faut éviter que les soins primaires fassent directement concurrence au système de soins actifs.

Il est important que le gouvernement fédéral offre son assistance, soit pour établir les attentes ou au niveau du financement, afin de permettre l'élaboration d'une infrastructure d'information, d'établir les lignes directrices, et cetera. Nous devons préciser tous ces détails afin de ne pas créer des systèmes différents, incapables de communiquer entre eux.

Nous devons également préciser quel est le pourcentage approprié de notre investissement dans la santé qui devrait être consacré aux soins primaires plutôt qu'aux autres secteurs.

Le sénateur Morin: Ce que vous dites, docteur Gardener, est très important. Si j'ai bien compris, votre première priorité en matière de soins primaires serait d'établir un système d'information vraiment national. Je ne sais pas exactement quelle est votre deuxième priorité. Est-ce que vous pensez que le gouvernement fédéral devrait indiquer aux provinces quel est le pourcentage de financement qu'elles devraient consacrer aux soins primaires? Je comprends tout à fait qu'il y a un besoin de ressources pour la prestation de soins primaires. Quelle est votre deuxième priorité?

Le Dr Gardener: Je regrette, mais je ne peux pas me prononcer sur ce que le gouvernement fédéral devrait demander aux gouvernements provinciaux. Cela n'est absolument pas de mon ressort.

Pour que le système fonctionne de manière satisfaisante, il faudra qu'il prévoie un certain investissement dans les soins primaires, mais il faut savoir que le rendement sur cet investissement ne sera pas immédiat. Il y a des coûts supplémentaires à assumer au départ. Il est évident qu'il faut mettre en place des processus de surveillance et d'évaluation de l'investissement à plus long terme en matière de promotion de la santé, de prévention des maladies et de gestion des maladies chroniques pour éviter les complications liées à ce qui pourrait être interprété comme des pratiques insuffisantes dans plusieurs de ces secteurs.

Je ne sais pas exactement comment on peut y parvenir. Il serait très utile que le gouvernement fédéral puisse contribuer à faire en sorte que la prestation des soins primaires ne soit pas placée dans un contexte qui soit constamment en concurrence avec les autres services de chirurgie pour le remplacement des articulations et de chirurgie cardiaque sur liste d'attente, les opérations d'urgence, et cetera. Je ne sais pas exactement comment il faudrait s'y prendre.

Le sénateur Fairbairn: J'applaudis aux efforts que vous faites pour établir le réseau en Ontario.

Docteur Gardener, au début de votre exposé, vous avez évoqué la diminution du nombre de généralistes dans notre société, étant donné qu'avec le développement de la technologie, on accorde moins d'importance à cette forme de médecine particulière.

Je viens de Lethbridge, une petite ville du sud de l'Alberta. La région regroupe de merveilleuses petites villes qui proposent toutes sortes d'activités. Vous avez parlé d'un réseau de santé familiale regroupant deux ou trois médecins dans les petites localités. Comment pouvons-nous adapter notre système de santé pour pouvoir offrir un service dans nos plus petites localités qui représentent une partie importante de notre histoire et de notre société? Il est parfois difficile d'attirer un médecin dans ces petites localités et encore plus un spécialiste. C'est ce qui s'est passé dans ma région et l'impact psychologique que cela peut avoir sur une petite ville est grave. Cela remet en question la survie même d'une localité où les gens souhaitent demeurer pour élever leur famille.

Docteure Wilson, ce genre de problème n'est peut-être pas aussi courant en Ontario que dans ma région. Que proposez-vous pour faire en sorte qu'un réseau de santé réponde aux besoins des petites localités?

Docteur Gardener, vous avez probablement connaissance de certaines de ces préoccupations. Les petites localités sont des endroits attrayants qui offrent une bonne qualité de vie. Des médecins viennent de l'étranger pour occuper ces postes dont ne veulent pas les Canadiens. Que pouvons-nous faire pour mieux comprendre ce phénomène particulier de notre société actuelle et donner des conseils à ce sujet? C'est extrêmement important.

Notre comité a passé beaucoup de temps à examiner la différence entre les exigences des milieux ruraux et celles des milieux urbains. À mon avis, le mot «rural» ne désigne pas la même réalité dans les diverses régions du Canada. Il est difficile d'encourager des jeunes qui sortent de l'université, à venir exercer dans ces localités. Que pouvons-nous faire pour les attirer?

La Dre Wilson: Je sais que le Dr Gardener aura beaucoup de choses à dire à ce sujet, mais je vais moi aussi répondre à cette question. Alors, je vais enlever ma casquette de spécialiste des réseaux de santé familiale et mettre celle de professeur de médecine familiale.

À Queen's, nous avons pour mission de former des médecins de famille qui exerceront dans des localités rurales isolées. Nous avons de bons résultats. Depuis la création du programme en 1975, 25 p. 100 de nos diplômés s'installent dans des localités de moins de 10 000 habitants. J'en suis très fière.

