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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 63 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 09 pour étudier l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Si nous pouvons commencer, nous allons poursuivre notre étude de l'état du système de soins de santé au Canada dans le but de présenter, à la fin d'octobre, notre prochain rapport qui portera sur les coûts du système, les fonds supplémentaires que le gouvernement fédéral devra lui apporter et la façon dont cet argent devrait être obtenu.

Nous recevons deux groupes de témoins ce matin. Le premier nous parlera des centres hospitaliers universitaires. Le deuxième nous parlera des coûts catastrophiques des médicaments et nous dira qui est couvert ou n'est pas couvert par les régimes d'assurance-médicaments au Canada.

M. Glenn Brimacombe, PDG, Association canadienne des institutions de santé universitaires: L'Association canadienne des institutions de santé universitaires, l'ACISU, se réjouit de pouvoir contribuer de façon constructive au débat public sur l'avenir des soins de santé au Canada, et surtout le rôle que joue le gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des soins médicaux.

Nous voudrions féliciter votre comité pour le travail qu'il accomplit. Vos cinq volumes d'analyse détaillée contribuent de façon importante à bien délimiter les questions à examiner et les défis à relever.

Comme vous le savez peut-être, l'ACISU représente une quarantaine de centres d'enseignement et d'offices régionaux de la santé de qui relèvent les établissements d'enseignement. Nos membres vont des institutions comprenant un seul hôpital aux installations régionales multidimensionnelles à emplacements multiples qui offrent des programmes cliniques allant des soins primaires aux services de soins tertiaires et quaternaires hautement spécialisés. La principale caractéristique de notre association est que ses membres représentent la totalité des principaux centres d'enseignement et de recherche médicale qui forment les professionnels de la santé au pays. Cela comprend les facultés de médecine et autres facultés d'enseignement médical ainsi que de nombreux collèges qui assurent la formation du personnel technique et professionnel tel que les physiothérapeutes et thérapeutes en réadaptation, les techniciens de laboratoire, les inhalothérapeutes, les orthophonistes et les travailleurs sociaux.

Notre association s'appelait avant l'Association canadienne des hôpitaux d'enseignement et sa création remonte à plus de 50 ans. Le changement de nom reflète le changement de structures administratives qui a accompagné la mise en place des systèmes de soins de santé régionalisés dans l'ensemble du pays, à l'exception de l'Ontario.

Les centres d'enseignement semblent relativement peu nombreux, mais il ne faut pas oublier que nos membres gèrent un budget total de plus de 16 milliards de dollars, dont plus de 90 p. 100 provient du secteur public. Cela veut dire qu'environ la moitié des deniers publics consacrés aux hôpitaux sont affectés aux hôpitaux universitaires. Nos membres dépensent près du sixième de la totalité des fonds consacrés au système de soins de santé. De plus, nous employons plus de 150 000 Canadiens dans l'ensemble du pays.

Notre mission est triple: il s'agit d'abord d'assurer aux Canadiens des services de santé spécialisés de qualité. Deuxièmement, nous donnons à la prochaine génération de professionnels de la santé la possibilité de recevoir une formation pratique et, troisièmement, nous sommes des moteurs d'innovation grâce à la recherche, aux découvertes médicales et à la création du savoir.

Notre association considère que les centres d'enseignement ont un certain nombre de rôles importants à jouer en ce qui concerne le financement, la gestion et la prestation des soins de santé. Aucun autre organisme du système de santé n'offre un ensemble de services aussi uniques.

L'ACISU craint que les Canadiens continuent d'avoir de la difficulté à obtenir les services médicaux de qualité qu'offrent les centres d'enseignement. Nous estimons que nos institutions membres jouent un rôle essentiel dans le système de santé et qu'elles peuvent contribuer de façon importante et constructive au dialogue public sur l'avenir des soins de santé au Canada.

Nos membres répondent non seulement aux besoins de la collectivité locale, mais également aux besoins régionaux, provinciaux, interprovinciaux et territoriaux. Nos membres sont d'accord pour dire que nous représentons une ressource nationale dans le système de santé.

Le document qui vous a été distribué s'intitule «Achieving Excellence and Supporting Innovation in Meeting The Health Care Needs of Canadians: The Role of the Federal Government in Funding a National Teaching Centre Health Infrastructure Fund».

Ce document souligne qu'il est essentiel de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour permettre aux centres d'enseignement de continuer à rechercher l'excellence dans tout ce qu'ils font, tout en améliorant la capacité d'adaptation et la souplesse du système de façon à répondre à l'évolution des besoins des Canadiens sur le plan de la santé. Cette proposition précise où il est possible d'accroître la synergie entre les centres d'enseignement et le gouvernement fédéral pour contribuer à rétablir le rôle de chef de file que ce dernier doit jouer en ce qui concerne l'avenir des soins de santé.

Le mot «viabilité» est constamment revenu au cours des discussions sur l'avenir du système de soins de santé. Il est surtout utilisé dans le contexte des niveaux de financement qui sont insuffisants et de la capacité des gouvernements à financer les augmentations futures des coûts, mais il faut reconnaître que la viabilité se rapporte également à d'autres dimensions essentielles du système. L'infrastructure physique, la propagation des nouvelles technologies, mais surtout, les préoccupations concernant l'offre, la répartition et la composition des ressources humaines aux quatre coins du pays constituent également d'importantes dimensions. C'est également vrai pour notre capacité collective à générer de nouvelles connaissances et à innover.

L'ACISU reconnaît que la viabilité n'est pas une question d'argent ou de structure, mais une combinaison des deux qui se répercute sur la capacité des Canadiens à obtenir des services de santé de qualité, dans un délai raisonnable.

Il est urgent d'examiner la façon dont le système est conçu, mais nous n'avons pas pour seule solution de nous réorganiser à partir des structures actuelles. Les gouvernements doivent être prêts, à tous les niveaux, à prendre des engagements financiers stratégiques à long terme qui non seulement stabiliseront le système de façon à permettre de répondre aux besoins des Canadiens d'aujourd'hui, mais qui lui donneront également la souplesse voulue pour répondre aux besoins de demain.

Notre proposition concernant l'établissement d'un fonds national d'infrastructure pour les centres de formation des professionnels de la santé part du principe que ces centres constituent une ressource nationale.

Les services qui sont offerts par les centres d'enseignement du Canada sont très accessibles au niveau local ou régional, mais le fait est que leur mission et leur rôle s'étendent à d'autres collectivités ou régions de même qu'à d'autres provinces ou territoires.

Les centres d'enseignement sont les lieux où la majorité des progrès de la recherche médicale permettent aux Canadiens de préserver, d'améliorer ou de retrouver leur santé. Ces centres mettent au point de nouvelles méthodes plus rentables de prodiguer des soins et contribuent au progrès de la science et des découvertes médicales. Les centres d'enseignement visent l'excellence dans tout ce qu'ils font et jouent un rôle important dans la santé des Canadiens.

Ce que je viens de dire montre bien que les centres d'enseignement représentent non seulement une ressource locale, régionale, provinciale et territoriale, mais également une ressource interprovinciale, territoriale ou nationale qui a la capacité de répondre à un vaste éventail de besoins sur le plan de la santé.

Si l'on reconnaît que les soins aux patients, l'éducation et la recherche sont les trois éléments qui définissent la mission et le mandat des centres d'enseignement, il est logique que ces centres soient reconnus comme une ressource nationale.

«Quel rôle le gouvernement fédéral doit-il jouer pour aider les centres d'enseignement à s'acquitter de leur rôle et de leur responsabilité nationale?» «Comment les gouvernements peuvent-ils soutenir et appuyer les centres d'enseignement dans un système qui subit actuellement de profonds changements?» «En quoi le fait de désigner les centres d'enseignement comme une ressource nationale permettra-t-il au gouvernement fédéral, en collaboration étroite avec les provinces et les territoires, de maintenir l'accès aux services de santé et de favoriser la formation des professionnels de la santé et des chercheurs?»

L'ACISU estime que les centres d'enseignement devraient continuer de recevoir du secteur public une bonne partie de leur financement. Ce financement permettra aux patients d'avoir facilement accès à des services médicaux hautement spécialisés de qualité lorsqu'ils en auront besoin. Ce financement réduira également les obstacles financiers qui s'opposent à l'éducation et à la formation. Il soutiendra également la création du savoir et contribuera aux découvertes médicales et à l'innovation.

L'ACISU recommande que le gouvernement fédéral établisse un fonds national d'infrastructure pour les centres de formation des professionnels de la santé en collaboration avec les provinces et les territoires, les centres d'enseignement et les autorités sanitaires régionales. Nous croyons en effet que le gouvernement fédéral a un rôle important et stratégique à jouer en contribuant directement à aider les centres d'enseignement à s'acquitter de leur mission.

L'ACISU considère que cette contribution du gouvernement fédéral serait le catalyseur qui accélérerait le renouvellement du système de santé et l'innovation à tous les niveaux. Quant au public canadien, il bénéficierait d'un meilleur accès à des services de santé plus rentables. Ce fonds, qui serait d'une durée limitée et ciblée, ferait des investissements conditionnels dans l'infrastructure des centres d'enseignement, plus précisément sur le plan des ressources humaines, des technologies médicales, de la technologie de l'information et des immobilisations. Ce sont là autant d'éléments essentiels qui contribuent à la prestation de services de santé de qualité.

Le fonds aiderait les centres d'enseignement à renouveler leur capacité à offrir aux Canadiens l'accès à des services médicaux de qualité en temps opportun. Il permettrait d'obtenir la capacité physique requise pour former les futurs professionnels de la santé. Il renouvellerait notre investissement dans les technologies médicales qui ont fait leurs preuves. Le fonds revitaliserait notre capacité à adopter les nouvelles technologies de l'information qui augmenteront l'efficacité du système, amélioreront les prises de décision cliniques et administratives et favoriseront la recherche médicale. Il permettrait également de doter le système de l'infrastructure physique nécessaire.

Ce fonds exigera que les centres d'enseignement s'entendent sur la façon de répartir les nouvelles ressources. Il faudra revoir la façon dont cette ressource nationale pourra donner lieu à des partenariats plus rentables axés sur la complémentarité plutôt que la compétitivité.

Notre proposition souligne également le rôle important que les centres d'enseignement jouent en offrant des solutions proactives et créatives qui visent à améliorer la structure générale du système de santé et qui permettent aux Canadiens d'avoir plus facilement accès aux soins.

Le gouvernement fédéral a déjà établi un fonds ciblé et d'une durée limitée pour promouvoir l'excellence et l'innovation dans le système de soins de santé. Je veux parler du programme de subventions pour la construction d'hôpitaux de 1948, de la Caisse d'aide à la santé de 1965, du Fonds pour l'adaptation des services de santé de 1997 et de l'entente conclue entre les premiers ministres en 2000.

Nous commençons seulement à examiner les répercussions financières de cette proposition. D'après notre analyse initiale, nous croyons que ce fonds exigerait un investissement minimum de trois milliards de dollars dans un cadre de financement pluriannuel. Étant donné le sujet sur lequel portera le prochain volume de l'étude du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, l'ACISU est prête à travailler en collaboration étroite avec le comité pour mieux saisir les répercussions financières.

Nous croyons que la création de ce fonds permettra de préparer l'avenir et de mettre en place une infrastructure adéquate pour répondre à l'évolution des besoins des Canadiens sur le plan de la santé. Le gouvernement fédéral a également un rôle de chef de file à jouer et il est possible de favoriser d'importantes synergies entre les centres d'enseignement et le gouvernement fédéral, en recherchant l'excellence et l'innovation, et cela dans l'intérêt des Canadiens.

Nous tenons à souligner certains des avantages que cette proposition représente sur le plan de la politique publique. Le gouvernement fédéral continuerait à reprendre son rôle de chef de file en contribuant directement à des programmes qui visent à faciliter l'accès à des services de santé de qualité.

Les ressources affectées aux institutions d'enseignement nationales favorisent l'excellence et l'innovation à tous les niveaux. Le fonds contribuerait largement à accroître l'efficacité globale du système, sa rentabilité et l'intégration. Il renforcerait la reddition de comptes en faisant le lien entre les ressources fédérales et leurs utilisations nationales. Il apporterait aux centres d'enseignement un financement d'une durée limitée et ciblée stratégiquement, qu'ils pourraient répartir en fonction de leurs besoins particuliers.

Ce projet n'est pas nouveau; il existe des précédents, car le gouvernement fédéral a déjà mis des fonds ciblés à la disposition du système de santé pour son infrastructure.

Nous espérons que le comité jugera cette proposition intéressante. Nous voulons participer activement et de façon constructive au dialogue national sur le rôle que le gouvernement fédéral doit jouer dans la santé.

Le président: Vous allez évaluer les coûts. Nous aimerions que vous nous fournissiez cette évaluation d'ici la mi- juillet, si possible.

M. Brimacombe: C'est possible.

Le président: Vous parlez d'un fonds d'une durée limitée. Parlez-vous de deux ans, de cinq ans ou de dix ans. Avez- vous une idée de cette durée?

M. Brimacombe: Pour le moment, nous envisageons une période de trois ans.

Le président: Vous avez parlé de trois milliards de dollars; un milliard par an pendant trois ans.

Les précédents sont extrêmement intéressants. Il y a le programme de subventions pour la construction d'hôpitaux de 1948 et la Caisse d'aide à la santé qui a permis de créer de nouvelles facultés de médecine un peu partout au pays. Le Fonds pour l'adaptation des services de santé était également très ciblé. L'accord conclu entre les premiers ministres n'est pas ciblé. Il a eu pour effet d'accroître le montant accordé dans le cadre du TCSPS, à part le milliard de dollars qui devait, en principe, financer la technologie.

Les provinces seraient-elles d'accord pour que les fonds soient ciblés, au lieu que le financement de base soit simplement augmenté? Cet argent serait transféré dans un but précis et le gouvernement fédéral vérifierait l'usage qui en serait fait.

Dr Hugh Scott, directeur exécutif, Centre universitaire de santé McGill: J'ai travaillé au Québec et c'est une province qui tient à préserver sa sphère de compétence.

Je ne pense pas que les autorités québécoises y verraient d'inconvénient, du moment qu'elles s'occupent de la répartition de cet argent.

Les seules fois où cela a posé un problème, c'est quand la décision d'envoyer l'argent à un endroit précis avait été prise à l'extérieur du Québec. Ce modèle semble avoir donné de bons résultats pour la Fondation canadienne pour l'innovation. Dans son cas, il y a une sélection préliminaire.

Je suis certain qu'au départ la province dirait: «Envoyez-nous l'argent et nous nous en occuperons». Néanmoins, la réponse ultérieure dépendrait de la mise en place d'un processus...

Le président: Les deux parties peuvent se mettre d'accord sur le financement.

Dr Scott: Exactement. Je ne pense pas que cela poserait de problème.

Le président: Vous avez constaté que les choses ont bien marché dans le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation. Dans ce cas, les décisions sont prises conjointement.

Dr Scott: Nous pensons que cela a très bien marché. Si nous le pensons, c'est parce que nous en avons été les bénéficiaires.

Le président: Pensez-vous que le gouvernement partage votre point de vue?

Dr Scott: Oui. N'oublions pas qu'il a fallu non seulement une coopération au niveau de la sélection, mais également pour le financement de contrepartie, ce qui ne serait pas nécessairement contraire à ce que nous proposons aujourd'hui.

Le gouvernement du Québec a dû non seulement convenir qu'un projet méritait d'être financé, mais dans la plupart des cas, il a accordé une contribution équivalente à celle du fédéral. Le processus a donc été important aussi sur ce plan-là.

Le sénateur LeBreton: Vous avez parlé de trois milliards de dollars sur trois ans. Comment ce fonds serait-il administré entre les divers gouvernements?

Dans la région de l'Atlantique, les hôpitaux universitaires estiment être les victimes de la concurrence très serrée. L'Université McMaster considère qu'elle n'a pas eu sa part. Comment les fonds seraient-ils gérés? C'est une question assez vaste, mais je crois nécessaire de le préciser.

M. Brimacombe: Nous n'en sommes pas encore arrivés à ce genre de détails. Différents modèles pourraient être appliqués. Nous voulons que la formule choisie soit transparente et fondée sur des données précises. Les organismes feraient une demande de financement dans les quatre domaines que nous avons soulignés. Le fonds repose sur quatre piliers.

Il existe diverses façons d'agencer le modèle. Par exemple, les fonds pourraient être alloués aux provinces, lesquelles le distribueraient d'après une analyse de rentabilisation, ou encore le gouvernement fédéral pourrait financer directement les centres d'enseignement provinciaux. Il existe diverses options.

Il serait pour l'instant prématuré de vous donner une idée précise de la façon dont le modèle devrait être configuré. Cela se fera en fonction de recommandations et de consultations avec les autres principaux partenaires financiers, et surtout les provinces. Il faudra conclure des ententes sur la façon d'allouer les fonds.

Le sénateur Kirby a indiqué à juste titre que l'accord des premiers ministres s'aligne sur le modèle de l'entente nationale sur l'allocation. Nous en avons parlé parce qu'il y est fait allusion aux soins primaires, à l'équipement médical et à la technologie de l'information en santé.

Le président: Convenez-vous que ce principe diffère quelque peu des allocations précises de l'autre entente?

M. Brimacombe: Cela se fonde sur le principe selon lequel on essaye d'allouer des sommes précises à des secteurs où il existe des besoins précis, pour que le système fonctionne de manière plus efficace.

Au lieu de nous contenter de vous indiquer certains principes sur lesquels le système pourrait reposer, nous sommes disposés à examiner diverses approches. Il existe diverses façons d'assurer le fonctionnement efficace du modèle.

Le sénateur LeBreton: Si les fonds sont répartis entre les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral ne risque-t-il pas de perdre tout moyen de contrôle? Êtes-vous en train de recommander un modèle dont le gouvernement fédéral a le contrôle et la responsabilité?

Il y a eu des cas où l'on n'a pas rendu compte de budgets globaux alloués aux divers territoires et provinces et nous ne savons pas si les fonds sont bien parvenus au secteur auquel ils étaient destinés.

Dans un monde parfait, avez-vous une préférence, ou est-ce une question injuste à poser pour l'instant?

M. Brimacombe: Pour l'instant, c'est un peu injuste. Je peux dire que, d'après le bien-fondé global de la recommandation, nous examinons un modèle fondé sur la concertation. Il y a un modèle qui a déjà été utilisé, celui du Fonds pour l'adaptation des services de santé créé en 1997. J'ai eu l'occasion de m'occuper de ce fonds lorsque je travaillais à Santé Canada. Il s'agissait d'un fonds fédéral reconnu fondé sur le principe de la participation de base et la prise de décisions de concert avec les provinces. À bien des égards, il s'agissait d'un modèle de collaboration. On peut discuter de la part relative des intervenants, mais je pense pouvoir dire que le gouvernement fédéral jouait le rôle de l'actionnaire majoritaire, non seulement en vertu du financement de 150 millions de dollars qu'il y a alloués, mais aussi pour ce qui est du fonctionnement global du fonds et de la répartition des fonds entre les quatre secteurs définis.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer comment les décisions ont été prises en ce qui a trait à la répartition de ces 150 millions de dollars?

M. Brimacombe: Un comité mixte composé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux a examiné les demandes qui lui ont été soumises. Grâce à un processus de discussion et en examinant le bien-fondé de toutes les propositions, les fonds étaient distribués. Les décisions se fondaient sur les besoins en matière de soins à domicile, d'assurance-médicaments, de soins primaires et de systèmes de prestation intégrée.

Le président: Il s'agissait donc d'une décision conjointe du fédéral et des provinces.

M. Brimacombe: Oui, c'était un mécanisme de collaboration.

Le sénateur Fairbairn: Dans le contexte des 3 milliards de dollars, vous concentrez-vous uniquement sur les centres déjà existants? Est-il prévu dans le cadre de votre proposition la création d'un nouveau centre ou d'une autre installation qui se concentrerait précisément sur les questions de santé non visées par les autres établissements?

M. Brimacombe: Si d'autres centres d'excellence étaient mis sur pied, cela tomberait nettement dans les limites des besoins du fonds, et je pense que cela mérite réflexion.

J'aimerais ajouter une chose. Le fonds vise à mettre l'accent sur certains secteurs précis du système. Ce fonds, qui ne se veut pas concurrentiel, sera complémentaire à des initiatives plus importantes. D'autres nous ont posé des questions à ce sujet. S'il existait un autre fonds dans ce domaine qui concrétise le rôle et l'investissement du gouvernement fédéral dans les centres d'enseignement, cela entraînerait-il l'exclusion de toutes les autres parties prenantes? La réponse est claire: absolument pas.

Le sénateur Cordy: Qu'entendez-vous exactement par «centre d'excellence?»

Le président: Je tiens à signaler que l'avion est arrivé. M. Jeffrey Lozon, président-directeur général de l'Hôpital St. Michael's, vient de se joindre à nous.

Dr Scott: Le centre d'excellence va de l'installation de pointe évidente à l'excellence en médecine rurale. Je suis sûr que cette expression ne s'applique pas uniquement aux installations «de pointe», mais plutôt au travail de l'hôpital d'enseignement. Nous sommes des centres universitaires. Nous nous occupons d'enseignement, de recherche et de soins de santé. Comme nous l'indiquons dans notre exposé, nous aimons croire que nous maintenons des normes élevées dans ces trois domaines. Notre président sortant va vous expliquer le nombre de centres qui existent dans tout le pays. Nous nous considérons comme une ressource nationale.

Fait intéressant à noter, certaines personnes laissent parfois entendre que nous devrions moins être une ressource nationale. Les gens font généralement des études de suivi sur les diplômés de facultés de médecine dans telle ou telle province, et jugent extraordinaire qu'un pourcentage de «tant» de ces diplômés finissent par travailler dans une autre province. Étant une ressource nationale, c'est ce que nous souhaitons et attendons. Il est non seulement souhaitable que le gouvernement fédéral ait un rôle à jouer, mais c'est aussi ce à quoi on s'attend puisque nous sommes une ressource nationale. Parfois, nous sommes presque obligés de dissimuler ce fait à cause de tout cela. À notre avis, il n'y a rien à cacher. Au contraire, nous voulons être des ressources nationales et assumons ce rôle avec le plus grand plaisir.

Le sénateur Cordy: Les centres d'excellence sont-ils des installations ou des groupes spécialisés dans certains domaines? La définition est-elle beaucoup plus générale que cela?

M. Jeffrey Lozon, président et président-directeur général, Hôpital St. Michael's: Un centre d'excellence est de toute évidence un endroit où vous souhaitez envoyer un de vos proches pour recevoir des soins qui sont suffisants, tant en qualité qu'en quantité, pour garantir que les résultats répondent à vos attentes. Un centre d'excellence doit être évalué, dans une certaine mesure, par la qualité des services offerts aux patients.

Un centre d'excellence peut également être un endroit où d'autres organismes ou professionnels de la santé viennent pour suivre des cours de base, une formation professionnelle continue ou des cours de recyclage. Un centre d'excellence peut également être un endroit où l'on procède à des expériences sur de nouvelles méthodes novatrices de prestation des soins de santé. La télésanté en est un bon exemple. Lorsqu'on parle de centres d'excellence, il faut faire des distinctions entre les divers centres d'enseignement du pays. Le centre d'excellence de Dalhousie et ses hôpitaux d'enseignement associés sont très différents de celui qui est rattaché à l'université McGill ou l'Université de la Colombie-Britannique, ou encore l'Université de Toronto. Voilà quelques exemples de ce que peut être un centre d'excellence.

Le sénateur Robertson: Compte tenu de l'éparpillement de notre population et du fait que les centres d'excellence représentent selon vous une ressource nationale, estimez-vous que vos hôpitaux pourraient faire davantage pour desservir toute la population? À votre avis, sont-ils suffisamment utilisés ou les divers centres d'excellence devraient-ils avoir une portée plus nationale, selon le secteur d'excellence qu'ils représentent?

Dr Scott: Je suis certain que nous pourrions faire davantage. Dans certains cas, nous sommes confrontés à des visions contradictoires lorsqu'on tient absolument à transmettre l'excellence dans les régions. Vaut-il mieux localiser tous les services de chirurgie cardiaque dans un nombre restreint de centres, ou tout le monde devrait-il pouvoir subir une chirurgie cardiaque à cinq minutes de chez soi?

C'est une position assez extrême que personne n'appuie, je pense. Vous comprenez sans doute où je veux en venir. On discute beaucoup dans notre pays pour savoir s'il vaut mieux assurer l'excellence dans certains endroits précis et s'assurer que tous les Canadiens y aient accès, ou plutôt décentraliser les services au niveau communautaire?

Il s'agit d'un dilemme dont la solution consiste à un compromis entre les deux, ce qui est typiquement canadien. Dans certains cas, nous sommes exhortés à décentraliser certains services offerts par nos centres. Nous le faisons continuellement. C'est le centre qui acquiert une certaine expertise, et l'un des défis consiste à ne pas s'y accrocher indéfiniment. Nous avons tous vécu cette expérience, je pense.

Le centre que je représente a joué un rôle crucial dans le développement de la neurochirurgie dans notre pays, mais c'est un secteur qui est aujourd'hui présent dans toutes les régions, Dieu merci. Il aurait été imprévoyant de dire que la neurochirurgie devait rester à tout jamais concentrée à l'Hôpital neurologique de Montréal. Il fallait développer cette spécialité, comme l'a dit M. Lozon, et la transporter ensuite dans les régions.

Le sénateur Robertson: Si nous considérons le pays, et notamment les grands centres urbains comme Toronto, Montréal, Calgary et Vancouver, est-il réaliste de s'attendre à obtenir des soins de même qualité dans les petites collectivités? À votre avis, peut-on avoir accès à des soins de même qualité que dans les centres?

Vaudrait-il mieux qu'un patient parcoure une plus longue distance pour avoir la garantie d'une norme d'excellence plutôt que de s'inquiéter de la qualité des soins qu'il obtiendra dans sa propre localité?

M. Lozon: C'est l'un des compromis qu'il faut prendre en compte dans la gestion globale du système.

Nous savons que plus l'on fait certaines choses, mieux on les fait. Je suppose qu'il y a un maximum au-delà duquel on en fait trop et la qualité en pâtit. Nous savons que si l'on fait davantage, on acquiert une certaine expérience du domaine. De nombreuses études réalisées par l'Institut de recherche en services de santé, rattaché à l'Université de Toronto, le prouvent amplement. Le dilemme, sur le plan politique, consiste à savoir dans quelle mesure les gens veulent se déplacer pour avoir accès à une activité précise, au lieu de se sentir vulnérables s'ils n'y ont pas accès dans leur propre localité.

Certaines provinces ont déjà pris ces mesures, sans oublier l'exemple le plus récent qui s'est produit dans la région où nous nous trouvons. Prenons la province de la Saskatchewan, où ce débat s'est déroulé au début des années 90. Lorsqu'on a fermé les hôpitaux en milieu rural, les gens ont dit que la qualité du service en pâtirait et que les soins de santé seraient de moindre qualité. Dans ce genre de débat, tout dépend de l'angle sous lequel on se place. Certaines personnes pensent peut-être que c'est effectivement ce qui s'est produit. Je conviens volontiers que cela s'est peut-être produit, mais dans des cas isolés. En revanche, il y a peut-être de très bonnes raisons de demander aux gens de se rendre dans des d'enseignement ou d'organismes qui ont acquis certaines compétences bien précises.

C'est un compromis. Face à une telle dichotomie, il n'y a pas de réponse claire et nette.

Le président: Vous avez dit qu'il faut faire certaines choses assez souvent pour acquérir une expertise suffisante, et les centres d'excellence sont donc logiques. J'essaie de me faire une idée du nombre. Par exemple, je ne voudrais pas subir un pontage cardiaque aux mains d'un chirurgien qui ne fait ce genre d'opération qu'une fois par an. Quelle est la masse critique raisonnable pour en arriver au point où l'on a confiance en la compétence du centre ou du spécialiste? Est-ce que cela varie selon l'acte médical?

M. Lozon: Oui, cela varie. Les choses sont peut-être différentes si l'on procède à un examen laparoscopique ou si l'on pratique une opération à coeur ouvert ou un accouchement.

Le président: Donnez-moi une idée générale de ce qui constitue, selon vous, la masse critique.

M. Lozon: La chirurgie en cardiologie est un exemple qu'on cite souvent. Si un chirurgien effectue moins de 150 opérations du coeur par an, cela signifie qu'il passe beaucoup de temps hors des salles d'opération. Dans notre organisme, nous fixons notre point de référence à 200. Nous nous attendons à ce qu'un chirurgien-cardiologue procède à environ 200 opérations à coeur ouvert chaque année. Il y en a d'autres ici qui sont plus qualifiés. Je vois que le sénateur Keon est absent. Il pourrait sans doute vous fournir le chiffre exact.

Dr Scott: L'autre aspect est le volet des services offerts. Si nous prenons l'exemple de l'obstétrique, le nombre de naissances dans un centre donné est également pris en compte dans la qualité des soins et l'efficacité du service. En d'autres termes, nous devons tous avoir du personnel disponible dans les salles de travail et d'accouchement 24 heures sur 24, et idéalement, il faudrait que le nombre de procédures soit important pour limiter le coût unitaire. Qui dit efficacité dit également rentabilité.

Nous aimerions revenir au fait que par le passé, le mot «enseignement» figurait dans le nom de notre association et qu'aujourd'hui, c'est le mot universitaire» qui y figure. Où que soient offerts ces soins de qualité, les gens qui font le travail ont reçu une bonne formation dans nos centres. Que nous décidions d'offrir les soins dans notre centre ou à un endroit qui se trouve à 200 milles de nous, ce chirurgien-cardiologue ou cet obstétricien devrait avoir une excellente formation dans l'un de nos centres. Nous devrions assumer notre responsabilité, et nous le faisons, à l'égard de la qualité de leur prestation parce qu'ils travaillent en région.

Le sénateur Robertson: J'ai toujours pris l'exemple de la pâtisserie. Si je fais un gâteau une fois par mois et que vous en faites 30 fois par mois, votre gâteau sera meilleur que le mien. Ceux d'entre nous qui vivent dans des régions peu peuplées s'inquiètent à ce sujet. Comment obtenir les soins de qualité que méritent les Canadiens? Il devrait peut-être y avoir un programme d'éducation pour que les gens comprennent bien. Cela rendrait vos services locaux plus acceptables.

Je ne vous reproche rien. Toutefois, vos centres d'excellence et vos centres d'enseignement pourraient peut-être faire plus pour accroître la confiance des gens qui habitent dans des petites localités.

M. Lozon: Le meilleur exemple qu'on puisse donner est peut-être celui de la dialyse. À une époque, lorsqu'on devait recevoir une dialyse du rein, il fallait se rendre dans un grand centre universitaire pour obtenir le service. Aujourd'hui, on peut pratiquement effectuer une dialyse du rein chez soi. En Ontario, ce service est offert dans divers centres. C'est ce qu'on appelle le progrès, selon nous. Cela se fait grâce à l'innovation et à la collaboration étroite qui existe entre les centres universitaires et les décideurs politiques.

Cela ne veut pas dire que toutes les localités obtiendront tous les services. Il faut être pragmatique. À notre avis, ce sont là des histoires à succès qu'il faut répéter. Il y a peut-être d'autres façons de procéder. On pourrait peut-être le faire grâce à un diagnostic posé par l'hôpital de Kingston à Sioux Lookout grâce à un branchement du réseau télésanté, ou quelque chose de ce genre. Voilà le genre de choses dont nous parlons. Il faut qu'un endroit fasse oeuvre de pionnier et fasse profiter les autres endroits de ses trouvailles. Nous pensons avoir un rôle à jouer dans cette oeuvre de pionnier et dans la diffusion des services.

Le sénateur Robertson: Vous faites du bon travail, mais il reste encore beaucoup à faire, surtout dans le cas de votre programme d'extension. Depuis sa création, notre comité a entendu des témoins parler des diverses approches utilisées pour le financement des hôpitaux au Canada. On nous a parlé du financement global ou proportionnel, et du financement en fonction de la population. Quelle approche constitue la meilleure solution pour vos hôpitaux d'enseignement spécialisé, comme j'aime les appeler?

M. Lozon: Sénateur, l'outil de financement le mieux approprié est celui qui établit le lien le plus étroit entre la responsabilité du centre de santé universitaire et ses résultats dans le cadre d'un système de financement équitable. Nos centres rendent compte de leurs résultats. Toutefois, il faut bien comprendre que nos résultats vont être différents de ceux d'un hôpital communautaire ou d'un hôpital en milieu rural. Ils seront plus complexes. Nous avons divers niveaux de résultats: les résultats relatifs au savoir que nous créons et les résultats relatifs au nombre d'étudiants qui reçoivent une formation.

Il nous serait sans doute difficile d'accepter une formule de financement uniformisé qui part du principe que mon hôpital a aussi peu de frais que celui de Yorkton, en Saskatchewan. Les hôpitaux mènent des activités diverses et leurs frais varient donc en conséquence. Nous devons évaluer nos activités et rendre des comptes au même titre que l'hôpital de Yorkton. Toutefois, cela ne consiste pas simplement à compter des dollars.

Aux États-Unis, les centres de santé universitaires sont assujettis à des contraintes financières car, dans le milieu des assurances, ils paient pour les centres qui offrent leurs services à faibles coûts. Nous ne sommes pas dans ce cas-là, en raison de nos activités et de ce que nous faisons dans nos organisations. Nous sommes prêts à participer à l'élaboration des bonnes formules de financement qui nous permettront de rendre des comptes.

Le sénateur Robertson: Dites-vous que vos hôpitaux devraient être financés autrement que les autres hôpitaux?

M. Lozon: Oui, mais sans avoir moins de comptes à rendre pour autant. Nous sommes tout à fait prêts à rendre des comptes et à être évalués en fonction de nos résultats.

Dr Scott: Monsieur le président, si vous voulez mettre en place une formule, elle doit inclure différents facteurs. À chaque fois que nous essayons d'appliquer une formule magique intégrant la chirurgie cardiaque et la psychothérapie, cela pose des problèmes. Si vous ajoutez à cela le contexte de l'enseignement, les problèmes sont encore plus grands. Je recherche la simplicité et l'élégance. Il faut parfois tenir comptes de facteurs multiples. C'est quand on essaie de trop simplifier les choses que les difficultés surgissent. Comme l'a dit M. Lozon, nous pouvons certainement envisager une reddition de compte pleine et entière. C'est ce que nous souhaitons. Les gens pensent parfois le contraire, pour Dieu sait quelle raison. Nous croyons que la reddition de comptes nous permettra de bien montrer ce dont nous sommes capables.

Le sénateur Pépin: Je pense que les coûts se situent non seulement au niveau de l'établissement, mais également au niveau du patient et de sa famille. Si le patient doit voyager pour obtenir une intervention chirurgicale, il faut que sa famille l'accompagne. La famille fait des dépenses pendant son séjour dans la ville où se trouve l'hôpital. Si le patient a besoin de soins postopératoires après sa sortie de l'hôpital, cela représente des frais supplémentaires. Certains de ces frais ne seront pas nécessairement couverts par l'assurance et il faut le faire comprendre au public.

[Français]

M. Scott: Vous avez parfaitement raison, et nous sommes tout à fait d'accord. Dans le roulement d'un tel système, il le faut. Les Territoires du Nord-Ouest, où le problème est énorme, ont déjà instauré ce genre de système.

[Traduction]

Le sénateur Morin: Vous représentez une organisation énorme dont le budget annuel atteint 16 milliards de dollars. Vous recommandez un fonds d'une durée limitée de trois milliards de dollars.

Une partie de cet argent aiderait les Canadiens à avoir accès à des soins de qualité. Dans votre document, vous dites qu'une partie de ce fonds servirait à aider vos divers centres à obtenir les services de professionnels de la santé étant donné que vous manquez de ressources humaines. Vous dites que les ressources humaines et l'infrastructure revêtent une importance primordiale.

Si nous transférons trois milliards de dollars, 75 p. 100 de votre budget, dans votre budget des ressources humaines, cet argent tombera dans un trou noir. Nous pourrions nous retrouver avec du personnel supplémentaire à la disposition du directeur général de l'hôpital. Je suis certain que vous êtes tous à court de personnel. Tout le monde reconnaît qu'il y a un sérieux problème du côté de la formation de la main-d'oeuvre, tant pour les médecins que pour les infirmières.

Les représentantes de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada nous ont dit récemment qu'il manquait 500 places dans les écoles d'infirmières. Les doyens des facultés de médecine nous ont dit la même chose.

La recherche et l'innovation figurent parmi les priorités du gouvernement et nous appuyons votre rôle à cet égard. Nous parlons de centres d'excellence, de traduire les connaissances en lignes directrices cliniques. Les hôpitaux d'enseignement et les centres de santé universitaires ont des responsabilités à cet égard.

Le mieux serait qu'un fonds de ce genre soit dirigé vers les mandats qui se rapportent plus précisément aux besoins du pays. Nous éviterions ainsi de voir l'argent disparaître dans ce que vous appelez l'accès à des soins de qualité. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas de problème de ce côté-là, mais nous parlons d'environ 16 milliards de dollars.

Je vois des objections à donner simplement de l'argent aux provinces et aux principaux hôpitaux d'enseignement. Nous cherchons toujours à évaluer les effets des 20 milliards qui ont été accordés en septembre 2000. Je suis certain que cet argent a été dépensé à bon escient, mais il n'a pas servi à mettre en place un seul nouveau programme.

Nous voudrions que l'argent qui vous est donné par le gouvernement fédéral ait des effets précis. Cet argent devrait être ciblé au lieu d'avoir une destination générale.

M. Lozon: Le fonds n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre cette fin. Les délibérations du comité visent entre autres à déterminer les priorités.

Si vous souhaitez mettre sur pied un processus permettant d'en arriver à l'autonomie au niveau national dans le domaine des ressources humaines en santé, il est possible d'avoir recours à ce genre de fonds pour accroître les possibilités de formation et les innovations dans les techniques de formation.

Si vous accordez la priorité à l'accès ou à la garantie des soins, ce sera assez facile. En dernier ressort, tout est une question de priorités. Nous serions disposés à dire que nous voulons favoriser l'accès à la chirurgie cardiaque, ou aux techniques de pointe en neurochirurgie, au cours d'un délai précis. En fait, nous préférerons peut-être faciliter les liens entre les régions du pays, et nous serons prêts à offrir des fonds pour que les centres puissent offrir des services de télésanté, mais nous considérons ce fonds comme un moyen, plutôt qu'une fin en soi. Nous sommes disposés à rendre compte de la façon dont cet argent est dépensé.

Ce que nous avons essayé de bien faire comprendre, c'est que ce fonds devrait à notre avis être ciblé et précis. Les honorables sénateurs devront déterminer l'objectif, mais nous pouvons vous donner des conseils sur ce point. Il faut que ce soit limité dans le temps et lié à des initiatives précises. Par exemple, toutes nos organisations sont assujetties à des fortes limites en matière d'espace. Le Centre médical de McGill du Dr Scott reçoit des patients dans des installations qui ont plus d'un siècle. Nous, à St. Michael's travaillons aussi dans des installations qui ont près de 100 ans. Il y a des moyens faciles de lier ce genre de ressources à des projets et des échéanciers précis, entre autres choses.

Nous sommes également de cet avis. Nous ne demandons pas qu'on constitue pour nous une importante caisse noire pour faire ce que nous jugeons dans l'intérêt supérieur de la santé des Canadiens. Nous sommes disposés à collaborer avec les organismes de financement pour établir les secteurs de dépenses les plus appropriés.

Le sénateur Morin: Je conviens parfaitement avec vous que l'accès aux services de santé est une priorité.

Toutefois, votre organisme ne représente que 50 p. 100 des activités hospitalières dans notre pays. Comment améliorez-vous la prestation des soins de santé? Je ne suis pas convaincu que votre organisme ait le monopole en la matière, et il faut en tenir compte. C'est pourquoi je pensais à d'autres mandats, outre celui-ci en particulier.

M. Lozon: Je suis d'accord avec vous. Tout d'abord, il est vrai que nous ne pouvons pas améliorer l'accès de tous les Canadiens aux services car nous ne faisons pas tout pour l'ensemble des Canadiens. Ce que nous pouvons faire, c'est faciliter l'accès aux services tertiaires et semblables. La voie la plus prudente serait celle de l'éducation et de la recherche, et peut-être certaines possibilités de technologie de réseau qu'il faudra exploiter.

Le sénateur Morin: Je suis entièrement d'accord avec vous.

Le président: Depuis trois ans, le nombre de places dans les facultés de médecine a augmenté de 20 à 25 p. 100. En est-il de même pour les facultés de médecine rattachées à vos centres?

Dr Scott: Toutes les facultés de médecine sont rattachées à nous, car il n'y en a que 16 et nous comptons parmi nos membres les hôpitaux d'enseignement qui abritent ces 16 facultés.

Les 20 p. 100 ne nous ramènent toutefois pas au niveau où nous étions en 1985, et il y a donc encore du chemin à faire.

J'aimerais faire deux autres remarques au sujet de la formation de la main-d'oeuvre; je suis médecin et à ce titre, je pense donc que les facultés de médecine sont importantes. Toutefois, dans le domaine des soins infirmiers, j'ai appris dernièrement que, lorsqu'on a obtenu son diplôme d'une école de soins infirmiers, il y a une période d'éducation de troisième cycle, comme dans tout autre secteur. Lorsqu'une infirmière nouvellement diplômée vient travailler dans nos salles d'opération, elle participe à une formation poussée pendant encore six mois.

Il va sans dire que, une fois cette formation terminée, certains hôpitaux communautaires pensent que c'est un bon endroit pour avoir une infirmière de salle opératoire, et je suis de cet avis également. Il y a donc un autre volet d'éducation, que l'on appelle en général formation en cours d'emploi, et les 50 p. 100 qui restent se tournent vers les hôpitaux d'enseignement pour engager les infirmiers et infirmières. Si les hôpitaux d'enseignement «coûtent cher», c'est notamment en raison de ce qui se passe.

Si l'on examine la recherche en santé au pays, la majorité se fait dans nos bâtiments, en collaboration avec l'Université de Toronto et l'Université McGill. Ce ne sont pas uniquement les chercheurs qui font de la recherche mais leurs étudiants diplômés. Nous sommes l'école d'études supérieures qui assure une bonne partie de la recherche en santé.

Nous regardons vers l'avenir et parlons de main-d'oeuvre: infirmières, médecins et professionnels de la prestation de soins de santé. Cependant, pour faire de la société la société que nous voulons, une société de recherche, ceux qui font des études en biomédecine et en biotechnologie sont formés dans nos bâtiments, et il existe une certaine ambiguïté entre le rôle des universités et les hôpitaux.

Le président: J'ai été consterné d'apprendre que malgré l'augmentation du nombre de médecins dans les écoles de médecine, les écoles d'infirmières n'ont pas connu d'augmentation correspondante.

Selon les indications dont nous disposons, la pénurie d'infirmières est beaucoup plus grave que la pénurie de médecins. Vous n'avez pas à être d'accord avec ma deuxième observation, mais convenez-vous au moins qu'il n'y a pas eu d'augmentation correspondante des inscriptions dans les écoles de sciences infirmières?