D'un point de vue éducatif, je sais que certaines mesures donnent de bons résultats et je pense que vous êtes vous- mêmes au courant. Je vais cependant rappeler quelques-unes de ces mesures. Je m'efforce de recruter en médecine des jeunes gens et des jeunes filles qui sont nés et qui ont grandi dans des localités rurales. Ça leur plaît de retourner vivre là-bas. On obtient de bons résultats en leur donnant, très tôt au cours de leur formation, la possibilité de s'initier à la médecine rurale.

L'exercice de la médecine en milieu rural est terriblement dévalué et dénigré dans les milieux médicaux urbains. Les étudiants en médecine qui ont la possibilité, en première, deuxième, troisième et quatrième année, de faire un stage chez un omnipraticien en milieu rural, sont en mesure de faire l'expérience de cette pratique et de connaître des satisfactions qu'ils ne connaîtront jamais dans une unité de transplantation hépatique. Ils voient également les patients que l'omnipraticien n'a pas su traiter correctement. Ils se font un point de vue différent de la médecine rurale. Il est tout à fait utile que les étudiants en médecine soient exposés tôt et de manière répétée à des modèles de pratique significatifs.

Nous savons aussi que l'on obtient de bons résultats avec une formation supérieure mettant l'accent sur le rôle qu'ils seront amenés à jouer. Je connais personnellement deux omnipraticiens anesthésistes qui souhaitaient exercer dans des localités rurales et qui ont reçu une formation d'anesthésistes généralistes. Les deux praticiens ont démissionné dès le premier jour lorsqu'ils ont découvert qu'ils étaient les seuls anesthésistes de leur localité rurale. Ils n'avaient personne pour les appuyer en cas de problème. On obtient également de bons résultats en donnant une formation aux étudiants pour leur permettre d'acquérir une certaine expérience en toute sécurité avant d'assumer seuls leurs fonctions. Il y a également d'autres facteurs qui sont plus difficiles à mettre en œuvre. Le rôle du conjoint est très important. En effet, cela peut aider si le conjoint est originaire d'une petite localité rurale ou s'il y exerce un travail. Bien entendu, c'est un facteur qui ne relève pas de l'école de médecine, mais nous savons que c'est important.

Par ailleurs, la rémunération doit être adéquate.

Il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération. Pendant plusieurs années, j'ai recruté des médecins pour les zones rurales et isolées et je sais que la situation est totalement différente si les médecins peuvent s'appuyer sur une organisation qui s'occupera par exemple de leur trouver des suppléants, de leur fournir une formation médicale continue, qui veillera sur eux et s'assurera qu'ils prennent régulièrement des pauses — une sorte de réseau ou d'organisme de soutien. Nous savons que tous ces facteurs influencent le recrutement. Parfois, la décision repose sur le soutien qu'offre la collectivité.

Nous savons que la masse critique joue également un rôle. Il m'est déjà arrivé d'être le seul médecin pendant quatre jours à Bella Coola, en Colombie-Britannique, une ville qui avait alors 2 500 habitants. Je me souviens que pendant quatre jours, j'étais terrorisée. Heureusement, aucune catastrophe n'est arrivée et je bénéficiais de l'appui d'un merveilleux personnel infirmier, mais j'avais l'impression de porter sur mes épaules tout le poids du monde, du fait d'être le seul omnipraticien en service dans la région. Nous savons que les médecins qui exercent dans les régions rurales ont besoin du soutien du personnel infirmier et de leurs collègues médecins.

Je suis certaine que vous avez entendu beaucoup de témoignages au sujet de la pénurie de médecins au Canada, de la diminution du nombre de médecins et du manque d'intérêt pour la médecine familiale. La seule façon de résoudre le problème de la médecine en milieu rural et en milieu urbain consiste tout simplement à recruter plus de médecins. Une augmentation des effectifs serait certainement utile, entre autres choses.

Je vous prie de m'excuser pour cette diatribe, mais c'est un sujet qui me tient à cœur.

Le Dr Gardener: Je partage le point de vue de la Dre Wilson. En matière de formation, en particulier en Alberta, nos deux écoles de médecine de la province proposent un programme qui inclut une formation en médecine familiale rurale.

L'infrastructure de soutien est très importante pour conserver les médecins. Le plan d'action en faveur de la médecine rurale propose un programme de remplacement et de formation médicale continue et c'est très important.

Nous pouvons offrir un soutien organisé aux médecins. À Edmonton, nous avons installé une ligne téléphonique d'aide pour les soins intensifs. Il s'agit d'un numéro 1-800 réservé spécialement aux médecins de famille ruraux du centre et du nord de l'Alberta, du nord-est de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord-Ouest et de certaines parties du Nunavut. Si un médecin d'une région rurale a besoin de conseils pour sauver la vie d'un patient ou de faire transporter immédiatement cette personne à un centre régional, il lui suffit de composer ce numéro pour être mis en communication avec un spécialiste en quatre ou cinq minutes.

La technologie nous permet de connecter une trentaine de personnes sur la même ligne de téléphone sans détérioration de la qualité sonore. Pendant que quelqu'un se charge de trouver un neurochirurgien ou un cardiologue, le centre provincial de coordination organise un transport par appareil à voilure fixe. Si le malade se trouve dans un certain rayon, on fait appel à un service d'ambulance. Les ambulanciers écoutent la même ligne et obtiennent l'information simultanément. Ils font peut-être même sortir l'hélicoptère du hangar de manière à ne pas perdre de temps. Le spécialiste donne son avis et les décisions sont prises.