Dr Scott: Je ne peux parler que pour ma province. C'est vrai dans la région de Montréal. Je n'ai pas les chiffres nationaux.

M. Lozon: C'est la même situation à Toronto.

Le sénateur LeBreton: Le Dr Scott a indiqué que lorsque les infirmières terminent leurs études en sciences infirmières, elles vont dans son établissement. Elles y suivent une période de formation et très rapidement passent à un autre établissement. Combien d'infirmières restent dans notre établissement? S'agit-il d'un transfert constant vers d'autres établissements?

Dr Scott: Il s'agit d'un transfert constant. Le défi qui se pose au niveau des soins infirmiers est intéressant car nous sommes non seulement en concurrence avec d'autres hôpitaux mais avec d'autres établissements de soins de santé. L'une des difficultés que pose le travail dans des hôpitaux comme le nôtre, c'est qu'il y a trois postes de travail par jour et ces trois postes sont tous occupés. Il y a d'autres services importants dans la collectivité où vous pouvez faire du travail de 9 à 5.

Je suis du même avis moi aussi. Je n'aime pas non plus travailler à trois heures du matin. Cependant, assurer un centre de traumatologie au centre-ville de Montréal est une entreprise exigeante. Les Hell's Angels se sont calmés récemment, mais nous nous attendons à ce qu'ils reviennent. C'est une difficulté.

La deuxième difficulté, c'est que nous sommes au centre-ville. La plupart de nos centres sont situés au centre-ville. Il est coûteux de vivre au centre-ville. La plupart des gens, peut-être pour des raisons familiales, préfèrent vivre dans les collectivités.

Le taux de roulement de mon personnel infirmier dans la salle d'urgence est de 50 p. 100 par année. Les gens y sont heureux. Ce n'est pas un problème de moral. Le taux de roulement de mon personnel de salle d'opération est d'environ 33 p. 100. La formation en cours d'emploi représente donc une grande partie de nos activités.

Le sénateur Robertson: Vous participez à la formation de professionnels et paraprofessionnels de la santé. Notre comité devra faire face à un petit problème. Avez-vous le temps de parler de la protection des «chasses gardées» ou de la souplesse qui existe au sein des professions?

M. Lozon: J'en parlerai un peu. Mes commentaires traduisent mon opinion personnelle et pas forcément celle de l'association.

L'un des énormes atouts qui existent dans notre système de soins de santé, c'est la qualité des professionnels qui y travaillent. Ce sont des gens qui ont énormément de talent, qui sont extrêmement dévoués et qui travaillent fort.

Au cours des 30 ou 40 dernières années, les connaissances de chacun de ces professionnels se sont approfondies, se sont élargies et sont devenues plus solides. Cela a entraîné une protection assez forte de la spécialisation de chaque profession.

Il ne fait aucun doute que les gens disent: «Je fais ceci, et vous faites cela uniquement». Ce genre d'attitude existe dans nos établissements et est répandue dans le milieu des soins de santé primaires, où les infirmières praticiennes et les médecins de famille se tiennent sur leurs gardes pour éviter qu'on marche sur leurs plates-bandes.

Il existe jusqu'à un certain point un souci de protéger son territoire et cela est devenu dans une certaine mesure un obstacle. Ces connaissances et ces compétences professionnelles approfondies qui ont contribué au succès de notre carrière sont devenues un obstacle. Nous tenons à assurer une plus grande intégration. Il n'existe pas de solution facile, mais c'est certainement possible.

Le sénateur Cook: J'essaie de faire le lien entre l'endroit où je vis et ce que j'ai sous les yeux. Aidez-moi à comprendre.

Les établissements d'enseignement relèvent de votre association. Cela inclut-il les collègues communautaires ou les lieux où une formation est dispensée dans le cadre du système?

Dr Scott: La sphère de compétence de l'association englobe en fait les organisations qui assurent les ressources d'enseignement. Nous ne représentons pas les collègues communautaires ou les universités. Cependant, nos organisations sont les sites de formation. Nous sommes les sites de formation où les collèges communautaires peuvent inscrire certains de leurs étudiants en sciences de la vie ou en sciences de la santé.

Par exemple, dans ma sphère de compétence, les techniciens en radiologie sont formés dans notre organisation tout comme les techniciens de laboratoire et les inhalothérapeutes. Nous avons conclu des ententes d'affiliation avec les collèges pour lesquels nous exploitons les sites de formation mais notre association ne les représente pas.

Le sénateur Cook: L'infirmière auxiliaire autorisée diplômée d'un collège communautaire dans ma province ne serait pas forcément représentée.

M. Lozon: C'est exact.

Le sénateur Cook: Les compressons dont a fait l'objet le système expliquent-elles le stress et les obstacles qui existent dans le système et qui vous incitent à considérer qu'un examen serait souhaitable? Combien de places ont été éliminées des écoles de sciences infirmières et des écoles de médecine en raison des compressions, ce qui limite par conséquent l'accès à la formation? Quelles répercussions ces compressions ont-elles eues sur la formation permanente, les ateliers et ce genre d'initiatives?

Quelles répercussions les compressions provinciales ont-elles eues sur la formation permanente et au point d'entrée? Les salaires et l'aversion qu'inspirent les conventions collectives représentent-ils des éléments de stress au sein du système?

Vous parlez d'un fonds de 3 milliards de dollars sur trois ans. Ce montant d'argent permettrait-il de combler ces lacunes? Si on utilisait cet argent aujourd'hui comme on l'a proposé, où en serions-nous à la fin de la troisième année? La situation serait-elle stable ou devrions-nous passer à autre chose?

Dr Scott: On a pu constater un renouveau assez spectaculaire à St. John's de la part de l'un de nos membres de l'Est: le Memorial Institution.

Je considère que la situation variera d'un centre à l'autre. C'est pourquoi le fonds est ciblé mais est aussi général. Autrement dit, les besoins à St. John's seront différents de ceux à Calgary.

St. John's a connu un renouveau remarquable. Dire que nous devons renouveler davantage le principal hôpital universitaire de votre région ne correspond peut-être pas à la réalité. Je ne connais pas suffisamment bien la situation à St. John's pour déterminer que les besoins se situent peut-être dans le domaine des systèmes d'information ou de l'infrastructure de recherche. Les besoins seront différents pour chaque centre. C'est pourquoi nous estimons qu'il devrait s'agir d'un effort de collaboration.

Comme on l'a mentionné à propos de Montréal, nous travaillons dans des bâtiments qui ont plus de 100 ans. La structure physique de ces bâtiments n'a pas été restaurée comme cela a été le cas à St. John's, tandis qu'en ce qui concerne l'équipement médical, nous n'avons peut-être pas à faire face aux mêmes défis. La situation varie d'un établissement à l'autre.

Est-ce qu'on aura répondu à tous les besoins au bout de trois ans? J'en doute, mais à ce moment-là les besoins seraient différents. Il est plus important de s'occuper de cette question en particulier, puis de voir où nous en serons dans trois à cinq ans.

Le sénateur Cook: Je dirais que les besoins seraient gérables si nous renversions la situation grâce à une injection de fonds pour une période de trois ans.

Donnez-moi une idée de ce à quoi ressemblerait ce modèle idéal. Je sais qu'il est impossible d'avoir un modèle national dans un pays aussi diversifié que le nôtre, que les modèles varieront car, comme nous le disons chez nous, «chacun sa façon».

Je tiens à savoir à quoi ressemblerait un modèle. Je pourrais être cynique à propos de la collaboration, mais il faut prévoir l'obligation de rendre compte. Quel que soit le modèle adopté, et j'espère que vous m'aiderez à me le représenter, c'est l'obligation de rendre compte qui assure l'excellence dans le cadre d'un tel modèle.

M. Lozon: Je ne crois pas avoir une réponse aussi bien définie que celle que vous souhaiteriez. Permettez-moi de faire des associations libres pendant un instant.

Si on optait pour la notion d'un fonds national destiné à appuyer, de façon limitée dans le temps, des activités ciblées dans les centres de santé universitaires, j'envisagerais un arrangement tripartite qui réunirait le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les destinataires. Comme le dirait le Dr Scott, les besoins qui existent à Montréal diffèrent de ceux qui existent à Vancouver.

Il ne s'agirait pas d'un modèle unique; il faudrait qu'il y en ait un pour chaque endroit central. Il pourrait y en avoir un pour l'Ontario et un pour le Québec, également.

J'envisage une tribune tripartite avec le fournisseur de fonds: le gouvernement provincial. Nous devons faire preuve de sens pratique. Les gouvernements provinciaux auront des questions à ce sujet. L'une de leurs questions concernera ce qui se produira après trois ans. C'est la raison pour laquelle il est préférable de lier ce financement à des projets plutôt qu'à des activités permanentes parce qu'en bout de ligne ce seront les provinces qui paieront les pots cassés. J'ai travaillé à Queen's Park, donc je sais que c'est une question qui préoccupe beaucoup les hauts fonctionnaires.

Ce serait un modèle qui obligerait les provinces, le gouvernement fédéral et les bénéficiaires à se réunir pour déterminer où les fonds seraient affectés, quels seraient les mécanismes appropriés de reddition de comptes et quels seraient les moyens susceptibles de déterminer si on a obtenu les résultats voulus.

Le sénateur Cook: Cela se ferait donc au niveau provincial et il n'y aurait aucun élément national?

Au Canada, les licences de médecine ne sont pas transférables. Chaque province exige des normes différentes des personnes qui travaillent dans leur discipline. Peut-on espérer avoir une norme nationale au niveau de l'octroi de licences? Je considère que la politique actuelle constitue un obstacle, compte tenu du fait que les infirmières de Terre- Neuve trouvent de nombreux emplois au Texas, par exemple.

Dr Scott: Cela variera d'une profession à l'autre. J'ai passé un certain temps tout au long de ma carrière à m'occuper d'activités qui entourent l'octroi de licences de médecine. Ces licences sont plus transférables aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a cent ans. Des progrès sont possibles. Nous avons encore certains problèmes de transférabilité, mais il s'agit principalement de non-Canadiens qui arrivent dans le système et doivent faire face aux très importantes variations qui existent d'une province à l'autre. Cependant, le Conseil médical du Canada est un exemple à suivre. Pour ce qui est des critères régissant les spécialistes, le Québec est mieux intégré au reste du pays qu'il ne l'a été pendant longtemps.

Dans bien des domaines, la situation fluctue; nous réalisons des progrès dans un domaine puis nous connaissons un léger recul dans un autre. En ce qui concerne les médecins, cela se rattache à la question abordée plus tôt des obstacles qui existent entre les professions ou de la «protection du territoire». Ce phénomène est moins répandu comme on peut s'y attendre lorsqu'il y a pénurie.

Lorsqu'il y a un excédent d'employés, les obstacles surgissent parce qu'il n'y a pas suffisamment de travail pour tout le monde. Maintenant, il y a suffisamment de travail pour tout le monde et les gens tiennent à mettre la main à la pâte.

Dans mon établissement, nous avons moins d'obstacles internes aujourd'hui qu'au cours des 40 dernières années de mon expérience, principalement parce que les oncologues sont ravis que quelqu'un d'autre veuille voir certains de leurs patients. Ils n'essaient pas de se cramponner à leurs patients parce qu'ils en ont tellement et que la demande est tellement élevée. Les internistes généraux et les médecins de famille reçoivent des patients en oncologie, et les oncologues trouvent cela formidable. Il y a 15 ans, ils préféraient garder leurs patients.

Le sénateur Cook: Quelle a été la cause de la pénurie?

Dr Scott: Je crois personnellement que cette pénurie était planifiée. Nous avons apporté d'importantes compressions au début des années 90. Je l'ai déjà dit, et je m'appuie sur des faits,

Le seul endroit en Occident où il était plus difficile d'entrer à l'école de médecine qu'au Canada, c'était en Albanie en 1995.

Nous avons réduit le nombre d'inscriptions aux écoles de médecine au point où nous affichons le taux le plus faible en Occident. Il s'agissait d'une décision délibérée qui témoignait d'une coopération fédérale-provinciale rarement observée dans ce pays.

Le sénateur Morin: Nous avons également suivi les conseils d'experts.

Dr Scott: Oui, mais pas les conseils de tous les experts. Certains ont exprimé un avis différent mais n'ont pas été écoutés.

M. Lozon: Les experts diraient que vous n'avez pas suivi leurs conseils, que vous n'avez suivi que la moitié de leurs conseils. Je ne tiens pas à les défendre, mais je...

Le sénateur Morin: J'ai récemment lu ce rapport.

M. Lozon: Ce serait leur opinion. Je dirais moi aussi qu'il s'agissait d'une pénurie planifiée qui est intervenue dans le cadre de situations financières difficiles au niveau provincial. Essentiellement, les provinces ont considéré les médecins, par exemple, comme des centres de coûts. Chaque médecin établira son cabinet, recevra des patients et produira un revenu. Cependant, les patients paient leurs factures par l'intermédiaire des régimes. Comme l'a indiqué le Dr Scott, il s'agissait d'un effort délibéré pour modifier la trajectoire des ratios entre médecins et population. Selon les experts, cela a été partiellement mis en oeuvre. De toute évidence, on a opté pour une perspective à court terme plutôt qu'à long terme.

M. Brimacombe: En ce qui concerne la question des modèles, nous ne vous en recommandons pas un en particulier. Vous avez entendu une description d'un modèle de M. Lozon. Sur le plan des principes, ce modèle doit être responsable, transparent, ciblé et souple. On peut espérer qu'en fonction de ces principes fondateurs, on obtiendra un modèle pratique. Plus tôt au cours de notre conversation, nous avons parlé de la façon dont fonctionnait par le passé le Fonds pour l'adaptation des services de santé. Il existe différentes options. Quels sont les principes que vous voulez mettre en place pour que ce fonds nous permette d'améliorer la situation?

Le sénateur Cook: Je considère que le premier principe à adopter est l'obligation de rendre compte du gouvernement fédéral. Lorsque vous parlez de secteurs d'excellence, la profession infirmière est toujours compromise dans ce contexte, et j'aimerais qu'on rétablisse la stabilité dans ce secteur.

Je tiens certainement à ce que l'on assure l'obligation de rendre compte, quelle que soit la façon dont on y parviendra. Ensuite, je crois que les autres éléments en découleront naturellement.

M. Lozon: Ce que nous proposons n'est pas nouveau. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. En 1948, le Programme national des subventions pour la santé a financé la construction de nombreux hôpitaux que nous songeons maintenant à remplacer. Au début des années 60, des écoles de médecine comme Memorial et celle de Calgary ont été créées à la suite d'une initiative fédérale. On peut tirer une certaine fierté des principales initiatives prises par le gouvernement fédéral par le passé.

Le sénateur Cook: Il s'agit d'une observation personnelle. Je crois que le système a fonctionné dans un esprit de collaboration au cours des années 80 à 90 afin d'établir un nouveau programme pour la profession infirmière. Nous avons fusionné les écoles. Je considère que les compressions gouvernementales ont influé le plus sur notre souci d'excellence. Chaque fois que nous avons atteint l'excellence et réalisé des économies dans le système, nous avons dû faire face à davantage de compressions. C'est malheureux. J'aimerais que ce modèle fasse en sorte que ce genre de situation ne se reproduise plus.

Le sénateur Callbeck: Le sénateur Cook a posé une question à propos de votre association. J'aimerais poser une question à propos de ses membres.

À la fin du mémoire que vous avez présenté, il y a plusieurs pages qui dressent la liste des membres. Neuf provinces sont représentées. La seule qui ne l'est pas est ma province, l'Île-du-Prince-Édouard.

Vous dites que vous représentez les établissements d'enseignement et de recherche en santé à l'intention des professionnels des soins de santé du Canada, y compris les facultés de médecine, les facultés de sciences de la santé et de sciences infirmières. Nous avons une école d'infirmières à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Je me demande pourquoi l'Île-du-Prince-Édouard n'est pas représentée.

M. Lozon: Historiquement, sénateur, les relations d'un centre de santé universitaire sont définies principalement, mais non exclusivement, par ses relations avec l'école de médecine. Si vous examinez les travaux effectués, par exemple, par le Dr Duncan Sinclair par le passé et certaines des publications érudites plus récentes sur cette notion de centre de santé universitaire, la principale caractéristique d'un tel centre est la relation qui existe entre les établissements de prestation de soins et la formation des étudiants en médecine à l'école de médecine.

Il existe de nombreux établissements qui ne font pas partie de notre association, qui assurent une formation aux infirmières. En fait, il existe de nombreux établissements qui assurent une formation aux médecins mais qui ne sont pas entièrement affiliés aux écoles de médecine universitaires.

Le sénateur Callbeck: N'est-elle pas du tout associée à l'école de médecine de Dalhousie?

M. Lozon: Je ne suis pas sûr si l'école de sciences infirmières de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard est associée ou non à l'Université de Dalhousie. Je l'ignore.

Le sénateur Callbeck: Est-ce la raison?

Dr Scott: C'est la raison.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Lozon, lorsque vous étiez ici la dernière fois, vous avez mentionné que lorsque le comité préparera son rapport, il serait bon que nous établissions la priorité des mesures qui devraient être prises, à notre avis, pour soutenir et améliorer notre système de soins de santé. Vous avez sans aucun doute lu notre dernier rapport, le cinquième qui renferme 20 recommandations. J'aimerais que vous nous donniez plus de précisions sur la façon dont vous établiriez la priorité des divers secteurs que nous examinons.

M. Lozon: C'est une question difficile. J'aimerais toutefois faire certaines observations. Tout d'abord, le comité a vraiment mis l'accent sur le rôle du gouvernement fédéral. L'un des principaux aspects auxquels doit songer le comité sur le plan de l'établissement des priorités est le suivant: dans quels secteurs le gouvernement fédéral peut-il jouer le rôle le plus utile? Dans quels secteurs peut-il exercer ce rôle de la façon la plus légitime? J'ai des observations personnelles à ce sujet mais elles ne sont que personnelles.

Parmi les critères envisagés, il faudrait se demander dans quels secteurs le gouvernement fédéral serait le plus susceptible de jouer un rôle efficace. Si vous envisagez d'élargir le rôle du gouvernement fédéral, vous voulez qu'il soit efficace.

Au-delà de cela, il faudrait que je réfléchisse davantage à la question pour pouvoir vous donner une réponse complète sur la façon d'établir la priorité des 20 recommandations.

Le sénateur Cook: J'ai aussi remarqué avec intérêt qu'à Terre-Neuve, M. Tilly est membre de votre association. Ni l'université Memorial ni le collège Grenville ne semblent faire partie de votre association. Étant donné que le centre des études infirmières est un programme agréé qui offre deux possibilités dont l'une est d'entrer directement à l'école de sciences infirmières à Memorial, ne serait-il pas souhaitable que les universités soient représentées au sein de l'association? Ou existe-t-il une explication pour cet état de choses?

M. Lozon: Les raisons sont historiques. Nous ne sommes pas semblables à l'organisme national, l'Association des universités et collèges du Canada. Les membres de cette association sont différents. Il s'agit des universités et elles ont différentes activités. Nous représentons les organisations dispensatrices de soins associées aux universités plutôt que les universités mêmes.

M. Brimacombe: Étant donné que toutes les provinces sont régionalisées, à l'exception de l'Ontario, à bien des égards ce sont désormais les instances régionales de la santé qui assument la responsabilité générale. C'est pourquoi, dans le cas de Terre-Neuve, vous avez la corporation des soins de santé et non les sous-éléments reconnus, si vous préférez, qui relèvent désormais de l'instance régionale de la santé. La même situation s'applique dans le cas de l'Alberta où nous n'avons pas d'université en particulier, mais la Calgary Health Region et la Capital Health Region. C'est parce que nous avons remanié la structure générale du système au sein d'un système d'administration régionalisée.

Le sénateur Cook: Je comprends. Je parle dans une perspective de formation permanente. Un représentant du centre d'études infirmières fait partie de votre association. Lorsque les infirmières praticiennes quittent le centre, elles vont à l'université pour suivre la formation permanente qui représente ce que nous désignons les centres d'excellence. Je considère qu'il s'agit d'une lacune en matière de formation permanente. Le centre d'études infirmières offre un programme agréé de trois ans pour les étudiants en sciences infirmières. La prochaine étape permet de passer au niveau suivant d'excellence dans le cadre de la formation permanente.

Lorsque nous traiterons des programmes coopératifs que nous offrons, j'espère que nous siégerons à la même table.

Le sénateur Morin: Je reviens à la recommandation du président selon laquelle nous aimerions recevoir de votre part une présentation plus détaillée sur l'utilisation que vous envisagez faire de ce fonds. Je crois que nous avons convenu qu'elle devrait se baser sur le mandat de votre organisation concernant la formation de la main-d'oeuvre, la recherche, l'innovation et le réseautage.

Il est important que nous ayons plus de précisions sur la façon dont vous entendez dépenser cet argent. Je suis conscient que les besoins diffèrent d'une province à l'autre. Il est très important que nous obtenions rapidement ces renseignements de votre part étant donné que nous travaillerons pendant l'été. Nous avons vraiment besoin de plus de précisions de votre part.

M. Lozon: Entendu.

Le vice-président: Y a-t-il d'autres commentaires de la part de nos témoins? J'ai le plaisir de vous remercier, messieurs, d'avoir comparu devant nous. Vos témoignages ont été des plus intéressants.

Chers collègues, nous allons entamer notre prochaine séance. Je tiens à souhaiter la bienvenue à notre prochain témoin, M. Bryan Ferguson. Comme vous le savez, nous sommes arrivés à l'étape de notre étude qui porte sur l'établissement des coûts. Si vous voulez bien commencer, monsieur Ferguson.

M. Bryan Ferguson, associé, Applied Management: Je suis très heureux d'être de retour parmi vous pour discuter de l'assurance des médicaments de prescription. Comme il y a beaucoup de matière à aborder dans le temps qui m'est alloué, j'ai décidé d'organiser ma présentation selon les questions précises que vous m'avez envoyées. J'espère qu'il y aura suffisamment de temps par la suite pour répondre à vos questions.

Le domaine de l'assurance des médicaments de prescription est complexe et le devient encore plus compte tenu du nombre d'organisations et de programmes qui s'en occupent. Quand on considère qu'il y a 30 millions de personnes au pays et que la plupart d'entre nous ont une forme quelconque d'assurance, on comprend pourquoi ce domaine est complexe.

Vous avez demandé si je pouvais vous donner un aperçu général de l'assurance des médicaments de prescription qui existe à l'heure actuelle pour les Canadiens?

Avant de répondre à cette question, j'aimerais parler du terme «assurance». On serait porté à croire qu'une personne qui est assurée se voit rembourser une partie du coût de ses médicaments par une société d'assurance ou un régime gouvernemental. Cependant, il y a de nombreux Canadiens assurés qui assument la totalité des coûts de leurs médicaments eux-mêmes et ne reçoivent une contribution financière de la part leur assureur ou de leur gouvernement que si leurs coûts sont très élevés. C'est la raison pour laquelle en Saskatchewan, plus du tiers des résidents ont indiqué dans le cadre de l'enquête nationale sur la santé de la population, effectuée par le gouvernement fédéral, qu'ils n'avaient pas d'assurance. La Saskatchewan assure tous les résidents mais prévoit une franchise qui représente 3,4 p. 100 du revenu d'une famille qui ne compte pas de personnes âgées.

De même, une personne assurée peut avoir besoin d'un médicament particulier. Cependant, si ce médicament ne figure pas sur le formulaire ou la liste des médicaments du payeur, elle ne recevra aucun remboursement. Il existe de nombreux exemples de cas de genre, et les listes varient énormément d'une province et d'un régime à l'autre.

Compte tenu de ces avertissements, voici la situation qui existe au Canada. Selon la définition la plus stricte d'assurance, 90 p. 100 des Canadiens sont assurés, ce qui signifie que si leurs coûts sont suffisamment élevés et s'ils ont besoin d'un médicament inscrit sur la liste du payeur, ils recevront un remboursement à un certain moment.

Comme nous l'avons indiqué dans l'étude de Santé Canada dont je vous ai fait rapport la dernière fois, une personne qui a déjà dépensé 49 000 $ cette année pour des médicaments inscrits sur la liste de médicaments du gouvernement provincial peut s'attendre à un remboursement complet pour les prochains 1 000 $ dans toutes les provinces sauf au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et au Labrador. Cependant, dans le cas d'une personne qui n'a dépensé que 999 $, 10 p. 100 de la population ne recevrait absolument aucun remboursement de la part d'un régime d'assurance-médicaments, tandis qu'en Colombie-Britannique, ce pourcentage serait de zéro, en Ontario il serait de 18 p. 100, et dans la région atlantique du Canada il se situerait entre 22 et 24 p. 100.

Sur environ 30 millions de Canadiens, 16 à 17 millions n'ont qu'un régime privé d'assurance-médicaments. Ce sont essentiellement des travailleurs qui sont assurés par l'intermédiaire de leur employeur pour eux-mêmes et leurs personnes à charge. Neuf à 10 millions de Canadiens ne sont assurés que par leur régime provincial. Ce sont essentiellement des personnes âgées, des assistés sociaux et des habitants des provinces où la couverture est universelle et qui n'ont pas d'autres assurances. On compte environ 700 000 Canadiens qui bénéficient de services de santé non assurés, c'est-à-dire du programme fédéral pour les Autochtones. Un million et demi de Canadiens ont une double couverture, généralement un régime privé pour retraités qui complète le régime provincial, mais on note également d'autres variantes. Comme je l'ai dit, 800 000 Canadiens n'ont aucune assurance-médicaments.

Vous nous demandez comment définir des coûts catastrophiques des médicaments. Ces coûts peuvent être catastrophiques pour deux raisons. Tout d'abord, pour les personnes qui ont besoin de médicaments coûteux que leur assurance privée ou publique ne couvre pas, ou qui ont dépassé le maximum autorisé par leur régime d'assurance- médicaments. Généralement, ces personnes sont atteintes de maladies très débilitantes comme la sclérose en plaques, l'arthrite rumathoïde ou le VIH/sida, par exemple. On pourrait considérer les médicaments qui coûtent plus de 3 000 $ par an et que les régimes d'assurance ne remboursent pas. Je précise qu'il s'agit là d'un chiffre arbitraire. On peut donc aborder ainsi cette question en parlant des personnes qui font face à un budget de médicaments extrêmement élevé à cause de leur état de santé.

On peut aussi considérer le budget annuel des médicaments d'une personne pour y trouver le deuxième motif. Dans le cas présent, ces dépenses représentent une part proportionnellement très élevée du revenu net. D'après le rapport annuel le plus récent de l'ICIS, les personnes situées dans la tranche de revenu la plus basse au Canada consacrent 3,9 p. 100 de leur revenu net aux dépenses de santé, tandis que dans la tranche la plus élevée, la proportion est de 2,6 p. 100.

Quand on sait que les médicaments ne sont que l'une des composantes des dépenses de santé, on peut raisonnablement considérer que des dépenses de médicaments qui dépassent 4 ou 5 p. 100 du revenu net sont catastrophiques. Même à un niveau inférieur, ce budget peut néanmoins représenter un fardeau financier considérable dans les finances personnelles.

Tous les régimes publics en dehors du Canada atlantique, à l'exception des SSNA et des programmes du ministère des Affaires des anciens combattants, ont opté pour la formule de la «couverture catastrophique» qui tient essentiellement compte du fardeau financier pour les patients de la deuxième catégorie. Bien que non qualifiés de «catastrophiques», ces régimes sont conçus pour limiter les montants à payer lorsque le coût des médicaments prend une place importante dans le revenu. Cependant, ils ne descendent guère en dessous de ce niveau, sauf dans des cas particuliers, comme les personnes âgées ou les assistés sociaux. Certaines provinces imposent une franchise élevée, d'autres combinent les primes, la participation aux paiements et les franchises. Tous ces régimes limitent les dépenses personnelles en médicaments à un montant représentant de 2 à 6 p. 100 du revenu net, étant entendu que tous les médicaments correspondant à ces dépenses figurent au formulaire du gouvernement.

Si vous regardez les graphiques présentés à la fin de ce document, vous verrez ce que je veux dire.

Le premier graphique montre la situation d'une famille dont le revenu net est de 25 000 $ et la proportion du revenu qui est consacrée à différents niveaux de coût de médicaments. Le deuxième graphique donne la même information pour une famille dont le revenu net est de 50 000 $. La diagonale qui relie le coin inférieur gauche au coin supérieur droit montre que les déboursés réels des personnes vivant dans les provinces considérées correspondent exactement au coût réel des médicaments. Autrement dit, ces personnes ne reçoivent jamais d'aide du gouvernement.

À l'endroit où la courbe s'infléchit, on voit les effets de l'intervention du gouvernement qui essaie d'empêcher que le fardeau du coût des médicaments ne dépasse un certain niveau. Aux environs de 2 à 5 p. 100, selon le niveau de revenu individuel, on voit que les lignes s'aplatissent dans les différentes provinces.

Le sénateur Fairbairn: Que signifient les barres obliques de l'Ontario et du Manitoba?

M. Ferguson: Elles indiquent différentes provinces, afin qu'on puisse faire une distinction entre les lignes.

Le sénateur Pépin: Où se trouve le Québec là-dedans?

M. Ferguson: À peu près au milieu. Pour les familles à revenu relativement modeste, le Québec se situe au milieu de l'ensemble des provinces en ce qui concerne l'effet des déboursés. Pour les familles à revenu plus élevé, elles se trouvent en tête des provinces qui interviennent de cette façon.

Troisièmement, vous demandez quels sont les Canadiens qui ont ou qui n'ont pas une assurance-médicaments catastrophique.

Parlons d'abord de ceux qui n'en ont pas.

Le premier groupe est formé de Canadiens de toutes les régions qui consacrent plus de 5 p. 100 de leur revenu à des médicaments non inscrits sur le formulaire provincial ou privé, ou dont les dépenses en médicaments dépassent le maximum prévu dans leur régime. Je n'ai vu aucune donnée sur l'importance de ce groupe, mais ils ne comptent sans doute pas plus d'un millier de personnes pour l'ensemble du pays. Pour la plupart d'entre elles, elles souffrent de maladies très débilitantes. Cependant, plus de 50 p. 100 des Canadiens ne seraient pas couverts s'ils avaient besoin de médicaments de cette catégorie.

Dans le deuxième groupe, on trouve des Canadiens de la région de l'Atlantique, de moins de 65 ans et dépourvus d'assurance privée, et des Canadiens de plus de 65 ans non admissibles à un régime public à cause de leur revenu trop élevé et qui ont choisi de ne pas acheter de couverture de remplacement. Ils sont environ 800 000.

Tous les autres Canadiens sont couverts contre les coûts catastrophiques.

Troisièmement, vous demandez si le gouvernement fédéral devrait mettre en place un régime d'assurance contre les coûts catastrophiques au profit des résidents de certaines provinces.

Je suis tout à fait convaincu qu'au Canada, personne ne devrait consacrer plus de 4 ou 5 p. 100 de son revenu net à des médicaments prescrits. Cependant, un programme fédéral visant essentiellement les résidents des provinces de l'Atlantique poserait bien des problèmes.

Par exemple, une telle formule serait injuste pour les provinces qui se sont dotées d'un régime fondé sur le même principe et qui imposent à leurs contribuables des primes ou des franchises élevées pour le financer. Par ailleurs, elle ne serait d'aucune utilité pour les habitants du reste du Canada qui s'exposent à des coûts catastrophiques parce que leur régime provincial ou privé ne couvre par les médicaments dont ils ont besoin.

Si le gouvernement fédéral intervient dans ce domaine, il devrait créer et financer un «fonds des dépenses catastrophiques en médicaments». Ce fonds pourrait fonctionner selon les paramètres suivants: les médicaments qui représentent un coût annuel élevé ne seraient pas soumis au processus habituel de financement par le gouvernement provincial; sous le contrôle d'un groupe de surveillance, ils seraient inclus dans le fonds des dépenses catastrophiques en médicaments. Encore une fois, j'ai utilisé le seuil arbitraire de 3 000 $. Toutes les provinces inscriraient les médicaments en question dans leur formulaire provincial et en demanderaient le remboursement au fonds pour tous leurs résidents admissibles. Il serait loisible aux assureurs privés de coordonner leurs régimes avec ce fonds selon le principe du recouvrement des coûts, et le gouvernement fédéral pourrait assurer une prise en charge de 50 p. 100, par exemple, la contribution de la province pouvant varier selon l'état de santé moyen de ses habitants ou selon sa capacité de produire des recettes.

Il faudrait procéder à une bonne analyse actuarielle de ces médicaments très coûteux et de leur utilisation pour déterminer exactement le niveau d'entrée en action du fonds. J'ai fait une analyse de tous les médicaments qui ont reçu un avis de conformité de Santé Canada l'année dernière, et j'estime qu'il y en a tout au plus six qui correspondent au critère du coût élevé. À mon avis, un programme comme celui-ci ne pourrait s'appliquer au maximum qu'à une cinquantaine de médicaments.

La participation fédérale aux côtés des provinces serait soumise à la condition que ces dernières prennent des mesures pour assurer une couverture intégrale à leurs résidents dont les dépenses excèdent 5 p. 100 du revenu.

Une fois les médicaments très coûteux exclus de l'équation, le nombre des résidents relevant de cette dernière catégorie ne devrait pas constituer un fardeau supplémentaire considérable pour les pouvoirs publics.

J'aimerais que le gouvernement fédéral se serve du régime fiscal pour permettre aux petits salariés non assurés de s'inscrire à un régime provincial de façon à pouvoir obtenir des médicaments sans obstacle financier.

Dans mon dernier exposé, j'ai proposé une solution à ce problème. C'est souvent l'argent disponible qui pose problème aux personnes à faible revenu, plutôt que le montant réel des dépenses.

Vous vouliez enfin savoir si je suis plutôt favorable à un régime national d'assurance-médicaments. Je considère qu'un programme national commun ne constitue pas une solution pratique. La structure du régime et les considérations politiques qui le sous-tendent varient d'une province et d'un territoire à l'autre, de même que les besoins des résidents. Dans un système national, toutes les provinces devraient modifier leur régime, et je doute que ce soit une solution viable. Étant donné que les gouvernements provinciaux n'assument qu'environ 40 p. 100 du coût des médicaments prescrits, il faudrait trouver de quoi financer les 60 p. 100 restants, au risque de perdre les investissements privés qui en assument l'essentiel actuellement.

Il faudrait modifier le système pour combler ces principales lacunes, mais les interventions dont j'ai parlé devraient y parvenir sans que personne ne soit oublié par inadvertance et tout en protégeant la compétence des provinces en matière de santé.

Le vice-président: À la page 2, vous dites qu'environ 30 millions de Canadiens ont des régimes privés ou des régimes mixtes, et que 800 000 personnes n'ont aucune protection. Vous parlez aussi de 800 000 résidents du Canada atlantique. S'agit-il du même groupe ou de deux groupes distincts?

M. Ferguson: C'est le même groupe. Dans toutes les autres provinces, chacun bénéficie d'une forme quelconque de couverture. Ainsi, en Ontario, si les dépenses en médicaments dépassent un certain montant, elles sont prises en charge par le programme de médicaments Trillium. Les provinces de l'Atlantique sont les seules qui n'aient pas de programme public de prise en charge des coûts élevés.

Le vice-président: À la page 4, vous dites:

Il faudrait faire une bonne analyse actuarielle des médicaments très coûteux et de leur utilisation pour déterminer le seuil d'intervention du fonds. J'ai fait une analyse de tous les médicaments qui ont reçu l'avis de conformité du ministère l'année dernière et j'estime qu'il y en a tout au plus six qui correspondent au critère du coût élevé. À mon avis, ce programme ne pourrait s'appliquer au maximum qu'à une cinquantaine de médicaments.

Combien d'autres médicaments, auxquels les patients pensent avoir accès, ne seraient pas admissibles? Avez-vous un chiffre à ce sujet?

M. Ferguson: Non, je n'en ai aucune idée. La liste serait longue à cause des différences considérables d'une province à l'autre. Certains médicaments sont remboursés dans une province mais pas dans une autre. La liste des médicaments couverts dans toutes les provinces serait sans doute plus courte que celle des médicaments couverts seulement dans certaines provinces.

Le sénateur Robertson: Pouvez-vous nous donner votre meilleure interprétation de ce que nous devrions faire à propos des médicaments très coûteux?

M. Ferguson: Il faut trouver une forme de couverture pour les personnes exposées à des coûts très élevés de médicaments à cause de leur état de santé. Dans bien des cas, les médicaments en question ne figurent pas au formulaire de leur province. Les différences d'une province à l'autre posent un véritable problème. Il faut trouver une définition commune des différentes catégories et veiller à ce que les personnes qui ont besoin des médicaments de ces catégories soient prises en charge, ce qui n'est possible que dans le contexte d'un programme national.

On devrait inciter les provinces de l'Atlantique à proposer une couverture contre les coûts catastrophiques à leurs résidents. Si le fédéral fait le premier pas, le montant de la prise en charge à la deuxième étape sera moins élevé, puisque la plupart des médicaments les plus coûteux seront sortis de l'équation. On n'aura plus affaire qu'aux personnes à faible revenu qui ont besoin de médicaments de routine représentant pour elles un coût important.

Voilà les deux premières choses à faire.

Une autre mesure, de moindre importance, consisterait à permettre à ceux qui n'ont pas d'assurance privée et qui ne sont pas admissibles dans les régimes publics provinciaux à bénéficier de ces derniers de façon à obtenir au moins la prise en charge de leurs dépenses quotidiennes en médicaments. Il faudrait trouver une formule de financement, peut- être par l'intermédiaire du régime fiscal, en accordant des crédits d'impôt ou des points aux personnes à faible revenu.

Voilà donc pour les trois principales mesures. Tout d'abord, assurer une protection aux personnes exposées à de grosses dépenses de médicaments à cause de leur état de santé, deuxièmement, venir en aide aux provinces atlantiques pour régler la question des coûts de médicaments élevés par rapport au revenu, et troisièmement, permettre aux personnes non assurées d'adhérer volontairement à leur régime provincial.

Le sénateur Robertson: À leur régime provincial. Le gouvernement fédéral n'aurait pas à intervenir?

M. Ferguson: Il pourrait intervenir très facilement par l'intermédiaire du régime fiscal. Il pourrait financer une partie du coût de ce programme grâce à des points fiscaux ou à un partage des coûts avec les provinces, selon des mécanismes rajustés au moment du calcul de l'impôt.

Le sénateur Robertson: Les dépenses catastrophiques seraient-elles prises en charge grâce au régime fiscal ou d'une façon plus directe?

M. Ferguson: Les coûts catastrophiques, c'est-à-dire les coûts très élevés, seraient pris en charge plus directement dans le cadre des régimes provinciaux. Les résidents de chaque province pourraient obtenir la couverture de leur régime provincial. Pour ceux qui ont besoin de médicaments très coûteux, le gouvernement provincial ferait appel au fonds. Il y aurait donc une couverture ininterrompue au niveau individuel et dans toutes les provinces.

Le sénateur Robertson: Il y a ici un petit problème. Compte tenu de ses responsabilités en matière de santé, le fédéral pourrait difficilement dire aux provinces ce qu'elles doivent ou ne doivent pas faire.

Pourriez-vous reformuler la participation des provinces de façon à préciser le rôle du gouvernement fédéral?

M. Ferguson: Pour moi, c'est une question d'effet de levier. Le gouvernement fédéral pourrait intervenir pour financer partiellement ce fonds. Il existe actuellement un certain nombre de médicaments qui ne sont pas pris en charge par les provinces. Le rôle du gouvernement fédéral serait donc d'accorder des versements aux personnes qui ont besoin de ces médicaments et il le ferait grâce à un mécanisme utilisant les régimes provinciaux actuels, de façon à rembourser les personnes qui ont besoin de médicaments très coûteux.

Le sénateur Fairbairn: Votre deuxième proposition concerne des mesures incitatives pour le Canada atlantique. Pouvez-vous en parler de façon plus précise?

M. Ferguson: Il semble légitime de demander au gouvernement fédéral une contribution financière permettant d'assurer la prise en charge des médicaments aux coûts catastrophiques au profit des résidents du Canada. Le problème, c'est que les provinces seront tenues de porter leur régime à un niveau au-delà duquel le patient n'aura plus rien à payer pour le médicament. C'est ce niveau qu'il faut trouver. Si le gouvernement fédéral est prêt à prendre partiellement en charge les coûts élevés, les provinces de l'Atlantique seront fortement incitées à rajuster leurs régimes.

Le sénateur Fairbairn: Est-ce que c'est la catégorie des médicaments catastrophiques?

Le président: J'aimerais avoir une précision sur le mot «catastrophique», car vous l'utilisez dans deux sens différents. Dans le premier sens, le terme «catastrophique» s'applique à un médicament au prix très élevé qui ne figure pas dans le formulaire provincial et qui fait donc partie de la liste d'une cinquantaine de médicaments.

Dans le deuxième sens, le mot catastrophique s'applique au pourcentage du budget des médicaments par rapport au revenu personnel. C'est ce qui fait la différence entre votre première priorité, les médicaments très coûteux, et vos deuxième et troisième priorités qui visent à permettre une adhésion facultative, comme dans les provinces de l'Atlantique. Ces priorités sont liées au coût total que chaque personne doit supporter, qu'elle consomme des médicaments coûteux ou non. Est-il possible de fusionner ces trois idées dans un régime qui s'appliquerait aux personnes dont les dépenses totales en médicaments dépassent un certain pourcentage du revenu brut ou net? Les médicaments très coûteux n'y seraient-ils pas automatiquement inclus? Est-ce qu'il faut assurer la couverture des médicaments très coûteux pour tout le monde? Ne faudrait-il pas plutôt couvrir uniquement les médicaments très coûteux pour ceux qui ont vraiment besoin d'aide? On rejoindrait ainsi la deuxième et la troisième priorités. J'aimerais un programme de conception plus simple.

M. Ferguson: La question n'est pas simple. Un tel programme serait difficile à constituer à cause des différences considérables d'une province à l'autre quant à l'étendue de la couverture. Par exemple, un résident de Colombie- Britannique peut avoir besoin d'aide pour se procurer un médicament très coûteux, alors qu'un habitant du Québec n'en aura pas besoin, car le médicament est couvert par son régime provincial. Quoi qu'il en soit, on constate que les provinces cessent leur prise en charge à un certain niveau. À un moment donné, il faut retirer certains médicaments de l'équation et s'occuper du reste.

Le sénateur Morin: J'aimerais qu'on en vienne à un montant en dollars. Vous parlez de 800 000 personnes qui n'ont pas d'assurance contre les coûts catastrophiques.

Savez-vous combien d'entre eux ont besoin de médicaments très coûteux ou y consacrent 5 p. 100 de leur revenu?

M. Ferguson: Malheureusement, nous n'avons pas ce chiffre. Il est possible que les gens qui me suivent puissent répondre à cette question, car ils ont travaillé dans ce domaine plus que moi. À ma connaissance, on ne connaît pas l'importance de cette catégorie.

Je pense que les personnes en question sont peu nombreuses, car les chiffres ne sont pas énormes. Il y en a sans doute quelques milliers, et ils ne représentent certainement pas la moitié ni même le tiers du total.