Environ 10 p. 100 des appels se soldent par une consultation qui donne suffisamment confiance au médecin pour qu'il puisse traiter le patient sans le transférer à un hôpital urbain. Cependant, dans 90 p. 100 des cas, le patient est transféré vers un hôpital. Lorsque nous n'avons pas les ressources nécessaires, nous pouvons contacter Saskatoon, Calgary, Red Deer, Grand Prairie ou d'autres endroits.

Lorsque nous avons évalué le projet, des médecins de régions rurales nous ont dit que le lien technologique était un appui important pour eux. Ils se sentaient beaucoup plus à l'aise d'exercer dans de petites villes, en particulier dans le nord de l'Alberta. Le fait de savoir qu'ils pouvaient en quelques minutes communiquer avec quelqu'un, quelle que soit la gravité du problème concerné, contribuait grandement à inciter les médecins à continuer à exercer dans ces régions.

Je ne parlerai pas de l'éducation, puisque c'est la spécialité de la Dre Wilson.

Le sénateur Fairbairn: J'ai été touchée par ce qu'a dit la Dre Wilson lorsqu'elle a parlé de son expérience à Bella Coola. Cela me rappelle certains commentaires que j'ai entendus dans une localité isolée de ma région. Les médecins qui s'y installent sont peut-être authentiquement intéressés par la santé rurale, mais ils ne savent pas qu'ils devront travailler seuls, sans système de soutien, sans infirmière praticienne et loin d'un hôpital. Dans de telles conditions, les médecins s'épuisent carrément à la tâche. Nous ne parviendrons peut-être jamais à résoudre ce problème. Le soutien technologique, c'est bien beau, mais cela ne suffit pas aux médecins en région rurale. Je peux comprendre que certains ne restent pas. Il serait peut-être plus facile de garder des médecins dans ces régions rurales si l'on pouvait recruter des couples.

Le Dr Gardener: La réponse n'est pas facile. Le plus difficile, c'est d'équilibrer l'offre et la demande et de savoir où il convient le mieux de déployer les médecins. Dans beaucoup de localités du pays, il n'y a pas de médecins. Dans ces régions, la grande priorité est évidemment de faire en sorte que le transport — que ce soit par ambulance ou d'une autre manière — soit disponible pour les malades afin qu'ils puissent être soignés en temps opportun. Il n'y a pas de solution magique aux problèmes auxquels font face les localités isolées qui estiment qu'elles ont une masse critique et qu'elles ont besoin de praticiens sur place.

Comme l'a dit la Dre Wilson, si les médecins et les infirmières praticiennes étaient plus nombreux, on pourrait les déployer dans le pays d'une autre manière qu'actuellement. Tant que les effectifs ne seront pas suffisants, nous devrons nous contenter comme objectif d'offrir le soutien que nous pouvons aux diplômés de nos écoles de médecine, de nos écoles de soins infirmiers et des autres programmes de formation des professionnels de la santé, tout en tentant d'équilibrer l'offre et la demande.

Le sénateur Roche: Docteure Wilson, vous avez parlé de la pénurie de médecins et vous nous avez dit que si les médecins étaient plus nombreux, il serait plus facile d'offrir les services médicaux à la population. Est-ce que le réseau de santé familiale compense, sous l'angle qualitatif, la pénurie de médecins? Est-ce que vous recommandez d'injecter de grandes quantités de crédits dans le système de manière à recruter plus de médecins?

Le réseau de santé familiale est-il une bonne chose en soi grâce au fait qu'il vous a permis d'offrir des services de santé plus nombreux sans avoir recours à un plus grand nombre de médecins?

Dans vos remarques préliminaires, vous nous avez dit que vous avez appris aux médecins à faire des accouchements, mais que depuis qu'ils ont quitté le programme de formation, vous ne savez pas où ils sont. Est-ce que cela contribue à la pénurie d'obstétriciens? Le problème fondamental auquel nous faisons face est-il une pénurie de personnel résultant de la diminution du financement, prouvant ainsi qu'il est nécessaire d'injecter des fonds dans le système en plus d'apporter les changements qualitatifs grâce à l'innovation et au réseau de santé familiale?

La Dre Wilson: Je me pose la même question et je ne pense pas qu'on puisse y répondre par oui ou par non.

Notre expérience pilote nous a appris que presque tous les réseaux sont parvenus à desservir plus de patients que nous le pensions au moment de leur création. C'est grâce à la collaboration des infirmières praticiennes avec les médecins que nous obtenons d'aussi bons résultats. Dans certains cas, le modèle de financement étant différent, il est possible de donner les résultats des analyses de laboratoire ou de renouveler les ordonnances par téléphone, et il n'est pas nécessaire de rencontrer le patient en personne pour produire un revenu. À Paris (Ontario), le réseau a pu non seulement inscrire la totalité des patients existants, mais recruter 15 p. 100 de plus après sa création. Les réseaux sont prometteurs, mais ils ne représentent pas l'ensemble de la solution pour améliorer l'accès.