Le sénateur Morin: Disons qu'il y en a quelques milliers. La dépense correspondante devrait être d'un ou de deux millions de dollars. J'essaie de déterminer le coût administratif d'un programme d'un million de dollars par an. Si je comprends bien votre plan, vous avez besoin d'un formulaire national couvrant ces médicaments très coûteux pour vérifier s'ils sont conformes aux critères de coût-efficacité. On n'approuve pas un médicament coûteux simplement à cause de son prix. L'approbation est accordée au niveau fédéral, où il n'existe actuellement aucun formulaire national.

Le gouvernement fédéral assumerait 50 p. 100 du coût de ces médicaments, jusqu'à concurrence de 5 p. 100 du revenu de l'assuré. À quel moment le gouvernement provincial devrait-il intervenir?

M. Ferguson: Les 50 p. 100 sont une proportion arbitraire. Dans le partage des coûts, il faudrait considérer les personnes chez qui les besoins sont les plus aigus.

Le sénateur Morin: Au-delà de 5 p. 100 du revenu personnel, la province assurerait une prise en charge complète?

M. Ferguson: C'est cela.

Le sénateur Morin: Cela représenterait environ un million de dollars par an, soit environ 500 000 $ par an pour le gouvernement fédéral. J'essaie de parvenir à un chiffre approximatif pour déterminer le nombre de fonctionnaires fédéraux nécessaires pour faire fonctionner un régime de 500 000 $ par an.

M. Ferguson: Le budget le plus élevé serait celui du fonds des médicaments coûteux. Il devrait être considérablement plus élevé que le montant dont vous parlez.

Vous n'êtes sans doute pas très loin de la vérité en ce qui concerne l'aide aux personnes à faible revenu qui ont de gros besoins en médicaments par rapport à leur revenu. Pour résoudre ce problème, il faudrait quelques millions de dollars, mais pas davantage.

Le sénateur Morin: Partout dans le monde, à l'exception de l'Amérique du Nord, on a des régimes d'assurance- médicaments. De nombreuses études consacrées au système canadien des soins de santé affirment que ce serait le meilleur système au monde à deux détails près: il ne comporte pas d'assurance-médicaments ni de soins de santé primaires.

Dans une édition récente, l'Irish Times a écrit que le Canada a le meilleur système de soins de santé au monde, si l'on fait exception des soins primaires et de l'assurance-médicaments.

Je ne suis pas nécessairement partisan de l'assurance-médicaments, mais pourquoi n'avons-nous pas de régime national d'assurance-médicaments? On pourrait facilement en faire un programme national. Les exigences régionales ne sont pas insurmontables. En Colombie-Britannique, la sclérose en plaques et le sida sont traités aux mêmes médicaments qu'à Terre-Neuve. Tous les pays du monde qui ont régionalisé leurs soins de santé n'ont pas pour autant régionalisé leurs programmes d'assurance-médicaments. Ainsi, le programme australien d'assurance-médicaments est toujours un programme national.

Avec un programme national, on pourrait libérer davantage d'argent au profit des provinces, à condition qu'elles le consacrent à des soins de santé. Un système national présente de nombreux avantages. La plupart des compagnies pharmaceutiques sont de grosses multinationales, avec lesquelles il est préférable de traiter au niveau national. Nous aurions ainsi un formulaire national et les risques seraient répartis entre les provinces.

Pour l'Île-du-Prince-Édouard, il est difficile de concevoir un programme d'assurance-médicaments qui soit satisfaisant. C'est impossible avec une population 100 000 habitants. Je ne vois pas comment on pourrait en gérer le risque. Un tel régime coûterait trop cher et ces coûts augmenteraient sans cesse. Aucune compagnie d'assurance en Amérique du Nord n'accepterait un bassin de population de 100 000.

Je sais que vous n'êtes pas favorable à un tel régime, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Ferguson: Je n'y suis pas favorable essentiellement à cause de la question du formulaire national. À mon avis, un formulaire national impliquerait une accumulation de contrôles supplémentaires en plus de tous ceux qui existent déjà. Tout cela retarderait encore davantage la commercialisation des nouveaux médicaments. Il faudrait mettre au point une procédure d'approbation beaucoup plus efficace et beaucoup plus rapide.

Si on met en place un programme national, les provinces auront-elles leur mot à dire dans les décisions concernant le formulaire et les médicaments disponibles? Est-ce qu'il faudrait agir à un niveau différent, qui soit accepté par les provinces? Comment s'appliquerait ce programme national par rapport aux priorités des provinces?

Comme je l'ai dit dans mon exposé, la troisième question concerne le rôle important que joue l'assurance privée dans notre pays. Qu'adviendrait-il de ce rôle? Je pense qu'il est possible de contourner cette difficulté. Est-ce que le programme national intégrerait les régimes privés actuels? Comment préserver cet investissement pour que les pouvoirs publics ne supportent pas intégralement le fardeau du financement du régime?

Le sénateur Morin: La plupart des provinces ont conservé leurs programmes.

Le sénateur Callbeck: Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'aucun Canadien ne devrait être obligé de consacrer plus de 4 ou 5 p. 100 de son revenu net à des médicaments prescrits.

Je connais une habitante de l'Île-du-Prince-Édouard qui doit acheter chaque année pour environ 100 000 $ de médicaments. Elle n'obtient aucune aide du gouvernement. Une telle situation ne devrait pas exister dans notre pays.

J'aimerais en savoir plus long sur votre proposition d'un régime d'assurance-médicaments en cas de coûts très élevés. Je veux m'assurer que j'ai bien compris ce que vous dites. Afin que quelqu'un ait accès à l'argent ou à ce programme, il faut que cette personne consacre 5 p. 100 de son revenu net à l'achat de médicaments, est-ce bien cela?

M. Ferguson: Il y a plusieurs façons de procéder. Règle générale, c'est ainsi que cela fonctionne. C'est ainsi que cela fonctionne dans la plupart des provinces. Par exemple, en Saskatchewan, la franchise est plus élevée, 3,4 p. 100 du revenu pour les mieux nantis. La personne paie les premiers 3,4 p. 100 de son revenu et ensuite devient admissible au programme. Le Manitoba et la Colombie-Britannique ont quelque chose de semblable. Le Québec associe les cotisations et les copaiements bien qu'une certaine somme soit déductible, elle est répartie mensuellement. Différentes provinces approchent la question différemment. Essentiellement, on cible les bénéficiaires qui paient ce qui a été fixé comme le niveau maximum. Une fois ce niveau atteint, c'est le programme qui paie.

Le sénateur Callbeck: À votre avis, est-ce qu'un régime provincial est supérieur à un autre?

M. Ferguson: Non. Tout dépend de votre point de vue. Si vous avez besoin de nombreux médicaments et que vous êtes une personne âgée au Canada, il est probablement préférable de vivre dans les Territoires du Nord-Ouest ou en Ontario car les copaiements y sont très bas.

Si vous prenez des médicaments autres que ceux sur la liste restreinte, alors il est préférable d'habiter au Québec parce qu'un plus grand nombre de médicaments y sont couverts. Toutes les provinces ont atteint un équilibre différent entre l'accès à des médicaments précis et les coûts, certaines en maintenant les coûts à un niveau bas et intervenant beaucoup plus activement dans le choix des médicaments sur la liste. D'autres provinces ont accepté des coûts relativement plus élevés tout en offrant une gamme plus vaste de médicaments.

Pour déterminer quel régime vous avantage, il faut voir quels sont vos besoins.

Le sénateur Robertson: J'aimerais revenir à ce que le sénateur Morin a dit sur un programme national d'assurance- médicaments. Les provinces de l'Atlantique travaillent de concert pour créer une formule pour l'Atlantique. Je pense qu'on pourrait faire preuve de la même coopération au niveau national. Vous avez dit qu'un programme national aurait une incidence sur les assureurs privés, qui font une grande partie du travail actuellement. Les assureurs privés, comme vous le savez, changent continuellement leurs coûts et leur couverture. Habituellement, les sociétés privées n'augmentent pas leurs coûts en ajoutant des médicaments à la liste.

Si je comprends bien, s'il y avait un programme national d'assurance-médicaments, il faudrait laisser tomber tous les autres programmes. Cela pourrait entraîner des dépenses énormes. Il me semble qu'on devrait faire des recherches sur cette question pour voir si c'est possible. Si, par exemple, nous tentons de mettre en place un régime national d'assurance-médicaments, où proposez-vous que nous commencions? Où faut-il commencer? Avez-vous des conseils à ce sujet?

M. Ferguson: Nous pourrions commencer en nous attaquant à certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Sans doute, les principes que j'ai recommandés en ce qui concerne l'assurance catastrophique ne sont pas très différents des principes qu'a énoncés plus tôt le sénateur Morin. C'est peut-être là le point de départ. Il nous faut la coopération des provinces pour tenter d'élaborer un programme national qui fonctionnera à ce niveau. Ensuite, il nous faut nous demander comment élargir la liste des médicaments et le nombre des assurés.

Le sénateur Robertson: Il me semble qu'il serait plus avantageux d'avoir un seul négociateur avec les compagnies pharmaceutiques plutôt que de laisser toutes les provinces négocier individuellement. Il devrait y avoir des économies à faire s'il y a un négociateur pour tout le pays.

Le président: Je suppose que ce serait possible avec un formulaire national, même si les programmes n'étaient pas identiques dans chaque province. Je présume que l'on pourrait avoir un formulaire national qui permet de s'entendre, d'un océan à l'autre, sur les médicaments assurés et sur les prix négociés avec les compagnies pharmaceutiques. Pensez- vous que ce serait le cas?

M. Ferguson: S'il y avait un formulaire national, on peut présumer que c'est ainsi que cela fonctionnerait.

Le président: Vous proposez qu'en fait, pour les médicaments à prix très élevés, pour les maladies graves, il y ait un formulaire national.

M. Ferguson: En effet.

[Français]

Le sénateur Pépin: Au mois de mai dernier, Mme Bégin est venue témoigner devant notre comité. Elle nous a dit qu'il était urgent que le gouvernement fédéral établisse avec les provinces, pour ce qui est de l'intention, des exigences de la Loi canadienne de la santé et que tous les médicaments et services de soins à domicile qui remplacent directement ces soins en milieu hospitalier soient accessibles sans frais aux malades sortants. Que pensez-vous de ces observations?

Serait-il viable d'avoir une couverture des médicaments qui remplaceraient directement les soins hospitaliers?

[Traduction]

M. Ferguson: Vous avez parlé d'une couverture sans frais pour les personnes, dès le départ. C'est certainement ainsi que fonctionnent l'assurance-maladie et les services hospitaliers. Si les médicaments étaient assujettis à la Loi canadienne sur la santé par exemple, si c'était prévu dans la loi, c'est quelque chose qu'il faudrait faire.

Le sénateur Pépin: Ma première question portait sur les malades qui quittent l'hôpital.

M. Ferguson: Les malades qui quittent l'hôpital actuellement sont assurés s'ils ont un régime d'assurance- médicaments privé. En fait, c'est un des inducteurs de coûts des régimes privés. Nous constatons que dans de nombreux cas, les médicaments permettent aux malades de quitter l'hôpital plus tôt; on peut les traiter à domicile. Je pense que si nous trouvions une façon d'indemniser les malades qui ont besoin de médicaments à domicile, ce serait raisonnable puisque cela aide à réduire les coûts de l'ensemble du régime de soins de santé.

En vertu des programmes actuels, si le malade qui quitte l'hôpital a une assurance privée, il n'y a pas de problème; sinon, ce sont les personnes qui se trouvent à payer elles-mêmes sans accès facile à un système d'aide. J'aimerais qu'il soit possible pour ces personnes d'adhérer au programme provincial et de recevoir des prestations leur permettant de recevoir les médicaments sans devoir en assumer les coûts. Il faut un mécanisme administratif pour que cela soit possible et je pense que le régime provincial d'assurance-médicaments pourrait être ce mécanisme.

Le sénateur Pépin: Vous convenez qu'il faut faire quelque pour ces personnes?

M. Ferguson: Oui.

Le président: Permettez-moi d'attirer votre attention sur les deux tableaux à la fin de votre mémoire: il s'agit du coût des médicaments en pourcentage du revenu. S'agit-il du revenu brut?

M. Ferguson: Non, il s'agit du revenu net.

Le président: Après impôt?

M. Ferguson: C'est le revenu imposable.

Le président: C'est après la déduction de base qu'on appelle l'impôt sur le revenu.

M. Ferguson: Exactement.

Le président: Vous avez pris les médicaments très coûteux et vous les avez mis dans un formulaire national pour un régime distinct. Si un régime national couvrait le coût des médicaments d'une personne au-delà de 5 p. 100 du revenu net, cela aurait pour conséquence de placer les quatre provinces de l'Atlantique, plus ou moins, au même niveau que la Colombie-Britannique et le Québec, n'est-ce pas?

M. Ferguson: Oui.

Le président: Cela signifie que votre droite qui est à 45 degrés augmenterait jusqu'au niveau de 5 p. 100 et ensuite deviendrait horizontale, n'est-ce pas?

M. Ferguson: En effet. Ce serait comme en Colombie-Britannique ou au Québec.

Le président: Ainsi, vous ne touchez à aucun des régimes provinciaux. Vous n'offrez pas simplement un programme aux résidents de l'Atlantique, vous l'offrez à tous puisqu'il y a ce plafond de 5 p. 100. Cela ne touchera en rien les programmes provinciaux, mais permettrait de rembourser les coûts exorbitants pour tous au pays. Ce serait plus avantageux pour les résidents de la région de l'Atlantique parce qu'ils seraient plus nombreux à dépasser le plafond de 5 p. 100. Ai-je raison jusqu'à présent?

M. Ferguson: Oui.

Le président: Avez-vous une idée du coût?

M. Ferguson: La façon la plus simple d'en avoir une idée serait d'utiliser les données des régimes d'assurance- médicaments provinciaux de ces provinces. Les provinces devraient pouvoir vous faire l'analyse, en commençant par le niveau le plus élevé de dépenses personnelles et faire une projection. Il vous faudrait inclure certains niveaux de revenu.

Le président: Les provinces n'auront pas le rapport entre les dépenses et le niveau de revenu.

M. Ferguson: En effet. C'est seulement à l'intention de ceux qui sont actuellement assurés en vertu de ces régimes, ce n'est pas pour ceux qui se retrouvent dans ce genre de situation. L'autre source d'information proviendrait des données de l'impôt sur le revenu pour la demande de déduction pour frais médicaux.

Le président: Ils ont demandé la déduction de 3 p. 100.

M. Ferguson: Exactement. Vous ne savez pas quelle part de ça représente le coût des médicaments. Je ne connais pas suffisamment les détails de l'information à l'impôt pour savoir s'il y a moyen de faire une ventilation. Les deux témoins qui me suivent auront peut-être de meilleures suggestions quant à la méthodologie.

Le président: J'essaie de voir comment ramener les Maritimes au haut de l'autre échelle. Une façon de procéder serait de permettre que quelqu'un soit pleinement assuré dans le cadre du régime public une fois que ses dépenses personnelles en pourcentage du revenu, l'axe vertical sur ce tableau, atteignent 5 p. 100.

Le sénateur Morin: Quand vous parlez d'un régime public, vous entendez fédéral?

Le président: J'ai dit «public». Je ne veux pas faire de distinction entre le fédéral et les provinces pour l'instant.

Le sénateur Morin: Il y a quelques exceptions à cela, ce que les gens ne savent pas. C'est d'ailleurs ce qu'on nous a dit lorsque nous nous sommes rendus en Alberta. J'ai été surpris d'apprendre qu'en Alberta, l'assurance-médicaments est plafonnée à 25 000 $.

M. Ferguson: C'est juste.

Le sénateur Morin: Si vos frais de médicaments dépassent 25 000 $, prenons par exemple 100 000 $, cela signifie que vous avez une facture de 75 000 $. On prétend que grâce à la générosité du gouvernement cela ne s'est pas produit, mais cela pourrait se produire. Il devrait en être question dans votre exposé. Ce n'est pas le cas.

C'est une question compliquée. Devrions-nous commencer à appuyer l'Alberta?

Le président: Sénateur Morin, je vous fausserais certainement compagnie car je ne considère pas qu'il s'agit d'appuyer l'Alberta, il s'agit de régler un problème canadien.

Si on remonte à l'objectif originel de l'assurance-maladie, formulation que le comité a utilisée dans ses rapports, personne ne doit subir de difficultés financières indues pour cause de maladie; cela devrait comprendre le coût des médicaments. En fait on devrait parler de difficultés financières «indues» et pas simplement de quelques difficultés financières. Il ne faut pas permettre que cela soit excessif et ça ne devrait pas non plus faire de différence selon là où vous vivez au pays. Quant à savoir si le coût doit être assumé par le gouvernement fédéral ou par les provinces, ou une combinaison des deux, ça c'est différent.

Je n'ai pas abordé l'argument fédéral-provincial. J'essayais de comprendre si cela réglerait votre deuxième et troisième catégories si le régime public devenait accessible une fois que vos coûts cumulatifs excédaient les 5 p. 100? J'ai choisi 5 p. 100 parce qu'essentiellement ce sont les chiffres pour la Colombie-Britannique et le Québec dans vos deux tableaux. Cela réglerait clairement le problème de la deuxième catégorie, et la troisième, celle des gagne-petit, puisqu'ils seraient toujours assurés par le régime.

M. Ferguson: C'est juste.

Le sénateur Morin: S'agit-il toujours d'environ 800 000 personnes?

M. Ferguson: Oui, en effet.

Le sénateur Morin: De ces 800 000 personnes, peut-être 1 000 ou 2 000 sont dans cette catégorie; cela ne représente qu'un petit nombre de personnes.

Il faut comprendre que nous établissons un régime d'envergure pour protéger 2 000 personnes. Il y a des chiffres intéressants que je présenterai plus tard. Je suis persuadé que dans les provinces de l'Atlantique on ne le fait pas exprès, c'est une question de ressources.

M. Ferguson: Vous voulez faire très attention et vous assurer que les autres provinces vont maintenir leurs programmes et ne pas considérer que c'est là la situation de base et faire payer par le gouvernement fédéral la note pour tous pour ces 10 p. 100.

Le président: Que voulez-vous dire payer pour tous pour ces 10 p. 100?

M. Ferguson: Si vous avez un programme, par exemple, qui prévoit tous ceux qui versent plus de 5 p. 100 de leur revenu, les provinces qui sont en deçà de 10 p. 100 actuellement vont considérer que ces programmes ne sont plus nécessaires.

La présidente: Je ne comprends pas ces 10 p. 100. D'où viennent les 10 p. 100 dont vous parlez?

M. Ferguson: Si quelqu'un verse 10 p. 100 de son revenu pour payer ses médicaments dans la région de l'Atlantique, son coût personnel est de 10 p. 100. Alors qu'un résident de la Colombie-Britannique qui consacre 10 p. 100 de son revenu aux médicaments ne paie de sa poche qu'environ 5 p. 100. Le gouvernement de la Colombie-Britannique pourrait simplement décider ne plus offrir ce programme. Il laissera le gouvernement fédéral payer pour tous ceux qui versent plus de 5 p. 100 et il paiera en deçà de ce niveau. Actuellement, la province consacre quelques ressources à s'assurer que cela ne se produit pas.

Le président: Voulez-vous dire que s'il y a de l'assurance catastrophique, certaines provinces pourraient réduire leur couverture actuelle?

M. Ferguson: Exactement.

Le président: Les provinces peuvent toujours réduire leur assurance actuelle, qu'il y ait ou non un programme d'assurance des coûts très élevés. J'ai du mal à accepter que certains devront faire face à des difficultés financières indues, le critère que nous avons utilisé, tout simplement parce qu'on craint que certains gouvernements provinciaux pourraient réduire leur couverture actuelle. J'aurais pensé, à vrai dire, que les pressions politiques seraient considérables et empêcheraient la réduction de la couverture.

Je ne sais pas si nous devons nous laisser mener par la crainte en déterminant notre position.

Le sénateur Morin: Donnez 2 millions de dollars aux provinces de l'Atlantique.

Le président: Jusqu'à présent, sénateur Morin, vous vous tirez bien d'affaire. Vous avez accepté ma proposition sur ce qu'il faut faire. Nous sommes maintenant en train de discuter des modalités.

Le sénateur Morin: Je ne pense pas qu'il faille mettre en place un programme national pour régler le problème.

Le président: J'essaie de comprendre s'il est possible de concevoir un programme simple qui réglerait le cas de ceux qui sont dans les catégories 2 et 3.

M. Ferguson: Oui, il y a moyen.

Le président: Monsieur Ferguson, je vous remercie infiniment de votre présence ici.

M. Ferguson: Le plaisir était pour moi.

Le président: Nous allons maintenant entendre notre deuxième exposé sur la question de l'assurance pour les médicaments à coût exorbitant et sur la façon d'attaquer le problème. Nous accueillons M. Ken Fraser, PDG de Fraser Group, et M. Richard Shillington, directeur de Tristat Resources.

Monsieur Fraser.

M. Ken Fraser, PDG de Fraser Group: Je remercie le comité de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui pour nous parler de nos recherches. J'espère que ces renseignements vous seront utiles.

Nous voulons vous faire part du résultat de travaux récents qui portent directement sur la question identifiée par le comité aux paragraphes 8.9.4 et 8.9.5 du volume 4 de son rapport intérimaire sur les éventuelles initiatives qui permettraient de nous protéger contre le coût excessif des médicaments.

Permettez-moi de commencer en vous parlant un peu du Groupe Fraser et de Tristat Resources. Le Groupe Fraser est une maison de consultation de Toronto qui offre le fruit de ses recherches et de l'information sur les marchés à l'industrie de l'assurance et à d'autres qui s'intéressent au marché des avantages sociaux, y compris les employeurs et les organismes gouvernementaux. Je suis dans le domaine de la consultation depuis 1984 et j'examine l'assurance- médicaments sous son aspect de politique sociale depuis 1996.