Chaque fois qu'on pose la question: De combien de médecins supplémentaires avez-vous besoin? Vous devez répondre en demandant: Quelle tâche voulez-vous leur demander d'exécuter?

Certains de mes nouveaux diplômés de Queen's qui ont été formés pour exécuter plusieurs tâches estiment qu'il est financièrement intéressant et tout aussi agréable de faire deux quarts de travail à l'urgence de Belleville, deux quarts à l'urgence de Trenton et un quart à la clinique de soins externes au centre commercial. Ils travaillent 40 heures par semaine et n'ont absolument aucune responsabilité régulière vis-à-vis des patients. Quant à leur rémunération, elle est tout à fait satisfaisante. Ces médecins sont perdus pour les soins de santé intégrés et leurs compétences sont également perdues.

D'une certaine manière, nous n'avons pas besoin de plus de médecins. D'un autre côté, nous avons besoin de médecins pour les services d'urgence. Des estimations que j'ai vues hier révèlent une pénurie de 3 000 médecins de famille au Canada. Ce n'est sans doute pas très loin de la réalité.

Selon moi, nous avons besoin d'un plus grand nombre de médecins de famille et nous avons besoin d'organisations et de soutiens différents pour leur permettre de desservir un plus grand nombre de patients. Nous devons rééquilibrer les incitatifs financiers afin d'attirer à nouveau les médecins vers les services de soins intégrés.

Votre question était compliquée. Je pense que la réponse est compliquée. Nous avons sans doute besoin des deux.

Le sénateur Roche: Les médecins manquent-ils de motivation? Ma conception est peut-être un peu démodée, mais j'ai l'impression que les médecins sont des personnes qui travaillent plus de 40 heures par semaine. Je ne sais pas ce que le sénateur Morin pense de mes idées démodées selon lesquelles les médecins doivent faire de longues heures de travail. À mon avis, nombreux sont les Canadiens qui estiment que beaucoup de médecins répondent à une vocation et sont amenés à offrir un service humanitaire dans l'exercice de la médecine. Vos déclarations et celles d'autres témoins m'ont fait perdre mes illusions.

Que pouvons-nous faire pour renforcer la motivation pour que les médecins ne soient pas aussi nombreux à offrir leurs services sur le marché du travail et à mettre plutôt leurs compétences spéciales au service de l'amélioration de la condition humaine?

La Dre Wilson: Je suis d'accord avec vous. Pour moi, la médecine est une vocation. D'autres le voient différemment, mais il y a un aspect altruiste dans le rôle du médecin. Quel que soit le langage que l'on utilise, profane ou non, beaucoup de gens reconnaissent qu'il y a un élément d'altruisme ou une sorte de vocation dans la profession de médecin.

Je suis un jeune professionnel brillant, attentionné et altruiste et je me sens médecin par vocation. Que puis-je faire pour mettre mes compétences à la disposition de la population. Le manque de sommeil est le premier obstacle que rencontre un jeune médecin.

Je souriais lorsque le sénateur Fairbairn a parlé des couples, parce que mon mari est un médecin de famille. Parfois, il y a deux ou trois médecins de famille dans la localité. Cela veut dire que le téléphone sonne deux soirs sur trois. Je souriais parce que je pensais à des couples de médecins que je connais et à la façon dont ils s'organisent avec les téléphones. Certains couples de médecins installent un téléphone de chaque côté du lit. Chacun a sa propre sonnerie. Dans certaines familles, ils se passent le téléphone d'un côté à l'autre. Quelle que soit la formule, on est réveillé souvent. Une partie de l'épuisement professionnel est due au simple manque de sommeil. Quand on doit se lever pour aller faire un accouchement ou s'occuper des malades, on est directement confronté à ce genre de problème.

Il faut tenir compte également de l'épuisement professionnel qui résulte du travail en contact avec des mourants et de l'exposition aux tragédies inhérentes à la condition humaine. Nous pouvons tenir le coup à condition de disposer du soutien nécessaire. Une solution consiste à avoir suffisamment de collègues pour pouvoir se reposer et dormir la nuit. Lorsqu'on doit assumer des responsabilités 24 heures par jour et sept jours sur sept, il faut trouver un moyen de pouvoir se reposer la nuit. Il faut se donner du temps pour dormir.

Le télétriage est très utile. C'est extrêmement pratique que quelqu'un puisse répondre au téléphone pour donner des conseils simples qui ne nécessitent pas de garder un médecin éveillé la nuit. Le fait d'appartenir à un groupe de collègues à qui on peut transférer régulièrement nos appels, des collègues à qui nous faisons confiance, car nous savons qu'ils s'occuperont de nos patients comme nous aimerions le faire, nous aide beaucoup à fonctionner.

Devons-nous enseigner le dévouement aux nouveaux diplômés? Je ne pense pas. Je crois que les jeunes intelligents et engagés sont aussi nombreux qu'avant. Je tiens à m'assurer qu'ils bénéficient du soutien nécessaire dans l'exercice de leurs fonctions.

Le Dr Gardener: En réalité, la situation à laquelle font face nos nouveaux médecins diplômés est différente de celle qui les attendait il y a 20, 30 ou 40 ans. Le nombre d'heures de travail que font les médecins internes et autres ne sont plus acceptables ni convenables. De nos jours, les médecins adoptent une attitude différente qui n'est pas nécessairement mauvaise. Il faut le reconnaître.

Les sacrifices qu'on fait et que continuent de faire les médecins ne sont pas sans conséquence. Le mécontentement monte dans les milieux médicaux actuels lorsque les médecins se rendent compte qu'ils ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour faire leur travail en temps opportun et de la manière qu'ils le souhaitent. La combinaison de tels problèmes est source de préoccupation pour le moral des médecins et risque d'entraîner des pénuries de médecins dans certains endroits et d'augmenter les charges de travail. C'est une réalité.

Cela ne veut pas dire que les médecins ne font pas leur travail avec cœur. Je ne le pense pas. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour faciliter la tâche aux médecins et aux autres professionnels de la santé qui font face aux mêmes problèmes.

Le sénateur Pépin: Vous avez parlé de l'attitude et du rôle des conjoints de médecins. Nous savons que le nombre de femmes inscrites en médecine a augmenté. Les inscriptions des femmes atteignent actuellement 60 à 65 p. 100. Pensez- vous que ce soit un facteur positif? Est-ce que cela va entraîner un important changement? Si une femme médecin dont le mari lui-même n'est pas médecin doit exercer dans une région rurale, pensez-vous que son mari l'accompagnera? Avez-vous envisagé un tel cas de figure?

La Dre Wilson: Le nombre de femmes inscrites en faculté de médecine au Québec est phénoménal. Sur le plan national, le pourcentage est de 50 p. 100, mais au Québec, il y a un nombre disproportionné de femmes en médecine. Dans les écoles de médecine anglophones, comme à McGill, le pourcentage d'hommes est toujours plus élevé que celui des femmes.

Le sénateur Pépin: Vous parlez des obstétriciens et des gynécologues à l'échelle nationale.

La Dre Wilson: Oui. Vous avez tout à fait raison. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à étudier la médecine. Les études montrent que les femmes consacrent plus de temps aux patients, ont moins tendance à donner des soins après les heures normales de travail et à exercer en salle d'urgence. Elles ont plutôt tendance à faire de la médecine préventive.

Il y a des statistiques contradictoires concernant le nombre moyen d'années de travail des femmes. Elles ont tendance à fournir moins d'heures de travail pendant qu'elles sont en âge d'avoir des enfants. Cependant, toutes les recherches ne s'accordent pas sur le sujet; j'ai lu des résultats différents. Elles ont tendance à travailler plus longtemps à la fin de leur vie.

Certaines données récentes que l'AMC doit présenter à M. Romanow cette semaine indiquent que les femmes travaillent en moyenne huit heures de moins que les hommes par semaine. Je suis étonnée par ces statistiques et je ne sais pas d'où elles proviennent. Je connais les statistiques concernant la médecine familiale, parce qu'on y trouve proportionnellement plus de femmes que dans d'autres spécialités.

Les femmes qui se destinent à la médecine familiale et qui sont intéressées par la pratique en milieu rural acceptent aussi facilement que les hommes d'exercer la médecine dans des petites villes. On me dit parfois qu'il n'y a pas besoin de plus de femmes en médecine parce qu'elles refusent de pratiquer dans les régions rurales. Cependant, les chiffres sont là pour prouver que les femmes médecins exercent leur métier aussi souvent que les hommes dans des zones rurales.

La question du conjoint est la même pour les hommes que pour les femmes. Le médecin a besoin d'un conjoint qui accepte que le couple s'installe dans une localité rurale et qui doit pouvoir y travailler. Certaines localités souhaitant attirer un médecin ont fait beaucoup d'efforts pour trouver de l'emploi pour le conjoint. C'est une question d'arrangement et il est difficile de savoir comment exercer une influence dans des telles situations car chaque cas est différent et doit être traité individuellement.

Le sénateur Roche: Il n'y a pas assez de médecins. Vous nous avez dit que les médecins de famille devraient être beaucoup plus nombreux. Cela nous ramène à l'argent. D'après vous, faudrait-il injecter plus d'argent dans le système plutôt que de nous concentrer sur les améliorations et les innovations qui se mettront de toute façon en place d'elles- mêmes? Est-ce de cette manière que nous devrions raisonner? Est-ce que l'un d'entre vous partage ce point de vue?

Le Dr Gardener: Non. C'est une réponse simple à une question complexe. Cependant, nous devons préciser ce que nous voulons produire. Nous avons besoin d'indicateurs de résultats et d'objectifs de rendement et nous devrions imposer une obligation de rendre compte.

Puisqu'il y a une pénurie de fournisseurs de soins de santé, la solution ne se trouve pas pour nous dans un plan de gestion des ressources médicales, mais plutôt dans la planification des effectifs de la santé. Comme l'a dit la Dre Wilson, le nombre de médecins nécessaires dépend de la tâche qu'on leur confie et des collaborateurs dont ils sont entourés.