Je suis accompagné aujourd'hui de Richard Shillington, de Tristat Resources. Il est statisticien et consultant autonome. M. Shillington fait de la consultation depuis presque 20 ans, se spécialisant dans l'analyse quantitative de la politique sociale. Ses clients incluent des organismes sociaux de première ligne, des gouvernements provinciaux et des ministères fédéraux responsables de la politique sociale. Par le passé, il a travaillé avec le Comité sénatorial sur la pauvreté des enfants. Avant de devenir consultant, Richard a travaillé au ministère de la Santé de deux provinces — la Colombie-Britannique et la Saskatchewan.

M. Shillington et moi-même avons collaboré depuis cinq ans à plusieurs études sur l'étendue de l'assurance- médicaments au Canada. Notre première étude intitulée «Drug Expense Insurance in the Canadian Population», que vous citez dans votre rapport, a été commanditée par l'Association des compagnies d'assurance de personnes. M. Shillington et moi-même avons travaillé de concert sur un rapport préparé pour Santé Canada et le Fonds pour l'adaptation des services de santé intitulé «Les Canadiens et l'accès à une assurance-médicaments de prescription». Le comité cite également cette étude dans son rapport.

L'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes a également commandé une étude plus récente. On y examine jusqu'à quel point les Canadiens seraient protégés de lourdes dépenses personnelles par des régimes d'assurance-médicaments privés et publics dans l'éventualité où ils devraient prendre des médicaments de prescription extrêmement coûteux. Vous avez, je crois, reçu une ébauche du rapport.

Vous noterez que ce document est intitulé «ébauche». Cela ne sous-entend aucune hésitation quant aux constatations dont nous allons vous parler aujourd'hui. Celles-ci ont été arrêtées il y a déjà un certain temps. Toutefois, il est possible que la présentation du texte soit encore révisée pour améliorer la précision ou apporter des corrections typographiques.

Vous constaterez également que notre rapport n'est disponible qu'en anglais aujourd'hui. Je m'en excuse. Toutefois, le texte est à la traduction et devrait être disponible très bientôt en français, de même que la version anglaise finale.

Dans mon exposé aujourd'hui, je vais faire pour le au comité un bref tour d'horizon des points saillants de notre rapport intitulé, «Drug Expense Coverage in The Canadian Population — Protection from Severe Drug Expenses».

Je vais d'abord mentionner quelques-unes de nos principales constatations.

Tout d'abord, c'est l'adhésion à des régimes d'assurance-médicaments et les dispositions de ces régimes qui déterminent si, et dans quelle mesure, les Canadiens qui doivent prendre des médicaments coûteux devront faire face à une crise financière personnelle.

Deuxièmement, notre recherche révèle qu'environ 98 p. 100 de tous les Canadiens ont une forme quelconque d'assurance-médicaments publique ou privée qui leur offre un certain niveau de protection contre le coût excessif des médicaments. Enfin, de nombreuses personnes sont surprises par le nombre élevé d'assurés. J'y reviendrai au cours de mon exposé.

Enfin, dans notre rapport, nous faisons une distinction entre l'assurance complète et partielle pour se protéger du coût excessif des médicaments. Quand nous parlons d'une couverture complète, il s'agit d'une limite plafonnée prédéterminée du coût que la personne doit payer personnellement, quel que soit le montant réel du coût des médicaments. Dans le cas de l'assurance partielle, il n'y a pas de plafond quant au montant que l'assuré doit verser personnellement. Avec l'augmentation du coût des médicaments, la part de ces médicaments augmente aussi.

D'après notre recherche, 82 p. 100 de tous les Canadiens ont une assurance complète assortie d'un plafond maximum sur leurs coûts personnels.

Je vais maintenant vous donner quelques détails sur ces aspects et sur d'autres en commençant par le chapitre 2, page 6.

Tout d'abord, permettez-moi de situer la question à l'étude aujourd'hui dans le contexte plus général du coût des soins de santé.

Notre recherche ne porte pas sur le montant global du coût des médicaments dans le régime de santé canadien, ni sur le pourcentage relatif que représente le coût des médicaments par rapport aux autres dépenses du régime de santé. Ce coût global des médicaments a fait l'objet de nombreux commentaires et d'analyses ces dernières années parce que le coût des médicaments a augmenté de façon marquée, en termes absolus, et en pourcentage des dépenses globales dans le domaine de la santé.

Pour le Canadien «moyen», l'incidence financière directe de cette augmentation du coût des médicaments est assez modeste. Le pourcentage des dépenses moyennes des ménages consacrées aux médicaments de prescription demeure faible, en termes absolus. En 1999, les dépenses annuelles par habitant au titre médicaments de prescription étaient de 331,38 $, dont seulement 75,49 $ représentaient une dépense personnelle.

Malgré ce niveau assez modeste du coût moyen, tous les Canadiens peuvent être exposés et certains Canadiens doivent assumer des coûts beaucoup plus importants à cause de la découverte de traitements novateurs qui entraînent l'utilisation de médicaments très coûteux. À titre personnel, les Canadiens peuvent faire face à des coûts très élevés pour leurs médicaments.

À la page 7, nous énumérons plusieurs des changements survenus au chapitre des soins de santé ces dernières années. Le coût total pour mettre au point et commercialiser de nouvelles thérapies fondées sur les médicaments a augmenté plutôt rapidement parce que les compagnies pharmaceutiques se sont attaquées à des maladies qui représentaient un plus grand défi, mais aussi parce qu'elles font face à des régimes d'approbation des médicaments plus stricts partout dans le monde. De nombreuses nouvelles thérapies visent des conditions chroniques qui se soignent à domicile, plutôt que des conditions aiguës qui doivent être traitées à l'hôpital. Un changement au niveau des pratiques médicales — dans certains cas poussés par des considérations financières autant que par les nouvelles technologiques — ont remplacé les traitements à l'hôpital par des traitements à domicile, pour certaines maladies telles que le cancer où traditionnellement on utilise des médicaments très coûteux.

À la page 8, nous énonçons certaines des répercussions de cette question. Tout d'abord, et c'est ce qui est le plus évident, selon le régime d'assurance, certaines personnes peuvent faire face à des coûts financiers personnels considérables pour leurs médicaments. Certaines personnes, à cause de ce lourd fardeau financier, devront peut-être discontinuer ou ne pas commencer le traitement avec certains médicaments. Les médecins peuvent prescrire des traitements à l'hôpital qui sont plus coûteux de sorte que le patient n'a pas à faire face à la dépense personnelle des médicaments qui peuvent être délivrés par des pharmacies communautaires. Les médecins et les patients peuvent décider d'utiliser des médicaments moins coûteux mais moins efficaces. Dans d'autres situations, pour les assistés sociaux ne voulant pas perdre leur assurance-médicaments, ce serait un frein car ils ne veulent pas perdre leur aide sociale.

Un régime d'assurance-médicaments privé auquel a adhéré le malade qui prend des médicaments coûteux peut subir suffisamment de pressions financières pour pousser le parrain du régime à le limiter ou à y mettre fin, ce qui réduirait la protection de tous les autres adhérents au même régime. D'autres régimes pourraient décider de prendre des mesures de précaution et réduire le niveau des prestations afin de réduire leurs propres risques de façon à ne pas encourir ces frais plus élevés.

Dans notre recherche, nous avons examiné la première question, la première répercussion, à savoir que les personnes peuvent faire face à des coûts personnels considérables. Dans le chapitre 3, nous examinons les modèles d'assurance- médicaments au Canada et nous cherchons à déterminer comment divers types de régimes protègent ceux qui ont besoin de médicaments coûteux.

À la page 10, nous notons qu'un petit nombre de Canadiens n'a pas d'assurance. Des études récentes placent ce nombre entre 2 et 4 p. 100, ce qui représente 600 000 à 1,2 million de personnes. Il a été question plus tôt aujourd'hui de 800 000 personnes. Nos modèles statistiques, fondés sur des données légèrement différentes à celles de M. Ferguson, donnent environ 2 p. 100.

Les membres du comité sont peut-être au courant de sondages qui fixent à des niveaux beaucoup plus bas de 65 à 70 p. 100 l'assurance-médicaments. M. Shillington et moi-même avons eu l'occasion d'examiner la méthodologie et les données de certaines de ces études. Il s'agit notamment de l'enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada. Nous ne contestons pas la méthodologie de recherche qui est solide, mais il est important de comprendre que ce qui est examiné, ce n'est pas la couverture réelle, mais plutôt la perception d'une couverture. Lorsque nous avons fouillé les données, nous avons constaté que de nombreux Canadiens n'incluent pas les régimes gouvernementaux quand ils pensent à un régime d'assurance-médicaments.

En outre, ces enquêtes ne portent pas expressément sur la question du coût élevé des médicaments. Les répondants à ces enquêtes pensent presque certainement au niveau habituel de dépenses de ce genre. Nous convenons que le nombre de personnes qui n'ont pas de couverture efficace pour l'achat de médicaments ordinaires est beaucoup plus élevé que 2 p. 100.

La page 11 présente les régimes publics. Il est à noter que toutes les provinces ont un programme d'assurance- médicaments qui couvre presque tous les coûts des médicaments des aînés à faible revenu — ceux qui reçoivent le Supplément de revenu garanti. Il s'agit d'environ 5 p. 100 des adultes au Canada. Ce groupe, en somme, est complètement protégé contre les hausses vertigineuses des prix des médicaments. Toutes les provinces, sauf Terre- Neuve, possèdent des programmes à l'intention des aînés mieux nantis aussi. Toutes les provinces ont des programmes qui assurent les médicaments nécessaires aux prestataires d'aide sociale, qui représentaient en l'an 2000 environ 6,8 p. 100 de la population. Ce groupe est bien protégé des hausses importantes des coûts des médicaments.

Un programme fédéral rembourse intégralement les coûts des médicaments et des autres services de santé fournis aux populations autochtones reconnues et à certains anciens combattants des forces armées. Ces groupes représentent environ 2 p. 100 de la population et ils sont bien protégés.

Les gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario ont des programmes de médicaments à l'intention de la population générale qui prévoient un plafond — dans certains cas, le montant est basé sur le revenu familial — qui limite les coûts que doivent supporter les particuliers pour les médicaments.

Au Québec, la loi prévoit un régime d'assurance-médicaments où chaque citoyen n'a pas à débourser plus de 750 $ pour les médicaments, qu'il soit couvert par un régime de leur employeur ou par le régime provincial. Les résidents du Québec sont donc protégés contre des dépenses en santé qui dépassent un certain seuil.

En Alberta, il y a un régime public facultatif, à base de primes, qui est ouvert à tous les résidents. Après une période d'attente de trois mois, l'assuré jouit d'une protection assez étendue.

Pour résumer, bon nombre de régimes d'assurance-médicaments du secteur public prévoient une certaine protection contre le fardeau financier excessif pour les Canadiens qui font face à ces dépenses très élevées pour médicaments. Avant de décrire dans plus en détail ces protections, je vais faire des observations concernant les régimes du secteur privé, ce dont il est question à la page 12 du rapport.

Les régimes du secteur privé jouent un rôle important dans le domaine de l'assurance pour médicaments au Canada. Ils couvrent environ 58 p. 100 des Canadiens et, chose importante, ils dépendent entièrement de l'initiative volontaire de leurs promoteurs. Une grande majorité de ces promoteurs sont des employeurs, mais un bon nombre de Canadiens sont assurés en vertu de régimes de groupe instaurés par des syndicats, des entités mixtes patronales-syndicales et des établissements scolaires. De plus, environ 1 p. 100 des Canadiens ont une assurance-maladie qu'ils paient eux-mêmes.

Quelque 2,4 millions de Canadiens sont couverts par un régime du secteur privé qui rembourse intégralement les dépenses pour médicaments, ce qui les protège pleinement d'un fardeau financier excessif en cas de coûts de médicaments très élevés. Il faut ajouter à cela les 7,3 millions de Canadiens, pour un total de 9,7 millions, c'est-à-dire 55 p. 100 de ceux qui sont couverts par un régime du secteur privé, dont le régime comprend le plafonnement des dépenses personnelles pour les médicaments.

Un autre 8,1 millions de Canadiens sont inscrits à un régime du secteur privé qui offre une protection considérable, mais incomplète, contre les coûts très élevés pour médicaments.

Les régimes d'assurance-médicaments ont beaucoup de caractéristiques différentes, mais quatre aspects seulement sont très pertinents pour l'analyse de la protection contre les coûts de médicaments très élevés. Il s'agit des franchises, de la franchise initiale; de la quote-part, appelée parfois coassurance; des plafonds annuels ou à vie, qui limitent les remboursements; et les plafonds des dépenses personnelles.

Une des difficultés en ce qui concerne les régimes d'assurance-médicaments, c'est que la terminologie n'est pas tout à fait uniformisée. Je suis certain que le comité a déjà constaté cela.

Par souci de clarté, je vais revoir certains termes que je vais employer aujourd'hui.

«Franchise» veut dire le montant initial du coût des médicaments qui doit être payé par l'individu avant de recevoir un remboursement en vertu du régime d'assurance-médicaments. À moins d'être extrêmement élevées, les franchises ont normalement une incidence minimale sur la protection offerte par un régime contre les coûts des médicaments très élevés.

La coassurance représente la proportion de chaque ordonnance à la charge de l'assuré. Il peut s'agir d'un pourcentage, par exemple, 20 p. 100, ou d'un montant fixe par ordonnance, par exemple 2 $ ou 5 $.

Une «garantie maximale annuelle ou à vie» limite le montant total des dépenses qui peuvent être remboursées par le régime et fixe un plafond global. Les dépenses pour médicaments qui dépassent cette limite sont à la charge du particulier. Par exemple, un régime pourrait fixer un plafond annuel de 10 000 $, ce qui veut dire que tout montant qui dépasse 10 000 $ serait payé directement par l'individu.

Par contre, le terme «plafond des dépenses personnelles» désigne une protection limitant le montant de la franchise et de la coassurance imposée à l'assuré. Il signifie que les autres coûts sont entièrement assurés. Il peut s'agir d'un montant fixe, comme 750 $, comme c'est prévu dans la loi québécoise, ou un pourcentage du revenu familial, qui est l'approche adoptée par d'autres provinces, comme la Saskatchewan et l'Ontario.

Aujourd'hui, le terme «dépenses de santé personnelles» désigne la franchise et la coassurance exigées, en plus des dépenses qui dépassent les plafonds annuels. Nous définissons ce terme de la même façon que les régimes d'assurance- médicaments des secteurs public et privé. Mais le Canadien moyen pourrait ne pas être d'accord. Je signale que des dispositions dans certains régimes qui prévoient des formulaires limités, des prix contrôlés, etc., peuvent entraîner des coûts personnels supplémentaires. Notre modèle de recherche ne tient pas compte de ce genre de disposition. Nous partons du principe que les médicaments achetés font partie du formulaire du régime.

À la page 15, un tableau indique les dépenses personnelles basées sur cette définition de franchise et de coassurance qui seraient exigées pour un individu qui avait des coûts de médicaments de 20 000 $. On voit ici un certain nombre de régimes connus. Les dépenses personnelles varient beaucoup, allant de zéro en vertu de certains régimes à 20 000 $ pour quelqu'un qui n'a pas d'assurance-médicaments du tout.

Les bénéficiaires d'aide-sociale, de façon générale, ne paient rien. De même, ceux qui sont assurés par le régime des Affaires indiennes n'ont essentiellement aucune dépense. Plusieurs régimes d'employés comportent une franchise minimale de 25 $. Les dépenses personnelles en vertu du régime pour aînés en Alberta se situent à environ 900 $. En Ontario, en vertu du régime Trillium, une famille ayant des revenus annuels de 60 000 $ dépenserait 2 400 $. Un fonctionnaire fédéral paierait un peu plus de 4 000 $, et ainsi de suite.

Pour vous donner une idée des coûts possibles, nous avons fait une analyse récemment des données liées aux demandes de remboursement en vertu de certains régimes d'employeurs au Canada pour l'an 2000. Nous avons obtenu les données d'environ la moitié de ces régimes. Il s'est avéré que quelques individus ont dépassé les 200 000 $ en coûts de médicaments. Ils étaient peu nombreux — en réalité, très peu nombreux — mais les dépenses pour médicaments peuvent dépasser 200 000 $.

Hormis les cas extrêmes, environ une personne sur mille avait des dépenses qui dépassaient de plus de 10 000 $ les dépenses assurées par le régime. Ces dépenses étaient couvertes par une assurance privée. La vaste majorité de ces dépenses représentait des médicaments sur ordonnance.

Ces données nous ont permis de conclure que quelque 53 000 Canadiens assurés par un régime du secteur privé ont encouru des dépenses pour médicaments de plus de 5 000 $ en l'an 2000.

Nous croyons qu'une analyse de certains régimes du secteur public révélerait que la proportion d'individus ayant des dépenses élevées en vertu de ces régimes est beaucoup plus élevée puisque les régimes publics couvrent généralement des individus ayant des besoins élevés de soins, tels que les aînés et les assistés sociaux.

Nous avons pu conclure que plus de 100 000 Canadiens ont des dépenses de médicaments supérieures à 5 000 $. Ce chiffre va certainement augmenter dans les années à venir en raison des nouveaux traitements pharmacologiques et du vieillissement de la population.

Au chapitre 4, à la page 17, nous expliquons notre méthodologie. Dans le cadre de notre recherche, nous avons créé un modèle statistique de l'assurance-médicaments au Canada. Ce modèle a servi ensuite à simuler l'incidence financière de certains scénarios de dépenses très élevées pour médicaments. Le modèle est basé sur un grand échantillon de quelque 60 000 familles que nous avons compilé à partir des ressources de Statistique Canada. Il s'agit donc ici de simulations, au fond. On applique une hypothèse. Quand on parle de dépenses de 20 000 $, on ne parle pas d'un individu réel qui aurait encouru ces dépenses, mais plutôt d'une situation hypothétique et arbitraire où tous les Canadiens se retrouvent avec des dépenses de médicaments de 20 000 $, et nous faisons ensuite l'analyse pour déterminer qui paie quoi.

Les résultats véritables de ces simulations sont présentés au chapitre 5, qui commence à la page 25. Afin d'évaluer l'efficacité du réseau de régimes d'assurance-médicaments au Canada en ce qui concerne la protection des personnes contre ce fardeau financier excessif, nous avons examiné trois scénarios hypothétiques de coûts très élevés pour médicaments. Nous avons choisi des dépenses annuelles de 5 000 $, de 20 000 $ et de 80 000 $. Pour chaque montant, nous avons calculé la proportion de la population qui se retrouveraient dans différentes catégories par rapport aux coûts personnels, d'abord 750 $ et moins, ensuite jusqu'à 2 000 $, jusqu'à 4 000 $, et plus de 4 000 $. Nous avons aussi calculé le pourcentage des gens qui n'ont aucune assurance-médicaments et qui doivent donc défrayer le coût total eux- mêmes.

Nos analyses nous permettent de repérer trois grandes catégories de personnes selon la couverture de leur régime lorsqu'ils font face à des coûts de médicaments très élevés. Dans la première catégorie, celle des personnes protégées, les régimes d'assurance-médicaments limitent les dépenses personnelles à des niveaux prédéterminés qui ne varient pas en fonction des dépenses encourues pour les médicaments.

Ceux qui sont partiellement protégés se retrouvent dans la deuxième catégorie. Les régimes de ces personnes absorbent une part importante des coûts des médicaments, mais les dépenses personnelles continuent d'augmenter au fur et à mesure que le coût des médicaments augmente.

La troisième catégorie comprend le petit nombre de personnes qui n'ont malheureusement aucune assurance- médicaments et qui doivent assumer 100 p. 100 de toutes les dépenses.

Les régimes provinciaux d'assurance-médicaments et les politiques gouvernementales connexes constituent le facteur le plus important qui détermine le niveau de protection en général contre les coûts de médicaments très élevés. Par conséquent, les résultats de notre analyse sont répartis selon la province dans le rapport. Je ne vais pas parler de chaque province.

Je voudrais, par contre, attirer votre attention sur l'exemple à la page 27. Il s'agit de la Nouvelle-Écosse. La première ligne indique que 40 p. 100 de la population aurait à défrayer 750 $ ou moins si les coûts des médicaments s'élevaient à 5 000 $. C'est le cas aussi si les médicaments coûtaient 20 000 $ ou même 80 000 $. Ce sont les personnes que nous considérons comme pleinement protégées. En réalité, une partie de ce groupe est couverte par le régime pour aînés, une autre partie par l'aide sociale, et une autre par des régimes d'employeurs qui comportent un plafond.

Si on passe à la ligne suivante du tableau, on constate que 29 p. 100 de la population aurait des dépenses personnelles variant entre 750 $ et 2 000 $ si les coûts des médicaments se chiffraient à 5 000 $. Mais si les coûts des médicaments atteignent 20 000 $, les dépenses personnelles de ce groupe seraient plus élevées.

Enfin, la dernière ligne du tableau indique que 20 p. 100 des résidents de la Nouvelle-Écosse n'ont aucune assurance- médicaments pour les protéger contre des coûts de médicaments très élevés.

La page 48 présente une synthèse des résultats répartis selon la province. Ces trois pages contiennent un certain nombre de tableaux. Sur le plan national, les provinces de l'Atlantique se distinguent très nettement en raison de la proportion substantielle des résidents qui n'ont aucune assurance-médicaments. Cela dit, il existe aussi des différences importantes en ce qui concerne les dépenses personnelles dans les provinces qui ont un régime universel. Le Québec est la province où le niveau de protection varie le moins, suivi de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Saskatchewan. Le niveau de protection est calculé en dollars absolus.