Il est inacceptable qu'au Canada un nombre important de femmes atteintes d'un carcinome infiltrant du col n'aient jamais subi de test de Pap. Nous devons résoudre les problèmes que nous avons constatés en traitant les maladies chroniques. Cependant, nous ne parviendrons pas à résoudre les problèmes en recrutant tout simplement un plus grand nombre de personnes pour effectuer les mêmes tâches qu'actuellement. Nous devons mettre au point un nouveau système. Les ressources actuelles ne font pas exprès du mauvais travail. Il est important de disposer au pays de nombreux fournisseurs de soins de santé qui font un excellent travail dans toutes les disciplines et dans tous les aspects des soins primaires, de la promotion de la santé, de la prévention des maladies, du traitement des maladies aiguës, du traitement des maladies chroniques, et de gérer ces interfaces. Cependant, notre rendement n'est pas aussi bon qu'il devrait l'être.

Nous devons mettre en place un système qui donne au personnel les moyens nécessaires pour faire du bon travail. Ils ont besoin des outils de soutien existants qui leur permettraient par exemple de vérifier automatiquement les allergies ou les interactions des médicaments lorsque le médecin prescrit un nouveau remède. Ils doivent suivre les protocoles de soins reconnus.

Il existe des milliers de lignes directrices de pratique clinique, mais de nombreux médecins ne les appliquent pas parce qu'il n'existe aucun organisme qui les oblige à les intégrer dans leurs interventions quotidiennes. Les médecins ont des classeurs complets remplis de directives. Ils doivent intégrer ces directives dans leur pratique quotidienne. Les patients et les fournisseurs de soins doivent pouvoir bénéficier des diverses compétences qui existent au sein des professions médicales.

Si, par malchance, vous êtes hospitalisé, vous bénéficiez sans doute des services de votre médecin ou d'un groupe de médecins. Vous êtes également soigné par le personnel infirmier, le pharmacien, la travailleuse sociale, le physiothérapeute, la diététicienne, et cetera. Ils sont tous là pour répondre à vos besoins.

Toutes ces personnes existent, mais il est difficile de les réunir. Elles sont souvent difficiles à contacter. Dans la plupart des milieux, elles ne travaillent pas au sein d'une même équipe comme elles le feraient dans un contexte de soins pour maladies aiguës.

Le patient ne bénéficie pas des compétences de ce groupe de personnes. Nous ne parviendrons jamais à obtenir les résultats souhaités si nous ne nous penchons pas sur la façon dont ces services sont fournis, par l'intermédiaire d'une médecine fondée sur l'expérience clinique, les indicateurs de rendement, les indicateurs de résultats, et si nous n'imposons pas une obligation de rendre compte.

Le sénateur Morin: Au Canada, nous avons deux exemples de réussite. Le Réseau de santé familiale de l'Ontario est le premier réseau de la réforme des soins de santé pour la famille. Nous avions des projets pilotes. Je sais que les débuts sont difficiles. Cela n'a pas été facile, mais au moins, les projets sont lancés. J'ai consulté ces brochures et je dois dire que c'est remarquablement bien fait. Je vous souhaite la meilleure des chances.

La Capital Health Authority est connue dans le monde entier. Dans les réunions internationales, lorsqu'il est question de régionalisation, on cite toujours en exemple l'administration sanitaire d'Edmonton. Lorsqu'il est question de réforme, on pense immédiatement à la régionalisation et à la réforme des soins primaires. Nous avons aujourd'hui parmi nous des représentants de ces deux secteurs.

En octobre, notre comité doit présenter un rapport contenant des recommandations concernant le rôle que devrait jouer le fédéral. J'aimerais revenir aux deux priorités du Dr Gardener. Nous reconnaissons tous qu'un système d'information est important. Vous avez dit que les médecins s'appuient sur le dossier médical pour prendre une décision. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à ce niveau. Je serais surpris que cela ne fasse pas partie de nos grandes priorités.

L'autre question est celle du financement des soins primaires. Comme vous l'avez dit, il y a deux aspects, en l'occurrence le financement et la réforme. La réforme a un prix. À cela, il faut ajouter l'équipe de soins primaires.

Docteure Wilson, le Réseau Santé familiale de l'Ontario a un budget. Quel est ce budget et d'où provient-il?

La Dre Wilson: Mme Donna Segal, chef de direction du réseau, est venue de Kingston et elle se trouve parmi nous.

Le sénateur Morin: J'aimerais des chiffres approximatifs. D'où provient le budget et qui a pris la décision de le mettre en œuvre? J'arrive à la conclusion qu'il est important pour le gouvernement fédéral de se servir d'un tel réseau pour les soins primaires. Vous avez lancé ce projet sans que le gouvernement fédéral vous dise de le faire.

La vice-présidente: Voulez-vous, madame Segal, vous présenter à la table?

Mme Donna Segal, chef de la direction, Réseau Santé familiale de l'Ontario: Comme la Dre Wilson l'a déclaré un peu plus tôt, le gouvernement provincial a ajouté des fonds pour créer un incitatif supplémentaire et mettre en place l'infrastructure qui permet aux médecins de participer à ce type de plan. Le gouvernement de l'Ontario a consacré 100 millions de dollars au volet pratique lui-même. Ce montant s'ajoute aux crédits que le gouvernement aurait consacrés au financement des médecins eux-mêmes s'ils avaient maintenu leur relation courante lors des négociations en cours.