À la page 52 du rapport, les provinces sont réparties en trois groupes. Il y a d'abord les provinces où tous les résidents sont pleinement assurés. Il s'agit de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. La deuxième catégorie comprend les provinces où une proportion de la population est pleinement protégée tandis que l'autre proportion est partiellement protégée. L'Alberta est la seule province de ce genre. La troisième catégorie comprend les provinces où certains résidents n'ont aucune assurance. Comme nous l'avons déjà dit, les quatre provinces de l'Atlantique sont dans cette catégorie.

Pour résumer, j'aimerais présenter nos conclusions, qui se trouvent à la page 52: les nouvelles pharmacothérapies et les nouvelles approches en soins de santé ont créé une situation où les Canadiens atteints d'une gamme croissante de conditions médicales peuvent nécessiter des médicaments prescrits extrêmement coûteux en dehors du milieu hospitalier et donc exclus des régimes d'assurance.

Bien que, statistiquement, cette situation reste moins fréquente, elle se produit de plus en plus du fait des innovations en pharmacothérapies. Par exemple, alors, que selon les probabilités, moins de cinq ou six Canadiens sur 1 000 ont besoin de médicaments d'ordonnance pour plus de 5 000 $, il y a plus de 100 000 Canadiens dans cette situation et ce chiffre va certainement augmenter au cours des années futures.

L'adhésion à des régimes d'assurance-médicaments et les dispositions de ces régimes, détermine la mesure dans laquelle les Canadiens qui ont besoin de médicaments coûteux risquent de devoir assumer de lourds coûts financiers.

Pratiquement tous les Canadiens, 98 p. 100 pour être précis, ont une assurance-médicaments publique ou privée qui leur offre une certaine protection contre les dépenses lourdes en médicaments.

Il y a pratiquement 100 p. 100 des Canadiens âgés qui bénéficient d'une assurance-médicaments et d'un plafond à leurs dépenses personnelles en médicaments. Dans toutes les provinces, les personnes âgées à faible revenu sont assurées et bénéficient d'un plafonnement entièrement protégé. En outre, dans toutes les provinces, les assistés sociaux sont assurés contre les dépenses lourdes en médicaments et n'ont souvent pas du tout de frais personnels à engager.

Pour la grande majorité des Canadiens, soit 82 p. 100, le régime prévoit un plafonnement protecteur des frais personnels, quelle que soit l'importance des dépenses pour l'achat de médicaments. Seize pour cent des Canadiens ont un régime d'assurance-médicaments sans plafonnement qui prévoit des paiements partagés à hauteur d'un certain pourcentage ou qui impose des limites au remboursement. Pour ces personnes, les frais individuels augmenteraient si leurs frais en médicaments venaient à s'alourdir. Habituellement, ces personnes risquent des frais personnels correspondant à 20 p. 100 de leurs dépenses en médicaments, même pour les médicaments les plus coûteux.

Environ 2 p. 100 des Canadiens n'ont absolument aucune assurance-médicaments. Toutes ces personnes se trouvent dans l'une des quatre provinces de l'Atlantique, où le nombre de personnes sans assurance-médicaments publique ou privée varie de 24 à 30 p. 100.

Voilà qui met fin à mon exposé. Nous serons ravis de répondre à vos questions.

Le président: Puisque vous étiez dans la salle lorsque nous avons eu notre discussion avec les témoins précédents, revenons-en à l'objectif dont nous parlions. Il s'agit d'essayer de veiller à ce que les Canadiens n'éprouvent pas de difficultés financières indues du fait d'une maladie et d'inclure dans ce calcul non seulement les hôpitaux et les médecins, mais aussi les médicaments. En se basant sur vos données et votre expérience du secteur de l'assurance-santé, vous qui aidez à élaborer des programmes et à présenter des données pour les programmes, pourriez-vous nous fournir un chapitre 7, puisque vous arrêtez au chapitre 6. Dans ce septième chapitre, vous répondriez à la question: Très bien, mon vieux, et maintenant: qu'est-ce que je fais? Autrement dit, vu notre objectif, quel est le régime qui permet de résoudre le problème?

M. Fraser: Ma spécialité, ce sont les régimes d'assurance. La difficulté technique, qui consiste à concevoir un régime, a été résolue. Il y a un certain nombre de modèles qui assurent déjà une protection à d'entières populations. On peut choisir entre divers modèles. Il y a celui de la Colombie-Britannique, celui du Québec et celui de l'Ontario. D'une façon ou d'une autre, ces trois provinces ont atteint cet objectif pour leur population.

La vraie difficulté, pour votre comité, c'est de trouver une norme nationale ou d'établir un objectif national, et là nous ne sommes plus tout à fait dans mon domaine de spécialité. Les problèmes fondamentaux sont financiers, constitutionnels et politiques.

Le président: Nous serions contents de traiter du premier.

M. Fraser: Le premier problème, c'est le problème financier. Cela dépend des limites à partir desquelles on considère qu'il y a des difficultés financières catastrophiques ou excessives. On ne parle cependant pas de sommes énormes. Le montant total des dépenses en médicaments est actuellement de 14 millions de dollars.

Le président: Quatorze, quelque chose.

Le sénateur Morin: C'est 15 p. 100 de 100 milliards de dollars.

M. Fraser: Le système indemnise déjà toutes les dépenses qui dépassent 75 $ par personne. Une bonne partie de cet argent, évidemment, représente des dépenses ordinaires qui ne méritent probablement pas qu'on s'y attarde dans cette discussion-ci.

Si nous disons que le problème, ce sont ces 800 000 personnes ou un million de personnes du Canada atlantique, nous parlons probablement de frais d'environ 100 $ par personne, ce qui signifie qu'il faut environ 80 millions de dollars pour résoudre cette question, à condition bien sûr de limiter le problème à cela. Je ne suis pas sûr que ce soit possible.

Le président: Nous ne pouvons pas le faire.

M. Fraser: Si l'on multiplie cela pour parvenir au niveau national, ou si l'on projette à l'ensemble de la population la somme de 80 millions de dollars servant à résoudre un problème de 2 p. 100 au Canada Atlantique, il faut envisager des coûts de 4 milliards de dollars.

M. Richard Shillington, directeur principal, Tristat Ressources: Le Canada Atlantique représente 8 p. 100 de la population. Vous pouvez utiliser un montant comparable d'argent. Dans d'autres provinces, vous pourriez multiplier par dix.

M. Fraser: Nous avons 2 p. 100. Nous multiplions par 50.

Le président: Nous n'avons jamais été très bons en calcul. Peu importe. C'est un gros chiffre.

M. Fraser: C'est un chiffre assez gros. Mais, pour l'essentiel, c'est de la redistribution.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus?

M. Fraser: Nous pourrions aller faire des calculs et revenir avec un chiffre plus précis. Cela dit, si nous parlons d'environ 80 millions de dollars pour donner à ces gens du Canada Atlantique qui n'ont pas d'assurance une certaine protection contre les dépenses élevées, et que l'on multiplie cela par 50, on obtient 4 milliards de dollars. On suppose donc, dans ce cas-ci, que l'on dispense tous les assurés de l'obligation de payer les frais de médicaments trop onéreux. C'est, grosso modo, un tiers des dépenses déjà prévues au système, et la plupart de ces dépenses sont déjà assurées par divers types d'assurances-médicaments. C'est un problème de redistribution. Si cela devient un programme fédéral, on retire environ 2 milliards de dollars de dépenses des régimes provinciaux et environ 2 milliards des régimes du secteur privé. La solution, c'est de ne pas permettre que cela devienne une source de profit inattendue. Il s'agirait probablement d'une charge sociale pour récupérer la part des employeurs ou d'une restructuration des transferts accordés aux provinces.

Le sénateur LeBreton: Je suis heureuse de voir que vous avez inscrit les dépenses annuelles par habitant de la plupart des Canadiens pour les médicaments d'ordonnance. C'est un montant relativement faible. Le problème à venir concerne ce que l'on appelle les coûts de médicaments «catastrophiques», ce que vous appelez «lourds».

L'essentiel se retrouve dans vos conclusions. Vous y dites qu'actuellement 100 000 Canadiens doivent payer plus de 5 000 $ par année. C'est sur ce groupe-là que nous devrions nous concentrer. Vous ajoutez qu'il est pratiquement sûr que ce chiffre va augmenter au cours des années à venir, en raison du coût plus élevé des médicaments et peut-être du fait que plus de gens vont s'en servir.

Pouvez-vous nous donner plus de détails ou des prévisions pour la situation dans cinq ans?

M. Fraser: Je n'ai pas de prévision quinquennale. Nous avons essayé de faire des extrapolations du secteur privé. Nous constatons une augmentation annuelle des dépenses en médicaments de 15 p. 100. Nos projections des dépenses pour les niveaux plus lourds révèlent une augmentation annuelle qui dépasse 20 p. 100. Cela s'explique en partie par le fait que certaines pharmacothérapies novatrices se répandent et rendent possible ces nouveaux niveaux de dépenses. Il faut dépasser le seuil. C'est comme la progression du taux d'imposition du revenu par tranche. L'augmentation d'une année à l'autre s'amplifie. Dans cinq ans, au lieu que le niveau repère soit à 5 000 $, on envisagera peut-être un chiffre repère qui sera le double.

La moyenne des dépenses en médicaments augmente beaucoup plus vite que les revenus. Le niveau repère de 5 000 $ augmenterait de 2 ou de 3 p. 100 par année, alors que les coûts des médicaments augmenteraient d'environ 20 p. 100 par année. Dans cinq ans, il y a aura beaucoup plus de gens concernés qu'aujourd'hui.

Le sénateur LeBreton: C'est là le problème.

Le président: Le problème, ce sont les 100 000 personnes et la façon dont ce chiffre va augmenter au fil du temps. La population croît à une plus grande vitesse que la dépense moyenne en médicaments.

Le sénateur Fairbairn: À mon sens, il y a un autre problème. Comment peut-on n'avoir absolument aucune protection?

Dans vos conclusions, au point 9, vous dites que 2 p. 100 des Canadiens n'ont absolument aucune assurance- médicaments et que toutes ces personnes habitent dans l'une des quatre provinces de l'Atlantique où le pourcentage de population qui n'a aucune assurance-médicaments publique ou privée varie entre 24 et 30 p. 100. Pouvez-vous me décrire la personne qui, au Canada, pour quelque raison que ce soit, n'a absolument aucune assurance-médicaments.

M. Fraser: Cela est plutôt facile à faire. Il faut vivre dans une province qui n'offre pas de programme universel. Quatre provinces se conforment à ce critère. On exclut toutes les possibilités d'assurance.

Les gens qui n'ont pas d'assurance sont ceux qui ne sont pas des personnes âgées, ceux qui ne sont pas des assistés sociaux et ceux qui n'ont pas un régime financé par un employeur ou qui n'ont pas de conjoint qui bénéficie d'un régime de ce type. Cela inclut beaucoup de gens. Cela inclut les chômeurs, ceux qui ont un emploi mais n'ont pas terminé le stage initial de trois mois qui précède leur adhésion au régime de l'employeur. Une personne peut également être employée par un petit employeur qui n'a absolument aucun régime ou travailler pour un employeur qui a un régime, mais à temps partiel, elle n'est donc pas admissible au régime. Cette personne peut également être à l'emploi d'un employeur dont le régime prévoit des cotisations versées par l'employé et prélevées sur sa paye et elle peut avoir choisi de refuser de cotiser. J'ai probablement raté deux ou trois autres exemples type.

M. Shillington: Il y a également deux groupes de travailleurs autonomes. Il y a ceux qui sont des professionnels et ceux qui se disent travailleurs autonomes, bien qu'en réalité ce soit des chômeurs. Je dois ajouter un troisième groupe, les employés à contrat. Vous connaissez cette pratique de plus en plus répandue d'embaucher à contrat des personnes qui sont traitées comme des travailleurs autonomes parce que l'employeur ne paie pas les cotisations au RPC ou à l'AE et que l'employé ne bénéficie d'aucun des avantages sociaux. Toutefois, à tout autre égard, ce sont probablement des employés.

Le sénateur Fairbairn: Je crois qu'il est important de préciser de qui nous parlons et des raisons pour lesquelles nous en parlons, parce que nous ne pouvons pas oublier ces gens-là.

Le sénateur Morin: Je n'arrive pas à comprendre comment vous obtenez ce chiffre de 80 millions de dollars. Si j'ai bien compris, pour un million de Canadiens, il y en a 1 000 qui ont des dépenses en médicaments qui dépassent 10 000 $. Sommes-nous d'accord là-dessus?

M. Fraser: Oui.

Le sénateur Morin: Mettons qu'il y a au Canada atlantique un million de personnes sans assurance et que, de ce million, il y a 1 000 personnes dont les médicaments coûtent plus de 10 000 $. Si ce régime assure 100 p. 100 des coûts, ce qui n'est pas le cas, cela représenterait 10 millions de dollars. D'où vient le chiffre de 80 millions de dollars? Aucun régime n'assure 100 p. 100 du coût des médicaments. Je me demande pourquoi vous dites qu'il faudrait 80 millions de dollars pour les coûts catastrophiques au Canada atlantique, alors qu'un régime qui assure les 800 000 habitants coûterait moins que 10 millions de dollars.

Ma deuxième question porte sur les statistiques d'avril 2002 de l'ICIS. Je prends l'exemple de la Nouvelle-Écosse parce que c'est une des plus grandes provinces de l'Atlantique et parce qu'il est plus facile d'en traiter. Ces dépenses totales en médicaments par habitant sont plus élevées que dans toutes les provinces, exception faite de l'Ontario. Le pourcentage des dépenses consacrées à des médicaments d'ordonnance est semblable à celui des autres provinces. Les dépenses publiques de Nouvelle-Écosse sont plus élevées que celles du Québec. À 34 p. 100, elles sont plus élevées qu'en Saskatchewan et au Manitoba.

Il y a là un étrange phénomène. La Nouvelle-Écosse dépense autant que les autres provinces. Son pourcentage public est aussi élevé que celui des autres provinces, par habitant. Elle dépense autant pour les médicaments d'ordonnance. Par conséquent, ce n'est pas une question de ressources. L'argent est dépensé pour le système de pharmacothérapie. Pour une raison que je ne m'explique pas, la Nouvelle-Écosse ne protège pas ses citoyens.

Les ressources publiques sont là. Le montant est le même que dans d'autres provinces. Cette province dépense 457 $ par habitant, comparativement à 429 $ au Québec. Il ne s'agit pas de ne pas dépenser d'argent. Pour je ne sais quelle raison, on ne dépense pas l'argent de la façon appropriée, puisqu'on ne protège pas les citoyens. Ces chiffres sont ceux de l'ICIS pour avril 2002.

Je n'ai pas parlé des autres provinces parce que leurs populations sont plus petites. J'ai pensé que la Nouvelle-Écosse serait un bon exemple.

M. Fraser: Je voudrais d'abord répondre à votre question au sujet des coûts. Franchement, il s'agit d'un chiffre que j'ai pratiquement inventé. Si je reprends vos calculs, je reconnais qu'il y a environ 1 000 personnes qui peuvent avoir des dépenses en médicaments supérieures à 10 000 $. En 2000, le dépassement moyen du montant de 10 000 $ pour ces personnes — et je n'ai pas les chiffres exacts avec moi — serait d'environ 50 000 $. Les 10 000 $ initiaux — jusqu'au seuil — coûteraient environ 10 millions de dollars.

Le sénateur Morin: De quel seuil parlons-nous?

M. Fraser: Dix mille dollars.

Le sénateur Morin: Lorsque vous parlez de coûts catastrophiques, vous incluez la partie assurée en deçà de ce montant?

M. Fraser: Non, je parle du montant qui dépasse ce seuil.

Le sénateur Morin: Ce qui est en deçà du seuil n'est pas pris en compte dans vos calculs.

M. Fraser: Non.

Le sénateur Morin: Cela est-il inclus dans vos 80 millions de dollars?

M. Fraser: Je dois vous présenter mes excuses. Ce chiffre de 80 millions de dollars, je ne l'ai pas établi au moyen d'une recherche poussée. C'est un chiffre que j'ai proposé aujourd'hui, pour donner un ordre de grandeur. Ce pourrait être aussi bien 60 millions de dollars que 80 millions de dollars.

Je suis arrivé à ce chiffre en disant que les dépenses totales en médicaments représentent de 500 $ à 600 $ par personne, selon la façon dont on les définit. Le niveau le plus élevé est probablement aux environs de 1 000 $. Il ne s'agit pas d'un calcul axé sur des données précises.

Le sénateur Morin: Qu'en est-il de la situation de la Nouvelle-Écosse que j'ai mentionnée?

M. Fraser: Les habitants de Nouvelle-Écosse se servent des médicaments à une fréquence semblable à celle de certaines provinces et plus élevée que celle d'autres provinces. Évidemment, ces médicaments sont achetés. Les pharmaciens et les entreprises pharmaceutiques ne les donnent pas gratuitement. D'une façon ou de l'autre, ces gens paient pour obtenir ces médicaments.

Nous savons que 24 p. 100 de la population paie de sa poche, mais pas pour 24 p. 100 des médicaments, parce que nous savons qu'environ la moitié des dépenses en médicaments dans chaque province concerne les personnes âgées et, dans le cas de la Nouvelle-Écosse, les personnes assurées. Il y a peut-être de 10 à 20 p. 100 des dépenses en médicaments qui sortent directement de la poche du consommateur.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, le montant réel pour la plupart des familles est relativement modeste. La question qui préoccupe ce comité, celle sur laquelle notre recherche a porté, ce sont les personnes relativement peu nombreuses qui doivent débourser non quelques centaines de dollars, mais bien des milliers et, éventuellement des dizaines de milliers de dollars.

Le sénateur Morin: La province dépense autant par habitant pour les médicaments que les autres provinces. Les autres provinces ont réussi à avoir une assurance-catastrophe, alors que la Nouvelle-Écosse ne l'a pas fait.

Le président: Je ne veux pas me lancer dans une discussion technique avec le sénateur Morin. Je ne suis pas d'accord avec le premier élément de son raisonnement. Les données indiquent que, en Nouvelle-Écosse, si l'on envisage le montant total dépensé pour les médicaments, environ 34 p. 100 sont versés par le secteur public, ce qui est semblable au pourcentage du Québec. Mais là n'est pas la question. Le problème se pose pour le reste des dépenses. Dans les provinces fortement syndiquées et les provinces qui ont de gros employeurs, le reste soit 66 p. 100, sera essentiellement financé au moyen de régimes d'assurance-médicaments pour employés. En Nouvelle-Écosse, une partie disproportionnée de ces 66 p. 100 doit être payée par des personnes qui n'ont pas de régime d'assurance. Voilà le problème.

Le problème, c'est que, dans les provinces hautement syndiquées, un pourcentage bien plus élevé de la population est assurée soit par un régime de protection complète, soit par un régime de protection partielle. Dans la région de l'Atlantique, en partie pour les raisons qu'ont fournies les témoins en réponse aux questions du sénateur Fairbairn, mais également en partie parce qu'il y a un pourcentage plus faible de travailleurs syndiqués et, par conséquent, un pourcentage plus faible d'employeurs ayant un régime d'assurance-médicaments, il y a plus de gens qui paient de leur propre poche.

On ne peut pas se reporter uniquement aux chiffres provinciaux. Il faut examiner le chiffre des dépenses non publiques et voir combien de ces dépenses sortent entièrement de la poche d'un particulier, par opposition au montant qui provient de régimes d'assurance partielle. Ces données-là ne sont pas là-dedans.

M. Shillington: Songez à la façon dont fonctionne le Régime Trillium d'assurance-médicaments, en Ontario. Si le coût de vos médicaments dépasse un montant qui correspond à 4 p. 100 de votre revenu, vous pouvez, en vertu de ce programme, présenter une demande et recevoir un remboursement, après soustraction d'une franchise. Cela protège les rares familles dont les coûts de médicaments sont très élevés.

Quel effet cela a-t-il sur les dépenses totales de la province? Très peu d'effet, parce que cela ne protège que ces quelques familles. Je ne crois pas que l'on puisse dire, pour reprendre l'exemple de l'Ontario, que le Régime d'assurance-médicaments Trillium soit une partie très importante des dépenses publiques en médicaments, comparativement aux dépenses privées. C'est un petit pourcentage du total des dépenses, mais il est important pour les familles concernées.

Le sénateur Morin: C'est pourquoi j'ai trouvé surprenant votre chiffre de 800 millions de dollars.

Le président: Il a dit que c'était un chiffre approximatif.

Le sénateur Robertson: Un peu plus tôt, dans votre exposé, vous avez fourni un chiffre sur le coût moyen des médicaments par personne.

M. Fraser: C'était 331 $.

Le sénateur Robertson: Pouvez-vous nous donner la moyenne pour les personnes âgées du Canada?

M. Fraser: Je n'ai pas ce chiffre.

Le sénateur Robertson: Pouvez-vous nous le faire parvenir? Merci.

Avez-vous une définition de «difficultés financières»?

M. Fraser: Nous n'avons pas de définition dont nous nous soyons servis au cours de cette recherche.

Le sénateur Robertson: Cinq pour cent de 25 000 $ ou de 20 000 $, c'est plus difficile que 5 p. 100 de 100 000 $.

M. Fraser: Il est généralement entendu que, si nous parlons de difficultés financières, cela s'établit par rapport aux ressources. Normalement, les ressources, c'est le revenu. Cela dit, lorsqu'on prend les cas extrêmes, il y a une certaine répartition, parce que l'actif entre également en ligne de compte.

Le sénateur Robertson: Les gens pauvres n'ont pas beaucoup d'actifs.

M. Fraser: Non, effectivement. Si le seuil est de 5 p. 100 pour les pauvres, vous accepterez peut-être un seuil plus élevé pour les personnes qui ont des actifs qui s'ajoutent au revenu.

J'ai déjà examiné cette question parce que, évidemment, elle m'a été posée. Je réponds que dans toutes les politiques gouvernementales en cours, on discerne une certaine tendance à établir ce seuil entre 3 p. 100 au minimum et 5 p. 100 au maximum. La Loi de l'impôt sur le revenu se sert d'un seuil de 3 p. 100 pour le crédit d'impôt pour dépenses médicales. En Saskatchewan, le seuil est de 3,4 p. 100. Au Manitoba, c'est un seuil à paliers, qui passe de 2 à 3 p. 100. En Ontario, il est fixé à 4 p. 100. Je suis prêt à accepter des seuils qui correspondent à cette gamme, mais il faut mettre cela en contexte, parce qu'on peut avoir un seuil pour les dépenses en médicaments de 3 à 5 p. 100 accompagnées d'un seuil de 3 à 5 p. 100 pour les soins à domicile. Cela dépend donc du nombre de ces seuils dont nous nous attendons que les contribuables profitent. Si nous avons des seuils multiples, nous voudrons peut-être prévoir un seuil de 2 p. 100.

Le sénateur Robertson: Je comprends la complexité et les écarts dont vous parlez. Une partie du problème tient peut- être au fait que l'impôt sur le revenu commence à être perçu à 7 900 $ de revenu, ce qui est parfaitement honteux. Si nous fondons nos modèles sur les exemples qui nous entourent, on pourra dire que nous ne sommes pas une société très soucieuse du bien-être d'autrui. Mais ce sont là des observations personnelles, et je passe donc à autre chose.

M. Fraser: Je pourrais peut-être ajouter, dans le cadre de cette discussion sur les seuils, les difficultés financières et les coûts catastrophiques, qu'il y a plusieurs utilisations du mot «catastrophique.» Il importe de les distinguer les unes des autres. Nous nous servons des mots «catastrophique» ou «lourd» pour essayer d'établir un objectif et, essentiellement, une définition statistique. Parler de dépenses lourdes ou de dépenses lourdes et infréquentes, cela a un sens précis. D'une certaine façon, cela est lié à un montant limite ou à la fréquence de certains événements. Cela est distinct de la question de savoir quel effet cela peut avoir sur les personnes à faible revenu, question bien importante en soi.

De nombreux aspects du groupe problème des coûts élevés des médicaments doivent être définis clairement. L'impact, non pas sur les particuliers mais sur les régimes du secteur public, du secteur privé et des accords de transfert, pourra mieux être évalué lorsque nous aurons un point de référence, soit un terme défini de façon indépendante comme la mesure de 10 000 $. Il faut oublier l'administration de ces régimes et se pencher plutôt sur les conséquences du problème pour les particuliers. Puis, nous devrons élaborer un mécanisme qui reflète l'impact sur le particulier. Chaque province doit le faire.

Nous avons déjà mentionné les provinces qui ont des dispositions concernant le pourcentage du revenu. Cependant, les provinces qui n'ont pas ces formules — des échelles mobiles — ont des plans progressifs. Ainsi, elles imposent des franchises moins élevées ou elles n'exigent pas de primes dans le cas des personnes à faible revenu. C'est une formule un peu boiteuse. Tout le monde reconnaît qu'il faut tenir compte du fardeau financier que cela représente pour les personnes à faible revenu. Cela doit faire partie intégrante de toute solution qui sera proposée à la fin de cet exercice.

Le sénateur Robertson: Le plan du Québec semble être assez bon et bien fonctionner, d'après ce qu'on nous a dit. Qu'en coûterait-il au gouvernement fédéral pour mettre en oeuvre un plan semblable dans toutes les provinces?

M. Fraser: Je pourrais probablement faire un calcul approximatif, mais il faudra un certain temps pour tout faire ces calculs.

Le sénateur Robertson: Pourriez-vous nous fournis ces chiffres s'il vous plaît?

M. Shillington: J'aimerais dire quelques mots sur l'évaluation du préjudice parce que j'ai étudié la pauvreté chez les enfants et j'ai évalué pendant plusieurs années ce que cela représentait.

On a parlé d'un crédit d'impôt pour les frais médicaux de 3 p. 100 du revenu net. Ce 3 p. 100 représente le montant associé à toutes les dépenses médicales, pas simplement les dépenses pour l'achat de médicaments. À ce moment-là, peut-être que le pourcentage réservé pour l'achat de médicaments serait inférieur à 3 p. 100. On pourrait à ce moment- là inclure d'autres types de frais médicaux privés.

Le crédit d'impôt pour frais médicaux est mal conçu parce qu'il dépend du revenu net du particulier et prend en compte les frais médicaux de toute la famille. Si votre comité se penchait sur les dispositions fiscales dans ce secteur, il faudrait étudier certaines des propositions qu'a formulées M. Fraser, par exemple les critères des avoirs.

J'ai beaucoup étudié les dispositions des programmes de soutien du revenu. Nous offrons un programme d'assurance-médicaments aux personnes âgées à faible revenu sans évaluer la valeur de leurs avoirs. Si nous mettions sur pied un programme d'assurance-médicaments pour les Canadiens à revenu moyen qui n'ont pas accès à un régime, devrions-nous procéder à une évaluation de leurs avoirs? Ces questions compliquent vraiment les choses, mais méritent tout de même d'être étudiées.

[Français]

Le sénateur Pépin: Nous savons que les assurances des employeurs sont une source importante de revenus pour plusieurs Canadiens, entre autres pour les retraités. Il y a un article qui a paru dernièrement dans le New York Times, dans lequel on spécifiait que les employeurs américains réduisaient considérablement les prestations à cause d'une augmentation de 40 à 60 p. 100 des frais des médicaments pour les retraités. Si les employeurs canadiens décidaient d'agir dans le même sens et de réduire les primes d'assurance-médicaments à l'intention des retraités, quel serait l'impact sur les personnes retraitées, mais aussi sur le régime public d'assurance-médicaments? Croyez-vous que la même chose pourrait nous arriver? Habituellement, lorsqu'ils ont un rhume, on a une pneumonie un peu plus tard.

[Traduction]

M. Fraser: Il n'y aurait pratiquement aucun impact sur les régimes publics parce que les régimes du secteur privé qui assurent les retraités, qui sont également assurés par le secteur public, sont secondaires. Les régimes publics remboursent en premier, et les régimes du secteur privé n'ont pas à rembourser ce qui serait normalement remboursé par le régime public. Le secteur public paie le même montant pour le retraité qui a un régime privé que pour celui qui n'en a pas. Si les employeurs décidaient de réduire la protection — et certains s'inquiètent vraiment de la protection assurée — cela n'aurait aucun impact sur le régime public.

Le sénateur Cordy: Vous avez présenté un excellent document, monsieur Fraser, il est bien préparé et facile à comprendre pour ceux qui comme moi n'ont pas de formation médicale.

Je viens de la Nouvelle-Écosse et j'ai étudié de près les statistiques que vous avez fournies aujourd'hui. Notre comité a à plusieurs reprises entendu qu'un très grand nombre d'habitants de la région de l'Atlantique ne sont pas protégés par un régime d'assurance-médicaments. Cela m'inquiète énormément et m'amène à me demander ce qui arrive à ces familles, du point de vue social. Vous nous avez bien décrit le genre de personne qui est dans cette situation; ça pourrait être quelqu'un qui vient de ma province, la Nouvelle-Écosse.

J'ai entendu parler d'un homme de la Nouvelle-Écosse qui était un travailleur à faible revenu. Il pouvait gagner juste assez d'argent pour faire vivre sa famille, mais c'était très serré. Il avait une fille qui souffrait de maladie chronique et il a demandé au gouvernement provincial de l'aider à acheter des médicaments pour sa fille. On lui a répondu que c'était impossible.

Cet homme n'a pas eu le choix, il a dû quitter son emploi pour recevoir l'aide sociale. L'impact social sur cet homme et cette famille était extraordinaire parce qu'il a perdu son estime de soi, et c'est un impact énorme si on le compare au petit montant que le gouvernement aurait dû payer pour assurer que sa fille reçoive les médicaments nécessaires.

Je viens de la région de l'Atlantique et je veux savoir quel serait le premier pas? Que devons-nous faire pour pouvoir le plus tôt possible assurer cette protection à ceux qui n'en ont pas?

M. Fraser: Nos rapports ont placé la région de l'Atlantique dans cette position défavorable. Ce n'est peut-être pas juste à certains égards parce qu'à l'exception d'une brève crise, l'épidémie du sida, l'Ontario n'aurait pas aujourd'hui le programme de médicaments Trillium et serait dans la même situation que la région de l'Atlantique si le gouvernement de cette province n'avait pas lancé une autre initiative pour créer un programme de cette nature.

La fin des années 90 a représenté une période pendant laquelle il était assez difficile pour les gouvernements provinciaux d'élargir leurs programmes. Si nous remontons en 1991, la région de l'Atlantique aurait eu des programmes comparables à ceux de toutes les autres provinces à l'exception de la Saskatchewan, de la Colombie- Britannique et du Manitoba qui avaient décidé de mettre sur pied un programme d'assurance-médicaments parallèle au programme d'assurance santé.

Le président: Ce n'est pas par hasard qu'il s'agit là des trois provinces qui avaient au cours des années 80 élu des gouvernements néo-démocrates.

M. Fraser: En 1990, à l'exception des trois provinces qui avaient eu des gouvernements néo-démocrates, les provinces offraient à peu près les mêmes programmes d'assurance-médicaments — aux personnes âgées et à ceux qui recevaient l'aide sociale. En 1990, l'Ontario a vécu la crise du sida; le gouvernement a alors dû agir. Au lieu de lancer un programme de lutte contre le sida, il a dit qu'il offrait un programme universel. Ce programme ne serait donc pas réservé aux homosexuels qui fréquentent la rue Church à Toronto, mais à tous les résidents de la province. Ce programme s'imposait parce que les médicaments pour le sida coûtaient très cher et personne ne pouvait se permettre de les acheter.

Le Québec a adopté plus récemment son système et se rapproche plus des choses qui se font aujourd'hui; les mesures prises par ce gouvernement il y a quatre ou cinq ans étaient dictées dans une large mesure par des pressions financières. Même si cette province a créé un programme qui assurait une protection universelle, elle a également réduit ses investissements dans les programmes du secteur public.

Je voulais vous présenter cet historique parce que je crois qu'il faut se garder de critiquer le Canada Atlantique car si sa situation financière avait été quelque peu différente au cours des cinq ou six dernières années, cette région dans sa politique publique aurait abordé les mêmes questions dont nous discutons aujourd'hui.

Comment passer à la prochaine étape? Deux outils utiles sont la sensibilisation et les pressions exercées par le public. Les données que nous avons recueillies indiquent que dans les quatre provinces de l'Atlantique, il y a environ 1 000 personnes qui pourraient justifier cette politique, et cela représente quelques centaines dans chaque province, et peut- être quelques douzaines à l'Île-du-Prince-Édouard. Il faut une masse critique pour qu'une politique soit logique et justifiée.

Il y a l'exemple de ce résident du Nouveau-Brunswick que vous avez mentionné dans votre rapport. Pendant quelques années, le gouvernement provincial, sans qu'il y ait une politique en ce sens, offrait une aide financière. Aucune loi ne stipulait que ce particulier avait le droit à cette aide, mais le gouvernement a pris les mesures nécessaires. C'est peut-être là un aspect de l'histoire culturelle du Canada Atlantique où l'on a tendance à avoir recours aux solutions particulières ou communautaires plutôt qu'au gouvernement. Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je ne suis pas un historien et je ne suis pas un expert en matière de politique sociale. C'était simplement un commentaire.

Le sénateur Cordy: Je ne veux pas critiquer la région Atlantique. C'est le plus bel endroit où vivre au Canada.

Je m'inquiète un peu lorsque je pense à ce qu'il peut arriver à une famille, du point de vue social, lorsqu'elle n'a pas accès à un régime d'assurance-médicaments.

Dans le cas des régimes privés, nous avons déjà vu des statistiques concernant le coût élevé des médicaments et la tendance à la hausse observée en matière de prix pour toutes sortes de raisons, qu'il s'agisse d'un nouveau médicament ou autre chose. Les prix élevés des médicaments auront certainement un effet sur les régimes privés, et même si ces compagnies existent pour offrir un service, elles veulent aussi réaliser un profit. Cette tendance entraînera-t-elle une augmentation des primes ou une réduction de la couverture et quelles seront les conséquences pour les Canadiens?

M. Fraser: Il y aura, il y a déjà eu une augmentation des primes. La tendance des taux, comme nous l'appelons dans les assurances, se situe à environ 16 à 18 p. 100. C'est ce que voudra la compagnie d'assurance l'année prochaine par rapport aux taux de cette année pour un régime d'assurance-médicaments et autres coûts médicaux supplémentaires. Il faudrait y ajouter encore 7 ou 8 p. 100 pour les soins dentaires. Effectivement, tout cela va coûter plus cher.

Cependant, il faut considérer deux aspects. Pour ce qui est du total, il est fort possible que tout augmente de 15 p. 100. C'est un problème financier mais ce n'est pas une question de distribution. L'autre cas est celui où il se présente des variations brusques ou des pics dans les statistiques. Il peut y avoir une personne avec 100 000 $ de frais et cette personne travaille pour un employeur de 40 personnes. Cela représente une charge très onéreuse pour le régime et crée des tensions dans le rapport entre l'assureur et l'employeur. Évidemment les assureurs essaient d'avoir les prix les plus bas possible.

Dans ce contexte, ce qu'il faut, c'est un mécanisme de mise en commun dans tout ce secteur et dans toute la société. Le Québec l'a déjà reconnu. Si on oblige tous les petits employeurs à assumer les coûts de leurs employés, alors certaines personnes qui n'ont pas de chance feront face à des primes prohibitives. Au Québec cette situation est réglementée par la loi.

De nombreuses compagnies d'assurance ont institué un système interne de mise en commun afin de stabiliser les prix. Toutes les demandes de règlement au-dessus d'une certaine somme sont regroupées et le coût est partagé. Cependant, cela exige une certaine discipline qui risque d'être minée par certaines forces du marché. Cela m'inquiète plus que l'augmentation totale des coûts car cela déstabilise les régimes du secteur privé.

Les employeurs ont la possibilité de faire payer les coûts par les employés et dans certains cas ils le font. Ils peuvent le faire en augmentant les retenues salariales et les franchises, ou bien l'employeur peut absorber les coûts lui-même et les faire assumer ensuite par les clients en augmentant les prix de leurs produits, si les clients sont en mesure de payer.

Le sénateur Robertson: J'ai une question supplémentaire qui se rapporte à l'observation historique de M. Fraser. Depuis plusieurs années, nous avons un régime d'assurance-médicaments intégral au Nouveau-Brunswick grâce à l'adoption d'une loi et de règlements.

Le président: Je devrais signaler que le sénateur Robertson a été pendant presque 10 ans le ministre de la Santé au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Keon: Je vous renvoie à la page 27 où il y a une ventilation intéressante. Sur la ligne du haut se trouvent les 47 p. 100 de la population en bonne forme et vous avez supprimé les 750 $ dans la colonne de gauche. Ensuite Solomon intervient pour établir les critères selon lesquels les 53 p. 100 qui restent seront ajoutés à cette ligne. Combien est-ce que cela coûterait au régime? J'ai l'impression que ça ne coûterait pas grand-chose.

M. Fraser: Voulez-vous parler du coût qu'il faudrait payer afin de ramener tout le monde à ce niveau de 750 $.

Le sénateur Keon: Même si de nombreuses personnes rejettent cette possibilité, parlons d'un régime national d'assurance-médicaments. Prenons la ligne supérieure de votre tableau — les 47 p. 100; éliminons le maximum de 750 $ ou la catégorie des 80 000; ensuite transférons, par les manoeuvres et les critères nécessaires, les 53 p. 100 qui restent dans cette catégorie, autrement dit, la catégorie qui jouit d'une protection particulière, dont les frais seront plafonnés.

M. Fraser: Je pense que je vous suis.

Le sénateur Keon: Même si c'était difficile, sur le plan technique ce serait faisable.

Tout compte fait, si vous pouviez savoir quelles étaient les recettes, j'ai l'impression que vous n'auriez pas besoin de beaucoup de recettes supplémentaires pour offrir ce soutien additionnel afin que toute la population se trouve dans la même situation que les 47 p. 100 à l'heure actuelle. La grande majorité des personnes dans la catégorie des 53 p. 100 peut aussi compter sur différents régimes et sources de revenus, etc.

M. Fraser: Je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que ce travail de recherche pourrait confirmer votre affirmation car il s'agit essentiellement d'une simulation de ce qui se passerait si tout le monde avait d'énormes dépenses de médicaments. Il faut tenir compte de l'ampleur de la protection qui existe et le fait que nous parlons de modifier des dispositions qui risquent d'affecter une personne sur mille. Alors, je reconnais que la création d'une disposition visant à plafonner les frais pour les personnes qui jouissent déjà d'une protection ne constituerait pas une énorme dépense par rapport au niveau de dépenses actuelles.

Le président: Cela correspond exactement à la définition d'un «filet de protection sociale». Comme l'a fait remarquer le sénateur Keon, le fait qu'il y a relativement peu de personnes qui bénéficieraient d'un programme ne change rien à la nécessité de ce programme. On pourrait même prétendre que cela le rend plus nécessaire. Les Canadiens ont tendance à préférer le partage du risque et l'assistance à ceux qui sont dans le besoin. S'il y a peu de personnes qui ont besoin d'aide, alors je suis du même avis que le sénateur Keon. Cela ne va pas coûter beaucoup d'argent pour protéger ce petit groupe. Nous allons vous demander de nous aider à concevoir un programme. Vous avez entendu notre discussion avec M. Ferguson tout à l'heure. Nous lui avons demandé ce qui se passerait s'il plafonnait le chiffre, à un niveau de 5 p. 100, par exemple. Quelle serait votre réaction à cette idée?

Le sénateur Cook: Je viens de Terre-Neuve. Nous sommes dans l'obligation de mettre au point un régime d'assurance qui convienne à cette région du Canada, compte tenu de la nature saisonnière du travail dans le secteur touristique, les pêches, etc. Il s'agit d'emplois occasionnels. Il faut tenir compte de jeunes mères qui travaillent par équipes pendant qu'elles élèvent leurs enfants. Elles font de leur mieux dans une région où les employeurs arrivent à peine à vivoter. Les gens sont obligés à certains moments d'avoir recours à l'assurance-emploi et ce n'est absolument pas de leur faute.

Ne pourrait-on pas faire preuve d'imagination en incluant une disposition dans l'assurance-emploi? Ce serait peut- être utopique. Il faut penser à la génération suivante car ce sont des enfants exposés à toutes les petites maladies de l'enfance et qui ne reçoivent pas les soins nécessaires. Le pays n'a pas le luxe d'ignorer ce problème car dans 20 ou 30 ans nous aurons une population de malades chroniques à cause du manque de soins. Nous devons trouver une façon de leur faciliter la vie.

Le président: Montrez-nous le chemin. Je vous demanderais d'y réfléchir et de nous faire connaître le fruit de votre réflexion. Évidemment le gouvernement fédéral ne peut pas prévoir un programme uniquement à l'intention du Canada atlantique. Nous cherchons non seulement à aider cette région du Canada mais les Canadiens de partout.

Est-il possible de concevoir un programme progressif dans la mesure où le montant de protection accordé à un bénéficiaire varierait selon son revenu, mais qui permettrait d'assurer la même couverture à tout le monde en tant que pourcentage du revenu?

Si cela signifie qu'il faudrait transférer la responsabilité de certains citoyens des provinces au gouvernement fédéral, ce ne serait pas nécessairement catastrophique car je crois que le nombre serait relativement limité.

M. Ferguson a fait une proposition et nous avons entendu un certain nombre de variantes. Ce qu'elles ont en commun, c'est qu'il faudrait déterminer le montant maximum afin d'éviter que quelqu'un supporte un fardeau financier excessif, que ce maximum soit un pourcentage du revenu ou autre chose. Il faut savoir quel serait un montant raisonnable et quelle serait le coût.

Si vous pouviez inclure cela dans votre rapport, comme chapitre 7, ce serait merveilleux.

Le sénateur Morin: Une autre possibilité serait d'imiter l'exemple du Québec. Le Québec n'est pas une province riche, loin de là. Nous avons créé un programme qui coûte cher. Les primes sont élevées et on vient de les augmenter. Plus d'un tiers de la population estime que nous devrions renoncer à ce programme. C'est un régime qui offre une bonne couverture selon le choix fait par la population du Québec. Il faut se rappeler que ce régime n'existe pas parce que le Québec est riche. Je maintiens que la Nouvelle-Écosse a le même pourcentage de protection privée que les autres provinces, même si le niveau est supérieur à celui de la Saskatchewan, et elle consacre autant d'argent aux médicaments.

Il n'y a pas de raison pour laquelle le Canada atlantique ne devrait pas envisager d'offrir une couverture pour des frais de médicaments catastrophiques. C'est une question de priorité. Je sais que le président a un autre point de vue.

Il est impossible d'appliquer ce que vous demandez à la situation du Québec. Je ne pense pas que l'on puisse appliquer le maximum de 750 $ au Québec. Le Québec va se retirer encore une fois parce que les provinces atlantiques n'assument pas les coûts réels.

Le président: Je vous remercie d'être venu. J'espère que vous allez réfléchir aux questions que nous avons soulevées. Quand vous aurez pris le temps d'y réfléchir, vous pourriez peut-être nous faire profiter de vos conclusions dès que possible.

M. Fraser: Ce serait un honneur. Je me suis trompé en parlant de 80 millions de dollars, et je voudrais officiellement le retirer quitte à vous donner plus tard un chiffre fondé sur de plus amples renseignements.

La séance est levée.


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