Le sénateur Morin: Combien de médecins cela concerne-t-il?

Mme Segal: Les 100 millions de dollars viennent s'ajouter à l'ensemble des crédits.

Le sénateur Morin: De combien de médecins parle-t-on?

Mme Segal: Selon les estimations, il y a environ 6 000 médecins. Par ailleurs, le gouvernement a aussi mis de côté une nouvelle tranche de 150 millions de dollars de crédits qui seront consacrés au développement de la technologie et aux échanges technologiques entre les cabinets.

Évidemment, ce ne sont pour le moment que des moyennes et des estimations. Pour les besoins du budget, nous avons pris pour hypothèse qu'il y a dix médecins par cabinet. À partir de là, on a estimé qu'il y avait environ 600 cabinets regroupant 6 000 médecins. Il y a plus de 600 cabinets nécessitant une aide supplémentaire pour les soins qu'ils fournissent, y compris les bonus et les autres aspects dont la Dre Wilson a parlés, ainsi que les 150 millions de dollars qui sont consacrés à la technologie.

Le sénateur Morin: Ce crédit de 150 millions de dollars est-il récurrent?

Mme Segal: Le montant de 150 millions de dollars est une subvention unique sur une période de trois ans environ, tout au moins pour ce qu'on en sait actuellement. Ce montant faisait partie de l'entente négociée entre l'Ontario Medical Association et le ministre de la Santé il y a environ deux ans. Le gouvernement l'a ensuite mentionné dans son exposé budgétaire.

Actuellement, il s'agit d'un investissement destiné au développement de la technologie de l'information, à la rendre accessible et disponible dans les cabinets de médecins. Je ne sais pas ce qui se produira lorsque les médecins intégreront ces services et commenceront à les utiliser. Étant donné que l'on utilise de plus en plus ces services, il faut les actualiser et les améliorer. Je suis certaine que ces questions feront l'objet de futures discussions entre la profession et le ministère lui-même.

Mais en plus, le gouvernement a financé notre organisme. Nous disposons d'un budget d'exploitation. Notre organisme est composé du personnel et de l'infrastructure normale que l'on peut trouver dans un secrétariat. Cependant, aux périodes de pointe, notre personnel compte environ 120 membres.

Par ailleurs, nous avons aussi pour rôle de prendre part aux tâches administratives évoquées plus tôt par la Dre Wilson. Par exemple, après l'évaluation des projets pilotes, un des principaux reproches faits par les médecins concernait le processus administratif auquel ils devaient se livrer pour inscrire leurs patients. C'est pourquoi, une partie de notre budget servira à libérer les médecins de cette tâche administrative. Nous ferons les formalités et nous les laisserons pratiquer la médecine.

Pour le moment, les crédits qui nous seront attribués cette année n'ont pas encore été établis. L'an dernier, nous avons reçu environ 50 millions de dollars. En réalité, nous ne dépenserons pas tous ces crédits tant que nous ne serons pas en pleine activité. Nous utilisons actuellement cet argent pour nous donner la capacité de répondre à nos besoins.

Le sénateur Morin: C'est beaucoup d'argent. Je rappelle que c'est une décision à laquelle le ministère ontarien de la Santé a décidé d'accorder la priorité et c'est tant mieux.

Si j'ai bien compris, docteur Gardener, l'administration sanitaire d?Edmonton dispose plus ou moins d'un budget global qu'elle consacre à une population donnée afin de dispenser des soins pour les maladies chroniques et les maladies aiguës. Est-ce exact?

Le Dr Gardener: La Capital Health Authority est financée essentiellement par deux mécanismes. Premièrement, elle est financée selon une formule tenant compte du nombre d'habitants, comme c'est le cas dans toutes les régions de l'Alberta.

Deuxièmement, certains programmes que nous offrons sont financés selon une formule qui s'applique aux services dispensés dans toute la province. Ces fonds financent les programmes offerts à Edmonton et à Calgary qui sont destinés à l'ensemble de la population provinciale.

Le sénateur Morin: Qu'est-ce qui empêche votre organisme d'affecter une partie du budget aux soins primaires? Si j'ai bien compris, et je vous prie de me rectifier si je fais erreur, vous n'êtes pas aussi avancés que l'Ontario en matière de réforme des soins de santé primaires. Est-ce que c'est exact?

Le Dr Gardener: Nous n'avons pas progressé dans l'élaboration des réseaux de santé familiale.

Le sénateur Morin: C'était l'impression que j'avais. En revanche, vous devancez l'Ontario au niveau de la régionalisation.

Qu'est-ce qui empêcherait votre organisme d'affecter une partie de son budget à la réforme des soins de santé, comme l'Ontario l'a fait au niveau provincial, si cela s'avère important? Je crois que vous en reconnaissez l'importance.

Le Dr Gardener: Les ressources sont rares et très sollicitées. Je vais revenir au deuxième obstacle à la mise en œuvre de la réforme des soins primaires.

Pour ce qui est des problèmes auxquels fait face la région, je vais prendre l'exemple d'Edmonton. La province nous impose des objectifs pour certains traitements tels que les chirurgies cardiaques, pour les périodes d'attente pour le remplacement d'articulations, les périodes d'attente pour les IRM, et cetera. Comme c'est le cas dans toutes les régions du pays pour le traitement des maladies aiguës, nos services d'urgence et nos lits d'hôpitaux sont soumis à d'intenses pressions. Nous subissons de grandes pressions en vue de développer de nouvelles formules de soins de santé communautaires pour les personnes âgées, afin de proposer en plus des établissements traditionnels de soins de longue durée, des formules à domicile pour cette population. Il faut choisir le secteur dans lequel on souhaite consacrer les ressources dont on dispose.

Nous avons investi dans les soins primaires. Le Northeast Community Health Centre a constitué un important investissement dans les soins primaires pour une localité donnée. Le Capital Health Link a été un important investissement dans les soins primaires. Il y a une volonté d'aller dans cette direction. Cependant, il faut disposer des ressources nécessaires.

Le sénateur Morin: Ne pensez-vous pas que l'Ontario fait face au même type de problèmes? Or, cette province vient tout juste d'investir 300 millions de dollars, ce qui représente beaucoup d'argent. Les uns après les autres, les premiers ministres de l'Ontario ont reproché au gouvernement fédéral de ne pas leur consacrer suffisamment de ressources. C'est une décision remarquable d'avoir prélevé 300 millions de dollars de leur propre budget et de les consacrer à la réforme des soins primaires.

Le Dr Gardener: Avec la mise en œuvre prévue du rapport Mazankowski, la province de l'Alberta se fixera aussi certains objectifs tels qu'appliquer d'autres modes de paiement pour 50 p. 100 des médecins d'ici 2005, ainsi que mettre en œuvre diverses initiatives concernant l'infrastructure de la santé, l'infrastructure de l'information, et cetera. Il est certain que les gouvernements provinciaux consacreront des ressources à ces objectifs.

Le sénateur Morin: Voyez-vous où je veux en venir? Nous croyons tous dans la réforme des soins primaires. Nous espérons tous qu'elle sera appliquée dans l'ensemble du pays. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement fédéral doit- il réserver des fonds pour la réforme, comme vous le proposez? Le système de soins de santé en général a besoin de fonds supplémentaires. Faute de fonds réservés, pourrons-nous atteindre ce même objectif par une décision consciente des régions, là où elles existent, ou du ministère de la Santé? Voilà la grande question que je me pose.

Mme Segal: Je ne pense pas que la province ait l'intention d'assumer la totalité de la facture. Elle compte beaucoup sur les fonds pour l'adaptation des services de santé provenant du fédéral. En fait, la province fait un investissement en s'appuyant sur des priorités hypothétiques qui devraient être adoptées et appuyées, tout au moins en partie par les fonds fédéraux pour l'adaptation des services de santé, que nous obtenons par vos bonnes grâces.

Pour le moment, le gouvernement de l'Ontario a fait cet investissement. Ce sont ses initiatives prioritaires. Il a décidé de faire cette dépense, mais réclamera et demande par le truchement de vos programmes, un financement compensatoire pour appuyer ses initiatives.

Pour répondre à votre question, sénateur, l'Ontario n'est pas seule à entreprendre une telle réforme. C'est un effort de collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.

La vice-présidente: D'où proviennent les crédits que le gouvernement de l'Ontario consacre à ce projet? Proviennent- ils d'un autre programme? Après tout, c'est une somme d'argent importante.

Mme Segal: Franchement, je ne peux pas vous le dire.

La vice-présidente: Est-ce qu'ils proviennent du ministère de la Santé?

Mme Segal: Il est évident que le ministère de la Santé de la province de l'Ontario dispose d'un budget important. Le ministère a reconnu que c'était une question importante, non seulement pour la réforme des soins primaires mais également pour la réforme du système de soins de santé en général. Il a décidé de consacrer une partie de son budget à ces objectifs. Voilà les prévisions budgétaires qu'il a faites.

Permettez-moi de préciser, honorables sénateurs, que les crédits de 100 millions de dollars et de 150 millions de dollars n'ont pas encore été dépensés pour le moment. Ils seront utilisés à mesure que les nouveaux organes seront créés. Le ministère les considère comme un investissement progressif, espérant qu'il sera remboursé petit à petit par d'autres sources de financement, la principale étant celle du fonds pour l'adaptation des services de santé.

La vice-présidente: Je suppose qu'il y a des conséquences, car si le projet donne de bons résultats, il contribuera à diminuer la pression sur d'autres secteurs du système de soins de santé.

Mme Segal: En effet. Je peux vous dire que certains secteurs du ministère voient la situation sous un autre angle, considérant que nous avons beaucoup d'argent et qu'ils n'en ont pas assez. Vous avez raison sénateur, l'argent vient bien de quelque part. Il y a deux façons de voir les choses.

La vice-présidente: Au nom des honorables sénateurs, je remercie les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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